La Conquête par la Grande-Bretagne de la Nouvelle-France a provoqué de nombreux débats sur la norme à appliquer à la nouvelle colonie britannique. Si les populations ont fait valoir de nombreuses revendications, tant dans le camp des...
moreLa Conquête par la Grande-Bretagne de la Nouvelle-France a provoqué de nombreux débats sur la norme à appliquer à la nouvelle colonie britannique. Si les populations ont fait valoir de nombreuses revendications, tant dans le camp des anciens colons français (revendiquant notamment un coût plus faible de la justice, une procédure simplifiée) que des nouveaux colons britanniques (revendiquant le bénéfice de l’habeas corpus notamment), les juristes ont mené une étude et une comparaison des qualités du droit civil et de la coutume de Paris au regard de celles de la common law.
Plusieurs auteurs et administrateurs britanniques se sont penchés sur cette question, analysant les qualités intrinsèques, l’opportunité de l’application de telle ou telle norme, et appelant de leurs vœux, à l’occasion, un rapprochement des deux systèmes. On trouve parmi ces auteurs des juristes des plus grandes cours britanniques (Edward Thurlow, Lord chancellor et sollicitor-general, Lord Mansfield, chief Justice des Commons Pleas), des juristes représentant les intérêts de certains groupes (Cugnet, seul auteur canadien français, Edmund Burke (député à la chambre des communes), Maseres représentant des intérêts colons américains et néo-canadiens) ou des administrateurs (les gouverneurs Murray, Carleton, Haldimand). Les formes choisies pour ces comparaisons sont diverses : lettres officielles, rapports de commission, pamphlets et publications de doctrine. Si aucun auteur n’adopte à proprement parler une véritable méthode comparatiste moderne, ils sont nombreux à développer des méthodes d’analyses pertinentes, faisant primer l’objectivité à la fidélité à un système juridique. Leurs personnalités transparaissent également dans leurs contributions : débat engagé jusqu’à l’excès (Cugnet, Maseres) neutralité apparente (Thurlow), visées politiques et pragmatique (Grey, Murray et Carleton). De nombreuses dimensions des systèmes de common law et de droit civil sont appréhendés : cohérence, sévérité du système pénal, efficacité, désuétude alors que des thèmes, caractéristiques ou domaines sont plus précisément analysés : régime seigneurial, douaire, procédure, jury, prison pour dette, habeas corpus, technique du writ, règle de la meilleur preuve, présomption d’innocence…
In fine, ces contributions servent à nourrir le débat autour de l’Acte de Québec, adopté par la Chambre des communes en 1774. Œuvre de compromis, celui-ci ne tire pas pleinement parti des réflexions générées par ce comparatisme mené sur une quinzaine d’année. Plusieurs options modernes proposées par ces auteurs sont écartées au profit d’un statu quo légitimé par le contexte politique de ces années, la politique primant sur la raison juridique. Les auteurs du début du XIXe siècle poursuivront alors cet exercice de comparaison en formulant certaines critiques au système juridique hybride né de l’Acte de Québec et la survivance de certains archaïsmes (comme le douaire) à l’heure du libéralisme économique.