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Fonctions holomorphes

M308 – L3 MFA
Université Paris-Sud D. Hulin 2013–14
2 D. H. M308

Bibliographie

Il y a abondance de belles références d’analyse complexe. On peut citer entre


autres les textes introductifs suivants :
Lang Complex analysis
Remmert Theory of complex functions
Freitag Busam Complex analysis
Cartan Théorie élémentaire des fonctions analytiques d’une ou plusieurs va-
riables complexes
Conway Functions of one complex variables I
Rudin Real and complex analysis
(ou sa traduction française Analyse réelle et complexe)
ainsi que
Needham Visual complex analysis
pour aborder l’analyse complexe élémentaire par son aspect le plus géométrique.

Complétons cette bibliographie succinte par quelques ouvrages (bien) plus avancés
pour
approfondir l’étude des fonctions d’une variable complexe :
Conway Functions of one complex variables II
Remmert Classical topics in complex functions theory
Segal Nine introductions in complex analysis

apercevoir quelques uns des prolongements de cette théorie


Reyssat Quelques aspects des surfaces de Riemann
Jarnicki Pflug Invariant distances and metrics in complex analysis
Ahlfors Lectures on quasiconformal mappings

ou encore s’aventurer dans le domaine des fonctions de plusieurs variables complexes


Range Holomorphic functions and integral representations in several complex
variables
Hörmander An introduction to complex analysis in several complex variables
Table des matières

1 Fonctions holomorphes, fonctions analytiques 6


A Fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
B Séries entières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
C Fonctions analytiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
D Fonctions holomorphes, fonctions analytiques . . . . . . . . . . . . . 11

2 Exponentielle complexe ; logarithmes 13


A La fonction exponentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
B Logarithme(s) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
C Déterminations du logarithme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
C.1 La détermination principale du logarithme . . . . . . . . . . . 18
C.2 Autres déterminations du logarithme . . . . . . . . . . . . . . 19
D Racines k-ièmes d’un nombre complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
E Fonctions trigonométriques et hyperboliques . . . . . . . . . . . . . . 20
F Vers la fonction ℘ de Weierstrass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

3 Théorème de Cauchy dans un convexe 23


A Primitives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
B Intégrale d’une fonction sur un chemin . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
C Critère pour l’existence locale de primitives . . . . . . . . . . . . . . 27
D Critère pour l’existence globale de primitives . . . . . . . . . . . . . 28
E Théorème de Cauchy dans un convexe . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
F Logarithmes et racines d’une fonction holomorphe sur un convexe . . 31
G Intégrer une fonction doublement périodique . . . . . . . . . . . . . . 32

4 Formule de Cauchy dans un convexe 33


A Indice d’un lacet par rapport à un point . . . . . . . . . . . . . . . . 33
B Formule de Cauchy dans un convexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
C Analyticité des fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
D Quelques premières conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
D.1 Anneau des fonctions analytiques . . . . . . . . . . . . . . . . 40
D.2 Régularité des fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . 40
D.3 Suites de fonctions holomorphes . . . . . . . . . . . . . . . . 42
D.4 Holomorphie sous le signe intégrale . . . . . . . . . . . . . . . 42
E Définir la fonction de Weierstrass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

3
4 D. H. M308

5 Applications de la formule de Cauchy 45


A Formule de Cauchy pour les dérivées . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
B Estimées de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
C Le principe du maximum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
D Le théorème de Liouville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
E Estimées de Cauchy uniformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
F Dériver la fonction de Weierstrass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

6 Zéros d’une fonction holomorphe 52


A Petits rappels de topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
B Zéros d’une fonction holomorphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
C Compter les zéros d’une fonction holomorphe . . . . . . . . . . . . . 55
D Etude locale d’une fonction holomorphe . . . . . . . . . . . . . . . . 58

7 Singularités isolées d’une fonction holomorphe 61


A Classification des singularités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
B Fonctions méromorphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
C Groupes d’automorphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
C.1 Groupe des automorphismes de C . . . . . . . . . . . . . . . 66
C.2 Groupe des automorphismes du disque . . . . . . . . . . . . . 67
D Ordre d’une fonction elliptique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

8 Théorème et formule de Cauchy homologiques 72


A Lacets homologues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
B Théorème et formule de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
C Espaces simplement connexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

9 Séries de Laurent 81
A Fonctions holomorphes sur un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
B Développement en série de Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
C Théorème des résidus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
D Ordre d’une fonction elliptique, suite . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

10 Produits infinis 89
A Prescrire les zéros d’une fonction holomorphe . . . . . . . . . . . . . 89
B Produits infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
C Un exemple : factorisation de la fonction sinus . . . . . . . . . . . . 92
D Fonction holomorphe avec zéros prescrits . . . . . . . . . . . . . . . . 94

11 La sphère de Riemann 97
A Ajouter un point à C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
B La sphère de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

12 Le théorème de l’application conforme de Riemann 102


A Retour sur l’uniformisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
B Familles normales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
C Preuve du théorème de l’application conforme . . . . . . . . . . . . . 106
5

Le paragraphe 8.C (espaces simplement connexes), ainsi que les chapitres 11


(sphère de Riemann) et 12 (théorème de l’application conforme de Riemann) ne
figurent pas au programme de l’examen.
1. Fonctions holomorphes, fonctions analytiques

Où l’on présente les protagonistes : fonctions holomorphes et


fonctions analytiques. On s’apercevra bientôt que ce sont deux
avatars d’un même personnage.

A Fonctions holomorphes
Dans tout le cours, U ⊂ C désignera un ouvert de C.

Définition 1.1 Soit f : U ⊂ C → C. On dit que f est C-dérivable en


z0 ∈ U lorsqu’il existe α ∈ C tel que

f (z0 + h) − f (z0 )
lim =α
h→0 h
On note alors f ′ (z0 ) = α : c’est la dérivée (au sens complexe) de f en z0 .

L’accroissement h prend bien sûr des valeurs complexes. De façon équivalente,


on demande que

f (z0 + h) = f (z0 ) + αh + o(h) . (∗)

L’application h ∈ C → αh ∈ C est C-linéaire. Notons que C est un


R-espace vectoriel de dimension 2, et que a fortiori h ∈ C → αh ∈ C est
R-linéaire. La condition (∗) exprime donc que l’application f : U ⊂ C ≃
R2 → C ≃ R2 est R-différentiable en z0 , de différentielle

Dz0 f : h ∈ C ≃ R2 → αh ∈ C ≃ R2 .

Soyons plus précis. L’application

(x, y) ∈ R2 → x + iy ∈ C

identifie R2 , que l’on munira de sa structure euclidienne canonique, avec C.

6
Fonctions holomorphes 7

A travers cette identification, notre application

f :U ⊂C→C

se lit
f˜ : U ⊂ R2 → C ≃ R2 ,
où
f˜(x, y) = f (x + iy) .

∂ f˜ ∂ f˜
Notation 1.2 On notera f ′ la dérivée complexe de f , et les dérivées
∂x ∂y
partielles de f˜.

Proposition 1.3 Les conditions suivantes sont équivalentes :


1. f est C-dérivable en z0
∂ f˜ ˜ ∂ f˜
2. f˜ est R-différentiable en z0 et ∂y = i ∂∂xf ; on a alors f ′ (z0 ) = ∂x (z0 )

3. f˜ est R-différentiable
  en z0 et sa matrice jacobienne s’écrit
a −b
Jz0 f˜ = ; on a alors f ′ (z0 ) = a + ib
b a
4. f˜ est R-différentiable en z0 et sa différentielle Dz0 f˜ ∈ LR (R2 , R2 ) est
nulle, ou est une similitude directe

En 2, on pense f˜ : U → C et en 3 ou 4 on pense f˜ : U → R2 .
Preuve On a vu que f est C-dérivable en z0 ssi f˜ est R-différentiable en
z0 et si il existe α = a + ib ∈ C tel que, pour h = x + iy, on ait

Dz0 f˜.(x+iy) = (a+ib)(x+iy) = (a+ib)x+i(a+ib)y = (ax−by)+i(bx+ay)

Remarque 1.4 Un élément de GL(R2 , R2 ) est une similitude directe ssi


il est produit d’une rotation et d’une homothétie de rapport non nul ssi il
conserve les angles et l’orientation.
Il suit que l’image par f , C-dérivable en z0 avec f ′ (z0 ) 6= 0, de deux
courbes régulières se coupant à angle droit en z0 seront deux courbes se
coupant à angle droit en f (z0 ) : on dit que f est conforme.

On obtient comme conséquence immédiate.


Corollaire 1.5 Equations de Cauchy-Riemann
Soit f = P + iQ : U ⊂ C → C. Alors f est C-dérivable en z0 si et seulement
si P et Q (parties réelle et imaginaire de f ) sont R-différentiables en z0
avec, en ce point :
∂P ∂Q ∂P ∂Q
= et =− .
∂x ∂y ∂y ∂x
8 D. H. M308

Définition 1.6 Une fonction : U ⊂ C → C est holomorphe si elle est C-


dérivable en chaque point de U .

Proposition 1.7 — L’ensemble H(U ) des fonctions holomorphes sur


U constitue une algèbre : stable par addition, multiplication et mul-
tiplication par un scalaire, fonction constante égale à 1
— Si f ∈ H(U ) et ne s’y annule pas, 1/f ∈ H(U )
— Si f : U → V et g : V → C sont holomorphes, la composée g ◦ f est
holomorphe

Preuve Immédiate, avec les règles “usuelles” pour calculer les dérivées. 

Exemple 1.8 – Les fonctions z → z̄Pet z → Re z ne sont pas holomorphes


– Une fonction polynomiale P (z) = k0 an z n est holomorphe
Par contre une fonction x + iy ∈ C → P (x, y) ∈ C pour P ∈ C[X, Y ] ne
sera en général pas holomorphe
– La fonction z → 1/z est holomorphe sur C∗ ; les fractions rationnelles
P (z)/Q(z) sont holomorphes en dehors des zéros de Q

Proposition 1.9 Soit U ⊂ C un ouvert connexe. Une fonction holomorphe


f ∈ H(U ) est constante si et seulement si f ′ = 0.

Preuve ⇒ Immédiat.
⇐ Suit du théorème des accroissements finis appliqué à la fonction de
variable réelle f˜, qui est de différentielle nulle. 

On va passer à une famille d’exemples fondamentaux qui englobe les


polynômes.

B Séries entières
Soient (an )n∈N P
une suite de nombres complexes, et la “série entière”
(formelle) associée n∈N an z n .

Définition 1.10 Le rayon de convergence de la série entière est

R := sup{r ≥ 0 | |an |r n est borné} .

Il se peut que R = 0 ; prendre an = nn .

Rappel 1.11 — On a 1/R =P lim sup |an |1/n


— pour 0 ≤ r < R, la série n∈N an z n converge normalement sur le
disque fermé D(0, r) P
— pour |z| > R, la série n∈N an z n ne converge pas.
Séries entières 9

Définition 1.12 Le disque ouvert D(0, R) est appelé disque de convergence


de la série entière.
Proposition 1.13 Supposons R > 0. On définit f (z) = n∈N an z n pour
P
|z| < R.
1. Le rayon de convergence de la série n∈N nan z n−1 est égal à R.
P

2. La fonction f est holomorphe sur D(0, R), et on a pour |z| < R :


X
f ′ (z) = nan z n−1 .
n∈N

Preuve L’assertion sur le rayon de convergence découle de la proposition


précédente.
Soit z ∈ D(0, R) : on va montrer que f est C-dérivable en z. Comme on
ne veut pas trop s’approcher du bord du disque de convergence (danger !),
on choisit r tel que |z| < r < R. Pour h ∈ C tel que |z| + |h| < r, on aura
donc :
D(0,R)

D(0,r)

∞ ∞
X  (z + h)n − z n
f (z + h) − f (z) X n−1 n−1

− nan z = an − nz
h h
0 1

X
= an vn (h) .
2

A n fixé, vn (h) → 0 lorsque h → 0. Il faut voir que la somme de la série


tend vers 0. Pour cela, on cherche à majorer vn (h). Or l’identité
X n − Y n = (X − Y )(X n−1 + · · · + Y n−1 )
montre que
vn (h) = (z + h)n−1 + (z + h)n−2 z + · · · + z n−1 − nz n−1 .
On a donc, uniformément en h tel que |z| + |h| < r, |an vn (h)| ≤ 2nan r n−1 :
majoration par le terme général d’une série convergente. Le résultat suit. 
Corollaire 1.14 La fonction f admet des dérivées (au sens complexe) de
tous ordres, qui sont toutes développables en série entière sur D(0, R) et qui
s’obtiennent en dérivant la série terme à terme. On a, pour tout n ∈ N,
an = f (n) (0)/n!
Unicité du développement en série entière :
la série n∈N an z n est la série de Taylor de f en 0.
P
10 D. H. M308

C Fonctions analytiques
Ce sont les fonctions qui sont localement développables en série entière.

Définition 1.15 Une fonction f : U ⊂ C → C est analytique lorsque, pour


an z n de
P
tout z0 ∈ U , il existe un disque D(z0 , r) ⊂ U et une série entière
rayon de convergence R ≥ r tels qu’on ait, pour tout z ∈ D(z0 , r) :

X
f (z) = an (z − z0 )n .
0

U
Bien entendu, les coefficients an de la
série entière qui restitue f sur le disque
D(z0 , r) dépendent du point z0 ; on a
an = an (z0 ) = f (n) (z0 )/n!

Remarque 1.16 Soit f analytique sur U .


— Elle est holomorphe.
— Elle admet des dérivées complexes de tous ordres, qui sont encore
holomorphes. Elle est de classe C ∞ .
— Elle est somme de sa série de Taylor en chaque point.

Exemple 1.17 - Un polynôme est analytique. Sa série de Taylor en chaque


point a un nombre fini de termes non nuls.
- La fonction z → 1/z est analytique sur C∗ .

Proposition 1.18 Analyticité des séries entières


P∞ n
Soient 0 an z une série entière de rayon de convergence R > 0, et
f : D(0, R) → C sa somme.
Alors f est analytique. Plus précisément : si z0 ∈ D(0, R), f est somme
de sa série de Taylor en z0 sur tout le disque D(z0 , R − |z0 |).

Remarque 1.19 Cet énoncé n’est pas une tautologie !


Fonctions holomorphes, fonctions analytiques 11

Preuve Ce sera une conséquence de la sommation par paquets pour les


séries à termes positifs, ou bien absolument convergentes.
Etape 1 : Le rayon de convergence de la série de Taylor de f en z0 est au moins
R − |z0 |. On a en effet
∞ ∞
(p + q)!
1)an z0n−p ap+q z0q
X X
(p)
f (z0 ) = n · · · (n − p + =
n=p q=0
q!

d’où

(p + q)!
|ap+q | |z0q |
X
|f (p) (z0 )| ≤
q!
q=0

et donc (termes positifs ; on regroupe selon p + q = n)


∞ ∞ ∞
1 (p) (p + q)!
|ap+q ||z0q |r p =
X X X
|f (z0 )|r p ≤ |an | (|z0 | + r)n < ∞
p=0
p! p,q=0
p!q! n=0

dès lors que r < R − |z0 |.

Etape 2 : La série de Taylor de f en z0 a pour somme f sur le disque D(z0 , R−|z0 |).
On a vu que, pour |h| < R − |z0 |, la série double

(p + q)!
ap+q z0q hp
X
p!q!
p,q=0

est abolument convergente. Comme dans l’étape 1, on calcule sa somme de


deux façons :
- en sommant en p à l’extérieur : on reconnaı̂t la série de Taylor de f en z0 ,
évaluée en h
- en sommant selon p + q = n : on obtient ∞ n
P
0 an (z0 + h) = f (z0 + h). 

D Fonctions holomorphes, fonctions analytiques


Notre premier objectif sera de démontrer le résultat fondamental suivant.

Théorème 1.20 Soit f : U ⊂ C → C. Alors

f est holomorphe ⇔ f est analytique .

⇐ Vu ci-dessus, c’est immédiat.

⇒ Est très surprenant ! En effet, demander que f soit holomorphe, c’est


“simplement” demander que f soit C-dérivable en chaque point. Elle est
alors analytique.
12 D. H. M308

En particulier :
— f est automatiquement C 1
— et même C ∞
— et en plus elle est localement somme de sa série de Taylor en chaque
point.
Comparer aux fonctions de variable réelle :
— f (x) = x2 sin(1/x)
2
— f (x) = e−1/x
qui sont dérivables en tout point de R.

Rappelons également le

Théorème 1.21 Théorème de Borel


Soit (an ) une suite arbitraire de nombres complexes. Il existe une fonc-
tion f : R → R de classe C ∞ pour laquelle, pour tout n ∈ N, on a
f (n) (0) = an .

On sait donc prescrire arbitrairement toutes les dérivées d’une fonction


de classe C ∞ en un point. En particulier, pour f (n) (0) = (n!)2 , la série de
Taylor de f en 0 aura un rayon de convergence nul.
2. Exponentielle complexe ; logarithmes

Nous étudions la fonction exponentielle complexe. L’étude de


cet exemple fondamental nous prépare (entre autres) au chapitre
suivant, où l’on parlera de primitives.

A La fonction exponentielle
P zn
Proposition 2.1 – La série entière ∞ 0 n! a un rayon de convergence in-
fini. Elle définit une fonction exp : C → C holomorphe, i.e. une fonction
entière. On note aussi exp(z) = ez .
– On a exp(0) = 1 et (exp)′ = exp.
– Pour z, w ∈ C on a ez̄ = ez et ew+z = ew ez . En particulier, exp : C → C∗
ne s’annule pas.
– L’application exponentielle réelle exp : R → R∗+ est une bijection crois-
sante.
On a |ez | = 1 si et seulement si z ∈ iR.

Définition 2.2 Une fonction entière est une fonction holomorphe définie
sur C tout entier.

Preuve Les deux premiers points sont clairs. L’identité ez̄ = ez suit de ce
que la conjugaison z ∈ C → z̄ ∈ C est continue.
Pour a, b ∈ C, on introduit g(z) = ez ea+b−z . On a g ′ = 0, donc g(z) ≡
g(0) = ea+b par la proposition 1.9. Pour z = a, on obtient ea eb = ea+b . En
particulier, ez est non nul, d’inverse e−z . Ceci justifie la notation exp(z) = ez ,
en posant e := exp(1).
On étudie d’abord la fonction exponentielle réelle sur [0, ∞[ en remarquant
que sa dérivée y est positive, et on complète l’étude en utilisant la relation
e−x = 1/ex .
Enfin ex+iy = ex eiy avec |eiy |2 = eiy e−iy = 1, tandis que ex = 1 si et
seulement si x = 0. 

Remarque 2.3 L’exponentielle complexe exp est l’unique application entière


f : C → C qui vérifie simultanément f (0) = 1 et f ′ (z) = f (z) pour tout
z ∈ C. Ceci résulte de la proposition 1.9, appliquée à z ∈ C → f (z)e−z ∈ C.

13
14 D. H. M308

On veut maintenant montrer que exp : C → C∗ est surjective. Nous


allons utiliser un argument de topologie. Nous commençons par énoncer la
variante holomorphe du théorème d’inversion locale.

Remarque 2.4 Rappelons qu’on a annoncé qu’une fonction holomorphe est


automatiquement de classe C 1 . Nous admettons (provisoirement) ce résultat
pour démontrer la proposition suivante, ainsi que son corollaire.
Nous n’appliquerons cependant dans l’immédiat le corollaire 2.6 qu’à la fonc-
tion exponentielle qui, par construction, est analytique donc de classe C 1 .

Proposition 2.5 Inversion locale holomorphe


Soient f : U → C une application holomorphe et z0 ∈ U . On suppose
que f ′ (z0 ) 6= 0.
Alors f est un biholomorphisme au voisinage de z0 : il existe un voisinage
V ⊂ U de z0 pour lequel f (V ) ⊂ C est ouvert, et tel que l’application
f : V → f (V ) soit bijective d’inverse f −1 holomorphe.

Preuve Rappelons que, pour f holomorphe, on a l’équivalence


 
a −b

f (z0 ) = a + ib 6= 0 ⇔ Jz0 f˜ = ∈ Gl2 R ,
b a

où f˜ : U ⊂ R2 → R2 désigne l’application de variable réelle sous-jacente,


qui est de classe C 1 (remarque 2.4). Il suit donc du théorème d’inversion
locale que f˜ est un difféomorphisme d’un voisinage V de z0 sur son image
f (V ). L’inverse d’une similitude directe est encore une similitude directe.
La proposition 1.3 assure alors que l’application réciproque f −1 : f (V ) → V
est également holomorphe. 

Corollaire 2.6 Application ouverte, version préliminaire


Soit f : U → C une application holomorphe dont la dérivée ne s’annule
pas. Alors f est une application ouverte.
Nous reviendrons ultérieurement sur cet énoncé (voir 6.18).

Exemple 2.7 L’application exp : C → C∗ est ouverte.


On rappelle qu’un ouvert de C∗ est un ouvert de C inclus dans C∗ .

Théorème 2.8 — L’application exponentielle exp : (C, +) → (C∗ , .)


est un morphisme de groupes surjectif.
— Il existe un unique réel positif, noté π, pour lequel Ker (exp) = 2iπZ.
— On a eiπ = −1 et eiπ/2 = i.
La fonction exponentielle 15

Remarque. L’argument que nous allons développer ci-dessous pour démontrer la surjec-
tivité de l’application exponentielle exp : C → C∗ montre, plus généralement, qu’un
sous-groupe ouvert d’un groupe topologique est toujours fermé.
Il suit par exemple que le groupe Gl+
n R des matrices à déterminant positif est engendré

par exp(Mn R) (exp désignant ici l’exponentielle matricielle) : toute matrice réelle de
déterminant positif s’écrit comme produit d’exponentielles de matrices réelles.

Preuve On a vu ci-dessus que l’application exponentielle est un morphisme


de groupes, et que son image est ouverte.
Surjectivité. L’image H = exp(C) ⊂ C∗ est un sous-groupe ouvert de
C∗ . C’est donc aussi un sous-groupe fermé de C∗ . En effet on a

G [
C∗ = H aH ,
a∈C∗ , a∈H
/

indique une union disjointe et où chaque classe aH ⊂ C∗ modulo H


F
où
est ouverte comme H, puisque la multiplication z ∈ C → az ∈ C par a ∈ C∗
est un homéomorphisme de C et induit donc un homéomorphisme de C∗ .
On conclut par connexité de C∗ .
Noyau de exp. Il nous reste à étudier le noyau de exp : (C, +) → (C∗ , .).
On a vu (proposition 2.1) que Ker (exp) ⊂ iR. On peut donc se contenter
de chercher le noyau du morphisme de groupes h : t ∈ (R, +) → eit ∈ (S1 , .).
Ce morphisme est surjectif et continu. Son noyau Ker h ⊂ R est donc un
sous-groupe fermé de R, qui est :
– distinct de R (car h est surjectif)
– non trivial (car si eit0 = i, on a e4it0 = 1).
Il existe donc un unique réel a > 0 pour lequel Ker h = aZ. On définit π par
la relation 2π := a.
Deux valeurs de exp. On a alors eiπ = −1, (eiπ étant différent de 1, et
de carré égal à 1).
Puisque de carré égal à −1, on a eiπ/2 = ±i. Il reste à voir que sa partie
imaginaire est positive. Pour cela on considère de nouveau l’application h :
t ∈ R → eit ∈ S1 . La partie imaginaire de h(t) (autrement dit, sin t !)
s’annule si et seulement si h(t) = ±1. Il s’ensuit que Im h(t) garde un signe
constant sur l’intervalle ]0, π[. Comme h′ (0) = i, ce signe est positif. 

Ci-dessous, on “dessine” l’application exponentielle complexe. Elle envoie


les droites horizontales (partie imaginaire constante) sur les demi-droites
issues de l’origine, et les droites verticales (partie réelle constante) sur les
cercles. Comme prévu (voir la remarque 1.4), elle préserve les angles droits.
16 D. H. M308

4iπ

2iπ

B Logarithme(s)
Dans le domaine réel, l’application exp : R → R∗+ est une bijection
croissante. Son inverse est le logarithme néperien, noté log : R∗+ → R.
Dans le domaine complexe, l’application exp : C → C∗ est surjective,
mais non injective. Lorsque z ∈ C∗ , on peut écrire z = ew , où w est un
logarithme de z, défini à 2iπ près. Quand z = ex+iy = ex eiy :
— la partie réelle de z, soit x = log |z|, est bien définie
— sa partie imaginaire y, définie à 2π près, est un argument de z.

Définition 2.9 Soit U ⊂ C∗ un ouvert. Une application f : U → C est une


détermination (continue) du logarithme lorsque
— f est continue
— pour tout z ∈ U , on a z = ef (z) .

Remarque 2.10 L’existence d’une détermination continue du logarithme


sur U équivaut à l’existence d’une détermination continue de l’argument sur
U.

Exemple 2.11 Il n’existe pas de détermination continue du logarithme sur


C∗ tout entier.

Preuve Sinon, on disposerait d’une détermination continue de l’argument

z ∈ C∗ → θ(z) ∈ R

avec, pour tout z ∈ C∗ , z = |z| eiθ(z) . En particulier, en se restreignant au


cercle unité, on aurait pour tout t ∈ R :
it )
eit = ei θ(e .

L’application continue t ∈ R → t − θ(eit ) ∈ 2πZ, définie sur un ensemble


connexe et à valeurs dans un espace discret serait donc constante.
Logarithme(s) 17

On obtient une contradiction car t → θ(eit ) est 2π-périodique sur R,


mais t → t ne l’est pas. 

Le même raisonnement (fonction continue définie sur un connexe et à


valeurs dans un espace discret) donne la :
Proposition 2.12 Soient U ⊂ C∗ un ouvert connexe de C∗ et f0 : U → C
une détermination continue du logarithme sur U . Les autres déterminations
continues du logarithme sur U sont exactement les fonctions
fn := f0 + 2inπ n ∈ Z.

La proposition suivante nous permettra de construire, lorsqu’elles existent,


les déterminations continues du logarithme sur un ouvert de C∗ .
Proposition 2.13 Soit U ⊂ C∗ un ouvert.
1. Si f : U → C est une détermination continue du logarithme sur U ,
f est holomorphe et on a f ′ (z) = 1/z pour tout z ∈ U .
2. On suppose maintenant U connexe. Soit g : U → C une fonction
holomorphe telle que g′ (z) = 1/z pour tout z ∈ U . Alors il existe
une constante α ∈ C telle que z ∈ U → g(z) − α ∈ C soit une
détermination continue du logarithme.
Remarque 2.14 – L’existence d’une détermination continue du logarithme
sur U équivaut donc à l’existence d’une “primitive” sur l’ouvert U pour
l’application z ∈ U → 1/z ∈ C .
– Le fait que la fonction z ∈ C∗ → 1/z ∈ C n’admette pas de primitive
est fondamental, et contient en germe la notion d’indice et le théorème des
résidus.
– Lorsque l’ouvert U n’est pas connexe, on ajuste séparément la constante
sur chacune de ses composantes connexes.
Preuve
1. Soit z ∈ U . Pour h ∈ C tel que z + h ∈ U , on a exp(f (z + h)) = z + h,
exp(f (z)) = z et donc
h
exp(f (z + h) − f (z)) = 1 + .
z
La continuité de f au point z assure que f (z + h) − f (z) → 0 lorsque
h → 0. Puisque exp(u) = 1 + u + o(u), on obtient
exp(f (z + h) − f (z)) = 1 + (f (z + h) − f (z)) (1 + ε(h)) ,
où ε(h) → 0 quand h → 0. On a donc
h
f (z + h) − f (z) = (1 + ε(h))−1 :
z
la fonction f est dérivable en z, et on a f ′ (z) = 1/z.
18 D. H. M308

2. Supposons la fonction g holomorphe, avec g ′ (z) = 1/z. Soit h ∈ H(U )


définie par h(z) = exp(g(z))/z. On vérifie facilement que h′ = 0, et
donc que h est constante puisque l’ouvert U est supposé connexe
(proposition 1.9). Il existe donc a ∈ C∗ tel que, pour tout z ∈ U ,
on ait eg(z) = az. Soit α ∈ C tel que a = eα . La fonction z ∈ U →
g(z) − α ∈ C est une détermination du logarithme sur U . 
Remarque. Le fait qu’une détermination continue du logarithme soit holomorphe, ainsi
que le calcul de sa dérivée, suivent également du fait que l’application exp : C → C∗ est
un difféomorphisme local.

C Déterminations du logarithme
C.1 La détermination principale du logarithme
Il suit de l’étude de l’application exponentielle que la restriction
exp : {w ∈ C | − π < Im w < π} → C \ R−
est bijective, et est donc un biholomorphisme entre ces deux ouverts. L’ap-
plication réciproque
ℓπ : C \ R− → {w ∈ C | − π < Im w < π}
est appelée “détermination principale du logarithme”. Elle prolonge au “plan
coupé” C\R− le logarithme réel log : R∗+ → R. La “détermination principale
de l’argument” correspondante prend ses valeurs dans ] − π, π[.

iπ/2

-iπ/2

-iπ

Cette détermination du logarithme est “maximale” : elle ne se prolonge


pas en une détermination (continue) du logarithme sur un ouvert plus grand
que C \ R− .

Lemme 2.15 La détermination principale ℓπ du logarithme est développable


en série entière sur le disque ouvert D(1, 1) centré en 1 et de rayon 1. On
a, pour tout z ∈ C avec |z − 1| < 1 :

X (z − 1)n+1
ℓπ (z) = (−1)n .
n+1
0
Déterminations du logarithme 19

Preuve On observe que D(1, 1) ⊂ C \ R− . La fonction j : z → 1/z est


développable en série entière sur le disque ouvert D(1, 1) centré en 1 et de
rayon 1. Pour z ∈ C tel que |z − 1| < 1 :


1 1 X
j(z) = = = (−1)n (z − 1)n .
z 1 + (z − 1)
0

Le résultat suit de ce que la fonction ℓπ est l’unique primitive de j sur C\R−


qui s’annule en z = 1. 

Je vous laisse montrer de même que ℓπ admet un développement en série entière


sur tout autre disque D ⊂ C \ R− .

C.2 Autres déterminations du logarithme

• D’une part il faut bien avouer que c’était du pur favoritisme que de
singulariser la droite réelle négative, ainsi que de chercher à prolonger le
logarithme népérien. Si ∆ est une demi-droite fermée issue de l’origine, et si
α ∈ R est un argument pour (tous) les éléments de ∆ \ {0}, on obtient de
même une détermination du logarithme

ℓα : C \ ∆ → {w ∈ C | α − 2π < Im w < α}

sur le nouveau plan coupé C \ ∆.


i(α-π/2)

i(α-π)

i(α-3π/2)

i(α-2π)
Δ

• D’autre part, vous pourrez vous convaincre facilement de l’existence


de déterminations continues du logarithme sur les ouverts U et V de C∗
dessinés ci-dessous (U est C∗ privé de la courbe noire).
20 D. H. M308

0
0
U V

D Racines k-ièmes d’un nombre complexe


Soit k ∈ N∗ . Un nombre complexe non nul possède exactement k racines
k-ièmes w, telles que wk = z, et qui diffèrent toutes d’une racine k-ième de
l’unité.

Lemme 2.16 Soit U ⊂ C∗ un domaine sur lequel il existe une détermination


(continue, donc holomorphe) ℓ : U → C du logarithme. L’application

1
ℓ(z) ∈ C∗

r : z ∈ U → exp
k
fournit une détermination holomorphe de la racine k-ième sur U .

E Fonctions trigonométriques et hyperboliques


Les fonctions trigonométriques (sinus, cosinus, tangente et cotangente) et
hyperboliques (sinus hyperbolique etc...) que vous avez l’habitude de manier
sur R s’étendent naturellement à la variable complexe.

On définit ainsi les fonctions entières

eiz − e−iz eiz + e−iz


sin(z) = , cos(z) =
2i 2
ez − e−z ez + e−z
sinh(z) = , cosh(z) =
2 2
de sorte que i sin(z) = sinh(iz) et cos(z) = cosh(iz) pour tout z ∈ C. Les
quotients

sin(z) cos(z)
tan(z) = , cot(z) =
cos(z) sin(z)
sinh(z) cosh(z)
tanh(z) = , coth(z) =
cosh(z) sinh(z)

sont des fonctions méromorphes sur C (voir le chapitre 7).


Fonctions trigonométriques et hyperboliques 21

Exercice 2.17 (A traiter après le chapitre 7).


Déterminer pour chaque pôle de chacun de ces quotients, l’ordre du pôle ainsi que
le résidu correspondant.

Noter enfin que toutes les relations de trigonométrie et de trigonométrie


hyperbolique connues sur R s’étendent à la variable complexe. Cela se vérifie
en revenant à la définition via la fonction exponentielle, ou bien en propa-
geant ces identités via le principe du prolongement analytique (chapitre 6).
22 D. H. M308

F Vers la fonction ℘ de Weierstrass

La fonction exponentielle exp : C → C fournit un exemple de fonction


entière (simplement) périodique, avec

exp(z + 2iπ) = exp(z)

pour tout z ∈ C. On a exp(z + 2iπn) = exp(z) pour tous z ∈ C et n ∈ Z.

Question Existe-t-il des fonctions entières doublement périodiques (autres


que les fonctions constantes bien entendu) ?

Définition 2.18 Une fonction f : C → C est doublement périodique lors-


qu’il existe deux nombres complexes non nuls u, v ∈ C∗ , dont le ratio ne soit
pas réel, et tels que
f (z) = f (z + u) = f (z + v)
pour tout z ∈ C. La fonction f vérifie alors f (z + w) = f (z) pour tous z ∈ C
et w ∈ Λ, où Λ est le “réseau”

Λ = Zu+Zv.

Le réseau carré Λ0 = Z + Zi engendré par 1 et i, un autre réseau Λ = Z u + Z v, ainsi que


des domaines fondamentaux pour chacun

La fonction f est alors connue dès qu’elle est connue sur le “domaine
fondamental” K := {xu + yv | 0 ≤ x < 1 , 0 ≤ y < 1 } du réseau Λ.

Cette question, ainsi que ses développements, nous serviront


de fil rouge tout au long du semestre.
3. Théorème de Cauchy dans un convexe

On montre que toute fonction holomorphe admet localement des


primitives.

A Primitives
Définition 3.1 Soit f : U ⊂ C → C une fonction. On dit que la fonction
F : U ⊂ C → C est une primitive de f lorsque :
— F est holomorphe
— F′ = f.

Exemple 3.2 – Pour n ∈ Z avec n 6= −1, l’application F : z → z n+1 /(n + 1)


est primitive de f : z → z n (sur C lorsque n ≥ 0, et sur C∗ lorsque n ≤ −2).
– Une détermination du logarithme sur un ouvert de C∗ y est une pri-
mitive de z → 1/z.

On se posera la question de l’existence, et de l’unicité, de primitives pour


une fonction donnée.

Unicité. Lorsque U est connexe et F : U → C est une primitive de f , une


fonction G : U → C est primitive de f si et seulement si G − F est constante
(proposition 1.9).

Existence. C’est plus délicat ! On pose quelques jalons, en anticipant sur


la suite du cours.
– Soit F une fonction holomorphe. On a annoncé que F est alors analy-
tique. On en déduit que sa dérivée f := F ′ est également analytique, donc
holomorphe. Donc seule une fonction holomorphe pourra espérer avoir une
primitive.
– Par ailleurs, puisqu’une fonction f holomorphe P est analytique, elle est
localement développable en série entière : f (z) = Pan (z−z0 )n , et elle admet
donc toujours localement des primitives F (z) = c + an (z − z0 )n+1 /(n + 1).
– Par contre, une fonction holomorphe f : U → C n’admettra en général
pas de primitive sur U tout entier. Souvenons-nous en effet de l’exemple de
f : z ∈ C∗ → 1/z ∈ C.

23
24 D. H. M308

B Intégrale d’une fonction sur un chemin


Définition 3.3 – Un chemin est une application γ : [a, b] → C, continue et
de classe C 1 par morceaux.
– Un lacet est un chemin γ : [a, b] → C qui est fermé, i.e. tel que γ(a) = γ(b).

Un chemin, un lacet

Exemple 3.4 – Le chemin σ[z0 ,z1 ] : t ∈ [0, 1] → z0 + t(z1 − z0 ) ∈ C a pour


image le segment [z0 , z1 ] ⊂ C, parcouru de z0 vers z1 .
– Le lacet cn : t ∈ [0, 2π] → eint ∈ C (n ∈ Z∗ ) a pour image le cercle unité
parcouru |n| fois, dans le sens trigonométrique lorsque n > 0, dans le sens
contraire sinon. Le lacet c0 est un lacet constant.

Définition 3.5 Soient U ⊂ C un ouvert, et f : U R→ C continue. Soit


γ : [a, b] → U un chemin. L’intégrale de f sur γ, notée γ f (z) dz (ou encore
R
parfois simplement γ f ), est
Z b
f (γ(t)) γ ′ (t) dt .
a
R
Remarque 3.6 Ne pas se laisser impressionner par la notation γ f (z) dz.
Il s’agit d’une banale intégrale de fonction de variable réelle.

Proposition 3.7 Si f admet une primitive F sur U on a


Z
f (z) dz = F (γ(b)) − F (γ(a))
γ

pour tout chemin γ : [a, b] → U . En particulier, l’intégrale de f sur un lacet


γ tracé dans U est nulle.

Preuve Par composition, la fonction t → F (γ(t)) est continue sur [a, b] et


dérivable sur [a, b] privé d’un nombre fini de points, de dérivée

(F (γ(t)))′ = F ′ (γ(t)) γ ′ (t) = f (γ(t)) γ ′ (t) .


Rt
La fonction I : t → a f (γ(s)) γ ′ (s) ds est également continue sur [a, b] et
dérivable sur [a, b] privé d’un nombre fini de points avec, lorsque c’est défini,
I ′ (t) = (F (γ(t)))′ . 
Intégrale d’une fonction sur un chemin 25

Deux exemples
– Si ℓπ désigne la détermination principale du logarithme sur C \ R− (ℓπ
est donc primitive de z → 1/z, avec ℓπ (1) = 0), on a pour tout w ∈ C \ R−
dz
Z
ℓπ (w) = ,
σ[1,w] z

avec σ[1,w] : t ∈ [0, 1] → 1 + t(w − 1) ∈ C∗ .

w
1
0

– Le lacet c1 : t ∈ [0, 2π] → eit ∈ C∗ a pour image le cercle unité,


parcouru dans le sens trigonométrique. On évalue facilement
Z 2π ′
dz c1 (t)
Z
= dt = 2iπ .
c1 z 0 c1 (t)

Ce petit calcul est fondamental. Ce sera la base de la définition de l’indice,


et du théorème des résidus. Le fait que l’intégrale soit non nulle reflète la
non-existence d’une primitive pour z → 1/z sur C∗ .

Opérations sur les chemins


Reparamétrisation Soit γ : [a, b] → U un chemin. La reparamétrisation
de γ, associée à ϕ : [c, d] → [a, b] bijection de classe C 1 telle que ϕ′ > 0, est
γ ◦ ϕ : [c, d] → U . Noter que ϕ(c) = a et ϕ(d) = b. Le chemin γ ◦ ϕ a même
image géométrique que γ, et il est parcouru dans le même sens.
On a alors, pour toute fonction continue f : U → C,
Z Z
f (z) dz = f (z) dz .
γ γ◦ϕ

Nous n’aurons donc pas à nous inquiéter de l’intervalle de paramétrisation.

Chemin opposé Le chemin opposé à γ : [0, 1] → U est γ ∨ : [0, 1] → U


défini par γ ∨ (t) = γ(1 − t). Ce chemin a même image géométrique que γ,
mais il est parcouru en sens inverse. Par exemple, c−n = c∨n (n ∈ Z).
On a Z Z
f (z) dz = − f (z) dz .
γ∨ γ
26 D. H. M308

Concaténation Si γ1 , γ2 : [0, 1] → U sont deux chemins avec γ1 (1) = γ2 (0),


on peut définir le concaténé γ1 ∗ γ2 : [0, 2] → U de ces chemins par :

γ1 ∗ γ2 (t) = γ1 (t) pour 0 ≤ t ≤ 1


γ1 ∗ γ2 (t) = γ2 (t − 1) pour 1 ≤ t ≤ 2

Par exemple cn = c1 ∗ · · · ∗ c1 (n fois).


On a alors
Z Z Z
f (z) dz = f (z) dz + f (z) dz .
γ1 ∗γ2 γ1 γ2

c1 c-1
Le lacet c1 et son opposé c−1 ; le concaténé de deux chemins

Estimation de l’intégrale sur un chemin


Lemme-Définition 3.8 La longueur d’un chemin γ : [a, b] → C est définie
par
Z b
L(γ) = |γ ′ (t)| dt .
a
On a, pour toute fonction continue f : U → C, la majoration
Z
| f (z) dz| ≤ sup |f (γ(t))| L(γ) .
γ t∈[a,b]

On obtient immédiatement le :

Corollaire 3.9 Soient γ un lacet de U et fn : U → C une suite de fonc-


tions continues qui converge uniformément (ou uniformément sur le support
γ([a, b]) de γ) vers une fonction f . Alors
Z Z
fn (z) dz → f (z) dz .
γ γ
Critère pour l’existence locale de primitives 27

C Critère pour l’existence locale de primitives


Notation 3.10 Soient α, β, γ ∈ C. Le triangle T (α, β, γ) = conv (α, β, γ)
est l’enveloppe convexe de ces trois points. Son bord (orienté) est le lacet
∂T := ∂T (α, β, γ) = σ[α,β] ∗ σ[β,γ] ∗ σ[γ,α] .
Théorème 3.11 Soit U ⊂ C un ouvert convexe. La fonction continue f :
U → C admet une primitive sur U si et seulement si on a
Z
f (z) dz = 0 pour tout triangle T ⊂ U . (∗)
∂T
Remarque 3.12 – Puisque U est convexe, un triangle T est inclus dans U
si et seulement si ses sommets sont dans U .
– Si f : V → C est définie sur un ouvert non convexe V , on appliquera
ce critère localement (typiquement sur des boules B ⊂ V ) pour obtenir
l’existence de primitives pour les restrictions f|B .
– On verra dans le chapitre suivant que la condition (∗) est satisfaite par
toute fonction f holomorphe sur U .
Preuve ⇒ Immédiat d’après la proposition 3.7 puisque ∂T est un lacet.
⇐ Fixons w0 ∈ U . Guidés par la proposition 3.7, nous allons vérifier que
la fonction F définie pour w ∈ U par
Z
F (w) = f (z) dz ,
σ[w0 ,w]

où σ[w0 ,w] : t ∈ [0, 1] → w0 + t(w − w0 ) ⊂ U paramètre le segment [w0 , w],


est bien (la) primitive de f (qui s’annule en w0 ).

w w+h

w0

Pour h ∈ C petit, le point w + h appartient encore à U , et la condition


(∗) appliquée au triangle T (w0 , w, w + h) ⊂ U assure que
1 1
Z Z
 
F (w + h) − F (w) = f (z) dz − f (z) dz
h h σ[w ,w+h] σ[w0 ,w]
Z 0
1
= f (z) dz
h σ[w,w+h]
Z 1
= f (w + th) dt →h→0 f (w)
0
par continuité de f au point w. 
28 D. H. M308

D Critère pour l’existence globale de primitives


Tant qu’à faire, nous complétons ce qui a été vu dans la section précédente
par un critère d’existence globale de primitive pour une fonction définie sur
un ouvert quelconque (non convexe). L’ouvert n’étant plus convexe, il n’y a
plus de chemin privilégié (segment) pour aller d’un point à un autre.

Théorème 3.13 Soient U ⊂ C un ouvert quelconque, et f : U → C une


fonction continue. La fonction f admet une primitive sur U si et seulement
si son intégrale sur tout lacet c tracé dans U est nulle :
Z
f (z) dz = 0 pour tout lacet c ⊂ U . (∗∗)
c

Remarque 3.14 Soit f : U → C continue. On veut savoir si f admet une


primitive. Lorsque l’ouvert
R U est convexe, le théorème 3.11 nous dispense de
vérifier que l’intégrale c f (z) dz de f sur tout lacet c de U est nulle. Il suffit
de vérifier que son intégrale sur le bord de tout triangle T ⊂ U est nulle.
Preuve La condition (∗∗) est nécessaire (comme en 3.11). On va voir qu’elle est
suffisante. Supposons en effet l’ouvert U connexe (sinon on travaille séparément sur
chacune de ses composantes connexes) ; l’ouvert U est alors connexe par arcs C 1
(ou C 1 par morceaux), voir le lemme 8.9. On choisit un point w0 ∈ U et l’on définit
pour tout point w ∈ U Z
F (w) = f (z) dz ,
γ

où γ est n’importe quel chemin tracé dans U joignant w0 à w : la condition (∗∗)
assure que la fonction F est bien définie car l’intégrale ne dépend pas du choix du
chemin entre w0 et w.
Soit ε > 0 pour lequel D(w, ε) ⊂ U . Soit |h| < ε. Si γ est un chemin joignant
w0 à w et tracé dans U , le chemin concaténé γ ∗ σ[w,w+h] joint w0 à w + h et est
tracé dans U . On a alors
Z
F (w + h) = F (w) + f (z) dz ,
σ[w,w+h]

ce qui montre que F est bien primitive de f .

w
w w+h

w0
w0

Construction de primitive : U convexe, ou pas.


Théorème de Cauchy dans un convexe 29

E Théorème de Cauchy dans un convexe


On va démontrer, comme annoncé, qu’une fonction holomorphe admet
localement des primitives. Nous devons donc vérifier qu’elle satisfait le critère
du théorème 3.11. C’est l’objet du lemme suivant.

Lemme technique 3.15 Lemme de Goursat


Soient U ⊂ C un ouvert, f : U → C une fonction holomorphe et T ⊂ U
un triangle. Alors Z
f (z) dz = 0 .
∂T

Preuve On découpe le triangle T en quatre triangles homothétiques de


rapport 1/2, soient T (1), T (2), T (3), T (4) que l’on oriente convenablement
de sorte que
Z X 4 Z
f (z) dz = f (z) dz .
∂T i=1 ∂T (i)

On
R retient parmi les quatre triangles T (i) celui (ou l’un de ceux) pour lequel
| ∂T (i) f (z) dz| est maximale. On le nomme T1 , de sorte que
Z Z
| f (z) dz| ≤ 4 | f (z) dz| .
∂T ∂T1

Le triangle T et les quatre triangles T (1), T (2), T (3), T (4)


30 D. H. M308

On itère le procédé. Obtient donc une suite Tn+1 ⊂ Tn ⊂ T de triangles,


où Tn est homothétique de T de rapport 2−n et satisfait
Z Z
n
| f (z) dz| ≤ 4 | f (z) dz| .
∂T ∂Tn

T et la suite de triangles Tn

Les triangles Tn forment une suite décroissante de compacts non vides


donc leur intersection est non vide. Comme le diamètre de Tn tend vers 0
lorsque n → ∞, cette intersection est réduite à un point : il existe z0 ∈ T
tel que ∩n≥1 Tn = {z0 }.

On a supposé f holomorphe. En particulier f est C-dérivable en z0 . On


a donc, en notant α = f ′ (z0 ) :

f (z) − f (z0 ) − α (z − z0 ) = o(z − z0 ) ,

d’où
sup |f (z) − f (z0 ) − α (z − z0 )| = o(diamTn ) .
z∈∂Tn

Le diamètre diamTn et la longueur du bord de Tn satisfont respectivement


diamTn = 2−n diamT et L(∂Tn ) = 2−n L(∂T ). Soit ε > 0. Le lemme 3.8
assure donc qu’il existe N ∈ N tel qu’on ait pour tout n ≥ N
Z
| f (z) − f (z0 ) − α (z − z0 ) dz| ≤ ε diamTn L(∂Tn )
∂Tn
= ε 4−n diamT L(∂T ) .

La fonction z → f (z0 ) + α (z − z0 ) est polynomiale en z. Elle admet


donc une primitive sur C et son intégrale sur chaque lacet ∂Tn est nulle. On
obtient finalement
Z Z
n
| f (z) dz| ≤ 4 | f (z) dz| ≤ ε diamT L(∂T ) .
∂T ∂Tn

Ceci étant vrai pour tout ε > 0, la conclusion suit. 


Logarithmes et racines d’une fonction holomorphe sur un convexe 31

Corollaire 3.16 Théorème de Cauchy pour un convexe


Soient U ⊂ C un ouvert convexe et f : U → C une fonction holomorphe.
Alors
1. f possède une primitive sur U
R
2. pour tout lacet γ de U , on a γ f (z) dz = 0.

Preuve
1. L’existence d’une primitive de f sur U découle du critère donné dans
le théorème 3.11 et du lemme de Goursat 3.15.
2. S’en déduit, grâce à la proposition 3.7.

Remarque 3.17 Ne pas oublier l’hypothèse de convexité. Se souvenir, en-


core et toujours, de l’application z ∈ C∗ → 1/z ∈ C∗ qui n’admet pas de
primitive sur C∗ et dont l’intégrale sur le lacet c1 (d’image le cercle unité)
est non nulle.

F Logarithmes et racines d’une fonction holomorphe


sur un convexe
Proposition 3.18 Soient U ⊂ C un ouvert convexe et f : U → C∗ une
fonction holomorphe qui ne s’annule pas. Alors
1. il existe g : U → C holomorphe avec f = eg ; deux telles fonctions
diffèrent d’une constante additive dans 2iπZ
2. il existe, pour tout k ∈ N∗ , une fonction holomorphe h : U → C∗
telle que hk = f ; deux telles fonctions diffèrent par une constante
multiplicative qui est une racine k-ème de l’unité.

Preuve
1. Soit g holomorphe sur U . La fonction e−g f est constante sur U si et
seulement si g′ = f ′ /f . Prendre pour g une primitive convenable de la
fonction holomorphe f ′ /f sur le convexe U (on ajuste la “constante
d’intégration” en se servant de la surjectivité de l’application expo-
nentielle exp : C → C∗ ).
2. Si f = eg , la fonction h = exp kg convient.
L’unicité, à constante près, est laissée au lecteur. 
32 D. H. M308

G Intégrer une fonction doublement périodique


Terminons ce chapitre par un petit exemple qui nous sera utile lors de
l’étude de la fonction ℘ de Weierstrass.

Soit f : C → C une fonction continue doublement périodique, associée


au réseau Λ = Zu + Zv. Notons γ : [0, 1] → C le lacet défini par

— γ(t) = 4tu lorsque 0 ≤ t ≤ 1/4


— γ(t) = u + (4t − 1)v lorsque 1/4 ≤ t ≤ 1/2
— γ(t) = u + v − (4t − 2)u lorsque 1/2 ≤ t ≤ 3/4
— γ(t) = 4(1 − t)v lorsque 3/4 ≤ t ≤ 1.
Le lacet γ décrit le bord du domaine fondamental de Λ, et l’on a
Z
f (z) dz = 0 .
γ

0
u
4. Formule de Cauchy dans un convexe

Un petit effort supplémentaire va nous donner la formule de


représentation intégrale de Cauchy, qui permet de calculer la
valeur en un point d’une fonction holomorphe connaissant les
valeurs qu’elle prend sur un cercle entourant ce point. On en
déduira l’analyticité des fonctions holomorphes, tant attendue.

A Indice d’un lacet par rapport à un point


Définition 4.1 Soient γ ⊂ C un lacet et a ∈ C \ γ un point pris hors de
l’image de γ. L’indice du lacet γ par rapport au point a est
1 dz
Z
Ind (γ, a) = .
2iπ γ z − a

Interprétation géométrique
Par translation, on se ramène à a = 0. Le lacet γ est tracé dans C∗ et
1 dz
Z
Ind (γ, 0) = .
2iπ γ z

Localement, on a des déterminations du logarithme sur C∗ qui sont des


primitives de z → 1/z. Soit α ⊂ γ un petit arc contenu dans un ouvert
R ⊂
U C∗ sur lequel il existe une détermination du logarithme ℓ. L’intégrale
dz
α z calcule l’accroissement de ℓ le long de α. Sa partie réelle est la différence
des valeurs de log|z| entre les deux extrêmités de α. Sa partie imaginaire nous
donne l’accroissement, entre les deux extrêmités de α, de la détermination
(continue) de l’argument associée R à ℓ.
Pour calculer l’intégrale I = γ dz
z le long du lacet γ entier, on décompose
γ en petits arcs et on ajoute leurs contributions. La partie réelle de I est
donc nulle, puisque |γ(1)| = |γ(0)|.
Sa partie imaginaire vérifie Im I = θ(1) − θ(0), où t ∈ [0, 1] → θ(t) est
une détermination continue de l’argument le long du lacet γ : t ∈ [0, 1] →
γ(t) (de sorte qu’on a γ(t) = |γ(t)| eiθ(t) pour tout t ∈ [0, 1]). On a donc
Ind (γ, 0) = N , où N ∈ Z est “le nombre de tours que γ fait autour de
l’origine”.

33
34 D. H. M308

c1 c-1 c

Il faut savoir calculer l’indice “de vue” dans des cas simples ; ici
Ind (c1 , 0) = 1, Ind (c−1 , 0) = −1, Ind (c, 0) = 2, Ind (d, 0) = 0

Nous allons formaliser cette interprétation géométrique, et montrer la

Proposition 4.2 Soit γ : [0, 1] → C un lacet.


1. L’application a ∈ C \ γ → I(γ, a) est à valeurs entières.
2. Elle est constante sur chaque composante connexe de C \ γ.
3. Elle est nulle sur l’unique composante connexe non bornée de C \ γ.

Preuve 1. Introduisons, pour t ∈ [0, 1],


Z t
γ ′ (s) 
h(t) = exp ds .
0 γ(s) − a

On veut voir que h(1) = 1. On dérive h et on obtient

h′ (t) γ ′ (t)
=
h(t) γ(t) − a

γ(t) − a
ce qui montre que le ratio est constant. Puisque γ(1) = γ(0), on a
h(t)
donc bien h(1) = h(0) = 1.
Soit w0 ∈ C tel que γ(t) − a = h(t)ew0 . On vient de montrer que l’application
R t γ ′ (s)
t → w0 + 0 γ(s)−a ds est une détermination continue du logarithme de t → γ(t)−a.
2. L’application a ∈ C \ γ → Ind (γ, a) ∈ Z estR continue (application du
théorème élémentaire de continuité sous le signe : en effet, lorsque an →
a ∈ C \ γ, l’intégrand converge uniformément sur [0, 1], de mesure finie).
Cette application est à valeurs dans un espace discret, donc sa restriction à
toute composante connexe de C \ γ est constante.
3. L’image du lacet γ est un compact de C, donc inclus dans un disque
D(0, R). Le complémentaire c D(0, R) ⊂ C \ γ de ce disque est connexe ; il
est contenu dans l’unique composante connexe non bornée U∞ de C \ γ. Une
simple majoration montre que

Ind (γ, a) → 0 lorsque |a| → ∞.


Formule de Cauchy dans un convexe 35

L’indice (entier) est donc nul “à l’infini”, et donc sur tout U∞ .

On peut aussi raisonner plus géométriquement. Supposons le lacet γ inclus dans


la boule B(0, R). Pour tout a ∈ C pour lequel |a| > R, le lacet γ sera inclus dans
un demi-plan (a fortiori un plan coupé) sur lequel il existe une primitive pour
z → 1/(z − a). 

Terminons par quelques propriétés élémentaires de l’indice.

Lemme 4.3 Soient a ∈ C, γ1 , γ2 des lacets dont l’image ne contient pas a.


— Lacet opposé. Ind (γ1∨ , a) = −Ind (γ1 , a)
— Concaténé. Ind (γ1 ∗ γ2 , a) = Ind (γ1 , a) + Ind (γ2 , a)

Preuve Immédiat. 

B Formule de Cauchy dans un convexe


Le lemme de Goursat (3.15) nous a permis de démontrer le théorème de
Cauchy : dans un convexe, toute fonction holomorphe admet une primitive,
et son intégrale sur un lacet est nulle.
Une petite amélioration de ce lemme va nous donner la formule de
représentation intégrale de Cauchy.

Lemme encore plus technique 4.4 Soient U ⊂ C un ouvert, p un point


de U et une fonction f ∈ C 0 (U ) ∩ H(U \ p) continue sur U et holomorphe
en dehors du point p.
Alors, pour tout triangle T ⊂ U , on a
Z
f (z) dz = 0 .
∂T

Remarque 4.5 – C’est presque le lemme de Goursat. On a juste relâché


un chouı̈a l’hypothèse de régularité sur f en acceptant une petite singularité
au point p, la fonction f restant cependant continue en ce point.
– Notre fonction f ∈ C 0 (U )∩H(U \p) admet donc localement des primitives,
qui sont holomorphes par définition et dont on démontrera qu’elles sont donc
analytiques. En particulier l’hypothèse de ce lemme, à savoir “f continue
sur U et holomorphe sauf en un point”, impliquera finalement que “f est
holomorphe sur U ”. Voir également en 4.15.
36 D. H. M308

Preuve Comme R dans la preuve du lemme de Goursat, on va estimer


l’intégrale ∂T f (z) dz en découpant le triangle T . On se ramène d’abord
par découpage au cas où le point p est un sommet du triangle.

Supposons donc que p est un sommet de T . On isole alors le point p en


découpant de nouveau le triangle T en 3 triangles T1 , T2 et T3 , de sorte que
cette fois-ci T2 et T3 ne contiennent pas le point p.

T3

T1
p
T2

Le lemme de Goursat (lemme 3.15) nous dit que l’intégrale de f sur le


bord de chacun des deux triangles T2 et T3 est nulle. La fonction f , continue,
est bornée par M au voisinage de p. Lorsqu’on choisit le découpage de sorte
que T1 soit tout petit, on a donc
Z Z
| f (z) dz| = | f (z) dz| ≤ M L(∂T1 ) ,
∂T ∂T1

arbitrairement petit. 

Nous sommes maintenant en mesure de démontrer la formule de Cauchy.


Théorème 4.6 Formule de Cauchy dans un convexe
Soient U ⊂ C un ouvert convexe et f : U → C une fonction holomorphe.
Soient γ un lacet de U et a ∈ U pris hors du support de γ. On a alors
1 f (z)
Z
f (a) Ind (γ, a) = dz .
2iπ γ z − a
Remarque 4.7 – Lorsque f ≡ 1, on retrouve la définition de l’indice.
– Le support du lacet γ est son image dans U . On se permettra désormais
de noter γ ⊂ U , ou a ∈ U \ γ, pour indiquer que le lacet est tracé dans U ,
ou bien que γ évite le point a.
Formule de Cauchy dans un convexe 37

Preuve L’application q : U → C définie par

f (z) − f (a)
q(z) = si z 6= a
z−a

q(a) = f (a)

est holomorphe sur U \ a et continue sur U . On peut donc lui appliquer le


lemme de Goursat amélioré (lemme 4.4) pour montrer que son intégrale sur
le bord de tout triangle T ⊂ U est nulle. Le critère du théorème 3.11 étant
satisfait, la fonction q admet une primitive sur U et la proposition 3.7 assure
que son intégrale sur tout lacet γ ⊂ U est nulle. Il n’y a plus qu’à séparer
les contributions du numérateur pour obtenir l’identité annoncée. 

Dans cet exemple, le lacet γ découpe trois composantes connexes dans U .


On a indiqué la valeur donnée par l’intégrale de Cauchy lorsqu’on prend le
point a dans chacune de ces régions.

Le cas particulier suivant mérite qu’on s’y attarde.

Corollaire 4.8 Formule de Cauchy dans un disque


Soient U ⊂ C un ouvert quelconque et D(z0 , r) ⊂ U un disque fermé (r > 0).
Pour toute fonction holomorphe sur U et tout point z ∈ D(z0 , r) à l’intérieur
de ce disque, on a
Z 2π
1 f (z0 + reit )
f (z) = reit dt .
2π 0 (z0 + reit ) − z

R
U
38 D. H. M308

Remarque 4.9 En d’autres termes, on restitue les valeurs d’une fonction


holomorphe f en chaque point d’un disque ouvert, connaissant seulement
ses valeurs sur le bord du disque !
Preuve C’est la formule de Cauchy que l’on applique, dans un disque
ouvert D(z0 , R) ⊂ U (convexe) avec r < R, au lacet
cr : t ∈ [0, 2π] → z0 + reit ∈ U .


C Analyticité des fonctions holomorphes


Une fois qu’on connait la formule de Cauchy dans un disque, l’analyticité
des fonctions holomorphes est une conséquence facile de l’analyticité de la
seule fonction
z → 1/z .

Théorème 4.10 Analyticité des fonctions holomorphes.


Soit f : U → C une fonction holomorphe. Alors f est analytique.
On peut préciser cette affirmation. Soient z0 ∈ U et R = d(z0 , c U ) la
distance de z0 au complémentaire de U . Alors f est développable en série
entière sur tout le disque D(z0 , R) ⊂ U :
f (z) = ∞ n
P
n=0 an (z − z0 ) pour |z − z0 | < R.
De plus les coefficients an vérifient, pour tout 0 < r < R et tout n ∈ N, les
identités :
Z 2π
f (n) (z0 ) 1
an = = f (z0 + reit )e−int dt . (∗)
n! 2π r n 0

z1

z0 U

Les disques maximaux, centrés en z0 ou z1 , sur lesquels f ∈ H(U ) est développable en série entière.
Analyticité des fonctions holomorphes 39

Remarque 4.11 – On contrôle le disque sur lequel f est développable en


série entière autour de chaque point z0 ∈ U . C’est le plus grand disque ouvert
centré en z0 et inclus dans U .
– En particulier, le rayon de convergence de la série de Taylor de f en z0
est au moins égal à d(z0 , c U ).
– Soient f ∈ H(C) une fonction entière et z0 ∈ C. La série de Taylor de f
en z0 converge vers f sur C tout entier.
– Le terme de droite dans l’identité (∗) ne dépend pas de r, contrairement
aux apparences.

Exemple fondamental La fonction j : z ∈ C∗ → 1/z ∈ C est analytique.


Son développement en série entière au point 1 est valable sur tout le disque
D(1, 1). On a, pour tout |u| < 1,

1 X
= un .
1 − u n=0

Preuve du théorème Soit 0 < r < R. Le disque fermé D(z0 , r) est alors
inclus dans U . La formule de Cauchy dans ce disque (corollaire 4.8) donne,
pour tout point z ∈ D(z0 , r) ⊂ U :
Z 2π
1 f (z0 + reit )
f (z) = reit dt
2π 0 (z0 + reit ) − z
Z 2π
1 f (z0 + reit )
= z − z0 dt
2π 0 1−
reit
Z 2π ∞
1 X 
= f (z0 + reit ) (z − z0 )n r −n e−int dt
2π 0 n=0

en vertu de l’exemple précédent.


P La fonction f , continue, est bornée sur le
cercle |z − z0 | = r. La série ∞
n=0 (z − z0 )n r −n e−int converge uniformément

sur [0, 2π]. On peut donc échanger signes somme et intégrale pour obtenir

X
f (z) = an (r) (z − z0 )n ,
n=0

où

1
Z
an (r) = f (z0 + reit )e−int dt .
2πr n 0

L’unicité du développement en série entière assure que an (r) est indépendant


f (n) (z0 )
de r ∈]0, R[ et vaut . 
n!
40 D. H. M308

Il est important de garder en tête les équivalences suivantes. On verra


plus bas deux illustrations du critère d’holomorphie de Morera (théorème
4.17 et proposition 4.19).

Théorème 4.12 Conditions nécessaires et suffisantes d’holomorphie


Soit U ⊂ C un ouvert quelconque. Soit f : U → C continue. Les conditions
suivantes sont équivalentes :
1. Holomorphie : f est holomorphe
2. Formule de Cauchy : pour tout disque fermé D(z0 , r) ⊂ U et tout
point z ∈ D(z0 , r), on a

1 f (w)
Z
f (z) = dw ,
2iπ cr w − z

où cr : t ∈ [0, 2π] → z0 + reit ⊂ U


R
3. Condition de Morera : pour tout triangle T ⊂ U , on a ∂T f (z) dz =
0
4. Analyticité : f est analytique.

Preuve On vient de montrer 1 ⇒ 2 ⇒ 4 (corollaire 4.8 et théorème 4.10).


On savait déjà que 4 ⇒ 1 (proposition 1.13).
1 ⇒ 3 C’est le lemme de Goursat 3.15.
3 ⇒ 1 Noter que l’holomorphie, et l’analyticité, sont des propriétés locales.
Si f vérifie la condition de Morera, elle admet localement des primitives
(théorème 3.11) qui sont holomorphes donc analytiques. La fonction f elle-
même est donc analytique, donc holomorphe. 

D Quelques premières conséquences


D.1 Anneau des fonctions analytiques
Les propriétés de stabilité suivantes peuvent bien entendu se démontrer
de façon élémentaire par des manipulations sur les séries entières, ce qui
constitue un excellent exercice. Mais elle suivent également de l’équivalence
entre holomorphie et analyticité, et de la proposition 1.7.

Corollaire 4.13 — Si f et g sont analytiques, leur produit l’est.


— Si f est analytique et ne s’annule pas, 1/f est analytique.
— Une composée de fonctions analytiques est analytique.

D.2 Régularité des fonctions holomorphes


Proposition 4.14 Soit f : U → C holomorphe. Sa dérivée f ′ : U → C est
elle aussi holomorphe.
Quelques premières conséquences 41

En effet f , et donc f ′ , sont analytiques (th. 4.12). Une fonction holomorphe


f admet donc des dérivées (au sens complexe) de tous ordres. Le simple fait
d’être C-dérivable en chaque point assure que la fonction est de classe C ∞ .
Soulignons encore une fois le contraste avec les fonctions de variable réelle.

Nous étudierons les singularités isolées des fonctions holomorphes au


chapitre 7. Citons cependant dès maintenant un premier résultat frappant :
une singularité isolée “modérée” d’une fonction holomorphe n’est pas une
véritable singularité.

Théorème 4.15 Théorème de prolongement de Riemann


Soit f : D ∗ (z0 , R) → C une fonction holomorphe sur le disque pointé

D (z0 , R) := D(z0 , R) \ {z0 }.
On suppose que la fonction f est bornée au voisinage (pointé) de z0 .
Alors elle se prolonge par continuité en une fonction holomorphe sur tout le
disque D(z0 , R).

Question Se demander si la fonction z ∈ C∗ → sin(1/z) ∈ C fournit, ou


non, un contre-exemple au résultat ci-dessus. Ça serait fâcheux...

Preuve La fonction définie par g(z0 ) = 0 et

g(z) = (z − z0 )2 f (z)

si z 6= z0 est holomorphe, comme f , sur le disque pointé D ∗ (z0 , R). Elle


admet également une dérivée complexe en z0 , qui est nulle. La fonction g
étant holomorphe sur le disque D(z0 , R), elle y est développable en série
entière. Puisque g(z0 ) = g ′ (z0 ) = 0, ce développement s’écrit

X ∞
X
n 2
ak+2 (z − z0 )k .

g(z) = an (z − z0 ) = (z − z0 )
n≥2 k=0

On a donc, pour 0 < |z − z0 | < R,


X
f (z) = ak+2 (z − z0 )k
k=0

et le résultat. 

Remarque 4.16 Il suit de la preuve qu’on aurait pu affaiblir l’hypothèse


“f bornée au voisinage de z0 ” en “f (z) = o(1/(z − z0 ))”.
42 D. H. M308

D.3 Suites de fonctions holomorphes


Théorème 4.17 Soient U ⊂ C un ouvert, et fn : U → C une suite de
fonctions holomorphes.
On suppose que la suite fn converge localement uniformément sur U vers
f : U → C. Alors la limite f est holomorphe.
Rappel La suite de fonctions fn converge localement uniformément vers
f sur U si, pour tout point z0 ∈ U , il existe un voisinage V ⊂ U de ce
point pour lequel les restrictions fn |V convergent uniformément vers f|V .
Un argument élémentaire de recouvrement montre que fn converge alors
uniformément vers f en restriction à tout compact de U .
Preuve La fonction f est continue, comme limite uniforme locale de fonc-
tions continues. Il suffit donc pour montrer qu’elle est holomorphe de vérifier
qu’elle satisfait le critère de Morera (théorème 4.12). Soit T ⊂ U un triangle.
Pour chaque fonction holomorphe fn , on a
Z
fn (z) dz = 0 .
∂T
La suite fn converge uniformément vers f sur le bord (compact) ∂T du
triangle. Il suit alors du lemme 3.8 que
Z
f (z) dz = 0 . 
∂T
Remarque 4.18 – Nous venons donc de montrer que si les fonctions fn
sont C-dérivables en chaque point, et si elles convergent uniformément vers
f , alors la limite f est elle-même C-dérivable. Ceci sans imposer de contrainte
a priori sur les dérivées fn′ . Nous y reviendrons dans le théorème 5.15.
– Noter le contraste avec les fonctions de variable réelle. Considérer la suite
de fonctions t ∈ R → (t2 +1/n)1/2 ∈p R de classe C ∞ , qui converge localement
uniformément vers la fonction t → |t| non dérivable en l’origine.

D.4 Holomorphie sous le signe intégrale


Proposition 4.19 Soient U ⊂ C un ouvert et g : [0, 1] × U → C une
fonction. On suppose que
— g est continue
— chaque fonction gt : z ∈ U → g(t, z) ∈ C (0 ≤ t ≤ 1) est holomorphe.
Alors la fonction h : U → C définie par
Z 1 Z 1
h(z) = g(t, z) dt = gt (z) dz
0 0
est holomorphe sur U . De plus on peut dériver sous le signe somme : on a
en effet, pour tout z ∈ U ,
Z 1

h (z) = gt′ (z) dt .
0
Quelques premières conséquences 43

Preuve De nouveau, h est continue et on va constater que h satisfait


le critère de Morera. Soit T ⊂ U un triangle dont le bord est paramétré
par γ : [0, 1] → U . Il résulte du théorème de Fubini appliqué à la fonction
continue (t, s) ∈ [0, 1] × [0, 1] → g(t, γ(s)) γ ′ (s) ∈ C, et de ce que chaque
fonction gt est holomorphe sur U , que
Z Z Z 1 Z 1 Z
 
h(z) dz = g(t, z) dt dz = gt (z) dz dt = 0 .
∂T ∂T 0 0 ∂T

Déterminons maintenant la dérivée de h. Soient z0 ∈ U et r > 0 tel que


le disque fermée de centre z0 et de rayon r soit inclus dans U . Le théorème
4.10 assure que
Z 2π
′ 1
h (z0 ) = h(z0 + reis ) e−is ds
2πr 0
Z 2π Z 1
1
gt (z0 + reis ) dt e−is ds

=
2πr 0 0
Z 1 Z 2π
1
gt (z0 + reis ) e−is ds dt

=
0 2πr 0
Z 1
= gt′ (z0 ) dt .
0

Justifions ces égalités : on est revenus à la définition de h, on a appliqué le


théorème de Fubini à la fonction

(s, t) ∈ [0, 2π] × [0, 1] → gt (z0 + reis )e−is ,

continue sur un compact, puis on a utilisé le théorème 4.10 pour chacune


des fonctions holomorphes gt (t ∈ [0, 1]). 
44 D. H. M308

E Définir la fonction de Weierstrass

Soient Λ = Z u + Z v un réseau et Λ∗ := Λ \ {0}. Les séries


X
q(z) = (z − w)−3
w∈Λ
X
℘(z) = z −2 + (z − w)−2 − w−2


w∈Λ∗

définissent deux fonctions holomorphes sur C \ Λ.

La fonction q est une fonction doublement périodique pour le réseau Λ.


Elle est impaire.

La fonction ℘ est la fonction de Weierstrass pour le réseau Λ. Elle est


paire. Nous verrons au chapitre suivant qu’elle est Λ-périodique : sous cette
forme ce n’est pas totalement évident, en raison du “terme correcteur” w−2 .

−α est convergente si et
P
On montre en effet que la somme w∈Λ∗ |w|
seulement si α > 2 (utiliser par exemple le fait que la norme euclidienne et
la norme k k1 sont équivalentes sur R2 ).

−2
P
La série w∈Λ |(z − w) | ne convergeant pas, on est amenés à sommer
plutôt w∈Λ∗ (z − w)−2 − w−2 . On constate alors que la série de fonctions
P

X
(z − w)−2 − w−2


w∈Λ , |w|≥2R

converge normalement sur le disque {|z| ≤ R}.


5. Applications de la formule de Cauchy

Ce chapitre est essentiellement consacré aux estimées de Cauchy


(encore lui !) Elles fournissent, localement, une borne explicite
pour chaque dérivée d’une fonction holomorphe – à partir d’une
borne pour la fonction elle-même.

A Formule de Cauchy pour les dérivées


De la formule de Cauchy démontrée au théorème 4.6 suit également
une formule de représentation intégrale pour chaque dérivée d’une fonction
holomorphe, généralisant l’expression (*) obtenue au théorème 4.10.

Corollaire 5.1 Formule de Cauchy pour les dérivées


Soient U ⊂ C un ouvert convexe et f : U → C une fonction holomorphe.
Soient γ un lacet de U et z ∈ U pris hors du support de γ. On a alors, pour
tout n ∈ N,

1 (n) 1 f (w)
Z
f (z) Ind (γ, z) = dw .
n! 2iπ γ (w − z)n+1

En particulier, on restitue toutes les dérivées de f à l’intérieur d’un


disque D(z0 , r) ⊂ U , connaissant seulement les valeurs de f sur le cercle
|z − z0 | = r.

Preuve Supposons le lacet γ paramétré par l’intervalle [0, 1]. Soit n ≥ 1.


La formule de Cauchy pour la fonction holomorphe f (n) donne
1
1 f (n) (γ(t)) ′
Z
(n)
f (z) Ind (γ, z) = γ (t) dt .
2iπ 0 γ(t) − z

Le résultat suit par intégrations par parties, en utilisant le fait que γ est un
lacet et donc que les termes de bord disparaissent. 

Exercice 5.2 Preuve alternative de 5.1


Partir de la formule de Cauchy pour f (théorème 4.6), et dériver sous le signe
intégrale (proposition 4.19).

45
46 D. H. M308

B Estimées de Cauchy
Proposition 5.3 Formule de la moyenne Soient f : U → C une fonction
holomorphe et D(z0 , r) ⊂ U un disque fermé inclus dans U . On a

1
Z
f (z0 ) = f (z0 + reit ) dt .
2π 0

Preuve Ce n’est que la formule de Cauchy pour f dans un disque, exprimée


au centre du disque. 

Remarque 5.4 La valeur de f au centre du disque est donc égale à la


moyenne de f sur le bord. En d’autres termes, une fonction holomorphe
satisfait la “propriété de la moyenne”.
Cette propriété de la moyenne n’est pas caractéristique des fonctions
holomorphes. Elle est satisfaite par toutes les fonctions harmoniques h :
U ⊂ C ≃ R2 → C, c’est-à-dire telles que

∂2h ∂2h
∆h := + 2 =0
∂x2 ∂y

(et seulement par elles).


La partie réelle, et la partie imaginaire, d’une fonction holomorphe sont
harmoniques : cela suit des équations de Cauchy-Riemann. Réciproquement,
on peut montrer qu’une fonction harmonique réelle est toujours localement
(sur tout ouvert convexe) la partie réelle d’une fonction holomorphe.

Notons M (r) := sup|z−z0|=r |f (z)|. Il suit de la proposition 5.3 qu’on a


la majoration |f (z0 )| ≤ M (r). On va fournir des majorations similaires pour
les dérivées de f en z0 .

Théorème 5.5 Estimées de Cauchy


Soient f : U → C holomorphe, D(z0 , r) ⊂ U un disque fermé inclus dans U
et
M (r) := sup |f (z)|
|z−z0 |=r

le sup du module de f sur le cercle de rayon r centré en z0 .


1. Pour n ∈ N, on a
f (n) (z ) M (r)
0
≤ .

n! rn

2. Mieux :
X f (n) (z0 ) 2 Z 2π
2n 1
r = |f (z0 + reit )|2 dt .
n! 2π 0

n∈N
Le principe du maximum 47

Preuve
1. Ce premier point suit de l’expression du développement en série de
f sur D(z0 , r) obtenu via la formule de Cauchy (théorème 4.10).
2. Il est clair que cette seconde assertion (qui n’est autre que la formule
de Parseval dans L22π pour la fonction fr : t → f (z0 + reit )) implique
la première. Démontrons la. La série

it
X f (n) (z0 )
f (z0 + re ) = r n eint
n!
0

convergeant normalement pour t ∈ [0, 2π], on peut écrire



X f (n) (z0 ) f (m) (z0 ) n+m i(n−m)t
|f (z0 + reit )|2 = r e ,
n! m!
m,n=0

d’où le résultat car on peut intégrer terme à terme, les termes pour
lesquels n 6= m ayant une contribution nulle. 

C Le principe du maximum
L’énoncé suivant est de première importance. Nous y reviendrons au
corollaire 6.22 avec un énoncé plus complet, mais nous en proposons dès
maintenant une preuve issue des estimées de Cauchy.

Corollaire 5.6 Principe du maximum (version 1)


Soit f : U → C une fonction holomorphe. On suppose que le disque fermé
de centre z0 et de rayon r est inclus dans U . Alors

|f (z0 )| ≤ max |f (z0 + reit )|


t∈[0,2π]

avec égalité si et seulement si f est constante sur le disque D(z0 , r).

Preuve Supposons que |f (z0 + reit )| ≤ |f (z0 )| pour tout t ∈ [0, 2π]. Les
estimées de Cauchy 5.5(2) assurent que
X f (n) (z0 ) 2 Z 2π
2n 1
r = |f (z0 + reit )|2 dt ≤ |f (z0 )|2 .
n! 2π 0

n∈N

Il suit que toutes les dérivées f (n) (z0 ) sont nulles (n ≥ 1) et donc que f ,
analytique, est constante sur le disque D(z0 , r). 

Exercice 5.7 Donner une preuve alternative du principe du maximum en utili-


sant la formule de la moyenne (proposition 5.3).
48 D. H. M308

D Le théorème de Liouville
Une première application des estimées de Cauchy concerne les applica-
tions entières bornées. Rappelons la

Définition 5.8 Une fonction entière est une fonction holomorphe f : C →


C définie sur C tout entier.

Théorème 5.9 Théorème de Liouville


Une fonction entière bornée est constante.

Preuve Soit f : C → C holomorphe. Supposons |f (z)| ≤ M pour tout


z ∈ C. Les estimées de Cauchy sur le disque D(0, r) donnent, pour tout
n ∈ N∗ ,
f (n) (0) M
≤ n .

n! r

En faisant tendre r vers +∞, on obtient que toutes les dérivées f (n) (0) de f
en l’origine sont nulles (n ∈ N∗ ). La fonction holomorphe f étant analytique
(théorème 4.10), f est somme sur tout le plan complexe d’une série entière
dont le seul terme non nul est constant. 

La même preuve donne plus généralement la

Proposition 5.10 Soit f une fonction entière “à croissance polynomiale” :


on suppose qu’il existe k ∈ N, c et R > 0 tels que

|z| ≥ R ⇒ |f (z)| ≤ c |z|k .

Alors f est une fonction polynomiale de degré au plus k.

Du théorème de Liouville suit une première démonstration du théorème


de d’Alembert-Gauss.

Corollaire 5.11 d’Alembert-Gauss


Soit P ∈ C[z] un polynôme. Si P ne s’annule pas sur C, il est constant.

Preuve Si P (z) = an z n + · · · + a0 est de degré n ≥ 1 (an 6= 0), on a


an−1 a0
P (z) = z n (an + + ··· + n)
z z
et donc |P (z)| → ∞ lorsque |z| → ∞. Supposons que P ne s’annule pas. La
fonction z → 1/P (z) est alors une fonction entière qui tend vers 0 à l’infini,
et qui est donc bornée. Le théorème de Liouville assure maintenant que f
est constante. 
Estimées de Cauchy uniformes 49

E Estimées de Cauchy uniformes


On peut donner de même des estimées de Cauchy uniformes, pourvu
qu’on se restreigne à une partie compacte de U . Commençons par un petit
rappel de topologie.

Lemme 5.12 Soient U ⊂ C un ouvert et K ⊂ U un compact.


1. On a d(K, c U ) > 0.
2. Pour 0 < r < d(K, c U ), on introduit le r-voisinage Kr de K, soit

Kr := ∪z∈K D(z, r) = {w ∈ C | d(w, K) ≤ r} .

La partie Kr est un voisinage compact de K inclus dans U .

Kr U

Preuve Soit A ⊂ C une partie de C. L’application z ∈ C → d(z, A) ∈ R+


est continue (car 1-lipschitzienne). Lorsque A ⊂ C est fermée et z ∈
/ A, on a
d(z, A) 6= 0. 

Corollaire 5.13 Estimées de Cauchy uniformes


Soient U ⊂ C un ouvert, K ⊂ U un compact et 0 < r < d(K, c U ). Pour
toute fonction holomorphe f : U → C et tout entier n ∈ N, on a l’estimation
n!
sup |f (n) | ≤ sup |f | .
z∈K r n z∈Kr

Preuve Conséquence immédiate des estimées de Cauchy. 

Remarque 5.14 On insiste de nouveau sur le contraste avec le cas réel.


1
Considérer la suite de fonctions x ∈ R → sin(kx) ∈ R.
k

Les estimées de Cauchy uniformes vont nous permettre de préciser le


théorème 4.17 sur les suites de fonctions holomorphes.
50 D. H. M308

Théorème 5.15 Suites de fonctions holomorphes (bis)


Soient U ⊂ C un ouvert et (fn ) une suite de fonctions holomorphes sur U .
On suppose que la suite (fn ) converge localement uniformément vers une
fonction f : U → C. Alors
1. la limite f est holomorphe
(p)
2. pour chaque entier p ∈ N, la suite des dérivées (fn ) converge loca-
lement uniformément vers la dérivée f (p) .

Preuve
1. A été vu dans au chapitre précédent.
2. Si K ⊂ U est compact et r > 0 est tel que le r-voisinage Kr de K soit
inclus dans U , il suit des estimées de Cauchy uniformes appliquées à
f − fn que l’on a pour tout n ∈ N
p!
sup |f (p) (z) − fn(p)(z)| ≤ sup |f (z) − fn (z)| .
z∈K r p z∈Kr

Remarque 5.16 – La convergence uniforme de la suite (fn ) assure la conver-


(p)
gence de la suite des (fn ) des dérivées de tous ordres.
– Même si la suite de fonctions (fn ) converge uniformément vers f sur
tout U , on n’aura en général qu’une convergence uniforme locale pour la
suite des dérivées. En effet, plus K se rapproche du bord de U , plus on
devra prendre r petit.
Dériver la fonction de Weierstrass 51

F Dériver la fonction de Weierstrass

Il suit du théorème de Liouville qu’une fonction entière doublement


périodique est constante. Si nous cherchons des fonctions doublement
périodiques, elles devront donc avoir des singularités (un peu plus tard,
on parlera plus précisément de pôles et de fonctions méromorphes).

A cet effet nous avons introduit au chapitre précédent la fonction de


Weierstrass X
℘(z) = z −2 + (z − w)−2 − w−2 .


w∈Λ∗

Elle a pour dérivée X


℘′ (z) = −2 (z − w)−3 .
w∈Λ

On en déduit que la fonction de Weierstrass ℘ est Λ-périodique.

Il faut simplement vérifier qu’on a le droit de dériver la série terme à


terme. C’est bien sûr le cas pour une somme finie. La conclusion suit alors
du théorème 5.15, puisque la série
X
(z − w)−2 − w−2


w∈Λ , |w|≥2R

converge normalement sur le disque {|z| ≤ R}.

Soit w ∈ Λ∗ . Puisque la fonction

z ∈ C \ Λ → ℘(z + w) − ℘(z) ∈ C

est holomorphe sur un ouvert connexe et que sa dérivée est nulle (puisque
℘′ est périodique), elle est donc constante égale à cw ∈ C.
Rappelons que Λ = Z u + Z v. Nous allons montrer que cu = cv = 0, ce qui
assurera la Λ-périodicité de ℘. Traitons le cas de cu . La fonction ℘ est paire.
Puisque u/2 ∈ / Λ, la fonction ℘ est définie en ce point. Par parité
−u u −u −u
℘( ) = ℘( ) = ℘( + u) = ℘( ) + cu
2 2 2 2
ce qui assure que la constante cu est nulle.
6. Zéros d’une fonction holomorphe

Dans ce chapitre nous explorons la structure locale d’une


fonction holomorphe. Par translation, c’est-à-dire en considérant
z → f (z) − f (z0 ), on est ramenés à étudier la fonction f au
voisinage d’un point où elle s’annule.

A Petits rappels de topologie


— Un espace métrique est discret si et seulement si tous ses points sont
isolés, c’est-à-dire si et seulement si les singletons sont ouverts.
— Exemple : A = {1/n | n ∈ N∗ } est discret. Par contre son adhérence
A = A ∪ {0} ne l’est pas.
— Le théorème de Bolzano-Weierstrass assure qu’un ensemble compact
et discret est fini.

— Soit A une partie d’un espace métrique. Un point x ∈ E est un point


d’accumulation de A lorsque x ∈ A \ {x}. Ce point peut, ou non,
appartenir à A.
— Si A ⊂ E n’a pas de point d’accumulation, A est discrète. Si A ⊂ E
est fermée et discrète, elle n’a pas de point d’accumulation dans E.

B Zéros d’une fonction holomorphe


Les zéros d’une fonction holomorphe sont de deux sortes.

Théorème 6.1 Soient U un ouvert connexe et f : U → C une fonction


holomorphe qui s’annule en z0 . Alors :
1. Soit f (n) (z0 ) = 0 pour tout n ∈ N. La fonction f est alors nulle sur
U.
2. Sinon, il existe un unique entier k > 0 tel que

f (z) = (z − z0 )k g(z) ,

où g : U → C est une fonction holomorphe qui ne s’annule pas en z0 .


L’entier k est l’ordre du zéro de f en z0 .

52
Zéros d’une fonction holomorphe 53

Preuve 1. On introduit Y := {z ∈ U | f (n) (z) = 0 pour tout n ∈ N}. La


partie Y ⊂ U est fermée comme intersection de fermés, puisque chaque
dérivée f (n) de f est continue. Si maintenant z0 ∈ Y , la série de Taylor de f
en z0 est nulle et l’analyticité de f assure que f est identiquement nulle au
voisinage de z0 . Ainsi Y ⊂ U est ouvert. Lorsque Y est non vide, on conclut
que Y = U par connexité de U .

2. Si toutes les dérivées de f en z0 ne sont pas nulles, on introduit

k := inf{n ≥ 0 | f (n) (z0 ) 6= 0} > 0 .

Puisque f est analytique on a, lorsque |z − z0 | est assez petit,


∞ ∞
X f (n) (z0 ) X f (n+k)(z0 ) 
f (z) = (z − z0 )n = (z − z0 )k (z − z0 )n .
n! n=0
(n + k)!
n=k

La fonction holomorphe g définie sur U \ {z0 } par f (z) = (z − z0 )k g(z) se


prolonge donc en une fonction holomorphe sur U , avec

f (k)(z0 )
g(z0 ) = 6= 0 .
k!
Pour l’unicité, on observe que si f (z) = (z − z0 )k1 g1 (z) = (z − z0 )k2 g2 (z)
où g1 et g2 sont deux fonctions continues en z0 qui ne s’y annulent pas, la
fonction z → (z − z0 )k1 −k2 se prolonge par continuité en z0 avec une limite
non nulle en ce point ; ceci assure que k1 = k2 . 

On retiendra en outre la série de conséquences fondamentales suivante.

Corollaire 6.2 Principe des zéros isolés


Soient U un ouvert connexe, f : U → C une fonction holomorphe non
identiquement nulle. L’ensemble Z(f ) = {z ∈ U | f (z) = 0} des zéros de f
est discret : tout zéro de f est isolé.

Preuve Soit z0 ∈ Z(f ). La proposition précédente assure que z0 est un


zéro d’ordre fini k de f . On a donc

f (z) = (z − z0 )k g(z) ,

où g(z0 ) 6= 0. Par continuité, il existe un voisinage de z0 sur lequel g ne


s’annule pas. 

Remarque 6.3 Il suit que chaque ensemble Zw0 (f ) = {z ∈ U | f (z) = w0 }


est également discret (w0 ∈ C).
54 D. H. M308

Corollaire 6.4 Soient U un ouvert connexe, et f : U → C une fonction


holomorphe non identiquement nulle.
1. L’ensemble des zéros de f , soit

Z(f ) = {z ∈ U | f (z) = 0} ,

est fermé dans U et discret, donc sans point d’accumulation dans U .


2. Si K ⊂ U est un compact, l’ensemble Z(f ) ∩ K est fini.
3. L’ensemble Z(f ) est fini ou dénombrable.

Preuve 1 et 2. Puisque f : U → C est continue, l’ensemble Z(f ) est un


fermé de U . Les assertions suivent alors du principe des zéros isolés, et des
rappels de topologie.
3. S’en déduit en écrivant l’ouvert U comme réunion dénombrable des
compacts
Kn = {z ∈ C | d(z, c U ) ≥ 1/n , |z| ≤ n} ⊂ U .


Remarque 6.5 Par contre, les zéros d’une fonction holomorphe peuvent
s’accumuler sur le bord de son domaine de définition. Voir le chapitre 10.

Le principe des zéros isolés est souvent employé sous la forme suivante.

Corollaire 6.6 Soient f1 et f2 deux fonctions holomorphes sur l’ouvert


connexe U . Si f1 et f2 coı̈ncident sur une partie A ⊂ U ayant un point
d’accumulation dans U , elles sont égales.

En d’autres termes, notre fonction holomorphe est déterminée par ses


valeurs sur un ensemble A ⊂ U ayant un point d’accumulation dans U . En
particulier :

Corollaire 6.7 Principe du prolongement analytique


Soient V ⊂ C un ouvert, et f : V → C une fonction holomorphe. Soit U
un ouvert connexe contenant V . Alors f possède au plus un prolongement
holomorphe f˜ : U → C.

Méditer l’exemple fourni par deux déterminations du logarithme sur des


plans coupés, et prolongeant la fonction log : R∗+ → R.

Terminons par un dernier corollaire à connotation algébrique.


Compter les zéros d’une fonction holomorphe 55

Corollaire 6.8 Un ouvert U ⊂ C est connexe si et seulement si l’anneau


H(U ) des fonctions holomorphes sur U est intègre.

Preuve Si l’ouvert n’est pas connexe, on choisit une partition U = U1 ⊔ U2


de U en deux ouverts non vides. Les fonctions indicatrices de U1 et U2 sont
localement constantes donc holomorphes sur U , non identiquement nulles,
mais de produit nul.
Supposons maintenant l’ouvert U connexe. Si f, g ∈ H(U ) sont deux
fonctions holomorphes non identiquement nulles, l’ensemble des zéros du
produit f g est réunion de l’ensemble des zéros de f et de celui de g, et est
donc dénombrable. 

C Compter les zéros d’une fonction holomorphe

Soient f : U → C une fonction holomorphe et D := D(z0 , R) ⊂ U un


disque fermé. La formule de Cauchy 4.8 nous apprend que les valeurs de f
sur D sont déterminées par ses valeurs sur le bord ∂D = {|z − z0 | = R}.
Dans cet esprit, nous allons démontrer une formule élégante qui permet de
déterminer le nombre de zéros de f dans D, comptés avec multiplicité.

Notation 6.9 Soient f : U → C holomorphe, et a ∈ U . On introduit

oa (f ) = inf {n ≥ 0 | f (n) (a) 6= 0} .

Lorsque f (a) 6= 0, on a oa (f ) = 0.
Lorsque f (a) = 0, oa (f ) est l’ordre du zéro de f au point a.
Si toutes les dérivées de f en a sont nulles, on convient que oa (f ) = +∞.

Proposition 6.10 Principe de l’argument


Soient f : U → C holomorphe, et D(z0 , r) ⊂ U un disque fermé inclus
dans U . On suppose que f ne s’annule pas sur le cercle |z − z0 | = r. Notons
cr : t ∈ [0, 2π] → z0 + reit ∈ U . Alors

1 f ′ (z)
Z X
dz = oa (f ) .
2iπ cr f (z)
a∈D(z0 ,r)

Remarque 6.11 – D’après le corollaire 6.4, la fonction


P f a un nombre fini
de zéros dans le compact D(z0 , r). L’expression a∈D(z0 ,r) oa (f ) est donc
en fait une somme finie, dont la valeur
X
Z(f ) := oa (f )
a∈D(z0 ,r)
56 D. H. M308

est le nombre de zéros de f dans le disque (ouvert ou fermé) comptés avec


multiplicité.
– Notons que
1 f ′ (z)
Z
dz = Ind (f ◦ cr , 0)
2iπ cr f (z)

compte le nombre de tours que le lacet f ◦cr fait autour de l’origine, ou encore
de combien varie l’argument de f (z) (la partie imaginaire de “log f (z)”)
lorsqu’on parcourt le lacet cr (voir la discussion en 4.1). C’est de là que
vient le nom de cet énoncé.

Preuve Puisque le disque fermé D(z0 , r) est compact, la fonction f y admet


un nombre fini de zéros a1 , · · · , ap de multiplicités (ou ordres) respectifs
k1 , · · · , kp . On peut donc écrire

p
Y
f (z) = (z − aj )kj g(z)
j=1

où la fonction g est holomorphe sur U et n’a plus de zéros dans D(z0 , r). On
constate que
p
f ′ (z) X kj g′ (z)
= + .
f (z) z − aj g(z)
j=1

La fonction g′ /g est holomorphe sur un voisinage (convexe) du disque fermé


D(z0 , r). Le théorème de Cauchy 3.16 assure donc que sa contribution à
l’intégrale sur le lacet cr est nulle.
La conclusion suit de ce que l’indice Ind (cr , aj ) du lacet cr par rapport
à chacun des points aj ∈ D vaut 1. 

On va maintenant chercher à comparer le nombre de zéros de deux fonctions


holomorphes proches.

Lemme 6.12 Le maı̂tre, son chien et le lampadaire


Soient a ∈ C et deux lacets γ1 , γ2 : [0, 1] → C \ {a} évitant le point a. On
suppose que, pour tout t ∈ [0, 1], on a

|γ1 (t) − γ2 (t)| < |γ1 (t) − a| . (∗)

Alors
Ind (γ1 , a) = Ind (γ2 , a) .
Compter les zéros d’une fonction holomorphe 57

Preuve On introduit le lacet


γ2 (t) − a
h : t ∈ [0, 1] → ∈ C.
γ1 (t) − a

Puisque
h′ γ2′ γ1′
= − ,
h γ2 − a γ1 − a
on a l’égalité des indices Ind (h, 0) = Ind (γ2 , a) − Ind (γ1 , a). La condition
(*) assure que, pour tout t ∈ [0, 1], on a |h(t) − 1| < 1 : autrement dit le
lacet h est tracé dans le disque ouvert D(1, 1), et donc Ind (h, 0) = 0. 

Corollaire 6.13 Théorème de Rouché


Soient f1 , f2 deux fonctions holomorphes sur l’ouvert U . Soit D(z0 , r) ⊂ U
un disque fermé. On suppose que

|f1 − f2 | < |f1 | sur le cercle Cr = {z , |z − z0 | = r}. (∗∗)

Alors f1 et f2 ont même nombre de zéros, comptés avec multiplicité, dans


le disque D(z0 , r).

Remarque La condition (**) assure que ni f1 ni f2 ne s’annulent sur Cr .


Preuve Par le principe de l’argument, il s’agit de voir que

f1′ (z) f2′ (z)


Z Z
dz = dz ,
cr f1 (z) cr f2 (z)

avec toujours cr (t) = z0 + reit pour t ∈ [0, 2π]. On introduit les lacets
γ1 = f1 ◦ cr et γ2 = f2 ◦ cr . On a, pour j = 1 ou 2 :

fj′ (z) dz
Z Z
dz = dz = Ind (γj , 0) .
cr fj (z) γj z

Le résultat suit du lemme précédent. 


58 D. H. M308

D Etude locale d’une fonction holomorphe


Soit f : U → C holomorphe. On veut décrire la structure géométrique de
f au voisinage d’un point z0 ∈ U . Rappelons qu’on avait déduit du théorème
réel d’inversion locale le résultat suivant.

Rappel 6.14 (Corollaire 2.6)


Si f ′ (z0 ) 6= 0, alors f est un biholomorphisme local d’un voisinage de z0
sur un voisinage de f (z0 ). En particulier, f est ouverte au voisinage de z0 .

Nous allons maintenant nous intéresser au cas où la dérivée f ′ (z0 ) est
nulle. On a déjà dit que si toutes les dérivées de f en z0 s’annulent, alors
f est constante au voisinage de z0 . Etudions donc le cas où z0 est un zéro
d’ordre fini k de z → f (z) − f (z0 ). Le modèle à avoir en tête est la fonction
pk : z → z k en z0 = 0.

Exemple 6.15 Soient k ≥ 1 et r > 0. L’application pk : D(0, r) → D(0, r k )


est surjective. Tout point de D(0, r k ) \ {0} a exactement k antécédents dans
D(0, r) \ {0}.

Dans le cas général, tout se passe comme dans ce cas modèle.

Théorème 6.16 Structure locale d’une fonction holomorphe


Soient f : U → C holomorphe et z0 ∈ U . Soit k ≥ 2. On suppose que
f ′ (z0 ) = · · · = f (k−1) (z0 ) = 0, et f (k) (z0 ) 6= 0. Alors il existe un voisinage V
de z0 et un voisinage W de f (z0 ) avec f (V ) = W , et tels que chaque point
de W \ {f (z0 )} ait exactement k antécédents dans V \ {z0 }.

Preuve Pour simplifier l’écriture, on se ramène par translation au cas où


z0 = f (z0 ) = 0. On choisit r > 0 assez petit pour que le disque fermé D(0, r)
soit inclus dans U et que f (dont les zéros proches de l’origine sont isolés) ne
s’annule pas sur le cercle Cr = {|z| = r}. On note ε = inf{|f (z)| , z ∈ Cr },
qui est non nul.
Pour w ∈ C avec |w| < ε, la fonction fw : z → f (z) − w ne s’annule
pas sur le cercle Cr . Le principe de l’argument assure que le nombre de fois,
comptées avec multiplicité, que f prend la valeur w dans le disque D(0, r)
est
1 f ′ (z)
Z
Nr (w) = dz .
2iπ cr f (z) − w
La fonction w ∈ D(0, ε) → Nr (w) ∈ N est continue, à valeurs entières. On a
donc, pour tout w ∈ D(0, ε), Nr (w) = Nr (0) = k.
Si l’on suppose en outre que r est choisi assez petit pour que la restriction
de f ′ au disque D(0, r) ne s’annule qu’en l’origine, on obtient le résultat avec
W = D(0, ε) et V = f −1 (W ) ∩ D(0, r) (ouvert puisque f est continue). 
Etude locale d’une fonction holomorphe 59

On peut montrer plus précisément le résultat suivant, dont le théorème 6.16


est un corollaire.

Théorème 6.17 Structure locale d’une fonction holomorphe (bis)


Soit f holomorphe admettant un zéro d’ordre k en 0. Il existe alors une
fonction holomorphe g définie près de 0, avec g(0) = 0 et g ′ (0) 6= 0, et telle
que f = pk ◦ g = g k .

La fonction pk est donc, à biholomorphisme près, l’unique modèle local


pour une fonction holomorphe dont les dérivées en z0 s’annulent jusqu’à
l’ordre k, c’est-à-dire telle que f (k) (z0 ) 6= 0 et f ′ (z0 ) = · · · = f (k−1) (z0 ) = 0.

Preuve On a en effet, pour |z| petit,


X
f (z) = an z n
n≥k

avec ak 6= 0, ou encore

f (z) = ak z k (1 + f1 (z))

où la fonction f1 est holomorphe au voisinage de 0 et vérifie f1 (0) = 0. Pour


|z| petit, on a |f1 (z)| < 1 et la fonction z → 1 + f1 (z) admet donc une racine
k-ième h, par exemple
1 
h(z) = exp ℓπ (1 + f1 (z))
k
ℓπ désignant la détermination principale du logarithme. Soit α ∈ C∗ tel que
αk = ak . On a

f (z) = (αz h(z))k = (g(z))k = pk ◦ g(z) .

La fonction z → g(z) := αz h(z) est holomorphe près de 0, et elle a pour


dérivée g′ (0) = α 6= 0 : c’est donc un biholomorphisme local au voisinage de
l’origine. 

Enonçons une conséquence immédiate et spectaculaire de ces résultats.

Corollaire 6.18 Application ouverte, version holomorphe


Soit U ⊂ C un ouvert connexe. Une application holomorphe f : U → C non
constante est ouverte.

Preuve Conséquence immédiate du théorème 6.17, ou bien de la preuve


du théorème 6.16. Il nous faut en effet montrer que, pour tout z0 ∈ U ,
l’image f (U ) est un voisinage de f (z0 ). Or, avec les notations de la preuve du
théorème 6.16, nous avons vu que pour r > 0 assez petit, l’image f (D(z0 , r))
contient le disque D(f (z0 ), ε) où ε = inf{|f (z)| , z − z0 ∈ Cr }. 
60 D. H. M308

Remarque 6.19 Noter l’absence de restriction sur la dérivée de f , qui a le


droit de s’annuler.

De même, le théorème d’inversion globale admet une version holomorphe.

Corollaire 6.20 Inversion globale, version holomorphe


Soit f : U → C holomorphe et injective. Alors f est un biholomorphisme
sur son image.

Preuve L’injectivité de f assure que f ′ ne s’annule pas (théorème 6.16) !


La fonction f : U → f (U ) est donc un biholomorphisme local (6.14), donc
global de nouveau par injectivité de f . 

Remarque 6.21 Noter, dans ces énoncés, la différence sidérante avec le cas
des fonctions de variable réelle. Considérer par exemple les fonctions x → x2
et x → x3 .

Le corollaire 6.18 nous permet de redonner une nouvelle preuve du prin-


cipe du maximum vu en 5.6, dont nous rappelons l’énoncé.

Corollaire 6.22 Principe du maximum


Soient U ⊂ C un ouvert connexe, z0 ∈ U et f : U → C holomorphe. Si
1. |f | admet un maximum local en z0
2. ou bien |f | admet un minimum local non nul en z0
3. ou bien Re f , ou Im f , a un maximum ou un minimum local en z0 ,
alors la fonction f est constante.

Preuve Conséquence immédiate de ce qu’une fonction holomorphe non


constante est ouverte. 

Dans le cas d’un ouvert borné, on peut préciser ce résultat.

Corollaire 6.23 Principe du maximum sur un ouvert borné


Soient U ⊂ C un ouvert borné, et connexe. Soit f ∈ C 0 (U ) ∩ H(U ), holo-
morphe sur U et continue jusqu’au bord. On a alors supU |f | ≤ sup∂U |f |,
avec égalité si et seulement si f est constante.

Preuve La fonction continue |f | atteint son maximum sur le compact U .


Si ce maximum est atteint en un point de U , le corollaire précédent assure
que f est constante. 
7. Singularités isolées d’une fonction holomorphe

On va maintenant s’intéresser au comportement, au voisinage


de a, d’une fonction holomorphe définie sur le disque pointé
D ∗ (a, R) := D(a, R) \ {a}.

A Classification des singularités


Commençons par étudier trois exemples typiques.

sin z
• La fonction z → , définie et holomorphe sur C∗ , se prolonge en
z
une fonction holomorphe sur C. Cela résulte en effet du développement
X z 2n+1 X z 2n
sin z = (−1)n =z (−1)n .
(2n + 1)! (2n + 1)!
n≥1 n≥1

On parle dans ce cas de singularité effaçable (ou de singularité apparente).

• Pour la fonction f : z ∈ C∗ → 1/z ∈ C, on observe que |f (z)| → ∞


lorsque |z| → 0. On dit que f possède un pôle en l’origine.

• Considérons enfin la fonction g : z ∈ C∗ → e1/z ∈ C. L’image


par l’application z → 1/z du disque pointé D ∗ (0, r) est le complémentaire
C \ D(0, 1/r) du disque de rayon 1/r. Il suit de l’étude de l’application ex-
ponentielle que, pour tout r > 0, l’image g(D ∗ (0, r)) est dense dans C (en
l’occurrence, l’image est ici C∗ ). On parle alors de singularité essentielle.

On va démontrer que ce sont les trois seules configurations qui peuvent


apparaı̂tre.

61
62 D. H. M308

Théorème 7.1 Soit f : D ∗ (a, R) → C une fonction holomorphe sur un


disque pointé. Trois cas mutuellement exclusifs se présentent.
1. Singularité effaçable. La fonction f se prolonge en une fonction ho-
lomorphe définie sur tout le disque D(a, R).
2. Pôle. Il existe un entier k ∈ N∗ et des complexes β1 , · · · , βk avec
βk 6= 0 tels que l’application holomorphe
k
X βj
z ∈ D ∗ (a, R) → f (z) − ∈C
(z − a)j
j=1

présente en a une singularité effaçable.


3. Point singulier essentiel. Pour tout 0 < r < R, l’image f (D ∗ (a, r))
est dense dans C.

Définition 7.2 Dans le cas d’un pôle :


— L’entier k est unique. C’est l’ordre du pôle. On le note ōa (f ) ∈ N∗ .
βj
— Les complexes β1 , · · · , βk sont uniques, et on dit que kj=1
P
(z − a)j
est la partie principale de f en a. On a
k k ∞
X βj X βj X
f (z) = + h(z) = + αn (z − a)n ,
(z − a)j (z − a)j n=0
j=1 j=1

la fonction h étant holomorphe sur le disque D(a, R).


— Le complexe β1 ∈ C jouera un rôle particulier. C’est le résidu de f
en a. On notera Res (f, a) := β1 . Il peut être nul.

Remarque 7.3 – La fonction f admet en a un pôle d’ordre k ≥ 1


– si et seulement si la fonction 1/f admet en a une singularité effaçable et
un zéro d’ordre k en a
– si et seulement si il existe une fonction holomorphe g : D(a, R) → C pour
laquelle g(a) 6= 0 et telle que

g(z)
f (z) = .
(z − a)k

On a alors |f (z)| → +∞ quand z → a.

Preuve du théorème Supposons que nous ne soyons pas dans le dernier


cas (3). Il existe 0 < r < R tel que l’image f (D ∗ (a, r)) ⊂ C ne soit pas dense
dans C, et évite donc un disque D(w, ǫ).
Classification des singularités 63

La fonction
1
g : z ∈ D ∗ (a, r) → ∈ C∗
f (z) − w

est holomorphe sur D ∗ (a, r), et bornée au voisinage de a. Le théorème de


prolongement de Riemann 4.15 assure que g se prolonge en une fonction
holomorphe (que l’on notera encore g), définie sur tout D(a, r).
Si g(a) 6= 0 la fonction f est bornée au voisinage de a. Le théorème
de prolongement de Riemann assure cette fois ci que f présente en a une
singularité effaçable.
Si a est un zéro d’ordre k ≥ 1 pour g, on écrit

g(z) = (z − a)k g1 (z) ,

où g1 est holomorphe sur D(a, r) et ne s’annule pas en a, donc ne s’an-


nule pas sur le disque D(a, r). Introduisons la fonction h1 (z) := 1/g1 (z) =
P ∞ n
n=0 bn (z − a) , holomorphe sur D(a, r). On a alors, pour tout z ∈ D(a, r),


1 X
f (z) = w + = w + (z − a)−k bn (z − a)n .
g(z) n=0

Le résultat suit avec βj = bk−j (j = 1 · · · k), et donc βk = b0 = h1 (a) 6= 0.


Pk βj
Pour l’unicité, on remarque qu’une fonction de la forme z → j=1
(z − a)j
n’est bornée au voisinage de a que lorsque tous les βj sont nuls. 

Mentionnons à titre culturel le résultat suivant, qui précise le comporte-


ment d’une fonction holomorphe au voisinage d’une singularité essentielle.

Théorème 7.4 Grand théorème de Picard


Soit f une fonction holomorphe sur le disque pointé D ∗ (a, R) possèdant
en a une singularité essentielle. Deux cas se présentent :
1. soit, pour tout 0 < r < R, l’image f (D ∗ (a, r)) est C tout entier
2. soit il existe w ∈ C tel que, pour tout 0 < r < R assez petit, l’image
f (D ∗ (a, r)) soit C \ {w}.

Les fonctions z → sin(1/z) et z → exp(1/z) illustrent, au voisinage de


l’origine, l’un et l’autre cas.
On peut reformuler ce résultat comme suit. Soit f holomorphe possédant
une singularité isolée au point a. Si il existe un voisinage pointé de a dont
l’image par f omet deux points de C, alors la singularité est un pôle ou bien
une singularité effaçable.
64 D. H. M308

B Fonctions méromorphes
Définition 7.5 Une fonction est dite fonction méromorphe sur U lorsqu’il
existe une partie P ⊂ U telle que :
1. P ⊂ U est une partie fermée de U , et discrète
2. la fonction f est définie et holomorphe sur U \ P
3. la fonction f admet un pôle en chaque point de P .

Remarque 7.6 – On autorise P = ∅. Une fonction holomorphe sur U est


donc également méromorphe.
– L’ensemble P est fini ou dénombrable. Il n’a pas de point d’accumulation
dans U .

Exemple 7.7 – Les fractions rationnelles R(z)/Q(z), où R, Q ∈ C[z] sont


des fonctions polynomiales, sont méromorphes sur C.
– Plus généralement, tout quotient g1 (z)/g2 (z), où g1 et g2 sont holomorphes
sur U et g2 n’est pas identiquement nulle (sur aucune composante connexe
de U ) est méromorphe sur U .

Proposition 7.8 L’ensemble M(U ) des fonctions méromorphes sur U est


stable par addition, multiplication par un scalaire, multiplication interne, et
dérivation.
Lorsque l’ouvert U est connexe, l’inverse d’une fonction méromorphe
non identiquement nulle est encore méromorphe ; M(U ) est un corps.

Remarque 7.9 – On peut démontrer, mais nous n’en sommes pas encore là,
qu’une fonction méromorphe sur U est toujours quotient de deux fonctions
holomorphes sur cet ouvert (voir le corollaire 10.17 lorsque U = C).
– En particulier, lorsque U est connexe, M(U ) est le corps des fractions de
l’anneau H(U ) des fonctions holomorphes sur U (qui est intègre, voir 6.8).

Le principe de l’argument 6.10, qui nous a permis de compter les zéros


d’une fonction holomorphe, admet une variante méromorphe.

Théorème 7.10 Principe de l’argument (version méromorphe)


Soient f : U → C méromorphe, et D(z0 , r) ⊂ U un disque fermé inclus
dans U . On suppose que f n’a ni zéros ni pôles sur le cercle |z − z0 | = r.
Notons cr : t ∈ [0, 2π] → z0 + reit ∈ U . Alors

1 f ′ (z)
Z
dz = Z(f ) − P(f ) ,
2iπ cr f (z)

où Z(f ) et P(f ) désignent respectivement le nombre de zéros et le nombre


de pôles de f , comptés avec multiplicité, dans le disque D(z0 , r).
Fonctions méromorphes 65

Preuve La fonction f admet dans le disque fermé D(z0 , r) un nombre


fini de zéros a1 , · · · , ap de multiplicités k1 , · · · , kp , et nombre fini de pôles
b1 , · · · , bq de multiplicités n1 , · · · , nq . On a
p
X q
X
Z(f ) = kj et P(f ) = ni .
j=1 i=1

Comme dans la preuve de la proposition 6.10, on introduit la fonction


p
Y q
Y
−kj
g(z) = f (z) (z − aj ) (z − bi )ni .
j=1 i=1

Les singularités de la fonction méromorphe g dans D(z0 , r) sont effaçables,


et g ne s’annule pas sur ce disque. On constate que
p q
g′ (z) f ′ (z) X kj X ni
= − + .
g(z) f (z) z − aj z − bi
j=1 i=1

La conclusion suit théorème de Cauchy 3.16 appliqué à la fonction g′ /g,


holomorphe sur un voisinage du disque fermé D(z0 , r). 

Terminons ce paragraphe par l’étude des séries de fonctions méromorphes.

Définition 7.11 Soient U un ouvert de C et hn une P suite de fonctions


méromorphes sur U . On dit que la série de fonctions n∈N hn converge
uniformément sur les compacts de U si, pour tout compact K ⊂ U , il existe
un entier nk ∈ N tel que
— pour toutPn ≥ nk , la fonction hn ne présente pas de pôle sur K
— la série n≥nk hn est uniformément convergente sur K.

Proposition 7.12 Séries de fonctions méromorphes


Soit
P hn une suite de fonctions méromorphes sur U . On suppose que la série
Pn∈N hn converge uniformément sur les compacts de U . La somme h =
n∈N hn est une
Pfonction méromorphe sur U et l’on peut dériver terme à

terme, i.e. h = n∈N hn .′

L’ensemble P (h) des pôles de h est inclus dans la réunion ∪n∈N P (hn )
des ensembles des pôles des hn .

Preuve La propriété à démontrer est locale. On peut donc se restreindre


à un disque ouvert D := D(z0 , r) d’adhérence K := D(z0 , r) ⊂ U dans U .
Nous conservons les notations dePla définitionPprécédente. En restriction à
D, on décompose la somme h = n<nK hn + n≥nk hn .
Le premier terme est une somme finie de fonctions méromorphes, que
l’on peut dériver terme à terme. Le second est, en restriction à D, une série
uniformément convergente de fonctions holomorphes. Le résultat suit donc
du théorème 5.15 sur les suites de fonctions holomorphes. 
66 D. H. M308

C Groupes d’automorphismes
Définition 7.13 Un automorphisme d’un ouvert U ⊂ C est une application
f : U → U bijective et biholomorphe.
L’ensemble Aut U des automorphismes de U forme un groupe pour la
composition.

C.1 Groupe des automorphismes de C


Nous allons maintenant déterminer le groupe des automorphismes
de C. Ce résultat, intéressant par lui-même, nous permettra
également d’illustrer la classification des singularités isolées.

La proposition suivante va suivre facilement de l’étude des singularités


isolées d’une fontion holomorphe.

Proposition 7.14 Soit f : D ∗ (a, R) → C une fonction holomorphe et in-


jective, définie sur un disque pointé. Alors
— soit f possède en a une singularité effaçable ; dans ce cas f ′ (a) 6= 0
— soit f présente un pôle simple au point a.

Preuve Puisque l’application f est injective, elle n’est pas constante, donc
elle est ouverte (corollaire 6.18). On observe alors que f n’a pas de singu-
larité essentielle en a. Sinon, l’image de la couronne {0 < |z − a| < R/2}
serait dense et rencontrerait l’ouvert non vide f ({R/2 < |z − a| < R}) :
contradiction avec l’injectivité de f .
Supposons donc que f admette en a une singularité effaçable. Puisque f
est injective, il résulte de la structure locale d’une application holomorphe
(théorème 6.16) que f ′ (a) 6= 0.
Supposons enfin que f admette en a un pôle d’ordre k. L’application
z ∈ D ∗ (a, r) → 1/f (z) ∈ C (définie et holomorphe pour 0 < r ≤ R assez
petit) est injective comme f et admet en a une singularité effaçable. Il résulte
de la discussion précédente que a est un zéro simple de 1/f , et donc que f
présente en a un pôle d’ordre 1. 

On va en déduire le

Théorème 7.15 Le groupe Aut C des automorphismes de C est l’ensemble


des applications
z ∈ C → αz + β ,
avec α ∈ C∗ et β ∈ C.

Autrement dit, les automorphismes de C sont les applications affines (sur


le corps C) et bijectives de la droite complexe dans elle-même.
Groupes d’automorphismes 67

Preuve Les applications z ∈ C → αz + β ∈ C sont des automorphismes de


C pour α ∈ C∗ .
Soit maintenant f ∈ Aut C. On va examiner le comportement de f à
l’infini. Comme ce n’est pas bien commode de travailler à l’infini, on va
utiliser le changement de variable z ∈ C∗ → 1/z ∈ C∗ pour se ramener en
zéro (voir également le chapitre 11).
On étudie donc le comportement en l’origine de la fonction g : w ∈ C∗ →
f (1/w) ∈ C. Puisque g est injective, comme f , la proposition précédente
nous dit que g présente en l’origine une singularité effaçable, ou bien un
pôle d’ordre 1. Dans le premier cas, g est bornée au voisinage de 0, donc f
est bornée au voisinage de l’infini et il suit du théorème de Liouville 5.9 que
f est constante, ce qui est exclu.
Ainsi g a un pôle en l’origine, qui est simple puisque g est injective. La
fonction w → w g(w) est donc bornée au voisinage de l’origine. En revenant
f (z)
à la fonction f , cela nous dit que z → est bornée au voisinage de
z
l’infini, ou encore que f est à croissance sous-linéaire. La proposition 5.10
affirme alors que f est une fonction polynomiale de degré au plus 1. 

C.2 Groupe des automorphismes du disque


Puisque nous sommes si bien partis avec les automorphismes, nous allons
maintenant déterminer ceux du disque unité

D = {z ∈ C , |z| < 1} .

Leur description découlera du résultat fondamental suivant.

Théorème 7.16 Lemme de Schwarz


Soit f : D → D holomorphe telle que f (0) = 0. Alors
1. |f ′ (0)| ≤ 1 et, pour tout z ∈ D, on a |f (z)| ≤ |z| ;
2. l’égalité |f ′ (0)| = 1 a lieu
— si et seulement si il existe z0 ∈ D non nul avec |f (z0 )| = |z0 |
— si et seulement si il existe λ ∈ C avec |λ| = 1 tel que f (z) = λz
— si et si seulement si f est un automorphisme du disque.

Remarque 7.17 – A ce stade, nous avons donc déjà déterminé les auto-
morphismes du disque qui fixent l’origine : ce sont les rotations jλ : z → λz
où |λ| = 1.
– On munit D de la distance euclidienne. Soit f : D → D une application
holomorphe qui fixe l’origine. De deux choses l’une : soit f est une rotation,
soit f rapproche tout le monde (strictement) de l’origine.
68 D. H. M308

– Cela dit, la distance euclidienne n’est pas la bonne distance à considérer


dans ce contexte. On peut vérifier que l’expression
|z1 − z2 |
dP (z1 , z2 ) = tanh−1
|1 − z1 z2 |
définit une distance sur D, qui est invariante sous l’action du groupe Aut D.
On l’appelle la “distance de Poincaré” (ou encore “distance hyperbolique”)
sur D. Une isométrie de (D, dP ) est un automorphisme du disque, ou un
anti-automorphisme (c’est-à-dire composé d’un automorphisme de D et de
l’application z ∈ D → z̄ ∈ D).
Le lemme de Schwarz-Pick (qui est une version Aut D invariante du
lemme de Schwarz) affirme qu’une application holomorphe f : D → D n’aug-
mente pas les distances hyperboliques : pour tout couple z1 , z2 de points
du disque, on a l’inégalité dP (f (z1 ), f (z2 )) ≤ dP (z1 , z2 ) ; de plus, si il y a
égalité pour un couple de points z1 6= z2 du disque, l’application f est alors
une isométrie de D. C’est un énoncé fondamental de géométrie en courbure
négative.

Le lemme de Schwarz sera conséquence du principe du maximum.

Preuve 1. Puisque f s’annule en l’origine, la fonction g : D → C définie


par g(z) = f (z)/z lorsque z 6= 0 et g(0) = f ′ (0) est continue sur le disque et
holomorphe hors de l’origine, donc holomorphe sur le disque (prolongement
de Riemann 4.15).
Soit 0 < r < 1. Puisque f est à valeurs dans D, i.e. |f (z)| < 1, le principe
du maximum 6.23 appliqué à la fonction g sur le disque D(0, r) ⊂ D montre
que
f (z)
|z| ≤ r ⇒ | | = |g(z)| ≤ sup |g(z)| ≤ 1/r .
z |z|=r

En faisant tendre r vers 1, on obtient que |f (z)| ≤ |z| pour tout z ∈ D et


que |f ′ (0)| ≤ 1.
2. Si f est une homothétie de rapport λ avec |λ| = 1, les autres propriétés
sont vérifiées.
Si |f ′ (0)| = 1, ou bien si il existe z0 ∈ D non nul avec |f (z0 )| = |z0 |,
cela signifie que la fonction |g| atteint son maximum (qui vaut alors 1) en
un point du disque. La fonction holomorphe g est donc constante, égale à λ
avec |λ| = 1.
Soit maintenant f ∈ Aut D (avec toujours f (0) = 0). D’après ce qui
précède, on a |f ′ (0)| ≤ 1. La même conclusion vaut pour l’application
réciproque f −1 . On a donc
|(f −1 )′ (0)| = |1/f ′ (0)| ≤ 1 ,
et finalement |f ′ (0)| = 1. 
Groupes d’automorphismes 69

Lemme 7.18 Soit a ∈ D. L’application


a−z
ha : z ∈ D → ∈D
1 − az
est un automorphisme du disque tel que ha (a) = 0 et ha (0) = a.

Preuve Si a = 0, ha = −Id. Sinon, l’application homographique

ha : C \ {1/a} → C \ {1/a}

est un biholomorphisme entre ces deux ouverts. On observe que ha est une
involution, i.e. h2a = Id (si l’on est familier avec la géométrie projective,
on peut pour cela se contenter de noter que h2a : P1 C → P1 C est une
homographie qui fixe les trois points 0, a et ∞). Elle envoie le cercle unité
sur lui-même ; en effet on a pour tout t ∈ R
|a − eit | |a − eit |
|ha (eit )| = = = 1.
|1 − aeit | |e−it − a|
Le principe du maximum (corollaire 6.23) montre donc que ha (D) ⊂ D.
Puisque ha est une involution, on obtient bien finalement ha (D) = D. 

Nous savons maintenant décrire tous les automorphismes du disque.

Corollaire 7.19 Le groupe Aut D est l’ensemble des applications


a−z
ha,λ : z ∈ D → λ ∈ D,
1 − az
avec a ∈ D et |λ| = 1. Le groupe Aut D agit transitivement sur le disque.

Remarque 7.20 – Dire que le groupe Aut D agit transitivement sur le


disque, c’est dire que d’un point de vue holomorphe tous les points du disque
se valent.
– Les éléments de Aut D sont des exemples d’applications homographiques
(ou homographies).

Preuve Il résulte du lemme précédent que chaque application ha,λ = jλ ◦ha ,


pour |λ| de module 1, est bien un automorphisme du disque.
Soit maintenant f ∈ Aut D. Il existe un unique point a ∈ D pour lequel
f (a) = 0. Introduisons alors

g = f ◦ ha .

Par composition, g est maintenant un automorphisme du disque qui fixe


l’origine. Le lemme de Schwarz nous assure de l’existence de λ ∈ C de
module 1 pour lequel g = jλ . On a donc f = jλ ◦ ha comme annoncé. 
70 D. H. M308

D Ordre d’une fonction elliptique

La fonction de Weierstrass ℘ et sa dérivée ℘′ fournissent deux exemples


de fonctions elliptiques : elles sont méromorphes sur C et doublement
périodiques relativement à un réseau Λ. On peut exprimer la périodicité
de ces fonctions en disant qu’elles sont en fait définies (et méromorphes) sur
l’espace quotient C/Λ (qu’on appelle une courbe elliptique, mais c’est une
autre histoire...)

Soit maintenant f une fonction Λ-elliptique non constante. L’ensemble


P (f ) de ses pôles, comme l’ensemble Z(f ) de ses zéros, est discret et bien
sûr stable par translation par le réseau Λ = Zu ⊕ Zv.
La fonction f admet donc dans chaque domaine fondamental

Kε := {xu + yv | ε ≤ x < 1 + ε , ε ≤ y < 1 + ε }

le même nombre fini Z(f ) de zéros et P(f ) de pôles (que l’on comptera,
comme toujours, avec multiplicité). C’est le nombre de zéros, ou de pôles,
de la fonction vue sur le quotient C/Λ. On définira l’ordre de la fonction
elliptique f comme cette valeur commune

ordre(f ) := Z(f ) = P(f ) .

Observer qu’il suit que, dans un domaine fondamental, la fonction f prend


autant de fois (avec multiplicité bien sûr) n’importe quelle valeur c ∈ C !
En effet les fonctions z → f (z) et z → f (z) − c ont les mêmes pôles avec
mêmes multiplicités, donc ont même ordre.

L’ensemble des pôles et des zéros de f étant discret, on peut choisir


ε ≥ 0 de sorte que le bord ∂Kε du domaine fondamental Kε ne
contienne ni zéro ni pôle de f . Le principe de l’argument (écrit ici
pour le domaine Kε plutôt que pour un disque) nous donne

1 f ′ (z)
Z
Z(f ) − P(f ) = dz = 0
2iπ ∂Kε f (z)

par périodicité de f (revoir la fin du chapitre 3 si besoin).


Ordre d’une fonction elliptique 71

Il est maintenant facile de localiser les zéros de la fonction


X
℘′ (z) = −2 (z − w)−3 ,
w∈Λ

dérivée de la fonction de Weierstrass associée au réseau Λ = Z u + Z v. La


fonction ℘′ admet trois zéros simples sur le domaine fondamental

K := {xu + yv | 0 ≤ x < 1 , 0 ≤ y < 1 } .

Ce sont les trois points


u v u+v
, et .
2 2 2

La fonction ℘′ admet dans K un unique pôle d’ordre 3 (l’origine) : cette


fonction elliptique est donc d’ordre 3. Elle doit donc posséder trois zéros
(lorsqu’on les compte avec multiplicité) dans le domaine fondamental K.
Par définition, ℘′ est une fonction impaire. On a donc
u −u −u u
℘′ ( ) = −℘′ ( ) = −℘′ ( + u) = −℘′ ( )
2 2 2 2
u
par périodicité, donc ℘′ ( ) = 0. Le même raisonnement appliqué à v et u+v
2
montre que les trois points indiqués sont bien zéros de ℘′ . Ce sont donc les
seuls zéros de ℘′ dans K, et ils sont simples.

Les trois zéros et le pôle de ℘′ dans K ; les zéros et les pôles ℘′ dans C

Le même raisonnement montre que ℘(z1 ) = ℘(z2 ) si et seulement si


z1 = ±z2 mod Λ.
8. Théorème et formule de Cauchy homologiques

A Lacets homologues
Nous avons démontré plus tôt (corollaire 3.16 et théorème 4.6) les résultats
suivants, valables pour un ouvert convexe U .

Rappel 8.1 Soient U ⊂ C un ouvert convexe et f : U → C une fonction


holomorphe. Soient γ ⊂ U un lacet. Alors
R
(1) Théorème de Cauchy γ f (z) dz = 0
(2) Formule de Cauchy pour tout a ∈ U n’appartenant pas au support
de γ on a
1 f (z)
Z
f (a) Ind (γ, a) = dz .
2iπ γ z − a

L’exemple de la fonction z ∈ C∗ → 1/z ∈ C, et du lacet c1 paramétrant


le cercle unité, nous a convaincu que ce résultat ne pouvait se généraliser
sans précautions à un ouvert non convexe. Il est naturel de se poser les deux
questions suivantes :
— Donné un ouvert connexe U ⊂ C, quelle condition imposer au lacet
γ ⊂ U pour que (1) et (2) soient vrais pour toute fonction holomorphe
sur U .
— Caractériser les ouverts connexes U ⊂ C pour lesquels (1) et (2) sont
satisfaits pour tout lacet γ ⊂ U , et toute fonction holomorphe.

Commençons par la première question. Soit a un point n’appartenant


pas à U . La fonction fa : z ∈ U → 1/(z − a) ∈ C est alors holomorphe sur
U . Demander à ce que le théorème de Cauchy soit satisfait sur le lacet γ
pour fa équivaut à demander que l’indice Ind (γ, a) soit nul.

Définition 8.2 Soit U ⊂ C un ouvert connexe.


– Un lacet γ ⊂ U est homologue à 0 lorsque

pour tout point a ∈


/ U , on a Ind (γ, a) = 0.

– Deux lacets γ1 et γ2 tracés dans U sont homologues lorsque

pour tout point a ∈


/ U , on a Ind (γ1 , a) = Ind (γ2 , a).

72
Théorème et formule de Cauchy 73

Remarque 8.3 – Homologue à 0 veut en fait dire “homologue à un lacet


constant”.
– La notion de lacets homologues est relative à l’ouvert dans lequel on tra-
vaille.
– Dans un ouvert convexe, tout lacet est homologue à 0.

Dans un anneau :
deux lacets homologues, mais pas homologues à 0 ; deux lacets homologues à 0.

B Théorème et formule de Cauchy


Théorème 8.4 Soient U ⊂ C un ouvert et f : U → C une fonction holo-
morphe. Soient γ ⊂ U un lacet homologue à 0. Alors :
R
(1) Théorème de Cauchy γ f (z) dz = 0
(2) Formule de Cauchy pour tout a ∈ U n’appartenant pas au support
de γ on a
1 f (z)
Z
f (a) Ind (γ, a) = dz .
2iπ γ z − a

Preuve • (1) suit de (2) appliqué à la fonction holomorphe g : U → C


définie par g(z) = (z − a) f (z), pour a choisi dans U \ γ.

• Montrons (2). Comme dans la preuve du cas convexe (théorème 4.6), il


s’agit de montrer que
f (z) − f (a)
Z
dz = 0 .
γ z−a

La preuve va consister en trois étapes. Soient U ⊂ C un ouvert, f : U → C


une fonction holomorphe et γ ⊂ U un lacet.
74 D. H. M308

Lemme 8.5 L’application q : U × U → C définie par


f (z) − f (a)
q(z, a) = si z 6= a et q(a, a) = f ′ (a)
z−a
est continue sur U × U . Pour chaque z ∈ U , l’application

qz : a ∈ U → q(z, a) ∈ C

est holomorphe.

Preuve Par construction, q est continue hors de la diagonale. La continuité


de q au point (a, a) suit de la continuité de la dérivée f ′ au point a. En effet,
soient z1 , z2 ∈ U proches de a de sorte que le segment [z1 , z2 ] soit inclus dans
U . On a
Z 1
f (z2 ) − f (z1 ) = (z2 − z1 ) f ′ (z1 + t(z2 − z1 )) dt .
0

Soit z ∈ U . La fonction qz est définie et continue sur U , holomorphe


sur U \ {z}, donc holomorphe sur U par le théorème de prolongement de
Riemann 4.15. 

Lemme 8.6 La fonction


Z
h:a∈U → q(z, a) dz
γ

est holomorphe sur U .

Preuve Conséquence du lemme précédent, et de l’holomorphie sous le signe


intégrale (proposition 4.19). 

Il s’agit maintenant pour obtenir la formule de Cauchy de montrer, en


supposant le lacet γ ⊂ U homologue à 0, que la fonction h est nulle sur U .

Lemme 8.7 On suppose ici que le lacet γ ⊂ U est homologue à 0 et on


introduit
Ωγ := {a ∈ C \ γ , Ind (γ, a) = 0} .
— L’ensemble Ωγ ⊂ C est un voisinage ouvert de l’infini, et C = U ∪Ωγ .
— La fonction
f (z)
Z
k : a ∈ Ωγ → dz
γ z−a

est holomorphe sur Ωγ . On a k(a) → 0 lorsque |a| → ∞.


— Les fonctions k et h coı̈ncident sur leur domaine commun de définition
U ∩ Ωγ .
Théorème et formule de Cauchy 75

Preuve
— On a vu que Ωγ est un voisinage ouvert de l’infini (proposition 4.2).
Dire que γ ⊂ U est homologue à 0, c’est dire que le complémentaire
de U est inclus dans Ωγ .
— Le fait que k soit holomorphe découle de nouveau de l’holomorphie
sous le signe intégrale.
— Lorsque a ∈ Ωγ ∩ U , on a par définition de l’indice :

1 f (a)
Z
dz = f (a) Ind (γ, a) = 0 .
2iπ γ z−a

Il suit que h(a) = k(a). 

Preuve du théorème Le lemme précédent assure que les fonctions h et


k sont restrictions d’une même fonction entière qui tend vers 0 à l’infini. Le
théorème de Liouville 5.9 assure que cette fonction est identiquement nulle,
ce qu’on voulait. 

On va en déduire le corollaire suivant.

Corollaire 8.8 Soient U ⊂ C un ouvert connexe, γ1 et γ2 deux lacets ho-


mologues de U et f : U → C une fonction holomorphe. Alors :
R R
(1) Théorème de Cauchy γ1 f (z) dz = γ2 f (z) dz
(2) Formule de Cauchy pour tout a ∈ U n’appartenant pas à la
réunion des supports des lacets γ1 et γ2 , on a

1 f (z) 1 f (z)
  Z Z
f (a) Ind (γ1 , a)−Ind (γ2 , a) = dz− dz .
2iπ γ1 z − a 2iπ γ2 z − a

Commençons par un petit rappel de topologie.

Lemme 8.9 Soient U ⊂ C un ouvert connexe.


– L’ouvert U est connexe par arcs continus et C 1 par morceaux.
– Soit a ∈ U . L’ouvert U \ {a} est encore connexe (et donc connexe par arcs
continus et C 1 par morceaux).

Preuve On définit une relation d’équivalence R sur l’ouvert U en décidant


que pRq ssi il existe un chemin continu et C 1 par morceaux, tracé dans U ,
et joignant p à q. Les classes de cette relation sont ouvertes (car tout point
d’une boule B(p, ε) ⊂ U est joint à p par un segment tracé dans cette boule –
autrement dit l’ouvert U est localement connexe par arcs C 1 par morceaux).
Les classes sont donc également fermées, ce qui prouve le premier point.
76 D. H. M308

Soient maintenant p, q ∈ U \ {a} et choisissons ε < inf(d(p, a), d(q, a)).


Soit γ : [0, 1] → U un chemin (continu, ou continu et C 1 par morceaux)
joignant p à q. Si γ est tracé dans U \{a} on est satisfaits. Sinon on introduit

t0 = inf{t ∈ [0, 1] , |γ(t) − a| = ε} et t1 = sup{t ∈ [0, 1] , |γ(t) − a| = ε} .

On définit un chemin γ̃ : [0, 1] → U \ {a} de p à q en posant γ̃(t) = γ(t)


pour 0 ≤ t ≤ t0 ou t1 ≤ t ≤ 1, et en décidant que γ̃([t0 , t1 ]) décrit l’un des
arcs du cercle {|z − a| = ε} joignant γ(t0 ) et γ(t1 ). 

On prend la rocade pour éviter le centre

Preuve du corollaire
Supposons γ1 et γ2 paramétrés par l’intervalle [0, 1] et notons x1 = γ1 (0) et
x2 = γ2 (0). Le lemme précédent assure qu’il existe un chemin c d’extrêmités
x1 et x2 , et tracé dans U \ {a}. Formons le lacet γ := γ1 ∗ c ∗ γ2∨ ∗ c∨ . On
observe que, puisque γ1 et γ2 sont homologues, le lacet γ est homologue à
0. Ces deux résultats suivent donc du théorème et de la formule de Cauchy
8.4, les contributions de c et de c∨ aux intégrales se compensant. 

cv
a
c

U
Espaces simplement connexes 77

C Espaces simplement connexes


Ce paragraphe (homotopie, espaces simplement connexes et application conforme
de Riemann) n’est pas au programme de l’examen.

Dans cette section “culturelle”, nous nous intéresserons à la seconde


question : quels sont les ouverts connexes U ⊂ C dans lesquels la formule et
le théorème de Cauchy sont vérifiés, et ce, pour tout lacet γ ⊂ U et toute
fonction holomorphe f ∈ H(U ).
Il ressort des discussions précédentes que ce sont les ouverts dans lesquels
tout lacet est homologue à zéro.

Proposition-Définition 8.10 Soit U ⊂ C un ouvert connexe. On dit que


l’ouvert U est homologiquement trivial lorsqu’il satisfait l’une des conditions
équivalentes suivantes :
1. tout lacet de U est homologue à 0
2. toute fonction f : U → C holomorphe possède une primitive sur U .
/ U , la fonction fa : z ∈ U → 1/(z − a) ∈ C admet
3. pour tout point a ∈
une primitive sur U

Lorsque ces propriétés sont satisfaites, toute fonction holomorphe sur U


ne s’y annulant pas possède un logarithme et des racines k-ièmes (k ≥ 1)
holomorphes.

Preuve L’implication 1 ⇒ 2 résulte du théorème de Cauchy 8.4, et du


théorème 3.13 (critère pour l’existence d’une primitive).
2 ⇒ 3 est immédiat.
Supposons 3 vrai. Pour a ∈ / U , la fonction fa admet une primitive sur
U , et son intégrale sur tout lacet γ ⊂ U est donc nulle. On a donc bien
Ind (γ, a) = 0.
L’assertion sur le logarithme et les racines k-ièmes se montre comme
dans la proposition 3.18. 

Un théorème fondamental dû à Riemann affirme que ces conditions, qui


portent sur l’ensemble H(U ) des fonctions holomorphes sur U (conditions 2
et 3) ou bien sur la façon dont U est plongé dans C (condition 1), reflètent
en fait une propriété topologique intrinsèque de l’ouvert U . Pour l’énoncer,
nous devons introduire la notion d’homotopie.

Contrairement à ce dont nous avions convenu jusqu’ici, un “lacet” signifiera main-


tenant (et seulement dans cette section) “lacet continu” (et non continu et C 1 par
morceaux).
78 D. H. M308

Définition 8.11 Soit U ⊂ C un ouvert. Un lacet continu γ : [0, 1] → U est


homotope à 0 lorsqu’il existe une application continue H : [0, 1] × [0, 1] → U
telle que
— pour tout s ∈ [0, 1], l’application Hs : t ∈ [0, 1] → H(s, t) ∈ U est un
lacet continu de U
— le lacet H0 est un lacet constant
— pour t ∈ [0, 1], on a H(1, t) = γ(t), i.e. H1 = γ.
On dit que H est une homotopie entre le lacet γ et le lacet constant H0 .

La famille de lacets Hs fournit donc une déformation continue du lacet


initial γ vers un lacet constant.

En plein, les lacets t → Hs (t). En pointillés, les chemins s → H(s, t).

Exemple 8.12 • L’application H : (r, t) ∈ [0, 1]×[0, 1] → re2iπt ∈ C réalise


une homotopie entre le lacet constant égal à 0 et le lacet c1 : t ∈ [0, 1] → e2iπt .
• Dans C, ou dans un ouvert convexe U ⊂ C, tout lacet est homotope à 0.

Proposition 8.13 Soient U ⊂ C un ouvert et γ un lacet tracé dans U . Si


γ est homotope à 0, il est homologue à 0.

Preuve Nous ne détaillerons pas la preuve. Présentons en les grandes lignes.


Soient a ∈ C \ U et H une homotopie entre γ = H1 et un lacet constant H0 .
Nous voulons montrer que l’indice Ind (γ, a) est nul.
Le “raisonnement géométrique” mené après la définition de l’indice (4.1)
permet de montrer que l’indice I(s) := Ind (Hs , a) est localement constant :
utiliser l’uniforme continuité de H pour recouvrir le carré [0, 1] × [0, 1] par
n2 petits carrés [j/n, (j + 1)/n] × [k/n, (k + 1)/n] dont les images par H
sont contenues dans des domaines (par exemple des boules) dans lesquels la
fonction fa : z → 1/(z − a) a une primitive.
L’intervalle [0, 1] étant connexe l’indice I(s), qui est localement constant,
est constant. Comme H0 est un lacet trivial, on a I(0) = 0 et donc I(1) = 0
comme annoncé. 
Espaces simplement connexes 79

Exemple 8.14 Par contre il faut remarquer qu’un lacet homologue à 0 n’est
pas toujours homotope à 0. Donnons, sans démonstration, un exemple de
lacet homologue à 0 dont on pourra se convaincre expérimentalement qu’il
n’est pas homotope à 0. L’ouvert U est ici le plan complexe privé de deux
points, ou de deux disques. La démonstration requiert cependant un peu de
technique (théorème de van Kampen).

Définition 8.15 Un ouvert connexe U ⊂ C est simplement connexe lorsque


tout lacet γ ⊂ U est homotope à 0.

On vérifie sans peine que la simple connexité est une propriété topologique,
c’est-à-dire invariante par homéomorphisme. Nous sommes maintenant en
mesure d’énoncer le théorème de l’application conforme de Riemann. Rappe-
lons qu’une application holomorphe dont la dérivée ne s’annule pas préserve
les angles orientés : elle est conforme.

Théorème 8.16 Théorème de l’application conforme de Riemann


Soit U ⊂ C un ouvert connexe. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. l’ouvert U est simplement connexe (tout lacet de U est homotope à
0)
2. l’ouvert U est homologiquement trivial (autrement dit, tout lacet de
U est homologue à 0)
3. toute fonction holomorphe f : U → C∗ ne s’annulant pas admet une
racine carrée holomorphe
4. ou bien U = C ; ou bien il existe un biholomorphisme h : U → D
entre U et le disque unité.

Il y a donc, à biholomorphismes près, un unique modèle pour tous les


ouverts U $ C qui sont simplement connexes : le disque. On dit que ces
80 D. H. M308

ouverts sont uniformisés par le disque, le biholomorphisme h : U → D étant


une uniformisation de U .

Eléments de preuve On a vu
* 1 ⇒ 2 (proposition 8.13 )
* 2 ⇒ 3 (proposition 8.10)
* 4 ⇒ 1 (la simple connexité est une propriété topologique). 

* Le fait que 3 ⇒ 4 est le coeur de l’affaire. La démonstration, même si elle


reste accessible avec nos moyens, est un peu délicate. Nous admettrons donc
ce point pour l’instant. Il fera l’objet du chapitre 12. Nous y évoquerons
également quelques exemples.
9. Séries de Laurent

A Fonctions holomorphes sur un anneau


Pour 0 ≤ R1 < R2 ≤ ∞, on note

A = A(R1 , R2 ) = {z ∈ C | R1 < |z| < R2 }

l’anneau de rayon intérieur R1 et de rayon extérieur R2 . Par exemple :


— A(0, R) = D ∗ (0, R) (disque pointé de rayon R)
— A(0, ∞) = C∗ .
Notre but est de décrire toutes les fonctions holomorphes sur l’anneau A.
Commençons par donner un exemple de construction d’une telle fonction.

Définition 9.1 Une série de Laurent sur l’anneau A(R1 , R2 ) est une série
de fonctions X
an z n
n∈Z

où
— la série entière Pn∈N an z n converge sur le disque D(0, R2 )
P
— la série entière n≥1 a−n z n converge sur le disque D(0, 1/R1 ).
En particulier, la série de fonctions n∈Z an z n converge normalement sur
P

tout anneau fermé A(r1 , r2 ) ⊂ A(R1 , R2 ).

Lemme 9.2 Soit n∈Z an z n une série de Laurent sur l’anneau A(R1 , R2 ),
P
et f : A(R1 , R2 ) → C sa somme.
1. La fonction f est holomorphe.
2. Pour tout entier n ∈ Z et tout rayon r ∈]R1 , R2 [, on a
Z 2π
1
an = f (reit )e−int dt . (∗)
2π r n 0

Preuve La série converge uniformément sur tout compact de A(R1 , R2 ).


L’holomorphie de f suit donc du théorème 4.17, et on obtient l’expression
des an en intervertissant somme et intégrale. 

81
82 D. H. M308

On va voir que toutes les fonctions holomorphes sur l’anneau s’obtiennent


de cette façon. Comment faire ? Le développement en série entière d’une
fonction holomorphe sur le disque avait résulté de la formule de Cauchy dans
un disque, et de l’analyticité de la fonction z → 1/z (voir 4.10). Nous allons
procéder ici de la même façon, et commencerons donc par démontrer une
formule de représentation intégrale valable pour les fonctions holomorphes
sur un anneau.

B Développement en série de Laurent


Notation 9.3 Soit r > 0. On notera cr le lacet t ∈ [0, 2π] → reit ∈ C. Son
image est le cercle de rayon r, parcouru une fois dans le sens trigonométrique.

Proposition 9.4 Formule de Cauchy dans un anneau


Soit f : A → C une fonction holomorphe sur l’anneau A := A(R1 , R2 ).
On se donne R1 < r1 < r2 < R2 , de sorte qu’on ait l’inclusion A(r1 , r2 ) ⊂
A(R1 , R2 ). Pour tout z ∈ A(r1 , r2 ), on a

1 f (w) 1 f (w)
Z Z
f (z) = dw − dw .
2iπ c r2 w−z 2iπ c r1 w−z

R2

Preuve Les lacets cr1 et cr2 sont homologues dans l’anneau A ; en effet

pour |a| ≤ R1 : Ind (cr1 , a) = Ind (cr2 , a) = 1


pour R2 ≤ |a| : Ind (cr1 , a) = Ind (cr2 , a) = 0.

La proposition est donc une application immédiate du corollaire 8.8 puisque,


lorsque z ∈ A(r1 , r2 ), on a Ind (cr1 , z) = 0 et Ind (cr2 , z) = 1. 

De la formule de Cauchy dans un anneau va résulter le


Développement en série de Laurent 83

Théorème 9.5 Développement en série de Laurent


Soit f : A → C une fonction holomorphe sur l’anneau A := A(R1 , R2 ). La
fonction f admet un unique développement
X
f (z) = an z n
n∈Z

en série de Laurent sur A : la série n∈Z an z n converge normalement vers


P
f sur les compacts de A. Les coefficients an vérifient, pour tout r ∈]R1 , R2 [,
l’identité
Z 2π
1
an = f (reit )e−int dt . (∗)
2π r n 0

Remarque 9.6 – La formule de Cauchy homologique assure que le terme


de droite dans (*) ne dépend pas de r. On peut en effet écrire

1 f (z)
Z
an = dz . (∗)
2iπ cr z n+1

Preuve Supposons que f admette un développement en série de Laurent.


Les identités (∗), et donc l’unicité du développement de f en série de Laurent
sur A, suivent du lemme 9.2.

Passons à l’existence. Soient R1 < r1 < r2 < R2 , de sorte que A(r1 , r2 ) ⊂


A(R1 , R2 ). On va commencer par montrer que f admet un développement
en série de Laurent dans l’anneau ouvert A(r1 , r2 ). La formule de Cauchy
dans cet anneau (corollaire 9.4) donne, pour tout point z ∈ A(r1 , r2 ) ⊂ A :

2π 2π
1 f (r2 eit ) 1 f (r1 eit )
Z Z
f (z) = it
r2 eit dt − r1 eit dt .
2π 0 r2 e − z 2π 0 r1 eit − z

Puisque r1 < |z| < r2 , on réécrit cette expression sous la forme :

2π 2π
1 f (r2 eit ) 1 f (r1 eit )
Z Z
f (z) = z dt + r1 eit
r1 eit dt .
2π 0 1 − r2 eit 2πz 0 1− z

1 P∞ n
Le résultat suit alors de l’identité 1−u = n=0 u , valable pour |u| < 1,
la convergence normale de cette série permettant d’intervertir sommes et
intégrales. On obtient en effet d’une part

2π X 1 Z 2π
1 f (r2 eit )
Z  X
it −int
z dt = n f (r2 e ) e dt zn = an z n ,
2π 0 1 − r2 eit 2π r2 0
n∈N n∈N
84 D. H. M308

et d’autre part
1
Z 2π
f (r1 eit ) X r n+1 Z 2π 
it it i(n+1)t
r1 e dt = 1
f (r 2 e ) e dt z −n
2πz 0 1 − r1 eit 2πz 0
z n∈N
∞  Z 2π
X 1 it int

= −n f (r 1 e ) e dt z −n
n=1
2π r 1 0
X
−n
= a−n z .
n≥1

Nous Pavons donc montré l’existence de coefficients an = an (r1 , r2 ) tels


f (z) = n∈Z an (r1 , r2 )z n pour tout z ∈ A(r1 , r2 ). L’unicité du développement
en série de Laurent assure que ces coefficients ne dépendent pas de r1 et r2 ,
et donc que l’identité X
f (z) = an z n
n∈Z
est valable sur tout l’anneau A(R1 , R2 ). 

Corollaire 9.7 Décomposition de Laurent


Soit f : A → C une fonction holomorphe sur l’anneau A := A(R1 , R2 ). Il
existe un unique couple de fonctions (g, h) tel que
1. g est holomorphe sur le disque D(0, R2 )
2. h est holomorphe sur l’anneau A(R1 , ∞) (complémentaire du disque
fermé D(0, R1 )), et tend vers 0 à l’infini
3. f = g + h.
La fonction g est la partie régulière de f , et h est sa partie principale.

Preuve L’existence est conséquence du développement en série de Laurent


de f , soit X
f (z) = an z n ,
n∈N

zn n −n .
P P P
en prenant g(z) = n≥0 an et h(z) = n<0 an z = n≥1 a−n z

Pour l’unicité, supposons que f admette deux telles décompositions


f = g + h = g1 + h1 .
Les fonctions g − g1 (définie sur D(0, R2 )) et h1 − h (définie sur A(R1 , ∞))
coı̈ncident sur l’anneau A, et sont donc restrictions à A d’une même fonction
entière qui tend vers 0 à l’infini. On conclut par le théorème de Liouville. 

Nous terminons ce paragraphe en revenant sur le cas d’une fonction


holomorphe présentant une singularité isolée.
Théorème des résidus 85

Remarque 9.8 Soit f : D ∗ (0, R) → C holomorphe. Soit f = g + h sa


décomposition de Laurent.
La partie régulière g est holomorphe sur le disque D(0, R).
La partie principale h est une fonction holomorphe définie sur tout C∗ .
La fonction z → h(1/z) se prolonge une fonction entière nulle en 0.
Proposition 9.9 Soient f : D ∗ (0, PR) → C une fonction holomorphe définie
sur un disque pointé, et f (z) = n∈Z an z n son développement en série de
Laurent. La fonction présente en l’origine
1. une singularité effaçable si et seulement si an = 0 pour tout n < 0
2. un pôle si et seulement si l’ensemble {n < 0 | an 6= 0} est fini ; l’ordre
du pôle est alors ō0 f = − inf{n < 0 | an 6= 0}
3. une singularité essentielle si et seulement si {n < 0 | an 6= 0} est
infini.
Preuve Les équivalences (1) et (2) découlent de l’unicité du développement
en série de Laurent. On a une singularité essentielle en l’origine lorsque ce
point n’est ni une singularité effaçable, ni un pôle. 

Bien entendu, tout ce qui vient d’être fait (par commodité de notation)
pour un anneau centré en l’origine se transpose sans difficulté à tout anneau
Az0 (R1 , R2 ) := {z ∈ C | R1 < |z − z0 | < R2 }.

C Théorème des résidus


Définition 9.10 Soient f : D ∗ (z0 , R) → C une fonction holomorphe définie
sur un disque pointé, et
X
f (z) = an (z − z0 )n
n∈Z

son développement en série de Laurent. Le résidu de f en z0 est


Res (f, z0 ) := a−1 .
Remarque 9.11 Le résidu a−1 est l’obstruction à ce que la fonction f
admette une primitive sur D ∗ (z0 , R). Ecrivons en effet
X a−1
f (z) = an (z − z0 )n + =: f0 + f1 .
z − z0
n∈Z
n6=−1

La fonction f0 admet pour primitive F0 , définie pour z ∈ D ∗ (z0 , R) par


X an
F0 (z) = (z − z0 )n+1 .
n+1
n∈Z
n6=−1
a−1
Par contre f1 (z) = z−z0 n’admet de primitive sur D ∗ (z0 , R) que si a−1 = 0.
86 D. H. M308

Il faudra savoir calculer des résidus. A cet effet :


Proposition 9.12 — Si f a un pôle simple en z0 , on a Res (f, z0 ) =
limz→z0 (z − z0 ) f (z)
— Si f = g/h, où g et h sont holomorphes sur le disque D(z0 , R), et
telles que g(z0 ) 6= 0, h(z0 ) = 0 et h′ (z0 ) 6= 0, la fonction f a un pôle
simple en z0 , et Res (f, z0 ) = g(z0 )/h′ (z0 )
— En particulier, si f a un zéro simple en z0 , Res (1/f, z0 ) = 1/f ′ (z0 )
— Si f a un pôle d’ordre au plus k en z0 , et g(z) := (z − z0 )k f (z), alors
Res (f, z0 ) = g(k−1) (z0 )/(k − 1)!
Preuve Immédiat. 

Pour une singularité essentielle en z0 , le calcul du résidu n’est pas aussi


simple que pour les exemples précédents. Mais, dans tous les cas, la formule
intégrale suivante qui ré-exprime le fait que Res (f, z0 ) est l’obstruction à ce
que f admette une primitive sur le disque pointé reste valable.
Lemme 9.13 Soient f holomorphe sur D ∗ (z0 , R) et 0 < r < R. On a
1
Z
Res (f, z0 ) = f (z) dz ,
2iπ cr
où cr : t ∈ [0, 2π] → z0 + reit ∈ C.
Preuve Vu au lemme 9.2 : la série de Laurent de f converge normalement
sur le support du lacet cr . On peut donc intégrer terme à terme. 

Le théorème des résidus va globaliser ce résultat.


Théorème 9.14 Théorème des résidus
Soient U ⊂ C un ouvert et γ ⊂ U un lacet homologue à 0 dans U . Soient
z1 , · · · , zp des points distincts de U \ γ, et f : U \ {z1 , · · · , zp } → C une
fonction holomorphe, présentant des singularités isolées en z1 , · · · , zp . Alors
p
1
Z X
f (z) dz = Res (f, zj ) Ind (γ, zj ) .
2iπ γ
j=1

A gauche le théorème des résidus s’applique (que donne-t-il ?) ; pas à droite


Théorème des résidus 87

Preuve Soit f = gj + hj la décomposition de Laurent de f en zj , pour


j ∈ {1, · · · , p}. La partie principale hj est définie et holomorphe sur tout
C \ {zj } (remarque 9.8) et y admet un développement
X
hj (z) = a−n,j (z − zj )−n
n≥1

normalement convergent sur le complémentaire dans C de tout disque centré


en zj , et donc sur le support de γ.
Introduisons la fonction définie par F := f − pj=1 hj sur U \{z1 , · · · , zp }.
P
Cette fonction F possède en chaque zj une singularité effaçable. Elle se
prolonge donc en une fonction holomorphe sur U , que l’on note encore F .
PuisqueRle lacet γ ⊂ U est homologue à 0, le théorème de Cauchy 8.4 nous
dit que γ F (z) dz = 0.
Nous avons donc
p Z p
dz
Z X X Z
f (z) dz = hj (z) = a−1,j ,
γ γ γ z − zj
j=1 j=1

d’où le résultat annoncé puisque Res (f, zj ) = a−1,j . 

En procédant comme dans le corollaire 8.8, on déduit du théorème des


résidus l’énoncé suivant.

Corollaire 9.15 Soient U ⊂ C un ouvert connexe, γ1 et γ2 deux lacets


homologues de U . Soient z1 , · · · , zp des points distincts de U pris hors des
supports de γ1 et de γ2 . Soit f : U \ {z1 , · · · , zp } → C une fonction holo-
morphe présentant des singularités isolées en z1 , · · · , zp . Alors
p
1
Z Z X
 
f (z) dz − f (z) dz = Res (f, zj ) Ind (γ1 , zj ) − Ind (γ2 , zj ) .
2iπ γ1 γ2 j=1

Remarque 9.16 Le théorème des résidus nous permet de retrouver le prin-


cipe de l’argument 7.10.
En effet, si f est une fonction méromorphe non identiquement nulle sur
l’ouvert connexe U , les pôles du quotient f ′ /f sont exactement les pôles et
les zéros de f , avec :
— si z0 est un zéro d’ordre k de f , Res (f ′ /f, z0 ) = k
— si z0 est un pôle d’ordre k de f , Res (f ′ /f, z0 ) = −k.
88 D. H. M308

D Ordre d’une fonction elliptique, suite

Le théorème des résidus va nous permettre de montrer que l’ordre d’une


fonction elliptique (non constante) est au moins 2.

On procède comme dans le chapitre 7, et on choisit un domaine fon-


damental Kε pour le réseau Λ de sorte que le bord ∂Kε de ce domaine
fondamental ne contienne pas de pôle de f .

Compte tenu de la périodicité de f , le théorème des résidus s’écrit


p
1
X Z
Res (f, zj ) = f (z) dz = 0 ,
2iπ ∂Kε
j=1

où z1 , · · · , zp sont les pôles de f dans Kε . Lorsque la fonction f admet un


pôle simple en z0 , son résidu en ce point est non nul. Ceci prouve que f a
au moins deux pôles dans Kε , comptés avec multiplicité.
10. Produits infinis

A Prescrire les zéros d’une fonction holomorphe


Rappelons que si U ⊂ C est un ouvert connexe, et f : U → C est une
fonction holomorphe non identiquement nulle, l’ensemble Z(f ) ⊂ U de ses
zéros est une partie fermée et discrète de U (de façon équivalente, Z(f )
n’a pas de point d’accumulation dans U ). En particulier, Z(f ) est fini ou
dénombrable.
Il est facile de prescrire un nombre fini de zéros A = {α1 ,Q
· · · , αk } ⊂ U , de
multiplicités respectives mn ∈ N∗ : considérer le polynôme kn=1 (z − αn )mn .
Le théorème suivant affirme plus généralement que l’on peut prescrire l’en-
semble des zéros d’une fonction holomorphe sur U , avec leurs multiplicités,
du moment que cet ensemble ne s’accumule pas dans U .

Théorème 10.1 Fonction holomorphe avec zéros prescrits


Soient U ⊂ C un ouvert, (αn )n∈N une suite de points distincts de U , et
une suite (mn ) d’entiers strictement positifs. On suppose que l’ensemble
A = {αn | n ∈ N} n’a pas de point d’accumulation dans U . Il existe alors
une fonction holomorphe f : U → C telle que
— l’ensemble des zéros de f est A
— chaque αn est un zéro de f de multiplicité mn .

Exemple 10.2 – Il existe une fonction holomorphe f sur le disque unité


dont l’ensemble des zéros soit Z(f ) = {1 − 1/n | n ∈ N∗ }.
– La seule fonction holomorphe sur le disque qui s’annule en chaque point
αn = 1/n (pour n ≥ 2) est la fonction nulle.

Les zéros d’une fonction holomorphe peuvent s’accumuler sur le bord de l’ouvert

89
90 D. H. M308

L’idée de la preuve est bien sûr de prendre des produits comme dans
le cas où A est un ensemble fini. Mais cette fois-ci il faudra considérer des
produits infinis en s’assurant d’une part de la convergence du produit, et
d’autre part que le produit ne s’annule que lorsqu’un des facteurs s’annule.
Nous nous contenterons de démontrer le théorème lorsque U = C. Le cas
général reprend les mêmes idées, mais la preuve est plus technique.

B Produits infinis
Nous commençons par les produits infinis de nombres complexes, avant
de passer aux produits infinis de fonctions.
Définition 10.3QSoit (zn )n∈N une suite de nombres complexes. On Qk dit que
le produit infini ∞ z
0 n converge lorsque les produits finis Pk := 0 zn ont
une limite lorsque k → ∞, et on définit

Y k
Y
zn = lim zn .
k→∞
0 0

Remarque 10.4 – Supposons que le produit infini ∞


Q
0 zn existe et soit non
nul. Alors chaque facteur zn est non nul, et on a zn = Pn /Pn−1 →n→∞ 1.
– Par contre il se peut que chaque facteur soit non nul, mais que le
produit soit nul. Prendre zn = 1/2 pour tout n.
Nous noterons désormais zn = 1 + un .
P
Proposition 10.5 Supposons
Q∞ que n∈N |un | < ∞ (convergence absolue).
Alors le produit infini 0 (1 + un ) converge, et n’est nul que si l’un des
facteurs est nul.
Remarque 10.6 La réciproque est fausse. Prendre une suite εn tendant
(lentement) vers 0, et définir z2n = (1 + εn ) et z2n+1 = (1 + εn )−1 .
Preuve L’hypothèse assure que un → 0, et donc que 1 + un → 1 lorsque
n → ∞.
Désignons par ℓ : C \ R− → C la détermination principale du logarithme.
Puisque ℓ(1) = 0 et ℓ′ (1) = 1, on a |ℓ(1 + u)| ≤ 2|u| pour tout complexe u
de module suffisamment petit.
On peut donc supposer, quitte à oublier les premiers termes du produit,
que ℓ(1 +Pun ) est bien défini pour tout n ∈ N∗ et vérifie |ℓ(1 + un )| ≤ 2|un |.
La série ∞ n=0 ℓ(1 + un ) converge donc vers un nombre complexe b ∈ C. La
relation exp(ℓ(u) + ℓ(v)) = exp(ℓ(u)) exp(ℓ(v)) = uv, et la continuité de
la fonction exponentielle, assurent alors que le produit infini converge vers
eb 6= 0. D’où le résultat. 

Passons aux produits infinis de fonctions. La fonction exp est uniformément


continue sur tout demi-plan {Re z ≤ M }. On a donc le
Produits infinis 91

Lemme 10.7 Soit fn : E → C une suite de fonctions définies sur un en-


semble E. On suppose que fn → f uniformément sur E et qu’il existe M ∈ R
tel que, pour tout p ∈ E, on ait Re f (p) ≤ M . Alors la suite de fonctions
efn converge uniformément vers ef sur E.

Preuve Suit de |efn − ef | = |ef | |efn −f − 1| ≤ eM |efn −f − 1| et de la


continuité de la fonction exponentielle. 

Théorème 10.8 Soient U ⊂ C un ouvert, et une suite un : U →PC de fonc-


tions holomorphes (n ∈ N). On suppose que la série de fonctions ∞ n=0 un (z)
converge normalement sur tout compact de U . Alors
1. la suite des produits Pk (z) := kn=0 (1+unQ
Q
(z)) converge uniformément
sur tout compact de U ; on note P (z) = ∞ n=0 (1 + un (z)) sa limite
Q∞
2. le produit infini z → P (z) = n=0 (1 + un (z)) est holomorphe sur U
3. si P (z0 ) = 0, l’un des facteurs 1 + un (z0 ) est nul
4. un zéro z0 du produit P annule un nombre fini de facteurs, et les
multiplicités (ou ordres) s’additionnent

X
oz0 (P ) = oz0 (1 + un ) .
n=0

Remarque 10.9 En particulier lorsque U est connexe et aucun des facteurs


1 + un n’est identiquement nul, le produit P n’est pas identiquement nul.

Preuve Soit K ⊂ U un compact. L’hypothèse assure qu’il existe un entier


nK tel que pour tous n ≥ nK et tout z ∈ K, le logarithme ℓ(1 + un (z)) soit
bien défini et vérifie |ℓ(1 + un (z))| ≤ 2 |un (z)|. Le lemme 10.7 et la preuve de
la proposition 10.5 assurent la convergence uniforme du produit infini sur le
compact K.
La fonction P est donc holomorphe comme limite uniforme locale de
fonctions holomorphes (théorème 4.17). Les assertions sur les zéros et les
multiplicités suivent de la proposition 10.5. 

On souhaitera également savoir dériver un produit infini. Noter que, dans le


cas d’un produit de fonctions, il est plus judicieux de considérer la dérivée
logarithmique, qui sera une fonction méromorphe.
Proposition 10.10 On reprend les notations et les hypothèses
Q∞ du théorème
10.8. On note fn (z) = 1 + un (z), de sorte que P (z) = n=0 fn (z). Soit
Z(P ) ⊂ U l’ensemble des zéros de P . Alors la série de fonctions fn′ /fn
converge uniformément, sur tout compact de l’ouvert U0 := U \ Z(P ), vers
la dérivée logarithmique

P′ X fn′
= .
P fn
n=0
92 D. H. M308

Preuve On observeQ que, pour chaque entier k, la dérivée logarithmique du


produit fini Pk = kn=0 fn est bien définie sur U0 et vaut
k
Pk′ X f′
n
= .
Pk f
n=0 n

Soit K ⊂ U0 ⊂ U un compact. Il suit des théorèmes 10.8 et 5.15 que les


suites de fonctions holomorphes (Pk ) et (Pk′ ) convergent uniformément sur
K, respectivement vers P et P ′ .
Puisque ni P , ni aucun des produits finis Pk , ne s’annule sur le compact
K, il existe donc deux constantes 0 < m0 < m1 telles que, pour tout entier k
et tout z ∈ K, on ait m0 ≤ |Pk (z)| ≤ m1 , m0 ≤ |P (z)| ≤ m1 et |Pk′ (z)| ≤ m1 .
La suite de fonctions Pk′ /Pk converge donc uniformément sur K vers le
quotient P ′ /P . 

C Un exemple : factorisation de la fonction sinus


La fonction définie pour tout z ∈ C par f0 (z) = sin πz = (eiπz − e−iπz )/2
est une fonction entière dont les zéros, tous simples, sont les points de Z.
Nous pouvons également considérer le produit infini

Y z2
P (z) = πz (1 − ),
n2
n=1

1/n2
P
dont la convergence suit immédiatement du théorème 10.8, la série
étant convergente. Les deux fonctions f0 et P ont donc mêmes zéros avec
mêmes multiplicités. Nous allons en fait voir qu’il s’agit d’une seule et même
fonction !
Théorème 10.11 Pour tout z ∈ C on a l’égalité

Y z2
sin πz = πz (1 − ).
n2
n=1

Preuve Il suit de la proposition 10.10 que la fonction P a pour dérivée


logarithmique

P ′ (z) 1 X 2z
= + .
P (z) z z 2 − n2
n=1
La dérivée logarithmique de f0 se calcule directement, et on obtient
f0′ (z)
= π cot πz .
f0 (z)
Le lemme ci-dessous assure que les fonctions P et f0 ont même dérivée
P (z)
logarithmique, et donc que le quotient h : z → sin πz (qui est une fonction
méromorphe dont les singularités sont effaçables) est une fonction constante.
Le résultat suit de ce que limz→0 sinz z = 1, et donc h(0) = 1. 
Un exemple : factorisation de la fonction sinus 93

Lemme 10.12 On a, pour tout z ∈ C, l’identité



1 X 2z
π cot πz = + . (∗)
z n=1 z 2 − n2

Preuve On observe que, puisque la série P∞de terme général 1/n2 converge,
1 2z
la série de fonctions méromorphes z + n=1 z 2 −n2 converge uniformément
sur les compacts de C (voir la définition 7.11).
Les fonctions méromorphes apparaissant de part et d’autre de (*) ont
même ensemble de pôles (l’ensemble Z des entiers relatifs), qui sont tous
d’ordre 1 et de résidu égal à 1. La différence

1 X 2z
h : z → π cot πz − −
z z 2 − n2
n=1

n’a donc que des singularités effaçables, et se prolonge en une fonction


entière. Nous voulons montrer que cette fonction est nulle. On observe déjà
que, puisque π cot πz = z1 + O(z) lorsque z → 0, la fonction h s’annule en
0. Nous allons montrer qu’elle est constante en étudiant sa dérivée.

La convergence uniforme locale de la série de fonctions méromorphes


assure qu’on peut dériver terme à terme (proposition 7.12). Il vient donc

π2 1 P∞ z 2 + n2
h′ (z) = − + + 2 n=1
sin2 πz z 2 (z 2 − n2 )2
π 2 P 1
=− 2 + 2 n∈Z
sin πz (z − n)2

(regrouper les contributions de n et −n à la seconde ligne pour identifier les


deux expressions). Sous cette dernière forme, il est immédiat que la dérivée
h′ est 1-périodique.
Nous allons ensuite invoquer le théorème de Liouville pour montrer que h′
est constante et, mieux, que h′ = 0. Par périodicité, il nous suffira d’étudier
h′ sur la bande B = {0 ≤ Re z ≤ 1}, que l’on décompose en

B0 = B ∩ {−1 ≤ Im z ≤ 1} et B∞ = B ∩ {1 ≤ |Im z|} .

• La fonction h′ , continue, est donc bornée sur le compact B0 .


• Pour z = x + iy, on estime
1 1 1
| sin πz| ≥ (eπ|y| − e−π|y| )
P P
et | n∈Z 2
| ≤ n∈Z .
2 (z − n) (x − n)2 + y 2

La fonction h′ est donc également bornée sur B∞ , et donc sur C. Le théorème


de Liouville assure qu’elle est constante. Puisque limy→+∞ h′ (iy) = 0 (avec
y réel), on a bien h′ identiquement nulle. 
94 D. H. M308

D Fonction holomorphe avec zéros prescrits


On veut maintenant démontrer le théorème 10.1 lorsque U = C. Soit
donc (an )n∈N une suite de nombres complexes non nuls telle que |an | → ∞
lorsque n → ∞. On ne suppose pas les complexes an deux à deux dis-
tincts (c’est ce qui apportera la multiplicité) mais ils apparaissent chacun
un nombre fini de fois dans la suite. On se préoccupera ultérieurement des
éventuels zéros en l’origine.

On cherche des fonctions entières gn ne s’annulant pas sur C, de sorte


que le produit infini

Y z
P (z) = (1 − ) gn (z)
an
n=0

soit convergeant, et que sa limite P s’annule en chaque point z0 ∈ C à l’ordre

oz0 (P ) = # {n ∈ N | an = z0 } ∈ N .

Le choix des facteurs 1 − z/an dans ce produit, plutôt que z − an , ne change


pas la face du monde mais permet d’insister sur le fait que le terme général
du produit doive tendre vers 1.

Définition 10.13 On introduit les facteurs élémentaires de Weierstrass

E0 (z) = 1 − z
z2 zn
En (z) = (1 − z) exp(z + + ··· + ) (n ∈ N∗ ).
2 n

L’intérêt de cette suite de fonctions est que En (1) = 0 pour tout entier
n ∈ N, tandis que En tend uniformément vers 1 sur tout disque fermé
D(0, r) ⊂ D(0, 1) inclus dans le disque unité (r < 1) lorsque n → ∞. Cette
dernière propriété est conséquence de ce que la détermination principale du
logarithme ℓ vérifie, pour tout |z| < 1,

X zk
−ℓ(1 − z) = .
k
k=1

On a plus précisément l’estimation suivante :

Lemme 10.14 Pour tous |z| ≤ 1 et n ∈ N, on a

|En (z) − 1| ≤ |z n+1 | .


Fonction holomorphe avec zéros prescrits 95

Preuve L’assertion est immédiate pour n = 0. Supposons donc n ∈ N∗ .


Puisque En (0) = 1, le développement de Taylor de la fonction entière En en
l’origine s’écrit

X ∞
X
En (z) = 1 + bk z k d’où En′ (z) = k bk z k−1 .
k=1 k=1

Par ailleurs, il suit de la définition de En que


z2 zn
En′ (z) = −z n exp(z + + ··· + ).
2 n
On en déduit d’une part que b1 = · · · = bP P∞que bk ≤ 0
n = 0 et, d’autre part,
pour k ≥ n + 1. Puisque En (1) = 0 = 1 + ∞ b
k=1 k il suit que k=1 |bk | = 1.
On a donc, pour tout |z| ≤ 1 :

X ∞
X
|En (z) − 1| ≤ |bk | |z k | ≤ |z n+1 | |bk | ≤ |z n+1 | . 
k=n+1 k=n+1

On va utiliser ces facteurs élémentaires de Weierstrass pour montrer le


résultat suivant.

Corollaire 10.15 Fonction entière avec zéros prescrits


Soit (an )n∈N une suite de nombres complexes non nuls telle que |an | → ∞
lorsque n → ∞. On définit, pour z ∈ C,

Y z
f (z) = En ( ).
an
n=0

La fonction f : C → C est une fonction entière telle que


— l’ensemble des zéros de f est A = {an | n ∈ N}
— si z0 ∈ A apparaı̂t m fois dans la suite (an ), alors z0 est un zéro
d’ordre m de f .

Remarque 10.16 Bien entendu, si l’on veut en outre prescrire un zéro


d’ordre m en l’origine, il suffit de rajouter un facteur z m à ce produit.

Preuve Chaque facteur z → En (z/an ) a un unique zéro simple au point


an . LePrésultat annoncé suivra donc du théorème 10.8 si l’on montre que la
série ∞

n=0 E n (z/a n ) − 1 converge normalement sur tout compact de C.
Fixons r > 0. Puisque la suite an tend vers ∞, il existe un rang nr à
partir duquel |an | ≥ 2r. Le lemme 10.14 assure que l’on a, pour |z| ≤ r et
n ≥ nr , z z n+1 1
En ( ) − 1 ≤ ≤ n+1 ,

an an 2
terme général d’une série convergente. 
96 D. H. M308

Corollaire 10.17 Corps des fractions méromorphes


Toute fonction méromorphe sur C est quotient de deux fonctions entières.
En d’autres termes, le corps M(C) des fonctions méromorphes sur C est le
corps des fractions de l’anneau intègre H(C) des fonctions entières.

Preuve Soit h une fonction méromorphe sur C. Le corollaire précédent


permet de construire une fonction entière f qui admette en chaque pôle
de h un zéro de même multiplicité. Le produit f h n’a que des singularités
effaçables, et se prolonge donc en une fonction entière g. Par construction,
h = g/f . 

On peut maintenant se demander dans quelle mesure une fonction entière


est déterminée par l’ensemble de ses zéros.

Théorème 10.18 Théorème de factorisation de Weierstrass


Soit f : C → C une fonction entière non identiquement nulle. Soit (an )n∈N
la liste de ses zéros non nuls, répétés avec multiplicité. On suppose que f
possède en l’origine un zéro d’ordre m ∈ N.
Il existe une fonction entière g : C → C telle qu’on ait, pour tout z ∈ C,

g(z) m
Y z
f (z) = e z En ( ).
an
n=0
 z 
Preuve Le quotient z → f (z)/ z m ∞
Q
n=0 En ( ) est holomorphe sur C
an
privé de l’origine et de l’ensemble A = {an | n ∈ N} et admet en chacun de
ces points une singularité effaçable. Elle se prolonge donc en une fonction
entière qui ne s’annule pas. On conclut avec la proposition 3.18. 
11. La sphère de Riemann

On a vu qu’une singularité isolée z0 d’une fonction holomorphe corres-


pond à un pôle lorsque |f (z)| → ∞ lorsque z → z0 .
Dans ce chapitre, nous allons adjoindre au plan C un unique point “à
l’infini” que nous noterons ∞ et munirons l’espace C ∪ {∞} ainsi obtenu
d’une topologie naturelle qui en fera un espace compact.
Mieux, nous munirons C∪{∞} d’une “structure complexe”, de sorte que
si f est une fonction méromorphe sur U et si P ⊂ U est l’ensemble de ses
pôles, la fonction holomorphe f : U \ P → C se prolonge par continuité en
une fonction “holomorphe” f˜ : U → C∪{∞} pour laquelle f˜(p) = ∞ lorsque
p est un pôle de f . Les pôles de la fonction méromorphe f deviendront donc
des points “comme les autres” pour la fonction holomorphe f˜.

A Ajouter un point à C
Définition 11.1 On note S = C ∪ {∞} l’espace obtenu en adjoignant à C
un unique point noté ∞. On munit S de la topologie pour laquelle une partie
Ω ⊂ S est ouverte si et seulement si
— Ω ⊂ C est un ouvert de C
— ou bien Ω contient le point ∞, et S \ Ω est un compact de C.

On vérifie facilement que l’on a ainsi défini une topologie sur S (l’en-
semble vide et S sont des ouverts, une union quelconque ou une intersection
finie d’ouverts sont ouverts). Par construction, cette topologie induit sur C
sa topologie usuelle. Une base de voisinages de ∞ est constituée des ouverts

Ωn = {z ∈ C , |z| > n} ∪ {∞} ⊂ S :

il faut donc penser géométriquement que l’on a rajouté un point à C, et


que ce point se trouve dans le complémentaire de tous les disques D(0, n),
c’est-à-dire “à l’infini”. Notons que cette topologie est séparée : deux points
distincts de S admettent des voisinages disjoints.

Proposition 11.2 L’espace topologique S est homéomorphe à la sphère eu-


clidienne S2 ⊂ R3 . En particulier, S est un espace métrisable compact. L’in-
jection naturelle i : C → S est un homéomorphisme sur son image S \ {∞}.

97
98 D. H. M308

Avant de démontrer cette proposition, convainquons nous intuitivement


du résultat. Le plan est homéomorphe à un disque, donc à une soucoupe,
ou à un bol, et finalement à un ballon sans sa valve. Rajoutons la valve,
c’est-à-dire le point à l’infini : on obtient la sphère.

Preuve Soient S2 = {(x, y, z) ∈ R3 | x2 + y 2 + z 2 = 1} la sphère unité de


R3 euclidien, et N = (0, 0, 1) le pôle nord. On introduit le plan équatorial
P = {(x, y, 0)} ⊂ R3 , que l’on identifie naturellement à C par l’application

(x, y, 0) ∈ P −→ x + iy ∈ C.
La projection stéréographique
p : S2 \ {N } → P ≃ C
associe à m ∈ S2 \ {N } le point d’intersection de la droite N m et du plan
P : pour m = (x, y, z) ∈ S2 \ {N }, on a donc
x y x + iy
p(x, y, z) = ( , , 0) ≃ .
1−z 1−z 1−z
L’application p réalise un homéomorphisme entre S2 \ {N } et C, d’inverse
 2a 2b a2 + b2 − 1 
p−1 (a + ib) = , , .
a2 + b2 + 1 a2 + b2 + 1 a2 + b2 + 1
On vérifie facilement que p se prolonge par continuité, en posant p̃(N ) = ∞,
en un homéomorphisme p̃ : S2 → S = C ∪ {∞}. 

P p(m)

La projection stéréographique
La sphère de Riemann 99

B La sphère de Riemann
Nous allons maintenant munir S d’une “structure complexe”.
Autrement dit, on va décider ce qu’est une fonction holomorphe
f : Ω → S définie sur un ouvert Ω ⊂ S et à valeurs dans S.

On identifie désormais C et son image i(C) = S \ {∞}.

Lemme 11.3 L’application j : z ∈ C∗ → 1/z ∈ C∗ est un biholomorphisme


de C∗ .
Elle se prolonge en un homéomorphisme de S, encore noté j : S → S,
en posant j(0) = ∞ et j(∞) = 0.

Preuve Immédiat. 
A travers cet homéomorphisme, on pourra lire ce qui se passe près de l’infini
au voisinage de l’origine.

On veut maintenant définir ce qu’est une application holomorphe définie


sur un ouvert de S, et à valeurs dans S. Cette définition sera dictée par les
propriétés naturelles suivantes que l’on souhaite voir satisfaites :
— la “structure complexe” de S induit sur C ⊂ S sa “structure complexe
habituelle”
— l’application j : z ∈ S → 1/z ∈ S est holomorphe, et est donc un
biholomorphisme de S
— une composée de fonctions holomorphes est encore holomorphe
— l’holomorphie est une propriété locale.

Définition 11.4 Soit Ω ⊂ S un ouvert. Une application f : Ω → S sera


holomorphe lorsque
1. pour z0 ∈ Ω tel que z0 6= ∞ et f (z0 ) 6= ∞ : dans un voisinage de z0 ,
l’application f est à valeurs complexes et holomorphe (au sens usuel)
2. si ∞ ∈ Ω et f (∞) 6= ∞ : l’application f ◦ j : z → f (1/z) est, au
voisinage de l’origine, à valeurs complexes et holomorphe
3. pour z0 ∈ Ω tel que f (z0 ) = ∞ : l’application j ◦ f : z → 1/f (z),
qui s’annule en z0 , est holomorphe au sens ci-dessus (1. ou 2.) au
voisinage de z0 .

Définition 11.5 La sphère S, munie de la structure complexe ainsi définie,


est appelé sphère de Riemann.

Remarque 11.6 Il suit de cette définition que les propriétés locales des
fonctions holomorphes f : U ⊂ C → C sont également satisfaites par les
fonctions holomorphes f : Ω ⊂ S → S : zéros isolés 6.4, application ouverte
6.18, structure locale 6.16 (se ramener dans C via j pour donner un sens à
la dérivée en ∞, ou en un point d’image ∞).
100 D. H. M308

Comme annoncé dans l’introduction, une fonction méromorphe sur un


ouvert de C n’est autre qu’une fonction holomorphe à valeurs dans S.
Précisément :

Lemme 11.7 Soit U ⊂ C un ouvert.


– Une fonction méromorphe f sur U se prolonge par continuité en une
fonction holomorphe f˜ : U → S, en posant f˜(p) = ∞ pour tout pôle p de f .
– Supposons U connexe. Si g : U → S est holomorphe et n’est pas constante
égale à ∞ ∈ S, l’ensemble P = {p ∈ U | g(p) = ∞} ⊂ U est fermé et
discret dans U . La fonction g provient, par la construction ci-dessus, d’une
fonction méromorphe f sur U dont P est l’ensemble des pôles.

Preuve Suit de la définition 11.4, et de la classification des singularités


isolées 7.1. 

Soit maintenant une fonction holomorphe f : U ⊂ C → C définie sur


un voisinage pointé U de l’infini, par exemple sur U = {z ∈ C , |z| > R}.
Quand se prolonge-t-elle en une fonction holomorphe f˜ : U ∪{∞} ⊂ S → S ?

Proposition 11.8 Une fonction holomorphe f : A(R, ∞) → C se prolonge


en une fonction holomorphe f˜ : A(R, ∞) ∪ {∞} ⊂ S → S si et seulement si
son développement en série de Laurent est “fini à droite”, i.e. si il existe un
entier k0 ∈ Z pour lequel
X
f (z) = an z n .
n∈Z , n≤k0

Preuve En effet, f se prolonge au point ∞ en une fonction holomorphe


à valeurs dans S si et seulement si la fonction g : w → f (1/w) admet
un pôle ou bien une singularité effaçable en l’origine, si et seulement si le
développement de Laurent de g sur A(0, 1/R) est fini à gauche. 

Passons aux fonctions entières, ou bien méromorphes sur C.

Exemple 11.9 – Soit P : C → C un polynôme non constant. Alors P se


prolonge en une fonction holomorphe P̃ : S → S en posant P̃ (∞) = ∞.
– Soient a, b, c, d des complexes tels que ad−bc 6= 0. Supposons de plus c 6= 0.
az+b
La fonction homographique correspondante f : z ∈ C \ {−d/c} → cz+d ∈C
˜ ˜
se prolonge en une fonction holomorphe f : S → S en posant f (−d/c) = ∞
et f˜(∞) = a/c.
– Soient P et Q deux polynômes non nuls, de degrés respectifs n et m, et
de coefficients dominants an et bm . Le quotient f = P/Q se prolonge en
f˜ : S → S holomorphe en posant f˜(∞) = 0 si m > n, f˜(∞) = ∞ si n > m
et f˜(∞) = an /bn si m = n.
La sphère de Riemann 101

Réciproquement :

Proposition 11.10 1. Soit f : C → C une fonction entière. Si f se pro-


longe en une fonction holomorphe f˜ : S → S, alors f est un polynôme.
2. Les fonctions holomorphes f : S → S sont les fractions rationnelles, ou
la fonction constante égale à +∞.

Preuve 1. Soit X
f (z) = an z n
n∈Z

le développement en série de Laurent de f sur l’anneau A(0, ∞). Puisque f


est holomorphe en l’origine, on a an = 0 pour n < 0. Et on a vu dans la
proposition 11.8 que le développement de Laurent est fini à droite.
2. Soit f : S → S une application holomorphe. On suppose que f 6≡ ∞.
L’ensemble {z ∈ S | f (z) = ∞} est alors une partie discrète du compact S,
c’est donc un ensemble fini. On peut alors trouver un polynôme Q tel que
la restriction à C de l’application holomorphe z ∈ S → Q(z) f (z) ∈ S soit
une application entière Qf : C → C. Le point précédent permet de conclure
que Qf est un polynôme P . 

Pour conclure, nous déterminons le groupe des automorphismes de S.

Théorème 11.11 Automorphismes de la sphère de Riemann


Les automorphismes de la sphère de Riemann S sont les homographies f :
z ∈ S → az+b
cz+d ∈ S (avec ad − bc 6= 0).

Preuve On vérifie aisément que les homographies sont des automorphismes


de S. L’ensemble des homographies forme un groupe, dont on observe qu’il
agit transitivement sur S.
Soit maintenant h : S → S un automorphisme. Quitte à composer h
par une homographie, on peut supposer que h(∞) = ∞. La restriction de
h à C est donc un automorphisme de C, c’est-à-dire une application affine
z ∈ C → az + b ∈ C, avec a ∈ C∗ et b ∈ C (théorème 7.15). 
12. Le théorème de l’application conforme
de Riemann

A Retour sur l’uniformisation


Dans ce dernier chapitre, nous démontrons le résultat suivant, annoncé
au chapitre 8 (pour le contexte, revoir le théorème 8.16.)

Théorème 12.1 de l’application conforme


Soit U ⊂ C un ouvert simplement connexe distinct de C. Alors il existe
un biholomorphisme h : U → D, c’est-à-dire une bijection biholomorphe
entre U et D. On dit que l’ouvert U est uniformisé par le disque.

Remarque 12.2 – Rappelons que, d’après le théorème de Liouville, une


fonction entière f : C → D à valeurs dans le disque est constante. Il n’existe
donc pas de biholomorphisme entre le plan et le disque.
– Un biholomorphisme est a fortiori un homéomorphisme sur son image.
Un ouvert de C est donc simplement connexe si et seulement si il est
homéomorphe au disque (ou au plan C, qui lui est homéomorphe).
– Si U et V sont deux ouverts simplement connexes de C, tous deux
distincts de C, il existe donc un biholomorphisme h : U → V .

Exemple 12.3 Notons H = {z ∈ C | Im z > 0} le demi-plan supérieur.


L’application
z−i
ϕ:z∈H→ ∈D
z+i
réalise un biholomorphisme entre H et le disque unité D.

Preuve L’application ϕ est obtenue comme restriction de l’homographie


z−i
ϕ̂ : z ∈ C ∪ {∞} → ∈ C ∪ {∞}
z+i
qui est un homéomorphisme de la sphère de Riemann (voir le chapitre 11).
On vérifie sans peine que l’image ϕ̂(R ∪ {∞}) de la droite réelle complétée
par le point à l’infini est le cercle unité S1 = {z ∈ C , |z| = 1}.

102
Retour sur l’uniformisation 103

Le complémentaire de R ∪ {∞} dans C ∪ {∞} a deux composantes


connexes, qui sont le demi-plan supérieur H ainsi que le demi-plan inférieur
H− = {z ∈ C | Im z < 0}.
Le complémentaire de S1 dans C ∪ {∞} a deux composantes connexes,
qui sont le disque D, et Ω = {z ∈ C , |z| > 1} ∪ {∞}. Puisque ϕ(i) = 0 ∈ D,
on a bien ϕ(H) = D comme annoncé. 

Pour “dessiner” l’application ϕ : H → D, il est bon de remarquer au


préalable que, comme toute homographie, ϕ̂ : C ∪ {∞} → C ∪ {∞} envoie
un cercle, ou la réunion d’une droite et du point à l’infini, sur un cercle ou
bien sur la réunion d’une droite et du point à l’infini. De plus ϕ̂, holomorphe,
est conforme donc envoie deux courbes (ici, cercles ou droites) se coupant
à angle droit sur deux autres courbes se coupant à angle droit. Puisque
ϕ̂(0) = −1, ϕ̂(i) = 0, ϕ̂(−i) = ∞ et ϕ̂(∞) = 1, on obtient la configuration
suivante.

-1 1

Uniformisation du demi-plan

Exemple 12.4 Soit B = {z ∈ C | 0 < Im z < π}. L’application

z ∈ B → ez ∈ H

réalise un biholomorphisme entre la bande B et le demi-plan H. On en déduit


par composition une uniformisation
π
z ∈ Ba → ϕ(exp( z)) ∈ D
a
de la bande Ba = {z ∈ C | 0 < Im z < a} (a > 0).
104 D. H. M308

Exemple 12.5 – Soient a, a′ , b et b′ des réels positifs. Lorsque a/b = a′ /b′ ,


l’homothétie z ∈ C → a′ z/a ∈ C fournit un biholomorphisme entre les
rectangles R(0, a, a + ib, ib) et R(0, a′ , a′ + ib′ , ib′ ).
– Par contre, il n’est pas aussi évident de construire une uniformisation
entre le carré C =]0, 1[×]0, 1[ et le rectangle R =]0, 2[×]0, 1[ , voire même
de se convaincre “à la main” qu’elle existe.

Exemple 12.6 Soit U ( C l’ouvert égal au carré ]0, 1[×]0, 1[ privé de la


réunion des segments ∪n≥2 {1/n}×]0, 1/2[, esquissé (tant bien que mal) ci-
après. Il n’est pas difficile de voir que U est simplement connexe. Il est donc
biholomorphe au disque. Autrement dit il existe une bijection entre U et le
disque qui conserve les angles orientés. L’existence d’une telle bijection ne
saute pas aux yeux ; son comportement “au bord de U ” sera compliqué.

Le carré privé d’un peigne qui s’accumule

B Familles normales
La preuve du théorème d’uniformisation que nous allons donner dans le
paragraphe suivant est une jolie illustration de techniques “d’analyse fonc-
tionnelle”, où l’on fait de la “géométrie” sur des espaces de fonctions.

Soit U ( C un ouvert simplement connexe. On veut montrer qu’il existe


un biholomorphisme h : U → D. Rappelons qu’une application holomorphe
f : U → D injective est d’emblée un biholomorphisme sur son image (corol-
laire 6.20). Introduisons la famille de fonctions
F = {f : U → D | f est holomorphe et injective} .
Il suffit donc, pour prouver notre théorème, de trouver une application h ∈ F
qui soit également surjective, c’est-à-dire telle que h(U ) = D.
La belle idée de la démonstration consiste à ramener la recherche de cette
application h ∈ F qui soit surjective à un problème de recherche d’extre-
mum de fonctionnelle sur F. On concluera par un argument de compacité
(corollaire 12.8). Cet argument de compacité repose sur le théorème suivant.
Familles normales 105

Théorème 12.7 Théorème d’Ascoli


Soient K un espace métrique compact et fn : K → Rp une suite d’applica-
tions continues. On suppose que
— la suite fn est à valeurs dans la boule unité B(0, 1) ⊂ Rp
— il existe une constante k telle que chaque fn soit k-lipschitzienne.
On peut alors extraire de la suite (fn ) une sous-suite qui converge uni-
formément sur K.

Corollaire 12.8 Soient U un ouvert de C et fn : U → C une suite d’appli-


cations holomorphes. On suppose que les fonctions fn sont toutes à valeurs
dans le disque D.
1. Familles normales Il existe une suite extraite de (fn ) qui converge
uniformément sur les compacts de U vers une fonction f : U → C.
2. La fonction f est holomorphe sur U .
3. Si f n’est pas constante, elle est à valeurs dans le disque D.

Preuve 2. Une limite uniforme locale de fonctions holomorphes est encore


holomorphe (théorème 4.17).

3. Les fn étant à valeurs dans le disque ouvert, la limite f est à valeurs


dans le disque fermé {|z| ≤ 1}. Si f , qui est holomorphe, n’est pas constante
elle est ouverte (corollaire 6.18) ; elle prend donc finalement ses valeurs dans
le disque ouvert.

1. Le lecteur, s’il n’est pas familier avec le théorème d’Ascoli, peut admettre ce
résultat et passer au paragraphe suivant. Démontrons le néanmoins.
L’ouvert U est réunion de la suite de compacts

Kp = D(0, p) ∩ {x ∈ C | d(x, c U ) ≥ 3/p} ⊂ U .

Noter que Kp ⊂ K̊p+1 . En particulier, tout compact de U est inclus dans


l’un des Kp .

Soit p ≥ 1. On va montrer que la restriction de la suite (fn ) au compact


Kp vérifie les hypothèses du théorème d’Ascoli. On pourra donc extraire de
(fn ) une sous-suite dont la restriction à Kp soit uniformément convergente.
Le procédé diagonal permettra alors d’extraire de (fn ) une sous-suite qui
converge uniformément sur chacun des Kp , et donc uniformément sur chaque
compact de U .

Fixons donc p ≥ 1. Nous voulons montrer qu’il existe une constante kp telle
que les restrictions des fn à Kp soient toutes kp -lipschitziennes. Ce résultat
va suivre de la formule de Cauchy, les fonctions fn étant à valeurs dans le
disque (donc uniformément bornées).
106 D. H. M308

Soient y, z ∈ Kp . On distingue selon que les points y et z sont proches, ou


bien éloignés l’un de l’autre.

– Si |y − z| ≥ 1/p (le cas facile !), on aura pour tout n ∈ N :

|fn (y) − fn (z)| ≤ 2 ≤ 2p |y − z| .

– Si |y − z| < 1/p, on observe a fortiori que y ∈ D(z, 2/p). On applique alors


la formule de Cauchy pour fn en y et z, dans le disque fermé D(z, 2/p) ⊂ U .
Il vient, en désignant par c le lacet t ∈ [0, 2π] → c(t) = z + (2/p) eit ∈ U :
1 fn (w) fn (w)
Z
fn (y) − fn (z) = − dw
2iπ c w − y w−z
1 y−z
Z
= fn (w) dw
2iπ c (w − y)(w − z)
et donc, puisque |fn | est bornée par 1 :

|fn (y) − fn (z)| ≤ p |y − z| .

Les restrictions des fn à Kp sont donc toutes lipschitziennes de constante


kp = 2p. 

C Preuve du théorème de l’application conforme


Nous découpons la preuve en une série de lemmes que nous énonçons
d’emblée pour avoir une vue d’ensemble de la démonstration. On rappelle
que U ( C désigne un ouvert simplement connexe distinct de C. De la simple
connexité de U , nous ne retiendrons “que” la propriété suivante (qui lui sera
finalement équivalente) :

Rappel 12.9 (Théorème 8.16.)


Soit u : U → C∗ holomorphe. Il existe une fonction holomorphe v : U → C∗
telle que v 2 = u.

Choissons désormais un point z0 ∈ U . Le groupe Aut D des automorphismes


du disque agissant transitivement sur D, on peut se contenter de chercher
une uniformisation U → D qui envoie z0 sur l’origine.
Lemme 12.10 L’ensemble

F0 = {f : U → D | f est holomorphe et injective, et f (z0 ) = 0} .

est non vide.


On cherche maintenant h ∈ F0 qui soit surjective, autrement dit dont
l’image h(U ) soit maximale. Cela incite à maximiser |f ′ (z0 )|, de sorte que f
soit la “plus expansive possible” en ce point.
Preuve du théorème de l’application conforme 107

Lemme 12.11 Soit f ∈ F0 . Si f : U → D n’est pas surjective, il existe


f1 ∈ F0 telle que |f1′ (z0 )| > |f ′ (z0 )|.

Lemme 12.12 Notons

M = sup{|f ′ (z0 )| , f ∈ F0 } .

Il existe une fonction h ∈ F0 telle que |h′ (z0 )| = M .

Remarque 12.13 Il s’ensuit que M est fini, ce qu’on peut aussi voir di-
rectement (puisque D est borné) avec la formule de Cauchy pour la dérivée,
exprimée en z0 dans un disque D(z0 , r) ⊂ U .

Une fois ces lemmes démontrés, nous serons tirés d’affaire. En effet :

Preuve du théorème de l’application conforme


Le lemme 12.11 montre que l’application h : U → D du lemme 12.12 est
surjective. C’est une uniformisation de l’ouvert U . 

Nous passons maintenant à la démonstration des lemmes 12.10, 12.11 et


12.12. Rappelons que, pour tout α ∈ D, l’application

α−z
hα : z ∈ D → ∈D
1 − αz

est un automorphisme du disque tel que hα (α) = 0, et d’inverse h−1


α = hα .

Preuve du lemme 12.10 On va commencer par construire w : U → D


holomorphe et injective. L’ouvert U étant distinct de C, on peut choisir
a ∈ C \ U . Puisque U est simplement connexe, le rappel 12.9 assure que
la fonction u : z ∈ U → z − a ∈ C∗ admet une racine carrée holomorphe
v : U → C∗ . Puisque v 2 (z) = u(z) = z − a pour tout z ∈ U , il suit que
v(y) 6= ±v(z) pour tous y, z ∈ U distincts.
L’application v holomorphe non constante est ouverte. Son image contient
un disque D(b, r) ⊂ C∗ ; elle évite donc le disque D(−b, r) et même le disque
fermé D(−b, r). La fonction définie pour z ∈ U par

r
w(z) =
v(z) + b

est holomorphe sur U , injective comme v, et à valeurs dans le disque D.


108 D. H. M308

O O

D(-b,r)

L’ouvert U ; ici z0 est l’origine. L’image v(U ) (“racine carrée”) qui évite un disque.

On se préocupe maintenant de la condition f (z0 ) = 0. Il suffit pour cela


de composer w avec un automorphisme du disque bien choisi pour obtenir
une application f = hw(z0 ) ◦ w ∈ F0 . 

Preuve du lemme 12.11 Soit f ∈ F0 . On suppose que f : U → D n’est


pas surjective. Il existe donc α ∈ D qui ne soit pas dans l’image f (U ). En
composant par l’automorphisme hα , on obtient une fonction hα ◦ f : U → D
qui ne s’annule pas et admet donc une racine carrée holomorphe g, qui est
injective (puisque f l’est) et toujours à valeurs dans D. Posons enfin

f1 = hg(z0 ) ◦ g ,

de sorte que f1 (z0 ) = 0.

Par construction, f1 ∈ F0 . Il nous reste à estimer sa dérivée au point z0 .


En notant q l’application z ∈ D → z 2 ∈ D on a hα ◦ f = q ◦ g, donc

f = hα ◦ q ◦ hg(z0 ) ◦ f1 .

Introduisons F := hα ◦ q ◦ hg(z0 ) : D → D, de sorte que f = F ◦ f1 . Puisque


f (z0 ) = f1 (z0 ) = 0, on a F (0) = 0. Comme F n’est pas injective, le lemme
de Schwarz 7.16 assure que |F ′ (0)| < 1. Le résultat suit par dérivation de
fonctions composées puisque

f ′ (z0 ) = F ′ (0) f1′ (z0 ) .

Preuve du lemme 12.12 Soit (fn )n∈N une suite de fonctions de F0 pour
lesquelles |fn′ (z0 )| → M . Ces fonctions étant à valeurs dans le disque, elles
forment une famille normale (corollaire 12.8). Quitte à passer à une suite
extraite, on peut donc supposer que la suite fn : U → D converge uni-
formément sur les compacts de U vers une fonction holomorphe h ∈ H(U ),
qui prend a priori ses valeurs dans D.
Preuve du théorème de l’application conforme 109

Nous allons voir que cette application h est bien une uniformisation de U .

– Les estimées de Cauchy pour les dérivées (théorème 5.15) assurent que

h′ (z0 ) = lim fn ′ (z0 ) .


n→∞

Puisque les fn sont injectives, leurs dérivées ne s’annulent pas (théorème


6.16) donc |h′ (z0 )| = M 6= 0, et h n’est pas constante : elle est donc à
valeurs dans le disque ouvert (de nouveau le corollaire 12.8).

– Supposons avoir montré que h est injective (ce sera une conséquence
immédiate du théorème de Hurwitz ci-dessous). La surjectivité de h est alors
conséquence du lemme 12.11, et de ce que |h′ (z0 )| = M . 

Il ne nous reste donc pour conclure qu’à démontrer le résultat suivant.

Théorème 12.14 Théorème de Hurwitz


Soient U un ouvert connexe de C, et fn : U → C une suite de fonctions
holomorphes qui converge, uniformément sur les compacts de U , vers une
fonction holomorphe h : U → C. On suppose que chacune des fonctions fn
est injective. Alors
— soit h est constante
— soit h est également injective.

Preuve Supposons h non constante. On veut montrer qu’elle est injective.


On va procéder par l’absurde.

Soient z1 et z2 deux points distincts de U tels que h(z1 ) = h(z2 ) = c.


La fonction h n’étant pas constante, les points où elle prend la valeur c
sont isolés. On peut donc choisir deux disques fermés disjoints D(z1 , r) ⊂ U
et D(z2 , r) ⊂ U de sorte que w → h(w) − c ne s’annule pas sur les cercles
Ci = {w , |w −zi | = r} (i = 1, 2). Puisque la suite fn converge uniformément
vers h sur les compacts de U (et donc sur la réunion C1 ∪ C2 ), le théorème
de Rouché (corollaire 6.13) montre que, pour n assez grand, les fonctions
w → h(w) − c et w → fn (w) − c ont le même nombre de zéros dans chacun
des disques D(z1 , r) et D(z2 , r), ce qui contredit l’injectivité de fn . 

D(z2,r)

D(z1,r)
Index

Z(f ), 53, 54 entière (fonction), 13


D, 67
H(U ), 8 familles normales, 105
M(U ), 64 fonction elliptique, 70
P(f ), 64
Z(f ), 56 Goursat (lemme de), 29, 35
ōa (f ), 62
harmonique (fonction), 46
Ind (γ, a), 33
holomorphe (fonction), 8
Res (f, a), 62
homographie, 69
S, 97
homologiquement trivial, 77
oa (f ), 55
homologues (lacets), 72
homotopie, 78
analytique (fonction), 10
Hurwitz (théorème d’injectivité de),
anneau intègre, 55
109
Ascoli (théorème d’), 105
automorphisme, 66 indice, 33
automorphismes de C, 66 inversion locale, 14
automorphismes de S, 101
automorphismes du disque, 69, 107 lacet, 24, 36
Laurent (décomposition de), 84
Borel (théorème de), 12 Laurent (série de), 81, 83
Liouville (théorème de), 48
Cauchy (estimées de), 46, 49 logarithme, 16
Cauchy (formule de), 35, 37, 40, longueur d’un chemin, 26
45, 73, 75, 82
Cauchy (théorème de), 31, 73, 75 méromorphe (fonction), 64
Cauchy-Riemann (équations de), 7, Morera (critère de), 40
46 moyenne (formule de la), 46
chemin, 24 moyenne (propriété de la), 46
chemin opposé, 25
conforme (application), 7, 79 ordre d’un pôle, 62
corps des fractions, 64, 96 ordre d’un zéro, 52, 55
ordre d’une fonction elliptique, 70,
discret, 52 88
disque pointé, 61 ouverte (application), 14, 59

110
Preuve du théorème de l’application conforme 111

pôle, 62, 85
partie principale, 62, 84, 85
partie régulière, 84, 85
Picard (grand théorème de), 63
point d’accumulation, 52
point isolé, 52
primitive, 23
principe de l’argument, 55, 64, 87
principe du maximum, 47, 60
projection stéréographique, 98
prolongement analytique, 54

résidu, 62, 85
résidus (théorème des), 86
Riemann (prolongement de), 41, 63
Riemann (théorème de l’applica-
tion conforme), 79, 102
Rouché (théorème de), 57, 109

séries de fonctions méromorphes,


65
Schwarz (lemme de), 67, 108
Schwarz-Pick (lemme de), 68
simplement connexe, 79
singularité apparente, 61
singularité effaçable, 62, 85
singularité essentielle, 62, 85
sphère de Riemann, 99
suites de fonctions holomorphes, 50
support (d’un chemin), 36

triangle, 27

uniformisation, 80, 102

Weierstrass (facteurs élémentaires


de), 94
Weierstrass (factorisation de), 96

zéros isolés (principe des), 53

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