Les anaphores
Par Collectif
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À propos de ce livre électronique
Depuis la Didachè, il y a eu une grande diversité d'anaphores qui sont présentées par des spécialistes : Nicolas Egender, Mgr Job Getcha, Philippe Molac, Ugo Zanetti et qui témoignent de la création de prières liturgiques au cours des premiers siècles.
la revue CONNAISSANCE DES PERES DE L'EGLISE : plus de 160 numéros CLIQUEZ ICI et TROUVEZ LE VÔTRE
SOMMAIRE
Éditorial
Marie-Anne VANNIERIntroduction aux anaphores
Nicolas EGENDERL'anaphore d'Addaï et Mari
Philippe MOLACL'anaphore de saint Basile le Grand
Job GETCHALes anaphores coptes
Ugo ZANETTIActualité des Pères de l’Église
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Aperçu du livre
Les anaphores - Collectif
Éditorial
Le terme « anaphore » ne nous est peut-être pas familier, il a été introduit dans la liturgie au cours des premiers siècles pour « désigner cette partie centrale de la célébration eucharistique qui commence par le Dialogue avec la Préface et s’achève avec l’Amen de la doxologie » (N. Egender, p. 2).
Après avoir rappelé la genèse des anaphores, le Père Nicolas Egender les présente dans leur diversité et leur richesse, depuis leur lieu d’émergence : la Cène et son écho dans la Didachè, avant d’envisager l’anaphore d’Addaï et de Mari, puis le Canon romain, les anaphores syriennes, arméniennes, coptes, sans oublier celles de Jean Chrysostome et de Basile… C’est toute une création théologique et liturgique qui se déploie à travers ces anaphores.
Pour mieux les pénétrer, Philippe Molac reprend, tout d’abord, l’anaphore d’Addaï et de Mari. Il la situe dans son contexte historique, en dégage l’enjeu et montre comment elle vient de permettre une avancée dans le chemin sur l’unité entre Chaldéens et Assyriens.
Puis Monseigneur Job Getcha étudie les différentes versions de l’anaphore de saint Basile et s’attache à la version byzantine qui est pétrie de références bibliques et qui est la plus proche de l’œuvre de saint Basile.
Finalement, le Père Ugo Zanetti étudie les anaphores coptes. Il explique que, si aujourd’hui, il n’y a plus que trois, voire deux anaphores, la version égyptienne de celle de saint Basile et celle de saint Grégoire de Nazianze, il n’en allait pas de même à l’époque patristique, où il existait un grand nombre d’anaphores, la plupart de type anatolien, encore peu connues.
Ce numéro de notre revue prolonge les numéros 136 et 137 sur la louange et ouvre un volet que l’on pourra creuser : la mise en place de la liturgie à l’époque patristique.
Marie-Anne VANNIER
Introduction aux anaphores
L’Église vit de la célébration eucharistique dont l’anaphore est le sommet : Faites cela en mémoire de moi, dit le Christ. Dès la Pentecôte, la communauté des disciples de Jésus se réunissait pour accomplir le geste du Maître au cours du Repas du Seigneur, kuriakon deipnon (I Cor 11, 20), la Fraction du pain, klasis tou artou (Lc 24, 35 ; Ac 2, 42), Eucharistie (Ignace d’Antioche, Irénée) ; Mémorial, zâkkâron, anamnêsis (Justin), Offrande, prosphora ; Sacrifice, thysia (Didachè). Repas du Seigneur, communion, koinônia qui fait l’unité de la communauté : La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Parce qu’il n’y a qu’un pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique (I Cor 10, 16-17). Repas du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne (I Cor 11, 26). Le nom « anaphore » (oblation) a été retenu pour désigner cette partie centrale de la célébration qui commence par le Dialogue avant la préface et s’achève avec l’Amen de la doxologie. Nous cherchons, en premier lieu, des éléments de la genèse des anaphores, pour découvrir leurs multiples facettes et ensuite examiner la situation actuelle de leurs particularités[1].
Du repas juif à l’eucharistie chrétienne
L’Eucharistie, action de grâce, s’insère dans la tradition juive de la bénédiction (Berakah), de l’eulogie, la louange, ainsi lors des repas : « Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi des siècles qui nous donnes ce fruit de la vigne […]. Béni soistu, Seigneur, notre Dieu, Roi des siècles qui fais produire le pain à la terre. » Le souvenir de la Dernière Cène nous est parvenu en quatre récits (Synoptiques et Paul) ; chez les Synoptiques, inséré dans le récit de la Passion. Jésus a transposé le rituel juif du repas, que ce fût le repas pascal ou le repas fraternel de la fratrie de Jésus (chaburah), ou tout simplement le repas festif juif familial que la communauté primitive a adapté[2]. Dans Faites cela en mémoire de moi, l’accent est sur : en mémoire de moi : le Christ, pas seulement dans sa mort, mais de la mort à la résurrection et jusqu’à sa venue dans la gloire. Ces quatre récits témoignent de deux traditions marquant déjà l’évolution de la célébration. Paul (I Cor 10, 16) informe (en 48-50) sur la Cène de l’Église de Corinthe, Luc de celle d’Antioche (avant 46), donc des Églises de la gentilité. Marc (avant 70 ?) et Matthieu (70-80) informent sur la Dernière Cène avant la Passion. La structure est la même des deux côtés : Bénédiction-action de grâce sur le calice et le pain ; fraction du pain, distribution, parole signifiante de Jésus [Qiddush] ; repas ; action de grâce sur la coupe, distribution, parole signifiante de Jésus [Birkat ha-Mazon]. Le geste sur le pain indique la mort salvifique de Jésus, le corps donné pour vous (Lc 22, 19). Le geste sur la coupe de bénédiction[3] indique la nouvelle (Lc 22, 20) Alliance en mon sang répandu pour beaucoup [pour vous][4]. Tel est le noyau biblique qui se développera en une profusion de formes et de formulaires liturgiques d’une richesse inouïe dans les anaphores, dont quelques-unes nous sont parvenues et beaucoup sont perdues ou hors d’usage. La perspective sacrificielle s’explicitera sous l’influence de Malachie 1, 11 : Du levant au couchant mon Nom est grand chez les nations, et en tout lieu un sacrifice d’encens est présenté à mon Nom ainsi qu’une offrande pure : texte fondamental pour les anaphores. Non que l’eucharistie soit la répétition de la mort sacrificielle du Christ, laquelle a été une fois pour toutes […] en s’offrant lui-même (Rm 6, 10 ; Heb 7, 27). Aussi le chrétien doit-il s’insérer dans l’offrande du Christ en s’offrant lui-même comme offrande vivante : Je vous exhorte, dit Paul, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu. C’est là le culte spirituel [logikè latreia] que vous avez à rendre (Rm 12, 1). L’expression logikè latreiea, le culte selon le Logos, « le culte spirituel », devient une notion clé dans les anaphores. Si l’aspect mémorial, anamnèse est primordial, l’aspect sacrificiel d’oblation va se développer et aboutir à ce que nous appelons l’épiclèse, l’œuvre propre de l’Esprit. Cependant, « on ne l’invoque pas encore pour consacrer le sacrifice, ni davantage pour transformer les éléments, mais pour faire que notre célébration eucharistique produise en nous son fruit : la consommation de l’Église dans l’unité, pour glorifier à jamais le Père par le Fils dans l’Esprit[5] ». C’est là la perspective toujours présente dans les anaphores actuelles. On explicitera et précisera : « Et fais d’abord de ce pain comme le Corps précieux de ton Christ […] et de ce qui est dans le calice le précieux sang de ton Christ » dans l’anaphore de saint Jean Chrysostome ou dans celle de saint Basile : « Et bénis et manifeste ce pain comme le précieux Corps de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ […] et ce calice comme le précieux sang de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. » Cette explicitation s’insère entre : « Envoie ton Esprit sur nous et ces dons présents » et « pour qu’ils deviennent pour ceux qui y participent purification de l’âme » (Jean Chrysostome), « et en nous […] fais que nous soyons unis les uns aux autres » (Basile). Les traditions ont cherché le moment précis consécratoire, l’Occident dans les paroles de l’Institution, l’Orient dans l’épiclèse, différence accentuée dans un climat polémique, aujourd’hui dépassé. La théologie patristique comprend l’eucharistie avec l’aide de la typologie : les éléments du pain et du vin sont les Antitypa du Typos de la Cène qui est le modèle, figura du corps et du sang du Christ[6]. On pourrait traduire antitypos par sacrement. L’Église, obéissant au Faites cela en mémoire de moi, reproduit le Typos, le modèle qu’est la Dernière Cène du Christ. Elle certifie que sa copie est conforme, identique au modèle. Elle en certifie l’authenticité. Le Moyen Âge occidental expliquera au moyen de la présence réelle. De celle-ci, l’Orient n’a jamais douté, ni eu les difficultés de l’Occident.
À l’origine, l’évêque improvisait l’anaphore ou la rédigeait[7]. Certaines furent écrites, mises sous le patronage d’un apôtre ou d’un évêque renommé. Il fallait veiller à leur orthodoxie. Le prestige des grandes métropoles a joué un rôle immense : Jérusalem, Édesse, Rome, Antioche, Alexandrie, Constantinople qui avaient la tendance à imposer la leur et à absorber toutes les autres. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mouvement s’est fait, non en augmentant les anaphores, mais en réduisant leur nombre[8]. De plus, les textes circulaient à travers toute la chrétienté. Il y a osmose et parenté entre ceux des Églises orientales entre elles et avec celles de l’Occident.
Familles liturgiques