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LE LAC-Lamartine

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25/07/2013   Retour à la page générale

MÉDITATIONS POÉTIQUES : Le lac de


Lamartine expliqué (1820)
Le lac Plan de commentaire
Ainsi, toujours poussés vers de I-Le thème du souvenir cher aux romantiques
nouveaux rivages, II-La mesure du temps
Dans la nuit éternelle emportés sans III-La fragilité de la destinée humaine 
retour, Les Méditations poétiques sont un recueil poétique publié
Ne pourrons-nous jamais en 1820 regroupant 24 poèmes. Le lac est
sur l'océan des âges le 10ème poème du recueil, qui dans une première édition
Jeter l'ancre un seul jour ? portait le titre d'Ode au lac de B...autrement dit le lac du
  Bourget à Aix-les-Bains en Savoie. La poétique de ce poème
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière, comme de l'ensemble du recueil des méditations
Et près des flots chéris qu'elle devait est classique, des quatrains d'alexandrins coupés à
revoir, l'hémistiche donnant une harmonie, un équilibre lent propice
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur à la description des sentiments de l'auteur. Lamartine l'année
cette pierre précédente sauva de la noyade de ce lac une femme plus
Où tu la vis s'asseoir ! âgée dont il tomba amoureux, d'un amour teinté de
  tendresse maternelle, et a qui il écrivit des élégies
Tu mugissais ainsi sous ces roches amoureuses sous le nom d'Elvire, une napolitaine. Le poète
profondes ; qui revient seul l'année suivante demande au lac de lui
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs restituer le souvenirs des merveilleux moments passés
déchirés ; ensemble dont il a du garder la trace. Notre poète se rend
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes compte que revenant sur l'itinéraire emprunté avec son
Sur ses pieds adorés. amie, l'abbaye de Hautecombe, la fontaine intermittente,
  le souvenir du passé revient avec force et ne semble pas
Un soir, t'en souvient-il ? avoir été altéré par le temps qui fuit. Ce poème fut en partie
nous voguions en silence ; écrit sur place sur la colline de Tresserve qui domine le lac.
On n'entendait au loin, sur l'onde et Le "lac" de Lamartine est devenu le poème immortel de
sous les cieux, l'inquiétude devant le destin, de l'élan vers le bonheur et de
Que le bruit des rameurs qui frappaient l'amour éphémère qui aspire à L'Éternité.
en cadence 1-Le thème du souvenir cher aux romantiques 
Tes flots harmonieux. Lamartine ne fut pas le premier poète à s'attaquer au thème
  du souvenir, avant lui Jean Jacques Rousseau dans la
Tout à coup des accents inconnus à la Nouvelle Héloise dont on retrouve ici de nombreux emprunts
terre ou Byron l'avaient précédé. Le retour sur les lieux des
Du rivage charmé frappèrent les échos, premiers amours peut être de nature à restituer le souvenir
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est de merveilleux moments comme à faire jaillir des regrets et
chère des remords. Le présent fait naître le souvenir mais
Laissa tomber ces mots : l'homme seul, par la pensée, ne parvient pas à arrêter le
  temps sur un moment de bonheur, à ancrer son existence
« Ô temps, suspends ton vol ! et dans le mouvement inéluctable du temps, dans l'océan des
vous, heures propices, âges. L'homme comme un navigateur sur l'océan, traverse
Suspendez votre cours ! la vie, toujours poussé de façon involontaire par cette fuite
Laissez-nous savourer les rapides du temps. Et ce temps est capricieux, il efface certain
délices souvenirs mais en garde aussi intact certains. Comment faire
Des plus beaux de nos jours ! revivre le souvenir du bonheur passé que le temps
  a estompé et le pérenniserà jamais ? C'est au lac que le
« Assez de malheureux ici-bas vous poète s'adresse non seulement pour lui faire revivre son
implorent ; amour mais pour le prolonger. Il prend le lac à témoin dans
Coulez, coulez pour eux ; une sorte de familiarité avec le tutoiement "regarde", tu me
Prenez avec leurs jours les soins qui les vois et tu dois te rappeler ta visiteuse de l'an passé pour me
dévorent ; la restituer. C'est un thème cher aux romantiques d'une
Oubliez les heureux. nature bienveillante à qui l'on peut confier les secrets et à
  qui on peut tout demander. On demandera donc au lac, et à
« Mais je demande en vain quelques tout ce qui l'entoure, végétation, grottes, vent, de ne dire
moments encore, qu'une seule chose "Ils ont aimé", alors que l'on s'attendait à
Le temps m'échappe et fuit ; "ils se sont aimés" comme un témoignage d'amours
Je dis à cette nuit : « Sois réciproques, mais ce n'est pas cette acception que retient
plus lente » ; et l'aurore Lamartine mais "Ils ont aimé" pour immortaliser ce
Va dissiper la nuit. moment d'intimité qui donne à ce lieu comme une prise de
possession pour L'Éternitéde la présence des deux
« Aimons donc, aimons donc ! de personnages avec une évocation très discrète de l'héroïne
l'heure fugitive, Elvire.
Hâtons-nous, jouissons ! II-La mesure du temps
L'homme n'a point de port, le temps L'allégorie temps-oiseau prend ici une importance
n'a point de rive ; particulière. "O temps suspends ton vol", est un impératif
Il coule, et nous passons ! » adressé au temps comme à un oiseau pour suspendre son
  vol et se reposer. Les heures propices, les heures de bonheur
Temps jaloux, se peut-il que ces réclamées par notre poète donne un accent épicurien au
moments d'ivresse, poème, rappelant le Carpe Diem d'Horace. Le temps est une
Où l'amour à longs flots nous verse notion subjective, les moments d'attente semblent
le bonheur, interminables et ceux de bonheur trop courts. On demande
S'envolent loin de nous de la même au temps d'accélérer dans les moments difficiles comme
vitesse l'oiseau face au danger et on lui demande de ralentir sa
Que les jours de malheur ? course pour pérenniser les instants de délices. "Assez de
  malheureux ici bas vous implore" correspond à cette
Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au demande d'accélérer le temps pour soulager les souffrances
moins la trace ? que l'on ressent et dont on attend des lendemains meilleurs.
Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout La métaphore du temps assimilé à l'océan des âges donne
entiers perdus ? en comparaison de la petitesse du lac, une
Ce temps qui les donna, ce temps qui impression d'immensité, d'infini. Mais l'océan pour les
les efface romantiques a une connotation d'aventures, de dangers, de
Ne nous les rendra plus ? périls, de tempête qui englouti les hommes quel que soit
  leur âge. Le poème est marqué par l'opposition des temps
Éternité, néant, passé, sombres verbaux, le passé qui évoque le souvenir, l'expérience
abîmes, vécue et le présent qui correspond au temps réellement
Que faites-vous des jours que vous vécu, puis l'imparfait que l'on retrouve dans le troisième
engloutissez ? quatrain "tu mugissais", "tu brisais", le vent jetait" qui insiste
Parlez : nous rendrez vous ces extases sur la durée, la continuité des actions du lac devant la fuite
sublimes du temps. La nature n'a pas la notion du temps que l'homme
Que vous nous ravissez ? peut avoir, elle ne connaît ni présent, ni passé. Le passé
  simple du quatrième quatrain "frappèrent", "laissa", reproduit
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt le caractère bref et inattendu des moments de l'existence,
obscure ! une suite brèves d'actions temporelles. Dans notre texte, le
Vous que le temps épargne ou qu'il présent sert à l'observation générale, à la réflexion, à
peut rajeunir, l'enregistrement, pour faire naître ultérieurement le souvenir.
Gardez de cette nuit, gardez, belle Le présent s'il est le préalable au souvenir est difficile à
nature, saisir car il repose sur la difficulté de fixer un instantané dans
Au moins le souvenir ! le cours général du temps qui nous échappe et fuit, coule
  sans cesse. Le rythme du poème, malgré les alexandrins est
Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans vif, surtout dans les deux premières strophes, sans points
tes orages, avec peu de coupes, à l'image du temps qui s'écoule
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants trop vite lorsqu'on souhaiterait qu'il s'écoule lentement pour
coteaux, en fixer le plus d'instantanés. 
Et dans ces noirs sapins, et dans ces III- La fragilité de la destinée humaine
rocs sauvages La fragilité de l'homme est mise en valeur et donne une
Qui pendent sur tes eaux ! tonalité élégiaque, lyrique, au poème. Le poème a la forme
  d'une plaintelangoureuse à l'adresse du temps. Les
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et participes passés, la voix passive soulignent la passivité et
qui passe, l'impuissance de l'homme face au temps, soumis à son
Dans les bruits de tes bords par tes mouvement perpétuel. Lamartine réfléchit et s'interroge sur
bords répétés, sa condition d'homme, sur sa faiblesse face à la fuite du
Dans l'astre au front d'argent qui temps, à l'aide de formules interro-négatives "ne pourrons-
blanchit ta surface nous ?. S'il s'adresse au temps sous une forme impérative
De ses molles clartés ! "suspends ton vol", il pense que sa demande est vaine et
  sans espoir. Il en appelle alors à la nature, au lac, pour
Que le vent qui gémit, le roseau qui garder le témoignage de son existence passée. La métaphore
soupire, du poète avec un navigateur soumis aux caprices et aux
Que les parfums légers de ton air dangers du temps climatique renforce le
embaumé, sentiment d'impuissance, notre poète est un marin qui
Que tout ce qu'on entend, l'on voit et navigue sur l'océan des âges et qui souhaite jeter l'ancre
l'on respire, dans quelque port abrité pour arrêter le temps subjectif. Le
Tout dise : « Ils ont aimé ! »  poète constate que le temps agit comme par jalousie pour
  effacer les meilleurs moments mais simultanément il efface
Vocabulaire aussi les moments de désespoirs. On se rappellera la
Gnomique : qui s'exprime sous forme conclusion de "La nouvelle Héloise" qui est un peu identique,
de sentences, décisions de justice "Ces temps heureux ne sont plus, disparus à jamais, ils ne
reviendront plus et nous vivons", le temps ne garde aucune
trace et permet à l'homme d'oublier les meilleurs moments
comme les pires.
Conclusion
Le poème "Le lac" est une réflexion sur le temps en
rapport avec un amour qui semble à jamais fini. Il constate
amèrement que le passé, fut-il heureux, est passé à jamais,
que le temps en a effacé la trace et qu'il ne peut être
restitué. La nature qui a été le témoin vivant de la présence
du poète a pu garder la trace de ce moment et le restituer au
poète. C'est le paysage qui conserve le souvenir, et non
l'écriture et qui peut dire "ils ont aimé".
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