Extrait
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Le roman et la nouvelle
au XIXe siècle :
réalisme et naturalisme
1 DÉFINITION DU ROMAN ET DE LA NOUVELLE
ڀIntroducƟon
Dès l’AnƟquité grecque, on s’est intéressé à la noƟon de genre liƩéraire, c’est-à-
dire à la façon dont on pourrait classer les textes en diīérentes catégories. Ainsi,
Platon, au IVe siècle avant Jésus-Christ, disƟngue dans la République trois modes
d’écriture disƟncts : le récit pur (les hymnes en l’honneur des dieux), le récit mixte
(l’épopée) et le théâtre. Un peu après lui, Aristote, dans la PoéƟque (ouvrage rédigé
vers 335 avant Jésus-Christ) établit des disƟncƟons entre la comédie, la tragédie,
l’épopée et la parodie. Mais il faut aƩendre le IVe siècle de notre ère pour que
naisse la triparƟƟon actuelle, que l’on doit au grammairien Diomède : la poésie,
le théâtre et le récit. C’est à ce dernier genre que se raƩachent le roman et la
nouvelle. Si, dans les deux cas, il s’agit de raconter une histoire ĮcƟve (inventée)
par le biais d’un narrateur, le roman et la nouvelle sont néanmoins deux genres
clairement disƟncts l’un de l’autre.
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c. Un récit qui se déroule dans un cadre spaƟo-temporel réaliste : ce qui diīé-
rencie notamment le roman de l’épopée (récit racontant les exploits guerriers d’un
personnage extraordinaire, situé au-dessus du commun des mortels), c’est son
ancrage dans un cadre spaƟo-temporel réaliste : un roman se passe en général
dans des lieux et dans une époque renvoyant directement au réel, alors qu’une
épopée se déroule dans un monde fabuleux et est souvent reliée à des éléments
mythologiques (il en est ainsi des deux grandes épopées d’Homère, L’Iliade et
L’Odyssée, datant du VIIIe siècle avant Jésus-Christ). Un personnage de roman est
ainsi plus « humain » qu’un héros épique, plus proche des êtres qui composent
le monde réel. Les personnages des romans de Balzac, par exemple, ressemblent
aux personnes qu’on pourrait rencontrer dans la société réelle : dans Le Père
Goriot (1835), on fait la connaissance de RasƟgnac, un jeune homme ambiƟeux,
du père Goriot, un vieil homme qui se dévoue pour ses Įlles ingrates, ou encore
de Vautrin, un ancien bagnard à la fois maléĮque et fascinant.
d. Un genre néanmoins protéiforme : en dépit des caractérisƟques communes
évoquées ci-dessus, le genre romanesque regroupe néanmoins des textes très
divers les uns des autres, car il n’a jamais été réellement codiĮé au cours de
l’Histoire liƩéraire. C’est ainsi, par exemple, que se côtoient des romans policiers
(Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, 1908), des romans d’amour
(Le grand Meaulnes d’Alain-Fournier, 1913), des romans d’aventure (Les trois
Mousquetaires d’Alexandre Dumas, 1844), des romans engagés (Les Misérables
de Victor Hugo, 1862), des romans de science-ĮcƟon (La Planète des singes de
Pierre Boulle, 1963) et même des romans où l’intrigue est réduite au minimum
(La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet, 1957).
ڀ2. La nouvelle
a. Un récit bref : d’une manière extérieure, ce qui diīérencie la nouvelle du roman,
c’est une certaine brièveté : ainsi, La Parure (1885) de Guy de Maupassant est un
récit d’une dizaine de pages. La plupart du temps, une nouvelle n’est pas publiée
seule, à part lorsque la publicaƟon est faite dans la presse ; l’écrivain groupe
souvent certains de ses textes pour les faire éditer en recueil. Barbey d’Aurevilly,
par exemple, publie en 1874 Les Diaboliques, recueil de six nouvelles diīérentes.
Il ne faut pas cependant exagérer l’importance de ceƩe première caractérisƟque,
certaines nouvelles étant relaƟvement longues, comme L’Abbesse de Castro (1839)
de Stendhal ou Colomba (1841) de Mérimée, qui s’étendent sur une centaine de
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pages environ. Il est parfois diĸcile de se Įer uniquement à la longueur pour
disƟnguer une nouvelle d’un roman.
b. Un récit caractérisé par une esthéƟque du fragment : ce qui permet de
diīérencier plus globalement la nouvelle du roman, c’est la concentraƟon des
moyens qu’on observe dans la nouvelle : l’intrigue est souvent centrée sur un
événement parƟculier de la vie d’un personnage, se déroulant sur un laps de
temps relaƟvement court. La nouvelle ne prétend pas à l’exhausƟvité, c’est-à-dire
qu’il s’agit d’isoler un moment parƟculier, sans retracer l’iƟnéraire général du
protagoniste. Le nombre de personnages est en général relaƟvement restreint
et on ne trouve que rarement des intrigues secondaires. Par exemple, dans Une
ParƟe de campagne (1881), Maupassant raconte une journée parƟculière d’une
famille, au cours de laquelle une jeune Įlle a une liaison fugiƟve avec un canoƟer
rencontré par hasard.
c. Un récit ancré dans un cadre spaƟo-temporel réaliste : ce dernier critère permet
ceƩe fois de disƟnguer la nouvelle du conte : tandis que le conte se déroule dans
un cadre peu précis, dans un monde féérique peu en rapport avec le monde réel,
la nouvelle se passe à une époque clairement déĮnie et dans des lieux faisant
directement référence au monde réel. Par exemple, Le Joueur d’échecs (1943) de
Stefan Zweig se déroule sur un paquebot qui va de New York à Buenos Aires, à la
Įn des années 1930. M. B. raconte au narrateur une parƟe de son passé, lorsqu’il
a été arrêté par les Nazis peu après l’arrivée au pouvoir de Hitler, et qu’il a été
torturé psychologiquement. Pour ne pas sombrer, il a lu le seul livre qu’il a trouvé,
un manuel d’échecs et est devenu un joueur de génie.
ڀConclusion
Le roman et la nouvelle partagent ainsi certaines caractérisƟques : ce sont des textes
narraƟfs, racontant une histoire ancrée dans un cadre spaƟo-temporel réaliste. En
cela, ces deux genres s’opposent à l’épopée et au conte, dans lesquels le cadre est
beaucoup plus fantaisiste, voire féerique. Cependant, il convient de bien diīérencier
roman et nouvelle, qui n’obéissent pas exactement à la même esthéƟque : tandis
que le roman développe des intrigues longues, étendues dans le temps, avec une
mulƟplicité de personnages secondaires, la nouvelle se caractérise par l’isolement
d’un épisode parƟculier et marquant de la vie d’un personnage.
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TOP CHRONO
C’est l’interro !
EXERCICES 20 min
1. Vrai ou faux ?
a. C’est Platon qui a établi une première classiĮcaƟon entre diīérents genres liƩéraires.
b. On doit à Aristote la classiĮcaƟon actuelle en trois grands genres : le récit, la poésie
et le théâtre.
c. Artamène ou le grand Cyrus est le plus long roman de la liƩérature française.
d. Un roman raconte en général un épisode parƟculier de la vie du protagoniste.
e. Une nouvelle comporte en général un nombre restreint de personnages.
Cadre féérique
Cadre réaliste
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2 LE ROMAN RÉALISTE
ڀIntroducƟon
À parƟr du début du XIXe siècle, la liƩérature devient pleinement, selon le théoricien
Louis de Bonald, « l’expression de la société ». Beaucoup plus qu’auparavant, la
liƩérature est ancrée dans l’Histoire. Il ne s’agit plus, comme à l’époque classique
(au XVIIe siècle), de « peindre les hommes en général » (l’expression est de l’écrivain
Jean de la Bruyère), mais d’évoquer les êtres humains dans une société précise.
C’est dans ce contexte que naît le mouvement réaliste, à parƟr de 1830 environ,
sous l’impulsion, notamment, de Balzac. Ce mouvement, qui s’épanouit princi-
palement dans le genre du roman, entend donner une représentaƟon liƩéraire
de la réalité.
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Berthet, condamné à mort en 1828 pour tentaƟve de meurtre sur la personne de
Mme Michoud, son ancienne maîtresse. Ce qui intéresse Stendhal, c’est avant tout
le rapport entre l’individu et la société de son époque, ce qui apparaît également
dans son autre grand roman, La Chartreuse de Parme (1839).
c. Flaubert (1821-1880) : Gustave Flaubert, qui voue sa vie à la liƩérature,
développe le sillon creusé par Balzac et Stendhal, en évoquant dans ses romans
l’iƟnéraire de personnages souvent médiocres, rêvant d’une vie merveilleuse,
mais confrontés à une société mesquine. Ainsi, Madame Bovary (1857) raconte
la vie d’Emma Bovary, mariée à Charles, un homme banal qu’elle n’aime pas, et
tentant d’échapper à sa vie plate et monotone en prenant successivement deux
amants, Rodolphe et Léon. Mais elle Įnit par se suicider en avalant de l’arsenic.
Dans L’ÉducaƟon senƟmentale (1869), Flaubert retrace la vie de Frédéric Moreau,
épris sans espoir d’une femme mariée qu’il idéalise, Madame Arnoux. EnĮn, dans
Bouvard et Pécuchet (posthume, 1881), il raconte l’histoire de deux hommes qui,
parvenus à un âge assez avancé, quiƩent leur vie d’employés pour s’installer à la
campagne. Là, ils se découvrent une passion pour les diīérents domaines de la
connaissance (l’agriculture, la science, l’histoire, la liƩérature, la philosophie, la
religion, l’éducaƟon). Mais toutes leurs entreprises échouent et ils Įnissent par
se contenter de copier des livres.
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pension Vauquer, qui est l’endroit où vivent les personnages principaux du roman.
Il enchaîne avec un portrait détaillé, à la fois physique et moral, de RasƟgnac, de
Madame Vauquer, de Goriot et de Vautrin.
c. « Donner l’illusion complète du vrai » : l’expression est de Maupassant, dans
la préface de son roman Pierre et Jean (1888). Dans celle-ci, il déĮnit précisément
l’idéal du réalisme : « le réaliste, s’il est un arƟste, cherchera, non pas à nous donner
une photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète,
plus saisissante, plus probante que la réalité même ». En eīet, d’une manière un
peu paradoxale, pour être véritablement réaliste, il ne faut pas tout dire, mais
choisir les éléments qui paraissent rendre compte d’une façon convaincante de la
société. Aussi Maupassant conclut-il : « les réalistes de talent devraient s’appeler
plutôt des illusionnistes ».
ڀConclusion
Le mouvement réaliste s’exprime pleinement dans le genre du roman. En ancrant
précisément l’histoire ĮcƟve dans l’Histoire réelle, Balzac, Stendhal puis Flaubert
donnent au roman ses leƩres de noblesse. En eīet, ils permeƩent à ce genre
jusque-là considéré comme mineur de sorƟr du reproche qu’on lui fait souvent,
c’est-à-dire celui d’être invraisemblable. Cependant, il ne faut pas oublier que
si les romans de Balzac, de Stendhal et de Flaubert sont encore beaucoup lus
aujourd’hui, c’est qu’ils vont bien au-delà des principes du réalisme. Tous trois ont
élaboré des œuvres personnelles et profondément originales : Balzac a développé
dans ses romans une vision du monde parƟculière, caractérisée par la puissance
de l’argent et par la force d’un pouvoir souterrain, mystérieux, incarné à merveille
par le personnage de Vautrin. Stendhal a centré ses romans sur des personnages
aƩachants auxquels le lecteur a tendance à s’idenƟĮer, en parƟculier Julien et
Fabrice. Flaubert, quant à lui, a aƩaché une importance capitale au style, travaillant
d’arrache-pied pour parvenir à concevoir des phrases parfaites. Il est même allé
jusqu’à écrire, dans une leƩre à la princesse Mathilde, en 1876 : « faire vrai ne
me paraît pas être la première condiƟon de l’art. Viser au Beau est le principal, et
l’aƩeindre si l’on peut ». Ainsi, au-dessus du réalisme, pour Flaubert, se trouve la
beauté, qu’on aƩeint grâce à un travail acharné sur le style.
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