Longtemps, lart prroman du Limousin est rest large-ment inconnu 1. Si lon excepte quelques donnes laconiques relatives au groupe piscopal de Limoges 2 , il a fallu attendre les annes 1960 et les fouilles archologiques engages sur...
moreLongtemps, lart prroman du Limousin est rest large-ment inconnu 1. Si lon excepte quelques donnes laconiques relatives au groupe piscopal de Limoges 2 , il a fallu attendre les annes 1960 et les fouilles archologiques engages sur le site de Saint-Martial de Limoges pour que larchitecture prromane donne voir quelques-uns de ses vestiges. Dautres fouilles ou dcouvertes fortuites sont ensuite venues toffer ce mince corpus, mais les donnes matrielles restaient pauvres. Cest dans ce climat que parut la thse de M. Aubrun consacre aux anciennes paroisses du Limou-sin 3. Ne pouvant sappuyer sur le moindre monument en lvation, nayant sa disposition quun nombre drisoire de tmoignages archologiques, lauteur dut laborer sa propre mthode afin de retracer la chronologie de llaboration du rseau paroissial. En combinant ltude des sources, la toponymie plus particulirement lhagiotoponymie et la prise en compte de ltendue des diffrentes paroisses, M. Aubrun dgageait trois grandes phases dans la constitution du tissu paroissial : des origines au VII e s. ; du VII e s. la fin du IX e , et enfin du X e au XII e s. A len croire, prs de 300 lieux de culte pourraient tre rattachs la premire phase, et lon compterait la fin du IX e s. de 700 800 paroisses. Quand on sait que les paroisses pouvaient compter plusieurs difices cultuels, cest prs de 1000 glises quil faudrait alors restituer dans le paysage limousin des environs de 900. La dernire phase retenue par lauteur enrichit ce panorama denviron 200 paroisses, souvent danciennes chapelles castrales ou des fondations priorales promues au rang de paroissiales (dans le deuxime cas, il sagit de prieurs-cures, terme sur la ralit matrielle duquel nous reviendrons). Au-del du terme chronologique fix cette enqute, quelques nouvelles paroisses furent cres 4 , mais la configuration du rseau paroissial mdival ne connut plus dinflexion majeure. En 1987, loccasion du millnaire du sacre dHugues Capet, B. Barrire se voyait charge de restituer une es-quisse du paysage monumental Limousin aux environs de lan mil, tche combien dlicate 5. En ce qui concerne les glises, malgr quelques fouilles nouvelles venues complter nos connaissances par rapport au dbut des annes 1980, B. Barrire ne pouvait que souligner limportant dcalage entre les donnes de lenqute conduite par M. Aubrun et la ralit monumentale : labondance que laissait entrevoir ltude historique on ne pouvait quopposer lindigence des donnes matrielles, particulirement frappante pour les glises rurales. Lauteur en appelait donc au dveloppement de la recherche archologique, seule science mme de nous rvler la nature de cette architecture religieuse ru-rale prromane. A loccasion de la parution de lAtlas des premiers monuments chrtiens de la France 6 , J. M. Des-bordes ritrait le mme constat, et lui aussi en appelait au dveloppement des recherches archologiques pour tenter dattnuer le dcalage entre les intuitions historiques et la ralit matrielle. Ds les annes 1970, quelques fouilles archologiques avaient bien t menes sur des difices ruraux, mais le mouvement sest acclr depuis une quinzaine dannes avec la cration du Service Rgional de lArchologie 7 qui a dcid daccorder une attention toute particulire aux glises. Prcisons toutefois que ces interventions restent limites dans le temps et dans lespace. Les travaux sont souvent modestes (pose de drains, dclairage, mise en place dun nouveau dallage, reprise ponctuelle du sous-uvre) et seuls les secteurs directement menacs sont tudis. Le but premier de ces fouilles dites de sauvetage ou prventives nest pas ltude du monument, mais la prservation de donnes archologiques menaces par les travaux. Seules quelques rares fouilles programmes se sont attaches une analyse plus complte des glises et de leur environnement 8. Au total, ce sont prs de 70 difices ruraux du Limousin qui, depuis les annes 1970, ont fait lobjet dinvestigations archologiques (fig. 1). Du fait des contraintes voques prcdemment, les donnes issues de ces fouilles restent souvent partielles, mais eu gard la consistance non ngligeable de ce corpus, il est dores et dj possible desquisser un bilan global de lapport de larchologie la La multiplication des investigations archéologiques sur les églises rurales du Limousin offre un bilan contrasté. Contrairement aux espérances, elle ne compl�te que tr�s faiblement notre connaissance de l'architecture préromane de la région (ce qui am�ne � soupçonner la possible « pauvreté » de celle-ci). A l'inverse, l'archéologie enrichit fortement notre connaissance du cimeti�re et des tombes, permettant notamment d'affiner des typo-chronologies anciennes ou de mettre en évidence des fluctuations de l'es-pace cimetérial. Combinée � d'autres outils scientifiques (données archivistiques), elle rév�le l'existence de structures jusqu'alors souvent ignorées : enclos ecclésiaux, habitats associés (la�cs ou ecclésiastiques), structures de stockage… Toutes ces informations éclairent d'un jour nouveau la nature et la morphogen�se de l'espace ecclésial rural.
