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1974 - Lumiere de Rene Guenon - Texte

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Lumire de Ren Gunon

Confrence de Jean Phaure - 29 novembre 1974 - Institut dHermneutique N.B. Les notes et les Annexes sont de Charles Ridoux 1 - Ren Gunon
<quote>Nous pouvons dire que si tous les hommes comprenaient vraiment le monde moderne, celui-ci cesserait aussitt dexister, car son existence, comme celle de lignorance et de tout ce qui est limitation, est purement ngative : il nest que par la ngation de la vrit traditionnelle et supra-humaine. Ren Gunon, La Crise du monde moderne. </quote>

Parler de Ren Gunon en 1974, dans un cercle dtudes traditionnelles, est quelque chose de presque banal ; mais si javais fait cette confrence il y a vingt ans, le titre mme en aurait sembl tonnant et la salle aurait t presque vide. En effet, Ren Gunon na commenc tre connu quaprs sa mort au Caire le 7 janvier 1951. Il faut dire quune certaine conspiration du silence - qui svit encore aujourdhui lgard de son uvre - est dautant plus explicable quil tait de son vivant un tre secret, ennemi de toute publicit, et surtout parce que lensemble de ses crits tait en contradiction absolue avec toutes les ides reues de notre Occident moderne. Vingt-quatre ans aprs sa mort, Gunon drange, gne, scandalise lintelligentsia douillettement attache aux illusions du transformisme, du Progrs, de lgalit et de la prminence plantaire de la race blanche. Certains, aujourdhui, qui nont pourtant pas la tte mtaphysique , reconnaissent, sous la pression acclre des vnements, que son analye de la Crise du monde moderne, par exemple, publie ds 1927, tait prophtique. Aujourdhui, malgr le silence officiel, Ren Gunon a, en quelque sorte, pass le seuil , car publications, thses, colloques fleurissent autour de son uvre. En fait, celle-ci est en train de former dans linvisible la vritable lite occidentale, celle qui a pris conscience de lvolution suicidaire de notre civilisation, lite laquelle il incombera de reconstruire lorsque nous serons sortis de cette premire tribulation de lApocalypse dans laquelle nous entrons en 1974. La premire fonction de luvre gunonienne est justement dexpliciter de faon transcendante les mcanismes cyclologiques de cette involution et de restituer dans leur pure lumire mtaphysique les enseignements salvateurs des religions aujourdhui dcadentes ou apostates. Ce nest pas sans motion, aprs tant de confrences imprgnes de la pense gunonienne et la parution de mon livre de synthse sur le Cycle de lHumanit adamique1 - dans lequel la pense de Gunon est centrale - que jose consacrer aujourdhui cette causerie celui que je pourrais appeler mon matre - jemploie ici une minuscule, car le seul Matre avec une majuscule ne peut tre pour tout chrtien que le Verbe incarn en Notre-Seigneur Jsus-Christ. Et si je peux me permettre une dernire confidence, je tmoignerai dun fait qui est de nature tonner ceux qui nont pas bien compris luvre de Ren Gunon. En effet, cest son uvre qui a refait de moi un catholique, il y a vingt-cinq ans2. Et je ne suis pas le seul, puisque nous pouvons lire, dans le n 3 de la revue Les Cahiers de lHomme-Esprit (4e trimestre 1974), ces lignes signes dYves Millet3 :
<quote>Oui, je latteste, des hommes - des femmes aussi - venus de lathisme ont demand le baptme et sont rests pratiquants jusqu ce jour parce quils ont vu dans pareille dmarche la conclusion laquelle les amenait Gunon (). Quelle que soit la position prcise des gunoniens catholiques lgard de tous ces problmes difficiles, tous sont redevables Gunon dune comprhension de leur propre religion quil leur et t impossible desprer sans la lecture de cette uvre irremplaable. Gunon a eu le mrite immense et rarement apprci sa juste valeur darracher loccultisme sous toutes ses formes, pour les rendre au catholicisme, nombre dindividualits qui ntaient alles vers ces faux bergers quen dsespoir de cause, parce quils navaient pas compris que leur religion vhiculait des symboles profonds, dforms dans limagerie occultiste et masqus dans

lenseignement religieux : la Chute, la Rdemption, la Rsurrection, le Communion des Saints et la Croix. Gunon a montr ce que pouvait et devait tre une civilisation chrtienne intgrale et par sa rigueur et la prcision de linstrument dialectique quil avait forg il a fourni aux catholiques des armes trs efficaces la fois contre les divagations, sduisantes pour dautres, de lvolutionnisme teilhardien et contre le fixisme thologique dun no-thomisme but. () Et il a montr - et ce nest pas peu de choses notre poque malgr les dangers rels que cela peut prsenter aussi - que les doctrines orientales (le Soi vedantin, les Cycles, le non-agir taoste) ntaient pas incompatibles avec le catholicisme. </quote>

On ne saurait mieux dire dun mtaphysicien auquel on a si souvent - et parfois si hargneusement - reproch de stre fait musulman, ou plus exactement - car la nuance est dimportance - adepte de lsotrisme soufi. De mme, quelques lignes plus loin, Yves Millet fait justice du reproche fait Gunon davoir mconnu la dimension charismatique du catholicisme :
<quote>Si Gunon nemploie presque jamais le mot de Charit et en tout cas jamais lorsquil sagit dnoncer une prcondition de la ralisation par la Connaissance, il est toutefois capital de montrer que ce que ses adversaires appellent son systme suppose absolument la chose bien que le mot ny soit pas. () On peut du reste infrer des propos tenus par Gunon quun candidat linitiation na quelque chance de pouvoir commencer en cette vie un processus de ralisation qu la condition davoir puis toutes les ressources de lexotrisme et notamment, sil est catholique, il se doit davoir dpass de BEAUCOUP le minimum de charit requis pour tre sauv</quote>

Parler de Ren Gunon, cest voquer tous les chemins de la Connaissance dans leur foisonnante diversit autant que dans leur transcendante unit. Aussi ai-je paradoxalement choisi comme cadre de lexpos succinct de son uvre en grande partie intemporelle le Fleuve mme de cette vie de Lumire : droulement auquel on pourrait prter comme exergue ces lignes de cet autre gant de la pense traditionnelle que fut Joseph de Maistre :
<quote>La vraie religion a bien plus de 18 sicles. Elle NAQUIT le JOUR que NAQUIRENT les JOURS4.</quote>

Car cest bien avant toutes choses lUnit Transcendante des Religions - pour emprunter un titre son disciple Frithjof Schuon - que Ren Gunon est venu providentiellement rappeler lOccident en notre XXe sicle. Lascendance de Ren Gunon est entirement circonscrite dans les provinces de lAnjou, du Poitou et de la Touraine. Son pre, saumurois, Jean-Baptiste Gunon, devenu architecte, pouse 52 ans, en 1882, Anne-Lontine Jolly, ne prs de Blois. Le jeune mnage se fixe Blois au Faubourg de Vienne, sur la rive gauche de la Loire, en cette ville marque par la royaut franaise, par ltymologie de son nom qui signifie la fois loup et lumire . Selon certaines prophties relatives au Grand Monarque, ce prince venir devrait, dit-on, tre nomm le Roi de Blois . 2 - Thme de Ren Gunon par Jean Phaure Cest donc Blois, dans une maison de la rue Croix-Bosse, que naquit le lundi 15 novembre 1886 Ren-Jean-Marie-Joseph Gunon, et lenfant est baptis domicile le 4 janvier 1887. Sans faire ici une tude astrologique qui sortirait du cadre de cette confrence, notons la probabilit dun Ascendant Gmeaux qui met laccent sur la vivacit intellectuelle de lenfant, vivacit renforce par deux trigones avec Jupiter et Uranus en Balance. Limportance dUranus, qui reprsente lintuition spirituelle, cest--dire lintellect en langage gunonien, est renforce par un trigone au Milieu du Ciel en Verseau. Le Soleil trne en Scorpion, comme Vnus au milieu de la Maison VI, donc acuit de lintelligence et du sens critique, mais aussi sensibilit douloureuse et sant fragile. Mars et Mercure en Sagittaire marquent le combattant de lesprit. Mais cest surtout le caractre saturnien (le retrait en soi, la svrit, la sagesse) qui apparat dans le fait que les cuspides des Maisons VIII et IX (respectivement linitiation et la philosophie) sont en Capricorne avec Saturne en Cancer au trigone du

Soleil et de Vnus et au sextile de Neptune en Taureau. Les aspects de tension ne manquent pas opposition Mercure-Pluton, carr Lune-Uranus, carr Saturne-Jupiter - qui expliquent les luttes, les dchirements et les combats contre les ides reues . La sant de lenfant se rvle aussitt fragile. Quand il a sept ans, son pre installe sa famille sur la rive droite, entre la rue de Foix et le quai du mme nom dans cette maison qui devait tre plus tard pour lui le lieu privilgi . Sa tante, Mme Duru, institutrice, commence linstruire domicile. A douze ans, il entre dans un tablissement religieux qui servait aussi de petit sminaire dans la partie haute de la ville de Blois. En janvier 1901, Ren Gunon, qui a alors quatorze ans, entre en rhtorique au Collge Augustin-Thierry et sy montre aussi excellent lve que dans ltablissement prcdent malgr une sant toujours prcaire. Concours gnral, Prix de la Socit des Sciences et Lettres de Blois. Bachelier en juillet 1903 avec la mention assez bien , il entre en mathmatiques lmentaires en 1904 et reoit la plus haute rcompense du Collge : la mdaille offerte par lAssociation des Anciens lves. Son professeur de philosophie, Leclres, le note ainsi : Excellent lve dont le zle pour la philosophie est dautant plus mritoire quil est plus dsintress . Jugement perspicace et prophtique, car toute la vie de Gunon reprsente un sacrifice personnel au bnfice de lEsprit et au dtriment des postes et salaires auxquels il aurait pu prtendre. 3 - Htel Chenizot En octobre 1904, Ren Gunon, qui va avoir dix-huit ans, vient Paris au collge Rollin comme lve de mathmatiques spciales, mais sa sant devenue encore plus mdiocre lempche de suivre de nombreux cours, dautant plus que lambiance agite et irrligieuse du Quartier Latin lui dplat fort. Aussi abandonne-t-il ses tudes universitaires pour sinstaller dans lle Saint-Louis, au 51 de la rue Saint-Louis-en-lIsle, dans un petit appartement du magnifique htel Chenizot5 (hlas bien dchu comme la plupart des htels classiques non dmolis encore cette poque dans Paris). Cet htel bti en 1730, fut au sicle dernier le sige de lArchevch de Paris. Cest droite en entrant, au 3e tage, que Ren Gunon va vivre et travailler pendant vingt-cinq ans. Il commence alors un patient plerinage auprs de ceux qui, de-ci de-l et avec des bonheurs divers, se consacraient lsotrisme ou loccultisme. Cest peut-tre une rencontre providentielle qui a mis Gunon sur cette voie, rencontre dont il a reu ordre de cacher la nature. Toujours est-il quil commence une vaste enqute auprs de ceux qui, lpoque, essayaient maladroitement et pas toujours de faon dsintresse, dobir linjonction cyclique qui est de remettre en lumire les enseignements traditionnels oublis ou dforms en notre fin des Temps. Dans ce voyage initiatique , il prendra souvent le rle de nettoyeur des curies dAugias comme Hercule, et beaucoup ne lui pardonneront pas davoir crev mainte baudruche ! Cela commence par une entreprise assez sympathique sous bien des aspects : lcole Suprieure des Sciences Hermtiques que dirige le docteur Grard Encausse, plus connu sous le nom de Papus, et qui sige 13 rue Sguier. Les professeurs en sont Papus6, Barlet7, Phaneg8 et Sdir9. Gunon se fait admettre dans lOrdre martiniste fond par Papus dans la filiation vraie ou suppose de Martins de Pasqually10 et de Louis-Claude de Saint-Martin11, organisation qui se veut une Chevalerie chrtienne respectant la libert intellectuelle et morale de tous ses membres et donnant ceux-ci une instruction leve sur le Symbolisme, lIlluminisme et leurs adaptations . Gunon reoit de Phaneg le troisime degr de Suprieur Inconnu et se trouve nomm dlgu de lOrdre pour le Loir-et-Cher. Paralllement, il se fait recevoir dans deux obdiences maonniques : le Rite Ancien et primitif de Memphis-Misram12 et le Rite Espagnol13 . Mais, au Congrs spiritualiste et maonnique de 1908, Salle des Socits savantes, Gunon se retire, choqu par une phrase prononce par Papus lors du discours douverture :
<quote>Les socits futures seront transformes par la certitude de deux vrits fondamentales du spiritualisme : la survivance et la rincarnation14.</quote>

A ce Congrs, Gunon avait rencontr Fabre des Essarts, dit Synsius15, patriarche de lglise Gnostique16, qui lui demande dentrer dans cette organisation. Il y entra sous le nom de Palingnius, dont la premire partie du mot signifie en grec qui renat , ce qui correspond une traduction de son prnom. De cette qute travers les chapelles occultistes de son poque quil connaissait donc de lintrieur, Gunon devait tirer une bonne part de son uvre critique. Ds 1909, dans La Gnose, organe de lglise Gnostique, voici ce quil crit dans un article intitul La Gnose et les coles spiritualistes :
<quote>Il est impossible dassocier des doctrines aussi dissemblables que le sont toutes celles que lon range sous le nom de spiritualisme : de tels lments ne pourront jamais constituer un difice stable. Le tort de la plupart de ces doctrine soi-disant spiritualistes cest de ntre que du matrialisme transpos sur un autre plan et de vouloir appliquer au domaine de lesprit les mthodes que la science ordinaire emploie pour tudier le monde hylique. Ces mthodes exprimentales ne feront jamais connatre autre chose que de simples phnomnes sur lesquels il est impossible ddifier une thorie mtaphysique quelconque, car un principe universel ne peut sinfrer de faits particuliers. Dailleurs, la prtention dacqurir la connaissance du monde spirituel par des moyens matriels est videmment absurde ; cette connaissance, cest en nous-mmes seulement que nous pouvons en trouver les principes et non pas dans des sujets extrieurs17.</quote>

A vingt-trois ans, Gunon apparat dj en possession de sa doctrine autant que de sa matrise. Au dbut de 1908, Gunon sest aussi intress de prs la fondation dun Ordre du Temple par certains membres de lOrdre Martiniste, mais il est exclu de celui-ci ainsi que des obdiences maonniques dont il faisait partie. Puis, poursuivant son enqute dans les milieux occultistes, il entre la Loge Thbah, relevant de la Grande Loge de France (Rite cossais Ancien et Accept), o il devait demeurer jusquen 1914, car la Premire Guerre mondiale mit les loges en sommeil. Plus tard, dans le n de juin 1937 des Etudes Traditionnelles, il portera le jugement suivant :
<quote>La Maonnerie a subi une dgnrescence ; le dbut de cette dgnrescence, cest la transformation de la Maonnerie oprative en Maonnerie spculative, mais on ne peut parler ici de discontinuit ; mme sil y eut schisme, la filiation nest pas interrompue pour cela et demeure malgr tout. Lincomprhension de ses adhrents et mme de ses dirigeants naltre en rien la valeur propre des rites et des symboles dont elle demeure la dpositaire. </quote>

Cest probablement dans lglise Gnostique o il portait le grade d vque que GunonPalingnius rencontra en 1909 deux personnages trs importants : Lon Champrenaud18 et Albert de Pouvourville19. Le premier avait entre autres prrogatives celui dtre le secrtaire-adjoint de lOrdre Martiniste et rdacteur en chef de LInitiation, et cette poque il se tournait de plus en plus vers les doctrines orientales. Il devait entrer dans lIslam sous le nom dAbdul Haq, le Serviteur de la Vrit . Le comte de Pouvourville avait t militaire, puis administrateur au Tonkin et avait reu linitiation taoste sous le nom de Matgioi , ce qui signifie il du jour ,, soit le Soleil en chinois. Tous deux avaient fond en 1904 La Voie, revue mensuelle de Haute Science, qui avait dur jusquen 1907, et o furent publies dabord les uvres matresses de Matgioi, La Voie Mtaphysique et La Voie rationnelle, base de toute connaissance traditionnelle en notre temps. En 1909, Ren Gunon, avec quelques transfuges de lOrdre du Temple disparu, fonda La Gnose laquelle jai fait allusion plus haut, laquelle se voulait dabord lorgane officiel de lglise gnostique universelle , puis, partir du n 4, cette revue se consacra particulirement aux doctrines orientales, grce lappui de Champrenaud et de Pouvourville. Cest dans cette revue que parut le premier texte publi de Gunon, Le Dmiurge , qui prouve demble une connaissance profonde de la mtaphysique hindoue. Puis suivront la premire rdaction dune grande partie du Symbolisme de la Croix, puis la partie essentielle de LHomme et son devenir selon le Vdanta, et les Principes du Calcul Infinitsimal, ainsi que des articles sur la Franc-Maonnerie qui, aujourdhui, ont t presque tous runis en ouvrages posthumes.

Dans le deuxime numro de La Gnose, faisant suite aux critiques des doctrines soi-disant spiritualistes et en fait scientistes cites plus haut, Gunon ajoute le commentaire suivant :
<quote>La Gnose devait donc carter toutes ces doctrines et ne sappuyer que sur la Tradition orthodoxe contenue dans les Livres sacrs de tous les peuples. Tradition qui, en ralit, est partout la mme, malgr les formes diverses quelle revt pour sadapter chaque race et chaque poque. Mais ici encore, il faut avoir bien soin de distinguer cette Tradition vritable de toutes les interprtations errones et de tous les commentaires fantaisistes qui en ont t donns de nos jours par une foule dcoles plus ou moins occultistes, lesquelles, malheureusement, ont voulu parler trop souvent de ce quelles ignoraient20.</quote>

Bien que Ren Gunon ait toujours t trs discret - et on le comprend - sur ces circonstances, il apparat que cest en 1908 ou 1909 au plus tard (il avait vingt-deux ans) quil reut une triple initiation orientale, la fois hindouiste, taoste et islamique. Je rsumerai ceci en citant ces lignes extraites dun article dAndr Prau21 publi en avril 1934 dans la revue indienne Jyakarnata sous le titre Connaissance orientale et recherche occidentale , texte qui fut soumis avant parution lapprobation de Gunon :
<quote>Cet auteur [Ren Gunon] prsente le cas trs rare dun crivain sexprimant dans une langue occidentale et dont la connaissance des ides orientales a t directe, cest--dire essentiellement due des matres orientaux ; cest en effet lenseignement oral dOrientaux que M. Ren Gunon doit la connaissance quil possde des doctrines de lInde, de lsotrisme islamique et du Taosme, aussi bien que celle des langues sanscrite et arabe, et ce trait le distingue suffisamment des orientalistes europens ou amricains qui, sans doute, ont parfois travaill avec les Asiatiques, mais sans leur demander autre chose quune aide destine faciliter un travail restant principalement livresque et conu suivant les mthodes de lducation occidentale22.</quote>

On sait en effet quentre 23 et 26 ans Ren Gunon reut son initiation hindouiste par des matres de lcole Vdanta adwaita ; son initiation taoste par Tong Sang Luat23, par ailleurs matre de Matgioi, et enfin son initiation au soufisme dAbdul-Hdi24 (Sudois, de son vrai nom John Gustav Agelli), n en 1869 et qui collabora La Gnose comme expert dIbn Arabi et de la littrature mystique de lIslam. Cest en 1912, lge de 26 ans, alors quil entre dans lsotrisme de lIslam sous le nom dAbdel Wahed Yahia, cest--dire Serviteur de lUnique , que Ren Gunon se marie avec une jeune tourangelle, institutrice catholique, Berthe Loury, prouvant par ces deux actes qui engageaient sa vie tout entire quil survolait dfinitivement les frontires humaines et contingentes entre les diffrents sotrismes religieux, lesquels sont des adaptations temporelles de lUnique Vrit. Cest galement cette poque que sintensifie le combat de Gunon, combat que lon pourrait appeler maonnique , et qui prit un double aspect : dabord faire litire des supercheries et impostures de Lo Taxil25 et de ses suiveurs, et ensuite combattre les Maons contemporains infidles leur vocation initiatique par leur politique anti-traditionnelle et leur modernisme. En ce qui concerne laccusation faite la Maonnerie dtre une organisation lucifrienne, Paul Chacornac26, dans son beau livre La Vie simple de Ren Gunon, rsume lattitude de Gunon :
<quote>Il acquit la certitude quil y avait de par le monde des groupes qui sefforaient consciemment de jeter le discrdit sur tout ce qui subsiste dorganisations traditionnelles, quelles soient de caractre religieux ou de caractre initiatique ; que ces groupes pouvaient sans doute avoir des agents dans la Maonnerie, comme dans tout autre milieu, sans quon puisse pour autant assimiler la Maonnerie une organisation subversive. </quote>

Voil une remarque qui va loin et qui recoupe toutes les analyses faites par Gunon dans ses livres que lon pourrait appeler eschatologiques , alors quil voit notre monde de la Fin envahi par les Lgions de Gog et Magog et par la grande subversion antchristique.

La sant dficiente de Ren Gunon le fait rformer la guerre de 1914 (il lavait dj t en 1906, lors du Conseil de rvision). Petit rentier, pratiquement sans revenus, il entre dans lenseignement libre en 1915-1916 au Collge de Saint-Germain-en-Laye. Sa mre meurt Blois en 1917. En septembre de la mme anne, il est nomm professeur de philosophie en Algrie, Stif, o il part avec sa femme et sa tante, Mme Duru, et o il se perfectionne en langue arabe. En 1918, il revient Blois, dans la demeure familiale de la rue de Foix, et il est nomm professeur de philosophie au collge Augustin Thierry o il avait t dix-sept ans plus tt lve de rhtorique et de philosophie. Un de ses lves racontera plus tard que lorsque ses jeunes auditeurs taient las dcrire le cours dict, il leur suffisait le plus souvent de lancer leur matre sur un sujet de philosophie orientale pour que leur cours prt un aspect plus vivant. En 1919, Ren Gunon et sa femme reviennent Paris, car il a quitt dfinitivement lenseignement pour se consacrer entirement son uvre. Ils habitent nouveau leur petit appartement de lhtel Chenizot, 51 rue Saint-Louis-en-LIsle, avec une petite-nice de quatre ans que son oncle chrit comme sa propre fille. Sa femme laida activement dans ses travaux en relisant attentivement ses manuscrits. Et cest en 1921 que parat le premier livre de Gunon27 chez Marcel Rivire, dont dailleurs les 150 premires pages constituent en fait une introduction la Tradition en gnral. En cette mme anne 1921 parat chez Descle le second livre de Ren Gunon, Le Thosophisme, histoire dune pseudo-religion28, o il dveloppe un point particulirement important de la dernire partie de lIntroduction gnrale ltude des doctrines hindoues relative aux interprtations occidentales fallacieuses de ces doctrines. Cest lhistoire de la socit fonde par la fameuse Mme Blavatsky29, et Gunon en dnonce les impostures et les ridicules avec une alacrit presque joyeuse. Chemin faisant, il donne galement des lumires sur dautres organisations occidentales prtentions initiatiques (Hermetic Brotherwood of Luxor30, Societas Rosicruciana in Anglia31, Golden Dawn32, Anthroposophie de Rudolf Steiner33, glise vieille catholique34, Maonnerie du Droit Humain35). Il poursuit le mme travail de nettoyage en 1923 avec LErreur spirite, chez Marcel Rivire, o lapport historique et critique est complt par de substantiels exposs doctrinaux sur des questions mtaphysiques et cosmologiques et sur le monde subtil. Particulirement importants dans ce livre sont les chapitres suivants : lexplication des phnomnes, immortalit et survivance, les reprsentations de la survie, la communication avec les morts, la rincarnation, la question du Satanisme. Que de chercheurs encore embourbs de nos jours dans cette confusion fondamentale entre psychique et spirituel auraient intrt mditer ce livre ! Aprs avoir t bibliothcaire du Centre dtudes nerlandaises de lUniversit de Paris, Ren Gunon, qui les maigres droits dauteur de ses ouvrages ne permettaient pas de vivre, donne, partir de 1924, des leons particulires et des leons de philosophie au Cours Saint-Louis, o sa nice fait ses tudes. Ce cours est situ au premier tage dune maison de la rue de Bretonvilliers, dpendance du magnifique htel de Bretonvilliers36 lev au dbut du XVIIe sicle par Jean Androuet du Cerceau et stupidement dmoli au sicle dernier par le prfet Rambuteau. En 1924, un colloque organis par Frdric Lefvre37, rdacteur en chef des Nouvelles Littraires, runit Ren Gunon, Ren Grousset38, Jacques Maritain39 et Ferdinand Ossendowski40, ancien haut fonctionnaire du rgime tsariste qui, ayant d fuir travers la Mongolie, recueillit prs du Toit du monde , des tmoignages directs de la tradition de lAgartha ; il venait de publier chez Plon Btes, hommes et dieux. Ren Gunon, alors dans la pleine matrise de ses ides, rplique Grousset et Maritain qui lui manifestent leur incomprhension, voire leur hostilit lencontre de lOrient :
<quote>Ne jugez donc pas ces choses avec les catgories occidentales. Il y a l-bas une sagesse profonde que lOccident ne sait pas apercevoir. Pourquoi parlez-vous dopposition ? Cest plutt alliance et entente quil faudrait dire. LOrient nous apporte une vrit qui peut saccorder avec la vrit des plus hautes traditions occidentales, la tradition aristotlicienne et la tradition catholique. </quote>

Rflexions qui, dans ce qui est en fait un dialogue de sourds, restent sans rponses mais qui trouvent un prolongement substantiel dans Orient et Occident que Ren Gunon publiera la mme anne. Dans cet ouvrage, il commence par poser la condition premire pour que sopre un rapprochement : cest que lOccident abandonne les idologies modernes et antitraditionnelles telles que les idoles du Progrs , de la Science et de l galit .
<quote>Lvolutionnisme est devenu un vritable dogme officiel, on enseigne comme une loi quil est interdit de discuter ce qui nest en ralit que la plus gratuite et la plus mal fonde de toutes les hypothses ; plus forte raison en est-il ainsi de la conception du progrs humain qui napparat plus l-dedans que comme un simple cas particulier. Le prjug chimrique de lgalit va lencontre des faits les mieux tablis dans lordre intellectuel aussi bien que dans lordre physique ; cest la ngation de toute hirarchie naturelle et cest labaissement de toute connaissance au niveau de lentendement born du vulgaire. Quoi que certains puissent en dire, la constitution dune lite quelconque est inconciliable avec lidal dmocratique. </quote>

Et enfin, ces lignes qui, cinquante ans plus tard, prennent aujourdhui une rsonance tragique :
<quote>Certains commencent dailleurs sentir plus ou moins confusment que les choses ne peuvent continuer aller indfiniment dans le mme sens, et mme parler, comme dune possibilit, dune faillite de la civilisation occidentale. Les Occidentaux, malgr la haute opinion quils ont deux-mmes et de leur civilisation, sentent bien que leur domination sur le reste du monde est loin dtre assure dune manire dfinitive, quelle peut tre la merci dvnements quil leur est impossible de prvoir et plus forte raison dempcher. Seulement, ce quils ne veulent pas voir, cest que la cause principale des dangers qui les menacent rside dans le caractre mme de la civilisation europenne : tout ce qui ne sappuie que sur lordre matriel, comme cest le cas, ne saurait avoir quune russite passagre ; le changement, qui est la loi de ce domaine essentiellement instable, peut avoir les pires consquences tous gards, et cela avec une rapidit dautant plus foudroyante que la vitesse acquise est plus grande ; lexcs mme du progrs matriel risque fort daboutir quelque cataclysme. Que lon songe lincessant perfectionnement des moyens de destruction, au rle de plus en plus considrable quils jouent dans les guerres modernes, aux perspectives peu rassurantes que certaines inventions ouvrent pour lavenir et lon ne sera gure tent de nier une telle possibilit. Du reste, les machines qui sont expressment destines tuer ne sont pas les seules dangereuses. Au point o les choses en sont arriv ds maintenant, il nest pas besoin de beaucoup dimagination pour se reprsenter lOccident finissant par se dtruire lui-mme, soit dans une guerre gigantesque dont la dernire ne donne encore quune faible ide, soit par les effets imprvus de quelque produit qui, manipul maladroitement, serait capable de faire sauter non plus une usine ou une ville mais tout un continent. </quote>

Dans la deuxime partie dOrient et Occident, dont on voit la lucidit prophtique dans le paragraphe cit, Gunon envisage les possibilits de rapprochement avec lOrient, mais qui ne saurait tre ralis en Occident que par la restauration mtaphysique de sa Tradition qui est le Christianisme ce que Gunon ne cessera de rpter dans tout le reste de son uvre. Remarquons ce sujet que plus de la moiti de luvre de cet homme que daucuns vont accuser de trahison lencontre de lOccident est consacre la restauration de la Tradition occidentale ! Si laccueil de ce livre fut trs divers, certains catholiques traditionnalistes particulirement intelligents lui firent fte, comme Lon Daudet dans lAction franaise du 15 juillet 1924 :
<quote>Un ouvrage critique dune exceptionnelle pntration o abondent les horizons nouveaux. Par des voies diffrentes, jtais arriv une conclusion analogue dans lexamen du stupide XIXe sicle. LOccident est menac, plus du dedans, je veut dire par sa dbilit mentale, que du dehors, o cependant la situation nest pas si sre. </quote>

Cest cette poque que Ren Gunon fit la connaissance du grand archologue et mtaphysicien catholique Louis Charbonneau-Lassay41, qui accomplissait un travail de bndictin dans sa demeure de Loudun, travail qui devait aboutir au magnifique Bestiaire du Christ, un des plus grands livres du sicle. Charbonneau-Lassay introduisit Gunon dans la revue Regnabit, o ce dernier crivit de nombreux articles sur le symbolisme chrtien dans la perspective daider les catholiques pntrer le sens profond de leur tradition. Hlas, lhostilit de certains milieux no-scolastiques oblige Gunon cesser cette collaboration. Il est permis de rver avec amertume toutes les tudes gunoniennes sur lsotrisme chrtien dont ces lves obscurantistes nous ont priv. En 1926, Ren Gunon commena collaborer la revue Le Voile dIsis, dirige par Paul Chacornac, et qui avait pour but dtudier la tradition sotrique et les divers mouvements de spiritualisme ancien et moderne. Grce lamiti de lexcellent Gonzague Truc42, crivain catholique et directeur littraire des ditions Bossard, Gunon publie chez cet diteur un de ses livres majeurs, LHomme et son devenir selon le Vdanta. Alain Danilou raconta quayant prsent ce livre des pandits orthodoxes, ceux-ci lui rpondirent quen Occident seul Gunon avait compris le vritable sens des doctrines hindoues. En 1925, parut chez lditeur Bosse Lsotrisme de Dante, o Gunon montre que la Divine Comdie retrace dans ses trois chants un processus de ralisation spirituelle et initiatique et atteste la connaissance chez Dante des sciences traditionnelles inconnues des Occidentaux daujourdhui, comme la science des Nombres, lAstrologie sacre ainsi que la science des Cycles cosmiques. Le 17 dcembre de cette mme anne, Gunon donna la Sorbonne la seule confrence quil ait jamais prononce. Le texte en fut publi en 1939 par Chacornac sous le titre La Mtaphysique orientale : court expos dune rare densit. En 1927, parut un des ouvrages les plus tonnants de Gunon, chez Chacornac : Le Roi du Monde, qui est n, si jose dire, du choc Gunon-Ossendowski et de ses rvlations sur lAgartha, ce pays cach et inaccessible o rside le Roi du Monde (quil ne faut pas confondre avec le Prince de ce Monde , qui est Satan) - Manu ou rgisseur de notre cycle dhumanit.
<quote>Du tmoignage concordant de toutes les traditions, une conclusion se dgage trs nettement, cest laffirmation quil existe une terre sainte par excellence, prototype de toutes les autres terres saintes , centre spirituel auquel tous les autres centres sont subordonns. </quote>

A ceci, Gunon ajoute que lAgartha est devenue invisible et inaccessible, il y a six mille ans, lorsque lHumanit actuelle tait entre dans son Quatrime ge, le Kali-Yuga ou ge de Fer, et quelle redeviendrait visible la fin de cette mme priode. Aprs avoir rappel quune des plus grandes mystiques de tous les temps, Anne-Catherine Emmerich43, avait surnaturellement voyag dans, Gunon prcise mystrieusement pour justifier lopportunit de son livre :
<quote>Dans les circonstances au milieu desquelles nous vivons prsentement, les vnements se droulent avec une telle rapidit que beaucoup de choses dont les raisons napparaissaient pas encore immdiatement pourraient bien trouver, et plus tt quon ne serait tent de le croire, des applications assez imprvues sinon tout fait imprvisibles44.</quote>

Et il cite Joseph de Maistre (extrait du onzime entretien des Soires de Saint-Ptersbourg) :


<quote>Il faut nous tenir prts pour un vnement immense dans lordre du divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse acclre qui doit frapper tous les observateurs. Des oracles redoutables annoncent dj que les temps sont arrivs. </quote>

En cette mme anne 1927, parat aux ditions Bossard un des plus importants ouvrages de Gunon, tout au moins un de ceux qui ont pour nos contemporains inquiets de voir la civilisation

blanche courir labme, le plus dimportance immdiate ; il sagit de La Crise du monde moderne, qui prolonge Orient et Occident, car ce livre expose en particulier pour la premire fois de faon claire la doctrine des Cycles cosmiques. Je ninsiste pas sur ce point, car jen ai beaucoup parl lors de mes prcdentes confrences lInstitut dHermneutique45. Ce livre est donc par son immdiate porte sur le lecteur actuel, mettre entre les mains de ceux qui sont en qute de la Tradition . Voici de cette poque le tmoignage de M. Franois Bonjean46, qui runissait chez lui, boulevard Pasteur, autour de Gunon, un groupe de personnes parmi lesquelles des Orientaux :
<quote>Polyglotte averti, il connaissait le latin, le grec, lhbreu ainsi que langlais, lallemand, le russe et le polonais. De cette faon, il pouvait aisment rpondre nimporte lequel de ses interlocuteurs dans leurs langues respectives. </quote>

De la mme poque, Jean Reyor garde un souvenir mu :


<quote>Les annes, lloignement, nont pu affaiblir le souvenir de sa bont, de sa bienveillance, de sa dlicatesse, du soin quil mettait effacer les distances entre lui et nous. </quote>

Ctait aussi le temps o des idologies foncirement opposes allaient pour un temps sintresser luvre gunonienne : les surralistes, qui taient en fait des sous-ralistes , et qui, bien vite, allaient senfuir - Andr Breton en tte - de ce monde fantastique o dcidment on parlait beaucoup trop de Dieu. Quant aux milieux de droite, du moins ceux de Daudet, Gonzague Truc et Bainville (cits par Gunon dans Orient et Occident), ainsi que Massis et plus encore Maurras, ils lui tmoignrent vigoureusement leur opposition, mais comme la crit Paul Srant dans son Gunon paru en 1953 la Colombe :
<quote>Il [Gunon] restait tout aussi inaccessible lappel des partisans de la rvolte qu ceux des partisans de la raction. </quote>

Lpouse de Ren Gunon mourut au dbut de 1928. Paul Chacornac mit Le Voile dIsis son entire disposition, bien que Gunon ait insist pour noccuper aucune fonction honorifique et pour ntre considr que comme un simple rdacteur. A partir de 1936, la revue prendra le titre quelle porte encore aujourdhui, Les Etudes Traditionnelles47. En 1929 (il a 43 ans), Gunon crivit un livre dactualit aprs la condamnation de lAction Franaise par le Saint Office. Dsireux, comme toujours, dlever tout dbat au niveau des principes, il publia chez Vrin Autorit spirituelle et pouvoir temporel, complment indispensable dOrient et Occident et de La Crise du monde moderne. Entre autres choses, Gunon rappelle la prdominance de la caste sacerdotale sur la caste royale dans toute civilisation traditionnelle - le sacre des empereurs et des rois en Occident tant la preuve de lautorit reconnue au sacerdoce par le pouvoir temporel. Et quand le pouvoir royal prtend la suprmatie ou revendique une indpendance totale, comme par exemple dans la Querelle des Investitures, les dmls de Philippe le Bel avec la Papaut ou dans le Gallicanisme, la civilisation glisse vers le chaos moderne. Paralllement, Gunon publia chez Chacornac un bref mais dense ouvrage sur Saint Bernard, dans lequel il montre comment, dans une socit traditionnelle, un contemplatif peut arriver devenir larbitre de la Chrtient. Cest en mars 1930 (il a 43 ans) que sopra le grand tournant de sa vie48. Une riche veuve amricaine, Mme Dina49 qui avait dcid de monter une maison dditions pour diter lensemble de son uvre, lemmena en gypte pour rechercher, faire copier et traduire des traits dsotrisme islamique. Gunon avait dit ses amis quil partait pour trois mois, en fait il y devait rester jusqu sa mort, vingt ans plus tard. Son ami Gonzague Truc a interprt ainsi son exil :
<quote>Gunon ressentait les oppositions hargneuses, les effets des sourdes manuvres et gardait mille inquitudes sur luvre quil poursuivait et la faon de la poursuivre, redoublant de scrupule dans la recherche et la documentation, se dbattant parmi les difficults

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matrielles de ldition. Il tait atteint dans son domestique, perdant sa femme, spar de sa nice. La profondeur du coup peut se mesurer ses suites. La blessure le poussait quelque retraite lointaine, et ce furent l les causes dterminantes de son dpart50.</quote>

A cela, il faut ajouter un dcouragement certain devant linsuccs des efforts quil avait dploys pour rveiller, ressourcer les familles spirituelles de lOccident, en particulier lglise catholique et la Franc-Maonnerie. Dautre part, tant rattach lsotrisme soufi, connaissant parfaitement larabe, le rattachement la communaut islamique tait pour lui tout naturel. Au Caire, Ren Gunon devint le Sheikh Abdel Wahed Yahia et incarna lesprit de pauvret en vivant lexistence la plus modeste ; cependant, il garda des liens pistolaires avec la France et continua se tenir inform de la vie de lsotrisme occidental. Cest du Caire que Gunon envoya le bon tirer de ses deux ouvrages publis chez Vga, Le Symbolisme de la Croix et Les tats multiples de ltre, le premier en 1931 et le second en 1932. Ces deux livres prolongent en quelque sorte LHomme et son devenir selon le Vdanta ou ouvrent des perspectives sur toutes les formes traditionnelles. En ces annes, Gunon rdigea directement en arabe des articles pour des revues gyptiennes et poursuivit son inlassable correspondance. Dans la mosque o il allait prier laube, il fit la connaissance du Sheikh Mohammad Ibrahim dont il pousa la fille en juillet 1934 et chez lequel il habita. En juin 1935, il donna cong de son appartement de lle Saint-Louis et des amis lui expdirent ses livres et papiers. En 1937, il sinstalla dans la banlieue du Caire, dans un lieu o lon nentend aucun bruit et o on ne risque pas dtre drang sans cesse par les uns et par les autres . De sa maison, dans le faubourg de Doki, on apercevait les pyramides au-dessus de la ligne sombre des palmiers. Sur le mur de son bureau, on pouvait lire la phrase suivante : Quest-ce que la victoire, sinon celle qui vient de Dieu ? . Le Seconde Guerre mondiale interrompit les relations pistolaires et la parution de ses articles dans les Etudes Traditionnelles, mais luvre continua de cheminer en silence. A Paris, en 1941, parut un livre de Luc Benoist51, Art du monde, dans lequel on pouvait lire ces lignes enthousiastes :
<quote>Jouvris par hasard un livre sign du nom inconnu de Ren Gunon. Je sentis aux premires pages quil mapporterait ce que je cherchais. Il fut le messager du bonheur. Javais compris, et pour certains, comprendre cest le bonheur. Tout ce que mon intuition navait fait que supposer dans un violent et solitaire effort, tout ce qui ne mtait apparu que dans la logique du possible avec le vague et la dfiance du rve, tout cela mtait dvoil dun coup, autour de moi et en moi, comme le plus tangible, le plus cohrent, le plus combl des spectacles de la nature. Je jouissais du calme de lintelligence satisfaite qui souvre la voie dsire dun nouveau dveloppement possible. Bien entendu, leffet de cette lecture mtait en grande partie personnel. Comme au grimpeur harass avant davoir atteint le sommet, une aide mavait t ncessaire. Plus peut-tre : la rvlation dun monde52.</quote>

Cest en octobre 1943 et de Fez que sont dates les pages clbres du Journal dAndr Gide o celui-ci voqua limpression que lui fit luvre de Ren Gunon, quun Franais islamis, Si Abdallah, lui avait mis avec respect entre les mains :
<quote>Si Abdallah, converti lIslam et sanscritisant, me fit lire les livres de Ren Gunon. Que serait-il advenu de moi si javais rencontr ceux-ci au temps de ma jeunesse ? A prsent, il est trop tard, les jeux sont faits, rien ne va plus53.</quote>

Henri Bosco, dans le numro spcial consacr Gide en 1951, devait galement voquer la raction de lauteur des Nourritures terrestres, car il en avait t tmoin Fez :
<quote>La conversation stant quelque peu chauffe, il scria soudain : Si Gunon a raison, eh bien ! toute mon uvre tombe () Enfin, mu, il avoua la raison de son inquitude : Je nai rien, absolument rien objecter ce que Gunon a crit : cest irrfutable . </quote>

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Et Bosco, au dbut de son article, crivait :


<quote>Ma femme et moi, nous possdions dj une bonne connaissance de toute luvre crite de Gunon que jadmirais et cette admiration est reste intacte : jai trouv dans son uvre de nouvelles raisons de croire, catholiquement54.</quote>

En 1949, Jean Paulhan55 dcida de crer aux ditions Gallimard une collection Tradition . Ce fut Gunon qui linaugura avec son nouvel ouvrage crit pendant la guerre, Le Rgne de la Quantit et les Signes des Temps, aujourdhui rdite, ainsi que La Crise du monde moderne, dans la collection de poche Ides , ce qui montre quelle audience luvre gunonienne a su prendre malgr les oppositions. Ds lavant-propos, Ren Gunon constate que les vnements nont confirm que trop compltement, et surtout trop rapidement , les perspectives exposes auparavant dans la Crise du monde moderne :
<quote> () il ne suffit pas de dnoncer les erreurs () ; si utile que cela puisse tre, il est encore plus intressant et plus instructif de les expliquer, cest--dire de rechercher comment et pourquoi elles se sont produites ()56.</quote>

Gunon complte ensuite les analyses prcdentes en plongeant plus avant dans des donnes dordre mtaphysique et cosmologique. Les chapitres qui ouvrent louvrage sont dune densit et dune originalit incomparables : Qualit et Quantit, Materia signata quantitate, Mesure et Manifestation, Quantit spatiale et espace qualifi, les dterminations qualitatives du temps, le principe dindividuation. On ne peut galement qutre frapp par lexpos des modifications du milieu humain et cosmique depuis les origines jusqu la fin du Cycle adamique. Cest la plus remarquable tude sur la Fin des Temps que lon ait crite dans les Temps modernes . En mme temps que cette collection, Tradition rdite La Crise du monde moderne et publie Les Rgles du Calcul infinitsimal, ouvrage dans lequel Gunon montre que les mathmaticiens modernes semblent en tre arrivs ignorer ce quest vritablement le nombre. En particulier, il tablit la distinction rigoureuse entre linfini et lindfini, notion si gnralement mconnue. En 1946 (il a soixante ans), les ditions Traditionnelles ditent les Aperus sur lInitiation, o Gunon tablit de faon dfinitive ce qui distingue la vritable initiation de ses contrefaons. Il y dfinit linitiation comme la transmission par des rites appropris dune influence spirituelle destine permettre ltre qui est actuellement dans ltat humain datteindre ltat spirituel que diverses traditions dsignent comme ltat dnique, puis de slever aux tats suprieurs de ltre et enfin dobtenir ce quon peut appeler la dlivrance ou tat didentit suprme. Au passage, Gunon rappelle que, seuls en Occident, la Maonnerie, le Compagnonnage ainsi que certains groupements sotriques chrtiens subsistant dans le secret depuis le Moyen Age pouvaient revendiquer une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique relle . Et comment ne pas voquer ici, dans lordre de lsotrisme chrtien, ce Hiron de Paray-le-Monial57l aujourdhui disparu du fait de lhostilit des fonctionnaires de lglise romaine, ou soigneusement occult ? Toujours en 1946, Gallimard publie La Grande Triade, o Gunon se rfre surtout la tradition taoste pour mener bien un expos de doctrine cosmologique et mtaphysique bas sur le ternaire envisag dans les Trois Mondes , dont la Ttraktys pythagoricienne, le symbolisme de la Croix chrtienne et de la Croix anse ainsi que le dogme catholique de la Sainte-Trinit sont des applications traditionnelles. Autour de luvre gunonienne, des ouvrages participant de la mme attitude traditionnelle commencrent fleurir - car partir de Gunon cette pithte a pris sa pleine acception mtaphysique. Cest ainsi que parurent Hindouisme et Bouddhisme dAnanda Coomaraswamy58, et surtout les ouvrages de Frithjof Schuon59, parmi lesquels De lUnit transcendante des religions qui sortit en 1948. Et dj, linfluence gunonienne transparat dans bien des uvres dites littraires comme celles de Drieu-la-Rochelle, de Ren Barjavel ou dAlbert Paraz.

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Ren Gunon eut trois enfants de sa seconde pouse : la premire tait ne au Caire en 1944 (Khadija), la seconde, Leila, en 1947. Aprs ces deux naissances, Ren Gunon crivit au Ministre de lIntrieur de lgypte la lettre suivante :
<quote>Excellence, Je ne me plains de rien. Lgypte que jai choisie comme patrie ma bien accueilli et na jamais cherch mexpulser de ma demeure. Nanmoins, chaque fois que je considre mes deux filles, je dsire quelles soient gyptiennes de famille - en fait et en droit. A cause delles et dune digne pouse, jai estim devoir vous soumettre cette requte concernant la demande par moi prsente dans le but dobtenir la nationalit gyptienne. Veuillez agrer</quote>

et au bas de cette lettre rdige en arabe, il fit figurer en franais la phrase suivante : Les livres dont je suis lauteur sont signs Ren Gunon . Son fils Ahmed, qui ressemble tonnamment son pre, naquit en 1949. Ren Gunon, malgr sa sant fragile et bien quil ne ft rien pour que lon dcouvre son adresse, recevait toujours les visiteurs avec affabilit. A lun deux, journaliste belge, qui lui annonait que, grce la frquentation de son uvre il avait retrouv la voie du vrai catholicisme, Gunon rpondit quil en tait trs heureux. Coomaraswamy et Marco Pallis60 lui rendirent visite. Un de ses visiteurs nous a laiss cet mouvant tableau :
<quote>Je me trouvai en face dun homme frle, trs mince - maigre comme une harpe, aurait dit Saadi - trs blond, aux yeux trs bleus, vtu de la faon la plus simple dune galabieh et chauss de babouches, extrmement affable quoique silencieux, si transparent quil semblait bien avoir gagn lautre bord et que je regardais de temps en temps nos pieds pour voir si le fleuve noir ne passait point entre eux61.</quote>

Au dbut de novembre 1950, ses trois enfants tombrent malades, ce quoi sa propre sant ne rsista pas : empoisonnement du sang, ulcrations la jambe droite. Fin dcembre, il pouvait peine parler. Au matin du 7 janvier 1951, il dclara avec peine quil se sentait bien et quil attendait la mort. A sa femme, il dit quil dsirait que son cabinet de travail soit maintenu tel quel avec ses meubles et, quinvisible, il continuerait y tre prsent. Vers 22 heures, il pronona El Nafass Khalaas , cest-dire lme sen va . Il mourut 23 heures en prononant la nom dAllah. Le Dr Katz, qui lavait soign avec dvouement, dclara aprs sa mort quil ne savait au juste de quoi il tait mort, aucun organe ntait particulirement atteint si ce nest que lme est mystrieusement partie . Ainsi sacheva sur la Terre ce fleuve de lumire que fut la vie de Ren Gunon, et vingt-cinq ans aprs commence la destine dune uvre qui chemine en silence, en apportant aux quteurs de Vrit de jour en jour plus nombreux une Lumire transcendante qui est celle de la Tradition primordiale. [/En la Sainte-Catherine - 25 novembre 1974/] [/Jean Phaure/]

ANNEXE - THEME DE RENE GUENON


4 - Ren Gunon - Thme natal Une premire remarque : Ren Gunon appartient la gnration de la conjonction NeptunePluton (ici en orbe de 6) de 1892, qui marque, tous les cinq sicles, un changement dans la figure du monde , une transformation en profondeur de la civilisation. La conjonction prcdente, de 1399, marquait la fin du Moyen Age classique et lentre dans lre moderne, avec commenant par le Quattrocento italien, qui prcdait les grandes ruptures de la Rforme et de la Renaissance au XVIe sicle - entre dans la phase finale du Kali Yuga.

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On pourrait ainsi inclure lactivit de Ren Gunon dans le mme cadre que nous avons bross, dans un article antrieur, propos de J.R.R. Tolkien, n le 3 janvier 1892 :
<quote>Cela le situe demble dans le cadre dune gnration appele introduire dans le monde lesprit dune poque radicalement nouvelle, en rupture avec le climat intellectuel et spirituel dominant durant toute la phase descendante du grand cycle NE-PL prcdent, soit de lopposition de 1646 la conjonction de 1892, priode qui correspond la suprmatie dune rationalit mcanique et dune conception assez troite de la raison humaine coupe de ses racines transcendantes vivifiantes - paradigme naturellement trs schmatique et diversement color lpoque de lAge classique, au temps des Lumires ou lre du positivisme triomphant. Le nouveau cycle NE-PL qui stendra jusquen 2385 et qui atteindra son apoge lors de lopposition de 2139, commence de faon fracassante par un bouleversement des conceptions relatives lordre physique du monde (thorie de la relativit dEinstein, physique quantique), mais aussi de celles qui touchent lintriorit de lhomme (psychanalyse freudienne et psychologie des profondeurs de Carl-Gustav Jung), ou encore la place de lhomme dans lunivers physique (lente prise de conscience de lhistoricit dun univers dont on postulait jusqualors lternit) ou dans son rapport limaginaire (intrt renouvel pour les mythologies et les langues anciennes) ainsi qu la religion (sens renouvel dune Tradition primordiale prsente, sous diverses formes, dans toutes les grandes religions de lhumanit). Si les lments cls de ce cycle branlent les conceptions anciennes ds le moment de la conjonction, cest durant les phases ultrieures du cycle quils vont se manifester dans le monde, en particulier lorsquils bnficieront de lappui dun sextile ou dun trigone. Cest prcisment le cas durant une grande partie du XXe sicle ainsi quau dbut du XXIe sicle, puisque le sextile volutif est en orbe grosso modo de 1940 2020 (avec quelques retours la phase du septile, soit de laspect de 5130) : cest alors une priode qui favorise lexpansion travers le monde des graines qui ont t semes au temps de la conjonction et qui permet galement un mrissement de thories qui ont pu se prsenter, au premier abord, sous une forme quelque peu fracassante et provocatrice62.</quote>

Dans le thme de Ren Gunon, cette conjonction se situe dans la Maison XII, sous la double matrise de Vnus (conjointe au Soleil) et de Mercure en Sagittaire : lactivit intellectuelle et ltude des religions passent par lcrit, par les abondantes publications et les nombreuses correspondances avec ceux quattire son enseignement relatif la Tradition primordiale ; la touche vnusienne apporte la dimension de compassion quimplique une existence tout entire voue lclaircissement des esprits dans la phase la plus sombre de la fin de cycle. La position en M. XII de la conjonction Neptune-Pluton signe laspect cach, secret, sotrique de son uvre. 5 - Ren Gunon - Axes plantaires Parmi les axes plantaires du thme, nous retiendrons dabord ceux qui impliquent le Milieu du Ciel : avec laxe Soleil/Vnus, on note une touche de sentiment damour, de prosprit et de contentement dans ses uvres, ce que confirme laxe Mars/Jupiter. Un deuxime axe, autour de Lune/Saturne, est vocateur de solitude, de repli, de tendance garder ses distances. Outre lindication de veuvage soudain, limplication dUranus comporte le risque de perturbations et de sparations surprenantes. Mais limplication de Jupiter dans le mme axe signe le bonheur et la prosprit par la sparation du public. Tous ces lments cadrent parfaitement avec lexil volontaire de Ren Gunon en gypte. Enfin, Uranus dans laxe Mars/Saturne, voque lui aussi des sparations soudaines, ainsi quune mort soudaine. 6 - Ren Gunon - Hads et Kronos Si lon ajoute au tableau les Transneptuniennes, on remarquera surtout ltroite imbrication dHads (au MC) et de Kronos ( 8 Blier) avec le reste du thme.

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Le lien Hads/Kronos rattache la fonction de Ren Gunon un moment particulier de ce long cycle dont nous avons observ quil accompagne la fin du Kali-Yuga partir de la quadruplice Uranus-Pluton-Hads-Kronos de 1710, puis lors de la Rvolution franaise (sous une opposition Uranus-Pluton), et dont la future conjonction en 2030 pourrait accompagner un moment crucial. On peut galement noter limbrication des deux axes Soleil/Lune et Uranus/Hads 17 des signes Mutables, sur le Mercure Matre dAscendant de Ren Gunon. On y lit une grande tension nerveuse, le risque dinimitis, de sparation soudaines, dexposition des influences nuisibles la sant. 7 - Ren Gunon - Le grand tournant Dans la vie de Ren Gunon, le grand tournant a lieu en mars 1930, lorsquil quitte dfinitivement lEurope pour aller sinstaller en gypte. A cette priode, Uranus vient de transiter laxe Hads/Admetos ( 8 Blier, position de Kronos natal), en opposition Uranus natal - le tout au relais du Soleil natal ( 23 Scorpion). Laxe Hads/Admetos peut dnoter beaucoup de pessimisme, une profonde tristesse, mais aussi le lien avec la plus haute antiquit, avec le pass lointain : de la fentre de sa demeure au Caire, Ren Gunon voyait se dresser les Pyramides Limplication dUranus dans cet axe marque un vnement grave, une pauvret impromptue, et est mme lindice dune sorte densevelissement. Linstallation durable en gypte ntait pas, lorigine, dans les projets de Ren Gunon ; elle fut le fruit des circonstances, et dabord de la dfection de Mme Dina, qui lui retira le soutien quelle lui avait promis. Limplication du Soleil dans le tableau est lui aussi indicateur de restrictions, datmosphre dprimante, de manques de toutes sortes. 8 - Ren Gunon - Thme du dcs - 7 janvier 1951 - 23h - Le Caire Le thme du dcs de Ren Gunon, survenu au Caire le dimanche 7 janvier 1951, prsente deux figures dont la premire avec Saturne lAscendant et Mercure au Fond du Ciel, relies Mars, Uranus et Pluton (ce dernier dans laxe Saturne/Uranus) ; et dont la seconde sarticule autour dune Nouvelle Lune 17 Capricorne, au relais dun sesqui-carr Jupiter-Neptune et dans laxe Mercure/Vnus. Le carr Mercure-Saturne tombe sur le Mars natal 0 Capricorne, en M. VII (la Porte des dieux). La lunaison 17 Capricorne active les deux axes du natal Lune/Saturne (17 Cancer) et Jupiter/Uranus (17 Balance). Pluton ( 19 Lion dans laxe Saturne/Uranus) tombe au carr de la Vnus natale 19 Scorpion (dans laxe Mars/Uranus). De 2015 2017, le carr UranusPluton en transit activera la zone de la Lunaison de ce thme. [/Charles Ridoux/] [/Amfroipret, le 2 novembre 2012/]

PHAURE Jean, Le Cycle de lhumanit adamique. Introduction ltude de la Cyclologie traditionnelle et de la Fin des Temps, Dervy, 1977. 2 Soit en 1949, alors que Jean Phaure tait g de 23 ans. Cest de cette anne que date donc sa rencontre avec luvre de Ren Gunon. 3 Yves Millet fut, dans les annes 1950, un de ceux qui, aux cts de Jean Reyor (Marcel Clavelle) dfendirent dans la revue Etudes Traditionnelles les positions de Ren Gunon relatives un sotrisme chrtien . Yves Millet avait aussi traduit de lallemand des textes de Jacob Boehme. Il enseignait le tchque lcole nationale des Langues orientales vivantes. 4 MAISTRE Joseph (de), Mmoire au duc de Brunschvicg. 5 Jean Phaure crit Chenizeau. 6 Grard Encausse, dit Papus (1865-1916) est le cofondateur, avec Augustin Chaboseau, de lOrdre Martiniste. Ayant rompu en 1890 avec la Socit Thosophique de Mme Blavatsky, il fut marqu par la pense de Louis-Claude de Saint-Martin. Il fonde en 1888 la revue LInitiation et cre en 1891 lOrdre Martiniste. En 1905, il fut appel par le Tsar Nicolas II Tsarskoe-Selo pour conseiller le souverain confront de graves troubles sociaux. 7 Charles Barlet est le nom de plume dAlbert Faucheux (1838-1921). Un des premiers membres de la branche franaise de la Socit Thosophique, il la quitte en mme temps que Papus. A la mort de Stanislas de Guata, en 1897, il devint le GrandMatre de lOrdre kabbalistique de la Rose-Croix. Il fut aussi membre de la Hermetic Brotherhood of Luxor (HB of L),

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fonde Londres par Max Thon. Durant un temps, il fut vque de lglise gnostique fonde par Jules Doinel en 1890. Il collabora, entre autres, la revue LInitiation et La Science Astrale, consacre ltude pratique de lastrologie. 8 Phaneg, de son vrai nom Georges Descormiers (1867-1945), pourvu dun fort don de voyance fut li Papus, mais surtout au matre Philippe de Lyon. Dans les revues LInitiation et Le Voile dIsis, il traite des divers aspects de lenvotement. 9 Paul Sdir, de son vrai nom Yvon Le Loup (1871-1926), se lia dans sa jeunesse damiti avec Papus et avec Stanislas de Guata. Il rompit en 1909 avec toutes les socits secrtes pour se consacrer uniquement la voie mystique chrtienne. 10 Joachim Martins de Pasqually (1727-1774) est considr par Ren Gunon comme lun des derniers reprsentants dun sotrisme occidental en voie dextinction. Il fonde en 1761 lordre des lus Cons. 11 Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu (1743-1803), membre des lus Cons, fut marqu par la thosophie de Jacob Boehme, dont il concilie les enseignements avec ceux de Martins de Pasqually. 12 Le rite de Memphis-Misram appartient la famille des Rites maonniques gyptiens, dinspiration mystique et hermtique. La premire loge franaise de Misram (qui signifie gypte en hbreu) remonte 1815. Le Rite de Memphis est n en 1838 dune scission du rite de Misram. Papus constitue une loge de Memphis-Misram. Le rite sera rform sous la matrise de Robert Ambelain (de 1960 1985). 13 Ren Gunon fut reu dans la Loge symbolique Humanidad du Rite national espagnol dont le vnrable tait Charles Dtr dit Teder. 14 pisode rapport par Paul Chacornac dans La vie simple de Ren Gunon, paris, Editions traditionnelles, 1958, p. 33. 15 Lonce Fabre des Essarts (1848-1917), admirateur de Victor Hugo, de Jean-Jacques Rousseau et de Robespierre, adhre lglise gnostique cre par Jules Doisnel et est sacr vque de Bordeaux sous le nom de Synsius. Il cre en 1909 la revue La Gnose dont il confie la direction Ren Gunon. 16 Lglise Gnostique, constitue par Jules Doisnel, fut dirige ensuite par Fabre des Essarts (Synsius). Cest dans ce cadre que Ren Gunon fit la rencontre de Lon Champrenaud (alias Thophane) et dAlbert de Pouvourville (alias Simon). 17 Article paru dans La Gnose de dcembre 1909 novembre 1911 et repris dans le volume des Mlanges de Ren Gunon, pp. 176-212. 18 Lon Champrenaud (1870-1925), aprs avoir t proche de Papus, se dirigea vers les doctrines orientales et entra en islam sous le nom dAbdul-Haq (le Serviteur de la Vrit ). 19 Albert de Pouvourville (1862-1939) a accompli plusieurs missions en Indochine o il sest familiaris avec les traditions extrme-orientales. Initi taoste sous le nom de Matgioi, il est sacr vque de lglise gnostique par Fabre des Essarts et fait la connaissance de Ren Gunon lors du Congrs spiritualiste et maonnique de 1908. Aprs la Grande Guerre, il servit de conseiller au marchal Lyautey au Maroc et consacra les dernires annes de sa vie la rdaction de romans populaires patriotiques. Ses deux uvres majeures sont La voie mtaphysique (1905) et La voie rationnelle (1907). 20 GUENON Ren, Mlanges, Gallimard, 1976, p. 178. 21 Andr Prau (1893-1976) entre en contact avec le milieu des Etudes traditionnelles la fin des annes vingt et est reu dans lIslam par lintermdiaire de Frithjof Schuon. Collaborateur des Etudes traditionnelles de 1930 1950. 22 PREAU Andr, Connaissance orientale et recherche occidentale , Jayakarmataka Mysore, 1934. Une vingtaine dannes plus tard, Andr Prau carte tout fait lhypothse dun contact initiatique privilgi et attribue le succs de luvre aux seules qualits de Ren Gunon - position qui entrana la fin de sa collaboration aux Etudes traditionnelles. Il crit dans Ren Gunon : son temps et son uvre , France-Asie, t. 8, 1953, pp. 1173 : La valeur et le succs de luvre nous paraissent dus en tout premier lieu, sinon entirement, aux qualits personnelles de lauteur : pouvoir de comprhension et dassimilation, talent et volont. 23 Paul Chacornac rapporte que le fils du tong-sang Luat sjourna en France un certain temps et avance que Gunon, mme du ct taoste, reut plus que navait reu Albert de Pouvourville (CHACORNAC Paul, La Vie simple de Ren Gunon, ditions Traditionnelles, 1958, p. 43). 24 Ivan Aguli (1869-1917), n John Gustaf Agelii et connu galement sous le nom de Sheikh Abdul-Hdi, est un peintre et penseur traditionaliste sudois converti lIslam. Influenc par la pense dIbn Arabi, cest lui qui, vers 1910, a initi Ren Gunon au soufisme et a veill son intrt pour lIslam. 25 Antoine Jogand-Pags, dit Lo Taxil (1854-1907) est un crivain anticlrical et antimaon, auteur en dun canular clbre, o il mle personnages rels et personnages de fiction ; il fait part lui-mme de sa mystification devant un auditoire stupfait en 1897. 26 Paul Chacornac (1884-1964), directeur de la principale maison ddition de loccultisme parisien, et directeur dans les annes 1930 de la Revue astrologique dont Andr Boudineau tait le rdacteur en chef. On lui doit une biographie du comte de Saint-Germain ainsi que son livre La Vie simple de Ren Gunon (1957). 27 Introduction gnrale ltude des doctrines hindoues, 1921. 28 GUENON Ren, Le Thosophisme, histoire dune pseudo-religion, ditions Traditionnelles, 1921. 29 Helena Petrovna von Hahn, connue sous le nom dHelena Blavatsky (1831-1891) est un des membres fondateurs de la Socit thosophique, fonde New York le 17 novembre 1875, avec le colonel Olcott comme prsident. Ses deux principaux ouvrages sont Isis dvoile (1877) et La Doctrine secrte (1888). 30 The Hermetic Brotherhood of Luxor (H.B. of L.) est une organisation occulte devenue publique fin 1884, mais qui aurait commenc son activit en 1870. Le premier Grand Matre en fut Max Thon, qui entretint des rapports cordiaux avec la Socit thosophique. 31 La Societas Rosicruciana in Anglia est un ordre maonnique sotrique fond par Robert Wentworth Little en 1865. 32 LHermetic Order of the Golden Dawn (Ordre Hermtique de lAube Dore) est une socit secrte anglaise fonde Londres par William Wynn Westcott en 1888, qui se disloqua suite des conflits internes de 1900 1905. Parmi les membres de la Golden Dawn on trouve notamment les noms du pote William Butler Yeats, dAleister Crowley, des crivains Arthur Machen et Henry Rider Haggard (et peut-tre lcrivain irlandais Bram Stoker).

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Rudolf Steiner (1861-1925) est le fondateur de lanthroposophie, qui vise restaurer le lien entre lhomme et les mondes spirituels. Membre de la Socit thosophique en 1902, il devient dirigeant du rite de Memphis-Misram en Allemagne en 1907. En 1912, il se spare de la Socit thosophique et fonde la Socit anthroposophique. 34 Lglise vieille-catholique regroupe, depuis 1870, des fidles qui refusent le dogme de linfaillibilit pontificale et la juridiction universelle de lvque de Rome. 35 Obdience maonnique cre la fin du XIXe sicle, qui admet laccession des femmes linitiation. 36 Lancien htel de Bretonvilliers, magnifique palais avec jardins et terrasses sis sur le quai dAnjou, avait t difi pour un financier du temps de Louis XIII, secrtaire au Conseil du Roi. Il fut dtruit en 1874 pour ldification du Pont de Sully et le percement du Boulevard Henri IV. 37 Frdric Lefvre (1889-1949) est un romancier, essayiste et critique, qui participa avec Maurice Martin du Gard la fondation des Nouvelles Littraires, dont il sera le rdacteur en chef de 1922 1949. 38 Ren Grousset (1885-1952) est un historien spcialiste de lAsie, auteur dun ouvrage de rfrence sur lhistoire des Croisades. Il fut conservateur au Muse Guimet et secrtaire du Journal Asiatique. 39 Jacques Maritain (1882-1973) est une figure importante du thomisme au XXe sicle. Aprs une phase anti-moderniste, o il tait proche de lAction franaise (il participe en 1920 la fondation de la Revue universelle avec Henri Massis et Jacques Bainville), il finit par accepter la dmocratie et la lacit, position quil exprime dans Humanisme intgral (1936). Ds 1921, Maritain tait hostile la pense de Ren Gunon et cest suite des machinations venues de lentourage de Maritain que Gunon dut cesser sa collaboration Regnabit. 40 Ferdinand Ossendowski (1876-1945), professeur de physique et de chimie, bon connaisseur de lAsie et de la Sibrie, se rallie aprs la Rvolution dOctobre aux Blancs de lamiral Koltchak, puis devient le conseiller du baron Von UngernSternberg. Il raconte son pope dans Btes, Hommes et Dieux, dont Ren Gunon pensa quil rvlait la ralit de lAgartha, mais dont des critiques plus rcents (Louis de Maistre, Jean-Pierre Laurant) ont soulign le caractre daffabulation et de plagiat. 41 Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946), iconographe et hermtiste chrtien, collabore la revue Regnabit et fait la connaissance de Ren Gunon en 1925. Charbonneau-Lassay aurait eu des relations troites avec deux authentiques organisations chrtiennes fondes au XVe sicle, l Estoile Internelle et la Fraternit du Divin Paraclet . Son uvre majeure est le Bestiaire du Christ (paru en 1940 chez Descle de Brouwer, rdit en 2006 par Albin Michel). 42 Gonzague Truc (1877-1972), critique, essayiste et biographe, proche de lAction franaise a produit une uvre abondante fortement marque par linfluence de Charles Maurras et du no-classicisme. 43 Les visions dAnne-Catherine Emmerich (1774-1824), batifie en 2004 par le pape Jean-Paul II, ont t recueillies par le pote Clemens Brentano, entre 1816 et 1824. 44 GUENON Ren, Le Roi du Monde, Gallimard, 1958, p. 97. 45 Les lundis de lInstitut dHermneutique organisaient, durant les annes 1972-1973, des confrences qui se tenaient rue Las-Cases, animes par Paul Bazan. 46 Franois Bonjean (1884-1963), romancier, collabora de 1923 1930 la revue Europe, o il tait considr, du fait de ses voyages, comme le principal tmoin du monde musulman. Il sinstalla dfinitivement au Maroc aprs la Seconde Guerre mondiale. 47 Revue franaise cre par Ren Gunon, succdant au Voile dIsis et paraissant chez Chacornac de 1936 1992. 48 Durant la phase de lopposition dans le cycle uranien. cf. en Annexe le thme de cette priode. 49 Veuve dun ingnieur gyptien, Mme Dina tait Canadienne de naissance ; elle avait hrit une fortune considrable de son pre, important homme daffaires dans les chemins de fer, ainsi que de son mari, galement riche, dcd son retour des Indes. Ren Gunon fit connaissance de Mme Dina la librairie Chacornac, et ils passrent quelque temps dans une proprit quelle possdait Cruzeilles, en Haute-Savoie. Ils avaient le projet de fonder une maison ddition Vga, destine publier une srie de traductions de textes originaux provenant de diverses religions afin dillustrer le thme de la Tradition primordiale. Peu aprs larrive de Gunon en gypte, Mme Dina, retourne en France, pousa Ernest Britt, membre dun cercle occultiste hostile Gunon. De ce fait, les projets de maison ddition svanouirent. 50 Truc Gonzague, Souvenirs et perspectives sur Ren Gunon , Etudes Traditionnelles, n 293-294-295, n spcial Ren Gunon, 1951, p. 335. 51 Luc Benoist (1893-1980), conservateur de muse et historien de lart, fut profondment marqu, partir de 1928, par la lecture des ouvrages de Ren Gunon. Il devint un collaborateur rgulier des Etudes Traditionnelles. 52 Propos que pourrait signer Charles Ridoux 53 GIDE Andr, Journal 1939-1949 Souvenirs, Gallimard, 1954, p. 254 (Fs, 1943). 54 BOSCO Henri, France-Asie, t. 8, 1952, p. 1267. 55 Jean Paulhan (1884-1968), crivain, critique et diteur, anima la NRF (Nouvelle Revue Franaise) de 1925 1940 et de 1953 1968. 56 Gunon Ren, Le Rgne de la quantit et les signes des temps, Gallimard, 1945, Collection Ides , p. 8. 57 Le Hiron du Val dOr est un courant de lsotrisme chrtien n de la rencontre, en 1873, du P. jsuite Victor Drevon et du baron de Sarachaga (1840-1918) autour de la dvotion au Sacr-Cur. Le Hiron subsista jusquen 1926 et eut une audience internationale. Paul Le Cour, le fondateur dAtlantis en 1926, en revendiqua la succession. 58 Ananda Kentish Coomaraswamy (1877-1947), historien de lart qui contribua la dcouverte de la culture indienne par le monde occidental, se lia damiti avec Ren Gunon, aux yeux duquel il contribua rhabiliter le Bouddhisme originel. Son livre Hindouisme et Bouddhisme date de 1949. 59 Frithjof Schuon (1907-1998) dcouvre luvre de Gunon lge de seize ans et sengage dans une qute spirituelle qui le mnera vers lIslam. Il est initi en 1933 Mostaganem par le Sheikh El-Alawi. A partir de 1959, Schuon entretient des rapports privilgis avec des Peaux-Rouges et il sinstalle en 1980 Bloomington, dans lIndiana.

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Marco Pallis (1895-1989), alpiniste, mystique et auteur britannique, fut un spcialiste de la religion et de la culture du Tibet, quil visita pour la premire fois en 1923. 61 REMOND Georges, Aimer un tre, cest lui dire : tu ne mourras pas , Lgypte nouvelle, Le Caire, 1er fvrier 1952. 62 Ridoux Charles, Autour du thme de Tolkien . Sur le site : http://ridoux.fr/spip/spip.php?article67 .

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