L’Exilée
Par Pierre Loti
()
À propos de ce livre électronique
Pierre Loti
Pierre Loti, né Louis Marie Julien Viaud le 14 janvier 1850 à Rochefort et décédé le 10 juin 1923 à Hendaye, est un écrivain français de renom et officier de marine. Sa carrière littéraire, nourrie par ses voyages autour du monde, l'a établi comme un maître de la littérature exotique et un observateur perspicace des cultures étrangères. Entré à l'École navale en 1867, Loti commence une carrière d'officier qui le mène aux quatre coins du globe. Ces expériences alimentent son oeuvre littéraire, marquée par des romans comme « Aziyadé » (1879), « Le Mariage de Loti » (1882), et « Pêcheur d'Islande » (1886), qui lui valent une immense popularité. Son style, caractérisé par un lyrisme sensible et une capacité à capturer l'essence des lieux et des cultures, se retrouve dans « Quelques aspects du vertige mondial ». Cet ouvrage témoigne de son engagement intellectuel face aux bouleversements de la Première Guerre mondiale, offrant une analyse géopolitique nourrie par sa vaste expérience internationale. Élu à l'Académie française en 1891, Loti continue d'écrire et de voyager, produisant des témoignages historiques précieux comme « La Turquie agonisante » (1913). Son oeuvre, oscillant entre romans exotiques et réflexions sur les changements mondiaux, fait de lui un témoin privilégié de son époque. La sensibilité de Loti aux cultures étrangères et sa capacité à analyser les bouleversements sociaux se reflètent pleinement dans « Quelques aspects du vertige mondial », confirmant son statut d'écrivain-voyageur et d'observateur avisé des transformations de son temps.
En savoir plus sur Pierre Loti
Le roman d’un enfant Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPêcheur d'Islande Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Derniers Jours de Pékin Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAu Maroc Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJaponeries d'automne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Troisième Jeunesse de madame Prune Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPêcheur d’Islande Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Livre de la pitié et de la mort Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVers Ispahan Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa fille du ciel: Drame Chinois Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Pèlerin d'Angkor + Guide Pratique Illustré Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Mosquée verte Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à L’Exilée
Livres électroniques liés
L'Exilée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe secret de l'échafaud Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Feu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne Histoire Sans Nom: Ni diabolique ni céleste, mais...sans nom. Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne histoire sans nom Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa princesse Flora Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSonyeuse Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Feu: Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe secret de l'échafaud Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Mystère d'un vieux château Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationExercices de stèles: Le grand retour des cendres Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'enfant maudit Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes pour les baigneuses Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPoèmes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJeux de miroirs: Une énigme douce-amère Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa petite fille aux cheveux noirs: Un roman noir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes poèmes d'Edgar Poe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAutels privilégiés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes populaires de Musaeus Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSylvie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPoèmes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Spleen de Paris: Petits poèmes en prose Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSmarra, ou les démons de la nuit Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Coffret de Santal Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHistoires souveraines Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'automne d'une femme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDivagations Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJadis et naguère: Un recueil de Paul Verlaine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Hôtel Saint-Pol Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Fiction d'action et d'aventure pour vous
Face au Drapeau Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMoby Dick Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Comte de Monte-Cristo Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Tour du monde en quatre-vingts jours Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les vacances Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Conspiration des Milliardaires: Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMadame Bovary (Edition française) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationConsuelo Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5La Dame de Monsoreau Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVol de nuit Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEvolution: l’avenir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation20 Histoires d'horreur qui glacent le sang Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe café Procope Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe temps des barbares: Attila, les dernières années de Calugum Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Parfum de la Dame en noir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTokyo des ténèbres: Polar urbain Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Une seconde chance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Parfum de la Dame en Noir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes et légendes oubliés de la mythologie grecque: Recueil Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa terre de Tom Tiddler Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPetit abécédaire d'étonnements Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationComme si de rien n'était Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5À l’écoute de son monde intérieur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationComment Gagner de L'argent Sur Internet Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNouvelles de Malaisie: Récits de voyage Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Un Cadre Imparfait Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFables et contes de Kabylie: Contes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes maîtres mosaïstes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationChronique des Mondes - Tome 3: Prélude Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes aventures de Télémaque: Épopée antique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur L’Exilée
0 notation0 avis
Aperçu du livre
L’Exilée - Pierre Loti
Pierre Loti
L’Exilée
Varsovie 2019
Table des matières
CARMEN SYLVA
L'EXILÉE
CONSTANTINOPLE EN 1890
CHARMEURS DE SERPENTS
UNE PAGE OUBLIÉE DE MADAME CHRYSANTHÈME
LES FEMMES JAPONAISES
CARMEN SYLVA
Novembre 1887.
Au courant de ma vie errante, il m'est arrivé une fois de m'arrêter dans un château enchanté, chez une fée.
Le son lointain du cor dans les bois a le pouvoir de faire revivre pour moi les moindres souvenirs de ce séjour.
C'est que le château de la fée était situé au milieu d'une forêt profonde dans laquelle on entendait constamment des trompettes militaires au timbre grave se répondre comme de très loin. Ces sonneries étrangères, inconnues, avaient une mélancolie à part, semblaient des appels magiques, dans l'air sonore qu'on respirait là,–l'air silencieux, vif et pur des cimes...
La musique a pour moi une puissance évocatrice complète; des lambeaux de mélodie ont conservé, à travers le temps, le don de me rappeler mieux que toutes les images certains lieux de la terre, certaines figures qui ont traversé mon existence.
Donc, quand j'entends au loin des trompes sonner, je revois tout à coup, aussi nettement que si j'y étais encore, un boudoir royal (car la fée dont je parle est en même temps une reine), donnant par de hautes fenêtres gothiques sur un infini de sapins verts serrés les uns aux autres comme dans les forêts primitives. Le boudoir, encombré de choses précieuses, est d'une magnificence un peu sombre, dans des teintes sans nom, des grenats atténués tournant au fauve, des ors obscurcis, des nuances de feu qui s'éteint; il y a des galeries comme de petits balcons intérieurs, il y a de grandes draperies lourdes masquant des recoins mystérieux dans des tourelles... Et la fée me réapparaît là, vêtue de blanc, avec un long voile; elle est assise devant un chevalet et peint sur parchemin, d'un pinceau léger et facile, de merveilleuses enluminures archaïques où les ors dominent tout, à la manière byzantine: un travail de reine du temps passé, commencé depuis trois années, un missel sans prix, destiné à une cathédrale.
Le costume blanc de la fée est de forme orientale, tissé et lamé d'argent. Mais le visage, qui s'encadre sous les plis transparents du voile, a ce je ne sais quoi d'adouci, de nuageux qui n'appartient qu'aux races affinées du Nord. Et pourtant il règne dans tout l'ensemble une si parfaite harmonie qu'on dirait ce costume inventé précisément pour la fée qui le porte.–Pour cette fée qui a écrit elle-même quelque part: «La toilette n'est pas une chose indifférente. Elle fait de vous un objet d'art animé, à condition que vous soyez la parure de votre parure.»
Avec quels mots décrire les traits de cette reine? Comme la chose est délicate et difficile! Il semble que les expressions ordinaires, qu'on emploierait en parlant d'une autre, deviennent tout de suite irrévérencieuses, tant le respect s'impose dès qu'il s'agit d'elle. L'éternelle jeunesse est dans son sourire, elle est sur ses joues d'un inaltérable velouté rose; elle brille sur ses belles dents, claires comme de la porcelaine. Mais ses magnifiques cheveux, que l'on voit à travers le voile semé de paillettes argentées, sont presque blancs!... «Les cheveux blancs, a-t-elle écrit dans ses Pensées, sont les pointes d'écume qui couvrent la mer après la tempête.»
Et comment exprimer le charme unique de son regard, de ses yeux gris limpides, un peu enfoncés dans l'ombre sous le front large et pur: charme de suprême intelligence, charme d'infinie profondeur, de discrète et sympathique pénétration, de souffrance habituelle et d'immense pitié! Très changeante est l'expression de ce visage, bien que le sourire y soit presque à demeure.–«Cela fait partie de notre rôle à nous, me dit-elle un jour, de constamment sourire comme les idoles.»–Mais ce sourire de reine a bien des nuances diverses; quelquefois c'est tout à coup de la gaieté fraîche, presque enfantine; très souvent c'est un sourire de mélancolie résignée,–par instants même, de tristesse sans bornes.
Des chagrins qui ont blanchi les cheveux de cette souveraine, il en est un que je sais,–que je puis mieux que personne comprendre,–et qu'il m'est permis de dire: au milieu du grand jardin d'une résidence royale, on m'a conduit par son ordre au tombeau d'une petite princesse qui lui ressemblait, qui avait hérité de ses traits et de son beau front large.
Sur le tombeau, j'ai lu ce passage de l'Evangile: «Ne pleurez pas, elle n'est pas morte, elle dort.» Et en effet, la petite statue couchée semble dormir paisiblement dans sa robe de marbre.
«Ne pleurez pas.» Pourtant la mère de la petite endormie pleure encore, pleure amèrement son enfant unique. Et voici une phrase d'elle qui souvent me revient à la mémoire, comme si une voix la redisait en dedans de moi-même avec une lenteur funèbre: «Une maison sans enfant est une cloche sans battant; le son qui dort serait bien beau peut-être, si quelque chose pouvait le réveiller.»
Oh! comme je me rappelle les moindres instants de ces causeries exquises dans ce boudoir sombre, avec cette reine vêtue de blanc.–Au commencement de ces notes, j'ai dit une fée. C'était une manière à moi d'indiquer un être d'essence supérieure. Aussi bien, je ne pouvais pas dire: un ange, car ce mot-là, on a abusé au point d'en faire quelque chose de suranné et de ridicule. Et il me semble d'ailleurs que ce nom de fée, pris comme je l'entends, convient bien à cette femme–jeune avec une chevelure grise; souriante avec une extrême désespérance; fille du Nord et reine d'Orient; parlant toutes les langues et faisant de chacune d'elles une musique; charmeuse toujours, ayant le don de jeter autour d'elle, quelquefois rien qu'avec son bon sourire, une sorte de charme bienfaisant qui relève, qui rassérène, qui console...
Donc, je revois en esprit la reine avec son long voile (je n'ose plus dire la fée, à présent que je l'ai désignée plus clairement). Elle est devant son chevalet et elle me parle, tandis que les dessins archaïques, qui semblent sortir tout naturellement de ses doigts, s'enroulent sur le parchemin du missel. Auprès de Sa Majesté sont assises deux ou trois jeunes filles, ses demoiselles d'honneur,–jeunes filles brunes, dont le costume oriental est de couleurs étranges, tout doré et pailleté; elles lisent, ou elles brodent sur de la soie de grandes fleurs aux nuances anciennes; elles relèvent leurs yeux noirs de temps à autre, quand la conversation qu'elles entendent les intéresse davantage. La place que Sa Majesté me désigne d'ordinaire est en face d'elle, près d'une fenêtre où une glace sans tain d'une seule pièce donne l'illusion d'une large ouverture à air libre sur la forêt d'alentour.–C'est que, par un raffinement d'artiste, le roi a laissé la forêt sauvage, primitive à vingt pas de ses murs; par les fenêtres des appartements royaux, on ne voit plus que des sapins gigantesques, des dessous de branches, des dessous de bois,–ou bien de grands lointains verts, les cimes boisées des Karpathes, s'étageant les unes par-dessus les autres dans l'air étonnamment pur. Et cette forêt, qu'on sent là tout près, répand dans le château magnifique une impression d'enchantement et de mystère...
Des phrases entières de la reine me reviennent en mémoire avec leurs inflexions doucement musicales. Je répondais à demi-voix, car il y avait dans ce boudoir une sorte de recueillement d'église. Je me souviens aussi de ces silences quelquefois, après qu'elle avait dit une chose profonde, dont le sens paraissait se prolonger au milieu de ce calme. Et c'est alors, dans ces intervalles, que j'entendais, comme venant des extrêmes lointains de la forêt, des sonneries militaires inconnues dont le timbre grave ressemblait à celui du cor. On était en automne et je me rappelle même ce détail infime: les derniers papillons, les dernières mouches, entrés étourdiment pour mourir dans ce tombeau somptueux, battaient de leurs ailes, tout près de moi, la grande glace claire.
J'ai dit que la voix de la reine était une musique,–et une musique si fraîche, si jeune! Je ne crois pas avoir jamais entendu son de voix comparable au sien, ni jamais avoir entendu lire avec un charme pareil. Le lendemain de mon arrivée, Sa Majesté avait exprimé la curiosité de connaître mon impression sur certain poème allemand, nouveau pour moi. Son secrétaire me mit en garde dans une causerie particulière: «Si la reine vous le lit elle-même, dit-il, vous ne pourrez pas juger; n'importe ce que lit la reine semble toujours délicieux,–comme les morceaux qu'elle chante; mais si on reprend le livre après, pour lire seul, ce n'est plus du tout cela, on a souvent une complète désillusion.»
J'ai pu voir ensuite combien cet avertissement était fondé; ayant eu l'honneur d'assister à une lecture que Sa Majesté faisait aux dames de la cour de certains chapitres d'un de mes livres, je ne reconnaissais plus mon œuvre, tant elle me paraissait embellie, transfigurée.
De tout ce château de Sinaïa, qui semble, au milieu de cette forêt, quelque vision d'artiste devenue réalité par la vertu d'une baguette magique, rien n'est resté si nettement gravé dans ma mémoire que ce boudoir de la reine. Il y a déjà du vague dans les images qui me reviennent de ces longues galeries aux tentures pesantes, aux panoplies d'armes rares; de ces escaliers où circulaient des dames d'honneur, des huissiers, des laquais; de ces salles Renaissance, qui faisaient songer à un Louvre habité, à un Louvre du temps des rois; de cette salle de musique, favorable aux rêves, haute et obscure, à merveilleux vitraux, où était le grand orgue dont la reine jouait le soir... tandis que je retrouve tout de suite d'une manière complète cet appartement où Sa Majesté voulait bien quelquefois m'admettre auprès de son chevalet ou de sa table de travail. Il semblait, quand on avait été autorisé à franchir ces doubles portes et ces draperies d'entrée, qu'on eût pénétré dans une région de haute sérénité où tant de gens et de choses n'avaient plus le pouvoir d'atteindre. Et c'est toujours là de préférence que je me représente en pensée cette reine dont j'ai été l'hôte. Lorsqu'elle marchait à travers le boudoir, la blancheur de son costume tranchait sur le fond