Nous assistons de façon graduelle à un processus de reconfiguration des modes d’habitation humains. Avec les planifications urbaines et paysagères, une place importante est consacrée aux espaces verts de proximité. Des parcelles...
moreNous assistons de façon graduelle à un processus de reconfiguration des modes d’habitation humains. Avec les planifications urbaines et paysagères, une place importante est consacrée aux espaces verts de proximité. Des parcelles végétalisées abondent dans la ville et les relents qui s’échappent de ces sociétés traduisent un certain chaos. La pollution, la surpopulation, l’aliénation du citoyen, le stress sont autant indices qui permettent de lire la gravité d’une crise urbaniste. Les humains se trouvent oppressés par un monde qu’ils ont eux-mêmes créé. Animé par des sentiments d’asphyxie et de solitude, l’être humain se met à s’interroger sur les rapports qu’il entretient à son espace et à chercher des solutions du côté du monde vert. La modernité, en favorisant certes la création de villes factices jugées hostiles pour la nature, a néanmoins rappelé à l’humain son lien intrinsèque à son écosystème. Le végétal possède la capacité de panser les plaies ; c’est le pont par lequel une reterritorialisation de la nature reste envisageable. En nous concentrant sur Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson et sur L’orme du Caucase et L’homme qui marche du japonais Jirô Taniguchi, nous espérons faire apparaître que la nature peut se transformer en source d’apaisement et de détente, avec des effets thérapeutiques indéniables qui aident à la reconstruction humaine et à l’embellissement de la ville. Autrement dit, l’être humain paraît trouver dans le végétal une quiétude et un charme qu’il ne trouve plus auprès de son semblable, happé par des contraintes qui lui font oublier la beauté du monde. La littérature met en scène des combinaisons permettant d’expérimenter le réel et de dire le monde. Elle explore aussi bien le monde urbain que le merveilleux enchantement d’une forêt. En éveillant l’humain à une conscience écologique, le monde littéraire donne à son tour des pistes permettant de voir l’environnement autrement que comme un simple décor. Cette pensée est relayée dans notre corpus, qui insiste sur la symbolique de la promenade, cette voie par laquelle on rencontre l’Autre nature, celle qui parvient encore à nous faire frémir et à nous émerveiller. Notre approche écocritique nous aidera à explorer la trajectivité de la « médiance » par laquelle la ville cultive ce nouvel art du lieu vert dans les œuvres choisies—véritables éloges du flâneur et du promeneur où les personnages ouvrent l’espace par des regards qui révèlent la nature. On peut alors en déduire que la marche, l’espace et le silence ont un impact sur l’harmonie du « vivre-ensemble ». Ainsi, ce travail suggère que ce n’est que par des déambulations et bifurcations que notre esprit peut s’ouvrir à l’idée que l’urbain a besoin du végétal et de sa capacité à redonner vie aux humains. En ce sens, notre corpus est une ode à la promenade, une invitation à sortir de chez soi pour pratiquer la ville.