Femme hors champ: Roman psychologique
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À propos de ce livre électronique
Laura aimerait bien… une carrière qui la mettrait en lumière, rencontrer l’homme idéal, échapper au sort d’une mère provinciale et fade et suivre l’exemple d’une grand-mère urbaine et originale. Insatisfaite, elle abuse de stratagèmes qui, pour pimenter sa vie, la compliquent ainsi que celle de ses proches, sans jamais satisfaire sa quête de sens.
En ce début du XXIe siècle, secoué par un regain de violence, les choix hasardeux d’un « Machiavel aux petits pieds » ne sont pas sans conséquences. De petites compromissions elle dérive peu à peu vers son souhait ultime, se trouver au cœur de l’action…
Femme hors champ est une formidable étude de caractères. Laura la fille, mais aussi sa mère et sa grand-mère composent un trio de femmes dont chacune reflète son époque. Dernière de la lignée, Laura hérite des espoirs et frustrations des générations précédentes. À quel point est-elle maître de son destin ?
Avec subtilité, Frédérique Vervoort dessine un être ambivalent : mue par une volonté farouche, Laura partage avec nous cette aspiration universelle à « trouver sa place ». Nombriliste, elle ne s’embarrasse pas de procédés pour atteindre son but. À la fois touchante et détestable, elle est comme un élastique, toujours en tension, toujours au bord de la rupture. Faut-il y voir le symbole d’une génération désenchantée ?
La plume fluide et élégante de Frédérique Vervoort et son attention particulière pour ces fêlures qui en disent long sur la psychologie des personnages font de ce roman un régal.
EXTRAIT
Je n'ai rien contre ma mère. Disons que je n'ai rien pour non plus. C'est ma grand-mère qui m'a élevée, et puis elle est morte,à quatre-vingts ans, d'une rupture d'anévrisme bien nette.
Mamilou (elle détestait qu'on l'appelle Mémé, ce dont je ne me privais pas, pour rire) était le contraire de sa fille. Elle avait été une Louise flamboyante, enceinte sans remords d'un G.I. rouquin, natif de Virginie, qu'une balle perdue avait rayé de son cœur juste à la fin de la guerre, manque de bol… Mais elle avait surmonté avec panache la dèche et les préjugés pour mettre au monde cette petite chose molle et sans éclat : ma mère. Un enfant d'après-guerre, qui payait pour les années de privations et d'infortune. La gamine avait une santé fragile, un caractère faible, une âme mal trempée, et il me semble qu' elle a tout de suite accepté le rôle de boulet que le destin lui avait assigné. Bringuebalée de pension en appartement précaire, elle n'a cependant jamais été reniée par sa mère. Pas vraiment. Mais Louise s'est sentie flouée. Elle aurait voulu accoucher d'une lionne. Elle s'est retrouvée avec un chaton malingre. Aussi s'est-elle enchantée du choix de Victoire, sa fille si mal nommée, d'épouser tout à trac un épicier de village bien trop âgé pour elle. Enfin, un autre reprenait le fardeau.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Maître-assistante à la Haute École Charlemagne en Belgique, Frédérique Vervoort réside à Liège. Franco-belge, elle demeure attachée à l'héritage culturel de ses deux pays d'origine.
L'écriture la passionne depuis toujours, mais c'est seulement maintenant qu'elle prend le temps de s'y consacrer et de partager avec les lecteurs ce qui n'était, jusqu'alors, qu'un plaisir personnel.
Ses romans et nouvelles nous plongent dans une atmosphère intimiste et mystérieuse. Suspense garanti pour ce remarquable auteur qui marche sur les traces de Simenon.
En savoir plus sur Frédérique Vervoort
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Aperçu du livre
Femme hors champ - Frédérique Vervoort
Femme hors champ
Frédérique Vervoort
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CHAPITRE 1
LAURA
J'ai toujours aimé la vision des champs de blé au soleil. Une plénitude dorée, ondoyante, sous un ciel limpide, voilà ma conception du bonheur. Pas de pensée superflue. Un air tiède qui infuse en douceur une lumière au parfum de céréales. Blé – pain. Un binôme satisfaisant. De la blondeur qui se mâche. Un océan d'épis. On a envie de s'y coucher. D'y dormir pour de bon. Il paraît que ça pique. Je n'ai jamais essayé.
Je vis en ville. La campagne, j'y vais par à-coups, quand j'y suis obligée. Là est le paradoxe. Et les champs de blé, je les longe en voiture, trop vite, en pestant contre les tracteurs chargés de foin qui retardent ma course. Parce que je sais qu'au bout de la route, après les vagues bucoliques des graminées oscillant dans la clarté de juillet, il y aura le village, la maison – et ma mère.
Je n'ai rien contre ma mère. Disons que je n'ai rien pour non plus. C'est ma grand-mère qui m'a élevée, et puis elle est morte,à quatre-vingts ans, d'une rupture d'anévrisme bien nette.
Mamilou (elle détestait qu'on l'appelle Mémé, ce dont je ne me privais pas, pour rire) était le contraire de sa fille. Elle avait été une Louise flamboyante, enceinte sans remords d'un G.I. rouquin, natif de Virginie, qu'une balle perdue avait rayé de son cœur juste à la fin de la guerre, manque de bol… Mais elle avait surmonté avec panache la dèche et les préjugés pour mettre au monde cette petite chose molle et sans éclat : ma mère. Un enfant d'après-guerre, qui payait pour les années de privations et d'infortune. La gamine avait une santé fragile, un caractère faible, une âme mal trempée, et il me semble qu' elle a tout de suite accepté le rôle de boulet que le destin lui avait assigné. Bringuebalée de pension en appartement précaire, elle n'a cependant jamais été reniée par sa mère. Pas vraiment. Mais Louise s'est sentie flouée. Elle aurait voulu accoucher d'une lionne. Elle s'est retrouvée avec un chaton malingre. Aussi s'est-elle enchantée du choix de Victoire, sa fille si mal nommée, d'épouser tout à trac un épicier de village bien trop âgé pour elle. Enfin, un autre reprenait le fardeau. L'âge semblait garantie de stabilité. Néanmoins quand celui-ci est mort prématurément - arrêt cardiaque, boum, le nez dans les conserves de cassoulet – elle a accepté de m'élever pour moitié. Parce que – mystère de la génétique – j'avais sauté une génération et que mes traits, ma rousseur d'écureuil, lui rappelait Mark, le G.I. perdu. J'avais aussi hérité d'un tempérament volcanique et têtu, le contraire de celui de ma mère. Mon père, je l'avais trop peu connu pour porter un jugement. J'étais, bizarrement, la fille de mes grands-parents, et ma mère avait très vite accepté cet état de fait. J'étais donc partie vivre en ville, avec Mamilou, qui travaillait comme secrétaire dans une officine médicale mais s'arrangeait pour ses fins de mois avec un amant discret, son patron – un chirurgien cardiaque renommé et malheureusement grevé d'une épouse chrétienne et de nombreux enfants envahissants.
Veuve, ma mère avait repris l'épicerie de Gercourt et n'avait pas eu d'amant. Du moins à ma connaissance. Elle vivait recluse dans son village et je lui concédais une visite par mois. Puis par trimestre. Je la trouvais ennuyeuse comme la pluie. Une petite pluie de novembre, froide et serrée. On n'avait rien à se dire. Elle s'intéressait médiocrement à mes études de lettres et craignait toujours, comme une petite fille, les jugements ironiques de Louise qui, en mère responsable, se pointait régulièrement à l'épicerie pour juger de l'état des comptes et houspiller la malheureuse dont la vie semblait plate comme une autoroute hollandaise. Jamais de folies, jamais de vacances, ou si peu - alors que Louise s'envolait régulièrement pour des destinations exotiques dès que son amant lui offrait un congrès. Il faut dire que, du haut de son grand âge, Louise continuait à en jeter, avec ses yeux bleus rectangulaires à la Lauren Bacall et son sourire de louve… Elle était de ces femmes qui se « débrouillent dans la vie » comme disait ma mère avec un mépris mêlé d'envie et d'admiration. Elles n'avaient rien en commun, et pourtant, ces deux-là s'aimaient, je pouvais en jurer, à leur manière bancale, certes, et c'était mieux que rien. Louise continuait à protéger sa fille, même de loin, même si sa préférence allait nettement à moi, Laura, la dernière bouture, celle qu'elle avait taillée et embellie à sa mesure…
Moi, je le dis sans honte, à cette époque, seule ma grand-mère comptait. Et, prévisiblement, c'était la tendresse un peu affligée et sans concession que mon aïeule vouait à Victoire, sa progéniture, qui motivait, par osmose, mon manque d'empathie. Je n'aurais pas voulu de cet amour au ventre mou. Alors je préférais une indifférence froide que l'adolescence avait renforcée. Je n'avais pas besoin, dans mes bagages sentimentaux, de ce pauvre baluchon sans couleur. Une grand-mère originale et sexy suffisait à mon bonheur. Et puis j'adorais la vie citadine : les rues animées des quartiers commerçants, les promenades le long du fleuve, l'odeur de bitume et d'essence, l'université et les fêtes. Les mecs. L'attendrissement devant les champs de blé ne m'avait pas encore empoignée. Le parfum des bois en automne, la campagne pleine de glaise et de feuilles tombées, franchement, je laissais cela aux marcheuses de cinquante ans et aux scouts. J'avais le temps. Croyais-je.
Et puis Mamilou est morte. C'était incroyable. La veille, elle gambadait encore sur ses hauts talons et téléphonait à son chirurgien, rangé des voitures, certes, qui la gâtait encore comme une cocotte du siècle passé. Lui envoyait des orchidées fraîches dont elle émaillait notre appartement des bords de Meuse. J'entends encore son rire un peu rauque de grande fumeuse. Il adorait lui faire des blagues de carabin au téléphone. Elle raccrochait en disant : « Quel cochon, ce type, si sa bergère savait ! » Elle n'appelait jamais autrement l'épouse potiche.
La police m'a appelée en fin de soirée. Elle était tombée dans la rue, à deux pas de chez nous, même pas la faute à ses hauts talons. Son cœur avait simplement décidé de ne plus battre. J'étais abasourdie. La suite s'est déroulée dans une sorte de brume. Merci les pompes funèbres qui prennent tout en charge, et la prévoyance de ma grand-mère et de son bon docteur, qui ne me laissaient pas sans rien car j'avais encore mon diplôme à décrocher. J'héritais ainsi de l'appartement, passant une fois encore au-dessus de la tête de ma mère qui n'avait sans doute besoin de rien, avec son épicerie. Mamilou s'était débrouillée avec un notaire pour me faire une donation de son vivant, je n'y comprenais rien mais là, posthumement, ça me sortait la tête hors de l'eau.
L'incinération m'avait, comme de juste, laissé un souvenir de cendres… Le chirurgien pleurait, seul, vieilli, blanchi, toujours debout. Je l'aimais bien, même si je l'avais peu rencontré – Mamilou détestant mélanger l'intime et le familial – et puis, je savais ce que je lui devais. Je lui ai pris la main, très fort, et il m'a serrée contre lui, devant la petite foule d'amis, tous au courant de notre situation un peu particulière.
« Elle t'adorait, tu sais…
— Je sais, oui… »
L'odeur fade des fleurs me donnait mal à la tête. Il y en avait plein. Louise était aimée.
Pas de curé bien entendu, ni de sermon, ni de panégyrique. Elle aurait eu horreur de ça.
Ma mère. Au premier rang. Cela faisait bizarre. Si peu de monde la connaissait. Elle avait mis une tenue de deuil à l'ancienne, genre veuve de guerre. Un chapeau, une voilette noire, des gants. Une petite corneille muette. Sans larmes, cela m'a surprise. Je l'aurais pensée plus consensuelle.
Elle m'a quand même chuchoté, en me touchant l'épaule – elle n'osait pas aller jusqu'à l'embrassade – « J'espère que je te verrai plus souvent, maintenant… »
« Maintenant quoi ? » En ce moment solennel, Victoire avait réussi à me mettre encore en rage. Voulait-elle insinuer, à sa manière torve et peureuse, que Louise m'empêchait de la voir ? J'étais assez grande pour décider toute seule. D'une bourrade, je me suis dégagée. Elle a soupiré. Et puis a simplement relevé sa voilette. Et là, j'ai eu un choc. Jamais je ne m'étais avisée que Victoire ressemblât à ce point à sa mère. Même menton pointu, nez aux ailes retroussées, et yeux bleus en amande. Mais le tout comme effacé, dilué. Un lavis. Même le pervenche des prunelles paraissait insipide. Une sorte de Louise passée à l'éponge. Le résumé d'une vie en somme. Et brusquement j'ai eu pitié. C'était peut-être le message transmis par ma grand-mère. Que je n'abandonne pas tout à fait la filiation…
Et c'est comme cela que j'ai repris, peu à peu, le chemin du village. Et que j'ai redécouvert la blondeur des champs d'été…
Au début, c'était plutôt pénible. Je me forçais et ça se voyait. La campagne m'emmerdait. Le village où j'avais passé mes premières années ressemblait à tous les villages. Des maisons en pierres grises du pays regroupées autour d'une église sans style. Une rue principale où s'alignaient quelques commerces. Dont l'épicerie de mes parents. Derrière la vitrine au lettrage à demi-effacé, on avait remplacé les tablettes de bois à l'ancienne par un comptoir réfrigéré assez hideux mais « pratique ». Il faut bien vivre avec son temps. Ma mère avait conservé les grands bocaux de bonbons acidulés qui faisaient de moi une copine très convoitée à l'école primaire. Pour le reste, c'était un pêle-mêle de charcuteries préemballées, pâtisseries industrielles et conserves diverses. Mais les vieux du village, qui n'avaient pas de voiture pour les conduire à l'Intermarché à six kilomètres de là, s'en contentaient et pouvaient survivre. De là à faire la fortune de ma mère, il y avait de la marge, cependant elle n'avait jamais voulu quitter Gercourt, ni osé changer de métier. Elle redoutait par-dessus tout affronter l'inconnu. Elle était pourtant titulaire d'un diplôme d'institutrice et aurait pu prétendre à mieux. J'avais parfois l'impression qu'elle était d'un autre siècle – ce qui était en partie vrai – et que les bouleversements de l'ère qui s'annonçait n'allaient pas au-delà de son nouveau comptoir-frigo. À son âge, qui était loin d'être avancé, elle me semblait plus périmée qu'un courrier papier par rapport à un e-mail. D'ailleurs, elle prétendait être incapable de se servir d'un ordinateur – alors que Mamilou surfait allègrement sur le net et envoyait des courriels cryptés à son amoureux.
Le veuvage faisait partie de ma mère, à tel point que j'ignorais jusqu'à la notion de père. Edmond Dargent, mon géniteur, aussi mal nommé que son épouse, Victoire, avait été rayé du monde alors que j'avais à peine quatre ans. Mes souvenirs étaient flous. En cela Victoire et Louise se ressemblaient. Elles avaient été trop tôt des mères sans mari. De mon père je me souvenais vaguement d'une odeur de tabac, de joues qui piquaient, d'un grand front un peu dégarni et de prunelles obscures, dont j'avais hérité. Les quelques photos de famille confinées dans deux boîtes à chaussures – personne n'était du genre à confectionner des albums – confirmaient cette réminiscence. Mon père était à moitié chauve à quarante ans et ne ressemblait à rien. Sur une des photos, il posait devant la boutique, ensaché dans son tablier d'épicier, fixant l'objectif d'un œil noir et vide. Une mauvaise honte me montait au front. J'avais envie de fermer les yeux pour faire disparaître cette image, à la manière des enfants qui se croient invisibles lorsqu'ils se cachent le visage… Je n'arrêtais pas au contraire de reluquer l'unique photo de mon grand-père, l'Américain, que Victoire conservait dans un cadre, sur sa table de nuit, pour ne pas oublier d'où elle venait. Avec son uniforme kaki, son calot crânement posé de côté et sa mâchoire énergique de héros, j'en étais amoureuse. J'aurais voulu le connaître et je n'arrêtais pas de poser, enfant, des questions à son sujet. Oui, il était rouquin, comme moi, et beau gars, un peu hâbleur - il s'appelait Mark Weinstein, habitait à Richmond, où Louise aurait dû le suivre. Fin de l'histoire. Ma grand-mère n'en connaissait pas beaucoup plus à son sujet. Leur union avait été du style « brève rencontre » et cela ajoutait au romanesque de l'aventure. J'enrageais d'être la fille de mon père et pas celle de mon grand-père. Il y avait là une injustice flagrante. Ma mère était une erreur de transmission.
Pourtant, après la mort de Louise, j'éprouvai le besoin de renouer avec mes racines atrophiées, et je vins voir ma génitrice. Je recouchais même dans ma chambre d'enfant du premier étage. Je retrouvais sans émotion particulière les murs couverts d'une toile de Jouy fanée et mon lit de fillette. Victoire n'avait pas osé jeter mes poupées, mais leur petite face ripolinée me filait les jetons, la nuit… Même le couvre-lit en chenille rose n'avait pas changé.
« Tu aurais pu virer la déco, maman, je ne suis pas morte, pas besoin de garder toutes ces vieilleries !
— Mais tu n'es pas contente de tout retrouver intact ?
— Franchement, non ! Tu vois pas comme c'est moche ? »
Elle baissait la tête, sans relever mon insolence. Mais les poupées s'incrustaient. C'était sa façon à elle de me résister.
L'été de la mort de Mamilou, tout mon corps me parut comme aspiré par une sensation de vide presque insupportable. J'errai sans but, vacante et dépressive. Sans cesse, résonnait à mes oreilles le rire voilé de Louise. J'avais fui aussi pour cesser de guetter par la fenêtre sa silhouette virevoltante de jeune fille et son chignon haut laqué. Elle aimait tant flâner le long des quais… Même l'odeur de ses cigarettes me manquait. Je sursautais à chaque sonnerie de téléphone : et si elle m'appelait ?
Décidément, j'avais besoin de m'aérer la tête si je voulais boucler dans les temps mon travail de fin d'études : « Mensonges et idéalisation dans la Vie de mon père » On pouvait dire que j'avais de la suite dans les idées même si Restif de la Bretonne ne parvenait plus à me passionner.
Pragmatiquement, ma mère me redevenait utile pour l'intendance – les repas chauds, les jus d'oranges fraîchement pressées et la lessive repassée. Pour tout cela, Gercourt me semblait pratique. Transplanter ma mère à Liège était infaisable. Il y avait la boutique à tenir. Et j'aurais eu horreur de la voir dans nos meubles, à Mamilou et à moi. Je voulais garder le sanctuaire intact pour la rentrée.
Il y avait aussi une autre raison, moins avouable : je devais disparaître de la vie de Julien, mon petit ami du moment que j'avais décidé d'évacuer de mes pensées et de mes draps. Julien terminait brillamment une école de commerce et réunissait des qualités qui plaisent aux parents en général : il était sérieux, ambitieux, travailleur et possédait un pedigree de bête de concours. Il avait surtout de beaux yeux couleur d'amiante et des mains savantes pour toutes sortes de choses. Mais il ne me surprenait plus, donc il m'ennuyait. Il lui manquait le