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Hélène Perdicoyanni-Paléologou
Université Brown
1. Introduction
(2) Alfredj était arrivé avec Céline2, Céline2 était gaie, Alfred triste.
(3) Les vignes rapportent beaucoup aux viticulteurs^ mais il faut dire que
les viticulteurSj travaillent durement.
(4) La terre tourne autour du SoIeU1. Le SoIeU1 est en effet le centre de
l'univers».
La distinction anaphore/coréférence s'appuie également sur le fait qu'une
anaphore n'est pas forcément coréférentielle. En effet, «une expression tire
son interprétation référentielle d'une expression antérieure sans être pour autant
son coréférent» (Kleiber 1988 : 3). Ces cas d'anaphore sont appelés par Kleiber
«anaphore indirecte» ou in absentia. Par ce terme, l'auteur souligne que «le
réfèrent d'une expression anaphorique n'est pas présent par mention antérieure
dans le contexte linguistique» (Kleiber 1989a, 1991 :7,1994 :28-31). Il regroupe
dans cette catégorie les anaphores suivantes :
I o Г «anaphore associative» (Blanche-Benveniste et Chervel 1966, Charolles
1990, Guillaume 1919, Hawkins 1978) qui présente deux propriétés : a) elle
désigne un objet (un réfèrent), qui n'a pas été mentionné explicitement dans le
contexte antérieur, mais qui peut l'être implicitement; b) elle est interprétable
grâce à des informations qui ont été préalablement introduites dans le discours
et à la sollicitation de connaissances d'arrière-plan et de stéréotypes culturels
d'une communauté donnée, à savoir les «topoi». Les informations sont appelées
«informations-supports» et les connaissances d'arrière-plan «savoir partagé»
ou «mémoire discursive» (Reichler-Béguelin 1989 : 307, Berrendonner 1983 :
228-229,1986 :259) \ Selon certains linguistes (Kleiber, Schnedeckeret Ujma
1994 :5-64), les informations-supports sont fournies par des moyens linguistiques
et, de la sorte, elles sont cotextuelles. Selon d'autres (Erkü et Gundel 1987 :
533-545), elles peuvent «tout aussi bien provenir de la situation dans laquelle
l'énoncé est produit, et avoir par exemple pour origine des percepts situationnels
ou des comportements mimo-gestuels (gestes, direction du regard, mimiques)».
La similitude des deux situations réside dans le fait qu'elles ont pour origine un
segment linguistique ou le contexte d'énonciation (Hawkins 1977 : 1-27). De
1 Le savoir partagé ou la mémoire discursive sont également appelés «discourse registry» (Hinds
1977), «schématisation» (Grize 1982), «discourse file» (Givon 1983), «discourse model» (Corblin
1987c), «context model» (Bosch 1983), «discourse representation» (Brown et Yule, 1983) et
«mental model» (Garnham et Oakhill 1990, Gernsbacher 1991).
HÉLÈNE PERDICOYANNI-PALÉOLOGOU 59
2.2 La déixis
Les approches qui mettent l'accent sur le lieu et l'objet de références re-
çoivent les dénominations de «déictiques», «embrayeurs» («shifters») (Kleiber
1989b), «speech alternants» et «particuliers égocentriques».
Selon ces approches, la déixis est restreinte «au mode d'actualisation, c'est-
à-dire d'ancrage du sens général des mots dans l'univers particulier perçu ou
connu» qui «des trois points d'ancrage (moi, ici, maintenant) (...) utilise le
deuxième, aussi précis que le premier (Bonnard 1972 : 1206, Kleiber 1986 : 5).
D'où l'emploi du terme «déictique» pour désigner les démonstratifs et les
présentatifs.
La déixis devient alors un procédé spatio-temporel jouant «un rôle fon-
damental dans renonciation», dans la mesure où elle permet aux «protagonistes
du discours» de se repérer, les protagonistes étant le «locuteur/énonciateur et
l'allocutaire/coénonciateur». Selon cette définition, les déictiques sont donc
«des morphèmes qui expriment une représentation de l'espace et une représen-
tation du temps en termes d'espace» (Fraser et JoIy 1980 : 22).
Contrairement à Pottier( 1974 :188), qui penseque^, tu, etc. doivent être
rangés du côté de !'«interlocution», un certain nombre de linguistes intègrent
60 LE CONCEPT D'ANAPHORE, DE CATAPHORE ET DE DÉIXIS
3.1 Comme nous l'avons vu, «linguistiquement, un objet peut avoir deux
lieux d'existence : hors du discours ou en discours» (Fraser et JoIy 1980 : 24). Ce
postulat de la théorie classique sur la localisation du réfèrent a permis à Halliday
et Hasan 1976 d'établir une différence entre l'endophore ou «référence textuelle»
(«textual reference»), lorsque le réfèrent se trouve dans l'espace textuel, et
l'exophore ou «référence situationnelle», lorsque le réfèrent de l'expression se
trouve localisé dans l'espace non discursif.
Au sein de l'endophore se trouvent réunies l'«anaphore» (relation dite de
présupposition2 de l'endophorique avec des «cibles» («targets») du texte pré-
cédent) et la «cataphore» (relation de l'endophorique avec du texte subséquent)3.
2 Le terme «présupposition» n'a pas chez Halliday et Hasan 1976 le sens qu'il possède chez les
sémanticiens modernes, comme Ducrot, à savoir «élément invariable du contenu de certaines
expressions, qui résiste à la négation et l'interrogation».
3 Nous reviendrons sur la cataphore telle qu'elle se présente dans Cohesion in English, lorsque
nous parlerons de l'histoire du concept de celle-ci. Toutefois, nous tenons à rappeler ici la dicho-
tomie anaphore/cataphore qui est déjà mentionnée dans l'ouvrage de Halliday 1967. Dans cet
ouvrage, l'auteur considère Г anaphore comme une relation textuelle, transphrastique, et la
cataphore comme une relation intraphrastique, voire intrasyntagmatique. En plus, le linguiste
soutient que Г anaphore est du domaine du «donné» («given») alors que la cataphore de celui du
«nouveau» («new»).
HÉLÈNE PERDICOYANNI-PALÉOLOGOU 61
RÉFÉRENCE
I
EXOPHORE ENDOPHORE
(Situationnelle) (Textuelle)
ANAPHORE CATAPHORE
Fig. 1
On doit noter le sens spécifique du terme «référence» chez les auteurs. En
effet, «référence» combine «renvoi» et «exigence d'interprétation» et s'oppose
aux autres types de «cohésion», telles Г «ellipse», la «substitution» et la «cohésion
lexicale».
3.2 La seconde théorie qui met en valeur l'opposition texte versus situation
est celle de Maillard à cette différence près que le terme «endophore» est remplacé
par celui de «diaphore», «qui n'est pas vectoriellement orienté» (Maillard 1974 :
57). Selon le linguiste (Maillard 1974 : 56), «un fragment énonciatif quelconque
est soit «aphorique» soit «anaphorique» et/ou «cataphorique» relativement au
contexte. Il est «aphorique» s'il est parfaitement clos sur lui-même et n'implique
pas le texte. D est «anaphorique» s'il suppose l'énoncé antécédent et «cataphorique»
s'il se rapporte à l'énoncé subséquent».
Maillard représente le phénomène d'anaphore et de cataphore selon les
schémas suivants :
ANAPHORE
LIEN RÉFÉRENTIEL
ï I
RÉFÉRÉ A B RÉFÉRANT
CHAÎNE ÉNONCIATIVE
CATAPHORE
LIEN RÉFÉRENTIEL
I ^
RÉFÉRANT B RÉFÉRÉ A
CHAÎNE ÉNONCIATIVE
Fig. 2
62 LE CONCEPT D'ANAPHORE, DE CATAPHORE ET DE DÉIXIS
L'auteur (Maillard 1974 : 56) appelle «référant» «le segment qui doit être
mis en rapport avec une autre partie de la chaîne et «référé» ce qui est impliqué
par le référant. Le «lien référentiel» est le rapport sémantique d'identification
qui s'établit entre les deux».
Anaphore et cataphore sont sujettes à la même distinction que la diaphore :
«elles sont soit «segméntales», lorsqu'elles réfèrent à un simple segment, soit
«résomptives», lorsqu'elles réfèrent à un énoncé plus ou moins long» (Maillard
1974 : 57).
En outre, Maillard fait la distinction entre «anaphoriques à valeur constante»,
qui sont les morphèmes référentiels qui conservent l'information, et
«anaphoriques à valeur variable (ou «additionnelle»), «qui non seulement
réactualisent un référé, mais encore apportent une information spécifique non
contenue dans ce «dernier».
Dans sa thèse de 3e cycle, Maillard 1972 introduit aussi la dichotomie
«sémantique»/«métalinguistique», la diaphore pouvant renvoyer respectivement
au signifié du référé ou à son signifiant.
Enfin, la distinction entre «diaphores situationnelles», utilisant de faux
«déictiques», et «diaphores contextuelles pures» est mentionnée pour la première
fois dans son ouvrage Le langage en procès, paru en 1977.
3.3 À cette étape définitoire de la théorie textuelle de l'anaphore, nous
avons considéré celle-ci comme une expression référentiellement incomplète,
interprétée ou saturée par un segment du texte. L'anaphore renvoie donc au
discours proprement dit («endophore»), alors que la déixis renvoie à la situation
(«exophore»).
3.3.1 Comme nous l'avons vu, une définition satisfaisante du phénomène
de la «déixis» est formulée par Fraser et JoIy. Leur théorie s'inscrit dans la
filiation directe de celle de Halliday et Hasan. Mais elle apporte une nouvelle
précision sur le fonctionnement exophorique qui devient, par rapport à
I'endophore, bidirectionnel.
Ainsi, dans la première partie de leur étude (Fraser et JoIy : 1979), les
auteurs ne considèrent plus comme originale la distinction entre Г exophore et
I'endophore, processus renvoyant respectivement à un réfèrent extradiscursif
et intradiscursif. En effet, la nouveauté réside, selon eux, dans le fait que
Г exophore devient un «avant» et I'endophore un «après» (Fraser et JoIy 1979 :
109). Au sein de Г exophore, on distingue aussi un «avant», Г «exophore
mémorielle», et un «après», Г «exophore a-mémorielle». Finalement,
I'endophore contient également un «avant», l'«anaphore», et un «après», la
«cataphore». Au «passé du texte» («anaphore») on fait correspondre le «passé
HÉLÈNE PERDICOYANNI-PALÉOLOGOU 63
AVANT APRES
EXOPHORE ENDOPHORE
Fig.3
Dans la seconde partie de leur étude, les auteurs établissent, d'une part,
une «déixis exo-mémorielle», où le réfèrent «fonctionne in absentia et renvoie à
un objet non présent, présent seulement à la mémoire du locuteur et, le cas échéant,
de l'allocutaire» et, d'autre part, une «déixis exophorique a-mémorielle», qui
fonctionne exclusivement in presentía (Fraser et JoIy 1980 : 25). Aussi bien
dans l'exophore que dans l'endophore, la séquence «avant/après» se laisse donc
interpréter comme la séquence orientée «passé/présent-futuD>. Soit fïgurativement :
PASSE PRESENT-FUTUR
Fig. 4
3.3.2 L'opposition anaphore/déixis est également étudiée par Kleiber. Dans
son article «Anaphore/Déixis/où en sommes-nous?» publié en 1991, après
avoir évoqué la distinction traditionnelle entre expression anaphorique, ex-
pression déictique et expression exophorique non déictique, ou «homophores»,
selon Maillard (1990 :483-494, voir aussi Kleiber, 199Oa : 243-244), «c'est-à-
dire des expressions dont le réfèrent n'est ni donné par l'environnement textuel,
ni par la situation immédiate d'énonciation, mais par des connaissances asso-
ciées à l'expression», Kleiber 1991 : 3-4 soutient que «dans cette perspective
onomasiologique de "lieu d'existence" du réfèrent, l'opposition anaphore-déixis
n'est pas directe, puisque les expressions anaphoriques ou endophoriques s'op-
posent à l'ensemble des expressions exophoriques (déictiques et non déicti-
ques)». En revanche, il considère «l'environnement immédiat» comme étant
le facteur permettant de livrer l'identité du réfèrent et d'opposer directement,
64 LE CONCEPT D'ANAPHORE, DE CATAPHORE ET DE DÉIXIS
5 Les approches qui privilégient le mode de référence ou mode de donation du réfèrent ont pour
écho appellatif aussi bien les dénominations «déictiques» et «particuliers égocentriques»,
«embrayeurs» («shifters»), «speech alternants» que celles qui leur sont plus particulières comme
«token-reflexives» (Reichenbach 1947), «expressions sui-référentielles» (Benveniste, 1966),
«indicateurs» (Casteneda 1967), «symboles indexicaux» (Burks 1948-1949), «index» (Peirce
1931-1935) et «démonstratifs» (Burge 1974; Devitt 1974; Parret 1980 : 6-111).
6 Sur l'abandon de la théorie de la localisation référentielle, selon laquelle l'objet a besoin d'être
réellement présent dans la situation d'énonciation, voir Kleiber 1986 : 11-12.
66 LE CONCEPT D'ANAPHORE, DE CATAPHORE ET DE DÉIXIS
4. La cataphore
4.4 Dans les travaux de Fraser et JoIy 1979,1980, la cataphore est mise en
rapport avec l'amémoriel et classée, pour la première fois, du côté de
l'«exophore amémorielle», les deux relations faisant partie du présent - futur
de renonciation.
70 LE CONCEPT D'ANAPHORE, DE CATAPHORE ET DE DÉIXIS
Lyons (1980 : 282) et de Lérat (1983 : 79) font partie de la seconde tendance.
Le premier distingue entre «anaphore rétrospective», ou référence anaphorique
normale s'appliquant en arrière, et «anaphore anticipante», ou référence
anaphorique s'appliquant en avant. Le second voit aussi dans la cataphore «une
anaphore inverse, c'est-à-dire anticipante».
De son côté, Kesik (1985 : 350-360, 1986 : 250-251, 1989 : 102-103)
prouve que la cataphore n'est pas le symétrique en aval de l'anaphore. Partant
de l'hypothèse d'une complémentarité référentielle entre l'anaphore et la
cataphore, l'auteur (1989 : 102) les confronte :
I o sur le plan ontologique, l'anaphore tend avant tout vers les humains13,
qu'on classe parmi les «entités du premier ordre (nommables)» qui ne concernent
pas la cataphore. En effet, celle-ci s'attache aux entités non nommées, ou entités
du deuxième et du troisième ordres, que sont les situations, les événements et
les propositions;
2° sur le plan informationnel, cataphore et anaphore fonctionnent respec-
tivement dans les énoncés thétiques (impersonnels), «posant des particuliers
dans l'univers de discours», et les énoncés thématiques, «attribuant des propriétés
aux particuliers déjà posés»;
3°et, enfin, sur le plan des formes, l'anaphore se caractérise par l'emploi
des pronoms personnels de la troisième personne, plus rare pour le processus
de la cataphore, alors que cette dernière met le plus souvent enjeu les démons-
tratifs neutres.
Cette confrontation permet à Kesik de prouver que «l'hypothèse du vecteur
inversé est peu féconde puisque, dans la plupart des cas, on ne peut pas permuter
pour passer de la cataphore à l'anaphore et vice-versa» (1989 : 67). En revanche,
lorsque cette permutation est possible, on a affaire à des cataphores plutôt pé-
riphrastiques.
5. Conclusion
Références