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These Niki Aloupi

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Université Panthéon-Assas

école doctorale de droit international, droit européen,

relations internationales et droit comparé

Thèse de doctorat en droit international


soutenue le 27 avril 2011

Le rattachement des engins à l’Etat en


Thèse de Doctorat / avril 2011

droit international public (navires,


aéronefs, objets spatiaux).

Niki ALOUPI

Sous la direction de M. Joe VERHOEVEN, Professeur à l’Université


Panthéon-Assas (Paris II)

Membres du jury :
M. Jean COMBACAU, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
Mme Photini PAZARTZIS, Professeur à l’Université d’Athènes, Rapporteur
Mme Laurence RAVILLON, Professeur à l’Université Bourgogne, Rapporteur
M. Tullio TREVES, Professeur à l’Université de Milan, membre du Tribunal
international du droit de la mer
Avertissement
La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
Remerciements

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à mon directeur de thèse, le Professeur Joe


Verhoeven, pour m’avoir fait l’honneur de diriger mes recherches, pour la richesse de
nos échanges et parce que quand il m’a dit « il suffit de frapper à ma porte », il le
pensait.

Je remercie également les Professeurs Armel Kerrest et Alex Oude Elferink pour
m’avoir communiqué des travaux qui m’ont été d’une grande aide.

Je tiens par ailleurs à remercier M. Cazala et Mme Iliopoulou, pour leurs précieux
conseils, Alexis pour nos discussions, Mme Bouthiller et Mme Poulain pour leur
soutien.

Anna, Laurence, Mathieu et Perrine, merci. Je vous dois tellement plus que la correction
linguistique de mon manuscrit.

Pour leur soutien, leur affection et leur patience je remercie enfin mes parents et mon
frère. Sans vous je n’y serais pas arrivée. Pour avoir apporté un sens à chaque jour de
ces longues années de thèse, merci à toi, B.B. Georgios.
Résumé :
Contrairement aux autres biens meubles, les navires, les aéronefs et les objets spatiaux affectés à la navigation
internationale sont rattachés à un Etat. Le lien de droit public établi entre ces engins et l’Etat est communément
appelé « nationalité ». Mais ce terme n’exprime pas à leur propos une institution à tous égards identique à la
nationalité des personnes. Le rattachement examiné ne repose en effet pas sur des éléments de fait (naissance,
ascendance etc.), mais uniquement sur un acte administratif interne, l’immatriculation. L’étude de la pratique,
notamment des conventions internationales et des législations nationales, montre clairement que – contrairement
à ce qu’on soutient souvent – il n’y a pas lieu de subordonner ce rattachement à un lien effectif. Ce qui importe,
compte tenu notamment du fait que ces engins évoluent dans des espaces soustraits à toute compétence
territoriale, est d’identifier l’Etat qui est seul compétent à l’égard de l’« ensemble organisé » formé par le
véhicule, les personnes et la cargaison à bord, et qui est responsable de ses activités. Le droit international
interdit dès lors la double immatriculation, mais il laisse aux Etats le pouvoir discrétionnaire de déterminer les
conditions d’attribution de leur « nationalité », sans subordonner l’opposabilité internationale de celle-ci à
quelque autre exigence que ce soit. Le danger est toutefois que cela favorise un certain laxisme de l’Etat
d’immatriculation, ce qui exposerait au risque que des dommages graves soient causés aux personnes impliquées
dans les activités de ces engins et – surtout – aux tiers. Mais ce sont les obligations internationales imposées et
les droits corrélatifs reconnus dans le chef de l’Etat d’immatriculation qui sont déterminants à cet égard et non
quelque mystérieuse « effectivité » du rattachement. Autrement dit, s’il n’est pas nécessaire d’imposer à l’Etat
d’immatriculation des conditions internationales limitant sa liberté dans l’attribution de sa « nationalité » aux
engins, il est indispensable d’exiger que celui-ci respecte ses obligations, c’est-à-dire exerce effectivement son
contrôle et sa juridiction. Cette constatation se vérifie quel que soit l’engin en cause. Le rattachement créé par
l’immatriculation constitue donc une institution sui generis, commune aux navires, aéronefs et objets spatiaux et
dont le régime juridique est encadré par le droit international.

Descripteurs : NAVIRES – AÉRONEFS – OBJETS SPATIAUX – ENSEMBLE ORGANISÉ – IMMATRICULATION – NATIONALITÉ –


PAVILLON – REGISTRE – DOUBLE IMMATRICULATION – ÉTAT D’IMMATRICULATION – ÉTAT DU PAVILLON – LIEN
EFFECTIF/SUBSTANTIEL – JURIDICTION/CONTRÔLE EFFECTIFS – RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE – PROTECTION DE
L’ÉQUIPAGE

Title:
The connection between craft/vessels and States in public international law (ships, aircraft, space objects).
Abstract:
Unlike any other movable property, ships, aircraft and space objects that are engaged in international navigation
are linked to a State. The legal connection established between these craft/vessels and the State is commonly
referred to as “nationality”. However, in this case the term does not represent an institution identical in all
respects to the nationality of persons. With regard to vessels, the legal connection to a State is not based on
factual elements (such as birth, descent etc.), but merely on the internal administrative act of registration. The
study of State practice, notably international conventions and national laws, clearly shows that – contrary to what
is often argued – there is no need to make this connection dependent on a pre-existing effective link. What
matters most, given that these craft navigate in international space beyond the territorial jurisdiction of sovereign
States, is to identify the State that holds sole jurisdiction over said “organized entity” consisting of the vehicle,
the persons and the cargo on board and that is responsible for its activities. Public international law therefore
prohibits dual registration, but leaves States free to determine the conditions under which they will confer their
“nationality”, without imposing any other requirement for the opposability of this legal bond to third States. The
danger is that this situation encourages laxity on the part of the States of registry and therefore creates the
potential for serious damage incurred by persons involved in these vessels’ activities and – mostly – by third
persons. In this regard, it is the international obligations and corresponding rights of the States of registry which
are critical, and not a mysterious “effectiveness” of the legal bond. In other words, it is not necessary to impose
on the State of registry any international conditions which would limit its freedom with regard to the conferral of
its “nationality” upon vessels. It is however indispensable to require that said State complies with its obligations,
meaning that it has to effectively exercise its jurisdiction and control over those craft. This statement holds true
regardless of the craft concerned. The legal bond created by the registration therefore constitutes a sui generis
institution, common to ships, aircraft and space objects, and whose legal regime is governed by international
law.

Keywords : SHIPS – AIRCRAFT – SPACE OBJECTS – ORGANIZED ENTITY – REGISTRATION – NATIONALITY – FLAG –
REGISTRY – DUAL REGISTRATION – STATE OF REGISTRY – FLAG STATE – EFFECTIVE/GENUINE LINK – EFFECTIVE
JURISDICTION/CONTROL – INTERNATIONAL RESPONSIBILITY/LIABILITY – PROTECTION OF CREW
Abréviations & sigles
ABS American Bureau of Shipping CNUDM Convention des Nations Unies sur
ADAS Annuaire de droit aérien et spatial le droit de la mer (Convention de
ADM Annuaire du droit de la mer Montego Bay)
ADMA Annuaire de droit maritime et CODE ISM International Safety Management
aérien Code (International Management
ADMAS Annuaire de droit maritime et Code for the Safe Operation of
aérospatial Ships and for Pollution
ADMO Annuaire de droit maritime et Prevention) / Code international
océanique de gestion de la sécurité
AESA Agence européenne de la sécurité CODE ISPS International Ship and Port
aérienne Facility Security Code / Code
AESM Agence européenne de sécurité international pour la sécurité des
maritime navires et des installations
AFDI Αnnuaire Français de droit portuaires
international COLREG Convention on the International
APEC Asian-Pacifique Economic Regulations for Preventing
Cooperation / Coopération Collisions at Sea / Convention de
économique pour l’Asie-Pacifique Londres sur la prévention des
ASE/ ESA Agence Spatiale Européenne/ abordages en mer
European Space Agency COPUOS Committee on the Peaceful Uses
ATV Véhicule de tansfert automatique of Outer Space
(objet spatial) CUPEEA Comité des utilisations pacifiques
AJIL American Journal of International de l’espace extra-atmosphérique
Law CPJI Cour permanente de Justice
BEA Bureau d’Enquêtes et d’Analyses internationale
pour la sécurité de l’aviation DMF Le Droit maritime français
civile DOT Departement of Transportations
BYIL British Yearbook of International (Etats-Unis)
Law EEE Espace Economique Européen
BV Bureau Veritas EJIL European Journal of
CAB Civil Aeronautics Board (Etats- International Law
Unis) EUSC Effective US Controlled ships
CDI Commission de droit international FAB Fonctional Airspace Bloc
CE/UE Communauté européenne / Union FAO Food and Agriculture
européenne Organization / Organisation des
CEDH Cour européenne des droits de Nations Unies pour l’alimentation
l’homme et l’agriculture
CICR Comité international de la croix FIPOL Convention de Londres portant
rouge création d’un fonds international
CIJ Cour internationale de justice d’indemnisation pour les
CJCE Cour de Justice des Communautés dommages dus à la pollution par
européennes les hydrocarbures
CJUE Cour de Justice de l’Union FIR Flight Information Region
européenne FSI Sub-Committee on Flag State
CLC Convention on Civil Liability for Implementation / Groupe
Oil Pollution Damage/ consultatif sur l’application par
Convention de Bruxelles sur la l’Etat du pavillon
responsabilité civile pour les GRT Gross register tonnage/ Tonnage
dommages dus à la pollution par brut – jauge brute
les hydrocarbures GYIL German Yearbook of
CLL Convention on Load Lines/ International Law
Convention de Londres sur les IACS International Association of
lignes de charge Classification Societies /
COFI Committee on Fisheries / Comité Association internationale des
des pêches (de la FAO) sociétés de classification
CNUCED Conférence des Nations Unies IADC Inter-Agency Space Debris
pour le commerce et le Coordination Committee / Comité
développement
de coordination inter-institutions RCJB Revue critique de jurisprudence
sur les débris spatiaux belge
ICLQ International and Comparative RFDA Revue Française de droit aérien
Law Quarterly RFDAS Revue Française de droit aérien et
IDI Institut du droit international spatial
IISL International Institute of Space RGDIP Revue générale de droit
Law international public
IGA Intergovernmental agreement / REG Red Ensign Group (Royaume
Accord intergouvernemental sur Uni)
la coopération relative à la Station RIF Registre International Français
Spatiale Internationale civile RINA Registro Italiano Navale (société
ILA International Law Association de classification italienne)
INMARBE International Merchant Marine RSA Recueil des sentences arbitrales
Registry of Belize SAR Convention sur la recherche et le
ITF International Transport Workers’ sauvetage maritimes /
Federation / Fédération International Convention on
Internationale des Travailleurs de Maritime Search and Rescue
Transports SARP Standards and Recommended
ITLOS International Tribunal on the Law Practices / Normes et pratiques
of the Sea recommandées (OACI)
JALC Journal of Air Law and SOLAS International Convention for the
Commerce Safety of Life at Sea / Convention
JDI Journal du droit international internationale pour la sauvegarde
LOA Lenght overall / Longueur hors- de la vie humaine en mer
tout ou longueur d’encombrement STCW International Convention on
MARPOL Convention internationale pour la Standards of Training,
prévention de la pollution par les Certification and Watchkeeping
navires for Seafarers / Convention sur les
MLC Maritime Labour Convention / normes de formations des gens de
Convention du travail maritime de mer, de délivrance des brevets et
2006 de l’OIT de veille
MOU Memorandum of Understanding SSI Station Spatiale Internationale
NASA National Aeronautics and Space TIDM Tribunal international du droit de
Administration (Etats-Unis) la mer
NRT Net register tonnage / Tonnage UIT Union internationale des
net-jauge nette télécommunications
NYIL Netherlands Yearbook of UNCLOS United Nations Convention on the
International Law Law of the Sea
OACI Organisation de l’aviation civile VSH Vols suborbitaux habités
internationale ZEE Zone économique exclusive
OCDE Organisation de coopération et de ZLW Zeitschrift für Luft- und
développement économiques Weltraumrecht (German Journal
OIT Organisation internationale du of Air and Space Law)
travail ZONE ADIZ Air Defense Identification Zone /
OMCI Organisation maritime Zone d’identification de défense
consultative intergouvernementale aérienne
OMI Organisation maritime
internationale
ONG Organisation(s) non
gouvernementale(s)
ONU Organisation des Nations Unies
PANS Procedures for Air Navigation
Services / Procédures pour les
services de navigation aérienne
(OACI)
Pêche INN Pêche illicite, non déclarée et non
réglementée
RBDI Revue Belge de droit international
RCADI Recueil des cours de l’Académie
de droit international de La Haye
SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE - L’IMMATRICULATION COMME CONDITION NÉCESSAIRE ET


SUFFISANTE DU RATTACHEMENT DES ENGINS AUX ETATS ...................................................... 27

TITRE I - L’exigence internationale d’un rattachement étatique unique...........................29 


CHAPITRE 1 - Le principe d’un rattachement unique : l’immatriculation sur le registre
d’un seul Etat .................................................................................................................... 31 
Conclusion du premier chapitre.........................................................................................68
CHAPITRE 2 - L’exception d’un rattachement étatique « parallèle » : l’immatriculation
sur le registre spécial affrètement coque nue....................................................................69 
Conclusion du second chapitre........................................................................................114 
Conclusion du premier titre ...............................................................................................115 

TITRE II - L’absence d’exigence d’un rattachement « préalablement » effectif : Les faux-


semblants du lien substantiel .............................................................................................117 
CHAPITRE 1 - L’absence d’une règle conditionnant l’opposabilité du rattachement des
engins aux Etats en droit international ...........................................................................121 
Conclusion du premier chapitre.......................................................................................192 
CHAPITRE 2 - Les critères d’immatriculation des engins en droit interne : les limites
d’un « lien effectif » imposé par les Etats ......................................................................195 
Conclusion du second chapitre........................................................................................245 
Conclusion du second titre.................................................................................................246 

Conclusion de la première partie ........................................................................................ 249

SECONDE PARTIE - LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION : UN RÉGIME


NÉCESSAIRE MAIS NON SUFFISANT POUR UNE GESTION EFFICACE DES ENGINS ................... 253

TITRE I - Les limites d’une mise en oeuvre effective des obligations internationales de
l’Etat d’immatriculation..................................................................................................... 255 
CHAPITRE 1 - Vers des obligations internationales similaires pour l’Etat
d’immatriculation des navires, aéronefs ou objets spatiaux .......................................... 257 
Conclusion du premier chapitre ...................................................................................... 316 
CHAPITRE 2 - L’obligation d’indemnisation ou la responsabilité « propre » de l’Etat
d’immatriculation........................................................................................................... 319 
Conclusion du second chapitre ....................................................................................... 373 
Conclusion du premier titre............................................................................................... 374 

TITRE II - L’atténuation progressive de la prédominance du rôle de l’Etat


d’immatriculation .............................................................................................................. 376 
CHAPITRE 1 - Les atténuations de la compétence lato sensu de l’Etat
d’immatriculation........................................................................................................... 378 
Conclusion du premier chapitre ...................................................................................... 438 
CHAPITRE 2 - De la question d’un droit de réparation pour dommage causé à l’engin :
une protection sui generis .............................................................................................. 441 
Conclusion du second chapitre ....................................................................................... 480 
Conclusion du second titre ................................................................................................ 481 

Conclusion de la seconde partie.......................................................................................... 485 

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 491

Bibliographie Sélective Thématique................................................................................... 499 


Table Des Annexes ............................................................................................................... 545 
Index Thématique ................................................................................................................ 587 
Table Des Matieres............................................................................................................... 593 
INTRODUCTION

INTRODUCTION

1. Le 25 mai 2010, 2.500 tonnes de pétrole se répandaient au large de Singapour, suite à


une collision entre un vraquier immatriculé à Saint-Vincent-et-les-Grenadines et un pétrolier
malaisien. Le 1er juillet 2009, la plus importante catastrophe de l’histoire de l’aviation civile
française causait la mort de 228 passagers et membres d’équipage de 32 nationalités
différentes : le vol 447 Air France assuré par un Airbus A330-200 disparaissait au-dessus de
l’océan Atlantique sans que les causes exactes de l’accident soient à ce jour élucidées. Le 10
février 2009, la collision entre le satellite militaire russe Kosmos 2251, hors service depuis
1995, et Iridium 33, un satellite de télécommunications américain encore en fonctionnement,
provoquait une multitude de débris spatiaux menaçant la Station Spatiale Internationale (ci-
après SSI) et ses trois astronautes.
2. Ces trois accidents ont en commun d’impliquer des engins sans personnalité juridique
propre qui évoluent dans un espace soustrait à toute compétence territoriale. La combinaison
de ces deux caractéristiques – l’absence d’une personnalité juridique propre et l’affectation à
la navigation internationale – pose la question du rattachement 1 de ces engins 2 à un Etat 3 ou,
plus précisément, de l’existence d’un lien de droit public entre eux et un sujet du droit
international. Et cette question est d’autant plus importante que, comme l’illustrent les
incidents évoqués, les activités auxquelles ces engins se livrent peuvent présenter un degré de
dangerosité élevé. Habituellement, les biens meubles, catégorie à laquelle appartiennent a
priori ces engins, sont rattachés à une personne, leur propriétaire, qui en est responsable ; il en
va ainsi des véhicules automobiles et ferroviaires. Les navires, aéronefs et objets spatiaux –
ou au moins certains d’entre eux – ont cependant la particularité d’être dotés d’une espèce de
nationalité. Si cette affirmation ne saurait aujourd’hui surprendre, étant donné la longévité
1
La notion du « rattachement » est employée ici dans son sens le plus large, en tant qu’expression générale
désignant le lien d’où résultent la compétence (dont la nature reste à être déterminée) de l’Etat sur l’engin et tous
les pouvoirs y afférents. [Définition inspirée de la définition de MM. COMBACAU & SUR à propos du
rattachement des personnes aux Etats opéré par la nationalité ; voy. COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit
International Public, Montchrestien, 9ème édition, Paris 2010, p. 327].
2
Le terme « engins » n’exprime pas un concept juridique. Il s’agit d’un concept purement technique,
principalement employé ici comme synonyme de « véhicule », mais qui entend désigner également certains
objets qui ne sont pas utilisés comme moyens de transport (notamment les satellites, les stations spatiales et les
plates-formes pétrolières). Sa signification est donc extrêmement large. L’utilisation de ce terme est due à des
raisons de commodité de langage, pour éviter de devoir toujours préciser « navires, aéronefs et objets/engins
spatiaux », lorsque nous voulons nous référer aux trois à la fois.
3
D’évidence, le rattachement à un Etat présuppose l’existence d’un Etat en tant que sujet du droit international.
Pour une étude de l’articulation entre les concepts d’Etat-nation, d’Etat souverain et d’Etat du pavillon voy.:
MANSELL (J.N.K.), Flag State Responsibility: Historical Development and Contemporary Issues, Springer-
Verlag Berlin, Heidelberg, 2009, pp.15-22 et JACOBSSON (M.), « Flag State perspectives », in The Stockholm
Declaration and law of the marine environment, NORDQUIST (M. H.) & MOORE (J. N.) & MAHMOUDI (S.)
ed., 2003, pp. 299-300.

1
INTRODUCTION

d’une telle pratique et son ancrage dans la conscience commune, elle n’en demeure pas moins
remarquable. Ce lien entre un engin et un Etat traduit en effet la transposition à des choses
d’une institution dédiée à l’origine aux personnes. Or, cette distinction entre personnes et
choses, autour de laquelle le droit occidental s’est construit 4, est si fondamentale qu’une telle
transposition demande à être attentivement examinée pour être véritablement comprise. Pour
ce faire, il convient d’identifier sa raison d’être en examinant l’ensemble des notions qui
gravitent autour de cette institution originale (§1), avant de s’interroger sur le cadre juridique
de sa mise en œuvre (§2).

§ 1. Nécessité et raison d’être du rattachement des engins aux Etats

3. Trois facteurs justifient à titre principal le rattachement de certains engins aux Etats. Le
premier – d’ordre ratione loci – réside dans le fait que ces engins sont susceptibles d’évoluer
au sein d’espaces internationaux soustraits, par définition, à toute compétence territoriale (A).
Le second – d’ordre ratione materiae – tient quant à lui à la qualité d’« ensemble organisés »
de ces engins qui empêche cette fois-ci l’identification d’une compétence « personnelle »
unique (B). Dans ces conditions, le rattachement de ces engins à un Etat par l’établissement
d’une sorte de lien de nationalité permet d’identifier le sujet qui sera responsable lato sensu de
leurs activités, dont le degré de dangerosité pour les tiers ne fait d’ailleurs qu’accentuer la
nécessité (C). Ainsi, si les deux premiers facteurs expliquent pourquoi un rattachement
étatique unique des engins s’avère indispensable, ils ne permettent pas de saisir la
problématique de ce rattachement dans toute sa singularité. Le troisième facteur constitue en
revanche une finalité qui lui est propre et en révèle la raison d’être.

A. Engins évoluant dans des espaces soustraits à toute compétence territoriale

4. Les engins qui évoluent dans des espaces internationaux sont soustraits à toute
compétence territoriale. L’exercice d’une compétence qui aurait les mêmes effets qu’une
compétence personnelle s’avère donc indispensable. L’affectation à la navigation
internationale (i) de certains navires ou aéronefs, ainsi que de tous les objets spatiaux (ii)
justifie dès lors pour partie la nécessité de leur rattachement à un sujet de l’ordre juridique
international 5.

4
Dans ce sens, CHAUMETTE (P.), « Le navire, ni territoire, ni personne », DMF, n° 678, Février 2007, p. 99 et
CHENG (B.), « Nationality for Spacecraft ? », in Air and Space Law : De Lege Ferenda, MASSON-ZWAAN
(T. L.) & MENDES DE LEON (P. M. J.) ed., 1992, p. 203.
5
Les navires ou aéronefs qui sont utilisés uniquement à des fins d’activités de cabotage national ne font dès lors
pas partie du champ de l’étude de cette thèse.

2
INTRODUCTION

i. Espaces concernés par la navigation internationale

5. Les engins affectés à la navigation internationale peuvent évoluer dans des zones
soumises à des régimes juridiques différents. Les espaces dans lesquels un engin peut
naviguer sont en effet rangés dans deux catégories principales : ceux qui relèvent de la
souveraineté d’un Etat (eaux intérieures 6, mer territoriale, espace aérien au-dessus du
territoire et de la mer territoriale de chaque Etat) et ceux qui ne sont soumis à aucune
souveraineté (haute mer, espace aérien au-dessus de la haute mer et espace extra-
atmosphérique). Seule la zone économique exclusive 7 est soumise à un régime juridique sui
generis. Elle doit cependant être considérée plutôt comme une « mer territoriale assortie
d’une liberté de navigation que [d’] une haute mer accompagnée de droits préférentiels au
profit de l’Etat côtier» 8. L’espace aérien surplombant la zone économique exclusive n’est en
revanche soumis à aucune souveraineté et la liberté de survol s’y applique 9. Quant à la haute
mer et à l’espace extra-atmosphérique, dont les régimes juridiques sont proches, il importe
peu d’y voir une res nullius ou – plutôt – une res communis 10. L’aspect le plus essentiel de
leur régime réside dans le fait que l’un comme l’autre sont utilisés librement par tous les Etats
et ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation nationale par proclamation de souveraineté.
Il convient enfin de signaler que la délimitation verticale exacte entre l’espace aérien
(souveraineté de l’Etat survolé) et extra-atmosphérique (liberté et non appropriation) n’obéit à

6
Les cours d’eau « internationaux » font en réalité partie de cette catégorie, dès lors que « chaque portion d’un
fleuve international relève de la souveraineté de l’Etat dont elle limite ou elle traverse le territoire » :
VERHOEVEN (J.), Droit international public, Bruxelles, Larcier, 2000, p. 511.
7
Article 56 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (ci-après convention de de
Montego Bay).
8
VERHOEVEN (J.), Droit international public, op. cit. note 6, p.550.
9
Article 58 de la convention de Montego Bay.
10
Selon M. VERHOEVEN la haute mer constitue « une res communis, soumise en quelque sorte à la
souveraineté indivise des Etats, plutôt qu’une res nullius, qui ne pourrait intrinsèquement pas faire l’objet d’une
appropriation en souveraineté » [VERHOEVEN (J.), Droit international public, op. cit. note 6, p. 555]. La
Zone, qui est qualifiée de « patrimoine commun de l’humanité » et l’espace extra-atmosphérique, qui est qualifié
d’« apanage de l’humanité toute entière » sont radicalement soustraits à toute souveraineté, exclusive ou
indivise des Etats. Mais voy également COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note
1, p. 400 : « aucun de ces espaces n’a plus aujourd’hui le statut de chose sans maître (res nullius), susceptible
d’appropriation mais n’appartenant encore à personne ; tous sont des choses communes (res communes)
fermées à la constitution de titres territoriaux mais aptes à être utilisées par tous ». Voy. articles 89 (illégitimité
des revendications de souveraineté sur la haute mer), 136 (patrimoine commun de l’humanité) et 137 (régime
juridique de la Zone et de ses ressources) de la convention de Montego Bay, ainsi qu’articles I al. 1 et II du traité
de 1967 sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace
extra-atmosphérique y compris la lune et les autres corps célestes (ci-après traité sur l’espace). En ce qui
concerne l’espace extra-atmosphérique, sur le débat pour savoir s’il doit être qualifié de res nullius ou plutôt de
res communis omnium, en vertu de l’article II du traité sur l’espace, voy. MARCHAN (J.), Derecho
Internacional del Espacio, Teoria y Politica, Civitas, Madrid, 1990, pp. 263-267.

3
INTRODUCTION

ce jour à aucune règle internationale généralement admise 11. Si une ligne s’étendant à 100 km
au-dessus de la surface de la mer (ce qui correspond à la plus basse orbite terrestre occupée
par un satellite) est fréquemment considérée comme la limite entre l’espace aérien et extra-
atmosphérique 12, la délimitation se fait en réalité selon une approche fonctionnelle. L’espace
en cause est considéré comme extra-atmosphérique lorsque les engins qui y évoluent sont
conçus comme objets spatiaux. Ce critère fonctionne de manière plutôt satisfaisante pour
l’instant, mais un critère scientifique plus précis s’avérera nécessaire dans le futur, compte
tenu des avancées technologiques qui risquent de brouiller la méthode fonctionnelle. Des
engins conçus à la fois comme des objets spatiaux et comme des avions existent en effet
d’ores et déjà.
La multiplication de zones soumises à des statuts juridiques distincts est certainement plus
manifeste dans le droit de la mer. Les navires traversent des espaces maritimes nationaux, des
espaces sui generis et la haute mer. De manière générale, ils sont susceptibles de se trouver
dans un espace international pendant de longues périodes, lorsqu’ils effectuent des voyages
conséquents à travers les océans. Les aéronefs, quant à eux, sont principalement utilisés dans
des espaces soumis à des compétences territoriales étrangères, même s’ils survolent
fréquemment – mais pour des laps de temps moins longs – la haute mer. Les objets spatiaux
enfin, évoluent quasi-exclusivement dans un espace international.
6. Il convient de souligner, enfin, que par « affectés à la navigation internationale », nous
n’entendons pas uniquement les engins qui « naviguent » au sens propre du terme dans un
espace international, mais également ceux susceptibles de s’y « trouver ». C’est le cas de
certaines installations en haute mer, notamment des plates-formes de forage, ainsi que des
stations spatiales – la seule en activité à l’heure actuelle étant la SSI. Celle-ci est placée en
orbite et se rapproche donc juridiquement des installations en haute mer.

ii. Engins susceptibles d’être affectés à la navigation internationale

7. Seuls certains engins sont – techniquement et juridiquement – aptes à évoluer dans des
espaces internationaux. L’identification de ceux-ci ne soulève à l’heure actuelle guère de
difficultés. On sait en effet qu’à ce jour seuls les navires, aéronefs et objets spatiaux sont

11
Voy. sur la question VON DER DRUNK (F. G.), « The Sky is the Limit - but where does it end? New
Developments on the Issue of Delimitation of Outer Space », in Proceedings of the forty-eighth colloquium on
the law of outer space, IISL of the International Astronautical Federation, American Institute of Aeronautics and
Astronautics, 2006, pp. 84-94.
12
Voy. GOEDHART (R. F. A), The Never Ending Dispute: Delimitation of Air Space and Outer Space, Gif-sur-
Yvette: Frontières, Forum for air and space law, vol. 4, 1996, p. 146.

4
INTRODUCTION

susceptibles de naviguer dans de tels espaces. La définition juridique de ces différents


véhicules n’est en revanche pas évidente. Les conventions internationales renferment en effet
des définitions aussi nombreuses que contradictoires, toujours liées aux objectifs spécifiques
de chaque traité, et une multitude de facteurs, extrêmement précis et hautement techniques,
sont pris en compte, si bien qu’aucune définition générique des navires (a), aéronefs (b) et
objets spatiaux (c) ne fait aujourd’hui l’unanimité en doctrine et en pratique.

a. Navires

8. En l’état actuel du droit international, il n’existe pas une définition générale du


« navire », mais plusieurs définitions particulières 13. Ce qui importe pour l’application des
règles internationales n’est pas tant la distinction entre les différents engins flottants (bateaux
de commerce, de plaisance, de pêche, hydravions, aéroglisseurs, vaisseaux-réservoirs, plates-
formes de forage, etc…), mais celle entre les « navires » et les « non-navires » 14. Selon MM.
LUCCHINI et VOECKEL, au regard du droit de la mer le navire doit être considéré comme
« un engin évoluant en mer sous la responsabilité d’un Etat auquel il peut être rattaché par le
lien de la nationalité et qui peut refuser toute ingérence d’un autre Etat » 15. Cette définition
sera retenue comme la plus adéquate pour les besoins de cette thèse.
Elle est en effet suffisamment large pour permettre à plusieurs engins flottants d’être
assimilés à des navires et présente en outre l’intérêt d’être construite autour du rattachement
aux Etats. Les critères « classiques » de la définition d’un navire au sens technique du terme –

13
Sur la question d’une définition juridique des navires voy. GIDEL (G.), Le droit international public de la
mer, t. 1, La haute mer, Mellottée, Châteauroux, 1932, p. 70 ; LAZARATOS (G.) , « The definition of ship in
national and international law », Revue Hellénique de droit international, 1969, pp. 57-99 ; LUCCHINI (L.),
« Le navire et les navires ; Rapport général », in Colloque SFDI : Le navire en droit international, Pedone, Paris,
1993, pp. 11-26 ; VAN DER MENSBRUGGHE (Y.), « Réflexion sur la définition du navire dans le droit de la
mer», in Actualités du droit de la mer, Paris, Pedone, 1973, pp. 64-99 ; LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.),
Droit de la mer, t. II, Délimitation, Navigation et Pêche, Pedone, Paris, 1996, p. 21 citant plusieurs définitions
doctrinales du mot « navire » et DU PONTAVICE (E.) & CORDIER (P.), « Navire et autres bâtiments de mer »,
Juris-classeur Com., Fascicule 1045, nos 73-75, 1984.
14
LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.), Droit de la mer, t. II, op. cit. note 13, p. 20. La définition donnée par le
rapporteur spécial FRANCOIS lors de la seconde session de la Commission du droit international (ci-après CDI)
pour la convention de Genève sur la haute mer de 1958 (ci-après convention de Genève), inspirée de celle de
GIDEL, nous paraît à ce titre suffisamment générale. Voy. Annuaire de la Commission du droit international,
1955, vol. I, p. 10: « A ship is a device capable of traversing the sea, but not the air space, with the equipment
and the crew appropriate to the purpose for which it is used » [« un navire est un engin apte à se mouvoir dans
les espaces maritimes, à l’exclusion de l’espace aérien, avec l’armement et l’équipage qui lui sont propres, en
vue des services que peut comporter l’industrie à laquelle il est employé »]. Voy. également dans le même sens
la définition du navire dans SALMON (J.) ed., Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant
AUF, 2001, p. 729 : « toute construction flottante conçue pour naviguer en mer et y assurer, avec un armement
et un équipage qui lui sont propres, le service auquel elle est affectée ».
15
LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.), Droit de la mer, op. cit. note 13, p. 38.

5
INTRODUCTION

flottabilité, aptitude à naviguer, à transporter et à affronter les risques de mer 16 – semblent


ainsi secondaires, tandis que le fait de constituer un bien meuble rattaché à un Etat devient
l’élément déterminant. Suivant cette définition, nous pouvons donc assimiler à des navires
certaines installations en haute mer, notamment les plates-formes de forage, même si elles
vont bien au-delà du sens commun du terme « navire » 17. Leur statut juridique demeure à ce
jour très ambigu 18. Une distinction est généralement faite entre les structures simplement
reliées au fond de la mer – qui peuvent être considérées comme satisfaisant le critère de la
flottabilité – et celles comportant une emprise permanente au lit de la mer, qui correspondent
plus à des îles artificielles qu’à des navires 19. Si certains traités internationaux assimilent les
plates-formes de forage à des navires 20, d’autres les excluent expressément 21. La convention
de Montego Bay les mentionne dans ses articles 60 et 80, sans pour autant préjuger de leur
condition juridique. Il est vrai que l’ensemble du statut du navire stricto sensu ne s’applique
pas nécessairement aux plates-formes pétrolières et aux autres installations artificielles. Ces

16
Ibidem, p. 31.
17
La question de la définition du navire et de l’inclusion des plates-formes dans cette définition a été soulevée
dans l’affaire du Passage par le Grand-Belt qui opposait devant la CIJ la Finlande et le Danemark et concernait
la qualification des plates-formes de forage destinées à la mer en tant que navires. La Cour n’a pas eu l’occasion
de se prononcer car l’affaire s’est conclue par un arrangement à l’amiable et un désistement dont elle a pris acte
le 10 septembre 1992.Voy. CIJ, Affaire du Passage par le Grand-Belt, Finlande c/ Danemark, ordonnance du 10
septembre 1992, Rec. CIJ 1992, p. 348 et GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du
XXIème siècle, Pedone, Paris, 2003, p. 297.
18
Voy. sur ce LABAT (B.), « Le cas Sealand ou la création d’Etats artificiels en mer », ADM, t. V, 2000, pp.
137-164 ; ORRU (E.), « La configurazione giuridica delle piattaforme e degli impianti off-shore alla luce delle
nuove esogenze in materia di sicurezza in mare », in Trattato breve di diritto marittimo, vol.1, Milano, Giuffrè,
2007, pp. 335-361 ; LUCCHINI (L.), « Le navire et les navires », op. cit. note 13, p. 25 ; LAZARATOS (G.) , «
The definition of ship in national and international law», op. cit. note 13, pp. 73-74 ; REMOND-GOUILLOUD
(M.), Droit Maritime, Pedone, Paris, 1993, p. 53.
19
PAPADAKIS (N.), The international legal regime of artificial islands, Sijthoff, Leiden, 1977, p. 100.
20
Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires de 1973, telle que modifiée par le
protocole s’y rapportant daté du 17 février 1978 (ci-après MARPOL 73/78), article 1 définissant comme navire:
« tous bâtiments de mer, quels qu’ils soient, y compris les engins flottants, effectuant une navigation maritime,
soit par leurs propres moyens soit à la remorque d’un autre navire » ; Convention de Rome de 1988 pour la
répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, article 1 définissant comme navire : « un
bâtiment de mer de quelque type que ce soit qui n’est pas attaché en permanence au fond de la mer et englobe
les engins à portance dynamique, les engins submersibles et tous les autres engins flottants » ; Convention de
Hong Kong du 15 mai 2009 sur le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, article 2, al. 7,
définissant le navire comme « un bâtiment, de quelque type que ce soit, exploité ou ayant été exploité en milieu
marin et englobe les engins submersibles, les engins flottants, les plates-formes flottantes, les plates-formes
auto-élévatrices, les unités flottantes de stockage (FSU) et les unités flottantes de production, de stockage et de
déchargement (FPSO), y compris un navire qui a été désarmé ou est remorqué ». La loi française n° 67-545 du 7
juillet 1967 relative aux événements de mer assimile également les plates-formes aux navires au regard de
l’abordage, article 1 : « tous engins flottants, à l’exception de ceux qui sont amarrés à poste fixe, sont assimilés
selon le cas, soit aux navires de mer, soit aux bateaux de navigation intérieure ».
21
Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, article 15.5 : « La
présente convention ne s’applique pas […] b) aux plates-formes flottantes destinées à l’exploration ou à
l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol » ; Convention de Genève de 1976
sur les normes minima de sécurité dans la marine marchande, article 1.4.c) : « La présente convention ne
s’applique pas […] aux navires de faible tonnage ni aux navires tels que les plates-formes de forage et
d’exploitation quand ils ne sont pas utilisés pour la navigation ».

6
INTRODUCTION

dernières peuvent néanmoins être considérées, pour les besoins de cette thèse, comme étant
soumises au même régime général que les navires, notamment lorsqu’il s’agit d’installations
en haute mer qui sont flottantes et simplement amarrées ou attachées au lit de la mer. Elles
constituent dès lors des bâtiments de mer lato sensu, rattachés à un Etat qui en est
responsable. Sauf indication contraire, le terme « navire » englobera donc ces installations et
les conclusions tirées pour ces derniers seront mutatis mutandis valables pour celles-ci.

b. Aéronefs

9. La définition juridique des aéronefs est moins controversée 22. Elle sert surtout, à l’instar
de celle concernant les navires, à distinguer un « aéronef » d’un « non-aéronef ».
Contrairement au droit de la mer, le droit de l’air définit de manière relativement uniforme les
aéronefs. La définition contenue dans la convention de Paris de 1919 sur la navigation
aérienne (ci-après convention de Paris) a ainsi été reprise dans la convention de Chicago de
1944 sur l’aviation civile (ci-après convention de Chicago) 23. Selon celle-ci, est qualifié
d’aéronef « tout appareil pouvant se soutenir dans l’atmosphère grâce aux réactions de
l’air ». Il s’agit donc d’une définition très générale, qui inclut quasiment toutes les catégories
d’appareils aériens 24. Le droit international exclut toutefois les aéroglisseurs, les parachutes,
les simulateurs de vol, les engins balistiques – notamment les obus et les fusées –, les missiles
de croisière et les avions-fusées 25.
Une question plus récente concerne la distinction, dans certains cas relativement obscure,
entre aéronef et engin spatial 26. La navette spatiale, par exemple, est propulsée comme une

22
Sur une définition juridique des aéronefs : HONIG (J. P.), The legal status of aircraft, Nijhoff, Leiden, 1956,
pp. 40-41; BEREZOWSKI (C.), « Le développement progressif du droit aérien », RCADI, t.128, vol. 3, 1969,
pp. 36-39 ; DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), An Introduction to Air Law, Kluwer Law International, 7ème
édition, The Hague, London, Boston, 2006, pp. 5-6, 106 et 260. A priori les aéronefs exploités par les
compagnies aériennes régulières et par les opérateurs charter se distinguent de l’aviation générale et de
l’aviation légère, comprenant tous les autres aéronefs dont les opérations peuvent aller du sauvetage aux visites
touristiques ; [http://www.iaopa.org/what-is-general-aviation/index.html] consulté le 27 février 2011.
23
Annexe A à la convention de Paris du 13 octobre 1919 sur la navigation aérienne et annexes 6 et 7 à la
convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’aviation civile internationale.
24
La définition juridique de la législation française est tout autant générale. En vertu de l’article L110-1 du Code
de l’aviation civile « [s]ont qualifiés aéronefs pour l’application du présent code, tous les appareils capables de
s’élever ou de circuler dans les airs ».
25
Voy. amendement apporté le 8 novembre 1967 à l’annexe 7 de la convention de Chicago (OACI, doc. 8707)
qui exclut de la définition les appareils pouvant se soutenir dans l’atmosphère grâce aux réactions de l’air sur la
surface de la terre. Sur ce BEREZOWSKI (C.), « Le développement progressif du droit aérien », op. cit. note 22,
pp.36-37 ; SALMON (J.) ed., Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 44.
26
SLOUP (G. P.), « The aerospace vehicle as a legal concept on final approach », Annals of Air and Space Law,
vol. VIII, 1983, pp. 433-442; HOBE (S.), « Aerospace Vehicles : Questions of Registration, Liability, and
Institutions- A European Perspective », Annals of Air and Space Law, vol. XXIX, 2004, pp. 377-392; ZANGHI
(C.), « Aerospace Object », in Outlook on Space Law over the Next 30 years, Essays published for the 30th
anniversary of the Outer Space Treaty, Kluwer, 1997, pp. 115-123.

7
INTRODUCTION

fusée, mais revient à terre comme un planeur. De manière générale, la distinction se fait à
partir d’un critère fonctionnel : si l’engin est conçu pour évoluer majoritairement dans
l’espace extra-atmosphérique, il sera considéré comme un objet spatial, bien qu’il ait la
possibilité de naviguer dans l’espace atmosphérique. La navette spatiale est donc définie
comme un objet spatial et non comme un aéronef.

c. Objets/engins spatiaux

10. Le droit de l’espace extra-atmosphérique ne suit pas le même chemin que le droit de
l’air quant à la définition de l’objet spatial 27. Les conventions en la matière ne donnent pas de
définition générale ; elles précisent toutefois que l’expression « objet spatial » désigne non
seulement tous les éléments constitutifs de celui-ci, mais encore le lanceur et ses éléments 28.
Si la plupart des traités internationaux se référent au terme « objet spatial » indistinctement,
l’accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution des objets
lancés dans l’espace de 1968 et l’accord régissant les activités des Etats sur la Lune et les
autres corps célestes de 1979 29 semblent établir une distinction entre l’« objet spatial » non
habité et l’« engin spatial », qui comprend, lui, un équipage. Les deux termes seront toutefois
employés comme synonymes, et il sera indiqué à chaque fois si l’engin étudié est a priori
habité ou non. La définition d’un objet/engin spatial est donc très large, incluant tout objet
destiné à être utilisé dans l’espace extra-atmosphérique 30.

27
Sur une définition juridique des objets spatiaux: DE LAS MERCEDES ESQUIVEL DE COCCA (M.),
« Legal concept of Space Object and State Responsibility », in Proceedings of the 44th Colloquium on the Law
of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2002, pp. 123-125; MARCOFF (M. G.),
Traité de droit international public de l’espace, Editions Universitaires Fribourg, Suisse, 1973, p. 410. Selon
lui : « le spationef ou véhicule spatial [équivalent de « spacecraft » en anglais] n’est pas simplement un objet
capable de se mouvoir en orbite ou d’évoluer dans l’espace extra-terrestre mais tout objet artificiel, quelles que
soient ses dimensions et sa dénomination, capable d’orbiter autour de la Terre sans le support de moteurs fusées
complémentaires ou susceptible d’évoluer dans l’espace extra-atmosphérique sur une trajectoire déterminée
selon les lois de la mécanique céleste avec l’équipement et l’équipage qui lui sont propres, en vue de
l’exploration et de l’utilisation de l’espace extra atmosphérique pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays ».
28
Article 1.d. de la convention de 1972 sur la responsabilité pour les dommages causés par les objets spatiaux et
article 1.d. de la convention de 1975 sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique.
Sur ce voy. CHENG (B.), « Convention on International Liability for Damage Caused by Space Objects », in
Manual on Space Law, vol. 1, JASENTULIYANA (N.) & LEE (R. S. K.) eds., Oceana Publications, Dobbs
Ferry, Alphen aan den Rijn, Sijthoff und Noordhoff, 1979, p. 116 et COCCA (A. A.), « Convention on
Registration of Objects Launched into Outer Space », idem, p. 180 et SLOUP (G. P.), « The aerospace vehicle as
a legal concept on final approach », op. cit. note 26, pp. 433-442.
29
Articles 1, 2 et 3 § 2, 10 §1 respectivement.
30
SALMON (J.) éd., Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 764.

8
INTRODUCTION

B. Engins constituant des « ensembles organisés »

11. C’est à propos des engins – navires, aéronefs et objets spatiaux – constituant des
« ensembles organisés » 31 que le rattachement à un seul ordre juridique étatique déploie toute
son utilité. Il permet en effet à un seul Etat d’exercer ses pouvoirs sur l’ensemble de l’engin
(véhicule, cargaison et personnes à bord), de manière exclusive lorsque ce dernier se trouve
dans un espace soustrait à toute compétence territoriale et de manière concurrente dans le cas
contraire. Si une compétence analogue à la compétence personnelle n’était pas attribuée à un
seul Etat, elle serait en effet nécessairement multiple et fondée sur différents liens de
rattachement. Ainsi, pourrait-on concevoir une compétence personnelle des Etats de
nationalité de chaque membre de l’équipage ou de chaque passager, ou encore celle du
propriétaire, voire de l’exploitant, de l’engin ou de la cargaison. Mais à cet égard, la
libéralisation, la privatisation industrielle et la mondialisation ont incontestablement
bouleversé les secteurs maritime, aérien et spatial 32. Aujourd’hui, les liens économiques d’un
engin avec un ordre juridique se multiplient. Celui-ci peut en effet appartenir, être financé,
hypothéqué, construit, immatriculé, géré et assuré, dans différents pays à la fois. La solution
qui consisterait à attribuer des pouvoirs distincts sur l’engin à chaque Etat concerné doit être
écartée en raison, précisément, du fait qu’ils constituent des « ensembles organisés ». Il peut
en effet exister des situations dans lesquelles les activités individuelles ne sont pas
dissociables, l’activité de l’engin devant donc être perçue comme un tout du point de vue du
droit international public 33. C’est le cas, notamment, lorsque la navigation du véhicule est

31
Terme retenu depuis l’avis du Conseil d’Etat français du 28 octobre 1806 rendu à propos d’affaires survenus à
bord de deux navires américains (le Sally et le Newton) en escale dans les ports français, où il a été déclaré que
« le navire est un ensemble organisé, hiérarchisé, placé sous l’autorité du capitaine » [Lois annotées Sirey, t. 1,
p. 737 et rapporté dans GIDEL (G.), Le droit international public de la mer, t. 2, Mellottée, Châteauroux, 1932,
p. 207]. Voy. pour l’utilisation du terme par la doctrine COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International
Public, op. cit. note 1, p. 341 et SANTULLI (C.), Le statut international de l’ordre juridique étatique : étude du
traitement du droit interne par le droit international, Pedone, Paris, 2001, pp. 171-172.
32
Voy. analyse de l’influence de la mondialisation sur le secteur maritime par BEHNAM (A.), « The ocean trade
in the new economy: a keynote address », Ocean development and international law, vol. 35, no. 2, 2004, p. 116.
33
Dans un sens similaire, un rattachement étatique unique peut être utile pour les besoins du droit international
privé. La « nationalité » du véhicule en cause peut être dans plusieurs cas l’unique facteur de rattachement (dans
son sens classique) qui puisse être utilisé afin de trouver la loi directement applicable aux activités. Et même
lorsqu’elle ne constitue pas l’unique critère de rattachement, la loi de la « nationalité » (ou autrement dit pour ce
qui concerne les navires loi du pavillon) peut être appliquée chaque fois que les circonstances s’y prêtent. Par
exemple, lorsqu’un incident se produit à bord d’un navire, même si le navire se trouve sur un territoire sous
souveraineté étrangère, la loi du pavillon peut être appliquée, en écartant la lex territorialis, selon certaines
conditions y compris celle de la réciprocité. Voy. BONASSIES (P.), « La loi du pavillon et les conflits de droit
maritime », RCADI, t. 128, vol. 3, 1969, pp. 506- 628 ; CARBONE (S. M.), Legge della bandiera e ordinamento
italiano, Dott. A. Giuffrè Editore, Milano, 1970, pp. 6-11 ; GIULIANO (M.), « La nazionalità della nave come
criterio di collegamento nel diritto internazionale privato italiano », Rivista di diritto internazionale privato e
processuale, 1965, pp. 417-418.

9
INTRODUCTION

empêchée par un Etat tiers ou lorsqu’il est coulé/abattu en violation du droit international. Le
rattachement à un seul Etat permet alors de préserver un bon ordre international 34, en évitant
que les Etats se retrouvent en situation conflictuelle lorsqu’ils veulent exercer leur
compétence « personnelle » – ou, de manière générale, leur juridiction et leur contrôle – sur
un engin constituant un « ensemble organisé ».
12. D’un point de vue strictement juridique, les engins examinés sont des biens meubles.
Pour autant, ils ne constituent pas de simples « choses » dans la mesure où ils sont plus ou
moins personnalisés 35 et où ils constituent un mélange indissoluble de biens et de personnes.
C’est pour exprimer cette particularité que la doctrine a eu recours à la notion d’« ensemble
organisé », qui ne correspond certes pas à un statut juridique spécifique, mais qui traduit au
mieux la nature particulière de ces engins, à mi-chemin entre la « personne morale » et la
« chose ». La même idée est exprimée par leur qualification doctrinale de « collectivités

34
Il s’agit, en réalité, de la préoccupation internationale de « prévenir d’inutiles conflits [de compétence] » par la
« formulation de critères de rattachement permettant l’identification de l’Etat « préférentiellement », sinon
exclusivement, compétent ». [Voy. VERHOEVEN (J.), Droit international public, op. cit. note 6, p. 131]. Dans
la doctrine anglophone cette idée est plutôt exprimée par le terme « [international] public order » (traduit comme
« ordre public international »), qui a été écarté ici pour éviter les confusions. Pendant longtemps, la notion
d’ordre public était en effet utilisée principalement, voire exclusivement, dans le cadre du droit interne et du
droit international privé. Cependant, l’ordre public international a désormais son propre contenu et doit être
distingué de deux autres. Dans le cadre du droit international public, il exprime de manière globale les valeurs
fondamentales de la communauté internationale, considéré souvent comme synonyme de jus cogens [voy.
SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 789, qui définit l’ordre public
international comme « l’ensemble de règles d’importance fondamentale pour la communauté internationale
dans son ensemble » et l’identifie au jus cogens. Sur la notion de l’ordre public international voy. également
GUICHARD (J.), « Law, Order, Politics and the Concept of International ordre public », in Globale
Gerechtigkeit, Global Justice, ed. Frommann-Holzboog, 2005, pp. 53-65 et LEVI (W.), « The international ordre
public », Revue de droit international, des sciences diplomatiques et politiques, vol.72, affl.1, 1994, pp. 55-77,
notamment pp. 59-66]. Mais le terme est également utilisé – notamment dans la tradition anglophone – non pas
comme synonyme de jus cogens, mais afin d’exprimer ce concept toujours en cours d’élaboration d’un droit
propre à la communauté internationale notamment en ce qui concerne les espaces internationaux ; il s’agit dans
ce cadre spécifique de mettre en lumière les valeurs de coexistence pacifique et coordonnée entre les Etats dans
les espaces internationaux et l’utilisation de ces derniers de manière équitable et raisonnable. Il est employé
dans un tel sens dans deux grands ouvrages : McDOUGAL (M. S.) & BURKE (W. T.), The Public Order of the
Oceans : A Contemporary International Law of the Sea, New Haven Press, Martinus Nijhoff Publishers,
Dordrecht, 1987 et McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H.) & VLASIC (I.), Law and Public Order in Space,
New Haven, Yale University Press, 1963. Voy. également : McDOUGAL (M. S.), BURKE (W. T.) & VLASIC
(I. A.), «The maintenance of public order at sea and the nationality of ships», AJIL, vol. 54, 1960, pp. 25-116,
ainsi que l’article de FAYE (F.), « Insuffisances juridiques dans la lutte contre la piraterie », La Revue maritime,
n°483, 2008, pp. 88-93 où l’auteur se réfère au besoin d’élaborer une notion d’ « ordre public international en
mer » et d’un concept de « maintien d’ordre public international en mer », afin de lutter efficacement contre la
piraterie moderne (pp. 91 et 93 respectivement). Lorsque le terme est utilisé dans cette thèse, nous l’entendrons
dans le sens d’une bonne organisation internationale.
35
Notamment dans la tradition anglo-saxonne : le navire y est qualifié comme une « legal entity » et est traité
comme un sujet du droit international lorsqu’il navigue en haute mer. Voy. CHAUMETTE (P.), « Le navire, ni
territoire, ni personne », op. cit. note 4, p. 100 ; HOWARD (A. T.), « Personification of the vessel : fact or
fiction », Journal of Maritime Law and Commerce, vol. 21, n°3, 1990, p. 319 ; SHAW (M. N.), International
Law, 5th ed., Cambridge University Press, 2003, p. 176. Sur la nature du navire voy. également : GAURIER (D.)
& HESSE (P.-J.), « L’incertain statut mobilier du navire : faut-il réinventer les cateux ? », ADMAS, t. X, 1989,
pp. 151-166.

10
INTRODUCTION

organisées 36», d’« êtres juridiques collectifs sans personnalité 37» ou encore
de « groupements 38» et d’« entités fonctionnelles 39». Un ensemble organisé se définit ainsi
comme « un être complexe, composé d’un bien (le véhicule), d’autres biens (la cargaison) et
de personnes (l’équipage et les passagers). L’ensemble sans avoir une personnalité morale
qui le détache de ses éléments, comporte des exigences de cohésion telles que le droit
international le traite comme un tout » 40. Cette définition, qui rapproche les engins des
personnes en dépit de l’absence d’une personnalité juridique, explique qu’on puisse avoir
recours à la notion de « quasi-personnalité ». Mais cette dernière ne constitue qu’une fiction,
et doit être nuancée. Si la personnification est très forte s’agissant des navires 41, elle l’est
nettement moins concernant les aéronefs 42, et est, pour l’instant, quasiment insaisissable pour
les objets spatiaux.
13. Ces derniers ne constituent en effet pas encore tous de véritables « ensembles
organisés ». Selon la définition juridique de l’objet spatial, aussi bien un satellite, une sonde
spatiale, un lanceur ou un propulseur qu’une navette spatiale et une station spatiale peuvent
être considérés comme des engins spatiaux. Les quatre premiers ne peuvent assurément pas
être qualifiés d’« ensembles organisés ». Etant non habités, c’est-à-dire sans équipage et sans
passagers, seule leur cargaison peut justifier leur qualification d’êtres complexes. En
revanche, une navette spatiale habitée (pour des vols orbitaux) et les avions spatiaux avec
équipage (pour les vols suborbitaux) peuvent être considérés comme des engins à tous égards
équivalents aux navires et aux aéronefs. Mais, même en ce qui concerne les objets non

36
GIDEL (G.), Le droit international public de la mer, t. 1, op. cit. note 13, p. 250. L’auteur critique comme
inutile la fiction de territorialité du navire et le présente en tant que collectivité organisée.
37
COMBACAU (J.), « Les bateaux et le navire : tentative de détermination d’un concept juridique international ;
Conclusions », in Colloque de la SFDI : Le navire en droit international, Pedone, Paris, 1993, p. 239.
38
SYMHA (M.), La nationalité des navires : ses effets juridiques et la codification du droit international de la
mer, 1953, p. 213 et GIDEL (G.), Le droit international public de la mer, op. cit. note 13, p. 253.
39
CHAUMETTE (P.), « Le navire n’est pas une personne », DMF, n° 683, Juillet-Août 2007, p. 584.
40
COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 341.
41
Voy. sur la théorie de la « quasi-personnalité » et sa critique : GIDEL (G.), Le droit international public de la
mer, op. cit. note 13, p. 73 sur le fait que même si le navire est une chose meuble, sa nature particulière permet
toutefois de le comparer à une personne ; mais également p. 253 où il souligne qu’il ne faut cependant pas verser
dans la fiction du « navire-personne » ; LUCCHINI (L.), « Le navire et les navires », op. cit. note 13, pp. 11-12 ;
VOELCKEL (M.), « Le navire et les situations internationales de crise : Rapport général », idem, p. 186 ;
BONASSIES (P.), « Le navire et les utilisations pacifiques de la mer ; Rapport général », idem, pp. 110-112 ;
COMBACAU (J.), « Les bateaux et le navire : tentative de détermination d’un concept juridique international ;
Conclusions », idem, p. 244, qui souligne, néanmoins, que « tous les attributs de la personnalité lui font défaut :
le navire n’a pas de droits, pas d’obligations, pas de pouvoirs légaux, pas d’organes et pas d’agents aptes à agir
pour lui comme en ont les êtres collectifs personnalisés » et RIPERT (G.), Droit maritime, tome I : Navigation-
Navires-Personnel-Armateurs-Créanciers, Dalloz, 4ème éd., n° 303, Paris, 1950, p. 275. La doctrine souligne
souvent que cette notion de « quasi-personnalité », découlant de la personnification du navire, est très relative et
ne peut pas être poussée trop loin.
42
HERBERT (P. P.), Les problèmes juridiques du rattachement des aéronefs civils à l’Etat, 1968 (thèse de
doctorat), Paris, p. 124.

11
INTRODUCTION

habités, la différenciation ainsi observée est quantitative et non qualitative. Elle n’annule donc
pas l’hypothèse générale selon laquelle les trois catégories d’engins examinés constituent un
cas d’étude à part, celui des ensembles organisés « naviguant » dans des espaces
internationaux. En effet, l’avenir des objets spatiaux est sans aucun doute analogue à la
situation actuelle des navires et des aéronefs. Les avancées technologiques de l’industrie
spatiale permettent d’envisager d’ores et déjà l’évolution des aspects techniques et juridiques
concernant les engins spatiaux. La privatisation de ce secteur se généralise, les vols habités se
multiplient et les engins spatiaux peuvent être utilisés en tant que moyens de transport.
L’exemple de la SSI et des vols spatiaux nécessaires à son ravitaillement 43 ou au transport des
astronautes y séjournant ne constitue que le début de cette évolution. En raison de l’état actuel
de l’industrie et des activités spatiales, la pratique étatique contemporaine concerne toutefois
majoritairement les objets spatiaux non habités. Elle sera donc analysée en tant qu’indicateur
de l’attitude des Etats à l’égard des objets spatiaux, même si ces derniers ne sont pas encore
tous des « ensembles organisés » au même titre que les navires et les aéronefs. Nous pourrons
ainsi en tirer des conclusions importantes pour l’avenir du rattachement des engins spatiaux –
qui sont voués à se rapprocher du statut des navires et des aéronefs – aux Etats.
14. Cette notion doctrinale d’ensemble organisé rattaché à un Etat n’est utile, pour les
besoins de cette thèse, qu’à propos des engins privés. Il convient de préciser en effet que les
navires et les aéronefs qui retiendront notre attention sont uniquement les navires et aéronefs
civils appartenant à des personnes privées et non pas les engins publics (c’est-à-dire les engins
de guerre et autres véhicules d’Etat utilisés à des fins non commerciales 44), dont le
rattachement relève d’une problématique beaucoup moins ambiguë. Les engins publics sont,
par définition, rattachés aux Etats de leur « nationalité » 45. Les véhicules dits d’Etats sont en
effet « affectés à des fonctions de souveraineté » et sont « moins rattachés [à l’Etat] qu’ils ne
font partie de sa substance » 46. Mais à ce titre les objets spatiaux se détachent partiellement

43
A titre d’exemple nous pouvons citer le cas du vaisseau ravitailleur européen Johannes Kepler, deuxième
véhicule de transfert automatique (ATV) de l’Agence spatiale européenne (ASE), qui s’est amarré à la SSI le 24
février 2011 « pour livrer aux astronautes des fournitures indispensables ». Voy.
[http://www.esa.int/esaCP/SEMW7QHSBKG_France_0.html] consulté le 25 février 2011.
44
Articles 29, 31 et 32 de la convention de Montego Bay, dont il découle que le navire d’Etat est défini en tant
que « un navire de guerre ou […] tout autre navire d'Etat utilisé à des fins non commerciales » et article 3.b. de
la convention de Chicago en vertu duquel : « les aéronefs utilisés dans des services militaires, de douane ou de
police sont considérés comme aéronefs d’Etat ». La liste de l’article 3.b. n’est pas considérée comme limitative.
Voy. sur ce SALMON (J.) éd., Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 44.
45
MILDE (M.), « Status of military aircraft in international law », in Air and space law in the 21st century,
Mélanges offerts à K.H Bockstiegel, Carl Heymanns Verlag KG, 2001, pp. 152-165 ; OXMAN (B. H.), « Le
régime juridique des navires de guerre dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer »,
AFDI, 1982, pp. 811-850.
46
Voy. COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 342.

12
INTRODUCTION

du statut juridique des navires et des aéronefs. La privatisation du secteur spatial étant tout à
la fois récente et partielle et la participation étatique y demeurant primordiale, il est encore
difficile d’envisager les objets spatiaux comme entièrement civils et privés. Contrairement
aux conventions de Montego Bay et de Chicago, les traités du droit de l’espace ne distinguent
pas entre engins privés et engins publics quant à leur champ d’application 47. Les objets
spatiaux seront néanmoins étudiés en tant qu’engins privés – ils le sont d’ailleurs de plus en
plus – mais cette particularité de leur statut sera signalée en tant que de besoin.

C. Engins dont les activités sont susceptibles de causer un dommage aux tiers

15. Si la nécessité qu’une compétence unique soit exercée sur un engin semble justifier
son rattachement à un Etat lorsqu’aucune compétence territoriale ne peut s’exercer et que
l’exercice simultané de compétences individuelles sur chaque élément de l’ensemble organisé
doit être écarté, celle-ci se trouve encore renforcée par le besoin de désigner un sujet
international qui sera responsable lato sensu de l’engin et de ses activités. Qu’il s’agisse de la
navigation, du transport de personnes ou de l’exploitation des milieux marin et extra-
atmosphérique, les activités des navires, aéronefs et objets spatiaux sont en effet susceptibles
de causer des dommages importants à des tiers. Dès lors que la responsabilité civile du
propriétaire ou de l’exploitant de l’engin ne saurait suffire pour protéger les victimes, son
rattachement à un sujet de l’ordre juridique international – chargé de contrôler les activités de
ces engins afin de prévenir les dommages, mais également d’accorder une réparation aux
victimes s’il ne s’acquitte pas de cette obligation – s’avère indispensable.
16. A l’analyse, le rattachement des engins aux Etats et la nationalité des personnes ont
dès lors des finalités différentes à certains égards. De manière générale, la nationalité des
personnes engendre en effet plus de pouvoirs que de charges pour l’Etat. Ce dernier n’est
ainsi pas, en principe, internationalement responsable des actes des personnes privées ayant sa
nationalité, mais il peut endosser leurs réclamations dans le cadre de la protection
diplomatique. Or, ce constat s’inverse s’agissant des engins 48, puisque l’Etat

47
Lors des travaux du Sous-comité juridique du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-
atmosphérique en français (CUPEEA, plus connu sous son acronyme anglais, COPUOS ; ci après COPUOS) le
délégué canadien avait suggéré une distinction entre objets spatiaux civils et militaires, en soulignant que les
seconds n’avaient pas besoin d’une immatriculation. Sa proposition ne fut toutefois pas retenue : UN Doc.
A/AC.105/C.2/SR.113 du 12 juin 1969, p. 23.
48
Dans ce sens dans COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 344 et
HENKIN (L.), « Nationality at the turn of the century », Recht zwischen umbruch and bewahrung, 1995, pp.
101-102.

13
INTRODUCTION

d’immatriculation n’est pas uniquement appelé à « protéger » 49 les engins de sa


« nationalité », mais également et surtout – du moins en théorie – à protéger les tiers des
dommages causés par les engins qui lui sont rattachés 50. La raison d’être du rattachement
semble donc se déplacer de la protection des nationaux vers la protection des victimes
potentielles des nationaux.
Hors certaines exceptions bien précises prévues par le droit international 51, les actes des
« nationaux » d’un Etat, qu’ils soient des individus, des sociétés commerciales ou des engins
privés, ne lui sont certes pas directement imputables. Mais il demeure que les conventions
internationales sur le droit de la mer, de l’air et de l’espace extra-atmosphérique imposent une
multitude d’obligations à l’Etat d’immatriculation des navires, aéronefs et objets spatiaux.
Ces obligations découlent directement du rattachement entre les engins et les Etats en cause,
et visent à protéger les tiers contre les dommages que pourraient leur causer les activités de
ces ensembles organisés. Leur violation peut donc en théorie engager la responsabilité
internationale de l’Etat. De telles obligations ne sont pas prévues lorsque sont en cause des
personnes physiques 52. Cela prouve, dans une certaine mesure, que la communauté
internationale a voulu de lege ferenda non seulement permettre à l’Etat de protéger les engins
de sa « nationalité » (comme c’est le cas, toute analogie gardée, pour la nationalité des

49
Non pas dans le sens de la protection diplomatique dont l’exercice par l’Etat d’immatriculation des engins est
loin de constituer une évidence, comme nous allons le voir infra (Partie II, titre II, chapitre 2, §§ 611 et s.), mais
dans le sens commun du mot protection, en tant qu’ « action de prendre soin des intérêts d’une personne ou
d’une institution », SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 899.
50
Dans le même sens voy. également les analyses, plus ou moins amples de : MEYERS (H.), The nationality of
ships, Martinus, Nijhoff, La Haye, 1967, pp. 26-27, CARBONE (S.M.), Legge della bandiera e ordinamento
italiano, op. cit. note 33, pp. 16-17 ; RENTON (D), The genuine link concept and the nationality of physical and
legal persons, ships and aircraft: an examination into the meaning of the concept and its possible limitation
upon state’s exercise of jurisdiction in the bestowal of nationality, 1975, (thèse de doctorat), Köln, pp. 103-104
où il affirme: « Le droit international attribue une nationalité aux navires pour des raisons de
juridiction/compétence et dans un moindre degré pour la protection diplomatique […] La nationalité des navires
n’a pas le même sens substantiel que la nationalité des personnes physiques en droit international » (notre
traduction); CHENG (B.), « Air Law and Space Law », in Current Legal problems, Oxford University Press,
Stevens, London, vol. 21, 1968, p. 147 où il explique que la nationalité des engins sert à « affecter un objet du
droit international à un sujet du droit international de manière à ce que les règles et réglementations
internationales établies par rapport au premier, qu’elles prennent la forme de bénéfices ou des devoirs, lui
soient appliquées à travers le deuxième »; en particulier concernant les aéronefs l’auteur explique que « le droit
international attribue la nationalité à un aéronef afin de rendre les normes et règles relatives à l’aéronef en tant
qu’objet du droit international applicables à celui-ci à travers les Etats dont la nationalité il possède » et que
« l’extension de la nationalité aux aéronefs est utile en ce qu’elle établit des règles, elles-mêmes établies
conjointement par les Etats, pour rendre la responsabilité internationale réelle et effective » (notre traduction).
51
Voy. infra §§ 487- 488.
52
Dans ce sens voy. PELLET (A.), « La seconde mort d’Euripide Mavrommatis ? Notes sur le projet de la CDI
sur la protection diplomatique », Mélanges offerts à Jean Salmon, 2007, p. 1364 : « L’Etat dont un ressortissant
a été lésé peut exercer sa protection à l’encontre de l’Etat auteur du préjudice, mais l’inverse n’est pas vrai :
l’Etat qui a subi un dommage du fait d’une personne privée ne peut s’en plaindre auprès de l’Etat dont cette
personne a la nationalité ».

14
INTRODUCTION

individus), mais également l’obliger à assurer le contrôle de ces engins afin de prévenir les
dommages qu’ils pourraient causer.
17. Le besoin de protection des tiers semble ainsi constituer une des principales raisons
justifiant le rattachement des engins aux Etats. Cette raison d’être est commune pour les
navires, aéronefs et objets spatiaux, malgré des divergences plus ou moins significatives. Des
différences importantes entre le rattachement des navires, celui des aéronefs et celui des
objets spatiaux existent certes. Elles ne sont pas uniquement d’ordre terminologique ; elles
sont même tellement marquantes parfois qu’elles pourraient remettre en cause, à première
vue, l’hypothèse d’une raison d’être et d’un régime communs au rattachement des engins
quels qu’ils soient.
Ainsi, une première différence est d’ordre pratique. Un navire arbore son pavillon afin de
ne pas être arraisonné en haute mer par des navires étrangers. Pour les aéronefs et surtout pour
les engins spatiaux il est, au contraire, plus difficile d’imaginer qu’un autre Etat, dans l’espace
aérien ou extra-atmosphérique, veuille et puisse exercer son contrôle ou sa juridiction sur eux.
Dans le même sens, les marques d’immatriculation ne peuvent en aucun cas jouer le même
rôle que le pavillon, dès lors qu’elles ne sont pas visibles de loin à l’œil nu 53. L’enjeu
principal du rattachement des aéronefs et des objets spatiaux semble donc être beaucoup
moins la protection des intérêts des Etats d’immatriculation que la protection des intérêts de
victimes potentielles.
Une autre différence significative entre la fonction du rattachement des navires et celui
des aéronefs tient au fait que les premiers séjournent longuement en haute mer, tandis que les
seconds survolent surtout des territoires étrangers, demeurant donc soumis à une souveraineté
étrangère. C’est notamment en raison de cela que des accords bilatéraux régissent une grande
partie, voire l’ensemble, de la navigation aérienne 54. Une différenciation parallèle apparaît
entre les aéronefs et les objets spatiaux et découle des principes distincts régissant

53
Voy. aussi pour une analyse quelque peu différente : ZHUKOV (G. P.) & KOLOSOV (Y.), International
Space Law, The Novosti Press Agency, Praeger Publishers, Moscow, 1984, p. 92 ; « Alors que l’immatriculation
des (navires et aéronefs) a comme but principal de faciliter leur identification, dans le cas des objets spatiaux
une telle identification est nécessaire seulement dans de cas exceptionnels […]. D’ailleurs même dans ces cas
l’identification se fait moins par le data d’immatriculation que par les services nationaux de contrôle des objets
spatiaux. Il y a encore une différence essentielle entre les marques d’identification des objets spatiaux et les
signes de l’immatriculation des autres engins. Pendant le vol spatial, les marques externes d’identification ne
peuvent être distinguées par la terre et le passage de l’objet par l’atmosphère pendant son retour sur terre peut
de toute façon les effacer/ voire détruire. En revanche les signes extérieures sur les navires et les aéronefs sont
visibles à l’œil nu. »
54
Voy. dans ce sens HONIG (J. P.), op. cit. note 22, p. 56.

15
INTRODUCTION

respectivement le droit de l’air et de l’espace 55. Si le droit de l’air est fondé sur la
souveraineté exclusive des Etats sur leur territoire, le droit de l’espace l’est sur la liberté
d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, la non-appropriation nationale et l’utilisation
pacifique de l’espace au profit de l’humanité.
18. Ces remarques ne révèlent pour autant pas une distinction fondamentale entre le
rattachement des navires, celui des aéronefs et celui des objets spatiaux. L’élément-clé qui
différencie la raison d’être de la nationalité des personnes de celle des engins, c’est-à-dire la
protection des victimes, contribue en effet à uniformiser le rattachement des différents types
d’engins aux Etats. Les différenciations signalées n’altèrent pas la nature de l’institution telle
qu’elle est appliquée à chaque type de véhicule. Les mêmes objectifs sont poursuivis par le
rattachement des trois types d’engins, même si leur importance n’est pas identique dans
chaque catégorie. Ainsi, pour les navires, les droits et les charges de l’Etat du pavillon
semblent plus équilibrés que dans le cas des aéronefs et des objets spatiaux. La protection des
victimes potentielles des activités des engins est par ailleurs plus clairement mise en avant par
le droit de l’air et, de manière encore plus impérieuse, par le droit de l’espace 56. La raison
d’être du rattachement des engins aux Etats en droit international public constitue donc un
triptyque axé sur la notion de protection. Il s’agit de protéger respectivement les intérêts de
l’Etat d’immatriculation, de faire respecter le bon ordre international et de protéger les
victimes des incidents impliquant les engins en cause.
Si les divergences signalées peuvent avoir pour résultat un traitement souvent différencié
du rattachement étatique de chaque catégorie d’engins, ces trois types de véhicules ont en
commun leur nature d’« ensemble organisé », leur capacité à évoluer dans des espaces
internationaux et leur dangerosité pour les tiers. Ces traits caractéristiques les différencient
pour partie des personnes dont la nationalité ne sert pas les mêmes fins et expliquent pourquoi
leur rattachement aux Etats peut être perçu comme une institution uniforme en dépit de leurs
propriétés distinctes 57.

55
Voy. également DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH.), « Similarities with and differences between air and
space law primarily in the field of private international law », RCADI, t. 172, vol. 3, 1981, pp. 317-423,
notamment pp. 399-403.
56
McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space, op. cit. note
34, p. 513 : « the nationality of spacecraft is particularly important for the allocation of responsibility with
respect to the observance of certain standards and practices designed to secure safe and ordered navigation […]
the national character of spacecraft, though not necessarily decisive, will be of great importance, among many
other variables, for the resolution of many different types of jurisdictional controversies ».
57
Voy. contra PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, Dalloz, Paris, 1993, p. 125 et s. Selon l’auteur « le lien de
rattachement des objets spatiaux apparaît plus nécessaire que le lien des aéronefs et moins fictif que celui des
navires », car s’il y a lieu de parler d’une « compétence personnelle » s’agissant de l’Etat du pavillon pour les
navires en ce qui concerne tant le bâtiment de mer que son équipage, il n’existe qu’un « simple lien technique et

16
INTRODUCTION

§ 2. Nature et établissement du rattachement des engins aux Etats

19. L’utilité d’un rattachement des engins aux Etats est donc incontestable, dès lors que ce
lien de droit public permet de faire face aux besoins de l’établissement d’une compétence
unique à l’égard de ces ensembles organisés et de désigner un sujet de l’ordre juridique
international qui sera responsable de leurs activités. Bien qu’elle soit impropre à le décrire,
c’est bien la « nationalité » qui désigne le plus communément le rattachement d’un engin à un
Etat (A), qui résulte d’un acte de droit interne, l’immatriculation (B).

A. Un rattachement communément appelé « nationalité »

20. Traditionnellement, le terme « nationalité » – qui traduit à l’origine le lien de droit


existant entre une personne et un Etat – est utilisé par extension à propos des navires et des
aéronefs pour exprimer ce rattachement. Il n’a en revanche pas été retenu – du moins pas dans
les textes internationaux – pour exprimer le lien entre les objets spatiaux et les Etats. Nous
allons cependant montrer que le même type de rattachement existe entre un navire, un aéronef
ou un objet spatial et un Etat, de sorte que le terme « nationalité » aura vocation à être
employé pour ces trois types d’engins.
21. L’idée d’un rattachement des engins aux Etats apparaît pour la première fois vers la
fin du XVIIIème siècle et concerne, bien évidemment, les navires. Ces véhicules n’étaient
rattachés jusqu’à alors qu’à leurs propriétaires privés et étaient régis uniquement par des lois
et coutumes locales 58. Le développement de l’industrie maritime a toutefois rapidement
imposé le rattachement des navires aux Etats, non seulement pour distinguer entre navires
neutres et navires belligérants, mais également afin de faciliter la navigation des navires
marchands, grâce à la reconnaissance mutuelle du droit de chaque Etat partie à un traité de
commerce et de navigation de « protéger » en mer le navire lui étant rattaché. Le terme
« nationalité » est utilisé dès le début du XIXème siècle 59, et devient récurrent dans les

formel » en ce qui concerne l’identification des aéronefs et une « compétence fonctionnelle » de l’Etat de
lancement/immatriculation à l’égard des objets spatiaux. Cette affirmation est cependant erronée à la fois de lege
lata et de lege ferenda, comme nous allons le démontrer par la suite. Si la terminologie choisie varie entre
immatriculation et nationalité, et si les fonctions du rattachement ne sont pas complètement identiques dans les
trois cas étudiés, il n’en est pas moins vrai que le fondement de base de ce rattachement obéit aux mêmes raisons
profondes, notamment aujourd’hui que la commercialisation et la privatisation du domaine spatial le rapprochent
davantage de deux autres.
58
MORIN (M.), « La prévention et la lutte contre la pollution par les navires de commerce », ADMO, t. 14,
1996, p. 169 et BOCZEK (B. A.), Flags of convenience: an international legal study, Harvard University Press,
Cambridge, 1962, p. 94.
59
Le traité d’amitié, de navigation et de commerce entre la France et le Rio de Janeiro du 8 juin 1826 est
considéré comme un exemple classique de cette attitude, puisque l’article XII stipulait : « Les Hautes Parties
contractantes conviennent de déclarer que seront considérés navires brésiliens ceux qui seront construits ou

17
INTRODUCTION

correspondances diplomatiques et conventions internationales, ainsi que dans la jurisprudence


interne et internationale dès 1830 60. La flotte de la marine marchande ne constitue pour autant
pas une propriété publique, mais fait en quelque sorte partie du patrimoine étatique et détient
un rôle important dans la vie économique de l’Etat du pavillon 61.
22. De même, la nécessité d’un lien juridique entre les aéronefs et les Etats est soulignée
assez rapidement suite à l’apparition des premiers avions. Dès 1889, lors du premier congrès
international d’aéronautique, réuni à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle, il fut
déclaré que « la matriculation des aéronefs serait la meilleure et peut être la seule manière
d’assurer l’efficacité d’une réglementation libérale » 62. En 1901, FAUCHILLE soulignait
ainsi que les « aérostats » devaient avoir, à l’instar des navires, une seule nationalité 63. Les
Etats ont par la suite reconnu sans difficulté, dans leurs relations, le caractère national des
aéronefs 64.
23. Enfin, si le terme « nationalité » ne fut pas retenu pour exprimer le lien entre les objets
spatiaux et les Etats, l’opportunité d’un rattachement juridique entre eux ne fut pas
véritablement contestée. La résolution 1962 (XVIII) du 13 décembre 1963 de l’Assemblée
générale des Nations Unies 65 stipulait que l’Etat sur le registre duquel était inscrit l’objet
lancé était en droit d’exercer sa juridiction et son contrôle sur lui. Pendant les négociations de
la convention de 1975 sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-
atmosphérique (ci-après convention sur l’immatriculation des objets spatiaux), la délégation

possédés par des sujets brésiliens et dont le capitaine et les trois quarts de l’équipage seront brésiliens [...] de la
même manière seront considérés navires françois ceux qui navigueront et seront possédés conformément aux
règlements en vigueur en France ». Le traité du 2 novembre 1826 conclu entre la Suède et le Danemark et
l’article 10 de la convention de 1884 pour la protection des câbles sous-marins consacrent également le terme.
Voy. CARON (D. D.), « Ships, Nationality and Status », in BERNHARDT (R.) ed., Encyclopedia of Public
International Law, vol. 11, North-Holland, Amsterdam, 1989, p. 289.
60
RIENOW (R.), The test of nationality of the merchant vessel, Columbia University Press, New York, 1937,
pp. 8-12. Voy. également FEDOZZI (P.), « La condition juridique des navires de commerce », RCADI, t. 10,
1925, pp. 47-51 et HIGGINS (A. P.), « Le régime juridique des navires de commerce en haute mer en temps de
paix», RCADI, t. 30, 1929, pp. 5-76.
61
En effet, certains auteurs – surtout du début du 20ème siècle – influencés par le fait qu’un réel rattachement
existait toujours entre les navires et l’Etat de leur pavillon, affirmaient que « les navires privés ne constituent pas
tellement des biens meubles de droit privé mais sont à la fois l’instrument d’un vaste secteur de la vie
économique de l’Etat et des relations importantes entre les différents pays […] et sont surtout et avant tout
soumis à la souveraineté exclusive de l’Etat dont ils battent le pavillon » (notre traduction) : Voy. MEIER, Der
Staatsangehörige und seine Rechte, insbesondere seine Vermögensrechte in System des Völkrrechts, Jena, 1927,
p. 81 et SCERNI, Il diritto internazionale privato maritimo ed aeronautico, Padova, 1936, p. 31 cités tous les
deux par CARBONE (S.M.), Legge della bandiera e ordinamento italiano, op. cit. note 33, p. 17, note de bas de
page n° 24.
62
MATEESCO MATTE (N.), Traité de droit aérien-aéronautique, Institut et Centre de droit aérien et spatial,
Pedone, Paris, 1980, 3ème édition, p. 81.
63
FAUCHILLE (P.), « Le domaine aérien et le régime juridique des aérostats », RGDIP, vol. 8, 1901, p. 471.
64
COOPER (J.C.), « National status of aircraft », Journal of air law and commerce, vol. 17, 1950, p. 298.
65
UN Doc. A/RES/1962/XVIII . La résolution était intitulée « Déclaration des principes juridiques régissant les
activités des Etats en matière d’exploration et d’exploitation de l’espace extra-atmosphérique ».

18
INTRODUCTION

française avait proposé un texte présentant une grande ressemblance avec les dispositions
équivalentes relatives à la « nationalité » des navires et aéronefs, même si elle ne retenait que
le terme « immatriculation » 66. La proposition française avait été interprétée comme associant
immatriculation et « nationalité » des objets spatiaux 67 par plusieurs délégations 68. Malgré les
contre-arguments possibles, qui seront examinés ultérieurement, l’immatriculation des objets
spatiaux peut en effet être considérée comme conférant une « nationalité » à ces engins, ou
plus exactement un rattachement à un Etat, de manière analogue à ce qui existe pour les
navires et les aéronefs 69.
24. Le terme « nationalité » peut donc exprimer ce rattachement pour les trois catégories
d’engins. Lorsque nous nous référons à la « nationalité » des engins, y compris en ce qui
concerne les objets spatiaux, nous entendons dès lors désigner cette institution de droit
public 70 commune qui décrit l’établissement d’un rattachement étatique ou, autrement dit,
d’un lien juridique de droit public, entre l’Etat et le véhicule concerné. Cette expression sera
surtout retenue pour sa commodité, étant donné qu’elle traduit au mieux le concept d’un
rattachement à un seul ordre juridique étatique. Les engins n’ont certes pas une personnalité
juridique, contrairement aux individus et aux sociétés. De plus, si le rattachement des engins
aux Etats paraît de prime abord semblable à celui des personnes, notamment morales 71, il s’en

66
Le document français stipulait : « Article 1 : […] Il ne peut y avoir qu’une seule immatriculation de chaque
objet [ …] Article 2 : Chaque Etat partie […] détermine les règles applicables à l’immatriculation ». Draft
Convention Concerning the Registration of Objects Launched into Space for the Exploration or Use of the Outer
Space, UN. Doc. A/AC.105/C.2/L.45 du 18 juin 1968 cité par COGLIATI-BANTZ (V. P.), « Disentangling the
“Genuine Link”: Enquiries in Sea, Air and Space Law », Nordic Journal of International Law, vol.79, n° 3,
2010, p. 390, note de bas de page n° 41.
67
Ibidem. L’auteur souligne que la délégation américaine a déclaré que « the purpose of the French
proposal […] was to place on record the nationality of objects launched into outer space, using the term
“registry” as it was used in Article VIII of the 1967 Treaty ».
68
Voy. UN Doc. A/AC.105/C.2/SR.115 du 12 juin 1969, p. 52 pour le Canada ; UN Doc. A/AC.105/C.2/SR.199
de 1972, p. 65 pour le Japon et UN Doc. A/AC.105/C.2/SR.201 de 1972, p. 72 pour l’Argentine cités par
COGLIATI-BANTZ (V. P.), ibid.
69
Voy. Annuaire de l’Institut de Droit International, 1963, session de Bruxelles, vol. 50-II, rapport de JENKS
(C. W.), p. 334; McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space,
op. cit. note 34, pp. 543-544; MARCOFF (M. G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note
26, p. 458; GOROVE (S.), « The Space Shuttle: Some of its Features and Legal Implications », Annals of Air
and Space Law, vol. VI, 1981, pp. 389-390 et DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH.), « Similarities with and
differences between air and space law primarily in the field of private international law », op. cit. note 55, 1981,
pp. 394-398.
70
Terme utilisé pour définir la nationalité des personnes dans COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International
Public, op. cit. note 1, p. 327.
71
Les sociétés ne constituent en effet pas des personnes dites « naturelles », mais des sujets collectifs (terme
utilisé par COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 336), et se rapprochent à
ce titre des ensembles organisés. Par ailleurs, l’attribution d’une nationalité aux sociétés, tout comme le
rattachement des engins, se rapproche plutôt de la naturalisation des personnes physiques, puisque les personnes
morales n’acquièrent pas une nationalité au moment de leur constitution, mais une fois constituées. En effet,
concernant les personnes physiques et étant donné que le droit international essaie à tout prix d’éviter les
situations d’apatridie, on peut facilement en conclure que dès leur naissance les individus ont a priori une
nationalité, basée sur le territoire ou bien sur la nationalité d’un de leurs parents. En revanche, en ce qui concerne

19
INTRODUCTION

différencie pour partie quant à ses fondements 72 et quant à sa raison d’être. La notion de
« nationalité », tout comme celle de compétence « personnelle » 73, ne peuvent dès lors être
utilisées que par analogie. Ces termes seront pour cette raison placés entre guillemets 74. Mais
finalement, peu importe les mots employés pour désigner ce rattachement. Qu’on le désigne
ou non comme une « nationalité », le lien juridique rattachant un engin à un Etat permet à ce
dernier d’exercer une compétence sur l’ensemble organisé analogue à celle qu’il exerce sur
les personnes de sa nationalité 75.

B. Un rattachement établi par un acte de droit interne : l’immatriculation

25. Tout comme la nationalité des personnes, le rattachement des engins aux Etats est
établi dans l’ordre juridique interne, par un acte étatique interne. Sans chercher à savoir pour
l’instant jusqu’à quel point l’Etat est libre de déterminer les règles substantielles régissant
l’attribution de sa « nationalité » aux engins, il importe de souligner dès à présent qu’il est
exclusivement compétent pour adopter l’acte établissant cette « nationalité » et pour fixer les
conditions présidant à son attribution.
26. Les dispositions internationales du droit de la mer, de l’air et de l’espace se réfèrent
toutes à l’immatriculation en tant qu’expression administrative du lien de rattachement des
engins aux Etats. L’immatriculation dans son sens large est ainsi l’ensemble de la procédure
administrative de droit interne permettant l’inscription de l’engin sur un registre public
national. L’immatriculation désigne surtout l’acte administratif interne d’enregistrement, qui
attribue aux engins la qualité de « nationaux », autrement dit d’engins rattachés à un Etat. La
« nationalité » des engins résulte donc de leur immatriculation, c’est-à-dire de cet acte
étatique interne par lequel le lien juridique entre l’engin et l’Etat en cause est créé. Par cet

les personnes morales et les engins, aucune nationalité ne leur est attribuée lors de leur constitution mais
seulement ex post et ainsi leur nationalité est, selon toute probabilité, le résultat du choix de leurs propriétaires.
Elle doit donc plutôt être comparée à la naturalisation des individus et non pas à l’acquisition d’une nationalité
par leur naissance.
72
Ce lien n’est en effet pas fondé sur des liens de fait, tels que le sang ou le lieu de naissance, mais sur le choix
économique du propriétaire de l’engin, en fonction de la législation nationale de chaque Etat d’immatriculation.
Il se rapproche à ce titre plus de la nationalité des personnes morales, sans pour autant s’y identifier totalement.
73
D’évidence, la compétence que l’Etat a sur les engins n’est pas la même que celle qu’il dispose sur les
personnes physiques. Elle se rapproche à ce titre plus de celle exercée sur les personnes morales, sans s’y
identifier. Il s’agit néanmoins d’une compétence plus « personnelle » que « territoriale ». Pour une analyse sur la
compétence exercée sur les navires, aéronefs et objet spatiaux et une justification du choix de la qualifier de
« personnelle » (et non de quasi-territoriale ou de fonctionnelle) voy. infra §§ 535-536 et §§ 540-541.
74
Cf. CAFLISCH (L.), La protection des sociétés commerciales et des intérêts indirects en droit international
public, Martinus Nijhoff/La Haye, 1969, p. 147 : « La nationalité des sociétés est analogue ou semblable à celle
des individus. Cela étant nous sommes désormais en mesure d’utiliser le terme « nationalité » par rapport aux
sociétés sans le placer entre guillemets ».
75
Voy. dans ce sens COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 339.

20
INTRODUCTION

acte, les éléments d’identification de l’engin sont réunis dans un registre unique et en un lieu
unique, le « port d’attache » (ou port d’enregistrement ou port d’immatriculation). Le
Dictionnaire de la terminologie du droit international définit ainsi la notion d’immatriculation
comme l’« inscription sur un registre officiel de personnes, biens ou engins à l’effet de
constater leur rattachement à un Etat […] et de produire certains effets juridiques » 76.
27. La procédure administrative peut être plus ou moins longue et complexe selon l’Etat
concerné 77, mais elle aboutit toujours à l’inscription de l’engin sur un registre public. De
manière générale et très schématique, le propriétaire ou l’exploitant de l’engin – notamment
son affréteur – choisit librement le pays dans lequel il veut immatriculer son véhicule, compte
tenu bien évidemment de chaque législation nationale et des critères d’immatriculation que
chacune prévoit. L’agence gouvernementale compétente exige alors un certain nombre de
certificats et de documents nécessaires aux fins d’établissement de l’immatriculation, ce pour
quoi elle perçoit les frais d’enregistrement requis. Le représentant légal du propriétaire ou de
l’exploitant réunit ces pièces et constitue le dossier d’immatriculation qu’il doit déposer à
l’autorité compétente. Si le dossier est complet, celle-ci peut alors procéder à la création d’une
« fiche matricule » de l’engin, à son inscription sur le registre public et à la délivrance du
numéro et de l’acte d’immatriculation. Cet acte atteste désormais la « nationalité » de l’engin
et fait partie des documents qui doivent être à bord de celui-ci. Le terme « immatriculation »
sera donc ici employé pour désigner l’acte interne d’enregistrement nécessaire à ce
rattachement administratif, sans aucunement préjuger toutefois des conditions précises
requises par chaque législation nationale.
28. L’expression visible de ce lien est constituée par le pavillon des navires et par les
marques d’immatriculation des aéronefs et des objets spatiaux, qui sont donc la manifestation
extérieure du rattachement. Les Etats d’immatriculation délivrent par ailleurs aux engins les
documents et certificats autorisant le port du pavillon ou des marques d’immatriculation. Or,
si les marques d’immatriculation arborées par un aéronef ou un objet spatial coïncident
toujours avec leur immatriculation administrative sur un registre national, certains textes du

76
SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 554. Selon le dictionnaire
juridique l’immatriculation se définit comme suit : « Action d’inscrire sur un registre, sous un numéro d’ordre,
le nom d’une personne ou d’une chose, en vue de l’identifier à des fins diverses ». CORNU (G.) dir.,
Vocabulaire Juridique, PUF, 1998, p. 419. Voy. également SAFA (P.), Droit maritime tome premier : Le navire,
son statut : les biens, les personnes. Le milieu marin : la mer, Editions Juridiques Sader, 2000, p. 85, selon
lequel « [t]outes les mentions concernant l’individualisation du navire et de ses propriétaires, la puissance de
ses moteurs et son mode de propulsion ainsi que tous actes importants de sa vie juridique sont soumis à
l’immatriculation sur un registre public, entraînant des incidences juridiques empruntées au statut immobilier et
non pas seulement des incidences administratives comme pour les voitures automobiles ».
77
Voy. infra §§ 322-325.

21
INTRODUCTION

droit de la mer semblent effectuer une dissociation entre le pavillon du navire et son
immatriculation 78. Mais le droit d’arborer un pavillon va en principe de pair avec l’inscription
sur un registre étatique 79. De manière générale et sauf indication contraire, le pavillon du
navire sera donc considéré comme le signe extérieur de son immatriculation et le terme « Etat
du pavillon » sera employé pour désigner l’Etat sur le registre duquel le navire est inscrit.
Dans le même sens, l’« Etat d’immatriculation » des aéronefs ou des objets spatiaux sera celui
qui inscrit ces engins sur son registre national.

§ 3. Méthode et plan de l’étude

29. Le rattachement des engins aux Etats est donc établi dans l’ordre juridique interne,
mais ne relève pas uniquement de celui-ci. Certains de ses effets se manifestent dans l’ordre
juridique international. Le droit international public doit par conséquent encadrer cette
institution 80 sur laquelle est « fondé l’ordre juridique des espaces maritimes, aériens et extra-

78
Ainsi, l’article 8 du protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, air ou mer, additionnel à la
convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée vise un navire battant le pavillon
d’un Etat partie « ou se prévalant de l’immatriculation sur son registre, sans nationalité, possédant en réalité la
nationalité de l’Etat Partie en question bien qu’il batte pavillon étranger ou refuse d’arborer son pavillon
[…] ». Il en va ainsi pour l’article 110 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (ci-
après convention de Montego Bay) qui prévoit le droit de visite des Etats tiers lorsqu’un navire en haute mer :
« e) a en réalité la même nationalité que le navire de guerre, bien qu’il batte pavillon étranger ou refuse
d'arborer son pavillon. » Dans le même sens, l’article 8 bis, paragraphe 5 de la convention pour la répression
d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime telle que modifiée par le protocole de 2005 vise « un
navire qui bat le pavillon ou qui montre les marques d’immatriculation d’un autre Etat ». Enfin, il est stipulé
dans l’article 217 de la convention de Montego Bay : « Les Etats veillent à ce que les navires battant leur
pavillon ou immatriculés par eux […] ». Dans ce dernier cas, ce n’est pas véritablement une dissociation entre
les deux qui est envisagée, mais la possibilité pour certains (petits) navires de ne pas être immatriculés, quand
bien même ils sont autorisés à battre pavillon. Voy. sur la question : LUCCHINI (L.), « Rapport Introductif
Général », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, p. 10 ; ODIER
(F.), « Le pavillon du navire : évolution actuelle de l’approche », Εspaces et Ressources Maritimes, 1988, n°3, p.
105. Ce n’est toutefois que dans certains cas particuliers, qui seront étudiés par la suite, qu’il peut y avoir une
dissociation entre pavillon et immatriculation. Il en va notamment ainsi pour l’affrètement coque nue, pendant
lequel la coexistence simultanée de deux registres différents dans deux pays d’immatriculation distincts est
possible et où un navire peut donc battre un seul pavillon, mais être immatriculé sur deux registres différents :
l’original où sont inscrits les droits réels sur le navire et celui de l’affrètement à coque nue. [Voy. infra §§ 83-
91]. Il est également possible qu’un seul pavillon soit attribué suite à une immatriculation sur des registres
différents : c’est le cas des registres bis ou internationaux obéissant à des régimes juridiques différents à celui du
registre « original » de l’Etat mais permettant l’attribution du même pavillon. [Voy. infra § 273].
79
Voy. article 91 de la convention de Montego Bay : « Chaque Etat fixe les conditions auxquelles il soumet
l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les
conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon » et définition du « navire battant pavillon
d’un Etat membre » contenue dans la directive 2001/105 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre
2001, article 2 b) : « un navire immatriculé dans un Etat membre et battant pavillon de cet Etat membre
conformément à sa législation » (c’est nous qui soulignons).
80
Cf. SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, LGDJ, Paris, 1996,
pp. 5 et 79-84 sur la nationalité des personnes physiques : « il n’y a pas d’octroi de la nationalité par l’ordre
juridique international mais le droit international encadre les conséquences de cette qualification interne. Il
semblerait même qu’il attribue légalement à cette qualification la valeur d’expression juridique […] en faisant
de celle-ci un acte juridique international ».

22
INTRODUCTION

atmosphériques » 81. Il est donc nécessaire de déterminer dans quelle mesure et par quels
moyens il en va effectivement ainsi.

A. Méthode

30. L’étude entreprise pour répondre à cette question sera comparative, en ce qu’elle
prendra tour à tour en considération plusieurs ordres juridiques (droit international public,
droits internes, droit de l’Union européenne 82) et plusieurs domaines du droit, à savoir le droit
de la mer et le droit maritime, le droit de l’air (de l’espace aérien) et le droit aérien et enfin
le droit de l’espace extra-atmosphérique et le droit spatial (des activités spatiales) 83. Malgré
les différenciations terminologiques, téléologiques et pragmatiques qui seront dévoilées par
l’examen du rattachement, tel qu’il s’applique à chacune des trois catégories de véhicules, sa
nature commune nous permettra de regrouper ses caractéristiques fondamentales. Cela ouvrira
la voie à des permutations et des échanges possibles entre les solutions juridiques adoptées
dans chacun des trois secteurs. En effet, l’élaboration respective du droit de la mer, du droit de
l’air et du droit de l’espace extra-atmosphérique a eu lieu lors des périodes historiques très
différentes ; par conséquent les mécanismes régissant chacun de ces trois domaines reflètent
81
Cf. l’affirmation « l’ordre juridique des espaces maritimes est fondé sur l’institution de la nationalité des
navires », opinion individuelle du vice-président WOLFRUM, dans l’affaire Saiga 2 du 1er juillet 1999, § 17.
TIDM, Affaire Saiga n°2, St-Vincent-et-les-Grenadines c/ Guinée, arrêt du 1er juillet 1999 (ci-après arrêt Saiga
2).
82
L’établissement du rattachement dans l’ordre juridique interne rend indispensable l’examen des législations
nationales des pays maritimes, aériens et spatiaux, qui viennent « compléter » le droit international fixant les
critères d’attribution de la « nationalité » aux engins. Il convient en outre de signaler que, si le cadre général dans
lequel cette étude se place est celui du droit international public, le droit de l’Union européenne impose ses
propres conditions et conséquences juridiques relatifs au rattachement des engins aux Etats et doit également être
présenté. Le droit international privé relatif, quant à lui, à la loi « nationale » de l’engin en cas de conflit de lois
est en revanche considéré comme exclu du champ d’étude de cette thèse. Cf. VERHOEVEN (J.), Droit
international public, op. cit. note 6, p. 131 où l’auteur explique que la question de la concurrence et conflit des
compétences « rappelle superficiellement les problèmes que s’efforce de résoudre le droit international privé »,
mais « ne peut être confondue avec ceux-ci ».
83
La distinction entre droit de la mer – qui régit les relations interétatiques – et droit maritime – qui régit les
activités privées en mer – est classique [voy. par exemple : ODIER (F.), « Réflexions sur le paquet Erika III-
statut du pavillon – assurance du propriétaire du navire : confrontation du droit international et du droit
communautaire », ADM, t. XIII, 2008, p. 282, note de bas de page n° 2, où l’auteur définit le droit de la mer
comme le droit de la circulation en mer et des divisions de la mer et le droit maritime comme le droit des
opérations commerciales en mer]. Nous utiliserons cette distinction classique par extension, pour distinguer
également entre droit de l’air (droit de la circulation dans l’espace aérien et des divisions aériennes) et droit
aérien (droit des opérations commerciales dans l’espace aérien). L’expression « droit de l’air » peut certes
sembler inopportune, en ce qu’elle prête à confusion avec le droit à l’air. A cet égard, l’expression « droit de
l’espace aérien/atmosphérique » est plus pertinente. Nous nous permettrons cependant de nous référer au « droit
de l’air », expression plus simple et donc plus pratique, par analogie au « droit de la mer » et comme traduction
littérale de l’expression anglophone « air law ». Enfin, un sens analogue sera donné aux expressions droit de
l’espace extra-atmosphérique (droit de la circulation dans l’espace) et droit spatial (droit des activités
commerciales dans l’espace), par analogie aux deux autres branches, même si en langue française c’est plutôt
l’expression « droit des activités spatiales » qui est retenue pour désigner le droit des activités commerciales
dans l’espace extra-atmosphérique. L’expression « droit de l’espace » est employée comme synonyme de « droit
de l’espace extra-atmosphérique ».

23
INTRODUCTION

des esprits et des besoins différents et ont dû s’adapter aux évolutions les concernant de
manières différentes. Si on trouve donc le dénominateur commun du rattachement tel qu’il a
été conçu et construit dans le cadre de chacun de ces domaines, il deviendra possible de
comparer son fonctionnement en droit maritime, aérien et spatial et de découvrir ce que
chaque régime peut apporter aux autres. Les solutions du droit de la mer, qui s’est établi au
cours des siècles grâce à une pratique étatique riche, pourront être une source d’inspiration
pour les régimes régissant les aéronefs et les objets spatiaux. Mais, en même temps, les
fondements plus modernes du droit de l’air et du droit de l’espace répondront de manière
peut-être plus efficace à certains problèmes concernant les navires.

B. Plan

31. Que ce soit dans le droit de la mer, de l’air ou de l’espace extra-atmosphérique, la


« nationalité » des engins résulte d’un acte étatique interne, c’est-à-dire de l’acte administratif
de l’immatriculation/inscription sur le registre. Si l’immatriculation se fait conformément aux
règles édictées par la loi nationale qui régit les conditions d’attribution d’une « nationalité » à
l’engin concerné, elle est valable et attribue à cet engin la qualité de « national ». Mais il
convient de s’interroger sur le point de savoir si cet acte interne (valable en droit interne)
d’immatriculation suffit pour que l’engin soit considéré comme rattaché à l’Etat au sens du
droit international public ou, plus précisément, pour que la « nationalité » ainsi accordée soit
opposable aux Etats tiers. Il s’agit donc de déterminer si le droit international impose ou non
des conditions supplémentaires pour le rattachement des engins, comme il semble le faire à
propos de la nationalité des individus. Nous verrons que si le droit international exige un
rattachement étatique unique en proscrivant la double immatriculation, il laisse aux Etats le
pouvoir discrétionnaire de fixer les conditions requises pour l’attribution de leur
« nationalité ». L’opposabilité internationale de la « nationalité » des engins ne dépend pas de
conditions supplémentaires, telle que l’exigence d’un lien effectif. Dans ces conditions,
l’immatriculation apparaît bien comme la condition nécessaire et suffisante du rattachement
des engins aux Etats (PREMIERE PARTIE).
32. Cette immatriculation établit ainsi le rattachement d’un engin à un Etat « aux fins de
l’application des normes internationales déterminant les effets de la nationalité » 84. La
« nationalité » créée par l’immatriculation interne produit alors automatiquement ses effets
84
SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p. 85 ;
Voy. également DE VISSCHER qui qualifie la nationalité en tant que matière qui « malgré [son] intérêt
international certain, relève essentiellement de la compétence nationale de chaque Etat » ; DE VISSCHER
(CH.), « Observations sur l’effectivité en droit international public », RGDIP, t. 62, 1958, p. 605.

24
INTRODUCTION

internationaux. Si le droit international public renvoie au droit interne pour l’établissement de


ce lien juridique sans imposer des règles internationales substantielles aux Etats, il réglemente
en revanche étroitement les effets du rattachement ainsi créé. Il impose en effet aux Etats
d’immatriculation des obligations internationales importantes et leur attribue des pouvoirs sur
les engins. Les devoirs et droits ainsi prévus dans le chef de l’Etat d’immatriculation devraient
constituer le socle qui lui permet de contrôler les engins de sa « nationalité » et leurs activités.
Force est néanmoins de constater que si le cadre normatif établi par le droit international des
espaces semble relativement adéquat, sa mise en œuvre demeure actuellement largement
insatisfaisante (DEUXIEME PARTIE).

25
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

26
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

PREMIÈRE PARTIE
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION NÉCESSAIRE ET
SUFFISANTE DU RATTACHEMENT DES ENGINS AUX ETATS

33. Dès lors que les engins étudiés peuvent se trouver dans des espaces soustraits à toute
compétence territoriale, ils doivent être rattachés non seulement à leur propriétaire, personne
privée, mais également à un sujet du droit international pouvant exercer sa juridiction et son
contrôle 85 sur eux. Actuellement, ce rôle ne peut être rempli efficacement que par les Etats,
seuls sujets de l’ordre juridique international ayant une capacité d’agir pleine et entière. Le
droit international prévoit ainsi que le rattachement de chaque engin à un seul Etat est a priori
nécessaire et renvoie au droit interne le soin d’établir ce lien juridique. C’est donc le droit
interne qui fixe les conditions d’immatriculation et c’est de lui que résulte l’acte nécessaire à
l’attribution aux engins de la qualité de « nationaux ». La seule contrainte qu’exerce le droit
international au niveau de l’attribution de la nationalité réside dans l’exigence d’un
rattachement étatique unique (TITRE I), sans que l’efficacité ou l’opposabilité 86 de celui-ci
soit conditionnée par l’existence d’un lien effectif (TITRE II).

85
Ces deux notions sont employées par la plupart des conventions internationales du droit de la mer, de l’air et
de l’espace en tant que bloc. Pour les besoins de cette partie, elles seront présentées ci-après en tant que
juridiction/contrôle, afin d’exprimer de manière générale la compétence « personnelle » que l’Etat
d’immatriculation exerce sur l’engin de sa « nationalité » et l’ensemble des pouvoirs et devoirs en découlant. Les
questions, plus particulières et relatives aux effets juridiques de l’immatriculation, de la dissociation potentielle
de deux notions et de leur définition juridique exacte par rapport à la compétence lato sensu seront analysées
infra §§ 353-364.
86
Nous parlons d’une « nationalité » internationalement « efficace » et non « valide », car le droit international
ne peut pas invalider un acte interne irrégulier à son égard. Ce qu’il peut faire en revanche est le rendre
« inopposable » aux Etats tiers, en raison de son irrégularité. Voy. pour une présentation brève et claire de la
distinction entre validité interne et efficacité internationale de la nationalité : COMBACAU (J.) & SUR (S.),
Droit International Public, op. cit. note 1, p. 332 : « [le droit international] subordonne à ses propres exigences
l’efficacité dans son ordre à lui et permet à tout Etat de les invoquer à l’encontre d’un acte qui ne les satisferait
pas ; cette objection unilatérale n’invalide évidemment pas l’acte contre lequel elle s’élève, mais le rend
inopposable […] une telle inopposabilité, c’est-à-dire un défaut d’obligation pour les tiers de reconnaître les
effets de la décision étatique, résulte selon la Convention de la Haye [du 12 avril 1930 concernant certaines
questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité, non entrée en vigueur mais dont les principes sont tenus
pour coutumiers] de sa contradiction avec les règles, internationales et non plus internes, qui président
l’attribution de la nationalité. » Voy. également pour une association en droit international des notions de
validité et d’opposabilité : VERHOEVEN (J.), La reconnaissance internationale dans la pratique
contemporaine, Pedone, Paris, 1975, p.705 : « Sous réserve de mécanismes de publicité éventuels, opposabilité
et validité sont à ce titre pour nous parfaitement interchangeables […] rechercher les critères d’opposabilité
revient simplement à rechercher les règles du droit des gens qui déterminent la légalité d’un acte et en mesurent
la validité ». Voy. également VERHOEVEN (J.), « Les nullités du droit des gens », Cours et Travaux de l’IHEI,
1979-1980, p. 15.

27
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

28
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

TITRE I
L’exigence internationale d’un rattachement étatique unique

34. Les Etats sont exclusivement compétents pour déterminer les conditions d’attribution
de leur « nationalité » 87, mais le droit international leur impose l’obligation de fixer ces
conditions et de n’immatriculer les engins que conformément à celles-ci. Certes, un Etat n’est
pas « obligé » d’avoir une flotte commerciale, que celle-ci soit maritime, aérienne ou spatiale.
Mais pour être en mesure de traiter certains navires, aéronefs ou objets spatiaux comme lui
étant rattachés, c’est-à-dire pour pouvoir exercer sur eux sa compétence « personnelle » et
demander aux Etats tiers de ne pas intervenir lorsque ces engins se trouvent dans un espace
international, l’Etat en cause doit les avoir préalablement immatriculés sur son registre
national, conformément aux règles préétablies par sa législation nationale. Afin de permettre à
ce seul Etat d’immatriculation, responsable de l’engin, de le contrôler, le droit international
semble, en outre, exclure un rattachement à une organisation internationale et interdit
expressément la double ou multiple « nationalité » (Chapitre 1). Mais cette dernière
interdiction ne concerne a priori pas le cas particulier de l’« immatriculation parallèle » 88 lors
d’un affrètement coque nue. Cette nouvelle forme de rattachement, conçue pour répondre aux
besoins modernes de la marine marchande et potentiellement transposable dans les droits
aérien et spatial, constitue l’exception qui confirme la règle du rattachement étatique unique
(Chapitre 2).

87
La même liberté de chaque Etat de déterminer souverainement par sa législation quels sont ses nationaux est
reconnue en ce qui concerne la nationalité des individus par la convention de la Haye du 12 avril 1930 et par la
convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997.
88
La doctrine en droit maritime utilise le même terme pour exprimer soit l’immatriculation sur les registres bis et
les registres internationaux soit l’immatriculation spéciale affrètement coque nue. Ici, le terme sera utilisé
comme indiquant uniquement l’immatriculation sur le registre de l’affréteur. Cette utilisation est plus pertinente
dès lors que « parallèle » évoque un premier registre rampant et un second principal. En revanche,
l’immatriculation bis ou internationale est l’unique immatriculation du navire en cause (voy. infra § 273). Pour
l’utilisation du terme « immatriculation parallèle » en fonction des registres bis voy. CARRIL-VAZQUEZ (X.
M.), « Advantages And Disadvantages Of The Parallel Flags In An International Shipping Context », in
Competition and Regulation in Shipping and Shipping Related Industries, ANTAPASSIS (A.), ATHANASSIOU
(L.I.) & ROSAEG (E.) ed., Martinus Nijhoff Publishers, Leiden, 2009, pp. 338-339. L’auteur souligne que le
terme n’est de toutes les façons pas juridique, puisqu’il n’est pas utilisé comme tel dans le droit conventionnel ou
dans la jurisprudence.

29
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

30
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

CHAPITRE 1
Le principe d’un rattachement unique : l’immatriculation sur le registre
d’un seul Etat

35. Si l’immatriculation est attributive de ce qu’on appelle communément la


« nationalité » des navires et des aéronefs, le cas des objets spatiaux est, prima facie, plus
particulier dès lors que ni le droit international ni les législations nationales n’ont recours à
cette notion de « nationalité » pour exprimer le rattachement entre ces objets et leur Etat
d’immatriculation. De plus une règle internationale substantielle semble imposer une
condition précise pour l’immatriculation de ces engins. Cette différenciation n’est cependant
qu’apparente. En réalité, les trois catégories d’engins sont soumises à un régime similaire,
voire identique dans ses grandes lignes : l’inscription sur un registre étatique est nécessaire
afin de rattacher un engin à un Etat, c’est-à-dire afin de lui attribuer une « nationalité ». Le
droit international ne conçoit en effet pas qu’un navire, un aéronef ou un objet spatial affecté à
la navigation internationale puisse arborer un pavillon ou des marques d’immatriculation sans
avoir été préalablement immatriculé dans un Etat (Section I). Par ailleurs, un engin ne peut
pas être rattaché à plus d’un Etat simultanément. Certes, il peut arborer le pavillon ou les
marques d’immatriculation d’une organisation internationale. Néanmoins, si le rattachement à
un sujet autre que l’Etat est désormais possible, il n’est pas pour autant suffisant aux yeux du
droit international. Dès lors, tout rattachement à une organisation internationale présuppose en
règle générale une immatriculation déjà existante sur un registre étatique, ou du moins une
autre forme de rattachement à un Etat (Section II).

SECTION I. L’exigence d’un rattachement à un Etat

36. La liberté des Etats dans la détermination des conditions d’immatriculation sur leur
registre, corollaire à leur obligation de fixer lesdites conditions, constitue la première norme
commune du régime juridique du rattachement des engins, l’interdiction d’une
immatriculation « multinationale » étant la seconde. Le cas des objets spatiaux pourrait
cependant être considéré de prime abord comme différencié, puisque le droit conventionnel
pose une condition sine qua non pour leur immatriculation, limitant ainsi, du moins en
théorie, la liberté d’appréciation étatique. A l’analyse, cette limite au pouvoir discrétionnaire
des Etats spatiaux semble toutefois minime. Il convient dès lors d’étudier l’origine et les
fondements de la « nationalité » telle que librement attribuée par les Etats en droit de la mer

31
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

(§1) et en droit de l’air (§2) avant de se pencher sur la question de savoir s’il y a une réelle
distinction à faire à cet égard entre objets spatiaux et navires/aéronefs (§3).

§ 1. Le droit de la mer et le rattachement des navires

37. Dès les débuts du 19ème siècle, les navires cessent d’être rattachés uniquement à leur
propriétaire et commencent à faire partie d’une flotte marchande nationale. Le terme
« nationalité » est alors consacré pour exprimer le rattachement des navires aux Etats, malgré
quelques protestations 89. Le principe de la souveraineté des Etats dans la détermination des
conditions d’attribution de leur « nationalité » aux navires est, quant à lui, considéré comme
incontestable 90. Il a été codifié dans la convention de Genève sur la haute mer de 1958 dont
l’article 5 prévoyait que « chaque Etat fixe les conditions auxquelles il accorde sa nationalité
aux navires ainsi que les conditions d’immatriculation et du droit de battre son pavillon. Les
navires possèdent la nationalité de l’Etat dont ils sont autorisés à battre pavillon. » ;
pourtant, la coutume avait d’ores et déjà consacré cette souveraineté 91, également assise par la
jurisprudence internationale 92 et nationale 93.

89
Voy. commentaire de PINTO lors de la 11ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies : « En
conservant ce mot dans un article qui a une valeur égale [l’article 5 de la Convention de Genève], on risque de
perdre de vue qu’il s’agit d’une pseudo-nationalité » cité par ROUX (J.-M.), Les pavillons de complaisance,
Paris, LGDJ, 1961, p. 55.
90
Voy., entre autres, GIDEL (G.), Le droit international public de la mer, op. cit. note 13, p. 81 citant :
CANTILLON DE TRAMONT (P.), De la nationalité des navires, Thèse, Paris 1907 ; FROMAGEOT (H.), Les
conditions de la nationalité des navires d’après la législation des différents pays maritimes, Revue maritime
1903 ; « Boutres de Mascate », Texte dans Journal Officiel Français, 30 novembre 1905, Clunet 1906, t. 33, p.
1289, Rapport et projet de résolution présenté par M.T.M.C. ASSER et Lord REAY à l’Institut de droit
international lors de la session de Venise 1896 « Règles relatives à l’usage du pavillon national pour les navires
de commerce » (Annuaire de l’Institut de Droit International, 1896, vol. III, édition abrégée, session de Venise,
pp.656, 837-862, 949-961, 1069-1071 et édition complète t. XV, p. 51).
91
Le principe fut en effet affirmé, dès 1875, dans une sentence rendue par le Tribunal arbitral dans l’affaire
Montijo opposant la Colombie aux Etats-Unis d’Amérique. Dans cette sentence, la fixation des conditions
d’octroi de la nationalité est considérée comme un droit souverain étatique : « c’est un droit pour le
gouvernement de dire à quelles conditions un navire possède sa nationalité. Sur ce point il est le seul juge » cité
par LUCCHINI (L.), « Le navire et les navires », op. cit. note 13, p. 12.
92
Le principe a été, en effet, repris en 1905 dans une sentence Boutres de Mascate, désormais devenue un point
de référence quant au droit international en la matière. La Cour Permanente d’arbitrage avait souligné qu’« il
appartient à tout Etat souverain de décider à qui il accordera le droit d’arborer son pavillon et de fixer les
règles auxquels l’octroi de ce droit sera soumis ». Cour Permanente d’arbitrage de la Haye, affaire Boutres de
Mascate, 8 août 1905, France c/ Royaume Uni, R.S.A, vol XV, p. 92 ; citée également par FAY (F. M.), « La
nationalité des navires en temps de paix » RGDIP, t. 77, vol. 2, 1973, p. 1010. Il s’agissait d’un différend entre
la France et la Grande Bretagne relatif à la portée de la déclaration du 10 mars 1862 qui touchait la délivrance à
certains sujets mascatais de pièces les autorisant à arborer le pavillon français ainsi qu’au sujet des immunités en
résultant au regard du droit de juridiction du Sultan de Mascate sur ces sujets. La Cour rappelle qu’il appartient à
tout souverain de décider à qu’il accordera le droit d’arborer son pavillon, mais qu’un souverain peut être limité
dans l’exercice de ce droit par des traités. Or, un traité de ce genre était l’acte général de Bruxelles du 2 juillet
1890 concernant la suppression de la traite des esclaves africains. Son article 32 limitait la faculté des puissances
signataires d’octroyer leur pavillon à des navires indigènes. La Cour conclut qu’avant le 2 janvier 1892, date de
la ratification de l’Acte Général, la France avait le droit d’autoriser des navires appartenant à des sujets
mascatais d’arborer le pavillon français, n’étant liée que par ses propres lois et règlements administratifs. D’autre

32
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

38. L’association étroite entre le principe de la liberté en haute mer et l’institution de la


« nationalité » des navires donnant droit à l’usage du pavillon national fut confirmée à
plusieurs reprises, bien avant l’adoption de la convention de Genève. Ainsi, lors de la session
de Lausanne de 1927 de l’Institut de droit international (ci-après IDI), le rapporteur
BLOCISZEWSKI, soulevant la question de la navigation en haute mer, a également traité du
sujet de la « nationalité » des navires en soulignant que « tout navire, pour jouir de la liberté
des mers, pour y pratiquer un libre parcours […] doit avoir une nationalité et être en mesure
de la prouver » 94. Le rapporteur rappelle que pour les navires de commerce leur nationalité
dépend de la réunion d’un certain nombre d’éléments fixés par le droit public de chaque Etat
et se réfère aux règles relatives à l’usage du pavillon national pour les navires de commerce,
adoptées à la session de l’IDI de Venise, de 1896 95. Lors de la session de 1927, les questions
qui se posaient étaient, en premier lieu, de déterminer si ces règles adoptées en 1896 devaient
ou non être révisées et s’il était opportun ou pas de réglementer internationalement le droit à
un pavillon et d’adopter une convention internationale s’y rapportant. Alors que les membres
de la Commission n’ont pas trouvé de raison de modifier les règles de 1896, ils ont également
refusé de les imposer comme obligatoires aux Etats, jugeant qu’il valait mieux « laisser les
puissances maritimes discuter cette question » 96.
39. Cette règle coutumière est aujourd’hui codifiée par la convention des Nations Unies
sur le droit de la mer de 1982 en son article 91 qui, reprenant l’article 5 de la convention de

part, les boutriers qui, avant 1892, avaient été autorisés par la France à arborer son pavillon conservaient cette
autorisation aussi longtemps que la France la continuait à celui qui l’avait obtenue. Enfin, après le 2 janvier
1892, la France n’avait le droit d’autoriser des navires appartenant à des sujets mascatais à arborer le pavillon
français que sous la condition que leurs propriétaires ou armateurs avaient établi qu’ils ont été considérés et
traités par la France comme ses protégés avant 1863.
93
Dans l’affaire Lauritzen c/ Larsen de 1953, le juge Jackson déclara devant la Cour Suprême des Etats Unis :
« Perhaps the most venerable and universal rule of maritime law relevant to our problem is that which gives
cardinal importance to the law of the flag. Each state under international law may determine for itself the
conditions on which it will grant its nationality to a merchant ship, thereby accepting responsibility for it and
acquiring authority over it. Nationality is evidenced to the world by the ship’s papers and its flag. The United
States has firmly and successfully maintained that the regularity and validity of a registration can be questioned
only by the registering state ». United States Supreme Court, Lauritzen vs Larsen, n° 226, May 25th 1953, 345
U.S 571, p. 585.
94
Propos de FAUCHILLE (P.), Traité de droit international public, t. I, 2ème partie, Rousseau, Paris, 1922-1926,
p. 897 cité par le rapporteur BLOCIZEWSKI dans Annuaire de l’Institut de droit international, session de
Lausanne, 1927, édition abrégée, p. 117.
95
Ibidem, p. 118. Selon l’article 1er « le navire doit être inscrit sur le registre tenu à cet effet par les
fonctionnaires compétents conformément aux lois de l’Etat » et en vertu de l’article 2 « pour être inscrit sur ce
registre, le navire doit être pour plus de la moitié, la propriété : a) de nationaux ou b) d’une société en nom
collectif ou en commandite simple, dont plus de la moitié des associés personnellement responsables sont
nationaux ou c) d’une société par action (anonyme ou en commandite), nationale dont deux tiers au moins des
membres de la direction sont nationaux ; la même règle s’applique aux Associations et autres personnes
juridiques possédant des navires ».
96
Propos de M. BROWN (P. M.), cité par le rapporteur, ibid., p. 121. Voy. également les observations de M.
LEMONON (E.), ibid., pp. 139 et 140, où il souligne que le droit au pavillon et son corollaire, l’abus de
pavillon, devraient être réglés internationalement.

33
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

Genève, dispose : « chaque Etat fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa
nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les
conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la
nationalité de l'Etat dont ils sont autorisés à battre le pavillon. » La convention de 1986 sur
les conditions d’immatriculation des navires (ci-après convention sur l’immatriculation des
navires ), qui n’est toujours pas entrée en vigueur, la rappelle dans son préambule 97.
40. La jurisprudence internationale est très constante quant à l’acceptation de la liberté
absolue de l’Etat de fixer les conditions d’immatriculation. La règle en cause a notamment été
rappelée par le Tribunal international du droit de la mer (ci-après TIDM) dans l’affaire Saiga
2 98. La jurisprudence interne actuelle va dans le même sens. L’attribution du pavillon a été
récemment définie comme un acte de souveraineté par la Cour de Cassation dans le cadre de
l’affaire Erika 99. En l’espèce, la Cour a confirmé l’arrêt de la chambre d’instruction de la
Cour d’appel de Paris, qui avait prononcé la nullité de la mise en examen de la Malta
Maritime Authority, émanation de l’Etat maltais, et de son directeur. En effet, lors de la
procédure pénale ouverte après le sinistre, le juge d’instruction du tribunal de grande instance
de Paris avait mis ceux-ci en examen, pour mise en danger d’autrui et complicité de pollution.
Le pourvoi reprochait aux juges d’appel de ne pas avoir recherché si l’attribution de
certificats, formellement acte de puissance publique, n’obéissait pas en l’occurrence à une
finalité commerciale dépourvue de tout fondement de souveraineté. Dans un tel cas, elle ne
serait pas couverte par l’immunité de l’Etat. L’argument fut rejeté par la Cour de Cassation,
considérant que l’attribution du pavillon maltais relevait de la seule souveraineté de l’Etat
maltais. Dès lors, l’attribution du pavillon ne peut pas être contestée devant une juridiction
interne étrangère.
Ainsi, l’exercice du pouvoir de détermination de la « nationalité » est toujours reconnu
aux Etats et ce sans réserve ; il est le corollaire du droit étatique de faire naviguer en haute
mer des navires arborant leur pavillon 100. Il est en effet évident que pour exercer la liberté de

97
Le paragraphe du préambule y relatif est ainsi libellé : « Réaffirmant, sans préjudice de la présente Convention
que chaque Etat fixe les conditions de l’octroi de sa nationalité aux navires, de l’immatriculation des navires sur
son territoire et du droit de battre son pavillon ».
98
Arrêt Saiga 2, §§ 63 et 65.
99
Cour de Cassation, affaire Erika, arrêt du 23 novembre 2004, Bulletin criminel 2004, n° 292 p. 1096. Voy.
également RENARD (J. L.), « Affaire Erika : la chambre criminelle reconnaît l’immunité de juridiction de l’Etat
maltais », DMF, 2005, n° 658-3 du 1er avril 2005 ; BLIN (P.), « Affaire Erika : La Malta Maritime Authority,
émanation de l’Etat de Malte dans ses prérogatives d’immatriculation de navires, bénéficie de l’immunité
reconnue aux Etat », DMF, 2004, n° 652-9 du 1er octobre 2004 ; OLSON (T.), « Le juge interne et le pavillon »,
in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, pp. 58-59.
100
Article 4 de la convention de Genève de 29 avril 1958 sur la haute mer et article 90 de la convention de
Montego Bay du 10 décembre 1980.

34
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

la haute mer, la liberté des Etats d’attribuer leur « nationalité » aux navires, selon les
conditions d’octroi qu’ils ont eux-mêmes fixées, doit également être garantie. Sans la
seconde, la première liberté serait une coquille vide.
41. Si l’on cherche à appréhender la nature exacte de cette liberté accordée par le droit
international, on constate qu’il ne s’agit pas uniquement d’un droit octroyé aux Etats, d’une
liberté qu’ils peuvent exercer à leur discrétion. Le droit international impose aux Etats
l’obligation de définir précisément les conditions en question, sans lesquelles un navire ne
peut prétendre avoir une « nationalité » et un Etat avoir une flotte nationale. Si les Etats n’ont
pas l’obligation internationale d’avoir une flotte dont les navires naviguent en haute mer, ils
ont l’obligation internationale de prescrire les conditions que les navires devraient respecter
afin de battre leur pavillon. L’attribution de la « nationalité » ne peut être décidée au cas par
cas ; elle doit l’être conformément à une législation nationale préexistante. Cette obligation
internationale existe, donc, dès lors que les navires d’un Etat sont affectés à la navigation
internationale.
La conclusion découle des termes employés par les conventions internationales en la
matière (« l’Etat fixe les conditions ») qui suggèrent un devoir de l’Etat et non une faculté,
ainsi que de l’interprétation téléologique et systémique de leurs dispositions. Si l’article
concernant la nationalité des navires va de pair avec l’article affirmant le droit de navigation
des navires battant le pavillon de tout Etat 101, c’est bien parce que ledit droit implique et
présuppose l’obligation pour l’Etat de fixer les conditions de cette « nationalité ». L’existence
de cette obligation internationale ressort en outre du fait que les navires ne peuvent naviguer
que sous le pavillon d’un seul Etat 102. Si chaque navire ne peut avoir qu’une seule
« nationalité », celle de l’Etat dont il bat pavillon, il n’est pas possible de connaître le mode
d’acquisition de cette « nationalité » unique sans examiner les conditions posées par l’Etat
pour attribution de cette dernière. L’ « exclusivité de la nationalité de l’Etat du pavillon » 103
peut donc contribuer à l’explication de l’existence d’une obligation internationale de fixer des
conditions de son octroi. A partir du moment où l’apatridie du navire 104 tout comme sa

101
Articles 91 et 90 respectivement de la convention de Montego Bay.
102
Article 92 de la convention de Montego Bay et article 12 de la convention de Genève sur la haute mer. Sur ce
voy. infra §§ 61-64.
103
Expression employée dans KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit international.», in La mer et
son droit, Mélanges offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.), Pedone, Paris, 2003, p. 353.
104
Voy. sur ce sujet McDORMAN (T.), « Stateless fishing vessels, international law and the UN High Seas
Fisheries Conference», Journal of Maritime Law and Commerce, 1994, pp. 531-558, ANDERSON (A.W.), «
Jurisdiction over stateless vessels on the High Seas : An Appraisal under domestic and international law »,
Journal of Maritime Law and Commerce, vol. 13, 1982, pp. 323-342, ainsi que SINAN (I. M.), « UNCTAD and
flags of convenience», Journal of world trade law, 1984, p. 95 et ROUX (J.-M.), Les pavillons de complaisance,
op. cit. note 89, p. 79 : « L’apatridie est un remède pire que le mal ».

35
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

nationalité multiple sont considérées comme des situations indésirables en droit international,
il en résulte que chaque Etat maritime doit fixer au préalable les conditions de l’octroi de
l’acte interne attributif de « nationalité », c’est-à-dire de l’immatriculation des navires sur son
registre national et veiller à ce que les navires inscrits sur son registre ne soient pas déjà
immatriculés sur un registre étranger.
42. Il convient de signaler que si les Etats sont libres de fixer les conditions d’attribution
de leur « nationalité », la convention de Montego Bay impose un « lien substantiel » entre les
navires et l’Etat du pavillon. Cette exigence, dont le contenu et la valeur juridique demeurent
incertains, sera étudiée par la suite, étant entendu que, même si elle devait être considérée
comme obligatoire juridiquement, elle concerne uniquement l’opposabilité de la
« nationalité » des navires 105. Elle n’altère dès lors pas le principe de la liberté des Etats pour
fixer les conditions d’immatriculation de manière souveraine.

§ 2. Le droit de l’air et le rattachement des aéronefs

43. Ce même principe de souveraineté évoqué lors des enjeux de la « nationalité » des
navires peut aisément être identifié dans le corpus juridique gouvernant l’immatriculation des
aéronefs. Leur « nationalité », institution forcément plus récente que celle des navires, suit, à
quelques exceptions près, les grandes lignes de cette dernière. Pourtant, si la « nationalité »
des aéronefs est aujourd’hui considérée comme un « fait accompli » 106, tel n’a pas toujours
été le cas 107. Dès 1898 étaient posées, dans un traité international, les premières règles
concernant les conditions de survol des frontières étatiques par les pilotes militaires des
aérostats 108. Un deuxième traité fut conclu en 1913, sous forme d’échange de notes entre la
France et l’Allemagne. Ni le traité de 1898 ni celui de 1913 ne posent le principe de la
« nationalité » des aéronefs ou celui de leur immatriculation.
44. Ce n’est cependant pas sur la coutume internationale que les règles relatives à la
« nationalité » des aéronefs se sont fondées, mais sur le droit conventionnel. La question de la
nationalité des aéronefs fut soulevée lors du Congrès juridique international relatif à la
réglementation de la locomotion aérienne, tenu à Vérone en juin 1910. Selon les « vœux

105
Cf. SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p.
60 : « [la règle de la « nationalité effective » ne prétend pas] régler l’attribution de la nationalité elle-même,
mais ajoute des conditions à l’application d’autres normes internationales qui exigent aussi l’attribution de la
nationalité pour leur attribution ; c’est aussi pour cette raison qu’on parle ici d’efficacité et non de validité ».
106
DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), An Introduction to Air Law, op. cit. note 22, p. 23.
107
Voy. par exemple Annuaire de l’Institut de droit international, 1927, vol. I, édition abrégée, session de
Lausanne, pp. 367-368, Rapport général de DE VISSCHER (CH.), pp. 368 et s.
108
BEREZOWSKI (C.), « Le développement progressif du droit aérien », op. cit. note 22, p. 10 ; Il s’agit d’un
traité entre l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne qui constitue le premier document international sur le droit aérien.

36
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

adoptés » à son issue, « chaque aéronef [a] une nationalité dont il porte les preuves et le
critérium de détermination de la nationalité [est] le même pour tous les Etats ». En 1911,
l’IDI fait les premiers pas vers l’acceptation du principe que tout aéronef doit avoir une
« nationalité » 109.
En effet, la session de Madrid concernait, entre autres, le régime juridique des aérostats110
en temps de guerre et en temps de paix et celui des aérostats captifs ou libres non montés 111.
Les notions de nationalité et de pavillon des aéronefs sont mentionnées à plusieurs reprises,
aussi bien dans le projet de convention sur le régime des aérostats en temps de guerre que
dans celui sur le régime des aérostats captifs ou libres non montés et celui sur le régime en
temps de paix 112. Le rapporteur FAUCHILLE avait analysé longuement la question de la
« nationalité » des aéronefs. Il proposait un permis de circulation accordé par l’Etat
d’immatriculation, mettant ainsi l’accent sur le côté international public de l’existence d’une
« nationalité » des aéronefs. En effet, selon lui, l’institution d’un permis de navigation en tant
que condition de circulation internationale des aérostats concernait le droit des gens et le droit
interne, dès lors que chaque Etat devait veiller à la sécurité de ses nationaux même à
l’étranger 113. Il avait ainsi sous-entendu que c’est l’Etat d’immatriculation qui devait être
responsable, vis-à-vis des autres Etats, de tout dommage causé aux nationaux de ces derniers

109
Annuaire de l’Institut de droit international, 1911, vol. V, 1906-1911, édition abrégée, session de Madrid,
travaux préparatoires, pp. 1037- 1167.
110
Selon la Commission, le mot « aérostat » est pris dans son sens le plus large ; le mot « aéronef » serait
préférable. Ibidem, p. 1037, note de bas de page n° 1.
111
Il s’agit des aérostats qui, sous le nom « ballon-sonde » ont un but exclusivement scientifique ; Ibid., p. 1050,
art. 4 du projet y relatif.
112
Ainsi, dans le premier projet : art. 4 « la transformation d’un aérostat privé en aérostat militaire peut être
faite pendant la guerre sur le territoire et dans les eaux territoriales de l’Etat dont l’aérostat a la nationalité
[…] » p. 1042, devenu art. 3 dans le texte définitif p. 1127 ; art. 13 « le caractère neutre ou ennemi de l’aérostat
est déterminé par le pavillon qu’il a le droit de porter », p. 1043, devenu art. 11 dans le texte définitif p. 1129 où
« […] par le signe distinctif de la nationalité qu’il a le droit de porter »; dans le deuxième projet : art. 1 « les
aérostats, ayant en général la nationalité du souverain, de droit ou de fait, du territoire auquel ils sont attachés,
sont, en temps de paix, comme en temps de guerre, soumis aux lois et à la juridiction de ce territoire. Dans le
cas où, par exception, ils ont une nationalité différente, ils doivent être assujettis aux règles suivantes : […] » p.
1049, dans le texte définitif p. 1135 ; art. 4 « les aérostats libres non montés […] portent à un certain endroit de
leur enveloppe un pavillon d’une forme particulière qui indique leur nationalité […] » p. 1051, dans le texte
définitif p. 1136; dans le troisième projet : art. 2 « tout aérostat doit avoir une nationalité. La nationalité des
aérostats publics est celle de l’Etat au service duquel ils sont affectés. Celle des aérostats privés est déterminée
par celle de leur propriétaire » ; art. 3 « tout aérostat doit être immatriculé sur une liste dressée par l’autorité
publique de l’Etat dont il dépend ou du pays où réside son propriétaire. L’immatriculation indiquera le nom et
l’espèce de l’aérostat, le nom et l’adresse de son propriétaire […] » ; art. 4 « Chaque aérostat […] portera,
d’autre part, de façon apparente, sur son enveloppe : 1 une lettre correspondant au pays où il a été inscrit ; 2.
une lettre correspondant à la circonscription où il a été immatriculé ;3. un chiffre reproduisant le numéro
d’inscription sur la liste […] », p. 1120.
113
Ibid., p. 1055 ; Ces observations du rapporteur venaient comme une réponse à la remarque de M. HOLLAND
qui soulignait que la sécurité des personnes et des biens à bord d’un aérostat était à peine l’affaire du droit
international. Cette remarque laisserait penser que l’Etat du pavillon n’a pas une réelle responsabilité
internationale concernant la situation à bord de ses aéronefs et que les problèmes éventuels concernaient donc
plutôt le pilote et le propriétaire, le droit interne et international privé.

37
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

par les aéronefs de sa « nationalité ». Implicitement et indirectement donc, l’importance de


l’existence d’une « nationalité » était mise en avant.
Néanmoins, à la proposition de DE BAR de considérer la non-inscription de l’aéronef
comme « non tolérée nulle part », le rapporteur répondait que la non-immatriculation, aussi
bien que la présence à bord d’un pilote étranger, ne devait constituer qu’un délit d’ordre
interne que la législation de chaque pays aurait à réprimer 114. Cette remarque semble quelque
peu contradictoire avec le principe de « nationalité », puisqu’elle permettait de penser que la
non-immatriculation et donc l’absence de « nationalité » était possible ; qu’elle devait être
traitée par le droit commun et qu’elle constituait plutôt un délit d’ordre interne. Une telle
manière de raisonner s’expliquait, soit par une dissociation implicite entre immatriculation et
« nationalité », soit par le fait que la « nationalité » lato sensu, quoique acceptée, n’était pas
encore considérée explicitement comme nécessaire et obligatoire. Malgré les nombreuses
discussions entre le rapporteur FAUCHILLE et les membres de la commission, notamment
DE BAR, HOLLAND et MEURER, dont témoignent les travaux préparatoires, très peu est
d’ailleurs dit sur l’immatriculation des aéronefs en tant que telle. La question de ses
conditions n’est pas envisagée et son rôle ne l’est qu’indirectement.
45. Le texte définitif du projet de convention sur le régime juridique des aérostats 115 traite
la question à l’article 2 du 1er chapitre (« Des aérostats ») de la 1ère partie (« Régime des
aérostats en temps de paix ») comme suit : « tout aérostat doit avoir une nationalité. La
nationalité des aérostats publics est celle de l’Etat au service duquel ils sont affectés. Celle
des aérostats privés est déterminée par celle de leur propriétaire ». La liberté absolue des
Etats de fixer les conditions d’immatriculation des aérostats n’est pas encore acceptée, dès
lors que celle-ci dépend de la nationalité du propriétaire. L’article 3 prévoit : « Tout aérostat
doit être immatriculé sur une liste dressée par l’autorité publique de l’Etat dont il dépend ou
du pays ou réside son propriétaire ». Cette disposition permet de comprendre qu’une
dissociation entre immatriculation et « nationalité » était effectivement considérée comme
allant de soi. Dès lors que l’aéronef pouvait être immatriculé dans le pays de résidence et non
pas de nationalité du propriétaire mais qu’il devait avoir la nationalité de ce dernier, on
comprend que l’immatriculation pouvait avoir lieu dans un pays autre que celui de la
« nationalité ».
46. La première convention multilatérale réglant la question de la « nationalité » des
aéronefs fut finalement signée le 13 octobre 1919 à Paris ; elle est demeurée en vigueur

114
Ibidem, p. 1056, discussion par rapport aux articles 6 et 7 du projet.
115
Ibid., p. 1119-1137.

38
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

pendant 25 ans entre 33 Etats. Elle fut adoptée à la fin de la première guerre mondiale,
période pendant laquelle l’importance de la navigation aérienne, ses possibilités et ses enjeux
ainsi que la nécessité d’un droit aérien « universel » constituait un sujet au cœur de
l’actualité 116. Une « commission de l’aéronautique » de la Conférence de la Paix s’est
chargée de la préparation de la convention internationale sur la navigation aérienne 117. Parmi
les principes fondamentaux que cette commission a retenus comme devant nécessairement
figurer dans la future convention se trouve celui de la « nationalité » des aéronefs, sur une
proposition américaine 118.
L’intégralité du chapitre II de cette convention traite de la question de cette
« nationalité ». Selon l’article 6, « les aéronefs ont la nationalité de l’Etat sur le registre
duquel ils sont immatriculés conformément aux prescriptions de la Section I de l’Annexe
A » et en vertu de la version finale de l’article 7 – modifié en 1929 afin d’écarter la condition
de la nationalité du propriétaire 119 – « l’immatriculation des aéronefs visés dans l’article
précédent sera faite conformément aux lois et aux dispositions spéciales de chaque Etat
contractant ». Ainsi, suite d’une évolution des mentalités, à laquelle l’éloignement des
souvenirs de la guerre ne fut sans doute pas indifférent, le droit aérien a fini par adopter la
règle de la liberté des Etats, déjà en vigueur depuis longtemps en ce qui concerne les navires
et leur « nationalité ». On retrouve donc les deux principes fondamentaux régissant la
« nationalité » des navires : les Etats sont libres de fixer les conditions d’attribution de leur
« nationalité » aux aéronefs et ils ont l’obligation internationale de le faire, lorsqu’il s’agit
d’aéronefs affectés à la navigation internationale.

116
Sur l’influence de la première guerre mondiale à la convention de 1919, voy. ROPER (A.), La convention
internationale du 13 octobre 1919 portant réglementation de la navigation aérienne : son origine, son
application, son avenir, Librairie du recueil Sirey, Paris, 1930, p. 29 et s.
117
La base de discussion pour les négociateurs de la convention de 1919 fut un projet de convention élaboré lors
de la Conférence internationale de navigation aérienne, tenue à Paris en juin 1910, et qui avait comme but
l’élaboration d’une convention internationale portant réglementation de la navigation aérienne. Le texte préparé
ne fut pas approuvé par les dix-neuf Etats représentés. Voy. ROPER (A.), ibidem, p.26 ; Ce texte prévoyait que
tout aéronef devait avoir une nationalité afin d’être régi par la convention et de pouvoir circuler au-dessus des
Etats contractants (article 2). Il y était également prévu que pour la détermination de la nationalité, la législation
de chaque pays s’attacherait soit à la nationalité de leur propriétaire, soit au domicile du propriétaire sur son
territoire et que l’Etat pouvait exiger que son national soit domicilié sur son territoire ou admettre les étrangers
domiciliés aussi bien que les nationaux. Par ailleurs, si l’aéronef appartenait à une société anonyme ou par
actions, il ne pourrait lui être conféré que la nationalité de l’Etat sur le territoire duquel la société avait son siège
social et dans le cas où l’aéronef appartenait à plusieurs propriétaires, les nationaux ou domiciliés sur le territoire
de l’Etat de nationalité devaient être au moins des deux tiers (article 3). De plus un aéronef ne pouvait avoir
qu’une seule nationalité (article 4) et était inscrit sur le registre matricule de l’Etat de nationalité (article 6) afin
d’obtenir un certificat de nationalité (article 8).
118
ROPER (A.), ibid., p. 42.
119
Sur cette disposition et les raisons de sa modification dès 1929, voy. infra §§ 197-198.

39
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

47. Ces mêmes règles ont été reprises par la convention de Chicago relative à l’aviation
civile internationale du 7 décembre 1944. Cette convention, toujours en vigueur aujourd’hui
et à laquelle 185 Etats sont parties, constitue l’instrument international le plus important en
matière d’aviation civile. Elle règle la question de la nationalité des aéronefs au chapitre III,
sans s’éloigner des principes posés dans la convention de 1919. En effet, il est stipulé dans
son article 17 que « les aéronefs ont la nationalité de l’Etat dans lequel ils sont
immatriculés ». L’article 19 établit la liberté des Etats de fixer les conditions
d’immatriculation et d’octroi de leur nationalité, en disposant que l’immatriculation et son
transfert d’un registre à un autre se font conformément aux lois et règlements de l’Etat de
pavillon. L’article 20 fait obligation à tout aéronef de porter des marques de nationalité et
d’immatriculation qui lui soient propres ; il précise que ces marques de nationalité sont
obligatoires pour les aéronefs affectés à la navigation aérienne internationale.
48. La liberté des Etats de fixer les conditions d’attribution de leur nationalité est donc
également la règle régissant l’aviation civile, à l’instar de ce qui est prévu par le droit
international de la mer. Au regard de la convention de Chicago, la nationalité du propriétaire
ou du détenteur de l’aéronef est sans effet sur le rattachement de l’aéronef à l’Etat
d’immatriculation 120. La limite théorique du « lien substantiel » exigé par la convention de
Montego Bay en ce qui concerne la « nationalité » des navires est donc absente du texte de la
convention de Chicago.

§ 3. Le droit de l’espace extra-atmosphérique et le rattachement des engins spatiaux

49. La question de la « nationalité » des engins spatiaux, beaucoup plus récente que celle
de la « nationalité » des navires ou des aéronefs, a suivi une évolution quelque peu différente.
Alors qu’à propos de ces deux derniers l’institution s’est imposée dès les premiers pas du
droit international de la mer et de l’air respectivement, sans rencontrer d’obstacles trop
importants, la « nationalité » des objets spatiaux n’a jamais été expressément affirmée. Leur
immatriculation sur un registre étatique constitue néanmoins une obligation internationale
pour l’Etat de lancement. Tout comme pour l’aviation civile, c’est le droit conventionnel qui a
été à l’origine de ce régime.
50. Le traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et
d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris la lune et les autres corps célestes du
10 octobre 1967(ci-après traité sur l’espace), qui est le premier instrument multilatéral qui

120
Voy. dans ce sens NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), Précis de droit aérien, Précis de la
Faculté de Droit, Université Libre de Bruxelles, 2ème édition, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 40.

40
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

régisse le droit international spatial, ne dit rien sur la « nationalité » des objets spatiaux. En
revanche, son article VIII 121 précise que « l’Etat partie au Traité sur le registre duquel est
inscrit un objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique conservera sous sa juridiction et
[son] contrôle ledit objet et tout le personnel dudit objet, alors qu’ils se trouvent dans
l’espace extra-atmosphérique ou sur un corps céleste », ce qui suggère l’existence d’un Etat
d’immatriculation, responsable internationalement de l’objet lancé. De même, l’article V du
traité énonce que « […] le retour des astronautes à l’Etat d’immatriculation de leur véhicule
spatial devra être effectué proprement et en toute sécurité ». Aucune autre référence n’est
faite à la « nationalité » ou à l’immatriculation des engins spatiaux sur un registre central ou
national, en manière telle que l’immatriculation ne semble pas obligatoire.
Il faut attendre 1974, soit 17 ans après le lancement du Spoutnik soviétique, pour que soit
signé le traité sur l’immatriculation des objets spatiaux. Cependant, en 1959 déjà, le comité ad
hoc COPUOS avait présenté l’identification des objets spatiaux comme un problème
d’actualité qui pouvait être facilité par un système d’immatriculation du lancement des
véhicules spatiaux 122. Cette identification via l’immatriculation était conçue plutôt comme
une procédure internationale. En effet, la résolution 1721 de l’Assemblée générale en 1961
invitait les Etats à fournir au Secrétaire général des renseignements pour l’enregistrement des
lancements, qui devaient figurer sur un registre public 123. L’enregistrement a été effectué à
partir du 7 mars 1962 lorsque les Etats-Unis eurent présenté pour la première fois des
données 124. Finalement, la délégation française du sous-comité juridique COPUOS a introduit
un projet de convention sur l’immatriculation en 1968 125. Le premier article du projet
imposait l’immatriculation obligatoire de tout objet lancé sur le registre d’un Etat ou d’un
groupe d’Etats. La référence à « nationalité » était cependant évitée dès lors que son
utilisation ne semblait ni nécessaire ni pertinente.
L’inutilité de l’institution avait été soulignée à plusieurs reprises. Une résolution de l’
International Law Association (ILA) avait attiré en 1964 l’attention du COPUOS sur la

121
Reprenant grosso modo les paragraphes 7 et 9 de la Résolution 1962 (XVIII) du 13 Décembre 1963 de
l’Assemblée générale des Nations Unies (UN Doc. A/RES/1962/XVIII). Voy. également la première résolution
sur l’espace extra-atmosphérique dans laquelle l’Assemblée générale demande aux Etats de lancement de fournir
des informations sur les lancements effectués : UN Doc. A/RES/1721 (XVI) B, Résolution du 20 décembre
1961.
122
Report of the Ad Hoc Committee, 1959, U.N Doc. A/4141, p. 6 cité par DALFEN (CH.), « Towards an
International Convention on the Registration of Space Objects: The Gestation Process », The Canadian
Yearbook of International Law, vol. 9, 1971, p. 254, note de bas de page n° 8.
123
U.N General Assembly Resolution 1721 (XVI) B, du 20 décembre 1961.
124
ZHUKOV (G. P.), « Tendances contemporaines du développement du droit spatial international », RCADI, t.
161, vol. 3, 1978, p. 262.
125
Draft Convention Concerning the Registration of Objects Launched into Space for the Exploration or Use of
Outer Space. U.N. Doc. A/AC. 105/C.2/L.45, June 18, 1968.

41
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

nécessité d’éviter que la « nationalité » devienne un élément indispensable dans les projets de
règles concernant le statut juridique, la responsabilité et la juridiction liées aux véhicules
spatiaux. Le rapporteur, JENNINGS, proposait cependant d’adopter un système analogue à
celui des navires et des aéronefs, en vertu duquel tout engin spatial serait immatriculé dans un
Etat conformément au droit interne de cet Etat. Quant au concept même de la « nationalité »,
il soulignait que, même si celui-ci allait certainement inspirer plusieurs règles applicables aux
véhicules spatiaux, l’emploi de la métaphore n’était pas nécessaire. Il remarquait que la
« nationalité », telle qu’appliquée aux navires et aéronefs, était un souvenir des temps où les
Etats étaient les uniques sujets du droit international. Désormais, l’éventualité de lancements
effectués par des organisations internationales ou des associations d’Etats en rendait l’emploi
problématique. Il préférait donc ne pas avoir recours au « concept technique » de nationalité.
La résolution adoptée a suivi ce point de vue, malgré les objections de COOPER qui trouvait
peu pratique de ne pas utiliser ce concept, alors surtout que la résolution de l’Assemblée
générale de 1962 y faisait nécessairement référence en exigeant l’immatriculation
nationale 126.
51. En bref, le débat semblait à la fois terminologique et substantiel : d’une part on
préférait éviter le terme « nationalité » comme expression du rattachement national de
l’engin ; d’autre part, on n’était pas certain que ce rattachement national ne doive pas être
remplacé, en droit spatial, par un rattachement international/interétatique. Par ailleurs, la
question de la pertinence du concept de la nationalité des objets spatiaux a été posée assez tôt
par la doctrine 127. Dès 1965, JENKS émettait quelques doutes quant à l’utilité d’introduire
cette notion en droit spatial. Contrairement au droit maritime ou au droit aérien, où il
n’existait pas de pavillon international, l’auteur soulignait qu’un tel registre serait
indispensable pour les objets spatiaux 128. Il considérait, par ailleurs, qu’une immatriculation
internationale serait à la fois nécessaire et suffisante. Ce registre central, combiné à la
responsabilité et aux juridiction/contrôle de l’Etat de lancement, pourrait jouer le rôle exercé

126
Voy. International Law Association, Report of the 51st Conference, 1964, pp. 710 et s., p. 741, p. 768 ; Voy.
également LACHS (M.), The Law of Outer Space: An Experience in Contemporary Law-Making, Sijthoff,
Leiden, 1972, pp. 70-71.
127
Pour une étude analytique de toutes les tendances et une prise de position sur l’application de la notion de
« nationalité » aux engins spatiaux voy. le manuel très détaillé : McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) &
VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space, op. cit. note 34, notamment Part III, 3. « Claims relating to
Access and Competence in the Domain of Space », pp. 193-359; 5. «The Nationality of Spacecraft and
Promotion of Optimum Order in Space », pp. 513-645; 6. « Claims Relating to Jurisdiction over Space Activities
and Spacecraft », pp. 646-748. Voy. notamment p. 514: « It becomes, therefore, of the utmost importance that
the general community of the space era achieve principles and procedures for determining and establishing the
nationality of spacecraft which will economically serve all its basic policies ».
128
JENKS (C. W.), Space Law, Stevens & Sons, London, 1965, p. 236.

42
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

dans le droit de la mer ou de l’air par l’Etat du pavillon. Cependant, le même auteur se
référait, quelques années auparavant, aux propositions faites par la commission sur
l’aéronautique de l’Association of the Bar of the City of New York en vue de conclure des
accords internationaux relatifs à l’activité dans l’espace, aux termes desquelles « la
nationalité des engins de lancement et des astronefs utilisés pour l’activité dans l’espace sera
indiquée au moyen de marques d’identification appropriées » et « c’est l’Etat sur le territoire
duquel a lieu le lancement ou, lorsque le lancement ne se produit pas sur le territoire d’un
Etat, celui dont les ressortissants ont la responsabilité essentielle du lancement qui est tenu
d’effectuer cet enregistrement ». S’il conservait des objections quant à l’utilité d’une
« nationalité » appliquée aux engins spatiaux, il n’en affirmait pas moins qu’une institution
équivalente serait nécessaire 129.
52. Nonobstant les doutes exprimés, la nécessité d’un rattachement national a fini par être
affirmée, même si le terme « nationalité » n’a pas été retenu expressément. Son influence
demeure, néanmoins, primordiale. En effet, pendant les négociations relatives à la convention
sur l’immatriculation, le délégué français a soutenu que : « l’immatriculation […] reflète un
concept légal exprimant une relation entre un objet et l’Etat et conférant une nationalité à
l’objet. En d’autres mots, [elle] rattache l’objet à un système légal spécifique. L’établissement
d’un registre national, ouvert au public, faciliterait l’établissement de la propriété en cas
d’accident ». Le même raisonnement était suivi par le délégué canadien ; selon celui-ci un
rattachement formel entre l’Etat de lancement ou l’organisation internationale et l’objet
spatial était requis, afin de faciliter l’exercice du contrôle et de préserver les droits de
propriété sur l’objet spatial lorsque ce dernier se trouvait dans l’espace extérieur. Il précisait
qu’en droit maritime et aérien, ce même lien essentiel était fourni par la notion de
« nationalité » ou d’Etat d’immatriculation 130.
53. Finalement, il est stipulé à l’article II, § 1er, de la convention sur l’immatriculation des
objets spatiaux que « lorsqu’un objet spatial est lancé sur une orbite terrestre ou au-delà,

129
Annuaire de l’Institut de Droit International, 1963, vol. 50-I, session de Bruxelles, rapport préliminaire du 4
août 1962 de JENKS (C. W.), pp. 128-496 ; notamment pp. 303 et 333.
130
Propos cités par TATSUZAWA (K.), « Some reflections on the need to accommodate the space law system to
space commercialization », in The utilization of the world’s air space and free outer space in the 21st century,
CHENG (C.-J.) & KIM (D.H.) ed., Kluwer Law International, The Hague, London, Boston, 2000, p. 298; Pour
l’utilisation du concept de « nationalité » voy. TATSUZAWA (K.), idem, p. 301; MARCOFF (M.), Le droit
international public de l’espace, op. cit. note 27, pp. 459-461; CHENG (B.), « Liability Regulations Applicable
to Research and Invention in Outer Space and their Commercial Exploration », in Research and Invention in
Outer Space : Liability and Intellectual Property Rights, MOSTECHAR (S.) ed., 1995, p. 75; LEIMBACH (M.),
« Le financement des activités spatiales », in Le droit des activités spatiales à l’aube du XXIe siècle,
RAVILLON (L.) dir., Litec, Paris, 2005, p. 318 et ZYLICZ (M.), « Sur quelques problèmes de droit
astronautique », RGDIP, vol.62, 1958, p. 662 : « Il y a lieu tout d’abord d’admettre la notion de la nationalité de
l’astronef de la même façon que celle de l’aéronef ».

43
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

l’Etat de lancement l’immatricule au moyen d’une inscription sur un registre approprié dont
il assure la tenue ». Les formules du droit de la mer et du droit de l’air ne sont pas reprises :
pas de nationalité et pas d’affirmation explicite de la liberté de l’Etat de fixer les conditions
d’immatriculation selon ses lois nationales 131. Une formulation plus hésitante et plus
restreinte est adoptée au § 3 : « La teneur de chaque registre et les conditions dans lesquelles
il est tenu sont déterminées par l’Etat d’immatriculation intéressé ».
54. Deux questions se posent à l’évidence quant à ces deux dispositions. La première
reviendrait à vérifier s’il existe une réelle différence entre l’institution de la « nationalité » des
navires et des aéronefs et celle de l’immatriculation de l’objet spatial sur le registre de l’Etat
de lancement. Dans les deux cas, un rattachement national est établi, mais est-il de même
nature ? A priori, oui. Si on analyse la « nationalité » des navires ou des aéronefs comme le
rattachement à un Etat de manière à ce que ce dernier puisse exercer ses juridiction/contrôle
sur ces engins lorsqu’ils se trouvent dans un espace international, la seule chose qui change
lorsqu’on se réfère à l’immatriculation des objets spatiaux tient aux termes employés : Etat de
pavillon plutôt qu’Etat de lancement/immatriculation et nationalité plutôt qu’enregistrement.
Cependant, deux différenciations – paradoxalement contradictoires entre elles – émergent.
D’une part, d’un point de vue théorique, la notion de « nationalité », retenue pour les navires
et les aéronefs, est supposée exprimer et sous-entendre un lien effectif, un rattachement
substantiel entre l’engin et l’Etat. Alors que l’expression « enregistrement d’un objet spatial »
semble, toujours en théorie, une notion plus technique, purement administrative. Cet
argument n’est cependant pas fondé ; même lorsque le terme « nationalité » est employé pour
les navires et les aéronefs, il est en effet entendu lato sensu, visant plutôt un simple
rattachement administratif. Donc il n’y a pas de réelle divergence à ce propos.
D’autre part, la liberté de l’Etat de fixer les conditions de rattachement, qui est affirmée
sans ambiguïté dans le droit de la mer ou de l’air, se trouve ici restreinte : l’Etat
d’immatriculation doit nécessairement être un des Etats de lancement. Une certaine liberté est
certes préservée, même si elle n’est pas expressément affirmée par les instruments

131
M. CHENG explique les facteurs qui ont contribué à cette situation de manière très convaincante : « la
nouveauté de la situation combinée avec la peur de l’inconnu, la préoccupation d’assurer une responsabilité
étatique absolue, le souci de plusieurs Etats qu’ils ne seraient pas capables de s’engager dans des activités
spatiales individuellement mais qu’il faudrait coopérer avec d’autres Etats, avec des efforts joints ou
participation dans des organisations internationales spécialisées, cas dans lesquels le concept de nationalité
pourrait être considéré difficile à appliquer, le manque d’anticipation que les activités spatiales seraient
tellement rapidement entreprises par des activités non gouvernementales, les difficultés que la nationalité faisait
relever en droit aérien où il a été nécessaire d’adopter un nouveau article 83 bis dans la Convention de 1944 en
Septembre 1980 (par rapport au leasing, affrètement ou échange) ». Voy. CHENG (B.), Studies in International
Space Law, Clarendon Press, Oxford, 1997, p. 482.

44
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

internationaux, comme c’est le cas pour les navires et les aéronefs. Elle concerne les
conditions spécifiques d’immatriculation par l’Etat de lancement mais également la
possibilité, lorsqu’il y a plusieurs Etats de lancement, de préciser lequel d’entre eux va
immatriculer. En vertu de l’article II, § 2, de la convention sur l’immatriculation des objets
spatiaux, l’Etat de lancement détermine en effet librement les conditions d’immatriculation de
cet objet, ainsi que les informations requises à cet effet. Le même article II prévoit qu’en cas
de lancement conjoint, les Etats doivent déterminer lequel d’entre eux immatriculera l’objet
en cause 132. Cependant cette liberté semble être partielle puisque encadrée par la règle
internationale de l’Etat de lancement. Si les Etats ont l’obligation internationale
d’immatriculer les objets spatiaux qu’ils lancent, ils n’ont pas la liberté de prévoir
l’immatriculation des objets spatiaux pour lesquels ils ne peuvent pas être considérés comme
Etat de lancement.
55. Si cette affirmation correspondait à la réalité, il y aurait un véritable décalage entre la
« nationalité » des navires/aéronefs et le rattachement des objets spatiaux. Mais ce n’est pas le
cas. La restriction de la liberté de l’Etat d’immatriculation est très relative étant donné la
définition à la fois très large, sinon ambiguë, de l’Etat de lancement 133 et les évolutions de la
pratique étatique. En effet, selon l’article I de la convention sur l’immatriculation des objets
spatiaux un Etat de lancement est : « 1. Un Etat qui procède ou fait procéder au lancement
d’un objet spatial 2. Un Etat dont le territoire ou les installations servent au lancement d’un
objet spatial ». Si les définitions de l’Etat de lancement en tant que « l’Etat qui procède au
lancement » ou en tant que « l’Etat dont le territoire ou les installations servent au
lancement » ne sont pas problématiques, celle de l’Etat « qui fait procéder au lancement »
s’avère beaucoup plus complexe 134. Sa signification peut être double : contrôler le lancement

132
C’est le cas par exemple lorsqu’un objet spatial est placé sur orbite pour le compte d’un autre Etat. Dans
certains cas, l’Etat qui assure les services de lancement immatricule l’objet « étranger » sur son registre national.
La Chine a immatriculé un certain nombre d’objets spatiaux dont elle avait assuré le lancement pour le compte
de clients internationaux. Lorsque l’Etat qui fournit le lanceur n’immatricule pas l’objet fonctionnel « étranger »,
il immatricule seulement les objets spatiaux associés au lanceur, comme les troisièmes étages et les coiffes. C’est
le cas des Etats-Unis et de la France.
133
Voy. concernant la définition de ce terme, KOPAL (V.), « The 1975 Convention on Registration of Objects
Launched into Outer Space in View of the Growth of Commercial Space Activities », in Air and space law in
the 21st century, Mélanges offerts à K.H Bockstiegel, Carl Heymanns Verlag KG, 2001, pp. 377-378;
SCHROGL (K.-U.), & DAVIES (CH.), « A New Look at the Concept of the “Launching State” », ZLW, vol. 51,
2002, pp. 359-381; WIRIN (W. B.), « Practical Implications of Launching State », in Proceedings of the 37th
Colloquium on the Law of Outer Space, IISL of the International Astronautical Federation, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 1994, pp. 111-112.
134
Cette complexité est d’autant plus importante qu’un aspect linguistique s’ajoute au problème. Le terme
anglais « procure » indique en effet un Etat qui a payé pour le lancement ou qui en tire un bénéfice, alors que le
terme « organizyet » dans la traduction officielle russe de l’article indique un Etat qui a organisé le lancement :
SCHROGL (K.-U.), & DAVIES (CH.), « A New Look at the Concept of the “Launching State” », ibidem, p.
368.

45
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

(stricto sensu) ou être impliqué de manière active et essentielle dans ce lancement (lato
sensu) 135. Elle permet ainsi, en raison de son champ manifestement large, de considérer
comme Etats de lancement plusieurs Etats différents qui sont impliqués de près ou de loin
dans une activité spatiale. Chaque Etat décide donc, selon son appréciation souveraine, s’il se
considère comme Etat de lancement et/ou d’immatriculation selon les critères de l’article I de
la convention. Ainsi, si une personne de la nationalité d’un Etat x achète un objet spatial sur
orbite, cet Etat x peut déclarer qu’il se considère à la fois comme Etat d’immatriculation et
comme Etat de lancement puisqu’il a « fait procéder au lancement » lato sensu ou,
inversement, qu’il ne se considère pas pour autant comme Etat d’immatriculation. C’est le cas
du Royaume Uni, qui a fait une telle déclaration à l’ONU à propos d’objets spatiaux exploités
par la société Inmarsat Ltd. (anciennement l’organisation intergouvernementale
INMARSAT), une société de droit britannique. Les Pays Bas ont suivi la même politique
concernant des objets spatiaux achetés sur orbite par New Skies Satellites, société de droit
néerlandais, en précisant de plus qu’ils n’assumaient pas la responsabilité de ces objets
spatiaux en vertu de l’article VIII du traité sur l’espace de 1967 136.
Les critiques relatives à la complexité de la notion de l’Etat de lancement ont récemment
conduit le COPUOS à la réexaminer, afin de la clarifier 137. Cependant, les cinq
recommandations issues de ses travaux ne sont guère audacieuses et ne modifient en rien la
définition de l’Etat de lancement 138. Le comité spatial de l’ILA a vainement recommandé à

135
La question est largement étudiée par la doctrine. Voy., à titre indicatif, CHRISTOL (C. Q.), « The launching
state in international space law », ADMAS, vol.12, 1993, pp. 363-376; SCHROGL (K.-U.), « Is the legal concept
of launching state still adequate? », in International organisations and space law their role and contributions,
Perugia, Italy, 6-7 May 1999, HARRIS (R. A.) ed., 1999, pp. 327-329; KERREST (A.), « Remarks on the notion
of launching state », in Proceedings of the 42nd Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2000, pp. 308-315; FRANKLE (E. A.), « Once a launching state, always the
launching state? », in Proceedings of the 44th Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2002, pp. 32-42; ZHUKOV (G. P.), « Can the state from whose territory a space
object was launched declare itself a non launching state? », Air and Space Law, vol.28, n°1, 2003, pp. 50-53.
136
Voy. COPUOS, sous-comité juridique, Pratique des Etats et des organisations internationales concernant
l’immatriculation des objets spatiaux, Document d’information du secrétariat, A/AC.105/C.2/L.255, 25 janvier
2005, §§ 38 et 39. Sur ce voy. SCHROGL (K-U.) & DAVIES (CH.), « A new look at the launching state: the
results of the UNCOPUOS Legal Subcommittee Working Group “Review of the Concept of the Launching
State” 2000-2002 », in Proceedings of the 45th Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2003, pp. 286-301.
137
Voy. Rapport du Secrétariat, Examen du concept d’Etat de lancement, documents officiels A/AC.105/768, 21
janvier 2002 et résolution de l’Assemblée générale 59/115 du 10 Décembre 2004 relative à l’application du
concept d’Etat de lancement. Pour une présentation de la résolution voy. SCHROGL (K.-U.), « The UN General
Assembly Resolution “Application of the concept of the launching state” Background and Main Features », in
Proceedings of the 48th Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and
Astronautics, 2006, pp. 347-352 et BENKO (M.) & SCHROGL (K.-U.), « The UN Committee on the Peaceful
Uses of Outer Space: Adoption of a Resolution on Application of the Concept of the Launching State and other
Recent Developments », ZLW, vol. 54, n°1, 2005, pp. 57-72.
138
En effet, elles se limitent à inciter les Etats menant des activités spatiales à : respecter les traités spatiaux,
conclure des accords relatifs à la répartition de la charge financière pour laquelle ils sont solidairement

46
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

cet égard que le terme «procède » soit clarifié en ajoutant les mots « l’Etat qui contrôle
l’activité de lancement » 139. Tant que la définition de l’Etat de lancement demeure inchangée,
la restriction de la liberté étatique quant à l’immatriculation des objets spatiaux reste donc très
relative. Dès lors, le rattachement de l’objet spatial à l’Etat d’immatriculation semble être, à
cet égard, de la même nature que celui des navires et aéronefs à l’Etat du pavillon.
56. La deuxième question découle directement de l’évolution du droit spatial. Lors de la
rédaction des traités relatifs à l’espace et des premiers débats concernant l’immatriculation
des objets spatiaux, l’exploitation de l’espace extra-atmosphérique en était à ses premiers pas.
Le lancement des objets spatiaux ne concernait finalement que très peu d’Etats et avait
certainement un caractère peu commercial, contrairement à ce qui caractérisait la navigation
aérienne ou maritime. La question de l’immatriculation de ces objets, limités en nombre, ne
suscitait pas de grands débats. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, les données ont changé.
Désormais, la privatisation et la commercialisation des activités spatiales n’est plus un
scénario de science-fiction mais une réalité très concrète 140. Même si une telle évolution n’est
pas imminente, on peut très bien imaginer le développement d’un tourisme spatial dans un
proche avenir 141. Les activités commerciales dans l’espace sont appelées à se multiplier et les
personnes privées chercheront certainement à investir plus encore dans l’achat et le lancement
des objets spatiaux. Ce changement de situation entraînera-t-il – ou devrait-il avoir déjà
entraîné – comme corollaire un changement en matière d’immatriculation des engins
spatiaux 142 ? La question mérite à tout le moins d’être soulevée.
57. Les modifications potentielles de la convention d’immatriculation, même si elles
semblent peu probables, ainsi que l’influence positive que les normes du droit de la mer et du

responsables en cas de lancement conjoint en vertu de l’article V § 2 de la convention de 1972, informer le


COPUOS sur leurs pratiques relatives au transfert des objets spatiaux sur orbite et harmoniser ces pratiques « as
appropriate ». De plus, il est demandé au COPUOS de continuer à fournir aux Etats des informations et
l’assistance nécessaires pour le développement de leurs législations spatiales.
139
International Law Association, Report of the 72nd Conference, 2006, p. 693.
140
Voy., parmi la multitude des écrits en la matière, UNIVERSITE DE BOURGOGNE - CNRS, Le droit des
activités spatiales à l’aube du XXIe siècle, RAVILLON (L.) dir., Travaux du Credimi, vol. 25, Litec, Paris,
2005.
141
Sur le développement du tourisme spatial et la nécessité d’un cadre juridique nouveau et précis le concernant:
SACHDEVA (G. S.), « Space Tourism : Need for Legal Radicalism », Indian Journal Of International Law, vol.
45, n° 4, 2005, pp. 487-509 ; ZHAO (Y.), « Developing a Legal Regime for Space Tourism: Pioneering a Legal
Framework for Space Commercialization », in Proceedings of the forty-eighth colloquium on the law of outer
space, IISL of the International Astronautical Federation, American Institute of Aeronautics and Astronautics,
2006, pp. 198-206 et FREELAND (S.), « The Impact of Space Tourism on the International Law of Outer
Space », idem, pp. 178-189.
142
KOPAL (V.), « The 1975 Convention on Registration of Objects Launched into Outer Space in View of the
Growth of Commercial Space Activities », op. cit. note 133, pp. 372-385 et SCHMIDT-TEDD (B.) &
GERHARD (M.), « How to adapt the present regime for registration of space objects too new developments in
space applications? », in Proceedings of the forty-eighth colloquium on the law of outer space, IISL of the
International Astronautical Federation, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2006, pp. 353-363.

47
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

droit de l’air peuvent exercer sur le droit de l’espace à ce sujet seront examinées au fur et à
mesure que seront abordés les problèmes précis du régime de l’immatriculation des objets
spatiaux. Nous pouvons, cependant, d’ores et déjà souligner que, bien qu’il existe des
divergences terminologico-normatives entre la « nationalité » des navires et des aéronefs et le
rattachement national des objets spatiaux, les deux institutions semblent être de même nature,
être soumises au même régime et répondre à des nécessités similaires.

Conclusion de la section

58. Le terme « nationalité » qui est utilisé dans droit de la mer ou de l’air, exprime le lien
juridique qui rattache un navire ou un aéronef à un Etat. Ce lien est créé par l’immatriculation
de ces engins sur un registre national, c’est-à-dire par un acte de droit interne auquel le droit
international accorde des effets juridiques internationaux. Le même principe régit le droit de
l’espace extra-atmosphérique. La notion de « nationalité » a été écartée, dès lors qu’au
moment de l’adoption des traités sur l’espace les Etats doutaient encore que le rattachement
des objets spatiaux puisse être purement national. Le principe de la création d’un lien
juridique via l’immatriculation de ces objets est néanmoins demeuré inaltéré. Tant pour les
navires et les aéronefs que pour les objets spatiaux, un rattachement étatique s’est avéré
nécessaire. L’article 91 de la convention de Montego Bay, l’article 17 de la convention de
Chicago et l’article II de la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux évoquent la
procédure de l’immatriculation comme moyen de créer ce rattachement. Qualifier celui-ci de
« nationalité » pour les navires/aéronefs et non pour les objets spatiaux n’aurait eu un intérêt
que si elle entendait imposer que ce lien soit fondé sur des éléments de fait particuliers,
constituant un « lien substantiel ». Comme il va être démontré par la suite, le terme n’a
toutefois été consacré que pour des raisons de commodité ou d’habitude ; il s’agit donc d’un
choix terminologique, qui ne reflète aucune exigence normative particulière. Il n’y a pourtant
aucune différence réelle entre la « nationalité via l’immatriculation » des navires et aéronefs
et l’immatriculation tout court des objets spatiaux. Par ailleurs, les Etats sont libres de fixer
les conditions de mise en place de ce rattachement. Cette liberté est affirmée par le droit de la
mer et le droit de l’air, mais semble, prima facie, restreinte dans le droit de l’espace, qui
impose une règle internationale substantielle : l’Etat d’immatriculation doit être un Etat de
lancement. Etant donné la définition large de ce dernier, la liberté de l’Etat demeure
cependant dans les faits très importante.

48
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Engin Articles relatifs Termes consacrés Règle stipulée


Navires Convention de Montego Nationalité / Etat Les Etats fixent les conditions d'attribution
Bay, art. 91 (& du pavillon de leur nationalité, les conditions
Convention de Genève d'immatriculation et les conditions
sur la haute mer, art. 5) d’autorisation de battre pavillon. Les
navires possèdent la nationalité de l'Etat
dont ils sont autorisés à battre le pavillon.
Aéronefs Convention de Chicago Nationalité / Etat Les aéronefs ont la nationalité de l’Etat
1949, article 19 (& d’immatriculation dans lequel ils sont immatriculés ;
Convention de Paris, art. L’immatriculation ou le transfert
7) d’immatriculation d’aéronefs dans un Etat
contractant s’effectue conformément à ses
lois et règlements.
Objets Convention sur Etat Lorsqu’un objet spatial est lancé sur une
Spatiaux l’immatriculation des d’immatriculation / orbite terrestre ou au-delà, l’Etat de
objets spatiaux, art. II & Etat de lancement lancement l’immatricule au moyen d’une
Traité sur l’espace, art. inscription sur un registre approprié dont il
VIII assure la tenue ; La teneur du registre et les
conditions dans lesquelles il est tenu sont
déterminées par l’Etat d’immatriculation.
Tableau 1 Sur l’immatriculation des engins

SECTION II. L’interdiction de la double immatriculation et le rattachement


problématique à une organisation internationale

59. Une autre question fondamentale relative au rattachement des engins est de savoir si
ce dernier doit toujours être « national » et « unique ». D’une part, il importe de savoir s’il
faut nécessairement rattacher l’engin à un seul Etat ou s’il peut être simultanément rattaché à
plusieurs d’entre eux. A priori, le droit international interdit la « multinationalité » des engins.
D’autre part, il convient de déterminer si seuls les Etats peuvent assumer les responsabilités
d’un Etat d’immatriculation ou si une entité différente de lui, sujet également de l’ordre
juridique internationale, peut-elle également le faire. Autrement dit, une organisation
internationale peut-elle immatriculer « ses » navires, aéronefs ou objets spatiaux ? La
problématique n’est pas nouvelle et reste toujours d’actualité. Si le droit international
n’interdit pas l’immatriculation d’un engin par une organisation internationale ou tout autre
sujet qui ne serait pas un Etat, il semble imposer dans tous les cas un rattachement national
sous-jacent. Ce dernier est nécessaire étant donné les lacunes inhérentes à tout rattachement
liant l’engin à un sujet autre qu’un Etat. Un tel rattachement peut, en effet, s’avérer insuffisant
dès lors que l’entité liée à l’engin ne pourra pas exercer à son égard la plénitude des
compétences étatiques. Ces deux questions corollaires, celle du rattachement « multinational »

49
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

et celle du rattachement « international » sont envisagées de manière similaire mais pas


identique par le droit de la mer (§1), de l’air (§2) et de l’espace (§3).

§ 1. L’exclusivité du pavillon national en droit de la mer

60. Le droit de la mer interdit expressément la navigation sous « double » pavillon et


implicitement la double ou multiple immatriculation/«nationalité » (A). En ce qui concerne le
rattachement international, le régime semble encore assez incertain mais la pratique étatique
est plus concluante. Un rattachement exclusivement international ne peut être établi que de
manière exceptionnelle et casuistique (B).

A. L’interdiction du double pavillon par l’article 92 de la convention de Montego Bay et dans


la pratique des Etats

61. Le droit international de la mer interdit la navigation sous double pavillon, sans
préciser si cela signifie que le navire ne peut pas être rattaché à deux Etats simultanément.
L’article 92 de la convention de Montego Bay reprend à cet égard les termes de l’article 6 de
la convention de Genève 143. Les travaux préparatoires de cet article sont révélateurs d’une
certaine ambiguïté quant à l’utilisation du terme « pavillon » en lieu et place de celui
d’« immatriculation » 144. Le commentaire de la Commission du droit international sur la
question entretien la confusion : après avoir souligné que « l’absence de toute autorité sur les
navires traversant la haute mer conduirait au chaos » et que « l’un des compléments les plus
nécessaires du principe de la liberté de la mer est que le navire doit arborer le pavillon d’un
seul Etat et qu’il est soumis à la juridiction de cet Etat », il ajoute que « la double nationalité
d’un navire pourrait donner lieu à des graves abus au cas où le navire, pendant le même
voyage, se servirait de l’un ou de l’autre pavillon à sa convenance » 145. Il semble donc que
les termes « pavillon », « immatriculation » et « nationalité » du navire sont employés comme
synonymes. Ce n’est dès lors pas uniquement la navigation sous double pavillon qui est
interdite, mais également la double immatriculation, la double « nationalité » ; en bref, tout
143
Article 92 de la convention de Montego Bay : « 1. Les navires naviguent sous le pavillon d’un seul Etat […]
2. Un navire qui navigue sous les pavillons de plusieurs Etats dont il fait usage à sa convenance, ne peut se
prévaloir, vis-à-vis de tout Etat tiers, d’aucune de ces nationalités et peut être assimilé à un navire sans
nationalité ».
144
Voy. Annuaire de la Commission du droit international, 1956, vol. I, Comptes rendus analytiques de la
huitième session, 341ème séance, p. 41 : « M. KRYLOV considère que […] il doit [y] être question non des
pavillons, mais d’immatriculation ».
145
Il s’agit des commentaires des articles 30 et 31 respectivement du projet d’articles relatifs au droit de la mer.
Les articles 30 et 31 ont par la suite été regroupés pour devenir l’article 6 de la convention sur la haute mer de
1958. Annuaire de la Commission du droit international, 1956, vol. II, Rapport de la Commission, pp. 279 et
280.

50
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

rattachement simultané à deux ou plusieurs Etats, à l’exception de l’immatriculation parallèle


en cas d’affrètement coque nue 146, est prohibé. La pratique internationale quant aux navires
battant double pavillon est assez rare, mais très uniforme 147. Tout navire rattaché
simultanément à plus d’un Etat est considéré comme navire sans « nationalité ».
62. La prise en compte de cette interdiction par les législations maritimes nationales est
sans ambiguïté et manifeste la valeur coutumière de cette règle du droit international. Tous les
pays exigent en effet une preuve de la radiation dans le registre précédent avant
d’immatriculer le navire ; les législations nationales en font même une condition préalable
d’immatriculation, en n’acceptant que très rarement d’immatriculer un navire pour lequel ce
certificat de radiation n’a pas été déposé. Le problème de la preuve de radiation du registre
précédent et du transfert à un nouveau registre, désormais exclusif, est parfaitement illustré
dans le cas de changement de nationalité du navire suite à sa vente à un nouveau propriétaire.
Dans la pratique maritime, il est très fréquent que la « nationalité » d’un navire change par
suite de sa vente à un nouveau propriétaire, que ce dernier soit une personne physique ou
morale. Ce changement de nationalité peut être le résultat de la volonté du nouveau
propriétaire qui souhaite immatriculer son navire au registre de sa préférence, mais également
être obligatoire dans le cas d’une législation « traditionnelle » qui fait de la nationalité du
propriétaire une condition de la « nationalité » du navire. Il est intéressant d’analyser les
différentes étapes concrètes du passage d’un registre à un autre. Si la question du transfert de
propriété d’une personne privée à une autre est réglée par le droit privé 148, celle du transfert
de registre d’un Etat de « nationalité » à un autre est plus complexe.

146
Voy. infra §§ 111-114.
147
Voy. à titre d’exemple le cas du navire Joana qui pêchait en haute mer au large des côtes norvégiennes et fut
arraisonné le 29 juin 2006 par les gardes-côtes norvégiennes, qui se sont rendus compte que le navire naviguait
sous le pavillon du Togo, de la Guinée et du Sao-Tomé-et-Principe. Il avait, en outre, deux noms différents
(Kabou et Joana) et des documents de bord indiquant différentes « nationalités », différentes dates de
construction et différents ports d’attache. Il fut dès lors considéré comme sans nationalité, en vertu de l’article 92
§ 2 de la convention de Montego Bay et de l’article 21 § 17 de l’accord de 1995 aux fins de l’application des
dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la
conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements tant à l’intérieur qu’au-delà de zones
économiques exclusives (stocks chevauchants) et de stocks de poissons grands migrateurs (ci-après accord de
1995 sur les stocks de poissons). Voy. sur cette affaire et une comparaison avec d’autres affaires dans le même
sens : FIFE (R. E.), « Elements of Nordic Practice 2006 : Norvegian Measures Taken against Stateless
Conducting Unauthorized Fishing on the High Seas », Nordic Journal of International Law, vol. 76, 2007, pp.
301-303. Voy. également pour une analyse de la pratique moins récente : ANDERSON (A.W.), « Jurisdiction
over stateless vessels on the High Seas: An Appraisal under domestic and international law», op. cit. note 104,
pp. 323-342.
148
Concernant la vente du navire, d’un point de vue de droit privé, « en droit français et suivant une ancienne
doctrine, pourtant très discutée, le transfert de propriété du navire s’opère entre les parties par le seul échange
des consentements au moment de la rédaction de l’acte écrit (qui est obligatoire comme forme) ; par suite, à
partir de ce moment et avant toute immatriculation, les risques seront pour l’acheteur ». Voy. SAFA (P.), Droit
maritime, op. cit. note 76, p. 138.

51
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

La condition de la radiation du registre précédent semble plus simple à remplir qu’elle ne


l’est en réalité. Pour fournir un justificatif de radiation d’un registre afin d’immatriculer le
navire sur un nouveau registre, cette radiation doit en effet être effectuée à l’avance 149. Mais
si la nouvelle immatriculation n’intervient pas dans les heures, voire les minutes qui suivent la
radiation, le navire reste sans « nationalité » et donc sans Etat de pavillon. Une telle situation
est très délicate 150, et c’est la raison pour laquelle la pratique maritime met tout en œuvre afin
de l’éviter. Selon le PDG de la compagnie maritime 151 S. Livanos Hellas 152, il s’agit d’une
situation tellement incertaine que les gérants et armateurs des navires s’efforcent à tout prix
d’en prévenir le risque. Dans le cas d’une vente de navire et du transfert de son
immatriculation entraînant la modification de sa nationalité, la suppression du navire d’un
registre et son immatriculation à l’autre doivent donc se faire simultanément. L’acheteur et le
vendeur ont chacun leurs représentants présents devant les deux autorités chargées de
l’administration des registres maritimes en cause (l’heure du transfert est d’ailleurs choisie de
manière à rendre possible la procédure simultanée malgré un éventuel décalage horaire) et la
suppression du navire du registre, par exemple grec, ne se fait pas tant que son inscription au
registre, par exemple japonais, n’a pas été confirmée par fax - et inversement. Ainsi, le
justificatif de radiation du registre précédent est fourni à l’autorité compétente de la nouvelle
immatriculation au moment même où celle-ci effectue celle-là 153. Par ailleurs, certains
registres exigent, le cas échéant, une déclaration sur l’honneur du propriétaire ou du gérant du
149
Cf. convention de 1993 sur les privilèges et hypothèques maritimes (pas encore en vigueur) dont l’article 3
stipule : « Les Etats ont l’obligation de ne pas autoriser le propriétaire à faire radier un navire que si la totalité
des hypothèques, « mortgages » ou droits inscrits est préalablement purgée ou si tous les propriétaires de ces
hypothèques, « mortgages » ou droits inscrits ont donné leur consentement par écrit ; ils ont également
l’obligation d’empêcher la double immatriculation des navires ». La même obligation pèse sur les Etats afin
d’autoriser un navire immatriculé chez eux à battre temporairement le pavillon d’un autre Etat (article 16).
150
Cf. remarque du juge NELSON dans son opinion individuelle à l’affaire Saiga 2 : « traiter des navires se
trouvant dans les conditions où se trouvait le SAIGA comme étant dépourvus de nationalité et par conséquent
« apatrides » pourrait avoir des répercussions fâcheuses sur la préservation de l’ordre juridique des mers et des
océans, et, peut-être également, pour le droit maritime privé », p. 6 de son opinion et note de bas de page n° 4.
151
La compagnie maritime ou compagnie de navigation maritime est un groupement privé exploitant le navire.
Elle prend l’une des formes des sociétés commerciales traditionnelles. Dans le monde maritime on constate de
plus en plus la disparition des armateurs individus auxquels se substituent des sociétés privées. SAFA (P.), Droit
maritime, op. cit. note 76, pp. 235-237.
152
Propos cueillis le 10 août 2008, lors d’un entretien avec M. J. A, PDG de la compagnie maritime S.
LIVANOS HELLAS.
153
Il en va de même pour la première immatriculation d’un nouveau navire. Ce dernier peut se trouver dans un
chantier naval n’importe où dans le monde, mais son immatriculation sur un registre national s’effectue au même
moment que sa délivrance à son nouveau propriétaire. La délivrance du certificat de nationalité par le registre
national est en effet simultanée avec la signature par le propriétaire du Protocol of delivery and acceptance qui
rend définitive la vente du navire. Prenons l’exemple d’un navire, commandé par un armateur grec et construit
dans un chantier naval en Corée. Le représentant du propriétaire signe le Protocol of delivery and acceptance à
8 : 00 a.m heure locale en Corée, alors que l’autorité portuaire compétente du port d’attache délivre au même
moment le certificat de nationalité du navire à 2 :00 a.m heure locale en Grèce. Ainsi, le navire peut quitter le
chantier toute de suite et être exploitable commercialement dans la journée même, en arborant d’ores et déjà le
pavillon grec.

52
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

navire qu’il s’engage à radier le navire de son registre précédent dans la période de 30 jours
qui suit l’immatriculation provisoire.
63. Cette preuve de radiation du registre précédent est donc doublement opportune : d’une
part, elle assure le respect de l’article 92 de la convention de Montego Bay ; d’autre part, elle
clarifie définitivement le rattachement du navire à tel ou tel Etat. Si ce n’est pas le cas, les
conséquences peuvent être fâcheuses, notamment en raison de l’ambiguïté entretenue par la
rédaction de l’article 92, qui ne fait pas clairement la distinction entre interdiction de double
pavillon et interdiction de double immatriculation. Un exemple de la confusion possible est
fourni par l’affaire du navire Teguise 154. En l’espèce, un navire de pêche régulièrement
enregistré au Costa Rica et arborant pavillon costaricien avait auparavant été immatriculé au
Vanuatu et n’était pas radié de ce premier registre. L’administration française des douanes 155
considérait dès lors que le navire était vanuatien et qu’en conséquence le fait de hisser
pavillon costaricien était contraire au droit international. Cependant, le tribunal de première
instance, la cour d’appel 156 et la Cour de Cassation ont rejeté les arguments de cette
administration en soulignant qu’il « importe peu que le navire soit resté dans le même temps
(c’est-à-dire pendant qu’il était immatriculé au Costa Rica et battait son pavillon) immatriculé
au Vanuatu, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il ait navigué sous le pavillon de cet Etat ». Si
de lege ferenda la conclusion de la Cour de Cassation ne nous étonne pas, dès lors que le
Teguise ne cherchait pas à arborer tantôt le pavillon du Vanuatu tantôt celui du Costa Rica
selon sa convenance – ce qui constituerait une violation manifeste de l’article 92 – et que sa
double immatriculation était apparemment due à une omission de radiation, l’argumentation
lapidaire de la Cour nous laisse néanmoins perplexe. Aucune considération relative à la
relation entre double immatriculation et double pavillon n’est exprimée, ce qui conduit à
penser que, selon la Cour de Cassation de France, un navire peut battre pavillon d’un Etat et
être immatriculé dans un autre, s’il est établi qu’il ne navigue pas aussi sous le pavillon de ce

154
Cour de Cassation (Ch. com.), affaire du navire Teguise, arrêt du 16 juin 2004, Bulletin 2004 IV, n° 124, p.
127 et DMF, n° 658, 2005, pp. 433-436 ; observations BEURIER (J-P.), « Sur la preuve non rapportée du
« cumul de pavillon » d’un navire de pêche afin de bénéficier d’un régime d’importation préférentiel », pp. 436-
438.
155
L’implication de l’administration française s’explique comme suit : le navire avait pêché des longes de thon
dans la ZEE du Costa Rica et ces longes avaient été importées en France comme provenant du Costa Rica. Par
conséquent elles étaient taxées à un tarif douanier préférentiel puisque exportées d’un Etat ACP (application des
conventions de Lomé). L’administration française ayant cependant conclu que le navire était vanuatien et que
donc il cumulait les pavillons de manière interdite par le droit international, elle refusait de lui octroyer les droits
préférentiels, dès lors que selon le droit communautaire ceux-ci ne peuvent s’appliquer qu’à des navires
immatriculés auprès d’un seul Etat.
156
Cour d’appel de Douai, arrêt du 30 septembre 2000.

53
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

dernier Etat 157. Ce mode de raisonnement ne correspond pas au droit international actuel qui
associe immatriculation et rattachement des engins aux Etats. L’argument de l’administration
française n’était donc pas non fondé 158 et méritait une analyse plus longue et plus claire de la
part de la Cour de Cassation. Si cette dernière semble avoir fondé sa décision sur la ratio legis
de l’article 92 de la convention de Montego Bay, elle a ignoré les nombreux problèmes
juridiques que peuvent découler d’une jurisprudence qui dissocie avec une telle facilité
immatriculation et « nationalité » du navire.
64. Malgré des exemples isolés tel que celui de l’affaire Teguise, l’interdiction expresse
du double pavillon doit être considérée comme allant de pair avec celle – implicite – de la
double immatriculation attributive de « nationalité », qui est généralement acceptée en tant
que règle coutumière. Chaque navire doit en effet être rattaché à un seul Etat de pavillon.

B. Le cas particulier du rattachement « international » des navires

65. La principale difficulté d’un pavillon « international » tient à la juridiction exercée à


l’égard du navire par l’organisation internationale. L’immatriculation en soi ne pose pas de
problème en tant qu’acte administratif. Une organisation internationale peut établir son propre
registre et y immatriculer les engins lui appartenant. Mais des enjeux pratiques et juridiques
importants apparaissent par la suite. Le pavillon implique le rattachement à un ordre juridique
particulier dont les règles de droit civil, pénal ou administratif s’appliqueront au bord de
l’engin. Dès lors, il est difficilement concevable qu’une organisation internationale puisse
exercer une juridiction complète sur un engin et son équipage. Même dans l’hypothèse où
l’organisation internationale désignerait un droit national applicable à ses engins ou encore
établirait un ensemble de normes régissant leurs activités, cette juridiction serait toujours
partielle, en tout cas en ce qui concerne la mise en œuvre de ces normes.

157
C’est en effet la conclusion qu’en tire Mme CORBIER dans CORBIER (I.), « Le lien substantiel : expression
en quête de reconnaissance », ADMO, t. 26, 2008, p. 279.
158
Contrairement à ce que soutient M. BEURIER qui « s’étonne de la persévérance de l’administration des
Douanes à présenter des moyens non fondés » dans ses observations, DMF, n° 658, 2005, p. 437.

54
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

66. Concernant les navires 159, l’article 93 de la convention de Montego Bay stipule : « les
articles précédents ne préjugent en rien la question des navires affectés au service officiel de
l’ONU, de ses institutions spécialisées ou de l’Agence internationale de l’énergie atomique
battant pavillon de l’organisation ». Il s’agit donc d’une approche énumérative 160 – puisque
les autres organisations internationales ne sont pas envisagées – et ambiguë, puisque aucune
réponse claire n’est apportée à la question. Dans la pratique, certaines organisations
internationales, notamment l’ONU mais également la CICR ou l’Agence européenne pour la
sécurité maritime, attribuent leur pavillon. Pour autant, les navires continuent quasiment
toujours d’arborer leur pavillon national. Dans les rares exemples où ce n’est pas le cas,
l’accord de l’Etat d’immatriculation est toujours exigé et le « rattachement » à l’organisation
internationale est provisoire, c’est-à-dire effectué pour une mission spéciale 161. Le navire
retrouve donc sa « nationalité » d’origine par la suite.
67. Il est prévu dans le modèle d’accord entre l’ONU et les Etats membres qui fournissent
du personnel et de l’équipement aux opérations de maintien de la paix que « [l]es aéronefs/
navires conservent leur immatriculation nationale mais à la demande de l’ONU et à ses frais
le Gouvernement y appose l’emblème de l’Organisation et les peint aux couleurs de
l’Organisation » 162. Dans la majorité des cas, le pavillon de l’organisation internationale
coexiste donc avec le pavillon national. La juridiction effective appartient à l’Etat du pavillon
qui exerce sa compétence civile et pénale à bord du navire. Lorsqu’en revanche seul le
pavillon de l’organisation internationale est arboré, plusieurs hypothèses ont été envisagées

159
Voy. SAVADOGO (L.), « Les navires battant pavillon d’une organisation internationale », AFDI, 2007, pp.
640-672 ; SOTTILE (A.), « L’ONU a-t-elle le droit de posséder des navires? », Revue de droit international, de
sciences diplomatiques et politiques, vol. XXXIV, 1965, pp. 280-281 ; LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.),
Droit de la mer, op. cit. note 13, pp. 112-116 ; CHURCHILL (R. R.) & LOWE (A. V.), The law of the sea, 3rd
ed., Juris Publishing, Manchester University Press, Manchester, 1999, pp. 262-263 ; McDOUGAL (M. S.) &
BURKE (W. T.), The Public Order of the Oceans, op. cit. note 34, pp. 15-16 et 73-77; SCHERMERS (H. G.) &
BLOKKER (N. M.), International Institutional Law. Unity within Diversity, Martinus Nijhoff Publishers, 4th
revised edition, Boston, Leiden, 2003, pp. 1192-1193; MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50,
pp. 325-330; COGLIATI-BANTZ (V.), Means of transportation registered by international organizations,
Genève, 2009 (thèse de doctorat sous la supervision de M. CAFLISCH Lucius, Graduate Institute of
International Studies) consultable à la bibliothèque de l’Institut de hautes études internationales et du
développement (IHEID).
160
Pour une critique de cette approche voy. SAVADOGO (L.), « Les navires battant pavillon d’une organisation
internationale », op. cit. note 159, p. 647.
161
Nous pouvons citer en tant qu’exemples les navires affectés au désengagement du canal de Suez pour lesquels
l’utilisation du pavillon des Nations Unies était régie par un échange de lettres constituant accord entre l’ONU et
le gouvernement égyptien et les navires de la Force d’urgence des Nations Unies en Egypte. Il s’agissait de
navires affrétés par l’ONU ou mis à sa disposition par des Etat participants ou tiers afin de transporter troupes et
matériel. Ils arboraient le pavillon onusien parfois seul (le gouvernement yougoslave a ainsi transporté le
contingent qu’il a fourni à l’UNEF sur ces propres bâtiments, mais qui, avec l’assentiment du Secrétaire général,
battaient exclusivement le pavillon ONU) parfois avec le pavillon national (porte-avions canadiens).
162
SAVADOGO (L.), « Les navires battant pavillon d’une organisation internationale », op. cit. note 159, p. 652

55
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

par la doctrine 163 : « les organisations internationales pourraient tirer l’indispensable


régulation juridique du droit interne de leurs Etats membres ; elles pourraient également
l’élaborer et l’adopter de manière autonome ; elles pourraient enfin appliquer une solution
hybride » 164. Dans l’état actuel de la pratique, la question ne peut être traitée qu’au cas par
cas. Les facteurs entrant en jeu sont, de toute façon, nombreux : la nationalité de l’équipage,
le statut de l’organisation internationale, la volonté des Etats membres. La solution du
« double pavillon » est donc a priori privilégiée, permettant de maintenir le rattachement du
navire à son Etat du pavillon, même si celui-ci est au service d’une organisation
internationale.
68. Il convient de mentionner également la tentative de l’Union européenne 165 de
développer un pavillon Euros 166 afin d’harmoniser les conditions d’exploitation des navires
des Etats membres. Ce pavillon devrait se superposer aux pavillons nationaux, afin de
soumettre tous les navires « communautaires » aux mêmes conditions économiques, sans
aucune implication sur la souveraineté de l’Etat du pavillon. En effet, le fait de battre pavillon
« communautaire » en plus d’un pavillon national n’affecte en rien les droit réels et les
privilèges maritimes, ni les questions relevant du droit public, administratif ou pénal qui
restent régies par les lois de l’Etat membre du pavillon. Dans ce cas également, les deux
pavillons, national et communautaire, coexisteraient alors.
69. Il est donc clair qu’en l’état actuel du droit international, l’immatriculation d’un navire
par une organisation internationale est possible, mais également que le rattachement ainsi créé
n’est pas considéré comme aussi complet que celui à un Etat. Une telle immatriculation est

163
Voy. aussi SINGH (N.), « International Law problems of merchant shipping », RCADI, t. 107, vol. 3, 1962, p.
134-156; SORENSEN (M.), Manual of Public International Law, MacMillan, New York, 1968, pp. 259-260.
164
SAVADOGO (L.), « Les navires battant pavillon d’une organisation internationale », op. cit. note 159, p. 663
165
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, l’Union européenne est dotée d’une
personnalité juridique unique et il n’y dès lors plus lieu de distinguer entre la Communauté européenne et l’
Union européenne. Ci-après, l’appellation Communauté européenne sera toutefois retenue pour les
développements concernant le droit communautaire et la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés
européennes (devenue désormais Cour de Justice de l’Union Européenne) avant l’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne.
166
Voy. BROWNRIG (M.), « EUROS flag and related issues », Journal of law and economics, vol.XXVIII, n°3,
1993, pp. 400-405 ; VAN LAERE (C.), « Quelques réflexions à propos de l’octroi du pavillon aux navires des
Etats membres de la CEE », Thesaurus Acroasium, vol. 7, 1977, pp. 547-551 ; CHAUMETTE (P.), « Le droit
social des gens de mer », in Droits maritimes, BEURIER (J.-P.) dir., Dalloz, Paris, 2009-2010, pp. 433-434 :
« En 1989 la Commission s’était efforcée d’encadrer la floraison prévisible des registres bis nationaux et
d’impulser une politique communautaire en proposant un registre EUROS. Il s’agissait d’ajouter une
immatriculation communautaire à l’immatriculation nationale, seule attributive de pavillon, de permettre
l’exonération fiscale des revenus des marins communautaires naviguant sous registre EUROS, d’harmoniser les
registres bis puis les conditions nationales d’immatriculation des navires ainsi que la composition des équipages
des navires d’au moins 500 tonneaux. Faute de subventions à l’emploi de navigants communautaires le projet ne
pouvait évoluer que vers l’emploi de ressortissants tiers, aux conditions de leurs pays d’origine. Ce projet fut
abandonné. Il est apparu trop rigide aux armateurs qui ont préféré obtenir des solutions nationales ; il est
apparu trop laxiste aux syndicats de marins européens » (c’est nous qui soulignons).

56
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

dès lors presque toujours assortie d’une immatriculation traditionnelle sur un registre étatique,
ou alors elle est provisoire. Cependant, un rattachement exclusivement « international » n’est
pas non plus définitivement exclu. Si l’Union européenne évolue vers des schémas encore
plus supranationaux, voire fédératifs, et si les Etats membres continuent de lui transférer des
compétences souveraines en matière de navigation internationale et d’exercice de juridiction
sur les engins, il est fort probable que cette organisation sui generis puisse assumer
entièrement le rôle d’un Etat du pavillon. A ces fins, il faudrait, néanmoins, qu’elle atteigne
un niveau d’autonomie inédit. Il semble que même dans le cadre de l’Union européenne, il est
encore trop tôt pour envisager de telles solutions.

§ 2. L’exclusivité de l’immatriculation des aéronefs et ses limites

70. L’interdiction de la double immatriculation des aéronefs constitue une règle


internationale claire et uniformément appliquée par les Etats (A). Le rattachement
international est, en revanche, envisagé par le droit aérien sous un angle plus particulier (B).

A. L’interdiction de la double immatriculation des aéronefs par l’article 18 de la convention


de Chicago et dans la pratique des Etats

71. Contrairement à la convention de Montego Bay qui n’interdit qu’implicitement la


double immatriculation, celle de Chicago l’exclut formellement. L’article 18 permet le
transfert d’immatriculation, mais interdit expressément l’immatriculation simultanée dans
plus d’un Etat. L’article 8 de la convention de Paris précisait déjà qu’un aéronef ne pouvait
être valablement immatriculé dans plusieurs Etats. Les Etats s’engageaient à échanger entre
eux et à transmettre à la commission internationale de navigation aérienne des copies des
inscriptions et radiations d’inscriptions effectuées sur leur registre matricule 167. La règle de
l’exclusivité de l’immatriculation étatique a une valeur coutumière indéniable. La pratique des
Etats est uniforme à cet égard. Les législations nationales relatives à l’immatriculation des
aéronefs prévoient toujours explicitement que l’aéronef ne peut pas être immatriculé dans un
autre pays lors de la demande d’immatriculation ; dans le cas contraire, cette immatriculation
précédente doit être radiée et une preuve doit en être fournie.
72. En ce sens, le Code de l’aviation civile français prévoit qu’un aéronef immatriculé à
l'étranger ne peut être inscrit sur le registre français qu'après justification de la radiation de

167
Convention du 13 octobre 1919 portant réglementation de la navigation aérienne, article 9.

57
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

son inscription sur le registre étranger 168. De même, l’arrêté royal belge du 15 mars 1954
dispose qu’un aéronef immatriculé à l’étranger ne pourra l’être ultérieurement en Belgique
que sur production d’un certificat de radiation de l’immatriculation étrangère. De plus,
l’immatriculation d’un aéronef à l’étranger, alors qu’il reste inscrit sur la matricule belge, est
sans effet au regard du droit belge. La législation japonaise stipule, par ailleurs, expréssement
que tout aéronef qui a la nationalité d’un autre pays n’est pas éligible à l’immatriculation 169 et
que sa radiation du registre japonais est automatique si la propriété de l’aéronef change après
son immatriculation et passe à des intérêts étrangers 170. Enfin, lorsqu’un aéronef immatriculé
au Canada change de propriétaire, son immatriculation est annulée et le propriétaire enregistré
doit en avertir Transports Canada par écrit dans les sept jours qui suivent le changement. Il
est dès lors clair qu’un aéronef ne peut être rattaché à plus d’un Etat simultanément. Le droit
international et la pratique étatique sont sans équivoque en ce qui concerne l’interdiction de la
double ou multiple immatriculation des aéronefs.

B. Le cas particulier du rattachement « international » des aéronefs

73. La convention de Chicago se réfère à une forme d’immatriculation internationale


spécifique 171. Aux termes de son article 77 172, les Etats contractants peuvent constituer pour
des transports aériens des organisations d’exploitation en commun ou des organismes
d’exploitation. Toutefois, ces organisations/organismes sont soumis à toutes les dispositions
de la convention de Chicago ; il appartient dès lors au Conseil de l’OACI de déterminer les
modalités d’application des dispositions concernant la nationalité des aéronefs aux engins
exploités par ces organismes. Ces derniers étaient considérés comme des créations sui
generis, propriétaires eux-mêmes des aéronefs exploités pour lesquels une solution concernant

168
Article L121-5 du Code d’aviation civile.
169
Civil Aeronautics Law of Japan, article 4, § 2.
170
Ibidem, article 8.
171
Sur cette question : MILDE (M.), « Nationality and registration of aircraft operated by joint air operating
organization or international operating agencies », Annals of Air and Space Law, vol.10, 1985 pp. 133-153; EL-
HUSSAINY (K.) ,« Registration and nationality of aircraft operated by international agencies in law and
practice », Air Law, vol. 10, 1985, pp. 15-27; BEREZOWSKI (C.), « Le développement progressif du droit
aérien », op. cit. note 22, pp. 46-47; HERBERT (P. P.), Les problèmes juridiques du rattachement des aéronefs
civils à l’Etat, op. cit. note 42, pp. 165-176 ; DIEDERIKS-VERSHOOR (I. PH. PH.), « International Co-
operation and its Implications for Aircraft Registration and Nationality », Annals of Air and Space Law, vol. 19,
1994, pp. 145-159 ; CHENG (B.), « Nationality and registration of aircraft, article 77 of the Chicago
Convention », Journal of Air Law and Commerce, 1966, pp. 551-563 ; FITZGERALD (G. F.), « Nationality and
registration of aircraft operated by international operating agencies and article 77 of the Convention on
international civil aviation », The Canadian Yearbook of International Law, 1964, pp. 193-216.
172
Voy. sur cet article : MANKIEWICZ (H.), « L’organisation de l’aviation civile internationale : Interprétation
et application de l’article 77 de la Convention de Chicago. Décisions du sous-comité des problèmes de
nationalité et d’immatriculation des aéronefs exploités par des organismes internationaux », AFDI, 1967, pp.
487-500.

58
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

l’immatriculation était dès lors indispensable. En revanche, les organisations d’exploitation en


commun pouvaient obéir aux règles ordinaires de la convention de Chicago sur
l’immatriculation, dès lors que les aéronefs continuaient à appartenir à des personnes privées
distinctes de l’organisation 173. Il en va ainsi de la compagnie Scandinavian Airlines, qui est
une exploitation en commun des moyens matériels et juridiques et dont les aéronefs n’ont pas
une immatriculation commune mais sont immatriculés dans les trois pays participants –
Suède, Danemark, Norvège – selon que la société qui en est propriétaire a la nationalité
suédoise, danoise ou norvégienne. Finalement, le comité d’experts de l’article 77, créé par le
Conseil de l’OACI le 16 mars 1960, a décidé que les entreprises d’exploitation en commun et
les organismes internationaux d’exploitation au sens de l’article 77 peuvent être utilisés d’une
manière interchangeable 174.
Dès 1964, suite à une demande du comité des ministres de la compagnie Air Afrique -
structure juridique originale formée en 1960 et correspondant à la définition d’organisme
d’exploitation - le comité juridique de l’OACI s’est penché sur la question de savoir si
l’article 77 permettait une immatriculation commune exclusivement internationale, malgré
l’incompatibilité manifeste d’un tel rattachement avec les articles 17 et 19 de la convention de
Chicago 175. Le rapport du comité juridique a été repris par la « Résolution sur la Nationalité et
l’Immatriculation des Aéronefs Opérés par des Agences Internationales » adoptée à
l’unanimité par le Conseil de l’OACI le 14 décembre 1967. En vertu de cette résolution
(appendice 1) : « l’expression immatriculation commune désigne un système
d’immatriculation des aéronefs selon lequel les Etats constituants d’un organisme
international d’exploitation établiraient un registre autre qu’un registre national aux fins
d’immatriculation commune des aéronefs qui seraient exploités par ledit organisme et
l’expression immatriculation internationale désigne le cas où les aéronefs qui seraient
exploités par un organisme international d’exploitation seraient immatriculés non sur une
base nationale mais par une organisation internationale […] que ladite organisation
internationale […] soit ou non composée des mêmes Etats que ceux qui constituent
l’organisme d’exploitation ». Le Conseil a également décidé que chaque aéronef portant une
immatriculation commune ou internationale est, au sens de la convention, considéré comme
possédant la nationalité de chaque Etat membre de l’organisme international d’exploitation.
Cependant, les fonctions de droit public qui incombent à l’Etat d’immatriculation en vertu de

173
Voy. sur ce HERBERT (P. P.), op. cit. note 42, p. 216.
174
Ibidem, p. 227.
175
Voy. sur ce BRETON (J. M.), « La nationalité des aéronefs : pour une remise en cause d’une notion
discutable », Revue générale de l’air et de l’espace, n° 3, 1970, pp. 259-262.

59
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

la convention de Chicago, sont exercées non pas en commun mais par le seul Etat qui tient le
registre commun 176. En raison de l’absence de pratique relevant de l’article 77 et de la
résolution de l’OACI – les précédents sont peu nombreux 177 et pas uniformes dès lors qu’une
décision spéciale du Conseil est obligatoire pour chaque cas différent – il est difficile de
savoir si cette structure met véritablement en place un rattachement «international » ou
« multinational ». Car s’il est prévu que l’immatriculation par un organisme d’exploitation
commune est incompatible avec une immatriculation sur une base nationale, il est également
stipulé que les fonctions de l’Etat d’immatriculation incombent à l’Etat qui tient le registre
commun. Dès lors, même lorsque la disposition en cause est utilisée, les aéronefs demeurent
immatriculés sur le registre d’un Etat. C’est le cas des aéronefs exploités par Air Afrique, qui
sont immatriculés en Côte d’Ivoire et de ceux de la SAS, qui sont immatriculés dans un de
trois Etats concernés, Danemark, Norvège ou Suède. La question demeure donc encore
aujourd’hui plus théorique que pratique 178. Il nous semble cependant que, d’une manière ou
d’une autre, le rattachement à un Etat est toujours recherché, même s’il est rampant ; à ce jour
en tous les cas, l’immatriculation « internationale » ne se conçoit que si un certain
rattachement étatique continue d’exister 179.
74. En dehors de l’article 77, la question se pose également de savoir si une organisation
internationale quelconque peut immatriculer des aéronefs et leur attribuer son pavillon.
L’hypothèse n’est pas envisagée par la convention de Chicago mais peut exister en pratique.
L’ONU par exemple a pu affréter ou acheter des aéronefs 180. En cas d’affrètement a priori,
aucun problème juridique ne se pose. L’aéronef continue à être immatriculé sur le registre de
l’Etat dont il possède la « nationalité ». La situation se complique en revanche en cas d’achat

176
Résolution OACI-Doc. 8722-C/976 ; doc. OACI 8704 LC/155 Annexe C, §§ 4 et 8 ; doc. 8707-C/974. Voy.
pour une présentation détaillée de la résolution : MARCOFF (M.G.), Traité de droit international public de
l’espace, op. cit. note 27, p. 470 et HERBERT (P. P.), op. cit. note 42, p. 243.
177
Les précédents les plus importants sont celui d’Air Afrique de 1961, d’Arab Air Cargo de 1983 et de SAS
(Scandinavian Airlines), fondée en 1946.
178
Dans le même sens voy. HUANG (J.), Aviation Safety through the Rule of Law: ICAO’s Mechanisms and
Practices, Aviation Law and Policy Series, Kluwer Law International, 2009, p. 32.
179
Cf. par exemple article 18 de la convention de Tokyo de 1963 en vertu duquel : « Si les Etats contractants
constituent pour le transport aérien des organisations d’exploitation en commun ou des organismes
internationaux d’exploitation et si les aéronefs utilisés ne sont pas immatriculés dans un Etat déterminé, ces
Etats désigneront, suivant les modalités appropriées, celui d’entre eux qui sera considéré, aux fins de la présente
Convention, comme Etat d’immatriculation ». Contre la position que le rattachement national est toujours
nécessaire voy. BRETON (J. M.), « La nationalité des aéronefs : pour une remise en cause d’une notion
discutable », op. cit. note 175, p. 272 et VIDELA ESCALADA (F. N.), « Nationality of Aircraft : A Vision of
the Future », in Air and Space Law : De lege ferenda. Essays in Honour of Henri A. Wassenbergh, MASSON-
ZWAAN (T.L.) & MENDES DE LEON (P.M.J.) eds., Nijhoff, Dordrecht, Boston, London, 1992, pp. 78-80.
L’auteur considère comme pertinente de lege ferenda l’immatriculation sur une base non-nationale, mais il se
demande si elle est viable.
180
Voy. BEREZOWSKI (C.), « Le développement progressif du droit aérien », op. cit. note 22, p. 47.

60
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

d’un aéronef. Etant donné que le pavillon onusien n’est pas toujours un « double pavillon »
coexistant à un rattachement national 181, des problèmes juridiques identiques à ceux qui se
sont posés dans le droit de la mer sont apparus. Dans la pratique, il demeure quasiment
impossible d’envisager une immatriculation auprès d’une organisation internationale qui ne
soit pas accompagnée d’un rattachement national 182. Pour des raisons de conflit de droit
applicable et de choix de la juridiction pénale et civile, l’aéronef devra avoir une
« nationalité » qui le rattache à un Etat, même s’il navigue pour le compte d’une organisation
internationale telle que l’ONU. L’immatriculation « internationale », si elle existe, ne doit pas
être exclusive ; a priori elle devrait coexister avec l’immatriculation sur le registre étatique.
Dans le cas contraire des problèmes juridiques importants peuvent surgir, auxquels on ne peut
pas encore trouver des solutions claires et uniformes. Le développement progressif du droit
aérien pourrait éventuellement conduire vers une immatriculation exclusivement
internationale ; à l’heure actuelle, celle-ci semble encore difficilement praticable.

§ 3. L’immatriculation « internationale » des engins spatiaux et ses limites

75. Le rattachement des objets spatiaux à deux Etats simultanément est envisagé de
manière plus ambiguë qu’en droit de l’air (A). Si le droit spatial semble accepter plus
facilement l’existence d’un rattachement exclusivement international, celui-ci demeure dans
la pratique, problématique (B).

A. Un rattachement « multinational » : droit et pratique

76. Contrairement au droit de l’air, le droit spatial n’interdit pas expressément la double
immatriculation et dès lors le rattachement à plusieurs Etats. Cependant, l’article II de la
convention sur l’immatriculation des objets spatiaux stipule que « lorsque, pour un objet

181
Voy. à titre d’exemple le document OACI. PE/77 77, Document de travail n° 3 30.5.60 additif ; Le directeur
du bureau juridique des Nations Unies se prononce sur l’avion dont disposait la commission des Nations Unies
pour la Corée : « Lorsque les Nations Unies ont acquis cet aéronef ce dernier portait les marques
d’immatriculation de Hong-Kong. Il y a de fortes chances pour que l’aéronef après qu’il ait été acquis par les
Nations Unies ait été exploité sans immatriculation nationale puisque les seules marques qu’il portait étaient les
suivantes : les mots Nations Unies de chaque côté du fuselage, les lettres NU sous les ailes et le drapeau des
Nations Unies et les lettres NU 99 de chaque côté du gouvernail » ; Voy. également document OACI LC/SC
Article 77, document de travail 2 24.2.65 sur les avions utilisés pour le Congo : « L’ONU a acheté beaucoup
d’aéronefs à des Etats selon les prescriptions des lois nationales relatives à l’immatriculation des aéronefs
d’Etat, ces aéronefs peuvent ou ne peuvent pas être immatriculés lors de leur achat. Toutefois je présume que
dans le cas d’aéronefs effectivement immatriculés au moment où l’ONU les achète, leurs immatriculations
nationales devaient expirer par suite du transfert de propriété. Il semble donc probable que ces aéronefs bien
qu’ils aient été utilisés par l’ONU n’avaient pas d’immatriculation nationale. Lorsque l’ONU en était
propriétaire, tous ces aéronefs n’étaient munis que de marques distinctives et de numéros d’identification des
Nations Unies » cités par HERBERT (P. P.), op. cit. note 42, pp. 173-174.
182
Dans ce sens, HONIG (J. P.), The legal status of aircraft, op. cit. note 22, p. 51.

61
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

spatial lancé sur une orbite terrestre ou au-delà, il existe deux ou plusieurs États de
lancement, ceux-ci déterminent conjointement lequel d'entre eux doit immatriculer ledit objet
[…] ». Il semble donc qu’un objet spatial ne puisse être rattaché à plusieurs Etats de
lancement simultanément. Un seul Etat d’immatriculation doit être choisi et il sera, a priori,
« responsable » de l’engin en cause. Néanmoins, si la double immatriculation semble ainsi
exclue, la situation est moins claire en droit spatial qu’elle ne l’est dans le droit de la mer ou
de l’air.
Cela est dû au fait que les objets spatiaux sont des engins plus complexes que les navires
ou les aéronefs 183. Des exemples de plus en plus nombreux montrent l’ambiguïté croissante
de la question de l’immatriculation de ces objets. La navette spatiale (shuttle) a été la
première à poser un problème juridique important. Transportant des satellites et autre cargo
immatriculés dans divers Etats, les immatriculations différentes de chaque élément et de la
navette coexistent pendant le vol spatial 184. Il peut, désormais, y avoir « plusieurs » Etats
d’immatriculation pour un même lancement, puisque l’Etat d’immatriculation de la fusée est
différent de celui du satellite et des charges utiles qu’elle porte 185. La question s’est à nouveau
posée concernant la Station Spatiale Internationale que les Etats ont décidé de ne pas
considérer comme un objet unifié 186. En effet, selon l’accord intergouvernemental du 29
janvier 1998 sur la coopération relative à la Station Spatiale Internationale civile (ci-après
IGA) 187, « chaque partenaire immatricule en tant qu’objets spatiaux les modules de vol qu’il
fournit, tels qu’énumérés dans l’annexe » 188. Le même article de l’accord spécifie que les 11

183
Voy. sur la navette spatiale (shuttle), GOROVE (S.), Developments in Space Law: Issues and Policies,
Utrecht Studies in Air and Space Law, vol.10, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, Boston, London, 1991, p.
201 ; SLOUP (G. P.), « The aerospace vehicle as a legal concept on final approach », op. cit. note 25, pp. 433-
442, qui explique que chaque véhicule spatial est constitué de l’orbite, le tank extérieur (ET) et deux solid rocket
boosters (SRBs). Deux minutes après le lancement, les SRBs sont séparés de l’ET auquel ils étaient attachés.
Huit minutes et trente secondes après le lancement les « space shuttle main engines » de l’orbite se décollent.
Ensuite l’ET se sépare de l’orbite qui devient un objet séparé. Neuf minutes après le lancement donc c’est lui qui
devient le véhicule spatial entier.
184
GOROVE (S.), Developments in Space Law: Issues and Policies, op. cit. note 183, p. 201 et GOROVE (S.),
« International space law in perspective - Some major issues, trends and alternatives », RCADI, t. 181, vol. 3,
1983, pp. 383-386
185
Voy. sur ce KERREST (A.), « La notion d’Etat de lancement à la lumière des évolutions de l’activité
spatiale », Présentation devant le sous-comité juridique du COPUOS, 39ème session, avril 2000, p. 3.
186
ZHUKOV (G. P.), « Registration and jurisdiction aspects of the international space station », in L’adaptation
du droit de l’Espace à ses nouveaux défis, Mélanges en l’honneur de Simone Courteix, KERREST (A.) dir.,
Pedone, Paris, 2007, pp. 119-124.
187
Intergovernmental Agreement du 29 janvier 1998 conclu entre le Canada, le Japon, la Russie, les Etats-Unis
et les Etats membres de l’ASE concernant la coopération sur la Station Spatiale Internationale et suivi par quatre
MOU (Memorandum of Understanding) signés entre la NASA et les agences des partenaires européens, le
Japon, le Canada et la Russie. L’accord est consultable sur [http://lois.justice.gc.ca/PDF/Statute/C/C-31.3.pdf]
sur la loi canadienne de mise en œuvre de l’accord ; consulté le 11 octobre 2009/ dernière mise à jour 9 février
2011.
188
Article 5 de l’IGA.

62
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

partenaires européens ont délégué la responsabilité d’immatriculation à l’Agence spatiale


européenne (ci-après ASE) qui agit en leur nom. Le nouveau vaisseau Jules Verne, ATV
(Automated Trasfer Vehicule) devant ravitailler la SSI 189, est composé de 4 étages, chacun
construit dans un Etat différent : France, Allemagne, Italie et Espagne. Le vaisseau appartient
à et est exploité par l’ASE et a été lancé à bord d’une fusée Ariane 5, depuis le cosmodrome
de Kourou, en Guyane française 190. Il n’est, par ailleurs, pas inscrit au registre international
tenu par l’ONU sous le nom d’un de ces pays. La France pourrait, donc, l’immatriculer en tant
que constructeur et Etat de lancement de l’engin 191, les trois autres Etats auraient la même
possibilité en tant que constructeurs (dès lors que l’Etat qui fabrique l’objet est également
considéré comme un Etat de lancement) et l’ASE en tant qu’exploitant, propriétaire et
responsable du lancement.
77. Cependant, si la situation semble complexe dans la pratique, dès lors qu’un seul engin
spatial peut être composé des plusieurs modules, chacun immatriculé dans un Etat différent,
juridiquement la règle est similaire à celle du droit de la mer et du droit de l’air : la double ou
multiple immatriculation est interdite, dès lors que l’article VIII du traité sur l’espace l’exclut
implicitement 192. Chaque « module » constitue un objet spatial distinct et est rattaché à un
seul Etat.

B. Le rattachement à une organisation internationale

78. Pour les engins spatiaux 193 la convention de 1975 sur l’immatriculation des objets
spatiaux prévoit, dans son article VII, la possibilité pour les organisations internationales
d’accepter ses dispositions si la majorité des Etats membres sont parties à cette convention et

189
Dont le premier lancement a eu lieu le 9 mars 2008.
190
CLERVOY (J. F.), « Le vaisseau Jules Verne, nouveau cargo de l’espace », Colloque sur l’évolution des
véhicules aérospatiaux, tenu au Palais de la Découverte à Paris, le 5 février 2009, actes non publiés à ce jour.
191
Pour les lancements d’ARIANE depuis la Guyane française, le satellite est souvent immatriculé par un pays,
tandis que les parties du lanceur qui restent en orbite sont immatriculées en France. Voy. COPUOS, Examen du
concept d’Etat de lancement, Rapport du Secrétariat du 21 janvier 2002, A/AC.105/768, p. 17 citant les
exemples du satellite MuKungHwa-3 immatriculé par la Corée, tandis que le troisième d’étage de la fusée Ariane
4 l’a été par la France et du INSAT-2E immatriculé par l’Inde tandis que le troisième étage de la fusée Ariane 5
l’a été par la France.
192
Dans ce sens voy. MARCOFF (M. G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note 27, p.
443.
193
ZHUKOV (G. P.), « Registration and jurisdiction aspects of the international space station », op. cit. note
186, p. 121 et COUSTON (M.), Droit Spatial Economique : Régimes applicables à l’exploitation de l’espace,
ouvrage publié avec le concours du Ministère de la Recherche et de l’Espace, SideS, 1994, p. 14 ; VON DER
DUNK (F. G.), Private enterprise and public interest in the European “spacecape”, Leiden University, Leiden,
1998, p. 237 ; MARCOFF (M. G.), op. cit. note 27, pp. 466-468.

63
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

au traité sur l’espace de 1967 194. Cependant, le paysage juridique n’est pas clair à cet égard 195.
Même si l’article VII de la convention sur l’immatriculation prévoit que les références aux
Etats s’appliquent à toute organisation internationale intergouvernementale qui se livre à des
activités spatiales et déclare accepter les droits et les obligations prévus dans la convention 196,
une telle possibilité n’est pas évidente, même si elle est prise en compte par certaines
législations spatiales. L’article 14 de loi belge du 17 septembre 2005 relative aux activités de
lancement, d’opération de vol ou de guidage d’objets spatiaux par exemple, prévoit
explicitement que la Belgique n’est pas tenue d’immatriculer un objet spatial lorsque cette
immatriculation est effectuée par un autre Etat ou par une organisation internationale. Rien
n’est prévu, toutefois, pour déterminer qui doit ou peut exercer, dans ce dernier cas, les
juridiction/contrôle sur l’objet spatial lors de son vol.
Nous avons déjà signalé que dans le droit de la mer ou le droit aérien, il n’est pas
réellement admis que les organisations internationales puissent immatriculer les engins en leur
attribuant leur propre « nationalité » sans qu’une nationalité étatique coexiste. Faut-il donc
interpréter l’article VII de la convention de 1975 dans un sens analogue à celui des
lancements conjoints ? S’il en va ainsi, l’objet exploité par une organisation internationale
devra être immatriculé sur le registre national d’un des Etats membres de cette organisation.
79. Quoi qu’il en soit, l’ASE et l’Organisation européenne pour l’exploitation des
satellites météorologiques ont fait une déclaration d’acceptation des droits et obligations
prévus par la convention. En effet, l’ASE a demandé au service juridique du Secrétaire
général des Nations Unies une interprétation de l’article II de la convention sur
l’immatriculation des objets lancés sur l’espace extra-atmosphérique de 1975 pour ce qui
concerne les lancements conjoints 197. En vertu de l’interprétation donnée, une organisation
internationale peut immatriculer elle-même l’objet spatial, comme n’importe quel Etat de

194
Il existe également en droit de l’espace un autre sens pour la notion de l’immatriculation internationale. Il
s’agit du « registre » international tenu par le Secrétaire des Nations Unies en vertu des articles 2 et 4 de la
convention de 1975. Cependant, ce registre n’est pas réellement un registre d’immatriculation mais uniquement
une collection des renseignements sur les registres nationaux et les objets lancés en espace extra-atmosphérique
et dont l’utilité reste très relative. En effet, dû à la flexibilité de l’article 4 de la convention de 1975 (« […] dès
que cela est réalisable[…] peut […] dans toute la mesure du possible et dès que cela est réalisable »), les
enregistrements auprès du Secrétaire général s’effectuent, lorsque cela est le cas, deux, voire trois mois, après le
lancement.
195
Pour une analyse des effets juridiques de l’immatriculation par une organisation internationale
voy. SCHMIDT-TEDD (B.) & GERHARD (M.), « Registration of Space Objects: Which are the Advantages for
States Resulting from Registration » in Essential Air and Space Law; Space Law: Current Problems and
Perspectives for Future Regulation, BENKO (M.) & SCHROGL (K.-U.) eds., Eleven International Publishing,
2005, pp. 127-128 et 133-134.
196
Au titre de cet article, l’ASE et EUMETSAT communiquent des renseignements, aux fins d’immatriculation,
sur les objets spatiaux qu’elles lancent.
197
LAFFERRANDERIE (G.), « La convention sur l’immatriculation », ADAS, 1986, vol. 11, p. 231.

64
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

lancement 198. Ces organisations détiennent dès lors leurs propres registres d’immatriculation.
Cependant, l’utilité d’une telle immatriculation reste énigmatique, si elle n’est pas
« accompagnée » d’une immatriculation nationale. En effet, l’ASE ne dispose pas d’un
pouvoir de juridiction qu’elle puisse exercer dans l’espace extra-atmosphérique 199. Malgré
l’immatriculation ASE, il incombera finalement à un Etat membre, en vertu d’un accord avec
l’organisation, d’exercer sa juridiction sur l’objet en cause 200. Alors que l’ASE ne peut pas
exercer elle-même une juridiction/contrôle pleins et entiers, certains Memorandums of
understanding (ci-après MOU) conclus par l’organisation prévoient toutefois l’inverse 201. On
ne sait toujours pas si les dispositions insérées dans ces MOUs entendent laisser l’ASE libre
d’attribuer juridiction et contrôle à l’Etat membre de son choix ou si elles l’autorisent, par
délégation de la part de ses Etats membres, à exercer certaines fonctions spécifiques de
contrôle technique. Si on privilégie cette deuxième solution, le problème de la juridiction
demeure, l’ASE n’étant pas un Etat. Il faudrait donc, dans ce cas de figure, envisager une
dissociation entre juridiction et contrôle, en admettant qu’un Etat membre puisse conserver la
juridiction, alors que le contrôle technique serait assuré par l’organisation 202. Quoiqu’il en
soit, la complexité juridique de toute solution possible étaye la thèse selon laquelle un
rattachement national est toujours nécessaire – même s’il doit exister en parallèle avec un
rattachement « international ». La seule possibilité si l’on accepte l’immatriculation sur un
registre détenu par une organisation internationale est en effet d’envisager la dissociation
entre immatriculation et exercice de la juridiction. L’organisation internationale pourra

198
Dans une lettre du 19 septembre 1975 de la part de M. SUY, le conseiller légal des Nations Unies à M.
KALTENECKER, directeur député de l’ASE chargé des affaires internationales, il est dit, inter alia : « Quand
une organisation internationale lance un objet spatial conjointement avec un ou plusieurs Etats, les dispositions
de l’article II § 2 sont relatives » cité par CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit .note 131, p.
484.
199
Voy. dans ce sens ZHUKOV (G. P.), « Registration and jurisdiction aspects of the international space
station », op. cit. note 186, p. 121 ; COUSTON (M.), Droit Spatial Economique : Régimes applicables à
l’exploitation de l’espace, op. cit. note 193, p. 14 et KAMENETSKAYA (E.), « Large Space Systems belonging
to International Organisations: Certain problems of registration, jurisdiction and control », Proceedings of the
23rd Colloquium on the Law of Outer Space, IISL of the International Astronautical Federation, American
Institute of Aeronautics and Astronautics, 1981, pp. 179-181.
200
Voy. VON DER DUNK (F. G.), Private enterprise and public interest in the European “spacecape”, op. cit.
note 193, p. 237 où il affirme « The ASE is an international intergovernmental organization not having any
jurisdiction of its own which could be retained and exercised in outer space. Therefore, at this point, any
agreement relating to jurisdiction over a space object launched under ASE registration could only lead in
practice to a member state applying and exercising its jurisdiction, not to any (exercise of) ASE jurisdiction »
(c’est nous qui soulignons).
201
MOU on Mars express orbiter and Beagle 2 Launcher, article « Registration – jurisdiction and control » où il
est prévu que « ESA shall retain jurisdiction and control over the space objects it registers » et MOU on Rosetta,
« ESA will exercise its jurisdiction and control » cités par LAFFERRANDERIE (G.), « Jurisdiction and Control
of Space Objects and the Case of an International Intergovernmental Organisation (ASE) », ZLW, vol. 54, n°2,
2005, p. 237.
202
Sur la dissociation possible de deux notions dans le droit spatial, voy. infra §§ 363-364.

65
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

immatriculer mais un ou plusieurs de ses Etats membres devront exercer leur juridiction 203. Il
paraît donc souhaitable de toujours conserver une immatriculation nationale, fût-ce en
parallèle avec l’immatriculation internationale. C’est pourquoi le Secrétariat des Nations
Unies propose que le siège officiel des organisations internationales ayant immatriculé un
objet soit considéré comme le point de référence pour l’attribution de la juridiction/contrôle à
l’Etat sur le territoire duquel le siège se trouve 204.
80. De plus, l’article VI du traité sur l’espace prévoit que, « en cas d’activités poursuivies
par une organisation internationale dans l’espace extra atmosphérique, la responsabilité du
respect des dispositions du présent Traité incombera à cette organisation internationale et
aux Etats parties au Traité qui font partie de ladite organisation ». Ainsi, il paraît que même
si l’immatriculation par une organisation internationale agissant comme « Etat de lancement »
est en théorie toujours possible, un rattachement national sera néanmoins recherché. Si
l’article VI prévoit que les Etats membres de l’organisation spatiale sont responsables
internationalement au même titre que cette dernière, l’article VIII du même traité accorde à
l’Etat seul les prérogatives du contrôle et de la juridiction sur l’objet spatial et son personnel.
A l’instar donc de ce qui est le cas pour le lancement conjoint, un accord doit prévoir quel est
celui des Etats de lancement qui exercera sa juridiction sur l’objet en cas d’immatriculation
« internationale ». L’affirmation de M. MARCOFF nous semble donc pertinente : « Dans les
conditions présentes, même le statut « multinational » d’un objet spatial appartenant et régi
par une entité internationale, ne saurait effacer ou dissoudre dans une pluralité des rapports
le lien substantiel de l’objet à un seul Etat et à son ordre juridique particulier » 205. Malgré la
possibilité d’immatriculation d’un objet par une organisation spatiale, l’immatriculation sur
un registre étatique semble donc, sinon nécessaire, du moins souhaitable.

Conclusion de la section

81. L’interdiction de la double ou multiple immatriculation des engins est clairement


affirmée par le droit international, aussi bien en ce qui concerne les aéronefs pour lesquels elle

203
Voy. dans ce sens MARCOFF (M. G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note 27, pp.
466-468 ; VON DER DUNK (F. G.), Private enterprise and public interest in the European “spacecape”,op. cit.
note 193, p. 237; ZHUKOV (G. P.), « Registration and jurisdiction aspects of the international space station »,
op. cit. note 186, p. 121.
204
UN Secretariat, Information on the activities of international intergovernmental and non-governmental
organizations relating to space law, UN Doc. A/AC.105/C.2/L.265 du 16 janvier 2007, §§ 7 et 21. Voy.
également : Working Paper on Practice of States and international organizations in registering space objects,
UN Doc. A/AC.105/C.2/L.266 du 30 janvier 2007 et Elements of conclusion on the Practice of States and
International Organizations in Registering Space Objects, UN Doc. A/AC.105/891 du 2 mai 2007, Annexe III.
205
MARCOFF (M.G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note 27, p. 473.

66
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

est expressément stipulée, qu’en ce qui concerne les navires et les objets spatiaux pour
lesquels elle peut être déduite de la formulation des articles y relatifs. En revanche,
l’immatriculation internationale est considérée par le droit international de manière plus
ambiguë. Sans être explicitement exclue, voire en étant expressément permise, elle semble
pourtant difficile à mettre en œuvre. Elle constitue en effet un rattachement imparfait, dès lors
qu’elle ne suffit pas à elle seule à produire tous les effets juridiques d’un rattachement
traditionnel. La juridiction exercée par une organisation internationale sur un engin,
notamment en ce qui concerne les moyens de coercition que l’Etat d’immatriculation peut
exclusivement exercer sur l’engin de sa « nationalité » qui se trouve dans un espace
international, ne peut actuellement être que partielle. Dès lors, un rattachement rampant ou
sous-jacent à un Etat semble toujours souhaité, voire nécessaire.

Engin Articles relatifs Termes consacrés Règle stipulée


Navires Convention de Pavillons de Les navires naviguent sous le pavillon d’un
Montego Bay article plusieurs Etats seul Etat – dans le cas contraire le navire est
92 considéré sans nationalité
Aéronefs Convention de Double Un aéronef ne peut être valablement
Chicago article 18 immatriculation immatriculé dans plus d’un Etat
Objets Convention sur Deux ou plusieurs Lorsqu’il existe deux ou plusieurs Etats de
spatiaux l’immatriculation Etats de lancement lancement, ceux-ci déterminent conjointement
des objets spatiaux lequel d’entre eux doit immatriculer l’objet
article II § 2 lancé
Tableau 2 Sur l’immatriculation multinationale des engins

Engin Articles relatifs Termes consacrés Règle stipulée


Navires Convention de Navires affectés au service officiel de L’interdiction de la navigation
Montego Bay l’ONU, de ses institutions spécialisées sous double pavillon ne préjuge
article 93 ou de l’Agence internationale de en rien la question du pavillon
l’énergie atomique battant pavillon de « international »
l’organisation
Aéronefs Convention de Organisations Les modalités d’immatriculation
Chicago article d'exploitation en commun ; des aéronefs exploités par les
77 organismes internationaux organismes sont déterminées par
d'exploitation le Conseil OACI
Objets Convention sur Organisation internationale Les références de la Convention
spatiaux l’immatriculatio intergouvernementale qui se livre à aux Etats s’appliquent à toute
n des objets des activités spatiales, si cette organisation internationale qui
spatiaux article organisation déclare accepter les droits remplit les deux conditions
VII et les obligations prévus dans la (déclaration d’acceptation des
convention sur l’immatriculation et si droits/obligations et majorité des
la majorité des États membres de Etats membres parties aux traités
l’organisation spatiaux)
sont des États parties à cette
Convention et au Traité sur l’espace

67
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

Tableau 3 Sur l’immatriculation internationale des engins

Conclusion du premier chapitre

82. Le rattachement juridique d’un engin à un Etat est créé par son immatriculation,
attributive d’une « nationalité ». La liberté des Etats de fixer les conditions d’attribution de
leur « nationalité » aux engins n’est guère contestable, dans le droit de la mer comme dans
celui de l’air. En revanche, en droit de l’espace cette liberté n’est, en théorie, que partielle, dès
lors que le droit international prévoit que l’Etat d’immatriculation doit toujours être un des
Etats de lancement. Cependant, la différenciation ainsi créée entre le régime des
navires/aéronefs et celui des objets spatiaux n’est pas fondamentale, dès lors qu’en réalité la
liberté étatique demeure assez large, chaque Etat appréciant de manière souveraine s’il se
considère un Etat de lancement et/ou un Etat d’immatriculation.
Si les Etats sont libres de déterminer les conditions d’immatriculation des engins, ils
doivent en fixer les critères dans leur droit interne, dès lors qu’ils prétendent qu’un engin fait
partie de leur flotte nationale. Le rattachement à un Etat d’immatriculation est en effet
obligatoire pour tout engin affecté à la navigation internationale. L’exigence d’un
rattachement national a pour corollaire évident la prohibition d’un rattachement multinational,
c’est-à-dire le rattachement à plus d’un Etat simultanément. Or, cette interdiction ne concerne
pas l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue, qui constitue une institution
exceptionnelle prévue par le droit international.

68
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

CHAPITRE 2
L’exception d’un rattachement étatique « parallèle » : l’immatriculation
sur le registre spécial affrètement coque nue

206
83. Outre l’immatriculation traditionnelle, qui rattache de manière « permanente »
l’engin à l’Etat sur le registre duquel il est inscrit, il peut exister un deuxième type
d’immatriculation, conçu afin de faire face aux besoins du shipping 207 international,
l’immatriculation « parallèle » ou « subsidiaire ». Il s’agit en l’occurrence de
l’immatriculation sur le registre du choix de l’affréteur lors d’un affrètement coque nue et non
de l’immatriculation sur un registre bis ou international 208 qui constitue une immatriculation
permanente au même titre que celle sur un registre « traditionnel». Elle n’est pas attributive
d’une « nationalité » permanente 209 mais devrait permettre à l’Etat de nationalité de
l’opérateur de l’engin (ou en tout cas à l’Etat choisi par ledit opérateur) d’acquérir les
juridiction/contrôle à l’égard de cet engin. La question qui se pose dès lors est de savoir quelle
est la nature du rattachement créé par cette forme d’immatriculation. S’agit-il d’un
rattachement similaire à celui qui découle d’une immatriculation traditionnelle ? Le cas
échéant, l’immatriculation parallèle ne remet-elle pas en cause le principe jusqu’à ici accepté
en vertu duquel le droit international exige un rattachement national unique ?
84. Avant de définir et d’analyser ce type d’affrètement coque nue et le rattachement
parallèle qui peut en résulter, une différence fondamentale entre les deux formes
d’immatriculation (permanente et parallèle) doit être signalée. Le droit international impose

206
L’immatriculation « permanente » peut, bien évidemment, prendre fin avec la radiation de l’inscription de
l’engin du registre sur lequel il était immatriculé et son inscription sur un nouveau registre. Elle est néanmoins
considérée comme « permanente » dès lors que, durant sa période de validité, elle rattache l’engin à l’Etat
d’immatriculation, lui permettant d’arborer son pavillon et d’avoir sa « nationalité ».
207
Le terme anglophone « shipping » est entendu ici comme désignant l’ensemble des activités commerciales
relatives au transport maritime et, par extension, le milieu du transport maritime. L’usage de ce terme n’est pas
encore très répandu dans le langage juridique français, mais l’expression « industrie du shipping » est souvent
employée dans le milieu maritime en raison de sa commodité. Le site de l’OMI traduit toutefois le terme
« shipping industry » par « transports maritimes ». Voy.
[http://www.imo.org/includes/blastDataOnly.asp/data_id%3D27415/IMOWhat-it-isweb2009.pdf] (consulté le 28
septembre 2010). Néanmoins le terme « shipping » est plus pertinent que « transports maritimes », exprimant
mieux le caractère commercial du milieu et englobant toutes les activités possibles. Il sera dès lors retenu ci-
après, afin d’exprimer l’ensemble de ces activités. Dans ce sens voy. l’usage du terme dans le manuel récent de
PANCRACIO (J.-P.), Droit de la mer, Dalloz, Paris, 2010, p. 80 et glossaire p. 492 où il définit le terme en tant
que « l’activité de l’armateur de navires de commerce. Par extension, le milieu des armateurs ».
208
Voy. infra § 273 ; Voy. également supra note 88 pour l’emploi du terme « immatriculation parallèle ».
209
Certains auteurs parlent néanmoins de la « nationalité » de l’Etat sur le registre duquel l’affréteur immatricule
le navire : MORENO (C.), « Bareboat charter registration in the light of international instruments », ADMO, vol.
14, 1996, p. 55. Cependant, l’emploi du terme de « nationalité » dans ce cadre n’est pas judicieux. Dès lors que
la nationalité d’origine est « suspendue » et non pas supprimée, il est plus correct de parler d’une
« immatriculation parallèle/affrètement coque nue » que d’une « nationalité ». D’ailleurs, M. MORENO lui-
même souligne dans son article qu’il ne faut pas confondre entre immatriculation et nationalité.

69
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

l’immatriculation « permanente » des engins en tant que mode d’attribution d’une


« nationalité », en tant que moyen de rattachement de l’engin à l’Etat en cause. En revanche,
il n’impose pas l’immatriculation parallèle des engins affrétés. Au contraire, il interdit
expressément la double « nationalité », la double immatriculation, le double pavillon. Au vu
donc du droit international de la mer, de l’air et de l’espace, l’immatriculation parallèle ne
peut être que, au mieux, tolérée, si on adopte une interprétation qui distingue entre double
immatriculation et immatriculation parallèle. Sinon elle doit être considérée comme prohibée
par le droit international. Contrairement donc à l’immatriculation permanente qui s’impose
aux Etats maritimes, aériens ou spatiaux, l’immatriculation parallèle est apparue comme une
réponse à des nécessités bien pratiques et n’a pas encore su trouver une place claire dans le
droit international conventionnel et/ou coutumier. C’est justement cette ambiguïté de son
statut actuel qu’il convient d’étudier (Section I), afin de comprendre si l’immatriculation
parallèle remet en cause l’exigence d’un rattachement national unique ou si, au contraire, elle
peut s’accorder avec ce principe (Section II).

SECTION I. L’immatriculation lors d’un affrètement coque nue

85. L’immatriculation parallèle est une immatriculation provisoire non attributive de


« nationalité » permanente qui résulte du choix de l’opérateur de l’engin de l’inscrire sur un
registre autre que celui originellement choisi par son propriétaire. Comme telle, elle n’existe
actuellement qu’en droit maritime, où les premiers pas timides vers une consécration de ce
« rattachement » particulier ont déjà été effectués, en raison de l’ampleur du phénomène de
l’affrètement coque nue dans l’industrie du shipping. En revanche, en droit aérien et en droit
spatial cette immatriculation parallèle n’a pas (encore) acquis un statut précis, bien que la
location coque nue existe ou émerge dans ces deux branches. Il convient de présenter
l’affrètement coque nue et les pratiques similaires (§1), avant de se pencher plus
particulièrement sur la nature de l’immatriculation parallèle telle qu’elle a été conçue en droit
maritime pour répondre justement aux besoins de ces phénomènes (§2).

§ 1. L’affrètement coque nue et les pratiques similaires

86. Si l’affrètement coque nue est une pratique déjà bien établie en droit maritime (A), il
connaît un cadre juridique moins développé en droit aérien et ne constitue qu’une simple
hypothèse pour le droit spatial actuel (B).

70
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

A. L’affrètement coque nue dans la pratique maritime

87. Dans le monde maritime, deux contrats sont principalement utilisés en ce qui concerne
l’emploi du navire à des fins commerciales : il s’agit du contrat de transport et du contrat
d’affrètement 210. Dès lors que l’on parle d’affrètement, le navire lui-même devient objet du
contrat. L’affrètement peut être au voyage, à temps ou à coque nue 211. Dans ce dernier cas, la
gestion commerciale et nautique du navire est confiée à l’affréteur qui l’exploite comme il
l’entend 212. Ce type d’affrètement nous intéresse plus particulièrement, l’affréteur coque nue
pouvant immatriculer le navire sous un autre registre que celui de sa nationalité « d’origine »,
et ce pendant le temps de l’affrètement. Cela ne veut pas dire que le navire a la double
nationalité ni qu’il peut battre double pavillon : la première nationalité reste « suspendue » ou
« gelée » pendant la période de l’affrètement. Mais le fait demeure que les navires ainsi
affrétés peuvent être immatriculés sur deux registres parallèles. Le but d’une immatriculation
en cas d’affrètement coque nue, telle qu’elle s’est développée dans la pratique du monde
maritime, est de permettre aux personnes voulant utiliser un navire pour un certain temps
(affréteurs), de l’immatriculer au registre de leur choix et donc de confier juridiquement son
contrôle à l’Etat de pavillon choisi, sans pour autant le priver de sa « nationalité » d’origine
définie par son propriétaire (fréteur).
88. Les raisons qui ont consacré l’affrètement coque nue dans le monde maritime sont
clairement économiques. Il correspond donc plutôt à une nécessité pratique qui a elle-même
ouvert la voie à une évolution juridique. En effet, cette pratique a connu son plein essor
pendant la deuxième moitié XXème siècle 213 comme alternative à la libre immatriculation et

210
Voy. pour une analyse relative : TASSEL (Y.), « Le droit maritime privé ; titres 34-35 », in Droits maritimes,
BEURIER (J.-P.) dir., Dalloz, 2006, pp. 292-293; ODEKE (A.), Bareboat Charter (Ship) Registration, Kluwer
Law International, The Hague, 1998, pp. 27-54; BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Droit maritime (Traité de
droit maritime), LGDJ, Paris, 2006, pp. 59 et s.
211
Voy. TASSEL (Y.), « Le droit maritime privé ; titres 34-35 », ibidem, p. 294 : « A côté de ces formes
classiques d’affrètement apparaissent de nouveaux types d’accord dont le contrat de tonnage ou contrat au
tonnage qui se présente comme une combinaison de plusieurs affrètements au voyage correspondant parfois à
des charters parties différentes. Tantôt l’armateur s’engage à fournir pour une période déterminée et selon une
cadence déterminée des navires capables de transporter une quantité fixée à l’avance ; tantôt il s’engage à
transporter la quantité de marchandise déterminée. Contrat particulier également, l’affrètement d’espaces a
donné lieu à la rédaction d’une charte-partie particulière, la Slothire. La loi sur les contrats d’affrètement et de
transport maritimes est la n° 66-420 du 18 juin 1966 qui doit être lue avec son décret d’application n° 66-1078
du 31 décembre 1966 ».
212
Selon l’article 2 de la convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires, l’affrètement à
coque nue se définit comme suit : « L’expression « affrètement coque nue » s’entend d’un contrat de location
d’un navire pour une période de temps stipulée en vertu duquel le preneur a la pleine possession et l’entier
contrôle du navire, y compris le droit d’engager le capitaine et l’équipage du navire, pour la durée du bail ».
213
Cette pratique maritime est apparue bien avant la première guerre mondiale mais a connu son réel essor après
la fin de la deuxième guerre. Le système moderne d’affrètement à coque nue a été basé sur une loi allemande de

71
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

comme moyen pour le navire de profiter des avantages d’un registre souple et d’un pavillon
économique, tout en conservant sa « nationalité » d’origine et son immatriculation à un
registre traditionnel. Le premier cadre juridique a été posé par le droit interne, comme résultat
de la pratique de chaque Etat concerné, avant d’être transposé en droit international.
Cependant, tous les pays ne permettent pas l’affrètement à coque nue et/ou ne se sont pas
dotés d’une législation spéciale réglant la question. S’il y a des pays où l’affrètement à coque
nue est permis, voire encouragé activement, il y en a également qui prévoient des conditions
très strictes, qui interdisent formellement ce type d’affrètement ou encore qui ne régulent pas
expressément la suspension provisoire de « nationalité » en cas d’affrètement à coque nue. Il
est intéressant de noter que les pays d’immatriculation libre ou plutôt souple permettent et
encouragent l’affrètement à coque nue alors que ceux d’immatriculation rigide, voire
complètement fermée, ont tendance à l’interdire ou à la restreindre significativement.
Les législations spéciales qui y sont relatives sont assez récentes et essaient de régler la
question d’une manière exhaustive. En règle générale, elles prévoient une durée de validité
limitée qui peut aller de deux à cinq ans. Quant aux conditions d’immatriculation sous régime
d’affrètement coque nue, celle de la réciprocité est parmi les plus importantes pour les
registres d’immatriculation fermée. En effet, alors que les pays de libre immatriculation
autorisent l’immatriculation parallèle sans restrictions supplémentaires, la majorité des pays
d’immatriculation rigide ne l’accordent que sous condition de réciprocité, c’est-à-dire que si
les deux registres – le nouveau et celui d’origine – peuvent être considérés comme
« compatibles » 214.
89. Lorsque l’affrètement à coque nue est prévue par la législation d’un Etat afin de
permettre à un navire ayant sa « nationalité » de battre un pavillon étranger, on utilise le terme
« charter/flagging out ». Quand il s’agit en revanche d’un navire étranger voulant battre le
pavillon de l’ « Etat d’affrètement », on parlera de « charter/flagging in ». Afin de vérifier la
compatibilité de deux registres en cause, les autorités compétentes pour le « charter in »
demandent la preuve de l’accord du registre d’origine. Cet accord prend souvent la forme
d’un consentement par écrit. Par ailleurs, l’enregistreur doit s’assurer que l’Etat du pavillon
précédent a été informé de la suspension de l’immatriculation originale avant tout nouveau
« charter in », afin d’éviter que le navire ait deux immatriculations concurrentes.

1951 (Law of the Flag Act/ Gesetz über das flaggenrecht des seeschiffe und die flaggenfuhrung der binnen-
schiffe-flaggenrechtsgesetz, vom 8, 8 février 1951, BGB 1. IS.79). Dans les années 60, ce type d’affrètement a
quasiment disparu, pour refaire son apparition vers la fin des années 70, pendant lesquelles il a connu un
développement tel qu’il fut même consacré en tant que type d’immatriculation dans la convention de 1986 sur
l’immatriculation des navires.
214
Voy. annexe 2.

72
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

90. Pendant la durée de l’affrètement, la nationalité d’origine est « gelée » et


l’immatriculation suspendue, sauf en ce qui concerne la propriété et les hypothèques 215. Pour
le « gel de francisation » en cas de location coque nue à une compagnie étrangère d’un navire
immatriculé sur le registre international français 216 par exemple, le navire n’est pas radié de
l’effectif naval pendant la durée du contrat d’affrètement sous pavillon étranger mais certaines
formalités doivent être accomplies 217. Le port d’attache fournit à l’armateur ou son
représentant un certificat de « gel de francisation ».
Le nouveau nom du navire et son nouveau port d’attache doivent être indiqués sur le
navire qui battra désormais uniquement le pavillon du nouvel Etat. L’affréteur est considéré
comme propriétaire pour les besoins d’immatriculation du navire en son nom par le nouvel
Etat du pavillon, ce dernier exerçant désormais une juridiction exclusive. Dès lors, le
consentement écrit du propriétaire est souvent exigé par le registre parallèle, celui des
créditeurs des hypothèques et des autres sûretés également. Quant à l’affréteur, il doit être
national du pays de la nouvelle immatriculation ou, dans tous les cas, qualifié pour être
propriétaire d’un navire « national » selon la législation en vigueur.
91. Lorsqu’une personne étrangère est autorisée à immatriculer le navire en tant
qu’affréteur, il est toujours exigé qu’un représentant, ou une filiale s’il s’agit d’une société,
soit établi sur territoire de l’Etat du pavillon afin d’opérer la gestion quotidienne du navire 218.
L’autorité compétente donne son accord pour l’immatriculation après avoir effectué les
inspections nécessaires afin de s’assurer que toutes les dispositions de sécurité sont satisfaites
par le navire en cause. Elle peut aussi, dans certains cas, ordonner la radiation de
l’immatriculation du registre 219, si les standards minimaux relatifs à la sécurité du navire et le

215
Voy. cependant la législation de Belize (Registration of Merchant Ship Act Chapter 236 de 2000, article 18)
qui prévoit la « double immatriculation » (dual registration) comme suit : « Les navires immatriculés sur
INMARBE peuvent, afin de se conformer aux termes d’un contrat d’affrètement, obtenir un second registre
d’immatriculation d’un autre pays sans affecter leur immatriculation sur INMARBE ». Rien n’est dit sur une
suspension éventuelle et les frais annuels continuent d’être payés à l’INMARBE.
216
Ci-après RIF ; Loi 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français ; sur les
registres internationaux et les registres bis voy. infra § 273. Sur le « gel de francisation » du RIF en cas de
location coque nue à une compagnie étrangère d’un navire RIF, voy. la Circulaire du 5 mai 2006 relative au
fonctionnement du guichet unique du RIF.
217
Il s’agit d’une part du dépôt au bureau de douane du port d’attache par la compagnie intéressée d’une
déclaration d’exportation garantissant la réimportation du navire, au plus tard, à l’expiration de la période
d’affrètement et d’autre part de la présentation de la charte-partie d’affrètement qui sera visée par le guichet
unique et de l’accord écrit des créanciers hypothécaires.
218
En ce qui concerne les Etats membres de l’Union européenne, il suffit que le représentant soit installé dans un
pays Etat membre de l’Union.
219
Ainsi, la section 8 de la loi néerlandaise (Acte du 8 octobre 1992 contenant règlements concernant la
nationalité des navires sous affrètement à coque nue aux Pays Bas) contient les raisons de refus
d’immatriculation ou de radiation du registre par le ministre de transport, œuvres publics et gestion de l’eau. Il y
est prévu, entre autres, que l’immatriculation charter in peut être annulée si l’affréteur entre dans un accord qui
met en question son contrôle ou sa responsabilité ou si la nationalité néerlandaise n’est plus compatible avec les

73
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

respect général des normes internationales ne sont pas respectés par l’affréteur ou si la
surveillance effective de l’engin n’est pas assurée. Des conditions strictes sont également
imposées pour le « charter out ». Le dépavillonnement ne se fera que suite à l’autorisation du
ministère compétent (a priori des transports ou de la marine marchande) auquel le propriétaire
doit, par ailleurs, soumettre son application en détaillant le contrat.

B. Les pratiques similaires dans le droit aérien et l’hypothèse d’un développement analogue
dans l’industrie spatiale

92. L’affrètement coque nue n’est pas une pratique exclusivement utilisée dans l’industrie
maritime. En raison des nombreux avantages financiers qu’elle présente, des solutions
analogues ont également été adoptées en matière d’aviation civile, même si l’immatriculation
parallèle semble prohibée par la convention de Chicago. Le phénomène est donc connu de
l’industrie aérienne, où la majorité des compagnies utilise des avions affrétés. Selon la
définition classique en droit de l’air « l’affrètement est le contrat par lequel le fréteur,
propriétaire ou exploitant d’un appareil, d’un aéronef, met à la disposition de l’affréteur,
moyennant rémunération, tout ou partie de la capacité de transport de cet appareil » 220.
Cependant, la conception moderne de l’affrètement s’éloigne de cette définition et couvre une
gamme plus importante de systèmes d’exploitation par les entreprises de transport aérien. En
effet, l’évolution de l’aviation civile et du transport aérien international a conduit à une
multiplication des régimes juridiques possibles : entre banalisation 221, location, affrètement,
franchise et autres types d’exploitation, la distinction n’est pas toujours aisée. Elle se fait, en
ce qui concerne les différents types d’affrètement, en vertu du critère de conservation ou non

obligations internationales du royaume et cette incompatibilité ne peut être résolue autrement ou encore si le
navire est utilisé pour le transfert des stupéfiants ou de toute autre manière susceptible de causer préjudice aux
relations des Pays Bas avec les autres Etats.
220
SIMPROFRANCE (Comité français pour la simplification des procédures du commerce international), Le fret
aérien, procédures commerciales et administratives, J. Delmas et Cie, 1986, p. 214.
221
En droit aérien, plus précisément en matière d’exploitation internationale, la banalisation est une formule de
coopération entre compagnies aériennes. En cas de banalisation, l’aéronef conserve son immatriculation
d’origine. Elle est définie comme « l’utilisation par une entreprise de transport aérien exploitant un service
international en vertu d’un accord ou d’une autorisation officielle d’un aéronef appartenant à une entreprise
étrangère et immatriculé dans un Etat étranger, avec ou sans avantage. » (Définition adoptée lors de la
Conférence de coordination des transports aériens européens 1954 ; Rapport Doc 7575 – C.A.T.E./1, p.15 et
RFDA, 1954, p. 36 citée par TOSI (J.-P.), L’affrètement aérien, LGDJ, Paris, 1977, note de bas de page n° 25).
La banalisation peut également exister en droit interne entre compagnies relevant d’un même Etat et aéronefs
relevant d’un même Eta d’immatriculation. Elle résulte d’une convention de location ou d’une convention
d’affrètement. « La différence avec la location coque nue est que les accords de banalisation ne constituent pas
des opérations ponctuelles mais des contrats normalisés et standardisés s’insérant dans un flux de prestations
établies sur une longue durée ». Ainsi, malgré le fait que les travaux de l’OACI envisagent séparément la
location, l’affrètement et la banalisation de l’aéronef, « rien n’est avancé pour justifier cette thèse et rien ne
saurait l’être ». Sur ce voy. TOSI (J.-P.), ibidem, pp. 44 et 46.

74
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

de la gestion commerciale de l’avion par le fréteur 222 ; quant au critère distinctif général
concernant les régimes d’exploitation des aéronefs, il s’agit de savoir si l’avion est exploité ou
non sur le certificat de transporteur aérien du fréteur 223. Par ailleurs, chaque législation
nationale définit comme elle l’entend les différents types d’exploitation d’aéronefs et prévoit
des conditions techniques et administratives applicables plus ou moins précises.
93. En droit français, « l’affrètement d’un aéronef est l’opération par laquelle un fréteur
met à la disposition d’un affréteur un aéronef avec équipage. Sauf convention contraire
l’équipage reste sous la direction du fréteur » 224. On distingue traditionnellement entre
l’affrètement avec ou sans transfert de la gestion commerciale à l’affréteur. Par référence au
droit maritime, la doctrine avait tendance à qualifier le premier d’ « affrètement à temps » et
le second « au voyage », tandis que l’industrie parle plutôt de « wet-lease » (lorsque l’aéronef
entier et son équipage sont mis à la disposition de l’affréteur) pour le premier et de « charter »
pour le second 225. L’article L. 124-1 du Code de l’aviation civile définit la location comme
« l’opération par laquelle un bailleur met à la disposition d’un preneur un aéronef sans
équipage ». Il s’agit donc d’une location coque nue. Le terme généralement retenu en droit
aérien est, en effet, celui de la location coque nue des aéronefs. Cette dernière, malgré la
terminologie différente, sera dès lors traitée ici comme une variété du contrat
d’affrètement 226, étant donné qu’il implique une dissociation entre la propriété et
l’exploitation commerciale de l’aéronef 227.

222
NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), op. cit. note 120, p. 474 ; les auteurs définissent la
gestion commerciale comme suit : « elle comprend l’obtention des droits de trafic et la délivrance aux passagers
des titres de transport (ainsi que les obligations d’assurance en découlant), raison pour laquelle ce type de
contrat est généralement conclu entre compagnies aériennes ».
223
Il s’agit du JAR-OPS (joint aviation requirement for the operation of commercial air transport) introduit en
droit français par l’arrêté du 12 mai 1997 relatif aux conditions techniques d’exploitation d’avions par une
entreprise de transport aérien public et qui a été remplacé par le EU-OPS par suite au Règlement du Conseil n°
3922/91.
224
Article L.323-1 du Code de l’aviation civile.
225
Voy. COGLIATI-BANTZ (V. P.), « Disentangling the “Genuine Link”: Enquiries in Sea, Air and Space
Law », op. cit. note 66, p. 42, note 185: « Dry lease agreement means an agreement between undertakings
pursuant to which the aircraft is operated under the Air Operator Certificate of the lessee. Wet lease agreement
means an arrangement between air carriers pursuant to which the aircraft is operated under the AOC of the
leaser ».
226
L’affrètement, quant à lui, sera envisagé ici uniquement en tant que technique de collaboration entre
transporteurs aériens, puisque la question de la « nationalité » ne se pose que dans ce contexte-là. Le recours à ce
type d’affrètement est très récurrent en raison du caractère saisonnier et fluctuant des demandes dans l’industrie
du transport aérien. Pour une distinction entre l’affrètement dans le cas de contrats conclus entre compagnies
aériennes et l’affrètement dans le cas de contrats conclus par des organisateurs de voyage, voy. TOSI (J.-P.),
L’affrètement aérien, op. cit. note 221, pp. 28-30 et « Problèmes actuels posés par l’affrètement aérien »,
RFDAS, vol.169, n°1, 1989, p. 20.
227
Pour une analyse de la similarité juridique, malgré la distinction terminologique, entre affrètement et location
coque nue voy. TOSI (J.-P.), L’affrètement aérien, op. cit. note 221, pp. 40-42 et « Problèmes actuels posés par
l’affrètement aérien », op. cit. note 226, pp. 17-19.

75
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

94. L’affrètement ou location coque nue n’existent pas encore comme tels dans l’industrie
spatiale où la question de l’immatriculation parallèle n’est pas vraiment soulevée. Cependant,
le domaine des activités spatiales commence à connaître des phénomènes conduisant à une
dissociation manifeste entre l’Etat d’immatriculation et l’exercice de juridiction/contrôle sur
l’objet spatial. Cette dissociation n’est, certes, pas due, pour l’instant, à des phénomènes
véritablement analogues à l’affrètement à coque nue, dès lors que l’environnement, encore
très statocentrique, du secteur n’a pas connu une privatisation complète.
A l’heure actuelle, c’est le transfert de l’opération des satellites déjà en orbite qui pose la
question du rattachement effectif en droit spatial 228. Dès lors, la location des satellites ne
semble pas être une hypothèse de science fiction. Actuellement, « les transferts de propriété
sont […] courants dans le cas des satellites de communication géostationnaires qui sont loués
en crédit-bail ou même vendus plusieurs années après leur lancement, et il se peut alors que
l’Etat d’immatriculation initial n’ait plus de droit de regard sur l’objet spatial » 229. Entre
cette situation et l’affrètement des objets spatiaux pour le développement du tourisme
spatial 230, l’écart ne paraît pas énorme. Il est donc intéressant d’envisager l’hypothèse d’une
pratique analogue à l’affrètement coque nue maritime ou à la location coque nue aérienne en
ce qui concerne les objets spatiaux. Avant d’examiner les règles concrètes qui s’appliquent ou
pourraient s’appliquer lorsqu’un engin est affrété, il convient d’étudier la nature de
l’immatriculation dite « parallèle », telle qu’elle s’est développée dans le secteur de l’industrie
maritime.

§ 2. La nature de l’immatriculation parallèle

95. Le critère de distinction entre immatriculation permanente et immatriculation parallèle


est tout d’abord temporel. Une immatriculation parallèle est par définition provisoire, alors
que l’immatriculation attributive de nationalité se veut, a priori, « permanente ». La
possibilité de transfert définitif d’immatriculation ne modifie en rien sa nature de
« permanente ». Un transfert d’immatriculation signifie, en effet, qu’une nouvelle inscription

228
Pour une analyse plus détaillée de la question du transfert des satellites en orbite voy. infra § 137 et § 214.
229
COPUOS, sous comité juridique, Pratique des Etats et des organisations internationales concernant
l’immatriculation des objets spatiaux, Document d’information du secrétariat, A/AC.105/C.2/L.255, 25 janvier
2005, §§ 36 et 37 où il est précisé que dans la plupart des cas, ces transferts de propriété ne sont pas signalés à
l’ONU. Parmi les rares exemples où le transfert a été signalé se trouve le cas du transfert du Royaume-Uni à la
Chine des satellites de communication géostationnaires Asiasat-1, Asiasat-2, Apstar-1 et Apstar-1A (voy.
ST/SG/SER.E/333 et ST/SG/SER.E 334). Le Royaume-Uni a informé l’ONU que ces objets avaient été retirés
de son registre national, et la Chine, qu’ils avaient été ajoutés au sien.
230
Qui est déjà envisagé comme une éventualité réalisable dès 2012:
[http://www.parabolicarc.com/2009/10/02/space-adventures-chartered-orbital-flights-2012/]
[http://en.rian.ru/russia/20091002/156327887.html] (consultés le 16 juillet 2010).

76
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sur un autre registre étatique a lieu et que dès lors une nouvelle « nationalité » est attribuée,
celle qui l’avait précédée étant définitivement supprimée. En revanche, lors d’une
immatriculation parallèle l’immatriculation attributive de nationalité continue d’exister, même
si elle est considérée comme suspendue provisoirement.
Or, ce n’est pas uniquement l’élément du « temps » qui différencie l’immatriculation
classique de l’immatriculation parallèle. Il convient en effet de les distinguer de manière plus
approfondie, puisque la fonction du rattachement change selon sa nature. La raison d’être de
la « nationalité » des navires et autres engins a été présentée comme l’établissement d’un lien
juridique permanent entre un Etat et un ensemble organisé. Ainsi l’Etat du pavillon pourra
contrôler et protéger l’être juridique collectif auquel il a accordé sa « nationalité » vis-à-vis
des autres Etats. Mais quid de l’éventualité d’une immatriculation « provisoire », permettant à
l’engin en question de remplir une fonction spécifique et délimitée dans le temps ? Quel type
de rattachement est exigé dans un tel cas et comment sera-t-il établi 231?
96. L’affrètement coque nue et la location coque nue sont des phénomènes relativement
récents qui soulèvent des questions juridiques importantes, de prime abord assez proches de la
problématique de la libre immatriculation. Cela est dû au fait que l’affrètement coque nue et
les phénomènes similaires entraînent une dissociation significative entre l’Etat du pavillon ou
d’immatriculation et l’Etat qui est en mesure d’exercer son contrôle et sa juridiction sur
l’engin affrété. Parmi les diverses solutions envisageables, l’immatriculation provisoire et
parallèle a été acceptée comme la plus complète prima facie. Sa nature reste, cependant,
ambiguë.
Il est donc nécessaire d’étudier l’institution de l’immatriculation parallèle, afin de savoir
s’il s’agit d’un rattachement identique ou équivalent à celui de la « nationalité » des engins. A
ces fins, il convient tout d’abord de distinguer, en ce qui concerne les navires, entre
immatriculation provisoire et immatriculation parallèle, les deux n’ayant en commun que leur
courte durée de validité. Cependant, il s’agit de deux types d’immatriculation provisoire
entièrement différents. Le premier, classique et ne modifiant en rien la nature du
rattachement, est celui de la « pré-immatriculation », étape préalable à l’immatriculation
permanente. La fonction d’une telle institution reste identique à celle de l’immatriculation
permanente, mais les conditions de sa réalisation sont plus souples. En revanche, le second
correspond à un cas de figure à part (A). Il est donc intéressant d’étudier les implications de
cette évolution pour la notion du rattachement des navires aux Etats, étant entendu que celui-

231
Voy. sur ce ODEKE (A.), « The national and international legal regime of bareboat charter registrations»,
Ocean Development and International Law: the journal of marine affairs, vol. 28, n° 4, 1997, pp. 329-366.

77
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

ci, devenant provisoire et parallèle, bascule vers une fonction plus économique concrète.
Ainsi décrite, l’immatriculation parallèle ne constitue toutefois pas une alternative à la libre
immatriculation mais une institution distincte (B).

A. L’immatriculation provisoire n’équivaut pas immatriculation parallèle

97. Cette catégorie d’immatriculation provisoire n’est pas particulièrement intéressante en


soi, étant donné qu’elle suit les mêmes règles que l’immatriculation permanente. Si elle est
rapidement envisagée ici, ce n’est que dans la mesure où elle peut ressembler prima facie à
l’immatriculation parallèle, ainsi que pour une hypothèse spécifique soulevant une question
juridique significative.
Tous les pays prévoient une période d’immatriculation provisoire, pouvant durer de
quelques mois à quelques années et qui est suivie par l’immatriculation permanente. Pendant
cette immatriculation provisoire, le navire bat le pavillon de l’Etat et a sa « nationalité », sans
que la nature provisoire du rattachement ne modifie en rien la nature du lien. Cependant, un
problème juridique peut résulter du fait qu’une telle immatriculation provisoire est permise ou
exigée par les législations nationales. Il s’agit de savoir ce qui se passe lorsque
l’immatriculation provisoire arrive à sa fin, sans qu’une immatriculation permanente la
remplace. Le navire en cause conserve-t-il sa nationalité en attendant une immatriculation
permanente au même registre ou devient-il apatride jusqu’à ce que cette dernière ait lieu ?
98. Ce dilemme fut envisagé par le Tribunal international du droit de la mer dans l’affaire
Saiga 2. En l’espèce, le navire était provisoirement immatriculé à Saint-Vincent-et-les-
Grenadines et la Guinée, défendeur dans l’affaire, soutenait que cet Etat n’avait pas qualité
pour soumettre ses demandes au Tribunal, car le navire « n’était pas valablement immatriculé
sous son pavillon ». La Guinée basait son argumentation sur l’absence d’immatriculation du
navire au moment de l’arraisonnement, le certificat provisoire d’immatriculation étant arrivé à
expiration le 12 septembre 1997 et le certificat définitif d’immatriculation n’ayant été établi
que le 28 novembre 1997. Ainsi, selon la Guinée, au moment de l’arraisonnement, le Saiga
était un navire sans nationalité. Elle se posait également la question de savoir s’il n’était pas
toujours immatriculé sur le registre de Malte où il se trouvait auparavant. Saint-Vincent
répondait que, selon sa loi sur la marine marchande de 1982, lorsqu’un navire est immatriculé
sous son pavillon, « il […] [le] demeure jusqu’à ce qu’il soit radié du registre » 232 - radiation
qui n’avait pas eu lieu ; et donc que le navire était encore valablement immatriculé, dès lors

232
Arrêt Saiga 2, § 59.

78
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

qu’il n’avait pas perdu sa nationalité du fait de l’expiration du certificat provisoire. Le


Tribunal n’a pas donné de réponse claire à la question, étant donné qu’il a basé son
argumentation à la fois sur la liberté des Etats de fixer les conditions d’attribution de leur
nationalité et sur le comportement ininterrompu de Saint-Vincent-et-les-Grenadines en tant
qu’Etat de pavillon ; ce d’autant plus que la contestation ne fut soulevée qu’à un stade trop
avancé de la procédure.
Dans leurs opinions individuelles, les juges ont considéré la question de manière plus
explicite. Certains ont souligné qu’ils n’adhéraient pas à la conclusion de l’arrêt selon laquelle
Saint-Vincent-et-les-Grenadines avait « établi » que le Saiga était immatriculé à Saint-
Vincent-et-les-Grenadines et avait la nationalité de ce pays au moment de son arraisonnement.
Pour le juge MENSAH, l’interruption de l’immatriculation du navire, bien que réelle, était
plus technique que matérielle. Quant aux juges NELSON et WOLFRUM, ils estimaient que,
le certificat provisoire ayant expiré, le navire n’avait plus la nationalité vincentaise. Dans le
même sens, les juges WARIOBA et NDIYAE ont conclu, dans leurs opinions dissidentes, que
l’exception de la Guinée était fondée. En effet, ils considéraient que le Saiga n’avait pas la
nationalité vincentaise au moment de l’arraisonnement, en raison de l’expiration du certificat
provisoire d’immatriculation, et que ni l’estoppel, ni la forclusion, ni l’acquiescement ne
pouvaient influencer cette conclusion. Le juge NDIYAE citait même à l’appui de son
raisonnement l’arrêt Nottebohm pour affirmer que s’il appartenait à chaque Etat de déterminer
les conditions d’attribution de sa propre nationalité, il ne dépendait ni de la loi ni des
décisions de l’Etat en question de déterminer s’il avait le droit d’exercer sa protection dans la
présente affaire 233. Le juge en concluait que les règles du droit international conféraient au
Tribunal le pouvoir de vérifier la validité de l’immatriculation.
La question n’a pas été tranchée de manière définitive par le Tribunal qui a opté pour une
approche au cas par cas, car elle dépend à un degré important de la législation nationale de
chaque Etat de pavillon. En effet, l’Etat, en fixant librement les conditions d’attribution de sa
nationalité, peut prévoir que l’immatriculation provisoire n’expire qu’une fois
l’immatriculation permanente établie. Le cas échéant, la sécurité juridique va jouer en faveur
d’une « reconduction tacite » de l’immatriculation malgré son expiration, afin que le navire ne
se trouve pas sans nationalité. En revanche, si, à l’instar des avis des juges dissidents, la

233
Voy. § 37 de l’opinion dissidente du juge NDIYAE: « Mais la question que le Tribunal doit résoudre ne se
situe pas seulement dans l’ordre juridique de Saint-Vincent-et-les-Grenadines […] En revanche, la validité
interne de la nationalité est la première condition de sa validité internationale. En effet, pour autant que le droit
international reconnaît aux Etats la compétence exclusive dans la détermination de la nationalité, il subordonne
à ses propres exigences son efficacité dans l’ordre international ».

79
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

solution retenue est celle de la fin de nationalité à l’expiration de l’immatriculation provisoire,


la voie est ouverte à des problèmes juridiques plus complexes. Problèmes qui ne font que
confirmer l’utilité de l’existence d’un lien de rattachement entre un navire et un Etat de
pavillon.
99. Quant aux législations nationales relatives à l’immatriculation provisoire, elles ne
varient pas beaucoup en fonction de la qualité des différents registres. En règle générale, cette
immatriculation est valable pour une période allant de 30 jours à 1 an. Dans la majorité des
cas une ou plusieurs extensions sont possibles. La plupart des pays accordent le certificat
d’immatriculation provisoire pour une période de 6 mois 234, suite à la remise ou l’envoi des
photocopies des justificatifs nécessaires. L’immatriculation permanente s’effectue alors, à la
fin de cette période, par la remise ou l’envoi des originaux et/ou des documents
supplémentaires au Registre. Néanmoins, certains pays exigent une nouvelle demande pour
l’immatriculation permanente 235. Les pays européens sont en général plus stricts concernant la
possibilité d’immatriculation provisoire 236.
Cette dernière crée donc un lien de rattachement national similaire à tous égards à celui
créé par l’immatriculation permanente. La « nationalité » attribuée remplit ses fonctions de la
même manière dans les deux cas et seul varie le temps de validité du certificat la confirmant,
en fonction de la nature permanente ou provisoire de l’immatriculation. En revanche la nature
de ce rattachement créé par la première immatriculation provisoire n’est pas identique à celui
créé par l’immatriculation parallèle, qui constitue une institution à part.

234
Ainsi pour Costa Rica (validité 6 mois, immatriculation permanente possible avec envoi des originaux dans
les 60 jours qui suivent) ; Chypre (validité 6 mois extension pour 3 mois) ; Honduras (4 mois extension pour
encore 4 mois et immatriculation permanente possible avec envoi des originaux dans les 30 jours qui suivent) ;
Liberia (6 mois plus 6 mois – immatriculation permanente avec remise de justificatifs supplémentaires dans le
mois qui suit, période exceptionnellement reconduite pour encore 2 mois) ; Panama (6 mois mais plusieurs
extensions possibles) ; Belize (1 an – une application complétée et une copie du certificat de tonnage du registre
précédent suffisent) ; Iles Marshall (un an plus un an maximum) ; Saint Vincent et les Grenadines (6 mois plus 6
mois) ; Vanuatu (30 jours plus 11 mois) ; Sri Lanka (6 mois).
235
Par exemple Chypre ; Royaume Uni.
236
Ainsi, l’immatriculation provisoire au registre du Royaume Uni est valable pour 3 mois ou jusqu’à l’arrivée
du navire au Royaume Uni ou la terminaison de l’immatriculation par l’officier du registre. Particulièrement
intéressant est le cas du Luxembourg, dont la législation prévoit que le certificat provisoire est valable pour 1 an
maximum et n’est attribué que pour les navires encore sous construction ou s’il n’est pas possible de fournir tous
les documents nécessaires pour une immatriculation permanente au moment de l’application. Par ailleurs, la
procédure pour l’immatriculation provisoire est identique à celle de l’immatriculation permanente.

80
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

B. L’immatriculation parallèle : ni un rattachement attributif de « nationalité » permanente, ni


un rattachement de complaisance

100. Quelle est la nature du rattachement créé par cette immatriculation « parallèle » de
l’affrètement à coque nue ? Et quelles sont ses conditions ? La doctrine a souvent comparé le
système de l’affrètement à coque nue aux pavillons de libre immatriculation 237, étant donné
que dans les deux cas il n’y a manifestement pas de lien substantiel entre le pavillon du navire
et l’Etat du pavillon, le rattachement restant largement ou exclusivement administratif. Or,
entre les deux phénomènes, il existe une différence importante, du moins en théorie. Dans le
cas de la libre immatriculation, c’est la « nationalité » de l’Etat qui est attribuée sans aucune
condition réelle ; dans le cas de l’affrètement coque nue, il s’agit uniquement du droit de
battre le pavillon. En revanche, la première immatriculation, et donc la « nationalité » du
navire, restent inchangées, malgré leur « suspension » provisoire. Le rattachement initial,
entre l’Etat de « nationalité » et le navire continue donc à exister, mais durant la période de
l’affrètement, le contrôle et la juridiction du navire passent à l’Etat du pavillon affrété, tout
comme la gestion du navire passe du propriétaire/armateur à l’affréteur.
101. La première question qui se pose ainsi est de savoir s’il existe une réelle différence
pratique entre le droit de battre pavillon et l’attribution d’une « nationalité ». S’agit-il de deux
rattachements distincts, permettant de différencier l’affrètement à coque nue des pavillons de
complaisance ? Si l’on prend l’exemple du pavillon des organisations internationales, on
constate une certaine différenciation. Les organisations internationales, nous l’avons vu, ne
peuvent pas attribuer leur « nationalité », puisqu’elles ne sont pas des Etats, mais elles
peuvent accorder leur pavillon aux engins, immatriculés par ailleurs sur un registre national.
La distinction doit se faire également en vertu des effets juridiques découlant de
l’acquisition d’une « nationalité » comparés à ceux découlant du fait de battre pavillon. La
question est, donc, de savoir si l’Etat du pavillon « parallèle » en cas d’affrètement à coque
nue a exactement les mêmes droits et obligations que l’Etat du pavillon classique ; il s’agit
également de se demander si l’Etat du pavillon « suspendu » n’a plus aucune obligation
internationale pendant la vie de l’affrètement ou si, au contraire, il intervient à titre subsidiaire

237
Pour une étude comparative entre l’affrètement coque nue et la libre immatriculation, afin de répondre à la
question si les navires affrétés coque nue doivent être considérés comme battant, en réalité, pavillon de
complaisance : ODEKE (A.), « An Examination of Bareboat Charter Registries and Flag of Convenience
Registries in International Law », Ocean development and international law: the journal of marine affairs, vol.
36, n° 4, 2005, pp. 339-362 ; MORENO (C.), « Bareboat charter registration in the light of international
instruments », op. cit. note 209, pp. 55-63.

81
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

pour pallier les défaillances de l’Etat du pavillon d’affrètement. Dans l’hypothèse où la nature
du rattachement et de ses implications changerait, on peut affirmer qu’il y a une réelle
différence entre l’affrètement à coque nue et la libre immatriculation. Le cas échéant, le
premier est juste une alternative à la deuxième, la seule différence tenant à la nature
provisoire du manque d’un lien substantiel.
102. Même s’il est admis qu’entre les deux régimes seul le critère temporel change, ce
critère ne suffit-il pas à dénaturer le rattachement classique et faire du rattachement en cas
d’affrètement une catégorie à part ? Si le droit de battre pavillon est accordé pour un certain
temps, c’est-à-dire la période de l’affrètement, et même si les effets juridiques de ce droit sont
identiques à ceux de l’attribution d’une nationalité durant cette période, on ne peut pas
affirmer qu’il s’agit d’un rattachement national permanent. On peut éventuellement comparer
ce droit de battre pavillon à celui de la résidence au regard de la nationalité ou plutôt à la
situation des ressortissants communautaires au regard des nationaux d’un Etat membre. Ils ont
quasiment les mêmes droits et obligations d’un point de vue fonctionnel mais on ne peut pas
affirmer pour autant que le fait d’être ressortissant communautaire soit identique à celui d’être
de nationalité française.
103. La différence entre la libre immatriculation et l’affrètement coque nue est donc que
la première permet à un navire d’acquérir un lien légal permanent avec un Etat avec lequel il
n’y a pas de rattachement réel, substantiel. L’affrètement à coque nue, en revanche, permet à
un navire d’acquérir un lien légal provisoire avec un Etat avec lequel ledit navire n’a pas de
rattachement réel, autre que celui de la domiciliation ou de la nationalité de son affréteur. Le
navire conserve cependant son lien de rattachement, éventuellement substantiel, avec un autre
Etat, l’Etat de sa « nationalité ». Le droit de battre son pavillon d’origine est, certes, suspendu,
mais son inscription au registre de son Etat d’immatriculation demeure inchangée et donc sa
« nationalité » également. Et ce lien rampant qui continue d’exister avec l’Etat d’origine n’est
pas totalement dépourvu d’effet juridique ; c’est justement en raison de cela que les deux
rattachements ne peuvent pas être considérés comme identiques.
En effet, en étudiant les législations nationales relatives à l’affrètement à coque nue, tant
en matière de « flag in » qu’en matière de « flag out », nous pouvons étayer la thèse selon
laquelle un rattachement basé sur l’immatriculation à titre d’affrètement à coque nue serait de
nature différente de celui de l’attribution de nationalité de complaisance. Quasiment toutes les
législations prévoient un temps maximum pour l’affrètement à coque nue, s’élevant le plus

82
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

souvent à 4 ou 5 ans 238. Ce qui montre clairement qu’il ne s’agit pas d’un lien légal de la
même nature que celui de la « nationalité », ni d’une manière d’opter indirectement pour la
libre immatriculation. Après ces 4 ou 5 ans, le navire retrouvera sa nationalité d’origine et ne
pourra plus profiter des avantages économiques ou autres du pavillon parallèle.
Il est vrai que l’élément temporel ne joue pas uniquement en cas d’affrètement à coque
nue. En ce qui concerne l’immatriculation permanente également, il est prévu par certaines
législations que le certificat d’immatriculation reste valable pendant 4 ou 5 ans 239, à la fin
desquels il convient de renouveler l’inscription au registre. Mais cette durée de validité ne
concerne que le certificat d’immatriculation, c’est-à-dire la régularité des documents prouvant
la « nationalité » d’un navire et son droit de battre pavillon, mais non la « nationalité » per se
qui n’expire pas, elle, à l’expiration du certificat. On pourrait être tenté de comparer alors ce
certificat à un passeport qui peut expirer, sans pour autant entraîner la fin de la nationalité de
la personne 240. Mais dans le cas de l’immatriculation de type affrètement à coque nue, ce n’est
pas uniquement le certificat d’immatriculation mais le droit même de battre pavillon qui
expire et – si on peut parler de « nationalité » provisoire – la « nationalité » accordée
provisoirement au navire. C’est pour cette raison que le navire, à l’expiration du certificat en
cause, retrouvera automatiquement sa « nationalité » d’origine.
104. Par ailleurs, les législations des pays maritimes traditionnels encadrent le
dépavillonnement en imposant certaines conditions ; celles-ci démontrent que l’Etat du
pavillon continue de se considérer comme indirectement lié jusqu’à un certain degré au navire
affrété ayant sa « nationalité rampante », même si cette dernière est « suspendue ». La
législation luxembourgeoise fournit un excellent exemple dans ce sens : afin de permettre
l’immatriculation d’un navire luxembourgeois sur un registre étranger suite à un affrètement à
coque nue, le ministère des transports peut demander un accord écrit entre le propriétaire et

238
Sauf pour le Djibouti pour lequel il n’y a pas de limitation de durée.
239
Par exemple au Panama, le certificat d’immatriculation permanente à une limite de validité. La Statutory
Navigation Licence (Patente Reglamentaria) est délivrée une fois toute la documentation soumise et le titre du
navire enregistré au Public Registry Office et est valable pour 4 ans (renouvelable) pour les navires marchands et
pour deux ans pour les bateaux de plaisance. Pour ce qui concerne le Belize, le certificat d’immatriculation
permanente est valable pour 5 ans. Idem pour les Iles Marshall. Pour ce qui concerne le Luxembourg, la période
de validité du certificat ne peut dépasser les 2 ans.
240
Dans l’affaire Saiga 2 l’un des arguments de Saint-Vincent-et-les-Grenadines était qu’un navire ne perdait
pas la nationalité vincentaise du fait de l’arrivée à expiration de son certificat provisoire d’immatriculation. Afin
d’appuyer cet argument, il prenait l’exemple de l’expiration d’un passeport : tout comme celle-ci ne signifiait pas
la perte de nationalité de la personne, de la même manière l’expiration du certificat provisoire d’immatriculation
n’équivalait pas fin de la nationalité du navire. Le fondement de cette affirmation était que le certificat, tout
comme le passeport, étaient pour Saint-Vincent la preuve et non pas la source de la nationalité. La Guinée a
cependant répondu – pertinement – en soulignant que la nationalité de la personne et du navire étaient de nature
distincte puisque la deuxième s’acquiert par l’immatriculation alors que la première n’a pas besoin de la
livraison d’un passeport pour s’établir. Voy. Arrêt Saiga 2, §§ 60 et 61.

83
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

l’affréteur, déclarant que tous les standards de sécurité imposés par Luxembourg seront
appliqués pendant la période de suspension de la nationalité luxembourgeoise du navire
affrété 241.
105. De plus, il convient de noter qu’en ce qui concerne les pays traditionnels maritimes
et les pays européens, le rapprochement entre affrètement à coque nue et libre immatriculation
ne se fait qu’en termes de « charter/flagging out ». C’est-à-dire dans le cas où un navire
immatriculé dans un pays de registre rigide, est affrété à coque nue et que, suite à cet
affrètement, il est immatriculé provisoirement dans un pays de libre immatriculation. Le cas,
en revanche, du « charter/flagging in », est beaucoup moins controversé, puisqu’il implique
qu’un navire étranger soit inscrit provisoirement au registre d’un pays maritime traditionnel,
ce dernier appliquant son contrôle et sa juridiction, à priori effectifs, sur ce navire. Dans ce
cas de figure, l’immatriculation du navire affrété n’est pas problématique, puisque les
obligations internationales de contrôle et de sécurité sont assurées par un pays maritime
« fiable ». C’est d’ailleurs pour cela que certains pays permettent l’affrètement à coque nue
« in » mais pas « out » 242.
106. Qu’il s’agisse du « charter in » ou du « charter out », le pays de nationalité d’origine
maintient un certain degré de rattachement – même très lointain et abstrait – avec le navire.
En effet, comme nous allons le voir de manière plus détaillée par la suite, l’Etat d’origine qui
donne son accord pour le dépavillonnement, conserve le droit d’y mettre fin et, surtout,
continue à « contrôler » le navire à travers son propriétaire. Ce dernier confie, certes,
entièrement la gestion du navire à l’affréteur, mais il s’engage auprès de l’Etat du pavillon
d’origine à rester informé de son activité. Ainsi, toute la problématique de l’affrètement à
coque nue tourne autour de la notion de l’exercice des juridiction/contrôle effectifs. Si ce
contrôle n’existe pas, l’affrètement à coque nue se transforme en une manière à peine
déguisée de battre pavillon de complaisance. Or, ce contrôle ne peut pas, par définition, être
exercé sur un navire affrété – et donc entièrement géré par son opérateur provisoire – par son
Etat d’immatriculation originelle. Dès lors, l’immatriculation parallèle semble la solution la
plus évidente pour associer de nouveau Etat d’immatriculation et exercice de
juridiction/contrôle. Et dans cette hypothèse l’immatriculation parallèle n’équivaut,

241
Sur la législation luxembourgeoise voy. ODEKE (A.), Bareboat Charter (Ship) Registration, op. cit. note
210, pp. 533-537; Voy. également la loi du 9 novembre 1990 modifiée le 17 juin 1994 relative à la création d’un
registre maritime public, articles 4 et 11-14.
242
Par exemple Royaume Uni, Pays Bas.

84
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

clairement, pas à une libre immatriculation 243. Elle sert à établir un lien juridique provisoire
avec l’ordre juridique le plus « proche » aux activités de l’ensemble organisé.
L’immatriculation parallèle doit donc être considérée comme différente de l’immatriculation
attributive de « nationalité », que cette dernière soit provisoire, permanente ou de
« complaisance ».

Conclusion de la section

107. L’affrètement coque nue et toutes les pratiques similaires, considérées ici comme
synonymes, ont en commun pour résultat la dissociation entre la propriété et l’exploitation
commerciale de l’engin et, dès lors, la dissociation entre l’Etat d’immatriculation d’origine et
l’Etat en mesure d’exercer ses juridiction/contrôle sur l’engin et ses activités. En raison de
cette caractéristique de l’affrètement coque nue, la pratique maritime a évolué vers la
possibilité d’une immatriculation parallèle, combinée à une suspension provisoire de
l’immatriculation permanente d’origine. Cette immatriculation parallèle doit être considérée
comme une institution à part, distincte de l’immatriculation permanente, dès lors qu’elle sert
des finalités différentes et qu’elle a une nature sui generis. Mais cette affirmation suffit-elle
pour concilier l’immatriculation parallèle avec le principe du droit international en vertu
duquel chaque engin affecté à la navigation internationale doit être rattaché à un seul Etat ?
Dès lors qu’en cas d’immatriculation parallèle on peut distinguer entre une
« nationalité d’origine suspendue » et un rattachement provisoire, il convient de se demander
si on peut considérer cette nouvelle institution comme conforme aux traités internationaux du
droit de la mer, de l’air et de l’espace et, le cas échéant, lequel de deux Etats concernés est
celui auquel l’engin est véritablement rattaché de manière exclusive.

SECTION II. L’immatriculation parallèle conforme au principe d’un rattachement


étatique unique

108. La pratique maritime relative à l’affrètement coque nue a conduit le droit national et
par la suite international à l’adoption du système de l’immatriculation parallèle. Il s’agissait
d’une solution visant à remédier à la dissociation entre Etat d’immatriculation et exercice de
juridiction/contrôle sur le navire affrété. Malgré les obstacles, inhérents à la réalité du
shipping international, cette solution semble admise par une grande partie des pays maritimes.

243
Cette approche théorique ne refléte, cependant, pas toujours la réalité. Les mêmes Etats qui accordent des
pavillons de complaisance sans être en mesure de contrôler les navires de leur nationalité, seront les Etats qui
acceptent facilement le charter in des navires affrétés.

85
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

Des pratiques similaires se sont développées dans le cadre de l’industrie aérienne, où la


location coque nue soulève les mêmes interrogations que l’affrètement à coque nue maritime.
Le droit aérien, qui a opté pour une approche différente et plus ambiguë, pourrait dès lors
s’inspirer de l’immatriculation parallèle du droit de la mer. Par ailleurs, au vu des évolutions
rapides de l’industrie spatiale, les solutions du droit de la mer pourraient être appelées à
remédier aux nouveaux problèmes spatiaux dans un futur immédiat.
109. Cependant, la conformité de cette immatriculation parallèle au droit international
peut être remise en cause. Si la convention de Montego Bay n’interdit de lege lata que la
navigation sous « double » pavillon, la convention de Chicago et la convention sur
l’immatriculation des objets spatiaux interdisent – expressément et indirectement
respectivement – la double immatriculation. Néanmoins, en ce qui concerne aussi bien le droit
de la mer (§1) que le droit de l’air (§2) et de l’espace (§3) il est possible d’affirmer que
l’immatriculation parallèle ne contredit pas véritablement le principe général du rattachement
national unique des engins aux Etats pour deux raisons. D’une part parce qu’elle constitue une
institution sui generis non attributive de « nationalité » permanente. D’autre part parce que
l’engin en cause demeure, aux yeux du droit international, rattaché à un Etat unique : il s’agit
de l’Etat de l’immatriculation parallèle pendant la période de l’affrètement, remplacé par
l’Etat d’immatriculation d’origine dès que l’affrètement prend fin.

§ 1. L’immatriculation parallèle et le droit de la mer

110. Contrairement au droit international de l’air et au droit spatial qui interdisent la


double immatriculation des engins, le droit de la mer interdit simplement la navigation sous
double pavillon. Même si nous avons interprété cette interdiction comme s’étendant a priori à
la double immatriculation, le fait est que, de lege lata, le droit de la mer peut être considéré
comme pouvant permettre, ou du moins tolérer, l’immatriculation parallèle. Il convient en
effet d’étudier si l’interdiction de la navigation sous double pavillon peut avoir une incidence
sur la licéité de l’immatriculation parallèle (A). Il importe à ces fins d’examiner si, lors de
l’affrètement coque nue, le navire doit être considéré comme étant simultanément rattaché à
deux Etats ou s’il existe un seul véritable rattachement, l’autre étant provisoirement
« suspendu » (B).

86
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

A. L’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue conforme au principe de


l’exclusivité du pavillon

111. L’article 92 de la convention de Montego Bay interdit la navigation sous double


pavillon, sans préciser si la double immatriculation est dès lors également interdite. La
pratique permettant d’arborer deux pavillons à titre exceptionnel lors d’un affrètement coque
nue a été soulevée devant la Commission dès 1956 lors des travaux préparatoires sur l’article
6 de la convention sur la haute mer de 1958, devenu article 92 dans la convention de Montego
Bay, mais n’a pas été débattue ni prise en compte dans le projet final 244. Les travaux
préparatoires relatifs à l’article 92 n’apportent pas d’éléments nouveaux quant à cette
« confusion » 245.
Faut-il dès lors considérer que l’article 6 de la convention de Genève et l’article 92 de la
convention de Montego Bay interdisent non seulement la navigation sous plusieurs pavillons
mais également toute forme de « double » immatriculation 246 ? Une telle interdiction existe
bel et bien en droit de la mer, mais uniquement en ce qui concerne l’immatriculation
permanente attributive de la « nationalité » d’un Etat. Il s’agit donc en réalité d’une
interdiction de la double « nationalité », malgré une rédaction maladroite de l’article 92.
Comme nous l’avons déjà signalé, le pavillon, l’immatriculation et la nationalité du navire ne
coïncident pas toujours ; le choix du terme employé doit dès lors être effectué avec prudence.
La convention de Montego Bay introduit elle-même implicitement une exception à
l’interdiction du double pavillon en son article 93 relatif aux navires battant le pavillon de
l’ONU ou de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Cependant, les articles 92 et 93
ne sont pas contradictoires. Si le premier interdit l’usage des pavillons de plusieurs Etats, le
second introduit une exception indirecte permettant l’usage simultané d’un pavillon étatique
et d’un pavillon d’une organisation internationale.
112. Pourquoi une telle exception n’a-t-elle pas été également prévue concernant
l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue et l’usage donc du pavillon de
l’Etat sur le registre duquel le navire affrété est provisoirement inscrit ? Il ne semble pas que
cette lacune révèle une volonté d’interdire l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement

244
Annuaire de la CDI, 1956, vol. I, Comptes rendus analytiques de la huitième session, 341ème séance, p. 42,
observation de M. ZOUREK.
245
NORDQUIST (M. H.) ed., United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A Commentary, Vol. III,
Martinus Nijhoff Publishers, The Hague/ London/ Boston, 1995, pp. 123-125.
246
Sur la question voy. également CURCIC (V. P.), « Registration of ships under bareboat charter with
particular reference to dual registration », Il diritto marittimo, vol. 91, 1989, pp. 415-427.

87
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

coque nue. La question a été tout simplement ignorée par la Commission du droit
international, qui n’a peut être pas considéré l’éventualité comme suffisamment importante.
De toutes les façons, la lettre de l’article 92 n’interdit pas expressément l’immatriculation
parallèle. Dès lors que le navire affrété ne navigue que sous le pavillon de l’Etat sur le registre
duquel son affréteur l’a inscrit, il ne viole en rien la lettre de cet article. Quant à sa ratio legis,
elle est également respectée, puisque l’immatriculation parallèle n’est pas de même nature que
l’immatriculation permanente et puisqu’elle n’attribue pas véritablement de « nationalité ».
L’immatriculation parallèle doit donc être considérée comme conforme à l’article 92 de la
convention de Montego Bay. Certaines législations nationales, comme celle de l’Afrique du
Sud, affirment d’ailleurs expressément que l’immatriculation parallèle ne constitue pas une
« double immatriculation » prohibée 247.
113. Par ailleurs, si cette institution n’a pas été prise en considération par la convention
de 1982, on la retrouve dans celle de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires.
Bien que cette dernière ne soit pas et n’entrera jamais selon toute probabilité en vigueur faute
de ratification, il est important de souligner que le phénomène de l’affrètement coque nue n’a
pas été complètement ignoré par le droit international de la mer. En effet, alors que cette
convention interdit la navigation sous les pavillons de plusieurs Etats 248 et la double
immatriculation 249, c’est-à-dire l’immatriculation simultanée sur deux registres différents, elle
fait une exception en ce qui concerne l’affrètement à coque nue. L’article 11 paragraphe 5 de
la convention prévoit en effet que l’Etat du pavillon, dans le cas de l’affrètement à coque nue,
doit s’assurer que le droit de battre le pavillon de l’Etat du pavillon précédent est suspendu et
non pas supprimé, comme l’exige la règle générale formulée à l’article 11 paragraphe 4 pour
toute autre immatriculation 250. Ainsi l’article 11 paragraphe 5 confirme-t-il que les registres
de l’affrètement à coque nue sont parallèles. L’article 12 251, intitulé « Affrètement à coque
nue », dispose d’autre part que, pour les buts de la convention, l’affréteur est considéré
comme propriétaire sans avoir le droit de propriété 252 ; il impose à l’Etat d’assurer que le
navire battant son pavillon pendant la vie de l’affrètement est totalement soumis à ses

247
Ship Registration Act n°58 1998, article 19 intitulé « Prohibition on dual registration » qui prévoit une
exception à cette interdiction spécialement pour l’immatriculation affrètement coque nue.
248
Convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires, article 4 § 3.
249
Ibidem, article 4 § 4.
250
En effet, l’article 11 § 4 stipule qu’avant d’immatriculer un navire sur son registre, un Etat doit s’assurer que
son immatriculation précédente, si elle existe, est supprimée.
251
Voy. analyse des articles 11 §§ 5 et 12 de la la convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des
navires par VIGIL (R.), « El registro de fletamentos a casco desnudo : peligros y ventajas », Droit Européen des
Transports, vol.25, 1990, p. 8.
252
Convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires, article 12 § 3.

88
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

juridiction/contrôle 253. La convention internationale de 1993 sur les privilèges et hypothèques


maritimes prend également en considération l’éventualité de l’immatriculation parallèle ou
plus exactement celle du droit de battre le pavillon de l’Etat choisi par l’affréteur. Dans son
article 16, intitulé « Changement temporaire de pavillon », des règles spécifiques sont prévues
pour l’hypothèse où « un navire de mer immatriculé dans un Etat est autorisé à battre
temporairement le pavillon d’un autre Etat ».
114. Il est donc clair que le droit international de la mer n’interdit pas l’immatriculation
parallèle en cas d’affrètement à coque nue. La question qui se pose dès lors est de savoir si
cette affirmation signifie qu’un navire peut être « rattaché » à deux Etats simultanément. Si
les deux rattachements ne sont, certes, pas de même nature, ils n’en demeurent pas moins des
rattachements à un Etat. Quid alors du principe du rattachement national exclusif ? Afin de
répondre, il est nécessaire d’examiner quel rôle le rattachement d’origine, c’est-à-dire la
« nationalité suspendue » du navire affrété, continue de jouer pendant la période de
l’affrètement, pendant la période donc où le navire en cause est rattaché à un autre Etat via
l’immatriculation parallèle.

B. L’immatriculation parallèle, seul rattachement pris en compte par le droit international

115. Malgré la suspension provisoire de l’immatriculation d’origine pendant la période de


l’affrètement, il semblerait que l’Etat de nationalité du navire ne se considère pas comme
absolument dépourvu de tout lien avec le navire affrété. Il convient dès lors d’examiner si le
navire affrété doit être considéré comme également rattaché à l’Etat d’immatriculation
d’origine. Le rôle que ce dernier conserve malgré l’immatriculation parallèle est très
clairement illustré en cas de dépavillonnement. En effet, étant donné que l’affrètement à
coque nue est un moyen permettant d’immatriculer le navire sur des registres plus
économiques et plus souples, le « flagging out » se fait principalement d’un Etat maritime
traditionnel à registre rigide vers un Etat de libre ou souple immatriculation ou vers un
registre bis ou international. Ainsi, l’Etat de pavillon d’origine est souvent un Etat exigeant un
lien « substantiel » avec les navires auxquels il attribue sa nationalité. Ce lien est « gelé »
pendant toute la durée de l’affrètement, mais ne disparaît pas complètement. Il continue
d’exister d’une manière rampante, ce qui se manifeste à travers les exigences posées par l’Etat
du pavillon d’origine afin d’autoriser l’immatriculation provisoire sur un registre étranger.
Cependant ces exigences sont minimes et ne traduisent pas un véritable rattachement à l’Etat

253
Ibid., article 12 § 4.

89
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

d’immatriculation d’origine. Elles manifestent simplement la volonté de cet Etat de conserver


un certain lien avec le navire qui retrouvera sa « nationalité » à la fin de la période
d’affrètement. Il s’agit donc plutôt d’une mesure préventive, afin d’éviter que le navire en
cause devienne un navire « sous-normes » pendant son immatriculation parallèle, que d’une
mesure témoignant d’une prétention quelconque à contrôler l’engin.
Le Danemark, par exemple, n’autorise le « charter out » que si le registre étranger a
adopté toutes les conventions maritimes auxquelles le Danemark est lui-même partie. Tel est
le cas pour tous les registres UE et EEE, ainsi que pour les registres du Liberia et de l’Ile de
Man. Dans le même sens, la législation italienne prévoit que le propriétaire doit s’engager
auprès de l’Italie quant à la suspension provisoire du pavillon, sa reprise et le maintien du
navire à la première classe du Registro Navale Italiano 254. Le Luxembourg exige, quant à lui,
pour tout « charter out » une demande au ministère des transports contenant les détails du
registre étranger dans lequel le navire sera immatriculé. Le propriétaire demandant le
dépavillonnement doit alors s’engager à fournir au commissionnaire maritime, dans un délai
de 30 jours, tous les certificats attribués par les autorités luxembourgeoises ainsi qu’une copie
du certificat d’immatriculation de l’Etat étranger. Il doit en outre l’informer de la fin de
l’affrètement ou d’une reprise de possession du navire pour toute raison possible. De plus, un
accord écrit entre le propriétaire et l’affréteur doit être passé, déclarant la suspension du droit
de battre pavillon luxembourgeois et prévoyant explicitement que tous les standards de
sécurité imposés par le Luxembourg seront appliqués. Enfin, le propriétaire déclare également
qu’en cas d’accident majeur conduisant à la perte du navire, à son endommagement sérieux
ou encore à une pollution environnementale, il coopérera avec l’affréteur afin de faciliter la
mission des experts nommés par le commissionnaire pour enquêter.
Enfin, les législations de Antigua et Barbuda et de Samoa constituent des exemples
topiques en ce qui concerne le rôle extrêmement réduit de l’Etat d’immatriculation d’origine.
La première stipule que, pendant la suspension de l’immatriculation d’origine, pour toute
question de responsabilité pour pollution l’ « Etat d’immatriculation » est l’Etat sur le registre
duquel le navire affrété est provisoirement immatriculé 255. Quant à la récente loi de Samoa,
elle est encore plus claire à cet égard : elle affirme que tout navire affrété coque nue et inscrit

254
Codice della Navigazione tel que modifié par les articles 28 et 29 de la loi de 14 juin 1989 n° 234 (flagging in)
et n° 30 de 1998 (flagging out).
255
Merchant Shipping Act 2006, Part VII, Chapter II, § 185; Il en va de même pour les Iles Vierges britanniques
dont la législation stipule expressément que pendant une immatriculation affrètement coque nue, le navire est
considéré comme un « navire des Iles Vierges » [Merchant Shipping Act 2001, article 29] et pour la Jamaïque
dont la législation prévoit que pendant un affrètement coque nue-charter out le navire affrété est considéré
comme n’étant pas un navire jamaïquain [Shipping Act 1999, Part IV, article 19].

90
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sur son registre spécial est soumis à sa compétence exclusive et doit obéir à ses lois
nationales 256.
116. Dans le cas d’immatriculation parallèle, suite à un contrat d’affrètement coque nue, il
y a lieu dès lors de parler d’une « nationalité » d’origine - rampante ou suspendue - mais qui
ne cesse pas pour autant d’exister. La nouvelle immatriculation semble donc « partielle », ne
concernant que le droit de battre pavillon sans attribuer une « nationalité » et sans affecter la
propriété et les droits in rem sur le navire. Cependant, le rôle que l’Etat de « nationalité »
d’origine peut conserver est minime. Les exemples donnés par les législations nationales
montrent clairement que cet Etat ne peut intervenir qu’en amont, avant de donner son
autorisation à l’immatriculation parallèle. En revanche, une fois que le navire affrété est
immatriculé sur son nouveau registre, l’Etat de « nationalité » d’origine n’a quasiment plus
aucun pouvoir sur l’engin. S’il est encore considéré comme rattaché au navire pour des
questions relatives aux privilèges et hypothèques maritimes 257, du point de vue du droit
international public, le nouvel Etat du pavillon est le seul compétent en ce qui concerne les
juridiction/contrôle en haute mer, puisqu’il est le seul réellement rattaché au navire pendant la
période de l’affrètement 258. Si l’Etat d’origine veut conserver une certaine forme de
« surveillance », celle-ci reste très lointaine et dépend de la « bonne volonté » de l’affréteur et
du propriétaire.
117. Une question qui s’est posée concernant l’article 7 paragraphe 2 de la convention de
1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
(ci-après CLC) peut illustrer cette tendance nette de la communauté internationale à
considérer le navire comme rattaché à l’Etat d’immatriculation parallèle et non d’origine.
Cette disposition impose à l’ « autorité compétente de l’Etat d’immatriculation du navire » de

256
Shipping Amendement (Bareboat Charter) Act 2001, article 50.I « Jurisdiction Over a Ship Registered Under
this Part » ; cependant, la même loi prévoit qu’en cas de charter out, l’autorité compétente nationale conserve
plusieurs droits : l’immatriculation charter out est nulle aux yeux du droit interne si les conditions prévues par la
loi nationale n’ont pas été respectées (article 50.Q) et le ministre peut révoquer son autorisation pour le charter
out à tout moment (article 50.W).
257
Convention de 1993 sur les privilèges et hypothèques maritimes, article 16.
258
Dans les ICC Recommendations for a legal and regulatory framework for bareboat charter
registration adoptées par la Chambre Internationale de Commerce en 1988, la recommandation n°4 confirme
cette règle : « L’Etat dont le navire bat le pavillon est le seul Etat responsable en ce qui concerne l’exercice
effective de juridiction et de contrôle sur l’opération et le management du navire ». Voy. cependant
BERLIGNIERI (F.), « The new Ilalian Law on Temporary Registration of Bareboat chartered Vessels », Journal
of Maritime Law and Commerce, vol.21, n°2, 1990, pp. 210-211; l’auteur remarque que « le caractère
permanent et les caractéristiques du contrôle de la part de l’Etat d’immatriculation [d’origine] pourraient
justifier la conclusion que le navire « appartient » à ce Etat ». Il observe néanmoins que c’est l’Etat du pavillon
(de l’immatriculation parallèle) qui conserve le contrôle sur tous les aspects de sécurité de la navigation et
d’emploi à bord du navire. Il semble donc accepter implicitement que pour toutes les questions intéressant le
droit international de la mer, le navire est rattaché à son Etat du pavillon (donc de l’immatriculation parallèle) et
non (ou moins) à l’Etat d’immatriculation d’origine.

91
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

fournir un certificat attestant qu’une assurance couvrant le navire est en cours de validité. La
convention ne prenant pas en considération l’éventualité de l’affrètement coque nue, il n’était
pas clair si ce certificat devait être délivré par l’Etat de « nationalité suspendue » ou par l’Etat
d’immatriculation parallèle. Le comité juridique de l’OMI a ainsi étudié la question lors de sa
66ème session en 1992 et en a conclu que le certificat demandé est un document de droit public
et qu’il doit dès lors être délivré par l’Etat qui exerce sa juridiction sur le navire, c’est-à-dire
l’Etat du pavillon/d’immatriculation parallèle et non par l’Etat de « nationalité suspendue »,
même si l’engin demeure inscrit sur le registre de droit privé de ce dernier 259.
118. Il convient donc de conclure que le lien de rattachement créé par l’immatriculation
parallèle n’est pas identique à celui créé par l’immatriculation permanente attributive de
« nationalité » mais qu’il constitue néanmoins, en ce qui concerne les questions de droit
international public, le seul véritable rattachement du navire à un Etat pendant toute la période
de l’affrètement. Au vu de la raison d’être, de l’utilité et du fonctionnement de ce
rattachement tel que nous l’avons étudié jusqu’ici, nous pouvons affirmer que le lien qui
continue d’exister entre l’Etat de la « nationalité » d’origine et le navire ne peut pas être
qualifié comme un véritable rattachement d’un engin à un Etat pendant la période de
l’immatriculation parallèle. Le rattachement du navire affrété reste donc unique, malgré
l’éventuelle existence d’une nationalité « suspendue ». Si le rattachement créé par
l’affrètement coque nue peut être théoriquement considéré, dans une certaine mesure, comme
plus « faible », puisque parallèle et dépendant du lien originel, il n’en demeure pas moins,
d’un point de vue fonctionnel, un véritable rattachement au sens du droit international public.
Dans le même temps, ce lien juridique parallèle, obéissant à la fois aux règles du nouvel Etat
de pavillon et aux exigences préalables de l’Etat originel, semble la manière la plus sûre
d’assurer un contrôle effectif sur le navire affrété. L’étude des solutions alternatives adoptées
par le droit aérien, qui a préféré rester fidèle à l’interdiction littérale de la double
immatriculation, étaye cette hypothèse.

§ 2. L’immatriculation parallèle et le droit aérien

119. L’immatriculation parallèle était a priori moins susceptible de s’introduire dans le


droit de l’air dès lors que celui-ci interdit expressément la double immatriculation. Le droit
aérien a donc choisi une solution différente pour la régulation de la location coque nue, qui,
malgré son intérêt théorique et pratique, nous semble moins pertinente que l’immatriculation

259
Document OMI : LEG 71/7 du 6 juillet 1994 ainsi que LEG 66/6/1.

92
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

parallèle. Cette dernière ne doit, par ailleurs, pas être considérée comme prohibée par le droit
international de l’air qui n’interdit, à l’instar du droit de la mer, que la double immatriculation
attributive de « nationalité ». Elle a été néanmoins écartée en tant qu’institution ; une simple
possibilité de délégation des fonctions a été jugée suffisante pour régler les questions
juridiques découlant de la location coque nue des aéronefs (A). Or, si cette solution paraît plus
simple à mettre en œuvre, elle est plus ambiguë que l’approche du droit de la mer (B).

A. La délégation des fonctions en tant que solution du droit aérien pour la location coque nue

120. L’article 18 de la convention de Chicago interdit l’immatriculation d’un aéronef dans


plus d’un Etat, tout en autorisant le transfert de celle-ci. Doit-on dès lors considérer qu’il est
impossible d’envisager en droit aérien, à l’instar du droit maritime, une dissociation entre la
« nationalité »/immatriculation permanente de l’aéronef et l’immatriculation provisoire et
parallèle suite à une location coque nue ? Sera-t-il nécessaire d’effectuer une nouvelle
immatriculation de l’aéronef chaque fois qu’il est loué coque nue ?
Une immatriculation parallèle semble utile lorsqu’un avion ayant la nationalité d’un Etat x
est loué coque nue et pour une période de temps importante à un national d’un Etat y. En
pareille hypothèse, l’Etat d’immatriculation d’origine n’est pas en mesure d’assurer les
obligations internationales que la convention de Chicago lui impose, étant donné que
l’aéronef est exploité et entretenu hors de cet Etat. Une immatriculation parallèle peut dès lors
s’avérer nécessaire. Cette possibilité est pourtant a priori exclue par la convention de
Chicago ; il convient dès lors d’examiner comment la question de la location coque nue des
aéronefs est réglée par le droit international et les législations nationales.
121. Très important à cet égard est l’article 83bis 260 de la convention de Chicago. Son
adoption a été rendue indispensable par la multiplication exceptionnelle des locations,
affrètement et banalisations d’aéronefs. En vue de résoudre les problèmes juridiques posés par
ces types d’exploitation, la conclusion des accords bilatéraux et multilatéraux ne pouvait pas
constituer une solution satisfaisante, universelle et uniforme. Un amendement à la convention
de Chicago ou une nouvelle convention internationale sur la location coque nue ont été
envisagés comme les deux formules potentielles répondant à ce besoin. Finalement c’est la

260
Le 6 octobre 1980 l’Assemblée a décidé d’amender la convention de Chicago en ajoutant l’article 83bis.
Conformément à l’article 94 a) de la convention, cet amendement est entré en vigueur le 20 juin 1997 à l’égard
des Etats qui l’ont ratifié. Selon M. WASSENBERGH cet article aurait pour objectif de permettre la
reconnaissance de la délégation du contrôle de la sécurité de l’aéronef au gouvernement américain dans le cas
des transporteurs américains opérant des aéronefs immatriculés à l’étranger dans le marché domestique, en vertu
de la modification de 1980 du Federal Aviation Act de 1958, Sec. 1108. WASSENBERGH (H. A.), Principles
and Practices in Air Transport Regulation, Institut du Transport Aérien, Les Presses ITA, Paris, 1993, p. 157.

93
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

première qui a été privilégiée et c’est ainsi que l’article 83bis est né 261. En vertu de cet article,
« lorsqu’un aéronef immatriculé dans un Etat contractant est exploité en vertu d’un accord de
location, d’affrètement ou de banalisation de l’aéronef, ou de tout autre arrangement
similaire, par un exploitant qui a le siège principal de son exploitation, ou à défaut, sa
résidence permanente dans un autre Etat contractant, l’Etat d’immatriculation peut, par
accord avec cet autre Etat, transférer à celui-ci tout ou partie des fonctions et obligations que
les articles 12, 30, 31 et 32a) lui confèrent, à l’égard de cet aéronef, en sa qualité d’Etat
d’immatriculation. L’Etat d’immatriculation sera dégagé de sa responsabilité en ce qui
concerne les fonctions et obligations transférées. Le transfert ne portera pas effet à l’égard
des autres Etats contractants avant que l’accord dont il fait objet ait été enregistré au Conseil
et rendu public conformément à l’article 83 ou que l’existence et la portée de l’accord aient
été notifiées directement aux autorités de l’Etat ou des autres Etats contractants intéressés
par un Etat partie à l’accord. » Il prévoit donc la possibilité d’une dissociation entre l’Etat du
pavillon et l’Etat d’affrètement/location en ce qui concerne les fonctions et obligations
découlant de l’exploitation de l’aéronef, sans préciser si une immatriculation de la part du
deuxième Etat est nécessaire ou non 262. Dans tous les cas, un accord est exigé entre les deux
Etats intéressés, accord qui définira a priori les conditions techniques et administratives du
transfert des compétences. En définitive donc, l’article 83bis n’a eu comme résultat que de
rendre opposables aux Etats tiers les accords de transfert conclus entre l’Etat
d’immatriculation d’origine et celui de l’affréteur.
S’il rend possible la dissociation entre Etat d’immatriculation et exercice du contrôle
pendant la période de location ou d’affrètement, il ne prévoit pas que l’Etat de « nationalité »
de l’aéronef peut suspendre son immatriculation (si la totalité des fonctions et obligations est
transférée) et qu’une deuxième immatriculation peut être effectuée par l’Etat de nationalité ou
de résidence de l’exploitant provisoire de l’aéronef. Par ailleurs, lorsqu’une partie uniquement
des fonctions et obligations de l’Etat du pavillon est transférée au deuxième Etat, il semble
possible d’avoir deux Etats compétents à l’égard d’un seul aéronef.
122. Cette différence de régime juridique que nous pouvons constater entre l’affrètement
du droit maritime – pour lequel l’immatriculation parallèle est explicitement prévue par le
261
Voy. sur l’histoire de l’article 83bis GUILLAUME (G.), « Location, affrètement et banalisation d’aéronefs en
exploitation internationale : travaux récents de l’O.A.C.I », RFDAS, vol. 128, n° 2, 1978, pp. 395-400,
notamment p. 397.
262
Sur la pertinence de cette solution voy. VIDELA ESCALADA (F. N.), « Nationality of Aircraft : A Vision of
the Future », op. cit. note 179, p. 72; VIDELA ESCALADA (F. N.), « L’article 83bis de la Convention de
Chicago. Impact de sa ratification », Annales de droit aérien et spatial, vol. XV, 1990, pp. 221-237;
FITZGERALD (G. F.), « The Lease, Charter and Interchange of Aircraft in International Operations :
Amendments to the Chicago and Rome Conventions », Annals of Air and Space Law, vol. 2, 1977, pp. 103-137.

94
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

droit international et mise en œuvre par le droit national – et l’affrètement du droit aérien
s’explique principalement par la structure économique et technique de l’affrètement aérien qui
diffère substantiellement de celle du maritime 263. Le temps du transport est plus court, la
capacité de transport des engins beaucoup moins importante ; l’objet du transport est plus
souvent celui des passagers tandis que les navires affrétés transportent généralement des
marchandises. En ce qui concerne l’affrètement maritime, habituellement le navire lui-même
est désigné par l’accord, alors que dans le cas de l’affrètement aérien, il s’agit plutôt de
spécifier le type d’aéronef mais pas nécessairement l’engin particulier qui effectuera le
transport. Dès lors, il semble que, concernant les aéronefs, le besoin de prévoir la possibilité
d’une immatriculation parallèle pour le temps d’affrètement est moins impérieux, puisque ce
temps est a priori plus court. D’une manière générale, le droit aérien international contient
peu de règles spécifiques, exception faite à l’article 83bis précité, qui soient relatives au vol
d’affrètement 264 et donc à la dissociation entre l’Etat de « nationalité » de l’aéronef et celui de
son exploitation commerciale 265.
123. Dans le cadre de l’Union européenne cependant, un exemple plus particulier peut
être trouvé dans le troisième paquet législatif de 1992 qui a arrêté la réglementation
économique principale du transport aérien dans l’Union européenne. Concernant les licences
des transporteurs aériens, le règlement n° 2407 du 23 juillet 1992 prévoyait certaines
conditions relatives à la propriété et à la location des avions. Chaque transporteur candidat à
la licence devait avoir à sa disposition un ou plusieurs avions, soit à titre de propriété, soit
suite à un contrat de location, tel qu’un accord de leasing. Si l’on considère la problématique
du transfert de gestion lors de la location, cette législation peut être un des éléments
expliquant les rapports entre registres, entre Etats : elle nous permet d’envisager sur qui pèse
la responsabilité de l’aéronef. L’article 8, paragraphe 2 a), du règlement de 1992 prévoyait
263
Voy. sur ce l’étude quelque peu datée mais sur plusieurs points encore pertinente de GRONFORS (K.), Air
Charter and the Warsaw Convention, A Study in International Law, Martinus Nijhoff, The Hague, 1956.
264
Mais diverses conventions internationales prennent en compte le cas d’une location ou d’un affrètement
d’aéronef ; voy. à titre d’exemple la convention de Rome du 7 octobre 1952 relative aux dommages causés aux
tiers à la surface par des aéronefs étrangers, qui met l’obligation de réparer le dommage à la charge de
l’exploitant de l’aéronef (article 2); la convention relative à la reconnaissance internationale des droits de
aéronefs signée à Genève le 19 juin 1948, qui implique la reconnaissance par les Etats contractants du droit du
locataire bénéficiaire d’une location supérieure à 6 mois dès lors qu’elle est inscrite sur le registre public tenu par
l’Etat de nationalité de l’aéronef (article I); la convention de la Haye du 16 décembre 1970 pour la répression de
la capture illicite d’aéronefs et la convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de
l’aviation civile du 23 septembre 1971, qui prévoient l’hypothèse où l’aéronef est immatriculé dans un autre Etat
que celui de l’exploitant et disposent que tout Etat contractant doit prendre les mesures nécessaires pour établir
sa compétence si l’infraction est commise à l’encontre ou à bord d’un aéronef donné en location sans équipage à
une personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence permanente dans ledit Etat
(article 4 et article 5 respectivement).
265
Voy. également KEAN (A.), « Nationality and interchange of aircraft », in The freedom of the air, 1968, pp.
190-191 et 197.

95
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

que l’Etat membre qui délivrait la licence avait le choix, soit d’exiger l’inscription sur son
registre national, soit d’accepter l’immatriculation faite dans un autre Etat membre, sauf en
cas de location temporaire de courte durée d’aéronefs immatriculés en dehors de l’Union.
L’Etat membre ne pouvait cependant pas exiger l’immatriculation des avions en location déjà
immatriculés dans d’autres Etats membres sur son registre si cela imposait des modifications
structurelles à l’avion (paragraphe 2, b). L’immatriculation d’un avion déjà immatriculé dans
un autre Etat membre devait pouvoir s’opérer sans retard ni paiement de droit autre que le
droit d’enregistrement du transfert 266.
L’article 13 du règlement n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 qui a abrogé et remplacé le
règlement 2407/1992 prévoit que les transporteurs aériens communautaires peuvent exploiter
librement des aéronefs immatriculés dans la Communauté loués avec équipage, sauf dans les
cas où cela risquerait de compromettre la sécurité aérienne. Les contrats de location coque nue
auxquels un transporteur aérien communautaire est partie ou les contrats de location avec
équipage aux termes desquels le transporteur aérien communautaire est le preneur de l'aéronef
loué avec équipage sont soumis à une autorisation préalable, conformément au droit
communautaire ou national applicable en matière de sécurité aérienne. L’autorisation n’est
délivrée que si le transporteur aérien communautaire qui loue un aéronef d'une autre
entreprise immatriculée dans un pays tiers démontre de manière convaincante à l'autorité
compétente que toutes les normes de sécurité équivalentes à celles imposées par le droit
communautaire ou national sont respectées.
Par ailleurs, le règlement 216/2008 concernant des règles communes dans le domaine de
l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, fait la distinction
entre l’immatriculation et la supervision réglementaire en matière de sécurité. Cette dernière
peut être déléguée à un pays tiers lorsque les aéronefs en cause ne sont pas utilisés par un
exploitant de la Communauté. Et inversement, le règlement s’applique aux aéronefs
immatriculés dans un pays tiers mais utilisés par un exploitant dont un Etat membre supervise
les activités. Cette distinction est très révélatrice de l’approche du droit aérien, puisqu’elle
dissocie les questions de l’immatriculation et du contrôle de l’aéronef, dissociation qu’on
considère comme quasiment impossible concernant les navires. En effet, ces derniers peuvent
être immatriculés sur un registre et être exploités sous un autre dans le cas de l’affrètement à

266
En conformité également avec la décision CJCE du 8 juillet 1999, Commission c/ Belgique, affaire C-203/98,
Rec. 1999, p. I-4899, selon laquelle lorsqu’un aéronef constitue un instrument d’exercice d’une activité
économique d’un ressortissant communautaire, son immatriculation ne peut être dissociée de l’exercice de la
liberté d’établissement et les conditions d’immatriculation ne devraient dès lors pas comporter de discrimination
sur le fondement de la nationalité.

96
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

coque nue, mais pendant cette période la première immatriculation est suspendue et une
nouvelle, provisoire et parallèle, la remplace.
124. Il est donc possible en droit communautaire d’envisager une dissociation entre l’Etat
de pavillon d’origine et l’Etat compétent pendant la période de location, sans que cela ne
conduise à une immatriculation parallèle. Pourtant, cette dissociation a une importance
moindre en droit communautaire, puisque tous les ressortissants de l’Union sont assimilés aux
nationaux dans chaque Etat membre. Néanmoins, la question demeure assez délicate,
concernant la responsabilité découlant de la convention de Chicago. Cette dernière concerne
toujours un Etat, l’Etat de « nationalité » de l’aéronef et non pas l’Union européenne. Chaque
Etat membre restera donc responsable au regard du droit international public. Il serait dès lors
plus prudent pour chaque Etat d’exiger l’immatriculation nationale des avions, plutôt que
d’accepter l’immatriculation faite dans un autre Etat membre. Dans ce cas, il peut y avoir
confusion entre deux Etats responsables en droit international : celui délivrant la licence au
transporteur aérien et celui ayant attribué sa « nationalité » (et non pas la nationalité
communautaire ou européenne qui n’existe pas) à l’aéronef.
125. Les législations nationales, se conformant peut être à la lettre du droit international à
cet égard, ne prévoient généralement pas de manière expresse une telle possibilité. Si elles
permettent de plus en plus souvent l’immatriculation des aéronefs affrétés par des nationaux,
ils ne la considèrent presque jamais comme une immatriculation parallèle et provisoire. Ainsi,
les législations belge et allemande permettent-elles l’immatriculation des aéronefs en leasing
ou loués pour plus de six mois 267 en la considérant comme une immatriculation
permanente 268. Rien n’est dit sur une suspension possible de l’immatriculation d’origine. De
même, la législation espagnole prévoit que les aéronefs loués par des personnes ayant la
nationalité espagnole peuvent être immatriculés sur le registre national 269. Quant au Code de
droit aérien grec, il stipule que l’immatriculation des aéronefs loués à des personnes qualifiées
pour être propriétaires se fait sur un registre spécial « de propriété étrangère » 270. Cependant,
et malgré l’existence d’un registre spécifique pour les aéronefs loués ou affrétés, cette

267
Article 3 § 3 de l’arrêté royal belge du 14 mai 2000 portant modification à l’arrêté royal du 15 mars 1954 ;
Aviation Act/ Luftverkehrsgesetz 1922/2007/2009, article 3 (2).
268
Voy. également Civil Aviation Law 1995 de la Chine, article 7 (3) qui autorise l’immatriculation des aéronefs
affrétés par des chinois sans préciser s’il s’agit d’une immatriculation provisoire. La Barbade permet aux
étrangers d’immatriculer un aéronef leur appartenant sur le registre étatique si l’engin est loué à un opérateur
détenant une licence de la Barbade (Civil Aviation (Registration of Aircraf and Aircraft Mortgage) Regulations
2007, Part II., § 7); Le Taiwan autorise l’immatriculation des aéronefs affrétés pour plus de 6 mois à un national,
uniquement si l’immatriculation précédente est radiée (Civil Aviation Act 1953/2009, article 11).
269
Ley 1960 - 48 sobre Navegación Aérea. (LNA), chapitre 3, article 17.
270
Κώδικας Αεροπορικού Δικαίου/Code de Droit Aérien - Lois 1815/1988 ; 2065/1992 ; 3333/2005, article 23.
Pour les personnes qualifiées en tant que propriétaires d’aéronefs grecs : article 18.

97
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

immatriculation semble être considérée comme à tout égard identique à la permanente 271. Le
Brésil, en revanche, autorise aussi l’immatriculation en cas d’affrètement, mais la considère
comme provisoire 272, ce qui est toutefois relativement proche de la notion d’une
immatriculation parallèle. Tout aussi intéressant à cet égard est le Code d’aviation civile
australien, en vertu duquel lorsqu’un aéronef est immatriculé dans un autre Etat partie à la
convention de Chicago mais que suite à un accord fondé sur l’article 83 bis certaines
fonctions en sont déléguées à l’Australie, cette dernière est considérée comme Etat
d’immatriculation en ce qui concerne ces fonctions. L’inverse y est également affirmé 273.
Enfin, le récent Règlement canadien de l’aviation 2008-1 prévoit dans son article
203.03 274 la délivrance par le ministre d’une autorisation écrite permettant l’utilisation par
l’exploitant aérien canadien d’aéronefs canadiens ou étrangers ou l’utilisation par un
exploitant étranger d’aéronefs canadiens dans le cadre d’une utilisation d’aéronefs loués. Pour
qu’une telle autorisation soit délivrée, le propriétaire de l’aéronef doit, entre autres,
transmettre par écrit au ministre, dans les sept jours suivant le début de location, des
renseignements détaillés sur l’immatriculation de l’aéronef, son propriétaire, son locataire et
le contrat de location. Cette autorisation, enregistrée sans doute de manière officielle,
constituerait donc un équivalent potentiel d’une « immatriculation parallèle », sans l’être
officiellement. Par ailleurs, l’article 203.5 intitulé « Immatriculation d’un aéronef loué »,
prévoit que le certificat d’un aéronef canadien loué qui est utilisé en application de l’article
203.3 demeure valide, même si un changement de garde et de responsabilité légale de
l’aéronef se produit au début ou à la fin de la location ou dans le cas où le ministre a délivré
une autorisation en application du paragraphe 203.03(2) en tout autre temps pendant la
période de location précisée dans l’autorisation. Il s’agit, donc, ici de l’immatriculation
permanente qui semble, finalement, être considérée comme la seule pertinente.

271
En effet l’article 24 du Code assimile l’immatriculation sur le registre ordinaire à celle sur le registre spécial
de propriété étrangère en exigeant qu’un certificat de radiation du registre précédent soit fourni avant toute
inscription.
272
Codigo Brasileiro de Aeronautica du 19 décembre 1986, article 111.
273
Civil Aviation Act 1988, Part I, Section 4A ; Voy. également Aviation Act 1999 de l’Estonie (version
consolidée de 2009), § 6 (2) qui prévoit qu’un accord conformément à l’article 83 bis doit être conclu, dans le
cas où un aéronef n’est pas immatriculé sur le registre de l’Etat dans lequel l’opérateur de l’aéronef a son
principal lieu d’activités mais sur le registre de l’Estonie. Dans un tel cas, l’Estonie doit conclure un accord de
délégation de fonctions et obligations ; Panama : Ley 2003-21 que regula la Aviacion Civil, art. 22 sur le
transfert d’obligations de l’Etat d’immatriculation à l’Etat de nationalité de l’opérateur ; idem Pérou, Ley de
Aeronautica Civil del Peru - Ley n°27261/2000, article 70 ; Afrique du Sud : Civil Aviation Act n°13 2009,
chapitre 10, article 132 : « Transfer of certain functions and duties in terms of article 83 bis of Convention ».
274
Partie II du Règlement sur l’identification et immatriculation des aéronefs et utilisation d’aéronefs loués par
des personnes qui ne sont pas propriétaires enregistrés et sous-partie III sur l’utilisation d’aéronefs loués par des
personnes qui ne sont pas propriétaires enregistrés.

98
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Dans un sens similaire, la législation de Singapore prévoit qu’un aéronef affrété peut être
immatriculé sur le registre national pour la durée du contrat de l’affrètement ; cette disposition
est la seule règle nationale qui s’approche autant à la notion d’une immatriculation parallèle.
Elle ne mentionne toutefois aucunement la possibilité d’une suspension de l’immatriculation
d’origine 275.
126. L’immatriculation parallèle, telle qu’elle existe en droit maritime, fait donc défaut
dans le droit aérien, aussi bien international qu’interne. La location coque nue d’un aéronef a,
néanmoins, pour résultat de décharger le propriétaire/loueur de ses obligations d’exploitant
prévues par le droit aérien. En vertu des contrats de location, ces obligations seront prises en
charge par le locataire de l’appareil. Dès lors, il serait souhaitable que l’Etat de
l’exploitant/locataire exerce la totalité des diverses charges ou prérogatives incombant
initialement à l’Etat de « nationalité » de l’aéronef, qui est très fréquemment l’Etat de
nationalité de son propriétaire 276. Mais serait-il possible d’envisager une immatriculation
parallèle à ces fins, malgré l’interdiction de la double immatriculation telle que prévue par
l’article 18 de la convention de Chicago ?

B. L’immatriculation parallèle, une solution mieux adaptée aux besoins de l’industrie


aérienne

127. En résumant les solutions proposées pour résoudre ce problème juridique posé par le
rattachement de l’aéronef affrété ou loué coque nue à un Etat autre que celui de sa
« nationalité » d’origine sans pour autant violer l’interdiction de la double immatriculation, il
semble nécessaire d’envisager un « aménagement » de la notion d’immatriculation d’aéronef
afin d’inclure l’immatriculation parallèle et provisoire. La simple délégation des fonctions et
des responsabilités de l’Etat d’immatriculation à l’Etat de l’exploitant ne constitue qu’une
solution partielle 277.

275
Air Navigation Order 1985/1990, Part II, article 4 (4).
276
Dans un sens similaire voy. VIDELA ESCALADA (F. N.), « Nationality of Aircraft : A Vision of the
Future », op. cit. note 179, pp. 75-77 et 80. L’auteur n’envisage pas l’immatriculation parallèle en tant que telle,
mais insiste sur la nécessité de la possiblité pour l’Etat de nationalité ou de domiciliation de l’opérateur de
l’aéronef d’immatriculer l’engin.
277
Cependant voy. TOSI (J-P.), L’affrètement aérien, op. cit. note 221, pp. 92-104 qui considère cette solution
comme suffisante. En effet, selon l’auteur, « supprimer le principe même de la nationalité des aéronefs serait
excessif ; adopter le critère de la nationalité de l’exploitant serait séduisant ; déléguer les fonctions devrait
suffire ».

99
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

128. M. TOSI, auteur qui a considéré le problème de l’affrètement aérien avant


l’adoption de l’article 83bis 278, envisage la possibilité d’une immatriculation parallèle. Il
propose en effet de « procéder au transfert temporaire de l’aéronef dans l’Etat du locataire,
de façon qu’il acquière la nationalité de cet Etat pour la durée de location et soit régi par son
droit mais dans la seule mesure de ce qui intéresse son exploitation ». Pour l’auteur,
cependant, cette possibilité est difficilement praticable lorsque le contrat de location est
conclu pour une période courte et problématique à l’égard de la convention de Chicago, en
raison de l’interdiction de la double immatriculation.
Or, ces deux objections soulevées ne sont pas insurmontables et semblent dès lors peu
concluantes. Concernant le temps de location/affrètement, il suffirait d’envisager que
l’immatriculation parallèle ne sera considérée comme nécessaire qu’à partir d’un certain seuil
de temps. Ainsi, par exemple, une période de plus de 6 mois pourrait justifier une
immatriculation provisoire et parallèle 279. Quant à la question de la double immatriculation,
nous pensons qu’elle peut être réglée sans même devoir recourir à une réforme de la
convention de Chicago, si l’on interprète cette interdiction comme concernant uniquement
l’immatriculation attributive de « nationalité ». En effet, à l’instar de ce qui a été observé en
droit maritime, il faudrait définir l’immatriculation parallèle en droit aérien comme un régime
sui generis où l’Etat de « nationalité » abandonne une partie de ses compétences au profit de
l’Etat de l’exploitant. Il conviendrait donc d’interpréter l’article 18 de la convention de
Chicago comme se référant uniquement à l’immatriculation qui attribue à un aéronef sa
« nationalité ». Cette immatriculation permanente ne peut être effectuée qu’au registre d’un
seul Etat, l’Etat de « nationalité » de l’aéronef. En revanche, une immatriculation spéciale et
provisoire, permettant d’enregistrer les aéronefs affrétés ou loués par un national ou un
résident de l’Etat en cause, doit être considérée comme exclue du champ d’application de
l’article 18. L’immatriculation parallèle d’affrètement, contrairement à ce que soutient M.
TOSI n’attribuera pas à l’aéronef la « nationalité » de l’Etat d’exploitant mais le rattachera à
ce dernier de manière à permettre son contrôle pendant la période d’affrètement. Cela
présuppose bien évidemment que les deux notions – celle de « nationalité » et celle

278
L’article 83bis n’ayant pas encore été adopté au moment de la rédaction et publication de l’ouvrage examiné,
l’auteur raisonne à partir de la note introductive au chapitre III de l’annexe 6 de la convention de Chicago, en
considérant que le champ d’application de cette disposition n’est pas limité à celui de l’annexe 6. La note
stipule que « [l]orsqu’un aéronef est utilisé sous contrat d’affrètement par un exploitant ressortissant d’un Etat
contractant autre que l’Etat d’immatriculation, rien ne s’oppose à ce que ce dernier délègue au premier, en
totalité ou en partie, le pouvoir d’exercer les fonctions qui lui incombent en vertu des dispositions de ladite
annexe ».
279
Voy. également FOLLIOT (M. G), Les relations aériennes internationales, Pedone, Paris, 1985, pp. 407-
411.

100
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

d’immatriculation – puissent être dissociées. Nous pensons que c’est désormais le cas, du
moins en ce qui concerne concrètement la question particulière de l’affrètement coque nue.
129. L’ensemble de ces considérations nous conduit à privilégier la transposition de la
solution adoptée par la pratique maritime : une immatriculation provisoire et parallèle
permettant à l’Etat de l’exploitant d’exercer ses juridiction/contrôle sur l’engin pendant son
affrètement, tandis que l’immatriculation d’origine attributive de « nationalité » n’est pas
supprimé mais « gelée », suspendue. Cette proposition a le mérite de « formaliser », grâce à
l’immatriculation en cause, la délégation des fonctions et des responsabilités de l’Etat
d’immatriculation à l’Etat de l’exploitant 280. Le type d’immatriculation proposée combine les
avantages d’une solution pratique, telle la délégation de responsabilités, avec un cadre
juridique uniforme et officiel. De plus, elle permet d’éviter certaines impasses auxquelles
l’absence d’immatriculation parallèle peut exceptionnellement conduire.
130. Un tel exemple est fourni par l’affaire Bosphorus, arrêt rendu par la CJCE le 30
juillet 1996 281. En l’espèce, afin de mettre en œuvre au sein de la Communauté certains
aspects des sanctions prises à l’encontre de la République fédérative de Yougoslavie par le
Conseil de sécurité des Nations Unies, un règlement n° 990/93 avait été adopté. La Cour
Suprême d’Irlande posait une question préjudicielle à la Cour concernant l’interprétation de
l’article 8 de ce règlement en vertu duquel : « Tous les navires, véhicules de transport,
matériels roulants et aéronefs dans lesquels une participation majoritaire ou une minorité de
contrôle est détenue par une personne physique ou morale ayant son siège dans la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant depuis cette
république sont saisis par les autorités compétentes des Etats membres ». En appliquant cet
article, le gouvernement irlandais avait saisi deux aéronefs appartenant à la compagnie
aérienne nationale yougoslave JAT mais qui avaient été loués coque nue et pour une période
de quatre ans à la société turque Bosphorus dont l’activité principale était l’affrètement aérien
et l’organisation des voyages. L’équipage entier était constitué d’employés de la société
Bosphorus qui disposait de la maîtrise totale de la gestion quotidienne des aéronefs pour cette

280
Cette délégation, effectuée au cas par cas, est également la solution retenue par M. TOSI dans TOSI (J.-P.),
L’affrètement aérien, op. cit. note 221, p. 100. L’auteur s’interroge sur la question de savoir si la délégation de
responsabilité ainsi aménagée est opposable aux Etats tiers et si elle ne fonde pas en réalité un droit
discrétionnaire des Etats à autoriser ou empêcher le développement des accords de mise à disposition d’aéronefs
sans équipage. Nous pensons que l’hypothèse d’ une immatriculation parallèle répond à ces deux questions. Dès
lors qu’une procédure administrative sera effectuée auprès du registre étatique, la délégation pourra être
opposable. De plus, afin de mettre en place ce système d’immatriculation parallèle d’affrètement, les Etats se
doteront d’une réglementation interne permettant le contrôle des opérations de mise à disposition d’aéronef sans
équipage.
281
CJCE, « Bosphorus » Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS c. Minister for Transport, Energy and
Communications et autres, affaire C-84/95, Rec. 1996, I-3953.

101
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

durée. De plus, la transaction entre Bosphorus Airways et JAT avait été conclue de parfaite
bonne foi et ne visait nullement à contourner les sanctions prévues par le règlement en cause,
les loyers dus en fonction de contrat de bail ayant été versés sur des comptes bloqués et non
pas payés à la JAT.
Bosphorus contestait ainsi la saisie des aéronefs en faisant valoir que leur exploitation et
leur contrôle quotidiens étaient exercés par une entreprise qui n’avait aucun lien de
rattachement avec la République fédérative de Yougoslavie. A cela, la Cour a répondu que le
règlement ne faisait aucune distinction entre la propriété et la gestion des engins. Pour que
l’article 8 soit applicable, il suffisait qu’une personne yougoslave soit propriétaire de l’avion
même si elle n’en exerçait pas le contrôle effectif.
Malgré le contexte particulier de l’affaire et la volonté communautaire affirmée par la
Cour de ne pas mettre en péril l’efficacité du renforcement des sanctions contre la
Yougoslavie, cette décision montre que l’immatriculation d’un aéronef, lorsqu’elle n’est pas
combinée avec le contrôle effectif de l’appareil, peut conduire à des résultats contestables. En
l’occurrence, l’interprétation littérale du règlement a conduit à une sanction contre une
compagnie turque. En effet, si l’argument de Bosphorus avait été retenu par la Cour, la société
aurait pu continuer à exploiter les avions sans que la République fédérative de Yougoslavie
n’en tire un quelconque profit, puisque les loyers ne lui étaient pas payés. Mais le
rattachement entre l’aéronef et la Yougoslavie, en raison de son immatriculation, de sa
« nationalité » et de la nationalité de son propriétaire, a empêché toute autre interprétation
plus téléologique. Nous pensons que si l’avion avait été immatriculé sur un registre turc pour
la période de l’affrètement, Bosphorus aurait eu un argument supplémentaire considérable à
faire valoir à l’appui de sa défense. Le droit international conventionnel et les législations
nationales devraient donc rendre possible l’immatriculation parallèle sur un « deuxième »
registre pendant la période de la location coque nue d’un aéronef.
131. En dernier lieu, il faut souligner l’intérêt de cette solution en ce qui concerne les
accords aériens bilatéraux et les clauses de nationalité 282. Ces clauses exigent que les
entreprises désignées comme transporteurs aériens par chacun des Etats contractants
appartiennent substantiellement à cet Etat ou à ses nationaux ; elles n’excluent cependant pas
– ou très rarement – la possibilité que des aéronefs étrangers affrétés par l’entreprise désignée
exploitent les droits de trafic. Ainsi des aéronefs et des équipages d’Etats tiers peuvent
exploiter ces droits malgré la clause de nationalité. Si l’immatriculation parallèle n’est pas

282
Pour une analyse de ces accords et des clauses de nationalité voy. infra §§ 201-209.

102
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

retenue comme solution en cas de location coque nue, cette situation conduit donc à une
violation indirecte de la raison d’être de ces clauses. Dans la pratique, pour les exploitations
de longue durée le problème est réglé par des accords interétatiques ; dans la plupart des cas il
s’agit de compagnies d’Etats en développement qui assurent leur trafic en affrétant des
aéronefs avec équipage à des compagnies d’Etats tiers 283.
Cette situation a conduit aux Etats-Unis dans les années 70 la CAB (Civil Aviation Board)
à s’intéresser de près aux questions de la « nationalité », de la propriété et du contrôle des
aéronefs opérant sur sol américain 284. Sa politique a été d’imposer au fréteur l’octroi d’un
permis d’exploiter, toutes les fois que sa prestation était assimilable à celle d’un transporteur,
au même titre que la compagnie affréteur qui possédait elle-même un permis à cet effet. Selon
M. TOSI, cette pratique américaine s’explique principalement par un souci de contrôle des
accords « wet-lease » et donc de protection des intérêts nationaux d’aviation contre la
concurrence 285.
Mais sans s’attarder plus longuement sur les considérations du CAB à l’égard des contrats
d’affrètement, ce qui attire ici notre intérêt est la conséquence de sa politique sur le
rattachement des aéronefs à l’Etat. En effet, en imposant tant au fréteur qu’à l’affréteur
l’octroi d’un permis, il s’assure que les aéronefs affrétés et n’ayant donc pas la « nationalité »
de l’Etat avec lequel les Etats-Unis ont passé un accord bilatéral de droits de trafic, peuvent
néanmoins être contrôlés par les Etats-Unis eux-mêmes. Ainsi, si la clause de nationalité de
l’accord bilatéral peut être contournée, cela est sans conséquence grave pour l’Etat contractant
qui n’a pas à s’inquiéter d’une concurrence faussée. Dans ce schéma aussi la solution d’une
immatriculation parallèle et « spéciale affrètement » permettrait de respecter les clauses de
nationalité sans devoir recourir à des politiques nationales similaires à celle des Etats-Unis :
l’aéronef affrété serait immatriculé dans le pays de nationalité ou de domiciliation de
l’exploitant, donc l’Etat de sa « nationalité provisoire » serait bien l’Etat ayant conclu l’accord
bilatéral.
132. En conclusion, malgré les difficultés techniques qu’une telle solution engendrerait 286,
nous pensons qu’elle est la mieux adaptée à la pratique actuelle d’affrètement aérien et que

283
TOSI (J.-P.), L’affrètement aérien, op. cit. note 221, p. 107 cite notamment l’exemple de la compagnie
indonésienne Garouda et de la compagnie vénézuélienne VIASA qui affrétaient avec équipage des avions de la
KLM.
284
WASSENBERGH (H.A.), Aspects of air law and civil air policy in the seventies, La Haye, 1970, p. 119.
285
TOSI (J.-P.), L’affrètement aérien, op. cit. note 221, pp. 117-118.
286
M. TOSI soulève, entre autres, le rôle de droit privé du registre d’immatriculation en raison duquel un
deuxième registre « d’enregistrement des droits réels devrait être créé pendant l’immatriculation parallèle et le
fait que la mise en œuvre d’une telle solution supposerait un accord multilatéral international dont l’élaboration
serait longue et compliquée ». TOSI (J-P.), L’affrètement aérien, op. cit. note 221, p. 99.

103
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

ses avantages, dont la clarification de la situation juridique n’est pas le moindre, devraient
contrebalancer sa complexité. Mais elle n’est pas envisageable sans l’adoption des textes
spéciaux concernant l’immatriculation des aéronefs loués coque nue, en droit international et
en droit interne. Une convention internationale relative aux conditions d’immatriculation des
aéronefs loués, affrétés ou banalisés pourrait établir les bases juridiques d’un tel régime.
Même si une convention internationale est adoptée sur ce point, cette solution ne sera
cependant complète que si les Etats prévoient dans leurs législations nationales une telle
possibilité. Nous l’avons déjà vu, en matière d’affrètement coque nue maritime, seuls certains
pays prévoient cette immatriculation parallèle. Il serait nécessaire que ces législations se
multiplient et s’harmonisent avant de pouvoir considérer cette solution comme une pratique
étatique généralement admise. Les mêmes observations peuvent être faites concernant
l’affrètement aérien. Ce serait aux législations nationales de perfectionner le régime mis en
place par le droit international en prévoyant de manière précise et concrète comment la
procédure administrative d’immatriculation aura lieu et quelles exigences les aéronefs à
immatriculer doivent satisfaire.
De plus, des modifications du droit interne seront nécessaires afin de distinguer clairement
entre les conditions d’immatriculation respectivement applicables en matière
d’immatriculation permanente attributive de « nationalité » et d’immatriculation parallèle
durant le temps d’affrètement. Ainsi, à titre d’exemple, l’article L121-3 du Code d’aviation
civile français – qui prévoit de manière négative 287 que seuls les français ou les ressortissants
communautaires propriétaires d’un aéronef ont le droit de demander une immatriculation sur
le registre français – devra être aménagé de manière à permettre également l’immatriculation
des aéronefs appartenant à des étrangers qui sont loués à ou affrétés par une personne
physique ou morale française, à l’instar de plusieurs autres pays aériens qui ont déjà incorporé
dans leur législation cette possibilité 288. Mais cette solution, qui permet l’immatriculation
permanente des aéronefs affrétés, ne constitue qu’un palliatif provisoire, dans l’attente d’une
véritable institution de l’immatriculation parallèle. En attendant une telle évolution, le
transfert des fonctions entre l’Etat de pavillon et l’Etat de l’exploitant devra suppléer
l’absence d’un régime particulier pour l’affrètement aérien.

287
L’article L121-3 stipule : « Un aéronef ne peut être immatriculé en France que s’il appartient […] ».
288
Voy. annexe 3.

104
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

§ 3. L’immatriculation parallèle et le droit spatial

133. Contrairement au droit aérien, le droit spatial n’interdit qu’implicitement la double


immatriculation, en exigeant que les Etats de lancement déterminent conjointement lequel
d'entre eux doit immatriculer ledit objet spatial sur son registre. La question de
l’immatriculation parallèle suite à un affrètement/location coque nue ne s’est pas encore
clairement posée en droit spatial ; en tout cas pas dans les mêmes termes que pour le droit
maritime ou aérien. Cependant, les évolutions actuelles montrent que le droit de l’espace doit
s’orienter vers des solutions analogues à celles de deux autres branches. Il convient donc de se
demander si une immatriculation parallèle est a priori possible en droit spatial (A) avant
d’examiner les cas dans lesquelles elle peut s’avérer utile, voire nécessaire (B).

A. La conformité discutable de l’immatriculation parallèle au droit de l’espace

134. Dans la même ligne d’idées se pose également la question d’une éventuelle
immatriculation parallèle, dans l’hypothèse – qui n’est pas totalement irréaliste – de
l’équivalent d’un affrètement coque nue d’un objet spatial. Si l’article II.2 de la convention
sur l’immatriculation semble écarter la possibilité de la double immatriculation, il permet en
même temps le décalage entre immatriculation et exercice de juridiction et de contrôle, dans
la mesure où il prévoit qu’en cas de lancement conjoint, les Etats déterminent entre eux lequel
va immatriculer l’objet et que cette décision est « sans préjudice des accords appropriés qui
ont été ou qui seront conclus entre les Etats de lancement au sujet de la juridiction et du
contrôle sur l’objet et sur tout le personnel de ce dernier ». Cette disposition a été considérée
comme dangereuse, dès lors que les accords susmentionnés peuvent créer une véritable
confusion quant à la juridiction, au contrôle et à la loi applicable à bord 289. Or, si la crainte de
la doctrine concerne l’émergence possible des « pavillons de complaisance de l’espace », la
dissociation prévue entre l’immatriculation « originelle » et l’exercice de la juridiction et du
contrôle rend possible une exploitation de type affrètement coque nue.
135. Le problème juridique se pose actuellement en cas de transfert de satellite sur orbite
et est dû à la dissociation entre l’Etat d’immatriculation et l’Etat devant assurer la juridiction
et le contrôle sur le satellite en cause. Certes, l’article II, § 2, de la convention sur

289
En effet, M. CHENG craignait que cet article II.2 puisse ouvrir la porte à l’équivalent des pavillons de
complaisance dans l’espace. Selon lui, l’article II.2 se limite à prévoir que les Etats « tiennent compte » de
l’article VIII du traité sur l’espace ; ce dernier semble être considéré comme optionnel et « perd ainsi toute
crédibilité » ; Voy. CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit. note 131, pp. 484-485 et 629.

105
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

l’immatriculation des objets spatiaux permet la conclusion d’un accord international attribuant
le contrôle du satellite à l’Etat de nationalité du nouvel opérateur, afin que l’Etat désigné
puisse contrôler les entreprises qui disposent de sa nationalité et exploitent l’objet spatial en
cause 290. Cependant, la solution n’est que partielle, puisqu’elle dépend de la bonne volonté
des Etats et n’établit qu’un régime au cas par cas. Par ailleurs, le terme « accords
appropriés » reste ambigu et indéfini. La règle demeure celle de l’article VIII du traité sur
l’espace (auquel l’article II de la convention de 1975 fait référence 291) qui prévoit que c’est
l’Etat d’immatriculation qui exerce sa juridiction et son contrôle sur l’objet spatial. Les deux
dispositions semblent donc contradictoires. Quelle est la signification de « sans préjudice des
accords appropriés » si, de toute façon, seul l’Etat d’immatriculation exerce ses juridiction /
contrôle ? Faut-il comprendre par là qu’une possibilité de transfert est offerte concernant
certaines fonctions et compétences de l’Etat d’immatriculation ? Etant donné ce contexte
pragmatique et normatif, l’immatriculation parallèle semble constituer la meilleure solution.
Mais, comment peut-elle être mise en place, dès lors que la convention sur l’immatriculation
impose que l’Etat d’immatriculation soit un des Etats de lancement ?
De deux choses l’une : ou la définition de l’Etat d’immatriculation doit être modifiée ou
elle doit être largement interprétée. Une modification serait éventuellement utile afin de ne
pas exclure nécessairement les Etats qui ne sont pas considérés comme Etats de lancement. Il
serait préférable de prévoir directement que le contrôle et la juridiction sont exercés par l’Etat
d’immatriculation, qui peut être un Etat de lancement ou un « Etat approprié » dans le sens de
l’article VI du traité sur l’espace, c’est-à-dire l’Etat qui autorise et surveille les propriétaires
ou opérateurs de l’objet 292. Si l’Etat d’immatriculation peut être, selon les circonstances, soit
l’Etat de lancement soit l’Etat de nationalité du propriétaire ou de l’opérateur de l’engin, il
devient plus probable que cela soit toujours l’Etat sur le registre duquel est inscrit l’objet qui
exerce son contrôle sur lui. Or, cela nécessiterait une révision de la convention sur
l’immatriculation, qui est loin d’être évidente. En effet, il semble y avoir un consensus
international concernant le status quo des traités spatiaux et une absence manifeste de volonté
de les réviser 293.

290
KERREST (A.), « D’un droit inter-étatique issu de la guerre froide à l’encadrement des activités privées », in
Colloque SFDI : Le droit de l'espace et la privatisation des activités spatiales, Pedone, Paris, 2003, p. 14.
291
L’article II stipule : « en tenant compte des dispositions de l’article VIII du Traité sur les principes régissant
les activités des Etats en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique ».
292
Voy. infra § 217.
293
Tel semble être l’avis de la majorité de la doctrine, qui considère, même si elle trouve cela regrettable, que les
Etats sont et seront trop réticents à toute modification éventuelle des traités spatiaux. Dans ce sens voy.
WILLIAMS (M.), « The Registration Convention Thirty Years On », in Proceedings of the 49th Colloquium on
the Law of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2007, pp. 264-265; KERREST

106
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

La deuxième solution, afin d’éviter une modification probablement longue et compliquée


de la convention sur l’immatriculation, serait de clarifier davantage et de manière beaucoup
plus explicite la notion d’Etat de lancement. Si on interprète ladite notion de manière large,
l’Etat « qui fait procéder au lancement » peut être, par fiction analogique, l’Etat du nouveau
propriétaire de l’objet spatial. En effet, l’Etat qui fait procéder au lancement ne lance pas lui-
même, mais commande le lancement. C’est souvent l’Etat propriétaire d’un satellite.
Lorsqu’une cession de satellite a lieu, le nouvel Etat peut être considéré comme l’Etat qui a
« profité » du lancement, qui l’aurait commandé et donc, lato sensu, comme l’Etat qui fait
procéder au lancement. Ainsi, l’Etat qui exerce son contrôle sur l’engin est toujours l’Etat
d’immatriculation et l’immatriculation parallèle devient alors envisageable.
136. Par ailleurs, l’immatriculation parallèle ne doit pas être considérée comme une
double immatriculation prohibée, pour les mêmes raisons que celles avancées en ce qui
concerne l’affrètement maritime ou aérien. La double immatriculation est interdite par le droit
international lorsqu’elle permet à deux « nationalités » d’exister simultanément. En revanche,
l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue ne tombe pas dans le champ
d’application de cette interdiction, dès lors qu’elle constitue une immatriculation spéciale et
provisoire et qu’elle devient le seul rattachement de l’engin à un Etat – l’immatriculation
d’origine étant suspendue. Une telle solution peut donc être envisagée en droit spatial. Mais, il
faudrait que cette pratique soit encadrée et régulée. Les législations nationales et les textes
internationaux relatifs à l’immatriculation des objets spatiaux devraient donc s’adapter à une
telle évolution.

B. La nécessité éventuelle d’une immatriculation parallèle en droit spatial

137. Un exemple concret des problèmes juridiques pouvant naître dans un contexte
équivalent à la location coque nue est offert lors du transfert d’opération et de contrôle des
objets spatiaux déjà lancés. En l’état actuel du droit spatial, dans le cas des satellites vendus
en orbite, l’Etat d’immatriculation d’origine reste internationalement responsable de l’objet et
conserve la juridiction et le contrôle à son égard, malgré le changement de propriété de l’objet
qui entraîne son « détachement » dudit Etat. Mais il peut arriver également que le propriétaire

(A.), « How will the Legal Frameworks Need to Evolve ? Definitions and Legal Issues », in The Space
Transportation Market – Evolution or Revolution?, RYCROFT (M.J) ed., Kluwer, 2000, p. 193 Contra :
OSPINA (S.), « Revisiting the Registration Convention : A Proposal to Meet the Need to Know What is Up
There », in Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2001, p. 205. L’auteur considère que le respect de la convention serait beaucoup
plus facile si l’instrument était révisé.

107
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

du satellite reste le même, alors que son opérateur change et donc que sa gestion passe à une
personne tierce 294. Si ce transfert se fait entre deux entités tombant sous la juridiction de l’Etat
d’immatriculation, il n’y a pas de difficulté importante du point de vue de droit international.
Il suffit que la législation nationale interdise ou, au contraire, permette en la réglementant la
possibilité du transfert de la licence relative aux activités spatiales en cause d’un opérateur à
un autre 295 ; le cas échéant, il peut même être suffisant que l’Etat d’immatriculation soit
appelé à contrôler la fiabilité du nouvel opérateur. La récente législation française, qui prévoit
justement que tout transfert à un tiers de la maîtrise d’un objet spatial ayant fait l’objet d’une
autorisation est soumis une nouvelle autorisation, spéciale et préalable, délivrée par l’autorité
administrative 296, illustre cette possibilité. De même, mais optant pour une solution contraire,
les législations russe et chinoise interdisent tout transfert de licence 297.
En revanche, s’il s’agit d’une entité étrangère exploitant désormais le satellite mais ne
pouvant pas obtenir une licence nationale de la part de l’Etat d’immatriculation, la situation se
complique. L’utilité, dans un tel cas, d’un « registre parallèle », dont l’existence en droit
maritime et la nécessité en droit aérien ont été examinées, va sans dire. Il convient de prévoir
la possibilité d’une immatriculation parallèle, celle de l’Etat de nationalité de – ou attribuant
sa licence à – l’opérateur. Ainsi, l’Etat ayant un rattachement réel avec le satellite, à travers
son exploitant, sera considéré comme responsable de ses activités exclusivement – ou
concurremment à l’Etat de lancement. Une telle solution n’est cependant envisagée par aucun
des traités spatiaux.

294
Voy. pour une analyse détaillée du phénomène GERHARD (M.), « Transfer of Operation and Control with
Respect to Space Objects – Problems of Responsibility and Liability of States », ZLW, vol. 51, 2002, pp. 571-
581.
295
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un transfert provisoire de l’immatriculation de l’objet spatial, le transfert de la
licence pour activités spatiales est également pertinent quant à la question juridique qui nous intéresse. Il
constitue par ailleurs le premier pas vers une régulation juridique de la location des objets spatiaux, d’autant plus
que l’Etat qui accorde sa licence pour des activités spatiales nationales est souvent l’Etat d’immatriculation de
l’objet concerné. La possibilité d’un transfert de licence pour activités spatiales est prévue notamment par les
législations américaine, australienne et britannique alors que la réglementation russe l’exclut expressément (N°
104 - Russian Statute on Licensing Space Operations de 1996, Section 21). La Section 7 du U.S Commercial
Space Launch Act prévoit que le ministre des transports peut transférer la licence si le demandeur satisfait les
conditions prévues pour l’attribution d’une telle autorisation. Le Australian Space Launch Activities Bill, ainsi
que les Australian Space Activities Regulations, contiennent substantiellement des dispositions identiques. La
Outer Space Act de 1986 du Royaume Uni s’en distingue quelque peu, en stipulant qu’avec l’accord écrit du
Secrétaire d’Etat, le propriétaire de la licence peut la transférer à une personne tierce. Les critères en vertu
desquels le Secrétaire donne son consentement ne sont pas prévus mais dans la pratique il s’agit plutôt d’une
question de financement et d’assurance (voy. GERHARD (M.), « Transfer of Operation and Control with
Respect to Space Objects – Problems of Responsibility and Liability of States », op. cit. note 294, p. 577). Ces
lois ne répondent donc qu’à la question du transfert d’une licence d’un national à un autre national du même
Etat. Sur les législations nationales relatives au transfert de licences voy. également annexe 4.
296
Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 3 ; Voy. également législation
australienne : Space Activities Act 1998 n° 123, article 22.
297
Russie : Statute on Licencing Space Operations n° 104 of 1996, article 21; Chine: Interim Measures on the
Administration of Permits for Civil Space Launch Projects of 21 December 2002, article 12.

108
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

138. Prenons un exemple récent permettant d’étudier les implications éventuelles d’un
transfert d’objet spatial en l’état actuel du droit international. Il s’agit d’une déclaration des
Pays Bas au Secrétariat des Nations Unies, concernant deux satellites (NSS 7 et NSS 6) qui
étaient inscrits sur le registre international onusien sous le nom dudit pays. Les deux satellites
appartenaient à une compagnie néerlandaise la New Skies Satellites, mais dans leur
déclaration, les Pays Bas soulignaient que ces objets n’avaient été délivrés à ladite société
qu’après leur lancement et leur mise en orbite par des personnes qui n’étaient pas sous la
juridiction ou le contrôle des Pays Bas. Et ils ont prié le Secrétaire général de noter que les
Pays Bas n’étaient ni l’« Etat de lancement », ni l’« Etat d’immatriculation », ni l’« autorité de
lancement », tels que définis dans les conventions sur la responsabilité internationale, sur
l’immatriculation et sur le retour des astronautes respectivement. Cependant, et dans la même
déclaration, le Royaume affirmait qu’il était internationalement responsable en vertu de
l’article VI du traité sur l’espace et qu’il avait le droit d’exercer ses juridiction/contrôle sur les
satellites en vertu de l’article VIII 298. L’incohérence juridique et l’interprétation contra legem
de l’article VIII sont manifestes : comment les Pays Bas peuvent-ils prétendre exercer leur
juridiction et leur contrôle sur les satellites, dès lors qu’ils ne sont pas l’Etat
d’immatriculation 299 ? S’ils étaient du moins l’Etat de lancement, un accord international leur
transférant l’exercice de juridiction et de contrôle aurait pu être envisageable, mais, selon leur
déclaration, cela n’était pas le cas.
Par conséquent, seule l’immatriculation parallèle des satellites sur le registre néerlandais
constituerait une solution juridiquement correcte. En effet, si les Pays Bas invoquent l’article
VIII, il serait opportun d’accepter leur rôle en tant qu’Etat d’immatriculation, suite à un
transfert d’inscription de registre. Mais pour ce faire, il faudrait qu’ils puissent être considérés
comme Etat de lancement, suite à une interprétation large ou une modification dudit
concept 300. Or, l’interprétation très large nécessaire à une telle conclusion n’est pas exempte

298
Voy. la note verbale du 29 juillet 2003 par la mission permanente des Pays Bas aux Nations Unies (Vienne)
adressée au Secrétaire général, documents officiels : A/AC.105/806.
299
Voy. également l’analyse de KERREST (A.), « Status of the Implementation of National Space Legislation
and the Results of the Project 2001 Plus Working Group », Présentation du 6 juin 2005 au Project 2001 Plus,
Global and European Challenges for Air and Space Law at the Edge of the 21st Century, International
Symposium Maternushaus Cologne, 8-10 juin 2005, Institute of Air and Space Law of the University of
Cologne; actes non publiés, presentation communiquée par l’auteur. M. KERREST considère que l’affirmation
des Pays Bas contient une erreur factuelle (les satellites ont été lancés par Arianespace, suite à un contrat signé
avec New Skies Satellites), une erreur juridique (les Pays Bas ne peuvent pas avoir juridiction et contrôle en
vertu de l’article VIII s’ils ne sont pas Etat d’immatriculation) et une vérité (les Pays Bas sont responsables en
vertu de l’article VI). Pour les cessions de satellites, l’auteur propose comme solution des législations nationales
contrôlant le transfert de propriété des objets spatiaux et des accords entre les deux Etats concernés.
300
Contra : SCHMIDT-TEDD (B.), « How to adapt the present regime for registration of space objects to new
developments in space applications ? », op. cit. note 142, p. 357 qui affirment que « la règle une fois Etat de

109
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

de critiques 301. Par ailleurs, si elle est intéressante de lege ferenda, elle ne constitue pas à
l’heure actuelle la règle fixée par les traités sur l’espace.
139. La délégation des fonctions constitue dès lors la seule solution actuellement
acceptable dans le cadre du transfert des satellites sur orbite. La convention sur
l’immatriculation des objets spatiaux ne contient cependant pas de disposition traitant
spécifiquement la question du changement d’opérateur 302. Il serait donc très utile, notamment
si la privatisation de l’espace continue à s’accroître et que l’affrètement commence à gagner
une place importante dans l’industrie spatiale, de prévoir des dispositions analogues à celle de
l’article 12 de la convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires ou, du
moins, de l’article 83bis de la convention de Chicago. Cependant, le cadre juridique ne sera
véritablement complet que si les législations nationales règlent également la question. Il leur
appartiendra de prévoir les critères d’une immatriculation « parallèle » ou d’une exploitation
impliquant la juridiction et le contrôle de l’Etat de nationalité du gérant et non pas du
propriétaire.
140. Les législations nationales envisagent souvent la question du transfert des licences
pour les activités spatiales, même si elles ignorent globalement le problème précis de la
location ou du transfert des satellites. Le Outer Space Act de 1986 du Royaume Uni prévoit
par exemple, dans sa section 3.2.b, la possibilité de confier le contrôle de l’objet à un Etat
autre que celui de l’immatriculation en cas de lancement conjoint. En effet, cet article stipule
qu’une licence 303 n’est pas nécessaire « pour des activités par rapport auxquelles il est
certifié par un ordre du Conseil que des accords ont été passés entre le RU et un autre pays
afin d’assurer la conformité avec les obligations internationales du RU (notre traduction) ».
Mais dans notre cas de figure, il ne s’agit pas d’un lancement conjoint, sauf si l’on interprète
de manière très large le concept de « faire procéder au lancement ». Le deuxième Etat (Etat
de nationalité de l’opérateur du satellite) peut en effet entrer en jeu longtemps après le
lancement.

lancement, toujours Etat de lancement, ne devrait pas être abandonnée facilement ». L’auteur envisage, malgré
tout, le problème du transfert de propriété d’un satellite en orbite mais ne propose pas de solution à cet égard. Il
souligne seulement que la référence à un Etat de lancement crée une attribution des responsabilités plus claire
que celle à un Etat de nationalité du propriétaire de l’engin.
301
Voy. pour ces critiques KERREST (A.), « Le droit de l’espace face aux dangers de la privatisation et de
l’unilatéralisme », in L’adaptation du droit de l’espace à ses nouveaux défis : liber amicorum, mélanges en
l’honneur de Simon Courteix, KERREST (A.) dir., Pedone, Paris, 2007, p. 18.
302
Voy. sur ce GERHARD (M.), « Transfer of Operation and Control with Respect to Space Objects – Problems
of Responsibility and Liability of States », op. cit. note 294, pp. 571-581; CHATZIPANAGIOTIS (M.),
« Registration of Space Objects and Transfer of Ownership in Orbit », ZLW, vol. 56, 2007, pp. 229-238.
303
Il s’agit des licences, délivrées par le Secrétaire d’Etat, que sont exigées, en vertu de la section 3 de l’Acte,
pour toute personne – c’est à dire tout national britannique selon la section 2 – qui souhaite entreprendre des
activités spatiales auxquelles l’Acte s’applique.

110
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

La loi spatiale belge adopte une approche plus pertinente. L’article 13, § 5, de la loi sur les
opérations de lancement, d’opération de vol ou de guidage d’objets spatiaux du 17 septembre
2005 prévoit la possibilité d’un transfert d’activités par un opérateur, sous condition
d’autorisation ministérielle. Mais il précise que le transfert visé par la loi porte sur le contrôle
effectif de l’objet spatial, quelle que soit la nature juridique des droits transférés. Ainsi, la
vente d’un satellite ne constitue pas forcément un transfert au sens de la loi, alors que le fait
pour l’opérateur de garder la propriété de l’objet en sous-traitant le contrôle effectif est
considéré comme un transfert, sujet à une autorisation. Si l’opérateur cessionnaire n’est pas
établi en Belgique, le ministre peut subordonner l’autorisation à la conclusion d’un accord
préalable avec l’Etat dont cet opérateur est ressortissant, prévoyant les arrangements en
termes de surveillance d’activités et stipulant que la Belgique n’est plus l’Etat
internationalement responsable de l’objet 304. Ce type des dispositions, inspirées de l’article
II.2 de la convention de 1975, n’est cependant pas suffisant. S’il permet à l’Etat de contrôler
le transfert des objets spatiaux indirectement – grâce au contrôle du transfert des licences – et
de manière négative – en interdisant le transfert sans autorisation – il ne résout pas sans
ambiguïté la question de la dissociation entre Etat d’immatriculation, Etat internationalement
responsable de l’objet et de ses activités et Etat exerçant sont contrôle et sa juridiction sur
l’objet.
141. Les dispositions nationales et internationales doivent donc être complétées, afin de
couvrir les diverses situations étudiées. Les lois nationales notamment seront appelées à
déterminer, de manière claire et précise, à quelles conditions un national ayant reçu une
licence d’activités spatiales sera autorisé à la transférer à une personne tierce, tombant sous la
juridiction d’un Etat distinct de celui de l’immatriculation initiale. Elles devront également, et
surtout, établir le cadre juridique d’une immatriculation parallèle permettant à l’Etat qui
exerce son contrôle sur l’objet de l’inscrire, provisoirement, sur son registre national. Il
convient en outre de rappeler qu’à ces fins le réaménagement déjà étudié de la notion de l’Etat
de lancement sera indispensable.
En attendant une réglementation globale et harmonisée, les accords interétatiques peuvent
régler cette dissociation probable entre Etat d’immatriculation et exercice du contrôle, en
stipulant que l’Etat de nationalité de l’opérateur sera tenu de contrôler l’activité et l’objet
spatial opérés par son national, même si, en vertu des traités spatiaux, l’Etat originel de

304
Sur la loi voy. MAYENCE (J. F.), « 12 questions et 40 points pour présenter la Loi sur les opérations de
lancement, d’opération de vol ou de guidage d’objets spatiaux »,
[www.belspo.be/belspo/res/rech/spatres/Loi/PresentLoi_fr.pdf] (consulté le 3 juin 2009).

111
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

lancement reste internationalement responsable de ces derniers. La complexité et


l’insuffisance de ce type des solutions rendent nécessaire une véritable transposition de
l’immatriculation parallèle du droit de la mer en droit spatial.

Conclusion de la section

142. Quand bien même le droit de la mer, le droit de l’air et le droit spatial interdisent,
expressément ou indirectement, la double immatriculation des engins, cette prohibition ne doit
pas être interprétée comme s’étendant à l’immatriculation parallèle. Cette interdiction ne
concerne en effet que l’immatriculation qui rattache l’engin à un Etat de manière permanente,
en lui attribuant une sorte de « nationalité ». En revanche, lorsqu’une immatriculation spéciale
et provisoire est effectuée, pour permettre à l’Etat qui est effectivement en mesure de
contrôler l’ensemble organisé en cause de le faire – qui plus est de manière exclusive –, elle
doit être considérée comme parfaitement légale.
143. Dans l’hypothèse d’un affrètement coque nue, trois solutions existent actuellement.
La première et la plus satisfaisante est seule du droit maritime qui permet, même s’il ne la
régule pas encore parfaitement, l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue. Le
développement des instruments internationaux et des législations nationales est nécessaire
afin d’optimiser l’efficacité de ce mécanisme. Si en revanche l’immatriculation parallèle n’est
pas acceptée, de deux choses l’une : soit on assiste à une délégation des fonctions et
obligations relatives aux juridiction/contrôle sur l’engin de l’Etat d’immatriculation à l’Etat de
nationalité ou de domiciliation de l’exploitant. C’est la solution retenue expressément par
l’article 83 bis de la convention de Chicago et implicitement par l’article II.2 de la convention
sur l’immatriculation des objets spatiaux. Soit l’engin affrété est immatriculé, de manière
permanente et non parallèle, sur le registre de l’Etat de nationalité ou de domiciliation de
l’exploitant. C’est la solution retenue par les législations nationales de droit aérien. Si les
effets juridiques des trois solutions sont similaires, voire identiques, seule la première adoptée
par le droit maritime prend véritablement en considération la nature particulière de
l’affrètement coque nue et de ses implications commerciales.

112
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Engin Articles relatifs Termes consacrés Règle stipulée Droit interne


Navires Convention sur Affrètement coque Un Etat peut permettre Immatriculation parallèle charter in
l’immatriculation nue, charter in, l’immatriculation d’un navire généralement admise pour une période
des navires de 1986 suspension de affrété charter-in par un affréteur variante de 2 à 5 ans. Immatriculation
(pas entrée en l’immatriculation dans cet Etat pour la période de parallèle charter out sous conditions (voy.
vigueur) article précédente quant à la l’affrètement aussi Annexe 2)
11.5 & article 12 nationalité du navire
Aéronefs Convention de Transfert de certaines Si l’aéronef est affrété, loué ou Les législations nationales prévoient
Chicago article 83 fonctions et banalisé par un exploitant ayant le généralement que les exploitants des aéronefs
bis délégations ; aéronef siège principal de son exploitation peuvent les immatriculer sur le registre
exploité en vertu d’un ou, à défaut, sa résidence étatique s’ils sont personnes qualifiées pour
accord d’affrètement, permanente dans un autre Etat être propriétaires (voy. aussi Annexe 3).
de location ou de contractant, l’Etat L’immatriculation n’est pas considérée
banalisation d’immatriculation peut lui comme provisoire ou parallèle.
transférer par accord tout ou partie
de ses fonctions/obligations. Il est
dégagé de ses responsabilités en
ce qui concerne les
fonctions/obligations transférées
Objets Convention sur Accords conclus entre L’immatriculation de l’objet sur le Rien n’est prévu sur la location de l’objet
spatiaux l’immatriculation les Etats de lancement registre d’un des Etats de mais législations sur le transfert des licences
des objets spatiaux au sujet de la lancement conjoint est sans pour activités spatiales : soit interdiction de
article II.2 juridiction et du préjudice des accords appropriés tout transfert soit exigence d’une autorisation
contrôle sur l’objet et conclu spéciale accordée après vérification (voy.
sur son personnel aussi Annexe 4)
Tableau 4 Sur l’immatriculation parallèle en cas d’affrètement/location coque nue

113
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

Conclusion du second chapitre

144. Il convient de distinguer entre une immatriculation permanente attributive de


« nationalité » et une immatriculation parallèle permettant au navire d’être immatriculé sur un
autre registre que celui d’origine pendant son affrètement/location coque nue. Cette forme
d’immatriculation parallèle n’est pas interdite par le droit international qui ne prohibe que la
double immatriculation créatrice d’un double rattachement. La « nationalité gelée » de l’engin
lors d’un affrètement coque nue renvoie certes à un Etat « d’origine », alors que son
immatriculation parallèle le rattache à un second Etat. Cependant, le premier « rattachement »
est extrêmement faible et n’engendre aucun effet juridique pour l’Etat d’origine. L’Etat
d’immatriculation parallèle est le seul en mesure d’exercer effectivement ses contrôle/
juridiction à l’égard de l’engin, dès lors que tous les liens de rattachement principaux
convergent vers lui. Sans cette possibilité d’immatriculation parallèle, on assiste à une
véritable dissociation entre l’Etat d’immatriculation et l’Etat qui, à travers l’opérateur de
l’engin, surveille et contrôle les activités de l’ensemble organisé.
145. Le droit maritime a su d’adapter au phénomène de l’affrètement coque nue sans
mettre en cause le principe du rattachement national unique, en acceptant la possibilité de
l’immatriculation parallèle. De cette manière, l’Etat qui exerce ses juridiction/contrôle
coïncide avec l’Etat d’immatriculation provisoire parallèle, alors que l’Etat du pavillon
d’origine garde un lien administratif très faible avec le navire, grâce au « gel » de la
nationalité. Cette possibilité est prise en compte de manière efficace par le droit interne et par
divers instruments internationaux, même si l’immatriculation parallèle n’est pas encore
expressément réglementée par une convention internationale en vigueur.
Cette institution de l’immatriculation parallèle ne semble pas prise en compte par le droit
aérien, interne ou international, qui a opté pour la possibilité d’une simple délégation des
fonctions de l’Etat d’immatriculation à l’Etat exerçant le contrôle sur l’exploitant. C’est donc
sur ce point que le droit aérien peut de lege lata se développer, afin d’optimiser l’efficacité du
rattachement des aéronefs aux Etats d’immatriculation305.

305
Contra COGLIATI-BANTZ (V. P.), « Disentangling the “Genuine Link”: Enquiries in Sea, Air and Space
Law », op. cit. note 66, p. 431. L’auteur, après avoir présenté l’article 83 bis de la convention de Chicago (pp.
421-422), conclut que le droit de la mer ne reconnaît pas la délégation des fonctions de l’Etat d’immatriculation
à l’Etat de nationalité/domiciliation de l’opérateur et suggère de lege ferenda la prévision d’une telle possibilité.
Or, si l’auteur observe justement que la performance de l’Etat du pavillon doit actuellement être remise en cause,
ses remarques sur l’absence – injustifiée selon lui – d’un système de délégation de fonctions ne prennent pas en
considération la possibilité de l’immatriculation parallèle, telle que développée dans le cadre des affrètements
coque nue maritimes. En effet, si la délégation de fonctions de la part de l’Etat du pavillon n’est pas prévue par
le droit international maritime, c’est parce que ce dernier va bien plus loin, en permettant l’immatriculation
provisoire et parallèle sur le registre de l’Etat de nationalité/domiciliation de l’exploitant. Cette solution nous

114
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Dans le même sens, la possibilité d’une dissociation entre l’Etat d’immatriculation, l’Etat
de lancement et l’Etat qui exerce de facto son contrôle sur l’engin doit être prévue en cas de
cession d’objets spatiaux déjà lancés. A ces fins, les accords prévus par l’article II.2 de la
convention sur l’immatriculation des objets spatiaux sont loin de constituer une solution
satisfaisante, dès lors qu’ils ne concernent que les Etats de lancement et qu’ils laissent en
suspens la question du transfert d’immatriculation ou de l’immatriculation parallèle en cas de
location des objets spatiaux.

Conclusion du premier titre

146. L’immatriculation lato sensu, c’est-à-dire l’acte de droit interne qui crée le
rattachement juridique d’un engin à un Etat, est prévue par le droit international en tant que
condition nécessaire pour l’application des normes internationales relatives à la « nationalité »
des ensembles organisés 306. Le droit international qualifie lui-même d’immatriculation la
procédure via laquelle ce lien juridique est formé et laisse les Etats libres d’en déterminer les
conditions en droit interne. Il leur impose, toutefois, l’exclusivité du rattachement, en
interdisant la double immatriculation. Cette interdiction ne concerne pas le cas particulier de
l’immatriculation parallèle et provisoire lors d’un affrètement coque nue. Elle ne concerne pas
non plus la possibilité, encore vague et mal encadrée en droit international, d’un rattachement
parallèle à une organisation internationale. Malgré leur nature en tant que sujets du droit
international, les organisations internationales n’ont néanmoins pas (encore) acquis un degré

semble plus complète que celle du droit aérien. Les problèmes persistant ne sont pas dus aux lacunes normatives
du droit international maritime, mais à la responsabilisation encore inadéquate de l’Etat du pavillon dans le droit
de la mer.
306
Voy. contra CORBIER (I.), « Le lien substantiel : expression en quête de reconnaissance », op. cit.note 157,
pp. 279-280 ; l’auteur souligne : « Pour les pays traditionnels l’immatriculation n’est qu’un acte administratif.
Un navire peut donc battre pavillon d’un Etat et être immatriculé dans un autre dès lors qu’il est établi qu’il ne
navigue pas aussi sous le pavillon de ce dernier Etat. L’immatriculation ne représente qu’une formalité
secondaire. Pour les pays de libre immatriculation […] deux Etats peuvent revendiquer la qualité d’Etat du
pavillon : l’Etat d’origine avec lequel le navire possède un lien juridique-la nationalité de son propriétaire- et
l’Etat d’accueil auquel le navire est rattaché par un lien économique né de son exploitation. Désormais ce n’est
plus l’octroi du pavillon qui découle de la nationalité du navire ; c’est au contraire le pavillon qui confère sa
nationalité au navire. L’immatriculation perd sa qualité de formalité administrative pour devenir un concept
juridique : c’est d’elle que dépend la nationalité du navire. En attribuant sa nationalité par sa seule
immatriculation du navire, l’Etat d’accueil consacre définitivement ce lien. » Cette approche est cependant à
nuancer, dès lors qu’elle considère qu’un « rattachement » existe entre l’Etat de nationalité du
propriétaire/armateur et le navire. Or, juridiquement il n’existe aucun lien de ce type. Même d’un point de vue
extra-juridique, l’affirmation de Mme CORBIER ne correspond pas toujours à la réalité : « l’Etat d’origine »
n’est pas toujours aujourd’hui l’Etat de nationalité du propriétaire (ce dernier étant le plus souvent une personne
morale établie off-shore) mais l’Etat de nationalité de la majorité des bénéficiaires effectifs de ce dernier ou alors
l’Etat de sa domiciliation/résidence permanente qui peut, finalement, mieux le contrôler que son Etat de
nationalité. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue strictement juridique la « nationalité » de l’engin ne peut
dépendre que de son immatriculation et il n’y a pas vraiment lieu d’évoquer un Etat « d’origine » et un Etat d’
« accueil ».

115
UN RATTACHEMENT ÉTATIQUE UNIQUE

d’autonomie juridique suffisant pour être en mesure de contrôler de manière exclusive un


engin. Un rattachement étatique, éventuellement rampant, semble donc toujours nécessaire.
147. Par ailleurs, la liberté des Etats de fixer les conditions d’attribution de leur
« nationalité » aux engins semble absolue en ce qui concerne les navires et les aéronefs, mais
encadrée – de manière cependant très flexible – en ce qui concerne les objets spatiaux pour
lesquelles une condition internationale est prévue : l’Etat d’immatriculation doit être un Etat
de lancement. Cette condition semble désormais inadaptée aux évolutions actuelles et futures
de l’industrie spatiale et doit soit évoluer vers une interprétation très large qualifiant tout Etat
impliqué dans une activité spatiale d’Etat de lancement 307, soit être supprimée, en alignant
ainsi le droit spatial aux droits de la mer et de l’air.

307
Dans ce sens : WIRIN (W. B.), « Practical Implications of Launching State », op. cit. note 133, p. 113 et
KERREST (A.), « Remarks on the Notion of Launching State », op. cit. note 135, p. 311. Cependant la majorité
des auteurs souligne qu’un Etat, afin d’être qualifié d’Etat de lancement, doit être impliqué activement au
lancement, ayant demandé, initié ou du moins promu ce dernier. Voy. BOCKSTIEGEL (K.-H.), « The term
“Appropriate State” in International Space Law », in Proceedings of the 37th Colloquium on the Law of Outer
Space, IISL of the International Astronautical Federation, American Institute of Aeronautics and Astronautics,
1994, p. 81.

116
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

TITRE II
L’absence d’exigence d’un rattachement « préalablement » effectif : Les faux-
semblants du lien substantiel

148. L’exigence d’un lien entre les Etats et les engins affectés à la navigation
internationale n’est pas sujette à débat. L’immatriculation des engins sur les registres
nationaux est nécessaire, puisqu’il s’agit du seul moyen – en l’état actuel du droit
international – de rattacher ces ensembles organisés à un ordre juridique. Si l’utilité de ce lien
devient dès lors manifeste, la question de savoir si ce lien doit être « effectif » ou
« substantiel » demeure source d’une grande ambiguïté. Elle l’est aussi bien en ce qui
concerne la signification et la nature exacte de cette « effectivité du rattachement », qu’en ce
qui concerne son contenu et ses conséquences juridiques.
En effet, dire que la liberté des Etats de fixer les conditions d’attribution de leur
« nationalité » est absolue, ne signifie pas forcément que le rattachement ainsi crée est ipso
facto valide internationalement et opposable aux Etats tiers. Il convient dès lors de se
demander si le droit international n’impose pas une condition supplémentaire d’opposabilité
internationale, relative à l’effectivité du lien. Cette condition ne limiterait pas le choix
discrétionnaire des Etats quant aux critères d’immatriculation mais rendrait une
immatriculation non fondée sur des éléments de rattachement substantiels inopposable
internationalement 308. Si une telle hypothèse ne peut pas être automatiquement exclue, nous
constatons néanmoins que la pratique étatique n’en a jamais fait une condition supplémentaire
pour l’efficacité internationale du rattachement des engins.
149. Tant qu’il existait un lien entre l’engin et l’Etat d’immatriculation fondé sur des
éléments de fait, le propriétaire et exploitant du premier étant toujours un national du second,
la question ne se posait pas. Le rattachement était ipso facto effectif, dans le second sens de
l’effectivité, définie en tant que le « caractère d’une situation qui existe en fait,
réellement » 309. La disparition ou atténuation de cette « relation privilégiée » 310 entre

308
Voy. également supra note 86.
309
Voy. CORBIER (I.), « Le lien substantiel : expression en quête de reconnaissance », op. cit. note 157, p.281 ;
TOUSCOZ (J.), Le principe d’effectivité dans l’ordre international, LGDJ, Paris, 1964, p. 1. Pour la définition
juridique de l’effectivité : CORNU (G.) dir., Vocabulaire Juridique, op. cit. note 76, p. 312. La définition
continue comme suit : « Spécialement en Droit international public, caractère de certaines situations ou de titres
qui doivent être réalisés en fait pour être valables ou opposables aux tiers. Ex. effectivité d’un blocus, d’une
nationalité effective ».
310
L’expression est employée par CORBIER (I.), « Le lien substantiel : expression en quête de reconnaissance »,
op. cit. note 157, p. 281 pour exprimer l’idée que l’armateur du navire était toujours un national de l’Etat du
pavillon.

117
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

propriétaire/exploitant, engin et Etat d’immatriculation a entraîné la réévaluation nécessaire


de cette « effectivité ». Il s’agit désormais de savoir si le lien entre l’engin et l’Etat doit être
effectif, s’il doit exister en fait, dans le sens où il doit être fondé sur des éléments réels, autres
que la procédure purement administrative de l’immatriculation. Si une telle exigence existe,
sa satisfaction va conditionner l’efficacité internationale de la « nationalité » des engins, c’est-
à-dire son opposabilité aux Etats tiers, mais non pas son existence conformément au droit
interne de chaque Etat.
150. Les notions « exigence d’effectivité » 311 et « lien effectif » seront employées
désormais comme synonymes, mais n’exprimeront, en réalité, qu’un seul aspect du « principe
d’effectivité » : l’idée en vertu de laquelle la « nationalité » attribuée devrait être « effective »,
c’est-à-dire fondée sur un « véritable » élément national de rattachement, pour être opposable
en droit international public. En revanche, le second aspect de l’effectivité, concernant la
question de savoir si la « nationalité » de l’Etat a été réellement attribuée conformément à son
droit interne et si elle existe en tant que telle, ne sera pas examiné ici 312.
151. L’étude du droit international en vigueur relatif à l’immatriculation des navires, des
aéronefs et des objets spatiaux, révèle que si les Etats sont a priori libres de fixer les
conditions d’attribution de leur nationalité aux engins, il n’existe pas un moyen infaillible
pour s’assurer que le rattachement ainsi créé sera « effectif ». De lege lata, seul le droit de la
mer prévoit expressément la nécessité d’un « lien substantiel » entre les navires et leur Etat du
pavillon, sans lui attribuer toutefois un contenu précis. Le droit aérien ne mentionne quant à
lui aucunement le lien effectif, alors qu’en droit spatial la seule limite concerne le statut de
l’Etat d’immatriculation : il doit être un des Etats de lancement.
Cela ne signifie pas automatiquement que le droit international accepte en tant
qu’opposable internationalement tout lien purement formel et administratif. Il importe en effet
d’examiner en profondeur toutes les manifestations potentielles de l’exigence d’effectivité –
que celle-ci soit exprimée par la « règle du lien substantiel » ou de toute autre manière – avant
de pouvoir se prononcer sur son importance éventuelle concernant la « nationalité » des
engins. Il convient notamment de se demander non seulement si un lien effectif est de lege

311
Expression employée par M. DUPUY dans DUPUY (P.-M.), Droit International Public, Dalloz, 8ème édition,
Paris, 2006, p. 79. Cette expression nous permet d’exprimer l’idée d’un lien effectif sans se prononcer, pour
l’instant, sur sa nature en tant que principe, règle ou notion a-juridique.
312
Pour la distinction entre « principe d’effectivité » dans ce second sens et lien effectif voy. SANTULLI (C.),
Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p. 16 et note de bas de page
n° 26. L’auteur explique que ces deux effectivités sont confondues par M. TOUSCOZ. Voy. en effet TOUSCOZ
(J.), Le principe d’effectivité dans l’ordre international, op. cit. note 309, p. 2.

118
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

lata exigé en ce qui concerne l’immatriculation des engins, mais en plus s’il est de lege
ferenda nécessaire ou même utile.
152. Le droit international a longtemps cherché à concrétiser cette exigence d’effectivité
du rattachement à travers des règles précises. Ces tentatives ayant échoué, l’effectivité du
rattachement des engins aux Etats se trouve désormais fondée non pas sur les critères
d’immatriculation mais sur le comportement ultérieur de l’Etat accordant la « nationalité ».
Dès lors, l’exigence d’effectivité du rattachement ne correspond pas à une condition
d’opposabilité de la « nationalité », mais à la mise en œuvre efficace des conséquences
juridiques découlant de la « nationalité » valablement attribuée. C’est donc le premier sens de
l’effectivité, définie en tant que « le caractère d’une règle de droit qui produit l’effet voulu,
qui est appliquée réellement » 313 qui semble dès lors plus pertinent. Mais la « règle » qui doit
s’appliquer réellement n’est plus relative aux conditions d’attribution de la « nationalité »
mais aux droits/obligations en découlant. Ce qui signifie que l’exigence d’effectivité ne peut
(plus) être considérée comme une règle autonome du droit international sur la « nationalité »
des engins (Chapitre 1).
153. L’étude du droit interne, nécessaire dès lors que le droit international laisse les Etats
entièrement libres de fixer les conditions d’attribution de leur « nationalité », étaye cette
affirmation. S’il est vrai que certains Etats optent pour des critères de rattachement fondés sur
des éléments de fait et permettant l’établissement d’une « relation privilégiée » entre l’engin
et l’Etat d’immatriculation, cette pratique n’est ni uniforme ni constante. De plus, elle a
tendance à s’atténuer, pour laisser place à des critères alternatifs dont le but est clairement de
permettre à l’Etat de se conformer efficacement aux obligations découlant de l’attribution de
sa « nationalité ». Les critères de rattachement concernent de moins en moins le fondement
réel du lien et de plus en plus la facilitation de l’exercice des devoirs de l’Etat
d’immatriculation (Chapitre 2).

313
CORNU (G.) dir., op. cit. note 76, p. 312.

119
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

120
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

CHAPITRE 1
L’absence d’une règle conditionnant l’opposabilité du rattachement des
engins aux Etats en droit international

154. La notion du « lien effectif » trouve son origine dans le droit de la nationalité des
personnes. C’est à propos de ces dernières, en raison à la fois de leur « intimité » particulière
avec l’Etat de leur nationalité et du besoin de les départager entre plusieurs appartenances que
l’exigence d’effectivité du rattachement est apparue. Cependant, il convient de ne pas
confondre rattachement des personnes et rattachement des choses aux Etats. Si un lien effectif
peut sembler nécessaire en ce qui concerne les premiers, un rattachement purement
administratif n’est-il pas suffisant en ce qui concerne les seconds ? Afin d’y répondre, il est
indispensable de distinguer lien effectif des engins et nationalité effective des personnes.
Par ailleurs, l’exigence de l’effectivité du rattachement n’est ni prévue ni appliquée de
manière identique dans les trois branches examinées, c’est-à-dire dans le droit de la mer, de
l’air et de l’espace. Cette différenciation contient un paradoxe intrigant : en théorie, c’est la
situation des navires qui se distingue des deux autres, dès lors qu’ils sont les seuls pour
lesquels le lien substantiel est expressément prévu en tant que règle conventionnelle ; dans la
pratique, ce sont toujours les navires qui se détachent, mais pour une raison opposée, c’est-à-
dire par suite de l’absence de tout lien effectif entre ces engins et leur Etat de « nationalité »
dans le cas de rattachements de complaisance, qui ne se retrouvent pas – en tout cas pas avec
la même ampleur – dans le droit de l’air et de l’espace. Cela est dû au fait que même si on ne
retrouve pas une exigence expresse de lien substantiel dans ces deux derniers domaines, on
peut toutefois y observer des manifestations diverses et variées traduisant potentiellement une
exigence générale d’effectivité. Il convient dès lors d’étudier cette règle du lien effectif ou
substantiel ainsi que les autres manières dont l’exigence d’effectivité se manifeste dans le
droit de l’air ou de l’espace, avant de conclure sur l’existence ou l’inexistence d’une
obligation de « nationalité effective » des engins (Section I). Cette étude conduit
inévitablement à l’affirmation que le lien effectif ne peut pas conditionner l’attribution d’une
« nationalité » aux engins et qu’il ne constitue dès lors pas une règle autonome du droit
international. La jurisprudence internationale confirme cette prise de position (Section II).

121
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

SECTION I. L’inutilité d’un lien effectif pour le rattachement des engins aux Etats

155. Il semble que l’exigence d’un rattachement effectif ne constitue pas une règle du
droit international conditionnant l’attribution d’une « nationalité » aux engins et que la libre
appréciation des Etats est à cet égard sans limites. Les conclusions tirées lors de l’étude des
différentes manifestations du « lien effectif » des engins (§1) combinées à un examen de la
complexité de la notion de l’ « effectivité » en droit international général permettent
d’affirmer qu’il s’agit d’une exigence fictive, fondée sur des analogies peu pertinentes entre
les personnes et les engins, et non pas d’un véritable principe (§2).

§ 1. La non transposition du principe d’une nationalité effective des personnes au


rattachement des engins

156. Si la valeur juridique de l’effectivité demeure globalement obscure, cette notion n’est
pas loin de refléter un principe général en ce qui concerne la nationalité des personnes (A) ;
elle ne constitue cependant qu’un souhait dicté par des considérations politico-économiques
en ce qui concerne les engins et notamment les navires à propos desquels le terme lien
substantiel a été consacré (B).

A. Le principe de l’effectivité et la nationalité des individus

157. L’exigence de l’effectivité n’est pas un concept clair en droit international. Principe
(général ou bien directeur) pour certains 314, simple règle « n’agissant pas par elle-
même » pour d’autres 315, ou encore « notion représentative de l’esprit du droit » 316, voire

314
KELSEN (H.), « Théorie générale du droit international public : problèmes choisis », RCADI, 1932, t. 42, vol.
IV, pp. 153, 163-164, 184-185, 189-190, 227, 263-274, 287, 291-297 et 318-323 ; GUGGENHEIM (P.), « La
validité et la nullité des actes internationaux », RCADI, 1949, t. 74, vol. I, p. 231 ; TUCKER (R.W.), « The
principle of Effectiveness in International Law », in Law and Politics in the World Community – Essays on Hans
Kelsen’s Pure Theory and Related Problems in International Law, LIPSKY (G. A.) dir. et ed., University
California Press, Berkeley, Los Angeles, 1953, pp. 32-34, 40-41, 48 ; MIAJA DE LA MUELA (A.), El principio
de efectivitad en derecho internacional, Valladolid, Cuadernos de la Cátedra « Dr. James Brown Scott »,
Universitad de Valladolid, 1958, pp. 19; 23-25; 33-36; 45; 60-61; 64-65; 82-85; 93-96 et « Nuevas realidades y
teorias sobre la efectividad en derecho internacional », Anuario de derecho internacional, vol. 3, 1976, pp. 8-9 et
37-38.
315
SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p. 16 et
Le statut international de l’ordre juridique étatique : étude du traitement du droit interne par le droit
international, op. cit. note 31, pp. 268 et s. Voy. également : ARANGIO RUIZ (G.), « Le domaine réservé.
L’organisation internationale et le rapport entre droit international et droit interne », RCADI, 1990, p. 174.
316
MARQUE (J. N.) qui en commentant l’article de DE VISSCHER (CH.), « Observations sur l’effectivité en
droit international public », souligne : « L’intérêt de cette notion spécifique de l’effectivité réside essentiellement
dans le fait que, sans être un principe du droit international, elle est cependant parfaitement représentative de
l’esprit profond de ce droit » : MARQUE (J. N.), « Bibliographie », Revue internationale de droit comparé, vol.
20, n°3, 1968, p. 605.

122
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

« notion a-juridique » 317 et « fausse règle tautologique » 318, l’effectivité en droit


international 319 – ou plus précisément, selon DE VISSCHER, les effectivités 320 – ont été et
sont toujours sujettes à un grand débat doctrinal juridique mais aussi sociologique 321. On
étudiera la notion uniquement dans le cadre de l’attribution de nationalité, ce qui constitue une
application parmi d’autres, nombreuses, de l’effectivité et qui nous intéresse ici tout
particulièrement 322.
158. Le lien effectif est une notion qui, depuis l’arrêt Nottebohm 323, a eu une certaine
pertinence quant à l’attribution d’une nationalité aux personnes physiques. Il vient en effet
« renforcer l’exigence de la nationalité » 324, en imposant à celle-ci d’être fondée sur des
véritables éléments de fait 325. S’il peut constituer une expression très générale du principe

317
CHEMILLIER-GENDREAU (M.), « A propos de l’effectivité en droit international », RBDI, vol. 11, 1975,
p. 38.
318
ARANGIO RUIZ (G.), «L’Etat dans le sens du Droit des Gens et la Notion du Droit international »,
Österreichische Zeitschrift für öffentliches Recht, 1976, vol. 26, pp. 271 et 272-273, note de bas de page n° 123
pour une critique de la théorie kelsenienne concernant la règle de l’effectivité.
319
Pour une analyse générale de l’effectivité en droit international voy., entre autres, MIAJA DE LA MUELA
(A.), El principio de efectivitad en derecho internacional, op. cit. note 314, complété par l’article du même
auteur « Nuevas realidades y teorias sobre la efectividad en derecho internacional », op. cit. note 314, pp. 3-47;
pour une préséntation synthétique de ses idées MIAJA DE LA MUELA (A.), Introduccion al derecho
internacional publico, Atlas, Madrid, 1960, pp. 78-81. Si en 1958 l’auteur avance que l’effectivité n’est pas un
principe du droit international ayant un caractère normatif (El principio de efectivitad en derecho internacional,
pp. 82-86), en 1976 il nuance ces propos (« Nuevas realidades y teorias sobre la efectividad en derecho
internacional », pp. 9 et 38); TOUSCOZ (J.), Le principe d’effectivité dans l’ordre international, op. cit. note
309, notamment pp. 216-222. Pour TOUSCOZ, « l’effectivité est la nature de ce qui existe en fait, de ce qui
existe concrètement, réellement ; elle s’oppose à ce qui est fictif, imaginaire ou purement verbal […] la notion
d’effectivité exprime, par conséquent, du point de vue juridique, la relation qui existe entre un certain état de
fait, une certaine réalité, et entre une règle ou une situation juridique » (p. 2) ; DE VISSCHER (CH.),
« Observations sur l’effectivité en droit international public », op. cit. note 84, pp. 601-609 ; l’auteur affirme :
« le rôle de l’effectivité apparaît particulièrement important dans la solution des problèmes que soulève la
détermination des effets en droit international des dispositions de droit interne relatives à des matières qui,
malgré leur intérêt international certain, relèvent essentiellement de la compétence nationale de chaque Etat »
(p. 605) ; il mentionne également l’exigence du lien substantiel comme expression très générale de ce principe
(p.607) et note qu’ « il arrive que l’exigence de la certitude l’emporte sur l’exigence du rattachement effectif.
C’est ainsi que la Convention aérienne de Chicago a entendu faire dépendre la nationalité de l’aéronef, non de
sa propriété ou de son affectations, éléments sujets à discussions, mais du fait aisément vérifiable de
l’immatriculation » (p. 607 note 11).
320
DE VISSCHER (CH.), Les effectivités du droit international public, Pedone, Paris, 1967, notamment chapitre
IV : « La recherche de l’effectivité dans l’immatriculation des instruments de transport », pp. 139-146.
321
Sur l’effectivité en sociologie du droit : CARBONNIER (J.), « Effectivité et ineffectivité de la règle de
droit », in Flexible droit, 10ème éd., LGDJ, Paris, 2001, pp. 136-148 ; sur la relation validité/effectivité et
efficacité/effectivité voy. RANGEON (F.), « Réflexions sur l’effectivité du droit », in Les usages sociaux du
droit, Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie, Paris, PUF, 1989, pp. 126-149.
322
Sur le sujet voy. BURLET (J.), « Effectivité et nationalité des personnes physiques », RBDI, vol. 12, 1976,
pp. 75-89 ; SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80,
pp. 61-70 ; RUZIE (D.), « Nationalité, effectivité et droit communautaire », RGDIP, t. 97, vol. I, 1993, pp. 107-
120.
323
CIJ, Affaire Nottebohm (2ème phase), arrêt du 6 avril 1955, Rec. CIJ 1955, pp. 4-27.
324
SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p. 3.
325
Voy. arrêt Nottebohm, ibidem, p. 20 où l’on trouve la définition suivante : « la nationalité est un lien
juridique ayant sa base à un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de
sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est, peut-on dire, l’expression juridique du fait

123
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

d’effectivité, il ne doit pas être confondu avec ce dernier 326. Lorsque l’Etat attribue une
nationalité ineffective, il ne viole aucune obligation internationale, ni aucune règle du droit
international – à moins de considérer l’exigence d’effectivité comme un principe général du
droit international 327. Il nous semble cependant qu’on ne peut pas affirmer que l’exigence
d’effectivité constitue un principe général du droit international. Ce qui est plus clair, c’est
que l’individu auquel l’Etat a attribué une nationalité « ineffective » ne pourra pas bénéficier
de la protection diplomatique de cet Etat en raison du défaut d’un lien effectif. La question
cruciale qui se pose est de savoir si le lien effectif conditionne la validité d’une attribution de
nationalité (comme cela semble l’être prima facie pour les navires) ou s’il constitue
simplement une condition de son « efficacité » internationale 328. En d’autres termes : une
nationalité non fondée sur un lien effectif, est-elle non valable en droit international et non
conforme à celui-ci ou valable mais inopposable ou encore valable et opposable ?
159. La théorie selon laquelle le lien effectif n’est pas une condition d’attribution d’une
nationalité valable semble la plus crédible. L’arrêt Nottebohm fut rendu lors d’une affaire de
protection diplomatique ; elle ne portait donc pas directement sur les conditions d’attribution
de la nationalité, mais plutôt sur la reconnaissance de celle-ci par les autres Etats. Malgré le
retentissement provoqué par cet arrêt, généralement approuvé pendant longtemps par la
doctrine, sa portée a fait l’objet d’une lecture restrictive trois années plus tard par la
Commission de conciliation Italie/Etats-Unis dans l’affaire Flegenheimer 329, qui « a réduit la
doctrine de la nationalité effective à la doctrine de la nationalité effective et dominante » 330.
Selon la Commission, cet arrêt a apporté une solution aux difficultés propres au cas de
l’espèce et l’on ne saurait y voir la consécration d’une règle générale de droit international
exigeant l’existence d’un « lien effectif » entre une personne et un Etat pour que celui-ci
exerce son droit de protection diplomatique sur la personne en question.
160. Les récents travaux de la CDI sur la protection diplomatique vont dans la même
direction. En effet, dans son commentaire de l’article 4 de ce projet, la Commission souligne

que l’individu auquel elle est conférée […] est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l’Etat qui la
lui confère qu’à celle de tout autre Etat »
326
Ibidem, p. 16.
327
REZEK (J.-F.), « Le droit international de la nationalité», RCADI, 1986, vol. 198, p. 387. Voy. également
MIAJA DE LA MUELA (A.), El principio de efectivitad en derecho internacional, op. cit. note 314, pp. 70-71
et 94-95.
328
SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, pp. 60-
61 et 82-83.
329
Sentence arbitrale du 20 septembre 1958, International Law Report 1958, vol. 25, p. 148 ; Voy. également
CJCE, Michelletti e.a., affaire C-369/90 du 7 juillet 1992, Rec. 1992, p. I-4258 à 4264 sur la portée réduite de la
jurisprudence Nottebohm à la seule matière de la protection diplomatique.
330
SANTULLI (C.), Irrégularités internes et efficacité internationale de la nationalité, op. cit. note 80, p. 13.

124
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

qu’à la différence de l’arrêt Nottebohm, il n’est pas demandé à l’Etat de prouver un lien
effectif entre lui et son national 331, puisque – malgré les divergences de vues sur
l’interprétation de cet arrêt – la Commission estime que certains facteurs limitaient la portée
de la position adoptée. Elle souligne en effet que la règle énoncée dans l’affaire Nottebohm
était relative et limitée aux fais de l’espèce, et qu’elle ne peut pas être strictement appliquée
aujourd’hui compte tenu des évolutions du monde contemporain332. Au lieu donc d’opter pour
la reconnaissance explicite d’un principe général de lien effectif entre l’Etat et son national, la
Commission a choisi d’adopter une formule encore plus vague 333. La seule limite désormais
au droit des Etats de choisir qui sont leurs nationaux est la mention de l’article 4 qui indique
que l’acquisition de la nationalité doit être faite de manière « non contraire au droit
international » 334. Dans son commentaire, la Commission insiste sur le fait que ni les
décisions arbitrales 335 ni les textes de codification 336 n’exigent un lien effectif pour la
protection diplomatique d’un national par un de ses Etats de nationalité en cas de double ou

331
Voy. article 4 du projet adopté en première lecture en 2004, Rapport de la CDI sur les travaux de la
cinquante-sixième session, Documents officiels, Supplément n° 10 (A/59/10), 2004, p. 28 : « Aux fins de la
protection diplomatique des personnes physiques, l’Etat de la nationalité est l’Etat dont l’individu objet de la
protection a acquis la nationalité par sa naissance, par son ascendance, par succession d’Etat, par
naturalisation ou de toute autre manière non contraire au droit international », ainsi qu’article 4 avec son
commentaire, projet adopté en deuxième lecture en 2006, Rapport de la CDI sur les travaux de la cinquante-
huitième session, Documents officiels, Supplément n° 10 (A/61/10), 2006, pp. 33-34.
332
Rapport de la CDI sur les travaux de sa 56ème session, op. cit. note 331, pp. 67-71 ; Rapport de la CDI sur les
travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 32-33 ; afin de mieux comprendre l’évolution de la vision de la
CDI sur ce sujet voy. également Rapport de la CDI sur les travaux de la cinquante-deuxième session,
Documents officiels, Supplément no 10 (A/55/10), pp. 151-152 ; Voy. également le premier rapport du
Rapporteur spécial sur la protection diplomatique, A/CN.4/506, §§ 106 à 120.
333
Selon laquelle « on entend par Etat de nationalité un Etat dont l’individu a acquis la nationalité par sa
naissance, par son ascendance, par succession d’États, par naturalisation ou de toute autre manière non
contraire au droit international ». La Commission souligne que la liste est non exhaustive.
334
Cf. l’affirmation selon laquelle le rôle du droit international de la nationalité, au moins en ce qui concerne les
principes généraux et la coutume, est un rôle négatif. Voy. BURLET (J.) de, « De l’importance d’un droit
international coutumier de la nationalité », Revue critique de droit international privé, n° 67-2, 1978, pp. 305-
327 et REZEK (J-F.), « Le droit international de la nationalité», op. cit. note 327, p. 371.
335
Voy. la décision du Tribunal arbitral mixte yougoslavo-hongrois dans l’affaire de Born, Annual Digest of
Public International Law Cases, vol. 3, 1925-1926, affaire no 205 du 12 juillet 1926 : cité dans le Rapport de la
CDI sur les travaux de la 56ème session, op. cit. note 331, note de bas de page n°56.
336
Voy. l’article 5 de la convention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux
conflits de lois sur la nationalité; la résolution sur «Le caractère national d’une réclamation internationale
présentée par un Etat en raison d’un dommage subi par un individu», adoptée par l’IDI à la session qu’il a tenue
à Varsovie en 1965, Résolutions de l’IDI, 1957-1991 (1992), p. 56 (art. 4 b); le projet de convention de Harvard
relatif à la responsabilité internationale des Etats à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne
ou aux biens des étrangers, 1960 (art. 23 3), dans SOHN (L.B) & BAXTER (R.R), «Responsibility of States for
Injuries to the Economic Interests of Aliens», AJIL, vol. 55, 1961, p. 548; Annuaire de la CDI, 1958, vol. II,
p. 64, A/CN.4/111 (art. 21 3), troisième rapport du rapporteur AMADOR (G.) sur la responsabilité des Etats (cité
dans le Rapport de la CDI sur les travaux de la 56ème session, op. cit. note 331, note de bas de page n° 57).

125
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

de multiple nationalité. La portée de l’arrêt Nottebohm se trouve donc désormais limitée et le


rôle du lien effectif considérablement en retrait 337.
161. Néanmoins, son utilité en ce qui concerne la nationalité des personnes physiques ne
doit pas être trop hâtivement écartée. L’affaire Nottebohm est unique dans le sens où une
seule nationalité entrait en jeu, la règle qui en découle étant que l’Etat ne peut protéger
l’individu qui si sa nationalité est fondée sur un lien effectif. Mais dans ce sens, le lien effectif
semble un critère plus que raisonnable pour départager entre plusieurs appartenances et
plusieurs titres concurrents 338. Par ailleurs, sa pertinence manifeste est fondée sur l’intimité
particulière qui existe – ou doit exister – entre un Etat et ses nationaux. Un Etat sans sujets,
sans individus formant une population ne se conçoit pas339. Depuis les révolutions américaine
et française, ces sujets forment la « Nation » dans laquelle réside désormais l’unité de l’Etat et
sont rattachés à cet Etat par un lien particulier, un lien de fait dont la nationalité est
l’expression juridique 340. Il est dès lors logique que l’Etat ne puisse invoquer ce lien que s’il
est effectif. Même si ces affirmations peuvent et doivent être nuancées – l’Etat-nation
devenant selon certains commentateurs plus une exception qu’une règle 341 – force est de
constater que le lien entre les individus et l’Etat de leur nationalité continue d’exprimer
actuellement une intimité réelle sans égal. Mais encore une fois, même si l’on accepte
l’importance du lien effectif, il ne s’agit pas d’un critère d’attribution de la nationalité, au sens
où l’absence de celui-ci rendrait illicite ou non valide celle-là. Il s’agit seulement d’un critère
d’opposabilité de la nationalité, entrant en jeu quasi-exclusivement lors de l’exercice de la
protection diplomatique 342. Quid alors du lien effectif en ce qui concerne le rattachement des
engins ?

337
Dans ce sens SLOANE (R. D.), « Breaking the Genuine Link: The Contemporary International Legal
Regulation of Nationality », Harvard International Law Journal, vol. 50, n°1, 2009, pp. 1-60.
338
Dans ce sens voy. DE BURLET (J.), « Effectivité et nationalité des personnes physiques », op. cit. note 322,
p. 76.
339
Cf. ARANGIO RUIZ (G.), «L’Etat dans le sens du Droit des Gens et la Notion du Droit international », op.
cit. note 318, p. 61, « La société humaine alimente l’organisation souveraine. […] l’élément humain conditionne
l’existence de la personne [de l’Etat]» et CORRIENTE CORDOBA (J. A.), « La nacionalidad de las personas
fisicas ante el derecho internacional », Anuario de derecho internacional, vol. 1, 1974, p. 223.
340
CASTRO Y BRAVO (F.) de, « La nationalité, la double nationalité et la supra-nationalité », RCADI, t. 102,
vol. I, 1961, pp. 541 et 546 ; Voy. aussi HENKIN (L.), International Law : Politics and Values, Martinus
Nijhoff Publishers, 1995, pp. 18-20 ; JACQUES (D.), Nationalité et modernité, Boréal, 1998, p. 12 et REZEK
(J-F.), « Le droit international de la nationalité», op. cit. note 327, pp. 341-342.
341
REZEK (J.-F.), « Le droit international de la nationalité», op. cit. note 327, pp. 387-388.
342
Voy. dans ce sens LEIGH (G. I. F.), « Nationality and Diplomatic Protection », ICLQ, 1971, p. 467; VAN
PANHUYS (H. F.), The role of nationality in international law: an outline, Sijthoff, Leiden, 1959, p. 181;
CUTHBERT (J.), Nationality and diplomatic protection, Sijthoff, 1969, pp. 1 et 30.

126
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

B. La notion de l’effectivité et la « nationalité » des engins

162. Le contexte dans lequel fut adopté en 1956 l’article 5 de la convention de Genève sur
la haute mer, a favorisé un rapprochement, effectué par une partie de la doctrine, entre le lien
substantiel et le lien effectif tel que décrit dans l’arrêt Nottebohm de la Cour Internationale de
Justice (ci-après CIJ) de 1955. L’influence de cet arrêt est en effet évidente si l’on observe les
articles 5 de la convention de Genève et 91 de la convention de Montego Bay, qui consacrent
la même exigence en des termes similaires 343. Le rapprochement en cause s’arrête, cependant,
aux termes employés. En réalité, l’effectivité de la nationalité des navires, et des autres
engins, ne peut pas être fondée sur des considérations analogues à celles qui concernent la
nationalité des personnes physiques. Contrairement à ces dernières dont le rattachement à leur
Etat de nationalité exprime un véritable lien de fait et une intimité particulière, les engins ne
sont rattachés aux Etats que pour des raisons d’identification d’un sujet de droit international
responsable d’eux 344. Ce lien doit certes exister, mais à quelles fins devrait-il être
« effectif » ? Si l’idée essentielle est dans les deux cas qu’il doit exister un lien juridique
rattachant significativement le bénéficiaire de la nationalité à l’Etat qui la lui a accordée 345, la
nature fondamentale de cette nationalité rend le lien effectif tel que prévu pour les personnes
non transposable aux engins. Un engin en tant que tel n’a en effet pas et ne peut avoir un lien
« affectif » avec l’Etat d’immatriculation, ni partager une culture, une langue ou une histoire
avec cet Etat. Les critères utilisés par la Cour afin de donner un contenu à l’exigence du lien
de rattachement effectif, tels que résidence habituelle, centre des affaires, sentiment général
d’appartenance, sûretés de famille etc., ne peuvent être que partiellement appliqués aux
« relations » entre un engin et un Etat 346.

343
Pourtant, même au niveau purement terminologique, il existe une différence entre la jurisprudence
Nottebohm et les articles 5 et 91. Le « lien de rattachement effectif » devient « lien substantiel ».
344
Dans ce sens MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 273-275. M. MEYERS explique
que le lien réel de nationalité n’a pas le même rôle à jouer en ce qui concerne l’effectivité par rapport aux
personnes et par rapport aux navires. Pour les personnes, le lien substantiel est exigé afin de vérifier qu’une
personne appartient effectivement à une nation, à une population et pas à une autre. Quant aux navires,
l’appartenance à une nation n’a aucune importance. Dès lors que la « juridicité de la mer » est assurée, le but
légal de la nationalité est satisfait. Il n’y pas besoin d’exiger une « connexion substantielle » du navire avec
l’Etat du pavillon pour obtenir une nationalité effective. Le lien substantiel a donc un sens plus souple et c’est
pour cela que les conditions d’immatriculation restent indéfinies.
345
Voy. analyse relative de KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit international.», op. cit. note 103,
p. 348.
346
Voy. CHURCHILL (R.), « The meaning of the genuine link requirement in relation to the nationality of
ships », A study prepared for the International Transport Worker’s Federation Union, with the assistance of
HEDLEY Cristopher, October 2000 (non publié tel quel, PDF faisant partie des documents transmis aux
étudiants de l’Académie de Rhodes en juillet 2005).

127
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

163. On pourrait émettre l’hypothèse qu’un lien substantiel n’est utile que dans des cas de
« protection » 347 des engins, à l’instar de ce qui semble être le cas pour le lien effectif selon la
jurisprudence Nottebohm. Il ne constituerait donc pas une condition pour l’immatriculation,
un critère d’attribution d’une « nationalité » mais seulement un critère d’opposabilité de cette
dernière. Cette possibilité avait été soutenue par le juge JESSUP dans son opinion séparée
émise à propos de l’affaire Barcelona Traction. L’affaire, rendue en 1970 dans le cadre de
l’exercice de la protection diplomatique d’une société et ses actionnaires, était par définition
plus susceptible de permettre des analogies avec les navires, dès lors que les personnes
morales en tant qu’être collectifs sont plus proches des engins 348. Cela est évident lorsqu’on
examine la manière dont le lien effectif a été envisagé par la Cour. Si elle a insisté sur le fait
qu’« un lien étroit et permanent est crée entre la Barcelona Traction et le Canada, que le
passage de plus d’un demi-siècle ne fait que renforcer » 349, elle n’a pas fait référence à des
éléments subjectifs et non objectifs, tout en constatant que « sur le plan particulier de la
protection diplomatique des personnes morales aucun critère absolu applicable au lien
effectif n’a été accepté de manière générale » 350.
Selon le juge JESSUP, le concept du lien substantiel est donc commun à la nationalité des
personnes, des compagnies et des navires. Dans les trois cas, les Etats ne sont pas obligés de
reconnaître une nationalité si un lien effectif n’existe pas 351. Mais cette conclusion est
erronée. La pratique étatique et la jurisprudence, ainsi que la suppression d’une telle
possibilité de la version finale de l’article 5 de la convention de Genève montrent qu’il est
impossible de ne pas reconnaître la « nationalité » d’un navire, même quand elle n’est pas
appuyée sur un lien substantiel 352.

347
Sur la « protection » des engins comparée à l’institution de la protection diplomatique voy. infra, partie II,
titre II, chapitre 2, §§ 611 et s.
348
M. COMBACAU exprime clairement cette affirmation « on l’a beaucoup dit, la nationalité des navires a
peu de rapport avec la nationalité des individus. Si elle devait évoquer la nationalité personnelle, ce serait plutôt
celle des personnes morales avec qui elle partage le fait d’être, beaucoup plus aisément que celle des personnes
physiques, une nationalité élective ». COMBACAU (J.), « Les bateaux et le navire : tentative de détermination
d’un concept juridique international », op. cit. note 37, p. 242.
349
Affaire Barcelona Traction, arrêt du 5 février 1970, CIJ Rec. 1970, p. 42, §70.
350
Ibidem. Voy. dans le même sens : Arrêt ELSI, 20 juillet 1989, Rec. 1989, p. 15 : « malgré les apparences, il
n’y a pas d’infléchissement de fond de la position de la Cour relativement à la prise en considération du
contrôle économique pour l’élargissement éventuel du droit à la protection diplomatique ».Voy. notamment sur
ce sujet DUPUY (P.-M.), Droit International Public, op. cit. note 311, p. 77 ; JEANCOLAS (C.), « L’arrêt ELSI
du 20 juillet 1989 », RGDIP, t. 94, vol. 3, 1990, pp. 701-742 ; STERN (B.), « La protection diplomatique des
investissements internationaux. De Barcelona Traction à Elettronica Sicula ou les glissements progressifs de
l’analyse », JDI, vol. 117, 1990, pp. 897-948.
351
Affaire Barcelona Traction ,op. cit. note 349, p. 180.
352
M. KERREST souligne dans ce sens : « Dans cette perspective, il pouvait paraître possible de mettre en
cause les nationalités de complaisances en leur déniant tout opposabilité. En fait, la piste est impraticable. La
jurisprudence Nottebohm qui est d’ailleurs restée largement solitaire, ne peut pas s’appliquer ici ». KERREST

128
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

164. Même en ce qui concerne les sociétés, l’exigence d’un lien effectif n’a d’ailleurs pas
été retenue en tant que telle 353, puisque le critère anglo-saxon d’ « incorporation » 354 est
accepté au même titre que celui du siège social réel 355. Alors que, dans son commentaire du
projet d’articles relatifs à la protection diplomatique 356, la CDI affirme sa volonté de donner
effet à l’insistance avec laquelle la CIJ exige dans la Barcelona Traction qu’il y ait un
rattachement entre la société et l’Etat dont elle a la nationalité, elle souligne que la formule
«un lien étroit et permanent», employée pour qualifier le lien dans cet arrêt n’a pas été
retenue, car elle placerait la barre trop haut en ce qui concerne le rattachement. D’où l’emploi
du terme technique « siège » 357. Elle conclut que, de manière générale, l’article 9 impose un
lien entre la société et l’Etat qui aille au-delà de la simple formation ou constitution et se
caractérise par un rattachement supplémentaire. Mais elle écarte l’idée que ce facteur de
rattachement doit être l’équivalent d’un lien effectif tel que la Belgique le préconisait dans
Barcelona Traction. Le lien de rattachement des sociétés, tel que défini par la CDI, n’est donc
pas vraiment un lien effectif ou substantiel fondé sur des éléments de fait particuliers comme
la nationalité des personnes 358. Il demeure toutefois mieux encadré par le droit international
que le rattachement des engins, à propos desquels aucune condition précise n’est prévue.

(A.), « La responsabilité des Etats du pavillon », in Recueil des interventions du colloque « Mer et
Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, p. 32.
353
Sur ce voy., entre autres, ARAGON CANOVAS (F. J.), « La sucursal en espana de sociedades extranjeras y
su inscripcion en el registro mercantil : analisis de la resolucion de 29 de febrero de 1992 », in Derecho Registral
Internacional, Homenaje a la memoria del profesor Rafael Arroyo Montero, Ediciones de la Universidad de
Castilla- La Mancha, Iprolex, 2003, p. 536 ; LOUSSOUARN (Y.)& TROCHU (M.), « Nationalité des sociétés »,
Jurisclasseur, fasc. 564-10, 1995 ; JACQUET (J. M), DELEBECQUE (P.) & CORNELOUP (S.), Droit du
commerce international, 1ère édition, Dalloz, Paris, 2007, p. 159; MANN (F. A.), « The protection of
Shareholders Interests », AJIL, vol. 67, 1973, p. 272 ; GINTHER (K.), « Nationality of Corporations », OZOR
(Osterreichische Zeitschrift für Internationales und Offentlischer Recht), 1965, p. 65.
354
Les pays anglo-saxons utilisent le critère d’« incorporation », en vertu duquel il suffit qu’une société soit
constituée conformément aux dispositions de la loi d’un pays et enregistrée comme telle dans celui-ci pour
acquérir sa nationalité. Le lien donc est très faible, voire potentiellement inexistant. La même observation vaut
pour les pays exigeant uniquement que le siège statutaire de la société soit établi sur leur territoire afin
d’attribuer leur nationalité.
355
Le deuxième groupe de législations auquel appartient notamment la France, vise à construire un fort lien de
rattachement entre la société et l’Etat de nationalité, en n’accordant la nationalité qu’aux sociétés dont l’activité
représente un intérêt pour l’économie nationale. Le critère retenu est celui du siège social réel selon lequel la
société est tenue comme nationale si elle est constituée conformément aux dispositions de la loi nationale et a
son siège social sur le territoire de ce même Etat. Dans la même logique, est également accepté le critère du
centre d’exploitation –qui le plus souvent coïncide avec le siège social réel – et le centre de décision dans le cas
des sociétés filiales.
356
Rapport de la CDI sur les travaux de la 56ème session, op. cit. note 331, pp. 87-90.
357
La CDI définit l’Etat de nationalité d’une société comme l’Etat sous la loi duquel la société a été établie et sur
le territoire duquel elle a son siège ou sa direction ou avec le territoire duquel elle a un lien similaire.
358
Voy. cependant CAFLISCH (L.), La protection des sociétés commerciales et des intérêts indirects en droit
international public, op. cit. note 74, pp. 139-140 et 266 où l’auteur explique que la nationalité des sociétés doit
revêtir l’effectivité minimum requise par le droit des gens en cette matière, mais que cette condition est remplie
lorsque l’Etat attribue sa nationalité sur la base du siège social, du centre d’exploitation, du contrôle ou même de

129
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

165. Si on exclut donc d’une part que le lien effectif des engins puisse se rapprocher de
celui de la nationalité des individus – pour lesquels il exprime avant tout l’appartenance réelle
à une nation – et d’autre part qu’il puisse s’avérer utile en cas d’exercice de la « protection »
des ensembles organisés – l’existence même d’une telle institution demeurant incertaine – sa
raison d’être semble sérieusement remise en question. Finalement, imposer des conditions
substantielles pour l’immatriculation des engins aurait pour seul intérêt de faciliter
l’identification des personnes impliquées dans leurs activités, c’est-à-dire les
propriétaires/exploitants, afin de permettre, en organisant leur surveillance, un contrôle exercé
par l’Etat d’immatriculation sur l’engin. Mais une telle finalité semble indépendante de toute
notion de lien effectif. Dans tous les cas, les différentes manières dont le droit international
tente de rattacher substantiellement les activités des engins aux Etats semblent bien plus
efficaces lorsqu’elles ne passent pas par l’imposition de conditions d’immatriculation
correspondant à un lien effectif.

§ 2. Les différentes manifestations en droit international d’un « lien effectif » pour le


rattachement des engins

166. Il convient d’examiner comment l’exigence d’un rattachement effectif des engins
et/ou de leurs activités s’exprime ou s’est exprimée dans le passé dans le droit de la mer (A),
de l’air (B) et de l’espace (C), afin de savoir si, même si elle n’est pas explicitement imposée,
elle conditionne de quelque manière que ce soit l’immatriculation des engins.

A. Les navires : le lien substantiel et les pavillons de complaisance

167. Les Etats sont libres, on l’a vu, d’attribuer leur nationalité aux navires en fixant eux-
mêmes les conditions requises à cet effet. Cette liberté reconnue de jure aux Etats va de pair
avec la liberté appartenant de facto au propriétaire ou à l’armateur du navire dans le choix du
pavillon 359. La combinaison de ces deux libertés a conduit, inévitablement, au phénomène de
la libre immatriculation, des pavillons de complaisance 360. Une limite existe cependant, qui

l’incorporation (dans ce dernier cas il faut toutefois que l’entité ne soit pas contrôlée par des individus
ressortissants de l’Etat défendeur en matière de protection diplomatique).
359
Pour une analyse critique de cette liberté voy. VALLAT (F.), « Pavillon et entreprises », in Colloque Le
Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, pp. 77-80.
360
Sur l’histoire, l’évolution et la définition des pavillons de complaisance il existe une très vaste littérature.
Voy., entre autres, sur les origines du phénomène CARLISLE (R. P.), Sovereignty for sale: the origins and
evolution of the Panamian and Liberian flags of convenience, Naval Institute Press, Annapolis, 1981; NAESS
(E. D.), The Great Panlibhon controversy – The fight over flags of shipping, Gower, Essex, 1972, DENIZOT
(P.), Le scandale des pavillons de complaisance, Editions Maritimes et d’outre mer, Paris, 1979, p. 22 ;
DIMITRIOU (E.), « Flags of convenience and international law », Thesaurus Acroasium, vol.7, 1977, pp. 535-

130
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

est prévue par le droit international, du moins par sa lettre. En effet, selon le droit
conventionnel, le lien juridique qui rattache un navire à un Etat doit être la résultante de
rapports effectifs. Cette disposition du droit de la mer posant l’exigence d’un lien substantiel
visait à établir une « nationalité » stricto sensu pour les navires, c’est-à-dire fondée sur un
véritable lien et non sur un rattachement purement administratif (i). Cependant, cette exigence
n’a jamais traduit une obligation internationale (ii).

i. Le lien substantiel tel que prévu par le droit conventionnel

Ni la convention de Montego Bay ni les autres instruments internationaux du droit de la


mer n’attribuent au lien substantiel un contenu sans équivoque.

a. Les conventions de Genève et de Montego Bay

168. Même avant l’apparition du lien substantiel en tant que norme conventionnelle, les
tentatives visant à établir que le rattachement du navire à l’Etat de pavillon ne peut être basé
sur le néant, étaient récurrentes 361. Au cours de sa session de 1896, l’IDI a voté une résolution
faisant de l’existence d’un lien fort et effectif entre l’Etat du pavillon et le navire l’une des
conditions majeures de l’octroi de la nationalité 362. Il était en effet exigé que plus de la moitié
du navire à immatriculer appartienne à des personnes physiques ou morales ayant la
nationalité de l’Etat du pavillon.
Si la notion réapparaît dans la jurisprudence des Tribunaux de prises maritimes de la
deuxième guerre mondiale 363, à la suite de la guerre, les cas dans lesquels les juges ont mis en

537 ; Pour une définition du terme voy. LI (K. X.) & WONHAM (J.), «Registration of vessels; new
developments in ship registration », The international journal of marine and coastal law, vol. 14, 1999, p. 141;
ABRAHAMSSON (B. J.), International Ocean Shipping Current Concepts and Principles, Boulder, Colo,
Westview Press, 1980, p. 133; CHAUMETTE (P.), « Le contrôle des navires par l’Etat du port ou la
délinquance du pavillon ? », in La norme, la ville, la mer, Mélanges Yves Prats, Université de Nantes, Maison
des Sciences de l’Homme, Paris, 2000, p. 267 ; BEHNAM (A.) & FAUST (P.), « Twilight of flag state control»,
Οcean Yearbook, vol. 17, 2003, p. 170; DU PONTAVICE (E.), « Les pavillons de complaisance », DMF, vol.
29, 1977, pp. 503-512 ; METAXAS (B. N.), « Some thoughts on flags of convenience», Maritime Studies and
Management, 1974, pp. 162-177 ; MOUSSU-ODIER (F.), « Les pavillons de complaisance», ADMA, 1976, p.
199.
361
Dès 1854, apparaît l’idée qu’un Etat attribuant sa nationalité doit avoir un rapport effectif et dynamique avec
ses navires. En effet, dans une dépêche du Ministre français de la Marine du 29 décembre 1854 le gouvernement
français déniait à la Suisse « le droit d’avoir un pavillon maritime que sa situation géographique ne lui
permettait ni de surveiller ni de protéger ». Dépêche citée par GIDEL (G.), Le droit international public de la
mer, op. cit. note 13, p. 79. Voy. également CORBIER (I.), « Le lien substantiel : expression en quête de
reconnaissance », op. cit. note 157, p. 277.
362
Annuaire de l’IDI, 1896, vol. III, édition abrégée, session de Venise pp. 873 et s., notamment p. 1069.
363
Ces tribunaux se sont prononcés sur la relation devant exister entre l’Etat et le navire pour pouvoir distinguer
entre les navires neutres et les navires des belligérants. Afin de juger de la « nationalité » des navires, ils ont pris
en considération le pays de construction du bâtiment, celui du port d’attache, celui dont le propriétaire possède la
nationalité et celui du contrôle. Il ont même vérifié l’origine des fonds ayant servi à payer le chantier

131
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

cause les pavillons de complaisance sont demeurés peu fréquents 364. Ce qui ne permet pas
d’arriver à des conclusions claires quant à la nature juridique ou au contenu du lien
substantiel, dès lors que les législations nationales en la matière étaient – et sont toujours 365 –
extrêmement diversifiées et la pratique internationale peu constante.
169. La CDI a repris l’idée dans le cadre de ses travaux concernant le projet d’articles
relatifs à la convention sur la haute mer. Afin d’éviter les abus et les frictions entre les Etats,
elle a insisté sur le fait que l’autorisation d’arborer le pavillon « ne peut être qu’une simple
formalité administrative » et que «la juridiction de l’Etat sur les navires et le contrôle qu’il
devra exercer ne peuvent être réels que s’il existe entre l’Etat et le navire d’autres liens que
la seule immatriculation ou le seul octroi d’une lettre de mer » 366. Lors de la session de 1951,
le rapporteur spécial, FRANCOIS, avait souligné le fait que s’il n’y avait pas une connexion
réelle entre l’Etat du pavillon et l’équipage ou le propriétaire du navire, il serait très difficile
pour l’Etat en question de contrôler son navire. Les opinions du rapporteur ont été largement
partagées par la Commission ; à la fin de 1951, celle-ci s’accordait à considérer que les Etats
peuvent certes fixer les conditions d’attribution de leur nationalité, mais qu’ils devraient
respecter des conditions minimales afin que le caractère national du navire soit reconnu par
les autres Etats 367. Ces conditions ont été codifiées en 1955 dans le projet de l’article 5 de la
convention de Genève sur la haute mer où il était prévu que le navire devait être la propriété
de l’Etat du pavillon ou la propriété à plus de 50% de ses nationaux ou de personnes ayant
leur domicile dans cet Etat et y résidant effectivement ou d’une société dont plus du 50% des
actionnaires étaient soit des nationaux soit des personnes ayant leur domicile dans l’Etat du

constructeur, la nationalité du commanditaire ou la finalité de l’exploitation du navire. Voy. notamment les


décisions du 12 juillet 1957 Clizia et Capo Alga; Direction centrale du Commissariat de la Marine, France,
Conseil des prises, Prises maritimes : Jurisprudence française de la guerre 1939-1945, 3 1953-1965, Paris,
Imprimerie nationale 1973, t. III, pp. 239 et 253 ainsi que l’exemple le plus classique, les décisions du 28 mars
1947 Bateaux Atun I et Atun II ; Direction centrale du Commissariat de la Marine, France, Conseil des prises,
Prises maritimes : Jurisprudence française de la guerre 1939-1945, Paris, Imprimerie nationale 1953, t. II, p. 31
et p. 93 où il est stipulé : « Considérant que si les sardiniers à moteur Atun I et II avaient pris la mer en arborant
pavillon français, il résulte de l’instruction que ces bâtiments ont été construits sur les chantiers Auroux à
Arcachon, sur commande passée par la Hafenkommandatur, agissant pour le compte de l’Atlantische
Gesellschaft de Berlin, que le prix des bâtiments a été payé par Gustav Winter, national allemand, directeur de
l’Atlantische Gessellschaft, qu’ainsi le caractère ennemi des sardiniers est établi ».
364
Les auteurs qui ont étudié et analysé cette jurisprudence de la guerre, se posaient la question de savoir si en
temps de paix, en cas de litige concernant le pavillon d’un navire, la jurisprudence pouvait utiliser de
raisonnements analogues afin de déceler la réelle nationalité de celui-ci. Voy. pour une étude approfondie ROUX
(J.-M.), Les pavillons de complaisance, op. cit. note 89, pp. 72-74, qui présageait que la même situation allait se
rencontrer en temps de paix.
365
Voy. infra, partie I, titre II, chapitre 2, §§ 261 et s.
366
Annuaire de la CDI, vol.II, 1956, Rapport de la Commission à l’Assemblée générale, p. 279 ; sur les débats
relatifs au statut des navires et à leur nationalité, Voy. ibid, vol. I, notamment pp. 39 ; 69 ; 72 ; 75 ; 283 ; 310 et
311.
367
Annuaire de la CDI, 1951, vol. I, session 121 du 10 juillet, pp. 330-334.

132
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

pavillon et y résidant effectivement ou d’une société par actions immatriculée dans l’Etat du
pavillon et selon la législation de celui-ci 368. Il s’agissait donc des critères précis
d’immatriculation, tentant de mettre en œuvre l’exigence du lien substantiel.
170. Dans son commentaire sur le projet, la CDI notait que, lors de la fixation des
conditions d’attribution de leur nationalité, les Etats ne devaient pas trop s’éloigner des
principes adoptés par la majorité des Etats. Quant aux conditions d’attribution de nationalité
prévues, la Commission soulignait que plusieurs systèmes pouvaient certes être choisis mais
qu’un minimum des éléments de rattachement « nationaux » était obligatoire afin que l’Etat
puisse contrôler son navire et exercer effectivement sa juridiction369.
Le projet a été transmis aux Etats pour commentaires 370. Les propositions des Pays Bas et
du Royaume Uni étaient les plus intéressantes. Les Pays Bas ont proposé qu’il soit ajouté : « à
des fins de reconnaissance du caractère national du navire, il doit exister un lien
substantiel 371», étant donné que le gouvernement souhaitait souscrire au principe du lien
effectif mais n’approuvait pas de la façon dont la Commission l’avait développé, en imposant
des règles que l’Etat serait tenu d’observer. Le Royaume Uni, de son côté, avait proposé
qu’afin que l’Etat du pavillon soit reconnu comme tel, il devait être en mesure d’exercer et
exerçait effectivement ses juridiction/contrôle sur les navires. Il soulignait en outre que toute
tentative de réduire les critères déterminant la reconnaissance d’un pavillon national à

368
Annuaire de la CDI, 1955, vol. II, Rapport de la Commission, p. 22.
369
Le commentaire de la CDI concernant l’article relatif à la nationalité des navires est le suivant : « Il est
constant que l’Etat jouit d’une liberté complète lorsqu’il s’agit de navires dont il est le propriétaire ou de
navires qui sont la propriété d’une société nationalisée. Quant aux autres navires, l’Etat doit s’imposer
certaines restrictions. De même que dans le cas de l’attribution de la nationalité aux personnes, il faut que la
législation nationale en cette matière ne s’écarte pas trop des principes qui ont été adoptés par la majorité des
Etats et qui peuvent être considérés comme faisant partie du droit international. A cette condition seulement, la
liberté reconnue aux Etats ne donnera pas lieu à des abus et à des frictions avec d’autres Etats. En ce qui
concerne l’élément national présent nécessaire à l’octroi du pavillon au navire, une grande variété de modalités
sont possibles, mais un minimum doit être assuré ». Voy. Annuaire de la CDI, vol. II, 1956, op. cit. note 366, p.
278 et Annuaire de la CDI, 1955, vol. II, op. cit. note 368, p. 23.
370
Les avis sur l’article 29 du projet d’articles ont été très partagés. D’un côté, les Etats traditionnellement
maritimes soutenaient que le lien substantiel était une condition essentielle devant être développée en détail
(Danemark, France, Italie, Pays Bas, Norvège et Suède). De l’autre côté, ceux qui trouvaient le critère du lien
substantiel inapproprié, inutile ou trop vague (Brésil, Grèce, Guatemala, Inde, Liban, Liberia, Mexico, Panama,
Uruguay et les Etats-Unis). La majorité des Etats étaient tout de même d’avis que le critère du lien substantiel
devait être incorporé dans la convention, même en tant que principe vague. Certains Etats, comme l’Australie, la
Tchécoslovaquie, le Portugal ou le Royaume Uni, ont soutenu que le lien substantiel devait être inclus et
développé par la suite dans un forum différent. Les pro-lien substantiel ont insisté sur son importance pour le
contrôle et l’« ordre public » en haute mer. Cependant, un consensus réel par rapport à son contenu n’a pas pu
être obtenu, même si plusieurs Etats considéraient que le contrôle et la juridiction effectifs étaient un élément
essentiel. Voy. à titre d’exemple les commentaires du Belgique (Annuaire de la CDI, 1956, vol. II, p. 37, UN
Doc. A/CN.4/99 et Add. 1 à 9) ; de l’Irlande (ibid, p. 52) ; de la Norvège (ibid, p. 67) et de l’Afrique du Sud
(ibid, p. 78).
371
Annuaire de la CDI, 1956, vol. II, Rapport de la Commission, pp. 63 et 68 pour les observations des Pays
Bas.

133
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

quelques règles élémentaires se heurtait à d’extrêmes difficultés 372. Ce qui explique que la
Commission, eu égard à ces divergences de vues 373, a préféré renoncer à toute précision 374.
171. En 1956, la CDI a préparé son projet final d’articles, dont l’article 29 (1) qui stipulait
que « à des fins de reconnaissance du caractère national du navire, il doit exister un lien
substantiel entre l’Etat et le navire. 375 » Dans son commentaire, la Commission a expliqué les
raisons qui l’ont conduite à ne pas préciser de manière détaillée les critères de nationalité. Elle
précisait avoir abandonné ces critères pour la raison, principalement, que la pratique des Etats
était en la matière beaucoup trop divergente pour être « cristallisée » et qu’elle ouvrirait la
voie à des abus si une telle règle était adoptée. Elle a donc préféré énoncer, comme principe
général, l’exigence vague d’un lien substantiel, sans autre précision, en insistant seulement sur
le fait que l’attribution de la nationalité ne peut être une simple formalité ; un lien réel doit
exister entre le navire et l’Etat 376.
172. L’article final diffère du projet sur deux points importants : l’expression « à des fins
de reconnaissance » a été supprimée car elle fut considérée comme trop vague et par là
dangereuse, et il fut ajouté que « l’Etat doit notamment exercer effectivement sa juridiction et
son contrôle, dans les domaines technique, administratif et social sur les navires battant son
pavillon. » Cette modification, proposée par l’Italie et la France 377, a été soutenue par
l’ensemble des Etats, aussi bien par les Etats traditionnellement maritimes et favorables à
l’exigence d’un lien substantiel que par ceux qui y étaient opposés. Les Etats ne s’accordaient
toutefois pas sur la question de savoir si cette exigence était un élément indispensable pour
que le lien substantiel soit établi (point de vue des pays maritimes traditionnels) ou si elle était
indépendante de ce lien (point de vue des pays de libre immatriculation 378). La manière dont
l’article 5 fut finalement formulé reflète l’incapacité non seulement de définir le contenu du
lien substantiel, mais également de prévoir une sanction quelconque dans le cas où il fait
défaut. Avec la suppression de l’expression « aux fins de reconnaissance par d’autres

372
Ibidem, pp. 75-76 et 81.
373
Pour les très intéressants débats à cet égard entre les membres (MM. ZOUREK, KRYLOV, SALAMANCA,
SCELLE et Sir GERALD FITZMAURICE) du sous-comité désigné pour modifier le projet de l’article 5 (article
29 dans le projet) voy. Annuaire de la CDI, 1956, vol. I, Comptes rendus analytiques de la huitième session, pp.
66-72.
374
Voy. analyse par ASSONITIS (G.), « Les pavillons de libre immatriculation : des Conférences des Nations
Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
(CNUCED) », Droit Européen des Transports, vol. 25, 1990, pp. 436-439.
375
Annuaire de la CDI, 1956, vol. II, Rapport de la Commission, pp. 259-260.
376
Ibidem, pp. 278-279.
377
UNCLOS I, First United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Records, vol. IV, session 23 du
1er Avril 1958, p. 61, §§ 16 et 17 et session du 21 mars 1958, p. 123 (UN Doc. A/CONF.12/C.2/L.28)
378
Les délégués du Panama et du Liberia étaient particulièrement réticents face à la clause de la non-
reconnaissance et ont voté à chaque fois contre son adoption. Voy. UNCLOS I, First United Nations Conference
on the Law of the Sea, Official Records, ibidem, pp. 62-63, §§ 34-35 et 43.

134
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Etats » 379, la sanction en cas de non-respect de l’exigence du lien substantiel est devenue
problématique 380. L’exigence d’un lien substantiel, qui semblait avoir un sens lorsqu’elle était
combinée avec une clause de non-reconnaissance, est restée dans une zone normative grise.
173. La convention de Genève a été remplacée par la convention de Montego Bay de
1982. L’article 91 de cette dernière est identique à l’article 5 de la première, à une exception
près : la disposition sur l’exercice de la juridiction et du contrôle a été supprimée dans l’article
sur la nationalité des navires ; elle figure désormais dans l’article 94 (1) qui contient une liste
d’obligations pour l’Etat du pavillon, explicitant le contenu de l’exigence générale de
juridiction et de contrôle effectifs.
Les travaux préparatoires de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la
mer, tenue entre 1973 et 1982 et à l’issue de laquelle la convention de Montego Bay fut
signée, ne disent pas grand-chose des opinions des Etats concernant la question du lien
substantiel. Contrairement à ce qui s’était passé lors de la conférence de 1958, la notion fut à
peine débattue. Les propositions concernant les articles sur la haute mer et la nationalité des
navires se sont limitées à reprendre les dispositions de la convention de Genève. Pendant la
session de 1974, un document regroupant les diverses propositions fut rédigé, dont l’article
140 était identique à l’article 5 de la convention de 1958 381. Les articles 142 et 146 382, quant à
eux, soulignaient le devoir de l’Etat du pavillon d’exercer sa juridiction et son contrôle dans
les domaines technique, administratif et social. Ce document a été remplacé l’année suivante
par un texte informel de négociation unique dont l’article 77 était toujours identique à l’article
5, mais où la disposition finale sur la juridiction et le contrôle était supprimée 383. Alors que
les travaux officiels publiés n’expliquent pas cette modification, le commentaire de M.
NORDQUIST sur la Convention signale que cette suppression fut décidée afin d’éviter le

379
La clause a été rejetée avec une majorité de 15 votes (30 contre, 15 pour et 17 abstentions). UNCLOS I, First
United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Records, vol. II, session plénière du 23 avril 1958, p.
20, § 3. Selon BOCZEK le rejet était le résultat d’un lobbying très intense de la part des armateurs, alors que
selon MEYERS il reflétait le fait que la Conférence n’avait que très peu de temps pour adopter l’article. Voy.
BOCZEK (B. A.), Flags of convenience: an international legal study, op. cit. note 58, p. 282 et MEYERS (H.),
The nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 221-222.
380
Selon de Charles DE VISSCHER, « cette suppression témoigne de la répugnance de certains Etats à élever
expressément le critère du lien substantiel au rang d’une règle de droit international ». DE VISSCHER (CH.),
Les effectivités du droit international public, op. cit. note 320, p. 142.
381
UNCLOS III, Third United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Records, Vol. III, p. 107, §
130. UN Doc. A/CONF.62/L.8/Rev.1, Appendix 1 du 17 octobre 1974.
382
Ces deux articles reprenaient les articles 6 bis et 10 du projet de 1974 (UNCLOS III, Official Records, Vol.
III, p. 229, UN Doc. A/CONF.62/C.2/L.54 du 12 août 1974) qui prévoyaient que l’Etat du pavillon devait
exercer sa juridiction et son contrôle sur les navires dans les domaines technique, administratif et social et que si
un Etat partie soupçonne que l’Etat du pavillon ne s’acquitte pas de son devoir, il peut lui demander d’enquêter
sur la question.
383
UNCLOS III, Third United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Records, Vol. IV, p. 137 §
164.

135
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

double emploi avec l’article 142, devenu article 94 de la convention 384. Durant le reste des
négociations aucune autre modification n’a été effectuée sur ce point.
174. Ainsi, mise à part la suppression de la mention sur la juridiction et le contrôle
effectifs, retirée de l’article 91 pour être placée dans l’article 94, aucune modification par
rapport au lien substantiel n’est intervenue à l’occasion de la négociation de la nouvelle
convention. L’exigence d’un lien effectif se trouve donc aujourd’hui consacrée dans la
convention de Montego Bay dont l’article 91 stipule simplement qu’il « doit exister un lien
substantiel entre l’Etat et le navire ». Ni l’article 5 de la convention de Genève ni l’article 91
de la convention de Montego Bay ne mentionnent la nationalité du propriétaire, du capitaine
ou de l’équipage des navires enregistrés, en tant que condition préalable à l’octroi du pavillon
étatique. Plusieurs tentatives ont toutefois été effectuées par la suite, dans le but d’attribuer un
contenu spécifique au lien substantiel.

b. La convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires

175. La convention des Nations Unies sur les conditions d’immatriculation des navires est
le seul instrument international donnant un contenu relativement précis à l’exigence du lien
substantiel. Elle n’est toutefois pas encore entrée en vigueur, et selon toute probabilité ne le
sera jamais 385, faute du dépôt d’un nombre suffisant d’instruments de ratification dû à la
réticence des Etats de s’engager dans une telle voie. Il est certes possible de reconnaître à ce
texte une valeur « morale » et d’admettre qu’il indique la direction vers laquelle évolue le
droit international 386. Le fait que, malgré les multiples compromis réalisés entre les groupes
des pays pendant ses négociations 387, les États demeurent réticents à la ratifier, montre bien
que le contenu du lien substantiel prévu par la convention de 1986, ne peut pas être appliqué.

384
NORDQUIST (M. H.) ed., United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A Commentary, Vol. III,
op. cit. note 245, p. 105.
385
Voy. dans ce sens BLANCO-BAZAN (A.), « L’Organisation maritime internationale et le renforcement de
l’application par l’Etat du pavillon de traités en matière de sécurité de la navigation et de prévention de la
pollution du milieu marin », in Colloque Le pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris,
2007, p. 229 : « Dans le domaine de la « realpolitik » cette Convention n’a pas de chance d’entrer en vigueur ».
386
Voy. dans ce sens VOELCKEL (M.), « La Convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires »,
in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, p. 26 qui souligne que la
convention n’a pas intégré le droit positif, mais elle existe et que son acte final a quant même été signé par 81
Etats.
387
Voy. ASSONITIS (G.), « Les pavillons de libre immatriculation : des Conférences des Nations Unies sur le
droit de la mer (UNCLOS) à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
(CNUCED) », op. cit. note 374, pp. 436-468. La Conférence s’est en effet limitée à harmoniser sur le plan
international les conditions d’immatriculation des navires en fixant certaines dispositions minimales, chaque Etat
restant libre de les compléter dans sa législation en fonction des nécessités de sa propre politique nationale.

136
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

La convention a été adoptée dans le cadre de la CNUCED, sous un angle donc plutôt
économique 388. La volonté prévalant lors de l’élaboration de la convention était, pendant une
première période, d’éliminer les pavillons de complaisance et les avantages concurrentiels
dont profitaient les Etats de libre immatriculation par rapport aux Etats maritimes
traditionnels. Face aux vives réactions et à l’affrontement inévitable entre les deux groupes
d’Etats, la Conférence, sur la recommandation du Conseil du commerce et du développement
de la CNUCED, s’est contentée d’un effort d’harmonisation. Selon l’Assemblée générale des
Nations Unies, il s’agissait désormais d’adopter « un accord international concernant les
conditions dans lesquelles les navires devraient pouvoir être inscrits sur les registres
maritimes nationaux 389».
176. Il est intéressant de s’arrêter sur le titre de la convention. Le terme employé est celui
d’immatriculation et non de nationalité. Un parti-pris est donc choisi : le mot nationalité qui
évoque, par son étymologie même, un lien d’une certaine nature, un rattachement réel avec
l’Etat fondé sur des éléments de fait, a été évité. Le terme plus technique d’immatriculation
lui a été préféré ; ce qui sous-entend, certes, un rattachement à l’Etat, mais qui peut être
purement ou principalement administratif. C’est donc le simple rattachement national ou la
« nationalité » lato sensu qui est visé par la convention, et non la « nationalité » stricto sensu.
177. Il convient ensuite d’étudier les dispositions de cette convention 390. Celles-ci se
révèlent plus indicatives que contraignantes, et ne font pas du lien substantiel – authentique
selon la convention – un lien dont le contenu est dépourvu d’ambiguïté 391. Cela semble peu
compatible avec l’objectif de la convention, tel qu’annoncé dans son article 1er, qui est d’
« assurer ou le cas échéant renforcer le lien authentique entre l’Etat et les navires battant son
pavillon ». Les articles 8 et 9 précisent la notion du lien substantiel. L’article 8 relatif à la

388
VOELCKEL (M.), « La Convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires », op. cit. note 386,
pp. 21-23.
389
Assemblée générale, Documents officiels, Résolution 37/209 du 20 décembre 1982.
390
Parmi les articles de la convention, les plus intéressant quant au contenu du lien substantiel sont ceux relatifs
à la participation nationale à la propriété du navire, à son équipage et à la gestion des sociétés propriétaires des
navires ainsi qu’à l’identification des propriétaires et exploitants du navire et à la mise en œuvre de leurs
responsabilités. Il s’agit des articles 7 à 10 de la convention.
391
Voy. commentaires sur la convention par BETTINK WEFERS (H. W.), « Open registry, the genuine link and
the 1986 Convention on registration conditions for ships», NYIL, vol. XVIII, 1987, pp. 69-120; KASOULIDES
(G. C.), « Τhe 1986 United Nations Convention on the Conditions for Registration of Vessels and the question of
open registry», Ocean Development and International Law, vol. 20, 1989, pp. 543- 576 ; MOMTAZ (D.), « La
Convention des Nations Unies sur les conditions d’immatriculation des navires », AFDI, 1986, pp. 714-735;
TORMOOL (R.), « The 1986 UN Convention on the conditions of registration of ships: a tanker owner’s
perspective», Yearbook of maritime law, 1988, vol. 2, pp. 97-124 ; STURMEY (S. G.), « The United Nations
Convention on Registration of Ships», Lloyd’s Maritime and Commerce Law Quarterly, 1987, pp. 97-117;
MARSTON (G.), « The UN Convention on Registration of Ships», Journal of world trade law, 1986, vol. 20,
pp. 575-580 et McCONNELL (M. L.), «Business as usual : An evaluation of the 1986 United Nations
Convention of Registration of Ships», Journal of Maritime Law and Commerce, vol. 18, 1987, pp. 435-449.

137
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

propriété des navires dispose dans son paragraphe 2 que « l’Etat du pavillon fait figurer dans
ses lois et ses règlements des dispositions appropriées sur la participation de ses nationaux
en tant que propriétaires des navires, qui battent son pavillon et sur le niveau de cette
participation ; ces lois et règlements devraient être suffisants pour permettre à l’Etat du
pavillon d’exercer effectivement sa juridiction et son contrôle sur les navires qui battent son
pavillon. » L’article 9 règle par ailleurs la question du recrutement des équipages, en précisant
dans son premier paragraphe qu’« un Etat d’immatriculation […] respecte le principe qu’une
partie satisfaisante de l’effectif des officiers et des équipages des navires marchands qui
battent son pavillon est constituée par des nationaux ou des personnes domiciliées ou ayant
légalement leur résidence permanente dans l’Etat d’immatriculation ».
178. Ces dispositions laissent, selon les commentateurs de la convention, une très grande
place à l’interprétation 392. En effet, les lois « suffisantes » pour permettre une juridiction et un
contrôle effectifs et la partie « satisfaisante » de l’effectif de l’équipage, peuvent être
appréciés de manière très différente d’un Etat à l’autre et n’excluent en rien la possibilité
d’une libre immatriculation. De plus, il semble que le lien authentique, en tant que condition
d’immatriculation, se confond avec l’exigence d’une juridiction et d’un contrôle effectifs, qui
sont – a priori – une conséquence de l’immatriculation. Ainsi, dans l’unique convention qui
règle expressément la question de l’immatriculation des navires, le lien substantiel n’apparaît
pas comme une norme autonome, mais semble seulement être associé aux notions de contrôle
et de juridiction.
179. Un autre élément, signalé par M. VOELCKEL dans son commentaire 393, semble
tellement contraire à la raison d’être de la convention qu’il renforce les interrogations
relatives à sa portée éventuelle. Il s’agit de l’article 19 disposant que la convention entrera en
vigueur après la ratification de 40 Etats dont le tonnage représente au moins 25% du tonnage
mondial. Or, ce tonnage est celui qui figure dans l’annexe III, selon lequel le tonnage reconnu
à chaque Etat est celui immatriculé dans l’Etat. Mais cette définition, place en tête les flottes
de Libéria, du Panama et des autres pays de libre immatriculation (!), c’est-à-dire précisément
les Etats qui seront le moins enclins à ratifier la convention. D’où – entre autres raisons – un
échec complet et prévisible en termes de ratification. Alors, que la convention s’efforce de
392
Selon M. MOMTAZ la convention se caractérise par la souplesse de la définition qu’elle donne au lien
authentique, par souci de concilier la souveraineté économique des États et les nécessités de l’ordre international.
MOMTAZ (D.), « La Convention des Nations Unies sur les conditions d’immatriculation des navires », op. cit.
note 391, p. 735. La convention se montre, en revanche, plus directive dans les exigences administratives:
obligation d’élaborer une législation maritime nationale, création d’une administration assurant l’application de
cette législation, etc.
393
VOELCKEL (M.), « La Convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires », op. cit. note 386,
p. 25.

138
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

garantir un rattachement effectif, elle se base sur un rattachement purement administratif –


l’immatriculation – pour préciser la qualité et la quantité des ratifications nécessaires à son
entrée en vigueur. Ce qui est logique, dès lors que le critère du tonnage immatriculé est simple
et généralement reconnu, et que la convention devait inviter les Etats dont la flotte
représentait une partie importante de la flotte mondiale à la ratifier afin de pouvoir s’appliquer
à eux. Les Etats de libre immatriculation, vu leurs flottes imposantes, ne pouvaient en effet
pas être écartés d’une convention ayant pour but de limiter ce type d’immatriculation.
180. Le compromis inévitable entre toutes ces optiques a donc conduit à un texte trop
souple. Il est par conséquent difficile de se baser sur les dispositions de la convention de 1986
pour donner un contenu précis à l’exigence du lien substantiel, non seulement parce qu’elle
n’est pas en vigueur mais également parce qu’elle ne manifeste pas une opinio juris uniforme.

c. Les textes internationaux après 1986

181. Après l’échec de la convention sur l’immatriculation des navires, les conditions
d’immatriculation n’ont plus été abordées telles quelles. L’intérêt principal de la doctrine et
du monde maritime s’est déplacé vers la question des navires sous-normes 394 et de
l’amélioration de la juridiction et du contrôle effectifs par rapport à la flotte commerciale de
chaque Etat 395, sujet plus large et moins connoté politiquement que celui de la complaisance.
182. La question de la libre immatriculation et de ses dangers n’a dès lors été envisagée
qu’indirectement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (ci-
après FAO), en raison du phénomène de reflagging des navires de pêche sous pavillon de
complaisance, afin d’échapper aux restrictions prévues par cette organisation internationale et
par les organisations régionales de pêcheries. Dans le cadre de l’adoption en 1995 du Code de
conduite pour une pêche responsable 396, d’importants efforts ont été faits pour étudier la
question.
183. Des dispositions sur le rôle du lien substantiel se retrouvent également dans deux
autres accords internationaux adoptés respectivement au sein de la FAO et de l’ONU.

394
L’expression « navigation/navires sous-normes » se réfère aux navires qui « par leur état physique, leur
fonctionnement ou les activités de leur équipage ne répondent pas aux normes de base de navigabilité et
constituent de ce fait une menace pour la vie humaine ou l’environnement ». Ainsi, ces navires ne satisferaient
pas aux règlements figurant dans les conventions maritimes internationales et seraient considérés comme étant
impropres à la navigation par une inspection raisonnable opérée par un Etat du pavillon ou un Etat du port. Voy.
définition dans Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, rapport du Secrétaire général, Les
océans et la mer, 59ème session, Documents officiels AG, A/59/63 du 5 mars 2004, p. 154, note de bas de page n°
75.
395
Voy. infra § 187 et notes de bas de page n°s 411et 412 .
396
Pour plus d’informations sur ce code voy. également CHURCHILL (R.), « The meaning of the genuine link
requirement in relation to the nationality of ships », op. cit note 346, pp. 62- 67.

139
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

L’accord de 1993 visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des
mesures internationales de conservation et de gestion prévoit qu’aucune partie à l’accord « ne
permet à un navire de pêche autorisé de battre son pavillon d’être utilisé pour la pêche en
haute mer à moins d’être convaincue, compte tenu des liens existant entre elle-même et le
navire concerné, qu’elle est en mesure d’exercer effectivement ses responsabilités envers ce
navire de pêche en vertu du présent accord » 397. De même, l’accord de 1995 sur les stocks
des poissons 398, met l’accent sur les obligations de l’Etat du pavillon, qui a attribué sa
« nationalité » aux navires de pêche concernés. Lors des Conférences pour la révision de cet
accord, tenues en 2006 et 2010, les délégations étatiques ont souligné à plusieurs reprises le
besoin de clarifier la notion de lien substantiel et de renforcer les obligations de l’Etat du
pavillon 399.
184. Il convient de signaler, à propos de ces accords, que la spécificité du secteur des
pêches maritimes met encore plus en avant – quoique d’une manière peu explicite – la
dangerosité du phénomène des pavillons de complaisance. En effet, alors que dans le secteur
du transport maritime, il est possible d’envisager une libre immatriculation non dommageable
pour la collectivité, dans celui de la pêche elle est a priori incompatible avec une saine
gestion des ressources halieutiques 400. La pêche étant une activité extractive et non de service
comme le transport maritime, le recours au pavillon de complaisance a comme raison
principale, voire unique, d’éluder les règles de conservation et de gestion des ces
ressources 401. En matière de pêche le lien substantiel acquiert donc une importance plus
fondamentale, dès lors qu’il est directement lié à la répartition des quotas nationaux. Ainsi, en
droit français la notion ambiguë du lien substantiel est-elle remplacée par celle plus précise de
« lien économique réel avec le territoire » 402 qui s’applique aux navires de pêche 403. Il est

397
Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de
conservation et de gestion, article III, paragraphe 3.
398
Accord de 1995 sur les stocks de poissons, article 18.
399
UN Doc. A/CONF.210/2006/15 du 15 juillet 2006, p. 17 §81, p. 22 § 101 et p. 6 §32. UN Doc.
A/CONF.210/2010/1 du 4 janvier 2010, pp. 53 ; 220 et 58 § 243.
400
Pour une analyse des enjeux politiques et économiques relatifs à la pêche voy. VIGNES (J.), Le rôle des
intérêts économiques dans l’évolution du droit de la mer, Droz, Genève, 1971.
401
Dans ce sens, BESLIER (S.), « La coopération entre Etats », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit
économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, pp. 206-207.
402
La circulaire du ministère de l’agriculture et de la pêche du 31 août 1998 précise la notion. Selon celle-ci soit
50% au moins des prises doivent être débarquées dans un port français et une part significative de ces prises être
mise en vente localement ; soit 50% au moins de l’équipage employé à bord doit résider dans une zone située en
France à partir de laquelle s’exerce l’activité de pêche ; soit la moitié au moins des expédition de pêche doivent
partir d’un port français ; soit il doit être présenté par l’armateur d’autres éléments de preuve d’un poids
économique ou structurel prouvant l’existence d’un lien économique réel et d’un établissement stable
d’exploitation (il s’agit de l’existence d’une représentation à terre, effective et continue, caractérisée par un
service à terre, interlocuteur naturel des services des affaires maritimes). Selon la jurisprudence française, ces
critères ne sont pas cumulatifs. Voy. T.corr. La Rochelle, 19 juin 2003 – CA Poitiers, 11 décembre 2003, navire

140
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

cependant difficile de conclure à un quelconque contenu du lien substantiel en se basant sur


ces textes, qui n’ont pas su développer de manière plus complète ce concept 404.

d. Le rapport de 2005 des organisations internationales réunies sous l’égide de


l’OMI concernant le lien substantiel

185. Ce rapport 405 fut le résultat d’une réunion consultative ad hoc de représentants
d’organisations internationales 406, organisée par l’OMI et consacrée au lien substantiel. La
réunion fut convoquée au siège de l’OMI le 7 et 8 juillet 2005, suite à l’adoption de deux
résolutions 407 de l’Assemblée générale de l’ONU invitant l’OMI et les autres organisations
compétentes à étudier, analyser et clarifier le rôle du lien véritable à propos du devoir de
l’Etat du pavillon d’exercer un contrôle effectif sur les navires auxquels il attribue sa
« nationalité » 408.
186. L’orientation choisie est déjà manifeste : d’une part les clarifications concernent le
rôle et non pas le contenu du lien véritable ; d’autre part, les notions de lien véritable et de
contrôle effectif sont associées ; dès lors que les condition et effet juridique de la
« nationalité » des navires sont considérés comme un « bloc », il est clair que la norme du lien
effectif n’est pas envisagée de manière autonome. Ainsi, les travaux ont-ils largement porté
sur les obligations de l’Etat du pavillon, et moins sur le lien substantiel per se. Les

Sylvanna, obs. PROUTIERE-MAULION (G.) et CHAUMETTE (P.), ADMO 2005, t. XXIII, p. 309 et citées par
CHAUMETTE (P.), « Le droit communautaire maritime », in Droits maritimes, BEURIER (J.-P.) dir., Dalloz,
Paris, 2009-2010, p. 181.
403
Voy. par exemple l’article 6 de la loi française n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche et
les cultures maritimes « Un navire de pêche battant pavillon français n’est autorisé à pêcher sur les quotas
nationaux ou ne peut se voir délivrer une autorisation de pêche, que lorsqu’il a un lien économique réel avec le
territoire de la République française et qu’il est dirigé et contrôlé à partir d’un établissement stable situé sur le
territoire français ». Les articles 219bis du Code des douanes et 3-1 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant
statut des navires et des bâtiments de mer ont été complétés par la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 : «Le navire
francisé et armé à la pêche doit avoir un lien économique réel avec le territoire français. Le mandataire social
de l’armement ou sont représentant doit résider sur le territoire français ».
404
Dans ce sens VASQUEZ GOMEZ (E.), « Les obligations de l’Etat du pavillon et l’autorisation de la pêche en
haute mer », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, p. 141.
405
Voy. le rapport de la Réunion consultative ad hoc de représentants de haut niveau d’organisations
internationales organisée par l’OMI et consacrée au « lien substantiel », qui figure en annexe à la note du
Secrétaire général publiée sous la cote A/61/160 et reproduit dans ADM, t. XI, 2006, pp. 653-667.
406
Y étaient représentées les organisations suivantes : ONU (Division des affaires maritimes et du droit de la
mer), FAO, OIT, CNUCED et OMI.
407
Il s’agit des résolutions 58/240 (§ 28) et 58/14 (§ 22) : A/RES/58/240 du 5 mars 2004 et A/RES/58/14 du 21
janvier 2004 ; Voy. également l’invitation au Secrétaire général de présenter son rapport sur ce sujet
A/RES/59/24 (§ 41) du 4 février 2005 et A/RES/59/25 (§ 30) du 17 janvier 2005.
408
Voy. Nations Unies, Assemblée générale, 17 juillet 2006, UN Doc. A/61/160, Annexe ; Report on the work of
the Open-ended Informal Consultive Process on Oceans and the Law of the Sea (OICP) at its fourth meeting,
UN Doc. A/58/95 du 26 juin 2003, p. 22, § 77 ainsi que ibid, fifth meeting, UN Doc. A/59/122 du 1er juillet 2004,
p. 10, § 34 et IMO, Study by the Secretariat, Strengthening of Flag State Implementation, 11 mai 2004, UN Doc.
A/AC.259/11, pp. 4-5, §§ 11-14.

141
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

représentants des organisations internationales ont en effet conclu qu’il ne leur appartenait pas
de lui donner une définition et qu’il revenait aux Etats et aux juridictions internationales et
nationales de statuer sur ce point 409. En revanche, ils ont estimé qu’ils devaient définir le rôle
du lien substantiel et sa relation avec l’exercice effectif des obligations de l’Etat du pavillon,
la capacité d’un Etat à s’acquitter effectivement de ces tâches étant liée à la solidité de ce
lien 410. Celui-ci est dès lors interprété comme se rapportant essentiellement aux obligations
des Etats du pavillon en vertu du droit international. Les conclusions du rapport affirment que
les questions relatives aux critères et conditions précis que choisit chaque Etat pour attribuer
sa « nationalité » ne relevaient pas de la compétence des participants à la Réunion,
contrairement à celles qui concernent les moyens de garantir le respect du but et de l’objet du
lien substantiel.
187. Le rapport reproduit donc un schéma complexe et ambigu plaçant le lien substantiel à
mi-chemin entre les critères/conditions d’attribution de nationalité et les effets juridiques de
celle-ci. Les conclusions des représentants suscitent en effet une certaine perplexité. Ils
refusent d’étudier le contenu et la définition du lien substantiel, mais insistent sur
l’importance de sa solidité par rapport aux juridiction/contrôle effectifs. Le rapport n’apporte
pas d’éclaircissements supplémentaires sur la question si controversée du contenu précis de
l’exigence en cause. Il ouvre néanmoins la voie à une hypothèse intéressante, en associant
expressément le lien substantiel au contrôle effectif prévu par l’article 94. Le même angle
d’approche de la question a été adopté dans tous les efforts de clarification du lien substantiel
qui ont été entrepris par la suite 411. Toutes les études récentes de l’OMI, de l’OIT et du groupe
consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon (FSI) n’analysent le rôle du lien substantiel

409
Pour une critique des faibles résultats proposés par l’étude voy. DE MARFY-MANTUANO (A.), « Rapport
général/ Vers un nouveau équilibre », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer, Pedone,
Paris, 2007, pp. 194-196 ; Voy. également, pour une explication du point de vue OMI, BLANCO-BAZAN (A.),
« L’Organisation maritime internationale et le renforcement de l’application par l’Etat du pavillon de traités en
matière de sécurité de la navigation et de prévention de la pollution du milieu marin », op. cit. note 385, pp. 228-
232.
410
Paragraphes 10 et 11 du rapport de la Réunion consultative ad hoc de représentants de haut niveau
d’organisations internationales organisée par l’OMI et consacrée au « lien substantiel ».
411
Dans le même sens voy. RAYFUSE (R. G.) , « The Anthropocene, Autopoiesis and the disingenuousness of
the genuine link : addressing enforcement gaps in the legal regime for areas beyond national jurisdiction », in
The international legal regime of areas beyond national jurisdiction : current and future developments,
ELFERINK (A. G. O.) & MOLENAAR (E. J.) ed., Nijhoff, Leiden, 2010, pp. 165-190 et CASTILLO (D. M.),
« A proposito de la banderas de conveniencia : nacionalidad del buque y obligaciones del estado des pabellon »,
Annuario de derecho maritimo, vol.21, 2004, pp. 121-149. Il en va de même pour les initiatives des
organisations non gouvernementales. Voy. par exemple la conférence organisée à Oslo en 1998 par l’ITF
(Fédération Internationale des Travailleurs de Transports/International Transport Workers’ Federation ; L’ITF
est une organisation syndicale internationale à laquelle adhèrent la plupart des syndicats de marins européens) et
Lloyd’s de Londres. Sur ce voy. HAYASHI (M.), «Toward the elimination of substandard shipping : The Report
of the International Commission on Shipping », International journal of marine and coastal law, vol. 16, 2001,
pp. 501- 513.

142
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

que « pour ce qui est du devoir de l’Etat du pavillon d’exercer un contrôle effectif sur les
navires battant leur pavillon, y compris les navires de pêche » 412.

ii. L’absence de valeur juridique de l’exigence du lien substantiel

188. Une partie de la doctrine a cru voir dans l’exigence d’un lien substantiel un
« prodrome d’une règle du droit des gens positif » 413 ou encore, des années plus tard, « une
règle déjà existante du droit international général » 414, alors qu’un second courant l’a
sévèrement critiquée 415. Il paraît toutefois peu probable que l’article 5 de la convention de
Genève et l’article 91 de la convention de Montego Bay reflètent le droit international
coutumier en ce qui concerne l’exigence d’un lien réel, même si le préambule de la première
présente ses dispositions comme « reflétant en général les principes établis du droit
international » 416. Si, selon la doctrine classique, certes contestée mais toujours pertinente417,

412
Voy. Rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et
le droit de la mer, 64ème session, 13 mars 2009, A/64/66, p. 37, § 109 ; Note du Secrétaire général, Groupe
consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le droit de la mer, 61ère session, 17 juillet 2006,
A/61/160 ; FAO, Fisheries and Agriculture Report of the Expert Consultation on Flag State Performance, n°
918, 1 juin 2009, pp. 44 et 84. Cette tendance d’associer lien substantiel et contrôle effectif peut en réalité être
observée dès les années 1950 ; elle a certes été de plus en plus renforcée par la suite, mais elle ne trouve
certainement pas son origine dans le rapport de 2005. Voy. par exemple proposition du délégué italien pendant
les travaux préparatoires sur la convention de Genève, qui rappelait les propositions de l’OIT : UNCLOS I, First
United Nations Conference on the Law of the Sea, Official Records, vol. IV, session du 10 mars 1958, p. 10, § 16
(UN Doc. A/CONF.13/C .2/L.22). Voy. également plus récemment le rapport du Secrétaire général, Groupe
consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le droit de la mer, 54ème session, 30 septembre
1999, A/54/429, p. 32, § 184.
413
ROUX (J.M.), Les pavillons de complaisance, op. cit. note 89, p. 71.
414
Voy. notamment dans ce sens, KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit international.», op. cit.
note 103, pp. 343-373 ; MOMTAZ (D.), « La haute mer », in Traité du nouveau droit de la mer, DUPUY (R.-J.)
& VIGNES (D.) ed., Economica, Bruylant, Paris, Bruxelles, 1985, p. 357 et MOMTAZ (D.), « La Convention
des Nations Unies sur les conditions d’immatriculation des navires », op. cit. note 391, p. 728 ; FAY (F. M.), «
La nationalité des navires en temps de paix », op. cit. note 92, pp. 1022-1027.
415
Voy. notamment JENNINGS (R. Y.), « General Course on Principles of International Law », RCADI, t. 121,
vol. II, 1967, p. 463; BROWNLIE (I.), « The relations of nationality in public international law », BYIL, vol. 39,
1963, p. 348, qui souligne que la nationalité des navires et des aéronefs est plutôt relative à un système de preuve
et non d’effectivité et BOCZEK (B. A.), op. cit. note 58. BOCZEK appartient, avec MM. McDOUGAL et
BURKE à la, politiquement orientée, New Haven School of jurisprudence, qui critique sévèrement l’exigence du
lien substantiel et prône la libéralisation. Voy. sur ce CHURCHILL (R.), « The meaning of the genuine link
requirement in relation to the nationality of ships », op. cit note 346, p. 33 et s; McDOUGAL (M. S.) & BURKE
(W. T.), The public order of the oceans: A contemporary international law of the sea, New Haven and London,
Yale University Press, 1962, pp. 86-87 et 1008-1140.
416
Voy. dans ce sens MATLIN (D. F.), «Re-evaluating the status of flags of convenience under international
law », Vanderbilt Journal of transnational law, vol. 23, 1990-1991, p. 1039 et MOUSSU-ODIER (F.), « Les
pavillons de complaisance», op. cit. note 360, p. 197.
417
Voy. sur cette problématique de la contestation et affirmation de la théorie de deux éléments CHENG (B.),
« Opinio Juris: a key concept in international law that is much misunderstood », in International law in the post-
Cold War World: essays in memory of Li Haopei, ed. by YEE (S.) and WANG (T.), London, Routledge, 2001,
pp. 56-76; YEE (S.), « The news that opinio juris “is not a necessary element of customary (international) law”
is greatly exaggerated », GYIL, vol. 43, 2000, pp. 227-238; HUESA VINAIXA (R.), « Le role de l’opinio juris »,
in L’influence des sources sur l’unité et la fragmentation du droit international: travaux du seminaire tenu à
Palma, les 20-21 mai 2005, HUESA VINAIXA (R.) & WELLENS (K.) dir., Bruxelles, Bruylant, 2006, pp. 55-

143
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

les éléments constitutifs de la coutume internationale sont la pratique constante et l’opinio


juris, on ne peut qu’avoir de forts doutes sur l’existence de l’une et de l’autre en matière de
lien substantiel.
189. La pratique dans le monde maritime n’était au moment de l’adoption des
conventions et n’est toujours ni constante ni homogène. Les pays de libre d’immatriculation
sont tout autant nombreux que leur flotte est importante. Par ailleurs, même les pays
traditionnellement maritimes établissent des registres dits bis ou internationaux afin
d’assouplir les conditions nécessaires pour l’attribution de leur « nationalité » à des navires,
affaiblissant ainsi leur lien avec ceux-ci. Enfin, de nouvelles pratiques maritimes en pleine
expansion, telles que l’affrètement à coque nue, permettent également l’attribution d’un
pavillon sans l’existence d’un lien effectif.
190. Tous ces développements, combinés au fait que les registres de libre immatriculation,
même lorsqu’ils sont dénoncés 418, ne sont pas sanctionnés en tant que tels et que leur
existence a pu être critiquée mais n’a jamais été réellement remise en cause, donnent
également une idée assez claire concernant l’opinio juris. Si une opinio necessitatis contre la
libre immatriculation et pour l’exigence du lien substantiel était en train de se créer et s’est
concrétisée avec l’adoption des articles 5 de la convention de Genève et 91 de la convention
de Montego Bay, elle n’est pas à ce jour suffisamment cristallisée pour constituer une règle
coutumière. La CDI n’a pu définir le contenu de cet élément national, ce qui montre sûrement
une opinio juris pour le moins obscure à ce sujet. Elle se contenta d’affirmer l’existence d’un
lien substantiel entre le navire et l’Etat du pavillon en la qualifiant de « principe
directeur » 419. Un principe directeur a certes une certaine valeur juridique, mais n’énonce pas
pour autant une réelle obligation internationale dont la violation peut engager la responsabilité
étatique. Il est donc impossible de parler d’une règle coutumière établissant l’obligation
internationale du lien substantiel entre le navire et l’Etat lui attribuant sa « nationalité ».
191. Mais quid de la valeur juridique de la règle conventionnelle ? L’article 91 de la
convention de Montego Bay contient-il une véritable obligation internationale à laquelle l’Etat
du pavillon doit se conformer ou plutôt un principe souple qui laisse aux Etats le droit de
l’interpréter à leur guise ? Ou est-ce une idée qui, à l’époque, avait semblé pertinente dans une

73; PAZARTZIS (PH.), « Le role de la pratique dans le droit coutumier », idem, pp. 81-102; TAKI (H.),
« Opinio Juris and the Formation of Customary International Law: a Theoritical Analysis », GYIL, vol.51, 2008,
pp. 447-466.
418
Notamment par les ONG, certaines organisations internationales telles que l’OIT et une partie de la doctrine
mais pas vraiment par les autres Etats maritimes.
419
Annuaire de la CDI, 1956, vol. II, p. 279.

144
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

logique optimiste de développement progressif du droit international mais qui, depuis, a perdu
toute actualité sans jamais vraiment acquérir le statut de la norme internationale ?
Ce qui nous intéresse ici est de savoir si le lien substantiel constitue une véritable
obligation conventionnelle internationale pour les États parties et dans ce cas, quel serait son
contenu et quelles les implications de son absence. Est-elle une disposition hard law ou soft
law dans le sens où l’entend WEIL, en parlant de dispositions contenues dans des conventions
internationales en vigueur qui définissent des obligations imprécises et peu contraignantes 420?
Le lien substantiel, tel qu’imposé par les conventions de Genève et de Montego Bay, n’a pas
un contenu précis et ne reçoit pas de sanction dans le cas où il fait défaut 421. Il s’agit donc
plutôt d’un principe « général et vague » 422. Il est clair qu’à l’époque de son adoption
l’exigence d’un lien substantiel ne constituait pas une norme contraignante du droit
international, et qu’elle ne l’est pas devenue depuis.
192. Est-il dès lors possible de soutenir qu’elle n’a aucun effet juridique 423 ? Le cas
échéant, il conviendrait de conclure que cette disposition ne constitue qu’une obligation restée
lettre morte. L’actualité juridique du droit de la mer va effectivement dans ce sens. Dans son
commentaire de l’étude de M. ELFERINK « The genuine link concept : time for a post
mortem ? », M. SOONS remarque que pour accorder un « post mortem » à un concept, cela
présuppose non seulement que ce concept soit déjà mort mais également qu’il ait été vivant
auparavant 424. Or, le lien substantiel, en tant que condition d’attribution de la nationalité d’un
Etat à un navire, ne s’est jamais vraiment matérialisé comme une norme généralement
acceptée du droit international. Il s’agit donc d’un « fantôme » dont on ne peut faire un post
mortem, étant donné qu’il n’a jamais été vivant. Ce point de vue semble pertinent. En effet,

420
WEIL (P.), « Le Droit International en quête de son identité. Cours Général de Droit International Public »,
RCADI, t. 237, vol. 6, 1992, p. 216.
421
Dans ce sens voy. VIGNES (D.), « Les conditions dans lesquelles les Etats accordent aux navires le droit
d’arborer leur pavillon national », Etudes de droit contemporain, 1958, p. 599.
422
Dans le sens de LAUTERPACHT quand il affirme qu’« il y a toujours un consensus unanime sur un principe
général et vague mais il n’y aucun rapprochement des idées en ce qui concerne les règles et problèmes
spécifiques » dans LAUTERPACHT (H.), « Codification and Development of International law », AJIL, vol. 49,
1955, pp. 16-17.
423
Voy. l’affirmation de WEIL, selon laquelle, « [u]ne règle de droit ne cesse pas d’être une règle de droit
parce qu’il n’y pas de moyens pour contraindre à son application et parce que sa violation reste dépourvue de
sanction. Le système juridique n’est pas nécessairement – et n’est pas en tout cas uniquement – un ordre de
contrainte. La sanction n’est pas consubstantielle à l’obligation juridique » dans WEIL (P.), « Le Droit
International en quête de son identité. Cours Général de Droit International Public », op. cit. note 420, p. 54 ;
Voy. également HIERRO (L. L.), La eficacia de las normas juridicas, Ariel Derecho, 2003, pp. 197-200 ;
l’auteur explique que, selon lui, une norme valide qui reste inappliquée, qui n’a ni contenu ni sanction possible
n’est pas pour autant devenue invalide. Il convient de ne pas confondre l’efficacité et la validité, ni de distinguer
entre « normes sur papier » et « normes en action ».
424
SOONS (A. H. A.), « Chapter 2 : On the genuine link ; Comments », in On the Foundations and Sources of
International Law, I.F. Dekker and H.H.G. Post eds, T.M.C. ASSER PRESS, The Hague and the authors, 2003,
pp. 65-68.

145
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

malgré le grand nombre des débats doctrinaux, il devient clair que le lien substantiel en tant
que condition n’a jamais eu un contenu précis et clairement défini, tous les efforts pour
l’établir ayant échoué. Ainsi, il convient de considérer une fois pour toutes que la disposition
en cause est caduque et que, malgré l’article 91 de la convention de Montego Bay, elle ne doit
pas être prise en considération. Sa présence est peut-être due à des raisons historiques mais
elle n’a pas une valeur positive réelle.
193. Plusieurs commentateurs ont voulu, toutefois, attribuer un certain contenu à la
disposition en cause, en la considérant comme une annonce très générale des obligations de
l’Etat du pavillon décrites dans l’article 94 de la convention de Montego Bay 425. Malgré
l’intérêt incontestable de ces théories qui tentent de dépasser le problème ontologique de
l’exigence du lien substantiel en l’associant à l’exercice de juridiction/contrôle effectifs, elles
compliquent inutilement le droit de la mer. Il est en effet inopportun de considérer le lien
substantiel comme l’expression de cette obligation internationale. Cette dernière existe
indépendamment de tout recours au concept du lien substantiel et découle du rattachement du
navire à l’Etat d’immatriculation.
194. Nous pouvons dès lors conclure que la seule immatriculation d’un navire sur le
registre d’un Etat suffit pour rattacher cet engin à son Etat du pavillon et lui attribuer sa
« nationalité » 426. La disposition sur le lien substantiel ne requiert pas de manière spécifique

425
Voy. sur la question de l’interdépendance entre juridiction/contrôle effectifs et lien substantiel LUCCHINI
(L.), « Rapport Introductif Général », in Colloque Le Pavillon, op. cit. note 78, p. 11 ; VOELCKEL (M.), « La
Convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires », op. cite note 386, p. 24 (sur la question à quel
niveau – conditions ou effets juridiques – se situe le lien substantiel) ; TACHE (S. W.), « Τhe nationality of ships
: the definitional controversy and enforcément of genuine link », The international lawyer, vol. 16, 1982, pp. 305
et 306 ainsi que McCONNELL (M. L.), « … Darkening confusion mounted upon darkening confusion : the
search for the elusive genuine link », Journal of Maritime Law and Commerce, vol. 16, no. 3, 1985, p. 376 (sur
la théorie de la dichotomie du lien substantiel); KANO (T.), « Flags of Convenience », in New trends in
maritime navigation, 4th International Ocean Sumposium, Ocean Association of Japan, 1979, p. 64 (sur la
modification de l’article 5 de la convention de Genève et l’hypothèse que celle-ci a signifié un passage d’un lien
substantiel/obligation à un lien substantiel/condition) ; KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit
international.», op. cit. note 103, p. 352 ; COMBACAU (J.), « Les bateaux et le navire : tentative de
détermination d’un concept juridique international », op. cit. note 37, p. 242 ; CHURCHILL (R.), « The meaning
of the genuine link requirement in relation to the nationality of ships », op. cit note 346, p. 71 ; BONASSIES (P.)
& SCAPEL (C.), Droit maritime, op. cit. note 210, p. 129 ; DE VISSCHER (CH.), Les effectivités du droit
international public, op.cit. note 320, p. 142 ; PINTO (R.), « Les pavillons de complaisance», JDI, 1960, pp.
345-369 ; SINGH (N.), « International Law problems of merchant shipping », op. cit. note163, p. 55 et
RENTON (D.), op. cit. note 50, pp. 118-121 (l’auteur fait une distinction entre les deux aspects possibles de
l’exigence du lien substantiel : l’aspect stricto sensu et l’aspect lato sensu. L’aspect stricto sensu serait que l’Etat
du pavillon a un devoir d’exercer une juridiction et un contrôle effectifs. L’aspect lato sensu serait l’applicabilité
de l’exigence du lien substantiel en tant que principe du droit international donnant aux Etats le droit de refuser
la reconnaissance la nationalité d’un navire en cas d’absence dudit lien ; ce deuxième aspect est, comme on a pu
le constater, quasiment non défendable).
426
Dans ce sens, LUCCHINI (L.), « Les contradictions potentielles entre certaines mesures de protection de
l’environnement et la liberté de navigation (Rapport Général)», in L’Europe et la mer : pêche, navigation et
environnement marin, Collection de droit international, CASADO RAIGON (R.) dir., ed. Bruylant, ed. de
l’Université de Bruxelles, 2005, p. 206 ; Selon M. LUCCHINI, « [La notion d’Etat du pavillon] exprime moins

146
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

un lien réel économique, tenant à la nationalité des personnes impliquées dans les activités de
l’« ensemble organisé », et ne constitue pas une condition préalable à l’immatriculation 427. Il
n’est qu’une expression vague et imprécise de l’exigence de l’effectivité du rattachement,
dont l’emploi au niveau des conditions d’immatriculation n’est pas opportun puisque le lien
substantiel ne peut se concrétiser que lorsqu’il est associé à l’exercice effectif de la juridiction
et du contrôle de la part de l’Etat du pavillon. La manifestation de ce principe se situe donc au
niveau des obligations juridiques, c’est à dire des conséquences de l’immatriculation, et non
au niveau des conditions de celle-ci. Mais dans ce cas, l’exigence d’un lien substantiel devient
redondante, dès lors que les obligations de l’Etat du pavillon découlent directement du
rattachement, que celui-ci soit fondé sur un lien soi-disant effectif ou sur un lien purement
administratif.

B. Les aéronefs : la clause de nationalité et l’exclusion d’une immatriculation


« complaisante »

195. L’étude du rattachement des aéronefs aux Etats révèle que, dans une certaine mesure,
l’exigence d’effectivité du lien occupe une place dans le droit international de l’air, sans pour
autant devenir une obligation juridique et sans concerner directement les engins en tant que
tels mais les compagnies aériennes qui les exploitent. Les Etats demeurent libres d’attribuer
leur « nationalité » aux aéronefs du seul fait de leur immatriculation. L’industrie aérienne a
cependant mis en œuvre de mécanismes permettant d’assurer que le lien de rattachement entre
les avions et les Etats qui en sont responsables soit solide. Cette « solidité » du lien se traduit
de deux manières distinctes mais complémentaires : premièrement, comme nous allons le voir
lors de l’étude des législations nationales, le critère principal en matière d’immatriculation des
aéronefs semble être celui de la nationalité de leur propriétaire. Il ne s’agit cependant pas d’un
critère qui apparaît, dans le droit international conventionnel, comme une condition nécessaire
de l’immatriculation (i). Deuxièmement, les clauses de nationalité, spécifiques au droit
international de l’air, ont permis d’assurer un lien véritable entre les avions gérés par une
compagnie aérienne et l’Etat d’immatriculation (ii).

désormais le rattachement d’un navire à un Etat qui lui confère sa nationalité qu’un mécanisme facilitant la
gestion économique de celui-ci ».
427
LABORDE (J. P.), « De la nationalité du navire et surtout de ce qu’elle peut nous apprendre de la nationalité
tout court », DMF, vol. 57, n°663, 2005, pp. 803-810 ; M. LABORDE affirme que « la nationalité [du navire]
est réduite au rattachement […] c’est au fond la nationalité sans citoyenneté » p. 804.

147
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

i. De la tentative de transposition de l’exigence du lien effectif à la privatisation de


l’industrie aérienne

196. Dès le début du XXème siècle, les juristes ont pris partie en faveur de la notion de la
« nationalité » des aéronefs, à l’instar de celle des navires 428, en raison de son « utilité
incontestable » dans diverses hypothèses 429. Ils ont également voulu fonder ce rattachement
sur des éléments de fait, de manière à en faire un lien effectif. Cela est dû à un contexte
historique spécifique. A l’époque de la première guerre mondiale, le rattachement des
aéronefs, même civils, aux Etats avait une importance indéniable : dès lors que les avions
civils pouvaient se transformer en avions militaires et constituer un danger pour la sécurité de
l’Etat, la volonté politique de les contrôler était constante et aisément compréhensible 430. Les
Etats cherchaient non seulement à affirmer leur souveraineté sur l’espace aérien sus-jacent à
leur territoire, mais également à contrôler les aéronefs le survolant et à protéger les intérêts
des aéronautes nationaux. Ainsi, l’immatriculation des aéronefs suit-elle une tendance
fortement nationaliste pendant le début du XXème siècle, qui est illustrée par l’article 7 de la
convention de Paris de 1919 en vertu duquel un aéronef ne peut être immatriculé au registre
national d’un pays que s’il appartient en entier aux nationaux de ce pays 431.
197. La première version de cet article imposait ainsi une condition substantielle pour
l’attribution d’une « nationalité » aux aéronefs et semblait dès lors exiger une sorte de lien
effectif. Les travaux préparatoires de la convention de 1919 montrent que cette décision était
dictée par des arguments fortement influencés par la guerre récente432. Cependant, le lien
effectif exigé par cet article 7 n’était pas accepté en tant qu’obligation internationale. Il a été
remis en question dès 1927, lors de la session de Lausanne de l’IDI. Dans le rapport de
Charles DE VISSCHER, les critères de l’attribution d’une « nationalité » aux aéronefs sont
longuement évoqués 433. Alors que le critère de l’immatriculation était désormais largement
accepté, la question se posait de savoir s’il pouvait être suffisant, dès lors qu’il laissait en
réalité à chaque Etat le soin de déterminer les conditions d’attribution de sa « nationalité ».

428
Voy. notamment, FAUCHILLE (P.), « Le régime juridique des aérostats », op. cit. note 63, pp. 414-485.
429
Annuaire de l’IDI, session de Lausanne, 1927, Rapport général de DE VISSCHER, p. 369.
430
Voy. pour une analyse dans ce sens : HERBERT (P. P), op. cit. note 42, pp.1 ; 18-19 et 114-115.
431
La première formulation de l’article 7 de la convention de 1919, relatif à la nationalité des aéronefs, fut la
suivante : « Les aéronefs ne seront immatriculés dans un Etat contractant que s’ils appartiennent en entier à des
ressortissants de cet Etat ». Si le propriétaire était une société, la sous-commission avait accepté la proposition
française, selon laquelle les deux tiers des administrateurs devaient être des nationaux de l’Etat
d’immatriculation.
432
ROPER (A.), La convention internationale du 13 octobre 1919 portant réglementation de la navigation
aérienne : son origine, son application, son avenir, op. cit. note 116, pp. 133-137.
433
Annuaire de l’IDI, session de Lausanne, 1927, pp. 366 et s.

148
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Entre le critère de la nationalité du propriétaire et celui du port d’attache, la doctrine était


partagée. Le rapporteur, tout en admettant la prépondérance absolue du critère de la
nationalité du propriétaire, soulignait que les raisons le justifiant étaient liées à la souveraineté
étatique, mais ne correspondaient pas vraiment à la nature et à la raison d’être de la
« nationalité » des aéronefs. Il proposait dès lors d’écarter ce critère et de laisser les Etats
libres de fixer les conditions-critères selon lesquels ils attribueraient leur « nationalité ».
198. A la suite de diverses critiques 434, la convention de 1919 fut révisée en 1929 de
manière à en « universaliser » l’application. La Commission internationale de navigation
aérienne a donc réuni une conférence dans le but d’examiner ces critiques et de s’entendre sur
les modifications qu’il convenait à cette fin d’apporter à la convention. A cette occasion, la
règle de la nationalité du propriétaire, consacrée à l’article 7, a été remise en question. La
Conférence a considéré qu’il existait effectivement des domaines dans lesquels une certaine
liberté pouvait être laissée aux Etats et a ainsi adopté à l’unanimité le texte final de l’article 7
selon lequel les Etats étaient libres de fixer les conditions d’immatriculation et d’attribution de
leur nationalité aux aéronefs. Le critère de la nationalité du propriétaire de l’aéronef a donc
disparu dès 1929 – et avec lui l’exigence d’un lien effectif – laissant la place à une liberté
absolue dans le chef de l’Etat d’immatriculation. S’il y a lieu de parler d’une exigence
d’effectivité en ce qui concerne l’immatriculation des aéronefs, cela ne concernerait dès lors
que l’efficacité de l’exercice du contrôle étatique435, à l’instar de ce qui est le cas pour les
navires.
199. Le cadre général relatif à la « nationalité » des aéronefs a changé de manière encore
plus radicale au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Jusqu’à alors, les compagnies
aériennes étaient contrôlées et financées presque entièrement par le secteur public. Mais, vers
la fin de la guerre, les Etats-Unis, devenus désormais première puissance aéronautique
mondiale, ont invité les Etats à se joindre à eux pour organiser au niveau international le

434
Il s’agissait notamment de critiques formulées par le gouvernement allemand et les autres pays n’ayant pas
adhéré à la convention. En effet, la délégation allemande avait souligné les problèmes résultant du fait qu’un
étranger résidant dans un pays x, ne pouvait pas immatriculer son aéronef dans le pays où il résidait mais devait
le faire dans son pays de nationalité. De même les délégations autrichienne, espagnole et suisse avaient proposé
respectivement de prendre en considération la nationalité du détenteur, de permettre des dérogations à la règle de
la nationalité du propriétaire et d’adopter soit la règle de domiciliation soit la liberté totale des Etats de fixer
leurs conditions d’attribution. Les délégations française et polonaise ont voulu maintenir l’article 7 et la
délégation américaine a proposé l’adoption de l’article VIII de la convention panaméricaine en vertu duquel
« [l’]immatriculation des aéronefs […] se fera conformément aux lois et aux dispositions spéciales de chaque
Etat contractant » ou la suppression de l’article.
435
Dans ce sens voy. HUANG (J.), Aviation safety through the rule of law : ICAO’s mechanisms and practices,
op. cit. note 178, pp. 30-31.

149
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

transport aérien 436. A cette époque, celle de la signature de la convention de Chicago, les
compagnies aériennes des Etats-Unis étaient les seules au monde à être largement financées
par le secteur privé 437. Devant les restrictions imposées au transport aérien après la première
guerre mondiale, les Etats-Unis ont mis en œuvre, bien avant la fin de la deuxième guerre
mondiale, une déréglementation significative. Les Etats européens ont pris le relais, en
commençant à revendre une partie de leurs participations dans les principales compagnies
aériennes. Ce mouvement de libéralisation et de privatisation de l’aviation civile fut une
évolution importante, qui a remis en cause le status quo du secteur. La British Airways fut la
première compagnie aérienne européenne à être privatisée et d’autres ont rapidement suivi.
Ainsi, dans les dernières années du XXème siècle, plusieurs compagnies aériennes ont été
partiellement privatisées, et parfois même cotées en bourse 438. La présence de l’Etat est
devenue de moins en moins prépondérante et l’autonomie de gestion des compagnies a gagné
du terrain. L’affaiblissement du lien entre les aéronefs et leurs Etats d’immatriculation, déjà
effectué de lege, semble dès lors probable de facto.
200. Cette privatisation du secteur aérien, quoique considérable, reste partielle et relative.
Le contrôle étatique demeure souvent majoritaire et les participations publiques assez
substantielles, ce qui correspond à un souci – notamment en ce qui concerne les pays en voie
de développement – « d’empêcher une main mise étrangère sur le transport aérien » 439. La
libéralisation du secteur ne signifie pas que l’on tend vers une immatriculation libre
permettant aux propriétaires ou gérants des aéronefs – donc principalement aux compagnies
aériennes désormais privatisées – d’exploiter des engins de n’importe quelle « nationalité » et
de profiter des conditions nationales les plus avantageuses. On aurait en effet pu penser que la
déréglementation irait de pair avec un assouplissement des législations nationales concernant
les conditions d’attribution de leur « nationalité » aux aéronefs et/ou les droits de survol par
des aéronefs étrangers. Dans un tel cas, une situation similaire à celle des pavillons de
complaisance du droit maritime aurait pu émerger. La déréglementation n’a cependant
concerné que la privatisation des compagnies aériennes et la libéralisation du secteur aérien à
l’intérieur de chaque pays, et pas nécessairement au niveau international. La limite de cette
libéralisation, qui a permis aux Etats de conserver leur contrôle souverain concernant le
transport aérien, a été fixée par les clauses de nationalité, c'est-à-dire les clauses de contrôle

436
HERBERT (P. P), op. cit. note 42, p. 41
437
Voy. sur ce NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), Précis de droit aérien, op. cit. note 120, p.
234.
438
Ibidem, pp. 235-236.
439
Ibid., p. 236.

150
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

effectif et de propriété substantielle. Ces clauses ne concernent pas directement le


rattachement des aéronefs aux Etats, rattachement qui dépend désormais de la libre
appréciation de chacun d’eux. Elles constituent toutefois un mécanisme alternatif de mise en
œuvre de l’exigence d’effectivité dans le secteur 440, et doivent dès lors être rapidement
envisagées ; et cela d’autant plus que, par l’effet des lois nationales qui les régissent, les
aéronefs sont habituellement immatriculés dans l’Etat de nationalité de la compagnie aérienne
propriétaire. La question de leur rattachement et celle du rattachement de ces compagnies sont
donc souvent liées.

ii. La clause de nationalité comme substitut à un lien effectif en droit aérien

201. Ces clauses traduisent le souci des Etats –les Etats-Unis en furent les pionniers – de
protéger leurs intérêts en matière d’aviation civile et de se protéger contre l’apparition
éventuelle de « pavillons » de complaisance. Elles constituent à la fois un verrou du système
de nationalité des compagnies aériennes 441 et un obstacle à la réalisation d’un réel marché
ouvert du transport aérien 442. Pour certains, elles démontrent que la référence à la propriété
des nationaux demeure pertinente, malgré sa non-inclusion dans la convention de Chicago 443.
Avant d’analyser le rôle de ces clauses dans le secteur aérien et le rattachement des aéronefs
aux Etats d’immatriculation, il convient toutefois de les définir.
202. La clause de nationalité 444 vise la propriété et le contrôle des compagnies aériennes
propriétaires ou opérateurs d’aéronefs 445. Elle permet, également, de régler le fonctionnement
de l’échange des droits de trafic, en empêchant la désignation unilatérale par les Etats des
transporteurs aériens. Ainsi, complète-t-elle le dispositif de nationalité des aéronefs établi par
la convention de Chicago. On la retrouve à l’identique dans la quasi-totalité des accords

440
Dans ce sens voy. CHENG (B.), The Law of International Air Transport, Stevens & Sons/Ocean Publications,
London, New York, 1962, pp. 131 et 375.
441
Ibidem, pp. 49-50.
442
MOLEPO (M.), « Liberalizing Restrictions on Substantial Ownership and Effective Control of Airlines: A
Bilateral and Multilateral Perspective », Annals of Air and Space Law, vol. 31, 2006, p. 62.
443
Dans ce sens, HONIG (J. P), The legal status of aircraft, op. cit. note 22, p. 50.
444
MENDELSOHN (A. I.), « Myths of International Aviation », Journal of Air Law and Commerce, 2003, pp.
519-535; HAANAPPEL (P. P.), « Airline Ownership and Control and Some Related Matters », Air and Space
Law, vol. XXXVI, 2001, pp. 90-104.
445
Sur les compagnies aériennes voy., entre autres, FOLLIOT (M.G), Les relations aériennes internationales,
op. cit. note 279, notamment pp. 18-21 « Les services aériens internationaux sont exploités par des compagnies
nationales c’est-à-dire des entreprises dont les aéronefs portent l’immatriculation de l’Etat laquelle est
assimilée au pavillon : d’où l’appellation courante de compagnie de pavillon, juridiquement plus précise que
compagnie nationale. Indépendamment de son statut, privé ou public, la compagnie du pavillon est désignée
dans les Accords Aériens et se voit attribuer, à la suite des négociations bilatérales, un portefeuille de droits de
trafic dont elle assure la gestion. Cette procédure, la désignation du transporteur national, revêt une grande
importance dans le bilatéralisme intergouvernemental car nul transporteur ne peut effectuer d’activités
commerciales s’il n’a été préalablement désigné par ses autorités et agréé par celles du partenaire ».

151
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

bilatéraux de services aériens dont le premier – accord type – fut le dénommé Bermuda I, de
1946 446, entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne. En vertu de l’article 6 447 du premier
accord bilatéral de ce type, les compagnies n’étant pas contrôlées par des nationaux
américains ou britanniques ne pouvaient profiter des droits de trafic aérien prévus par
l’accord. Cette clause a été reprise par l’article 6a de Bermuda II de 1976, ainsi que par
l’ensemble des accords bilatéraux signés ultérieurement par les Etats-Unis, en vue de
libéraliser leur commerce aérien. Le prototype de la clause se retrouve aujourd’hui dans les
articles I (6) et I (5) 448 des International Air Services Transport Agreement et International
Air Services Transit Agreement respectivement, où il est stipulé que l’Etat a le droit de
révoquer une entreprise de transport aérien étrangère si elle ne satisfait pas aux conditions de
propriété substantielle et de contrôle effectif 449. Cette clause a été insérée dans les accords

446
Air Services Agreement between the USA and the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland,
signé aux Bermudes le 11 février 1946.
447
L’article 6 stipule : « Each contracting State reserves the right to withhold or revoke the exercise of the rights
specified in the Annex to this Agreement by a carrier designated by the other Contracting Party in the event that
it is not satisfied that substantial ownership and effective control of such carrier are vested in nationals of either
Contracting Party, or in case of failure by that carrier to comply with the laws and regulations referred to in
Article 5 hereof, or otherwise to fulfil the conditions under which the rights are granted in accordance with this
Agreement and its Annex ».
448
Le prototype de la clause va comme suit : « Each contracting State reserves the right to withhold or revoke a
certificate or permit to an air transport enterprise of another State in any case where it is not satisfied that
substantial ownership and effective control are vested in nationals of a contracting State, or in case of failure of
such air transport enterprise to comply with the laws of the State over which it operates, or to perform its
obligations under this Agreement ».
449
Quant à la définition des deux notions en cause, à savoir la propriété substantielle et le contrôle effectif, la
doctrine a tenté de les délimiter. Ainsi, la première traduit l’exigence pour l’Etat ou ses nationaux de détenir la
majorité du capital de la compagnie aérienne concernée. A priori, 51% du capital suffit. Quant au second, il
s’apprécie en fonction des organes de gestion investis du pouvoir principal de décision. Le DOT américain par
exemple (Departement of Transportations ayant remplacé le Civil Aeronautics Board CAB) reconnaît deux types
de contrôle étranger : le contrôle financier à travers la propriété et le contrôle à travers les relations personnelles.
Il détermine les restrictions au cas par cas. Il applique un test de contrôle réel qui peut disqualifier une
compagnie même si elle satisfait aux conditions prévues par la FAA (Federal Aviation Act). Selon la
Commission européenne, le contrôle effectif signifie qu’« un Etat membre ou ses nationaux doivent,
individuellement ou conjointement, avoir le pouvoir de décision ultime », bien que chaque situation doive être
étudiée au cas par cas (Commission, Décision Sabena, 95/404/CE, 1995, J.O 19 : la Commission a considéré
l’investissement de Swissair à Sabena légitime malgré le fait que la Suisse n’était pas membre de l’UE. Sabena
remplissait la première et deuxième condition et la Commission était satisfaite concernant les exigences de
propriété par un 51% détenu par des nationaux des Etats membres. La participation de Swissair n’impliquait pas
de droits de vote, elle restait donc un actionnaire minoritaire). Le règlement 1008/2008 communautaire définit le
contrôle effectif comme « une relation constituée par des droits, des contrats ou tout autre moyen qui, soit
séparément, soit conjointement et compte tenu des circonstances de droit et de fait du cas d’espèce, confèrent la
possibilité d’exercer directement ou indirectement une influence déterminante sur une entreprise, grâce
notamment : a) à un droit de jouissance sur tout ou partie des actifs d’une entreprise, b) à des droits ou à des
contrats conférant une influence déterminante sur la composition, le vote ou les décisions des organes d’une
entreprise ou conférant par ailleurs une influence déterminante sur la conduite des affaires de l’entreprise »
(Chapitre I, Article 2 du règlement « Définitions »). Voy. également sur la question CHENG (B.), The law of
international air transport, op. cit. note 440, p. 378 ; NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), op.
cit. note 120, p. 50; MOLEPO (M.), « Liberalizing Restrictions on Substantial Ownership and Effective Control
of Airlines: A Bilateral and Multilateral Perspective », op. cit. note 442, pp. 67 et 72.

152
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

pour des raisons de sécurité 450. Si ces accords furent ratifiés par très peu d’Etats, la clause de
nationalité a connu, elle, un succès incontestable. Ainsi, lorsque les autorités nationales n’ont
pas la certitude que la propriété substantielle et le contrôle effectif de la compagnie désignée
en tant que transporteur aérien par l’Etat cocontractant sont bien entre les mains de ce dernier
ou de ses nationaux, elles peuvent refuser de lui accorder les droits de trafic prévus 451. Il a
toutefois été soutenu que les Etats ont le pouvoir discrétionnaire de rejeter ces conditions de
nationalité pour des raisons politiques 452. De plus, le droit communautaire a considérablement
réduit l’importance de la clause dans les rapports intracommunautaires.
203. En 1992 – parallèlement à l’adoption du Troisième Paquet européen453 – les Etats-
Unis ont en effet lancé leur initiative de « ciel ouvert » ou « open skies ». En 2004, 59 pays,
dont plusieurs Etats membres de l’Union européenne, avaient signé de tels traités bilatéraux
avec les Etats-Unis 454. La clause de nationalité a subsisté dans les accords ciel ouvert, mais
elle a été abrogée dans les rapports intracommunautaires, sous l’impulsion de la Commission
et de la Cour de Justice 455. La position de l’Union européenne concernant le transport aérien a
évolué lentement. Durant les deux premières décennies, la politique de transport aérien

450
GOEDHUIS (D.), « Questions of Public International Air Law », RCADI, t. 81, vol. II, 1952, p. 214.
451
Voy. pour une analyse en ce qui concerne particulièrement les traités bilatéraux FENEMA (H. P. van),
« Substantial Ownership and Effective Control as Airpolitical Criteria », in Air and Space Law: De lege ferenda.
Essays in Honour of Henri A. Wassenbergh, MASSON-ZWAAN (T. L.) & MENDES DE LEON (P. M. J.) eds.,
Nijhoff, Dordrecht, Boston, London, 1992, pp. 27-29.
452
MENDES DE LEON (P.), « Une liaison franco-néerlandaise en aviation civile : parité par complémentarité »,
RFDAS, vol.234, Avril-juin 2005, pp. 127-129 et 134. L’auteur analyse les exemples de l’accord bilatéral entre
l’Argentine (Aerolinas Argentinas (AA) rachetée par Iberia) et les Etats-Unis ainsi que de l’accord bilatéral ciel
ouvert de 2000 entre Nigeria (Virgin Nigeria Airlines) et les Etats-Unis. Dans le premier cas, l’AA appartenant à
une holding espagnole lié à Iberia et avait perdu sa nationalité argentine selon l’accord bilatéral. Contre
l’assurance de recevoir plus de droits de trafic pour leur propre compagnie aérienne (American Airlines) les
autorités américaines étaient prêtes à déroger aux conditions de nationalité de l’accord aérien bilatéral en vigueur
entre les Etats-Unis et l’Argentine permettant ainsi à la compagnie argentine de continuer ses services sous cet
accord. Dans le deuxième cas, Virgin Nigeria Airlines (VN) ne répondait pas aux conditions de propriété et de
contrôle de l’accord bilatéral. Le gouvernement américain semble refuser l’accès à VN à son espace aérien à
cause de cela. Dans le même sens, le CAB (Civil Aeronautics Board) américain avait autorisé l’opération des
services domestiques par la compagnie de M. DAETWYLER, bien qu’il ait été prouvé que cette compagnie était
principalement gérée par des intérêts suisses, car l’enquête effectuée a révélé que la Suisse aurait un traitement
réciproque aux ressortissants américains : Willye Peter Daetwyler D.B.A Interamerican Airfreight Co. Foreign
Permi, Docket n° 22381, 58 (6), CBA Reports 118-134 (1971-1972) citée par l’auteur p. 134.
453
Il s’agit du troisième paquet de libéralisation dans le domaine de l’aviation, comportant notamment les
règlements n° 2407/92 concernant les licences des transporteurs aériens et 2408/92 concernant l’accès des
transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.
454
DEMPSEY (P. S.), European Aviation Law, Kluwer Law International, The Hague, 2004, p. 150 et FENNES
(R.), « The European Community and the United States ; expanding horizons and clipped wings », in European
Air Law Association Conference Papers, eleventh annual conference in Lisbon, 5 November 1999, Ant. N.
Sakkoulas, Kluwer Law International, Athens, The Hague-London-Boston, p. 81. Pour une étude plus récente
des relations Etats-Unis/ Union européenne en matière d’aviation voy. MENDELSOHN (A. I.), « The USA and
the EU, Aviation Relations: An Impasse or an opportunity? », Air and Space Law, vol. XXIX, n° 4-5, 2004, pp.
263-280.
455
Voy. sur la question LENZ (C. O.) & NIEJAHR (N.), « The European Court of Justice and European
Transport Law (continued) », European Transport Law, vol. 38, n°2, 2003, pp. 157-166.

153
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

commun était quasiment inexistante, la Communauté étant satisfaite par le status quo, c’est-à-
dire par le cadre juridique posé par la convention de Chicago et les divers accords
bilatéraux 456. Mais à partir de 1987, en vertu de l’article 3 du traité CE qui recommandait une
politique commune de transport, trois règlements de libéralisation et singulièrement le
troisième ont apporté des réformes significatives. Ainsi, à partir du 1er avril 1997, date
d’entrée en vigueur du Troisième Paquet, tout national CE a pu devenir propriétaire d’une
compagnie CE et opérer sur toute route internationale entre Etats membres ou même à
l’intérieur des Etats membres 457. L’adoption en 2004 du paquet de mesures relatives au « Ciel
unique européen » 458 a donné compétence à la Communauté pour réglementer à peu près tous
les aspects de la prestation des services de gestion du trafic aérien dans l’espace sous le
contrôle des Etats membres.
Dès lors que le transport aérien s’est libéralisé à l’intérieur de la Communauté, la réaction
communautaire vis-à-vis des accords bilatéraux conclus par les Etats membres, et notamment
des clauses de nationalité qui y sont prévues, ne pouvait tarder. La Commission européenne
s’est rapidement interrogée afin de savoir si un Etat membre signant une clause de nationalité
avec un Etat tiers pouvait être accusé de discrimination à l’égard d’un autre Etat membre 459.
Les réticences de la Commission étaient fondées sur la liberté de l’établissement combinée au
Règlement du Conseil 2407/92 qui interdisait aux Etats membres d’exiger que les
transporteurs aériens établis sur leur territoire appartiennent et soient uniquement contrôlés
par leurs nationaux respectifs. Une décision de 2002 de la CJCE 460 est venue clarifier la
situation. En l’occurrence, la CJCE condamnait 12 Etats membres pour avoir négocié des
accords bilatéraux avec les Etats-Unis. Elle a jugé que la Communauté disposait d’une
compétence exclusive – même en absence d’une disposition communautaire explicite – pour
conclure les accords internationaux nécessaires afin de satisfaire les objectifs du traité CE
456
DEMPSEY (P.S.), European Aviation Law, op. cit. note 454, p. 13.
457
Voy. sur ce O’DONOVAN (H.), « Flags of convenience - a growing issue for European air transport ? », in
European Air Law Association Conference Papers, n° 9, 1995, pp. 63-70 et MOLEPO (M.), « Liberalizing
Restrictions on Substantial Ownership and Effective Control of Airlines: A Bilateral and Multilateral
Perspective », op. cit. note 442, pp. 61-84.
458
Règlements 549/2004, 550/2004, 551/2004 et 552/2004. Le « ciel unique » a été élargi à la Norvège et à la
Suisse par le biais d’accords d’association. L’accord établissant l’espace européen de l’aviation civile l’élargira à
tous les Etats des Balkans. Le succès de cette politique a conduit la Commission européenne de présenter en
2008 un paquet de propositions, connu sous le nom de « ciel unique européen II » afin de résoudre les faiblesses
majeures apparues dans la mise en œuvre du « ciel unique européen ».
459
Sur la problématique générale et une prise de position en faveur des clauses de nationalité voy. BALFOUR
(J.), « Open skies agreements with the United States - A question of legality », in European Air Law Association
Conference Papers, seventh annual conference, 3 November 1995 in London, Ant.N.Sakkoulas, Kluwer Law
International, Athens, The Hague, London, Boston, pp. 25-37.
460
CJCE, affaires C-466/98 à C-476/98, 5 novembre 2002, Rec. 2002, p. I-9427 et p. I-9855. Pour une analyse
de ces decisions voy. WASSENBERGH (H. A.), « The decision of the ECJ of 5 November 2002 in the Open
Skies Agreements cases », Annals of Air and Space Law, t. 28, 2003, pp. 19-31.

154
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

dans ce domaine. Dès lors, les accords conclus avant l’entrée en vigueur du traité mais
modifiés depuis, qui imposent des engagements internationaux significatifs aux pays
signataires, violaient la compétence exclusive de la Communauté. Concernant
particulièrement la clause de nationalité présente dans les accords bilatéraux, la Cour a jugé
qu’elle constituait une discrimination directe envers les nationaux des autres Etats membres et
violait donc l’article 43 du traité CE.
Le Règlement 1008/2008 établissant des règles communes pour l’exploitation des services
aériens dans la Communauté a apporté des modifications substantielles au règlement de 1992,
désormais abrogé, en renforçant les exigences relatives à l’octroi d’une licence d’exploitation
et en limitant la possibilité du recours à la location des aéronefs immatriculés dans des pays
tiers. Son article 4 énumère les conditions d’octroi. L’entreprise doit notamment détenir un
certificat de transporteur aérien (CTA), respecter des exigences en matière de contrôle effectif
et de propriété, et apporter des garanties financières. Si les clauses de nationalité ont ainsi été
abrogées en ce qui concerne les rapports intracommunautaires, elles continuent d’exister dans
les rapports avec les Etats tiers.
204. Il convient de ne pas tirer hâtivement des conclusions générales de cette pratique au
sein de l’Union européenne. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un ordre juridique
particulier, sui generis, au sein duquel les Etats membres ont abandonné une partie de leur
souveraineté au profit de l’Union. L’abrogation de la clause de nationalité à l’intérieur de
celle-ci n’implique dès lors pas que le rôle de ces normes pour le reste de la communauté
internationale a été profondément modifié. Il est vrai que certains auteurs ont évoqué le risque
d’émergence du phénomène de complaisance en Europe, au lendemain de l’adoption du
Troisième Paquet 461. Leurs inquiétudes étaient basées notamment sur l’observation que les
législations des pays européens en matière de transport aérien n’étaient pas identiques et que,
du fait de la libéralisation, les propriétaires et opérateurs des aéronefs auraient tendance à
immatriculer leurs engins dans les pays dotés des réglementations les moins strictes. Ces
inquiétudes se sont avérées sans fondement. Les variations de législations signalées ne sont
pas très importantes, car il s’agit d’Etats européens encadrés étroitement par l’ordre juridique
communautaire. Même dans le monde maritime, la libre immatriculation ne concerne pas les
rapports intracommunautaires ; elle vise exclusivement des Etats tiers, comme le Panama, le
Liberia etc. De plus, contrairement au transport maritime pour lequel le voyage se fait en
majeure partie en haute mer, les aéronefs circulent principalement dans un espace aérien

461
O’DONOVAN (H.), « Flags of convenience - a growing issue for European air transport? », op. cit. note 457,
pp. 63-70.

155
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

surplombant le territoire d’Etats et donc sous souveraineté de ces Etats. Les droits de passage
reconnus par le droit international n’existant pas dans cet espace, les Etats échangent entre
eux les droits de trafic. Ainsi, les Etats européens peuvent-ils libéraliser le transport
intracommunautaire sans que cela ait une influence sur le reste du secteur. La libéralisation
européenne n’a donc pas pour conséquence l’émergence de « pavillons » de complaisance
dans le secteur aérien, ni forcément l’affaiblissement généralisé de la clause de nationalité
telle qu’elle est appliquée dans les accords bilatéraux et multilatéraux.
205. Force est néanmoins de constater que l’abrogation des clauses de nationalité dans les
rapports intracommunautaires pourrait ouvrir la voie à une diminution relative de leur
importance dans d’autres zones géographiques 462. En ce sens, l’accord multilatéral de 2000
entre certains pays APEC (Asian-Pacifique Economic Cooperation) 463 a conduit à la
suppression du critère de propriété substantielle, tout en sauvegardant l’exigence d’un
contrôle effectif et de l’incorporation de la compagnie 464. Dans le même sens, en 2001, six
membres 465 de l’APEC ont signé l’accord multilatéral de libéralisation des services
internationaux de transport aérien, qui est également ouvert aux autres Etats membres et dont
le but est d’assouplir la clause de nationalité en annulant, entre les signataires, la condition de
propriété substantielle.
206. Cette clause a aujourd’hui plus de 60 ans. Peut-être sera-t-elle appelée à évoluer pour
suivre l’actualité aérienne 466. La question a été envisagée lors de la cinquième OACI
Worlwide Air Transport Conference en 2003. Il y fut proposé aux Etats de remplacer
progressivement la clause de la propriété et du contrôle effectifs par les notions de « centre
principal d’activités » et « contrôle régulateur effectif ». L’article 3.4 de la Déclaration des
principes globaux pour la libéralisation du transport aérien international adoptée à l’issue de la
conférence, prévoit que chaque Etat doit déterminer à son propre rythme et selon les
circonstances ces changements, la décision lui appartenant en exclusivité. Suite à cette

462
NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), op. cit. note 120, p .50. Pour une étude de la situation
au Japon et de comment la déréglementation américaine et européenne peuvent y influencer les règles relatives à
la propriété et au contrôle voy. YAMAZAKI (K.), « Airline Ownership and Control Requirements. Changes in
the Air – A Legal View from Japan », Air and Space Law, vol. XXXI, n° 1, 2006, pp. 50-57. Pour une étude de
comment l’abrogation peut permettre à la Commission de conclure des accords avec des pays tiers, afin de
remplacer la clause traditionnelle de propriété et de contrôle par de dispositions nouvelles dans les accords entre
UE et ces pays voy. LENZ (C. O.) & NIEJAHR (N.), « The European Court of Justice and European Transport
Law (continued) », op. cit. note 455, pp. 271-278 et notamment 276-277.
463
Il s’agit des Etats-Unis, du Brunei Darussalam, du Chili, de la Nouvelle Zélande et du Singapour.
464
CHENG-JUI LU (A.), « International Airline Alliances: EC Competition Law, US Antitrust Law and
International Air Transport », Annals of Air and Space Law, vol. 27, 2002, p. 406.
465
Les Etats-Unis, le Brunei, la Nouvelle Zélande, le Chili, le Pérou et le Singapour.
466
Voy. sur cette question : MENDES DE LEON (P.), « The future of ownership and control clauses in bilateral
air transport agreements », in Project 2001 Plus, Consequences of air transport globalization, Cologne 2003, pp.
19-35.

156
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

conférence, la CE a essayé de son côté de proposer des principes de libéralisation concernant


la clause en cause 467. Durant la même période, la fusion d’Air France et de KLM, première
fusion 468 transfrontalière importante, est venue modifier les conditions de propriété et de
contrôle 469.
207. Ces évolutions montrent que si la clause de nationalité, en tant que régulateur de
l’effectivité du rattachement du transport aérien lato sensu aux Etats, est assurément utile, elle
ne peut pas être considérée comme obligatoire dans le droit international de l’air. Si elle
constitue, dans une certaine mesure, la manifestation de l’exigence d’effectivité dans le
secteur de l’aviation civile – en ce qu’elle vient compléter et limiter indirectement la liberté
des Etats, prévue par la convention de Chicago, de fixer librement les conditions d’attribution
de leur nationalité aux aéronefs – son adoption demeure soumise à l’appréciation souveraine
des Etats qui sont libres de conclure ou pas des accords bilatéraux ou multilatéraux d’échange
des droits de trafic aériens. Il ne s’agit donc pas d’une norme coutumière.
208. Si le contenu de la clause de nationalité semble proche du contenu potentiel d’un lien
substantiel pour les navires 470, il ne faut pas perdre de vue qu’en réalité il ne concerne pas la
« nationalité » des aéronefs mais seulement celle des compagnies aériennes, c’est-à-dire des
transporteurs désignés par chaque Etat contractant. Il existe d’ailleurs une réelle distinction
entre les notions de nationalité de la compagnie aérienne et celle de l’aéronef 471. Il arrive en
effet souvent que la nationalité d’une compagnie aérienne soit différente de celle de
l’aéronef ; c’est le cas par exemple lorsqu’une compagnie de nationalité x loue des aéronefs
immatriculés dans un Etat y. Les deux concepts sont donc bien distincts. Cependant, bien que
distincts, ils sont indissociablement liés.

467
Voy. sur ce MOLEPO (M.), « Liberalizing Restrictions on Substantial Ownership and Effective Control of
Airlines: A Bilateral and Multilateral Perspective », op. cit. note 442, pp. 80-83.
468
Selon la qualification par la Commission européenne en vertu du droit communautaire, et en dépit du
différent choix des termes par les parties concernées.
469
MENDES DE LEON (P.), « Une liaison franco-néerlandaise en aviation civile : parité par complémentarité »,
op. cit. note 452, p. 123 ; Il est toutefois prévu par l’accord que cette holding généra deux compagnies, à savoir
Air France, dont la propriété et le contrôle sont français et KLM, dont l’exploitation s’effectue majoritairement
par des ressortissants néerlandais. La question du contrôle substantiel s’est néanmoins posée, car le président du
Comité de Gestion Stratégique (SMC) gérant les deux compagnies et la holding, provient d’Air France et a une
voix prépondérante.
470
Il est en effet intéressant de noter que le contenu de la clause de nationalité des aéronefs est véritablement
analogue à celui qui est souvent attribué par la pratique étatique à l’exigence du lien substantiel maritime. Les
Etats maritimes les plus « traditionnels », qui a priori imposent un lien substantiel avec les navires immatriculés
sur leurs registres, prévoient presque toujours comme condition préalable la nationalité du propriétaire du navire,
et, s’il s’agit d’une société, le contrôle majoritaire et/ou décisionnel de ladite société. Cette même logique se
retrouve dans la clause de nationalité du droit aérien qui exige, quant à elle, la nationalité conforme de
l’opérateur.
471
Pour une analyse de la notion voy. WASSENBERGH (H.), Principles and Practices in Air Transport
Regulation, Institut du Transport Aérien, Les Presses ITA, Paris, 1993, pp. 156 et suivantes.

157
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

209. A travers une structure juridique complètement différente, la clause de propriété


substantielle et de contrôle effectif des accords bilatéraux aériens poursuit donc les mêmes
buts que le lien substantiel maritime. La différence réside en ce que cette clause s’impose
directement aux compagnies exploitant les engins, au lieu d’essayer vainement d’imposer aux
Etats des critères d’immatriculation précis. Le secret de son efficacité découle sans doute de
cette particularité, dès lors qu’elle s’applique dans le domaine de relations internationales
« publiques » (échange de droit de trafic), contrairement au lien effectif qui doit s’appliquer
dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Etat. Cette raison explique
d’ailleurs pourquoi les pavillons dits de complaisance sont considérés comme exclus du
transport aérien international régulier 472. Le point commun, en revanche, entre le lien
substantiel et la clause de nationalité est que ni le premier ni la seconde ne peuvent être
considérés comme imposés par le droit international afin d’assurer un rattachement effectif de
ces engins aux Etats. L’un comme l’autre dépendent de l’appréciation souveraine des Etats
d’immatriculation.

C. Les engins spatiaux : le lien préalable et l’émergence d’une immatriculation


« complaisante »

210. Le cas des objets spatiaux est particulièrement intéressant. Le lien effectif pourrait
être considéré comme indirectement prévu du fait que l’Etat d’immatriculation doit toujours
être un Etat de lancement. Les expressions « lien substantiel » ou « nationalité »
n’apparaissent certes pas, mais le résultat demeure. A priori, les objets spatiaux sont rattachés
à un Etat et ce lien est effectif, dès lors qu’il ne découle pas uniquement d’une procédure
administrative mais s’appuie sur un élément de fait significatif : le lieu du lancement. En droit
maritime ou aérien, les Etats fixent les conditions d’immatriculation et en fonction de ces
conditions les propriétaires des engins décident où ils peuvent et où ils préfèrent immatriculer
leurs engins. En droit spatial, la principale condition d’immatriculation est en réalité posée par
472
Dans ce sens NYS (R. R.), « Etude sur la nationalité des aéronefs », Revue Française de droit aérien, 1964, p.
165 ; Pour l’UE voy. O’DONOVAN (H.), « Flags of convenience - a growing issue for European air
transport ? », op. cit. note 457, p. 70. Voy. cependant HUANG (J.), Aviation sadet th rough the Rules of Law :
Incas mécanismes and practices, op. cit. note 178, pp. 25-30, qui envisage la question des pavillons de
complaisance sous un angle plus général. L’auteur mentionne et critique le document de l’OACI C-WP/1248
(ICAO Council Waring Papers, Report on the Study on the Safety and Security Aspects of Economic
Libéralisation, 11 May 2005, App., § 2.2.3.1) qui définit les pavillons de complaisance en tant qu’« un terme
dérivé de l’industrie maritime qui décrit une situation dans laquelle des navires commerciaux appartenant à des
nationaux d’un Etat mais immatriculés dans un autre Etat peuvent opérer librement entre et parmi d’autres
Etats ». L’auteur souligne que la définition de l’OACI ne capture pas bien l’essence d’un « pavillon de
complaisance » et conclut que la question cruciale est celle de savoir si l’Etat contrôle efficacement son aéronef
– que ce dernier appartienne à ses nationaux ou à des étrangers. Voy. également dans ce sens ICAO Council
Working Paper, C-WP/13133, Progress Report on the Issue of Flags of Convenience, 20 February 2008.

158
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

le droit international lui-même. S’il existe plusieurs Etats de lancement, ce n’est plus le
propriétaire qui décide sur quel registre l’objet en cause sera immatriculé, mais l’ensemble de
ces Etats, qui doivent passer un accord entre eux 473. Cette présentation théorique ne
correspond toutefois à la réalité que dans un certain degré. Les activités spatiales sont en
pleine évolution et des fissures apparaissent déjà dans le système décrit. La mise en œuvre de
l’exigence d’effectivité du rattachement des objets spatiaux aux Etats risque dès lors d’être
sérieusement remise en cause dans l’avenir proche.
211. Il convient néanmoins de signaler dès maintenant que, à l’instar de ce qui se fait dans
le droit de l’air, le droit spatial prévoit un mécanisme alternatif pour assurer le contrôle des
opérations spatiales par les Etats, mécanisme qui se rapproche de la logique des clauses de
nationalité aériennes. L’article VI du traité sur l’espace stipule en effet que les activités
spatiales des entités non gouvernementales peuvent engager la responsabilité internationale
des Etats et doivent faire l’objet d’une autorisation et d’une surveillance continue de la part de
l’Etat approprié. Si l’expression « Etat approprié » peut sembler ambiguë, les législations
nationales, que nous allons étudier par la suite, permettent désormais aux Etats de surveiller
toutes les opérations qui peuvent engager leur responsabilité. Elles réglementent de manière
détaillée l’autorisation des activités spatiales entreprises à partir de leur territoire ou par leurs
nationaux. Les Etats ont ainsi trouvé le moyen de contrôler effectivement les activités
spatiales nationales ; les doutes concernant l’effectivité du rattachement des objets spatiaux
aux Etats n’en subsistent pas moins. Le contexte actuel nourrit ces craintes (i) et prouve que le
rattachement des objets spatiaux aux Etats doit être complété par un mécanisme alternatif du
rattachement des opérations spatiales (ii).

i. La commercialisation et la privatisation des activités spatiales : vers une remise en


cause de l’effectivité du rattachement

212. La différence majeure entre le transport spatial et le transport maritime et aérien était,
jusqu’à l’aube du XXIème siècle, que dans le premier les intérêts commerciaux n’avaient pas
encore pris une place importante 474 et que le principal intéressé dans ce domaine restait l’Etat.
Dès lors que le secteur spatial était statocentrique, il semblait que, d’une part, le lien de
rattachement entre l’Etat de lancement et l’engin spatial était par définition effectif et que,
d’autre part, la marge pour une libre immatriculation était quasiment inexistante, des intérêts

473
Accord prévu par l’article II paragraphe 2 de la convention sur l’immatriculation.
474
KOPAL (V.), « The 1975 Convention on Registration of Objects Launched into Outer Space in View of the
Growth of Commercial Space Activities », op. cit. note 133, p. 379.

159
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

privés, optant toujours pour les conditions les plus avantageuses, n’entrant pas en jeu. Mais il
ne s’ensuit pas que des phénomènes tels que les pavillons de complaisance sont actuellement
exclus par la nature même de l’immatriculation spatiale 475.
La privatisation et la commercialisation des activités spatiales sont en effet devenues une
réalité de plus en plus présente 476 et cette évolution va indiscutablement changer le paysage,
dès lors qu’un nombre constamment croissant de personnes privées – physiques ou morales –
vont s’impliquer en ce domaine 477. Le développement du tourisme spatial va par ailleurs
transformer les implications de ces activités telles qu’elles se présentaient jusqu’à
aujourd’hui. Depuis le lancement du SpaceShipOne, le transport et le tourisme spatiaux ne
sont plus des théories lointaines, mais une réalité nécessitant une régulation juridique 478.
Désormais, rien ne peut dès lors être exclu.
213. Le cas de Tongasat 479 illustre un autre des problèmes éventuels résultant de la
commercialisation de l’espace. Le royaume de Tonga, petite île de l’océan Pacifique a, entre
1988 et 1990, soumis au Bureau d’enregistrement des fréquences de l’Union internationale
des télécommunications (ci-après UIT) un projet d’inscription de seize positions orbitales au-
dessus du Pacifique, permettant de relier l’Asie, les Etats-Unis et le Pacifique. Le pays n’avait

475
Dans le sens contraire PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, op. cit. note 57, pp. 125 et suivantes.
476
Pour une présentation générale voy. SFDI, Le droit de l’espace et la privatisation des activités spatiales,
Pedone, Paris, 2003 ; UNIVERSITE DE BOURGOGNE - CNRS, Le droit des activités spatiales à l’aube du
XXIe siècle, op. cit. note 140; CHENG (C.-J.) & KIM (D.H.) ed., The utilization of the world’s air space and
free outer space in the 21st century, Proceedings of the International Conference on Air and Space Policy, Law
and Industry for the 21st Century, held in Seoul 23-25 June 1997, Kluwer Law International, The Hague,
London, Boston, 2000.
477
La résolution 62/101 de l’Assemblée générale de l’ONU visant à renforcer la pratique des Etats et des
organisations internationales intergouvernementales concernant l’immatriculation des objets spatiaux résume
bien cette situation notant, dans son préambule, « que les activités spatiales ont évolué depuis l’entrée en vigueur
de la Convention sur l’immatriculation, avec l’apparition constante de nouvelles technologies, l’augmentation
du nombre d’Etats ayant des activités spatiales, l’intensification de la coopération internationale dans les
utilisations pacifiques de l’espace et la multiplication des activités spatiales réalisées par des organismes non
gouvernementaux, ainsi que des partenariats constitués d’organismes non gouvernementaux d’au moins deux
pays ». Voy. A/RES/62/101, distribution générale 10 janvier 2008.
478
VON DER DRUNK (F.G), « The Sky is the Limit- but where does it end? New Developments on the Issue of
Delimitation of Outer Space », op. cit. note 11, pp. 84-94; FREELAND (S.), « The Impact of Space Tourism on
the International Law of Outer Space », op. cit. note 141, pp.178-189; ZHAO (Y.), « Developing a Legal Regime
for Space Tourism : Pioneering a Legal Framework for Space Commercialization », op. cit. note 141, pp. 198-
206; LEE (R .J.), « Liability arising from article VI of the Outer Space Treaty : States, domestic law and private
operators », in Proceedings of the forty-eighth colloquium on the law of outer space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2006, pp. 216-228.
479
Sur cette affaire voy. BENDER (R.), Launching and operating satellites legal issues , Martinus Nijhoff
Publishers, Kluwer Law International, The Hague, 1998, pp. 42-43; RAVILLON (L.), Droit des activités
spatiales, adaptation aux phénomènes de commercialisation et de privatisation, Travaux du Credimi, vol. 22,
Litec, Paris, 2004, pp. 147-148; L’auteur cite également : EZOR (J. J.), « Costs overhead : Tonga’s claiming of
sixteen geostationary orbital sites and the implications for US space policy », Law and Policy in International
Business, vol.24, n°3, 1993, pp. 915-941, RIDDICK (D.), « Why does Tonga own outer space ? », Air and Space
Law, vol. XIX, n°1, 1994, pp. 15-29 et OOSTERLINCK (R.), « Tangible and intangible property in outer
space », IISL, 1996, p. 279.

160
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

pas jusqu’alors d’activités spatiales. Derrière son initiative se trouve un entrepreneur


américain, comptant louer ou vendre les positions orbitales aux Etats qui ont les moyens
financiers d’en devenir les usagers. Le Bureau d’enregistrement des fréquences de l’UIT a fait
droit à la demande de Tonga ; en tant qu’organe technique il ne s’est toutefois pas prononcé
sur l’opportunité de ces attributions. Pour éviter de perdre ses positions orbitales, Tonga a
acquis en 2002 un satellite appartenant au Seattle Scientific Corp., qui est déployé sur une des
neuf positions orbitales qui lui avaient été attribuées. Ce satellite est très ancien (il fut lancé en
1981). Cela fait douter de la légitimité des efforts de Tonga. Mais le doute le plus important
porte sur la possibilité pour ce pays d’exercer une juridiction et un contrôle effectifs sur le
satellite, pourtant immatriculé sur son registre national. De telles situations peuvent donc être
considérées comme analogues ou dans tous les cas comparables à celles créées par le
phénomène de la libre immatriculation.
214. Le problème le plus sérieux en ce qui concerne le rattachement effectif des objets
spatiaux aux Etats d’immatriculation est aujourd’hui celui du transfert de propriété des
satellites déjà en orbite 480. Un changement de propriété, et donc éventuellement de la
nationalité du propriétaire, n’influence pas l’immatriculation de l’objet spatial, comme cela
serait le cas pour un navire ou un aéronef en vertu des législations nationales. La règle de
« une fois Etat de lancement, toujours Etat de lancement » 481 prend à plusieurs égards le
contre-pied de ce qui prévaut pour les Etats d’immatriculation des navires/aéronefs. Cela peut
s’avérer particulièrement problématique, en créant des situations où un Etat demeure l’Etat
d’immatriculation d’un satellite avec lequel il n’a plus aucun rapport 482. Dès lors que seul un
des Etats de lancement peut devenir l’Etat d’immatriculation, il peut arriver que, par suite
d’un transfert de propriété d’un satellite déjà en orbite, le nouvel Etat « responsable » 483 de ce
dernier ne soit pas et ne puisse pas devenir l’Etat d’immatriculation. Cette règle imposant que

480
Le COPUOS reconnaît qu’il s’agit d’un problème pouvant influencer la question de l’immatriculation des
objets spatiaux. Voy. par exemple résolution de l’Assemblée générale relative aux recommandations visant à
renforcer la pratique des Etats et des organisations internationales intergouvernementales concernant
l’immatriculation des objets spatiaux, A/RES/61/101, 10 janvier 2008, p. 3.
481
Citée par SCHMIDT-TEDD (B.) & GERHARD (M.), « How to adapt the present regime for registration of
space objects too new developments in space applications? », op. cit. note 142, p. 356. Pour un avis plus nuancé
voy. COUSTON (M.), « Le droit international public de l’espace face à la commercialisation et la privatisation
des activités spatiales », in Le droit des activités spatiales à l’aube du XXIe siècle, RAVILLON (L.) dir., Litec,
Paris, 2005, p. 20.
482
Dans ce sens KERREST (A.), « D’un droit inter-étatique issu de la guerre froide à l’encadrement des activités
privées », op. cit. note 290, 2003, p. 9. L’auteur cite comme problématiques les cas d’Eurasiasat, société
monégasque et d’Euromir, société de droit néerlandais (p. 12) ; CHAPPEZ (J.), « Quelques conclusions sur les
lancements des satellites, conclusion générale », in Le droit des activités spatiales à l’aube du XXIe siècle,
RAVILLON (L.) dir., Litec, Paris, 2005, p. 192.
483
Le terme « responsable » est employé ici dans son sens large, pas dans le sens de l’article VI du traité sur
l’espace. Sur les différentes significations du terme responsable voy. infra §§ 444-445.

161
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

l’Etat d’immatriculation soit toujours un Etat de lancement peut donc aboutir à des situations
paradoxales : conçue pour assurer un lien de rattachement effectif entre l’Etat
d’immatriculation et l’objet spatial, elle peut facilement être dénaturée et ouvrir la voie au
scénario contraire, à savoir un Etat d’immatriculation sans lien substantiel avec l’objet de sa
« nationalité ».
215. La raison pour laquelle la privatisation des activités commerciales peut aboutir à des
situations affaiblissant le lien de rattachement entre l’Etat d’immatriculation et ses objets
spatiaux est la complexité de la notion d’Etat de lancement et les dangers que celle-ci peut
engendrer. Afin de comprendre les problèmes posés par l’insécurité terminologique de
l’expression « Etat de lancement », notamment depuis l’apparition des pratiques telles que le
Sea Launch Project 484, il convient de rappeler à quel point cette question fut controversée au
sein de la doctrine 485. Les spécialistes du droit spatial reprochent à cette notion son ambiguïté
et sa difficulté d’application lorsque plusieurs Etats participent au lancement – ce qui est
presque toujours le cas – ou lorsque le lancement est effectué par une organisation
internationale, voire dans le cas où l’entité de lancement n’est pas la même que l’opérateur du
satellite une fois ce dernier mis en orbite. Un obstacle supplémentaire apparaît du fait que les
objets spatiaux sont des engins complexes, constitués souvent de plusieurs éléments qui
peuvent chacun être immatriculés dans différents Etats.
216. En dépit de ces objections doctrinales relatives à la définition de l’Etat de lancement,
il est vrai que, au début de l’ère spatiale, elle ne posait guère de problème s’agissant du lien de
rattachement entre l’objet spatial et son Etat d’immatriculation. L’évolution du secteur spatial
n’en rend pas moins possibles plusieurs situations qui peuvent remettre en cause l’effectivité
de ce lien et permettre l’émergence d’un phénomène similaire à celui des pavillons de
complaisance 486. En l’état actuel du droit spatial, si un rattachement effectif entre l’Etat

484
Le Sea Launch Project [www.sea-launch.com] constitue le premier projet international de construction et
d’exploitation d’une aire de lancement d’engins spatiaux à partir d’une plateforme maritime située en haute mer.
La société (une sorte de société à responsabilité limitée) est américaine, étant domiciliée dans l’Etat du
Delaware. La plateforme, Odissey, est immatriculée sur le registre du Libéria. Ainsi, le Libéria, sur le registre
duquel sont immatriculées les installations, les Etats-Unis, Etat de nationalité de la société ou les Etats de
nationalité des autres entreprises parties prenantes à la joint venture Sea Launch (à savoir américaine / anglo-
norvégienne / ukrainienne / russe) peuvent tous être considérés comme Etats de lancement. Voy. KERREST
(A.), « D’un droit inter-étatique issu de la guerre froide à l’encadrement des activités privées », op. cit. note 290,
p. 11 et du même auteur « Launching Spacecraft from the Sea and the Outer Space Treaty: The Sea Launch
Project », Air and Space Law, Kluwer, La Haye, 1998, pp. 16-21.
485
LEE (R. J.), « The Liability Convention and Private Space Launch Services - Domestic Regulatory
Responses », Annals of Air and Space Law, vol. 31, 2006, p. 360; OSPINA (S.), « International Responsability
and State Liability in an Age of Globalization and Privatization », Annals of Air and Space Law, vol. 27, 2002,
pp. 479-493 insistant tous les deux sur le problème juridique posé par le projet sea launch.
486
Dans ce sens : KERREST (A.), « Des pavillons de complaisance pour les engins spatiaux ? », Revue de
l’association française des capitaines des navires, 1997 (article communiqué par l’auteur).

162
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

d’immatriculation et l’objet spatial semble être indirectement imposé par la convention sur
l’immatriculation des objets spatiaux, il n’est que partiellement assuré. Force est de constater
toutefois que le droit spatial est le seul des trois branches étudiées qui semble expressément
imposer une condition substantielle de rattachement effectif entre les engins et les Etats.
Paradoxalement, il est également le seul à éviter toute référence à une « nationalité » pour
n’évoquer que l’« immatriculation » des objets spatiaux. Le grand intérêt dans cette solution,
par rapport à la situation en droit de la mer et en droit de l’air, est qu’elle constitue une mise
en œuvre différente et originale de l’exigence de l’effectivité du rattachement : le lien
substantiel n’est pas fondé sur des critères tels que la nationalité du propriétaire ou de
l’opérateur de l’engin mais sur la possibilité pour l’Etat d’immatriculation de contrôler et de
surveiller cet ensemble organisé. La même logique régit le mécanisme alternatif – ou plutôt
complémentaire – de rattachement des opérations spatiales lato sensu, c’est-à-dire
l’autorisation nécessaire des activités entreprises par des entités non gouvernementales.

ii. Les licences d’autorisation des activités spatiales comme substitut d’un lien effectif
en droit spatial

217. Non content de prévoir le rattachement des objets lancés à un Etat d’immatriculation,
le droit spatial impose en outre le rattachement de toute opération spatiale privée à un « Etat
approprié ». Cette notion a été introduite par l’article VI du traité sur l’espace, selon
lequel : « [l]es activités des entités non gouvernementales dans l’espace extra-atmosphérique,
y compris la Lune et les autres corps célestes, doivent faire l’objet d’une autorisation et d’une
surveillance continue de la part de l’Etat approprié partie au Traité ». La notion est floue et
ne coïncide pas nécessairement avec celle de l’Etat d’immatriculation. En effet, elle peut
correspondre tant à l’Etat de nationalité des entités non gouvernementales menant les activités
qu’à l’Etat d’immatriculation de l’engin concerné – qui sera également l’Etat de lancement
(ou un des Etats de lancement) 487. Dans la pratique, la notion d’Etat approprié couvre les deux
cas ci-dessus. Selon les législations nationales, les Etats doivent accorder une licence pour
toute activité spatiale entreprise à partir de leur territoire ou sous leur juridiction, mais
également pour toute activité spatiale entreprise à l’étranger et/ou à partir d’un territoire
international par un de leurs nationaux 488. Ils doivent également être mis au courant de tout
transfert ou cession de cette licence et sont libres d’interdire ou d’accorder sous conditions ce
487
Sur ces notions voy. KERREST (A.), « Le rattachement aux Etats des activités privées dans l’espace –
réflexions à la lumière du droit de la mer », Annals of Air and Space Law, McGill, Montréal, vol.22, 1997, pp.
118-122.
488
Voy. infra §§ 327-329 et annexe 4.

163
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

transfert. Le rattachement ainsi créé ne concerne pas directement les objets spatiaux et leur
immatriculation mais leur opérateur/entrepreneur d’activités spatiales. Néanmoins, lorsque
l’Etat « approprié » est également l’Etat d’immatriculation, le lien entre objet, opération et
Etat est sans aucun doute effectif. En revanche, s’il advient une dissociation entre l’un et
l’autre, suite à un transfert de licence/cession de satellite sur orbite, le rattachement s’affaiblit
considérablement.
218. Une différence importante avec le système des clauses de nationalité aériennes met
en lumière d’ailleurs l’efficacité potentiellement moindre de ce mécanisme. Alors que les
clauses sont imposées par des accords internationaux conclus entre Etats souverains qui
échangent les droits de survol sur leur territoire, l’autorisation des activités spatiales se fait
unilatéralement par chaque Etat. La marge d’appréciation est donc beaucoup plus importante ;
dès lors, il ne peut être exclu que le développement de l’industrie spatiale privatisée ait
comme résultat des situations plus proches de celles du monde maritime que de celles du
monde aérien.

Conclusion de la section

219. Le lien effectif, tel qu’il régit pour la nationalité des individus, semble peu adapté à
la situation des engins. Diverses tentatives de mise en œuvre d’une exigence d’effectivité lato
sensu en ce qui concerne le rattachement des engins peuvent néanmoins être signalées. La
convention de Montego Bay stipule ainsi qu’il doit exister un lien substantiel entre l’Etat du
pavillon et le navire, mais cette disposition est restée lettre-morte. Il n’existe actuellement
aucune condition substantielle, qui soit imposée par le droit international pour l’attribution
d’une « nationalité » à un navire. Il en va de même pour le droit de l’air ; la liberté des Etats
de fixer les conditions d’immatriculation des aéronefs est absolue. En revanche, les
compagnies aériennes/propriétaires ou opérateurs des aéronefs, visées dans les accords
bilatéraux et multilatéraux en tant que transporteurs autorisés, sont rattachées
substantiellement aux Etats, créant ainsi un lien solide avec ceux-ci. Ce mécanisme permet de
compenser l’absence de réelles conditions d’immatriculation et d’accorder à chaque Etat
survolé la possibilité d’identifier clairement les responsables du vol effectué. Néanmoins, ni le
droit de la mer ni le droit de l’air ne subordonnent l’attribution d’une « nationalité » aux
engins à l’existence d’un lien « effectif ». Le droit spatial, en revanche, prévoit implicitement
un tel lien, en imposant à l’Etat d’immatriculation d’avoir la qualité d’un Etat de lancement.
Mais le lien ainsi créé n’est que substantiel qu’en théorie, dès lors que les évolutions actuelles

164
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

permettent de plus en plus souvent de dissocier contrôle, lancement et immatriculation d’un


objet. Il y est également prévu que les opérateurs des activités spatiales (et donc a priori des
objets y impliqués) doivent faire l’objet d’une autorisation et d’une surveillance continue de la
part de l’Etat « approprié ». Cette obligation présuppose un lien solide entre l’Etat
d’autorisation et l’activité spatiale. Il n’empêche que le droit international n’impose aucune
condition pour la délivrance de ces autorisations, qui relèvent de l’appréciation souveraine de
l’Etat.
220. Des trois branches examinées, seule celle du droit aérien peut donc être considérée
comme mettant efficacement en œuvre un « lien effectif » entre les aéronefs, leurs activités et
les Etats d’immatriculation. Cela est dû à la nature particulière du milieu aérien ; les aéronefs
survolent en effet majoritairement des espaces soumis à une souveraineté étatique 489 et leur
exploitation est dès lors soumise à des accords interétatiques imposant des règles
substantielles. En revanche, tant le droit de la mer que le droit spatial laissent une place bien
plus importante à l’appréciation souveraine des Etats concernés, qui sont libres de choisir les
solutions incitant un maximum d’opérateurs privés à solliciter l’inscription de leurs engins
sur les registres nationaux. Il est vrai que le domaine spatial reste encore un secteur largement
public ; il n’empêche que son avenir, en raison du statut de l’espace extra-atmosphérique,
s’annonce plus semblable au présent du shipping international qu’à celui de l’aviation.

489
Nous rappelons que, contrairement aux navires qui naviguent principalement en haute mer et qui ont un droit
de passage inoffensif en mer territoriale (voy. article 17 de la convention de Montego Bay) et aux objets spatiaux
qui évoluent quasi-exclusivement en espace extra-atmosphérique, les aéronefs survolent des territoires soumis à
une souveraineté exclusive et ne jouissent pas du droit de passage inoffensif au-dessus de la mer territoriale. Ils
ont cependant un droit de passage de transit dans les détroits (article 37 de la convention de Montego Bay), un
droit de passage archipélagique (article 53 de la convention de Montego Bay) et la liberté de survol en haute mer
(article 87 de la convention de Montego Bay).

165
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

Engin Articles relatifs Termes consacrés Règle stipulée Pratique internationale


Navires Convention de Lien substantiel / Il doit exister un lien Aucun lien
Montego Bay, participation des substantiel entre l’Etat substantiel/authentique n’est
article 91 / nationaux dans la et le navire / L’Etat exigé pour la
Convention sur propriété et d’immatriculation doit reconnaissance de la
l’immatriculatio l’équipage des prévoir de seuils « nationalité » attribuée
n des navires de navires satisfaisants de selon le droit interne
1986 (pas entrée propriété/équipage
en vigueur), nationaux
articles 7,8 et 9
Aéronefs Convention de Immatriculation, Liberté absolue des Clauses de contrôle effectif
Chicago, article nationalité Etats de fixer les et propriété substantielle
17 conditions concernant les compagnies
d’attribution de leur aériennes/opérateurs dans
« nationalité » les accords internationaux
d’échange des droits de
trafic
Objets Convention sur Etat de lancement, Lorsqu’un objet est L’immatriculation peut être
spatiaux l’immatriculatio Etat lancé l’Etat de dissociée de l’Etat qui
n des objets d’immatriculation ; lancement contrôle l’objet ; les Etats
spatiaux, article activités des entités l’immatricule ; les autorisent et surveillent les
II ; Traité sur non activités des entités activités de leurs nationaux
l’espace, article gouvernementales, non gouvernementales ou celles entreprises à partir
VI autorisation Etat doivent faire l’objet de leur territoire ou sous
approprié d’une autorisation et leur juridiction
d’une surveillance
continue de la part de
l’Etat approprié
Tableau 5 Sur l’exigence d’effectivité du rattachement des engins

SECTION II. Le rejet par la jurisprudence internationale du lien effectif comme règle
autonome conditionnant le rattachement des engins

221. L’étude de la jurisprudence internationale (§1) et communautaire (§2) confirme


l’hypothèse envisagée, selon laquelle il n’existe pas en droit international de principe
d’effectivité du rattachement des engins aux Etats – en tout cas pas en tant que condition
nécessaire pour l’attribution d’une « nationalité ». L’exercice des juridiction/contrôle effectifs
de la part de l’Etat d’immatriculation est la notion clé pour la jurisprudence, qui ne semble pas
aborder la problématique du lien effectif d’une manière qui en soit indépendante. En effet,
pour le juge international, le lien substantiel ne constitue qu’une expression générale de
l’obligation d’exercer effectivement les juridiction/contrôle. Certes, la jurisprudence en la
matière concerne quasi-exclusivement les navires. On peut cependant raisonnablement
supposer que ces solutions s’appliquent mutatis mutandis en ce qui concerne les aéronefs ;

166
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

non seulement parce que la pseudo-obligation du lien substantiel n’a pas été retenue en droit
aérien mais aussi parce que les rares affaires où la question a été posée le confirment, à tout le
moins implicitement. Il en va de même pour le droit spatial qui associe expressément, dans
l’article VII du traité sur l’espace, l’exercice des juridiction/contrôle effectifs et
l’immatriculation des engins.

§ 1. La jurisprudence internationale et arbitrale

222. La jurisprudence de la CIJ et du TIDM, adoptée dans des contextes assez particuliers,
peut être interprétée comme un refus de renforcer l’exigence du lien effectif en l’élevant au
rang d’une obligation juridique, mais non comme une négation absolue de son existence. Le
raisonnement du juge international semble indiquer que le lien substantiel est toujours relatif
aux juridiction/contrôle (A). Cette association est également manifeste dans la jurisprudence
arbitrale (B).

A. La jurisprudence internationale

i. La décision OMCI de la CIJ

223. Le célèbre avis consultatif de la CIJ sur le Comité de la sécurité maritime de


l’OMCI 490 rendu en 1960 491 – peu de temps après la conclusion de la convention de Genève –
a clairement révélé la faible, voire inexistante, force juridique du lien substantiel.
En l’espèce, le différend concernait la composition d’un des quatre organes de
l’organisation, ayant pour fonction l’examen des questions relevant de la compétence de celle-
ci 492. La composition de ce Comité et le mode de désignation de ses membres étaient prévus à
l’article 28 de la convention 493. La disposition en cause indiquait qu’au moins huit de ses

490
L’Organisation Maritime Internationale (OMI) fut créée en 1948 sous le nom d’Organisation Maritime
Consultative Intergouvernementale (OMCI).
491
CIJ, Composition du Comité de la Sécurité Maritime de l’OMCI, Avis du 8 juin 1960, CIJ Recueil 1960, p.
171.
492
Il s’agit notamment des aides à la navigation maritime, de la construction et de l’équipement des navires, des
questions d’équipage dans la mesure où elles intéressent la sécurité, des règlements destinés à prévenir les
abordages, de la manipulation des cargaisons dangereuses et de la réglementation de la sécurité en mer.
493
L’article 28 de la convention portant création de l’Organisation intergouvernementale consultative de la
navigation maritime disposait : « Le Comité de la Sécurité maritime se compose de quatorze Membres élus par
l’Assemblée parmi les Membres, gouvernements des pays qui ont un intérêt important dans les questions de
sécurité maritime. Huit au moins de ces pays doivent être ceux qui possèdent les flottes de commerce les plus
importantes; l’élection des autres doit assurer une représentation adéquate d’une part aux Membres,
gouvernements des autres pays qui ont un intérêt important dans les questions de sécurité maritime, tels que les
pays dont les ressortissants entrent, en grand nombre, dans la composition des équipages ou qui sont intéressés
au transport d’un grand nombre de passagers de cabine et de pont et, d’autre part, aux principales régions
géographiques ».

167
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

membres devaient être élus parmi les pays qui possédaient les flottes de commerce les plus
importantes. L’Assemblée, afin de procéder à l’élection de ces huit membres, s’était fondée
sur les tableaux statistiques de la marine marchande publiés en 1958 par la Lloyd, indiquant
par ordre décroissant de tonnage de jauge brute global, le nom des pays membres suivis du
chiffre de leur tonnage immatriculé. Sur la base de ces tableaux, le Libéria était classé au 3ème
rang et le Panama au 8ème.
Certains Etats membres ont néanmoins soutenu que le Comité devait être composé non
pas par les Etats disposant du plus grand tonnage immatriculé des navires battant leur
pavillon, mais par les Etats dont les ressortissants étaient propriétaires du tonnage le plus
important. Ce à quoi le Libéria et le Panama rétorquaient que les règles de l’article 28
devaient être strictement suivies et que, dès lors, il n’y avait pas matière à une élection au sens
usuel du terme. Il s’agissait, en réalité, d’identifier les huit pays possédant les flottes de
commerce les plus importantes, que l’Assemblée serait par la suite tenue de désigner. Lors
des débats qui ont eu lieu avant l’élection, les représentants des Etats ont avancé divers
arguments à ce propos. Le problème du lien substantiel entre l’Etat et la flotte n’a été abordé
qu’indirectement 494, notamment par des arguments remettant en cause l’intérêt porté par le
Panama et le Libéria à la sécurité maritime, ainsi que l’appartenance effective des navires
panaméens et libériens à leurs Etats respectifs. L’Assemblée a finalement adopté le projet de
résolution présenté par le Royaume Uni, et ni le Panama ni le Libéria ne furent dès lors élus
parmi les membres du Comité, ce qui a incité le Libéria à soumettre à la Cour pour avis
consultatif les points de droit soulevés par l’interprétation de l’article 28.
224. La Cour s’est demandée si l’Assemblée disposait ou non d’un pouvoir
discrétionnaire quant au choix des pays ayant un intérêt important dans la sécurité maritime et
possédant les flottes de commerce les plus importantes. Sur la base d’une interprétation
systémique et après avoir étudié les travaux préparatoires de l’article 28, elle a précisé le sens
du mot « élus ». Selon son interprétation, la structure générale de l’article démontrait que les
huit pays possédant les flottes de commerce les plus importantes devaient nécessairement être
appelés au Comité, l’Assemblée ne disposant en l’occurrence d’aucun pouvoir discrétionnaire
quant à leur « élection ». L’intérêt de chacun de ces huit pays pour la question de la sécurité
maritime n’avait pas à être contrôlé, car il allait de soi. La seule fonction de l’Assemblée était

494
Selon le représentant du Royaume Uni, au cours de la septième séance de l’Assemblée tenue le 14 janvier
1959, il n’était pas question de s’attaquer au problème des pavillons de complaisance qui sortait du cadre du
débat mais de choisir huit pays, qui avaient un grand intérêt à la sécurité maritime d’une part et possédaient les
flottes de commerce les plus importantes d’autre part. La question du nom et de la nationalité des propriétaires
ou des actionnaires des compagnies maritimes ne devrait pas intervenir en la matière car elle introduisait un
critère inutilement compliqué.

168
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

donc de déterminer quels étaient les huit membres qui possédaient les flottes de commerce les
plus importantes.
La Cour a, par la suite, interprété la phrase « possession de flotte de commerce la plus
importante ». Selon son interprétation le critère objectif en la matière était le tonnage de la
flotte appartenant à chaque pays. Restait à préciser le sens de l’expression « tonnage qui leur
appartienne ». Selon la Cour, deux significations étaient possibles : il s’agissait soit du
tonnage appartenant réellement aux ressortissants de l’Etat soit du tonnage immatriculé dans
l’Etat du pavillon. Après avoir examiné la pratique suivie dans l’application des divers articles
de la convention se référant à un tel critère, la Cour a conclu qu’il s’agissait uniquement du
tonnage immatriculé. Elle a jugé très improbable qu’un autre critère ait pu être envisagé lors
de la rédaction de l’article 28, notamment des critères « inutilement compliqués » 495 tels que
la nationalité des actionnaires ou de telles autres personnes réellement propriétaires d’un
navire de commerce.
225. La Cour a par ailleurs souligné – et il s’agit là, à notre avis, de l’unique passage de
l’avis pouvant avoir une implication réelle sur la question de la valeur juridique du lien
substantiel – qu’« une pareille méthode […] ne trouve aucun fondement dans la pratique
internationale, ni dans la jurisprudence et la doctrine internationales, ni dans la terminologie
maritimes, ni dans les conventions internationales traitant de la sécurité en mer, ni dans la
pratique suivie par l’Organisation elle-même pour appliquer la Convention. […] Le critère
du tonnage immatriculé est le plus conforme à la pratique internationale et aux usages
496
maritimes » . Le lien substantiel per se n’est mentionné qu’à la fin de l’avis et seuls deux
paragraphes lui sont consacrés, qui ne visent qu’à écarter la question497. La Cour a évoqué
l’argument selon lequel, pour apprécier l’importance de la flotte de chaque pays, l’Assemblée
était autorisée à prendre en considération le lien substantiel prévu par la convention de
Genève – alors non encore entrée en vigueur. Elle a toutefois considéré qu’il n’y avait pas lieu
d’examiner la thèse du lien, puisqu’elle avait préalablement jugé que le tonnage immatriculé
pouvait seul être pris en considération dans la détermination des pays concernés. Elle a donc
conclu que l’Assemblée ne s’était pas conformée à l’article 28(a). Malgré les objections de

495
CIJ, Composition du Comité de la Sécurité Maritime de l’OMCI, op. cit. note 491, p. 157.
496
Ibidem, p. 169.
497
Ibid., p. 171 : « la Cour étant parvenue à la conclusion que la détermination des pays possédant les flottes de
commerce les plus importantes relève uniquement du tonnage immatriculé dans ces pays, il n’ y a pas lieu
d’examiner plus avant la thèse du lien substantiel en vue de répondre à la question soumise à la Cour pour avis
consultatif ».

169
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

certains juges qui sont exprimées dans leurs opinions dissidentes 498, elle a jugé que ce critère
lui semblait « pratique, certain et facilement applicable » 499.
226. Les commentateurs de l’avis ont été divisés entre ceux qui y ont vu un abandon
définitif du lien substantiel 500 et ceux qui ont estimé que la Cour ne s’était pas prononcée sur
son bien-fondé 501. Dans l’ensemble, la décision de la Cour a été fortement critiquée 502. La
majorité des critiques ont souligné que la Cour avait eu tort de laisser croire que l’intérêt pour
la sécurité maritime pouvait reposer uniquement sur la formalité administrative de
l’immatriculation. Elle aurait dû vérifier si l’exclusion du Panama et du Libéria n’était pas
justifiée par un grave manque d’intérêt pour la sécurité maritime 503.
227. Il convient de signaler que l’avis n’a pas été appliqué à la lettre par l’OMCI. Certains
Etats 504 ont jugé le critère proposé par la Cour inopportun et ont suggéré que l’article 28 (a)

498
Dans leurs opinions dissidentes MM. KLAESTAD (président) et MORENA QUINTANA ont exposé
diverses objections. Seule celle du juge QUINTANA considérait véritablement la question du lien substantiel.
En effet, il a interprété la phrase concernant la possession de la flotte importante de manière différente de la
Cour. Il a souligné qu’elle devait avoir « une signification réelle touchant la navigation maritime commerciale
internationale » et non pas celle des « chiffres des tableaux statistiques ». Il considérait, dès lors, que la
possession d’une flotte marchande n’était pas une question identique à celle de l’enregistrement des navires fait
par une autorité administrative, mais qu’elle traduisait, en revanche, une réalité économique internationale que
seul un lien substantiel d’attachement du propriétaire d’un navire au pavillon qu’il porte pouvait établir de
manière satisfaisante. Il se référait par ailleurs expressément à l’article 5 de la convention de 1958, en indiquant
qu’il s’agissait désormais d’une obligation internationale à la charge du droit international exprimant l’opinio
juris gentium en la matière. Selon le juge, la marine marchande obéissant « aux besoins inéluctables de
l’économie nationale » et le pavillon étant « le symbole suprême de la souveraineté nationale », il devrait
représenter « le degré d’indépendance économique d’un pays » et non pas « les intérêts de tierces personnes ou
sociétés ». Il concluait ainsi à la conformité de l’élection du Comité à la convention. Voy. CIJ Recueil 1960, p.
177.
499
Ibidem, p. 169.
500
Voy. par exemple BOCZEK (B. A.), op. cit. note 58, pp. 125-155; Pour BOCZEK, cette décision a
essentiellement mis fin à la notion du lien substantiel en relation avec le statut légal des pavillons de
complaisance. Sa position est que, selon la pratique universelle, le registre est le seul test acceptable de la
nationalité d’un navire.
501
GOLDIE (L. F. E.) « Flags of convenience », ICLQ, vol. 12, 1963, pp. 989-1004; GOLDIE soutient que la
portée de la décision a été beaucoup moins large et que la Cour s’est en réalité abstenue de prendre en
considération tout argument concernant la libre immatriculation. Pour lui, cette décision concernait uniquement
des questions d’interprétation des traités et non pas des droits substantiels des Etats d’après le droit international
général. Voy. également DE VISSCHER (CH.), Les effectivités du droit international public, op. cit. note 320, p.
143 ; l’auteur souligne que la Cour a écarté le critère du lien substantiel « non de façon absolue, mais pour les
besoins de l’espèce », autrement dit pour des raisons de praticabilité. Dans le même sens, TOUSCOZ (J.), Le
principe d’effectivité dans l’ordre international, op. cit. note 309, p. 220.
502
COLLIARD (C. A.), « Commentaire de jurisprudence internationale : L’avis consultatif relatif à la
composition du Comité de Sécurité maritime de l’Organisation Intergouvernementale consultative de la
navigation maritime du 8 juin 1960- C.I.J Recueil 1960, p. 150 », AFDI, 1960, p. 351. D’autres critiques de la
position de la Cour reposaient sur l’argument que l’avis était erroné en considérant le concept du lien substantiel
non relatif au contexte de l’affaire. Pour une position entre les deux voy. DE VISSCHER (C.), Les effectivités du
droit international public, op. cit. note 320, p. 144.
503
Voy. dans ce sens RENTON (D.), op. cit. note 50, p. 128.
504
Espagne (A IV/32 Annex I) ; Pakistan (A IV/28 Add. I) ; Yougoslavie ( A IV/28 Annex II); Madagascar (A
IV/28); in Proceedings of the I.M.C.O, London, 1965 cités par RENTON (D.), op. cit. note 50, p. 129.

170
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

soit modifié, ce qui fut d’ailleurs le cas 505. Ainsi, le Liberia a-t-il été membre du Comité en
1965 et en 1969, contrairement au Panama. En 1969, lors de sa nouvelle candidature, le
Liberia a insisté sur le fait qu’il exerçait une juridiction et un contrôle effectifs sur les navires
battant son pavillon. En revanche, le Panama n’avait justifié sa candidature que par les
critères suivants : tonnage immatriculé, absence au sein du Comité jusqu’alors, présence du
Canal du Panama sur son territoire 506.
228. Cet avis a servi d’argument à ceux qui soutenaient que le lien substantiel n’avait ni
un contenu précis ni une véritable valeur juridique. Et pourtant la Cour n’a fait qu’interpréter
l’article d’une convention de manière systématique et téléologique 507, en écartant
expressément la question du lien substantiel. Elle n’a pris aucune position sur la valeur
juridique de ce lien, tel qu’il y est fait référence dans la convention de 1958. Il lui était loisible
d’insister sur l’importance de cette exigence en la considérant comme une norme coutumière
et en lui attribuant la valeur d’une obligation internationale générale. Elle aurait pu le faire,
non seulement en répondant expressément à l’argument évoqué, mais aussi en faisant état de
ce lien lors de l’examen de la « pratique internationale, la jurisprudence et la doctrine
internationales, la terminologie maritime et les conventions internationales ». Elle s’est
toutefois contentée de souligner que le critère du tonnage immatriculé était conforme à la
pratique internationale et que celui de la nationalité des propriétaires des navires n’y trouvait
pas appui.
229. Cette analyse montre que la Cour n’a pas considéré le lien substantiel comme une
obligation coutumière du droit international liant les Etats de pavillon, et qu’elle ne savait pas
quel contenu précis lui attribuer. Elle ne préjuge toutefois pas de la question de savoir quelle
était pour la Cour sa portée, en tant que règle prévue par une convention internationale. Il
serait donc erroné d’affirmer que cet avis remet explicitement en cause l’exigence du lien
505
Modification du 28 septembre 1965 (A IV/SR 13) citée par RENTON (D.), ibidem, p. 130. Désormais le
Comité de Sécurité doit être composé de 16 membres élus parmi les pays portant un intérêt important à la
sécurité maritime dont 8 doivent être élus parmi les 10 plus grands Etats maritimes, 4 choisis afin de représenter
l’Afrique, l’Amérique, l’Asie et l’Europe et 4 d’autres Etats. M. RENTON suggère que si la Cour était appelée à
rendre un nouvel avis sur l’article 28 (a) tel que modifié en 1965, la solution adoptée serait probablement
différente puisque la lettre de l’ancien article laissait entendre que l’élection des 8 plus grands pays maritimes
selon le tonnage immatriculé était obligatoire. En revanche, l’article modifié semble laisser une plus grande
marge de discrétion à l’Assemblée. Selon M. RENTON, l’Assemblée ne devrait toutefois pas utiliser cette
discrétion afin de camoufler une objection politique ou économique à l’égard des pavillons de complaisance. Le
Comité de la Sécurité Maritime de l’OMI est aujourd’hui composé de tous les membres selon l’article 27
(Nouvelle teneur selon la Résolution de l’Assemblée générale de l’OMCI du 17 oct. 1974, approuvée par l’Ass.
féd, le 24 sept. 1975) et a toujours comme fonction l’examen de toutes les questions qui relèvent de la
compétence de l’Organisations en vertu de l’article 28 (Nouvelle teneur selon la Résolution de l’Assemblée
générale de l’OMCI du 14 novembre 1975, approuvée par l’Ass. féd. le 9 déc. 1980).
506
RENTON (D.), op. cit. note 50, pp. 131-133.
507
Dans ce sens : GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit. note
17, p. 297.

171
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

substantiel. Au mieux, il ne la renforce pas, dans la mesure où il ne la reconnaît pas


expressément comme une norme du droit international général 508.

ii. La jurisprudence du Tribunal International du Droit de la Mer

Parmi les arrêts rendus par le TIDM, seuls quelques uns concernent – indirectement – les
questions du lien substantiel 509 et de la « nationalité » des navires, le plus intéressant
demeurant à ce jour 510 l’arrêt Saiga 2.

a. L’affaire Saiga 2

230. L’affaire Saiga 2 511 jugée en 1999 par le TIDM s’interroge explicitement sur les
conséquences de l’absence d’un lien substantiel et implicitement sur son contenu. En
l’occurrence, était examinée l’arrestation par la Guinée du navire Saiga, pour des violations
commises envers les lois douanières de ce pays. Le navire était immatriculé provisoirement à
Saint-Vincent-et-les-Grenadines (ci-après Saint-Vincent), appartenait à une société chypriote,

508
Dans ce sens, MARSIT (M. M.), « Le juge international et le pavillon », in Colloque Le pavillon, Institut du
droit économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, p. 65 : « Je crains, à mon sens, que notre éminent Professeur
[Colliard] ait poussé ses critiques un peu trop loin ».
509
Des quinze affaires qui ont été soumises jusqu’à présent au Tribunal, cinq pourraient être considérées comme
plus ou moins pertinentes par rapport aux questions en cause. Quatre parmi elles ont été rendues dans le cadre
d’une procédure de prompte mainlevée et la réalité est que leur apport en matière de « nationalité » des navires
est minime.
510
L’affaire du navire Louisa, 18ème affaire devant leTIDM, soulèvera sans doute des questions originales quant
à la « nationalité » des navires (TIDM, Affaire du navire Louisa, Saint-Vincent-et-les-Grenadines c/ Royaume
d’Espagne). L’affaire a été introduite le 23 novembre 2010 par Saint-Vincent-et-les-Grenadines contre l’Espagne
et concerne l’immobilisation sans caution du navire Louisa et de son bateau annexe, le tender Gemini III. Si la
« nationalité » vincentaise du premier n’est pas contestée, celle du navire tender (ravitailleur) n’est pas
clairement établie. Ce dernier n’a jamais battu le pavillon du demandeur ; il semble battre le pavillon étatsunien,
tandis que l’Espagne montre que l’armateur avait initié les démarches pour demander le pavillon espagnol. Il
sera dès lors très intéressant de savoir si le Tribunal va prendre en considération l’argument de « l’unité
d’équipage et de navire » soulevé par Saint-Vincent quant au navire tender, ou s’il va considérer qu’il n’est pas
compétent pour ce qui concerne l’immobilisation du Gemini III, compte tenu du fait qu’il ne bat pas le pavillon
du demandeur et qu’il est matériellement autonome. Dans son ordonnance du 23 décembre 2010, le Tribunal a
relégué la question à un stade ultérieur de la procédure (§ 45). Le juge WOLFRUM souligne toutefois dans son
opinion dissidente que le TIDM n’a pas compétence pour ce qui concerne Gemini III, dès lors que dans sa
déclaration au titre de l’article 287, Saint-Vincent restreint l’exercice de la compétence du Tribunal à « ses »
navires (point 16). Il en va de même pour le juge GOLITSYN (p. 1 de son opinion dissidente). Quoiqu’il en soit,
le Tribunal a accepté sa compétence prima facie (ordonnance du 23 décembre 2010) et a fixé les délais de
présentation du mémoire de Saint-Vincent (11 mai 2011) et du contre-mémoire espagnol (11 octobre 2011) par
ordonnance du 12 janvier 2011. L’arrêt abordera assurément plusieurs questions délicates, le demandeur
invoquant la violation par l’Espagne de ses obligations internationales concernant « a) l’exercice de ses droits
souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources biologiques de la zone
économique exclusive, b) la liberté de la haute mer, c) ses obligations visant à protéger et à préserver le milieu
marin, d) l’exercice de son droit exclusif de réglementer, d’autoriser et de mener des recherches scientifiques
marines dans sa mer territoriale, et e) la protection de l’héritage culturel sous-marin » (voy. exposé de
l’Espagne du 8 décembre 2010, § 56).
511
Arrêt Saiga 2 du 1er juillet 1999. Il s’agit de la deuxième affaire soumise au Tribunal (la première étant l’arrêt
M/V Saiga n° 1, du 4 décembre 1997 ordonnant la prompte mainlevée du navire ; la suite de cette affaire est
Saiga 2, l’affaire examinée ci-dessus) et la première issue par lui sur le fond.

172
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

était géré par une société écossaise et affrété à une société suisse ; l’équipage et les officiers
étaient tous ukrainiens. Le propriétaire de la cargaison était de nationalité suisse. Saint-
Vincent, Etat du pavillon du navire, soutenait que l’arrestation était contraire au droit
international et que les actions de la Guinée violaient – entre autres – les articles 56 § 2 et 58
de la convention de Montego Bay, relatifs aux droits et obligations de l’Etat côtier et des
autres Etats dans la ZEE.
231. La première exception d’irrecevabilité soulevée par la Guinée concernait
l’immatriculation du navire. La Guinée soutenait que Saint-Vincent n’avait pas qualité pour
soumettre ses demandes au Tribunal, car le navire « n’était pas valablement immatriculé sous
son pavillon ». Le Tribunal a commencé par rappeler que les Etats étaient libres de décider
des conditions auxquelles ils attribuaient leur nationalité, comme le prévoit l’article 91 de la
Convention de Montego Bay. Il a également souligné que la question de la nationalité du
navire était dès lors une question de fait qu’il convenait de trancher sur la base des moyens de
preuve produits par les parties. Si le Tribunal s’appuyait sur l’article 91, il a mentionné
uniquement la compétence exclusive de l’Etat dans l’attribution de sa nationalité à des navires
comme une règle bien établie du droit international général 512. Il n’accordait donc
manifestement pas la même valeur juridique à l’exigence d’un lien substantiel.
Le Tribunal a ensuite examiné les moyens de preuve apportés par Saint-Vincent afin de
démontrer qu’il était bien l’Etat du pavillon du navire en cause, selon sa loi sur la marine
marchande et plusieurs autres indications. Parmi ces dernières se trouvaient l’inscription au
port d’attache de Kingstown, les documents de bord et la charte partie mentionnant la
nationalité vincentaise. Il semblait en résulter que le navire jouissait bien de cette nationalité,
ce qui s’appuyait également sur le fait que Saint-Vincent avait agi en tant qu’Etat du pavillon
au cours de toutes les phases de l’instance 513. Ainsi la charge de la preuve passait-elle de
Saint-Vincent à la Guinée. Le Tribunal a jugé que celle-ci ne s’était pas acquittée de cette
charge, compte notamment tenu du fait qu’elle n’avait pas contesté l’immatriculation ou la
nationalité du navire avant le dépôt de son contre-mémoire 514. Le Tribunal en a conclu que

512
En effet le Tribunal affirme : « L’article 91 laisse à chaque Etat une compétence exclusive en matière
d’attribution de sa nationalité à des navires. A cet égard, l’article 91 codifie une règle bien établie du droit
international général. » (§ 63 de l’arrêt Saiga 2 – c’est nous qui soulignons). On remarque que selon le Tribunal
cette partie de l’article 91 codifie une règle coutumière (à cet égard). A contrario nous pouvons penser que cela
n’est pas le cas de la disposition sur le lien substantiel.
513
Arrêt Saiga 2, §§ 67-68.
514
Ibidem, §§ 69, 72 et 73. En effet, la Guinée n’avait jamais contesté, ni explicitement ni pas son comportement
antérieur, l’immatriculation ou la nationalité du navire avant le dépôt de son contre-mémoire en octobre 1998.
De plus, les autorités de la Guinée avaient désigné Saint-Vincent-et-les-Grenadines comme étant civilement
responsable et devant être cité à comparaître dans la cédule de citation par laquelle des poursuites pénales
avaient été engagées contre le capitaine.

173
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

« dans les circonstances particulières de l’espèce, il ne serait pas conforme à la justice qu’il
renonce à examiner le fond du différend » 515. Cette affirmation lui a permis de rejeter la
première exception d’irrecevabilité, sans toutefois se fonder uniquement sur la validité de
l’immatriculation et de la nationalité vincentaises, qu’il n’a reconnues qu’implicitement.
232. La deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par la Guinée tenait à l’absence de
tout lien substantiel entre le Saiga et Saint-Vincent 516. La Guinée soutenait qu’en absence
d’un tel lien, elle n’était pas tenue de reconnaître la nationalité du navire et que le demandeur
ne pouvait dès lors pas valablement déposer une requête pour violation du droit de navigation.
Les arguments des parties se placent véritablement au cœur du débat concernant la nature et le
contenu de l’exigence du lien substantiel. La Guinée soutenait qu’en l’absence d’une
compétence normative et d’exécution de l’Etat du pavillon sur le propriétaire ou l’exploitant
du navire, le lien substantiel était inexistant. Ce à quoi Saint-Vincent répondait que rien dans
la convention n’appuyait l’argument selon lequel l’existence d’un tel lien était une condition
préalable à l’attribution de la nationalité, tout en contestant l’absence de tout lien substantiel
en son chef avec le navire Saiga.
233. Le Tribunal s’est posé deux questions relatives au lien substantiel. Il s’est d’abord
interrogé sur le point de savoir si l’absence de lien substantiel entre un Etat de pavillon et un
navire donnait le droit à un autre Etat de refuser de reconnaître la nationalité du navire. Il s’est
prêté à une interprétation historique, systématique et téléologique de l’article 91 de la
convention de Montego Bay pour arriver à la conclusion que l’exigence du lien substantiel a
été prévue dans le but de s’assurer que l’Etat du pavillon s’acquittera efficacement de ses
obligations, et non d’établir des critères susceptibles d’être invoqués par d’autres Etats pour
contester la validité de l’immatriculation de navires dans l’Etat de pavillon 517. Il a donc décidé
qu’il n’existait pas de base juridique pour soutenir l’argument de la Guinée, se fondant sur
l’absence de lien substantiel entre le navire et Saint-Vincent 518.
234. Cette conclusion a conduit le Tribunal à ne pas examiner la deuxième question qui
était posée – et qui aurait été la plus pertinente pour les besoins de notre étude. Il s’agissait en
effet de savoir s’il existait un lien substantiel entre le navire Saiga et Saint-Vincent au

515
Ibid., § 73. C’est, par ailleurs, grâce à ce raisonnement que certains juges, notamment le juge MENSAH, le
juge NELSON, le juge CHANDRESAKHARA RAO, le juge ANDERSON et le vice-président WOLFRUM ont
accepté de voter pour le rejet de l’exception. En effet, ce n’est qu’à la lumière des circonstances particulières de
l’espèce et du raisonnement en vertu duquel le non rejet de l’exception d’irrecevabilité résulterait à une injustice
à l’égard de ceux qui avaient souffert le plus de l’arraisonnement du navire, que ces juges ont voté pour le rejet
de l’exception en cause.
516
Le Tribunal a examiné la question aux §§ 75-88 de l’arrêt Saiga 2.
517
Arrêt Saiga 2, § 83.
518
Ibidem, § 86.

174
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

moment de l’incident. Le Tribunal a estimé qu’il n’était pas nécessaire de lui apporter une
réponse. Il a néanmoins remarqué que les éléments fournis par la Guinée ne suffisaient pas à
démontrer le défaut de lien substantiel entre le navire et Saint-Vincent. Ce dernier avait
invoqué divers faits qui, selon lui, prouvaient l’existence d’un tel lien : le propriétaire du
Saiga était représenté à Saint-Vincent par une société constituée et établie dans ce pays ; le
navire était soumis au contrôle des autorités vincentaises pour ce qui concerne le respect des
dispositions de diverses conventions internationales 519 ; l’adoption des dispositions pour la
supervision régulière du navire en matière de sécurité en mer ; la préférence accordée aux
ressortissants vincentais en vertu des lois du pays pour la constitution de l’équipage des
navires battant son pavillon et les efforts déployés par ses autorités pour assurer une
protection au Saiga sur le plan international avant le présent différend et tout au long de celui-
ci 520.
235. Il est évident que l’ensemble des éléments mentionnés par Saint-Vincent pourraient
permettre d’identifier le contenu potentiel du lien substantiel en tant que condition
d’immatriculation. On y trouve des éléments relatifs au contrôle étatique sur le navire mais
aussi des éléments matériels témoignant du rattachement entre l’Etat du pavillon et le navire.
Si le TIDM avait retenu ces éléments comme preuve d’un lien substantiel ou encore s’il les
avait expressément considérés comme insuffisants (par exemple parce qu’il n’est pas requis
que le propriétaire du navire ou le capitaine soit un national de Saint-Vincent), le statut
juridique du lien substantiel en tant que condition préalable à l’attribution de la « nationalité »
au navire aurait été affirmé et son contenu partiellement défini 521.
La pertinence de ces éléments n’a cependant pas été discutée par le Tribunal et fut à peine
abordée par les juges dissidents 522. Bien que les questions de la nationalité et de

519
Il s’agissait de la convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), de la
convention Internationale pour la prévention de la pollution par les navires de 1973, telle que modifiée par le
protocole s’y rapportant daté du 17 février 1978 (MARPOL 73/78) et d’autres conventions de l’organisation
maritime internationale auxquelles Saint-Vincent est partie.
520
Arrêt Saiga 2, § 78.
521
Voy. également MAHINGA (J.-G.), « Les affaires du M/V SAIGA devant le tribunal international du droit de
la mer », RGDIP, t. 104, vol. 3, 2000, pp. 695-730. Voy. cependant contra DE LA FAYETTE (L. A.), « ITLOS
and the Saga of the Saiga: Peaceful Settlement of a Law of the Sea dispute », The International Journal of
Marine and Coastal Law, 2000, pp. 353-392, selon lequel le Tribunal a clarifié le sens du lien substantiel.
522
Voy. notamment les opinions dissidentes du juge MENSAH et du vice-Président WOLFRUM qui abordent la
question. Le premier souligne que, malgré le fait que l’article 91 laisse à chaque Etat le droit exclusif de fixer les
conditions de l’attribution de sa nationalité aux navires, il ne permet tout de même pas de penser qu’un navire
pouvait acquérir une nationalité uniquement parce qu’un officier d’un Etat déclare que le navire a une telle
nationalité ; mais il ne mentionne pas une seule fois l’exigence du lien substantiel. Le second se réfère à un lien
permanent établi et confirmé par la convention entre les navires battant un pavillon particulier et l’Etat dont ils
battent le pavillon. Mais dans son analyse, il limite cette notion d’attribution effective aux documents officiels
attribués par l’Etat du pavillon. Il semble ainsi identifier la question de la nationalité du navire à celle de son
immatriculation valide, sans pour autant exiger une autre sorte de lien substantiel.

175
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

l’immatriculation du Saiga aient divisé le Tribunal et furent la cause principale des


nombreuses opinions séparées et dissidentes, la question du lien substantiel n’a pas été
abordée en tant que telle dans ces opinions et ne l’a été que partiellement dans l’arrêt.
L’absence de référence faite par les juges à ce lien et celle d’un examen détaillé de la nature
du rattachement par le Tribunal paraît suggérer que l’attention doit être prioritairement portée
sur les critères et les modalités de l’immatriculation, qui est seule à même – lorsqu’elle est
valable – d’établir la « nationalité » du navire. L’immatriculation valide en droit interne du
navire Saiga n’ayant pas pu être remise en cause par les moyens de preuve apportés par la
Guinée, la « nationalité » vincentaise fut aisément acceptée par le Tribunal.
236. L’arrêt rendu par le TIDM permet ainsi de tirer certaines conclusions claires sur la
« nationalité » des navires, tout en laissant plusieurs points dans le doute. Premièrement, il est
affirmé sans ambiguïté que les Etats sont entièrement libres pour déterminer les conditions
d’attribution de leur « nationalité » et qu’une immatriculation valable suffit a priori pour
prouver cette « nationalité ». Lorsque la validité interne de l’immatriculation peut être pour
partie remise en cause – en l’occurrence le certificat provisoire d’immatriculation avait expiré
avant la délivrance du certificat définitif – le comportement global de l’Etat du pavillon doit
pouvoir être pris en compte pour étayer la conclusion que le navire a conservé la
« nationalité » en cause. Deuxièmement, il est certain que l’absence d’un lien substantiel ne
peut pas être invoquée pour contester la validité de l’immatriculation – et donc de la
« nationalité » – d’un navire. Les Etats tiers sont tenus de reconnaître la « nationalité » d’un
navire valablement immatriculé dans l’Etat du pavillon. Pour ce qui concerne le contenu et la
valeur juridique de l’exigence d’un lien substantiel, l’arrêt Saiga 2 n’apporte en revanche pas
de clarifications. Si le Tribunal précise que « les éléments de preuve produits par la Guinée ne
suffisent pas pour étayer sa thèse selon laquelle il n’existait pas de lien substantiel entre le
navire et Saint-Vincent-et-les-Grenadines » 523, il ne se prononce ni sur la pertinence d’un tel
argument ni sur le contenu éventuel de ce lien. Il se contente d’énoncer le « but » de cette
exigence, qui est « d’assurer un respect plus efficace par les Etats du pavillon de leurs
obligations » 524, sans rien préjuger sur la manière de procéder pour satisfaire à cet objectif.
Pour éviter les conclusions hâtives, il convient toutefois de souligner qu’à l’instar de l’avis
consultatif de la CIJ, l’arrêt ne concernait directement ni la nature du rattachement de Saiga à
Saint-Vincent ni la régularité de la « nationalité » accordée. Le lien substantiel ne tombait
donc pas dans le champ immédiat d’analyse du Tribunal. Par ailleurs, la répétition de la

523
Arrêt Saiga 2, § 87.
524
Ibidem, § 83.

176
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

phrase « dans ces circonstances particulières » dans l’arrêt et les opinions des juges suffit à
démontrer qu’ils n’entendaient pas se lancer dans une analyse ou une interprétation générale
de l’article 91 de la convention de Montego Bay. Autrement dit, comme la CIJ dans son avis
consultatif, le Tribunal aurait pu renforcer la valeur juridique du lien substantiel et ne l’a pas
fait, sans pour autant expressément abandonner cette exigence.

b. Les autres affaires du TIDM

237. Le Tribunal fut à nouveau amené à se prononcer sur la validité/opposabilité de


l’immatriculation et de la « nationalité » d’un navire dans d’autres affaires. La première est
celle du Grand Prince rendue en 2001 et opposant le Belize à la France 525. Il s’agissait d’une
demande de prompte mainlevée du navire de pêche Grand Prince, battant le pavillon du
Belize au moment de son arraisonnement par les autorités françaises. L’appartenance
effective du navire posait problème puisque, selon le certificat d’immatriculation provisoire et
l’acte de vente, les propriétaires étaient béliziens, alors que, selon le certificat de
classification, ils étaient espagnols. La question de la « nationalité » du navire a été posée
dans le cadre de l’examen par le Tribunal de sa compétence et de la recevabilité de la
demande dès lors qu’en vertu de l’article 292 de la convention de Montego Bay seul l’Etat du
pavillon ou la personne habilitée par lui est en droit de solliciter la mainlevée.
Le Tribunal s’est ainsi livré d’office à un contrôle similaire à celui qui a été effectué dans
l’affaire Saiga 2. Il a étudié les différents documents 526 soumis par les parties et conclu que
ceux-ci laissaient apparaître des « contradictions et incohérences qui soulèvent un doute
raisonnable quant à la condition juridique du navire au moment où la demande a été faite »
527
. Le Tribunal a rappelé sa jurisprudence Saiga 2 selon laquelle la nationalité du navire est
une question de fait. Par la suite, il semble toutefois avoir suivi un raisonnement légèrement
différent. Les arguments de Belize étaient similaires à ceux de Saint-Vincent : malgré
l’expiration de la patente provisoire de navigation et son non-renouvellement par les autorités
d’immatriculation, le navire avait la nationalité bélizienne dès lors qu’il était toujours
considéré comme immatriculé au Belize. La situation du Grand Prince était cependant plus

525
Affaire Grand Prince, Belize c/ France, arrêt du 20 avril 2001.
526
Il s’agissait de la patente provisoire de navigation et d’une attestation de l’autorité d’immatriculation
bélizienne (IMMARBE) et d’une lettre de l’Attorney General de Belize affirmant toutes l’immatriculation du
navire au registre de Belize, ainsi que d’une lettre adressée par le Ministre des affaires étrangère du Belize à
l’ambassade de la France au Salvador affirmant la radiation du navire du registre bélizien comme sanction à la
violation effectuée et d’une lettre adressée par IMMARBE au Consul honoraire de la France à Belize revenant
sur la décision précédente de radiation immédiate après demande des propriétaires du navire.
527
Affaire Grand Prince, op. cit. note 525, § 76.

177
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

complexe que celle du Saiga. En effet, outre l’expiration du certificat provisoire, la radiation
du navire avait été prononcée par l’autorité d’immatriculation bélizienne (ci-après
INMARBE), en raison des violations de règles sur la pêche dont il s’était rendu coupable. Le
Belize soutenait que l’immatriculation avait été rétablie, suite à l’autorisation donnée aux
propriétaires du navire d’introduire un recours de prompte mainlevée au nom de l’Etat du
pavillon. Le Tribunal a estimé que cette affirmation n’était pas justifiée, les moyens de preuve
apportés par le Belize n’étant pas suffisants pour conclure qu’il était effectivement l’Etat du
pavillon. Il a notamment insisté sur l’absence de « toute mention [du navire] dans les écritures
du registre maritime du Belize » 528 et sur l’acte de radiation du registre 529. Dès lors, le
Tribunal a conclu que, la nationalité bélizienne du navire n’étant pas établie, il était sans
compétence pour connaître de la demande 530.
238. Si l’on compare le raisonnement du Tribunal dans l’affaire Saiga 2 à celui qui a été
suivi dans l’affaire du Grand Prince, deux observations principales s’imposent. Tout d’abord,
dans la deuxième affaire, le Tribunal s’est livré à un examen détaillé des documents soumis à
titre de preuve par les parties, alors que dans la première il s’est contenté d’affirmer qu’il
n’avait pas été établi que le navire en cause avait perdu la nationalité vincentaise – avant de
passer à l’étape plus importante de son raisonnement concernant les circonstances
particulières rendant l’examen du fond nécessaire. Il est possible que les critiques formulées à
ce propos par de nombreux juges (dissidents à Saiga 2) soient à l’origine du contrôle plus
attentif des documents dans le cadre de l’affaire du Grand Prince. Cette dernière affaire était
par ailleurs d’un intérêt bien plus limité que la première, étant donné qu’elle concernait
uniquement la procédure de prompte mainlevée – alors que Saiga 2 donnait pour la première
fois au Tribunal la possibilité de se prononcer sur le fond d’une affaire et d’examiner des
questions délicates concernant l’interprétation de la convention de Montego Bay. La volonté
du Tribunal de se prononcer sur ces questions a peut être influencé sa conclusion quant à la
« nationalité » vincentaise du navire, nécessaire pour établir sa compétence et la recevabilité
de la demande 531.

528
Ibidem, § 86.
529
Ibid., §§ 87 ; 90 et 93.
530
Cf. opinion individuelle émise par le juge TREVES, p. 2, § 2 selon lequel « [les] documents soumis au
Tribunal ne montrent aucune trace de mesure prise par le propriétaire du navire pour prévenir – ou remédier à
– une extinction de l’immatriculation […] ou pour réagir à la sanction de radiation du registre […].
L’impression que l’on tire de cela est que la seule préoccupation du propriétaire du navire était d’obtenir
l’autorisation de présenter au Tribunal une demande au nom du Belize, alors que son esprit était déjà tourné
vers une immatriculation du navire au Brésil. »
531
La même observation peut être faite à propos de l’ordonnance du TIDM du 23 décembre 2010 relative à la
demande de prescription de mesures conservatoires dans le cadre de l’affaire Louisa (op. cit. note 510). Suite à
un raisonnement extrêmement laconique (considérants 69 et 70), le Tribunal reconnaît sa compétence prima

178
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Quoi qu’il en soit, les conclusions tirées de l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire du
Grand Prince renforcent celles qui ont été formulées à propos de l’affaire Saiga 2. La validité
de l’immatriculation du navire constitue l’élément principal – voire unique – que le TIDM
prend en considération pour juger de sa « nationalité ». L’exigence du lien substantiel n’a en
effet aucunement été prise en compte pour ce qui concernait la « nationalité » du Grand
Prince.
239. L’arrêt rendu dans l’affaire Tomimaru 532 opposant en 2007 le Japon à la Russie,
toujours dans le cadre d’une demande de prompte mainlevée, fournit quelques indications
supplémentaires quant à la manière dont le Tribunal juge du rattachement d’un navire à l’Etat
du pavillon. En l’espèce, le Tomimaru avait été confisqué par une décision d’un tribunal
d’instance russe, qui fut confirmée par le tribunal régional et par la Cour Suprême de la
Fédération de Russie. Le défendeur, soutenait, notamment, que la confiscation rendait la
demande sans objet et le Tribunal incompétent, la nationalité japonaise du navire – par
ailleurs non contestée – ayant été modifiée suite à la confiscation. Le demandeur considérait
toutefois que la propriété d’un navire était sans incidence sur sa nationalité, qui en
l’occurrence demeurait japonaise, malgré le changement de propriété. La demande du Japon
était donc recevable.
Le Tribunal a considéré que la confiscation d’un navire n’entraînait ni une modification
automatique du pavillon ni sa perte et que, même si elle changeait la propriété d’un navire,
cette dernière et la nationalité étaient des questions distinctes. Il a rappelé les principes de
l’article 91 et l’importance des obligations prévues par l’article 94 de la convention de
Montego Bay, pour conclure que « compte tenu des fonctions importantes de l’Etat du
pavillon, visées à l’article 94 de la Convention et du rôle central joué par l’Etat du pavillon
pour entamer la procédure de prompte mainlevée de l’immobilisation d’un navire, aux termes
de l’article 292 de la Convention, on ne peut pas tenir pour acquis qu’un changement de

facie, sans pour autant prescrire les mesures conservatoires demandées par Saint-Vincent ; les quatre juges qui
ont voté contre (juges WOLFRUM, TREVES, COT et GOLITSYN) ont toutefois insisté dans leurs opinions
dissidentes sur le fait qu’aucun des articles invoqués par le demandeur (articles 73, 87, 226, 245 et 303 de la
convention de Montego Bay) ne saurait constituer une base de compétence prima facie, n’étant pas applicables
en l’espèce. Le raisonnement des juges dissidents est très convaincant. On peut donc se demander si le souhait
du Tribunal de se prononcer sur le fond de l’affaire (une des rares à ne pas être relative à seule la prompte
mainlevée) n’a pas pu « influencer » son jugement.
532
Affaire Tomimaru, Japon c/ Fédération de Russie, arrêt du 6 août 2007. Pour un commentaire de l’arrêt
OXMAN (B. H.), « The Tomimaru (Japan v. Russian Federation) Judgement, ITLOS Case n° 15 », AJIL, vol.
102, n° 2, 2008, pp. 316-322 et « The Tomimaru Case : Confiscation and Prompt Release », in Maritime
Boundary, Disputes, Settlement Processes, and the Law of the Sea, HONG (S-Y.) & VAN DYKE (J. M.) ed.,
Martinus Nijhoff Publishers, 2009, pp. 277-286.

179
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

propriétaire entraîne automatiquement un changement du pavillon ou sa perte » 533. Il n’en a


pas moins conclu que la demande était sans objet, pour des raisons qui ne nous intéressent pas
directement ici.
240. La décision du TIDM ne porte pas véritablement sur le lien substantiel, mais elle
l’aborde au moins implicitement. Le Tribunal s’appuie en effet sur l’article 91 pour affirmer
la liberté de l’Etat du pavillon de déterminer les conditions d’attribution de sa nationalité,
avec les conséquences importantes qui s’y attachent, mais il ne mentionne pas l’exigence d’un
lien substantiel. Or, un des éléments qui pourrait en constituer le noyau dur est assurément
celui de la nationalité du propriétaire du navire. Le Tribunal, en distinguant clairement
« nationalité » du navire et changement de son propriétaire, semble s’éloigner de cette vision
du lien substantiel pour opter pour une interprétation plus large, acceptant qu’un tel lien existe
chaque fois que les obligations de l’article 94 sont respectées par l’Etat du pavillon. La même
attitude est observée dans les autres affaires similaires examinées par le TIDM 534.
241. Il ressort donc clairement de la jurisprudence du TIDM que la règle de la compétence
exclusive de l’Etat du pavillon pour déterminer les conditions d’attribution de sa
« nationalité » et la présomption de conformité de sa législation nationale au droit
international ne sont pas – et de toute probabilité ne peuvent pas – être remis en cause par
l’absence éventuelle d’un « lien substantiel ». Le Tribunal n’a pas vraiment « besoin »
d’utiliser ce principe inutilement complexe. Il peut tout aussi bien s’appuyer sur les
obligations prévues à l’article 94 de la convention de Montego Bay afin de contrôler les
actions de l’Etat du pavillon, sans chercher à savoir si les conditions d’immatriculation
prévues par cet Etat respectent la limite posée par l’« exigence » d’un lien substantiel. Comme
le remarquait le juge LAING dans son opinion individuelle rendue à l’occasion de l’affaire du
Grand Prince, « l’élément qui semble pratiquement présent d’habitude dans tout ensemble
législatif et toute pratique crédibles, c’est l’élément d’ordre matériel de l’immatriculation,
qui intervient à la suite d’une demande un tant soit peu formelle et détaillée faite à ce

533
Affaire Tomimaru, ibidem, § 70.
534
Dans l’affaire de Juno Trader, opposant Saint-Vincent-et-les-Grenadines à la Guinée-Bissau, dans le cadre
d’une demande de prompte mainlevée d’un navire de nationalité vincentaise (établie avec un certificat
d’immatriculation permanente), ayant un propriétaire britannique et un capitaine russe, le Tribunal n’a que très
sommairement examiné l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur qui soutenait que le Juno Trader
n’avait plus la nationalité vincentaise en raison de sa confiscation par la Guinée-Bissau. Le Tribunal a affirmé,
après une présentation rapide des arguments des parties, que « quel que puisse être l’effet d’un changement
définitif de propriété d’un navire sur sa nationalité, il n’y avait pas de fondement juridique pour affirmer qu’il y
a eu effectivement changement définitif de la nationalité du navire en cause » (§ 63). Pour un examen plus
détaillé de la question, arrivant à la même conclusion que le Tribunal, voy. l’opinion individuelle émise à titre
collectif par les juges MENSAH et WOLFRUM. TIDM, Affaire du navire Juno Trader, Saint-Vincent-et-les-
Grenadines c/ Guinée-Bissau, arrêt du 18 décembre 2004.

180
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sujet » 535. La jurisprudence du TIDM semble donc ignorer, sinon nier, l’exigence d’un lien
substantiel en tant que condition préalable d’attribution d’une « nationalité » à un navire par
l’Etat du pavillon, et notamment en tant qu’obligation distincte de celles qui sont prévues par
l’article 94. Sans doute reconnaît-il la nécessité d’un rattachement juridique entre le navire et
l’Etat du pavillon, mais il ne donne à ce rattachement aucun contenu en dehors du respect par
cet Etat de ses obligations internationales.

B. La jurisprudence arbitrale

i. L’affaire concernant le filetage à l’intérieur du golfe du Saint Laurent

242. Dans un différend franco-canadien de 1986 536, le lien substantiel est expressément
affirmé par le tribunal arbitral comme une limite à l’exercice de la compétence exclusive de
l’Etat. Il y est cependant associé à la juridiction et au contrôle étatiques effectifs. Le différend
concernait l’interprétation de l’accord, signé à Ottawa le 27 mars 1972, relatif aux relations
réciproques entre la France et le Canada en matière de pêche ; plus précisément, il portait sur
son article 4b) visant les navires de pêche français auxquels s’appliquait le système de quotas
prévu 537. Il trouve son origine dans une demande de licence par le chalutier français La
Bretagne, immatriculé à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour procéder à des opérations de pêche à
l’intérieur et à l’extérieur du golfe du Saint-Laurent.
243. Dans cette affaire, le Tribunal arbitral s’est interrogé sur le contenu exact d’une
immatriculation régulière en droit international. Dans ce contexte, il a examiné rapidement la
question de la nationalité du navire. Cette question n’était en effet qu’indirectement évoquée
de manière brève et incidente, le problème juridique posé concernant plutôt le contrôle par
l’Etat côtier de l’activité des chalutiers étrangers en vue de protéger ses ressources
halieutiques. Après avoir observé que les parties auraient pu déterminer avec plus de précision

535
Opinion individuelle du juge LAING, § 2, affaire Grand Prince, op. cit. note 525.
536
Sentence du 17 juillet 1986, § 27. Voy. le texte de la sentence in RGDIP, 1986, pp. 713-786 et pour un
commentaire DIPLA (H.), « L’affaire concernant le filetage à l’intérieur du golfe du Saint Laurent entre le
Canada et la France », AFDI, 1986, pp. 244-268.
537
L’article 4 dispose : « En raison de la situation particulière de Saint Pierre et Miquelon et à titre
d’arrangement et de voisinage : a) les embarcations de pêche côtière française immatriculées à Saint Pierre et
Miquelon peuvent continuer à pêcher dans leurs lieux de pêche traditionnels sur les côtes de Terre-Neuve, et les
embarcations de pêche côtière de Terre-Neuve bénéficient du même droit sur les côtes de Saint Pierre et
Miquelon ; b) les chalutiers français d’une taille maximum de 50 mètres immatriculés à Saint Pierre et Miquelon
peuvent, dans la limite d’une dizaine, continuer à pêcher sur les côtes de Terre-Neuve, de la Nouvelle Ecosse (à
l’exception de la baie de Fundy), et dans la zone de pêche canadienne à l’intérieur du golfe du Saint-Laurent,
sur un pied d’égalité avec les chalutiers canadiens ; les chalutiers canadiens immatriculés dans les ports de la
côte atlantique du Canada peuvent continuer à pêcher sur les côtes de Saint-Pierre et Miquelon sur un pied
d’égalité avec les chalutiers français. » RGDIP, 1986, p. 720.

181
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

les bénéficiaires de l’article 4 en énonçant des exigences relatives à la composition de


l’équipage, à la provenance des capitaux des sociétés d’armement ou au statut des sociétés, le
tribunal a affirmé que l’immatriculation, faite en conformité avec les dispositions de la
législation française, avait été considérée par les parties comme une garantie suffisante contre
tout risque d’exercice abusif de ses droits par la France. Il a rappelé le souci canadien d’éviter
que des chalutiers ayant des équipages et intérêts étrangers, mais immatriculés à Saint-Pierre-
et-Miquelon, puissent profiter de la disposition en cause. Soulignant le refus de la France sur
ce point, il a jugé que cela prouvait que la législation française devait être considérée comme
satisfaisante. Et il a affirmé que « le droit pour un Etat de déterminer par sa législation les
conditions d’immatriculation des navires en général, et des navires de pêche en particulier,
relève de la compétence exclusive de cet Etat, pour autant qu’il existe un lien substantiel
entre l’Etat et les navires et que l’Etat du pavillon exerce effectivement sa juridiction et son
contrôle sur les navires battant son pavillon » 538.
244. On aperçoit, une fois de plus, la contradiction entre le caractère conventionnel de
l’exigence du lien substantiel et son manque de contenu concret. Le Tribunal reconnaît que la
compétence exclusive de l’Etat du pavillon pour fixer les conditions d’attribution de sa
nationalité est limitée par l’exigence d’un lien substantiel, mais, en même temps, il n’en
contrôle aucunement la présence ou l’absence, écartant les critères qui auraient pu le guider en
l’occurrence (nationalité de l’équipage, nationalité des sociétés) et admettant que la législation
française concernant l’immatriculation à Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d’une
présomption de conformité au droit international (dès lors qu’elle est considérée comme une
garantie suffisante contre les abus). Ainsi, applique-t-il à la lettre la règle de la compétence
exclusive de l’Etat du pavillon, sans vérifier préalablement l’existence d’un lien substantiel,
pourtant théoriquement exigé. De plus, il associe lien substantiel et exercice effectif de la
juridiction et du contrôle comme s’il s’agissait d’une seule limite 539. Il convient de souligner à
cet égard que l’exigence d’un « lien substantiel » lié au contrôle effectif apparaît
généralement plus affirmée – et mieux appliquée – lorsque des navires de pêche sont en
cause 540. Cela semble logique dès lors que le domaine de la pêche concerne directement des
intérêts importants des Etats côtiers, des quotas précis leur étant attribués. Compte tenu du fait

538
Ibidem, p. 733.
539
Pour une explication sur cette association en l’espèce voy. ELFERINK (A. G. O), « Chapter 2: On the
genuine link; The genuine link concept : time for a post- mortem ? », in On the Foundations and Sources of
International Law, I.F. Dekker and H.H.G. Post eds, T.M.C. ASSER PRESS, The Hague and the authors, 2003,
pp. 55-57 ; L’auteur souligne que l’intérêt lié au contrôle effectif de la part de l’Etat du pavillon et à
l’élimination des navires sous-normes prime sur la problématique du lien substantiel.
540
Voy. infra § 387.

182
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

que le différend examiné concernait le filetage dans les eaux canadiennes, il n’est pas
étonnant que le Tribunal arbitral se soit attardé plus longuement que d’habitude sur la
question du lien substantiel.

ii. L’affaire I’m Alone

245. L’affaire du navire I’m alone 541 peut sembler prima facie pertinente en ce qui
concerne le contenu du lien substantiel – même si à l’époque des faits celui-ci ne faisait pas
encore partie du droit conventionnel – et les conséquences de son défaut éventuel, mais elle
ne l’est pas. Dans cette affaire, un navire immatriculé au Canada et appartenant à une société
canadienne fut coulé par un navire américain. Le Canada réclamait réparation du dommage
causé au navire, sa cargaison et son équipage, alors que la société canadienne propriétaire du
navire était de facto contrôlée par des nationaux américains. Les deux commissaires, dans leur
rapport final, ont conclu que la destruction du navire constituait un acte illicite, mais ils ont
jugé qu’il n’y avait pas lieu de réparer le dommage qui lui avait été causé, dès lors qu’il était
contrôlé par des ressortissants américains dans le but de contourner la loi des Etats-Unis. Le
raisonnement des commissaires, tout comme l’argumentation des parties 542, montre
clairement qu’en l’occurrence la « nationalité » du navire n’a pas été remise en cause et que le
droit d’agir de l’Etat du pavillon ne fut pas contesté. La propriété effective du navire n’a été
prise en compte qu’afin d’apprécier l’étendue de la réparation qu’il convenait d’octroyer à
l’Etat de « nationalité » du navire. En revanche, il a été affirmé que le navire était britannique
puisque immatriculé sur le registre canadien et que, dès lors, les Etats-Unis devaient s’excuser
auprès du gouvernement canadien pour avoir coulé le I’m alone. L’affaire n’apporte ainsi
aucun élément nouveau en ce qui concerne le lien substantiel en tant que condition
d’attribution ou d’opposabilité d’une « nationalité » 543.

541
Cour permanente d’arbitrage, Affaire I’m alone, Rapport intérimaire conjoint, Canada c/ Etats-Unis, 30 juin
1933 (RSA, vol. III, pp. 1613-1615) et Rapport final conjoint, Canada c/ Etats-Unis, sentence du 5 janvier 1935
(RSA, vol. III, pp. 1616-1618).
542
Les Etats-Unis mentionnaient qu’au vu de la propriété effective américaine du navire, ce dernier ne devait pas
être considéré comme un navire britannique et le Canada répondait que sa « nationalité » britannique était de
jure indiscutable. Cependant, ces arguments étaient très sommaires ; seule la question du pouvoir des
commissionnaires d’examiner quels étaient les bénéficiaires effectifs du navire était véritablement analysée. Pour
la correspondance entre le gouvernement américain et canadien voy. US DEPARTEMENT OF STATE,
Arbitration series 2, I’m alone case, Publications of the department of State, 1931-1935.
543
Voy. dans ce sens FITZMAURICE (G. G.), « The Case of the I’m alone », BYIL, vol. 17, 1937, pp. 82-111;
SANTULLI (C.), Le statut international de l’ordre juridique étatique : étude du traitement du droit interne par
le droit international, op. cit. note 31, p. 173.

183
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

iii. L’affaire du F. OABV

246. La question de l’effectivité du rattachement entre un aéronef et un Etat s’est posée


indirectement dans le conflit opposant la France au Maroc, à la suite du déroutement de
l’avion F. OABV, au bord duquel se trouvaient plusieurs leaders de la rébellion algérienne,
dont M. Ben Bella alors recherché par les autorités françaises 544. Les deux gouvernements ont
porté leur litige devant une Commission d’enquête et de conciliation, appelée à déterminer si
le Maroc « était fondé à soutenir que le déroutement le 22 octobre 1956 de l’avion était
contraire à une règle de droit international public ». Afin d’établir la nationalité française de
l’aéronef – et par conséquent l’application du droit français à l’incident – le gouvernement
français s’appuyait sur son immatriculation en France et l’article 17 de la convention de
Chicago.
Le gouvernement marocain a répondu que la convention de Chicago n’était pas applicable
à l’espèce et qu’à la nationalité française apparente devait être substituée la nationalité
marocaine réelle. C’est ce deuxième argument qui retient l’attention et qui se rapproche de la
problématique du lien substantiel. Le Maroc se fondait sur le fait que l’aéronef était propriété
d’une société marocaine. Argument que réfutait la France en soulignant que la prise en
considération du critère de la nationalité du propriétaire avait été écartée par le droit
international et que les autorités chérifiennes ne pouvaient invoquer aucune législation
marocaine pour démontrer la nationalité marocaine.
247. En raison du brusque retrait du commissaire marocain le 28 février 1958, les travaux
de la Commission ont été interrompus. La doctrine fut cependant unanime à accepter les
positions françaises 545. Il semble en effet que la « nationalité » française de l’aéronef ne
pouvait pas être contestée. Si dans les affaires analogues du droit de la mer, alors que
l’exigence du lien substantiel existe au moins en théorie, la « nationalité » issue d’une
immatriculation est toujours acceptée, cela paraît d’autant plus évident en droit aérien puisque
la convention de Chicago stipule clairement que les aéronefs ont la nationalité de l’Etat
d’immatriculation 546.

544
Voy. « L’affaire du F. OABV, Jurisprudence internationale », AFDI, 1958, pp. 282-295 ; HERBERT (P. P.),
Les problèmes juridiques du rattachement des aéronefs civils à l’Etat, op. cit. note 42, pp. 158-164 ; RENTON
(D.), op. cit. note 50, pp. 146-149.
545
L’auteur qui commente l’affaire dans l’AFDI 1958 cite notamment CHAUVEAU, DE LA PRADELLE, Lord
McNAIR et ACCIOLY concernant la question de l’immatriculation attributive de nationalité en vertu de l’article
17 de la convention de Chicago (« L’affaire du F. OABV », op.cit., p. 284 notes de bas de page 1, 2, 3 et 4).
546
Voy. dans ce sens DE JUGLART (M.), Traité de droit aérien t. 1, LGDJ, Paris, 2e ed., 1989, p. 299 : « Le
certificat d’immatriculation est un instrument d’acquisition de la nationalité ».

184
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

§ 2. La jurisprudence communautaire

248. La jurisprudence de la Cour de justice (des Communautés européennes, devenue


Cour de justice de l’Union européenne après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne) est
plus claire encore en ce qui concerne la « nationalité » des navires/aéronefs. Le lien
substantiel en tant qu’obligation juridique est expressément écarté (B) et les seules limites
acceptées quant à la liberté étatique de fixer les conditions d’immatriculation sont relatives
aux obligations des Etats membres de l’Union européenne. De plus, des critères plus
pertinents que l’exigence vague du lien substantiel, tel l’établissement local de gestion, sont
mis en avant (A).

A. Factortame et ses suites en droit maritime et en droit aérien

249. L’Union européenne a joué un certain rôle en ce qui concerne la « nationalité » des
navires et aéronefs de ses Etats membres, c’est-à-dire les conditions et les effets juridiques de
son attribution. Bien évidemment, le cas de l’Union est très particulier. A mi-chemin entre
une organisation internationale et un Etat fédéral, caractérisée comme un troisième ordre
juridique, elle ne permet pas de tirer des conclusions générales en raison de sa spécificité. Elle
fait toutefois partie de l’ordre juridique international lato sensu et ses Etats membres restent
des Etats souverains, sujets principaux du droit international.
250. Les affaires Factortame 547 tiennent une place particulière en ce qui concerne le
positionnement de l’Union quant à la « nationalité » des navires et à l’exigence d’un lien
substantiel 548. Dans un arrêt du 25 juillet 1991, faisant suite à un renvoi préjudiciel en
interprétation en matière d’attribution de la nationalité aux navires 549, la CJCE a affirmé
« qu’en l’état actuel du droit communautaire la compétence pour déterminer les conditions
d’immatriculation des bateaux appartient aux Etats membres » 550. Dans les années 1980, les
propriétaires espagnols de bateaux de pêche avaient essayé d’exploiter les lois plutôt libérales
du Royaume Uni relatives à l’immatriculation des navires. Ils avaient créé à cet effet des
sociétés au Royaume Uni et acquis ensuite de bateaux de pêche « appartenant » à ces sociétés,

547
CJCE, R c/ Secretary of State for Transport ex p. Factortame, affaire C-221/89, Rec. 1991, p. I-3905 et CJCE,
Commission c/ Royaume Uni, affaire C-246/89, Rec. 1991, p. I-4585. Dans le même sens CJCE, Commission c/
France, affaire C-334/94, Rec. 1996, p. I-1307; CJCE, Commission c/ Ireland, affaire C-151/96, Rec. 1997, p. I-
3327et CJCE, Commission c/ Grèce, affaire C-62/96, Rec. 1997, p. I-6725.
548
Dans ce sens: LANGAVANT (E.) & DEWEVRE-FOURCADE (M.), « Jurisprudence communautaire en
matière de droit de la mer », in Collection Espaces et Ressources maritimes, n°5, 1991, Pedone, Paris, pp. 221-
241.
549
CJCE, R c/ Secretary of State for Transport ex p. Factortame, op. cit. note 547.
550
Voy. commentaire RUZIE (D.), « Nationalité, effectivité et droit communautaire », op. cit. note 322, p. 118.

185
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

ayant donc le droit de battre pavillon britannique. Ayant désormais la nationalité britannique,
les prises de ces navires pouvaient dès lors être comptabilisées dans les quotas
britanniques 551. Le Royaume Uni n’a pas tardé à s’en rendre compte. Dans le Merchant
Shipping Act (Acte de Navigation Commerciale) de 1988, il est donc affirmé qu’un bateau de
pêche ne peut être qualifié de britannique – et donc battre pavillon britannique et pêcher dans
les quotas britanniques – que s’il appartient à un sujet britannique. Cela impliquait que si le
propriétaire était une personne physique, il devait être ressortissant du Royaume Uni 552. Sans
surprise, cette loi a été attaquée comme incompatible avec le droit communautaire, tant par les
compagnies maritimes espagnoles devant les tribunaux britanniques qui ont posé une question
préjudicielle à la CJCE que par la Commission européenne directement devant celle-ci. Un
des arguments avancés par le Royaume Uni était que les conditions de l’Acte satisfaisaient
l’exigence du lien substantiel visé à l’article 5 de la convention de Genève. La Cour ne s’est
toutefois guère arrêtée sur l’argument, en observant qu’il ne présenterait une importance que
si les conditions prévues par le droit communautaire en matière d’immatriculation des navires
étaient contraires au droit international, ce qui n’était apparemment pas le cas 553.
Cette réponse de la Cour crée plus de questions qu’elle n’en résout. L’avocat général M.
MISCHO s’était interrogé sur la pertinence de l’argument du gouvernement britannique
concernant l’article 5 de la convention de Genève. Il avait conclu que le Royaume Uni ne
pouvait se baser sur cette convention pour justifier les violations du droit communautaire 554.
De plus, selon l’avocat général, aucune disposition de la convention de Genève n’obligeait le
Royaume Uni à recourir à des conditions déterminées afin d’assurer un lien substantiel avec
les navires battant son pavillon 555. A l’argument du Royaume Uni selon lequel le critère de la
nationalité du propriétaire du bateau reflétait le droit international coutumier que le traité CE
ne pouvait méconnaître, M. MISCHO a répondu que le lien substantiel prévu par la

551
Il s’agit d’une pratique connue sous le nom de « quota hopping ». Les pêcheurs espagnols espéraient ainsi
élargir indirectement leurs quotas assez limités sous la politique commune de pêche de la Communauté
européenne.
552
Si le propriétaire était une société, celle-ci devait avoir son siège social dans le Royaume Uni ; en plus 75%
des parts devait appartenir à des citoyens britanniques résidant et étant domiciliés au Royaume Uni ; les mêmes
conditions devaient être remplies par 75% des directeurs ; enfin le centre du contrôle, de l’organisation et de la
gestion des opérations du navire devait se trouver sur territoire britannique.
553
§ 16 de la décision dans l’affaire C-221/89; § 14 de la décision dans l’affaire C-246/89.
554
En effet, après avoir pris en compte l’article 234 du traité CE qui, selon la jurisprudence communautaire, « a
pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international, que l’application du traité n’affecte
pas l’engagement de l’Etat membre concerné de respecter les droits des Etats tiers résultant d’une convention
antérieure, et d’observer ses obligations correspondantes », l’avocat général a affirmé que « dans la mesure où
le respect des règles du traité dans les relations entre Etats membres ne met pas en cause les droits que des Etats
tiers tirent de la Convention de Genève de 1958, le Royaume Uni ne saurait se prévaloir de cette convention
pour justifier des entorses à ces règles ». Conclusions présentées le 13 mars 1991, § 15.
555
Ibidem.

186
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

convention de Genève ne constituait qu’un principe directeur et que, selon le commentaire de


la Commission de droit international, « il n’était pas possible d’indiquer d’une façon plus
détaillée comment ce lien devait se manifester » 556. Après avoir examiné brièvement la
convention de Montego Bay et celle de 1986 sur l’immatriculation des navires, l’avocat a
conclu que « si le critère de la nationalité du propriétaire correspond à une pratique
internationale assez répandue, on ne peut toutefois pas considérer qu’il fasse partie du droit
international coutumier » 557. Sa conclusion générale allait dans le même sens : « si en matière
d’immatriculation des navires, le droit international impose bien certaines obligations aux
Etats membres, celles-ci sont cependant assez vagues. Le droit international ne définit
notamment pas ce qu’il y a lieu d’entendre par lien substantiel. Il en découle que les Etats
peuvent soumettre l’exercice du droit d’immatriculation à des règles particulières valables
dans les relations entre eux » 558.
La Cour a suivi les conclusions de l’avocat général en affirmant que, dans leur liberté de
détermination des conditions d’attribution de leur nationalité, les Etats devaient respecter le
droit communautaire et que dès lors la législation britannique le violait. En revanche,
l’exigence, comme condition d’immatriculation, que le bateau soit exploité et son utilisation
dirigée et contrôlée à partir du territoire de l’Etat membre du pavillon n’a pas été considérée
comme contraire au droit communautaire.
251. L’avocat général TESAURO avait pris la même position 559 dans une affaire
similaire 560. En l’espèce, était attaquée la législation grecque limitant le droit à
l’immatriculation dans les registres helléniques aux seuls bateaux appartenant à des nationaux
à concurrence de plus de 50% ou à des personnes morales de droit hellénique dont les
capitaux étaient détenus à concurrence du même pourcentage par des Grecs. La République
hellénique se basait sur la convention de Montego Bay et sur la convention de 1986 pour
556
Conclusions présentées le 13 mars 1991 § 17 ; M. MISCHO renvoie à l’annexe I au mémoire en réplique de
la Commission dans l’affaire C-246/89.
557
Ibid., § 18.
558
Ibidem, § 23.
559
Conclusions présentées le 25 septembre 1997, §§ 13-16. M. TESAURO soulignait que l’article 5 de la
convention de Genève ne pouvait pas être interprété comme une règle exigeant pour l’attribution de la nationalité
que le lien substantiel entre le navire et l’Etat prenne une forme particulière. Selon lui, le lien substantiel n’est
pas une véritable condition mais impose une obligation de contrôle résultant de l’attribution de la nationalité que
l’Etat du pavillon est tenu d’exercer. Il serait donc logique de demander que le centre de gestion et de contrôle du
navire soit installé sur le territoire de l’Etat du pavillon. L’avocat général affirmait également que l’idée de
subordonner l’attribution de la nationalité à un navire à la condition que les ressortissants de l’Etat du pavillon en
soient majoritairement propriétaires était démentie par la version définitive de l’article 5 de la convention de
Genève et que la possibilité de non-reconnaissance de la nationalité d’un navire en l’absence d’un lien
substantiel paraissait exclue par l’article 91 de la convention de Montego Bay. Il a donc conclu que la
nationalité des propriétaires d’un navire n’était pas le rattachement requis par le droit international entre ce
navire et l’Etat du pavillon.
560
CJCE, Commission c/ Grèce, affaire C-62/96, op. cit note 547.

187
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

défendre sa législation. La Cour a répondu que s’agissant des navires utilisés dans le cadre de
l’exercice d’une activité économique, chaque Etat membre exerçant sa compétence de
détermination des conditions d’attribution de sa nationalité, devait respecter l’interdiction
communautaire de discrimination entre ressortissants des Etats membres en raison de la
nationalité. Dès lors, une législation exigeant une nationalité déterminée dans le chef des
personnes propriétaires ou affréteurs d’un bateau violait le droit communautaire 561.
252. Dans une autre affaire Commission c. Pays-Bas du 14 octobre 2004 562, la Cour est
allée plus loin dans le contrôle des législations nationales relatives aux conditions
d’immatriculation d’un navire. En l’espèce, la Commission contestait les mesures
néerlandaises exigeant (comme condition d’immatriculation au registre néerlandais) des
actionnaires, des administrateurs et des personnes physiques chargées de la gestion courante
d’une société propriétaire du navire qu’ils soient des ressortissants communautaires ou EEE.
Les Pays Bas justifiaient leur législation par des motifs d’intérêt général relatifs à la nécessité
d’exercer une juridiction et un contrôle effectifs sur les navires battant pavillon néerlandais.
La Cour a jugé que la condition d’être ressortissant communautaire ou EEE constituait une
entrave à la liberté d’établissement des sociétés propriétaires des navires non justifiée par la
nécessité d’un contrôle effectif. Elle a souligné que l’inspection du navire, l’enregistrement
des données le concernant, la vérification de la qualification de son équipage et les enquêtes
après accident ne sauraient être influencés par la structure du capital social ou des organes
d’administration. Elle a rejeté l’argument des Pays Bas selon lequel un tel régime
d’immatriculation était exigé par les articles 91(1) et 94(1) de la convention de Montego
Bay 563. Les deux arguments du gouvernement néerlandais concernant le lien entre l’Etat du
pavillon et le propriétaire effectif, ultime ayant-droit dans la propriété du navire, furent
également rejetés. Au premier, selon lequel le contrôle effectif était garanti par le lien avec le
propriétaire, la Cour a répondu qu’à ces fins, il suffisait de prévoir que la gestion du navire
doive être assurée à partir d’un établissement situé dans l’Etat du pavillon par un représentant
à l’encontre duquel cet Etat peut intervenir directement. Elle a donné la même réponse au
second, selon lequel la condition de nationalité augmentait les chances d’une juridiction
effective, en soulignant que celle-ci dépend surtout de l’accessibilité pratique de la personne
et non de sa nationalité.

561
Ibidem, § 18.
562
CJCE, Commission c/ Pays-Bas, affaire C-299/02, Rec. 2004, p. I-9761.
563
Voy. dans ce sens, conclusions de l’avocat général LEGER, présentées le 27 mai 2004, §§ 51 à 59 où il
souligne : « nous ne sommes pas convaincus que l’article 91 (1) de la Convention de Montego Bay subordonne
l’immatriculation d’un navire à l’existence d’un lien substantiel préalable entre l’Etat du pavillon et le navire
concerné ».

188
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

253. Dans un sens similaire, en ce qui concerne l’immatriculation des aéronefs, la


Communauté est également intervenue en limitant la liberté absolue des Etats de fixer les
conditions d’attribution de leur « nationalité ». Un arrêt de la CJCE du 8 juillet 1999 564 a
condamné la Belgique pour avoir maintenu dans sa réglementation une disposition en vertu de
laquelle tout étranger – y compris donc les ressortissants communautaires – devait justifier
d’une année de résidence ou d’établissement en Belgique avant de pouvoir y demander
l’immatriculation de son aéronef. La Cour a rappelé son arrêt Factortame et l’interdiction
posée par l’article 6 de toute discrimination fondée sur la nationalité avant de conclure que
« lorsqu’un aéronef constitue un instrument pour l’exercice par un ressortissant
communautaire d’une activité économique comportant une installation stable dans un autre
Etat membre, son immatriculation ne peut être dissociée de l’exercice de la liberté
d’établissement. Dès lors, les conditions posées à l’immatriculation des aéronefs ne doivent
pas comporter de discrimination sur le fondement de la nationalité ni faire obstacle à
l’exercice de cette liberté » 565.
254. La jurisprudence communautaire rejette donc partiellement le concept du lien
substantiel en tant que condition préalable à l’immatriculation d’un navire et refuse de lui
attribuer un contenu se rapportant au critère de la nationalité du propriétaire. Elle adopte une
vision plus pragmatique – et très pertinente à notre sens – en associant cette exigence à la
mise en œuvre des obligations pesant sur l’Etat du pavillon. En ce sens, elle admet comme
condition d’immatriculation l’obligation que la gestion du navire soit principalement assurée
depuis l’Etat du pavillon. Cette condition est nécessaire et suffisante pour assurer un contrôle
effectif du navire de la part de l’Etat du pavillon. Elle permet ainsi d’établir un véritable lien
de rattachement entre ce dernier et le navire en cause. Dès lors, on ne peut certainement pas
affirmer que, selon la vision communautaire, aucun lien réel entre le navire et l’Etat du
pavillon n’est nécessaire. Le registre communautaire Euros, même s’il n’a jamais été réalisé,
démontre que la Communauté ne considère pas l’immatriculation des navires comme une
simple procédure administrative. En effet, il était prévu566que la Commission européenne
pourrait procéder à l’immatriculation des navires marchands déjà immatriculés dans un Etat
membre et qui le resteraient pendant toute la durée de l’immatriculation dans le registre
Euros, pour autant qu’ils soient la propriété d’un ressortissant communautaire. Le lien donc
entre le navire, l’Etat du pavillon et la Communauté européenne était néanmoins recherché.

564
CJCE, affaire C-203/98, Commission c/ Belgique, op. cit. note 266.
565
Ibidem, § 12.
566
JO C 263, 16 octobre 1989, p. 11 ; proposition modifiée du 13 décembre 1991, JO C 19, 25 janvier 1992, p.
10 ; COM(91)54 final.

189
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

Mais la Communauté a considéré que ce lien effectif était atteint par le respect de ses
obligations de la part de l’Etat du pavillon567. La directive 2009/21 du 23 avril 2009
concernant le respect des obligations des Etats du pavillon illustre parfaitement ce parti pris
par l’Union européenne 568.

B. Poulsen et ses suites

255. La CJCE a rendu le 24 novembre 1992 son arrêt dans l’affaire Poulsen 569 à propos de
la question plus précise de savoir si un navire manquant manifestement de tout lien substantiel
avec l’Etat de son pavillon doit néanmoins être considéré comme ayant sa « nationalité ».
Dans cette affaire, un navire battant pavillon panaméen était arrêté dans un port danois sous
l’accusation qu’il avait à bord du saumon capturé en contravention avec des règlements
communautaires. Une des questions préjudicielles posées par le juge danois était de savoir si
le navire en question (Onkel Sam) pouvait être tenu pour panaméen alors que, hors son
immatriculation au Panama, tous les autres éléments de rattachement 570 convergeaient vers le
Danemark.
Par cette question, les autorités danoises mettaient en cause la véritable nationalité du
navire, en l’absence d’un lien substantiel avec le Panama en tant qu’Etat du pavillon.
Implicitement la question allait même au-delà de cette contestation. D’une part, le Danemark
semblait dire que le navire devrait avoir sa nationalité dès lors que les éléments de
rattachement convergeaient tous vers lui. D’autre part, la nationalité panaméenne était
contestée non seulement parce qu’elle était complaisante mais aussi parce que le propriétaire
Poulsen l’avait choisie afin d’échapper aux interdictions communautaires relatives à la pêche
au saumon. Pourtant, et malgré ce dernier aspect du problème, la Cour a refusé de répondre
par la négative 571. Considérant « qu’en vertu du droit international un bateau n’a en principe
qu’une seule nationalité, à savoir celle de l’Etat dans lequel il est enregistré », la Cour a
indiqué qu’un Etat membre ne peut considérer comme ayant sa propre nationalité un navire
qui bat le pavillon d’un Etat tiers, et ce « alors même que le seul lien rattachant le bateau à

567
Voy. dans ce sens : BELLAYER-ROILLE (A.), « Le contrôle par l’Etat du pavillon : vers des conditions
communautaires d’immatriculation ? : Etude de la proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil
concernant le respect des obligations des Etats du pavillon, COM(2005) 586 final du 23 novembre 2005»,
ADMO, vol. 25, 2007, pp. 225-247.
568
Sur cette directive voy. infra § 389.
569
CJCE, « Poulsen » Anklagemyndigheden c/ Peter Michael Poulsen et Diva Navigation Corp, affaire C-
286/90, Rec. 1992, p. I-6019.
570
Notamment la propriété, l’équipage et le port d’attache.
571
Voy. VERHOEVEN (J.), « Abus, fraude ou habileté? A propos de l’arrêt Poulsen (CJCE) », dans La loyauté,
Mélanges E. Cerexhe, 1996, p. 407.

190
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

l’Etat, dont il a la nationalité, est la formalité administrative de l’enregistrement ». La Cour a


souligné que chaque Etat fixait les conditions d’attribution de sa nationalité avec une
« discrétion absolue» 572. La Cour semble donc affirmer non seulement que l’immatriculation
seule suffit pour l’attribution de la nationalité à un navire sans nécessité d’autres conditions,
mais qu’en plus cette nationalité doit être reconnue par les autres Etats.
L’avocat général TESAURO a abordé la question de manière très claire : « [e]n résumé, le
problème est celui des pavillons de complaisance » 573. Il a affirmé que la liberté des Etats de
fixer les conditions d’attribution de leur nationalité aux navires n’a jamais été démentie dans
sa substance, comme le démontrent les affaires I’m alone, l’avis consultatif OMCI et les
conventions de Genève et de Montego Bay. Il a donc rapidement conclu que la nationalité du
navire était celle de l’Etat du pavillon et qu’elle devait être respectée dès lors qu’elle était
conforme à la législation nationale. Cette interprétation de l’avocat général et de la Cour a été
confirmée peu après dans l’arrêt Commission c. Irlande 574 où la Cour a relevé que, « en vertu
du droit international, un bateau a la nationalité de l’Etat dans lequel il est enregistré » et
que « c’est à cet Etat qu’il appartient de déterminer de manière souveraine les conditions
d’octroi de cette nationalité ».
256. Cette jurisprudence communautaire a suscité de nombreuses réactions. « Autant dire
que les pavillons européens sont des pavillons de libre immatriculation », a affirmé l’Institut
français de la mer 575. Mais il convient de nuancer. Le principe de non-discrimination, la
liberté de circulation des salariés ainsi que le droit d’établissement des personnes physiques
ont un rôle primordial à jouer en ce qui concerne l’immatriculation des navires au sein de la
Communauté, même si l’Union européenne ne saurait imposer à ses Etat membres les
conditions d’attribution à un navire de leur « nationalité » 576. Il s’agit d’une compétence
exclusive des Etats 577. Nonobstant ces observations, le fait est que l’Union européenne, partie

572
Affaire Poulsen, ibidem, considérants 13-15.
573
Conclusions de l’avocat général du 31 mars 1992, § 9.
574
CJCE, Commission c/ Irlande, affaire C-280/89, Rec. 1992, p. I-6185, points 23 et 24. L’Irlande essayait de
justifier certains règlements qu’elle avait adoptés et qui interdisaient à des navires de pêche britanniques
appartenant en réalité à des sujets espagnols de pêcher dans ses eaux, en invoquant son droit, selon le droit
international, de ne pas reconnaître la nationalité d’un navire s’il n’y a pas de lien substantiel entre ce navire et
l’Etat de son pavillon.
575
INSTITUT FRANÇAIS DE LA MER, « Le pavillon, un concept obsolète ? », Marine, no.202, janvier 2004,
site Internet : [www.ifm.free.fr]. Selon l’Institut, rien ne distinguait un pavillon européen d’un pavillon de
commodité, du moins par rapport à la définition donnée par l’ITF aux pavillons de complaisance: « un navire
sous pavillon de commodité est un navire qui bat pavillon d’un pays autre que celle du propriétaire ».
576
Dans ce sens, CHAUMETTE (P.), « Le droit communautaire maritime », op. cit. note 402, p. 152.
577
CJCE, Pesca Valentia c/ Min. de la Pêche et des Fôrets, affaire 223/86, Rec. 1986, p. 83.

191
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

à la convention de Montego Bay 578 et ayant sa propre politique maritime 579 tolère, voire incite
à la « libre immatriculation » entre ses Etats Membres en acceptant que l’immatriculation est
une condition nécessaire et suffisante pour l’attribution d’une « nationalité ». Elle se montre
néanmoins bien plus stricte en ce qui concerne les obligations découlant de cette
« nationalité », comme nous le verrons en seconde partie.
Dès lors il est clair que l’Union européenne se fonde sur le comportement de l’Etat
d’immatriculation pour apprécier l’effectivité du rattachement des engins aux Etats et non pas
sur les critères d’immatriculation.

Conclusion de la section

257. A défaut d’être parfaitement claire dans ses raisonnements, la jurisprudence


internationale et européenne est sans équivoque quant à ses conclusions : l’immatriculation –
valable en vertu du droit interne – constitue la condition nécessaire et suffisante du
rattachement juridique des engins aux Etats. Le lien substantiel/effectif n’est pas une norme
autonome du droit international, subordonnant à des critères précis toute attribution de
« nationalité ». Il n’entend pas, en réalité, limiter le droit des Etats d’accorder un pavillon aux
seuls cas dans lesquels le lien juridique est fondé sur des éléments de fait concrets. Sa seule
applicabilité selon la jurisprudence est d’assurer que les Etats d’immatriculation exercent
leurs juridiction/contrôle effectifs sur les engins de leur « nationalité ».

Conclusion du premier chapitre

258. Il est clair que ni le lien substantiel ni une autre manifestation de l’exigence de
l’effectivité du rattachement ne peuvent être considérés comme une condition nécessaire
d’immatriculation ayant valeur juridique obligatoire. L’effectivité du rattachement ne peut
être recherchée qu’à travers le comportement ultérieur de l’Etat d’immatriculation qui a le

578
La Communauté a signé la convention le 7 décembre 1984 et y a formellement adhéré le 1er avril 1998
(Décision du Conseil 98/392/CE du 23 mars 1998 concernant la conclusion par la CE de la CNUDM et de
l’Accord du 28 juillet 1994 relatif à l’application de la partie XI de ladite convention, JOCE N° L 179 du 23 juin
1998, p. 1) dans la limite de ses compétences. Désormais la convention de Montego Bay fait partie intégrante de
l’ordre juridique de l’Union européenne (CJCE, Commission c/ Irlande, affaire C-459/03, Rec. 2006, p. I-4635,
point 82).
579
Voy. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Livre Vert, adoptée par la
Commission le 7 juin 2006, COM(2006)275final, « Vers une politique maritime de l’Union : une vision
européenne des océans et des mers », disponible sur le site internet [http://ec.europa.eu/maritimeaffairs] et
Communication de la Commission, 10 octobre 2007, « Une politique maritime intégrée pour l’Union
européenne », COM(2007)575final.

192
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

devoir d’exercer effectivement les juridiction/contrôle 580. Cela signifie que l’exigence du lien
substantiel prévu par l’article 91 de la convention de Montego Bay se confond avec
l’obligation de l’article 94 et n’a dès lors pas de raison d’être. Si c’est au niveau des effets
juridiques et non des critères préalables que le droit international vérifie l’existence d’un lien
de rattachement effectif, toute notion de « lien substantiel » devient en effet redondante. Le
rattachement existe et des obligations internationales en découlent. Si l’Etat d’immatriculation
ne les respecte pas il viole tout simplement le droit international. Fonder cette violation sur
des considérations relatives à un « lien substantiel » nous semble inutile.
L’article 17 de la convention de Chicago ayant évité cette notion obscure,
l’immatriculation d’un aéronef est la seule condition d’attribution d’une « nationalité ». Le
droit conventionnel ayant ainsi exclu toute référence à l’effectivité, l’introduction du concept
d’un lien substantiel en droit aérien ne pouvait être faite que par analogie. M. RENTON
considère à cet égard qu’une analogie avec les navires signifierait simplement que l’Etat
d’immatriculation doit exercer une juridiction et un contrôle effectifs sur l’aéronef. Il s’agit,
selon lui, de l’exigence du lien substantiel stricto sensu, seul pertinent concernant les
aéronefs 581. Cependant une telle analogie semble inutile en droit aérien tout comme en droit
de la mer, dès lors que l’obligation d’exercice des juridiction/contrôle existe ipso facto.
S’agissant du rattachement entre l’Etat d’immatriculation et les objets spatiaux, en dehors
de la condition selon laquelle l’Etat d’immatriculation doit nécessairement être un Etat de
lancement, aucune sorte de lien effectif n’est exigée par le droit international. L’association
entre immatriculation et exercice effectif des juridiction/contrôle est expresse et, dans ce sens,
l’article VIII du traité sur l’espace, qui stipule que l’Etat d’immatriculation exerce ses

580
Voy. cependant contra COGLIATI-BANTZ (V.P.), « Disentangling the “Genuine Link”: Enquiries in Sea,
Air and Space Law », op. cit. note 66, pp.403, 413 et 432. L’auteur, tout en admettant que le lien substantiel ne
peut pas constituer une condition d’attribution d’une nationalité aux navires, souligne qu’il ne doit toutefois pas
être confondu avec les devoirs de l’Etat du pavillon. Il accepte néanmoins que le lien substantiel ne constitue
qu’un moyen d’assurer que les Etats du pavillon soient en mesure de mettre en œuvre leurs obligations. Par la
suite (p. 413) il souligne que l’exigence n’est ni inutile ni redondante, car elle sert à rappeler aux Etats les
conséquences de l’attribution de leur nationalité aux navires. Selon lui, la phrase « there must exist a genuine
link » doit être entendue dans le sens de « there should exist a genuine link » (pp. 412 et 432). Nous sommes
d’accord avec cette dernière affirmation, qui nous conduit cependant à la conclusion contraire : c’est bien parce
qu’elle constitue un simple rappel non dépourvu d’ambiguïté que l’exigence du lien substantiel nous semble
inutile et redondante. De lege ferenda, les Etats ne devraient pas attribuer leur « nationalité » lorsqu’ils ne sont
pas en mesure de contrôler effectivement les navires battant leur pavillon. Néanmoins, tenter d’exprimer cette
idée par une obligation de lege lata tout à la fois obscure et lacunaire ne sert qu’à complexifier la situation.
L’exigence du lien substantiel ne peut dès lors pas être la solution au laxisme étatique. S’il constitue un rappel du
devoir général de l’Etat du pavillon (il s’agit en effet selon M. COGLIATI-BANTZ d’une obligation visant plus
l’Etat qui a déjà attribué son pavillon que celui qui compte l’accorder), il semble inefficace à cet égard.
581
RENTON (D.), op. cit. note 50, pp. 144 et 154; Dans le même sens HUANG (J.), Aviation safety through the
rule of law : ICAO’s mechanisms and practices, op. cit. note 178, pp. 30-31.

193
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

juridiction/contrôle sur l’objet lancé, est bien plus pertinent que la combinaison des articles 91
et 94 de la convention de Montego Bay.
259. Au vu de ces observations, si on évoque désormais, pour des raisons de commodité,
les notions du «lien/rattachement effectif » ou d’ « effectivité du rattachement », on n’entend
par celles-ci qu’un rattachement qui permet à l’Etat d’immatriculation d’assumer
efficacement ces obligations internationales vis-à-vis de l’engin de sa « nationalité ».

194
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

CHAPITRE 2
Les critères d’immatriculation des engins en droit interne : les limites d’un
« lien effectif » imposé par les Etats

260. Si le droit international n’impose pas le lien effectif comme condition nécessaire
pour l’immatriculation des engins sur les registres étatiques et l’attribution de la
« nationalité » en découlant, cela ne signifie pas qu’il interdit l’adoption de critères visant un
rattachement « effectif ». Les Etats étant libres de fixer les conditions d’attribution de leur
nationalité, ils peuvent, s’ils le souhaitent, imposer des critères qui assurent un lien « réel » ou
« substantiel », notamment économique, entre eux et l’engin immatriculé. Ces critères
peuvent concerner la nationalité des personnes impliquées dans les activités des engins, le lieu
à partir duquel l’engin est géré et/ou l’état de l’engin. Les deux premières catégories de
critères permettent à l’Etat d’immatriculation de contrôler lato sensu l’engin, c’est-à-dire de
surveiller ses activités, à travers l’identification de ses propriétaires/opérateurs ou gérants,
alors que la troisième lui permet de s’assurer par avance de la qualité/navigabilité de l’engin à
immatriculer. Il devient dès lors clair que si ces critères établissent un lien dit « effectif »
entre l’engin et l’Etat, c’est bien parce qu’ils permettent à ce dernier d’exercer efficacement
son contrôle sur l’ensemble organisé de sa « nationalité ». Dans cette ligne d’idées, il est
intéressant d’étudier comment certaines législations nationales transforment les obligations
internationales de l’Etat d’immatriculation en critères de rattachement, c’est-à-dire en
conditions préalables d’attribution d’une « nationalité ».
261. Il faut donc se tourner vers les droits nationaux afin d’étudier concrètement les
critères d’attribution de la « nationalité » étatique. Les critères retenus par ceux-ci permettront
d’apprécier respectivement la pratique étatique maritime, aérienne et spatiale et de juger de sa
tendance à établir un lien «effectif » ou pas. Même si cette pratique n’est ni suffisamment
uniforme ni suffisamment constante pour permettre la formation d’une coutume internationale
relative au contenu du lien effectif, son étude se révèle nécessaire afin d’appréhender la nature
du rattachement des engins aux Etats. L’examen des législations nationales montre que,
lorsque l’Etat veut établir un rattachement « effectif », les critères d’attribution de sa
« nationalité » sont plutôt rigides. Ils sont également relativement uniformes, non seulement
entre les différents pays mais aussi entre les différentes catégories d’engins. En revanche,
lorsque la libre immatriculation est permise ou même encouragée, ces critères sont soit
absents de la législation nationale, soit facilement contournés. Il devient dès lors possible,
notamment s’agissant de l’immatriculation plus controversée des navires, de distinguer
195
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

différentes catégories de registres, en fonction du degré de rigidité ou au contraire de


flexibilité de ces conditions. Il s’agit principalement ici de la question très discutée de la libre
immatriculation par rapport à l’immatriculation dite « traditionnelle ». La gamme de registres
possibles s’est enrichie progressivement et comporte aujourd’hui des subdivisions entre les
deux extrêmes mentionnés ci-dessus. On peut ainsi distinguer les pays de libre ou quasi-libre
immatriculation, les pays d’immatriculation fermée ou quasi-fermée et les pays offrant un
registre bis ou international. Si ces catégories concernent actuellement surtout – voire
exclusivement – le monde maritime, leur étude ne demeure pas moins intéressante pour
l’aviation et les activités spatiales dont les évolutions peuvent conduire à des phénomènes
similaires.
262. Il convient d’étudier en premier lieu le critère classique des législations nationales
traditionnelles, c’est-à-dire la nationalité du propriétaire. Si ce critère peut à première vue être
considéré comme synonyme d’un registre rigide, la réalité prouve qu’il est facilement
contourné. Il en va de même pour les autres critères de type « personnel », c’est-à-dire relatifs
à la nationalité des personnes impliquées dans les activités de l’engin. Ils sont donc
progressivement remplacés par des critères plus administratifs de type « territorial », tel que la
gestion de l’engin à partir du territoire de l’Etat d’immatriculation, qui permet un contrôle
plus efficace de l’engin. Ils sont, par ailleurs, complétés par d’autres critères qui entendent
renforcer la possibilité de ce contrôle. Ces critères supplémentaires sont majoritairement
prévus par les législations maritimes, mais ils peuvent également être pertinents pour les
aéronefs et les objets spatiaux. Dans l’ensemble, on peut observer que les critères imposés par
les législations nationales ont donc comme but véritable de permettre à l’Etat
d’immatriculation de se conformer d’une part à son obligation internationale générale, qui est
l’exercice de juridiction/contrôle sur l’engin (Section I) et d’autre part à ses autres obligations
spécifiques, notamment la lutte contre la pollution ou la sécurité de la navigation (Section II).

SECTION I. Les critères permettant à l’Etat d’immatriculation de « contrôler »


l’engin : un déplacement de critères « personnels » vers des critères
« administratifs/territoriaux »

263. Les critères relatifs à la nationalité des personnes impliquées dans les activités de
l’ensemble organisé, notamment celui de la nationalité de son propriétaire, furent longtemps
considérés comme la preuve d’une législation nationale établissant un registre rigide, c’est-à-
dire une immatriculation traditionnelle et plus ou moins fermée. En effet, si l’Etat

196
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

d’immatriculation exige que le propriétaire ou l’opérateur (c’est-à-dire le locataire ou


affréteur) de l’engin à immatriculer soit son national 582, cela prouve qu’il entend exercer un
contrôle effectif. La raison est assez évidente : si le propriétaire/exploitant a la nationalité de
l’Etat d’immatriculation et s’il est facilement identifiable, cet Etat peut le contrôler
efficacement et à travers lui contrôler et protéger son engin. Le problème avec les navires
battant pavillon de complaisance, dont le propriétaire/exploitant peut avoir une nationalité
quelconque, est qu’il devient plus compliqué et coûteux pour l’Etat de contrôler l’activité de
ce navire et de sanctionner le propriétaire/exploitant en cas de non-conformité avec les
normes nationales et internationales. C’est pourquoi, il existe une tendance générale à
considérer que les Etats qui exigent des propriétaires/opérateurs des engins immatriculés
qu’ils soient leurs nationaux entendent exercer une juridiction/contrôle effectifs à leur égard.
Or, cette affirmation se heurte à un obstacle majeur : il s’agit de la distinction entre
propriétaire nominatif et bénéficiaire réel. Il semble dès lors que le critère de la nationalité du
propriétaire/exploitant ne remplit plus son rôle de manière toujours efficace et que des
solutions alternatives doivent être adoptées (§1). Les mêmes observations s’appliquent,
mutatis mutandis, aux autres critères de type « personnel » ou « territorial » qui sont fondés
sur des éléments de fait témoignant d’un « nationalisme ». La nationalité de l’équipage ou le
lieu de construction du navire par exemple, autres critères classiques des législations
maritimes de registre fermé, semblent dépassés par la réalité du shipping international. Enfin,
le cas particulier des objets spatiaux démontre que les Etats cherchent toujours à établir leur
contrôle sur l’engin et ses activités, mais sans passer forcément par le critère classique de la
nationalité du propriétaire (§2).

§ 1. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant de l’engin

264. En réalité, même le critère classique de la nationalité du propriétaire/exploitant de


l’engin, peut être contourné et n’est dès lors pas synonyme de l’existence d’un « lien
substantiel ». L’étude parallèle des législations maritimes (A) et aériennes (B) démontre que

582
Le critère de la nationalité du propriétaire de l’engin sera ici traité comme identique à celui de la nationalité
de l’exploitant (locataire, affréteur) de l’engin. Les législations aériennes font rarement la distinction entre les
deux, en prévoyant que l’aéronef peut être immatriculé sur le registre national si son propriétaire ou son locataire
ont la nationalité de l’Etat concerné (voy. annexe 3). Pour le droit maritime, le propriétaire/armateur est souvent
l’opérateur de l’engin, sauf si le navire est affrété coque nue. Dans ce dernier cas, les Etats qui acceptent
l’immatriculation parallèle charter in exigent que l’affréteur du navire (et non plus son propriétaire) soit leur
national ou, de manière plus générale, une personne qualifiée pour être propriétaire (voy. annexe 2). Nous allons
donc considérer les deux critères, celui de la nationalité du propriétaire et celui de la nationalité de l’exploitant,
comme allant de pair. Désormais, l’expression « la nationalité du propriétaire/exploitant » sera employée afin
d’indiquer cela.

197
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

si ce critère n’a pas encore perdu son importance, voire sa prépondérance, sa pertinence est de
plus en plus souvent remise en question. Dès lors, de critères alternatifs font leur apparition,
afin de permettre à l’Etat d’immatriculation de contrôler les engins de sa « nationalité ».

A. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant dans les législations maritimes 583

265. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant de l’engin constitue la condition


la plus classique pour les Etats voulant assurer un lien de rattachement dit substantiel avec les
navires battant leur pavillon. Cependant, son efficacité doit être nuancée. Il n’est pas exclu
qu’un Etat, qui accepte l’immatriculation des navires appartenant à des étrangers, soit
néanmoins en mesure de contrôler ces navires et d’agir en tant qu’Etat de pavillon
responsable. L’inverse n’est pas non plus exclu (i). Ce critère est donc progressivement
remplacé, ou du moins complété, par de critères d’une nature différente (ii).

i. Le critère de la nationalité du propriétaire ignoré ou contourné

266. Les registres de libre immatriculation sont connus pour ne poser aucune condition
relative à la nationalité des propriétaires ou pour fixer de conditions facilement contournables.
Le Panama 584, par exemple, ne pose aucune exigence de propriété nationale. Toute société
étrangère peut y immatriculer ses navires sous seule condition d’y nommer un représentant
légal. C’est le cas des plusieurs autres registres plutôt récents qui cherchent à devenir
compétitifs en éliminant toute restriction tirée de la nationalité du propriétaire. En revanche, le
Liberia 585, célèbre pour son registre ouvert, semble poser une condition de nationalité du
propriétaire. Afin qu’un navire puisse être immatriculé au Liberia, il doit en effet appartenir à
une personne physique ou morale ayant la nationalité libérienne. Cependant une exception
peut être accordée à une entité étrangère immatriculée au Liberia en tant qu’entité maritime

583
Toutes les informations relatives aux législations des différents pays et aux conditions posées par leurs
registres sont prises dans les ouvrages et documents suivants : ODEKE (A.), Bareboat Charter (Ship)
Registration, op. cit. note 210, pp. 181 et s. ; COLES (R.) & READY (N.), Ship Registration: Law and practice,
LLP, London, Hong Kong, 2002 ; CNUCED Secrétariat, Rapport sur les conditions d’immatriculation des
navires, 1982, TD/B/AC. 34/2, 22 janvier 1982 (consultable en anglais : UNITED NATIONS CONFERENCE
ON TRADE AND DEVELOPMENT, « Conditions for registration of ships », Ocean Yearbook, 1983, pp. 492-
514) et ERNST & YOUNG, Shipping Industrie Almanac, 2007, ainsi que sur les sites internet
[http://www.guidetoshipregistries.com/index.html] et [http://www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/oeur/lxweaab.html].
Les sites des autorités maritimes de Bahamas, Liberia, Iles Marshall, Panama, Malte et Iles Cayman ont
également été utilisés et seront cités au fur et à mesure.
584
Ley General de Marina Mercante 2008-57, article 3 ; Pour les conditions d’immatriculation des navires au
registre panaméen voy. également [http://www.panaconsul.com/shipping/registrationprocedures].
585
Pour les conditions d’immatriculation des navires au registre libérien voy. également [http://www.liscr.com] ;
L’immatriculation des navires sous pavillon libérien est régie par le droit maritime libérien, en particulier le Titre
22 du Code Libérien des Lois de 1956, comme modifié. En 2002 il y a eu des modifications législatives
concernant, entre autres, des nouvelles lois de financement des hypothèques maritimes.

198
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

étrangère (Foreign Maritime Entity). Il s’agit d’un moyen supplémentaire pour faciliter
l’immatriculation des navires appartenant à des bénéficiaires effectifs étrangers. Par ailleurs,
pour devenir société libérienne la procédure est facile, rapide et peu chère. Le critère de la
nationalité du propriétaire est ainsi satisfait, par la création d’une société libérienne
propriétaire du navire à immatriculer. Or, cette société peut appartenir à 100% à des intérêts
étrangers. Malgré l’exigence d’une « propriété » libérienne, on estime que seul un faible
pourcentage de la flotte libérienne a des propriétaires/bénéficiaires effectifs libériens 586. Le
Liberia est donc considéré comme un registre de libre immatriculation, même si de lege lata
elle impose le critère de nationalité.
C’est le cas également des Bahamas 587 qui font une distinction entre les navires de plus de
1600 tonneaux enregistrés et engagés dans le commerce international et ceux qui ne satisfont
pas à ces deux conditions. Pour les premiers, qui sont les seuls à être affectés à la navigation
internationale, il n’existe aucune exigence de propriété nationale ou de participation à la
propriété. Quant aux conditions pour incorporer une société et lui attribuer la nationalité de
l’Etat, le cas des Bahamas est représentatif : en quelques jours, voire heures, une société peut
être immatriculée soit en tant que société « domestique » sous le Companies Act de 1992, soit
en tant que « société commerciale internationale » sous le International Business Companies
(IBC) Act de 1989 / 1994. L’incorporation d’une IBC ne dure pas plus d’une journée.
267. Les conditions d’attribution de nationalité à la société propriétaire du navire sont
donc très importantes afin de différencier un registre ouvert d’un registre fermé. La condition
de propriété nationale du navire semble, prima facie, suggérer un registre fermé et une
immatriculation traditionnelle. Cette impression peut être fausse car l’exigence peut être
facilement contournée si l’Etat ne subordonne à aucune condition particulière
l’immatriculation des sociétés sur son territoire et l’attribution de sa nationalité à ces
dernières. Il s’agit ici de la question cruciale des propriétaires nominaux et des bénéficiaires
effectifs. Comme c’est le cas aux Bahamas ou au Libéria, il peut être très commode, c’est-à-
dire simple et peu onéreux, de créer une société ayant la nationalité de l’Etat du pavillon, bien
que les actionnaires ou propriétaires et/ou les dirigeants sociaux soient étrangers. Cette société
peut donc immatriculer ses navires dans le pays de sa nationalité, tout en respectant les
conditions éventuelles de la législation concernant la nationalité des propriétaires des navires.
Il semble dès lors que la nationalité pertinente en l’occurrence ne devrait pas être celle de la

586
Les intérêts américains détiennent 35-40% de la flotte, le Hong Kong 25-30%, la Grèce 20% et le reste est
détenu par des intérêts japonais et autres.
587
Concernant les conditions d’immatriculation aux Bahamas voy. le site
[http://www.bahamasmaritime.com/Registration.html]

199
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

société, propriétaire de lege des navires, mais celle de ses actionnaires et gérants, propriétaires
de facto en tant que bénéficiaires effectifs des navires.
268. Les institutions internationales sont conscientes de cette possibilité de contourner la
règle de propriété nationale et tentent de diminuer le risque en renforçant la transparence en ce
qui concerne la propriété et le contrôle des navires. L’OCDE recommande ainsi de lutter
contre l’anonymat prôné par certains registres, en favorisant plutôt la confidentialité qui
correspond aux considérations commerciales tout en respectant les impératifs de sécurité. Elle
recommande également que l’Etat du pavillon s’abstienne d’immatriculer des navires dont les
armateurs prennent des précautions pour cacher leur identité en utilisant des mécanismes
complexes de raison sociale. Si le registre accepte néanmoins de tels navires, le rapport
suggère que ces navires soient clairement identifiés comme ne satisfaisant pas aux exigences
de transparence, et que les détails sur la propriété soient disponibles pour les autorités
compétentes en cas de besoin 588. De telles règles sont indispensables afin d’assurer un
véritable rattachement entre l’Etat et le navire. Si les propriétaires nominaux sont fictifs et les
bénéficiaires effectifs indéterminables, il n’y a aucun moyen d’identifier le responsable pour
les activités du navire et de contrôler dès lors effectivement ce dernier.
269. Mais l’incorporation rapide de sociétés-propriétaires nominaux des navires est loin
d’être l’unique pratique imaginée par l’industrie shipping afin de permettre au propriétaire
réel de « se dissimuler » derrière une ou plusieurs personnes morales. Les single ship
companies en constituent un autre exemple 589. Il s’agit de sociétés théoriquement distinctes,
formées chacune d’un seul et même actionnaire et exploitant chacune un navire. Le
propriétaire-individu peut, ainsi, établir ses diverses sociétés dans des pays différents en
fonction de ses intérêts économiques. Chaque navire, appartenant à chaque société, aura dès
lors la nationalité de l’Etat du siège social de la single ship company, nonobstant celle de son
propriétaire-individu. D’un point de vue de droit privé, les tribunaux considèrent, en ce cas,
que l’on se trouve en face d’un armateur unique et que l’un des navires des compagnies peut
être saisi pour une dette contractée par un autre de leurs navires 590. Mais concernant la
question de l’Etat du pavillon, le fait demeure que le propriétaire peut jongler entre plusieurs
« nationalités » pour ses navires en établissant plusieurs sociétés.

588
Rapport OCDE de juin 2004, « Sécurité maritime – options pour améliorer la transparence dans la propriété et
le contrôle des navires » [www.oecd.org/dataoecd/62/39/32049167.pdf] consulté le 9 octobre 2010, pp. 14-17 et
Assemblée générale, 59ème session, A/59/62/add.1 § 72, 18 août 2004.
589
Voy. sur la question CHRISTODOULOU (D.), The single ship company: The legal consequences from its use
and protection of its creditors, Ant. N. Sakkoulas, Athens, 2000.
590
Cour de Cass. Fr., 11 mars 1986, DMF, 1987, n° 363, rejetant le pourvoi contre Rennes, 27 octobre 1983,
DMF, 1984, n° 238.

200
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

270. Une législation nationale souple, combinée avec la pratique des single ship
companies, peut également permettre de contourner la condition de la propriété nationale,
même en ce qui concerne les registres traditionnels d’immatriculation fermée. Néanmoins,
cette possibilité n’est pas toujours synonyme de complaisance. Si les propriétaires nominaux
sont étrangers mais les bénéficiaires effectifs nationaux de l’Etat du pavillon le rattachement
du navire demeure solide. L’exemple grec illustre parfaitement cette hypothèse. Vieux pays
maritime, la Grèce a essayé d’alléger les conditions d’immatriculation des navires sur son
registre, afin d’attirer à nouveau les nombreux armateurs grecs dont les navires battent
pavillons étrangers. La structure la plus commune est aujourd’hui la société immatriculée
offshore en tant qu’one ship owning. Ces sociétés opèrent en Grèce grâce à un accord
management avec une société management (immatriculée, elle aussi, offshore) qui établit une
filiale en Grèce en vertu de la loi 89/67. Alors qu’en vertu de l’article 5 de Code Grec de
Droit public maritime (Loi 187/1973), plus de 51% des actions du navire battant pavillon
hellénique doivent appartenir à des ressortissants communautaires, en vertu de l’article 13 du
L.D 2687/53 pour les « investissements et la protection du capital étranger », une société
étrangère peut immatriculer un navire sous pavillon grec, à condition que le 51% des actions
du navire représentent des intérêts grecs – désormais communautaires 591. Cela est certifié par
l’Association des armateurs grecs, club privé mis en place afin d’assurer les intérêts des
armateurs grecs et de permettre l’immatriculation des navires au registre hellénique tout en
préservant la confidentialité en ce qui concerne l’identité du propriétaire réel, qui délivre le
certificat de propriété grecque.
Ainsi, un double régime d’immatriculation au registre hellénique existe actuellement.
Selon les dispositions du Code de droit public maritime, tout navire appartenant à une
personne morale de nationalité grecque dont les actions sont détenues dans leur majorité par
des ressortissants communautaires peut être immatriculé au registre hellénique. Cependant, le
régime commun n’est pas choisi par les armateurs grecs, étant plus cher en ce qui concerne la
taxation. Le régime de l’article 13 du L.D 2687/53 permet donc à leurs navires d’arborer un
pavillon grec même si, pour des raisons de limitation de responsabilité, ils appartiennent à une
société offshore étrangère. Cette situation est l’équivalent grec des registres bis ou
internationaux européens qui attirent les propriétaires nationaux à immatriculer leurs navires
sur les registres de leur nationalité, en leur offrant des conditions d’immatriculation plus
intéressantes.

591
Dans un sens similaire pour ce qui concerne la législation italienne voy. TREVES (T.), Il diritto del mare e
l’Italia, Giuffrè, Milano, 1995, pp. 80-81.

201
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

Cet article 13 constitue une particularité très intéressante du droit maritime grec. On peut
qualifier la situation mise en place par cette disposition de « complaisance inversée ». Le lien
substantiel est sauvegardé par la présence des intérêts grecs, même si la société propriétaire
est étrangère et – le plus souvent – installée offshore. Un exemple concret nous servira de
démonstration. Un armateur grec qui veut construire un nouveau navire pour sa flotte
commerciale et souhaite l’immatriculer au registre hellénique peut établir dans un pays
offshore, par exemple le Liberia, une SRL qui sera, elle, le propriétaire du navire et qui
deviendra donc une single ship company. Cette société nomme le plus souvent comme
exploitant du navire une société grecque de management, qui se charge de la gestion
quotidienne du navire, de toutes les questions administratives concernant son pavillon et, bien
évidemment, de la procédure d’immatriculation. Afin que le navire puisse être immatriculé
sur le registre hellénique, il suffit que l’Association des armateurs grecs délivre aux autorités
compétentes pour l’immatriculation un certificat dans lequel il est stipulé que « après examen
attentif, il a été constaté que la société propriétaire du navire couvre un pourcentage
dépassant le 50 % des intérêts grecs ». Il convient de signaler que la société propriétaire
offshore deviendra elle-même membre de l’Association après avoir payé les droits d’entrée au
club et sa participation annuelle. Cependant, et malgré le caractère pour le moins suspect
d’une telle démarche, il est généralement admis que l’Association n’atteste la présence des
intérêts grecs que lorsque ceux-ci sont réellement existants. Ce régime n’est pas sans nous
rappeler la théorie de la levée du voile social. La société est étrangère mais l’association se
charge de lever le voile social afin de vérifier que ses bénéficiaires effectifs sont des
armateurs grecs. Le lien substantiel du navire avec l’Etat grec est ainsi préservé même si, sur
les papiers, le propriétaire est étranger. Néanmoins, seule l’association, liée par des clauses de
confidentialité, connaît la véritable identité du bénéficiaire effectif, qui n’apparaît nulle part
ailleurs. Si une telle pratique peut être critiquée, notamment en raison du fait que
l’Association des armateurs grecs n’est pas un organisme public, force est de constater que,
dans les faits, elle fonctionne bien.
271. L’exemple grec, tout comme l’exemple libérien, démontrent la relativité du critère de
la propriété nationale. Celui-ci ne peut être la condition ou la preuve d’un véritable
rattachement « effectif » que s’il est combiné à des conditions liées aux bénéficiaires effectifs
ou, du moins, aux dirigeants sociaux. Les Etats souhaitant établir de registres rigides se sont
dès lors initialement tournés vers de telles conditions, mais qui se sont rapidement avérées
trop « lourdes », faisant fuir les armateurs nationaux. Des solutions alternatives ont dû être
mises en place.

202
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

ii. Le critère de la nationalité des bénéficiaires effectifs dépassé par la réalité de


l’industrie shipping : solutions alternatives

272. Aux antipodes des pays de libre ou quasi-libre immatriculation se trouvent les pays
d’immatriculation complètement fermée à tout ou presque capital et bénéficiaire étranger.
C’est, par exemple, le cas du Mexique dont la législation prévoit non seulement que le
propriétaire, personne physique ou morale, du navire doit être mexicain, mais en plus que la
participation étrangère n’est pas permise pour les sociétés maritimes immatriculant des
navires sur son registre. De tels exemples demeurent néanmoins très rares. La majorité des
pays nuancent cette condition en permettant des exceptions ou en exigeant qu’un certain
pourcentage seulement, le plus souvent 51%, des actionnaires et/ou des dirigeants sociaux
soient leurs nationaux. Ce pourcentage peut varier en ce qui concerne les bénéficiaires
effectifs pour atteindre 75% dans le cas des Etats-Unis pour les navires « coastwise », affectés
au cabotage national. On peut qualifier ces registres de quasi fermés.
Ces conditions strictes, imposées afin d’assurer un rattachement manifestement substantiel
avec l’Etat du pavillon, ont comme résultat immédiat la compétitivité réduite du registre en
cause et la diminution de la flotte commerciale du pays. Dès lors, et à moins de recourir à des
solutions sui generis, problématiques en droit international, comme le font les Etats-Unis dont
la législation permet la réquisition en cas d’urgence des navires Effective US Controlled
(EUSC) qui battent pavillon étranger mais appartiennent à des bénéficiaires effectifs
américains 592, il est nécessaire de trouver des solutions alternatives pour attirer à nouveau les
armateurs et réacquérir une flotte conséquente.

a. Les registres bis ou internationaux

273. Les pays occidentaux et notamment européens ont voulu lutter contre la concurrence
constamment accrue des pavillons de complaisance. Par conséquent, une évolution importante
est intervenue depuis quelques décennies. Il s’agit de l’apparition des registres dits bis ou

592
En vertu de la Section 902 du Merchant Marine Act de 1936 ; des accords spéciaux existent en effet entre les
Etats-Unis et différents pays concernant les navires appartenant à des bénéficiaires effectifs américains. Les
Effective US Controlled (EUSC) navires peuvent être mis à la disposition des Etats-Unis en cas de guerre ou
d’autre urgence. Cependant, ces accords spéciaux ne sont pas la règle. Le même concept d’EUSC est appliqué
par le gouvernement américain à tous les registres étrangers permettant l’immatriculation des navires appartenant
à des américains et qui ne prévoient aucune interdiction de réquisition desdits navires par les Etats-Unis en cas
d’urgence. Les registres EUSC peuvent varier en fonction des modifications des propriétaires des navires mais
ceux qui sont d’habitude associés audit concept sont le Liberia, le Panama, l’Honduras, les Bahamas, et les Iles
Marshall. Voy. KILGOUR (J. G.), «Effective United States Control?», Journal of Maritime Law and Commerce,
vol.8, 1976-1977, pp. 337-348 et WITTIG (E. A.), « Tanker fleets and flags of convenience advantage problems
and dangers», Texas International Law Journal, vol. 94, 1979, pp. 124-125.

203
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

internationaux qui permettent aux navires une plus grande liberté générale, notamment en ce
qui concerne l’emploi de marins non nationaux et non européens et une taxation moins forte.
Les navires immatriculés sur un registre bis battent le pavillon du pays sans différenciation
avec les navires immatriculés sur le registre « ordinaire » et sont soumis aux mêmes
obligations que ces derniers 593.
Ces registres établissent des régimes plus modernes et plus flexibles afin d’inciter les
propriétaires à opter pour une immatriculation dans leurs pays de nationalité et non pour une
immatriculation « libre ». Dans ce souci de flexibilité, ils permettent souvent à des
propriétaires étrangers d’immatriculer leurs navires dans des conditions proches de la libre
immatriculation même si leurs pavillons ne sont pas pour autant qualifiés de complaisance 594.
Tous les registres bis ou internationaux ne permettent cependant pas l’immatriculation des
navires appartenant à des non-nationaux. Souvent, la différence avec le registre d’origine tient
uniquement aux règles de procédure simplifiées par rapport à l’immatriculation classique et à
son coût plus réduit. Un exemple de registre bis ouvert aux non-nationaux est le MAR,
registre de Madeira, dont les navires battent pavillon portugais. Les navires immatriculés au
MAR peuvent appartenir à des portugais ou à des étrangers, individus ou sociétés. Cependant,
si le propriétaire veut bénéficier des avantages fiscaux du MIBC 595, il est tenu d’immatriculer
sa société à Madeira. En revanche, le registre international du Danemark s’adresse
principalement à des nationaux danois ou communautaires, même s’il reste ouvert aux
sociétés étrangères dont le contrôle est majoritairement danois. Si le propriétaire est une
société étrangère, il doit toutefois établir une filiale qui contrôle, dirige et gère effectivement
le navire à partir du Danemark. L’exemple européen de registre international le plus récent est

593
Voy. SULPICE (G.), « Le pavillon bis », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de la mer,
Pedone, Paris, 2007, pp. 105-109 ; DRAPIER (S.), « Les pavillons de complaisance concurrencés : la promotion
du pavillon bis français », DMF, n° 688, Janvier 2008, pp. 10-14. Les registres bis ou internationaux les plus
importants des pays membres de l’OCDE – qui se trouvent à l’origine de ce phénomène – sont tenus par la
France [Registre International Français, ci après RIF, établi par la loi 2005-412 du 3 mai 2005 qui a remplacé le
registre bis français TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) établi le 17 juin 1989], l’Italie [Registre
International Italien Loi 27/2/1998 n° 30], le Luxembourg [Registre Maritime International en vigueur depuis
janvier 1991], le Danemark [Danish International Register en vigueur depuis 23 août 1988], l’Allemagne
[German International Shipping Register en vigueur depuis le 5 avril 1989], le Portugal [International Shipping
Register of Madeira en vigueur depuis le 28 mars 1989], l’Espagne [Registre spécial des Iles Canaries], la
Norvège [Norvegian International Ship Register], les Pays Bas [Netherlands Antilles Ship Register] et la Turquie
[Law on Turkish International Vessel Registration 1999]. La Russie également, pays candidat à l’OCDE, a
récemment mis en place un registre international [Russian International Ship Register, en vigueur depuis 2005].
594
Voy. sur la question LEFEBVRE-CHALAIN (H.), « Parallel Flags : A New Alternative of Conciliation
Between Competition and Regulation ? », Neptunus, Revue Electronique, Centre de Droit Maritime et
Océanique, Université de Nantes, vol. 14, n°2, 2008, [http://www.cdmo.univ-nantes.fr/centre-droit-maritime-
oceanique/cdmo] consulté le 10 août 2010 ; CARRIL-VAZQUEZ (X. M.), « Advantages And Disadvantages Of
The Parallel Flags In An International Shipping Context », op. cit. note 88, pp. 337-346.
595
Madeira International Business Center qui est une zone de libre échange (free trade zone).

204
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

celui du RIF français (Registre International Français) qui a remplacé le TAAF (Registres des
terres australes et antarctiques françaises dit aussi « registre Kerguelen ») 596. La France ouvre
son registre international à tout navire appartenant à 50% à un citoyen français ou
communautaire ou à une société établie en France ou dans un pays UE ou EEE. Malgré le fait
que le RIF fut classé par l’ITF comme pavillon de complaisance 597, l’Institut français de la
mer (IFM) insiste sur l’existence d’un lien réel entre les navires immatriculés RIF et la
France, notamment grâce à l’établissement en France – sous réserve des règles
communautaires de libre circulation – de l’armateur du navire. Cet établissement local, exigé
par les législations française et danoise, constitue désormais un critère clé et une alternative
satisfaisante au critère de la nationalité du propriétaire/exploitant non seulement pour les
registres bis ou internationaux, mais également pour les registres ordinaires des pays
européens traditionnellement maritimes.

b. Le critère de l’établissement local

274. Nonobstant l’apparition des registres bis, ces pays ont dû également assouplir les
conditions d’immatriculation sur leurs registres ordinaires, aussi bien pour les rendre plus
compétitifs que pour se conformer aux exigences de l’Union européenne 598. Cet
assouplissement s’est effectué grâce au critère « territorial » de l’établissement stable de
gestion ou du représentant local qui est venu se substituer, partiellement ou complètement, au
critère « personnel » des bénéficiaires effectifs. L’établissement stable d’exploitation et
d’utilisation du navire doit être compris comme le lieu d’où partent les instructions concernant
la gestion économique du navire. Ce critère est donc employé soit comme une alternative à la
nationalité du propriétaire/exploitant soit comme une condition supplémentaire. Le Royaume
Uni, par exemple, qui ne permet qu’aux « personnes qualifiées » 599 d’immatriculer leurs

596
Loi 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français ; CHAUMETTE (P.), « Le
registre international français des navires : le particularisme maritime régénéré ? », DMF, vol. 57, n° 660-1,
2005, pp. 467-500. Le RIF concerne les deep-sea trading navires et le cabotage international, mais également les
navires de plaisance exploités commercialement, de plus de 24 mètres LOA.
597
Le RIF et le registre bis allemand sont les seuls registres bis européens à être classées ainsi. M. VALLAT
explique que « [le RIF est] devenu en 24h00 pavillon de complaisance pour les raisons politiques, (le même jour
que la Géorgie et la Corée du Nord condamnées, elles, pour des raisons de fond)». VALLAT (F.), « Pavillon et
entreprises », in Colloque Le Pavillon, op. cit. note 359, p. 78.
598
Cf. VIALARD (A.), « L’Europe et les pavillons des navires », ADMAS, vol. 13, 1995, pp. 39-50.
599
L’immatriculation des navires britanniques au registre du Royaume Uni est régie par la Merchant Shipping
Act (ci-après MSA) de 1995 et les Merchant Shipping Regulations de 1993. Les personnes qualifiées sont
définies dans la Regulation 7 articles 1 et 2. Il s’agit des nationaux britanniques y compris ceux des dépendances,
des territoires d’outre-mer et ceux qui sont visés par le British Nationality Act de 1981, ainsi que les
ressortissants européens.

205
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

navires sur son registre 600, impose aux sociétés-propriétaires d’être incorporées dans un Etat
membre UE ou dans une dépendance britannique et d’y avoir leur centre d’activités. Il exige
également une « connexion britannique » pour l’immatriculation d’un navire, condition qui
peut être satisfaite par le fait de résider sur le territoire du Royaume Uni ou d’y avoir nommé
un représentant local en ce qui concerne les personnes morales.
275. La législation française est un exemple caractéristique d’une libéralisation venant
remplacer le conservatisme et le nationalisme d’une certaine époque601. Naguère encore,
lorsqu’un propriétaire de nationalité française voulait franciser son navire, il devait affirmer
sous serment devant un juge de paix, le tribunal civil ou le tribunal de commerce que le navire
n’appartenait qu’à lui ou lui appartenait pour moitié au moins ; le procès verbal de cette
prestation de serment était dressé et transmis à la recette des douanes du port d’attache déclaré
par le propriétaire 602. On rappellera à ce propos qu’en l’an II du calendrier républicain 603 un
navire ne pouvait battre pavillon français que si : 1. il avait été construit en France, 2. il
appartenait pour moitié au moins à des Français, 3. il était monté par des officiers tous
français et un équipage en grande majorité français 604. Ces conditions détaillées assuraient
donc un rattachement national infaillible entre le navire et la France. Mais l’évolution de
l’Union européenne et la concurrence maritime mondiale ont profondément restructuré ce
paysage.
Désormais, concernant les navires armés au commerce et à la plaisance, les ressortissants
communautaires et ceux des Etats EEE sont assimilés aux citoyens français 605. Si le
propriétaire est une personne physique française ou communautaire, elle doit détenir la moitié
du navire ou éventuellement un quart par un agrément spécial. Les propriétaires qui résident

600
Le registre du Royaume Uni comprend le registre britannique et le groupe REG (Red Ensign Group) qui
inclut les registres des territoires dépendant du Royaume Uni et les territoires d’outre mer. Sur ce voy. ODEKE
(A.), Bareboat Charter (Ship) Registration, op. cit. note 210, p. 367 et
[http://www.redensigngroup.org/about_us.htm]. Le REG comprend les dépendances de la Couronne : Ile de
Man , Guernesey et Jersey ainsi que les Territoires d’Outre Mer : Anguilla ; Bermuda ; Iles Vierges
Britanniques ; Iles Cayman ; Iles Falkland ; Gibraltar ; Montserrat ; St Hélène et les Iles Turcs et Caicos. Il existe
deux catégories : la catégorie 1 (Bermuda, Iles Vierges, Iles Cayman, Ile de Man et Gibraltar) dont le registre ne
pose pas des limitations concernant le tonnage et le type des navires et la catégorie 2 (tous les autres) qui
n’immatricule que les navires de maximum 150 GRT et les navires de plaisance de maximum 400 GRT. En 1993
le terme « navires britanniques » fut modifié en «navires du Royaume Uni » afin d’exclure les ex-colonies.
601
Voy. dans ce sens VIALARD (A.), « Quelques aspects contemporains de la francisation des navires »,
Mélanges Derrupé, G.L.N Joly-Litec, 1991, p. 405 ; L’auteur souligne que la France a passé d’un « chauvinisme
étroit à une tolérance cosmopolite ».
602
SAFA (P.), Droit maritime, op. cit. note 76, p. 116.
603
Correspondant aux années 1793 et 1794 du calendrier grégorien. Cet an aurait en effet commencé le 21
septembre 1793 et se serait terminé le 21 septembre 1794.
604
RODIERE (R.) & REMOND-GOUILLOUD (M.), La mer, droits des hommes ou proie des Etats ?, Pedone,
Paris, 1980, p. 25.
605
Loi du 3 janvier 1967 modifié par loi du 26 février 1996 et par celle du 16 janvier 2001.

206
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

moins de 6 mois par an sur le territoire français doivent y faire élection de domicile pour
toutes les affaires administratives ou judiciaires se rapportant à la propriété et à l’état du
navire 606. S’agissant des sociétés, les dirigeants sociaux doivent être des ressortissants
communautaires. Pour les sociétés de capitaux, aucune condition n’est exigée quant à la
nationalité du capital, mais le président du conseil d’administration, les directeurs généraux et
la majorité des membres du conseil d’administration ou bien les membres du directoire et la
majorité des membres du conseil de surveillance doivent être français ou ressortissants
communautaires ou ressortissants d’un Etat EEE. Si le navire est la propriété d’une société de
personnes, la gérance et les associés détenant la moitié au moins du capital social doivent être
français ou UE ou EEE. Le siège social de la société peut être situé hors de l’Union
européenne s’il existe une convention bilatérale de réciprocité, conclue entre la France et
l’Etat mais si le navire est propriété d’une société anonyme, celle-ci doit avoir son siège social
en France ou UE. Enfin, selon la loi de 2001, les navires qui ne sont pas la propriété de
sociétés ayant leur siège social en France doivent être dirigés et contrôlés à partir d’un
établissement stable situé sur le territoire français.
276. De manière générale, les législations des autres pays européens sont quasiment
identiques. Elles permettent l’immatriculation des navires appartenant à leurs nationaux et aux
ressortissants communautaires. Dès lors qu’il s’agit de navires appartenant à une société, la
condition de contrôle majoritaire et de siège principal, ainsi que, à défaut, celle
d’établissement permanent et de gestion à partir du territoire en question, sont omniprésentes
dans les législations européennes. Le reste des pays maritimes « développés » suivent les
mêmes règles d’attribution de leur nationalité. Ils exigent que le propriétaire du navire à
immatriculer ait la nationalité de l’Etat du pavillon ou qu’au moins il y réside. Les critères
relatifs à la nationalité des bénéficiaires effectifs ou celle des dirigeants sociaux subsistent
donc en partie, mais la condition de la gestion à partir du territoire de l’Etat du pavillon voit
son importance s’accroître. Cette condition, qui reprend la jurisprudence communautaire en la
matière, est très pertinente : elle permet d’assurer le contrôle effectif du navire par l’Etat du
pavillon sans pour autant imposer que le propriétaire soit son national.

606
A cet égard est soulevée la question d’une discrimination indirecte éventuelle en droit communautaire. Voy.
BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Droit maritime, op. cit. note 210, p. 130.

207
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

277. Dès lors, si le critère de la nationalité du propriétaire persiste 607, sa force s’affaiblit
considérablement. Les législations nationales manifestent un déplacement certain vers des
conditions plus administratives que substantielles concernant l’attribution de la « nationalité »
à un navire. Ce phénomène a toujours été présent pour les pays de libre immatriculation, mais
son renforcement dans les pays maritimes traditionnels constitue une nouveauté indicative de
la tendance générale de l’industrie shipping à accepter comme rattachement suffisant
l’immatriculation du navire et le contrôle en découlant. Dès lors que les propriétaires des
navires sont majoritairement des sociétés et compte tenu de l’internationalisation du monde
économique, la question du bénéficiaire effectif devient de plus en plus pertinente, mais il
devient également de plus en plus difficile d’y résoudre. L’établissement permanent qui
assure la gestion du navire à partir du territoire de l’Etat du pavillon constitue un critère
alternatif intéressant, qui permet à l’Etat de contrôler l’engin de sa « nationalité ».

B. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant dans les législations de droit aérien 608

278. Comme cela a été précédemment souligné, le droit international conventionnel


n’impose pas l’existence d’un lien substantiel comme condition d’immatriculation d’un
aéronef sur le registre national 609. Il est, dès lors, de prime abord étonnant de constater que le
« lien effectif » est devenu une réalité dans l’aviation plus que dans la navigation maritime.
Mais cette situation n’est en réalité guère illogique. Historiquement, les limitations sont plus
nombreuses et plus importantes en matière d’aviation 610. Cela s’explique par le fait que la
présence étatique, souveraineté territoriale oblige, est significativement plus marquée en ce
607
Lorsque la nationalité du propriétaire est une condition d’immatriculation, les législations nationales
prévoient toujours la radiation du registre de tout navire qui cesse de remplir les conditions le qualifiant comme
navire national (par exemple suite à un changement de propriété) ; le propriétaire est tenu d’en informer l’officier
d’immatriculation qui va procéder à la radiation. Si le propriétaire d’un navire veut le transférer à un registre
étranger, il doit soumettre à l’officier compétent une demande écrite spécifiant le nom du navire, la raison pour
laquelle le transfert est demandé, le nom et nationalité du nouveau propriétaire, le nom du pays au registre
duquel se fera le transfert et le certificat original du registre précédent.
608
Voy. la synthèse de AIR LAWS AND TREATIES OF THE WORLD, an annotated compilation prepared for
the Committee on science and astronautics, U.S House of Representatives, 87th congress, 1st session, May 11,
1961, US Governement printing office, Washington, dont une grande partie des informations demeurent
d’actualité malgré la date du document. Pour des informations actualisées, le site [http://www.aviation-
register.com/french/index.html], site de l’International Register of Civil Aircraft (IRCA) regroupe les registres
nationaux de 55 pays sous une présentation homogène, ayant comme but de fournir une base de données
internationale contenant des informations harmonisées et substantielles sur les flottes aériennes nationales.
L’accès à ces informations se fait sous paiement de 680 (version basique) ou 1810 (version extensive) euros par
un. Pour un accès gratuit à certaines législations : [http://www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/oeur/lxweaab.html].
609
L’article 17 de la convention de Chicago a néanmoins pu être interprété comme un moyen permettant aux
Etats de formuler des restrictions sur les conditions de nationalité des transporteurs aériens. Voy. MOLEPO
(M.), « Liberalizing Restrictions on Substantial Ownership and Effective Control of Airlines: A Bilateral and
Multilateral Perspective », op. cit. note 442, p. 64.
610
O’DONOVAN (H.), « Flags of convenience - a growing issue for European air transport ? », op. cit note 457,
p. 63.

208
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

qui concerne le droit international de l’air. Chaque Etat exerce une souveraineté exclusive sur
son espace aérien. Les droits de passage et de survol de cet espace sont échangés entre les
Etats sur la base de traités bilatéraux relatifs aux services aériens611. La conséquence directe
en est que les Etats contrôlent de manière très étroite les droits qu’ils reconnaissent à leurs
pairs et imposent des conditions de survol strictes.
279. De manière générale, les contrôles concernant le rattachement d’un aéronef à un Etat
et, souvent, à une compagnie aérienne, sont plus stricts et plus efficaces que dans le monde
maritime et le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant plus récurrent 612. Depuis le
11 septembre 2001, la sévérité avec laquelle les pays réglementent les transports aériens a été
considérablement accrue 613. Il est devenu difficile d’immatriculer un aéronef dont le
propriétaire et l’exploitant ne sont pas clairement identifiés. Le critère principal en matière
d’immatriculation des aéronefs semble être celui de la nationalité de leur
propriétaire/exploitant. Le principe qui rattache la « nationalité » de l’aéronef à celle de son
propriétaire a toujours été considéré comme prépondérant 614. La mise en avant de ce principe
peut être aperçue dans la convention de Chicago, dont l’article 21 prévoit que les Etats
s’engagent à fournir des renseignements sur l’immatriculation et la propriété et contrôle de
tout aéronef immatriculé par eux. Les critères de type « territorial/administratif », vers
lesquels le droit maritime semble s’orienter, ne sont cependant pas absents du droit aérien. Le

611
Par exemple, l’article L.131-1 du Code de l’aviation civile français, qui est établi en conformité avec la
convention de Chicago, précise que les aéronefs de nationalité étrangère ne peuvent circuler au-dessus du
territoire français que si le droit leur est accordé par une convention diplomatique ou s’ils reçoivent à cet effet
une autorisation qui doit être spéciale et temporaire. Voy. PANCRACIO (J.P.), Droit International des Espaces,
Armand Colin, Masson, Paris, 1997, p. 63.
612
Les législations relatives à l’immatriculation des aéronefs prévoient toujours que l’immatriculation doit
prendre fin en cas de changement de propriété si le nouveau propriétaire ne remplit plus les conditions
d’éligibilité. A cet égard, la législation iranienne est intéressante. Elle prévoit que si un aéronef immatriculé dans
l’Iran est par la suite immatriculé dans un autre pays, s’il y a un changement de propriété, si le propriétaire meurt
ou change de nationalité ou si une autre des conditions nécessaires pour l’immatriculation cesse d’exister,
l’immatriculation de l’aéronef et le certificat de sa « nationalité » doivent être considérés comme annulés à
partir de la date du fait en cause (Civil Aviation Act 19 juillet 1949 Article 12). Le changement de propriétaire a,
dès lors, les mêmes effets en droit aérien qu’en droit de la mer, en ce qui concerne le transfert d’immatriculation
et le changement de « nationalité » de l’engin.
613
Un exemple caractéristique constitue le Aviation and Transportation Security Act américain de 2001, Public
Law 107-71, 19 November 2001, qui établit la Transportation Security Administration :
[http://www.tsa.gov/index.shtm] consulté le 20 juillet 2010. Voy. également le Règlement (CE) n° 2111/2005
du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l’établissement d’une liste
communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté
et l’information des passagers du transport aérien sur l’identité du transporteur aérien effectif.
614
Selon RIPERT, « la distinction basée sur la nationalité du propriétaire s’inspire évidemment de
préoccupations purement nationales au point de vue de la défense militaire et économique » ; 5ème congrès
international de Législation aérienne, Prague, 1922, p. 81 ; HAMEL souligne dans le même sens qu’ « à la base
de ce système se trouve le principe de la souveraineté complète et exclusive de l’Etat sur l’espace aérien qui le
domine. Dès lors, la circulation dans son domaine aérien est une faveur qu’il n’accordera qu’à des appareils
dont il n’aura rien à craindre, c’est-à-dire pour lesquels un autre Etat fournira des garanties suffisantes » :
Revue de droit international privé, 1925, pp. 32 et s.

209
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

siège social ou l’incorporation des sociétés propriétaires des aéronefs, ainsi que la présence
d’un représentant local ou d’un établissement permanent de gestion sont pris en compte de la
même manière que pour l’immatriculation des navires.
280. Si plusieurs pays maritimes permettent l’immatriculation des navires appartenant à
des sociétés qui ont officiellement la nationalité de l’Etat du pavillon, acquise suite à une
procédure rapide et simplifiée, mais qui appartiennent en réalité à des bénéficiaires étrangers,
cette situation est plus rare en matière d’aviation civile. Les législations nationales ne se
contentent pas de prévoir qu’une société, qui a officiellement la nationalité de l’Etat, et qui est
propriétaire d’un aéronef, peut l’immatriculer sur le registre étatique. Elles prévoient
également des seuils minimaux de propriété nationale concernant le capital de la société ; les
pourcentages des bénéficiaires effectifs nationaux requis sont analogues à ceux des
législations maritimes traditionnelles, soit entre le 51% et les 2/3 des dirigeants et/ou des
actionnaires 615. Plusieurs législations nationales sont également assez restrictives quant à
l’accès à la propriété des compagnies aériennes 616.
281. Dans l’ensemble des pays non-membres de l’UE, pour une première immatriculation,
l’aéronef doit appartenir soit à un national de l’Etat de pavillon soit à un étranger qui y réside
de manière permanente, soit à une société y ayant son principal établissement. Certains Etats,
souhaitant avoir un registre plus rigide, excluent la possibilité d’immatriculation par des non-
nationaux, même si ces derniers sont des résidents permanents. Les pays dont les registres
sont ouverts aux aéronefs appartenant à des propriétaires/locataires étrangers sont, en dehors
de l’UE, peu nombreux 617. Cependant, pour des raisons de compétitivité du registre, il arrive
également que les législations exigent uniquement que la société ait son siège effectif dans
l’Etat ou du moins qu’elle y ait son principal centre d’activités.
Dans tous les cas, la résidence du propriétaire de l’aéronef sur le territoire et la gestion
quotidienne de l’engin à partir du territoire sont les conditions minimales sine qua non d’une
immatriculation. Les Etats-Unis, par exemple, exigent que le propriétaire de l’aéronef ait la
nationalité américaine ou, s’il s’agit d’une société étrangère, que la gestion de l’aéronef se
fasse à partir du territoire américain et que l’engin soit basé et principalement utilisé aux
Etats-Unis 618. L’aéronef ne peut être immatriculé que par, et au nom du propriétaire 619. En

615
Voy. annexe 3. Pour ce qui concerne les aéronefs français, voy. DE JUGLART (M.), Traité de droit aérien t.
1, op. cit. note 546, p. 299.
616
NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), op. cit. note 120, p. 50.
617
Voy. annexe 3.
618
Pour une analyse de l’évolution de la législation américaine en la matière voy. WASSENBERGH (H.),
Principles and Practices in Air Transport Regulation, op. cit. note 260, p. 157.

210
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

revanche, le Japon impose des restrictions plus strictes pour permettre l’immatriculation des
aéronefs sur son registre. Il n’autorise pas l’immatriculation de tout aéronef qui appartient : à
une personne physique ou morale n’ayant pas la nationalité japonaise, à un Etat étranger ou
une entité publique étrangère, à une personne morale dont le représentant ou plus de 1/3 des
directeurs ou des bénéficiaires ayant le droit de vote appartiennent à une des catégories
précédentes 620. L’article relatif à l’immatriculation japonaise est donc rédigé de manière
négative, excluant tout aéronef appartenant à une personne étrangère ou à une société
contrôlée par des étrangers.
282. Pour les Etats membres de l’UE, à l’instar de ce qui est le cas pour les navires, la
législation communautaire a entraîné la modification des conditions d’immatriculation des
aéronefs, afin d’éviter toute entrave à la liberté d’établissement. Un aéronef peut désormais
être immatriculé dans un Etat membre lorsqu’il appartient, non seulement à une personne
ayant la nationalité de cet Etat, mais aussi à tout autre ressortissant communautaire. Allant
plus loin encore, le cas des aéronefs immatriculés dans un pays de l'Union européenne et
conformes aux nouvelles dispositions adoptées par l'Agence européenne de la sécurité
aérienne 621, sera traité à l'échelon européen, permettant notamment un changement
d'immatriculation sans aucune contrainte technique 622.
Ainsi, la Belgique a-t-elle été condamnée en 1999 pour avoir maintenu dans sa législation
une disposition en vertu de laquelle les opérateurs d’autres Etats membres devaient justifier
d’une année de résidence ou d’établissement en Belgique pour pouvoir y demander
l’immatriculation d’un aéronef 623. L’arrêté royal du 14 mai 2000 a modifié en conséquence
les règles en matière d’immatriculation624. La législation belge prévoit désormais que sont
immatriculés sur le registre belge les aéronefs appartenant en totalité à des ressortissants
communautaires ou de l’EEE ou à des personnes morales de droit belge dont les associés
619
Pour une analyse de la procédure voy. GESELL (L. E.), Aviation and the Law, Coast Aire Publications, 3rd
edition, 1998, pp. 222 et s.
620
Civil Aeronautics Law of Japan, article 4 (Requirement for Registration) cité in YAMAZAKI (K.), « Airline
Ownership and Control Requirements. Changes in the Air – A Legal View from Japan », op. cit. note 462, p. 52.
621
Instituée par le règlement (CE) n° 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2002 abrogé
par le règlement (CE) n° 216/2008, qui a étendu les compétences de l’Agence à la navigation aérienne et aux
aéroports.
622
Réponse du Secrétariat d’Etat au tourisme à la question de M. CARTIGNY (E.), publiée dans le JO Sénat du
29/10/2003, p. 7137.
623
CJCE, Commission c/ Belgique, affaire C-203/98, op. cit. note 266; la Cour a estimé que « lorsqu’un aéronef
constitue un instrument pour l’exercice par un ressortissant communautaire d’une activité économique
comportant une installation stable dans un autre Etat membre, son immatriculation ne peut être dissociée de
l’exercice de la liberté d’établissement. Dès lors, les conditions posées à l’immatriculation des aéronefs ne
doivent pas comporter de discrimination sur le fondement de la nationalité ni faire obstacle à l’exercice de cette
liberté » (§ 12).
624
FRUHLING (P.) & GODFROID (M.), « Le nouveau droit aérien belge », RFDAS, vol. 217, n°1, 2001, pp.
14-15.

211
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

et/ou organes sont des ressortissants communautaires ou de l’EEE 625. Pour les personnes
n’appartenant pas à ces catégories, l’immatriculation est subordonnée à une autorisation
préalable de l’autorité compétente en matière d’aéronautique, alors qu’une résidence ou un
siège d’exploitation basé sur le territoire belge est toujours exigé. Dans la même direction, le
Code de l’aviation civile français prévoit que l’aéronef à immatriculer doit appartenir à un
français ou à un ressortissant communautaire ou EEE. S’il s’agit d’une société, elle doit avoir
son siège ou son principal établissement sur le territoire français, UE ou EEE 626.
283. Dès lors, le rattachement réel entre l’aéronef et l’Etat d’immatriculation est établi de
manière relativement claire. Le critère de la propriété nationale prévu par les législations
nationales semble remplir son rôle plus efficacement, d’autant plus qu’il est combiné avec le
critère de la nationalité des compagnies aériennes opérateurs des aéronefs. Même pour les
Etats membres de l’Union européenne, si les critères « territoriaux/administratifs » du siège
de la société ou de l’établissement de gestion à partir du territoire sont de plus en plus
importants, le critère du contrôle majoritaire de la société demeure largement prépondérant.

§ 2. Les autres critères de type « personnel » ou « territorial » facilitant le contrôle exercé


par l’Etat d’immatriculation sur l’engin

284. Outre la nationalité du propriétaire/exploitant de l’engin, celle des autres personnes


impliquées dans les activités de l’ensemble organisé peut être prise en compte. Pour
l’immatriculation des navires par exemple, la nationalité de l’équipage fut longtemps
considérée comme une condition témoignant de la rigidité du registre étatique. Cependant,
l’importance de ce critère s’est affaiblie progressivement, en raison de la mondialisation de
plus en plus poussée de l’industrie maritime et du développement des flottes des pays en
développement. Dès lors que l’équipage détient les certificats de compétence nécessaires et
parle la même langue, sa nationalité n’a plus grande importance. Mutatis mutandis, le critère
du lieu de construction du navire a dû s’éclipser des législations maritimes. Quant au critère
« territorial » du port d’attache, il n’est pas considéré comme un critère de l’attribution de la
« nationalité » aux navires mais comme une conséquence de celle-ci. En revanche, le port
d’attache semble être un élément plus important pour les législations relatives à
l’immatriculation des aéronefs. L’ensemble de ces critères ne remplace cependant pas celui de

625
Loi du 27 juin 1937 sur la navigation aérienne (article 6) et l’arrêté royal du 15 mars 1954 sur la navigation
aérienne (articles 2 et 18) tel que modifié par l’arrêté royal du 31 août 1979 l’arrêté royal du 14 mai 2000 ; Voy.
aussi NAVEAU (J.), GODFROID (M.) & FRUHLING (P.), op. cit. note 120, pp. 199 et 273-274 et pour une
critique FRUHLING (P.) & GODFROID (M.), « Le nouveau droit aérien belge », ibidem, p. 15.
626
Article L121-3 modifié par la loi n° 96-151 du 26 février 1996, article 28 JOFR 27 février 1996.

212
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

la nationalité du propriétaire/exploitant, contrairement au critère de l’établissement permanent


local déjà examiné. Il s’agit plutôt des critères supplémentaires, censés manifester le
rattachement substantiellement « national » de l’engin et permettant de renforcer le contrôle
exercé par l’Etat d’immatriculation (A).
285. Les législations spatiales en revanche – se conformant au droit international –
n’adoptent pas de critères de rattachement « national » pour l’immatriculation per se des
objets spatiaux. Les critères « nationaux » de type « personnel » et/ou « territorial » entrent en
jeu non pas en ce qui concerne l’immatriculation des engins, mais en ce qui concerne
l’autorisation des activités spatiales. Ces critères constituent une alternative efficace au
rattachement « substantiel » des objets spatiaux, dès lors que, pour l’instant, ils permettent
aux Etat de contrôler relativement efficacement les opérations spatiales dans lesquelles ces
objets sont impliqués. Néanmoins, l’efficacité du système risque d’être remise en cause au fur
et à mesure du développement de l’industrie spatiale (B).

A. Le rattachement « national » d’un ensemble organisé : équipage et bâtiment

286. L’importance du critère de la nationalité de l’équipage s’est progressivement


affaiblie en droit maritime, alors qu’il n’a jamais été imposé comme tel en droit aérien (i). En
revanche, les critères du lieu de construction et du port d’attache, qui ont acquis naguère une
importance plus grande en ce qui concerne l’immatriculation des aéronefs, sont également en
train de disparaître (ii).

i. Le critère « personnel » de la nationalité de l’équipage

287. La nationalité de l’équipage est moins prise en compte dans l’aviation civile, étant
donné la courte durée des voyages et le rôle dès lors moindre du personnel des aéronefs.
Certes, le commandant de bord et le personnel navigant doivent être titulaires de certificats et
de brevets en état de validité, mais cette condition suffit habituellement pour leur permettre
d’exercer leur activité professionnelle. S’il existe des Etats qui prévoient que l’équipage à
bord des aéronefs immatriculés sur leur registre doit posséder leur nationalité 627, la quasi-
totalité des législations aériennes stipule que les étrangers peuvent faire partie du personnel
navigant professionnel s’ils sont titulaires des certificats exigés 628. Quoi qu’il en soit, la
nationalité de l’équipage et du commandant de bord ne constitue pas une condition
d’immatriculation des aéronefs, mais une conséquence de celle-ci.
627
Voy. à titre d’exemple l’article L421-4 du Code de l’aviation civile français.
628
Ibidem, article L421-5.

213
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

288. En revanche, pour ce qui concerne les navires, la nationalité de l’équipage a


longtemps été considérée – et l’est encore aujourd’hui par certaines législations – comme une
condition d’immatriculation. Plus un registre est « fermé », plus l’exigence d’un équipage
composé entièrement ou majoritairement de nationaux est renforcée et vice versa 629. Il s’agit,
cependant, d’un critère moins déterminant que celui de la nationalité du
propriétaire/exploitant. Par ailleurs, divers facteurs entrent en jeu quant à la nationalité de
l’équipage employé à bord d’un navire. Il s’agit surtout du coût plus ou moins important des
différents marins, mais également de la disponibilité d’un nombre suffisant de marins
nationaux convenablement formés. S’il n’existe pas suffisamment des marins ayant la
nationalité de l’Etat du pavillon, ce dernier se verra obligé d’accepter un équipage étranger,
même s’il n’est pas un pays de libre immatriculation. Il est néanmoins possible d’affirmer
que, de manière générale, les pays de libre immatriculation prévoient moins de conditions
relatives à la nationalité des marins, capitaine, officiers ou autres, employés à bord des navires
battant leur pavillon.
289. La grande majorité des pays qui n’exigent pas un équipage de leur nationalité
imposent, toutefois, que les marins employés à bord de leurs navires soient certifiés STCW 630
ou qu’ils soient titulaires des certificats de compétence délivrés par un des pays dont les
certificats sont reconnus par l’Etat en question. Dans ce cas, il convient d’examiner le nombre
de pays fournisseurs de main d’œuvre qualifiée avec lesquels l’Etat du pavillon a des accords
spéciaux, ainsi que le nombre des pays dont les certificats délivrés par leurs autorités
compétentes sont reconnus par lui. Si l’Etat du pavillon n’est pas satisfait du système de
certification de l’Etat délivreur, il peut refuser de reconnaître ses certificats. L’Union
européenne joue un rôle significatif à cet égard, ayant la compétence d’apprécier la
conformité des certificats de compétence délivrés par des Etats tiers avec la convention
STCW. A titre d’exemple, la décision de la Commission C(2010) 7966 du 22 novembre 2010
demande aux Etats du pavillon membres de l’UE de ne plus reconnaître les brevets de la
Géorgie, en raison du fait que les autorités maritimes de ce pays ne sont plus considérés par la
Commission comme se conformant aux standards minimaux STCW. Cette exigence de
certification conforme constitue donc en général la condition minimale mais suffisante
d’engagement d’un marin. Elle va souvent de pair, notamment pour ce qui concerne les
législations des pays en développement, avec l’obligation d’engager des marins qui parlent,

629
Voy. annexe 2.
630
Initiaux désignant la Convention on Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers (en
français convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de
veille) adoptée le 7 juillet 1978 dans le cadre de l’OMI.

214
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

ou du moins comprennent, l’anglais. L’Etat du pavillon s’assure, ainsi, que les marins à bord
sont compétents (puisque détenteurs d’un certificat reconnu) et qu’ils peuvent communiquer
entre eux. Dès lors, toute exigence de nationalité devient inutile.
290. A contrario, les pays d’immatriculation fermée aux étrangers exigent plus souvent
que les navires battant leur pavillon soient armés par un équipage entièrement – ou à
pourcentage très important – national et n’acceptent des exceptions qu’après délivrance
d’autorisations spéciales ou uniquement pour les résidents. Les pays qui exigent un équipage
entièrement national sont néanmoins peu nombreux. Le reste des Etats maritimes suivent
globalement la même approche : ils distinguent entre le capitaine et son second – et dans
certains cas le chef ingénieur et les officiers – qui doivent avoir la nationalité du pavillon et le
reste de l’équipage – dans son ensemble ou en partie – qui peut avoir une nationalité
quelconque. Il existe également des pays non considérés comme de libre immatriculation,
comme la Norvège, où l’emploi maritime est significativement développé, qui permettent que
le capitaine soit étranger à condition qu’il obtienne une « dispense » de la part de l’autorité
compétente. Par ailleurs, en ce qui concerne l’immatriculation sur un registre bis ou
international, les Etats imposent un pourcentage des marins nationaux moins important que
pour une immatriculation sur leur registre ordinaire.
291. L’établissement d’un marché unique au sein de l’Union européenne a bien
évidemment entraîné une modification substantielle des exigences de nationalité du capitaine
et de l’équipage à bord des navires européens 631. Désormais 632, les Etats membres ne peuvent
pas réserver à leurs nationaux le statut de marin ou de capitaine, de second et d’officier à bord
des navires battant leur pavillon. De manière générale, les normes communautaires
s’appliquent uniquement aux transports intra-communautaires mais pas aux liaisons
maritimes internationales impliquant des Etats communautaires 633. En ce qui concerne les
conditions de nationalité de l’équipage à bord du navire de pavillon, le droit communautaire
interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, quelle qu’en soit la nature ou la gravité,

631
Voy. à cet égard CUDENNEC (A.), « L’Union européenne, acteur maritime international : un statut à
définir », ADM, t. XI, 2006, pp. 195-217 et BESLIER (S.), « L’Union européenne et l’administration de la
mer », idem, pp. 218-237.
632
Dès 1986, dont datent les premières directives communautaires d’application de la libre-circulation au
transport maritime.
633
Voy. l’exemple du ferry le Normandy, assurant les liaisons entre l’Irlande et les ports français, immatriculé
aux Bahamas et armé avec des marins sénégalais et lettons qui a dû, suite à des manifestations syndicales, être
immatriculé sur le registre chypriote et être armé avec des marins lettons, la Lettonie ayant rejoint l’Union
européenne. Voy. CHAUMETTE (P.), « Le droit communautaire maritime », op. cit. note 402, p. 174 ;
CHAUMETTE (P.), « Du portuaire et de la nouvelle bataille du Transmanche », DMF, vol. 58, n° 667, 2006, pp.
99-110.

215
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

entre les travailleurs des Etats membres. C’est ainsi que la CJCE a jugé que l’exigence de la
loi française d’avoir un équipage de 75% de nationaux français était discriminatoire 634.
Les Etats ont une liberté relativement plus importante pour ce qui concerne l’emploi du
capitaine ou de son second. Dans son arrêt du 30 septembre 2003 635, suivant l’analyse de
l’avocat général STIX HACKL, la CJCE a jugé que les Etats ne peuvent réserver ces emplois
à leurs nationaux qu’à la condition qu’ils exercent des prérogatives de puissance publique 636.
Si la Cour accepte que le capitaine, voire son second, puissent exercer de telles « fonctions
relevant de l’administration publique », elle exige qu’elles soient exercées de manière
effective et habituelle et qu’elles ne représentent pas une part très réduite de leurs activités.
Cette solution jurisprudentielle laisse néanmoins persister un doute quant à la manière de
déterminer à partir de quel niveau d’activité les fonctions d’administration publique ne sont
pas « très réduites ». Elle aura donc vocation à s’appliquer au cas par cas, sans fournir, ex
ante, une solution nette.
Par conséquent, tout ressortissant de l’EEE, en ce qui concerne les emplois dans la marine
marchande, et de l’UE, en ce qui concerne les emplois de la pêche, peut être employé en tant
que marin à bord d’un navire battant pavillon d’un Etat membre. Il est, certes, possible de
contourner la règle concernant la nationalité des capitaines et des seconds. Il suffit que l’Etat
du pavillon leur attribue des fonctions relevant de l’administration publique de façon directe
et habituelle pour qu’il puisse exiger de nouveau que ces postes soient réservés à ses
nationaux, et renforcer ainsi le lien de rattachement avec le navire de sa « nationalité ». Les
administrations et juridictions de plusieurs Etat membres, tels la France 637 ou la Grèce,
avaient ainsi tendance à favoriser la présence de leurs nationaux en tant que capitaines ou

634
CJCE, French Seamen case, Commission c/ France, affaire 167/73, Rec. 1974, pp. 359-374.
635
CJCE, Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Espanola c/ Administracion del Estado, affaire C-
405/01, Rec. 2003, p. I-10391 et CJCE, Anker c/ Budesrepublic Deutchland, affaire C-47/02, Rec. 2003, p. I-
10447; Voy. précédents jurisprudentiels CJCE, French Seamen case, op. cit. note 634 et CJCE, Commission c/
France, affaire C-334/94, op. cit. note 547. Voy. aussi CJCE, Pesca Valentia c/ Min. de la Pêche et des Fôrets,
affaire 223/86, Rec. 1986, p. 83 et CJCE, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex-parte
Jaderow Ltd. et ex parte Agegate Ltd., affaires 216/87 et 3/87, Rec. 1989, p. 4509 et p. 4459.
636
Dans ces conditions, dorénavant seul l’Abeille Flandre peut de droit avoir un capitaine français, en raison de
son statut spécial de remorqueur spécialisé dans le sauvetage de navire en détresse. Voy. sur cette jurisprudence
l’article d’Antoine DE GOUVILLE dans la Revue Maritime no. 467 accessible sur [www.ifm.free.fr], ainsi que
NESTEROWICZ (M.), « Sea captains and performance of public duties in European law », Lloyd’s Maritime
and Commercial Law Quarterly, February 2004, pp. 19-26 ; BONASSIES (P.), « La nationalité des capitaines de
navire et la CJCE », DMF, no. 643, Décembre 2003, pp. 1027-1034 et du même auteur « Conditions restrictives
pour qu’un Etat réserve à ses nationaux des emplois de capitaine et de second (CJCE 30 Septembre 2003) »,
idem, pp. 1035-1041.
637
La France a été condamnée en 2008 pour avoir maintenu une exigence de nationalité, même lorsque
l’exercice effectif des prérogatives de puissance publique ne représente qu’une part réduite des activités du
capitaine : CJCE, Commission c/ France, affaire C-89/07, Rec. 2008, p. I-45, Pub. somm. et JOUE C 107, 26
avril 2008 ; DMF, 2008, n° 509, note CUDENNEC (A).

216
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

seconds au bord de leurs navires, même après la prise de position de la jurisprudence


communautaire. Ils se plient néanmoins petit à petit aux règles édictées par l’Union. La
France a ainsi récemment modifié l’article 3 de son Code du travail maritime dans ce sens 638.
292. Il convient par ailleurs de signaler que, comme MM. BONASSIES et SCAPEL
l’expliquent, la règle de l’équipage français apparaît désormais moins comme une condition
d’attribution de nationalité française que comme une conséquence de cette attribution, dès lors
qu’en cas de non-conformité avec la proportion minimale de marins nationaux ou
communautaires, fixée par un arrêté du ministre chargé de la marine marchande, le bénéfice
de la « nationalité » française n’est pas perdu. Il s’agit uniquement d’une situation irrégulière
sanctionnée par les textes douaniers 639. Le critère de la nationalité de l’équipage s’assouplit
donc, voire devient plutôt une conséquence juridique de l’attribution du pavillon, à l’instar de
ce qui est le cas pour le personnel des aéronefs. Cela démontre que le lien entre le navire et
l’Etat a de moins en moins un caractère « national » stricto sensu, puisque les éléments de
rattachement national diminuent. Le contrôle exercé par l’Etat du pavillon sur le navire est
désormais fondé moins sur l’identification de son propriétaire ou de son équipage que sur la
surveillance de l’établissement à partir duquel l’engin est géré.

ii. Les critères « territoriaux » du lieu de construction du navire et du port d’attache

293. En règle générale, il ne semble plus exister d’exigences particulières en ce qui


concerne le lieu de construction des navires. Une telle condition a pu être importante pendant
de nombreuses années, comme preuve du lien réel entre le navire et l’Etat du pavillon ; elle
correspondait à un nationalisme, voire chauvinisme, très accru dans le shipping international.
Les pays maritimes, qui avaient le quasi-monopole de la navigation et du commerce maritime,
attribuaient leur pavillon à des navires construits dans leurs chantiers navals, appartenant à
leurs nationaux et ayant un équipage national 640. Or, aujourd’hui, si les deux dernières

638
Article modifié par la loi n° 2008-324 du 7 avril 2008 relative à la nationalité des équipages des navires.
L’article prévoyait qu’ « à bord des navires battant pavillon français, le capitaine et l’officier chargé de sa
suppléance doivent être français ». Il stipule désormais que « à bord des navires battant pavillon français, le
capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont ressortissants d’un Etat membre de la Communauté
européenne, d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse »,
alors que « les autres membres de l’équipage doivent être ressortissants d’un Etat membre de la Communauté
européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans une proportion minimale
fixée par arrêté du ministre chargé de la marine marchande, en fonction des caractéristiques techniques de
navires ou de leur mode d’exploitation ».
639
BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Droit maritime, op. cit. note 210, p. 132.
640
Voy. SLIM (H.), « Les pavillons de complaisance », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit économique de
la mer, Pedone, Paris, 2007, p. 84 : « Jusqu’à la fin des années 60, le transport maritime mondial était dominé
par une poignée de grandes nations qui assuraient à la fois la construction des navires et leur exploitation sous
leur propre pavillon ».

217
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

conditions peuvent en partie survivre pour les registres traditionnels rigides, la première est
oubliée ou, du moins, largement assouplie. Les raisons sont forcément plutôt économiques et
découlent directement de la mondialisation et de l’ouverture des marchés. Les navires sont
construits là où la main d’œuvre et les autres conditions de construction sont les plus
intéressantes pour le propriétaire ou le gérant du navire. Un Etat, même conservateur en ce qui
concerne la politique maritime, ne s’aventurerait pas à imposer une exigence de lieu de
construction, puisqu’une telle condition pourrait signifier la perte d’un grand nombre
d’immatriculations de son registre 641. Dans un monde concurrentiel et ouvert comme celui du
21ème siècle, une telle exigence serait une condamnation pour le registre national. Il ne faut
pas oublier que le choix du pavillon et du pays d’immatriculation se fait principalement, voire
exclusivement, en fonction des facteurs économiques et commerciaux.
294. L’assouplissement progressif de la législation française est révélateur de la tendance
générale concernant la condition de la construction du navire. Le décret du 21 septembre 1793
portant Acte de navigation prévoyait que le navire devait avoir été construit en France pour
pouvoir arborer le pavillon français. La règle a été assouplie dès 1948 ; selon le nouveau
article 219 b du Code de douanes, le navire devait soit être construit dans le territoire de
l’Union française soit avoir acquitté les droits et taxes d’importation pour pouvoir être
francisé. Enfin, la loi française du 16 janvier 2001 a considérablement élargi la règle de
construction, assimilant à la construction en France la construction dans tout Etat membre de
l’UE. Le navire construit en dehors de France ou de l’Union Européenne devra cependant
acquitter les droits et taxes d’importation exigibles pour pouvoir être francisé 642.
295. Quant au port d’attache, un des éléments d’individualisation du navire, il n’est pas
une condition d’immatriculation en droit maritime. Le propriétaire choisit librement le port
d’attache dans lequel il immatricule son navire, en fonction de son domicile réel ou élu. A
priori, le port d’attache n’indique pas la « nationalité », les navires pouvant avoir un port
d’attache ailleurs que dans l’Etat du pavillon. C’est ce qui est prévu par le droit français, qui
permet à des navires étrangers d’avoir un port français comme port d’attache. Cette possibilité
est d’ailleurs nécessaire pour les Etats sans littoral, qui bénéficient de la liberté de navigation
au même titre que les Etats côtiers. Il existe, néanmoins, des législations imposant un port

641
La législation maritime de la Mauritanie est un de très rares exemples où le lieu de construction est pris en
compte (mais pas en tant que condition sine qua non). En effet pour la mauritanisation d’un navire, il est exigé
que le navire soit construit en Mauritanie ou y avoir été régulièrement importé. Voy. Code de la Marine
Marchande - loi n°1995-009 du 31 janvier 1995, article 18.
642
A moins qu’il n’ait été déclaré de bonne prise faite sur l’ennemi ou confisqué pour infractions aux lois
françaises ajoute l’art.219. I. 1 du Code des douanes. Voy. BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Droit maritime,
op. cit. note 210, p. 129.

218
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

d’attache national. Ainsi, en droit libanais, par exemple, tout navire ayant ou voulant obtenir
la nationalité libanaise doit nécessairement avoir un port d’attache au Liban643. Cette exigence
ne constitue cependant pas une condition d’attribution de la « nationalité » libanaise au navire.
Il s’agit réellement d’une obligation découlant du fait de battre pavillon libanais.
296. En revanche, le port d’attache constitue un critère relativement important en droit
aérien qui le considère plus comme une condition que comme une conséquence de
l’immatriculation 644. Un débat doctrinal a naguère opposé ce critère à la nationalité du
propriétaire en tant que fondement de la « nationalité » des aéronefs 645. Si le second semble
l’avoir emporté, les législations nationales prévoient souvent que l’aéronef doit être basé –
c’est-à-dire avoir son port d’attache – sur le territoire de l’Etat dans lequel son propriétaire
souhaite l’immatriculer. Un exemple topique est celui des Etats-Unis qui exigent, aux fins de
l’immatriculation, que l’engin soit basé (et principalement utilisé) sur leur territoire. Il en va
de même pour la législation malgache qui ne se satisfait pas d’imposer un critère de propriété
nationale pour l’immatriculation des aéronefs mais exige, en plus, que l’engin soit basé et
exploité de manière durable à Madagascar 646. La législation marocaine accepte, quant à elle,
l’immatriculation des aéronefs appartenant à des étrangers à la seule condition que leur port
d’attache soit au Maroc 647. Le critère est donc plus présent qu’en droit maritime, sans
toutefois être prépondérant.

643
SAFA (P.), Droit maritime, op. cit. note 76, p. 93.
644
Voy. par exemple BENSALEM (A.), La nationalité des navires et aéronefs en droit marocain, Editions
techniques Nord-africaines, Rabat, 1971, p. 71. L’auteur explique qu’en matière d’aviation le système marocain
repose uniquement sur le fait de baser l’aéronef au Maroc (le port d’attache étant le lieu où doivent s’effectuer
les grosses réparations et révisions de l’appareil).
645
Voy. Annuaire de l’IDI, session de Lausanne 1927, pp. 367-368, Rapport général de CH. DE VISSCHER, pp.
368-382. Le rapporteur écarte le critère de la nationalité du propriétaire car il n’ajoute rien au système de la
protection personnelle des nationaux et de leurs intérêts à l’étranger. En revanche le critère du port d’attache
fonde la nationalité d’un aéronef sur un lien réel entre l’appareil et le territoire d’un Etat et semble correspondre
mieux à l’idée d’appartenance et par conséquent à la protection distincte d’un Etat sur les aéronefs qu’il a
immatriculés. A l’objection FAUCHILLE selon lequel ce système peut amener un Etat à accorder sa protection à
des appareils appartenant à des sujets étrangers, il répond que cette protection n’est que la contre partie de
l’appartenance spéciale que l’Etat revendique sur les appareils qu’il a immatriculés. Ainsi les Etats seront libres
de fixer les conditions d’attribution de leur nationalité mais en aucun cas, sauf convention contraire, un Etat ne
pourra accorder l’immatriculation à des aéronefs ayant leur port d’attache sur le territoire d’un autre Etat. C’est
le principe de la liberté tempéré par une idée de rattachement ou d’appartenance territoriale.
646
Article L 3.2.1-2, Code Malagasy de l’Aviation Civile - loi n° 2004-027.
647
Article 3, chapitre 2, Réglementation de l’aéronautique civile - décret n° 2-61-161 du 7 safar 1382 (10 juillet
1962).

219
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

B. Les critères « territoriaux » et « personnels » alternatifs prévus par les législations


spatiales 648 pour un contrôle effectif

297. En droit spatial, les Etats qui fixent les conditions d’immatriculation sont limités
dans leur choix législatif par le droit international. Jusqu’à récemment les législations
nationales relatives à l’immatriculation des objets spatiaux étaient dès lors peu nombreuses,
voire inexistantes 649. Or, le contenu précis de chaque registre et les conditions en application
desquelles un Etat de lancement devient Etat d’immatriculation doivent être déterminés par le
droit interne de l’Etat en cause. L’absence de législation nationale ne peut plus être
compensée, de nos jours, par les dispositions des traités et accords internationaux 650. D’une
part parce que l’utilité de la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux par rapport
aux évolutions actuelles est amplement débattue 651 ; d’autre part parce que les divers traités
du droit de l’espace ne contiennent pas des règles exhaustives quant à la conduite des Etats,
mais se contentent d’édicter des grandes lignes et autres principes directeurs. Il reviendra
donc aux Etats de déterminer dans leur propre ordre juridique les moyens et conditions
particulières pour satisfaire à ces principes.
298. La pertinence des lois nationales à l’époque de la privatisation et de la
commercialisation des activités spatiales va certainement se développer dans les années à
venir 652. Certes, le secteur des activités spatiales, même commerciales, demeure très
spécifique par rapport aux secteurs aérien ou maritime. Malgré le développent constant des
activités entreprises par des entités privées, les acteurs primordiaux dans l’espace extra-
648
Le site [http://www.oosa.unvienna.org/oosaddb/browse_countries.jsp] contient toutes les législations spatiales
existant actuellement. Voy. également pour une présentation récente des principales législations spatiales
nationales : BRÜNNER (CH.) & WALTER (E.) ed., Nationales Weltraumrecht/ National Space Law :
Development in Europe – Challenges for Small Countries, Bölhau Verlag Ges.m.b.H und Co. KG, Wien, Köln,
Weimar, 2008, pp. 73-166.
649
A titre d’exemple, le Brésil (Agence spatiale brésilienne AEB), l’Indonésie (Institut national de
l’aéronautique et de l’espace LAPAN) et le Kazakhstan, n’ont créé leur propre registre national des objets
spatiaux qu’en 2006, alors que la France, troisième puissance spatiale mondiale, n’a adopté une loi spéciale
qu’en 2008. Voy. Rapport du Sous-comité juridique sur les travaux de sa quarante-sixième session, tenue à
Vienne du 26 mars au 5 avril 2007, A/AC.105/891, 2 mai 2007, p. 21, § 123.
650
Dans ce sens, RAPP (L.), « When France Puts Its Own Stamp on the Space Law Landscape : Comments on
Act N° 2008-518 of 3 June 2009 Relative to Space Operations », Air and Space Law, vol. XXXIV, n°2, 2009, p.
88.
651
YOUNG (A. J.), « A decennial review of the registration convention », Annals of Air and Space Law, 1986,
pp. 287-308 ; KOPAL (V.), « The 1975 Convention on Registration of Objects Launched into Outer Space in
View of the Growth of Commercial Space Activities », op. cit. note 133, pp. 372-385; SCHMIDT-TEDD (B.) &
GERHARD (M.), « How to adapt the present regime for registration of space objects too new developments in
space applications? », op. cit. note 142, pp. 353-363; DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), An Introduction to
Space Law, Kluwer Law International, The Hague, London, Boston, 1999, p. 48; HOBE (S.), « The Relevance
of the Current Space Treaties in the 21st Century », Annales de droit aérien et spatial, vol. XXVII, 2002, p. 345.
652
Dans ce sens LEE (R. J.), « The Liability Convention and Private Space Launch Services - Domestic
Regulatory Responses », op. cit. note 485, pp. 352-353.

220
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

atmosphérique sont encore toujours les Etats, voire un petit nombre d’Etats dont l’industrie
aérospatiale est suffisamment développée 653. La question de l’immatriculation et de la
« nationalité » des objets spatiaux, notamment en ce qui concerne la problématique du « lien
effectif », pourrait donc perdre une partie de son intérêt : le rattachement entre l’engin et
l’Etat de lancement/immatriculation semble tellement évident et omniprésent que la
législation nationale n’aurait qu’à le confirmer. Le critère de la nationalité du
propriétaire/exploitant, si central en droit maritime et aérien, peut paraître, prima facie,
également non pertinent. Si le propriétaire n’est plus toujours l’Etat, il n’est pas encore une
simple personne physique ou une personne morale nationale. Le secteur privé dans le
domaine spatial est en effet un « faux secteur privé » 654. Même lorsque les sociétés en cause
ne sont pas publiques, elles sont en réalité détenues, directement ou indirectement, par des
fonds publics majoritairement. Les Etats restent toujours impliqués dans les services de
lancement au sens large 655.
Néanmoins, les objets spatiaux sont de plus en plus détenus et exploités par des personnes
privées et même si, à ce jour, la présence étatique demeure prépondérante, un futur analogue à
celui de l’industrie maritime ou aérienne ne saurait être exclu. Dans une telle hypothèse, la
nationalité du propriétaire de l’objet spatial et celle des bénéficiaires effectifs et des dirigeants
des personnes morales/propriétaires, tout comme l’exploitation de l’objet à partir de l’Etat
d’immatriculation (qui pourra être distinct de l’Etat de lancement en cas de transfert des
satellites sur orbite 656) deviendront sans doute des critères clés pour toute immatriculation
d’un engin spatial.
299. Cependant, actuellement et dans le futur immédiat, la nationalité du
propriétaire/exploitant de l’engin est moins importante que celle de la personne entreprenant
l’activité spatiale dans laquelle l’engin est impliqué. Cela est dû aux obligations
internationales prévues par l’article VI du traité sur l’espace, en vertu duquel les Etats doivent
autoriser, surveiller et être responsables de toute activité spatiale nationale, même si elle est
entreprise par une personne privée. Le droit interne doit établir à la fois une procédure de

653
Selon Mme. COUSTON, les Etats spatiaux se divisent en trois catégories : les puissances spatiales de premier
échelon (Etats-Unis, Russie, pays européens, Chine) qui possèdent à la fois la capacité satellitaire et la capacité
de lancement ; les puissances spatiales de second échelon (Australie, Canada, Japon et la plupart des pays
industrialisés) qui possèdent la technologie des satellites mais qui n’ont pas encore développé des systèmes de
lancement opérationnels et les puissances spatiales émergentes (Inde, Brésil, Argentine) qui ont des programmes
de R&D dans le spatial : COUSTON (M.), Droit Spatial Economique : Régimes applicables à l’exploitation de
l’espace, op. cit. note 193, p. XXX.
654
Ibidem, p. XVI.
655
PHAN VAN PHI (R.), « La privatisation des activités spatiales le pont de vue des lanceurs », in Colloque
SFDI : Le droit de l’espace et la privatisation des activités spatiales, Pedone, Paris, 2003, pp. 39 et 40.
656
Voy. supra § 135.

221
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

contrôle et d’autorisation concernant les activités spatiales et des règles claires concernant la
nationalité des personnes morales susceptibles d’entreprendre de telles activités. Les critères
du rattachement des objets spatiaux aux Etats prévus par les législations spatiales sont dès lors
différents de ceux relatifs à l’immatriculation des navires et des aéronefs. Le contrôle de l’Etat
sur l’objet spatial est assuré, mais de manière alternative : pas tellement à travers le critère
« pseudo-territorial » du lieu de lancement, mais à travers l’autorisation des activités spatiales
dans lesquelles l’engin est impliqué. Si le premier critère concerne directement le
rattachement des objets, il s’avère néanmoins insuffisant pour établir un véritable lien effectif
entre l’objet et l’Etat d’immatriculation (i). Dès lors, l’autorisation susmentionnée, malgré le
fait qu’elle concerne en réalité le rattachement des activités nationales aux Etats et non
directement l’immatriculation des objets, semble mieux répondre aux exigences de l’industrie
spatiale (ii).

i. Le critère de l’Etat de lancement : un critère « pseudo-territorial »

300. Ce critère, en vertu duquel un objet spatial ne peut être immatriculé que dans un Etat
qui a été à l’origine de son lancement, constitue une simple transposition du droit
international en droit interne. Il semble établir un rattachement réel entre l’objet spatial et
l’Etat d’immatriculation, dès lors que l’Etat de lancement est censé pouvoir contrôler l’engin
qu’il lance. Cependant l’efficacité de ce critère est à nuancer, tout comme l’hypothèse que ce
critère « territorial » serait en quelque sorte l’équivalent du critère de l’établissement
permanent de gestion des navires/aéronefs. Il faut rappeler à cet égard que, selon la
convention sur l’immatriculation des objets spatiaux, l’Etat de lancement n’est pas
uniquement l’Etat dont le territoire ou les installations servent au lancement d’un objet spatial,
mais également l’Etat qui procède ou fait procéder au lancement d’un objet spatial. Cette
définition assez large de l’Etat de lancement combinée à l’ambiguïté terminologique de
l’expression « faire procéder au lancement » prouvent que le critère étudié n’est pas
forcément « territorial » et que son application ne signifie pas toujours un rattachement solide.
Il est cependant imposé en tant que condition d’immatriculation des objets spatiaux, comme le
droit international l’exige, par la grande majorité des législations nationales.
301. A titre d’exemple, la récente loi française relative aux opérations spatiales 657, dont la
nécessité est devenue apparente à la suite de la demande d’un opérateur étranger d’utiliser le

657
Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.

222
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

site de lancement de Kourou 658, prévoit dans son article 12 659 : « Dans le cas où l’obligation
d’immatriculer incombe à la France en vertu de l’article II de la Convention du 4 janvier
1975 […] et, le cas échéant, d’autres accords internationaux, les objets lancés sont inscrits
sur un registre d’immatriculation tenu, pour le compte de l’Etat, par le Centre national
d’études spatiales selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat ». Dans le même
sens, la loi belge du 17 septembre 2005 relative aux activités de lancement, d’opération de vol
ou de guidage d’objets spatiaux, stipule dans son article 14 que sont immatriculés dans le
registre national les objets spatiaux dont la Belgique est Etat de lancement, sauf lorsque cette
immatriculation est effectuée par un autre Etat ou une organisation internationale,
conformément à la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux. Les données reprises
au registre sont celle prévues par l’article IV de la convention 660. L’inscription au registre doit
être effective au moment du lancement de l’objet spatial.
En ce qui concerne la législation britannique, l’Outer Space Act de 1986 établit le cadre
juridique pour le lancement des objets spatiaux, son exploitation et toute autre activité dans
l’espace. Les propositions du 16 septembre 1985 relatives à cette loi, œuvre principalement du
département du commerce et de l’industrie, visaient, entre autres, à ce que l’Etat
d’immatriculation soit déterminé conjointement par les Etats lanceurs en insistant sur le fait
qu’Etat d’immatriculation devait être l’Etat fournissant la charge utile 661, plutôt que celui
fournissant le moyen de transport 662. La loi finalement adoptée stipule dans son chapitre 38,
article 7 que le Secrétaire d’Etat maintient un registre des objets spatiaux où il immatricule les
composants desdits objets de manière à se conformer aux obligations internationales 663 du
Royaume Uni. Les mêmes observations concernent la Outer Space Ordinance de Hong Kong
qui, suite à son changement de statut en 1997, a adopté sa propre législation en se fondant sur
la loi britannique 664.

658
RAPP (L.), « When France Puts Its Own Stamp on the Space Law Landscape : Comments on Act N° 2008-
518 of 3 June 2009 Relative to Space Operations », op. cit. note 650, p. 88.
659
Unique article du titre III intitulé « Immatriculation des objets spatiaux lancés ».
660
Outre ces informations, le registre belge identifie également, en vertu du paragraphe 4 du même article, le
constructeur de l’objet ainsi que l’opérateur, de même qu’il répertorie les principaux éléments constitutifs et les
instruments embarqués à bord de l’objet spatial. Il appartient à l’opérateur de communiquer au ministre ces
informations.
661
Dans l’industrie spatiale on parle de charge utile d’un satellite pour désigner la partie qui lui permet de
remplir la mission pour laquelle il a été conçu par opposition à la plate forme (par ex. antennes, amplificateurs,
télescopes).
662
COUSTON (M.), Droit Spatial Economique : Régimes applicables à l’exploitation de l’espace, op. cit. note
193, p. 150.
663
Il faut entendre par « obligations internationales » la conformité au traité sur l’espace et à la convention sur
l’immatriculation des objets spatiaux.
664
Voy. REIF (S. U.), « Space Law in the People’s Republic of China Hong Kong Special Administrative
Region (HKSAR) Government: Outer Space Ordinance 1999 », ZLW, 2002, vol.51, pp. 49-50.

223
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

Mutatis mutandis, le décret royal espagnol 278/95 du 24 février 1995665 établit le registre
national espagnol. Les articles 5, 6 et 7 du décret reprennent les dispositions de la convention
sur l’immatriculation des objets spatiaux concernant l’obligation d’immatriculation,
l’immatriculation en cas de lancement conjoint ainsi que les informations à introduire au
registre et celles à communiquer au Secrétaire général, et les transposent en droit national. La
seule différence signalée est l’emploi du mot « promover » 666 pour désigner l’Etat du
lancement qui « fait procéder au lancement d’un objet spatial » selon la terminologie
française ou qui « procure the launching of a space object » selon la terminologie anglaise.
S’il est vrai que cette expression a été sujette à des interprétations variées, il ne semble pas
que le choix du mot « promouvoir » plutôt que « faire procéder » par la législation espagnole
entend restreindre le concept de l’Etat du lancement. Il s’agit plutôt d’une traduction erronée
de la disposition correspondante de la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux 667.
Par ailleurs, la législation suédoise prévoit que le Conseil national d’activités spatiales
tient le registre des objets spatiaux dont la Suède est considérée comme Etat de lancement en
vertu de l’article I de la convention de 1975. Il est précisé que si un autre Etat peut également
être considéré Etat de lancement, l’objet n’est immatriculé en Suède que si cela a été convenu
avec cet autre Etat. Il en va de même pour la loi ukrainienne sur les activités spatiales de
1996, dont les articles 12 à 16 668 règlent l’immatriculation des objets spatiaux en suivant les
grandes lignes de l’article II de la convention sur l’immatriculation. Le National Aeronautics
and Space Act de 1958, premier texte législatif américain en matière de réglementation des
activités spatiales, ne fait pas explicitement référence à l’immatriculation des objets spatiaux
au registre national 669. En revanche, la conception américaine de l’immatriculation spatiale

665
Real Decreto 278/1995, de 24 de Febrero, por el que se crea en España el Registro previsto en el Convencion
de 12 de Noviembre de 1974 de la asamblea general de las Naciones unidas ;
[http://www.boe.es/boe/dias/1995/03/09/pdfs/A07776-07777.pdf ] (bulletin officiel du 9 mars 1995) dont
l’article 1 crée le « Registro Espanol des Objetos Espaciales Lanzados al Espacio Ultraterrestre ». Voy.
également COPUOS, sous-comité juridique, 703ème session, Lundi 5 avril 2004, Vienne
COPUOS/LEGAL/T.703, p. 19.
666
En effet, l’article 5 du décret prévoit : « Deberan inscribirse en el Registro Espanol los objetos espaciales que
hayan sido lanzados y cuyo lanzamiento haya sido promovido por el Estado Espanol ».
667
GERHARD (M.), « National Space Legislation – Perspectives for Regulating Private Space Activities », in
Essential Air and Space Law; Space Law: Current Problems and Perspectives for Future Regulation, BENKO
(M.) & SCHROGL (K.-U.) eds., Eleven International Publishing, 2005, p. 83.
668
Sous la section General Requirements to Objects of Space Activity ; complétée par les Presidents Decree N°
969/95 on Measures on Perfection of State Regulation of Space Activities in Ukraine et le Decree N° 798/98.
Voy. GERHARD (M.), « The Law of Ukraine on Space Activities », ZLW, vol.51, 2002, pp. 57-59.
669
Pour une présentation générale voy. SALIN (P. A.), « Législation : Bilan de la législation spatiale
américaine », RFDAS, vol. 233, Janvier-mars 2005, pp. 5-19.

224
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

telle qu’elle apparaît dans le titre 35, chapitre 10 du Code des Etats-Unis sur les inventions
dans l’espace 670 suit clairement la convention de 1975.
302. Les législations étudiées ne font donc en réalité qu’introduire dans leur ordre
juridique la convention internationale de 1975 671. Seule la loi sur les activités spatiales russe
de 1993 semble s’éloigner quelque peu de ce critère. Elle prévoit en effet dans son article
17 672 que les objets spatiaux de la Fédération de Russie doivent être immatriculés sur le
registre russe et avoir des marques certifiant leur appartenance à la Fédération. Il semble donc
que la Russie ajoute aux critères d’immatriculation la « nationalité » stricto sensu de l’objet
spatial, ou plutôt le rattachement national réel de l’engin à l’Etat russe, puisqu’elle se réfère
aux « objets spatiaux de la Fédération de Russie ». Cette notion demeure cependant très
vague, dès lors qu’aucune définition de ce que constitue un objet de la Fédération Russe n’est
incluse dans la loi. S’il est évident que les objets spatiaux appartenant à l’Etat sont des objets
de la Fédération, on se demande si ceux appartenant aux nationaux russes le sont également.
Par ailleurs, le même article précise, en son paragraphe 4, que si l’objet spatial est désigné et
construit par des nationaux russes conjointement avec des nationaux étrangers ou une
organisation internationale, les questions d’immatriculation, de juridiction et de contrôle
seront déterminées en fonction des traités internationaux appropriés. La législation russe ne
fait donc pas référence au territoire du lancement pour identifier l’Etat d’immatriculation,
mais au caractère « national » des objets spatiaux 673.
303. De manière générale, le critère de l’Etat de lancement pour l’immatriculation des
objets spatiaux est cependant manifestement insuffisant, dès lors qu’il ne permet pas aux Etats
d’immatriculation de véritablement contrôler les activités de l’objet spatial. Il est dès lors
complété par les règles relatives à l’autorisation des activités spatiales entreprises sur le
territoire de l’Etat concerné ou par ses nationaux. Ces règles, prima facie indépendantes de la

670
Tel qu’amendé par un vote du 22 mars 1990, signé par le président américain le 15 novembre 1990 ; voy.
Public Law 101-580, sec. 1(a), 104 Stat. 2863. Pour une présentation plus détaillée de la loi voy. infra § 363.
671
Il convient de noter que l’immatriculation que nous avons décrite jusqu’à présent concerne les objets spatiaux
et leurs éléments constitutifs non réutilisables. Les objets spatiaux réutilisables en revanche, comme la navette
spatiale des Etats-Unis, sont immatriculés par mission. Il s’agit évidemment de la même procédure et du même
registre national mais une immatriculation différente a lieu à chaque fois que l’objet spatial est lancé. Ainsi, la
navette spatiale Endeavour avec l’indicatif national OV-105 avait été immatriculée 19 fois en tant qu’objet
spatial au 1er janvier 2005. Sur ce voy. COPUOS, sous-comité juridique, Pratique des Etats et des organisations
internationales concernant l’immatriculation des objets spatiaux, Document d’information du secrétariat,
A/AC.105/C.2/L.255, 25 janvier 2005, § 28.
672
Section IV « Space Infrastructure », article 17 « Space Objects ».
673
Voy. également, dans un sens similaire, Order n° 6 of the Commission of Science, Technology and Industry
for National Defence and the Ministry of Foreign Affairs of the People’s Republic of China, 8 February 2001,
Annex: National Registration Form of Space Objects in « Chinese Law: Registration, Launching and Licensing
Space Objects », Journal of Space Law, volume 33, Winter 2007, number 2.

225
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

question de l’immatriculation de l’objet, constituent le véritable apport des législations


spatiales nationales.

ii. Les critères « territoriaux » et « personnels » retenus pour l’autorisation des


activités spatiales

304. Le rattachement entre les objets spatiaux et leur Etat d’immatriculation se fonde sur
le critère du lancement et ce critère est identique pour toutes les puissances spatiales et repris
par toutes les législations. En revanche, le rattachement entre les activités spatiales et l’Etat
responsable les autorisant dépend de la définition donnée par les réglementations nationales.
En fin de compte, c’est cela la question cruciale : la personne privée qui entreprend des
activités spatiales doit être contrôlée par l’Etat qui autorise lesdites activités. Grâce aux
réglementations nationales, les Etats de lancement peuvent, désormais, contrôler les activités
spatiales qui sont susceptibles d’engager leur responsabilité internationale, en exigeant pour
toute activité spatiale entreprise par un opérateur privé une autorisation/licence préalable
délivrée par l’Etat. Afin d’autoriser une activité spatiale, l’Etat concerné doit l’avoir qualifiée
en tant que telle et avoir prédéfini les qualités nécessaires que doit présenter le demandeur. La
législation de l’Etat délivrant l’autorisation doit prévoir les critères relatifs à la nationalité du
demandeur lorsque ce dernier est une personne privée. S’il s’agit d’une personne morale, des
règles spécifiques doivent être mises en place, par rapport à la nationalité des dirigeants et des
actionnaires majoritaires. Dans ce contexte, les obligations du droit communautaire doivent
être prises en compte par les législations des Etats membres 674. Quant à l’activité spatiale
concernée, la loi nationale précise dans son champ matériel si les activités visées sont
tournées vers l’industrie des satellites et des opérateurs ou des services de lancement ou les
deux.
305. Globalement, tous les Etats spatiaux adoptent un critère territorial et un critère
personnel pour délimiter le champ d’application de leurs lois sur l’autorisation des activités
spatiales. D’une part, toutes les opérations spatiales effectuées à partir de leur territoire ou
sous leur juridiction – c’est-à-dire à partir des navires/aéronefs de leur « nationalité » – sont
soumises à une autorisation préalable. D’autre part, toute personne physique ou morale

674
La mise en place d’un système d’autorisation préalable pour les activités spatiales entreprises uniquement par
les nationaux d’un Etat membre (et non par tout ressortissant communautaire) pourrait en effet violer la liberté
communautaire d’établissement. Or, la jurisprudence communautaire accepte la possibilité des restrictions à la
liberté si elles sont justifiées par des raisons d’intérêt général, à condition qu’elles soient proportionnées à
l’objectif poursuivi (Voy. entre autres, CJCE, Analir, 20 février 2001, C-205/99). Les puissances européennes
spatiales pourront donc se fonder sur des telles raisons pour justifier leurs législations.

226
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

possédant leur nationalité qui entend entreprendre une activité spatiale à partir du territoire
d’un Etat étranger ou d’un espace non soumis à une souveraineté étatique, doit demander une
autorisation préalable 675. La loi française constitue un exemple très classique de ces deux
critères. Elle met en place un système d’autorisation préalable pour toute activité spatiale
nationale, ainsi que pour les transferts de contrôle d’un objet spatial déjà en orbite 676. Une
autorisation est exigée pour toute activité spatiale entreprise sur le territoire français, mais
également pour toute activité menée par une personne ayant la nationalité française à
l’étranger. L’autorité administrative ne délivre la licence qu’après vérification des « garanties
morales, financières et professionnelles » du demandeur.
306. En matière d’autorisation des opérations spatiales, nous retrouvons donc le même
type de critères que ceux qui s’appliquent à l’immatriculation des engins. Le critère de la
nationalité des personnes qui entreprennent les activités en cause est l’équivalent du critère de
la nationalité du propriétaire/exploitant, alors que le critère du territoire à partir duquel
s’effectue l’opération est l’équivalent du critère de l’établissement permanent de gestion.
Cette similitude n’est guère due au hasard. Il convient en effet de souligner que la distinction
entre l’autorisation des activités spatiales et l’immatriculation des objets spatiaux est
largement théorique. En réalité, les deux questions fusionnent souvent et l’immatriculation
s’associe à la nationalité des activités.
307. L’exemple néerlandais est intéressant en ce qu’il montre comment les règles sur
l’autorisation des opérations spatiales peuvent être combinées avec celles relatives à
l’immatriculation des objets spatiaux. La loi sur les activités spatiales adoptée par les Pays
Bas en 2006, s’applique aux activités spatiales qui ont lieu dans ou depuis les Pays Bas ou
bien sur ou depuis un navire ou aéronef néerlandais. Le registre national est tenu par le
ministre des affaires économiques et y sont immatriculés les objets spatiaux utilisés dans le
cadre des activités spatiales pour lesquelles une autorisation fur délivrée. La loi des Pays Bas
délimite et restreint ainsi les notions d’Etat de lancement et d’Etat d’immatriculation, pour ne
rattacher aux Pays Bas que les objets spatiaux liés aux activités ayant lieu sur ou depuis le
territoire néerlandais. Cette législation, tout en respectant les obligations internationales des
Pays Bas, crée un cadre juridique clair et compréhensif pour les activités spatiales du pays.

675
Voy. annexe 4.
676
Pour les définitions d’activité spatiale et d’opérateur spatial voy. articles 1 et 2 de la Loi n° 2008-518 du 3
juin 2008 relative aux opérations spatiales.

227
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

Un paradigme plus complexe est celui de la Commercial Space Launch Act américaine de
1985 677, qui commercialise les lanceurs traditionnels irrécupérables, jusqu’à alors gérés par le
gouvernement américain. Il s’agit du lancement d’un véhicule spatial et de l’exploitation d’un
site de lancement à des fins commerciales sur le territoire américain. Son champ d’application
est vaste puisque les personnes concernées, qui doivent obtenir une licence américaine, sont
tous les citoyens américains définis dans la section 4, paragraphe 11, de la loi comme suit : a)
tout individu qui est citoyen des Etats-Unis ; b) toute société (corporation), association
(partnership, association), firme (joint venture) ou autre entité qui est organisée sous la loi
américaine ; c) toute société, association, firme à participation ou autre entité organisée ou
existant sous le contrôle d’une Nation étrangère, si le contrôle des intérêts est détenu par un
individu ou entité décrite sous a) et b). En vertu de la section 6, pour tout lancement ou
exploitation d’un site de lancement sur le territoire des Etats-Unis une licence du Département
de Transport (DOT) est exigée. De même, aucun citoyen américain décrit sous a) et b) ne peut
lancer ou exploiter un site de lancement en dehors des Etats-Unis sans une licence DOT. Les
citoyens américains décrits sous c), quant à eux, ne peuvent pas lancer un véhicule ni
exploiter un site de lancement sur un territoire qui n’est soumis à aucune souveraineté sans la
même licence. Toutefois, si un accord international est prévu entre les Etats-Unis et un Etat
tiers en vertu duquel l’Etat étranger exerce sa juridiction quant audit lancement ou
l’exploitation du site de lancement, cette licence n’est pas nécessaire. Dans le même sens, la
loi ne s’applique pas aux lancements et exploitations de sites de lancement par des citoyens
américains décrits sous c) sur territoire étranger, sauf si un accord international entre les Etats-
Unis et l’Etat étranger prévoit que les premiers doivent exercer leur juridiction.
Il est intéressant de noter ici le rapport entre la nationalité de la personne privée
entreprenant une activité spatiale, la territorialité de l’opération, l’immatriculation de l’engin,
la juridiction et la responsabilité étatique. Les Etats-Unis déterminent la nationalité des
sociétés de manière discrétionnaire, puisque le critère du « propriétaire bénéficiaire » n’est
pas admis comme équivalent au siège social ou à l’incorporation 678. Ainsi, les activités
nationales, dont ils ont la responsabilité en vertu de l’article VI du traité sur l’espace, sont
conçues de manière plus extensive. C’est pourquoi les Etats-Unis attribuent à la loi en cause
une vocation extraterritoriale pour y inclure les activités des « citoyens américains » en

677
Public Law 98, 575, 98th Congress, 30 October 1984.
678
Sur ce voy. COUSTON (M.), Droit Spatial Economique : Régimes applicables à l’exploitation de l’espace,
op. cit. note 193, p. 147.

228
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

territoire étranger 679. Si ces personnes privées ont la nationalité américaine, ils doivent obtenir
une licence DOT même pour un lancement en territoire étranger. Si elles ont une autre
nationalité, mais sont détenues par des intérêts américains, elles doivent obtenir une licence
pour un lancement à partir d’un territoire non soumis à une souveraineté nationale et non pour
un lancement en territoire étranger – ce qui démontre que dans ce deuxième cas l’Etat tiers est
considéré comme responsable. L’ensemble de ces exceptions (les cas où une licence
américaine n’est pas exigée) sont donc fondées sur la même condition : qu’en vertu d’un
accord international, un Etat étranger assume la juridiction sur le lancement et/ou le site du
lancement exploité par une société d’intérêts américains sur un territoire non soumis à une
souveraineté ; et inversement les Etats-Unis assument la juridiction sur le lancement et/ou le
site du lancement exploité par une société d’intérêts américains sur territoire étranger.
La question d’immatriculation n’est donc pas explicitement envisagée par la loi
américaine, qui régule uniquement l’autorisation des opérations spatiales. Cependant, elle est
implicitement présente puisque l’Etat de lancement a l’obligation internationale
d’immatriculer l’engin en cause. Ainsi, pour les lancements effectués par des citoyens
américains sur territoire américain la solution est dépourvue de toute ambiguïté : l’Etat
d’immatriculation est les Etats-Unis, qui exercent également leur juridiction. Mais lorsque le
lancement est effectué à partir d’un territoire étranger, un accord sera nécessaire entre cet Etat
et les Etats-Unis [qui sont également Etat de lancement en vertu de l’article I, paragraphe i)a)]
pour déterminer lequel des deux Etats va immatriculer. Indépendamment du fait de savoir qui
sera l’Etat d’immatriculation, la législation américaine prévoit la nécessité d’un accord
international déterminant l’Etat qui exercera sa juridiction sur le lancement. Cet Etat peut être
l’Etat d’immatriculation, mais peut également être les Etats-Unis. La législation américaine
distingue donc entre immatriculation de l’engin, exercice de la juridiction sur ce dernier, et
opération de lancement. Ce n’est que lorsqu’ils sont à la fois Etat d’immatriculation – donc de
lancement – et Etat exerçant sa juridiction qu’ils vont appliquer leur loi sur les lancements
spatiaux commerciaux.
308. Finalement, la simple immatriculation d’un objet spatial le rattache, certes, à un Etat,
mais ne suffit pas pour lui permettre de contrôler l’engin. Lorsque le critère relatif à
l’immatriculation est associé à ceux relatifs à l’autorisation des opérations spatiales, le cadre

679
La question qui se pose ici est de savoir si la définition des citoyens américains par la législation nationale est
opposable aux Etats tiers, alors même qu’elle ne suit pas les règles internationalement admises. La réponse est
très complexe, mais a un intérêt pratique moindre, puisqu’elle ne devient pertinente que lors des lancements par
un territoire non soumis à une compétence territoriale, lancement sur lequel aucun Etat tiers ne cherchera, à
priori, à exercer sa juridiction.

229
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

juridique devient beaucoup plus clair et l’effectivité du contrôle exercé peut prendre sa
dimension réelle.

Conclusion de la section

309. Les critères « territoriaux » ou « personnels » étudiés jusqu’ici sont inhérents à la


nature des navires/aéronefs en tant qu’« ensembles organisés ». Ils concernent en effet soit la
nationalité de toutes les personnes impliquées dans les activités des navires/aéronefs soit le
lieu où ces personnes sont domiciliées et à partir duquel elles gèrent l’engin. Dès lors, la
finalité réelle de ces critères – et la raison pour laquelle ils sont adoptés par les Etats
souhaitant établir un lien de rattachement solide avec les engins de leur « nationalité » – est de
faciliter la surveillance de la gestion de l’engin. Cela est rendu possible par l’identification
aisée des propriétaires/opérateurs lato sensu et par la localisation de l’établissement à partir
duquel les décisions concernant l’engin sont prises. Ainsi, lorsque le registre national impose
des conditions d’immatriculation strictes, l’Etat d’immatriculation peut contrôler sans grande
difficulté l’engin de sa « nationalité » et se conformer dès lors à son obligation internationale
de juridiction/contrôle. Le rattachement est donc considéré comme prima facie effectif. En
revanche, pour les pays de libre immatriculation, ce contrôle devient théoriquement plus
complexe. En réalité, il peut se faire grâce à la mise en place de mécanismes alternatifs,
comme celui du représentant local, exigé par quasiment tous les pays.
310. Si la nationalité du propriétaire est une condition classique pour l’immatriculation
dite « traditionnelle » des navires et des aéronefs, sa mise en œuvre n’est toutefois pas
toujours suffisante pour un rattachement « effectif » des navires aux Etats, c’est-à-dire pour
un rattachement permettant à l’Etat du pavillon de contrôler efficacement les activités de
l’engin. Ce n’est donc que dans le secteur de l’aviation civile que ce critère a pu véritablement
s’imposer et ce, en grande partie, en raison de sa combinaison avec la nationalité exigée des
compagnies aériennes. Mais même dans ledit secteur, d’autres critères plus « administratifs »
sont venus compléter – et parfois même remplacer – celui de la nationalité du propriétaire. Le
critère de l’établissement local à partir duquel la gestion de l’engin est effectué semble à cet
égard particulièrement pertinent et peut constituer une alternative satisfaisante aux critères de
type « personnel » ou « territorial » qui sont censés constituer des éléments « nationaux » de
rattachement.
311. Les activités spatiales, et par conséquent le droit spatial, étant en pleine évolution, les
règles qui suffisaient jusqu’à présent vont bientôt s’avérer lacunaires pour ce qui concerne les

230
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

besoins de la commercialisation et de la privatisation de l’espace. Les législations nationales,


à ce jour peu nombreuses et pas toujours très détaillées, vont devoir se multiplier et s’enrichir
au fur et à mesure de cette évolution. En l’état actuel du droit, le critère de rattachement des
objets spatiaux à l’Etat d’immatriculation est largement territorial, étant fondé sur la notion du
lancement à partir d’un certain territoire. Cela est logique, dès lors que les objets spatiaux
sont, pour l’instant, plus des véhicules simples que des ensembles organisés : leur propriétaire
est souvent l’Etat et ils sont majoritairement non habités. Mais, les évolutions actuelles et les
perspectives futures de l’industrie spatiale sont telles qu’une modification de ce critère semble
inévitable. Les critères étudiés pour le rattachement des navires/aéronefs peuvent ainsi servir
d’aiguilleur pour l’immatriculation des objets spatiaux. En dehors de la condition dépassée de
l’Etat de lancement, les législations nationales peuvent imposer des critères basés sur la
nationalité du propriétaire/exploitant de l’engin ou bien sur l’établissement à partir duquel sa
gestion est effectuée. Si un tel besoin n’est pas manifeste actuellement, l’autorisation des
activités spatiales venant combler la lacune d’une immatriculation fondée sur des éléments
substantiels, il ne saurait tarder à devenir évident.

SECTION II. Des critères supplémentaires permettant à l’Etat d’immatriculation de se


conformer à ses obligations internationales relatives à l’état de l’engin

312. Outre les critères d’immatriculation relatifs à la nationalité et la domiciliation des


personnes impliquées dans la gestion de l’ensemble organisé et de ses activités, il existe
d’autres critères relatifs, eux, à l’état de l’engin et à sa conformité aux normes internationales
de sécurité et de sûreté. Ces derniers critères constituent cependant une particularité des
législations maritimes. Dans les législations aériennes le même type de règles existe, mais pas
en tant que conditions d’immatriculation. Les contrôles techniques des aéronefs sont certes
obligatoires 680. A cet égard, tous les Etats se conforment aux standards de l’OACI 681. Or, ces
contrôles, nécessaires pour que l’aéronef puisse circuler, ne constituent pas une condition
préalable pour l’immatriculation de l’engin, mais une conséquence de cette dernière. En les
imposant aux aéronefs de sa « nationalité », l’Etat d’immatriculation se conforme à ses
obligations internationales prévues par la convention de Chicago et par les autres traités
internationaux. Dans le cadre de la politique « ciel unique » de l’Union européenne, les tâches

680
Voy. à titre d’exemple articles D133-1 à D133-9 du Code de l’aviation civile français (Partie réglementaire –
Décrets simples).
681
Voy. l’Annexe 8 de la convention de Chicago qui comprend toutes les normes nécessaires à la conception, la
construction et l’exploitation d’un aéronef par son Etat d’immatriculation afin que l’engin soit conforme aux
exigences minimales de navigabilité sûre.

231
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

de certification jusqu’à alors exercées par les Etats sont désormais centralisés dans le chef de
l’Agence européenne de la sécurité aérienne qui certifie les aéronefs au niveau de l’Union.
313. En revanche, ce même type de contrôle technique est prévu en tant que condition
d’immatriculation des navires par plusieurs législations nationales de droit maritime. Les
Etats en cause refusent en effet d’immatriculer les engins « sous-normes », dès lors que cela
serait contraire à leurs obligations internationales. Le résultat est assez intéressant : les Etats
transposent en droit interne leurs obligations internationales découlant de l’attribution de leur
« nationalité » aux navires, en les transformant en critères d’immatriculation. Ils « anticipent »
ainsi sur leurs devoirs, dans un souci d’éviter tout engagement de leur responsabilité
internationale pour violation du droit international. Bien évidemment, cette pratique idyllique
n’est pas suivie par tous les Etats et ne correspond pas entièrement à la réalité du shipping
international. Les pays de complaisance – en l’occurrence cette qualification reprend toute son
ampleur – n’imposent pas toujours ces critères ou alors les imposent en théorie mais
permettent des dérogations suffisamment nombreuses et suffisamment larges pour les
contourner de manière systématique. Les multiples accidents impliquant des navires « sous-
normes » immatriculés dans des pays de complaisance en sont la preuve irréfutable.
Néanmoins, plusieurs pavillons de libre immatriculation sont classés parmi les meilleurs
pavillons nationaux et le fait est que les critères permettant aux Etats de se conformer à leurs
obligations internationales en éliminant les navires « sous-normes » gagnent constamment du
terrain dans les législations maritimes (§1).
314. Une situation équivalente peut être observée en droit spatial, mais elle concerne les
conditions de délivrance des autorisations pour les activités spatiales et non les conditions
d’immatriculation des objets spatiaux. Or, comme nous l’avons déjà souligné, les deux se
confondent dans la pratique. Ainsi, les Etats imposent de conditions de délivrance
d’autorisation ayant comme but de ne pas compromettre le respect de leurs engagements
internationaux. Dans ce sens, les conditions prévues par le droit interne permettent à l’Etat de
se conformer à ses obligations internationales, découlant non pas de l’immatriculation de
l’objet spatial per se, mais des activités spatiales entreprises par ses nationaux ou sur son
territoire (§2).

232
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

§ 1. Une spécificité des législations maritimes : le refus de l’immatriculation des navires


« sous-normes »

315. Deux catégories de critères visent à permettre à l’Etat de se conformer à ses


obligations internationales prévues par la convention de Montego Bay et les autres
conventions internationales du droit de la mer concernant la sécurité et la sûreté maritime : la
première est relative aux seuils d’âge et de tonnage des navires à immatriculer (A), alors que
la seconde concerne les certificats à fournir avant toute immatriculation (B). Elle se confond
alors avec la procédure administrative. L’existence et la mise en œuvre efficace de ces
conditions seront, en fin de compte, les seuls critères véritablement significatifs afin de
distinguer entre un pavillon de complaisance et un pavillon responsable.

A. Age et type du navire

316. L’âge et le tonnage du navire constituent une condition présente dans toutes les
législations nationales relatives à l’immatriculation des navires. Le choix que fait l’Etat du
pavillon quant à l’état du navire qu’il accepte d’immatriculer constitue une preuve solide de
sa politique par rapport à la souplesse de son registre. Il va sans dire que la qualité du navire
est un facteur important, voire primordial, compte tenu de préoccupations internationales
telles que la sécurité de la navigation et la diminution du risque de pollution. Les vieux
navires constituent un danger réel, parce qu’ils peuvent causer des accidents graves 682. Le fait
que l’âge moyen des navires envoyés à la démolition soit passée de 25 ans à 30 ans et tend
vers les 35 ans n’est certainement pas encourageant 683.
Un Etat qui permet, voire encourage, l’immatriculation des navires vieux et donc, a priori,
plus dangereux, est susceptible de violer ses obligations internationales en matière de sécurité
et sûreté maritimes. Il accorde son pavillon pour des raisons économiques ou autres 684, sans
que l’état médiocre du navire puisse l’en dissuader. Cependant, cette observation peut être
atténuée. Plusieurs Etats de libre immatriculation posent des conditions spéciales concernant
l’âge des navires à immatriculer, en subordonnant à une autorisation spéciale

682
A titre d’exemple, « selon Serge Parnaud, le Chef du Centre de sécurité des navires de la Seine-Maritime,
l’Erika, immatriculé à Malte, était dans un état de décrépitude avancée du fait de son âge (24 ans) et de son
mauvais entretien. » : SLIM (H.), « Les pavillons de complaisance », op. cit. note 640, p. 81.
683
Voy. ODIER (F.), « La situation juridique du navire au moment de son démantèlement : perspectives
internationales », ADM, t. XI, 2006, pp. 376-386 et notamment p. 379 ; VOELCKEL (M.), « Le navire en fin de
vie », ADM, t. IX, 2004, pp. 295-317.
684
THANOPOULOU (H. A.), « What price the flag? The terms of competitiveness in Shipping », Marine policy,
1998, pp. 359-374.

233
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

l’immatriculation des navires de plus d’un certain âge. Ces conditions sont toutefois faciles à
contourner dans la pratique. Les schémas possibles sont multiples et il s’agit vraiment d’une
question à étudier au cas par cas.
317. Dans le même sens, le tonnage, expression de la capacité intérieure du navire en
tonneaux de jauge, est un élément important caractérisant les navires à immatriculer 685.
L’obligation de faire jauger le navire est un préalable à l’attribution de la « nationalité » et à
l’inscription au registre d’immatriculation. En fonction de la jauge brute et nette du navire, la
limite d’âge pour l’immatriculation peut varier. Les registres peuvent également poser des
seuils minimaux ou maximaux concernant le tonnage des navires à immatriculer. Ce dernier
peut donc influencer les conditions d’attribution de la « nationalité » 686. Il est, dès lors,
fondamental d’harmoniser les méthodes de calcul et les règles de délivrance des certificats de
tonnage. La convention internationale sur le jaugeage des navires de 1969, adoptée au sein de
l’OMI, est une tentative d’introduire un système universel de calcul de tonnage.
318. Si on veut effectuer un classement des différents pays par rapport aux conditions
relatives à l’âge du navire à immatriculer, la première catégorie inclut les pays qui n’en
imposent pas 687 ou qui imposent des limites d’âge excessifs, à savoir de plus de 20 ans. Parmi
les registres imposant une limite d’âge, les plus flexibles sont ceux de l’Honduras – 25 ans,
mais les sociétés de classification 688 autorisées peuvent présenter des certificats de classe et de

685
Pour les navires spécialisés dans le transport de certaines matières tels que les minéraliers ou les pétroliers, il
existe la portée en lourd du navire, le poids qu’il peut porter ou la quantité d’eau déplacée exprimée en tonnes de
poids (dead weight ou tonnes) qui vient compléter l’indication relative au tonnage : SAFA (P.), Droit maritime,
op. cit. note 76, p. 98.
686
Ainsi, selon le droit libanais, quand le navire a plus de 500 tonneaux de jauge nette, il n’est plus tenu compte
nécessairement de la nationalité libanaise de ses propriétaires pour le déclarer libanais (Loi du 21 décembre
1954) Voy. SAFA (P.), Droit maritime, op. cit. note 76, p. 117 et « Exposé des motifs de la loi de réforme du 21
décembre 1954 », DMF, 1956, pp. 122 et s.
687
C’est le cas, entre autres, du Belize, du Cambodge, du Bermuda et des Iles Cayman.
688
Il s’agit de sociétés privées qui portent un jugement sur la valeur économique du navire et expriment ce
jugement en donnant au navire une certaine cote, exprimée par des chiffres, des lettres et des signes (cercles,
croix etc.) qui varient suivant les sociétés. Ainsi, quand la société refuse de donner à un navire la première cote,
celui devient suspect. Les sociétés de classification ont une telle réputation de capacité professionnelle et
d’honnêteté (en dépit du fait qu’en réalité elles sont employées par les armateurs dont les navires elles sont
appelées à classer) que les Etats mais aussi les organisations comme MOU de Paris leur ont accordé une
reconnaissance officielle. Il s’agit dès lors de leur seconde mission, la certification, c’est-à-dire l’attestation
qu’un navire est conforme aux règlements officiels de sécurité maritime. La première, la classification, consiste à
élaborer des règles contribuant à la sécurité des navires. Voy. RODIERE (R.) & DU PONTAVICE (E.), Droit
Maritime, 11ème édition, Précis Dalloz, Paris, 1991, pp. 42-43 En France, les contrôles des sociétés de
classification ne peuvent se substituer aux contrôles et certificats de l’administration. En revanche, dans le
Libéria, le Panama ou les Bahamas, ces sociétés effectuent leurs contrôles et délivrent leurs certificats pour le
compte de l’administration publique. BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.), Droit maritime, op. cit. note 210, p.
144 ; BOISSON (PH.), « Etats du pavillon/ Sociétés de classification », in Colloque Le Pavillon, Institut du droit
économique de la mer, Pedone, Paris, 2007, pp. 39-53. Voy. également infra § 375.

234
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sécurité permettant l’immatriculation de navires plus âgés 689 – et du Liberia qui établit comme
limite les 20 ans 690, mais en permettant des exceptions en cas de délivrance d’un certificat par
une société de classification reconnue. Le Panama, le pays de libre immatriculation le plus
connu, n’impose pas de limite d’âge ni de tonnage aux navires, mais exige que les conditions
minimales de sécurité et de protection de l’environnement soient respectées. Par ailleurs, les
navires de plus de 20 ans nécessitent une inspection spéciale par le Bureau Maritime et une
inspection annuelle même après la délivrance du certificat d’immatriculation permanente.
Mais l’ensemble des pays de libre immatriculation ne sont pas aussi laxistes en ce qui
concerne l’état du navire. Les Bahamas, par exemple, posent comme âge limite pour les
navires effectuant une première immatriculation 12 ans, calculés à partir de la fin de la
construction jusqu’au début de l’année lors de laquelle l’immatriculation sera faite. Pour les
navires de plus de 12 ans ou de moins de 1600 GRT, une permission spéciale doit être
accordée par le Ministre des Affaires Maritimes.
319. L’exemple du registre des Bahamas permet de se rendre compte de la relativité
actuelle de notions telles que « pavillon de complaisance » ou « lien substantiel ». Les
Bahamas permettent le transfert des navires étrangers sous leur pavillon sans inspection,
n’imposent pas de taxes aux activités des navires qu’ils immatriculent et ne prévoient aucune
condition de nationalité concernant l’équipage. Il s’agit dès lors d’une législation établissant
clairement la libre immatriculation. Mais, en vertu de cette même législation, les navires
immatriculés ne peuvent pas avoir plus de 12 ans, les officiers étrangers doivent être titulaires
d’un certificat étranger professionnel reconnu par l’Autorité Maritime de Bahamas et
l’équipage être certifié conformément aux règlements STCW. De plus, les Bahamas sont
membre de l’OMI et de toutes les principales conventions internationales sur la sécurité
maritime. Si on peut donc affirmer qu’il s’agit d’un registre de libre immatriculation, on ne
peut pas pour autant en conclure que le contrôle effectué par l’Etat ne sera pas effectif. En
réalité, le débat autour des pavillons de complaisance ne doit pas tant concerner la notion du

689
Les 25 ans sont également la limite pour le Djibouti et la Malte. Selon la législation de cette dernière, les
navires de plus de 15 ans mais de moins de 20 ans doivent passer une inspection aux frais de l’administration
avant l’immatriculation permanente ou dans le mois suivant l’immatriculation provisoire. Les navires de plus de
20 ans doivent passer la même inspection, mais avant l’immatriculation provisoire alors que les navires de plus
de 25 ans, en règle générale, ne peuvent pas être immatriculés.
690
Les 20 ans sont également la limite pour les Iles Marshall (l’Administrateur Maritime peut accorder des
exceptions si toutes les autres conditions sont remplies) ; le Vanuatu (le Commissionnaire des Affaires
Maritimes dans le cas où le navire remplit toutes les autres conditions et reçoit la plus haute classification d’une
des sociétés autorisées. Pour les navires de plus de 20 ans exemptés il faut une inspection complétée dans les 10
jours avant l’immatriculation) et le Sri Lanka. Pour Saint-Vincent-et-les-Grenadines la limite est de 18 ans.

235
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

« lien substantiel » que celle des « navires sous-normes » 691. Dès lors, les Etats qui respectent
les standards prévus par les conventions internationales de l’OMI peuvent être qualifiés de
pays de libre immatriculation, mais pas de complaisance.
La situation des pays maritimes traditionnels est assez analogue. Le Royaume Uni, par
exemple, n’impose pas de restrictions d’âge mais donne le droit à l’officier de refuser
d’immatriculer un navire qu’il considère ne pas remplir les conditions de sécurité nécessaires.
Dans le même sens, le Luxembourg prévoit qu’aucun navire de plus de 15 ans ne peut être
immatriculé pour une première fois sur son registre. Pour les navires qui y sont déjà
immatriculés, la continuation de leur immatriculation après leur quinzième anniversaire
dépend du fait de savoir si le navire reste entièrement à sa classe, selon les critères des
sociétés de classification approuvées par l’officier d’immatriculation. Les navires de plus de
15 ans pour le transport des passagers peuvent également être acceptés s’ils sont en accord
avec les exigences de la convention de Londres de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine
en mer (ci-après SOLAS) 692.
320. S’agissant des pays membres de l’Union européenne, le droit communautaire joue un
rôle de plus en plus important dans un souci de renforcement de la sécurité maritime 693.
L’Agence européenne pour la sécurité maritime 694, créée au lendemain du désastre cause par
l’Erika, veille à réduire le risque d’accidents maritimes et de la pollution marine. La question
des standards de sécurité des navires est parmi ses plus hautes priorités et elle travaille en
conjonction avec la Commission dans le but de promouvoir et vérifier l’application de la
législation communautaire relative à la sécurité maritime par les Etats membres. Une riche
législation communautaire a déjà été adoptée, concernant notamment l’Etat du pavillon 695, les

691
Dans le même sens voy. ODIER (F.), « Le pavillon du navire : évolution actuelle de l’approche», op. cit. note
78, p. 109.
692
Sur la convention voy. infra § 373.
693
Voy. sur ce CENTRE DU DROIT ET D’ECONOMIE DE LA MER, Université de Bretagne Occidentale,
L’Union européenne et la Mer, Vers une politique maritime de l’Union européenne ?, CUDENNEC (A.) et
GUEGUEN-HALLOUET (G.) dir., Pedone, Paris, 2007 ; CATALDI (G.), « Problèmes généraux de la
navigation en Europe (rapport général) », in L’Europe et la mer (pêche, navigation et environnement marin),
CASADO RAIGON (R.) dir., Collection de droit international, Editions Bruylant – Editions de l’Université de
Bruxelles, 2005, pp. 127-149.
694
L’Union européenne a crée en 2002 une Agence européenne de sécurité maritime par le règlement 1406/2002
du 27 juin 2002 du Parlement et du Conseil dont la tâche est de fournir à la Commission des avis scientifiques et
techniques en matière de sécurité de la navigation et de prévention de la pollution par les navires. Site internet :
[http://www.emsa.europa.eu/]. Sur l’ensemble du droit de l’Union européenne en la matière voy. infra §§ 388-
391.
695
La directive 94/57 du Conseil du 22 novembre 1994 (modifiée par la directive 2001/105 du Parlement et du
Conseil du 19 décembre 2005 suite au naufrage Erika) établit des règles et normes communes concernant les
organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires, ainsi que les activités pertinentes des
administrations maritimes.

236
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sociétés de classification 696, l’Etat du port 697, le suivi du trafic, les équipements marins, les
navires à passagers, les navires de pêche, les pétroliers, les vraquiers et les équipages 698.
Ainsi, à titre d’exemple, la directive 98/18/CE du Conseil du 17 mars 1998, établissant des
règles et normes de sécurité pour les navires à passagers, prévoit que les navires battant
pavillon grec et âgés de plus de 27 ans ne pourront effectuer que des voyages nationaux entre
des ports situés en Grèce uniquement et cesseront d’effectuer de tels voyages au plus tard à la
date à laquelle ils atteindront trente-cinq ans. Les paquets de mesures en faveur de la sécurité
maritime prises après le naufrage de l’Erika prévoient des règles dans cette optique. Dans le
cadre du troisième paquet, l’âge et le type du navire sont considérés comme de paramètres
importants pour la détermination du niveau du risque de celui-ci 699. Pour les pays européens
donc, l’âge et le type des navires à immatriculer seront fixés par le droit communautaire
dérivé. La proposition d’un registre communautaire Euros, qui n’a jamais abouti, prévoyait
que les navires à immatriculer ne pouvaient avoir plus de 20 ans. On peut s’attendre à ce que,
dans les années à venir, les législations nationales des Etats membres soient entièrement
harmonisées à cet égard, de manière à prévoir comme âge limite d’immatriculation des
navires à leurs registres les 14 ou 15 ans, voire moins. En vertu de la directive 2009/16/CE du
23 avril 2009 relative au contrôle par l’Etat du port, les navires de plus de douze ans sont
réputés présenter un profil de risque plus élevé. Il en va de même pour les navires à passagers,
les pétroliers, les navires citernes pour gaz et produits chimiques et les vraquiers.
321. Les limites d’âge et de tonnage du navire sont donc prévues par les législations
nationales en tant que critères d’immatriculation, mais constituent en ce sens de « fausses »
conditions de rattachement à un Etat. S’il s’agit de critères pris en compte pour
l’immatriculation du navire, cela est dû aux obligations internationales de l’Etat du pavillon –

696
Directive du Conseil n° 94/57/CE du 22 novembre 1994 visant à établir des règles et normes communes
concernant les organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires. Une directive du Parlement et
du Conseil du 19 décembre 2001 est venue renforcer celle de 1994 en imposant de nouvelles obligations aux
sociétés de classification. Elle a instauré en effet certains mécanismes de responsabilité entre ces organismes et
les Etats (voy. à titre d’exemple l’article 6 : limitation de la responsabilité financière de la société concernée et
responsabilité de l’Etat pour un accident dont il est prouvé qu’il résulte d’un acte volontaire ou d’une négligence
grave de la société agréée ; l’Etat peut toutefois faire valoir son droit à indemnisation contre la société). Depuis
la directive de 2001, ce sera la Commission qui agréera les sociétés de classification et non plus les Etats
membres.
697
Directives 95/21 du 19 juin 1995 (introduction de MOU de Paris de 1982); 98/25 du Conseil du 27 avril
1998 ; 98/42 de la Commission du 19 juin 1998 ; 1999/97 de la Commission du 13 décembre 1999 ; 2001/106 du
19 décembre 2001.
698
Pour une liste des règlements, directives et décisions communautaires relatives à la sécurité maritime y
compris les règles sociales voy. [http://ec.europa.eu/transport/maritime/legislation/legislation_safety_fr.htm].
699
COM/2005/0588 final du 23/11/2005; Annexe II ; I.B. Il est établi un coefficient de ciblage en vertu duquel
l’inspection des navires est considérée comme prioritaire. Au numéro onze de cette liste figurent les navires de
plus de 13 ans d’âge (Annexe I. B. II).

237
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

qu’elles soient prévues par les conventions OMI ou par le droit de l’Union européenne – et
non à la volonté de l’Etat de créer un lien de rattachement fondé sur des éléments nationaux.

B. Procédure d’immatriculation et certificats de navigabilité

322. La procédure d’immatriculation ne constitue pas non plus une condition au sens
propre du terme. Elle concerne la forme et non pas le fond de l’attribution d’une
« nationalité » à l’engin, du moins d’un point de vue juridique. Cependant, d’un point de vue
pratique, cette procédure administrative est tout aussi significative afin de déterminer le degré
de souplesse du registre en cause. En effet, une procédure simple et rapide permettant
d’immatriculer un navire en quelques heures seulement, pourrait signifier un registre souple
qui ne contrôle pas effectivement le respect des conditions légales prévues 700. Encore une
fois, ce type d’observations est toujours susceptible d’atténuations.
323. De manière générale, la procédure d’immatriculation est relativement similaire pour
tous les registres du monde. Néanmoins, de petites divergences existent et méritent notre
attention. La documentation nécessaire pour l’immatriculation varie en fonction de la nature
du registre national. Si certains justificatifs sont exigés par tous les pays, d’autres sont
demandés uniquement par les pays d’immatriculation fermée. Ainsi, à titre d’exemple, pour
une immatriculation au Mexique, le demandeur doit être enregistré en tant qu’entreprise
maritime au registre des navires. Il doit également soumettre un « flagging programme »
décrivant la méthode qu’il entend suivre pour remplacer l’équipage étranger par un équipage
mexicain, ainsi qu’une estimation des années durant lesquelles il compte conserver
l’immatriculation mexicaine du navire et un programme financier avec les termes et
conditions d’acquisition du navire. Dans un sens similaire, le registre turc demande une lettre
de la part du propriétaire décrivant les raisons principales pour lesquelles il souhaite que son
navire batte pavillon turc. Pour une immatriculation sous pavillon du Royaume Uni, il est
enfin nécessaire de fournir l’ensemble des titres de propriété des 5 dernières années.
324. Malgré ces particularités de certains registres, la procédure que chaque législation
exige afin de permettre l’immatriculation d’un navire est plus ou moins la même pour la
grande majorité des Etats. Les documents et certificats nécessaires pour l’immatriculation

700
A titre d’exemple, un navire peut être immatriculé sur le registre cambodgien en 24 heures. En effet, si les
documents exigés sont présentés, le certificat provisoire d’immatriculation est a priori délivré dans un jour.
L’immatriculation « permanente » s’effectue quant à elle si les originaux de ces documents sont reçus dans les
30 jours qui suivent le jour d’immatriculation provisoire et que le navire est certifié navigable. Le registre est
ouvert 24 heures par jour, 365 jours par an. Les propriétaires n’ont pas besoin d’avocats, solliciteurs ou autres
intermédiaires. Dans le même sens, les registres bis ou internationaux prévoient toujours de procédures plus
rapides que les registres traditionnels.

238
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

sont indiqués par une autorité maritime, en général une agence gouvernementale. Les mêmes
fonctions peuvent également être remplies, selon les différentes législations, par une
ambassade ou consulat à l’étranger, ou bien directement par un officier des affaires maritimes
du registre des navires, dont le bureau se trouve au(x) port(s) principal(aux) de chaque Etat du
pavillon 701. En France, l’inscription du navire au registre est effectuée par le receveur des
douanes. La demande d’immatriculation se fait généralement en personne, par le propriétaire
ou gérant du navire ou bien, et c’est souvent le cas, par leur représentant légal. Le registre
australien fait toutefois exception, la demande pouvant également être faite par courrier
électronique au Shipping Registration Office à Canberra ou tout autre office AMSA 702.
La demande doit être toujours accompagnée des frais d’enregistrement et des frais
d’immatriculation annuelle qui varient en fonction de l’Etat. Le coût est en général beaucoup
moins élevé lorsque l’immatriculation est demandée à un pays de libre immatriculation ou à
un registre bis ou international. Les documents à fournir sont également similaires, voire
identiques, pour la quasi-totalité des pays maritimes 703. La régularité de ces documents
prouve que le navire à immatriculer satisfait les exigences du droit international, mais
également du droit interne 704. L’inscription sur le registre public sert en effet à renseigner

701
A cet égard, le Liberia est un cas particulier, l’administration et l’opération des registres à la fois maritimes et
sociétaires ayant été confiés par le gouvernement libérien à une société américaine, la LISCR (Liberian
International Ship and Corporate Registry LLC) depuis le 1er janvier 2000.
702
Australian Maritime Safety Authority. Site internet : [www.amsa.gov.au] ; Pour la procédure
d’immatriculation voy. sections 12 (1) et 15 du Shipping Registration Act de 1981 ainsi que les Shipping
Registration Regulations de 1981.
703
Les documents à fournir préalablement à toute immatriculation sont les suivants : un formulaire de demande
d’immatriculation, accompagné des noms et coordonnés des officiers, propriétaires et gérants du navire et de
ceux des actionnaires et dirigeants si le propriétaire est une personne morale. Sont également fournis au même
stade de la procédure la demande pour le certificat de sécurité des radiocommunications (il s’agit du certificat
introduit par la réglementation révisée des radiocommunications SOLAS 74/78) et de MMSI (maritime mobile
service identity) ainsi que le pouvoir des signataires et la convention de copropriété, quand elle existe (il s’agit
d’un groupement privé exploitant le navire. Le navire est divisé en parts ou quirats, chaque copropriétaire
(individu ou société) ou quirataire ou parsonnier ayant un certain nombre des quirats. Voy., entre autres, SAFA
(P.), Droit maritime, op. cit. note 76, pp. 220-235). Enfin, il est toujours nécessaire pour une immatriculation de
présenter également l’original du contrat de cession ou de tout autre document valant titre de propriété,
notamment le contrat de construction si le navire est neuf ; une copie du certificat de l’incorporation de la
société, lorsque le propriétaire est une personne morale ; le certificat d’immatriculation précédente et le certificat
de radiation du registre étranger. Cette dernière condition, qu’on retrouve dans les législations aériennes, n’est
pas anodine. La preuve de radiation du registre précédent est nécessaire pour un rattachement national unique,
comme la convention de Montego Bay et celle de Chicago l’exigent. Cette condition de radiation illustre très
clairement l’importance que la quasi-totalité des pays, qu’ils soient considérés de libre immatriculation ou non,
accordent au rattachement juridique qui les lie à un engin. S’ils acceptent d’être rattachés à ce dernier, ce n’est
qu’après s’être assurés qu’aucun autre Etat ne l’a déjà fait.
704
Une déclaration sur honneur concernant l’absence de sûretés inscrites sur un registre étranger ainsi que le
certificat de non-inscription hypothécaire sont en effet demandés avant l’immatriculation. Il s’agit ici d’un aspect
distinct mais tout aussi fondamental de l’immatriculation du navire. La « nationalité » du navire présente en effet
un intérêt primordial également d’un point de vue de droit interne. Voy. pour une analyse BONASSIES (P.) &
SCAPEL (C.), Droit maritime, op. cit. note 210, p. 121 ; NDENDE (M.), « Le droit maritime privé ; titres 31-
33 », pp. 199-289 et TASSEL (Y.), « Le droit maritime privé ; titres 34-35 », op. cit. note 210, pp. 290-373. Il

239
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

toute personne intéressée sur le statut juridique du navire, notamment sur la question de savoir
s’il existe des hypothèques ou d’autres sûretés inscrites. Concernant les certificats exigés, la
majorité des Etats sont parties aux conventions principales de l’OMI et sont dès lors censés se
conformer aux exigences internationales de sécurité maritime. Doivent donc être également
fournis divers certificats relatifs à l’état de navigabilité du navire 705. Ces certificats sont
exigés par quasiment tous les registres nationaux, sans distinction entre pays de libre
immatriculation et d’immatriculation fermée. Mais le seul fait que les législations nationales
exigent certains certificats relatifs à la sécurité maritime pour l’immatriculation des navires
est loin d’être suffisant. Il convient d’examiner au cas par cas, dans la pratique, comment ces
certificats sont délivrés, s’ils sont fournis par une société de classification fiable 706, quelles
dérogations sont possibles et quelle politique réelle l’Etat adopte à leur égard.
325. L’Union européenne fournit un exemple intéressant dans ce sens 707. En effet, pour
tout transfert de navires entre les registres nationaux des Etats membres, les certificats de
conformité à la convention SOLAS et à la convention de Londres de 1973 pour la prévention
de la pollution par les navires (ci-après MARPOL) 708 ainsi qu’à leurs amendements, délivrés
par un Etat membre, sont considérés comme ayant valeur communautaire. Ainsi, les
certificats de sécurité exigés par chaque registre national pour l’immatriculation sont les
mêmes et sont reconnus par tous les Etats membres. Le nouvel Etat du pavillon peut
cependant vérifier, par une inspection spéciale, si l’état du navire et de son équipement
correspond réellement à ces certificats et aux déclarations de conformité aux conventions
internationales ou encore imposer des exigences additionnelles s’il est lié par des accords
régionaux sur la protection de l’environnement marin. La décision éventuelle de l’Etat de

en va de même pour les aéronefs où le registre d’immatriculation est à la fois un instrument d’enregistrement et
d’opposabilité des actes en droit interne. Voy. DE JUGLART (M.), Traité de droit aérien t. 1, op. cit. note 546,
p. 300.
705
Parmi ceux-ci, les plus importants sont celui de jauge international du pavillon précédent, les documents
prouvant que le navire est en conformité avec les conditions de l’ISM (International Safety Management Code,
adopté en 1993 au sein de l’OMI, qui concerne les procédures par lesquelles le navire est managé et contient 13
dispositions ; il est rendu obligatoire conformément à un amendement apporté à la convention SOLAS) et le
certificat d’inspection par une société de classification reconnue par l’Etat du pavillon. Sont également demandés
un certificat de sécurité maritime internationale du navire, un certificat relatif à la pollution pétrolière pour les
tankers, le permis de navigation et tous les certificats relatifs à la sécurité maritime issus en vertu des
conventions internationales auxquelles chaque Etat fait partie (habituellement SOLAS, MARPOL, CLL, CLC,
COLREG).
706
En effet, toutes les sociétés de classification n’ont pas la même fiabilité. L’Association Internationale des
Sociétés de Classification a comme rôle de lutter pour l’élimination des sociétés complaisantes mais également
d’imposer à tous ses membres actifs une déontologie professionnelle élevée et rigoureuse, ainsi que des normes
et standards uniformes. Un Etat qui reconnaît uniquement les sociétés IACS est donc a priori un Etat qui
s’intéresse à l’état de sécurité des navires battant son pavillon.
707
Règlement du Conseil 613/91 du 4 mars 1991.
708
Sur cette convention voy. infra § 379.

240
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

refuser l’immatriculation si ses standards de sécurité ne sont pas satisfaits est contrôlée par la
Commission 709. Cet exemple de la politique maritime communautaire illustre parfaitement
l’importance qui doit être accordée aux certificats relatifs à la sécurité maritime demandés aux
fins d’une immatriculation.
La procédure administrative d’immatriculation, qu’elle constitue une première
immatriculation ou un transfert de registre, est donc toujours en relation étroite avec la
capacité de l’Etat de se conformer à ses obligations internationales.

§ 2. La spécificité des législations spatiales quant aux conditions d’autorisation des activités
spatiales

326. Les critères relatifs à la qualité du demandeur d’une licence pour entreprendre une
opération spatiale entendent permettre à l’Etat délivrant l’autorisation de vérifier
préalablement la conformité de cette activité au droit international. A ces fins, ils sont assez
stricts et touchent à tous les aspects des obligations internationales de l’Etat en cause, à savoir
la sécurité, la sûreté et la protection de l’environnement. En droit spatial ce n’est donc pas
grâce aux critères d’immatriculation d’un objet spatial que l’Etat concerné essaye d’assurer
par avance la conformité des activités d’un ensemble organisé au droit international, mais
grâce aux critères de délivrance de la licence appropriée. Si ces conditions sont rapidement
examinées ici, alors qu’elles s’éloignent manifestement de la question du rattachement des
engins aux Etats, c’est parce qu’elles sont en pratique indissociablement liées au lancement et
à l’immatriculation des objets spatiaux. Aucun lancement ne peut en effet être effectué par
une personne privée si celle-ci n’a pas reçu l’autorisation étatique préalable. Par ailleurs,
l’Etat délivrant la licence est souvent l’Etat d’immatriculation.
327. Dès lors que la responsabilité internationale de l’Etat délivrant la licence de
l’opération spatiale est engagée pour tout dommage causé par l’objet spatial impliqué dans
l’activité autorisée 710, cet Etat exige toujours de l’opérateur concerné d’être couvert par une
assurance ou par une autre garantie financière 711. Cette exigence sera examinée plus en détail

709
CHAUMETTE (P.), « Le droit communautaire maritime », op. cit. note 402, p. 156.
710
Voy. infra § 462.
711
Voy. France : Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 6 ; Argentine :
National Decree n°125/95, Establishment of the National Registry of Objects Launched into Outer Space, article
5 ; Australie : Space Activities Act n° 123 1998, section 48 ; Belgique : Loi du 17 septembre 2005 relative aux
activités de lancement, d’opération de vol ou de guidage d’objets spatiaux, articles 4 et 15; Corée du Sud : Space
Development Promotion Act, n° 7538 of 1 December 2005, article 15 ; Russie : Decree n°5663-1 About Space
Activity 1993, article 25 ; Royaume Uni : Outer Space Act 1986, section 5 §2 ; Etats-Unis : Commercial Space
Launch Act of 1984/1988, sections 70112-70113 ; Pays Bas : Rules concerning space activities and the
establishment of a registry of space objects (Space Activities Act) du 24 janvier 2007, section 12.

241
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

dans le cadre de l’étude de la responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation. Il


convient néanmoins de souligner dès à présent que son adoption par la quasi-totalité des
législations nationales démontre que les Etats refusent d’autoriser une activité spatiale s’ils
n’ont pas la preuve que, en cas de sinistre, l’opérateur sera en mesure d’indemniser les
victimes, comme le droit spatial l’impose. Par ailleurs, les autorisations sont assorties de
nombreuses prescriptions correspondant en réalité à une mise en œuvre préalable des
obligations internationales de l’Etat délivrant la licence.
Selon la loi française par exemple les autorités administratives sont tenues de vérifier « les
garanties morales, financières et professionnelles du demandeur et, le cas échéant, de ses
actionnaires » et de refuser les autorisations « lorsque les opérations en vue desquelles elles
sont sollicitées sont, eu égard notamment aux systèmes dont la mise en œuvre est envisagée,
de nature à compromettre les intérêts de la défense nationale ou le respect par la France de
ses engagements internationaux » 712. Par ailleurs, elles peuvent assortir la licence de
prescriptions « édictées dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de la
protection de la santé publique et de l’environnement, notamment en vue de limiter les
risques liés aux débris spatiaux » 713. Il en va de même pour les autres législations nationales
relatives à l’autorisation des opérations spatiales, qui imposent des critères relatifs à la non-
pollution de l’espace extra-atmosphérique 714, à la préservation de l’environnement de la
terre 715, à la santé et à la sécurité publiques 716, à la prévention de tout dommage causé à des
personnes sur la surface de la terre ou à des aéronefs en vol ou à d’autres objets spatiaux 717et
aux standards techniques de sûreté 718.
328. Les conditions d’autorisation des activités spatiales s’inscrivent donc dans le même
ordre d’idées que les exigences relatives aux certificats de sécurité, nécessaires pour la
navigation des navires et des aéronefs. Le but poursuivi est en effet toujours identique : il
s’agit de vérifier l’état de l’engin avant d’autoriser son utilisation. Ces contrôles techniques
permettent d’éviter les sinistres pouvant causer de graves dommages à l’environnement ou
compromettre la sécurité publique et dès lors engager la responsabilité de l’Etat qui a violé ses

712
Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 4.
713
Ibidem, article 5.
714
Argentine: National Decree n°125/95, Establishment of the National Registry of Objects Launched into Outer
Space, article 5; Russie : Decree n°5663-1 About Space Activity 1993, article 22.
715
Royaume Uni : Outer Space Act 1986, section 5 § 2.
716
Australie : Space Activities Act n° 123 1998, sections 18,26 et 35 ; Etats-Unis : Commercial Space Launch
Act of 1984/1988, section 70105.
717
Belgique : Loi du 17 septembre 2005 relative aux activités de lancement, d’opération de vol ou de guidage
d’objets spatiaux, article 16.
718
Afrique du Sud : Space Affairs Act n° 83 1993/ n° 64 1995, section 11, § 2.

242
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

obligations internationales à ces égards. En l’occurrence, le droit spatial adopte la même


solution que le droit maritime, c’est-à-dire l’approche préventive. Contrairement au droit
aérien qui traite ces exigences comme une conséquence de l’immatriculation, les législations
spatiales imposent ce type de contrôles comme condition préalable d’une autorisation, tout
comme le droit maritime les impose comme conditions d’immatriculation.
329. Les exigences prévues par les législations spatiales sont certes plus vagues que celles
du droit maritime ; elles énoncent les objectifs généraux à respecter et les intérêts à préserver,
mais ne contiennent pas de règles précises quant aux certificats et contrôles nécessaires. Cela
est logique, étant donné le stade actuel du développement de l’industrie spatiale et l’absence
d’instruments internationaux spécifiques sur la protection de l’environnement et la
sécurité/sûreté spatiale. Il est néanmoins certain que l’évolution des activités spatiales va
conduire à de normes – nationales et internationales – de plus en plus précises et par
conséquent à des critères de plus en plus détaillés quant à l’autorisation des opérations
spatiales. Il n’est d’ailleurs pas exclu que des critères analogues soient également appliqués
dans le futur pour l’immatriculation des objets spatiaux. L’Etat d’immatriculation et l’Etat
d’autorisation de l’activité spatiale sont en effet de plus en plus susceptibles d’être dissociés,
puisque les opérateurs privés peuvent avoir la nationalité d’un Etat x auquel ils demandent la
licence spatiale, mais utiliser un satellite immatriculé dans un Etat y et lancé à partir de son
territoire. Dans une telle hypothèse, l’Etat y a tout intérêt à avoir également imposé ses
exigences de sécurité et de sûreté au propriétaire/exploitant du satellite, afin d’éviter le risque
d’un accident qui peut engager sa responsabilité internationale. Un des moyens les plus
efficaces pour ce faire est, bien évidemment, de poser comme condition d’immatriculation le
respect de normes techniques appropriées.

Conclusion de la section

330. Les critères « personnels » ou « territoriaux » conditionnant l’immatriculation des


navires ne constituent qu’un simple indice quant à la capacité/volonté de l’Etat du pavillon de
contrôler effectivement l’engin concerné. Les critères relatifs à l’état du navire, critères qui
correspondent en réalité aux obligations internationales de l’Etat du pavillon, sont à ce titre
plus significatifs. Dans l’hypothèse d’une « libre immatriculation », ce n’est que lorsque
l’absence d’éléments de rattachement réels entre l’Etat du pavillon et de l’ensemble
organisé/navire est combinée avec une absence de capacité/volonté étatique de s’assurer que
le navire est conforme aux normes internationales que la qualification d’immatriculation « de

243
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

complaisance » est juridiquement correcte. Dans le cas contraire, comme l’exemple des
pavillons bis ou internationaux le démontre, le lien de rattachement aura beau être qualifié de
purement administratif ou économique ou même complaisant – en opposition avec un lien
substantiel –, la réalité maritime n’en sera pas influencée pour autant. Dès lors que l’Etat du
pavillon exerce ses juridiction/contrôle effectifs sur les navires ayant sa « nationalité », en
exigeant les certificats requis avant de l’immatriculer et en le surveillant par la suite, le
rattachement entre les deux remplit ses fonctions et les critères concrets de son attribution
deviennent une question accessoire. Plusieurs pays qui sont considérés comme de libre
immatriculation refusent efficacement l’immatriculation des navires « sous-normes », au point
d’être relativement bien placés sur les listes MOU 719 et vice versa 720. Le même type de
contrôle « préalable » est exercé par les puissances spatiales vis-à-vis des personnes qui sont
autorisées à entreprendre des activités spatiales. Dans l’avenir, ce contrôle devra être combiné
avec une surveillance plus accrue de l’état des objets spatiaux immatriculés ou à immatriculer,
notamment lorsque ceux-ci sont déjà sur orbite et que leur bon état technique n’est donc pas
certain.

719
Voy. listes blanche, grise et noire des Memorandum of Understanding (MOU) de Paris et de Tokyo (voy.
annexe 2). Le Liberia, à titre d’exemple, est sur la liste blanche (liste des pavillons responsables), alors que le
Panama – tout comme les Etats-Unis – sont sur la liste grise (risque moyen). Des trois « pays de complaisance
traditionnels », seul le Honduras se trouve sur la liste noire. Les Mémorandum d’entente sur le contrôle des
navires par l’Etat du port sont un engagement reposant sur une base internationale aux fins de prévention des
difficultés nées de l’existence des navires sous-normes, en s’assurant que les navires se soumettent aux standards
fixés par les traités internationaux et, dans le cas contraire, en prenant des dispositions pour les contraindre à les
suivre. Il existe actuellement 9 MOUs régionaux couvrant ainsi la partie majeure du globe : Paris MOU, Vina del
Mar Agreement, Tokyo MOU, Carribean MOU, Mediterranean MOU, Indean Ocean MOU, Abuja MOU, Black
Sea Mou et Riyadh MOU. Voy. sur la question : CHRISTAKIS (T.), « L’exemple du contrôle exercé par l’OMI
dans le domaine de la pollution marine », in L’effectivité du droit international de l’environnement : contrôle de
la mise en oeuvre des conventions internationales, IMPERIALI (C.) ed., Centre d'études et de recherches
internationales et communautaires, Université d'Aix-Marseille III, Paris, Economica, 1998, pp. 147-173, et
notamment sur le MOU Paris : pp. 151-159
720
L’exemple de Chypre illustre très bien cette affirmation. Le pavillon chypriote est un pavillon de libre
immatriculation ouvert aux bénéficiaires effectifs étrangers. Pendant plusieurs années d’accidents graves se
produisaient par de navires sous pavillon chypriote. En vue de son adhésion à l’UE, la politique maritime
chypriote a dû évoluer. Sans modifier les conditions d’immatriculation des navires à son registre, Chypre a
amélioré le niveau du contrôle exercé. Par la loi No. 13 (III) 1995 elle a prévu la radiation du registre chypriote
des navires ne se conformant pas de façon systématique à la législation maritime internationale et notamment la
convention 147 de l’OIT sur les normes minima de la marine marchande. Le registre chypriote reste un registre
de libre immatriculation mais qui est maintenant capable d’exercer un contrôle effectif sur les navires battant son
pavillon. Sur ces points voy. CHRISTODOULOU VAROTSI (I.), « L’évolution du droit maritime chypriote en
vue de l’adhésion à l’Union Européenne », Le Droit maritime français, no. 647, Avril 2004, pp. 378-387 et
« Ensuring Qualitative Shipping in Cyprus : Recent Developments in Cypriot Maritime Law in the Light of the
Acquis Communautaire », ADMO, t.24, 2006, pp. 193-203 ; CHRISTODOULOU VAROTSI (I.) & PENTSOV
(D.), « Labor standards on cypriot ships : myth and reality », ADMO, t. 22, 2004, pp. 151-238 ; ODIER (F.),
« L’élargissement de l’UE et la sécurité maritime : à propos de la complaisance maritime de Chypre et de
Malte », ADM, t. VII, 2002, pp. 313-331.

244
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Conclusion du second chapitre

331. Si le droit international ne prévoit pas de conditions précises d’immatriculation


donnant un contenu au lien substantiel exigé, une grande partie des législations nationales
entendent toutefois mettre en œuvre l’exigence de l’effectivité du rattachement des engins, à
l’aide de critères prévus pour l’octroi d’une immatriculation. En effet, alors que la quête du
droit international pour un lien substantiel est vouée à l’échec, aucun critère préalable ne
pouvant être accepté comme unanimement exigé, le droit national, quant à lui, contient une
variété de critères différents qui visent à assurer, de manière plus ou moins efficace,
l’effectivité du rattachement. Mais la signification de cette notion d’effectivité a évolué, en
suivant la réalité des milieux du shipping international et de l’industrie aérienne et spatiale.
332. Les critères « classiques » d’immatriculation des engins étaient le résultat des
considérations « nationalistes », voire « chauvinistes », et traduisaient une forte volonté de la
part des Etats de n’attribuer leur « nationalité » qu’aux engins qui étaient rattachés à eux par
des liens de fait solides. Il s’agissait donc de critères fondés sur des éléments « nationaux »,
soit personnels tels la nationalité du propriétaire ou de l’équipage, soit territoriaux tel le lieu
de construction du navire. L’évolution parallèle des pratiques maritime/aérienne/spatiale et du
droit correspondant a remplacé cette tendance par un souci de contrôle des engins et de
conformité aux obligations internationales découlant de l’immatriculation. Parallèlement à la
réévaluation de la notion du « lien substantiel », qui ne peut actuellement être considéré que
comme une expression de la nécessité d’un contrôle effectif sur les engins, les critères
d’immatriculation ont évolué et se sont enrichis prenant désormais en compte les exigences
liées à la sécurité et à la sûreté de la navigation. Si certains critères « classiques » peuvent
faciliter l’exercice du contrôle étatique (à travers l’identification des personnes impliquées
dans les activités des ensembles organisés) et ont dès lors été maintenus dans plusieurs
législations nationales, d’autres se sont avérés inutiles. Ils sont actuellement complétés, et
seront éventuellement remplacés, par des critères plus « administratifs », relatifs à la gestion
quotidienne des engins et à leur certification régulière.
333. Au vu de ces observations, il convient de se demander si les tendances étatiques
signalées ne peuvent pas être considérées comme la preuve d’une pratique suffisamment
constante et d’une opinio juris sive necessitatis suffisamment affirmée pour être cristallisés en
coutume internationale. En l’état actuel des choses, la réponse ne peut être que négative.
Nonobstant une homogénéité relative de certains critères (comme par exemple la nationalité

245
LES FAUX-SEMBLANTS DU LIEN SUBSTANTIEL

du propriétaire pour le droit aérien ou l’exigence des certificats de navigabilité pour le droit
maritime), l’appréhension globale du comportement étatique 721 est sans équivoque. Les Etats
veulent préserver leur liberté d’appréciation quant à la fixation des conditions
d’immatriculation ; s’ils optent pour des critères similaires, c’est parce que ces derniers
correspondent à des besoins et à des soucis étatiques aux-aussi similaires et non pas parce que
les Etats souhaitent se conformer à une supposée exigence internationale de lien substantiel.
La preuve irréfutable de cette affirmation est la réticence des Etats à ratifier la convention sur
l’immatriculation des navires, tout comme leur choix, dès 1929, d’enlever la condition de la
nationalité du propriétaire de l’article de la convention de Paris relatif à l’immatriculation des
aéronefs.

Conclusion du second titre

334. Ni le droit international conventionnel et coutumier ni la jurisprudence internationale


et communautaire ne consacrent le lien effectif en tant que condition nécessaire pour
l’attribution d’une « nationalité » aux engins ou pour son opposabilité internationale. En vertu
du droit international, l’immatriculation d’un engin suffit pour le rattacher à un Etat.
Nonobstant quelques (rares) décisions nationales allant dans le sens contraire, mais sur des
questions bien particulières 722, il convient de considérer l’immatriculation des engins comme

721
Sur la notion de l’appréhension globale du comportement et sa prise en compte pour déterminer si une
coutume existe : CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c/ Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt du 26 novembre 1984, Rec.CIJ 1984, p.
392 et s., §§ 50 et 51 ; CIJ, Affaire du plateau continental (Libye c/ Malte), arrêt du 3 juin 1985, Rec. CIJ 1985,
p. 13 et s., notamment p. 29, § 25 ; CIJ, Affaire des terres à phosphates à Nauru (Nauru c/ Australie),
exceptions préliminaires, arrêt du 26 juin 1992, Rec.CIJ 1992, p. 240 et s., notamment p. 247, § 13 ; CIJ, Affaire
du droit d’asile (Colombie c/ Pérou), arrêt du 20 novembre 1950, Rec.CIJ 1950, p. 266 et s., notamment pp.
277-278 ; CIJ, Affaire du plateau continental de la mer du nord (Allemagne c/ Danemark ; Allemagne c/ Pays-
Bas), arrêt du 20 février 1969, Rec.CIJ 1969, p. 3 et s., notamment pp. 25, § 28 et 37, §§ 60-77.
722
Voy. Cour de Cassation (Ch. com.), affaire du navire Teguise, arrêt du 14 juin 2004, op. cit. note 154. Voy.
également : Supreme Court of New York, affaire Barker vs Phoenix Insurance Company, August 1811 in
JOHNSON (W.), Reports of Cases Argued and Determined in the Supreme Court of Judicature and in the Court
for the Trial of Impeachments, vol. 8, Harvard Library, New York, 1811, pp. 307-321 (8 Johns. 307, 5 Am. Dec.
339), où il avait été jugé qu’il y a deux sortes des navires américains, ceux étant immatriculés aux Etats-Unis et
ceux appartenant à des nationaux américains et que la loi américaine reconnait tous les deux en tant que navires
américains, même si les premiers ont plus de privilèges selon les lois du Congrès. En effet, selon les conclusions
du tribunal : « It is a known and established rule that if a vessel is navigating under the pass of a foreign
country, she is considered as bearing the national character of that nation under whose pass she sails; she
makes a part of its navigation, and is in every respect liable to be considered as a vessel of that country. What
was said by Lord Alvanley in Baring v. Claggett, (3 Bos. & Pull. 201,) is not applicable, nor does it affect this
doctrine. He considered that the warranty of a ship to be American required an American register, under our
navigation act and the French treaty, and that the privilege of carrying the American flag, as a safe conduct
among belligerent powers, was to be denied to all ships not sailing under a compliance with that act. The act he
referred to was passed in 1792, ( Laws U. S. vol. 2. p. 131,) and declared that none but registered vessels should
be deemed vessels of the United States entitled to the benefits and privileges appertaining to such vessels. He
was not then apprised of the distinction between registered and unregistered vessels, and of the legislative

246
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

la condition nécessaire et suffisante du rattachement. Néanmoins, si l’exigence d’effectivité


du rattachement ne constitue pas une norme autonome du droit international des espaces, cela
ne signifie pas que toute notion d’effectivité en est absente. Le défaut d’une obligation de lien
substantiel ou de tout lien analogue ne signifie pas que la nécessité d’effectivité du
rattachement disparaît complètement ni que le caractère purement administratif d’un lien
n’engendre aucune conséquence juridique. L’effectivité se situe désormais au niveau des
effets juridiques de l’immatriculation.
335. Il convient en effet de distinguer entre effectivité du lien et exercice effectif de la
compétence justifiée par ce lien. Si en ce qui concerne la première les Etats sont libres, en ce
qui concerne le second l’obligation internationale n’est pas sujette à débat. Cependant, force
est de constater qu’à partir du moment où l’effectivité du rattachement ne dépend que du
comportement étatique après l’immatriculation, elle se confond avec ses obligations
internationales. Il est donc pléonastique et inutilement complexe d’évoquer une exigence de
rattachement effectif. Tout rattachement qui existe en fait (immatriculation) existe en droit et
doit être conforme au droit international.
336. Si les législations maritimes sont trop hétérogènes pour être considérées comme
indicatives d’une coutume relative au contenu du lien substantiel, les législations aériennes et
spatiales sont plus uniformes, mais ne répondent à aucune exigence internationale de mise en
œuvre d’un lien effectif. Nous pouvons dès lors affirmer que les critères adoptés par les
législations nationales sont soumis à l’appréciation souveraine de chaque Etat
d’immatriculation 723. Ce dernier n’a aucune obligation d’opter pour un certain type de critères
– il est entièrement libre dans son choix législatif. Une fois sa « nationalité » attribuée en
revanche, il en découle plusieurs obligations internationales. Les Etats imposent donc
« leurs » critères d’immatriculation dans le but de s’assurer par avance qu’ils seront en mesure
de se conformer à ces obligations.

recognition of the latter as American vessels, entitled to privileges in port, as such, under the act of 1802. The
act of 1792, to which he referred, seems, by its terms, to have left unregistered vessels as alien vessels, and
without the protection of the United States. Whether that was, or was not, the condition of such vessels at that
time, is not now a material inquiry, since the vessel in question, at the time of the warranty, was not only
American property in fact, but entitled, by her sea-letter, under our law, and under the law of nations, to the
immunities of the American flag» (pp. 320-321).
723
Dans ce sens : BLANCO-BAZAN (A.), « L’Organisation maritime internationale et le renforcement de
l’application par l’Etat du pavillon de traités en matière de sécurité de la navigation et de prévention de la
pollution du milieu marin », op. cit. note 385, p. 228 : « la prescription énoncée au paragraphe 1 de l’article 91,
visant à ce qu’il existe un lien substantiel entre un navire et l’Etat est une prescription liée au droit souverain de
chaque Etat. […] Maintenant, aucun Etat n’est prêt à céder sa souveraineté à cet égard ».

247
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

248
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

Conclusion de la première partie

337. Dès lors qu’un engin est susceptible de naviguer dans un espace international, non
soumis à une souveraineté étatique, il doit être rattaché à un sujet du droit international. Dans
le cas contraire, des impasses à la fois juridiques et pratiques, relatives notamment à
l’exercice d’une compétence exclusive sur l’engin lorsqu’il se trouve dans l’espace
international et à l’identification d’un sujet responsable internationalement pour ses activités,
mais également en mesure de le protéger contre les prétentions des Etats tiers, vont rendre son
exploitation impossible. Ce besoin d’un tel rattachement est d’autant plus primordial que les
engins en cause ne sont pas dotés d’une personnalité juridique. Il devient dès lors clair qu’un
lien juridique doit se former entre chaque engin affecté à la navigation internationale et un
Etat, seul sujet du droit international parfaitement capable d’exercer l’ensemble des
compétences et des devoirs découlant de ce rattachement. L’éventualité d’un rattachement
multiple est, par ailleurs, exclue par le droit international, afin d’éviter la coexistence de
plusieurs compétences « personnelles » concurrentes 724. Cet Etat unique, qui sera compétent à
l’égard de l’ensemble organisé que constitue le navire ou l’aéronef ou l’engin spatial, sera
l’Etat dans lequel l’engin est immatriculé.
338. Le rattachement à un Etat particulier n’est pas imposé aux propriétaires des engins
mais choisi librement par eux, en fonction des conditions d’immatriculation exigées par
chaque registre national. Ces conditions sont fixées souverainement par chaque Etat,
exception faite pour les objets spatiaux dont l’Etat d’immatriculation doit impérativement être
un Etat de lancement. Mais la définition très large de l’Etat de lancement atténue l’impact de
cette différenciation. Cette liberté parallèle – celle des propriétaires des engins qui choisissent
leur Etat d’immatriculation et celle des Etats qui choisissent les critères d’attribution de leur
« nationalité » – peut manifestement conduire à des situations abusives, résultant de la quête
du profit maximum pour les premiers comme pour les seconds. L’exemple du monde
maritime nous montre que plus la privatisation du milieu est poussée, plus les marges
d’enrichissement augmentent et plus les Etats ont tendance à se montrer laxistes.
339. Un premier moyen pour éviter de telles dérives pourrait être l’encadrement de la
liberté étatique par le droit international, c’est-à-dire l’imposition des conditions de
« validité »/opposabilité internationale de la « nationalité » attribuée. L’Etat n’aurait le droit
de mettre en œuvre les pouvoirs issus de l’immatriculation, que si le lien ainsi créé est

724
En revanche, lorsque l’engin se trouve dans des espaces soumis à une souveraineté, il existe deux
compétences concurrentes : celle de l’Etat d’immatriculation (compétence « personnelle ») et celle de l’Etat
territorial (compétence territoriale).

249
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

effectif. Mais cette idée de lien effectif ou substantiel ou authentique se heurte à des obstacles
insurmontables. Les doutes quant à sa pertinence sont tout d’abord d’ordre conceptuel. Quel
peut bien être le sens d’un lien substantiel en ce qui concerne les engins, alors que, par
définition, leur rattachement aux Etats n’a pas à sa base un fait social, ne repose pas sur des
éléments de fait, sur le jus sanguini ou le jus soli, mais sur un choix économique ? Cette
objection peut facilement être balayée. Il suffit d’envisager comme contenu du lien substantiel
des éléments tels que la nationalité des propriétaires/exploitants/bénéficiaires
effectifs/équipage de l’engin et/ou son lieu de construction, son port d’attache, son centre de
gestion. Il s’agit de critères qui peuvent permettre d’établir une véritable « nationalité » stricto
sensu de l’engin, dès lors que tous ses liens économico-sociaux convergent vers un même
Etat.
Mais les objections relatives à l’opportunité de la notion du lien substantiel sont également
– et surtout – d’ordre pragmatique. Outre le fait que les Etats sont extrêmement réticents
d’accepter une telle exigence qui les limiterait dans leur liberté souveraine, nous pouvons
également soutenir que le concept de ce lien n’est pas indispensable au vu de la réalité des
milieux maritime/aérien/spatial, voire qu’il est inutile. Son opportunité, manifeste dès lors
qu’on se tourne vers les personnes physiques appartenant à la nation/population d’un Etat
auquel ils doivent être rattachés de manière effective, devient superflue dès qu’il s’agit des
engins. Une flotte marchande nationale, même si elle a un rôle plus ou moins important à
jouer dans la vie économique de l’Etat d’immatriculation, est loin de constituer l’équivalent
d’une population. Non seulement parce qu’elle n’est pas indispensable à l’existence d’un Etat,
mais en plus parce que la combinaison des forces jumelles de la privatisation de plus en plus
accrue – même dans les domaines traditionnellement publics – et de la mondialisation rend
toute idée d’appartenance d’une flotte à un « patrimoine étatique » très relative. Afin d’étayer
cette thèse, il suffit de tracer un parallèle avec le cas des sociétés/personnes morales, qui ont
certes la nationalité d’un Etat, mais pour l’attribution de laquelle le principe d’effectivité du
lien ne joue pas de rôle majeur.
340. Au vu de ces observations, la seule utilité potentielle de l’imposition d’un lien
effectif pour l’attribution d’une « nationalité » aux engins semble être la responsabilisation
« forcée » aussi bien des propriétaires/exploitants que des Etats d’immatriculation, dans le but
d’éviter les abus et le laxisme susmentionnés. Dans ce sens, toute exigence de lien effectif n’a
d’autre utilité que de permettre à l’Etat d’immatriculation de surveiller efficacement les
propriétaires/opérateurs de l’engin et – à travers eux – ses activités. Si le lien substantiel n’est
toutefois pas utilisé pour traduire une situation de fait préexistante, mais pour exprimer les

250
L’IMMATRICULATION COMME CONDITION DU RATTACHEMENT

devoirs de l’Etat qui attribue sa « nationalité », son existence peut être remise en cause. Il
n’est pas nécessaire d’essayer de définir et d’imposer dans l’ordre juridique international les
conditions d’immatriculation qui permettront aux Etats de contrôler efficacement les engins
de leur « nationalité ». Il suffit de renforcer et de clarifier les obligations internationales des
Etats d’immatriculation, ainsi que le régime de la responsabilité internationale en cas de
violation de celles-ci, tout en laissant chaque Etat libre de décider – tout seul ou en passant
des accords avec ses pairs – quels sont les meilleurs moyens pour arriver à les respecter.
Finalement, c’est ainsi que l’aviation civile fonctionne – et qui plus est de manière assez
efficace. La marine marchande fait face à un laxisme beaucoup plus important, mais il n’y a
pas de véritable lien de causalité entre l’immatriculation non fondée sur un lien substantiel et
la violation systématique du droit de la mer. Le problème n’est pas l’absence d’un lien effectif
mais l’exercice défectueux et ineffectif du contrôle étatique ; c’est donc au niveau des effets
juridiques de l’immatriculation que les solutions doivent être recherchées. Enfin, le cas de
l’industrie spatiale demeure assez particulier, en raison d’une privatisation tout à la fois
récente et partielle. Les premiers indices d’une évolution semblable à celle du monde
maritime sont cependant déjà évoqués ; il convient donc d’anticiper les évolutions, afin
d’éviter les situations problématiques analogues.
341. Plus concrètement, concernant principalement le droit de la mer et le droit de
l’espace extra-atmosphérique et – dans un degré moindre – le droit de l’air, des lacunes
normatives importantes empêchent la mise en œuvre de l’exigence générale de l’effectivité du
rattachement des engins aux Etats.
Dans le droit de la mer, l’inutile complexité de la notion du lien substantiel, qui finalement
est considéré comme lettre morte par les Etats et la jurisprudence internationale, encourage le
laxisme des pays de libre immatriculation qui ne voient en lui aucune obligation juridique. Il
serait dès lors opportun d’envisager une modification de l’article 91 de la convention de
Montego Bay, afin d’associer expressément l’attribution d’une « nationalité » à la capacité
d’exercice de juridiction/contrôle effectifs. Ce n’est qu’à travers l’accentuation de leurs
obligations internationales et la mise en avant de leur responsabilité étatique que les pays
attribuant un pavillon de complaisance sauront éventuellement évoluer vers l’adoption de
critères d’immatriculation plus restrictifs. Certes, il n’est pas évident que des normes plus
claires conduiront à de telles conséquences. La mise en cause de la responsabilité de l’Etat du
pavillon est, comme nous le verrons en deuxième partie, extrêmement problématique.
Cependant, l’amélioration et la clarification des règles de lege lata constituent sans doute un
premier pas important vers le renforcement de l’effectivité du rattachement des navires aux

251
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Etats du pavillon. C’est ce que les Etats et les autres acteurs du droit international semblent
avoir réalisé, et c’est pour cela que toute tentative de renforcer normativement le « lien
substantiel » s’oriente vers les obligations de l’Etat du pavillon.
Quant au droit de l’air, le droit national d’un côté, qui en règle générale subordonne à la
nationalité du propriétaire l’octroi de l’immatriculation, et la mise en œuvre des clauses de
nationalité de l’autre, permettent d’établir un rattachement réel et effectif entre l’Etat
d’immatriculation et les aéronefs de sa « nationalité ». Est laissée, cependant, sans réponse
véritable la question de la situation en cas de location coque nue. A cet égard, la possibilité
reconnue par le droit international d’une délégation de certaines fonctions par l’Etat
d’immatriculation à l’Etat contrôlant l’opérateur de l’aéronef ne semble pas suffisante pour
assurer un rattachement effectif en cas de location coque nue. Il serait dès lors opportun de
s’inspirer du droit maritime, afin de rendre possible la suspension de la « nationalité »
d’origine et l’immatriculation parallèle sur un autre registre national.
Enfin, les normes spatiales nécessitent également certaines modifications, afin de mieux
s’adapter aux évolutions technologiques et commerciales. Tout d’abord, le couple Etat de
lancement/Etat d’immatriculation doit être revisité. Un réaménagement de la notion – trop
large et trop ambiguë – d’Etat de lancement semble indispensable ; la possibilité d’être un
Etat d’immatriculation même à défaut d’avoir participé au lancement d’un objet s’avère
également nécessaire en ce qui concerne les Etats qui exercent de facto leur contrôle sur les
engins. Ces deux nouvelles orientations du droit spatial constituent les conditions sine qua
non, afin de préserver la réalité du rattachement effectif des objets spatiaux aux Etats
d’immatriculation ; cette adaptation est d’autant plus indispensable que les acteurs (étatiques
et non étatiques) impliqués dans les activités spatiales se multiplient sans cesse.
342. Les modifications normatives proposées ont comme hypothèse d’origine et comme
but final le régime commun des conditions du rattachement des ensembles organisés aux
Etats. En effet, les points communs de ces engins nous incitent à chercher des
similitudes quant aux conditions de leur immatriculation par les Etats. Malgré la diversité des
critères et les réalités différentes de chaque milieu, l’effectivité du rattachement, dans le sens
de l’exercice effectif de la compétence découlant du rattachement, constitue la préoccupation
commune des trois branches.

252
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

SECONDE PARTIE
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION : UN RÉGIME
NÉCESSAIRE MAIS NON SUFFISANT POUR UNE GESTION EFFICACE

DES ENGINS

343. L’immatriculation est un acte formellement interne mais matériellement


international 725, dès lors qu’il constitue l’unique condition à l’application des normes
internationales relatives à la « nationalité » des engins. Si les critères mis en place par les
droits nationaux afin d’immatriculer un navire/aéronef/objet spatial sur un registre étatique
sont diversifiés, ils permettent tous d’établir le même type de lien juridique entre l’engin et
son Etat d’immatriculation, lien dont découle le même type d’effets juridiques. La mise en
œuvre de ces derniers par l’Etat d’immatriculation permet d’apprécier l’effectivité ou, au
contraire, l’ineffectivité de la « nationalité » des engins. La double liberté de
l’immatriculation, celle des Etats d’en fixer les conditions et celle des propriétaires de choisir
leur Etat, va dès lors de pair avec ses conséquences juridiquement contraignantes.
344. Les effets juridiques de l’immatriculation peuvent concerner, soit l’engin/ensemble
organisé, soit l’Etat d’immatriculation, voire même les deux à la fois, et sont regroupés dans
deux grandes catégories. Elles concernent respectivement les obligations/devoirs 726 et les
droits/pouvoirs de l’Etat d’immatriculation. Parmi ces effets, certains résultent directement du
rattachement, qui en est ipso facto la cause, et d’autres sont déclenchés par un fait externe,
même s’ils découlent de ce rattachement. Ainsi, dans chacune des deux catégories initiales –

725
Dans ce sens, mais pour ce qui concerne l’attribution d’une nationalité à une personne physique voy.
COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 330. Les mêmes termes sont
employés par M. COMBACAU pour désigner le mode de délimitation des espaces (ibidem, p. 416). Pour la
distinction des actes étatiques entre actes formellement internationaux et actes qui revêtent une forme interne
voy. également THIERRY (H.), SUR (S.), COMBACAU (J.) & VALLEE (C.), Droit International Public,
Montchrestien, 3ème ed., Paris, 1981, p. 172.
726
De manière générale, le langage courant mais aussi les dictionnaires et les traités spécialisés identifient devoir
et obligation. Dans la pensée hégélienne, l’obligation correspond à ce qui est exigé d’un point de vue juridique,
alors que le devoir appartient plutôt à la sphère de la morale. Voy. PUHA (E.) & LUPSAN (G.), « Devoir et
obligation morale-juridique », Acta Universitatis Danubius Juridica, 2008, n°1, p. 5, [http://www.juridica-
danubius.ro/continut/arhiva/A80.pdf] consulté le 5 février 2010. Selon CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op.
cit. note 76, p. 307, le mot « devoir » est « souvent synonyme d’obligation, soit dans un sens vague (pour
désigner tout ce qu’une personne doit ou ne doit pas faire) soit dans un sens technique précis (rapport de droit :
ex. devoir de réparation à la charge du responsable) ». Quant à l’obligation internationale, elle est définie lato
sensu en tant que « le lien juridique par lequel un sujet de droit international est tenu envers un ou plusieurs
autres, d’adopter un comportement déterminé ou de s’en abstenir ». Voy. SALMON (J.), Dictionnaire de droit
international public, op. cit. note 14, p. 765. Nous emploierons ici les deux termes comme synonymes, étant
étendu que, pour les besoins de cette thèse, le terme « devoir » exprime une obligation générale, alors que le
terme « obligation » correspond à une règle plus précise.

253
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

faisceau d’obligations ou faisceau de droits – il faudra étudier d’une part les conséquences
nécessaires (obligations internationales de l’Etat d’immatriculation allant de pair avec sa
compétence exclusive) et d’autre part les conséquences éventuelles (obligation de réparation
et droit de réparation en cas de dommage causé par ou à l’ensemble organisé). Si la première
sous-catégorie n’est pas sujette à débat dans l’état actuel du droit international, le régime
juridique de la seconde est beaucoup plus incertain, dès lors que les engins sont sans
personnalité juridique et ne sont donc susceptibles ni de causer ni de subir un dommage.
Cependant, en raison de leur nature particulière, nous pouvons nous demander s’il n’existe
pas un droit de protection sui generis dans le chef de l’Etat d’immatriculation et/ou une
obligation de réparation correspondant à une espèce de responsabilité internationale
« propre » de cet Etat.
345. L’ensemble des effets juridiques de l’immatriculation appartenant à la première
catégorie, c’est-à-dire les conséquences qui découlent directement de l’attribution d’une
« nationalité », tourne autour du diptyque de juridiction/contrôle. Qu’il s’agisse des droits ou
des obligations de l’Etat d’immatriculation, ils constituent en réalité des manifestations
spécifiques du devoir général d’exercice effectif de la juridiction et du contrôle sur l’engin,
corollaire de l’exercice d’une compétence exclusive de la part de l’Etat d’immatriculation,
lorsque l’engin se trouve dans un espace international. L’effectivité du rattachement
s’appréciera donc en fonction de la capacité et de la volonté de l’Etat d’immatriculation
d’exercer les droits et de se conformer aux obligations découlant d’un tel rattachement. Si cet
Etat ne peut pas ou ne veut pas s’acquitter du rôle que le droit international lui attribue suite à
l’immatriculation, il est nécessaire de trouver les moyens juridiques permettant de le
sanctionner et/ou de le remplacer. En raison de la nature décentralisée de la société
internationale, c’est plutôt la deuxième solution qui s’impose. Certains pouvoirs de l’Etat
d’immatriculation peuvent dès lors être détenus concurremment par d’autres Etats, comme
l’Etat du port ou l’Etat côtier pour les navires, l’Etat d’atterrissage pour les aéronefs et les
divers Etats de lancement pour les objets spatiaux. L’articulation entre les droits et obligations
de l’ensemble de ces sujets doit donc être étudiée.
A ces fins, après avoir examiné l’ensemble des devoirs de l’Etat d’immatriculation et le
degré d’efficacité de leur mise en œuvre (Titre I), nous étudierons ses droits, afin de juger s’il
conserve l’ensemble de ses prérogatives ou si, au contraire, il se fait graduellement remplacé
par d’autres acteurs (Titre II).

254
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

TITRE I
Les limites d’une mise en œuvre effective des obligations internationales de
l’Etat d’immatriculation

346. Les obligations internationales découlant de l’immatriculation d’un engin sur le


registre d’un Etat constituent le corollaire indispensable de sa liberté souveraine de fixer les
conditions d’attribution de sa « nationalité ». Elles visent à établir une bonne organisation,
autrement dit un « ordre public » équilibré, dans les espaces internationaux : le chaos
interétatique est évité, dès lors que tout Etat responsable de l’engin ayant sa « nationalité »
doit exercer sa juridiction à son égard et, a priori, peut demander aux Etats tiers de s’abstenir
de toute intervention. Si le droit international reconnaît à l’Etat d’immatriculation le droit
d’exercer sa compétence « personnelle » exclusive sur l’engin qui se trouve dans un espace
international, il lui impose dans le même temps de le contrôler effectivement. Comme le
soulignait le juge Hubert dans l’affaire de l’île de Palmas, « le droit a une obligation (un
devoir) en tant que corollaire » 727.
347. Or, les obligations internationales de l’Etat du pavillon n’ont pas comme raison
d’être exclusive, voire même principale, de préserver les intérêts des autres Etats, en mettant
en œuvre le principe fondamental de l’égalité souveraine. Si le rattachement national se
trouve à l’origine d’obligations coutumières et conventionnelles à la charge de l’Etat
d’immatriculation, c’est pour des raisons variées et complémentaires. Le bon ordre
international et la souveraineté de chaque Etat sont assurément pris en compte, mais d’autres
intérêts entrent également en jeu 728. Les premiers sont ceux de la communauté internationale,
de l’« humanité » 729 qui est présente en tant que référence dans la majorité des traités étudiés :

727
Tribunal arbitral, Pays Bas c/ Etats-Unis, sentence du 4 avril 1928 ; Nations Unies, RSA, vol. 2, p. 839. Dans
le même sens, voy. CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit. note 131, p. 479 et la définition de
l’obligation internationale en tant que « la situation subjective qui est la contre partie d’un droit au sens
objectif », in Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, p. 765 citant le rapport de la CDI sur les
travaux de la vingt-hutième session, Commentaire d’introduction au chapitre III du projet sur la responsabilité
des Etats pour fait internationalement illicite. Voy. Annuaire de la CDI, 1976, vol. II, 2ème partie, p. 70. Pour une
analyse plus générale voy. également VIRALLY (M.), La pensée juridique, ed. Panthéon-Assas, Paris, 1998, p.
43 : « droit et obligation sont indissociables dans la pensée juridique. Ils ne trouvent leurs significations
respectives que l’un par rapport à l’autre. Un droit ne se forme au profit d’un sujet qu’à l’encontre d’un autre
sujet tenu à l’obligation correspondante. Une obligation juridique ne prend naissance que lorsqu’un droit lui
répond ».
728
Pour une présentation des « intérêts exclusifs » et des « intérêts communs » ; McDOUGAL (M. S.) &
BURKE (W. T.), The Public Order of the Oceans : A contemporary international law of the sea, op. cit. note
415, pp. 1052-1057.
729
Voy. CHARPENTIER (J.), « L’humanité : un patrimoine, mais pas de personnalité juridique », in Les
hommes et l’environnement – Quels droits pour le 21ème siècle, mélanges en hommage à Alexandre KISS,
Editions Frison-Roche, 1998, pp. 17-22.

255
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

il s’agit notamment de la protection de l’environnement, marin, aérien ou spatial et de la


préservation des ressources naturelles de la terre et de l’espace extra-atmosphérique. Puisque
les espaces en cause sont explorés et utilisés par des ensembles organisés rattachés à un Etat,
ce dernier doit s’assurer que les activités de ces engins ne sont pas nuisibles 730. L’article 87 de
la convention de Montego Bay le précise clairement en stipulant que « [l]a liberté de la haute
mer s’exerce dans les conditions prévues par les dispositions de la Convention et les autres
règles du droit international. » Dans ce sens, la « liberté » engendre des droits pour les Etats,
mais les soumet également à des « conditions » correspondant à leurs obligations731.
Cela dit, le rattachement a également comme but de protéger les victimes qui sont tiers
des ensembles organisés. Contrairement aux automobiles ou aux trains, ces engins sont liés à
un sujet du droit international qui a l’obligation internationale d’en surveiller l’activité afin de
préserver les intérêts de leurs victimes potentielles et d’assurer la réparation des dommages
causés. Les obligations de l’Etat d’immatriculation seront donc d’autant plus importantes,
lorsque l’engin se trouve dans un espace qui n’est pas soumis à une compétence territoriale.
L’Etat d’immatriculation doit ainsi respecter les intérêts des ses pairs, de la communauté
internationale dans son ensemble et des victimes de l’activité de l’engin. Le caractère national
d’un navire, d’un aéronef ou d’un objet spatial est dès lors fondamental dans la lutte contre
tout abus dans les espaces internationaux.
348. Il convient donc en premier lieu d’examiner le devoir général de l’Etat
d’immatriculation à l’égard des activités de l’engin ayant sa « nationalité », avant d’étudier les
obligations concrètes qui lui sont conférées par les traités internationaux et par les normes
coutumières. Si le premier paraît similaire qu’il s’agisse des navires, des aéronefs ou des
objets spatiaux, les secondes diffèrent en fonction de la particularité de l’espace concerné
(Chapitre 1). Il importe ensuite d’étudier dans quelle mesure la violation de ces obligations
peut engendrer pour l’Etat d’immatriculation une obligation de réparation des dommages
causés par les engins de sa « nationalité » (Chapitre 2).

730
Dans ce sens, HARGROVE (J. L.) ed, Who Protects The Oceans?, The American Society of International
Law, 1975, pp. 9, 15, 204, 208, 221-228.
731
Dans ce sens et pour l’histoire du terme « conditions » tel qu’employé dans l’article 87, précédemment article
2 de la convention de Genève voy. MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, p. 109.

256
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

CHAPITRE 1
Vers des obligations internationales similaires pour l’Etat
d’immatriculation des navires, aéronefs ou objets spatiaux

349. Les obligations de l’Etat d’immatriculation découlent de son devoir d’exercer une
juridiction et un contrôle effectifs sur les engins inscrits sur son registre national. Ce devoir
général se décompose en plusieurs obligations directement prévues par les instruments
internationaux ou corollaire de l’exercice d’un droit de l’Etat 732. En fonction de la capacité et
de la volonté de l’Etat d’immatriculation de se conformer à ce devoir sera appréciée
l’effectivité de son rattachement à l’engin. Lorsqu’une immatriculation purement
administrative va de pair avec un contrôle inexistant ou laxiste de la part de l’Etat concerné, le
rattachement peut être considéré comme complaisant. Dans le cas contraire, il est effectif et
peut remplir son rôle efficacement.
350. L’obligation d’exercer une juridiction et un contrôle sur l’engin signifie que l’Etat
d’immatriculation doit surveiller à tous égards le navire, aéronef ou objet spatial qui lui est
rattaché et veiller à ce que ces engins se conforment aux normes internationales. Il s’agit d’un
principe qui est commun au droit de la mer, au droit de l’air et au droit spatial. La manière
concrète dont les Etats le mettent en application dépend en revanche du milieu et de ses
caractéristiques. Les obligations de l’Etat du pavillon en droit de la mer ne seront ainsi pas
identiques à celles des Etats d’immatriculation d’un aéronef ou d’un objet spatial. Si les
cadres juridiques généraux de ces trois régimes sont plutôt similaires, des règles spécifiques
sont prévues à propos de chaque type d’engin et de ses activités. Il est opportun, dès lors,
d’examiner le concept général du devoir principal de l’Etat d’immatriculation, lié à l’exercice
d’une juridiction et d’un contrôle effectifs (Section I). Cet examen posera le cadre général à
l’intérieur duquel les particularités des obligations internationales prévues par le droit de la
mer, de l’air ou de l’espace seront analysées (Section II). Il convient en outre de se demander
si l’Etat d’immatriculation n’a d’obligations qu’à l’égard des engins toujours en fonction ou
si, au contraire, il en conserve à l’égard de ceux qui ne le sont plus (Section III).

732
Il s’agit de la distinction effectuée par la Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Bureau des
affaires juridiques, Nations Unies, dans sa publication : Le droit de la mer, Obligations des Etats Parties aux
termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et des instruments complémentaires, New
York, 2005, p. 1.

257
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

SECTION I. L’exercice de la juridiction et du contrôle : le devoir général de l’Etat


d’immatriculation

351. La juridiction et le contrôle exercés par l’Etat d’immatriculation sont des notions
complexes dans le droit des espaces. Nous avons vu qu’elles représentent le seul critère
accepté en droit international pour déterminer si l’immatriculation nationale est complaisante
ou, au contraire, effective. En tant qu’effet juridique, le diptyque juridiction/contrôle
représente à la fois une obligation et un droit de l’Etat d’immatriculation. Il s’agit
premièrement d’un droit, dès lors que leur élément interne, concernant l’ordre public étatique,
peut, dans une certaine mesure, se traduire par une compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation lorsque l’engin se trouve dans un espace international. Mais il s’agit
également d’un devoir général, qui correspond à leur élément externe relatif à l’ « ordre
public international » et qui se décompose en plusieurs obligations plus spécifiques. Ce devoir
général encadre et englobe les obligations d’un Etat « polyvalent » 733 qui, dans les instruments
internationaux, s’engage, délimite, prend soin, légifère, sanctionne, autorise… Après avoir
défini à quel type d’obligations correspond le devoir étatique d’exercer sa juridiction et son
contrôle (§1), il convient d’étudier comment il se manifeste dans le droit de la mer, de l’air et
de l’espace, afin de juger quel est le rapport entre les notions de juridiction et de contrôle et si
leur dissociation est possible (§2).

§ 1. La définition du devoir général d’exercice de juridiction/contrôle

352. L’axiome selon lequel l’Etat d’immatriculation doit exercer « un contrôle d’une
façon permanente sur le navire » 734, tout comme sur les aéronefs et les objets spatiaux de sa
« nationalité », va certainement de pair avec les notions d’ensemble organisé et de
rattachement et constitue la contrepartie logique de la compétence exclusive de cet Etat. La
nature exacte du devoir d’exercice d’une juridiction et d’un contrôle effectifs demeure
cependant assez vague (A), même si sa fonction et sa raison d’être semblent très claires (B).

733
Expression utilisée par ROUKOUNAS (E.), « Facteurs privés et droit international public », RCADI, t. 299,
vol. 6, 2002, p. 180.
734
GIDEL (G.), Le droit international public de la mer, op. cit. note 13, p. 255 ; Dans le même sens MEYERS
(H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, p. 314.

258
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

A. La nature de l’exercice de juridiction/contrôle

353. Il est important de comprendre la nature et le fondement de ce devoir général de


l’Etat d’immatriculation afin de pouvoir le délimiter. Cette délimitation est nécessaire pour
savoir si, en dehors des obligations directement prévues par les instruments internationaux, il
en existe d’autres qui peuvent relever du devoir d’exercer les juridiction/contrôle effectifs 735.
La réponse à cette question dépend de la définition du devoir en cause.
354. Dans les domaines étudiés, les obligations internationales constituent la plupart du
temps des obligations de comportement et de vigilance, même si les obligations de résultat
n’en sont pas totalement absentes. Il s’agit, principalement, d’obligations de prévention, l’Etat
d’immatriculation étant tenu d’empêcher toute atteinte causée par les engins soumis à sa
juridiction et à son contrôle aux droits d’un Etat étranger ou aux victimes tiers 736. Ces
obligations ne doivent pas être confondues avec celles qui découlent du principe de
précaution, lorsqu’il est affirmé comme une obligation spécifique de l’Etat du pavillon dans
un instrument contraignant 737.
355. La distinction entre ces divers sortes d’obligations internationales, tournant autour du
couple « obligation de moyens/obligation de résultat », était présente dans un premier temps
dans les travaux de la CDI sur la responsabilité des Etats, mais fut abandonnée par la suite.
Les articles 20 et 23 définissant respectivement les obligations de comportement et de

735
A titre d’exemple, l’article 94 de la convention de Montego Bay se limite à trois domaines précis, sans y
inclure les activités de pêche. Certes, des accords sont venus compléter cette disposition. Cependant, la question
se pose : avant l’adoption de ces accords, les obligations de l’Etat du pavillon en ce qui concerne la pêche
illégale pratiquée par les navires de sa « nationalité », pouvaient-elles être déduites d’un principe général ou
d’une règle coutumière relevant directement de la juridiction/contrôle de l’Etat d’immatriculation ? De même,
l’article 194 de la convention de Montego Bay sur la protection de l’environnement constitue-t-il une
manifestation du devoir de juridiction/contrôle, pris, ici, dans un sens plus large que celui de l’article 94 ?
736
Pour la définition de « obligation de comportement » et « obligation de prévention », Voy. SALMON (J.),
Dictionnaire de droit international public, op. cit. note 14, pp. 765-766 et 768-769.
737
Par exemple voy. l’accord de 1995 sur les stocks de poissons, article 6. Pour une analyse de la distinction
entre obligations de résultat, de moyen et de prévention par rapport au principe de précaution (les obligations
étatiques découlant de la mise en œuvre du régime de précaution pouvant être qualifiées d’obligations de moyens
ou de résultat mais jamais de prévention) voy. CAZALA (J.), Le principe de précaution en droit international,
LGDJ, Paris, 2006, pp. 307-314. Pour la différenciation entre le principe de prévention et celui de diligence due,
entre lesquelles « la confusion règne dans la pratique des Etats, dans la doctrine et dans la jurisprudence
internationale » voy. MBENGUE (M. M.), Essai sur une théorie du risque en droit international public :
l’anticipation du risque environnemental et sanitaire, Pedone, 2009, pp. 80-82. Pour une analyse du rapport
entre l’obligation de diligence requise et l’approche de précaution voy. également TIDM, Chambre pour le
règlement des différends relatifs aux fonds marins, Responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des
personnes et des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone (Demande d'avis consultatif soumise à la
Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins), avis consultatif du 1er février 2011, §§ 130-
135.

259
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

prévention furent en effet supprimés lors de l’adoption du projet final 738. L’obligation de
prévention reste toutefois mentionnée dans le commentaire concernant l’extension dans le
temps de la violation 739. L’obligation des Etats de s’assurer que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement
dans d’autres Etats ou dans les régions ne relevant d’aucune juridiction nationale, est par
ailleurs en voie de devenir un principe à part entière 740. Il importe donc de déterminer
quelle(s) est (sont) de ces catégories celles dans la (les) quelle(s) s’insèrent le devoir d’exercer
les juridiction/contrôle et les obligations qui en découlent.
356. Le standard général, autrement dit l’obligation générale, sera souvent celle de la
« diligence due/requise » 741, mais il demeure difficile de qualifier globalement les obligations
de l’Etat d’immatriculation, chacune pouvant appartenir à une catégorie différente. Le droit de
la mer en donne une bonne illustration, le devoir d’exercice des juridiction/contrôle effectifs
se décomposant en des obligations relatives tout à la fois à la sécurité/sûreté maritimes et à la
lutte contre la pollution742. Sommairement, l’Etat doit préserver la sécurité et le bon ordre des
espaces internationaux, en prenant à cet effet les mesures raisonnablement nécessaires et en

738
La Commission a enregistré la suppression des articles en cause : Documents officiels, A/CN.4/L.602 du 21
mai 2001 et A/CN.4/L.574, Annuaire de la CDI, 1999, vol. I, p. 275.
739
Article 14 du projet des articles sur la responsabilité des Etats. Voy. Rapport de la CDI sur les travaux de la
cinquante-troisième session, Documents officiels, Supplément n°10, (A/56/10), 2001, pp. 147-154.
740
Déclaration de Stockholm sur l’environnement du 16 juin 1972, principes 21 et 7, publiée dans RGDIP, 1973,
p. 350 ; Article 30 de la Charte sur les droits et les devoirs économiques des Etats, Résolution de l’Assemblée
générale 3281 (XXIX) du 12 décembre 1975 ; Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement du
14 juin 1992, principe 2 ; CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires,
avis du 8 juillet 1996, Rec. CIJ 1996, p. 226 et s., notamment p. 242, § 29. Ce principe ne constitue pas une sous-
division de la responsabilité sans faute. Il découle au contraire des théories de la responsabilité pour faute et du
manquement à la diligence due : MAZZESCHI (R. P.), Due diligence e responsabilita internazionale degli stati,
Dott. A. Giuffre editore, Milano, 1989, p. 356.
741
La Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du TIDM se référe dans son avis
consultatif du 1er février 2011 à l’obligation de « diligence requise », expression par laquelle elle traduit la
« diligence due », pour qualifier l’obligation de l’Etat qui patronne les activités dans la Zone « de veiller à ». Elle
caractérise cette obligation comme une obligation « de comportement » et elle considère à cet égard que « les
notions d’obligation de « diligence requise » et d’obligation « de comportement » sont liées ». Voy. TIDM, avis
consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, §§ 110-111. Dans le même sens voy. CIJ, Affaire relative à des
usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/ Uruguay, arrêt du 20 avril 2010, § 187.
742
Pour la difficile qualification des obligations de la partie XII de la convention de Montego Bay sur la
protection et préservation du milieu marin voy. MENENDEZ (M.), « El objeto de la obligaciones establecidas
por la parte XII del Convenio de Montego Bay », in La responsabilidad internacional, aspectos de derecho
internacional publico y derecho internacional privado, XIII jornadas de la asociacion espanola de profesores de
derecho internacional y relaciones internacionales, 1989, pp. 183-184. Mais voy. également MAZZESCHI (R.
P.), Due diligence e responsabilita internazionale degli stati, Ibidem, p. 372, qui qualifie clairement les
obligations de l’article 194 (tout comme celles des articles 195, 196, 204, 206, et 207-212) d’obligations de due
diligence. Concernant la qualification des obligations relatives à la protection de l’environnement marin, aérien
ou spatial voy. KAMTO (M.), « Singularité du droit international de l’environnement », in Les hommes et
l’environnement – Quels droits pour le 21ème siècle, mélanges en hommage à Alexandre KISS, Editions Frison-
Roche, 1998, pp. 320-321.

260
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

usant des moyens dont il dispose 743. Il s’agit donc principalement d’un devoir de
réglementation et de surveillance incombant à l’Etat d’immatriculation, lequel doit porter un
intérêt particulier aux standards techniques de « ses » engins. Le juge SINGH, en explorant le
lien de causalité qui peut exister entre la responsabilité de l’Etat et le pavillon maritime,
écrivait que cette responsabilité se concrétise tout d’abord dans « l’obligation de l’Etat de
légiférer de telle manière que le navire remplisse les conditions prévues par les règles et les
procédures internationales pertinentes » 744. La même observation peut s’appliquer aux
aéronefs et aux objets spatiaux : leur Etat d’immatriculation doit prendre les mesures
garantissant que les ensembles organisés sous sa juridiction se conforment aux règles et
règlements internationaux.

B. L’objet de l’exercice de juridiction/contrôle

357. L’aspect bipartite, voire tripartite, de l’obligation générale de l’Etat


d’immatriculation, en ce qui concerne les bénéficiaires des droits qu’elle fait naître, doit être
souligné. Il s’agit d’une obligation « classique » envers les autres Etats d’immatriculation,
mais qui peut également devenir une obligation intégrale ou erga omnes dès lors qu’elle
concerne la protection de l’environnement 745. De plus, la protection des victimes des activités
à haut risque, notamment spatiales, est un facteur important à prendre en considération.
Résultant du passage d’une « communauté négative », où seule la protection des droits de
chaque Etat et de ses nationaux était prise en compte, à une « communauté positive »,
marquée par la solidarité internationale 746, un significatif saut qualificatif dans le devoir
général de l’Etat d’immatriculation entraîne un souci de protection non plus seulement des
droits étatiques mais également des ceux de la « communauté » et des « victimes ».
Dans le droit de la mer, ces deux intérêts sont présents d’une manière à peu près égale, dès
lors que l’Etat du pavillon doit assurer tout à la fois la sécurité de la navigation maritime et la
préservation du milieu marin. En revanche, dans le droit aérien et surtout dans le droit spatial
le second aspect est plus accentué, comme en témoigne notamment la responsabilité objective

743
MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 111-112.
744
SINGH (N.), « Maritime Flag and State Responsibility », in Essays of international law in honor of judge
Manfred Lachs, La Haye, Lancaster, Boston, 1984, p. 657.
745
CAZALA (J.), Le principe de précaution en droit international, op. cit. note 737, p. 316.
746
BONASSIES (P.), « La loi du pavillon et les conflits de droit maritime », op. cit. note 33, p. 611 ; Le terme
« communauté négative » est employé par l’auteur, qui précise qu’il s’agit d’un terme de PUFENDORF VON
(S.), Du droit de la nature et des gens, trad. Berbeyrac, 1712, I, p. 950 cité par GIDEL (G.), Le droit
international public de la mer, op. cit. note 13, p. 223.

261
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

pour les dommages causés par les engins spatiaux 747. Pour le droit spatial, cela s’explique par
le fait que l’Etat « s’engage comme personne souveraine dans les activités à haut risque » 748,
phénomène qui risque d’être fondamentalement altéré par la privatisation.
358. Malgré le souci de protection des victimes, les rapports demeurent principalement
interétatiques dans le droit international et donc les obligations des Etats d’immatriculation
font naître des droits étatiques. Même dans les cas d’un préjudice causé à l’
« environnement », « l’intérêt général n’est pas vraiment à ce jour autre chose que l’addition
des intérêts particuliers de chacun des Etats qui forment la communauté internationale » 749.
Les domaines d’activités maritimes, aériennes et spatiales sont cependant par excellence ceux
dans lesquels une volonté de plus en plus affirmée de protection des « victimes » et de
l’intérêt « général » se manifeste. Le devoir général d’exercice des juridiction/contrôle
effectifs de la part de l’Etat d’immatriculation, tel qu’analysé ici, constitue un standard
minimum pour mettre en œuvre ce type d’objectifs. A ces fins, il doit être décomposé en
obligations précises de surveillance et de contrôles techniques. Il constitue donc la source
directe de l’ensemble de ces obligations, qui visent à garantir que tous les utilisateurs des
engins adopteront « une conduite responsable » 750.

§ 2. L’enjeu d’une possible dissociation entre exercice de la juridiction et exercice du


contrôle

359. Ces deux notions vont souvent de pair dans les textes internationaux. La
« juridiction » apparaît en effet régulièrement dans les instruments internationaux régissant le
droit de la mer, le droit de l’air et le droit spatial à côté du « contrôle ». Ces termes ont dès
lors été employés en tant que « bloc » afin d’exprimer le devoir général de l’Etat
d’immatriculation. Il importe toutefois d’examiner plus en profondeur chacune de ces deux
notions, ainsi que leur articulation.
360. L’article 94 de la convention de Montego Bay, intitulé « Obligations de l’Etat du
pavillon », associe la notion de juridiction à celle de contrôle effectif en stipulant que « tout
Etat exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif,

747
Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les engins spatiaux de 1972, qui
sera présentée et analysée infra §§ 463-466.
748
VERHOEVEN (J.), « Milieu marin, « perturbations » et responsabilité : à propos d’une loi belge du 20
janvier 1990 », in La mer et son droit, Mélanges offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.), Pedone, Paris,
2003, p. 652.
749
Ibidem, p. 653.
750
COURTEIX (S.), « La pollution de l’espace extra-atmosphérique par les débris spatiaux », in Les hommes et
l’environnement – Quels droits pour le 21ème siècle, mélanges en hommage à Alexandre KISS, Editions Frison-
Roche, 1998, p. 570.

262
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

technique et social sur les navires battant son pavillon ». Dans le droit de la mer,
contrairement au droit spatial, les deux notions ne semblent pas pouvoir être dissociées 751.
Même dans l’hypothèse de l’affrètement coque nue, l’Etat d’immatriculation est appelé,
durant l’affrètement, à exercer à la fois sa juridiction et son contrôle sur le navire. Ainsi, la
combinaison de deux couvre l’ensemble des pouvoirs souverains et leurs devoirs corrélatifs ;
si la juridiction correspond à la capacité d’édicter des normes et de juger leur application, le
contrôle renvoie à l’exécution et à la supervision des activités du navire. La juridiction de
l’article 94 correspond donc plutôt à un devoir législatif et judiciaire de l’Etat du pavillon à
l’égard du navire et de son équipage, tandis que le contrôle couvre le devoir de surveiller,
d’un point de vue technique, ses activités.
361. Contrairement à la convention de Montego Bay et au traité sur l’espace, la
convention de Chicago ne mentionne pas explicitement les termes juridiction/contrôle, ni en
tant que droits de l’Etat d’immatriculation, ni en tant qu’obligations internationales. Elle se
contente d’énoncer, dans son article 12, que « chaque Etat contractant s’engage à adopter des
mesures afin d’assurer que tout aéronef […] portant la marque de sa nationalité, en quelque
lieu qu’il se trouve, se conforme aux règles et règlements en vigueur en ce lieu pour le vol et
la manœuvre des aéronefs […]». Cet article ne fait que compléter l’article 11 en vertu duquel
« les lois et règlements d’un Etat contractant relatifs à l’entrée et à la sortie de son territoire
des aéronefs employés à la navigation aérienne internationale, ou relatifs à l’exploitation et à
la navigation desdits aéronefs à l’intérieur de son territoire, s’appliquent, sans distinction de
nationalité, aux aéronefs de tous les Etats contractants ». Ces deux articles sous-entendent
que l’Etat d’immatriculation doit exercer ses juridiction/contrôle sur l’aéronef 752. En effet, si
l’Etat s’engage, en vertu de l’article 12, à s’assurer que les avions de sa « nationalité » se
conforment aux règles en vigueur, il doit être en mesure de les contrôler 753. Si le devoir
général n’est pas énoncé en tant que tel, plusieurs obligations prévues par la convention de
Chicago, ses annexes et les autres instruments internationaux constituent des manifestations

751
La seule exception, elle même partielle, constitue à cet égard la doctrine américaine des navires Effective US
Controlled (EUSC) (Section 902, Merchant Marine Act of 1936 (title 46, USC, section 1242). Nous rappellons
que ces navires appartiennent à des étrangers, mais sont détenus par des bénéficiaires effectifs américains, et
peuvent, suite à des accords spéciaux, être mis à la disposition des Etats-Unis en cas de guerre ou autre urgence.
Dans un tel cas on assiste à une dissociation entre l’Etat d’immatriculation et l’exercice de la juridiction/contrôle
par les Etats-Unis. Outre le fait qu’il s’agit d’une hypothèse exceptionnelle, il n’y a pas de véritable dissociation
entre exercice de la juridiction et exercice du contrôle, dès lors que les deux sont exercés par les Etats-Unis en
cas d’urgence.
752
Dans le même sens voy. BROWNLIE (I.), Principles of Public International Law, 5th ed., Oxford University
Press, Oxford, 1998, p. 431.
753
Dans ce sens voy. McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in
Space, op. cit. note 34, p. 584 et KAMMINGA (M. S.), The Aircraft Commander in Commercial Air
Transportation, Nijhoff, The Hague, 1953, pp. 30-31.

263
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

spécifiques du « bloc » juridiction/contrôle. Par ailleurs, la possibilité prévue à l’article 83bis


de déléguer à un Etat autre que celui de l’immatriculation certaines fonctions et obligations,
permet d’envisager la dissociation éventuelle entre l’exercice respectif de la juridiction et du
contrôle technique.
362. L’article VIII du traité sur l’espace prévoit expressément que « l’Etat partie au
Traité sur le registre duquel est inscrit un objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique
conservera sous sa juridiction et son contrôle ledit objet et tout le personnel dudit objet, alors
qu’ils se trouvent dans l’espace extra-atmosphérique ou sur un corps céleste » 754. Il s’agit
d’une disposition générale, similaire de l’article 94 de la convention de Montego Bay, qui
établit à la fois un droit et une obligation pour l’Etat du pavillon. La juridiction correspond au
pouvoir de prescrire et de faire respecter des règles de droit ; le contrôle est un composant ou
un attribut de la juridiction relatif notamment aux fonctions du centre de commande au sol (ou
dans l’espace) qui assure le contrôle à distance du mouvement de l’objet et la gestion de
l’équipage 755. Mais le contrôle renvoie surtout au côté technique de la juridiction, à savoir la
direction de l’objet en vertu de sa mission et la vérification de son fonctionnement pendant le
vol 756. Deux « réseaux de contrôle » doivent être mentionnés : celui relatif au lancement et à
la trajectoire de l’objet spatial et celui relatif aux opérations des satellites en orbite757. Il s’agit
donc d’un terme recouvrant de nombreuses notions techniques.

754
Les termes juridiction et contrôle apparaissent pour la première fois concernant l’espace extra-atmosphérique
dans le principe 7 de la déclaration des principes juridiques régissant les activités des Etats en matière
d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, annexée à la résolution de l’Assemblée générale
1962 XVIII, adoptée en décembre 1963.
755
Pour une définition dans ce sens voy. ZHUKOV (G. P.), « Registration and jurisdiction aspects of the
international space station », op. cit. note 186, p. 121 ; LAFFERRANDERIE (G.), « La Station Spatiale », in
Droit de l’Espace : Aspects Récents, DUTHEIL DE LA ROCHERE (J.) dir., Pedone, Paris, 1988, pp. 176-180.
Pour une définition différente mais problématique voy. MARCHAN (J.), Derecho Internacional del Espacio,
Teoria y Politica, op. cit. note 10, p. 228, qui soutient que le terme « juridiction » correspond à la compétence
étatique alors que le terme « contrôle » à la responsabilité étatique lato sensu. Cependant le « contrôle » ne peut
pas être considéré comme synonyme de la responsabilité, et ce d’autant plus que quand les traités spatiaux se
référent à la responsabilité étatique ils utilisent le terme approprié.
756
Ibidem, p. 162 ; L’auteur mentionne également « le sens juridique du contrôle visant tous les moyens dont
dispose l’Etat d’immatriculation pour s’assurer du respect réciproque des obligations internationales et faire
cesser les manquements éventuels au droit international. » Il cite à cet égard CARREAU (D.), Droit
international, Pedone, Paris, 1993, §§ 1284 et s. Mais nous pensons que l’auteur applique ici de manière erronée
les enseignements de M. CARREAU sur le contrôle de l’application des normes du droit international à l’article
VIII du traité de l’espace. En effet, si le contrôle auquel se réfère M. CARREAU est véritablement tourné vers la
mise en œuvre du droit international par les Etats, le contrôle prévu par l’article VIII du traité sur l’espace vise
les moyens de vérification par l’Etat d’immatriculation que ses règles nationales et sa supervision générale à
l’égard de l’objet spatial sont respectés.
757
Sur la complexité de la notion du contrôle et la difficulté de sa délimitation voy. LAFFERRANDERIE (G.),
« Jurisdiction and Control of Space Objects and the Case of an International Intergovernmental Organization
(ASE) », op. cit. note 201, pp. 230-231. L’auteur souligne que « le contrôle est un mot technique tellement
utilisé qu’il est difficile de comprendre son champ d’application et son lien avec l’Etat de juridiction dont la
compétence semble oubliée ».

264
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

363. Si, tout comme la convention de Montego Bay, le traité sur l’espace emploie les
termes de juridiction et de contrôle en tant que bloc, c’est à dire de manière manifestement
indissociable, l’article 12 de l’accord de 1979 régissant les activités sur la lune et les autres
corps célestes (ci-après accord sur la lune) ainsi que certaines lois nationales américaines
semblent établir une distinction entre les deux.
L’accord sur la lune stipule en effet que « les Etats conservent la juridiction ou le
contrôle sur leur personnel, ainsi que sur leurs véhicules, matériel, stations, installations et
équipements spatiaux se trouvant sur la Lune ». Cet article 12 semble donc, contrairement à
l’article VIII du traité sur l’espace, distinguer entre juridiction et contrôle d’une part (« la
juridiction ou le contrôle ») et entre personnel et véhicule se trouvant sur la lune d’autre part
(« sur leur personnel, ainsi que sur leurs véhicules »). Néanmoins, si ces différences peuvent
paraître flagrantes dans le texte français, elles s’atténuent considérablement, voire
disparaissent, dès lors qu’on étudie le texte anglais. En effet, dans la version anglaise de
l’article, la juridiction et le contrôle apparaissent de nouveau comme un tout indivisible
« State parties shall retain jurisdiction and control ». De plus, il est stipulé que la juridiction
et le contrôle sont conservés « over their personnel, space vehicles, equipement, facilities,
stations and installations on the moon ». Le pronom « leurs » désigne donc à la fois le
personnel et les objets spatiaux, et ce dans la même phrase, permettant ainsi une interprétation
selon laquelle l’Etat d’immatriculation est directement visé. L’article 12 est très peu
commenté par la doctrine, qui semble toutefois le considérer comme l’équivalent exact de
l’article VIII du traité sur l’espace 758. L’étude des travaux préparatoires de l’accord sur la lune
conduit à la même conclusion 759.
Le titre 35, chapitre 10 du Code des Etats-Unis sur les inventions dans l’espace semble
également indiquer que la dissociation entre juridiction et contrôle est possible. En vertu des
règles prévues par ce titre, une invention conçue, utilisée ou vendue en espace extra-
atmosphérique à bord d’un objet spatial ou d’un de ses composants placés sous la juridiction
ou le contrôle des Etats-Unis, doit être considérée comme conçue, utilisée ou vendue sur le
territoire américain. Le contrôle y est par conséquent considéré comme un terme purement
technique, pouvant exister sans le fondement nécessaire de la juridiction.
758
Voy. à titre d’exemple VON DER DUNK (F. G.), « The Moon Agreement and the Prospect of Commercial
Exploitation of Lunar Resources », Annals of Air and Space Law, vol. 32, 2007, p. 104: « Article 12 reiterates
the general provisions of Article VIII of the Outer Space Treaty’s ».
759
BASHOR (H. W.), « Interpretation of the Moon Treaty: Recourse to Working Papers and Related
International Documents », Annals of Air and Space Law, vol. 32, 2007, pp. 149-200, notamment p. 155 sur la
mission des Etats-Unis à l’ONU en 1966 ; p. 171 sur l’article XI de la proposition des Etats-Unis de 1972 ; p.
177 sur l’article XI du projet de l’ONU sur un traité relatif à la lune de 1972 ; p. 195 sur l’annexion du texte
proposé par l’Autriche en 1978.

265
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

364. Il convient donc de se demander s’il peut y avoir un contrôle sans une base de
juridiction et vice versa. S’il est improbable que les deux notions soient dissociées lorsqu’un
seul Etat de lancement et d’immatriculation existe, la question peut être posée dans les cas de
lancements communs ou de lancements effectués par des organisations internationales. En
vertu du traité sur l’espace, un des Etats de lancement ou un des Etats parties à l’organisation
internationale immatriculera l’objet spatial et exercera dès lors sur lui sa juridiction et son
contrôle. Cependant, il est possible qu’un autre Etat (de lancement) contrôle l’engin, même
s’il n’exerce pas la juridiction lato sensu. Dans une telle hypothèse, l’Etat en question exerce
sa supervision technique de l’objet spatial, alors que l’Etat d’immatriculation ou
l’organisation internationale prescrit les règles applicables. Des accords peuvent alors prévoir
un décalage entre l’immatriculation et la juridiction 760, qui, à son tour, peut conduire à un
décalage entre la juridiction et le contrôle.
Il s’agit, plus précisément, de la possibilité évoquée dans l’article II.2 de la convention sur
l’immatriculation ; celui-ci prévoit qu’en cas de lancement conjoint, les Etats déterminent
entre eux lequel immatriculera l’objet, « en tenant compte des dispositions de l’article VIII du
Traité sur l’espace » et « sans préjudice des accords […] conclus entre les Etats de
lancement au sujet de la juridiction et du contrôle sur l’objet et sur tout le personnel de ce
dernier » 761. La généralité de l’expression « accords conclus au sujet de la juridiction et du
contrôle sur l’objet et le personnel » permet d’envisager la possibilité d’accords prévoyant
une dissociation entre la juridiction et le contrôle, un des Etats de lancement ou l’organisation
internationale exerçant la première alors que le contrôle peut être confié à un autre des Etats
de lancement 762. Une autre configuration autorisant une telle dissociation serait celle du

760
Dans ce sens, CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit. note 131, p. 484.
761
Voy. CHENG (B.), « Space Objects and their Various Connecting Factors », in Outlook on Space Law over
the Next 30 Years, LAFFERRANDERIE (G.) & CROWTHER (D.) ed., Kluwer Law International, 1997, p. 211,
qui considère qu’en réalité l’article II.2 de la convention sur l’immatriculation donne une liberté complète aux
Etats de séparer la juridiction et le contrôle de l’immatriculation et que cette possibilité peut s’avérer très
problématique.
762
Contra voy. LAFFERRANDERIE (G.), « Jurisdiction and Control of Space Objects and the Case of an
International Intergovernmental Organisation (ASE) », op. cit. note 201, p. 231. Selon l’auteur « le contrôle est
et doit être considéré comme lié à la juridiction. L’Etat d’immatriculation doit savoir en pratique comment
exercer concrètement sa juridiction car il est responsable pour les activités conduites en utilisant les objets
spatiaux qu’il immatricule […] juridiction et contrôle doivent être perçus comme un bloc ; la juridiction
implique le contrôle et le contrôle est fondé sur la juridiction ». Cependant une telle affirmation doit être
nuancée. Ce n’est pas parce que l’Etat d’immatriculation décide de transférer ses pouvoirs de contrôle à un Etat
tiers qu’il n’est pas en mesure de les exercer lui-même. L’auteur lui-même accepte que « l’Etat de juridiction
puisse confier à certaines entités la mise en œuvre de certaines mesures de contrôle, sujettes à des règles
prédéfinies. » Entre cette proposition et la dissociation entre juridiction et contrôle la différence est quantitative
et non pas qualitative. Si les règles pertinentes sont mises en place, les deux scénarios semblent envisageables.

266
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

transfert du contrôle d’un satellite déjà en orbite 763. Comme nous l’avons déjà évoqué dans la
première partie, le transfert de la gestion et donc du contrôle de l’objet spatial, similaire à une
sorte d’affrètement du satellite, implique nécessairement une dissociation entre la juridiction
de l’Etat d’immatriculation et le contrôle du nouvel Etat 764. Dans le même sens, la question
peut se poser lorsqu’un engin atterrit sur un autre objet spatial, par exemple un avion spatial
arrivant sur la SSI. Dans un tel cas, la question se pose de savoir si le contrôle de l’avion
spatial est transféré à l’Etat contrôlant la station spatiale, à l’instar de ce qui se passe
lorsqu’un navire entre dans un port. Cet exemple d’un spationef atterrissant sur une station
spatiale fut utilisé comme argument par les Etats-Unis pour justifier la dissociation entre
juridiction et contrôle dans leur législation nationale, et répondre ainsi aux protestations des
partenaires européens. Le fait est que la situation demeure confuse dès lors que l’article VIII
précité emploie les termes de juridiction et de contrôle comme faisant partie d’un seul bloc.
Pour plus de clarté, il serait dès lors utile de compléter ou de modifier cet article pour
permettre expressément à des acteurs internationaux autres que l’Etat d’immatriculation
d’exercer leur contrôle sur un objet spatial.

Conclusion de la section

365. Tout Etat qui immatricule un engin s’engage internationalement à exercer une
juridiction et un contrôle effectifs à son égard. Cette obligation implique que l’Etat doit
surveiller, d’un point de vue technique et juridique, l’engin qui lui est rattaché, afin de
s’assurer qu’il soit en conformité avec tous les standards minimaux internationaux. L’Etat
d’immatriculation doit en effet interdire la navigation à tout engin de sa « nationalité » qui
peut être qualifié de « sous-normes ». De cette manière seront normalement sauvegardés tant
les intérêts des autres Etats d’immatriculation, que ceux des Etats (ou autres personnes) tiers,
non impliqués dans les activités en cause. Le dictum de l’affaire du Détroit de Corfou, selon
lequel tous les Etats ont «l’obligation […] de ne pas laisser utiliser [leur] territoire aux fins
d’actes contraires aux droits d’autres Etats » 765 peut donc se voir appliqué aux engins
« nationaux », nonobstant le rejet de la thèse de leur territorialité 766.

763
GERHARD (M.), « Transfer of Operation and Control with Respect to Space Objects – Problems of
Responsibility and Liability of States », op. cit. note 294, pp. 571-581 et CHATZIPANAGIOTIS (M.),
« Registration of Space Objects and Transfer of Ownership in Orbit », op. cit. note 302, pp. 229-238.
764
Le nouvel Etat étant celui qui a autorisé l’activité spatiale impliquant le satellite, à savoir soit l’Etat de
nationalité du nouvel opérateur soit l’Etat à partir du territoire duquel l’activité est entreprise.
765
CIJ, Affaire Détroit de Corfou (Albanie c/ Royaume Uni), arrêt du 9 avril 1949, Rec. CIJ 1949, p. 22.
766
Voy. infra § 535 et § 540.

267
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

366. Si ce devoir général de l’Etat d’immatriculation est expressément prévu dans le droit
de la mer et de l’espace, il n’est pas évoqué tel quel dans le droit de l’air. La durée des vols et
la nature du milieu de l’air, qui est en grande partie soumis à la souveraineté territoriale, en
sont la cause. Les règles internationales insistent plus sur le rôle de l’Etat d’atterrissage qui
peut effectivement contrôler les activités des avions. Selon une règle coutumière, désormais
bien établie, il revient néanmoins à l’Etat d’immatriculation d’exerces ses juridiction/contrôle
sur l’aéronef – ne serait-ce que pour les besoins du survol de la haute mer.
367. Par ailleurs, même si traditionnellement l’exercice de la juridiction va toujours de
pair avec celui du contrôle, les évolutions récentes dans le droit aérien et spatial, qui
permettent une délégation des fonctions de l’Etat d’immatriculation à l’Etat de
nationalité/domiciliation de l’opérateur de l’engin, peuvent ouvrir la voie à leur dissociation.
Une telle dissociation pourrait cependant s’avérer dangereuse, ou du moins juridiquement
problématique, et doit dès lors être attentivement encadrée. Quoi qu’il en soit, la solution du
droit maritime international, faisant de ces deux notions un seul et même bloc, quitte à les
déléguer ensemble, semble plus pertinente.

SECTION II. Les obligations spécifiques de l’Etat d’immatriculation prévues par des
traités-cadres, détaillées dans des instruments complémentaires

368. Le devoir de l’Etat d’immatriculation de surveiller « ses » engins peut être considéré
comme un devoir d’encadrement, décomposable en une série d’obligations spécifiques.
Celles-ci sont formulées dans divers instruments internationaux, généraux ou spéciaux. Même
si elles restent souvent relativement vagues, dès lors qu’elles ne découlent pas toujours de
règles suffisamment claires et/ou contraignantes, elles semblent mettre en place un régime
assez complet. Le cadre normatif des obligations internationales des Etats d’immatriculation
peut en effet être considéré comme globalement adéquat, même si sa mise en œuvre est
parfois problématique. Néanmoins, une nette marge d’amélioration existe. Si un grand
nombre des règles ont acquis un contenu technique précis, plusieurs normes demeurent trop
souples. Il convient dès lors d’étudier séparément les obligations internationales de l’Etat
d’immatriculation prévues dans le droit de la mer (§1), le droit de l’air (§2) et le droit spatial
(§3), afin de juger de leur aptitude à encadrer efficacement le comportement de cet Etat.

268
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

§ 1. Les obligations de l’Etat du pavillon quant aux navires

369. Les obligations internationales principales de l’Etat du pavillon sont énumérées dans
la convention de Montego Bay, qui renvoie, à son tour, aux « autres règles du droit
international » 767. Il n’est pas nécessaire de détailler ici l’ensemble des – très nombreuses 768 –
dispositions relatives aux obligations de l’Etat du pavillon. Mais il peut être utile de les
regrouper dans des grandes catégories, afin de donner une idée générale des engagements que
prend l’Etat en immatriculant un navire sur son registre national. Parmi les obligations de
l’Etat du pavillon, certaines sont juridiquement contraignantes et, dès lors, mises en œuvre de
manière relativement effective, tandis que d’autres restent plus vagues et ne semblent guère
remplir leur fonction. Les obligations les plus traditionnelles sont relatives à la sécurité et à la
sûreté maritimes (A) ; celles qui concernent la préservation de l’environnement (B) et des
ressources halieutiques (C) correspondent à des préoccupations plus récentes. Les unes
comme les autres sont substantiellement renforcées par le droit de l’Union européenne qui
impose des obligations plus précises à ses Etats membres en ce qui concerne les navires
battant leur pavillon (D).

A. Les obligations relatives à la navigation et à la sécurité maritime

370. L’article 94 énonce le devoir général de juridiction et de contrôle effectif sur


l’ensemble organisé 769, qu’il limite néanmoins aux domaines administratif, technique et
social. Il s’en dégage plusieurs obligations précises : la tenue d’un registre où figurent les
noms et caractéristiques du navire (à l’exception des navires de petite taille); l’adoption de
mesures pour assurer la sécurité en mer : construction, équipement, navigabilité, composition,
conditions de travail, formation des équipages, emploi des signaux, bon fonctionnement des
communications, prévention des abordages ; l’inspection régulière par un inspecteur maritime
qualifié, le contrôle des qualifications de l’équipage en matière de sécurité en mer ;
l’obligation de se conformer aux règles, procédures et pratiques internationales généralement
acceptées et l’obligation d’ouvrir une enquête sur tout accident de mer ou incident de

767
Article 87 § 1de la convention de Montego Bay.
768
Pour une recension par tableaux des obligations de l’Etat du pavillon, contenues dans la convention de
Montego Bay (tableau A), l’accord des Nations Unies sur le stock des poissons (tableau B) et dans un grand
nombre d’instruments internationaux (tableau C) voy. rapport du Secrétaire général, Les océans et la mer,
Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, 59ème session, Documents officiels AG, A/59/63 du 5
mars 2004, pp. 72-147.
769
L’article précise à cet égard que la juridiction doit s’exercer sur le navire « ainsi que [sur] son capitaine, les
officiers et l’équipage ».

269
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

navigation 770. L’Etat du pavillon doit également exiger du capitaine de ses navires qu’il porte
assistance et secours aux personnes en détresse 771.
371. Ces obligations, auxquelles s’ajoutent de nombreuses règles plus détaillées prévues
par plusieurs instruments internationaux pour lesquels la convention de Montego Bay joue le
rôle de traité-cadre ou « umbrella treaty » 772, relèvent de deux catégories complémentaires :
celle de la réglementation relative à la navigation stricto sensu en mer et celle de la sécurité
maritime 773.
372. La première catégorie concerne, en réalité, les critères minima et les normes de base,
relatifs à la navigabilité du navire ; les domaines mentionnés dans l’article 94 couvrent toutes
les règles en rapport avec la construction d’un navire, l’autorisation de naviguer et le statut
social des membres de l’équipage. Dans chaque domaine, des instruments internationaux
spécialisés détaillent les obligations de l’Etat du pavillon. La convention n°147 de 1976 de
l’OIT sur la marine marchande, par exemple, insiste sur l’obligation de l’Etat du pavillon
d’assurer l’application des normes minimales relatives aux conditions de vie et de travail des
gens de mer 774. L’OIT a adopté la convention du travail maritime (ci-après MLC – Maritime
Labour Convention) en février 2006, qui a consolidé et mis à jour les instruments
actuellement applicables au travail maritime, afin d’établir une protection mondiale des
marins. Les inspections de l’Etat du pavillon sont au centre du dispositif mis en place 775. La

770
Voy. également pour le même type d’obligations : articles 97 de la convention de Montego Bay, 21 et
règlement I/21 de SOLAS, 23 de la CLL et de MARPOL 73/78. Voy. sur cette obligation BOISSON (PH.),
« L’Etat du pavillon et les enquêtes après accident : la difficile recherche d’une plus grande vérité », in Mélanges
Langavant Emmanuel, L’Harmattan, Paris, Montréal, 1999, pp. 41- 47. L’auteur souligne que le système mis en
place par l’OMI est peu contraignant et dès lors inefficace. L’OMI devrait donc s’inspirer des mécanismes mis
en place par l’annexe 13 de la convention de Chicago, mais cela nécessite un « changement profond des
mentalités et des habitudes au sein de la communauté maritime » (p. 47).
771
Article 98 de la convention de Montego Bay. Voy. également la convention de 1989 sur le sauvetage, article
10.
772
Voy. Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Bureau des affaires juridiques, Nations Unies, Le
droit de la mer, Obligations des Etats Parties aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer et des instruments complémentaires, New York, 2005, p. 1.
773
MM. LUCCHINI et VOELCKEL classent les dispositions relatives à la sécurité selon leur objectif comme
suit : mesures de prévention ou de sécurité primaire/active, mesures d’assistance et de sauvetage ou de sécurité
secondaire/passive, mesures de réparation ou de sécurité tertiaire. Voy. LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.),
Droit de la mer: Navigation et pêche, op. cit. note 13, p. 308. Voy. également BOISSON (PH.), Politiques et
droit de la sécurité maritime, Bureau Veritas, Paris, 1998, p. 11 qui distingue la sécurité de navigation
(sauvegarde de la vie humaine en mer et défense contre les dangers naturels et navals) de la sûreté du commerce
(protection du navire et de son équipage contre les dangers dits de course résultant des pratiques criminelles).
774
En effet, elle « constitue un instrument fondamental de référence en ce qui concerne les normes minimales
acceptables en matière de santé et de sécurité, de sécurité sociale et des conditions de vie et de travail des gens
demer ». Voy. [http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang-
fr/WCMS_008120/index.htm] consulté le 22 septembre 2009.
775
Selon Neil ATKINSON, inspecteur pour l’Agence britannique maritime et pour la Coastguard Agency,
« [a]ux termes de la MLC, les Etats doivent inspecter tous les navires arborant leur pavillon et doter ces navires
d’un certificat de travail maritime et d’une déclaration de respect du travail maritime aux navires d’une jauge
brute égale ou supérieure à 500 qui effectuent des voyages internationaux. Si l’inspection conduite par l’Etat du

270
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

convention n’est pas encore en vigueur 776, mais elle constitue un pas important dans
l’affirmation des droits des gens de mer et des obligations correspondantes de l’Etat du
pavillon 777. Que les trois premiers Etats ayant ratifié ce traité soient des pays de libre
immatriculation est à la fois étonnant et encourageant, ce qui témoigne d’une prise de
conscience de leurs obligations. A ce jour, c’est principalement à ce propos que les pays dits
« de complaisance » ont été critiqués pour un manque substantiel de contrôle.
373. Quant à la seconde catégorie, c’est-à-dire la sécurité en mer, elle constitue l’objet
principal de nombreuses conventions internationales contenant des règles détaillées quant aux
critères de construction, d’équipement et de navigation des navires marchands. La principale
convention est celle de Londres du 1er novembre 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en
mer (SOLAS) 778. Le contrôle de son respect est confié, à titre principal, à l’Etat du pavillon et
est, a priori, indépendant de la zone maritime dans laquelle se trouve le navire. Cependant, en
raison des problèmes liés aux pavillons de complaisance et au laxisme de certains Etats
permettant la navigation des navires sous-normes, un rôle de plus en plus important est
attribué aux Etats du port, appelés à appliquer les conventions même à l’égard de navires
battant pavillon des Etats non parties 779. Ce qui n’altère en rien la nature contraignante des
obligations assumées par les Etats du pavillon parties à la convention.

pavillon n’est pas satisfaisante, l’inspecteur ne délivrera pas le certificat, refusera de l’endosser ou, dans les cas
particulièrement mauvais, pourra le retirer. Ce sont des pouvoirs plus importants que ceux dont les inspecteurs
disposent dans le régime actuel ». Voy.
[http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Feature_stories/lang--
fr/WCMS_098243/index.htm] consulté le 22 septembre 2009.
776
La MLC entrera en vigueur 12 mois après la ratification par au moins 30 Etats Membres de l’OIT détenant au
moins 33 pour cent du tonnage brut mondial. Le 15 juin 2007, le Conseil de l’UE a adopté une décision
autorisant tous les Etats membres de l’UE à ratifier la MLC 2006 avant le 31 décembre 2010. Les partenaires
sociaux de l’UE ont récemment signé un accord pour transposer les dispositions de la MLC dans le droit
européen à travers une directive de l’UE. Selon le Conseil d’administration du Bureau International du Travail
de Genève (BIT), la convention devait entrer en vigueur au cours de l’année 2011. Une commission préparatoire
tripartite MLC a été créée à cet effet.
[http://www.ilo.int/global/What_we_do/InternationalLabourStandards/WhatsNew/lang--fr/docName--
WCMS_143129/index.htm] consulté le 31 août 2010.
777
D’ailleurs, des directives pour les inspections des Etats du pavillon en vertu de la convention MLC ont été
adoptées par l’OIT en 2008 et fournissent des conseils pratiques aux autorités compétentes des Etats du pavillon
et à leurs inspecteurs ou aux organismes agréés, afin de les aider dans leurs inspections et dans la certification
des navires en vue de vérifier qu’ils satisfont bien aux prescriptions de la MLC telles qu’elles sont mises en
œuvre dans la législation nationale.
778
Ainsi que le protocole de 1978 la complétant. Elle contient des dispositions sur la stabilité du navire (chapitre
II-1), les systèmes de protection contre l’incendie (chapitre II-2), les canots et les gilets de sauvetage (chapitre
III), les équipements radio (chapitre IV), les mesures particulières pour les navires transportant des substances
toxiques ou à propulsion nucléaire (chapitre VII et VIII) etc. La convention est régulièrement amendée, les
derniers amendements en date étant ceux de décembre 2008, sur le International Code on Intact Stability et le
International Maritime Solid Bulk Cargoes Code, qui sont entrés en vigueur en juillet 2010 et janvier 2010
respectivement.
779
IMO, Study by the Secretariat, Implications of the United Nations Convention on the Law of the Sea for the
International Maritime Organization, 10 septembre 2008, LEG/MISC/6.doc, p. 12. Sur cette question voy. infra
§§ 586-589.

271
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

D’autres instruments relatifs à la sécurité en mer existent ; notamment la convention de


Londres du 5 avril 1966 sur les lignes de charge (ci-après CLL), la convention de Londres du
20 octobre 1972 sur la prévention des abordages en mer (ci-après COLREG) visant à éviter
les collisions en mer etc. 780, ainsi qu’une longue liste de circulaires adoptées par l’OMI dans
le cadre de son régime de sécurité pour le shipping international, entré en vigueur depuis le 1er
juillet 2004 781 et dont l’application est contrôlée par un sous-comité spécial. Il s’agit du Sous-
comité sur l’application des instruments internationaux par l’Etat du pavillon (ci-après FSI),
créé en 1992 comme une réponse aux nombreux accidents maritimes. Ce sous-comité a
commencé ses travaux en 1993, ayant comme objectif d’identifier et de signaler les mesures
nécessaires à une application effective des instruments relatifs à la sécurité en mer. Les
obligations de l’Etat du pavillon, telles qu’elles résultent précisément des conventions contre
la pollution et pour la sécurité maritime, ont donc été analysées au sein de l’OMI par le sous-
comité FSI, afin de préparer une liste des principes directeurs. Les Principes Directeurs
d’Assistance aux Etats du Pavillon pour l’Application des Instruments de l’OMI ont ainsi été
adoptés en 1997 782. Ils se réfèrent aux obligations prévues par l’article 94 de la convention de
Montego Bay et contiennent plusieurs dispositions détaillées afin d’améliorer l’application
des instruments de l’OMI. Le code ISM 783 est un autre exemple des efforts fournis afin
d’accroître le contrôle sur les flottes commerciales. Il regroupe les standards minimums de
sécurité que les opérateurs des navires doivent satisfaire 784.
374. Le système mis en place par la combinaison des normes de la Convention de
Montego Bay et des instruments OMI 785 fournit un régime complet des obligations

780
Voy. également la convention sur les normes de formations des gens de mer, de délivrance des brevets et de
veille (STCW) de 1978 et la convention sur la recherche et le sauvetage maritimes (SAR) de 1979.
781
[http://www.imo.org/Legal/mainframe.asp?topic_id=553] consulté le 8 septembre 2010; Voy. également la
résolution A.847 : Directives visant à aider les Etats du pavillon à appliquer les instruments de l’OMI et la
résolution A.914 visant à renforcer l’application des instruments par l’Etat du pavillon.
782
Résolution de l’Assemblée générale de l’OMI A.847(20) du 27 novembre 1997 (OMI document A
20/Res.847 du 1 décembre 1997).
783
Code ISM, traduit en français comme code international de gestion de la sécurité. Le code ISM a été adopté
par la Résolution A.741(18) de l’Assemblée générale de l’OMI le 4 novembre 1993 (document OMI A
18/Res.741 du 17 novembre 1993) et impose aux sociétés exploitant des navires de se doter d’un système de
gestion de la sécurité sous le contrôle de l’administration de l’Etat du pavillon. La conférence de 1994 des
membres de la convention SOLAS de1974 a voté une modification à ladite convention afin d’y incorporer le
code ISM. Cette modification de SOLAS, contenue dans un nouveau chapitre IX, rend le nouveau code ISM
obligatoire pour ses membres. La modification est entrée en vigueur le 1er janvier 1998.
784
Sur l’importance du code ISM voy. PAMPORIDES (G. P.), « The ISM Code: Potential Legal Implications ».,
International Maritime Law, February 1996, pp. 56-62, notamment pp. 61-62 ; Ce code est complété par le code
international pour la sécurité des navires et des installations portuaires (Code ISPS), en vigueur depuis juillet
2004, qui exige des navires d’être toujours munis d’une fiche synoptique indiquant tous les changements de
propriété et de contrôle de l’exploitation du navire.
785
La convention de Montego Bay est considérée comme renvoyant à cette réglementation. Voy. par exemple l’
article 94 § 2.a) qui se réfère à une « réglementation généralement acceptée » et § 5 qui se réfère quant à lui aux

272
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

internationales de l’Etat du pavillon : si ce dernier ne se conforme pas aux standards minima


des dispositions OMI, ses navires peuvent être considérés comme « sous-normes », ce qui
méconnaît les obligations générales du droit international de la mer.
375. Dans la pratique, se pose une question importante à propos des obligations de l’Etat
du pavillon. Il s’agit des contrôles effectués par les sociétés de classification qui peuvent,
dans certains cas, remplacer les autorités étatiques. Le rôle de ces sociétés est aujourd’hui
expressément prévu par plusieurs grandes conventions maritimes 786. Ces sociétés
interviennent souvent pour le compte de l’administration publique et elles remplissent, dès
lors, l’obligation générale de l’article 94.4 de la convention de Montego Bay, relative à
l’inspection des navires par l’Etat du pavillon et à la délivrance des certificats de conformité
aux règles internationales. L’activité des sociétés de classification consiste en deux types de
visites qui interviennent à deux moments différents de la vie du navire : d’une part, une visite
initiale avant que le navire ne soit mis en service et, d’autre part, plusieurs visites périodiques
d’inspection. A la suite de ces visites, les certificats nécessaires 787 sont délivrés. Si les visites
périodiques répondent à l’obligation de contrôle et d’inspection par l’Etat du pavillon et
s’insèrent donc parmi les conséquences du rattachement, la visite initiale apparaît souvent,
dans les législations nationales, comme une condition d’immatriculation des navires 788. La
plupart des pays maritimes reconnaissent les mêmes sociétés de classification 789 et refusent
d’accepter les certificats délivrés par des sociétés non reconnues, généralement peu fiables. Le
rôle de ces sociétés est dès lors doublement important, à la fois pour l’immatriculation du
navire et pour l’exécution des obligations qui en découlent pour l’Etat du pavillon.
La certification, c’est-à-dire l’attestation qu’un navire, préalablement contrôlé, est
conforme aux exigences et standards techniques prévus par les conventions internationales sur
la sécurité maritime, constitue une activité de service public exercée par les sociétés de
classification sur délégation des Etats. Certaines sociétés, notamment le Lloyd’s Register ou le

« règles, procédures et pratiques internationales généralement acceptées ». Cette construction apparaît


clairement dans l’étude de l’OMI. Voy. IMO, Study by the Secretariat, Implications of the United Nations
Convention on the Law of the Sea for the International Maritime Organization, 10 septembre 2008,
LEG/MISC/6.doc dans laquelle chaque paragraphe de l’article 94 est utilisé pour énoncer l’obligation générale
en cause, alors que les règles spécifiques des instruments OMI viennent la détailler.
786
Article 13 de la CLL ; chapitre I, règle 6 de SOLAS et annexe I, règle 4.3 de MARPOL.
787
Il s’agit notamment des certificats CLL, des certificats relatifs à la convention SOLAS et de ceux relatifs à la
convention MARPOL.
788
Voy. supra § 324 et note 705.
789
Parmi lesquelles les plus généralement reconnues sont : American Bureau of Shipping (ABS), Lloyd’s
Registry of Shipping, Bureau Veritas (BV), Nippon Kaiji Kyokai, Det Norske Veritas (DNV), Registro Italiano
Naval (RIN). Ces sociétés font partie de l’Association Internationale des Sociétés de Classification (IACS) qui
vise l’élimination des sociétés complaisantes. Dans le cadre de l’Union européenne, c’est la Commission qui
décide quelles sociétés peuvent obtenir un agrément, en fonction des critères qualitatifs et quantitatifs prévus par
la directive 2001/105 du 19 décembre 2001.

273
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Bureau Veritas, ont une réputation mondiale et un niveau de compétences tels que l’Etat du
pavillon les habilite à délivrer les certificats pour son compte. Il s’agit d’une situation
exceptionnelle, mais qui n’est pas inédite dans le droit international, de « transfert de
compétences » par un Etat à une société privée. Si le phénomène a pour origine une
législation anglaise 790, il a connu son plein essor avec les pays de libre immatriculation qui
recourent largement à ces sociétés, avant de s’étendre aux Etats maritimes traditionnels 791,
notamment suite à la création des pavillons bis.
Ces sociétés peuvent jouer un rôle fondamental dans la prévention des risques maritimes.
La question cruciale qui se pose est de savoir si la responsabilité de l’Etat peut être engagée
en cas de violation de ses obligations par la société de classification agréée. En vertu de la
règle I/6 § d) de la convention de SOLAS, « l’Administration doit se porter pleinement
garante de l’exécution complète et de l’efficacité de l’inspection et de la visite et doit
s’engager à prendre les mesures nécessaires pour satisfaire cette obligation ». Bien
évidemment, si l’Etat transfère ses pouvoirs d’inspection à une société de classification, ce
n’est pas pour autant qu’il ne doive plus s’acquitter de son obligation internationale de
contrôle à l’égard des navires battant son pavillon, d’autant plus que ces sociétés ne sont pas
toujours en mesure de « remplacer » efficacement l’Etat du pavillon 792. En cas de
manquement de la société à ses obligations, l’Etat peut théoriquement voir sa responsabilité
engagée. C’est pour cette raison que les outils juridiques mis en œuvre pour permettre ce
transfert de compétences ont beaucoup évolué ces dernières décennies, en passant d’un simple
acte administratif d’autorisation à des accords/mémorandums très détaillés, mettant les Etats
du pavillon mieux à même de contrôler les tâches qui leurs sont confiées 793. Au sein de
l’Union européenne, la directive 94/57 du 22 décembre 1994, modifiée par la directive
2001/105 du 19 décembre 2001, énonce les règles et normes communes concernant les
790
Il s’agit du Merchant Shipping Load Line Act de 1890 qui fixa les premières règles officielles concernant les
tables et le calcul du franc-bord, mesures qui avaient été introduites quelques années auparavant par le Board of
Trade qui s’appuyait sur les travaux du Lloyd’s Register et du Bureau Veritas. Ces deux sociétés furent donc les
premiers organismes habilités à assigner les franc-bords aux navires britanniques. Voy. BOISSON (PH.), « Etats
du pavillon/ Sociétés de classification », op. cit. note 688, p. 39.
791
En droit grec, par exemple, l’article 39 du code de droit maritime public, prévoit que « les inspections de
navires, en général ou pour certains aspects, la fixation des lignes de charge, la délivrance de certificats y
afférents et la surveillance de la construction peuvent être délégués, par décret présidentiel, à des sociétés de
classification réputées et à des sociétés techniques ». Voy. ATHANASSIOU (L.), « Le rôle et la responsabilité
des sociétés de classification du point de vue du droit grec », ADMO, t. 24, 2006, p. 107.
792
Dans ce sens voy. ATHANASSIOU (G.), Aspects juridiques de la concurrence maritime, Pedone, Paris,
1996, p. 434 : « les problèmes commencent là où cessent les compétences classiques des sociétés de
classification, lesquelles s’avèrent, même contre leur gré, impuissantes à pourvoir l’aspect public de la sécurité
maritime ».
793
Pour une présentation détaillée voy. BOISSON (PH.), « Etats du pavillon/ Sociétés de classification », op. cit.
note 688, pp. 43-44 ainsi que les directives de l’OMI A.739 du 22 novembre 1993 et A.789 du 23 novembre
1995 et le chapitre XI de la convention SOLAS.

274
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires et attribue à la


Commission des pouvoirs importants de contrôle sur les sociétés de classification. Les Etats
membres doivent s’assurer que les organismes agréés agissant en leur nom accomplissent
effectivement leurs tâches 794. Encore une fois, cette obligation prouve que l’Etat demeure
responsable de la mauvaise exécution de leurs tâches par les sociétés/agents 795, dès lors qu’il a
manqué à son devoir principal de surveillance de leurs actes. Ce qui ne veut pas dire que la
responsabilité de la société de classification, sauf clause de non-responsabilité insérée dans le
contrat, n’est pas également engagée vis-à-vis de l’Etat du pavillon et des clients 796. Mais il
s’agit en pareil cas d’une responsabilité administrative, civile ou pénale, relevant de l’ordre
juridique interne, alors que celle de l’Etat ayant délégué ses pouvoirs à la société est une
véritable responsabilité internationale.
376. En raison de la nature particulière de la relation mise en place entre l’Etat et la
société de classification, le premier peut être tenté de faire bénéficier la seconde de certains
privilèges lui appartenant, comme l’immunité de juridiction. Il s’agit là d’une jurisprudence
américaine dont la conformité au droit international semble douteuse. La jurisprudence
française adopte d’ailleurs la position contraire, en refusant toute immunité aux sociétés de
classification 797. Cela dit, les sociétés de classification occupent une place de plus en plus

794
Directive 94/57 du 22 décembre 1994 modifiée par la directive 2001/105 du 19 décembre 2001, article 11.
795
Voy. par exemple : Cour d’appel de Rennes, affaire du Number One, 23 septembre 2003 confirmant la
décision du Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, Ministère public et a. c/ M. Raoul S. et a., 18 mars 2003
(DMF 2003, n° 643, p. 1069, obs. PROUTIERE-MAULION (G.), « Détermination du droit applicable et des
responsabilités suite au naufrage, dans les eaux internationales, d’un navire en mauvais état de navigabilité
battant pavillon de complaisance »); la société de classification en cause (dont l’identité précise n’est pas révélée
par le texte publié mais ayant été désignée comme la société N. et les juges ayant révélé qu’il s’agissait d’une
société japonaise membre de l’IACS, il est aisé de comprendre qu’il s’agit de Nippon Kaiji Kyokai ) avait délivré
des certificats, en tant que délégataire de l’Etat du pavillon (Saint-Vincent-et-les-Grenadines), alors qu’elle ne
pouvait ignorer que le navire n’était pas en bon état de navigabilité, en raison notamment d’un état de corrosion
avancé. Elle fut condamnée directement, en tant que personne morale, et non au travers de ses dirigeants ;
néanmoins la responsabilité de l’Etat du pavillon ne fut pas remise en cause.
796
Sur la nature des responsabilités juridiques des sociétés de classification : BOISSON (PH.), « Etats du
pavillon/ Sociétés de classification », op. cit. note 688, p. 49 ; FERRER (M.), La responsabilité des sociétés de
classification, Bibliothèque du centre de droit maritime et des transports, 2004.
797
Voy. United States Court of Appeals, 2nd Circuit, George C. Pratt, Circuit Judge, Sundancer, Sundance
Cruises Corp. vs The American Bureau of shipping, October 15th 1993 (7 F.301 1077 ; 1994 AMC 1). Le juge a
affirmé que le droit des Bahamas immunisait la société de classification attaquée, en raison du certificat qu’elle
avait délivré au bateau ayant fait naufrage, étant donné que sa bonne foi était prouvée concernant la délivrance
du certificat en cause. Consultable sur [www.international.westlaw.com] ;
Cependant voy. contra Tribunal de grande instance de Paris, 11ème ch., 4ème sect., affaire du navire Erika, n°
9934895010, arrêt du 16 janvier 2008. Consultable sur [http://www.fortunes-de-
mer.com/documents%20pdf/jurisprudence/Arrets/7%20TGI%20Paris%2016012008%20Erika.pdf] consulté pour
la dernière fois le 3 mars 2011 ; le tribunal a écarté la prétention de la société de classification RINA de
bénéficier d’une immunité de juridiction en ayant agi comme délégataire de l’Etat maltais (Etat du pavillon), en
se fondant sur l’argument que le RINA était intervenu en exécution d’un contrat privé conclu avec le propriétaire
du navire et que, dès lors, son activité n’était pas rattachée à l’exercice de souveraineté de cet Etat. Critique de
cette décision et comparaison avec la décision américaine : BONASSIES (P.) & DELEBECQUE (P.), « Droit de
la mer. Pollution. Jugement Erika. », DMF, hors série n° 12, Juin 2008, pp. 22-23.

275
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

importante dans le shipping international, notamment lorsqu’elles interviennent auprès


d’administrations maritimes peu performantes ou complaisantes. La haute qualité de leurs
services est indispensable en termes de sécurité maritime ; elles constituent aujourd’hui un
acteur à part entière dans la mise en œuvre des conventions internationales. Il est donc
indispensable qu’elles soient contrôlées efficacement par les Etats du pavillon – pour lesquels
la surveillance des sociétés constitue une obligation internationale –, mais également par les
organisations internationales comme c’est le cas dans l’Union européenne.

B. Les obligations relatives à l’environnement marin

377. Une troisième catégorie d’obligations internationales de l’Etat du pavillon,


extrêmement proche de deux premières, a pour objet la préservation de l’environnement
marin et la lutte contre la pollution. Les certificats des sociétés de classification concernent
également ce domaine, étant relatifs à la convention MARPOL. Ces obligations sont plus
récentes que celles relatives à la navigation et la sécurité maritime ; la protection de
l’environnement n’est en effet devenue une préoccupation majeure qu’au début des années
1970 798, alors que la lutte contre la pollution marine se renforçait dès les années 1950 799.
L’articulation entre les obligations respectivement prévues par la convention de Montego Bay
et les traités spéciaux suit le même schéma qu’à propos de la sécurité en mer. La première
établit les obligations ou incitations générales relatives à la préservation de
l’environnement 800, alors que les seconds formulent des règles plus détaillées, notamment
techniques. Le respect des obligations de l’Etat du pavillon demeure donc un souci
fondamental de l’ensemble de la réglementation internationale 801.
378. La règle générale selon laquelle les Etats membres doivent prévenir, réduire et
maîtriser la pollution du milieu marin est énoncée par l’article 194 802. En vertu de l’article

798
Notamment avec la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972.
799
La première convention internationale en la matière étant la convention internationale sur la prévention de la
pollution de la mer par les hydrocarbures (OILPOL) de 1954.
800
La Partie XII de la convention de Montego Bay traite de la protection et de la préservation du milieu marin et
contient plusieurs obligations générales de l’Etat du pavillon. Voy. par exemple article 192 : « Les Etats ont
l’obligation de protéger et de préserver le milieu marin », mais en décidant souverainement de « leur politique
en matière d’environnement » (article 193). Voy. DOUAY (C.), « Le droit de la mer et la préservation du milieu
marin », in Le nouveau droit international de la mer, BARDONNET (D.) & VIRALLY (M.) dir., Pedone, Paris,
1983, pp. 231-267.
801
Articles 218, 226 et 228 de la convention de Montego Bay ; Articles 5, 6 et 7 de la convention MARPOL ;
Résolution A.787(19) sur les procédures du contrôle par l’Etat du port, adoptée par l’Assemblée de l’OMI en
1995.
802
L’article 194 dispose : « Les Etats prennent, séparément ou conjointement selon qu’il convient, toutes les
mesures compatibles avec la Convention qui sont nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du
milieu marin, quelle qu’en soit la source ».

276
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

211(2) de la convention de Montego Bay, « les Etat adoptent des lois et règlements pour
prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires battant leur
pavillon ou immatriculés par eux ». La mise en application des règles relatives à la
protection de l’environnement est visée par l’article 217 qui, malgré son titre trompeur
« Pouvoirs de l’Etat du pavillon », contient en réalité une liste non exhaustive des obligations
de l’Etat du pavillon à l’égard de « ses » navires, dans le but de lutter contre la pollution.
L’article précise que ces obligations sont à la charge de l’Etat du pavillon, « quel que soit le
lieu de l’infraction ». L’Etat du pavillon doit établir et appliquer la réglementation appropriée,
enquêter en cas d’accident, réprimer les infractions de manière suffisamment rigoureuse et en
informer les Etats concernés.
379. Le devoir général qu’impose la convention de Montego Bay pour la protection de
l’environnement est donc décomposé en plusieurs obligations spécifiques par les conventions
internationales et régionales. Concernant la lutte contre la pollution par les navires, la
convention principale est, bien évidemment, celle de Londres pour la prévention de la
pollution par les navires, dite MARPOL conclue en 1973 et modifiée en 1978. Elle vise toutes
les formes de pollution résultant des activités normales des navires. L’Etat du pavillon joue, à
nouveau, un rôle central, notamment lorsque la pollution a lieu en haute mer ; il a l’obligation
de sanctionner toute infraction commise par ses navires 803 ; ce qui a conduit plusieurs Etats
parties à devoir renforcer leur législation nationale en vue de lutter efficacement contre la
pollution interdite par MARPOL 804. Une construction et un équipement adéquats du navire,
de manière à réduire les accidents maritimes, sont également d’obligations dans le chef de
l’Etat du pavillon. Le même type d’obligations est prévu par plusieurs conventions
régionales 805. On peut citer notamment la convention de Londres du 29 décembre 1972 sur la
prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets et son protocole de
1996 qui énonce les principes de précaution et du pollueur-payeur. En vertu du paragraphe 6
de l’article 210 de la convention de Montego Bay, les lois et règlements adoptés par les Etats
pour la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets ne doivent

803
En vertu de l’article 4 § 1 de cette convention, toute violation de ses dispositions doit être sanctionnée par la
législation de l’Etat du pavillon en cause qui doit engager des poursuites le plus rapidement possible.
804
A titre d’exemple, la France a complété son dispositif répressif avec les lois n° 83-583 du 5 juillet 1983 et n°
90-444 du 31 mai 1990, codifiées par la suite dans le Code de l’environnement (articles L. 218-10 à L. 218-30)
modifié par la loi 2004-204 du 9 mars 2004 et la loi n°2008-757 du 1er août 2008. Sur le sujet voy. TARABEUX
(X.), « L’évolution du droit de la mer à travers les pollutions par rejets volontaires d’hydrocarbures », ADM, t.
XIII, 2008, pp. 206-224.
805
Voy. à titre d’exemple la convention d’Helsinki sur la protection de l’environnement marin de la zone de la
mer Baltique de 1974, qui lie 13 Etats et l’UE ; la convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et
du littoral méditerranéen de 1976, modifiée en 1995 ; la convention OSPAR pour la protection du milieu marin
de l’Atlantique du Nord-Est de 1992 et l’accord de Bonn pour la mer du Nord de 1969.

277
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

pas être moins efficaces que les standards contenus dans la convention de Londres 806. Il est
intéressant de signaler que l’article 216 de la convention de Montego Bay sur la mise en
application de la réglementation relative à la pollution par immersion et l’article 3 de la
convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des
déchets, imposent à l’Etat d’immatriculation des obligations à l’égard tant des avions que des
navires de sa « nationalité ». Il s’agit donc d’une obligation commune pour les deux types
d’engins.

C. Les obligations relatives à la gestion des ressources halieutiques

380. La quatrième catégorie d’obligations internationales de l’Etat du pavillon concerne la


gestion des ressources biologiques de la mer, et plus particulièrement la pêche. Les
obligations étatiques sont nombreuses et précises et leur mise en œuvre semble plus efficace
que dans les autres domaines. Une partie importante des ressources halieutiques est
aujourd’hui surexploitée ou même épuisée, ce qui intensifie les efforts de réglementation
contre la pêche illégitime. La particularité de la pêche, en ce qui concerne les obligations des
Etats du pavillon, tient au fait que la majorité des ressources ichtyologiques est comprise dans
les zones économiques exclusives ; ce sont dès lors les Etats côtiers qui se retrouvent au
premier plan. Le rôle de l’Etat du pavillon n’est pas, pour autant, insignifiant. Il reste
primordial pour ce qui concerne la pêche en haute mer – qui est, certes, libre en vertu de la
convention de Montego Bay mais dont la liberté est restreinte par les accords ultérieurs807 ; il
demeure, en outre, fondamental pour le contrôle des navires exerçant la pêche illégitime et
non réglementée.
381. Globalement, la convention de Montego Bay peut être considérée comme un traité-
cadre 808. Parmi les nombreuses obligations imposées aux Etats parties par ladite convention809
et par les autres instruments internationaux, certaines visent expressément l’Etat du pavillon,
notamment en ce qui concerne la préservation du milieu marin. Ce n’est pas lui en revanche
que vise l’article 117, lequel s’adresse à l’Etat de nationalité des « ressortissants » concernés,
énonçant son obligation de contrôler leurs activités. Cette obligation signifie-t-elle que les

806
Voy. sur ce IMO, Study by the Secretariat, Implications of the United Nations Convention on the Law of the
Sea for the International Maritime Organization, 10 septembre 2008, LEG/MISC/6.doc, p. 66.
807
Voy. sur ce LE HARDY (M.), Que reste-t-il de la liberté de la pêche en haute mer ?, Institut du droit
économique de la mer Monaco, Pedone, Paris, 2002.
808
Voy. dans ce sens VINCENT (P.), Droit de la mer, Larcier, collection Droit International, Bruxelles, 2008, p.
213.
809
Il s’agit notamment des articles 61 à 67 de la convention de Montego Bay relatifs à la zone économique
exclusive et les articles 116 à 120 de la même convention relatifs à la haute mer.

278
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Etats de nationalité des pêcheurs doivent contrôler leurs nationaux à bord des navires battant
un pavillon étranger ? Le commentaire de l’article 117 semble viser tout à la fois l’Etat de
nationalité des ressortissants et l’Etat du pavillon. Il y est souligné que « le devoir d’un Etat à
l’égard de ses nationaux qui pêchent en haute mer est sans exception et s’applique à tous les
navires de pêche battant le pavillon de cet Etat, nonobstant leur taille […] cette obligation
existe en addition au devoir de l’Etat du pavillon, en vertu de l’article 94, § 1 d’exercer sa
juridiction et son contrôle effectifs, dans les domaines administratif, technique et social » 810.
Il est impossible d’interpréter cet article comme donnant aux Etats de nationalité des pêcheurs
le droit d’intervenir à propos d’un navire « tiers » à bord duquel ses nationaux travaillent, dès
lors que la réglementation de la pêche ne fait pas partie des exceptions coutumières à la
compétence exclusive de l’Etat du pavillon en haute mer 811. Un Etat ne peut donc intervenir
pour contrôler la pêche en haute mer que si le navire visé bat son pavillon, et non si ses
ressortissants sont à bord du navire. Le fait que cet article mette l’accent sur les ressortissants
et non sur les navires de pêche est révélateur d’une tendance, encore présente à l’époque de la
rédaction de la convention, à considérer la pêche comme une source de droits plutôt que
d’obligations pour les Etats. Or, l’obligation de surveillance par l’Etat du pavillon de ses
navires de pêche s’est significativement renforcée au cours de ces dernières décennies.
382. Les Etats ont également une obligation de coopération avec les autres Etats, afin
d’éviter la surexploitation des océans 812. D’une manière générale, qu’il s’agisse de la pêche
dans la zone économique exclusive ou en haute mer, l’obligation de coopération avec l’Etat
côtier est omniprésente dans les conventions multilatérales et les accords bilatéraux. L’Etat du
pavillon demeure cependant le principal responsable du comportement de « ses » navires et ne
peut laisser la responsabilité entière de leur surveillance à la charge de l’Etat côtier 813.
383. Les plus importants traités qui ont complété la convention de Montego Bay sont
l’accord de Rome de 1993 visant à favoriser le respect de mesures internationales de

810
NORDQUIST (M. H.) ed., United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A Commentary, Vol. III,
op. cit. note 245, pp. 294-295.
811
Des exceptions conventionnelles existent toutefois, notamment celle de l’article 21 de l’accord de New York
de 1995 sur les stocks de poissons, qui prévoit la possibilité pour les Etats membres d’une organisation régionale
d’arraisonner et d’inspecter des navires ne battant pas leur pavillon soupçonnés de s’être livrés à une activité
contraire aux mesures de gestion des stocks mises en place par l’organisation régionale. Si l’Etat qui procède à
l’arraisonnement trouve des éléments de preuve, il doit le notifier à l’Etat du pavillon qui aura le choix entre
effectuer l’enquête lui-même ou permettre à l’Etat ayant procédé à l’arraisonnement de le faire. Sur cette
exception voy. infra § 384. Sur une application de cet article voy. également supra, note 147.
812
Articles 118 et 119 de la convention de Montego Bay.
813
Voy. par exemple le traité sur la pêche conclu en 1987 entre les Etats-Unis et les Etats insulaires du Pacifique
Sud, qui énonce clairement le principe de la responsabilité de l’Etat du pavillon, ainsi que les mesures détaillées
de mise en œuvre de cette responsabilité. Voy. également articles 5, 8, 20 et 21 de l’accord de 1995 sur les stocks
de poissons.

279
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

conservation et de gestion par les navires de pêche en haute mer 814 et l’accord de New York
de 1995 sur les stocks de poissons 815, 816. L’un et l’autre contiennent des obligations
importantes concernant l’Etat du pavillon, notamment dans les articles III et 18 consacrés à la
responsabilité de cet Etat. Il importe de souligner que les négociations ayant abouti à l’accord
de 1993 étaient initialement orientées vers la définition du contenu d’un lien substantiel entre
l’Etat et les navires auxquels il octroie son pavillon. Cette tentative ayant échoué, l’accord a
porté sur l’autorisation du navire de pêcher en haute mer. Des obligations plus précises
concernant le rattachement du navire à l’Etat du pavillon restent néanmoins affirmées par ces
accords. Plus particulièrement, l’article III de l’accord de 1993 affirme le principe selon
lequel les Etats parties ne peuvent pas autoriser les navires battant leur pavillon à pêcher en
haute mer, s’ils estiment de ne pas être en mesure d’exercer effectivement leurs
responsabilités à leur égard. Quant à l’autorisation susmentionnée, elle est indispensable pour
l’utilisation d’un navire de pêche en haute mer.
La liste des obligations de l’Etat du pavillon est longue : s’assurer que le navire ne
s’engage pas dans des activités non conformes aux mesures internationales de conservation et
de gestion, ne pas accorder une autorisation aux navires auxquels l’ancien Etat du pavillon a
déjà retiré une autorisation, faciliter l’identification des navires de pêche battant son pavillon,
s’informer des activités du navire, prendre des sanctions à l’égard des navires qui
contreviennent aux dispositions de l’accord, etc. 817
384. L’article 18 de l’accord de 1995 énonce des obligations similaires pour les Etats du
pavillon, en exigeant le respect des mesures de conservation et de gestion des stocks. Les
Etats ne doivent accorder leur autorisation de pêche en haute mer que s’ils ont les moyens de
s’acquitter efficacement de leurs responsabilités. Plusieurs obligations spécifiques complètent
ce devoir général : contrôle au moyen des licences et permis de pêche, adoption des
règlements adéquats à cet effet, tenue d’un registre national des navires autorisés, facilitation

814
Etant donné que, selon la FAO, le 95% des ressources halieutiques se trouve dans les zones économiques
exclusives des Etats côtiers, la réglementation de la pêche en haute mer n’a que deux principales raisons d’être ;
la première est la gestion des poissons grands migrateurs, qui est réglée par l’accord de 1995. La seconde est la
possibilité de l’élaboration d’une technologie permettant de « piller les bancs de poissons se trouvant à
l’extérieur des ZEE ». Voy. VINCENT (P.), Droit de la mer, op. cit. note 808, p. 213.
815
MOMTAZ (D.), « L’accord relatif à la conservation et la gestion des stocks de poissons chevauchants et
grands migrateurs », AFDI, vol. 41, 1995, pp. 676-699.
816
Ces deux conventions sont par ailleurs complétées par plusieurs conventions internationales protégeant
certaines espèces spécifiques, telles que la convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ; celle de Washington du
2 décembre 1946 pour la réglementation de la chasse à la baleine ; l’accord relatif au programme international
pour la sauvegarde des dauphins (février 1998).
817
Accord de Rome du 24 novembre 1993 visant à favoriser le respect de mesures internationales de
conservation et de gestion par les navires de pêche en haute mer, §§ 1 à 8 de l’article III.

280
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

de leur identification, inspections et surveillance des activités des navires 818. L’Etat est tenu
de vérifier l’efficacité de ces mesures en menant une enquête approfondie en cas d’infraction,
en engageant des poursuites si nécessaire, en immobilisant les navires et en leur interdisant,
en cas d’infraction grave, toute opération de pêche en haute mer tant que les sanctions
n’auront pas été exécutées 819. L’accord prévoit également qu’en cas d’inertie de l’Etat du
pavillon préalablement informé d’une infraction commise par un de ses navires, tout Etat
membre d’une organisation ou d’un arrangement de gestion des pêche sous-régional ou
régional 820 peut prendre des mesures contre ce navire, ce qui peut aller jusqu’à le conduire au
port le plus proche 821. Cette possibilité reste bien encadrée et ne remet pas en cause le pouvoir
central de l’Etat du pavillon, lequel peut, à tout moment, reprendre l’initiative en faisant
respecter les obligations qui lui incombent. S’il demande la mainlevée de l’immobilisation,
l’Etat ayant pris le contrôle du navire semble tenu d’accepter 822.
385. Le Comité des pêches (COFI) de la FAO a organisé en juin 2009, suite à une
demande des pays membres de la FAO 823, une consultation d’experts sur les performances
des Etats du pavillon afin de définir des critères d’évaluation de la conduite de ces Etats et
afin d’étudier les mesures susceptibles d’être prises lorsque cette dernière n’est pas conforme
à ces critères 824. Ces travaux devraient déboucher sur des directives pour les Etats membres et
éventuellement sur des instruments plus contraignants adoptés par le COFI.
386. Le domaine de la pêche apparaît ainsi comme assez particulier en ce qui concerne les
obligations internationales de l’Etat du pavillon. En effet, en raison des importants intérêts
économiques des activités halieutiques, la réglementation semble plus dense et plus
contraignante à l’égard des Etats dont les navires exercent ces activités. L’Etat du pavillon est

818
Accord de 1995 sur les stocks de poissons, § 3 de l’article 18.
819
Ibidem, article 19, intitulé « Respect de la réglementation et pouvoirs de police de l’Etat du pavillon ».
820
Il convient de souligner à cet égard qu’une des grandes avancées de l’accord de 1995 sur les stocks de
poissons est de prévoir que, lorsqu’un accord régional ou sous-régional de gestion de pêcheries existe, les Etats
du pavillon et les Etats côtiers s’acquittent de leur obligation de coopération en devenant membres de cet accord
ou en appliquant les mesures de conservation et de gestion qu’il institue. Les Etats ne devenant pas membres de
l’arrangement ou de l’organisation mis en place et n’acceptant pas d’appliquer leurs mesures, n’ont pas le droit
d’exploiter les ressources halieutiques de la zone concernée et ont l’obligation d’y interdire l’accès aux navires
de pêche battant leur pavillon. Voy. article 8 §§ 3 et 4 ; cf. article 17 §§ 1 et 2. Cette règle concerne même les
portions de haute mer concernées par lesdits accords ; il s’agit dès lors d’une exception importante à la liberté de
la pêche en haute mer.
821
Accord de 1995 sur les stocks de poissons, § 8 de l’article 21 sur la coopération sous-régionale et régionale en
matière de police.
822
Ibidem, § 12 de l’article 21.
823
FAO, Rapport de la 27ème session du COFI, Rome 5-9 mars 2007.
824
FAO, Rapport de la 28ème session du COFI, Rome 2-6 mars 2009.

281
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

contrôlé de manière plus systématique ; tant ses obligations que les moyens de les mettre en
œuvre et de surveiller l’efficacité de leur application se sont multipliés 825.
387. Il importe également de signaler que la question, délicate, du « lien substantiel »
paraît traitée plus efficacement dans le domaine de la pêche que dans celui du transport
maritime. Alors que dans ce dernier le contenu de ce lien demeure largement indéfinissable
malgré les diverses tentatives qui ont été faites pour le préciser, et paraît dès lors dénué de
toute force obligatoire, le droit de la pêche prend en compte cette « exigence » plus
efficacement 826. Le terme même « lien substantiel » n’est pas toujours évoqué, mais les
obligations de l’Etat du pavillon, et notamment son devoir de n’accorder des autorisations de
pêche aux navires que s’il peut effectivement les contrôler, correspondent à ce que représente
la notion d’un lien effectif. Il s’agit donc de l’exemple par excellence d’une mise en œuvre
efficace de l’exigence d’effectivité du rattachement, au niveau des effets juridiques de
l’immatriculation.

D. Le droit de l’Union européenne : confrontation au ou renforcement du droit international ?

388. Avant de clore l’examen des obligations de l’Etat du pavillon en ce qui concerne les
navires auxquels il octroie sa « nationalité », il est intéressant d’étudier le droit de l’Union
européenne, lequel impose des obligations particulières aux Etats maritimes membres de
l’UE 827. Cet examen révèle en effet une illustration parfaite d’une mise en œuvre efficace des
obligations des Etats du pavillon. De manière générale, ces Etats membres sont tenus de
respecter de multiples obligations relatives aux navires battant leur pavillon ou aux navires
étrangers navigant dans les eaux sous leur juridiction. Le régime mis en place par l’Union est
rigoureux et contrôlé par la Cour de Justice ; il constitue un exemple pertinent d’action
supranationale, notamment contre la pollution marine et la pêche illégitime.
389. L’Union a substantiellement renforcé les obligations de l’Etat du pavillon en matière
de préservation de l’environnement marin 828. En plus des trois paquets législatifs connus

825
Voy. dans ce sens BESLIER (S.), « La responsabilité de l’Etat du pavillon : cas des navires de pêche », ADM,
t. XIII, 2008, pp. 11-22.
826
Cf. CJCE, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex-parte Jaderow Ltd. et ex parte
Agegate Ltd., affaires 216/87 et 3/87, Rec. 1989, p. 4509 et p. 4459.
827
Voy. à titre indicatif le livre vert maritime européen Communication, Commission, 7 juin 2006, Vers une
politique maritime de l’Union : une vision européenne des océans et des mers, COM (2006)275 final et le livre
bleu Communication, Commission, 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée pour l’Union européenne,
COM (2007)575final.
828
Voy. dans ce sens BELLAYER-ROILLE (A.), « Le contrôle par l’Etat du pavillon : vers des conditions
communautaires d’immatriculation ? : (Etude de la proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil
concernant le respect des obligations des Etats du pavillon, COM(2005) 586 final du 23 novembre 2005) », op.
cit. note 567, pp. 225-247.

282
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

comme Paquets Erika I, II et III 829, elle a cherché à établir un véritable cadre de coopération
concernant la pollution marine, accidentelle ou intentionnelle, en incitant les Etats membres à
organiser un système d’information, d’assistance et de développement des capacités
d’intervention mutuelles 830. En vertu de la récente directive 2009/21 concernant le respect des
obligations des Etats du pavillon, ceux-ci doivent se soumettre à un audit au moins tous les 7
ans ; dès qu’une anomalie est enregistrée dans un port d’un Etat membre, les pavillons
concernés doivent fournir à la Commission un rapport sur leurs performances en tant qu’Etat
du pavillon 831. La CJCE a reconnu par ailleurs le droit de la Communauté d’obliger les Etats à
prévoir des sanctions pénales communes afin de lutter contre la pollution causée par les
navires, même si la législation pénale ne relève en principe pas de la compétence
communautaire. Elle a justifié cette position en invoquant le fait que « l’application de
sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives par les autorités nationales
compétentes constitue une mesure indispensable pour lutter contre les atteintes graves à
l’environnement », ce qui permettait à la Communauté d’imposer aux Etats « l’obligation

829
Voy. notamment le règlement 1406/2002 CE du 27 juin 2002 instituant une Agence européenne pour la
sécurité maritime ; la directive 2002/59 CE du 27 juin 2002 relative à la mise en place d’un système
communautaire de suivi du trafic des navires et d’information, et abrogeant la directive 93/75 CEE ; ainsi que la
directive 2005/35 CE du 7 décembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction des
sanctions en cas d’infractions. Le 23 novembre 2005, la Commission a proposé un troisième paquet de mesures
législatives en faveur de la sécurité maritime dans l’Union européenne, comportant notamment des propositions
de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect et le renforcement des obligations des
Etats du pavillon (COM/2005/0585final). En vertu du paquet Erika III, une référence explicite est faite à la
convention du travail maritime de 2006 de l’OIT (MLC), dont l’article 4 prévoit que l’Etat du pavillon doit
prendre les mesures qu’il juge appropriées pour s’assurer que le navire satisfait à la réglementation internationale
et vérifier par tous les moyens raisonnables, les antécédents du navire en matière de sécurité, en consultant, si
nécessaire, l’Etat du pavillon précédent. Le troisième paquet Erika sur la sécurité maritime a connu cependant
une progression très difficile. Voy. VAN DER MENSBURGGHE (Y.), « Tribulations et progrès au paquet Erika
III sur la sécurité maritime dans la communauté européenne, suivie de l’actualité maritime et environnementale
en 2007 et 2008 », ADM, t. XIII, 2008, pp. 259-278. Pour une présentation générale des paquets I et II voy.
ROCHE (C.), «Après l’Erika : La prévention de la pollution des mers par le renforcement de la sécurité maritime
en Europe (ERIKA I) », Revue juridique de l’environnement, novembre 2002, pp. 373-392 ; ROCHE (C.),
«Prévention et lutte contre la pollution des mers par les hydrocarbures : les derniers développements
communautaires », Revue du marché commun et de l’Union européenne, n° 472, octobre-novembre 2003, pp.
598-609.
830
Voy. décision 2850/2000/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2000 établissant un cadre
communautaire de coopération dans le domaine de la pollution marine accidentelle ou intentionnelle. La fin de
validité de la décision était fixée pour le 31 décembre 2006, date à laquelle elle devait être révisée. Voy.
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Comité économique et social européen
et au Comité des régions –Modalités de coopération dans le domaine de la pollution marine accidentelle ou
intentionnelle après 2007, (COM/2006/0683 final).
831
Pour une analyse de cette directive voy. ODIER (F.), « Réflexions sur le paquet Erika III- statut du pavillon –
assurance du propriétaire du navire : confrontation du droit international et du droit communautaire », op. cit.
note 83, pp. 279-283.

283
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’instaurer de telles sanctions » 832. Les Etats concernés par cette jurisprudence peuvent être
tant ceux du port que ceux du pavillon.
390. En matière de pêche, le rôle de l’UE est fondamental. Elle est en effet exclusivement
compétente pour ce qui relève de la réglementation de cette activité tant dans les eaux
territoriales qu’en haute mer – contrairement à ce qui est prévu concernant les mesures
relatives à l’exercice de la juridiction sur les navires et à l’octroi du pavillon 833. Même dans ce
dernier domaine, l’UE a déjà proposé d’ailleurs de définir des critères juridiques objectifs
pour garantir le lien substantiel entre les navires de pêche et l’Etat du pavillon, afin
d’éradiquer plus facilement la pêche illégale 834. Au fur et à mesure que la politique commune
de pêche 835, mise en place depuis 1993, s’est développée, les Etats du pavillon membres de
l’UE ont vu leurs obligations croître 836 et l’exclusivité de leur compétence diminuer 837.
391. La politique maritime européenne est déterminante pour le respect par les Etats
membres de leurs obligations : contrairement au système international décentralisé 838, les
Etats peuvent, au sein de l’UE, être contrôlés et sanctionnés en cas de manquement à leurs
obligations 839. Cela est d’autant plus important que ces obligations correspondent en grande

832
CJCE, Commission c/ Conseil, affaire C-440/05, Rec. 2007, p. I-9097, § 66. Il s’agissait d’un recours en
annulation de la décision-cadre 2005/667/JAI visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution
causée par les navires. Si la Cour a accepté la compétence communautaire quant aux réglementations visant à
garantir l’effectivité des normes adoptées dans le domaine de la sécurité maritime, dont le non-respect peut avoir
des conséquences graves pour l’environnement, elle a souligné que la détermination du type et du niveau des
sanctions pénales à appliquer ne relèvait pas de la compétence de la Communauté (§ 70).
833
Voy. déclaration de compétence déposée par la CE en même temps que son acte de ratification de la
convention de Montego Bay (Collection Espaces et ressources maritimes, 1997, p. 22), ainsi que CJCE,
Commission c/ Royaume Uni, affaire 804/79, Rec. 1981, p. 1045 et CJCE, Commission c/ Conseil, affaire C-
25/94, Rec. 1996, p. I-1469. En revanche, pour les territoires dépendants situés en dehors du champ d’application
du droit communautaire, ce sont les Etats membres qui restent compétents. Voy. PANCRACIO (J.-P.), Droit
international des espaces, op. cit. note 611, p. 148.
834
Communication de la Commission COM (2002) 180 final du 28 mai 2002 : Plan d’action communautaire en
vue d’éradiquer de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (action n°13).
835
Cette politique vise à lutter contre la surexploitation des ressources halieutiques présentes dans les zones de
pêches des Etats membres situées dans l’Atlantique, la Manche et la mer du Nord. Ces zones ont été
communautarisées et forment, désormais, une mer « communautaire », dans laquelle seule l’Union européenne
est compétente pour réglementer l’accès et l’exploitation de ses ressources. Pour une présentation générale voy.
BEURIER (J.-P.) dir., Droits maritimes, Dalloz, Paris, 2009-2010, livre 7, pp. 955-959.
836
Voy. par exemple le règlement CE n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008, établissant un système
communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée,
visant à obliger l’Etat du pavillon des navires de pêche ayant capturé des produits à exercer effectivement sa
responsabilité et prévoyant un certain nombre des sanctions à l’égard de cet Etat s’il n’assume ladite
responsabilité.
837
Avant 1993, en vertu du règlement 2057/82 du 29 juin 1982, les Etats membres exerçaient le contrôle dans
leurs propres eaux, conformément au principe de juridiction de l’Etat côtier, mais non sur leurs propres navires
pêchant dans les eaux territoriales des autres Etats membres.
838
Voy. sur la difficile mise en œuvre du droit de l’environnement ANDRESEN (S.), « Global Environmental
Governance : UN Fragmentation and Co-ordination », in Yearbook of International Co-operation on
Environment and Development, The Fridtjof Nansen Institute, 2001/2002, pp. 19-26.
839
BOISON (P.), « L’efficacité de la politique de l’Union européenne en matière de sécurité maritime », in
L’Europe des transports, travaux de la CEDECE, Actes du colloque d’Agen, Université de Montesquieu-

284
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

partie aux obligations internationales classiques des Etats du pavillon, reprises par le droit de
l’Union européenne qui suit – en le complétant – le droit international 840. Si les devoirs de
l’Etat du pavillon tels qu’ils sont prévus par le droit de l’Union européenne vont plus loin que
les obligations internationales classiques et semblent même, sur certains points, différents, ils
ne peuvent en aucun cas être considérés comme contraires au droit international 841. Il y a là,
en revanche, un modèle exemplaire pour le droit de la mer illustrant tout à la fois comment le
respect des obligations conventionnelles de l’Etat du pavillon peut devenir plus effectif et
comment leur violation peut être contrôlée et, le cas échéant, sanctionnée.

§ 2. Les obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux aéronefs

392. En matière d’aviation civile, un paramètre significatif doit être pris en compte afin de
comprendre la mise en œuvre des obligations internationales des Etats d’immatriculation des
aéronefs. Contrairement au droit de la mer, où les multiples zones maritimes relèvent chacune
d’un statut différent, la navigation aérienne se fait majoritairement dans un espace national.
En vertu de l’article 1er de la convention de Chicago, « chaque Etat a la souveraineté
complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire ». Cela signifie que les
Etats du pavillon doivent s’assurer que leurs avions survolant les territoires des autres Etats se
conforment à la réglementation nationale de ces derniers. Sinon, ils risquent de les voir exclus
de cet espace aérien par l’Etat territorial 842. En raison de cette particularité, la majorité des
obligations internationales de l’Etat d’immatriculation visent à s’assurer que les règles
nationales de l’Etat survolé sont respectées (A). Ces obligations sont complétées par celles qui
portent sur la sécurité et la sûreté aériennes (B) et sur la protection de l’environnement (C). A

Bordeaux IV, 7 et 9 octobre 2004, La documentation française, 2005, pp. 655-660 et DU PONTAVICE (E.), «
La CEE et la mer : les transports maritimes » ADMAS, CDMA, Nantes, t.XI, 1991, pp. 9-17.
840
Sur une présentation générale de la relation entre le droit communautaire et le droit international maritime et
aérien voy. MEUNIER (P.), « La Communauté européenne, l’O.A.C.I et l’O.M.I : de l’union libre à l’union
sacrée », in L’Europe des transports, travaux de la CEDECE, Actes du colloque d’Agen, Université de
Montesquieu-Bordeaux IV, 7 et 9 octobre 2004, La documentation française, 2005, pp. 541-579.
841
Sur cette question et les dangers de la division actuelle entre organisation internationale et organisations
régionales voy. ODIER (F.), « Réflexions sur le paquet Erika III- statut du pavillon – assurance du propriétaire
du navire : confrontation du droit international et du droit communautaire », op. cit. note 83, pp. 285-287. Voy.
également sur la même problématique : CJCE, Intertanko e.a, affaire C-308/06 du 3 juin 2008, Rec. 2008, p. I-
4057, où la Cour refuse d’apprécier la validité d’une directive relative à la pollution causée par les navires au
regard des dispositions pertinentes de la convention de Montego Bay et de la convention MARPOL. Elle a fondé
son refus en ce qui concernait la convention MARPOL sur le fait que la communauté n’était pas partie à cette
dernière (même si l’intégralité de ses Etats membres le sont) et en ce qui concernait la convention de Montego
Bay sur le fait que sa nature et son économie s’opposaient à un tel examen de conformité, dès lors qu’elle ne met
pas en place des règles destinées à s’appliquer directement et immédiatement aux particuliers.
842
Voy. sur ce DEMPSEY (P. S.), « Blacklisting : banning the unfit from the heavens », Annals of Air and Space
Law, vol. 32, 2007, p. 30.

285
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’instar de ce qui prévu par le droit de la mer, l’Union européenne renforce les obligations de
ces Etats membres en cette matière (D).

A. Les obligations relatives au respect des réglementations nationales

393. L’article 12 de la convention de Chicago énonce le devoir principal des Etats


d’immatriculation des aéronefs : il leur impose de s’assurer que les avions portant la marque
de leur nationalité se conforment aux règles et règlements en vigueur dans le lieu – qu’il
s’agisse du territoire national ou de la haute mer – où ils se trouvent 843. Une deuxième
obligation, accessoire à la première, assure la conformité des règlements nationaux avec ceux
édictés par l’OACI en vertu de la convention. L’article 12 est en effet complété par l’article
37 qui prévoit que les lois nationales des Etats, relatives notamment aux aéronefs et au
personnel, doivent être conformes aux standards internationaux, aux pratiques recommandées
et aux procédures du Conseil de l’OACI 844. Il s’agit donc d’un devoir très général des Etats
d’immatriculation ; ceux-ci doivent partant être constamment informés des réglementations

843
Certaines de ces règles sont stipulées par la convention même de Chicago. Voy. EL-HUSSAINY (K.),
«Registration and nationality of aircraft operated by international agencies in law and practice », op. cit. note
171, p. 18, qui combine l’article 12 avec les obligations prévues par les articles 8 (autorisation spéciale de l’Etat
survolé pour les aéronefs sans pilote) ; 10 (obligation d’atterrissage sur un aéroport douanier de l’Etat survolé,
sauf autorisation spéciale) ; 11 (application obligatoire des règlements nationaux de l’Etat survolé relatifs à
l’entrée et la sortie des aéronefs, ainsi qu’à la navigation internationale ou à l’intérieur du territoire) ; 14
(prévention de la propagation des maladies) ; 30 (licence pour l’équipement de radio des aéronefs) ; 35
(restriction relatives au transport des munitions et matériaux de guerre) ; 40 (validité des certificats et des
licences annotés et participation à la navigation internationale après permission de l’Etat survolé) et 68
(désignation d’itinéraire à l’intérieur du territoire de l’Etat survolé ainsi que des aéroports à utiliser). L’auteur
mentionne également les articles 13 (respect des règlements relatifs à l’entrée et sortie du territoire national des
passagers, équipage et marchandises, ainsi qu’à l’entrée, le congé, l’immigration, les passeports, la douane et la
santé) et 28 (installations et services de navigation aérienne). Néanmoins, le premier de ces deux articles
concerne plutôt les obligations des passagers et des équipages, non en tant que parties de l’ensemble
organisé/aéronef mais en tant qu’individus, alors que le second concerne les obligations de l’Etat d’atterrissage
et de survol.
844
Sur les normes et pratiques recommandées (SARP) et les procédures pour les services de navigation aérienne
(PANS) voy. résolution de l’Assemblée A36-13, Exposé récapitulatif de la politique permanente de l’OACI et
des règles pratiques relevant spécifiquement du domaine de la navigation aérienne, Appendice A. La résolution
définit les « normes » en tant que « toute spécification portant sur les caractéristiques physiques, la
configuration, le matériel, les performances, le personnel ou les procédures, dont l’application uniforme est
reconnue nécessaire à la sécurité ou à la régularité de la navigation aérienne internationale et à laquelle les
Etats contractants se conformeront en application des dispositions de la Convention ; en cas d’impossibilité de
s’y conformer, une notification au Conseil est obligatoire en vertu de l’article 38 de la Convention » et la
« pratique recommandée » comme « toute spécification portant sur les caractéristiques physiques, la
configuration, le matériel, les performances, le personnel ou les procédures, dont l’application uniforme est
reconnue souhaitable dans l’intérêt de la sécurité, de la régularité ou de l’efficacité de la navigation aérienne
internationale et à laquelle les Etats contractants s’efforceront de se conformer en application des dispositions
de la Convention ». Les normes sont donc juridiquement contraignantes pour les Etats d’immatriculation,
contrairement à la pratique recommandée qui, comme son nom l’indique, reste indicative. Les résolutions
mentionnées ci-après sont celles de l’Assemblée, qui régissent le fonctionnement de l’OACI. En revanche, les
résolutions contraignantes du Conseil sur les normes et les pratiques recommandées sont celles contenues dans
les annexes de la convention de Chicago et leurs appendices.

286
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

internationales et nationales pertinentes, s’assurer de leur respect et y conformer leur


législation. En vertu de l’article 38 cependant, tout Etat qui estime ne pas être en mesure de se
conformer en tous points à une de ces normes ou procédures internationales doit
immédiatement notifier à l’OACI les différences entre ses propres pratiques et celles qui sont
établies par la norme internationale. Lorsque les aéronefs survolent la haute mer, les normes
prévues par la convention de Chicago et ses annexes s’appliquent obligatoirement et la
dérogation de l’article 38 n’est plus pertinente 845. Le principe exprimé par l’article 12 ne
souffre donc pas d’exception lorsqu’un aéronef survole la haute mer 846.
En vertu de l’article 21, l’Etat d’immatriculation doit fournir à tout autre Etat contractant
ou à l’OACI des renseignements sur l’immatriculation et la propriété de ses aéronefs
lorsqu’ils sont demandés 847. L’OACI a toutefois décidé récemment de renforcer la mise en
œuvre de l’article 21 en imposant aux Etats de fournir ces informations sur une base régulière
et non uniquement sur demande 848.

B. Les obligations relatives à la sécurité et à la sûreté aérienne

394. Comme dans le droit de la mer, le devoir général d’être assuré que ses aéronefs se
conforment aux normes nationales et internationales en vigueur, qui pèse sur l’Etat
d’immatriculation, peut être décomposé en plusieurs obligations précises. Le domaine de la
sécurité et de la sûreté aérienne 849 est un des plus riches en matière d’obligations

845
Voy. UNMACK (T.), Civil Aviation : Standards and Liabilities, LLP, London, 1999, p. 47; ABEYRATNE
(R. I. R.), « Principles of Responsibility Relating to Aircraft Operations Over the High Seas », European
Transport Law, vol. 41, n°1, 2006, p. 25 et KAISER (S. A.), « Infrastructure, Airspace and Automation – Air
Navigation Issues for the 21st Century », Annals of Air and Space Law, vol. 20, n°1, 1995, p. 455.
846
CHENG (B.), The Law of International Air Transport, op. cit. note 440, p. 148.
847
Cf annexe 13 de la convention de Chicago, articles 5.18, 5.19 et 5.20.
848
ICAO Council Working Paper C-WP/12697, Proposal for the Implementation of a System for the Provision
of Pertinent Data Concerning Aircraft Registered in a State Pursuant to Article 21 of the Chicago Convention,
27 November 2006. Voy. Analyse de HUANG (J.), Aviation safety through the rule of law : ICAO’s mechanisms
and practices, op. cit. note 178, p. 30.
849
En terminologie anglaise on distingue entre « safety » qui vise à prévenir les incidents accidentels et
« security » qui vise à prévenir les incidents intentionnels. Voy. DEMPSEY (P.S), « Blacklisting: banning the
unfit from the heavens », op. cit. note 842, p. 32. Selon une définition plus analytique, « safety » correspond à la
sécurité opérationnelle de l’avion, comprenant la certification du personnel et de la navigabilité de l’aéronef,
alors que « security » correspond à la sauvegarde de l’aviation civile contre tout acte d’intervention illicite. Voy.
HUANG (J.), Aviation safety through the rule of law : ICAO’s mechanisms and practices, op. cit. note 178, p. 6.
Quant à la terminologie française et la distinction entre sécurité et sûreté, les deux termes sont souvent employés
de manière équivalente (voy. annexe 17, § 2.1.1 ; annexe 6, chapitre 13 de la convention de Chicago), mais en
réalité la première concerne les incidents non intentionnels, alors que la deuxième vise les incidents
intentionnels. Ainsi, dans les communiqués de l’OACI, le terme sûreté vise les actes d’intervention illicite et le
terme sécurité les accidents d’origine technique. M. KYRIAKOPOULOS emploie les deux termes comme
synonymes, « pratiquement identiques » dans KYRIAKOPOULOS (G. D.), La sécurité de l’aviation civile en
droit international public, Ant.N.Sakkoulas, Bruylant, Athènes, Bruxelles, 1999, pp. 46-47. En revanche, dans
les règlements et les directives de la CE, le terme sûreté est employé pour les actes intentionnels, notamment
post 11/09/2001, alors que la sécurité concerne les normes techniques. Pour un parallèle avec les termes

287
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

internationales pour les Etats d’immatriculation ; il constitue le domaine de prédilection des


travaux de l’OACI. Les annexes à la convention de Chicago 850 exigent une législation
nationale rigoureuse ; elles sont d’ailleurs complétées par de nombreux appendices et
résolutions, adoptés par le Conseil et l’Assemblée de l’OACI 851. Ces annexes sont
fondamentales pour déterminer les obligations des Etats contractants, et notamment des Etats
d’immatriculation. Plusieurs obligations qu’elles imposent font partie des normes, des
procédures techniques et des pratiques recommandées par l’OACI. C’est sur ces normes que
les Etats doivent aligner leur législation, afin de se conformer au devoir général de l’article
12. Ainsi, chaque annexe n’est pas seulement composée de nombreux articles, mais aussi
d’appendices, de lignes directrices et de circulaires qui y sont joints ; l’ensemble dresse un
tableau analytique très complet des obligations des Etats membres.
395. A titre d’exemple, concernant concrètement le domaine de la sécurité aérienne,
l’annexe 8 énonce toutes les normes nécessaires à la conception, la construction et
l’exploitation d’un aéronef par son Etat d’immatriculation, conformément aux exigences
minimales d’une navigabilité sûre 852. Chaque Etat d’immatriculation est libre d’établir son
propre règlement de navigabilité, mais il doit s’assurer que le niveau de navigabilité exigé par
ses règlements est au moins équivalent à celui des normes contenues dans l’annexe 8
complétée par le Manuel technique de navigabilité de l’OACI 853. Il doit informer l’Etat
concepteur lorsqu’il immatricule pour la première fois un aéronef et lui communiquer les
renseignements relatifs aux certificats de navigabilité qu’il délivre, afin de prouver son
maintien en état.
Afin de faciliter l’importation et l’exportation des aéronefs, conformément à l’article 33
de la convention et aux normes mises en place par l’annexe 8, l’Etat d’immatriculation doit
par ailleurs reconnaître les certificats de navigabilité délivrés par les autres Etats contractants,

« sécurité » et « sûreté » dans le droit de la mer : BOISSON (PH.), Politiques et droit de la sécurité maritime, op.
cit. note 773, p. 11.
850
Notamment annexes 1 (Licences du personnel), 2 (Règles de l’air) 6 (Opération de l’aéronef), 7(Nationalité et
marques d’immatriculation), 8 (Navigabilité) et 13 (Accidents et enquêtes après accident).
851
Voy. document 9902 de l’Assemblée de l’OACI, du 28 septembre 2007, Résolutions en vigueur, notamment
Parties II et VIII. A titre d’exemple voy. résolution A29-13, Amélioration de la supervision de la sécurité, article
1 où il est stipulé qu’il convient de « réaffirmer que la responsabilité individuelle de chaque Etat en matière de
supervision de la sécurité constitue l’un des principes de la Convention », article 3 en vertu duquel il importe de
« prier instamment les Etats contractant de revoir leurs lois nationales qui prévoient la mise en application de
ces obligations et de revoir également leurs procédures de supervision de la sécurité pour veiller à ce qu’elles
soient appliquées efficacement. » Voy. également résolution A36-10, Amélioration de la prévention des
accidents en aviation civile.
852
Cette annexe comprend 4 parties dont la première est consacrée à l’établissement de définitions, la deuxième
traitant plutôt des procédures relatives à la certification et au maintient de l’état de navigabilité. La troisième se
concentre quant à elle sur les normes techniques permettant la délivrance des certificats de navigabilité de
nouveaux modèles d’avions gros-porteurs et la quatrième est consacrée aux hélicoptères.
853
Document OACI n°9760.

288
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

s’ils sont équivalents ou supérieurs aux règles minimales de l’OACI. Il a donc la double
obligation de vérifier la conformité de ces certificats aux normes internationales et, le cas
échéant, de les reconnaître comme valides. L’annexe 8 est complétée par l’annexe 11 sur les
services de la circulation aérienne, qui dispose que la planification des mesures d’urgence
indispensables pour empêcher les collisions entre aéronefs est une responsabilité incombant à
tous les Etats qui fournissent des services de navigation aérienne. En vertu de cette annexe, les
Etats qui délèguent leurs fonctions à un autre Etat ou organisme demeurent internationalement
responsables pour les services fournis 854. Dans le même sens, l’annexe 6 sur l’exploitation
technique des aéronefs précise que la réglementation nationale doit représenter un partage
bien équilibré des responsabilités relatives à la sécurité de la navigation aérienne entre l’Etat
d’immatriculation et l’opérateur désigné 855. L’Etat d’immatriculation doit en effet être en
mesure de contrôler l’opérateur qu’il désigne ; à ces fins, il doit s’assurer de sa fiabilité avant
de le certifier, en vertu de l’annexe 6.
396. L’obligation de coopération des Etats pour assurer la sécurité de l’aviation civile
internationale est un principe important en droit aérien, à l’instar du droit de la mer. Elle reste
cependant assez souple, l’emploi des expressions « dans toute la mesure du possible » et
« autant que possible » étant récurrent 856. Elle apparaît plus clairement en cas d’accident
grave causé par un aéronef sur le territoire d’un Etat tiers 857. Ce dernier doit ouvrir une
enquête sur l’accident, à laquelle l’Etat d’immatriculation peut – mais n’y est pas toujours
obligé – assister 858, sauf s’il y est invité par l’OACI 859. En revanche, si l’accident grave est

854
Articles 2.1.2 et 2.1.3 de l’annexe. Voy. ABEYRATNE (R. I. R.), « Principles of Responsibility Relating to
Aircraft Operations Over the High Seas », op. cit. note 845, p. 28.
855
§ 1.2.5 du Manuel de l’OACI pour les procédures pour l’inspection, la certification et la surveillance
continue des opérations, doc. 8335-AN/879.
856
Par exemple voy. articles 1.a) « de coopérer dans toute la mesure du possible à la réduction de la nécessite
de l’interception des aéronefs civils » et 1.d) « de s’efforcer autant que possible d’assurer l’observation de
procédures uniformes de navigation et d’exécution des vols par les équipages de conduite des aéronefs civils »
de la résolution de l’Assemblée A25-3.
857
L’obligation de coopération apparaît également dans le domaine de la prévention du trafic illicite des drogues
par voie aérienne. Les Etats doivent en effet coopérer pour adopter les mesures législatives appropriées pour que
le crime du trafic illicite des stupéfiants et de substances psychotropes par voie aérienne soit punissable de peines
sévères. Voy. dans ce sens résolution de l’Assemblée A27-12 sur le rôle de l’OACI dans la répression du trafic
illicite des stupéfiants par voie aérienne et convention de 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et de
substances psychotropes.
858
Convention de Chicago, article 26 ; Voy. également résolution A36-13, Exposé récapitulatif de la politique
permanente de l’OACI et des règles pratiques relevant spécifiquement du domaine de la navigation aérienne,
appendice U sur la coopération entre Etats contractants dans les enquêtes sur certains accidents d’aviation.
859
Voy. par exemple résolution A19-1 sur l’aéronef civil libyen abattu le 21 février 1973 par des chasseurs
israéliens ; article 2 : « invite toutes les parties intéressées à participer sans réserve à l’enquête ».

289
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

causé sur le territoire d’un Etat non contractant ou bien en dehors du territoire d’un Etat
quelconque, c’est prioritairement à l’Etat d’immatriculation qu’il appartient d’enquêter 860, 861.
397. Il est donc clair que les normes contenues dans les annexes de la convention de
Chicago contiennent l’essentiel des obligations imposées aux Etats. Il s’agit de règles
techniques précises, qui visent à s’assurer que les Etats d’immatriculation établiront des
législations relativement uniformes concernant l’opération de leurs aéronefs. Elles sont
complétées par les conventions internationales stipulant que l’Etat d’immatriculation doit
établir sa compétence pour réprimer les infractions ayant lieu à bord de leurs aéronefs 862.
L’annexe 17 relatif à la protection de l’aviation civile internationale contre les actes
d’intervention illicite poursuit ce même objectif de répression, qui établit des règles de
compétence pour l’Etat d’immatriculation analogues à celles qui sont mises en place dans le
droit de la mer pour l’Etat du pavillon. Le rôle des Etats d’immatriculation a été renforcé
depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui furent à l’origine de la création de
plusieurs mesures législatives hautement techniques concernant la sécurité du transport
aérien 863.
398. Il est intéressant de signaler que certaines résolutions de l’OACI affirment qu’outre
l’Etat d’immatriculation, l’Etat de l’exploitant peut être lié par leurs dispositions 864 ; en vertu

860
Annexe 13 de la convention de Chicago ; articles 5 § 2 et 5 § 3. L’article 5 § 2 constitue une
recommandation, alors que l’article 5 § 3 (sur l’enquête pour accident grave causé sur territoire international)
stipule une obligation directe.
861
En France, le BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile) est l’organisme
officiel des enquêtes techniques sur les accidents et incidents de l’aviation civile survenus sur le territoire
français [http://www.bea.aero/fr/bea/qui-sommes-nous/cadre-juridique.php] consulté le 3 juillet 2009. Or, le
BEA intervient également pour des accidents survenus en dehors du territoire français lorsque l’Etat français est
l’Etat d’immatriculation ou l’Etat de construction de l’aéronef. Voy. par exemple communiqué de presse du 30
juin 2009 sur l’accident de l’Airbus A310-300, immatriculé 70-ADJ, exploité par la compagnie Yemenia et
immatriculé par Yemen, survenu au cours de l’approche de l’aérodrome de Moroni (Comores). La France n’était
pas l’Etat d’immatriculation mais, en tant qu’Etat constructeur des airbus, elle a envoyé une équipe d’enquêteurs
BEA. Concernant le vol AF-447 du 1er juin 2009 au cours duquel l’avion A330-200, immatriculé F-GZCP,
exploité par Air France, a disparu en mer, le BEA a envoyé une équipe d’enquêteurs, la France étant l’Etat
d’immatriculation (communiqué de presse du 1er juin 2009).
862
Il s’agit notamment la convention de Tokyo de 1963 relative aux infractions et certains autres actes survenant
à bord des aéronefs, la convention de la Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite des aéronefs et la
convention de Montréal de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile.
Sur ces conventions voy. infra §§ 598-604.
863
Voy. sur ce GUERRERO-LEBRON (J.), « Incidencia del 11 de septiembre en el Derecho aéronautico »,
European transport law, vol.39, n°5, 2004, pp. 603-669 et notamment pp. 636-639 sur le terrorisme et la sécurité
aérienne.
864
Par exemple résolution A29-19, annexe. Voy. également résolution A23-13 sur la location, l’affrètement et la
banalisation d’aéronefs en exploitation internationale où il est stipulé : « Considérant que la Convention relative
à l’aviation civile impose à l’Etat d’immatriculation des responsabilités dont il peut s’acquitter lorsque
l’aéronef est exploité par un exploitant de cet Etat, comme c’est normalement le cas, et dont il ne pourra peut
être pas s’acquitter convenablement dans le cas où un aéronef immatriculé dans cet Etat est loué, affrété ou
banalisé, particulièrement sans équipage, par un exploitant d’un autre Etat ; Considérant que la Convention
relative à l’aviation civile ne spécifie peut être pas convenablement les droits et obligations de l’Etat dont est
ressortissant un exploitant de l’aéronef loué, affrété ou banalisé, particulièrement sans équipage, tant que

290
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

de l’article 83bis, celui-ci peut remplacer l’Etat d’immatriculation dans l’exercice de ses
fonctions, et donc devenir responsable du respect des obligations internationales incombant
initialement à l’Etat d’immatriculation. Il en va ainsi lorsque le siège de l’opérateur des
services aériens ne se trouve pas sur le territoire de l’Etat d’immatriculation, c’est-à-dire
lorsque l’opérateur n’a pas la même nationalité que l’aéronef. L’Etat de l’exploitant remplace
dès lors l’Etat d’immatriculation en ce qui concerne les fonctions qui lui sont transférées.

C. Les obligations relatives au respect de l’environnement

399. Plus récemment, des obligations ont été imposées aux Etats d’immatriculation en
matière de protection de l’environnement, notamment de lutte contre les effets du bruit des
aéronefs et des émissions des moteurs d’aviation. L’annexe 16 (volumes I et II) de la
convention de Chicago y est consacrée. Deux comités spécialisés dans chacun des deux
objectifs ont été mis en place 865 et c’est sur la base de leurs recommandations que des normes
précises ont été établies. Concernant le bruit, l’Etat d’immatriculation accorde une
certification acoustique, après s’être assuré que l’aéronef répond à des spécifications au moins
égales à celles qui figurent dans l’annexe. Dans le même sens, le volume II comprend une
série des normes relatives à la décharge intentionnelle de combustible brut et à la régulation
des émissions de fumée et de divers oxydes de certains types de réacteurs, ainsi que des
renseignements détaillés sur les méthodes de mesure utilisées.
400. L’Etat d’immatriculation doit interdire la navigation des aéronefs qui ne respectent
pas les normes techniques minimales prévues. Il demeure le principal responsable de l’état de
navigabilité des aéronefs auxquels il attribue sa « nationalité », malgré la multiplication des
acteurs privés (opérateurs, exploitants, organismes de certification) impliqués dans leur
activité. La résolution de l’Assemblée A36-22, intitulée « Exposé récapitulatif de la politique
permanente et des pratiques de l’OACI dans le domaine de la protection de l’environnement »
insiste sur la nécessité « d’assurer le maximum de comptabilité entre le développement sûr et
ordonné de l’aviation civile et la qualité de l’environnement » 866 et dresse une longue liste de
recommandations aux Etats d’immatriculation ; recommandations que le Conseil transforme

l’amendement à la Convention (article 83bis) n’entrera pas en vigueur ». Cette résolution demeure en vigueur
uniquement à l’égard des Etats qui n’ont pas ratifié le nouvel article 83bis. Pour ceux qui l’ont ratifié, l’article
s’applique directement et la résolution est caduque.
865
Il s’agit du Comité sur le bruit des aéronefs (CAN) et du Comité sur les émissions des moteurs d’aviation
(CAEE). Les deux comités ont fusionné en 1983 en un seul comité technique du Conseil de l’OACI, le Comité
de la protection de l’environnement en aviation (CAEP), qui a poursuivi l’élaboration des normes de l’annexe
16, concernant le bruit des aéronefs et les émissions des moteurs d’aviation.
866
Résolution de l’Assemblée A36-22, appendice A, généralités, article 1.

291
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

en obligations en adoptant constamment de nouvelles normes pour compléter l’annexe 16. Le


véritable rôle cependant de ces Etats se limite à la délivrance des certificats de navigabilité en
vertu des normes minimales établies.

D. Les obligations dans le cadre de l’Union européenne

401. Si le renforcement des obligations de l’Etat du pavillon à l’égard des navires dans le
droit de l’Union européenne est dépourvu de toute ambiguïté, il convient de signaler qu’en ce
qui concerne les Etats d’immatriculation des aéronefs, il semble moins manifeste. Les
règlements communautaires ne prévoient en effet pas expressément d’obligations visant les
seuls Etats d’immatriculation. Leurs dispositions s’appliquent à la fois aux Etats
d’immatriculation et aux Etats de construction de l’aéronef ou de siège de l’exploitant. Des
obligations concrètes pour les Etats communautaires sur le registre desquels les aéronefs en
cause sont inscrits peuvent toutefois en être déduites, d’autant plus que l’immatriculation dans
l’Union des aéronefs exploités par des ressortissants communautaires semble constituer la
règle. Lorsqu’une licence pour l’exploitation de services aériens est accordée par l’autorité
étatique compétente à un transporteur aérien établi dans la Communauté, les aéronefs utilisés
par ce transporteur doivent en effet, sauf exceptions, être immatriculés dans l’Union 867. Les
Etats membres sont donc, a priori, les Etats d’immatriculation des aéronefs exploités par les
entreprises communautaires. Il est dès lors possible pour l’Union de contrôler le respect de ses
règles relatives à l’aviation civile. Le règlement n° 3922/91 du Conseil, du 16 décembre 1991,
relatif à l’harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le
domaine de l’aviation civile 868 précise néanmoins qu’il s’applique à tous les aéronefs utilisés
par des opérateurs communautaires, qu’ils soient immatriculés dans un Etat membre ou dans
un pays tiers.
402. On peut tirer de la combinaison de ce règlement n° 3922/91 avec l’article 12 du
règlement 1008/2008 relatif à l’immatriculation des aéronefs exploités par des opérateurs
communautaires, une liste d’obligations relatives à la certification des aéronefs par leur Etat
d’immatriculation. Par ailleurs, le règlement n° 216/2008 du Parlement et du Conseil, du 20
février 2008, concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et
instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, s’applique expressément à tout

867
Article 12 du règlement CE n° 1008/2008 du Parlement et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des
règles communes pour l’exploitation des services aériens dans la Communauté.
868
Modifié par les règlements CE n° 1592/2002 du 27 septembre 2002 ; 1899/2006 du 16 janvier 2007;
1900/2006 du 16 janvier 2007 et 8/2008 du 12 janvier 2008.

292
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

aéronef immatriculé dans un Etat membre 869. Les obligations prévues par ce règlement ne
visent toutefois pas directement les Etats d’immatriculation, mais plutôt les organismes
participant à la production et l’exploitation des aéronefs. Les Etats membres demeurent
néanmoins tenus de coopérer avec l’Agence et la Commission de telle manière que leurs
aéronefs soient conformes aux dispositions pertinentes du règlement. Ils doivent notamment
contrôler les certificats délivrés par leurs autorités compétentes, procéder à des enquêtes et à
des inspections des aéronefs et prendre des mesures, par exemple d’immobilisation, en cas
d’infraction 870. Les Etats conservent par ailleurs le droit de réagir unilatéralement lorsqu’un
problème de sécurité concerne un de leurs aéronefs, mais ils doivent le notifier à l’Agence et à
la Commission 871. D’une manière générale, les règlements européens énoncent également des
obligations concernant la sécurité et la sûreté aériennes, ainsi que la protection de
l’environnement. Ces obligations sont similaires à celles que prévoit la convention de
Chicago et ses annexes mais, du fait de leur transposition dans l’ordre juridique
communautaire, elles pèsent plus efficacement sur les Etats membres qui ont conféré leur
« nationalité » à des aéronefs employés à la navigation intracommunautaire.
Cela dit, la réglementation de l’UE relative à la sûreté aérienne vise surtout les Etats de
décollage ou d’atterrissage et ne mentionne que très rarement les Etats d’immatriculation 872.
L’Etat territorial est également le premier qui est visé en ce qui concerne l’obligation
d’enquête en cas d’accident ou d’incident grave, à l’instar de ce qui est prévu par la
convention de Chicago. Mais si l’accident a lieu en dehors du territoire de l’Union, l’Etat
d’immatriculation ne devra enquêter que si un Etat tiers ne le fait pas 873. Le rôle de l’Etat
d’immatriculation redevient déterminant en matière de protection de l’environnement, dès lors
qu’il est appelé à contrôler la conformité de ses aéronefs aux standards communautaires et
internationaux et à interdire leur navigabilité en cas de non-conformité 874.

869
Règlement n° 216/2008 du Parlement et du Conseil, du 20 février 2008, concernant des règles communes
dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, article 4 § 1.
870
Ibidem, article 10 §§ 1 et 2.
871
Ibid. ,article 14.
872
Voy. par exemple règlement n° 2320/2002 du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à
l’instauration des règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile, article 3 ; Règlement n°
300/2008 du Parlement et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l’instauration des règles communes dans le
domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement n° 2320/2008, article 2.
873
Directive 94/56/CE du Conseil, du 21 novembre 1994, établissant les principes fondamentaux régissant les
enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile.
874
Règlement de la Commission n° 1702/2003 du 24 septembre 2003, établissant des règles d’application pour la
certification de navigabilité et environnementale des aéronefs et produits, pièces et équipements associés, ainsi
que pour la certification des organismes de conception et de production, modifié par les règlements n° 381/2005
du 8 mars 2005 ; 706/2006 du 10 mai 2006 ; 335/2007 du 29 mars 2007 et 375/2007 du 5 avril 2007.

293
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

§ 3. Les obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux objets spatiaux

403. La nature extraordinaire de l’espace extra-atmosphérique explique la spécificité du


cadre juridique mis en place pour son exploration. Si les obligations internationales des Etats
impliqués dans les activités spatiales, et notamment des Etats d’immatriculation des objets
spatiaux, peuvent être, dans certains cas, équivalentes ou analogues à celles des Etats de
« nationalité » des navires/aéronefs, elles sont, néanmoins, globalement plus « singulières ».
Elles sont, en effet, adaptées aux principes généraux du droit spatial et aux besoins du milieu
et des activités y entreprises. Cela explique leur particularité. Il s’agit d’ailleurs
majoritairement de devoirs relativement généraux qui incombent à tous les Etats spatiaux,
sans viser expressément les Etats d’immatriculation.
404. Même si le contenu précis de ces obligations peut être distinct selon l’engin
concerné, l’axiome général, à savoir que l’Etat auquel l’engin se rattache en vertu de son
immatriculation doit le surveiller et le contrôler, demeure pertinent. Le traité sur l’espace est
considéré comme un traité-cadre pour les obligations des Etats spatiaux, à l’instar de la
convention de Montego Bay pour le droit de la mer et de la convention de Chicago pour le
droit de l’air. Les autres traités spatiaux, ainsi que les cinq séries de principes élaborés par le
COPUOS, complètent et décomposent les fonctions et devoirs stipulés dans le traité de 1967.
La plupart des règles prévues par ces traités concernent l’ensemble des Etats qui s’impliquent
dans les activités spatiales 875. Elles s’appliquent en effet à tous les Etats parties, sans préciser
s’il s’agit des Etats de lancement, d’immatriculation ou encore de construction de l’objet
spatial. Il en va ainsi pour les obligations prévues par l’ensemble des traités spatiaux (A) et
pour le devoir de la coopération qui pèse sur les Etats dans le droit de l’espace d’une manière
plus nette que dans le droit de la mer et le droit de l’air (B). Néanmoins, des obligations plus
précises pesant plus particulièrement sur les Etats d’immatriculation, ou du moins de
lancement, devraient immanquablement voir le jour prochainement (C).

875
Voy. notamment le devoir de non-appropriation (article II), le devoir de coopération (articles III et IX, X et
XI) et le devoir de non-militarisation de l’espace (article IV) du traité sur l’espace ; Voy. également l’article 4 §
2 de l’accord sur la lune et le principe 6 de la Déclaration des principes juridiques régissant les activités des Etats
en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique de 1962.

294
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

A. Des obligations ne pesant pas spécifiquement sur l’Etat d’immatriculation

405. La majorité des obligations prévues par le corpus juris spatialis 876 concernent tout
Etat impliqué dans des activités spatiales. Certaines des obligations prévues par le traité sur
l’espace portent cependant une « double casquette », car si elles concernent tous les Etats
spatiaux, elles visent principalement l’Etat d’immatriculation dans ses rapports avec l’objet
spatial. Lorsque le traité évoque les « Etats parties au Traité qui mènent des activités dans
l’espace extra-atmosphérique » 877, les Etats d’immatriculation sont ainsi visés indirectement,
car ce sont ceux qui sont en mesure de contrôler les engins impliqués dans ces activités.
Même si ces obligations concernent, en réalité, souvent l’Etat d’immatriculation, dès lors que
« ses » objets spatiaux sont ceux qui explorent l’espace extra-atmosphérique, on peut affirmer
qu’elles ne font pas partie des effets juridiques nés du rattachement entre l’objet et l’Etat,
mais qu’elles reflètent l’implication de l’Etat dans l’exploration de l’espace. Il convient donc
d’insister ici sur les seules obligations qui découlent directement de l’immatriculation, et non
pas sur tous les devoirs des Etats spatiaux.
406. Hormis l’article VIII, seul l’article XII du traité sur l’espace vise directement l’Etat
d’immatriculation en tant que tel, en lui imposant l’obligation d’autoriser l’accès de ses
véhicules spatiaux aux représentants des autres Etats parties, dans des conditions de
réciprocité. Dans l’accord de 1968 sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes
et la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, la seule obligation pesant
sur l’Etat de lancement – et par conséquent a majori ad minus sur l’Etat d’immatriculation –,
est de prendre en charge les dépenses engagées par un autre Etat pour la restitution de son
objet spatial ou de ses éléments constitutifs 878. La convention de 1975 sur l’immatriculation
des objets spatiaux est sans incidence sur les obligations des Etats découlant du rattachement,
dès lors qu’elle régit uniquement l’obligation per se d’immatriculer ces objets lancés dans
l’espace extra-atmosphérique et non pas les effets juridiques qui s’attachent à cette
immatriculation. Dans le même sens, la convention de 1972 sur la responsabilité
internationale ne concerne pas les obligations primaires des Etats, mais seulement la mise en

876
Il s’agit de l’ensemble des instruments internationaux qui régissent le droit de l’espace. Voy. MARCHAN
(J.), Derecho Internacional del Espacio, op. cit. note 10, p. 128 et PEPIN (E.), « A legal Order for Outer Space :
The Next Steps », in New Frontiers in Space Law, McWHINNEY (E.) & BRADLEY (M.) ed., A.W. Sijthoff,
1969, p.1.
877
Par exemple voy. l’article XI du traité sur l’espace.
878
Accord de 1968 sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution des objets lancés
dans l’espace extra-atmosphérique, article 5, § 5.

295
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

place du régime de leur responsabilité pour dommages causés par les objets spatiaux ; elle
sera donc étudiée par la suite.
407. L’accord sur la lune de 1979 contient plusieurs obligations, dont la logique est
voisine de celle du traité sur l’espace. Il s’agit, en effet, d’obligations concernant l’ensemble
des Etats impliqués dans l’exploration et l’utilisation de la lune et des autres corps célestes et
qui ne sont donc pas spécifiques aux Etats d’immatriculation. Parmi elles, certaines visent
cependant de manière plus directe ces Etats. Ainsi, l’obligation de ne mettre en orbite aucun
objet porteur d’armes nucléaires ou d’armes de destruction massive doit être respectée par les
Etats d’immatriculation 879. Dans le même sens, ces Etats doivent recueillir dans leurs objets
spatiaux les personnes en détresse sur la lune 880. Une fois de plus, ces devoirs ne découlent
pas du rattachement comme tel.
L’article 12 reprend en revanche les obligations de l’article VIII du traité sur l’espace,
formulant ainsi des obligations fondées sur le lien d’immatriculation. L’obligation prévue
dans cet article doit être considérée comme concernant l’Etat d’immatriculation. La légère
différence entre cet article et l’article VIII881 peut être justifiée si l’on prend en compte la
nature de chacun des deux milieux envisagés, sachant que l’accord ne vise que les activités
sur la lune et les autres corps célestes alors que le traité de 1967 concerne toute activité dans
l’espace extra-atmosphérique. La nature nécessairement distincte – et encore inconnue à
l’époque de la rédaction de l’accord – des activités sur la lune explique la formulation plus
large et plus ambiguë du devoir étatique dans l’article 12.
408. Suite à cet examen des cinq traités principaux régissant les activités étatiques dans
l’espace extra-atmosphérique, une observation s’impose : les obligations prévues pour l’Etat
d’immatriculation sont beaucoup plus vagues en droit spatial que dans le droit de la mer ou de
l’air. Premièrement et principalement, il s’agit d’obligations qui ne sont pas spécifiques aux
Etats d’immatriculation et qui ne découlent pas directement et exclusivement du rattachement
entre l’objet spatial et ces Etats. Deuxièmement, il s’agit d’obligations très générales qui ne
peuvent être considérées comme spécifiques à un domaine particulier, et faisant partie de
catégories distinctes. Si dans le droit de la mer et de l’air, on a pu distinguer entre les
obligations de l’Etat d’immatriculation qui concernent la sécurité ou la sûreté d’une part et la
gestion des ressources naturelles ou la protection de l’environnement d’autre part, un tel
classement est difficile à propos des obligations internationales de l’Etat d’immatriculation

879
Ibidem, article 3 § 2.
880
Ibid., article 10 ; Voy. également article 12, § 2.
881
Voy. supra §§ 362-363.

296
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

des objets spatiaux. Le corpus juris spatialis ne contient pas encore d’instruments propres à
chaque domaine. Cela est sans doute le résultat du développement récent des activités
spatiales et du manque de pratique suffisante les concernant 882.

B. Le devoir de coopération en droit spatial

409. Il est nécessaire de souligner qu’en l’état actuel du droit spatial et en l’absence
d’obligations plus spécifiques, le devoir de coopération interétatique constitue un axiome
fondamental qui doit être considéré comme un principe général. En effet, il a été observé que
« dans aucune autre branche du droit international la coopération n’a acquis un plus haut
degré de valeur juridique/ juridicité […] le droit spatial est un droit coopératif » 883. En vertu
des traités spatiaux, les Etats doivent favoriser la coopération internationale 884, « faciliter et
encourager la coopération dans les recherches » 885, notifier aux autres Etats tout phénomène
qui pourrait constituer un danger pour la vie ou la santé des astronautes 886, « se fonder sur les
principes de la coopération et de l’assistance mutuelle » pour toute activité dans l’espace
extra-atmosphérique 887, examiner les demandes des autres Etats concernant l’observation du
vol des objets spatiaux, informer le Secrétaire général et la communauté de leurs activités888
et coopérer pour l’identification des objets spatiaux non immatriculés qui causent un
dommage 889. Le principe de la coopération s’applique également aux activités dans les
domaines de la télévision directe 890 et de la télédétection 891. Il constitue, par ailleurs, l’objectif
principal de la Déclaration sur la coopération internationale en matière d’exploration et

882
Pour l’instant les activités spatiales ayant un cadre juridique suffisamment clair sont à peu près toujours en
rapport avec les satellites. Elles concernent notamment la télévision directe (Principes régissant l’utilisation par
les Etats de satellites artificiels de la Terre aux fins de la télévision directe internationale adoptés le 10 décembre
1982 par la résolution 37/92) et la télédétection (Principes sur la télédétection adoptés le 3 décembre 1986 par la
résolution 41/65).
883
MARCHAN (J.), Derecho Internacional del Espacio, op. cit. note 10, p. 463 ; Cependant l’auteur va trop loin
dans son interprétation, en qualifiant le principe de la coopération de jus congens (p. 496). Or, il définit le jus
cogens comme des normes de droit international général obligatoires pour tous les Etats, membres ou non du
traité, en le confondant ainsi avec les simples normes coutumières.
884
Article III du traité sur l’espace.
885
Article I du traité sur l’espace et article 6 de l’accord sur la lune ; Principe 6 de la Déclaration des Principes
de 1962.
886
Article V du traité sur l’espace.
887
Article IX du traité sur l’espace ; Accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la
restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, notamment articles 2 et 5 ; Articles 2 et 4 § 2 de
l’accord sur la lune.
888
Article X et XI du traité sur l’espace de 1967 et article 5 de l’accord sur la lune.
889
Article VI de la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux.
890
Principe D des principes régissant l’utilisation par les Etats de satellites artificiels de la Terre aux fins de la
télévision directe internationale adoptés le 10 décembre 1982 par la résolution 37/92.
891
Principe V des principes sur la télédétection adoptés le 3 décembre 1986 par la résolution 41/65.

297
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’utilisation de l’espace au profit et dans l’intérêt de tous les Etats, compte tenu en particulier
des besoins des pays en développement, qui fut adoptée le 13 décembre 1996.
410. Ce principe général de coopération est donc très large ; il couvre un domaine
d’activités spatiales extrêmement vaste et vise à la fois les puissances spatiales et les Etats qui
n’ont pas les moyens de mener des activités dans l’espace extra-atmosphérique. Il vient
compléter, en quelque sorte, la lacune résultant de l’absence de toute souveraineté. Dès lors
que l’espace extra-atmosphérique ne peut être soumis à une souveraineté quelconque et que
les objets spatiaux ne sont pas considérés comme des territoires ambulants, la coopération
interétatique aux fins de l’exploitation de l’espace devient inévitable.
411. Il ne s’agit certes pas d’un concept nouveau et spécifique au droit de l’espace.
L’article 1, § 3, de la Charte des Nations Unies range la coopération internationale parmi les
objectifs principaux de l’organisation. Si un tel devoir relativement flou existait déjà, il prend
désormais une autre ampleur juridique, en devenant une obligation réelle pour les puissances
spatiales 892. Sans contenu précis, la coopération pourrait être facilement considérée comme
une simple ligne directrice ou un vœu pieux. Compte tenu des dispositions des traités spatiaux
sur l’assistance mutuelle et la notification des informations, elle tend aujourd’hui à devenir
une véritable norme positive.
412. Cela est clair à la lecture de l’article IX du traité sur l’espace, en vertu duquel, « les
Etats parties […] devront se fonder sur les principes de la coopération et de l’assistance
mutuelle ». Cependant, ce principe ne remet pas en cause la compétence de l’Etat à l’égard de
ses objets spatiaux et ne modifie en rien ses obligations internationales telles qu’elles
découlent du rattachement entre l’Etat et l’objet en cause. Il existe parallèlement à la
compétence de l’Etat d’immatriculation, afin d’inciter les autres Etats à porter assistance à
celui-ci chaque fois que le besoin se présente ou d’exiger de l’Etat d’immatriculation qu’il
informe les autres Etats sur ses activités spatiales ; mais il ne se substitue, dans aucun cas, à
cette compétence exclusive.
413. L’importance juridique de ce principe dans le droit spatial, comparativement à ce
qu’on observe dans le droit de la mer ou de l’air, permet d’envisager l’hypothèse de nouvelles
obligations internationales pour l’Etat d’immatriculation. La pratique future montrera si la
coopération avec les autres pays spatiaux, pour les besoins d’une information ou d’une
exploration conjointe de l’espace, devient une réelle obligation dont le contenu juridique est

892
Dans ce sens LACHS (M.), The Law of Outer Space: An Experience in Contemporary Law-Making, op. cit.
note 126, p. 27; BHATT (S.), Studies in Aerospace Law: from Competition to Cooperation, Sterling Publishers,
New Delhi, 1974, p. 5.

298
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

précis. Le cas échéant, une nouvelle catégorie d’obligations de l’Etat d’immatriculation


pourra être constituée : les obligations de coopération. De telles obligations ont été d’ores et
déjà mises en lumière dans nos développements précédents concernant le droit de la mer et de
l’air. Dans ces deux domaines, ce principe semble toutefois moins contraignant, car il est
souvent accompagné de la mention « dans la mesure du possible ». Par ailleurs, d’autres
obligations, plus spécifiques, existent afin d’encadrer le comportement étatique ; l’importance
de la coopération ne doit cependant pas être minimisée. Dès lors que les ensembles organisés
examinés naviguent dans des espaces internationaux, les Etats concernés par leurs activités
seront, d’une manière ou d’une autre, appelés à coopérer.

C. L’avenir des obligations de l’Etat d’immatriculation en droit spatial

414. Si des textes juridiques spéciaux n’ont pas encore été conçus et adoptés par le droit
spatial, c’est bien parce que leur existence n’a pas été, jusqu’à présent, indispensable. Dans
l’espace extra-atmosphérique, il n’y a ni pêche ni exploitation accrue de ressources naturelles.
L’hypothèse d’actes illicites contre la sécurité de la navigation spatiale est, par ailleurs, assez
improbable pour l’instant. Si les installations terrestres peuvent menacer certains objets
spatiaux, de tels scénarios demeurent actuellement assez rares. Les instruments internationaux
ne se sont donc pas encore attachés à énoncer des obligations spécifiques dans ces domaines.
Cela est cependant en train de changer, les activités spatiales se multipliant et se
diversifiant. Leur commercialisation et leur privatisation, ainsi que l’augmentation du nombre
d’Etats intéressés par l’espace 893, deviennent un moteur de développement des instruments
juridiques relatifs à la sécurité spatiale, à la protection de l’environnement extra-
atmosphérique ou à la gestion des ressources naturelles de l’espace. Les premiers jalons d’un
tel développement sont déjà posés. Certaines dispositions des traités spatiaux visent ainsi des
domaines précis analogues à ceux qui ont été étudiés dans le droit de la mer ou de l’air.
L’article 7 de l’accord sur la lune, par exemple, formule des devoirs généraux quant à la
préservation de l’environnement extra-atmosphérique 894 et à la non dégradation du milieu
terrestre en raison de l’exploration de la lune 895. De même, l’article 11 évoque la gestion

893
Dans ce sens voy. la Déclaration sur la coopération internationale en matière d’exploration et d’utilisation de
l’espace au profit et dans l’intérêt de tous les Etats, compte tenu en particulier des besoins des pays en
développement adoptée le 13 décembre 1996 par la résolution 51/122.
894
Accord sur la lune, article 7 § 1 : « les Etats parties prennent des mesures pour éviter de perturber l’équilibre
existant du milieu en lui faisant subir des transformations nocives, en le contaminant dangereusement par
l’apport de matière étrangère ou d’une autre façon ».
895
Ibidem : « Les Etats parties prennent aussi des mesures pour éviter toute dégradation du milieu terrestre par
l’apport de matière extra terrestre ou d’une autre façon ».

299
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

rationnelle et la répartition équitable des ressources naturelles de la lune 896. Plus


spécifiquement encore, les principes relatifs à l’utilisation de sources d’énergie nucléaire dans
l’espace, adoptés le 14 décembre 1992 par la résolution 47/68, visent explicitement l’Etat
d’immatriculation 897 qui doit respecter plusieurs obligations : protéger les individus, les
collectivités et la biosphère contre les dangers radiologiques ; utiliser des objets spatiaux
fiables et spécialement conçus ; évaluer la sûreté et prendre des mesures pour élever son
niveau, notifier à tout Etat intéressé les cas d’avarie, offrir son assistance pour prévenir tout
effet dommageable réel ou éventuel etc. 898. Certes, il s’agit de lignes directrices sans force
contraignante ; ces principes néanmoins marquent nettement le chemin d’une évolution vers
un cadre juridique plus précis en ce qui concerne les activités spatiales à risque pour
l’environnement, terrestre mais aussi extra-atmosphérique 899.
415. La sécurité et la sûreté, si elles ne sont pas expressément mentionnées dans les traités
spatiaux, tendent à devenir un objectif important pour les Etats et les organisations ayant des
activités spatiales ; les législations nationales et, bientôt, le droit international joueront un rôle
essentiel dans la création d’un cadre juridique complet relatif à la sécurité en espace 900. Les
prohibitions relatives au placement de certaines armes en orbite et l’obligation d’utilisation de
l’espace à des fins pacifiques 901 ont été les premiers pas dans cette direction. Mais ceux-ci ne
sont pas suffisants. Dans l’immédiat, l’accent devra être mis sur le rôle de l’Etat
d’immatriculation pour qu’il s’assure que les objets spatiaux inscrits sur son registre soient
techniquement irréprochables, qu’ils respectent les normes internationales relatives à la
préservation de l’environnement extra-atmosphérique lors de leur navigation dans l’espace et
que leurs activités soient conformes aux traités généraux et aux accords spéciaux. Le passage
d’un régime d’obligations générales, concernant tout Etat disposant des capacités pour mener
des activités spatiales, à un régime d’obligations spécifiques visant directement l’Etat
896
Ibid., article 11, § 7, b) et d).
897
En tant que l’Etat de lancement « qui exerce juridiction et contrôle sur un objet spatial ayant à bord une
source d’énergie nucléaire ». Voy. Principes relatifs à l’utilisation de sources d’énergie nucléaires dans l’espace
du 14 décembre 1992, principe 2 § 1.
898
Voy. ibidem, principes 3, 4, 5 et 7.
899
Voy. dans ce sens, HOBE (S.), « The Relevance of the Current Space Treaties in the 21st Century », op. cit.
note 651, pp. 341-344.
900
Pour une étude de la situation et du cadre juridique actuels voy. SPACESECURITY.ORG, « Space Security
Index 2006 », Annales de droit aérien et spatial, vol. XXXII, 2007, pp. 201-473. Les domaines particuliers
examinés par cet article qui présente l’état actuel des politiques nationales et des instruments internationaux
relatifs au domaine large de la sécurité spatiale sont : l’environnement spatial (chapitre 1) ; les lois, politiques et
doctrines sur la sécurité spatiale (chapitre 2); les programmes spatiaux civils et les utilités globales (chapitre 3) ;
la commercialisation de l’espace (chapitre 4) ; les supports spatiaux pour les opérations militaires terrestres
(chapitre 5) ; les systèmes de protection spatiaux (chapitre 6) ; les systèmes de négation spatiaux (chapitre 7) ; les
armes placés dans l’espace (chapitre 8).
901
Articles III et IV du traité sur l’espace. La même exigence d’affectation à des fins pacifiques est mise en place
par l’article 88 de la convention de Montego Bay pour la haute mer.

300
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

d’immatriculation et constituant la conséquence de son rattachement à un objet spatial,


renforcera le concept d’un ensemble organisé spatial lié à un Etat. Que ceci demeure
aujourd’hui peu pertinent, pour des raisons à la fois pratiques (la majorité des vols spatiaux
sont non habités et ne transportent pas de marchandises, la propriété des objets est souvent
étatique) et juridiques (manque d’instruments établissant les effets juridiques de
l’immatriculation) n’y change rien.
416. Enfin, il convient de signaler que ces évolutions apparaissent également dans l’Union
européenne, laquelle impose des obligations aux Etats membres menant des activités spatiales
et notamment aux Etats d’immatriculation. La définition d’une politique spatiale européenne
figure parmi les objectifs de l’Union 902 et s’étend aux domaines de la navigation et de la
communication par satellites, de l’observation de la terre, de la sécurité et de la défense. En
2005, la Commission a exposé les éléments préliminaires de la politique spatiale en Europe et
a dévoilé un programme important sur la « Sécurité et l’espace » pour la période 2006-
2013 903, tandis qu’un projet de code de conduite pour les activités menées dans l’espace extra-
atmosphérique a été adopté par le Conseil 904. L’Union européenne affirme ainsi sa volonté de
tenir une place significative en matière spatiale. Même si des obligations précises pour les
Etats membres spatiaux ne sont pas encore envisagées, une évolution dans cette direction
semble probable.

Conclusion de la section

417. Les obligations internationales de l’Etat d’immatriculation prévues actuellement par


les instruments internationaux du droit de la mer et de l’air et prochainement par ceux du droit
spatial appartiennent à deux catégories principales, distinctes mais complémentaires. Il s’agit
des obligations relatives d’une part à la navigation en tant que telle (cette catégorie regroupe
toutes les obligations relatives à la sécurité et à la sûreté de la navigation) et d’autre part à la
préservation du milieu dans lequel les engins évoluent (cette catégorie regroupe toutes les
obligations relatives à la protection de l’environnement et à l’exploration des ressources
naturelles). La première catégorie est conçue pour sauvegarder les intérêts étatiques et répond
à la préoccupation « traditionnelle » du bon ordre international. La seconde vise les intérêts de

902
Voy. Communication de la Commission européenne et du directeur de l’Agence spatiale européenne (ASE)
du 26 avril 2007, sur la politique spatiale européenne, COM(2007)212 final. En vertu, par ailleurs, du traité de
Lisbonne (article 2C, point 3) l’espace devient une compétence partagée, tout comme la recherche et le
développement technologique.
903
Voy. Communication de la Commission européenne COM(2005)208.
904
Projet de code de conduite pour les activités menées dans l’espace extra-atmosphérique, Conseil de l’Union
européenne, doc. 17175/08, PESC 1697, CODUN 61, Bruxelles, 17 décembre 2008, annexe II.

301
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

la communauté internationale dans son ensemble et de tout sujet tiers aux activités de
l’ensemble organisé. Chacune de ces catégories est dotée d’un cadre juridique assez complet
visant à régir le comportement des Etats d’immatriculation. Ce cadre semble normativement
adéquat, malgré son application souvent problématique qui est due à la nature du droit
international 905. L’exemple de la mise en œuvre efficace, car quasiment supranationale, des
obligations de l’Etat d’immatriculation dans le cadre de l’Union européenne en constitue la
preuve. Par ailleurs, la surveillance imposée à l’Etat d’immatriculation est notamment menée
grâce aux diverses procédures de certification ; dans ce domaine, le rôle des sociétés de
classification et organismes analogues s’avère de plus en plus fondamental et doit, dès lors,
être étroitement encadré juridiquement.
418. Nonobstant la similitude globale entre les obligations de l’Etat du pavillon et celles
des Etats d’immatriculation des aéronefs et des objets spatiaux, plusieurs différences doivent
être signalées. Dans le droit aérien, les obligations internationales de l’Etat d’immatriculation
consistent essentiellement à s’assurer que leurs aéronefs se conforment aux normes et
standards internationaux et nationaux (de l’Etat survolé). Elles semblent moins concrètes –
quoique plus riches en détails techniques – que celles de l’Etat du pavillon à l’égard des
navires, qui sont développées plus explicitement par les instruments internationaux. Cela est
en partie dû au fait que le phénomène de la complaisance et des avions sous-normes a un
poids beaucoup moins important en aviation civile que dans le monde du shipping.
L’accentuation du rôle de l’Etat d’immatriculation dans les conventions internationales et
européennes est dès lors moins nécessaire. Enfin, les obligations examinées à l’égard des
navires et des aéronefs, ne sont qu’émergentes en ce qui concerne les objets spatiaux, le poids
juridique de l’Etat d’immatriculation demeurant, dans l’état actuel du droit spatial, de moindre
importance face à celui de l’Etat de lancement, voire de l’Etat spatial in abstracto.

905
Voy. à titre d’exemple : Rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, Les océans et le droit de la mer, 64ème session, 13 mars 2009, A/64/66, pp. 36-37 sur l’amélioration de
« […] la mise en œuvre des instruments par l’Etat du pavillon », qui insiste sur le fait que les Etats du pavillon
ne s’acquittent pas efficacement des obligations déjà prévues par le droit international (§ 108). Dans le même
sens voy. MANSELL (J. N. K.), Flag State Responsibility: Historical Development and Contemporary Issues,
op. cit. note 3, p. 10; RAYFUSE (R. G.) , « The Anthropocene, Autopoiesis and the disingenuousness of the
genuine link : addressing enforcement gaps in the legal regime for areas beyond natinoal jurisdiction », op. cit.
note 411, p. 190. Ces auteurs considèrent que le cadre normatif est adéquat mais nécessite renforcement. Mme
RAYFUSE souligne en outre que « to ensure adequate protection of the legitimate interests of all states in areas
beyond national jurisdiction […] it may simply require states brave enough to test the waters of international
dispute settlement ».

302
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

SECTION III. De la question des obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux


épaves maritimes, aériennes ou spatiales 906

419. Il convient, enfin, de se demander si l’Etat d’immatriculation doit s’acquitter des


obligations étudiées ou d’autres obligations particulières à l’égard des épaves 907 et des débris
spatiaux 908 provenant d’un engin qu’il aurait immatriculé. Une telle obligation pourrait être un
des éléments composant son devoir général d’assurer la sécurité de la navigation. Cela dit, si
on considère que le lien de rattachement entre l’engin et l’Etat d’immatriculation cesse
d’exister, dès lors que le premier devient une épave, aucune obligation ne peut plus peser sur

906
Notre étude ne porte sur ce point que sur les navires, aéronefs ou objets spatiaux devenus épaves et non pas
sur toute épave, c’est-à-dire sur tout objet – y compris d’origine antique - dont le propriétaire a perdu la
possession et qui s’est échoué, dépendant désormais du domaine public. Ainsi, les objets qui nous intéressent
sont les engins (et tout objet se trouvant sur eux) abandonnés en état d’innavigabilité, qualifiés dès lors d’épaves.
Il importe également de clarifier que nous supposons, pour les besoins de cette section, que l’Etat
d’immatriculation peut être identifié sans conteste. Or, ce n’est pas toujours le cas. Les débris d’un aéronef ou
d’un objet spatial notamment sont souvent non identifiables. Dans un tel cas, il sera impossible de parler
d’obligations – ou de droits – de l’Etat d’immatriculation et le droit international devra se tourner vers d’autres
solutions. En effet, s’il est impossible de connaître l’Etat de rattachement du débris, tout régime de responsabilité
sera inapplicable, faute d’auteur du dommage clairement identifié. Un système de mutualisation des risques par
un fonds international d’indemnisation (cf. FIPOL) serait une solution possible à cet égard. Sur la question,
concernant en particulier les débris spatiaux pour lesquels la probabilité de non-identification est beaucoup plus
importante voy. DE LAS MERCEDES ESQUIVEL DE COCCA (M.), « Liability and Responsibility for Space
Debris, Abandoned and Unregistered Space Objects, and for Damages Caused During Rescue Operations », in
Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and
Astronautics, 2001, p. 363.
907
En vertu de l’article 1er du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves
maritimes modifié par le décret n° 85-632 du 21 juin 1985, l’épave est définie comme suit : « Sous réserve des
conventions internationales en vigueur, constituent des épaves maritimes soumises à l’application du présent
décret : 1) Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés par leur équipage,
qui n’en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs approvisionnements et leurs cargaisons ; 2) Les
aéronefs abandonnés en état d’innavigabilité ; 3) Les embarcations, machines, agrès, ancres, chaînes, engins de
pêche abandonnés et les débris des navires et des aéronefs ; 4) Les marchandises jetées ou tombées à la mer ; 5)
Généralement tous objets, à l’exception des biens culturels maritimes dont le proprétaire a perdu la possession,
qui sont échoués sur le rivage dépendant du domaine public maritime […] ». Ce sont donc uniquement les
catégories 1) à 3) qui nous retiendront notre attention pour les besoins de cette thèse. La convention
internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves de 2007 (non encore en vigueur) définit, dans son article 1
§ 4 comme épave : « a) un navire naufragé ou échoué ; b) toute partie d’un navire naufragé ou échoué, y
compris tout objet se trouvant ou s’étant trouvé à bord d’un tel navire ; c) tout objet qui est perdu en mer par un
navire et qui échoué, submergé ou à la dérive en mer ; d) un navire qui est sur le point de couler ou de s’échouer
ou dont on peut raisonnablement attendre le naufrage ou l’échouement, si aucune mesure efficace destinée à
prêter assistance au navire ou à un bien en danger n’est déjà en train d’être prise ».
908
Les débris spatiaux sont entendus ici uniquement comme les débris des objets spatiaux. En ce sens, ils
peuvent également être qualifiés de débris orbitaux, afin d’être différenciés des débris spatiaux naturels
(météorites etc.). Voy. dans ce sens MIRMINA (S. A), « Reducing the Proliferation of Orbital Debris :
Alternatives to a Legally Binding Instrument », AJIL, vol. 99, 2005, pp. 649-650. L’auteur définit les débris
spatiaux comme « naturally occuring debris or meteoroids », alors que les débris orbitaux comme « man-made
debris ». Selon la définition du Sous-comité scientifique et technique du COPUOS les débris spatiaux sont « tous
les objets créés par l’homme, y compris des fragments ou éléments de ces objets, que leurs propriétaires puissent
être identifiés ou non, qui se trouvent en orbite terrestre ou qui reviennent dans les couches denses de
l’atmosphère, de caractère non fonctionnel et dont on ne peut raisonnablement escompter qu’ils puissent trouver
ou retrouver la fonction pour laquelle ils ont été conçus, ou toute autre fonction pour laquelle ils ont été ou
pourraient être autorisés ». Voy. rapport du Sous-comité scientifique et technique sur les travaux de sa trente-
quatrième session, A/AC.105/672, 10 mars 1997, p. 31.

303
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’Etat d’immatriculation. Si les épaves et les débris sont, par définition, sans « nationalité », il
convient toutefois de désigner un sujet du droit international qui en soit responsable
lorsqu’elles sont dangereuses.
420. La question peut être également posée à propos des droits de l’Etat
d’immatriculation, notamment sa compétence exclusive et l’exercice de son pouvoir de
juridiction/contrôle à l’égard d’une épave maritime, aérienne ou spatiale. Afin de savoir si
cette juridiction exclusive subsiste lorsque l’engin est transformé en épave, il convient
d’examiner si le rattachement entre cet engin et l’Etat d’immatriculation cesse d’exister après
l’abandon ou l’innavigabilité du premier. Il s’agit cependant d’un problème beaucoup plus
important du point de vue des obligations internationales que des droits étatiques. L’engin en
fin de vie devient en effet inutile pour son Etat d’immatriculation qui a tendance, sauf cas
exceptionnels, à ne pas s’en préoccuper, même si les épaves ou les débris spatiaux peuvent
s’avérer extrêmement dangereux pour la navigation et l’environnement.
421. Il est donc préférable d’envisager la question sous l’angle des obligations de l’Etat du
pavillon, même si l’aspect « droit sur les épaves » ne doit pas être ignoré. Il peut arriver que
l’épave maritime ou aérienne ait une valeur historique, archéologique, culturelle ou encore
financière pour l’Etat. Il est encore plus probable que l’Etat d’immatriculation d’un objet
spatial souhaite récupérer celui-ci pour des raisons à la fois financières et de protection de ses
secrets technologiques. Dans de tels cas, les droits sur l’épave deviennent également
importants. Or, la question de la juridiction à l’égard d’une épave dépend forcément du lieu
où celle ci a été découverte. Ce lieu sera soit un espace sous souveraineté, soit un espace
international. Les navires-épaves peuvent ainsi être découvertes dans la mer territoriale, mais
également dans la zone contiguë, la ZEE, le plateau continental ou en haute mer 909. Les
aéronefs-épaves ne sont en revanche pas susceptibles d’être découvertes dans l’air, mais bien
sur le territoire d’un Etat ou, à l’instar des navires, dans la mer dont chaque zone obéit à un
statut différent. Enfin, les objets spatiaux peuvent être découverts sur la terre (sol ou mer) à
l’instar des aéronefs, mais aussi rester dans l’espace extra-atmosphérique en tant qu’épaves ou
débris.
422. Leur statut dépendra donc du lieu où ils seront découverts. C’est a priori le droit
national qui régira le statut d’une épave découverte sur le territoire (sol ou eaux territoriales)
d’un Etat. En revanche, si un navire-épave, un aéronef-épave ou un débris spatial sont trouvés

909
Pour une analyse des droits de l’Etat côtier par rapport à ceux de l’Etat du pavillon, en fonction du lieu de la
découverte de l’épave voy. BALMOND (L.), « L’épave du navire », in Colloque SFDI : Le navire en droit
international, Pedone, Paris, 1993, pp. 74-78.

304
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

dans un espace international, il convient de se demander s’il existe une liberté d’accès à et
d’enlèvement de l’épave pour tous les Etats ou si, au contraire, seul l’Etat d’immatriculation
détient ce droit. Lors de la 3ème Conférence sur le droit de la mer des propositions informelles
ont été présentées concernant le droit exclusif de l’Etat d’immatriculation de procéder à
l’enlèvement des navires ou aéronefs coulés au-delà de la mer territoriale, sans aboutir à un
résultat quelconque 910. Par ailleurs, si l’exercice des droits de l’Etat d’immatriculation à
l’égard de ses épaves dépend du lieu où ces dernières se trouvent, son obligation éventuelle de
les enlever peut être indépendante de ce lieu. Les deux questions seront donc étudiées
parallèlement, nos développements portant néanmoins principalement sur l’aspect primordial
« obligations quant aux épaves ».
423. Alors que le principe de l’utilisation raisonnable de la haute mer pourrait être
interprété de manière à établir une obligation pesant sur les Etats du pavillon d’enlever toute
épave constituant un obstacle dangereux pour la navigation, le droit positif reste vague sur la
question et les Etats refusent de reconnaître un tel devoir (§1). Il en va de même pour les
épaves-aéronefs, pour lesquels la question ne semble même pas se poser en dehors du
contexte de leur découverte en haute mer (§2). Quant aux débris spatiaux, la doctrine a
tendance à conclure à l’absence de toute obligation internationale à la charge de l’Etat
d’immatriculation, dès lors que les traités spatiaux demeurent très obscures à ce sujet (§3).

§ 1. Les obligations relatives aux épaves-navires

424. Pendant longtemps, il n’existait aucun régime juridique international pour les épaves.
Les droits nationaux contenaient des dispositions applicables aux espaces sous
souveraineté 911, mais le droit international ne prévoyait rien à leur égard 912. La pratique
étatique semblait reconnaître à l’Etat du pavillon un droit d’enlèvement de ses épaves
découvertes en haute mer, mais pas une obligation dans ce sens 913. Quant à la doctrine, elle

910
LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.), Droit de la mer : Navigation et pêche, op. cit. note 13, p. 120. Les
auteurs citent la proposition informelle de l’URSS, C.2/Informal meeting/39, 16 mai 1978, et C.N/Informal
meeting/39 Rev. 1er septembre 1938 à la note de bas de page n° 267.
911
Pour une analyse du droit français relatif au régime juridique des épaves voy. REZENTHEL (R.), « Le régime
des épaves maritimes », DMF, n° 679, Mars 2007, pp. 195-203.
912
Voy. sur ce DU PONTAVICE (E.), Les épaves maritimes, aériennes et spatiales en droit français, Paris,
LGDJ, R. Pichon et R. Durand-Auzias, Paris, 1961, p. 58 et ABDELGHANI (M. M.), Le régime juridique des
épaves maritimes, aériennes et spatiales en droit français, anglais et égyptien, Paris, 1973 ; BALMOND (L.),
« L’épave du navire », op. cit. note 909, pp. 70-71.
913
Pour le cas d’une épave dangereuse ayant coulé en dehors de la mer territoriale belge (à l’époque de 3 milles
marins) et dont l’Etat du pavillon (France) a refusé d’intervenir dans les opérations de renflouement, malgré les
demandes de l’Etat côtier voy. STARKLE (G.), « Les épaves de navires en haute mer et le droit international :
Le cas du Mont-Louis », RBDI, vol. 18, 1984-1985, pp. 496-528. Pour la reconnaissance du droit de l’Etat du
pavillon (Pays-Bas) d’enlever une épave dangereuse en haute mer voy. Netherlands Supreme Court (Hoge

305
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

était divisée entre ceux, majoritaires, qui considéraient que les engins-épaves continuaient de
constituer des navires toujours soumis aux même règles – notamment à la juridiction de l’Etat
du pavillon – et ceux qui, au contraire, se prononçaient pour la fin de leur statut en tant
qu’engins et leur non-soumission à la compétence exclusive 914. Intéressante et assez unique
est à cet égard la législation allemande qui prévoit que si un navire est abandonné par son
propriétaire, l’Etat allemand en devient automatiquement, comme s’il apparaissait en tant que
tel sur le registre d’immatriculation du navire 915.
425. Le principal souci doctrinal fut donc initialement la question du maintien de la
compétence de l’Etat du pavillon sur l’épave. Ce n’est que plus récemment que la
problématique d’une obligation internationale à l’égard des épaves dangereuses est apparue au
premier plan 916. En effet, la question des obligations de l’Etat « du pavillon » à l’égard d’une
épave n’est pas cruciale in abstracto, mais par rapport à un aspect bien spécifique : celui du
danger potentiel pour la navigation et l’environnement. Ce sont donc principalement les
épaves dangereuses qui retiennent notre attention, leur statut international étant resté incertain
pendant longtemps 917. S’agissant des épaves maritimes, le cas du Mont-Louis a constitué une
illustration pertinente de ce quasi « vide juridique », l’Etat du pavillon ayant déclaré – et
l’Etat côtier ayant accepté – qu’il n’avait aucune obligation internationale quant aux épaves en
haute mer 918.

Raad), The State of the Netherlands v. (1) Holland-Amerika Lijn and (2) G. Wedema and L. Mulder, constituting
the Rederii Motorschip « Zuidpool », 26 May 1978, RvdW (1978) N° 59, S&S (1978) N° 63, NJ (1978) N° 615,
NYBIL, vol. X, 1979, pp. 507-510. La Cour Suprême des Pays Bas ne s’est pas prononcée sur une éventuelle
obligation de l’Etat du pavillon. Il convient de souligner à ce propos que l’affaire en cause n’étudiait
qu’incidemment les droits et obligations internationales de l’Etat du pavillon à l’égard d’une épave. En
l’occurrence, la question concernait la demande de remboursement présentée par les Pays Bas contre les
compagnies propriétaires des deux navires battant pavillon néerlandais qui ont causé l’abordage. L’un de ces
navires ayant coulé en haute mer, l’Etat se fit céder la propriété de l’épave et procéda ensuite à son renflouement.
Sa demande de remboursement obtint gain de cause devant la Cour Suprême, qui a estimé que l’Etat n’était pas
obligé, ni par le droit national ni par le droit international, d’assurer la navigabilité des voies maritimes de haute
mer vers ses ports. L’Etat néerlandais était, donc, envisagé tout à la fois comme Etat du pavillon et Etat du port
et tous les éléments de l’affaire concernait l’ordre juridique néerlandais. En revanche, un tel droit de l’Etat du
pavillon ne semble pas exclusif en haute mer. Voy. Conseil d’Etat, Société Nachfolger, 23 octobre 1987 (publié
au Rec. Lebon 1987). Le Conseil d’Etat a considéré que la destruction de l’épave dangereuse d’un navire
chypriote par les autorités françaises ne méconnaissait aucun principe de droit international.
914
Voy. entre autres CAFLISCH (L.), « Submarine Antiquities and the International Law of the Sea », NYBIL,
vol. XIII, 1982, p. 24; Contra O’CONNELL (D. P.), The International Law of the Sea, vol. II, Clarendon Press,
Oxford, 1984, p. 914.
915
Law of the Rights of Registered Ships and Marine Structures/ Gesetz über Rechte an eingetragenen Schiffen
und Schiffsbauwerken 1940/2008, article 7.
916
Voy. notamment le rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon,
Les océans et le droit de la mer, 64ème session, 13 mars 2009, A/64/66, pp. 34-46, §§ 103-106.
917
Voy. notamment le projet de convention sur l’enlèvement des épaves et les questions connexes établi par le
secrétariat de l’OMI à l’intention de son comité juridique en 1990 (OMI, Comité Juridique, 63ème session, LEG
63/5, 18 mai 1990), qui fut enterré pendant plusieurs années.
918
STARKLE (G.), « Les épaves de navires en haute mer et le droit international : Le cas du Mont-Louis », op.
cit. note 913, p. 499.

306
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

426. La protection de l’environnement fut le point de départ de l’établissement


d’obligations spécifiques concernant les épaves dangereuses 919. La convention de Bruxelles
de 1969 sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une
pollution par les hydrocarbures et son protocole de Londres de 1973 pour les substances
autres que les hydrocarbures ont prévu la possibilité d’une intervention de l’Etat riverain dans
le cas d’un abordage entraînant par la suite l’abandon d’une épave dangereuse. Cependant,
une obligation explicite de l’Etat du pavillon, autre que son devoir général de prendre toutes
mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution occasionnée par l’épave920,
n’y est pas énoncée.
427. Enfin, une convention sur l’enlèvement des épaves maritimes découvertes au-delà de
la mer territoriale 921 fut adoptée dans le cadre de l’OMI à Nairobi en 2007. Mais, elle vise le
droit d’enlèvement par les Etats côtiers sans établir une obligation d’enlèvement par les Etats
du pavillon 922. La raison en est évidente : il s’agit d’un compromis nécessaire entre le refus
des pays maritimes d’endosser une telle responsabilité et la nécessité des Etats affectés de
protéger leurs côtes. La convention se réfère aussi à l’Etat d’immatriculation du navire,
qu’elle définit comme l’Etat sur le registre duquel le navire en cause est inscrit, terme qu’elle
préfère à l’Etat du pavillon, ce dernier étant utilisé uniquement à l’égard des navires non
immatriculés 923.
Certaines obligations sont prévues pour cet Etat d’immatriculation. Il doit en effet exiger
du capitaine ou de l’exploitant d’un navire battant son pavillon qu’il informe « sans tarder »
l’Etat concerné par l’accident ayant causé une épave maritime et qu’il fournisse les
renseignements nécessaires à l’identification de la personne inscrite sur le registre national en
tant que propriétaire, ainsi qu’à la localisation de l’épave924. L’obligation d’enlèvement pèse
expressément sur le propriétaire inscrit sur le registre du navire925. Mais, cette obligation de la
personne privée n’est pas complétée par une obligation internationale de l’Etat
d’immatriculation d’intervenir en cas d’inaction du propriétaire. Il est simplement prévu que
l’Etat côtier puisse prendre les mesures nécessaires s’il considère que l’épave est dangereuse

919
Dans ce sens LE BIHAN GUENOLE (M.), « La fin du navire », DMF, n° 670, 2006, p. 447.
920
Article 194 § 2 de la convention de Montego Bay.
921
La convention s’applique, a priori, à la ZEE des Etats membres. Cependant, il est prévu par l’article 3 § 2
que, sous certaines conditions, les Etats parties peuvent appliquer la convention aux épaves découvertes dans
leurs eaux territoriales et dans leur mer territoriale.
922
Convention de Nairobi sur l’enlèvement des épaves maritimes découvertes au-delà de la mer territoriale,
article 2.
923
Ibidem, article 1 § 11.
924
Ibid., article 5.
925
Ibid., article 9.

307
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

et qu’elle doit être enlevée. Il doit en informer, par ailleurs, l’Etat d’immatriculation926. Il est
également stipulé que les Etats parties doivent adopter toutes les mesures nécessaires afin de
garantir l’intégration au droit interne de ces obligations prévues par la convention à la charge
des propriétaires immatriculés 927.
Cette dernière disposition nous semble problématique. Elle établit une obligation
internationale importante, mais dont le destinataire n’est pas précisé. L’Etat concerné peut
être soit l’Etat du pavillon soit l’Etat de nationalité du propriétaire. Comme nous l’avons
signalé à plusieurs reprises, les deux ne coïncident pas nécessairement, notamment en ce qui
concerne les pays de libre immatriculation. Il nous semble que l’obligation précitée concerne
plutôt l’Etat d’immatriculation. L’expression « s’assurer que leurs propriétaires inscrits » et
la téléologie de l’article conduisent en effet à cette conclusion. L’Etat d’immatriculation doit
être l’ultime responsable des activités du navire et a dès lors l’obligation de prendre les
dispositions nécessaires à l’identification des propriétaires des navires et à l’engagement de
leur responsabilité civile. L’Etat d’immatriculation doit également délivrer les certificats
d’assurance exigés par la convention et interdire à ses navires de naviguer sans les avoir
obtenus 928.
Par ailleurs, la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement
rationnel des navires du 15 mai 2009, adoptée après l’affaire du Clemenceau qui a révélé, en
2006, les lacunes du droit international en la matière, tente de compléter le cadre juridique de
la démolition des navires. Elle met en effet en place un système de contrôle par l’Etat du port
et par l’Etat du pavillon, fondé sur la délivrance de certificats dès la construction du navire et
jusqu’à son recyclage. Cependant, le 30 septembre 2010, un an et demi après son adoption, la
convention n’avait encore reçu aucune ratification 929.
428. Si l’épave se trouve en haute mer, l’instrument applicable aujourd’hui reste donc le
protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des
mers résultant de l’immersion de déchets (ci-après protocole de Londres de 1996), en vigueur
depuis 2006, qui s’applique à toutes les eaux marines autres que les eaux intérieures. Le
protocole reprend l’obligation générale relative à la protection du milieu marin prévue par la

926
Ibid., article 9, §§1 et 8.
927
Ibid., article 9, § 9.
928
Ibid., article 12, §§ 1-11.
929
TARDIEU (A.), « Le démantèlement de la coque Q-790 et le droit international », AFDI, n°55, 2009, pp.
598-599. Voy. également sur la ratification de la convention de Hong Kong
[http://www.imo.org/About/Conventions/ListOfConventions/Pages/The-Hong-Kong-International-Convention-
for-the-Safe-and-Environmentally-Sound-Recycling-of-Ships.aspx] consulté le 1er septembre 2010.

308
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

convention de Montego Bay 930et la détaille 931. Les Etats parties doivent appliquer à tous les
navires et aéronefs qu’ils ont immatriculé les mesures requises pour la mise en œuvre du
protocole, ainsi que pour la prévention et la répression des actes contraires à ses
dispositions 932.
Cependant, l’Etat d’immatriculation n’est pas seul compétent à cet égard ; le protocole
vise également l’Etat du chargement et l’Etat côtier 933. Lorsque l’immersion a lieu en haute
mer, les Etats sont appelés à coopérer 934. La responsabilité internationale est envisagée en
termes très généraux et ne vise pas expressément, ni exclusivement, l’Etat d’immatriculation :
« [e]n accord avec les principes du droit international relatif à la responsabilité des Etats
pour les dommages causés à l'environnement d'autres Etats ou à tout autre secteur de
l'environnement, les Parties contractantes s'engagent à élaborer des procédures concernant
la responsabilité naissant de l'immersion ou de l'incinération en mer de déchets ou autres
matières » 935.
429. Quant à la politique adoptée à cet égard par l’Union européenne, la Commission a
adopté le 7 juillet 2006 un livre vert intitulé « Vers une politique maritime de l’Union, une
vision européenne des océans et des mers » dont un paragraphe est consacré au
démantèlement des navires. Mais en l’absence d’une réglementation spécifique concernant les
épaves, le statut du navire en fin de vie peut être soumis aux règles du droit de
l’environnement 936.
430. Le statut international des épaves-navires reste donc assez vague et les solutions
proposées par les instruments internationaux sont largement fondées sur la bonne volonté et la
coopération étatique. Les obligations précises de l’Etat d’immatriculation, autres que son
devoir général de préserver le milieu marin, sont minimes, voire inexistantes. Le vide créé est
comblé par le droit reconnu à l’Etat côtier d’enlever les épaves dangereuses et par les
obligations prévues par les instruments internationaux à la charge des personnes inscrites sur
les registres nationaux en tant que propriétaires des navires. Mais ces derniers n’étant pas

930
Protocole de Londres de 1996 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets,
article 2.
931
Ibidem, article 3 et articles 4-6.
932
Ibid., article 10 §§ 1, 1.1 et § 2.
933
Ibid., article 10 §§ 1, 1.2 et 1.3.
934
Ibid., article 10 § 3.
935
Ibid., article 15.
936
CORBIER (I.), « L’Europe et le statut du navire en fin de vie », in L’Union européenne et la Mer, Vers une
politique maritime de l’Union européenne ?, CENTRE DU DROIT ET D’ECONOMIE DE LA MER, Université
de Bretagne Occidentale, CUDENNEC (A.) et GUEGUEN-HALLOUET (G.) dir., Pedone, Paris, 2007, p. 275 et
ODIER (F.), « La situation juridique du navire au moment de son démantèlement : perspectives
internationales », op. cit. note 683, pp. 376-386.

309
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

actuellement des sujets du droit international, il conviendrait de prévoir une obligation


internationale de l’Etat du pavillon d’enlever toute épave dangereuse découverte en haute mer
dont le propriétaire n’est pas identifiable ou refuse d’agir. Dans un tel cas, l’Etat du pavillon,
lorsqu’il est identifiable, devrait être considéré comme responsable pour ce qui reste de
l’ensemble organisé que constituait le navire : non seulement le bâtiment de mer lui-même,
mais également ses débris et sa cargaison. La définition de l’épave maritime par les textes
nationaux et internationaux va dans ce sens, en qualifiant d’épave tout ce qui reste de
l’ensemble organisé.

§ 2. Les obligations relatives aux épaves-aéronefs

431. Lorsqu’elles sont découvertes en mer ou sur le littoral maritime, les épaves-aéronefs
sont a priori soumises aux mêmes règles que les épaves maritimes 937. Les droits nationaux
assimilent en effet les épaves-aéronefs trouvées en mer aux épaves-navires 938. Par ailleurs, si
la convention de Nairobi n’inclut pas les aéronefs dans sa définition de ce que constitue une
épave, le protocole de Londres de 1996 applicable en haute mer les mentionne. Un instrument
international spécifique sur le statut des épaves-aéronefs trouvées dans tout espace non
soumis à une souveraineté (essentiellement la haute mer) est néanmoins nécessaire. Si les
règles relatives aux épaves maritimes peuvent s’appliquer de manière analogique, elles ne
sont pas toujours suffisamment claires et ne mettent pas en avant le rôle de l’Etat
d’immatriculation de l’aéronef. Quant aux épaves aériennes découvertes en ZEE, zone
soumise à un statut sui generis, il serait opportun d’élargir le champ d’application de la
nouvelle convention de Nairobi, de manière à les inclure également.
432. Pour le reste, les aéronefs impliqués dans un accident causant une épave sont plus
susceptibles de se trouver sur le territoire d’un Etat et d’être, dès lors, soumis à sa juridiction

937
Voy. à titre d’exemple l’article R722-3 du Code de l’aviation civile qui prévoit dans le chef du commandant
de bord, de l’exploitant ou du propriétaire de l’aéronef une obligation similaire à celle du capitaine ou de
l’exploitant/propriétaire d’un navire de déclarer immédiatement tout accident causant une épave. Il y est en effet
prévu que « [l]e commandant de bord d’un aéronef visé au II de l’article L. 711-1 et effectuant un vol dans
l’espace aérien français déclare sans retard à l’organisme de la circulation aérienne avec lequel il est en
contact ou, à défaut, au responsable de l’aérodrome le plus proche tout accident ou tout incident mentionné
dans la liste prévue à l’article R. 722-2, impliquant son aéronef et constaté par lui. Dans le cas où le
commandant de bord est empêché de faire cette déclaration ou lorsque l’accident ou l’incident est survenu hors
de l’espace aérien français à un aéronef immatriculé en France ou exploité par une personne physique ou
morale ayant en France son principal établissement ou son siège statutaire, la déclaration est faite sans retard
au BEA par l’exploitant de l’aéronef, le président de l’aéro-club dont dépend l’aéronef ou le propriétaire de
l’aéronef».
938
Voy. par exemple pour la France l’article 1er du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des
épaves maritimes modifié par le décret n° 85-632 du 21 juin 1985 et l’article L142-2 du Code de l’aviation
civile.

310
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

et ses règles nationales. Cela explique l’absence d’une convention internationale spécialisée
en la matière. De manière indirecte, certaines règles relatives aux épaves aériennes sont
fournies dans les annexes de la convention de Chicago. En vertu de l’annexe 13 de la
convention de Chicago, l’Etat du lieu de l’accident, principal responsable de l’enquête, a le
droit de contrôler l’épave et d’y accéder de manière illimitée pendant l’enquête 939. Ces
mesures sont reprises en droit français dans le Code de l’aviation civile qui établit les
pouvoirs des enquêteurs 940. Aucune autre obligation n’est prévue pour les Etats
d’immatriculation à l’annexe 13. Plus étonnante encore à cet égard est l’annexe 12, relative
aux recherches et au sauvetage. L’article 4.5 du chapitre 4, recommande en effet que les
épaves aériennes dangereuses soient enlevées et, en général, prises en charge par l’Etat
territorial ou, lorsque l’accident a eu lieu en haute mer ou dans un espace non soumis à une
souveraineté, par l’Etat désigné comme responsable pour les recherches et le sauvetage dans
la région internationale concernée. L’Etat d’immatriculation n’est aucunement mentionné.
433. De même, pour l’ensemble des pays communautaires, la directive 94/56/CE du
Conseil, du 21 novembre 1994, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes
sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile et le règlement 2320/2002 du Parlement
européen et du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à l'instauration de règles communes dans
le domaine de la sûreté de l'aviation civile, reprennent les mêmes règles et déterminent les
obligations des Etats membres sur le territoire desquels un accident s’est produit. La directive
prévoit que les mêmes obligations incombent à l’Etat (membre) d’immatriculation lorsque
l’accident a lieu en dehors du territoire communautaire et que les enquêtes ne sont pas
effectuées par un autre Etat, et à l’Etat de nationalité de l’exploitant pour les incidents graves
et selon les mêmes conditions 941. A la fin de l’enquête, l’épave doit être remise à tout ayant
droit, désigné par l’Etat d’immatriculation ou de nationalité de l’opérateur 942.

939
Annexe 13 de la convention de Chicago, chapitre 5, article 5.6 et chapitre 3, article 3.2.
940
Articles L721-1 à L721-5 du Code de l’aviation civile. Par ailleurs, l’article 722-2 du Code prévoit que
« toute personne physique ou morale qui, dans l’exercice d’une activité régie par le présent code, a
connaissance d’un accident ou d’un incident d’aviation civile est tenue d’en rendre compte sans délai à
l’organisme permanent, au ministre chargé de l’aviation civile ou, le cas échéant, à son employeur selon les
modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. La même obligation s’applique à l’égard de la connaissance d’un
événement au sens de l’article 2 de la directive 2003/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juin
2003 concernant les comptes rendus d’événements dans l’aviation civile ». Cet article est complété par l’article
R741-1 qui prévoit que « [l]e fait par une personne ayant découvert une épave ou un élément d’aéronef de ne
pas faire la déclaration prescrite à l’article R. 722-1 est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 2e
classe ».
941
Article 2 § 2. i) et ii) de la directive 94/56/CE du Conseil, du 21 novembre 1994, établissant les principes
fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile.
942
Chapitre 3, article 3.4 de l’annexe 13 de la convention de Chicago. L’article L721-4 du Code de l’aviation
civile prévoit en ce sens que « [l]es objets ou les documents retenus par les enquêteurs techniques sont restitués
dès lors que leur conservation n’apparaît plus nécessaire à la détermination des circonstances et des causes de

311
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Il semble donc que dans l’état actuel du droit positif aucune obligation concernant les
épaves-aéronefs ne pèse sur l’Etat d’immatriculation, même si de lege ferenda cette solution
est regrettable.

§ 3. Les obligations relatives aux débris spatiaux

434. Les débris spatiaux occupent une place de plus en plus importante dans la doctrine et
la pratique actuelles, leur dangerosité étant très fréquemment soulignée 943. Au début de l’ère
spatiale, la question ne se posait guère. En effet, l’ampleur potentielle du phénomène des
débris dangereux – qui sont aujourd’hui nombreux et qui se déplacent à une vitesse moyenne
de 15 à 20km/h, risquant d’entrer en collision avec des satellites en activité – n’était pas
encore envisagée. Dès les années 80, les discussions se sont toutefois intensifiées et un statut
international des épaves et des débris spatiaux demeurant sur orbite a été recherché944. On a
proposé que les Etats d’immatriculation « se désapproprient » ces objets en faisant une entrée
expresse dans les registres relatifs 945, afin que les autres Etats ou entités puissent les déplacer

l’accident ou de l’incident. La rétention et, le cas échéant, l’altération ou la destruction, pour les besoins de
l’enquête, des objets ou des documents soumis à examen ou à l’analyse n’entraînent aucun droit à indemnité ».
943
Voy., entre autres, PEREK (L.), « Ex facto sequitur lex: Facts which merit Reflection in Space Law in
particular with regard to Registration and Space Debris Mitigation », in Essential Air and Space Law; Space
Law: Current Problems and Perspectives for Future Regulation, BENKO (M.) & SCHROGL (K.-U.) eds.,
Eleven International Publishing, 2005, pp. 29-46; MARCHISIO (S.), « Protecting the Space Environment », in
Proceedings of the forty-sixth Colloquium on the Law of Outer Space, IISL, American Institute of Aeronautics
and Astronautics, 2004, pp. 9-17; WILLIAMS (M.), « Perceptions on the definition of a “launching state” and
space debris risks », in Proceedings of the forty-fifth colloquium on the law of outer space, IISL, American
Institute of Aeronautics and Astronautics, 2003, pp. 280-285; LAFFERRANDERIE (G.), « Space Debris », in
Proceedings of the forty-fifth colloquium on the law of outer space, idem, p. 44-50; BAHRAMI (M.) &
GOLROUNIA (A. A.) & KABIR (A.), « Space Debris, a Status Review and Future Implications »,
in Proceedings of the forty-fourth Colloquium on the Law of Outer Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2002, pp. 294-300 ; FARAMINAN GILBERT (J.-M. de), « Space debris:
technical and legal aspects », in Outlook on space law over the next 30 years : essays published for the 30th
anniversary of the Outer Space Treaty, LAFFERRANDERIE (G.) & CROWTHER (D.) ed., 1997, pp. 305-318.
944
Voy. par exemple le projet d’Instrument international de Buenos Aires sur la protection de l’environnement
contre les dommages causés par les débris spatiaux, adopté par le Comité du droit spatial de l’Association de
droit international en 1994 et cité par le sous-comité juridique COPUOS dans Informations concernant les
activités des organisations internationales relatives au droit spatial, Doc. A/AC.105/C.2/L.231, p. 6 et dans
GOLROUNIA (A. A.) & BAHRAMI (M.), « The draft of the International Law Association for a Convention on
Space Debris (Buenos Aires): can it meet the needs of the 21st century? », in Proceedings of the thirty-ninth
colloquium on the law of outer space, IISL, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 1996, pp. 223-
228; REBILLARD (Y.), « Débris spatiaux : vers une meilleure connaissance et une maîtrise concertée du
problème », RFDAS, vol. 170, n°2, 1989, pp. 213-220, notamment pp. 213-214 sur la définition et nature des
débris spatiaux.
945
Compte tenu des données relatives aux immatriculations communiquées à l’ONU, les objets spatiaux
immatriculés peuvent être classés dans deux catégories: les objets spatiaux fonctionnels (comme les satellites, les
sondes, les véhicules spatiaux et les éléments constitutifs des stations spatiales) d’une part et les objets spatiaux
non fonctionnels ou qui ont cessé de l’être (comme les étages des fusées hors d’usage et les satellites désactivés)
d’autre part. L’immatriculation des objets non fonctionnels provenant d’un lancement est normalement effectuée
par les États qui assurent les services de lancement (il existe actuellement 7 Etats qui assurent de tels services :
les Etats-Unis, la France, la Chine, l’Inde, la Fédération de Russie, l’Israël et le Japon). Voy. Comité des
utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique, sous comité juridique, Pratique des Etats et des

312
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

ou les enlever sans que cela suscite un problème juridique 946. D’autres auteurs ont soutenu
qu’en vertu des principes généraux du droit spatial, contenus notamment dans le traité sur
l’espace, l’Etat d’immatriculation et l’Etat menacé par les débris dangereux devaient être
considérés comme concurremment compétents pour l’enlèvement des épaves spatiales 947.
435. Les préoccupations parallèles de préservation de l’environnement spatial et terrestre
et de sûreté des objets spatiaux et des populations ont fourni les fondements d’un devoir
général de réduction des débris 948. Les législations nationales des puissances spatiales ont
ainsi prévu certaines mesures pour la réduction des débris spatiaux 949. Cette pratique étatique
ne semble pas s’être, pour l’instant, cristallisée en une obligation coutumière, même s’il est
possible qu’une norme coutumière sur le devoir général de réduction de débris spatiaux soit
en train d’émerger 950. Mais il convient de se demander si cette obligation éventuelle pèsera
prioritairement ou exclusivement sur l’Etat d’immatriculation, sur toutes les puissances
spatiales ou sur tout Etat menacé.
436. Tout d’abord, il convient de souligner que la question est, pour partie, hypothétique.
A l’heure actuelle, les solutions techniques permettant l’enlèvement des débris spatiaux en
orbite sont très restreintes, quoiqu’en pleine évolution951. Le problème n’est dès lors pas
uniquement de définir qui doit s’acquitter de l’obligation mais également qui a la capacité de
le faire et, le cas échéant, comment cette obligation doit être « partagée » entre les différents
acteurs. On a soutenu que, s’agissant des débris spatiaux, une « responsabilité commune mais
différenciée » devait être établie, selon laquelle ceux qui sont responsables dans une large

organisations internationales concernant l’immatriculation des objets spatiaux, Document d’information du


secrétariat, A/AC.105/C.2/L.255, 25 janvier 2005, §§ 22 et 25.
946
CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit. note 131, p. 509.
947
Dans ce sens CHRISTOL (C. Q.), « Jurisdiction and Control : Permissible Unilateral Responses to Dangerous
Space Debris », in Air and space law in the 21st century, Mélanges offerts à K.H Bockstiegel, Carl Heymanns
Verlag KG, 2001, p. 309 et du même auteur « Protection Against Space Debris – the Worst Case Scenario », in
Proceedings of the forty-third Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and
Astronautics, 2001, pp. 353-354.
948
Rapport COPUOS, Examen du concept d’ « Etat de lancement », Doc. A/AC.105/768, 21 janvier 2002, pp. 8
et 21.
949
JASENTULIYANA (N.), « Space Debris and International Law », Journal of Space Law, vol.26, n°2, 1998,
pp. 152-157; Rapport du Sous-comité juridique (du COPUOS) sur les travaux de sa quarante-huitième session,
A/AC.105/935, 20 avril 2009, partie IX: « Echange général d’informations sur les mécanismes nationaux relatifs
aux mesures de réduction des débris spatiaux », § 148-162. Voy. également à titre d’exemple la loi française
2008-518 relative aux opérations spatiales, article 5 : « Les autorisations délivrées en application de la présente
loi peuvent être assorties de prescriptions édictées dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de
la protection de la santé publique et de l’environnement, notamment en vue de limiter les risques liés aux
débris spatiaux ».
950
Dans ce sens voy. MEJIA KAISER (M.), « Informal Regulations and Practices in the Field of Space Debris
Mitigation », Air and Space Law, n°1, vol.34, 2009, pp. 21-34.
951
Les Américains, par exemple, ont mis au point un capteur optique expérimental basé dans l’espace qui vise à
améliorer la capacité du réseau de surveillance de l’espace extra-atmosphérique SSN (Space Surveillance
Network) pour permettre de détecter les objets de plus petite taille.

313
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

mesure de la situation actuelle et ceux qui ont les moyens d’y remédier devraient prendre des
initiatives dans ce sens 952.
437. Des règles internationales sur le statut de ces épaves et les obligations qui y sont
relatives seront donc indispensables. De telles mesures sont actuellement discutées dans le
cadre de l’IADC (Inter-Agency Space Debris Coordination Committee/Comité de
coordination inter-institutions sur les débris spatiaux), comité technique créé à l’initiative des
Etats-Unis et qui regroupe aujourd’hui les dix principales agences spatiales. Mandaté par les
Nations Unies, il a élaboré des directives internationales concernant la réduction volontaire
des débris. Ce comité n’est certainement pas compétent pour mettre en place des normes
contraignantes à l’égard des Etats d’immatriculation, n’engageant que la bonne volonté des
agences. Ainsi, ce n’est que dans le cadre de l’ONU, notamment grâce aux travaux du
COPUOS et de son sous-comité juridique, que la question pourra être véritablement traitée. Si
les lignes directrices du comité sur la réduction des débris spatiaux ont été adoptées par le
sous-comité scientifique et technique du COPUOS et, ensuite, par l’Assemblée générale 953,
un cadre juridique contraignant n’est toujours pas élaboré.
438. Aucune obligation internationale concrète d’enlèvement des débris spatiaux ou de
notification sur leur existence par l’Etat d’immatriculation n’est donc formulée dans un
instrument contraignant. Certes, la convention de 1972 sur la responsabilité internationale
prévoit la responsabilité absolue de l’Etat de lancement pour les dommages causés à la
surface de la terre ou aux aéronefs en vol et sa responsabilité pour faute en cas de dommage
causé à un objet spatial et son équipage 954, mais les débris spatiaux ne sont pas mentionnés. Il
n’est pas précisé s’ils continuent de constituer des objets spatiaux engageant la responsabilité
de l’Etat de lancement et il y a débat sur la question de savoir si les dommages causés par ces
débris sont inclus dans le champ d’application de la convention 955. Mais même si c’était le
cas, ce ne serait pas suffisant. L’obligation de réparer le dommage causé est indépendante de
l’obligation de prévenir le dommage, c’est-à-dire de réduire, enlever et contrôler les débris

952
Voy. rapport du Sous-comité scientifique et technique sur sa trente-neuvième session, A/AC.105/786, 15
mars 2002, § 125.
953
Documents officiels de l’Assemblée générale, 62ème session, Supplément n°20 (A/62/20), §§ 117-118 et
annexe ; Rapport du Sous-comité scientifique et technique sur les travaux de sa quarante-cinquième session,
A/AC.105/911, 11 mars 2008, §§ 88-93. Sur ce voy. BENKO (M.) & SCHROGL (K.-U.), « The UN Committee
on the Peaceful Uses of Outer Space : Adoption of the Resolution on Enhancing Registration Practice and of the
UNCOPUOS Space Debris Mitigation Guidelines », ZLW, vol. 57, n° 3, 2008, pp. 335-353.
954
Articles II et III de la convention de 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par
les objets spatiaux.
955
Voy., entre autres, JASENTULIYANA (N.), « Space Debris and International Law », op. cit. note 949, p.
142.

314
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

spatiaux. Par ailleurs, on ne sait si une telle obligation concerne tous les Etats de lancement ou
seulement l’Etat d’immatriculation.
439. Il semble néanmoins qu’en l’état actuel des activités et du droit spatiaux, ce risque
est plus ou moins bien contenu et ce malgré l’absence d’instrument juridique spécialisé 956.
Ces dernières années, les Etats ont redoublé d’efforts afin de réduire les débris spatiaux,
notamment en accroissant leur contrôle sur les opérateurs privés des systèmes de
télécommunication spatiaux dont les activités contribuent largement à leur création 957. De
plus, les lignes directrices du COPUOS ont été considérées comme complétant les traités
spatiaux existant afin de promouvoir la confiance dans la sécurité de l’environnement
spatial 958. Même si une obligation internationale de l’Etat d’immatriculation relative au
contrôle et l’enlèvement des débris spatiaux n’a pas encore été formulée et si leurs aspects
juridiques doivent encore être examinés, il n’est pas prématuré de parler d’une cristallisation
d’un devoir général de toutes les puissances spatiales visant à la réduction des débris.

Conclusion de la section

440. Dans l’état actuel du droit international, aucune obligation d’enlèvement des épaves
et des débris dangereux ne pèse spécifiquement sur l’Etat d’immatriculation de l’engin en fin
de vie. Les obligations de l’Etat du pavillon demeurent très légères et ne comportent pas
aucun devoir d’enlever les épaves-navires immatriculés sur leur registre. C’est plutôt la
responsabilité de l’Etat côtier ou du port qui sera engagée « à la suite d’un accident
occasionné en cas de non-signalisation de l’épave dans une zone affectée à la navigation
maritime » 959. Il en va de même pour les épaves-aéronefs. En revanche, les débris spatiaux
semblent faire naître un devoir général d’enlèvement, mais qui pèserait sur l’ensemble des
Etats spatiaux. Dans la pratique, il est plus opportun de prévoir le droit de tous les Etats
intéressés/menacés d’enlever les épaves plutôt qu’une obligation relevant de la seule
responsabilité de l’Etat d’immatriculation. De lege ferenda cependant, les Etats procédant à

956
Pour cette raison la délégation américaine a avancé en 2004 l’idée qu’il serait prématuré pour le sous-comité
juridique du COPUOS de considérer les aspects juridiques des débris spatiaux. Voy. le rapport du Sous-comité
juridique, Vienne, 29 mars-8 avril 2004, UN Doc. A/AC.105/826, p. 21 § 125. Voy. aussi dans ce sens
MIRMINA (S. A.), « Reducing the Proliferation of Orbital Debris : Alternatives to a Legally Binding
Instrument », op. cit. note 908, p. 652; l’auteur affirme qu’il est improbable que le sous-comité s’accorde sur des
obligations juridiques à l’égard des débris spatiaux dans le futur immédiat.
957
Rapport du Sous-comité juridique (du COPUOS) sur les travaux de sa quarante-huitième session,
A/AC.105/935, 20 avril 2009, § 156.
958
Rapport du Sous-comité juridique (du COPUOS) sur les travaux de sa quarante-sixième session,
A/AC.105/891, 2 mai 2007, § 24.
959
REZENTHEL (R.), « Le régime des épaves maritimes », op. cit. note 911, p. 203.

315
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

cet enlèvement devraient pouvoir se retourner vers l’Etat d’immatriculation et exiger sa


coopération – financière ou autre.

Conclusion du premier chapitre

441. La « nationalité » des engins permet à l’Etat d’immatriculation d’imposer ses règles
et ses sanctions à l’égard du véhicule et de ses usagers (propriétaires, exploitants, gérants,
mais également membres de l’équipage et personnes assumant le risque de la cargaison),
c’est-à-dire, finalement, à l’égard de l’ensemble organisé. A ces fins, le devoir général
d’exercice de juridiction/contrôle se décompose en un grand nombre d’obligations
internationales précises prévues par le droit de la mer, de l’air et de l’espace. Malgré la
création d’un cadre juridique relativement complet, plusieurs obligations, notamment en ce
qui concerne la protection de l’environnement, n’ont pas encore acquis une nature
suffisamment contraignante. Leur mise en œuvre s’avère ainsi souvent inefficace.
442. Notamment dans le droit de la mer, il est possible – mais pas certain ni inévitable960
– que les pays de libre immatriculation ne contrôlent pas effectivement les navires de leur
« nationalité » et que ces derniers ne se conforment pas aux normes prévues par les
instruments internationaux. Le laxisme de ces pays, souvent dénoncé, est tenu pour
responsable des accidents maritimes. Etant donné que l’attribution d’une « nationalité »
effective fondée sur un lien substantiel ne peut pas être considérée comme une obligation
internationale, les Etats du pavillon ne sont liés que par les obligations concrètes découlant du
rattachement. S’il est dès lors nécessaire de renforcer certaines de ces obligations, cela ne
saurait constituer une panacée contre les navires « sous-normes ». Force est de constater que
les pays de libre immatriculation les plus importants ratifient les conventions techniques de
l’OMI, et qui plus est assez rapidement. Ces conventions sont dès lors applicables à plus de
90% de la flotte de commerce mondiale. Dans leur grande majorité elles permettent à l’OMI
de modifier les règles techniques, contenues dans les annexes mais ayant même valeur
juridique obligatoire, par la « procédure d’amendement par acceptation tacite », sans donc
réunir une conférence internationale afin d’adopter un texte qui devra être ratifié par les Etats.

960
Voy. ARGIROFFO (E.), « L’OIT face au problème des pavillons de complaisance et des navires ne
répondant pas aux normes acceptées », Revue internationale du travail, vol.110, 1974, p. 486, où l’auteur
affirme d’une part que les bâtiments qui arborent un pavillon de complaisance sont souvent modernes et équipés
des dispositifs de sécurité les plus récents et d’autre part que leur équipage est compétent et jouit de conditions
de travail et de vie satisfaisantes ; ainsi que MATLIN (D. F.), « Re-evaluating the status of flags of convenience
under international law », op. cit. note 416, p. 1053, où l’auteur explique qu’à partir des années 1980 les
statistiques ont indiqué une baisse des taux d’accidents causés par des navires de nationalité panaméenne ou
libérienne tandis que ceux des Etats-Unis ou du Royaume-Uni sont restés stables.

316
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Ces deux caractéristiques semblent conférer un pouvoir considérable à l’OMI, ce qui est assez
surprenant étant donné que les accidents de pollution ne semblent pas diminuer pour autant 961.
443. De manière générale, qu’il s’agisse du droit maritime international ou du droit aérien,
le cadre normatif mis en place semble assez adéquat. Ce n’est pas tant son renforcement –
pourtant souhaitable – qui comblera l’inefficacité éventuelle de son application, mais les
solutions alternatives, relatives notamment à la mise en cause de la responsabilité de l’Etat
d’immatriculation ou à l’atténuation de sa prépondérante globale dans le droit international.
En revanche, le régime des obligations de l’Etat d’immatriculation dans le droit spatial doit
être développé. Si ses lacunes ne sont pas encore manifestes, étant donné le stade d’évolution
de l’industrie spatiale, elles le seront dans l’avenir. Des obligations analogues à celles prévues
par les droits maritime et aérien devront donc être stipulées.

961
Voy. sur ce MORIN (M.), « La prévention et la lutte contre la pollution par les navires de commerce », op.
cit. note 58, p. 178.

317
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

318
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

CHAPITRE 2
L’obligation d’indemnisation ou la responsabilité « propre » 962 de l’Etat
d’immatriculation.

444. Selon le groupe consultatif des Nations Unies sur l’application des instruments par
l’Etat du pavillon (FSI), il existe une « responsabilité de l’Etat pour tout ce qui concerne les
navires qui ont sa nationalité (autrement dit, c’est l’Etat du pavillon qui est responsable au
premier chef de la conformité de ses navires aux prescriptions pertinentes des instruments
internationaux) » 963. Ce même principe est appliqué à l’Etat d’immatriculation des aéronefs et
des objets spatiaux 964. La formulation « responsabilité de l’Etat pour tout ce qui concerne les
engins qui ont sa nationalité » appelle cependant plusieurs clarifications.
445. Une distinction doit être faite pour commencer entre les deux notions parallèles de la
responsabilité telle qu’employée dans la langue française et telle qu’évoquée par le groupe
consultatif : elle comprend tout à la fois une obligation de contrôle et une obligation
d’indemnisation 965. A cet égard, les choses sont plus claires en anglais, qui consacre à cette
double nature de la responsabilité deux termes distincts : responsibility et liability 966.

962
La qualification de la responsabilité internationale de l’Etat du pavillon de « propre » (en comparaison avec la
responsabilité des opérateurs privés) est empruntée à M. KAMTO. [Voy. KAMTO (M.), « La nationalité des
navires en droit international », op. cit. note 103, p. 371].
963
Rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le
droit de la mer, 59ème session , 5 mars 2004, A/59/63, p. 3 ; Voy. également SINGH (N.), « Maritime Flag and
State Responsibility », op. cit. note 744, p. 657 : « c’est le pavillon national maritime qui constitue la première
source de responsabilité étatique par rapport à un navire ».
964
Voy. notamment ICAO Circular Cir-295 LE/2, Guidance on the Implementation of Article 83bis of the
Convention on International Civil Aviation, du 1er février 2003, p. 4 : « Le concept d’immatriculation implique
responsabilité de l’Etat d’immatriculation » et article VII du traité sur l’espace sur la responsabilité de l’Etat de
lancement pour les dommages causés par les objets spatiaux.
965
KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du pavillon », op. cit. note 352, p. 29.
966
Pour une analyse de comment les termes « responsibility » et « liability » sont utilisés en anglais et une
comparaison avec la « responsabilité » telle qu’utilisée en français, espagnol et les autres langues officielles des
Nations Unies, voy. le rapport de Monsieur BAXTER (Q.) sur la responsabilité des Etats pour les dommages
causés par des activités qui ne sont pas contraires au droit international dans Annuaire de la CDI, vol. II, 1980,
n° 10, p. 247, Documents officiels: A/CN.4/SER.A/1980/ADD.1 (part 1). Le rapporteur remarque toutefois que
les deux termes sont le plus souvent utilisés en anglais de manière interchangeable. Selon M. KERREST, il y a
un certain intérêt, pour les francophones, de distinguer entre la responsabilité-obligation de contrôle
(responsibility) et la responsabilité-obligation d’indemnisation (liability), mais le terme « responsabilité » en
français englobe ces deux notions. Voy. KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du fait des activités
privées en droit de la mer et en droit spatial », in Convergencias y divergencias de los regímenes jurídicos del
espacio ultraterrestre y de determinados espacios marinos, FARAMINAN GILBERT (J. M.) et MUNOZ
RODRIGUEZ (M.C.) coord., Servicio de Publicaciones de la Universidad de Jaén, 2008, pp. 4-7. Voy.
également PINTO (M. C. W.), « Reflections on international liability for injurious consequences arising out of
acts not prohibited by international law », NYIL, vol. XVI, 1985, pp. 28-31, sur « liability, responsibility and the
United Nations Convention on the Law of the Sea ». Enfin, dans son avis consultatif du 1er février 2011, la
Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins du TIDM distingue entre « responsibility »
et « liability », tels qu’ils sont employés dans les articles 139 et 235 de la convention de Montego Bay.
Globalement, la Chambre considère que le premier terme se réfère à l’obligation primaire, alors que le second à

319
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

L’obligation de contrôle des Etats d’immatriculation a déjà été examinée dans le cadre de
leurs obligations internationales découlant du rattachement. Nous nous intéressons désormais
à la seconde notion de la responsabilité, c’est-à-dire celle de la liability, de l’obligation
secondaire d’indemnisation – qui peut être entendue comme une obligation de réparation lato
sensu, lorsque la réparation n’est pas financière. La définition donnée à la responsabilité de
l’Etat du pavillon par le groupe consultatif correspond en revanche plutôt à la première notion
de la responsabilité, dès lors qu’elle vise l’obligation des Etats de veiller à ce que les navires
se conforment aux prescriptions du droit international. Lorsque la responsabilité de l’Etat
d’immatriculation est envisagée en tant qu’obligation d’indemnisation, sa finalité devient plus
claire : plus qu’un mode de régulation des comportements étatiques, elle constitue un mode de
réparation des victimes 967. Cette approche permet de rapprocher la responsabilité pour faute
de la responsabilité objective, leur finalité demeurant la même.
446. Un autre aspect de la phrase « responsabilité de l’Etat pour tout ce qui concerne les
engins qui ont sa nationalité » doit être ensuite clarifié. Cette expression semble considérer
les Etats d’immatriculation comme directement responsables des dommages qui peuvent être
causés par les engins de leur « nationalité », ce qui, en l’état actuel du droit international, n’est
pas acceptable. On se rend dès lors compte d’une certaine contradiction inhérente à toute idée
d’une responsabilité « propre » de l’Etat d’immatriculation : à l’exception du droit spatial et
du régime quelque peu particulier de la « Zone » 968, il n’existe dans aucune autre branche du
droit international une responsabilité étatique découlant des seuls actes de personnes privées.
La responsabilité internationale est engagée à la suite d’un fait illicite de l’Etat lui-même ou
d’un de ses organes. Les engins privés, contrairement aux engins publics ou de guerre 969, ne
peuvent pas être considérés comme des émanations ou des organes de l’état. De plus, n’ayant
pas de personnalité juridique, tout dommage causé par leurs activités est en réalité imputé aux
acteurs privés faisant partie de l’ensemble organisé : propriétaires, armateurs, opérateurs,
capitaine, équipages… Les dommages causés par les actes de ces personnes privées ne sont
pas imputables à leur Etat de nationalité ni à l’Etat d’immatriculation de l’engin concerné. Il
est donc certain que les activités contraires au droit international des navires battant le

l’obligation secondaire, « à savoir aux conséquences de la violation d’une obligation primaire ». Voy. TIDM,
avis consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, §§ 64-71, notamment § 66.
967
Sur ces deux finalités de la responsabilité JULIEN (J.), « Le concept juridique de responsabilité », in Recueil
des interventions du colloque « Mer et Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, pp. 23-24.
968
Sur l’exception que constitue le droit spatial (article VI du traité sur l’espace) voy. infra §§ 462-463 et § 488.
Voy. également sur le régime mis en place par les dispositions relatives à l’exploration des ressources de la Zone
(article 139 de la convention de Montego Bay et article 4, § 4 de l’annexe III à la Convention), infra § 487.
969
Voy. par exemple article 31 de la convention de Montego Bay intitulé « Responsabilité de l’Etat du pavillon
du fait d’un navire de guerre ou d’un autre navire d’Etat ». Idem article 41 §5 pour les navires et les aéronefs.

320
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

pavillon d’un Etat ou de l’aéronef immatriculé sur son registre, tout comme celles des sociétés
de sa nationalité, ne sont pas attribuées audit Etat, ne faisant pas partie de la « construction
formaliste » de la CDI concernant l’imputabilité 970.
447. Il importe dès lors de souligner que l’expression responsabilité de l’Etat pour tout ce
qui concerne les engins qui ont sa nationalité doit être entendue dans le sens de responsabilité
de l’Etat de « nationalité » de l’engin pour toute violation de ses obligations internationales
découlant de l’immatriculation. Le régime de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation
reste donc en théorie classique : dans le cas de la responsabilité étatique pour faute, c’est le
fait illicite de l’Etat qui engage sa responsabilité et pas celui de l’ensemble organisé. Dans le
cas de la responsabilité étatique objective, qui n’existe actuellement que dans le chef de l’Etat
de lancement pour les dommages causés par les objets spatiaux 971, c’est le haut risque des
activités entreprises et la connaissance par l’Etat de ce risque qui constituent son fondement.
448. Même si le régime de la responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation
semble soumis aux règles classiques du droit de responsabilité, la particularité de sa mise en
œuvre retient l’attention. Pour reprendre les termes de la Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins du TIDM, cette responsabilité résulte d’un manquement à
des obligations « à l’égard desquelles, s’il n’est pas considéré raisonnable de rendre un Etat
responsable de toute violation commise par des personnes relevant de sa juridiction, de
même, il n’est pas non plus jugé satisfaisant de s’en remettre à la simple application du
principe aux termes duquel le comportement de personnes ou d’entités privées n’est pas
attribuable à l’Etat en droit international » 972. Force est de constater toutefois qu’une grande
partie de ces obligations internationales des Etats d’immatriculation sont relativement vagues.
Il suffit de rappeler à ce propos l’obligation principale de l’Etat d’immatriculation, à savoir
l’exercice effectif de sa juridiction /contrôle à l’égard de l’engin de sa « nationalité ». Il s’agit
d’une obligation très générale ; même si elle se décompose en plusieurs devoirs, ces derniers
demeurent souvent imprécis et laissent une grande marge d’interprétation aux Etats. Dès lors,
non seulement le champ éventuel de la responsabilité internationale s’élargit, une grande

970
Dans ce sens JUSTE RUIZ (J.), « Responsabilidad internacional de los estados y danos al medio ambiente :
problemas de atribucion », in La responsabilidad internacional, aspectos de derecho internacional publico y
derecho internacional privado, XIII jornadas de la asociacion espanola de profesores de derecho internacional y
relaciones internacionales, 1989, pp. 117-118.
971
Article VII du traité sur l’espace et article II de la convention sur la responsabilité pour les dommages causés
par des objets spatiaux. La responsabilité objective existe également dans le cas du transport maritime des
hydrocarbures, mais dans ce cas elle ne concerne plus les Etats mais les personnes privées entreprenant les
activités en cause. Elle est donc d’ordre privé, prévoyant la responsabilité objective du propriétaire ou de
l’exploitant de l’engin en cause.
972
Voy. TIDM, avis consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, § 112.

321
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

variété de défaillances pouvant être considérée comme une violation d’une obligation
internationale ; mais encore la probabilité de son engagement diminue, le lien de causalité
entre un accident et la défaillance de l’Etat d’immatriculation devenant difficile à établir973.
Ce lien de causalité est d’autant plus complexe à prouver que la distinction entre fait illicite de
l’Etat d’immatriculation et fait illicite de l’ « ensemble organisé » n’est pas aisée. La plus
grande difficulté sur le terrain de la responsabilité étatique réside en effet dans la distinction
entre dommage causé suite à une violation des obligations étatiques et dommage causé suite à
une violation des obligations des personnes privées impliquées dans les activités de
l’engin, qu’il s’agisse de son propriétaire/exploitant ou de son personnel. Cette distinction
semble facile à établir juridiquement mais elle est loin de l’être matériellement. En somme,
quasiment toute activité illicite « commise » par un engin ou tout accident causé par lui, en
raison de son mauvais état, pourraient potentiellement avoir un lien de causalité avec le
manque de contrôle de l’Etat d’immatriculation et constituer dès lors le facteur déclenchant sa
responsabilité.
449. Ces particularités, combinées à la réticence manifeste des Etats maritimes, aériens et
spatiaux d’accepter les modes de règlement des différends les plus contraignants, conduit
inévitablement à une absence systématique d’invocation de la responsabilité internationale
des Etats d’immatriculation dans le contentieux international (Section I). S’il est vrai que,
diverses formes de responsabilité des opérateurs privés existent afin de réparer les dommages
éventuels causés par les engins et indemniser leurs victimes, ce mécanisme s’avère insuffisant
pour faire face aux catastrophes majeures qui peuvent être causées par leurs activités. Afin de
remédier aux failles manifestes du régime actuel, il convient de réévaluer le rôle des Etats
d’immatriculation en tant que « filets de sécurité ultime » 974 sur le terrain de la responsabilité
pour dommage causé par les engins. Mais dans un monde de plus en plus privatisé où l’Etat
semble désormais en retrait, il devient utopique de rechercher l’efficacité d’un système via
uniquement les relations interétatiques, dépassées par la réalité 975. Il est dès lors nécessaire de

973
Pour une analyse de la notion du lien de causalité dans le droit maritime voy. MONTAS (A.), « La
responsabilité du fait de la mer (étude de la causalité) », in Recueil des interventions du colloque « Mer et
Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, pp. 203-212.
974
Expression employée par VAN DE WOUWER (J.-L.), « Space Law Faces New Challenges », European
Transport Law, vol. 37, n°1, 2002, p. 44. L’auteur utilise cette expression se référant au devenir du régime de la
responsabilité en droit spatial.
975
Dans ce sens, mais en allant beaucoup plus loin – trop loin – voy. HENKIN (L.), « Nationality at the turn of
the century », op. cit. note 48, p. 97. L’auteur souligne : « La nationalité en tant que base de la responsabilité et
de la protection est un reste d’un système inter-étatique qui n’était pas prêt de donner de droits et de moyens à
des entités autres que les Etats, notamment aux individus et aux compagnie ; cette tendance a été retenue par le
monde communiste et dans une certaine mesure par les états socialistes post-coloniaux qui avaient peur de

322
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

renforcer également la responsabilité des opérateurs privés, quitte à attribuer aux Etats
d’immatriculation la charge de s’assurer qu’il existe des mécanismes appropriés pour
l’indemnisation des victimes par les acteurs privés impliqués dans les activités des engins
(Section II).

SECTION I. Les lacunes du régime actuel de la responsabilité « propre » de l’Etat


d’immatriculation

450. La responsabilité internationale, selon les développements récents du droit


international, peut résulter non seulement d’un fait internationalement illicite mais également
des activités que le droit international n’interdit pas976. La seconde a un champ d’action
beaucoup plus réduit, ne pouvant être engagée qu’à la suite de certaines activités précises qui
sont considérées comme à haut risque (§2). En revanche, la responsabilité pour faute,
résultant de la violation par l’Etat d’une obligation internationale, peut être engagée d’une
multitude de manières différentes (§1). Si les formes de responsabilité internationale de l’Etat
d’immatriculation peuvent varier, les intérêts principaux dont la protection est visée par ce
régime sont toujours les mêmes : d’une part ceux de la communauté internationale, se
concrétisant dans la préservation de la sécurité et de la sûreté de la navigation pour les engins
de tous les Etats et dans la protection de l’environnement 977, et d’autre part ceux des victimes
innocentes des activités à haut risque. Mais l’examen parallèle des instruments internationaux
et de la pratique actuelle révèle que la responsabilité internationale de l’Etat
d’immatriculation n’est pas toujours envisagée comme telle et qu’elle n’est guère appliquée.

§ 1. La responsabilité pour faute des Etats d’immatriculation dans les textes et dans la
pratique

451. Si la responsabilité pour faute de l’Etat d’immatriculation est évoquée expressément


dans le droit de la mer et indirectement dans le droit de l’espace et si elle est implicitement
reconnue dans le droit de l’air (A), dans la pratique, on n’envisage quasiment jamais de

perdre leur souveraineté. Nous n’avons plus besoin des conceptions artificielles de la nationalité ni des restes de
la souveraineté » (notre traduction).
976
Pour une illustration voy. CAUBET (C. G.), « Le droit international en quête d’une responsabilité pour les
dommages résultant d’activités qu’il n’interdit pas. », AFDI, 1983, pp. 99-120.
977
Pour une analyse du « fondement conceptuel » de la responsabilité environnementale et une tentative de
répondre à la question de savoir s’il faut l’aborder plutôt en tant que responsabilité pour faute ou, au contraire, en
tant que responsabilité objective voy. BRUN (PH.), « Les fondements de la responsabilité, Rapport français », in
Les responsabilités environnementales dans l’espace européen, point de vue franco-belge, VINEY (G.) &
DUBUISSON (B.) dir., Bruylant, LGDJ, 2006, pp. 17-23.

323
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

poursuivre les Etats d’immatriculation, lorsque des dommages sont causés par les engins de
leur « nationalité » (B).

A. La responsabilité pour faute de l’Etat d’immatriculation telle que prévue par les
instruments internationaux

452. La responsabilité pour faute de l’Etat d’immatriculation est indissociable de la raison


d’être de son rattachement aux ensembles organisés et n’est dès lors pas sujette à débat.
Cependant, son étendue par rapport aux activités des engins peut l’être, dès lors que les
obligations internationales des Etats sont relativement vagues et que le champ d’application
de la responsabilité découlant de leur violation peut donc varier considérablement.
Nonobstant cette observation, la responsabilité pour faute de l’Etat d’immatriculation est
soumise aux principes classiques du droit de responsabilité, même si les conventions du droit
de la mer et de l’espace lui consacrent des développements spécifiques.

i. La responsabilité de l’Etat du pavillon dans le droit de la mer.

453. A priori, tout manquement de l’Etat du pavillon à ses obligations internationales


examinées dans le chapitre précédent doit entraîner l’engagement de sa responsabilité
internationale. D’un point de vue « chronologique », une clarification importante doit être
effectuée. Il convient en effet de distinguer entre la responsabilité qui pourrait découler d’une
immatriculation fautive – si on accepte une telle éventualité – et celle engagée suite à une
violation des obligations internationales de l’Etat du pavillon qui existent en raison du
rattachement. La notion d’« immatriculation fautive » est cependant très restrictive. Les Etats
étant libres de déterminer les critères d’attribution de leur « nationalité », sans tenir compte de
l’exigence d’un lien substantiel, l’immatriculation ne peut être considérée comme fautive que
si elle constitue un « abus de droit » 978. Concernant le premier cas, ce n’est que si l’Etat de
(libre) immatriculation aide ou incite le propriétaire du navire à contourner la législation qui
s’impose à lui, en offrant inconditionnellement son pavillon à ce dernier, qu’on peut
éventuellement y voir une sorte d’abus de droit, notamment du droit de chaque Etat d’octroyer
son pavillon librement selon les conditions qu’il fixe. Cependant, on voit mal comment « la
fraude commise par un particulier pourrait dépouiller un Etat d’une prérogative que le droit

978
Voy. article 300 de la convention de Montego Bay intitulé « Bonne foi et abus de droit » en vertu duquel :
« Les Etats Parties doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la Convention
et exercer les droits, les compétences et les libertés reconnus dans la Convention d’une manière qui ne constitue
pas un abus de droit ».

324
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

international lui reconnaît » 979. L’Etat serait uniquement responsable de ne pas avoir pris
raisonnablement les mesures qui lui auraient permis de s’assurer que l’engin ne poursuit pas
un but illégitime 980. Dans ce sens, l’Etat pourrait également être considéré comme
responsable s’il attribue son pavillon à un navire, alors qu’il sait que cet engin sera utilisé
pour mener des activités illégales – telles le transport de stupéfiants, d’armes ou la pêche
illicite. Mais la preuve d’une telle omission ou d’une telle connaissance semble exclue dans la
pratique.
454. Une autre hypothèse d’« immatriculation fautive » pourrait être celle de la
certification négligente. Lorsque l’Etat accorde le droit de battre son pavillon à un engin qui
ne correspond pas aux standards minimaux de qualification et de certification, il est possible
d’y voir un manquement à ses obligations internationales. Mais cela ne serait possible que si
la certification régulière préalable à l’immatriculation était considérée comme une obligation
internationale de l’Etat d’immatriculation. Tel n’est pas le cas. Certains Etats imposent certes
comme critère d’immatriculation la certification conforme aux normes internationales des
engins, mais il s’agit là d’un choix discrétionnaire et pas d’une obligation internationale.
L’obligation internationale de la certification conforme ne pèse sur l’Etat concerné que par
suite à l’immatriculation. Il s’agit donc d’un manquement aux obligations internationales
découlant de l’immatriculation. L’Etat ne viole pas ses obligations au moment où il attribue
sa « nationalité » à un navire « sous-normes » sans vérifier l’état de navigabilité de l’engin,
mais au moment où il permet à ce navire « sous-normes » qui bat déjà son pavillon de
naviguer. Dans un tel cas, la responsabilité de l’Etat du pavillon peut être engagée, même si la
certification négligente a été effectuée par une société de classification qu’il a reconnue. La
délégation des compétences de certification aux sociétés de classification a pour conséquence
de transférer une partie des pouvoirs de contrôle de l’Etat, mais non sa responsabilité
internationale 981.
455. Outre les hypothèses irréalistes d’immatriculation fautive, les violations des
obligations internationales de l’Etat du pavillon qui peuvent engager sa responsabilité
internationale se concrétisent, principalement, dans trois groupes complémentaires : la
sécurité de la navigation maritime, les dommages à l’environnement 982 et la préservation des

979
VERHOEVEN (J.), « Abus, fraude ou habileté? A propos de l’arrêt Poulsen (CJCE) », op. cit. note 571, p.
417.
980
VAN OMMESLAGHE (P.), « Abus de droit, fraude aux droits des tiers et fraude à la loi », RCJB, 1976, pp.
335-336.
981
Voy. supra § 375.
982
L’obligation internationale générale quant à la préservation de l’environnement marin est celle édictée à
l’article 192 de la convention de Montego Bay (« [l]es Etats ont l’obligation de protéger et de préserver le

325
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

ressources/ lutte contre la pêche illégitime. La responsabilité suite à un manquement aux


obligations relatives à la sécurité de la navigation est à tous égards classique. Sa raison d’être
principale est de préserver la coexistence harmonieuse entre les différents Etats du pavillon.
Dès lors, si les règles prévues par la convention de Montego Bay et, surtout, les conventions
spécialisées de l’OMI ne sont pas respectées par l’Etat du pavillon, sa responsabilité peut être
engagée. En revanche, la responsabilité internationale en cas de dommage causé à
l’environnement marin est expressément évoquée dans la convention de Montego Bay.
L’article 235 se réfère en effet à la responsabilité internationale : « 1. Il incombe aux Etats de
veiller à l’accomplissement de leurs obligations internationales 983 en ce qui concerne la
protection et la préservation du milieu marin. Ils sont responsables conformément au droit
international ». Si les Etats du pavillon ne sont pas explicitement mentionnés, il est évident
qu’ils sont visés par cet article. Il en va de même pour l’article 263 sur la responsabilité
internationale pour les dommages causés par la pollution du milieu marin résultant de
recherches scientifiques marines effectuées par les Etats ou pour leur compte. Le principe de
la responsabilité pour atteinte à l’environnement est ainsi confirmé 984, même si, en vertu du
deuxième paragraphe, l’accent est mis sur la réparation des dommages par le droit interne des
Etats 985. Enfin, dans le domaine de la préservation des ressources halieutiques, les obligations
de l’Etat du pavillon sont beaucoup plus clairement définies et par conséquent sa
responsabilité internationale est plus susceptible d’être engagée 986.
456. Dans les trois cas examinés, le devoir général de l’Etat est le même ; pour que sa
responsabilité soit engagée, il doit donc être démontré qu’il a manqué au devoir de
réglementation et de surveillance qui lui incombe. Ce devoir général, on l’a vu, se décompose

milieu marin »), dont la mise en application par l’Etat du pavillon est prévue dans l’article 217 intitulé
« Pouvoirs de l’Etat du pavillon ».
983
Selon M. VERHOEVEN le pluriel contraste ici avec le singulier utilisé à l’article 192 : VERHOEVEN (J.),
« Milieu marin, perturbations et responsabilité : à propos d’une loi belge du 20 janvier 1999 », op. cit. note 748,
p. 651.
984
Pour les difficultés de la mise en œuvre de la responsabilité pour atteinte à l’environnement et une analyse de
l’article 235 voy. KISS (A.), « La réparation pour atteinte à l’environnement », in Colloque SFDI : La
responsabilité dans le système international, Pedone, Paris, 1990, pp. 227-237. La responsabilité internationale
pour dommage causé à l’environnement peut être examinée également en tant que responsabilité objective, sans
faute, même si cela, nous le verrons, n’est pas encore établi dans les rapports interétatiques.
985
Le § 2 de l’article 263 prévoit en effet : « 2. Les Etats veillent à ce que leur droit interne offre des voies de
recours permettant d’obtenir une indemnisation rapide et adéquate ou autre réparation des dommages résultant
de la pollution du milieu marin par des personnes physiques ou morales relevant de leur juridiction ».
986
L’accord de 1995 sur les stocks des poissons et l’accord du 24 novembre 1993 adopté dans le cadre de la
FAO mettent en place un régime complet d’obligations de l’Etat du pavillon, afin de promouvoir la conformité
aux mesures internationales de conservation et de gestion par les navires de pèche en haute mer. Ainsi, « [l]a
défaillance de l’Etat du pavillon par rapport à ces responsabilités engagent sa responsabilité internationale vis-
à-vis des autres Etats parties à ces accords », comme le soulgne M. KAMTO dans KAMTO (M.), « La
nationalité des navires en droit international.», op. cit. note 103, p. 372.

326
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

en plusieurs obligations plus ou moins précises prévues par les divers instruments
internationaux 987. Mais, ces obligations plus « spécifiques » dont est composé le devoir
précité demeurent – exception faite de celles relatives à la pêche – assez vagues et sont
rédigées d’une manière tellement abstraite que le fait illicite devient difficile à établir988.
Alors qu’un cadre général d’obligations internationales de l’Etat du pavillon est clairement
mis en place par la convention de Montego Bay et les instruments OMI, la mise en cause
concrète de sa responsabilité internationale et de son obligation de réparation reste très vague,
car les standards établis ne sont pas suffisants 989.
457. De plus, l’article 304 de la convention de Montego Bay, intitulé « Responsabilité en
cas de dommage », dispose que « les dispositions de la Convention relatives à la
responsabilité encourue en cas de dommages sont sans préjudice de l’application des règles
existantes et de l’établissement de nouvelles règles concernant la responsabilité en vertu du
droit international ». L’interprétation de cette disposition exceptionnelle n’est pas évidente.
Selon l’analyse de CONDERELLI et DIPLA, il ne peut s’agir que d’une norme « suicidaire »
établissant que les dispositions conventionnelles sur la responsabilité ne s’appliquent pas
lorsqu’elles sont ou deviennent incompatibles avec les règles coutumières. Les auteurs
soulignent que cet article implique que la convention n’a pas voulu établir un régime alternatif
de la responsabilité, applicable en lieu et place des règles coutumières, mais plutôt un régime
complémentaire visant à mieux protéger les Etats des dommages découlant d’utilisations
nuisibles des mers 990. La Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins
du TIDM considère, en revanche, dans son premier avis consultatif que les règles du droit

987
Concernant, par exemple, l’environnement marin, l’article 237 de la convention de Montego Bay renvoie aux
obligations plus précises des autres conventions en stipulant : « La présente partie n’affecte pas les obligations
particulières qui incombent aux Etats en vertu de conventions et d’accords spécifiques conclus antérieurement
en matière de protection et de préservation du milieu marin, ni les accords qui peuvent être conclus en
application des principes généraux énoncés dans la Convention ».
988
Voy. dans ce sens, concernant plus particulièrement les obligations relatives à la lutte contre la pollution
marine, LEBEN (CH.), « Vers un droit international des catastrophes », in Les aspects internationaux des
catastrophes naturelles et industrielles, LEBEN (CH.) & CARON (D.) dir., Académie de Droit Internationale de
la Haye, Martinus Nijhoff, 2001, pp. 89-92.
989
Pour une critique de la convention de Montego Bay concernant la responsabilité internationale de l’Etat du
pavillon pour pollution marine voy. OZCAYIR OYA (Z.), Liability for Oil Pollution and Collisions, LLP, 1998,
pp. 166 et 170.
990
CONDORELLI (L.) & DIPLA (H.), « Solutions traditionnelles et nouvelles tendances en matière
d’attribution à l’Etat d’un fait internationalement illicite dans la Convention de 1982 sur le droit de la mer », in
Le droit international à l’heure de sa codification, Etudes à l’honneur de R. Ago, Milan, 1987, p. 69. Voy. par
exemple l’arrêt Saiga 2 § 169 : « Une réparation peut également être due aux termes du droit international
général, tel que le prescrit l’article 304 de la Convention ».

327
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

international régissant la responsabilité des Etats auxquelles l’article 304 fait référence
complètent celles énoncées dans la convention de Montego Bay 991.

ii. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation dans le droit de l’air

458. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation d’un aéronef n’est pas évoquée telle
quelle dans la convention de Chicago, mais peut théoriquement être engagée en cas de
défaillance du contrôle effectif et de non-adoption des règles nationales que l’engin doit
respecter afin d’être conforme aux standards internationaux 992. La seule mention, elle-même
indirecte, du principe de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation est celle de l’article 83
bis, en vertu duquel, en cas de transfert de certaines fonctions et obligations de l’Etat
d’immatriculation à l’Etat de nationalité ou domiciliation de l’exploitant de l’aéronef : « l’Etat
d’immatriculation sera dégagé de sa responsabilité en ce qui concerne les fonctions et
obligations transférées ».
459. Le régime de la responsabilité étatique est cependant plus flou dans le droit aérien
que dans le droit de la mer. L’Etat d’immatriculation n’est quasiment jamais considéré
comme directement responsable de la violation de ses obligations relatives aux activités de
l’aéronef. Cela est dû à la nature des obligations internationales qui lui sont attribuées, plus
générales encore que celles de l’Etat du pavillon, ainsi qu’à l’importance globale du rôle de
l’Etat d’immatriculation, significativement réduit en raison de la place majeure de la
souveraineté en droit aérien. Les accidents causés par l’aéronef sont donc rarement considérés
comme déclenchant la responsabilité de l’Etat d’immatriculation.
460. Quant à l’hypothèse d’une certification fautive pouvant engager la responsabilité
internationale de l’Etat d’immatriculation, elle est moins envisageable en aviation civile. Les
avions ont de facto une durée de vie moins longue que les navires, ce qui réduit dans une
certaine mesure le risque d’apparition des aéronefs « sous-normes ». L’obligation
internationale de l’Etat d’immatriculation de certifier la navigabilité de l’aéronef inscrit sur

991
Voy. TIDM, avis consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, § 171. La Chambre ne s’intéresse qu’à la
responsabilité de l’Etat qui patronne les activités dans la Zone, mais son interprétation de l’article 304 semble
concerner l’ensemble des dispositions de la convention de Montego Bay.
992
L’obligation internationale violée sera celle contenue dans l’article 12 de la convention de Chicago, et les
standards et pratiques internationaux, auxquels ledit article renvoie, seront ceux contenus dans les annexes de la
convention de Chicago. Pour une affirmation du principe voy. SUCHARITKUL (S.), « Liability and
Responsibility of the State of Registration or the Flag State in Respect of Sea-going vessels, Aircraft and
Spacecraft Registered by National Registration Authorities », The American Journal of Comparative Law: a
quarterly, vol.54, issue supplement, 2006, p. 424.

328
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

son registre existe 993 et sa violation peut, en théorie, engager la responsabilité de cet Etat994.
Mais, dans la pratique, les certificats de navigabilité délivrés de manière négligente par une
société de classification ou par un comité aéronautique sont moins susceptibles d’engager la
responsabilité de l’autorité d’immatriculation.

iii. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation dans le droit de l’espace

461. Dans le droit spatial, la tendance s’inverse. Contrairement à la convention de


Chicago qui n’évoque pas explicitement la responsabilité des Etats, les instruments
internationaux spatiaux visent expressément la responsabilité étatique et établissent un régime
complet de sa mise en cause. Cependant, cette responsabilité n’est pas attribuée explicitement
à l’Etat d’immatriculation des objets spatiaux, mais à l’Etat de lancement.
462. Les articles VI et VII du traité sur l’espace ont été les premières dispositions
contraignantes à régler les questions de responsabilité internationale pour activités spatiales.
En vertu du premier, et il s’agit ici d’une particularité du droit spatial, les Etats doivent
assumer la responsabilité des activités nationales spatiales, qu’elles soient entreprises par des
organismes gouvernementaux ou par des entités non gouvernementales, ces dernières devant
faire l’objet d’une autorisation et d’une surveillance continue 995. En vertu du second, tout Etat
de lancement est responsable des dommages causés par l’objet spatial lancé ou par ses
éléments constitutifs sur la terre, dans l’atmosphère ou dans l’espace extra-atmosphérique à
un autre Etat ou à ses nationaux. La question de savoir quel type de responsabilité ces articles
établissent, c’est-à-dire objective ou pour faute, a fait couler beaucoup d’encre 996. Si l’on a
jugé légitime de prévoir une responsabilité objective de l’Etat de lancement dans le cas où des

993
Il s’agit de l’article 31 de l’annexe 8 de la convention de Chicago qui stipule que « [t]out aéronef engagé dans
la navigation internationale doit disposer d’un certificat de navigabilité délivré ou validé par l’Etat dans lequel
il est immatriculé ». L’article 33 de la même annexe concerne la reconnaissance mutuelle des certificats.
994
Pour une analyse, quoique datée, de la relation entre l’Etat, la société de classification et le constructeur sur le
terrain de la responsabilité pour contrôle de navigabilité de l’aéronef fautif voy. MEYER-ALAUZEN (C.), Essai
sur les problèmes de responsabilité posés par la construction aéronautique civile, LGDJ, Paris, 1964, pp. 24-34
et 98-101.
995
Voy. sur cet article LEE (R. J.), « Liability arising from article VI of the Outer Space Treaty: States, domestic
law and private operators », op. cit. note 478, pp. 216-228.
996
Pour une présentation des différentes thèses soutenues et une prise de position pour la responsabilité pour
faute établie par l’article VII voy. ESPADA GUTIERREZ (C.), La responsabilidad internacional por danos en
el derecho del espacio, Universidad de Murcia, 1979, p. 45 ; La question est demeurée significative, même après
l’adoption de la convention de 1972 qui a apporté les éclaircissements nécessaires, puisque tous les Etats
n’étaient pas forcément parties aux deux conventions. Ainsi, si on acceptait qu’une coutume internationale ne
s’était pas cristallisée à cet égard, la réponse à cette question permettait de savoir si les Etats qui étaient parties
au traité sur l’espace mais non à la convention de 1972 engagaient leur responsabilité pour faute ou leur
responsabilité absolue en cas de dommage causé par « leurs » objets spatiaux. Cependant, les théories sur la
coutume instantanée, ainsi que le fait qu’il n’y a pas une différence majeure entre le nombre des Etats signataires
du traité sur l’espace et ceux de la convention de 1972 (100 contre 90) relativisent l’importance de ce débat.

329
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

victimes innocentes se trouvaient lésées, il fût aussi souligné que les Etats participant aux
activités spatiales devraient connaître et accepter les risques en découlant. Un régime dual de
responsabilité devrait, dès lors, être envisagé.
463. La convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les
objets spatiaux de 1972 est venue compléter le régime existant en prévoyant une
responsabilité objective pour certains dommages et une responsabilité pour faute pour les
autres. Cette dernière, en vertu de l’article III, s’applique aux dommages causés par un objet
spatial, ailleurs qu’à la surface de la terre, à un autre objet spatial ou aux personnes et biens à
bord. En somme, elle concerne essentiellement les collisions des satellites en espace extra-
atmosphérique. La responsabilité pèse sur l’Etat de lancement si le dommage lui est
directement imputable ou s’il résulte d’une action des « personnes dont il doit répondre ». Il
s’agit donc d’un régime classique de responsabilité, étant entendu que l’imputabilité ne
concerne pas uniquement les organes de l’Etat mais également les personnes privées qui
agissent pour son compte et en son nom, c’est-à-dire qui sont sous son contrôle 997. Ces
personnes ne sont cependant pas qualifiées par la convention comme des organes étatiques ;
on peut donc envisager qu’il s’agisse également des propriétaires, opérateurs ou équipage de
l’objet en cause. Le régime mis en place est complété par l’article IV, qui prévoit qu’en cas de
collision survenue dans l’espace extra-atmosphérique entre deux objets spatiaux et ayant
causé un dommage à un Etat tiers, la responsabilité est absolue et solidaire si le dommage est
causé à l’Etat tiers à la surface de la terre ou à un aéronef en vol. Elle est, en revanche, fondée
sur la faute de l’un des deux Etats de lancement, si le dommage est causé ailleurs qu’à la
surface de la terre. Lorsque la responsabilité est solidaire, la charge de réparation est répartie
entre les deux Etats selon la mesure dans laquelle ils étaient en faute ; s’il est impossible de
savoir dans quelle mesure chacun est fautif, la charge de la réparation sera repartie de manière
égale.
464. Plusieurs problèmes juridiques apparaissent à la lecture de l’article III sur la
responsabilité pour faute : le dommage est strictement défini dans l’article I 998, l’Etat de

997
Le principe n’est pas sans nous rappeler l’article 8 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité
internationale des Etats relatif au comportement d’une personne sous le contrôle de l’Etat, même si le
commentaire n’inclut pas des cas similaires à celui examiné. En effet, il n’est pas certain que les activités
spatiales des entités privées soient dirigées sous le contrôle « global » de l’Etat même si, en vertu de l’article III
de la convention de 1972, il semble qu’une telle présomption existe.
998
Voy. LONGO (M.), « Inter-relation Between State and Private Entreprises in the Commercial Activities in
the Outer Space », in Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of
Aeronautics and Astronautics, 2001, pp. 127-128.

330
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

lancement est défini de manière trop large 999 et, surtout, l’Etat d’immatriculation n’est pas
mentionné comme principalement responsable. Par ailleurs, le terme « faute » n’est pas défini.
Il doit, donc, être entendu dans son sens traditionnel, c’est-à-dire comme l’acte d’un sujet qui
« causes the harm intentionally or negligently. Negligence occurs when the agent has acted in
breach of a duty to take care » 1000.
A l’époque de la rédaction de la convention, le concept d’Etat d’immatriculation comme
Etat distinct de l’Etat de lancement, n’était pas nécessaire, les puissances spatiales étant très
peu nombreuses et toutes les activités spatiales restant étatiques. Aujourd’hui, ce n’est plus le
cas. L’immatriculation de l’objet spatial devrait dès lors être expressément considérée comme
le critère le rattachant à un Etat internationalement responsable. Autrement dit, la notion trop
large d’Etat de lancement devrait être remplacée, dans la convention sur la responsabilité, par
celle d’Etat d’immatriculation, de manière à permettre une véritable canalisation (non
exclusive) de la responsabilité. Les solutions alternatives, comme la responsabilité solidaire
des tous les participants ou la participation proportionnelle selon la contribution de chaque
Etat, semblent plus complexes à mettre en œuvre. Cependant, une telle solution a été choisie
par la convention sur la responsabilité, dont l’article V prévoit que « lorsque deux ou
plusieurs Etats procèdent en commun au lancement, ils sont solidairement responsables de
tout dommage que peut en résulter ». L’Etat qui a réparé le dommage peut introduire un
recours contre les autres participants. Par ailleurs, les accords relatifs à la répartition de la
charge financière découlant de la responsabilité solidaire sont permis 1001, mais ne portent pas
atteinte au droit de l’Etat lésé d’obtenir une pleine et entière réparation par l’un quelconque
des Etats de lancement 1002. Il serait plus opportun que le responsable primaire devant
réparation à l’Etat lésé soit l’Etat d’immatriculation de l’objet, qui peut recourir, par la suite,
contre les autres Etats ayant participé effectivement au lancement 1003. La responsabilité

999
Pour une analyse des deux termes tels qu’employés dans la convention de 1972 voy. HURWITZ (B. A.),
State Liability for Outer Space Activities in Accordance with the 1972 Convention on International Liability for
Damage caused by Space Objects, Martinus Nijhoff Publishers, 1992, pp. 12-18 et 21-23 respectivement.
1000
GOLDIE (L. F. E.), « Liability for Damage and the Progressive Development of International Law », ICLQ,
vol.14, 1965, p. 1196; Sur la notion de faute telle qu’employée dans la convention de 1972 voy. FORKOSCH
(M. D.), Outer Space and Legal Liability, Nijhoff, The Hague, 1982, pp. 80-81 ; VAN BOGAERT (E. R. C.),
Aspects of Space Law, Kluwer Law and Taxation Publishers, Deventer, Boston, 1986, pp. 163-168.
1001
Voy. par exemple l’échange des notes constituant un accord relatif à la responsabilité pour les dommages
durant la phase de lancement des satellites Apstar-1, Apstar-2, et Asiasat-2, signé à Beijing le 28 juin 1994,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1892, I-32217, 1995, pp. 370-372.
1002
Article V § 2 de la convention sur la responsabilité internationale pour dommages causés par les objets
spatiaux.
1003
Dans ce sens voy. ESPADA GUTIERREZ (C.), La responsabilidad internacional por danos en el derecho
del espacio, op. cit. note 996, pp. 182-184.

331
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

solidaire ne rentrerait, dans ce cas, en jeu que lorsque l’Etat d’immatriculation ne peut pas
faire face à la demande de réparation.
465. Il est vrai que le régime mis en place constitue une garantie considérable pour les
victimes. La responsabilité solidaire permet d’assurer une indemnisation, puisque plus les
Etats responsables sont nombreux, moins il est probable que la victime n’obtienne pas
réparation. Une canalisation exclusive de la responsabilité internationale sur le seul l’Etat
d’immatriculation peut s’avérer dangereuse. L’hypothèse selon laquelle un Etat qui a les
moyens techniques de mener des activités spatiales est a priori solvable 1004 est vraisemblable,
mais en partie seulement. Il ne faut pas oublier que les premiers indices alarmants d’une
possible évolution vers des « Etats spatiaux de complaisance » ont d’ores et déjà été
soulignés 1005. Si l’Etat d’immatriculation est un « petit Etat au budget très déficitaire » 1006,
choisi par des sociétés-écrans désirant conduire des activités spatiales, son contrôle sur
l’engin, tout comme l’indemnisation des victimes éventuelles seront remis en cause. Pour
prévenir de telles situations, la canalisation de la responsabilité ne doit donc pas être
exclusive. Cependant, nous pensons que l’Etat d’immatriculation devrait être désigné
expressément comme étant prioritairement responsable pour les dommages causés par « ses »
engins spatiaux, les autres responsables – qu’ils soient des entités privées, des Etats de
lancement ou des organisations internationales – demeurant alors solidairement responsables.
Cela permettrait de garantir la protection des intérêts des victimes, tout en rendant
l’imputabilité du dommage beaucoup plus simple que dans la situation actuelle fondée sur la
notion trop large d’Etat de lancement.
466. Même si cette solution semble pertinente, un problème supplémentaire doit être
envisagé. Si le phénomène des « pavillons de complaisance » fut longtemps considéré comme
improbable dans le domaine des activités spatiales, les dissociations entre l’exercice du
contrôle et l’Etat d’immatriculation sont désormais possibles et peuvent conduire à des
problèmes analogues à ceux de la libre immatriculation. Ces phénomènes (cession de satellite
sur orbite, transfert de sa propriété à un étranger etc.), apparus assez récemment sur le terrain
des activités spatiales, sont susceptibles de rendre inefficace le régime envisagé. Dans ce type

1004
Dans ce sens voy. KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du fait des activités privées en droit de la
mer et en droit spatial », op. cit. note 966, p. 17.
1005
A cet égard voy. le très intéressant article LYALL (F.), « Small States, Entrepreneurial States and Space », in
Proceedings of the 49th Colloquium on the Law of the Space, IISL, American Institute of Aeronautics and
Astronautics, 2007, pp. 382-390. L’auteur propose un retour aux notions de « willingness and ability to fulfil
international obligations », afin d’éviter que le phénomène de la complaisance puisse s’imposer dans le domaine
des activités spatiales.
1006
KERREST (A.), « Le rattachement aux Etats des activités privées dans l’espace – réflexions à la lumière du
droit de la mer », op. cit. note 487, p. 136.

332
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

d’hypothèses, afin de garantir que l’Etat financièrement responsable des dommages causés
par l’objet spatial soit bien l’Etat qui exerce son contrôle sur ce dernier deux possibilités se
présentent ; la première constitue une solution au cas par cas : l’Etat de lancement d’origine
peut passer un accord particulier avec l’Etat de nationalité/domiciliation de l’opérateur
prévenant tout recours à son encontre au titre de sa responsabilité internationale et au titre de
la réparation d’un dommage. Cet accord particulier ne serait pas celui prévu par l’article II,
paragraphe 2 de la convention sur l’immatriculation qui ne concerne que « les accords
appropriés conclus entre les Etats de lancement ».
Cette solution a le désavantage de ne pas être uniforme pour tous les Etats spatiaux. Afin
de régulariser cette situation de manière homogène, la possibilité de permettre à un Etat qui
n’a pas directement « procédé » ou « fait procéder » au lancement de devenir l’Etat
d’immatriculation, grâce à une interprétation très large de la notion « Etat de lancement », est
indispensable 1007. Si l’on combine l’interprétation proposée de l’Etat de lancement avec une
canalisation non exclusive de la responsabilité internationale pour dommage causé par un
objet spatial sur l’Etat d’immatriculation plutôt que sur tout Etat de lancement, le lien de
rattachement entre l’Etat et l’engin entraîne, dans tous les scénarios, comme conséquence
juridique la responsabilité internationale du premier, dans son sens d’obligation de réparation
d’un dommage 1008. Le lien établi, de cette manière, entre les articles VI, VII et VIII du traité
sur l’espace serait plus pertinent, portant sur le même Etat. A ces fins, l’Etat approprié évoqué
dans l’article VI serait l’Etat d’immatriculation exerçant ses juridiction/contrôle sur l’objet
spatial selon l’article VIII et étant responsable des dommages causés selon l’article VII.

1007
Voy. supra §§ 54-55 et § 135.
1008
Contra SCHMIDT-TEDD (B.), « How to adapt the present regime for registration of space objects to new
developments in space applications ? », », op. cit. note 142, p. 357, où l’auteur affirme que « la règle une fois
Etat de lancement, toujours Etat de lancement, ne devrait pas être abandonée facilement ». L’auteur envisage
néanmoins le problème du transfert de propriété d’un satellite en orbite, mais ne propose pas de solution à cet
égard. Il se contente de souligner que la référence à l’Etat de lancement crée une attribution des responsabilités
plus claire que celle attribuant la responsabilité à l’Etat de nationalité du propriétaire de l’engin. Une autre
solution, différente de la notre, est proposée dans l’article de LEE (R. J.), « Effects of Satellite Ownership
Transfers on the Liability of the Launching States », in Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the
Space, IISL, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2001, p. 153. L’auteur laisse entendre qu’il
serait intéressant de prévoir la possibilité d’une double immatriculation en cas de transfert de propriété.
Cependant, sa proposition est plus concrète et se fonde sur la nécessité de ne pas attribuer la responsabilité pour
dommage causé par un satellite à seul son Etat de lancement. Il propose un système de responsabilité pour faute
divisant la vie d’un satellite en trois phases de responsabilité : le lancement, pendant lequel l’Etat de lancement,
c’est-à-dire l’Etat territorial ou l’Etat de nationalité de l’opérateur, est responsable ; la période de fonctionnement
du satellite pendant laquelle l’Etat exerçant son contrôle sur le satellite et son opération est responsable pour tout
dommage causé dans l’espace ou sur terre en raison de sa ré-entrée inattendue et la période de fin de vie et de
retrait du satellite pendant laquelle l’Etat qui devait détruire le satellite et ne l’a pas fait serait responsable. Dans
ce dernier cas la responsabilité doit être, selon l’auteur, objective.

333
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

B. La non invocation de la responsabilité pour faute des Etats d’immatriculation dans la


pratique

467. L’étude de la pratique révèle que la responsabilité internationale de l’Etat


d’immatriculation n’est que très rarement, voire quasiment jamais, engagée. Si elle reste un
principe théorique important et indissociablement lié au concept du rattachement des
ensembles organisés aux Etats, sa mise en œuvre est difficile et tend à être évitée. L’Etat
d’immatriculation est en effet le grand absent du contentieux de responsabilité dans le droit
maritime et aérien ; dans le droit spatial, les précédents sont peu nombreux et ne permettent
pas encore d’évaluer la pratique étatique.
468. En ce qui concerne le shipping international, non seulement la violation des
obligations internationales et la responsabilité internationale de l’Etat du pavillon en
découlant ne constituent jamais l’objet d’un recours, mais, plus encore, elles ne sont même
pas envisagées de manière incidente ou indirecte. Et ce, même lorsque les litiges sont
interétatiques et s’y prêtent pourtant. Les rares mentions de cette responsabilité sont
extrêmement laconiques ou alors implicites. La nationalité du navire semble ainsi sans
conséquence juridique pour l’Etat sur le terrain de la responsabilité 1009. Dans le domaine
particulier du droit de l’UE, le principe de la responsabilité de l’Etat est affirmé par la
Cour 1010, mais la compétence communautaire ne concernant qu’un petit nombre d’obligations
de l’Etat du pavillon, la jurisprudence relative se limite aux affaires de pêche 1011 et demeure
étrangère aux questions qui nous intéressent ici. Quant à la jurisprudence nationale, elle
n’envisage pas la question de la responsabilité de l’Etat du pavillon, dès lors que les affaires
portées devant les juges nationaux concernent toujours la responsabilité des opérateurs privés.
469. Dans les affaires de prompte mainlevée, qui constituent la grande majorité des
recours introduits devant le TIDM, nous remarquons que le plus souvent l’Etat du pavillon se
met en retrait derrière l’armateur ou le propriétaire du navire qui présente la demande en son
nom 1012. Mais même quand cela n’est pas le cas, la responsabilité de l’Etat du pavillon pour

1009
Dans ce sens KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit international», op. cit. note 103, p. 371.
1010
L’arrêt CJCE, Francovich et Bonifaci, aff. C-6/90 et 9/90 du 19 novembre 1991, Rec. 6-5403 est l’arrêt de
principe à ce propos ; Sur cette question par rapport au droit de la mer voy. CUDENNEC (A.), « La
responsabilité des autorités publiques en droit communautaire », in Recueil des interventions du colloque « Mer
et Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, pp. 35-50.
1011
L’arrêt CJCE, Brasserie du pêcheur et Factortame, aff. C-46/93 et 48/93 du 5 mars 1996, Rec. I-1929 est
l’arrêt de principe à ce propos.
1012
Voy. par exemple l’affaire du Monte Confurco où l’Etat du pavillon (Seychelles) s’est contenté d’autoriser à
l’armateur de présenter la demande, sans s’impliquer dans la procédure. TIDM, Affaire du Monte Confurco,
République des Seychelles c/ France, 18 décembre 2000.

334
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

les infractions commises par le navire de sa « nationalité » n’est pas véritablement mise en
avant, ni par les défendeurs ni par le Tribunal.
L’attitude du Belize dans l’affaire du Grand Prince 1013 constitue un exemple
caractéristique des limites de la volonté de l’Etat du pavillon d’assumer une responsabilité
internationale. En effet, le Belize a nettement refusé de manifester une quelconque solidarité
d’intérêts avec l’armateur. En l’occurrence, ce n’était, certes, pas la responsabilité de l’Etat du
pavillon qui était examinée ; il n’empêche que certains éléments avancés par le demandeur et
certaines des observations du Tribunal sont indicatifs de leur manière respective de considérer
cette question. Le Belize a autorisé les propriétaires du Grand Prince à introduire une
demande de prompte mainlevée en son nom, en vertu de l’article 292, bien qu’il ait décidé
auparavant la radiation du navire de son registre. Par une note verbale adressée à l’ambassade
de France au Salvador, le ministère des affaires étrangères du Belize avait déclaré qu’étant
donné qu’il s’agissait de la deuxième violation des règles sur la pêche par le Grand Prince, la
sanction imposée était sa radiation du registre bélizien 1014. Or, les autorités du registre
INMARBE ont par la suite autorisé les propriétaires à introduire un recours, en se réservant la
décision d’exécuter ou non la radiation du navire après que le Tribunal eut statué 1015.
Le Belize acceptait donc son rôle d’Etat du pavillon pour les besoins de l’article 292, tout
en déclarant implicitement qu’il ne pouvait pas être tenu responsable des violations commises
par le Grand Prince 1016. Quant au Tribunal, il a relevé que la loi relative à l’immatriculation
des navires marchands au registre du Belize avait été modifiée « dans le but de conférer plus
de pouvoirs au responsable du registre en matière de radiation des navires du registre » 1017.
Et il a souligné qu’il prenait note « des efforts que déploie le Belize pour assumer les
responsabilités internationales qui lui incombent en matière de lutte contre les activités de
pêche illégitime » 1018.

1013
TIDM, Affaire du navire Grand Prince, op. cit. note 525.
1014
Note verbale du 4 janvier 2001, reproduite dans l’affaire, ibidem, § 71.
1015
Lettre du 26 mars 2001, adressée par INMARBE au Consul honoraire de la France au Belize City, reproduite
dans l’affaire, ibid., § 74.
1016
Cf. opinion individuelle du juge TREVES, pp. 2-3, § 2 selon lequel « [l’attitude] du Belize telle qu’elle
émane des documents, ne montre [pas] que l’« immatriculation » était considérée comme impliquant les
conséquences normales de l’immatriculation […]Une « immatriculation » de caractère aussi artificiel que celle
qui pourrait avoir existé pour le Grand Prince, quelle que soit l’appellation qui lui est donnée, ne saurait être
considérée comme une « immatriculation » au sens de l’article 91 de la Convention. Et c’est uniquement la
forme d’immatriculation énoncée dans ledit article qui fait d’un Etat un Etat du pavillon aux fins de l’article 292
de la Convention ».
1017
TIDM, Affaire du navire Grand Prince, op. cit. note 525, § 90 ; La disposition pertinente stipule notamment
que si le navire entreprend des activités en violation des conventions internationales auxquelles le Belize est
partie, le responsable peut le radier du registre.
1018
Ibidem, § 91.

335
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

470. La question de la responsabilité internationale de l’Etat du pavillon est à peine


envisagée : la remarque du Tribunal laisse entendre que, si de tels efforts ne sont pas
déployés, il pourra éventuellement intervenir. Rien de plus. Une certaine prise de position
dans le même sens peut être trouvée dans l’affaire Hoshinmaru 1019 dans laquelle le Tribunal
« note que le Japon exprime le souhait de continuer à tenter de faire en sorte que les
équipages des navires de pêche battant son pavillon respectent les lois et règlements
nationaux » 1020. Nous remarquerons, néanmoins, le caractère vague et non contraignant des
termes prudents utilisés : le Tribunal «note » l’expression d’un simple « souhait » de la part
de l’Etat du pavillon. La référence la plus claire, qui reste néanmoins indirecte, à la potentielle
responsabilité de l’Etat du pavillon se trouve dans son raisonnement dans l’affaire Saiga 2. Le
Tribunal observe que « le but des dispositions de la Convention relatives à l’exigence d’un
lien substantiel entre un navire et l’Etat dont il bat le pavillon est d’assurer un respect plus
efficace par les Etats du pavillon de leurs obligations, et non d’établir des critères
susceptibles d’être invoqués par d’autres Etats pour contester la validité de l’immatriculation
de navires dans un Etat du pavillon » 1021. Cependant, si la nécessité du respect des obligations
internationales de l’Etat du pavillon est affirmée, rien n’est précisé sur sa responsabilité
éventuelle en cas de violation.
Dans l’affaire Volga opposant la Russie à l’Australie 1022, le défendeur a insisté sur la
gravité des infractions commises par le navire du demandeur, qui avaient trait à la
conservation des ressources halieutiques dans la ZEE. Selon lui, le caractère grave de
l’infraction, révélé notamment par les sanctions prévues par la loi australienne qui met en
place un système de responsabilité objective en cas de pêche illégitime, appuyait sa thèse
selon laquelle la caution fixée pour la mainlevée de l’immobilisation du navire et la libération
des membres de l’équipage était raisonnable 1023. Le Tribunal n’a pas insisté sur cet aspect de
la question, qui pourrait conduire à une affirmation implicite de la responsabilité
internationale de l’Etat du pavillon pour défaut de surveillance d’un navire exerçant une pêche
illégale. Il a souligné que la gravité des infractions commises ne l’intéresse que dans la
mesure où elles constituent un des facteurs dont il faut tenir compte afin d’évaluer si la

1019
TDIM, Affaire du navire Hoshinmaru, Japon c/ Fédération de Russie, 6 août 2007.
1020
Ibidem, § 98.
1021
Arrêt Saiga 2, § 83.
1022
TIDM, Affaire du navire Volga, Fédération de Russie c/ Australie, 23 décembre 2002.
1023
Ibidem, § 67.

336
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

caution fixée était raisonnable au sens de l’article 292 de la convention 1024. Toute évocation
d’une quelconque responsabilité étatique ou privée est ainsi évitée.
Le Tribunal a adopté la même position dans l’affaire Juno Trader 1025 où il a affirmé que
« ce n’est que par rapport aux sanctions imposées ou imposables au titre de la législation de
l’Etat ayant procédé à l’immobilisation que le Tribunal peut évaluer la gravité des infractions
alléguées 1026», après avoir néanmoins noté que la Commission interministérielle d’inspection
maritime avait déterminé que « le Juno Trader s’était rendu coupable d’infractions à la
législation bissau-guinéenne en matière de pêche 1027», mais sans commenter l’indication du
défendeur selon laquelle « la pêche illégale, non réglementée et non déclarée dans la ZEE
bissau-guinéenne a conduit à un épuisement considérable de ses ressources halieutiques »
1028
.
471. De manière générale, la notion de la responsabilité de l’Etat du pavillon n’est utilisée
par le TIDM que dans son premier sens, c’est-à-dire en tant qu’exprimant une obligation de
contrôle et non une obligation d’indemnisation ; elle n’est donc envisagée que comme un
moyen de régulation du comportement étatique, mais non comme un moyen de réparation des
dommages causés aux victimes. Cette absence systématique d’invocation de la responsabilité
internationale est tout à fait compréhensible. L’objectif de l’article 292 est extrêmement limité
et le Tribunal n’est compétent que pour se prononcer sur la prompte mainlevée. Elle est,
néanmoins, indicative d’une tendance générale des Etats aussi bien que de la justice
internationale à ignorer cet aspect du droit international de la mer.
472. Si on raisonne dans un cadre plus général, en s’éloignant de l’article 292, d’autres
raisons expliquent cette tendance à ignorer la responsabilité internationale de l’Etat
d’immatriculation. Les difficultés de sa mise en œuvre, qu’elles soient dues aux immunités
étatiques ou à l’inefficacité de la justice internationale, n’expliquent le phénomène que pour
partie. La réticence des Etats à engager la responsabilité d’un autre Etat pour des activités
semblables à celles entreprises par leurs propres navires et la structure globale des instruments
internationaux relatifs aux obligations de l’Etat du pavillon complètent cette explication. Par
ailleurs, la responsabilité civile des opérateurs privés semble être une solution pratique et
réaliste, plus facile à mettre en œuvre et répondant aux mêmes besoins que la responsabilité
internationale. Les Etats occidentaux se sont notamment montrés prêts à négocier et signer

1024
Ibid., § 69.
1025
TDIM, Affaire du navire Juno Trader, op. cit. note 534, 2004.
1026
Ibidem, § 89.
1027
Ibid., § 86.
1028
Ibidem, § 87.

337
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

des conventions internationales sur la responsabilité civile, mais n’ont en aucun cas voulu
assumer une obligation étatique d’indemniser les victimes des dommages causés par des
activités privées, même si ces dernières étaient à haut risque 1029.
473. Nous pouvons constater également concernant le droit de l’air une absence complète
de contentieux internationaux mettant en cause la responsabilité de l’Etat d’immatriculation.
Aucun précédent remettant directement en cause la responsabilité de l’Etat d’immatriculation
en cas de dommage causé par un aéronef civil ne peut être signalé 1030. En ce qui concerne une
certification négligente des aéronefs, il n’y a aucune affaire de ce genre qui ait été portée
devant une juridiction internationale et la jurisprudence nationale demeure rare et ambiguë. Le
jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis dans US v. SA Empresa de Viacao Aerea Rio
Grandese (Varig Airlines) et al et US v. United Scottish Insurance Co et al de 1984 relatif à
cette question, s’agissant d’une action contre les autorités de certification pour négligence
ayant causé la perte des vies humaines en fournit une illustration. Les demandeurs se
fondaient sur la Federal Tort Claims Act qui autorise la mise en cause de la responsabilité des
Etats-Unis pour des dommages causés par la négligence des employés du gouvernement.
Cependant, la Cour a estimé que cette certification tombait sous une exception prévue par
l’acte, relative à l’exercice d’une fonction discrétionnaire, et a acquitté le gouvernement
américain 1031. En revanche, dans une affaire de 1991 Swanson & Others v. R, la Cour fédérale
d’appel du Canada a confirmé la décision de la première instance qui condamnait la Couronne
pour avoir violé ses obligations envers les passagers de l’aéronef de sa « nationalité » ; les
demandeurs se retournaient en effet contre l’Etat canadien au nom des passagers morts lors
d’un crash aérien en invoquant la négligence de son agent, Transport Canada, qui était
l’autorité désignée en matière de transport aérien commercial.
474. En ce qui concerne les dommages causés par les objets spatiaux, la responsabilité
pour faute d’un Etat d’immatriculation ou d’un Etat de lancement n’a jamais été engagée
jusqu’à présent. La collision entre un satellite russe hors usage et un satellite commercial
américain appartenant à la société Iridium en février 2009 pourrait cependant constituer un
précédent important dans ce sens. Si cette collision, qui a causé la destruction complète du

1029
Pour une analyse de cette attitude des Etats occidentaux concernant particulièrement la responsabilité pour
pollution par hydrocarbures et, plus généralement, pour dommage environnemental voy. GEHRING (T.) &
JACHENTFUCHS (M.), « Liability for Transboundary Environmental Damage: Towards a General Liability
Regime? », EJIL, vol 4, n°1, 1993, p. 98.
1030
Voy. GUILLAUME (G.), « Les affaires touchant au droit aérien devant la Cour internationale de justice », in
Air and space law in the 21st century, Mélanges offerts à K.H Bockstiegel, Carl Heymanns Verlag KG, 2001, pp.
75-87.
1031
Affaire citée et analysée dans UNMACK (T.), Civil Aviation : Standards and Liabilities, op. cit. note 845,
pp. 97-98.

338
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

satellite opérationnel d’Iridium, était accidentelle, la responsabilité de la Russie ne pourrait


pas être engagée. Mais si les enquêtes entreprises établissent que l’incident aurait pu être évité
et qu’il est dû à la négligence russe 1032, il serait alors possible pour le gouvernement
américain de se fonder sur l’article III afin de réclamer une indemnisation pour le dommage
causé au satellite 1033. Cependant, une telle négligence n’est pas facile à prouver 1034. De plus,
les enjeux d’une collision dans l’espace concernant moins l’opinion publique que ceux de la
chute des débris, il n’est pas certain que les Etats concernés, en l’occurrence la Russie, soient
aussi enclins à négocier et à trouver un règlement que dans l’hypothèse de dommage causé à
la surface de la terre. En effet, aucune demande de réparation n’a été présentée par les Etats-
Unis ou la Russie, jusqu’à présent. Cela signifie qu’aucune action ne sera engagée dans le
cadre de la convention de 1972, dès lors que son article X, § 1, prévoit qu’une demande de
réparation doit être présentée par l’Etat victime dans un délai d’un an à partir de la date du
dommage.

§ 2. La responsabilité objective de l’Etat d’immatriculation dans les textes et dans la pratique

475. La responsabilité objective ou absolue 1035, qui correspond en réalité à une obligation
internationale de réparation du dommage causé 1036, constitue une mutation dans le droit

1032
La « ordinary negligence » est considérée comme constituant une « faute » dans le sens de l’article III de la
convention de 1972. Voy. FORKOSCH (M. D.), Outer Space and Legal Liability, op. cit. note 1000, pp. 80-81.
1033
La doctrine s’était déjà posée la question de ce qui se passerait dans un tel scénario. Pour une analyse d’un
cas fictif de collision entre deux satellites voy. LEE (R. J.), « Effects of Satellite Ownership Transfers on the
Liability of the Launching States », op. cit. note 1008, p. 150. Pour une analyse du cas précis de la collision de
2009 voy. KERREST (A.), « Actualités du droit de l’espace : la responsabilité des Etats du fait de la destruction
de satellites dans l’espace », AFDI, n°55, 2009, pp. 618-622.
1034
M. KERREST souligne que la démonstration d’une faute dans de tels cas de figure est difficile et que
l’existence de « lignes directrices non contraignantes relatives à la réduction des débris spatiaux » pourraient
être d’une certaine utilité (voy. à ce propos les lignes directrices relatives à la réduction des débris spatiaux du
sous-comité scientifique et technique du COPUOS adoptées en 2007 et approuvées par l’assemblée générale des
Nations Unies : Rapport du comité à l’AG de l’ONU, 62ème session, supplément n°20, A/62/20 annexe). L’auteur
note cependant que les lignes de conduite n°3 « Limiter les risques de collision accidentelle en orbite » et n°6
« Limiter la présence prolongée d’engins spatiaux et d’étages orbitaux de lanceurs dans la région de l’orbite
terrestre basse après la fin de leur mission » qui pourraient être utilisées dans le cadre de la collision de 2009 sont
« impécises et seraient d’assez peu d’utilité ». KERREST (A.), « Actualités du droit de l’espace : la
responsabilité des Etats du fait de la destruction de satellites dans l’espace », op. cit. note 1033, pp. 619-620 et
623-624.
1035
Pour une analyse de chacun de ces termes et une différenciation possible entre les deux voy. BARBOZA (J.),
« La responsabilité causale à la Commission du Droit International », AFDI, vol. 34, 1988, pp. 513-514. L’auteur
propose le terme « responsabilité causale » pour dénommer celle qui tient compte uniquement du rapport entre
acte et résultat afin de faire naître l’obligation de réparer les préjudices causés par les activités concernées.
1036
Pour certains auteurs en effet la responsabilité absolue n’est pas une véritable responsabilité, dès lors qu’il
n’y a pas de fait internationalement illicite, mais plutôt une obligation de garantie ou encore une obligation de
réparation. Voy. QUADRI (R.), « Cours général de Droit International Public », RCADI, t. 113, 1964, pp. 461-
465 ; ESPADA GUTIERREZ (C.), La responsabilidad internacional por danos en el derecho del espacio, op.
cit. note 996, p. 127. Nonobstant la terminologie, nous entendons ici comme responsabilité objective ou absolue
dans les rapports interétatiques l’obligation des Etats de réparer les dommages causés suite à des activités à

339
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

classique de la responsabilité et va de pair avec la notion de responsabilité pour les dommages


résultant d’activités que le droit international n’interdit pas 1037, même si les deux notions ne
sont pas forcément synonymes 1038. Si son fondement théorique a été difficile à établir, dès
lors qu’il n’y a pas forcément, de la part de l’Etat, de violation d’une obligation internationale,
sa nécessité est néanmoins incontestable 1039. Ainsi, la notion de risque est venue combler le
vide laissé par l’absence d’une illicéité apparente. En effet, « c’est parce que le risque est
statistiquement certain et catastrophique dans ses conséquences que le problème de
responsabilité pour les activités non interdites a une importance fondamentale en droit
international » 1040. Cette responsabilité n’a été largement admise que par les droits nationaux,
ainsi que par divers instruments internationaux relatifs à la responsabilité civile de l’exploitant
ou du propriétaire d’un engin 1041. Le juge communautaire a également reconnu le principe,
quoiqu’avec une grande prudence 1042. En revanche, dans le droit international public, la
situation est beaucoup moins claire.

(haut) risque non interdites par le droit international entreprises sur leur territoire ou sous leur juridiction et
contrôle.
1037
La CDI fut chargée de codifier la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables
découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international et a commencé ses travaux en 1978. En
1997, il a été décidé de diviser le projet en deux : la question de la prévention des dommages transfrontières
résultant d’activités dangereuses et celle de la responsabilité internationale en cas de perte causée par un
dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses. Voy. rapport de la CDI sur ses travaux de sa
quarante-neuvième session, Doc. A/52/10, 1997, p. 60 ; Rapport de la CDI sur ses travaux de sa 53ème session,
op. cit. note 739, pp. 393 et s. ; Rapport de la CDI sur ses travaux de sa 58ème session, op. cit. note 331, pp. 104
et s.
1038
Voy. AKEHURST (M.), « International liability for injurious consequences arising out of acts not prohibited
by international law », NYIL, vol. XVI, 1985, pp. 3-16, qui distingue entre « false cases of liability sine delicto »
et « true cases of liability sine delicto ».
1039
Pour les premières tentatives d’établir un tel type de responsabilité voy. JENKS (C. W.), « Liability for
Hazardous Activities », RCADI, t. 117, vol. 1, 1966, pp. 102-200 ; GOLDIE (L. F. E), « Liability for Damage
and the Progressive Development of International Law », op. cit. note 1000, pp. 1189-1264; DUPUY (P.-M.), La
responsabilité internationale des Etats pour dommages d’origine technologique et industrielle, Pedone, Paris,
1976.
1040
CAUBET (C. G.), « Le droit international en quête d’une responsabilité pour les dommages résultant
d’activités qu’il n’interdit pas », op. cit. note 976, p. 105.
1041
Habituellement, en cas de dommage significatif, c’est à l’exploitant de l’installation qu’est imputée la
responsabilité. Mais dans le cas des navires, l’obigation de réparer incombe au propriétaire de l’engin, en vertu
de la convention de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
1042
Pour la responsabilité sans faute de la Communauté voy. CJCE, Dorsch Consult, affaire C-237/98 du 15 juin
2000, Rec. 2000, p. I-4549, § 18 : « dans l’hypothèse où le principe de la responsabilité de la Communauté du
fait d’un acte licite devrait être reconnu en droit communautaire, l’engagement d’une telle responsabilité
supposerait, en tout état de cause, l’existence d’un préjudice anormal et spécial. » Voy. aussi en matière
maritime TPI, Area Cova e.a., affaire T-196/99 du 6 décembre 2001, Rec. 2001, p. II-3597, § 171 : « dans
l’hypothèse où le principe d’une responsabilité sans faute devrait être reconnu en droit communautaire, celle-ci
supposerait, en tout état de cause, que trois conditions soient cumulativement remplies, à savoir la réalité du
préjudice prétendument subi, le lien de causalité entre celui-ci et l’acte reproché aux institutions de la
Communauté ainsi que le caractère anormal et spécial de ce préjudice » et, de manière plus affirmative, TPI,
Masdar (UK) Ltd c/ Commission, affaire T-333/03 du 16 novembre 2006, Rec. 2006, p. II-04377, § 93 : « […]
lorsqu’un acte ou un comportement, même licite, d’une institution de la Communauté cause un préjudice
anormal et spécial, la Communauté est tenue de réparer ».

340
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

476. Il n’existe pas actuellement de responsabilité objective de l’Etat d’immatriculation


pour les activités des engins qui lui sont rattachés. Nous pensons, néanmoins, qu’une certaine
tendance de lege ferenda vers un tel système peut être observée. Le commentaire de la CDI
dans son projet relatif à la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités
dangereuses vise explicitement le cas de l’Etat d’immatriculation ou du pavillon lors
d’activités menées dans l’espace ou en haute mer. Plus précisément, il s’agit des activités sur
lesquelles « l’Etat est autorisé par le droit international à exercer sa compétence et son
autorité » 1043, puisqu’il exerce sa juridiction et son contrôle à l’égard de l’engin 1044. La
convention de 1962 relative à la responsabilité des exploitants de navires nucléaires peut être
considérée comme un pas (très) hésitant dans cette direction. Aux termes de son article XV,
tout Etat contractant doit prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher qu’un navire
nucléaire battant son pavillon soit exploité sans licence ; faute de quoi, si un navire battant son
pavillon cause des dommages à des tiers, l’Etat du pavillon sera tenu pour responsable de
l’indemnisation des victimes conformément aux obligations prévues à l’article III. Mais il ne
s’agit pas véritablement ici d’une responsabilité objective pour dommage causé par un navire,
dès lors que l’Etat du pavillon peut être considéré comme « fautif », dans la mesure où il n’a
pas empêché le navire d’être exploité sans licence. Néanmoins, cet article constitue un
exemple caractéristique d’une responsabilité quasi automatique de l’Etat du pavillon pour un
préjudice causé par un navire privé. Quelques exemples pratiques – tout à la fois rares et
mineurs – peuvent également être signalés. Le Libéria par exemple, Etat du pavillon du
pétrolier Juliana qui s’est en 1971 échoué et brisé en deux au large de Niigata, sur la côte
ouest d’une île japonaise, endommageant gravement les pêcheries locales, a offert aux
pêcheurs au titre de réparation une somme de 200 millions de yen, même si le pétrolier
appartenait et était exploité par des personnes privées et qu’aucune irrégularité de la part du
Libéria n’avait été alléguée au niveau diplomatique 1045. Mais de tels exemples demeurent
exceptionnels. Généralement, les Etats du pavillon refusent de reconnaître leur responsabilité
pour les dommages causés par « leurs » navires, notamment les pétroliers, et il faut alors
recourir aux actions civiles.

1043
Rapport de la CDI sur ses travaux de sa 53ème session, op. cit. note 739, p. 413.
1044
Voy. article 2 d) du projet sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et
principe 2 d) du projet des principes sur la responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage
transfrontière découlant d’activités dangereuses.
1045
Etude établie par le Secrétariat de la CDI : Etude des régimes de responsabilité ayant trait au sujet :
Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas
interdites par le droit international (Responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage
transfrontière découlant d’activités dangereuses), cinquante-sixième session, Document A/CN.4/543, 2004, p.
160.

341
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

477. De lege lata, la convention de 1972 sur la responsabilité pour les dommages causés
par les objets spatiaux est l’unique instrument international qui prévoit expressément une
responsabilité internationale objective étatique 1046 – qui plus est, exclusive de toute
responsabilité privée 1047. En vertu de l’article II de la convention de 1972 « un Etat de
lancement a la responsabilité absolue de verser réparation pour le dommage causé par son
objet spatial à la surface de la Terre ou aux aéronefs en vol ». L’article IV reprend le même
principe pour les cas de collision entre objets spatiaux. Pour tout dommage causé suite à une
collision à un Etat tiers à la surface de la terre ou à un aéronef en vol, la responsabilité de
deux Etats sera solidaire et absolue. Le souci de protection des victimes innocentes est
apparent : alors qu’on a opté pour la responsabilité pour faute en cas de dommage causé à une
autre puissance spatiale, la responsabilité objective est choisie quant aux dommages causés
aux entités non impliquées dans les activités spatiales en cause 1048. L’Etat de lancement n’est
exonéré que si le dommage est causé par une faute lourde ou un acte ou une omission
volontaire de l’Etat demandeur ou des personnes qu’il représente 1049.
478. Tout comme pour la responsabilité pour faute, la responsabilité objective pour
dommage causé par un objet spatial n’est pas attribuée expressément à l’Etat
d’immatriculation, mais à l’Etat de lancement. Certes, l’Etat d’immatriculation est par
définition un Etat de lancement. Nous pouvons, donc, parler effectivement d’une
responsabilité objective internationale de l’Etat d’immatriculation d’un objet spatial.
Cependant, il serait préférable de désigner expressément l’Etat d’immatriculation comme
responsable primaire, quitte à lui reconnaître le droit de se tourner, par la suite, contre les
autres Etats de lancement. Une canalisation non exclusive des demandes est ainsi
possible. L’absence de pratique dans ce domaine ne permet pas de juger de l’efficacité du
système.
Le seul précédent important d’invocation de la convention de 1972 constitue la demande
du Canada, qui a fait suite à la chute du satellite soviétique Cosmos 954 en 1978. La

1046
Le commentaire de la CDI sur son projet des principes relatifs à la responsabilité internationale en cas de
perte causée par un dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses a confirmé qu’en vue des
différents modèles de responsabilité et d’indemnisation existants, « la responsabilité de l’Etat est acceptée
essentiellement dans le cas des activités extra-atmosphériques ; la responsabilité découlant d’activités qui
relèvent du champ d’application du projet de principes incombe essentiellement à l’exploitant ». Voy. Rapport
de la CDI sur ses travaux de sa 58ème session, op. cit. note 331, p. 115.
1047
Dans ce sens CAUBET (C. G.), « Le droit international en quête d’une responsabilité pour les dommages
résultant d’activités qu’il n’interdit pas », op. cit. note 976, p. 113.
1048
Voy. dans ce sens DELEAU (O.), « La responsabilité pour dommages causés par les objets lancés dans
l’espace extra-atmosphérique », AFDI, 1968, p. 752, et du même auteur « La Convention sur la responsabilité
internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux », AFDI, 1971, p. 880.
1049
Article VI § 1 de la convention de 1972 sur la responsabilité pour dommage causé par les objets spatiaux.

342
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

localisation et l’enlèvement des débris radioactifs ont coûté 14 millions de dollars au


gouvernement canadien, dont 6 millions de coûts incrémentaux 1050. Le Canada a présenté à
l’Union soviétique en janvier 1979 une réclamation pour le coût des opérations d’enlèvement,
fondée sur la convention de 1972 et notamment son article II. Il ne demandait que les 6
millions de dépenses supplémentaires, étant donné, suivant son interprétation de l’article XII
de la convention 1051, que la réclamation devait se limiter aux coûts nettement supérieurs à
ceux normalement prévus pour une telle opération de nettoyage. C’était la première fois,
depuis son adoption, que la convention a servi de base à une réclamation internationale, et la
doctrine s’est réjouie de cette occasion de « tester véritablement [ses] limites et [ses]
possibilités » 1052. En avril 1981 les deux Etats ont signé un protocole par lequel la somme de
3 millions de dollars était attribuée au Canada comme « règlement complet et définitif » 1053. Si
cette somme correspond à la moitié de ce que demandait le Canada, elle n’a pas été
considérée comme insatisfaisante. Il n’y avait eu aucune victime immédiate et la terre
demeurait utilisable, la décontamination entreprise par le Canada ne constituant qu’une
mesure de prévention. Le Canada a largement interprété la notion de dommage, y incluant les
dommages indirects, et le décrivant comme suit : « la dissémination sur une vaste surface du
territoire canadien de débris radioactifs dangereux provenant du satellite et la présence de
tels débris dans l’environnement rendant ladite surface de territoire inutilisable constituent
des dommages causés aux biens en vertu de la Convention » 1054. Le mécanisme s’est apparu
rapide et efficace ; la responsabilité objective établie par l’article II de la convention a rendu
la situation simple. Le Canada invoquait la responsabilité soviétique et demandait à être
indemnisé pour les dommages causés. Par ailleurs, la disposition de l’article 14 stipulant que,
si la demande en réparation n’est pas réglée dans un délai d’un an, la constitution d’une
Commission de règlements est obligatoire, a accéléré les négociations diplomatiques,

1050
C’est-à-dire, selon le ministère des affaires étrangères canadien (communiqué de presse n° 8 du 23 janvier
1979), uniquement le supplément des dépenses attribuables à la chute du satellite en territoire canadien. Voy. sur
ce LEE (E. G.) & SPROULE (D. W.), « Liability for Damage Caused by Space Debris: The Cosmos 954
Claim », The Canadian Yearbook of International Law, vol. 26, 1988, p. 273.
1051
L’article XII de la convention stipule : « Le montant de la réparation que l’Etat de lancement sera tenu de
payer pour le dommage en application de la présente Convention sera déterminé conformément au droit
international et aux principes de justice et d’équité, de telle manière que la réparation pour le dommage soit de
nature à rétablir la personne, physique ou morale, l’Etat ou l’organisation internationale demandeur dans la
situation qui aurait existé si le dommage ne s’était pas produit ».
1052
FARAND (A.), « L’apport du Canada en matière de responsabilité internationale pour les dommages
d’origine spatiale : l’affaire du satellite Cosmos 954 », Etudes Internationales, vol. 11, n° 3-4, 1980, p. 468.
1053
Voy. protocole du 2 avril 1981, article 1 :
[http://www.oosa.unvienna.org/oosa/SpaceLaw/multi_bi/can_ussr_001.html] consulté le 10 août 2010.
1054
Annexe A, exposé de la réclamation du Canada, de la note du SEAE n° FLA-268, Ottawa, 23 janvier 1979,
cité par FARAND (A.), « L’apport du Canada en matière de responsabilité internationale pour les dommages
d’origine spatiale : l’affaire du satellite Cosmos 954 », op. cit. note 1052, p. 476.

343
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

habituellement plus lentes. Même si la Commission ne rend pas de sentences obligatoires, ce


qui affaiblit considérablement le mécanisme mis en place, le seul fait qu’elle puisse se
prononcer sur des questions aussi délicates d’un point de vue politique et au regard de
l’opinion publique incite les Etats spatiaux à régler leurs différends rapidement.
Il convient de signaler, néanmoins, que dans le cas du Cosmos il s’agissait d’un opérateur
public, alors que, pour l’instant, il n’y a aucun précédent impliquant une demande de
réparation pour dommage causé par un objet spatial appartenant à un opérateur privé. Le bien-
fondé des conclusions tirées de cette affaire n’a pas encore été vérifié dans la pratique. On ne
peut dès lors pas déterminer avec certitude si la responsabilité objective de l’Etat
d’immatriculation des objets spatiaux est un système efficace pour l’indemnisation des
dommages causés par les objets spatiaux privés.

Conclusion de la section

479. Le rôle actuel de la responsabilité internationale « propre » de l’Etat


d’immatriculation, qu’elle soit pour faute ou objective, est incontestablement négligeable. Les
Etats d’immatriculation des navires ou des aéronefs ne sont concernés qu’indirectement – et
encore de manière vague et ambiguë – dès lors que la responsabilité privée l’emporte sur la
responsabilité étatique, qui n’est véritablement prise en compte ni par la pratique étatique ni
par la jurisprudence internationale. Quant aux Etats d’immatriculation des objets spatiaux, ils
ne sont pas concernés tels quels par la convention de 1972 sur la responsabilité internationale
pour les dommages causés par ces objets, mais uniquement dans la mesure où ils constituent
un Etat de lancement.
480. Les raisons de cette absence sont nombreuses. Elles sont dues au caractère très
général des obligations internationales imposées aux Etats d’immatriculation, mais également
à la multitude des acteurs privés impliqués dans les activités des engins sans personnalité
juridique propre. La réticence de chaque Etat à mettre en cause la responsabilité de ses pairs,
dès lors que ceci peut ouvrir la voie à un engagement éventuel de sa propre responsabilité si
un engin immatriculé par lui a causé un dommage significatif, renforce cette situation. Les
relations interétatiques, lorsque des incidents impliquant deux engins de « nationalité »
différente se produisent, sont en réalité gérées par la politique et non par le droit. Un accord
« tacite » semble dès lors mis en place : les Etats fautifs accordent aux Etats lésés une
réparation ex gratia, en faisant état de leur bonne volonté, et non de leur responsabilité

344
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

internationale. Les Etats lésés demandent et négocient ainsi par voie politique et diplomatique
cette réparation sans insister sur son aspect juridique 1055.

1055
On peut alors parle, selon M. CAUBET, d’une sorte d’« amnistie de la responsabilité ». L’auteur
explique que « [l]e paiement volontaire d’une indemnité […] aboutit à une indemnisation et à une corrélative
élision de la question de la responsabilité, sur laquelle les Etats intéressés ne devront pas se prononcer (Etat
victime), ou refusent qu’on se prononce (Etat auteur) ». Voy. CAUBET (C. G.), « Le droit international en quête
d’une responsabilité pour les dommages résultant d’activités qu’il n’interdit pas », op. cit. note 976, p. 115.

345
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

SECTION II. Les réponses aux lacunes du régime actuel de la responsabilité

481. Deux différents régimes juridiques peuvent être envisagés, qui ne s’excluent pas
nécessairement l’un l’autre, pour faire face aux dommages causés par les activités des engins :
celui des droits maritime et aérien dans lesquels la responsabilité de l’Etat du pavillon est
« remplacée » par la mise en jeu de la responsabilité civile du propriétaire/exploitant de
l’engin et celui du droit spatial dans lequel une responsabilité internationale est établie sans
ambiguïté à la charge de l’Etat de lancement, afin de permettre l’indemnisation « totale et
équitable » 1056 des victimes des dommages.
482. Le second régime, mettant en place une obligation de réparation à la charge des
Etats d’immatriculation pour les dommages causés par les engins de leur « nationalité », ne
peut en réalité être conçu que comme une solution d’ultime recours, en cas de catastrophe
majeure et/ou d’insolvabilité de la personne privée. Si l’on peut considérer qu’il existe une
dangerosité inhérente à toute activité spatiale, ce qui expliquerait pour partie la prééminence
du rôle étatique sur le terrain de la responsabilité, il n’en va pas de même pour la navigation
maritime ou aérienne. Si le rôle de la responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation
doit être renforcé, ce n’est donc que pour compléter et non pour remplacer la responsabilité
des opérateurs privés (§1). Cette dernière, dans l’état actuel des choses, constitue un régime
indispensable, même s’il n’est pas toujours satisfaisant. Elle doit elle aussi être renforcée ;
l’encadrement de sa mise en œuvre par l’Etat d’immatriculation constitue une solution réaliste
qui va dans ce sens (§2).

§ 1. Vers un renforcement de la responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation

483. La modification du rôle actuel de la responsabilité internationale des Etats


d’immatriculation peut être envisagée sous deux angles distincts : soit suite à des
changements normatifs importants, ayant comme but la mise en place d’une véritable
responsabilité « propre » de l’Etat d’immatriculation, soit suite à une altération des mentalités
étatiques, dont le résultat serait un changement de tendance de la jurisprudence et de la
pratique des organisations internationales. Si le premier moyen semble utopique sans être par
ailleurs forcément opportun (A), le second est non seulement souhaitable mais également
réaliste – comme certains exemples récents le démontrent (B).

1056
Formule qui n’a pas été reprise par les dispositions de la convention de 1972 faute d’accord entre les
délégations nationales, mais qui figure dans le préambule de cette convention.

346
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

A. Le rejet de la thèse d’une responsabilité internationale « automatique » des Etats


d’immatriculation pour faute des engins qui leur sont rattachés

484. Une solution purement théorique afin de renforcer le rôle de la responsabilité


internationale des Etats d’immatriculation serait d’envisager une transposition du système mis
en place par le droit spatial dans le droit de la mer et de l’air. La responsabilité pour faute
serait ainsi quasi automatique, dès lors que toute omission de l’Etat ou des « personnes dont il
doit répondre » pourrait l’engager. Quant à la responsabilité objective, mise en cause par
exemple lors de catastrophes – notamment environnementales – maritimes ou aériennes
majeures, elle permettrait une indemnisation des victimes par l’Etat d’immatriculation pour
tout dommage grave causé par un engin. Aussi intéressante soit-elle intellectuellement, cette
solution n’est ni juridiquement exacte, ni souhaitable. Il convient cependant de l’examiner et
d’en apprécier la praticabilité et la pertinence éventuelles, avant de l’écarter.
485. Il est vrai que si ni les actes des personnes privées qui ne sont pas leurs organes
(exception faite de l’article VI du traité sur l’espace et – dans un degré moindre – des
dispositions sur la Zone de la convention de Montego Bay) ni ceux des ensembles organisés
sans personnalité juridique qui leur sont rattachés (exception faite de l’article II de la
convention sur la responsabilité pour les dommages causés par des objets spatiaux, relatif à la
responsabilité objective) ne sont imputables à leurs Etats de nationalité, ces derniers sont
théoriquement bien plus susceptibles de voir leur responsabilité internationale engagée dans le
second cas de figure que dans le premier. La difficile dissociation entre la violation de
l’obligation internationale de l’Etat d’immatriculation et l’acte illicite de l’ensemble organisé
(entrepris par son propriétaire, opérateur ou équipage) pourrait théoriquement conduire à un
régime de responsabilité internationale des Etats pour faute des ensembles organisés qui leur
sont rattachés via leur immatriculation.
486. Ce concept semble prima facie incompatible avec le droit de la responsabilité ;
néanmoins il ne le bouleverse pas, n’étant pas fondamentalement novateur. Au niveau
purement terminologique, il présente une forte ressemblance avec l’article 8 du projet final de
la CDI sur la responsabilité internationale des Etats 1057, relatif au comportement d’une
personne sous le contrôle de ceux-ci. Néanmoins, on ne peut en aucun cas affirmer que le
contrôle envisagé dans l’article 8 est de la même nature que celui qui est exercé par l’Etat

1057
Intitulé « Comportement sous le contrôle ou la direction de l’Etat », l’article 8 dispose : « Le comportement
d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’Etat d’après le droit international
si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les
directives ou sous le contrôle de cet Etat ».

347
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’immatriculation sur l’engin. L’article 8 n’entend pas couvrir l’hypothèse de l’ensemble


organisé. Même si les navires, aéronefs et objets spatiaux sont – ou devraient être – soumis au
contrôle de leur Etat d’immatriculation, le contrôle envisagé à l’article 8 n’est pas simplement
technique ou juridique ; c’est bien plutôt un contrôle réel, découlant des directives et
instructions données par l’Etat 1058. Il est dès lors distinct du contrôle effectif tel qu’il
s’applique aux engins. Ce n’est donc pas en raison de cette ressemblance que la responsabilité
de l’Etat d’immatriculation pour dommage causé par l’engin pourrait être considérée comme
compatible avec le droit positif.
487. Cette idée de responsabilité internationale, pour faute ou objective, déclenchée suite
à des activités des personnes privées ou même d’ensembles sans personnalité juridique
soumis au contrôle étatique lato sensu n’est toutefois pas entièrement étrangère au droit
international. Le droit de la mer envisage un cas particulier de responsabilité exceptionnelle
des Etats du fait des activités conduites en mer sous leur contrôle, y compris par des
personnes privées. Il s’agit de la responsabilité pour dommages causés par les activités dans la
Zone internationale des fonds marins, qui semble prima facie se rapprocher de celle pour
dommages causés par les activités spatiales, sans pour autant en être la copie conforme. Pour
ce qui est de l’activité des particuliers, y compris donc des navires privés, l’obligation de
contrôle de l’Etat du pavillon y est en effet plus forte que celle prévue normalement par le
droit coutumier dans des cas analogues (qui est la diligence due). Si l’Etat du pavillon ne peut
prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et appropriées afin d’assurer le respect
effectif des règles de la convention, le fait de l’individu lui est attribué et en conséquence
l’Etat est soumis à l’obligation de réparer le dommage. L’article 139 de la convention de
Montego Bay, similaire – mais non identique – en son principe à l’article VI du traité sur
l’espace, prévoit que les Etats doivent veiller à ce que les activités entreprises dans la Zone
par des personnes physiques ou morales possédant leur nationalité ou effectivement
contrôlées par eux ou leurs ressortissants soient conformes à la Partie XI. Le paragraphe 2 de
l’article 139 dispose que « [s]ans préjudice des règles du droit international et de l’article 22
de l’annexe III, un Etat partie ou une organisation internationale est responsable des
dommages résultant d’un manquement de sa part aux obligations qui lui incombent en vertu
de la présente partie » 1059.

1058
Voy. Rapport de la CDI sur les travaux de sa 53ème session, op. cit. note 739, pp. 110-115.
1059
Cet article est complété par l’article 4 § 4 de l’annexe III à la convention de Montego Bay qui dispose : « Il
incombe à l’Etat Partie ou aux Etats Parties qui patronnent une demande de veiller, en application de l’article
139 et au regard de leurs systèmes juridiques, à ce que les activités menées dans la zone par un contractant que
cet Etat ou ces Etats patronnent le soient conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du contrat et

348
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

La portée de l’article 139 en ce qui concerne la responsabilité des Etats est toutefois
beaucoup moins large que celle de l’article VI. Non seulement sa rédaction différente de celle
de l’article VI marque-t-elle une volonté moins affirmée d’engager la responsabilité étatique
pour des dommages résultant des activités privées dans la Zone, mais encore les clauses
d’exonération du texte de 1982 sont plus extensives que celles du droit spatial 1060. La
combinaison des deux paragraphes de l’article 139 semblerait toutefois ne pas laisser place au
doute : concernant les activités menées dans la Zone, les Etats sont responsables en cas de
dommage causé par une personne privée 1061. Il pourrait y avoir là un cas exceptionnel,
analogue à celui que connaît le droit spatial, de responsabilité pour dommage résultant des
activités d’une entité privée. Ce régime pourrait donc être considéré comme mettant en place
une responsabilité quasi automatique de l’Etat qui patronne les activités dans la Zone.
Dans son avis consultatif du 1er février 2011, la Chambre pour le règlement des différends
relatifs aux fonds marins du TIDM a néanmoins adopté une interprétation restrictive de cet
article. Elle a en effet précisé que le manquement du contractant patronné à ses obligations
n’engage pas automatiquement la responsabilité de l’Etat qui patronne ; la responsabilité
internationale de ce dernier n’est en effet engagée, selon la Chambre, que lorsqu’il y a
manquement à ses obligations « propres », qui lui incombent en vertu de la convention et des
instruments qui s’y rapportent 1062. S’agissant du paragraphe 2 de l’article 139, la Chambre

à la Convention. Toutefois, un Etat Partie n’est pas responsable des dommages résultant du manquement de la
part d’un contractant patronné par lui à ses obligations s’il a adopté les lois et règlements et pris les mesures
administratives qui, au regard de son système juridique, sont raisonnablement appropriées pour assurer le
respect effectif de ces obligations par les personnes relevant de sa juridiction ».
1060
Convention de Montego Bay Partie XI, article 139 « […] Toutefois, l’Etat Partie n’est pas responsable des
dommages résultant d’un tel manquement de la part d’une personne patronnée par lui en vertu de l’article 153,
paragraphe 2, lettre b), s’il a pris toutes les mesures nécessaires et appropriées pour assurer le respect effectif
de la présente partie et des annexes qui s’y rapportent, comme le prévoient l’article 153, paragraphe 4, et
l’article 4, paragraphe 4, de l’annexe III […] ». Pour une analyse de cette clause d’exonération voy. TIDM,
avis consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, §§ 185-188. En revanche, l’article VI de la convention de
1972 sur la responsabilité internationale pour dommage causé par les objets spatiaux prévoit qu’« […] un Etat de
lancement est exonéré de la responsabilité absolue dans la mesure où il établit que le dommage résulte, en
totalité ou en partie, d’une faute lourde ou d’un acte ou d’une omission commis dans l’intention de provoquer un
dommage, de la part d’un Etat demandeur ou des personnes physiques ou morales que ce dernier Etat
représente ».
1061
Dans ce sens KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du fait des activités privées en droit de la mer et
en droit spatial », op. cit. note 966, p. 8-10. L’auteur souligne toutefois que dans l’article 139 il n’y a pas de
« véritable assimilation des activités de l’Etat et de celles de ses ressortissants », comme c’est le cas dans le
traité de l’espace. Il considère néanmoins que l’article 139 confère « à l’Etat chargé du contrôle une
responsabilité spéciale assortie d’une claire obligation d’indemnisation », qui va plus loin que celle que le droit
international fait peser en principe sur les Etats (p. 9).
1062
Voy. TIDM, avis consultatif du 1er février 2011, op. cit. note 737, §§ 172-205, notamment § 182 : « la
responsabilité de l’Etat qui patronne résulte non pas d’un manquement de l’entité privée, mais plutôt du fait que
cet Etat n’a pas honoré ses propres obligations. Pour imputer la responsabilité à l’Etat qui patronne, il est
nécessaire d’établir qu’un dommage existe et que ce dommage résulte du manquement de l’Etat qui patronne à
ses obligations. Un tel lien de causalité ne peut être présumé et doit être démontré. Les règles relatives à la
responsabilité des Etats qui patronnent, énoncées à l’article 139, paragraphe 2, de la Convention et dans les

349
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

précise que « pour mettre en cause la responsabilité de l’Etat qui patronne, il doit exister un
lien de causalité entre le manquement de cet Etat aux obligations qui lui incombent et le
dommage causé par le contractant patronné » 1063. Elle qualifie par ailleurs les obligations de
l’Etat qui patronne comme obligations de diligence requise 1064, ce qui finalement rapproche
considérablement le régime de la responsabilité pour les activités menées dans la Zone au
régime « classique » de la responsabilité de l’Etat du pavillon pour les dommages causés par
les activités des navires. Selon cet avis consultatif, le régime relatif aux activités menées dans
la Zone ne peut donc pas être considéré comme un exemple de responsabilité « automatique »
pour dommage causé par une entité privée.
488. Il n’en va pas ainsi pour la convention de 1972 sur la responsabilité internationale
pour les dommages causés par les objets spatiaux, qui met en place une véritable
responsabilité étatique découlant des activités des personnes privées. L’Etat de lancement est
en effet responsable si une faute résulte d’actes des personnes dont il doit répondre. Plus la
privatisation de l’espace devient réalité, mieux cette règle illustre la mise en œuvre d’une
responsabilité internationale pour dommage causé par un engin qui lui est rattaché. Certes, la
convention de 1972 ne vise pas explicitement l’Etat d’immatriculation, mais l’Etat de
lancement. Néanmoins, les deux notions sont très proches : non seulement parce que l’Etat
d’immatriculation est forcément un Etat de lancement, mais plus encore parce que parmi
plusieurs Etat de lancement, le responsable primaire devrait être l’Etat d’immatriculation.
Cet exemple de responsabilité internationale relative aux activités des objets spatiaux n’est
cependant pas suffisant pour justifier un régime de responsabilité sui generis, quasi
automatique, de l’Etat d’immatriculation pour les dommages causés par les engins. Une telle
solution ne serait pertinente ni de lege lata ni de lege ferenda. D’un point de vue strictement
juridique, cette responsabilité quasi automatique ne serait véritablement sui generis que dans
sa mise en œuvre et non pas dans ses principes. Il ne s’agit pas ici en effet d’une
responsabilité de l’Etat d’immatriculation qui serait engagée suite à tout fait illicite d’un
ensemble organisé sans personnalité juridique qui aurait sa « nationalité ». Il est impossible
d’imputer un « fait illicite » à un ensemble organisé sans personnalité juridique. Dès lors,
considérer l’Etat d’immatriculation comme responsable de tout fait illicite commis par les
personnes contrôlant l’engin de sa « nationalité » reviendrait à considérer tout engin comme

instruments qui s’y rapportent, sont en accord avec les règles du droit international coutumier sur cette
question » et § 189 : « il a été soutenu lors de la procédure que l’Etat qui patronne assume une responsabilité
stricte, c'est-à-dire une responsabilité sans faute. Toutefois, la Chambre tient à souligner que la responsabilité
de l’Etat qui patronne découle uniquement d’un manquement de l’Etat à son obligation de diligence requise ».
1063
Ibidem, § 181.
1064
Ibidem, §§ 107-120, notamment §§ 109-110.

350
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

un organe de l’Etat, en annihilant ainsi la distinction entre engin public et engin privé. Ce qui,
indépendamment d’être utopique, serait erronée.
489. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation ne pourrait donc être qualifiée de quasi
automatique que selon deux interprétations. La première impliquerait que toute activité des
engins doive être considérée comme une activité à haut risque, si l’on met à charge de l’Etat
d’immatriculation une responsabilité objective à chaque fois qu’un dommage est causé par un
engin. Mais cette solution se heurte à des obstacles insurmontables. L’évidente réticence
étatique mise à part, on ne peut sérieusement considérer la « simple » navigation comme une
activité à risque. Même le droit spatial ne prévoit la responsabilité objective pour dommage
causé par des objets spatiaux que pour les dommages causés à la surface de la terre et aux
aéronefs en vol. Le danger inhérent des activités dans l’espace extra-atmosphérique et le
risque qu’elles représentent pour la communauté internationale peuvent justifier le régime
spécial prévu par les traités spatiaux. Il n’en va pas de même pour la navigation maritime ou
aérienne. Cette première interprétation étant dès lors impraticable, seule la seconde semble
envisageable.
490. L’unique possibilité pour défendre une responsabilité quasi automatique de l’Etat
d’immatriculation est en effet d’interpréter les règles classiques de la responsabilité
internationale des Etats d’une manière suffisamment large pour inclure le cas de certains
dommages causés par des ensembles organisés ; ces dommages seraient attribués aux Etats
d’immatriculation chaque fois que ces derniers ont manqué à leur obligation propre d’exercer
leurs juridiction/contrôle effectifs sur « leurs » engins, qui serait elle-même interprétée
largement. Les « actes » des ensembles organisés demeureraient dès lors non imputables aux
Etats d’immatriculation. Cette solution, la seule qui reste compatible avec le droit de la
responsabilité internationale, est néanmoins contestable de lege ferenda. Elle ignore en effet
la nature propre des industries maritime, aérienne et – bientôt – spatiale, dans lesquelles le
rôle des acteurs privés est beaucoup plus important que celui des Etats d’immatriculation. Ce
sont en réalité les opérateurs privés qui choisissent librement l’Etat d’immatriculation et qui
contrôlent stricto sensu les activités des engins. Il est donc logique que ce soit eux les
principaux responsables des dommages causés par leurs engins. S’il en va ainsi, la
responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation ne peut pas ni ne doit être quasi
automatique dans toute hypothèse. Celle-ci doit cependant être prise en considération plus
qu’elle ne l’est actuellement, en tant que « filet de sécurité ultime » en cas de catastrophe
majeure. Ce n’est que dans une telle optique qu’il convient de parler de renforcement du rôle
de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation.

351
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

B. Le renforcement du rôle de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation par la précision de


ses obligations internationales

491. Même si l’idée d’une responsabilité automatique de l’Etat d’immatriculation pour


tout dommage causé par les engins de sa « nationalité » semble à la fois utopique et dénuée de
pertinence, on ne saurait nier que, derrière le propriétaire/exploitant d’un engin et notamment
lorsque un accident est causé par son mauvais état, se trouve l’Etat d’immatriculation1065.
C’est celui-ci qui a accordé sa « nationalité » à l’engin et qui doit logiquement assurer un
devoir de contrôle et de surveillance à son égard 1066. On ne peut dès lors écarter totalement sa
responsabilité internationale lorsqu’il ne remplit pas de façon efficace ses devoirs
internationaux. Mais ce n’est justement que s’il manque effectivement à ces obligations que
l’Etat d’immatriculation devrait voir sa responsabilité mise en cause. A ce titre, il est
indispensable de définir plus clairement celles-ci, qui demeurent souvent, en l’état actuel des
choses, assez vagues. Comme nous avons eu l’occasion de le souligner à maintes reprises, le
droit international et le droit de l’Union européenne œuvrent dans cette direction. En ce qui
concerne notamment les navires, qui posent actuellement de nombreux problèmes de sécurité
et présentent de graves risques pour l’environnement, les instruments internationaux 1067 et
européens 1068 récents s’orientent sans équivoque vers le renforcement des obligations de
l’Etat du pavillon. La responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation engagée en
raison de ses omissions doit aller de pair avec celle des sociétés de classification, qui a priori
sont les mieux placées pour connaître l’état de l’engin 1069. Lorsque ces sociétés vérifient l’état
d’un navire sur délégation de l’Etat du pavillon, la responsabilité de ce dernier est
indirectement mise en cause en cas de négligence des premières.

1065
Dans ce sens, VIALARD (A.), « Responsabilité limitée et indemnisation illimitée en cas de pollution des
mers par hydrocarbures », in L’Europe des transports, travaux de la CEDECE, Actes du colloque d’Agen,
Université de Montesquieu-Bordeaux IV, 7 et 9 octobre 2004, La documentation française, 2005, p. 763.
L’auteur critique le système mis en place qui « repose sur une erreur d’optique fondamentale », la question
relevant du droit de l’environnement et non pas du droit classique maritime (p. 758). Dans le même sens voy.
KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du pavillon », op. cit. note 352, p. 30.
1066
SINGH (N.), «Maritime Flag and State Responsibility », op. cit. note 744, pp. 657- 669; GALICKI (Z.),
« Nationality of spacecraft and liability for space activities », Polish yearbook of international law, vol.4, 1971,
pp. 209-237.
1067
Voy. le rapport de 2005 des organisations internationales réunies sous l’égide de l’OMI concernant le lien
substantiel, ADM, 2006, t. XI, pp. 653-667 ; FSI, Principes Directeurs d’Assistance aux Etats du Pavillon pour
l’Application des Instruments de l’OMI, Résolution de l’Assemblée générale de l’OMI A.847(20) du 27
novembre 1997 (OMI document A 20/Res.847 du 1 décembre 1997) et IMO Resolution, A 22/Res.914,
Measures to further strengthen flag state implementation.
1068
L’exemple le plus récent à ce titre est la directive 2009/21 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009
concernant le respect des obligations des Etats du pavillon.
1069
ATHANASSIOU (L.), Le rôle et la responsabilité des sociétés de classification, (en grec), Athènes, 1999,
pp. 125-128. Les autorités nationales sont selon l’auteur responsables pour les défaillances du contrôle effectué
par les sociétés de classification sur délégation étatique.

352
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

492. Mais la clarification des obligations internationales de l’Etat d’immatriculation est


loin de constituer une panacée contre l’absence d’invocation de sa responsabilité
internationale. Cette absence est à ce point enracinée dans la nature même de la société
internationale que la mise en œuvre d’une telle responsabilité demeure à peu près
inenvisageable. En ce qui concerne les différends entre Etats, les modes de règlement sont en
effet peu efficaces car peu contraignants 1070, et semblent devoir le demeurer pour longtemps.
Par ailleurs, les victimes ne peuvent pas se retourner directement contre les Etats
d’immatriculation dans leur propre ordre juridique, en raison de l’immunité dont jouissent
ceux-ci. Selon M. VIALARD la possibilité de se tourner contre l’Etat du pavillon
constituerait « une espèce de révolution juridique en droit international public » 1071,

1070
En ce qui concerne le droit de la mer voy. le rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur
l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le droit de la mer, 59ème session , 5 mars 2004, A/59/63, pp.
150-151. Actuellement, outre la Partie XV de la convention de Montego Bay sur le règlement des différends qui
laisse une grande liberté aux Etats et dont les dispositions générales ne sont ni suffisamment claires ni
suffisamment contraignantes [sur ce voy. COLLIARD (C. A.), « Problèmes et solutions en matière de règlement
des différends », in Colloque SFDI : Le navire en droit international, Pedone, Paris 1993, p. 174], seuls la
convention de MARPOL et l’accord de 1995 sur les stocks de poissons prévoient une procédure de règlement
des différends entre les Etats. En ce qui concerne le droit de l’air, la convention de Chicago comprend un
chapitre XVIII sur les différends et manquements, qui prévoit que le Conseil de l’OACI peut statuer à la requête
de tout Etat impliqué dans un désaccord (article 84) et qui met en place une procédure d’arbitrage (article 85). Le
Conseil de l’OACI a compétence pour résoudre les différends nés de l’interprétation ou de l’application de la
convention de Chicago et de l’accord de transit. Ses décisions peuvent faire l’objet d’un appel devant la CIJ.
[Voy. GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit. note 17, pp.
282-285 ; DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), « The settlement of aviation disputes », Annals of Air and
Space Law, vol. 20, 1995, pp. 335-341]. En ce qui concerne le droit spatial, la convention sur la responsabilité
pour les dommages causés par les objets spatiaux prévoit un mécanisme de règlement des différends
internationaux, dans les articles XIV et suivants, mais les décisions de la Commission de règlement des litiges ne
sont pas contraignantes. Cette commission de règlement de demandes est en effet prévue pour les cas où la
demande en réparation n’est pas réglée par voie de négociations diplomatiques dans un délai d’un an, mais ses
décisions ne sont définitives et obligatoires que si les parties en sont convenues ainsi. Dans le cas contraire la
sentence vaut recommandation et les Etats la prennent en considération de bonne foi. Tout le système mis en
place est donc fondé sur la bonne volonté des Etats. Il s’agit ici d’une faiblesse importante de la convention de
1972, nécessaire au moment des négociations du traité pour arriver à un compromis entre les Etats parties. En
effet, l’URSS refusait catégoriquement une disposition rendant obligatoires les décisions de la Commission. [Sur
le contexte historique de l’élaboration des traités spatiaux voy. KERREST (A.), « Le droit de l’espace face aux
dangers de la privatisation et de l’unilatéralisme », op. cit. note 301, pp. 13-15]. M. KERREST note toutefois
qu’« il serait assez difficile de refuser d’appliquer la décision de la Commission si elle est solidement
argumentée et suffisamment précise » [voy. KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du fait des activités
privées en droit de la mer et en droit spatial », op. cit. note 966, p. 18]. Voy. également sur la question
MEISHAN GOH (G.), Dispute Settlement in International Space Law: a Multi-door Courthouse for Outer
Space, Studies in Space Law, vol.2, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden, 2007; BOCKSTIEGEL (K. H.),
« Settlement of disputes regarding space activities », Journal of Space Law, vol. 21, 1993, pp. 1-10;
BOCKSTIEGEL (K. H.), « The settlement of disputes regarding space activities after 30 years of the outer space
treaty », in Outlook on Space Law over the Next 30 years, Essays published for the 30th anniversary of the Outer
Space Treaty, Kluwer, 1997, pp. 237 -250; DIEDERICKS-VERSCHOOR (I. H. PH), « The Settlement of
disputes in Space: New Developments », Journal of Space Law, vol.26, 1998, pp. 41-49.
1071
VIALARD (A.), « Responsabilité limitée et indemnisation illimitée en cas de pollution des mers par
hydrocarbures », op. cit. note 1065, p. 763. L’auteur raisonne uniquement dans le cadre du système FIPOL qui
exercerait un recours contre l’Etat du pavillon. Dès lors, il propose une solution in abstracto (la possibilité
générale de poursuivre les Etats comme auteurs, puisqu’ils peuvent se présenter au FIPOL comme victimes de la
pollution) et une solution in concreto (selon laquelle le FIPOL, en tant qu’émanation d’une organisation

353
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’attribution d’une « nationalité » ne pouvant pas être considérée comme un acte de commerce
susceptible de lever l’immunité étatique. Si la décision prise par un Etat d’accorder son
pavillon est, bien évidemment, conditionnée par des considérations économiques et
commerciales, l’acte en effet n’en demeure pas moins une manifestation de souveraineté de sa
part.
493. Au vu de ces observations, la mise en œuvre efficace de la responsabilité de l’Etat
d’immatriculation semble improbable. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle doit être
totalement écartée, même si l’invocation de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation
semble plus utile dans un sens préventif que dans un sens répressif. En fin de compte, elle
correspond plutôt à un mode de régulation des comportements étatiques. Le droit spatial
illustre l’idée selon laquelle les règles classiques de la responsabilité internationale peuvent
s’appliquer dans le droit de la mer ou de l’air. Une relecture du régime de la responsabilité
internationale dans ces deux branches à la lumière des enseignements du droit spatial devrait
en effet suffire à renforcer le rôle de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation du
navire/aéronef.
494. En ce qui concerne le droit spatial, il convient de souligner de prime abord que les
incidents sont normalement réglés par la voie diplomatique. On remarque que le régime de la
responsabilité internationale mis en place semble assez efficace à titre préventif1072. Les Etats
n’ignorent pas que leur responsabilité peut être engagée du fait des activités de leurs
ressortissants et des objets spatiaux qu’ils ont immatriculé. Pour éviter d’être mis en cause, ils
s’appliquent dès lors, dans la plupart des cas, à exercer un contrôle et une juridiction effectifs.
Un exemple significatif de cette tendance est fourni par l’attitude du Royaume Uni envers la
société Sea Launch. Cette dernière lance des fusées depuis une plate-forme positionnée en
haute mer, qui était, au moment de sa création, immatriculée aux Îles Cayman. Lorsque
l’administration du Royaume Uni s’est aperçue des implications juridiques de ces lancements,
les Îles Cayman étant une colonie de la couronne britannique, elle a exigé que ladite société
cesse d’y être immatriculée. La société a dès lors changé de nationalité et est devenue
américaine, les Etats-Unis étant déjà considérés comme Etat de lancement puisque la licence
des lancements Sea Launch avait été délivrée par leur autorité 1073.

spécialisée des Nations Unies, serait autorisé à contourner, dans des conditions à préciser, le principe des
immunités étatiques de juridiction et d’exécution).
1072
Dans ce sens voy. KERREST (A.), « Liability for damage caused by outer space activities », in Essential Air
and Space Law; Space Law: Current Problems and Perspectives for Future Regulation, BENKO (M.) &
SCHROGL (K.-U.) eds., Eleven International Publishing, 2005, pp. 91-111.
1073
Voy. KERRET (A.), « Launching Spacecraft from the Sea and the Outer Space Treaty: The Sea Launch
Project. », op. cit. note 484, pp. 16-21.

354
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

495. Cet exemple ne concerne certes pas la responsabilité éventuelle de l’Etat de


lancement en raison de dommage causé par un objet spatial (article VII du traité sur l’espace),
mais celle de l’Etat de nationalité de la personne privée menant des activités spatiales (article
VI du traité sur l’espace). Mais la raison d’être du comportement étatique reste exactement la
même. Sachant que leur responsabilité internationale peut être engagée en cas de manquement
à leurs obligations de contrôle, les Etats sont nécessairement incités à exercer ce dernier de
manière plus effective 1074. Bien évidemment, le rôle de l’Etat d’immatriculation dans les
secteurs des activités maritimes et aériennes est concurrencé par celui des Etats du port ou de
l’aéroport, ce qui n’est pas le cas dans le domaine des activités spatiales où les objets, une fois
lancés sur orbite, n’ont plus aucun contact matériel avec un espace sous souveraineté étatique
– en tout cas, pas avant le dernier contact avec le sol, qui arrive trop tard pour que l’Etat
concerné puisse exercer un contrôle quelconque. Mais la compétence reconnue à l’Etat du
port ou de l’aéroport ne peut suppléer entièrement celle de l’Etat du pavillon, notamment
lorsque l’engin se trouve dans l’espace international.
496. La responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation a donc un rôle à jouer, du
moins à titre préventif. Il est important que les Etats aient conscience du fait que la société
internationale puisse les « montrer du doigt » lorsqu’ils violent de manière récurrente leurs
obligations internationales. La mise en cause de leur responsabilité internationale, combinée à
des mécanismes tels que celui de l’article 228 § 1 de la convention de Montego Bay qui
prévoit la possibilité d’adopter une sanction dans certains cas contre les Etats du pavillon
défaillants, devrait « responsabiliser » dans une certaine mesure les Etats
d’immatriculation 1075. Dans le même sens, il convient de signaler que l’OMI et l’OACI font
des efforts considérables pour « responsabiliser » leurs Etats membres. Le Programme
facultatif d’audit des Etats membres de l’OMI 1076 et le Programme universel d’audit de la

1074
Dans ce sens voy. Expert Workshop on Flag State Responsibilities : Assessing Performance and Taking
Action, Vancouver, Canada, 25-28 mars 2008.
1075
Article 228 § 1 de la convention de Montego Bay : « Lorsque des poursuites ont été engagées par un Etat en
vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales visant
à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commise au-delà de sa mer territoriale par un
navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l’Etat du pavillon a lui-même engagé des
poursuites du chef de la même infraction, dans les six mois suivant l’introduction de la première action, à moins
que celle-ci ne porte sur un cas de dommage grave causé à l’Etat côtier ou que l’Etat du pavillon en question
ait à plusieurs reprises manqué à son obligation d'assurer l'application effective des règles et normes
internationales en vigueur à la suite d'infractions commises par ses navires » (c’est nous qui soulignons). Sur
cet article et la jurisprudence française y relative voy. infra § 562 et note 1244.
1076
Voy. résolutions OMI A 23/Res.946, Voluntary IMO Member State Audit Scheme, 27 November 2003;
A24/Res.974 Framework and procedure for the Voluntary IMO Member State Audit Scheme, 1 December 2005
et A 24/Res.975, Future development of the Voluntary IMO Member State Audit Scheme,1December 2005.

355
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

surveillance de la sécurité de l’OACI 1077 dont le premier s’est inspiré, visent ainsi à améliorer
la manière dont leurs Etats membres, notamment les Etats d’immatriculation, mettent en
œuvre les conventions relatives à la sécurité de la navigation et à la protection de
l’environnement. Au 8 février 2010, 51 Etats avaient demandé à être audités dans le cadre du
programme de l’OMI 1078. Le caractère purement volontaire de ces programmes a été
critiqué 1079 ; la possibilité de leur donner à l’avenir un caractère contraignant n’est toutefois
pas exclue 1080. Ils pourraient dès lors contribuer grandement la responsabilisation des Etats
d’immatriculation.
497. En dehors de ce rôle préventif, la responsabilité de l’Etat d’immatriculation doit être
également mise en cause en tant que « filet de sécurité ultime » lorsque des accidents majeurs
se sont produis, la négligence de l’Etat étant prouvée et la mise en œuvre de la responsabilité
privée s’avérant insuffisante. Cette notion de « filet de sécurité ultime » va donc de pair avec
une sorte de responsabilité subsidiaire de l’Etat, lorsque ce dernier n’a pas suffisamment
contrôlé le respect par les propriétaires/opérateurs des engins de leurs propres obligations ni
encadré la mise en œuvre de leur obligation d’indemnisation.

§ 2. Vers un renforcement de l’encadrement étatique de la responsabilité privée

498. La responsabilité des opérateurs privés dans le droit maritime, aérien et spatial serait
non seulement indispensable mais encore juste, au regard de la privatisation de plus en plus
poussée de toutes les activités qui y sont relatives et du retrait relatif de l’Etat. Elle est, par
ailleurs, plus simple à mettre en œuvre par les victimes que celle de l’Etat d’immatriculation.
Un litige interétatique est plus complexe et plus « lourd » qu’un litige entre personnes privées.
Même dans le droit spatial, lorsque le dommage a été causé par un engin, les victimes ont le
choix entre une action devant des juridictions internes et une demande à leur Etat de

1077
Voy. résolutions A32-11 et A35-6 de l’Assemblée de l’OACI.
1078
Pour une présentation du programme et de ses perspectives voy. le rapport du Secrétaire général, Groupe
consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le droit de la mer, 65ème session, 29 mars 2010,
A/65/69, p. 69, § 234-236.
1079
Pour le droit de la mer voy. MANSELL (J. N. K.), Flag State Responsibility : Historical Development and
Contemporary Issues, op. cit. note 3, pp. 143-148 ; WITT (J.-A.), Obligations and Control of Flag States:
Developments and Perspectives in International Law and EU Law, Lit Verlag, 2007, pp. 236-249. Pour le droit
de l’air voy. HUANG (J.), Aviation safety through the rule of law : ICAO’s mechanisms and practices, op. cit.
note 178, pp. 68-83.
1080
Voy. AFRIYIE KWAKU (A.), An Analysis of the Voluntary IMO Member State Audit Scheme, World
Maritime University, Sweden, 2007, p. 68 où l’auteur émet l’hypothèse que le programme peut devenir
contraignant à partir de 2012.

356
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

nationalité d’introduire une requête devant la Commission de règlement des litiges 1081. Dans
tous les cas, il semble qu’un particulier cherchera d’abord à obtenir une indemnisation de la
part de l’opérateur privé devant la juridiction nationale compétente pour éviter la procédure
longue et complexe d’un litige entre Etats.
499. La responsabilité civile, privée, est loin pourtant de constituer un système sans faille.
La solution ne s’avère pas toujours satisfaisante, comme les affaires récentes de l’Erika et du
Prestige le prouvent 1082, les sommes finalement obtenues demeurant largement inférieures au
préjudice réel estimé 1083. Elle serait sans doute plus inefficace dans droit spatial, compte tenu
de l’importance des dommages causés. Quant au droit aérien, les attentats du 11 septembre
2001 ont montré qu’il existait de nombreux problèmes que le régime mis en place ne pouvait
résoudre (A). Il est donc nécessaire de renforcer la responsabilité des opérateurs privés. Il ne
nous appartient pas ici d’envisager toutes les solutions possibles, car cela sortirait du champ
d’étude de cette thèse. Il suffit d’évoquer le rôle qui doit être joué – et qui est déjà joué dans
une certaine mesure – par l’Etat d’immatriculation dans un souci d’amélioration du régime
actuel (B).

A. Le régime de la responsabilité privée pour dommages causés aux tiers prévu par les
instruments internationaux du droit de la mer et de l’air

500. La responsabilité des opérateurs privés domine le droit de la réparation des


dommages causés par les navires et les aéronefs. Dans les droits maritime et aérien, c’est une
responsabilité civile, pour faute ou objective, des opérateurs et des propriétaires des engins
qui a été mise en place, tant pour les dommages causés aux passagers que pour les dommages

1081
Voy. article XI § 2 de la convention de 1972 en vertu duquel « aucune disposition n’empêche un Etat ou une
personne physique ou morale qu’il peut représenter de former une demande auprès des instances
juridictionnelles ou auprès des organes administratifs d’un Etat de lancement ».
1082
Voy. VIALARD (A.), « La limitation de responsabilité, clé de doute pour le droit maritime du 21ème siècle »,
DMF, n° 699, janvier 2009, p. 26, où l’auteur explique que pour la catastrophe du Prestige les dommages n’ont
été réparés qu’à hauteur de 15% de leur montant. En ce qui concerne le naufrage de l’Erika, le montant des
dommages causés s’élevait à 460 millions d’euros, dont au mieux 50% a été indemnisé. Voy. NDENDE (M.),
« Regard sur les procédures d’indemnisation des victimes de la catastrophe de l’Erika », ADMO, t. 21, 2003, p.
89.
1083
Il est vrai que le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 16 janvier 2008 sur l’affaire Erika (op.
cit. note 897) a contribué à ouvrir la voie à une augmentation des montants d’indemnisation en cas de pollution
marine accidentelle. Le tribunal a considéré que l’exclusivité du régime de réparation prévue les conventions
CLC et par FIPOL ne pouvait être invoquée qu’au profit des personnes énumérées par les conventions ;
l’armateur et l’entreprise propriétaire de la cargaison ne pouvaient prétendre faire partie de cette liste qui couvre
pourtant le propriétaire et l’affréteur du navire. Voy. REVILOI (L.), « Erika : le jugement », La Revue Maritime,
n°481, 2008, p. 68 et NDENDE (M.), « Les enseignements du jugement pénal de Paris sur les responsabilités des
acteurs mis en cause dans la catastrophe de l’Erika », ADMO, t. 26, 2008, pp. 270-272. M. VIALARD qualifie
cependant le jugement d’anecdotique et n’y voit pas l’amorce d’une jurisprudence durable [VIALARD (A.),
« La limitation de responsabilité, clé de doute pour le droit maritime du 21ème siècle », op. cit. note 1082, p. 26].

357
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

causés aux tiers. Ces dommages touchent principalement la population des Etats côtiers
lorsqu’ils sont causés par des navires ou celle de la surface de l’Etat survolé s’ils le sont par
des aéronefs étrangers. Deux scénarios doivent être envisagés lors de l’étude du régime de
responsabilité pour dommage causé par un engin : soit un accident ou une collision dont les
victimes sont exclusivement les personnes à bord, soit un accident ou une collision qui cause
un préjudice pour les tiers également, en raison de la pollution produite ou en raison de la
chute des débris. Nous nous limiterons à l’examen de la seconde catégorie, les passagers
faisant partie de l’ensemble organisé lato sensu et étant régis par une problématique différente
et essentiellement privée : la responsabilité du transporteur 1084. Les instruments internationaux
relatifs à ce type d’événement visent toujours et uniquement la responsabilité du
transporteur 1085, que peuvent seule mettre normalement en cause les victimes 1086. Si la
responsabilité de l’Etat d’immatriculation devait être invoquée, l’Etat de nationalité des
victimes exerçant sa protection diplomatique, il s’agirait d’une mise en œuvre classique de la
responsabilité internationale. Mais la question de la responsabilité en cas de dommage causé
uniquement aux passagers est bien moins importante que celle des dommages causés aux tiers
d’un point de vue des rapports interétatiques, dès lors que les montants d’indemnisation sont
généralement moins importants et que l’ensemble du mécanisme est d’ordre privé.
En ce qui concerne les tiers, les instruments internationaux mettent en place un régime de
responsabilité du propriétaire ou de l’opérateur. Cette responsabilité est, dans la majorité des
cas, objective. Les régimes mis en place par le droit maritime et par le droit aérien sont assez

1084
Pour une étude du régime voy. VIALARD (A.), « L’obligation de sécurité du transporteur maritime de
passagers », in L’obligation de sécurité, actes du colloque franco-algérien, SAINTOURENS (B.) & ZENNAKI
(D.) dir., Presses universitaires de Bordeaux, 2003, pp. 147-149 ; GRARD (L.), « L’obligation de sécurité et le
transport aérien de personnes », in idem, pp. 149-172 ; POURCELET (M.), Transport aérien international et
responsabilité, Les presses de l’Université de Montréal, 1964 ; PAULIN (C.), « Mer et responsabilité dans le
contrat de transport », in Recueil des interventions du colloque « Mer et Responsabilité », Pedone, Paris, 2009,
pp. 149-155.
1085
Voy. pour le droit de l’air la convention de Varsovie de 1929 pour l’unification de certaines règles relatives
au transport aérien international et ses protocoles, ainsi que la convention de Montréal de 1999 qui reprend la
première en la modernisant. Le chapitre III de la première est intitulé « Responsabilité du Transporteur » et
l’article 17 prévoit : « Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de mort, de blessure ou de
toute autre lésion corporelle subie par un voyageur lorsque l’accident qui a causé le dommage s’est produit à
bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement et de débarquement ». Le chapitre III de la
seconde est intitulé « Responsabilité du transporteur et étendue de la compensation pour dommage » et son
article 17, plus détaillé, inclut certaines limitations à la responsabilité du transporteur. Pour le droit de la mer, la
convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer des passagers et de leurs bagages et ses protocoles
de 1976, 1990 et 2002 prévoient, également, la responsabilité du transporteur. Le protocole de 2002 a augmenté
les seuils de limitation et a prévu une assurance obligatoire. La question générale de la limitation de la
responsabilité est réglée par la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances
maritimes.
1086
Voy. UK House of Lords, Sidhu vs British Airways, 1997 et US Court of Appeals, 2nd Circuit, Re Air
Disaster at Lockerbie, Mars 1991 cités par UNMACK (T.), Civil Aviation : Standards and Liabilities, op. cit.
note 845, pp. 246-247.

358
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

similaires, même si le second s’intéresse moins à la question – brûlante pour le premier – de


la pollution environnementale.
501. Dans le droit aérien, la convention de Rome de 1952 relative aux dommages causés
aux tiers à la surface par des aéronefs étrangers et son protocole de Montréal de 1978
prévoient la responsabilité de l’exploitant de l’aéronef 1087. La convention organise un régime
de responsabilité objective atténué par plusieurs restrictions, limitations et clauses
d’exonération 1088. La responsabilité de l’opérateur y est illimitée, uniquement en cas de faute
personnelle et délibérée ou de négligence personnelle grossière. Si ce n’est pas le cas, comme
la plupart du temps, elle est limitée à un plafond. Cela désavantage les victimes, car même la
simple faute ou la simple négligence de l’opérateur sont toujours difficiles à prouver. Ni la
convention, ni le protocole n’ont été largement ratifiés. Quand ils ne sont pas applicables, les
droits nationaux s’appliquent 1089, une grande partie d’entre eux, mais pas la totalité 1090,
établissant une responsabilité objective 1091 et illimitée 1092.
502. Il n’existe actuellement aucune convention internationale dont le champ
d’application couvre spécifiquement la responsabilité pour dommages causés par une
collision, même si la convention de Rome peut être considérée comme s’appliquant également
en pareil cas 1093. Lorsque le droit national s’applique, la responsabilité civile mise en cause
peut être pour faute ou objective. Les deux transporteurs sont alors conjointement
responsables pour les dommages causés à la surface 1094.
Le système mis en place par la convention de Rome est critiqué pour son inefficacité, non
seulement parce qu’il n’a pas été largement ratifié, mais surtout parce qu’au lendemain des

1087
Article 2 de la convention de Rome tel que modifié par l’article II du protocole.
1088
Pour une présentation détaillée du régime de responsabilité mis en place voy. MAURITZ (A. J.), Liability of
the operators and owners of aircraft for damage inflicted to persons and property on the surface, Shaker
Publishing, 2003, pp. 59-115 ; UNMACK (T.), Civil Aviation : Standards and Liabilities, op. cit. note 845, pp.
351-366.
1089
C’est, par exemple, le cas du Royaume Uni qui n’est pas partie à la convention de 1952 et dont la Civil
Aviation Act de 1982 régit les questions de responsabilité.
1090
A titre d’exemple dans le droit néerlandais et dans le droit américain la négligence de l’opérateur doit être
prouvée afin que sa responsabilité soit engagée.
1091
Cependant, depuis le 11 septembre 2001, beaucoup de législations nationales ont ajouté des clauses sur la
possibilité pour l’opérateur d’être exonéré s’il prouve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires afin d’éviter un
usage illicite de l’aéronef qui a causé les dommages.
1092
A l’exception des législations allemande et autrichienne qui prévoient une responsabilité limitée (sauf s’il y a
faute ou négligence de l’opérateur), la majorité des grands pays aériens mettent en place une responsabilité
illimitée. Cependant, depuis le 11 septembre 2001, la majorité des législations prévoit la limitation de la
responsabilité de l’opérateur en cas d’usage illicite de l’aéronef.
1093
MAURITZ (A. J.), Liability of the operators and owners of aircraft for damage inflicted to persons and
property on the surface, op. cit. note 1088, pp. 67-68.
1094
Les passagers, quant à eux, peuvent engager tout à la fois une procédure contre leur propre transporteur selon
les dispositions des conventions de Varsovie ou de Montréal et une procédure contre le transporteur étranger
pour une responsabilité éventuellement illimitée. Dans ce sens voy. UNMACK (T.), Civil Aviation : Standards
and Liabilities, op. cit. note 845, p. 365.

359
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

attentats terroristes du 11 septembre 2001, il est devenu clair qu’il aurait été inadéquat 1095. Si
de prime abord l’ampleur des dommages causés par des aéronefs aux victimes tiers a paru
moins importante que celle des dommages causés par des navires – notamment suite à des
marées noires – ces attaques ont montré que l’indemnisation des dommages causés par des
aéronefs peut devenir aussi cruciale et aussi problématique qu’elle peut l’être actuellement
dans le droit de la mer.
503. En ce qui concerne les victimes des collisions dans le droit maritime, la convention
COLREG de 1972 contient des lignes directrices sur les obligations qui pèsent sur les Etats
dans le but de prévenir de tels incidents. La règle n° 2 de la convention, intitulée
« Responsabilité », prévoit qu’« aucune disposition des présentes règles ne saurait exonérer
soit un navire, soit son propriétaire, son capitaine ou son équipage des conséquences d’une
négligence quelconque quant à l’application des présentes règles ou quant à toute précaution
que commandent l’expérience ordinaire du marin ou les circonstances particulières dans
lesquelles se trouve le navire ». Quelques observations s’imposent concernant cette règle
assez particulière : premièrement, il est intéressant de noter qu’elle semble personnifier le
navire, comme le fait le droit anglo-saxon 1096, en invoquant sa propre responsabilité. On ne
sait si, derrière cette personnification, se cache la responsabilité de l’Etat du pavillon ou celle
de l’armateur/propriétaire. Il semble néanmoins qu’il s’agisse plutôt de la seconde, étant
donné l’orientation générale du droit maritime et le contexte général de cette disposition qui
vise uniquement la responsabilité des personnes privées. La disposition ne fait par ailleurs que
renvoyer au régime général de la responsabilité, en cas de collision survenue suite à la non-
observation des règlements COLREG. D’une manière générale, la responsabilité découlant
d’un abordage est fondée sur la faute prouvée et les dommages à prendre en considération
sont ceux qui sont causés aux navires, à leur cargaison, aux équipages et aux passagers 1097.
Les règles du droit de l’abordage ne concernent donc pas a priori les tiers.

1095
Pour une comparaison entre le montant des dommages causés par les attaques et ce qui a pu être couvert par
les assurances voy. PETRAS (C. M.), « An Alternative Proposal to Modernize the Liability Regime for Surface
Damage Caused by Aircraft to Address Damage Resulting from Highjackings or Other Unlawful Interference »,
Gonzaga Journal of International Law, vol. 10, 2007, p. 322.
1096
Voy. sur ce CHAUMETTE (P.), « Le navire, ni territoire, ni personne », op. cit. note 4, p. 100. L’auteur note
à cet égard que « [l]a tradition anglophone personnalise fortement le navire qui apparaît comme responsable de
ses fautes et de ses contrats « the ship is a legal entity ». Aussi le navire est traité comme un sujet du droit
international, en haute mer notamment, représenté par l’armateur ou le capitaine dans une personnification
développée, qui tend à effacer l’Etat du pavillon, parfois lui-même transparent ». Voy. également HOWARD
(A. T.), « Personification of the vessel : fact or fiction », op. cit. note 35, p. 319 et KOVATS (L. J.), « True
internationalism of the law of the sea », Indian Journal of International Law, 2004, vol.44, n°2, pp. 347-369.
1097
BEURIER (J.-P) dir., Droits maritimes, op. cit. note 835, pp. 500 et 503-506.

360
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

504. Ces derniers sont principalement visés par le droit de la responsabilité pour dommage
dû à la pollution. De nombreuses conventions internationales traitent de la responsabilité
civile environnementale. L’exemple le plus classique – et le plus fréquemment mis en œuvre
dans le droit de la mer – est celui de l’indemnisation des dommages en cas de pollution par
hydrocarbures 1098, régi par la convention de Bruxelles de 1969 sur la responsabilité civile
pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures telle qu’amendée par le protocole
de 1992 (ci-après CLC 1969/1992), et par son corollaire, la convention de Londres de 1971
portant création d’un fonds international d’indemnisation pour de tels dommages, également
amendée en 1992 (ci-après FIPOL). Le système OMIsien est ainsi composé de deux étapes, la
première se fondant sur la responsabilité du propriétaire du navire pollueur et la seconde
permettant une indemnisation complémentaire par le FIPOL, fonds constitué par les
propriétaires de cargaison qui contribuent sur la base d’un montant calculé en fonction des
tonnes d’hydrocarbures achetées par an. La responsabilité du propriétaire est canalisée 1099,
objective 1100 et limitée en fonction du tonnage du navire 1101. Le FIPOL est également tenu à
une hauteur maximale d’indemnisation, calculée là-encore en fonction du tonnage du navire.
505. Ce régime est beaucoup moins efficace qu’il n’y paraît. L’effectivité de sa mise en
œuvre est considérablement affaiblie par la « complaisance » et par les difficultés qui en
résultent dans l’identification des propriétaires effectifs des navires – notamment dans le cas
des single ship companies ou d’un affrètement coque nue. Dès lors que la CLC 1969/1992
canalise la responsabilité sur le propriétaire du navire et « immunise » la responsabilité des
armateurs ou des affréteurs, la situation est rapidement devenue extrêmement problématique :
les grandes compagnies pétrolières, originalement propriétaires des navires, les ont cédés à
des sociétés-écrans, généralement insolvables et installées dans des pays offshore de libre
immatriculation 1102. Elles ont cependant conservé la qualité d’affréteur pour assurer le

1098
Voy. également la convention de Londres de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les
dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses et la convention de
Londres de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages par hydrocarbures de soutes. Les régimes prévus
par ces conventions sont très similaires à celui mis en place par la CLC 1969/1992. Nous raisonnerons ici sur
l’exemple, plus commun, de la CLC, mais la même problématique, en ce qui concerne l’efficacité du régime,
peut s’appliquer aux deux autres conventions également.
1099
Cela signifie que le propriétaire est considéré comme le responsable exclusif de la catastrophe.
1100
Dès lors qu’il n’y a pas besoin de prouver la faute du propriétaire, mais uniquement le lien de cause à effet.
1101
Cependant la limitation ne tient plus en cas de faute intentionnelle ou inexcusable du propriétaire.
1102
Dans l’affaire Amoco Cadiz cependant, le Tribunal Fédéral de Chicago, dans le jugement sur la
responsabilité du 18 avril 1984, a recherché le véritable propriétaire du pétrolier en levant le voile social.

361
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

transport de leurs produits, en sachant que leur responsabilité ne pourrait pas être mise en
cause en vertu de la convention 1103.
Si le plafond de la limitation saute, la responsabilité du propriétaire devenant alors
illimitée, lorsqu’une faute inexcusable est prouvée, la garantie de l’assurance souscrite
disparaît également. Si le propriétaire est insolvable, il ne reste plus que le FIPOL pour
accorder une indemnisation, limitée 1104. L’inefficacité du régime est devenue claire1105 ; la
difficulté de trouver et d’assigner le responsable réel, combinée à la limitation d’une
indemnisation qui ne correspond pas toujours à la hauteur du dommage causé, illustrent ses
limites. Il convient en outre de souligner que le préjudice écologique pur n’est pas indemnisé
par le système de la CLC 1969/1992, puisque tout dommage doit non avoir seulement été
subi, mais également être chiffré 1106.

1103
Voy. arguments des assureurs dans Cour d’appel de Versailles, 12ème ch., 2ème sect., affaire S.A GAN
Assurances IARD c/ S.A Total, n° 07/02442, arrêt du 8 janvier 2009 (consultable sur [http://bu.dalloz.fr/]
consulté pour la dernière fois le 3 mars 2011). Il convient, cependant, de rappeler que, concernant l’accident de
l’Erika, le Tribunal correctionnel de Paris, avec sa décision du 16 janvier 2008 (op. cit. note 897), a su
interpréter de manière très restreinte cette « immunité » des affréteurs. En effet, il a condamné la société TOTAL
S.A, affréteur du navire Erika, en fondant sa condamnation sur le fait que son service vetting (processus de
nature privée par lequel les compagnies pétrolières déterminent si un navire est susceptible d’être affréter pour
transporter leurs produits) a imprudemment accepté ce navire comme susceptible d’être affrété, en dépit du fait
qu’il était âgé de 23 ans et qu’il avait successivement porté 8 noms sous 3 pavillons différents, ce qui laissait
présumer de plusieurs changements de propriétaire. Concernant le vetting, M. CHAUMETTE remarque que
« c’est plus à travers le vetting, la fonction de conseil des sociétés de classification ou l’intervention des P & I
que les normes internationales s’imposent auprès des armements sérieux que par la ratification des conventions
internationales par les Etats du pavillon » [CHAUMETTE (P.), « Le navire n’est pas une personne », op. cit.
note 39, p. 583 et dans le même sens BEURIER (J.-P.), « Le transport maritime, le droit et le désordre
économique international », in La mer et son droit, Mélanges offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.),
Pedone, Paris, 2003, pp. 87-99].
1104
Le plafond de la responsabilité du propriétaire et celui du FIPOL se sont avérés insuffisants à plusieurs
reprises. En octobre 2000, suite au naufrage Erika qui a montré à quel point les plafonds étaient inférieurs au
montant des dommages, un amendement a été apporté au protocole de 1992 pour augmenter les plafonds. Les
modifications sont entrées en vigueur en novembre 2003 ; elles ne concernent donc pas les victimes de la marée
noire du Prestige. La Commission européenne a sollicité dans le cadre du paquet Erika II une modification des
mécanismes d’indemnisation. Face à la réticence des Etats membres de l’OMI et du FIPOL elle a fait savoir
qu’elle allait créer un fonds complémentaire. Il s’agit du Compensation for Oil Pollution in European water fund
(COPE) assurant une couverture jusqu’à un milliard d’euros. Suite à des négociations, un protocole de Londres
fut signé le 16 mai 2003, créant un 3ème niveau d’indemnisation au FIPOL jusqu’à 839 millions d’euros. Enfin,
deux nouveaux accords privés ont été signés en 2006 (fonds STOPIA Small Tanker Owner’s Pollution
Indemnisation Agreement et TOPIA Tanker Owner’s Pollution Indemnisation Agreement) et instituent deux
mécanismes d’indemnisation complémentaires volontaires.
1105
Dans ce sens voy. DELEBECQUE (P.), « La pollution marine, Rapport français », in Les responsabilités
environnementales dans l’espace européen, point de vue franco-belge, VINEY (G.) & DUBUISSON (B.) dir.,
Bruylant, LGDJ, Bruxelles, Paris, 2006, pp. 394-395 et VIALARD (A.), « La limitation de responsabilité, clé de
doute pour le droit maritime du 21ème siècle », op. cit. note 1082, pp. 21-28.
1106
BEURIER (J.-P.) dir., Droits maritimes, op. cit. note 835, p. 1165. Dans le second jugement du tribunal de
Chicago du 11 janvier 1988 sur les indemnisations dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, le juge n’a considéré comme
dommages indemnisables que ceux qui étaient économiquement quantifiables. Voy. sur la problématique
générale QUEFFELEC (B.) & HAY (J.), « L’évaluation du préjudice environnemental en droit international », in
Recueil des interventions du colloque « Mer et Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, pp. 121-134.

362
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Les lacunes du système de la responsabilité civile dans les droits maritime et aérien sont
ainsi nombreuses ; il convient dès lors de rechercher un moyen juridique l’encadrant plus
étroitement afin de garantir – dans la mesure du possible – l’indemnisation des tiers.

B. L’encadrement de la responsabilité privée par l’Etat d’immatriculation et la responsabilité


subsidiaire de cet Etat

506. Plusieurs moyens peuvent être proposés afin d’améliorer l’efficacité du régime de la
responsabilité civile pour dommages causés par les engins aux tiers 1107. Ceux qui nous
intéressent ici sont uniquement ceux qui dépendent de l’Etat d’immatriculation. Si ce dernier
ne peut pas et ne devrait pas être considéré comme automatiquement responsable pour tout
dommage – même important – causé par un engin ayant sa « nationalité », il a néanmoins un
rôle actif à jouer, tant dans la prévention que dans la réparation de ces dommages. Sa
responsabilité internationale, qualifiée dès lors de subsidiaire, pourra être engagée lorsqu’il
refuse de jouer ce rôle.
507. Même dans le cadre d’un système de responsabilité civile privée, les Etats
d’immatriculation restent impliqués en cas de dommage, dès lors qu’ils sont tenus d’établir un
système acceptable d’indemnisation des victimes des préjudices causés. En vertu des
instruments internationaux, c’est la responsabilité objective du propriétaire ou de l’exploitant
de l’engin qui est engagée ; l’Etat d’immatriculation doit néanmoins prendre toutes les
mesures nécessaires pour que cette responsabilité puisse être mise en œuvre.
Deux obligations fondamentales pèsent sur l’Etat d’immatriculation s’agissant de la
responsabilité objective du propriétaire/exploitant de l’engin : la première est celle de la
prévention des dommages 1108, obligation primaire classique dont la violation ouvre la voie à

1107
Voy. à titre d’exemple pour le droit aérien MAURITZ (A. J.), Liability of the operators and owners of
aircraft for damage inflicted to persons and property on the surface, op. cit. note 1088, pp. 220-230 et pour le
droit maritime VIALARD (A.), « Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par
hydrocarbures ? », DMF, n° 637, mai 2003, pp. 435-450 ; M.VIALARD propose de remplacer ce qu’il qualifie
de FLIPOL (fonds limité d’indemnisation des dommages de pollution) par un FIIIPOL (fonds international
d’indemnisation illimitée des dommages de pollution), alimenté encore plus par les taxes perçues sur les produits
pétroliers transportés par voie maritime (p. 444). Voy. également MORIN (M.), « La prévention et la lutte contre
la pollution par les navires de commerce », op. cit. note 58, pp. 200-205 ; l’auteur propose l’élaboration d’un
modèle théorique pour une amélioration du système actuel fondé plutôt sur le principe du pollueur-payeur à
partir duquel « peut être construit un système où un fonds, alimenté par des redevances perçues sur les navires
en escale, apporterait des financement complémentaires aux Etats pour des actions de ce genre » (p. 204). Ainsi,
les coûts des moyens d’intervention et de prévention en cas de pollution seront supportés par les armateurs des
navires. Il envisage l’élaboration d’un tel système dans le cadre de la Communauté européenne.
1108
Article 3 du projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités
dangereuses ; Documents officiels de l’Assemblée générale, 56ème session, supplément n°10 (A/56/10). Les
obligations de notification, d’information et de diligence due raisonnable de l’Etat d’immatriculation suite à un
événement lié à une activité dangereuse s’inscrivent dans un cadre juridique similaire : obligations

363
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

un régime de responsabilité internationale au sens traditionnel ; la seconde, si on part du


postulat que l’Etat s’est acquitté de toutes ses obligations de prévention, mais que le
dommage est néanmoins survenu, est celle de garantir une indemnisation prompte et
adéquate. Ce n’est pas à l’Etat de verser cette indemnisation, mais il doit s’assurer qu’il existe
des mécanismes appropriés à cette fin.
Le défaut de réparation pourrait être ainsi considéré comme une violation de l’obligation
internationale de l’Etat d’immatriculation1109. L’article 235, § 2, de la convention de Montego
Bay dispose dans ce sens : « Les Etats veillent à ce que leur droit interne offre des voies de
recours permettant d’obtenir une indemnisation rapide et adéquate ou autre réparation des
dommages résultant de la pollution du milieu marin par des personnes physiques ou morales
relevant de leur juridiction ». Une telle obligation n’est toutefois pas encore établie
coutumièrement, la plupart des instruments internationaux se contentant de formuler en
l’occurrence des principes généraux et des lignes directrices 1110. La CDI évoque cependant un
« consensus de plus en plus large au sein de la communauté internationale » selon lequel
« on s’attend de manière générale à ce que les Etats, dans le cadre des arrangements en vertu
desquels ils permettent que des activités dangereuses soient menées sous leur juridiction et
leur contrôle, s’assurent qu’il existe aussi des mécanismes appropriés pour faire face aux
demandes d’indemnisation en cas de dommage » 1111.
L’expression « mécanismes appropriés » fait référence non seulement au système de mise
en cause de la responsabilité (objective) à la charge de l’exploitant, mais aussi et surtout à la
souscription d’une assurance ou d’une autre garantie financière adéquate garantissant
l’indemnisation des tiers. Si c’est au propriétaire/exploitant qu’il appartient de souscrire une
telle assurance, il incombe – ou il devrait incomber – à l’Etat d’immatriculation de s’assurer
que la garantie financière a été prise et qu’elle est adéquate. Une telle obligation de l’Etat
d’immatriculation est prévue par certains instruments internationaux. Même lorsqu’elle n’est
pas imposée par le droit international, on observe d’ailleurs que les législations nationales

internationales classiques liées à un régime de responsabilité objective. Voy. notamment article 8 du projet
d’articles et principe 5 du projet de principes relatif à la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière
découlant d’activités dangereuses, Doc. A/CN.4/L.662 du 20 juillet 2004.
1109
CAUBET (C. G.), « Le droit international en quête d’une responsabilité pour les dommages résultant
d’activités qu’il n’interdit pas », op. cit. note 976, p. 101.
1110
Sur les raisons pour lesquelles une telle obligation stricte n’a pas pu être insérée dans la convention de 1972
voy. DELEAU (O.), « La Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les
objets spatiaux », op. cit. note 1048, pp. 886-888.
1111
Rapport de la CDI sur ses travaux de sa 58ème session, op. cit. note 331, p. 158 ; Voy. principe 4 du projet de
principes relatif à la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant d’activités dangereuses,
Doc. A/CN.4/L.662 du 20 juillet 2004 et article 14 de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité
environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

364
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

exigent souvent des opérateurs qu’ils souscrivent des assurances suffisantes pour couvrir la
responsabilité qui leur incombe.
508. Dans le droit de l’air, la convention de Rome établit un mécanisme d’assurance
complexe et non contraignant 1112, ce qui est considéré comme l’une de ses faiblesses
majeures. Durant la conférence internationale sur le droit aérien de 1978 qui a abouti à
l’adoption du protocole de Montréal, la Suisse et la Norvège avaient proposé de rendre
contraignantes les dispositions sur l’assurance, mais leur proposition a été rejetée. Plusieurs
autres propositions destinées à remédier à cette faille et à moderniser ainsi la convention de
Rome ont été présentées, telles l’adoption d’un mécanisme d’assurance obligatoire 1113, la
création d’un fonds commun international pour faire face aux catastrophes aériennes majeures
ou la mise en cause automatique de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation en cas de
garantie financière insuffisante 1114. L’idée de faire de l’Etat le garant ultime en cas
d’assurance inadéquate, c’est-à-dire de mettre à la charge de l’Etat d’immatriculation une
obligation d’indemnisation lorsque la souscription d’une assurance n’a pas été imposée aux
opérateurs ou lorsque la somme imposée s’avère insuffisante, a pendant longtemps été
considérée comme utopique 1115. Il fut notamment souligné en la doctrine que les Etats
n’accepteraient jamais de se soumettre à une telle obligation, inspirée du droit spatial et
difficilement transposable dans l’industrie aérienne. Cette tendance a paru pourtant s’inverser
au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont soulevé des problèmes
juridiques inédits. Si la responsabilité objective de l’exploitant ne semblait pas pouvoir être
engagée pour les dommages causés, il n’était pas plus clair que c’était à l’Etat

1112
Article 15 de la convention de Rome. Il est prévu que « [t]out Etat contractant peut exiger que la
responsabilité de l’exploitant d’un aéronef immatriculé dans un autre Etat contractant soit assurée à
concurrence des limites de responsabilité applicables aux termes de l’Article 11 pour les dommages donnant
lieu à réparation aux termes de l’Article premier et pouvant survenir sur son territoire ». Il s’agit donc d’une
faculté de l’Etat survolé que d’exiger que l’exploitant soit couvert par une assurance. L’Etat d’immatriculation
ou l’Etat de domiciliation de l’exploitant peuvent imposer à l’exploitant de souscrire une assurance pour faire
face à l’exigence éventuelle de l’Etat survolé. Voy. sur ce MAURITZ (A. J.), Liability of the operators and
owners of aircraft for damage inflicted to persons and property on the surface, op. cit. note 1088, p. 112.
1113
L’article 50 de la convention de Montréal de 1999 est considéré comme un exemple à imiter en ce qui
concerne l’assurance contraignante en stipulant : « Les Etats parties exigent que leurs transporteurs contractent
une assurance suffisante pour couvrir la responsabilité qui leur incombe aux termes de la présente convention.
Un transporteur peut être tenu, par l’Etat partie à destination duquel il exploite des services, de fournir la
preuve qu’il maintient une assurance suffisante couvrant sa responsabilité au titre de la présente convention ».
1114
Voy. notamment International Law Association, Report of the Sixth Conference, Draft Convention Part
Two: Surface Damage by Foreign Aircraft, Montreal, 1982, pp. 557-582, articles 15, 15A et 15B et ICAO
Secretariat Study Group on the Modernization of the Rome Convention, Memorandum to the Members, Draft
n°2 of 1 August 2003, SSG-MR/3-Memo/5 of 7 August 2003.
1115
MAURITZ (A. J.), Liability of the operators and owners of aircraft for damage inflicted to persons and
property on the surface, op. cit. note 1088, p. 113.

365
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’immatriculation qu’il incombait d’indemniser les victimes 1116. Ces interrogations ont
suscité un renouveau d’intérêt autour de la question de l’assurance obligatoire et du rôle que
l’Etat d’immatriculation doit jouer à cet égard. Il fut à nouveau proposé que l’Etat
d’immatriculation soit le garant ultime si l’assurance entreprise par l’opérateur en vertu de la
législation de cet Etat n’est pas suffisante pour indemniser les victimes d’une catastrophe
aérienne majeure 1117 ou bien que l’Etat d’embarquement soit tenu pour objectivement
responsable de tout dommage causé par une attaque terroriste 1118. Les Etats ont semblé être
ouverts à de telles propositions au lendemain des attentats, mais il est rapidement devenu clair
qu’ils n’étaient pas prêts à s’engager véritablement dans une telle direction. Des solutions ad
hoc, prenant la forme de fonds gouvernementaux ou d’aides d’Etat temporaires, demeurent
donc actuellement la seule réponse à de telles éventualités.
509. Nonobstant l’absence d’une telle obligation de souscription d’assurance dans la
convention de Rome, les Etats d’immatriculation cherchent en règle générale à s’assurer de la
solvabilité du responsable éventuel d’un dommage en imposant aux opérateurs la prise d’une
garantie financière suffisante 1119. En ce qui concerne les Etats membres de l’Union
européenne, cette obligation leur est imposée par le droit communautaire dérivé. Le règlement
n° 2407/1992 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens
obligeait ces derniers à « souscrire des polices d’assurance couvrant leur responsabilité civile
en cas d’accidents, notamment à l’égard des passagers, des bagages, du fret, du courrier et
des tiers » 1120. Actuellement, la même obligation découle de la combinaison des dispositions
du règlement n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008
établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté
et du règlement n° 785/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 relatif aux
exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux exploitants
d'aéronefs. L’article 4 du premier soumet l’octroi d’une licence d’exploitation au respect des

1116
Pour une présentation et une analyse des solutions adoptées par les législations nationales et notamment par
les Etats-Unis voy. MAURITZ (A. J.), Liability of the operators and owners of aircraft for damage inflicted to
persons and property on the surface, op. cit. note 1088, pp. 117-152 et 192-202.
1117
Ibidem, pp. 105-107.
1118
PETRAS (C. M.), « An Alternative Proposal to Modernize the Liability Regime for Surface Damage Caused
by Aircraft to Address Damage Resulting from Highjackings or Other Unlawful Interference », op. cit. note
1095, pp. 315-347.
1119
Les législations du Danemark, de la Norvège, de l’Allemagne, du Canada et des Etats-Unis constituent de
tels exemples. Le Royaume Uni, la France et l’Australie ne prévoyaient pas une telle obligation, mais pour les
deux premiers le droit de l’Union européenne s’applique et donc la prise d’assurance par les opérateurs est
obligatoire.
1120
Article 7 du règlement n° 2407/1992. C’est nous qui soulignons.

366
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

exigences en matière d’assurances définies dans le second 1121. Il convient de souligner qu’en
vertu du règlement n° 785/2004 les risques assurés couvrent également les actes de guerre, le
terrorisme et la capture illicite des aéronefs ; les dommages causés par des évènements
analogues à celui qui s’est produit le 11 septembre 2001 sont donc a priori pris en
considération dans le champ d’application du règlement.
510. L’obligation de l’Etat du pavillon d’exiger des propriétaires la souscription d’une
assurance apparaît plus clairement dans le droit de la mer. Il est dès lors théoriquement plus
facile d’engager la responsabilité de cet Etat s’il n’a pas fait montre de la vigilance nécessaire
pour que le propriétaire/exploitant puisse faire face aux demandes d’indemnisation. Si
l’article 235 de la convention de Montego Bay ne prévoit qu’un devoir général de mettre en
place les voies de recours nécessaires pour l’obtention d’une indemnisation rapide et
adéquate 1122, l’obligation explicite de vérifier l’existence d’une assurance est imposée sans
ambiguïté par la CLC 1969/1992 et par la convention de Londres de 2001 sur la
responsabilité civile pour les dommages par hydrocarbures de soutes. La responsabilité du
propriétaire doit être obligatoirement assurée ou autrement couverte par une garantie
financière analogue pour les navires transportant plus de 2000 tonnes d’hydrocarbures de
cargaison. L’Etat d’immatriculation est tenu de définir les conditions d’octroi et de garantir la
validité du certificat d’assurance, ainsi que de ne pas autoriser les navires battant son pavillon
à commercer s’ils n’en sont pas munis 1123. La même obligation est imposée par le droit de
l’Union européenne tout à la fois aux Etats du pavillon et aux Etats du port membres de

1121
L’article 4 du règlement 1008/2008 renvoie également à l’article 11 du même règlement qui prévoit :
« Nonobstant le règlement (CE) no 785/2004, les transporteurs aériens souscrivent des polices d’assurance
couvrant leur responsabilité civile en cas d’accidents à l’égard du courrier ». L’article 4 du règlement 785/2004
stipule, quant à lui, que : « Les transporteurs aériens et les exploitants d’aéronefs visés à l’article 2 sont assurés
conformément au présent règlement quant à leur responsabilité spécifique de l’activité aérienne à l’égard des
passagers, des bagages, du fret et des tiers. Les risques assurés couvrent les actes de guerre, le terrorisme, la
piraterie aérienne, les actes de sabotage, la capture illicite d’aéronefs et les troubles civils ». (C’est nous qui
soulignons).
1122
Voy. supra § 507.
1123
Article VII de la CLC 1969/1992 : « 1. Le propriétaire d’un navire immatriculé dans un Etat contractant et
transportant plus de 2000 tonnes d’hydrocarbures en vrac en tant que cargaison est tenu de souscrire une
assurance ou autre garantie financière, telle que cautionnement bancaire ou certificat délivré par un fonds
international d’indemnisation, d’un montant fixé par application des limites de responsabilité prévues à l’art. V,
§ l, pour couvrir sa responsabilité pour dommage par pollution conformément aux dispositions de la présente
Convention. 2. Un certificat attestant qu’une assurance ou autre garantie financière est en cours de validité
conformément aux dispositions de la présente Convention est délivré à chaque navire après que l’autorité
compétente de l’Etat contractant s’est assurée que le navire satisfait aux prescriptions du § 1. Lorsqu’il s’agit
d’un navire immatriculé dans un Etat contractant, ce certificat est délivré ou visé par l’autorité compétente de
l’Etat d’immatriculation du navire […] 6. L’Etat d’immatriculation détermine les conditions de délivrance et de
validité du certificat, sous réserve des dispositions du présent article […]10. Un Etat contractant n’autorise pas
un navire soumis aux dispositions du présent article et battant son pavillon à commercer si ce navire n’est pas
muni d’un certificat délivré en application du § 2 ou 12 du présent article ». Voy. également article VII
convention de Londres de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages par hydrocarbures de soutes.

367
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’Union. Ils doivent s’assurer que les propriétaires des navires battant leur pavillon ou faisant
escale dans un port européen soumis à leur juridiction ont souscrit une assurance adéquate
selon les conditions de la CLC 1969/1992 1124. Des assurances sont dès lors exigées par à peu
près tous les Etats maritimes pour les navires qui transportent des hydrocarbures ou d’autres
produits nocifs et potentiellement dangereux. La législation chinoise est la plus récente à avoir
adopté de telles règles, en vigueur depuis mars 2010.
511. Le mécanisme d’assurance suit une logique inverse dans le droit spatial. L’obligation
d’indemnisation incombe principalement à l’Etat de lancement, qui peut par la suite se
retourner contre les opérateurs privés 1125. Dans la convention de 1972 sur la responsabilité
pour les dommages causés par les objets spatiaux, la question de l’assurance obligatoire
n’apparaît pas, dès lors que la convention met en place une responsabilité étatique, qui ne
connaît aucun plafond d’indemnisation. Les Etats exigent cependant la souscription d’une
assurance couvrant toute éventualité d’accident avant d’autoriser des opérateurs privés à
entreprendre des activités spatiales 1126. Les législations nationales relatives aux activités
spatiales sont en effet sévères en ce qui concerne l’assurance obligatoire de l’opérateur 1127. La
loi australienne prévoit ainsi qu’une licence ne peut être délivrée que si l’opérateur est assuré
« to the maximum probable loss against any liability incurred for third party damage ». Il y
est également stipulé que ce n’est pas l’Australie qui est tenue de souscrire une assurance

1124
Directive 2009/20 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l’assurance des propriétaires de
navires pour les créances maritimes, article 4 : « 1.Chaque Etat membre exige des propriétaires de navires
battant son pavillon qu’ils souscrivent une assurance couvrant les navires en question 2. Chaque Etat membre
exige des propriétaires de navires battant un pavillon autre que le sien qu’ils aient souscrit une assurance
lorsque ces navires entrent dans un port relevant de sa juridiction. Ce qui précède n’interdit pas aux Etats
membres d’imposer, dans le respect du droit international, le respect de cette obligation lorsque ces navires
opèrent dans leurs eaux territoriales »; Sur la question voy. ODIER (F.), « Réflexions sur le paquet Erika III-
statut du pavillon – assurance du propriétaire du navire : confrontation du droit international et du droit
communautaire », op. cit. note 83, pp. 283-287.
1125
Voy. BENDER (R.), Launching and operating satellites legal issues, op. cit. note 479, pp. 42-43.
1126
Sur les législations nationales exigeant une telle assurance voy. WALKER (H.), « State Liability for Private
Satellites and Ways to Limit Exposure », in Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the Space, IISL,
American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2001, pp. 117-121. Voy. également COPUOS, Schematic
overview of national regulatory framework for space activities, 49th session, Doc. A/AC.105/C.2/2010/CRP.12,
24 march 2010.
1127
Exceptions constituent à cet égard le National Decree n°125/95, Establishment of the National Registry of
Objects Launched into Outer Space de l’Argentine dont l’artilce 5 prévoit uniquement que des informations sur
l’assurance souscrite doivent être fournies pour l’inscription d’un objet spatial sur le registre national et le Space
Affairs Act n°84 de 1993 de l’Afrique du Sud, section 14.1 en vertu duquel : « a licence may contain provisions
relating to the liability of the licencee for damages ». La Belgique prévoit la possibilité d’une action récursoire
de l’Etat contre l’opérateur, qui peut être plafonnée lorsque l’opérateur s’est conformé à ses obligations ou
illimitée dans le cas contraire. Voy. la Loi du 17 septembre 2005 relative aux activités de lancement, d’opération
de vol ou de guidage d’objets spatiaux, article 15 § 1-4. La même règle est prévue par les lois néerlandaise [voy.
Rules concerning space activities and the establishment of a registry of space objects (Space Activities Act) du
24 janvier 2007, section 12] et suédoise [voy. Act on Space Activities 1982 : 963, section 6].

368
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

mais l’opérateur, lequel doit la souscrire « for the benefit of Australia » 1128. Il en va de même
dans la loi française qui impose à tout opérateur la souscription d’une assurance ou de toute
autre garantie financière couvrant les risques des dommages causés aux tiers 1129.
L’assurance de « responsabilité civile engins spatiaux » souscrite par les opérateurs a pour
objet l’indemnisation des tiers suite à des préjudices pouvant résulter d’un satellite, d’un
lanceur ou de parties d’entre eux ; en bref, sont couverts tous les dommages causés aux tiers à
la surface de la terre ou à un autre engin spatial et aux personnes à son bord 1130. L’absence
d’un plafond d’indemnisation ne concerne, par ailleurs, que les Etats et leur responsabilité
telle que prévue par la convention internationale. En revanche, les lois spatiales nationales
limitent souvent le montant du remboursement que les Etats peuvent demander à leurs
opérateurs, ce qui ne concerne toutefois que les rapports entre l’Etat responsable et
l’opérateur, et non pas les victimes, ni les rapports entre opérateurs et victimes. A titre
d’exemple, la loi américaine exige des opérateurs qu’ils prennent une assurance d’un montant
maximum de 500 millions de dollars pour les dommages causés aux tiers ou d’un montant
équivalent au montant maximum disponible sur le marché de l’assurance mondiale si ce
montant est inférieur à 500 millions de dollars ou encore qu’ils rapportent la preuve d’une
assise financière suffisante pour couvrir les dommages probables 1131. Ce sont les Etats qui
garantissent les opérateurs contre les indemnisations dépassant le plafond mis en place lors de
l’autorisation de lancement. Cet état de fait est par ailleurs expressément prévu par la loi
française, dont l’article 15 fixe un plafond à la responsabilité de l’opérateur au-dessus duquel
le gouvernement français offre la garantie de l’Etat 1132.
512. Concernant le droit spatial, à l’instar du droit de la mer et de l’air, on se retourne
donc finalement contre les opérateurs privés afin de faire face aux demandes d’indemnisation
des tiers. Mais la responsabilité privée n’est ici que subsidiaire, dès lors que les instruments
1128
Space Activities Act n° 123 of 1998, section 48.
1129
Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, article 6 . Dans le même sens voy. Corée
du Sud : Space Development Promotion Act, n° 7538 du 1er décembre 2005, article 15 et Space Liability Act,
n°8714 du 21 décembre 2007, articles 4 et 5 ; Russie : Decree n°5663-1 About Space Activity 1993, article 25 ;
Royaume Uni : Outer Space Act 1986, section 5 §2.
1130
Sur les assurances responsabilité civile du fait des engins spatiaux voy. RAVILLON (L.), Droit des activités
spatiales, adaptation aux phénomènes de commercialisation et de privatisation, op. cit. note 479, pp. 363-369.
1131
Voy. US Commercial Space Launch Act de 1984 révisée en 1988 (sous titre IX, chapitre 701, point 70113)
qui prévoit que la NASA fixe un « maximum probable loss » constituant le plafond pour l’opérateur. Le
Commercial Space Transportation Competitiveness Act de 2000 a réaffirmé l’obligation d’obtenir une assurance
responsabilité civile pour les dommages causés aux tiers.
1132
L’Etat paye le montant éventuel qu’aurait pu obtenir la victime sur la base soit de la convention de 1972 soit
du droit commun devant le juge interne, de manière à ce que la victime soit entièrement protégée non seulement
lorsque l’indemnisation est demandée sur le fondement de la convention mais également lorsqu’elle essaye de la
demander directement sur la base du droit commun sans passer par les dispositions conventionnelles et la
responsabilité étatique. Sur ce voy. KERREST (A.), « La responsabilité des Etats du fait des activités privées en
droit de la mer et en droit spatial », op. cit. note 966, p. 21.

369
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

internationaux mettent en place une responsabilité étatique quasi automatique pour tout
dommage causé par un objet spatial. Ni la mise en cause de la responsabilité des opérateurs
privés, ni sa couverture par une garantie financière ne sont donc imposées par le droit
international. Néanmoins elles sont de plus en plus souvent exigées par les droits nationaux,
privatisation oblige. Désormais, si la logique du mécanisme d’assurance semble inversée dans
le droit spatial, sa raison d’être demeure identique à celle des deux autres branches. La
différence principale entre ce système et celui qui est mis en place par les droits maritime et
aérien tient dès lors à l’existence d’une obligation d’indemnisation pesant automatiquement
sur l’Etat lorsque l’assurance souscrite par l’opérateur spatial s’avère inadéquate.
513. Une telle obligation d’indemnisation « automatique » de l’Etat d’immatriculation
n’est toutefois pas transposable dans le droit de la mer et de l’air. La responsabilité subsidiaire
de cet Etat – et l’obligation d’indemnisation qui en découle – ne doit être engagée que
lorsqu’il a véritablement manqué à son devoir de vigilance quant à l’assurance souscrite par le
propriétaire/exploitant et non lorsque l’insuffisance de la garantie financière résulte de raisons
extérieures (gravité de l’accident, dommages qui ne pouvaient pas être prévus). Outre le fait
que ce « devoir de vigilance » ne constitue pas encore une obligation internationale
coutumière, malgré la formation d’un consensus de plus en plus important en ce sens, d’autres
raisons, plus pratiques, peuvent être invoquées à l’encontre de la transposition de cette
obligation d’indemnisation « automatique ». Force est de constater en effet que le système
d’assurance obligatoire connaît ses limites, mais à propos desquelles l’Etat d’immatriculation
des navires/aéronefs ne saurait être tenu pour responsable.
514. Dans l’industrie aérienne, même lorsqu’une assurance est souscrite, il n’est pas
certain qu’elle soit suffisante, car les assureurs n’offrent jamais un « blanket coverage »,
c’est-à-dire un mécanisme couvrant tout risque et à toute hauteur de dommage. La couverture
illimitée est possible en revanche dans le droit maritime, grâce au système de mutuelles
d’assurances des clubs P & I 1133. Cela dit, même ce mécanisme connaît ses limites, ainsi que
le souligne l’exemple des Etats-Unis. Après avoir refusé d’adhérer au système CLC/FIPOL

1133
Clubs de Protection et d’Indemnisation (Protecting and Indemnity Clubs, PANDI Clubs ou P & I Clubs). Dès
lors que le marché traditionnel d’assurances ne prend pas en charge une multitude de dommages, notamment le
dommage causé à l’environnement, les armateurs ont dû se garantir contre ces risques en créant des mutuelles
d’assurance. Il s’agit des clubs P & I, nés dans le monde anglo-saxon, associations/assureurs particuliers qui
garantissent les risques que le marché traditionnel ne garantit pas. Ils ont ainsi activement participé à
l’augmentation des plafonds d’indemnisation pour les dommages causés par la pollution par les hydrocarbures.
Voy. TASSEL (Y.), « Risque et responsabilité dans les assurances maritimes », in Recueil des interventions du
colloque « Mer et Responsabilité », Pedone, Paris, 2009, pp. 174-175. L’auteur souligne : « Les Clubs P & I font
de l’assurance une activité mutualiste dont la seule raison d’être est de maintenir la possibilité d’exercer une
activité économique dont l’existence serait incertaine si cette mutualité n’existait pas ». Il existe actuellement 13
clubs P & I, indépendants entre eux, mais faisant partie d’un seul « group ».

370
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

qu’ils considéraient comme insuffisant, et suite à l’accident de l’Exxon Valdez en 1989, les
Etats-Unis ont adopté une législation inédite quant au niveau des contraintes imposées 1134. La
responsabilité civile y est prévue comme objective, conjointe et solidaire, impliquant chaque
partie responsable du dommage. Les conditions d’exonération sont par ailleurs si sévères que
les clubs de P & I ont initialement refusé de délivrer les certificats de garantie financière. S’ils
ont fini par céder à la pression du gouvernement américain, ce n’est qu’en s’associant qu’ils
ont pu constituer le fonds nécessaire à une capacité financière suffisante. Nonobstant une telle
association, il reste possible qu’ils ne puissent pas faire face à certains dommages, car la
législation américaine prévoit une responsabilité illimitée dans plusieurs cas. Pour ce qui
concerne ces cas précis, plusieurs armateurs souscrivent une assurance supplémentaire auprès
du SIGCO (The Shipowners Insurance and Guaranty Company Ltd) pour tout montant allant
au-delà d’un 1 milliard de dollars. Cela montre que certains dommages ne pourront pas être
entièrement couverts par l’assurance, sans que l’Etat d’immatriculation ne soit forcément à
blâmer. Il faut dès lors établir d’une part une véritable omission dans le chef de l’Etat
d’immatriculation pour engager son obligation subsidiaire d’indemnisation et augmenter
d’autre part les plafonds prévus par les fonds alimentés par les propriétaires des
cargaisons 1135. Ces mécanismes alternatifs d’indemnisation ont été mis en place par les Etats
et les autres acteurs du secteur concernés pour pallier le refus chronique des compagnies
d’assurance d’assurer les risques de pollution maritime. Ils demeureront indispensables, tant
que le système d’assurance obligatoire s’avérera insuffisant.
515. Il est donc clair que s’il convient de renforcer le devoir de l’Etat d’immatriculation
de surveiller la prise d’assurance par le propriétaire/exploitant, ce devoir n’entraîne pas pour
cet Etat une obligation d’indemnisation supplémentaire automatique, équivalente à celle qui
existe dans le droit spatial. Il n’empêche que la mise en cause de la responsabilité subsidiaire
de l’Etat d’immatriculation lorsqu’il n’a pas montré la vigilance nécessaire quant à
l’assurance souscrite par le propriétaire/exploitant – et uniquement dans ce cas là – constitue
une solution pertinente de lege ferenda afin de garantir l’indemnisation des tiers. Il s’agit
également de la seule solution réaliste, dès lors que les Etats se montreront forcément réticents
à s’engager dans la voie d’une obligation d’indemnisation « objective ».

1134
Oil Pollution Act 1990 (OPA), 46 USC § 7302 et Comprehensive environmental response compensation and
liability Act (CERCLA), 42 USC § 9601-9675.
1135
Par exemple selon la législation américaine, le second niveau d’indemnisation en cas de pollution de grande
envergure est assuré par l’Oil Spill Liability Trust Fund, qui est alimenté par des prélèvements fiscaux sur les
tonnages d’hydrocarbures transportés dans les eaux sous souveraineté américaine et par les amendes auxquelles
sont condamnés les responsables de pollution.

371
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Conclusion de la section

516. La responsabilité internationale « automatique » des Etats d’immatriculation pour les


dommages causés par les engins de leur « nationalité », qu’elle soit pour faute ou objective,
ne semble pas être une option réaliste en l’état actuel des choses et du droit, les « actes » des
ensembles organisés ne pouvant être imputés à un Etat. Des considérations juridiques,
politiques et éthiques l’expliquent. Si une responsabilité internationale étatique doit être prise
en considération, ce n’est dès lors que dans son sens traditionnel, permettant sa mise en cause
chaque fois que l’Etat d’immatriculation manque à ses obligations propres. Fait seul exception
le cas de l’Etat d’immatriculation des objets spatiaux, en raison de la dangerosité
exceptionnelle des activités concernées. Le rôle de la responsabilité de l’Etat
d’immatriculation semble donc plus préventif que répressif, en raison notamment de la nature
décentralisée de la société internationale.
517. Sur le terrain de la réparation, la responsabilité privée comble l’absence d’une mise
en cause de l’obligation d’indemnisation dans le chef des Etats. La responsabilité civile,
même si elle est envisagée comme objective, ne peut constituer cependant une panacée pour
l’indemnisation des tiers. Si le droit international impose au propriétaire ou à l’exploitant des
navires/aéronefs une obligation d’indemnisation pour les dommages causés aux tiers, cette
forme de responsabilité a forcément ses limites, tout à la fois juridiques et financières. L’Etat
d’immatriculation a dès lors un second rôle à jouer, subsidiaire dans sa nature mais plus
fondamental dans les faits. Il s’agit de l’encadrement de la responsabilité privée, par le biais
de la mise en œuvre d’une obligation pour tout propriétaire/exploitant d’un navire/aéronef de
souscrire une assurance adéquate. S’il manque à ce devoir prévu par les instruments
internationaux, qui ne semble pas encore coutumier mais qui correspond au développement
progressif du droit international, l’Etat d’immatriculation peut voir sa responsabilité
internationale engagée. Une obligation d’indemnisation subsidiaire peut alors lui être imputée.
518. Le même mécanisme existe actuellement dans le droit spatial, mais la logique de son
fonctionnement est inversée. Les Etats de lancement ont l’obligation internationale
d’indemniser les victimes des dommages causés par les objets spatiaux ; ils imposent dès lors
aux opérateurs privés de souscrire des assurances à cette fin. Mais il s’agit là d’une faculté
pour laquelle ils optent – contrairement à l’obligation analogue émergeant dans le chef des
Etats d’immatriculation des navires/aéronefs. Il est toutefois certain que le développement de
l’industrie spatiale rapprochera plus encore le mode de fonctionnement du droit spatial de
celui des droits maritime/aérien.

372
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Conclusion du second chapitre

519. La responsabilité internationale de l’Etat d’immatriculation des navires/aéronefs


n’est actuellement efficace ni en ce qui concerne la régulation du comportement étatique, ni
en ce qui concerne l’indemnisation des victimes. Cependant, si elle ne peut être mise en
œuvre dans son second sens, c’est-à-dire en tant qu’obligation d’indemnisation pour les
dommages causés par les engins, que de manière exceptionnelle et/ou subsidiaire, elle peut
jouer à l’avenir un rôle plus important dans son premier sens, en tant qu’obligation de
contrôle. Ainsi considérée, elle se confond certes avec les obligations internationales de l’Etat
d’immatriculation et elle devient principalement un mode de prévention des dommages ; mais
elle peut également se transformer à l’occasion en garantie de dernier recours pour la
réparation des victimes, à l’instar de ce que l’on peut observer dans le droit spatial.
520. Dans l’hypothèse de catastrophes majeures en effet, lorsque le préjudice réel est
largement supérieur au montant d’indemnisation que les opérateurs privés peuvent verser, il
convient d’examiner de manière beaucoup plus attentive le rôle que l’Etat d’immatriculation
peut jouer. Les exemples ne manquent pas. L’explosion récente de la plate-forme de forage
Deepwater Horizon souligne à quel point le décalage entre dommage causé et indemnisation
envisagée peut être démesuré 1136. Il faut dès lors vérifier si l’Etat d’immatriculation s’est
acquitté de ses obligations internationales de juridiction/contrôle à l’égard de l’engin. Dans le
cas contraire, sa responsabilité pour omission peut être engagée. Mais il faut également – et
dans les faits surtout – chercher à savoir si le montant des indemnisations est ou non
inadéquat en raison de l’ampleur sans précédent de la catastrophe ou de l’insolvabilité de
l’opérateur jointe à l’insuffisance de l’assurance souscrite. Si l’Etat d’immatriculation a
manqué à son devoir de vigilance quant à l’encadrement juridique du propriétaire/exploitant
de l’engin, sa responsabilité internationale pourra être engagée, parallèlement à celle de
l’opérateur privé.
521. Qu’elle soit envisagée comme mode principal d’indemnisation des dommages
causés, ainsi qu’il en va actuellement dans le droit spatial, ou comme mode subsidiaire de

1136
L’explosion de la plate-forme de forage Deepwater Horizon le 20 avril 2010 a déclenché une marée noire qui
menace jusqu’à 40% des eaux du golfe du Mexique. Le 14 mai, 3 semaines après l’explosion, le propriétaire de
la plate-forme, évaluée à 650 millions de dollars avant l’accident, attendait de son assurance le versement d’un
premier acompte de 401 millions de dollars pour la perte occasionnée. Durant la même période, le patron de la
firme a accordé à ses actionnaires 1 milliard de dollars de dividendes ! Dès lors que les plates-formes pétrolières
sont considérées comme des navires par le droit maritime international, il est possible pour les avocats du
propriétaire de la plate-forme de demander la limitation de sa responsabilité. Ces informations sont fournies dans
l’article de M. SHARIFE (K.), « Comment BP se joue de la loi », Le Monde diplomatique, n°676, juillet 2010,
pp. 1 et 19.

373
LES OBLIGATIONS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

satisfaction des victimes, comme cela pourrait le devenir pour le droit maritime et aérien, la
responsabilité de l’Etat d’immatriculation ne doit pas être ignorée dans la quête d’un ordre
juridique international structuré et efficace. Si la complexité incontestable des litiges d’Etat à
Etat contribue à toujours préférer la mise en cause de la responsabilité privée, ce n’est pas
pour autant que les efforts de régulation des relations interétatiques doivent cesser –
notamment si cette responsabilité privée n’est pas en mesure de faire pleinement face à
l’ensemble des problèmes juridiques que les engins peuvent déclencher.

Conclusion du premier titre

522. Il convient de faire la part, parmi les obligations internationales lato sensu des Etats
d’immatriculation, de ce qui relève respectivement des obligations primaires, découlant du
lien de rattachement entre ces Etats et l’engin, et d’une obligation de réparation éventuelle,
déclenchée soit par la violation des obligations primaires des Etats concernés (ce qui
correspond alors à une responsabilité pour faute) soit par la nature du dommage causé par
l’engin en cause (ce qui correspond donc à une responsabilité objective) 1137. Les obligations
primaires des Etats d’immatriculation, qu’il s’agisse du devoir général d’exercer une
juridiction et un contrôle effectifs sur les ensembles organisés ou des obligations précises
relatives à la navigation et à la préservation des milieux dans lesquels ces engins évoluent,
sont largement similaires dans le droit de la mer, de l’air et de l’espace, même si dans ce
dernier cas elles sont encore émergentes. En revanche, le régime de la responsabilité
internationale de l’Etat d’immatriculation est plus classique dans le droit de la mer ou de l’air
que dans le droit spatial, où il est soumis à des règles particulières. La spécificité du régime de
l’espace extra-atmosphérique, dans lequel les Etats de lancement conservent encore
actuellement une place prééminente, justifient une différence qui est vouée à s’atténuer
graduellement.
523. De manière générale, il est possible d’affirmer qu’en ce qui concerne les effets
juridiques du rattachement des engins aux Etats, ce n’est pas le cadre normatif mis en place
qui pose un problème, mais sa mise en œuvre par les acteurs du droit international. Malgré les
lacunes ou faiblesses normatives signalées, les obligations internationales de l’Etat

1137
Sur cette distinction en général pour le droit de la responsabilité internationale voy. DUPUY (P.-M.),
« Quarante ans de codification du droit de la responsabilité internationale des Etats. Un Bilan », RGDIP, t. 107,
vol. 2, 2003, p. 306 ; COMBACAU (J.) & ALLAND (D.), « Primary and Secondary Rules in the law of States
Responsibility : Categorizing International Obligations», NYIL, vol. XVI, 1985, pp. 81-109 et SICILIANOS (L.
A.), « The classification of obligations and the multilateral dimension of the relations of international
responsibility », EJIL, vol. 13, n° 5, 2002, pp. 1127-1145.

374
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

d’immatriculation ainsi que le régime général de la responsabilité étatique sont prévus par un
grand nombre d’instruments internationaux. Mais ils ne sont pas toujours appliqués d’une
manière conforme à la raison d’être du rattachement des engins à un Etat. Les soucis
complémentaires de sauvegarder un ordre international optimal d’une part et de protéger les
victimes des activités des engins d’autre part sont certes pris en compte par la lettre de la
réglementation, mais guère lors de sa mise en œuvre. Pour que ces fins soient atteintes de
manière uniforme dans les trois branches étudiées, l’Etat d’immatriculation doit retrouver
(dans le droit de la mer) ou conserver (dans les droits aérien et spatial) sa fiabilité. Entre le
renforcement de ses obligations internationales et la mise en avant de sa responsabilité
« propre » (même de manière préventive) ou de son obligation d’indemnisation (même de
manière subsidiaire), les moyens juridiques ne manquent pas. Mais les moyens adéquats en
droit ne correspondent pas toujours à des solutions réalistes en fait. Devant la réticence
obstinée de certains Etats d’immatriculation, notamment de certains Etats de pavillon, de se
conformer à leurs obligations internationales et d’indemniser les dommages causés par leurs
manquements, le droit international doit chercher des moyens différents pour régir les
activités des engins. De nouveaux modèles de surveillance des engins affectés à la navigation
internationale devraient être envisagés, compte tenu des limites que connaît le système actuel
de la « primauté » de l’Etat d’immatriculation. Si des acteurs nouveaux peuvent être ainsi
appelés à compléter le rôle joué par l’Etat d’immatriculation, ils ne peuvent ni ne doivent le
remplacer

375
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

TITRE II
L’atténuation progressive de la prédominance du rôle de l’Etat
d’immatriculation

524. Le lien juridique créé entre l’Etat et l’engin immatriculé sur son registre permet au
premier d’exercer un certain nombre de pouvoirs à l’égard du second. La compétence
« personnelle » de l’Etat d’immatriculation constitue l’effet juridique primordial de ce
lien 1138. Elle peut être exclusive, principalement lorsque l’engin se trouve dans un espace
soustrait à toute souveraineté étatique ou, dans le cas contraire, concurrente. Au sens large,
elle couvre plusieurs pouvoirs exercés par l’Etat d’immatriculation qui sont prévus par les
instruments internationaux dont, notamment, les juridiction/contrôle. Cependant, la
« juridiction » au sens du droit de la mer et du droit spatial, ainsi que la « compétence » lato
sensu ne peuvent pas être considérées comme synonymes dans toutes les hypothèses
envisagées 1139. La formule juridiction/contrôle garde donc un sens spécifique par rapport à la
notion de compétence, laquelle se réfère plutôt à des pouvoirs normatifs et opérationnels 1140.
525. De manière générale, si le rôle prépondérant reconnu à l’Etat d’immatriculation en
matière de surveillance de l’engin de sa « nationalité » conserve aujourd’hui une certaine
importance, il a néanmoins subi des atténuations significatives – en ce qui concerne la
compétence tant dans les espaces internationaux que dans les autres espaces. C’est devenu
très apparent dans le droit de la mer, le rôle de l’Etat du pavillon étant de facto plus accentué
que celui de l’Etat d’immatriculation des aéronefs ou des objets spatiaux. S’agissant des
aéronefs, l’Etat d’immatriculation a toujours eu comme « concurrent » direct l’Etat survolé,
alors que pour les engins spatiaux le rôle mis en avant est principalement celui de l’Etat de
lancement – même si celui-ci est souvent l’Etat d’immatriculation.
L’affaiblissement relatif de la place de l’Etat d’immatriculation dans le régime des
espaces internationaux est donc dû à des raisons différentes selon la branche concernée. Dans

1138
Sur la nationalité et/ou le lien de rattachement légal (contrairement au rattachement de fait) en tant que « titre
de compétence » voy. LAGRANGE (E.), « Rapport », in Colloque SFDI : Les compétences de l’Etat en droit
international, Pedone, Paris, 2005, pp. 108-132.
1139
Pour une analyse en profondeur voy. CAHIN (G.), « Rapport », in Colloque SFDI : Les compétences de
l’Etat en droit international, Pedone, Paris, 2005, pp. 23-31 où l’auteur souligne « [les] mots compétence et
juridiction dont les rapports oscillent, hors le droit du contentieux, entre synonymie et sens distincts » (p. 27)
Selon le dictionnaire de droit international public, le mot « juridiction » est à la fois synonyme de
« compétence », lorsqu’il désigne « le pouvoir de l’Etat à la fois sur les espaces relevant de sa compétence
territoriale, et sur les personnes ou les engins relevant de sa compétence personnelle », et d’« espace sur lequel
s’exerce une compétence ou un faisceau de compétences ». Voy. SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit
international public, op. cit. note 14, p. 624.
1140
CAHIN (G.), « Rapport », op. cit. note 1139, p. 31.

376
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

le droit de la mer, cet affaiblissement est incontestablement le résultat du laxisme des Etats du
pavillon. Dans le droit de l’air, il découle plutôt de la nature du milieu, soumis en grande
partie à la souveraineté territoriale. Et dans le droit spatial, la confusion entretenue entre Etats
de lancement et Etat d’immatriculation rend la situation moins claire encore.
526. L’Etat d’immatriculation n’est pas uniquement concurrencé lorsque sont en cause des
droits découlant directement de l’immatriculation ; il l’est aussi s’agissant du droit éventuel de
demander réparation en cas de dommage causé à l’ensemble organisé de sa « nationalité ». Si
un tel droit était reconnu à l’Etat d’immatriculation, il s’agirait d’une sorte de protection sui
generis justifiée par le lien juridique qui le rattache à l’ensemble organisé. Actuellement, seul
un droit de réparation au bénéfice de l’équipage est reconnu sans ambiguïté à l’Etat du
pavillon. Pour le reste, soit le dommage est causé directement à l’Etat et il ne s’agit donc pas
d’un cas de protection de l’engin, soit l’Etat de nationalité de chaque personne impliquée dans
les activités de l’ensemble organisé exerce la protection diplomatique classique. L’existence,
voire même l’opportunité en l’état actuel des choses, d’un droit plus général permettant à
l’Etat d’immatriculation de protéger l’engin de sa « nationalité » est dès lors extrêmement
douteuse.
Après avoir examiné le rôle plus ou moins primordial – quoique désormais
significativement atténué – des Etats d’immatriculation dans l’exercice d’une compétence
« personnelle » sur les engins de leur « nationalité » (Chapitre 1), nous étudierons leur rôle
mineur dans la protection des engins (Chapitre 2).

377
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

CHAPITRE 1
Les atténuations de la compétence lato sensu de l’Etat d’immatriculation

527. Nous avons vu que les notions de juridiction et de contrôle ne reflètent pas seulement
un devoir de l’Etat d’immatriculation ; elles traduisent aussi un droit qui se confond en partie
avec la compétence exclusive de cet Etat lorsque l’engin se trouve dans un espace non soumis
à une compétence territoriale. Si les notions de juridiction et de compétence sont très proches,
elles ne sont pas toujours synonymes ; il convient donc d’en faire usage avec précaution. Il y a
dès lors lieu d’étudier l’articulation de ces deux notions, avant d’examiner le concept plus
large de la « compétence » de l’Etat d’immatriculation. Celle-ci n’est en principe exclusive
que lorsque l’engin se trouve dans un espace international soustrait à toute souveraineté
étatique et elle connaît des exceptions. Parmi ces dernières, certaines sont admises de longue
date. Au cours de ces dernières décennies, de nouvelles sont apparues, sans véritablement
remettre en cause néanmoins le monopole de l’Etat d’immatriculation dans les espaces
internationaux.
528. Lorsque les engins se trouvent dans des espaces qui ne sont pas qualifiés
d’internationaux, les concurrents de l’Etat d’immatriculation se multiplient en revanche. La
compétence de l’Etat du pavillon a notamment connu un affaiblissement important par suite
de l’accroissement du rôle des autres Etats concernés, singulièrement de l’Etat du port et de
l’Etat côtier. Dans le même sens, l’importance de la compétence de l’Etat d’immatriculation
des aéronefs s’est pratiquement réduite, en raison de celle des Etats de survol et d’atterrissage
qui exercent communément leurs pouvoirs sur les engins se trouvant dans leur territoire. Dans
le droit spatial, les objets spatiaux évoluent intégralement dans un espace non soumis à la
souveraineté étatique ; on peut d’ores et déjà envisager en ce qui le concerne un
développement analogue à celui du droit de la mer, en ce sens que le laxisme des Etats
d’immatriculation conduira sans doute à renforcer des compétences concurrentes ou plutôt à
apporter des exceptions à la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation. Il importe dès
lors de se pencher sur l’affaiblissement du rôle de l’Etat du pavillon dans le droit de la mer et
de le comparer avec la situation en droit aérien et spatial.
529. On étudiera successivement la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation
dans l’espace international et ses exceptions (Section I) ainsi que les compétences
concurrentes mises en place lorsque les engins se trouvent dans un espace non international et

378
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

dans les autres cas spécifiquement prévus 1141(Section II). Si les grandes lignes des règles
internationales sont communes à tous les navires, aéronefs et objets spatiaux, la nature
différente de chacun des milieux envisagés entraîne une certaine diversification dans
l’intensité et le champ d’application de chacune de ces règles.

SECTION I. Le principe de la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation dans


l’espace international et ses exceptions

530. La compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation est une notion plus large que
celle de juridiction/contrôle. Elle englobe plusieurs pouvoirs et concerne tous les aspects de la
« vie » et des activités des ensembles organisés. Elle constitue, par ailleurs, une compétence
« personnelle » exercée par l’Etat d’immatriculation et non une compétence territoriale,
comme cela fut initialement soutenu (§1). Mais ce droit n’est pas absolu. Certaines
exceptions, traditionnelles ou récentes, limitent à un degré plus ou moins important cette
compétence, même si elle reste toujours « préferentielle » 1142 ou autrement dit prioritaire (§2).

§ 1. La nature de la compétence de l’Etat d’immatriculation et son articulation avec la notion


de « juridiction/contrôle »

531. L’emploi du terme « juridiction » peut prêter à confusion dans le droit international
des espaces, dès lors qu’il désigne tantôt la compétence exclusive pleine et entière de l’Etat
d’immatriculation, tantôt son pouvoir législatif et judiciaire déjà examiné en tant que
corollaire du contrôle exercé par ce même Etat. Afin de mieux comprendre l’articulation entre
la compétence de l’Etat d’immatriculation des navires/aéronefs/objets spatiaux et l’exercice
de ses pouvoirs de juridiction/contrôle, il convient de se référer à M. COMBACAU selon
lequel « l’usage du mot compétence est réservé à la désignation du champ d’application
légitime de ce que les pouvoirs permettent de faire », la compétence n’étant pas un « attribut
de l’Etat comme le sont ses pouvoirs mais un élément qui, combiné au pouvoir, […] permet
de déterminer si, dans une situation particulière l’Etat […] peut légalement exercer le

1141
Pour une analyse critique de la notion d’exclusivité ou de concurrence de la compétence voy. POIRAT (F.),
« Rapport », in Colloque SFDI : Les compétences de l’Etat en droit international, Pedone, Paris, 2005, pp. 222-
225.
1142
Dans le sens employé par M. VERHOEVEN lorsqu’il se réfère aux « critères de rattachement permettant
l’identification de l’Etat « préférentiellement », sinon exclusivement, compétent » et aux « rattachements plus
complexes, aux fins notamment d’attribuer une compétence « préférentielle » plutôt qu’« exclusive » sur la base
d’une appréciation de l’intéressement respectif des Etats en cause ou du caractère raisonnable de leurs
interventions ». Voy. VERHOEVEN (J.), Droit international public, op. cit. note 6, pp. 131 et 143
respectivement.

379
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

pouvoir dont il s’agit » 1143. Ainsi, si l’on considère l’exercice de la juridiction et du contrôle
sur l’engin comme un droit de l’Etat d’immatriculation, il s’agit de deux pouvoirs
complémentaires concernant « le pouvoir de statuer par des énoncés juridiques » et « le
pouvoir d’agir matériellement par des moyens concrets » 1144 exercés dans les limites de la
compétence de cet Etat – exclusive dans les espaces internationaux ou concurrente dans les
autres cas – qui découle du lien de rattachement de l’engin à l’Etat. Cette compétence est
qualifiée de « personnelle » sans aucune ambiguïté dans le droit de la mer et de l’air (A), alors
que sa nature est plus controversée dans le droit spatial (B).

A. Compétence de l’Etat d’immatriculation et exercice de juridiction/contrôle dans les droits


de la mer et de l’air

532. Dans le droit de la mer, les articles pertinents de la convention de Montego Bay sont
principalement les 92 et 94. En vertu de l’article 92, « les navires […] sont soumis, sauf dans
les cas exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou par la
Convention, à [la] juridiction exclusive [de l’Etat du pavillon] en haute mer ». Il semble que
cet article utilise le terme « juridiction » afin de traduire la compétence exclusive de l’Etat du
pavillon sur son navire lorsque ce dernier se trouve en haute mer. Il est le corollaire tant des
articles 87, 90 et 58 sur la liberté de la haute mer, ainsi que du droit de navigation en haute
mer et dans la zone économique exclusive. Mais ce même terme est employé dans l’article 94.
Quoique cet article soit intitulé « Obligations de l’Etat du pavillon », l’exercice de ses
juridiction/contrôle sur « ses » navires constitue également pour l’Etat d’immatriculation un
pouvoir, une manifestation de sa souveraineté 1145. Ainsi par exemple, en matière de police,
son pouvoir est exclusif en vertu de l’article 97 § 3 de la convention de Montego Bay qui
stipule qu’« il ne peut être ordonné de saisie ou d’immobilisation du navire, même dans
l’exécution d’actes d’instruction, par d’autres autorités que celle de l’Etat du pavillon ».
533. Lorsque le terme « juridiction » a été utilisé pour la première fois dans le projet
d’articles de 1955 de la convention sur la haute mer, il a été défini « lato sensu, incluant non
seulement la fonction judiciaire mais toute forme de souveraineté ou autorité » 1146. A
l’origine, le même terme était retenu dans l’article 2 de la convention de Genève déclarant

1143
COMBACAU (J.), « Conclusions générales », in Colloque SFDI : Les compétences de l’Etat en droit
international, Pedone, Paris, 2005, pp. 307-308.
1144
Ibidem, p. 308.
1145
Cf. SINGH (N.), « Μaritime Flag as an Attribute of Sovereignty», Indian Journal of International Law,
vol.4, 1964, p. 75-84.
1146
A/2934, p. 4, cité par MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, p. 34, note de bas de page n°
4.

380
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

illégitimes les revendications de souveraineté sur la haute mer, qui est devenu article 89 de la
convention de Montego Bay 1147 ; mais il fut remplacé par le terme « souveraineté » car on l’a
considéré comme n’étant pas suffisamment clair. Le commentaire de la CDI de 1956
n’apporte pas plus d’éclaircissements sur cette modification 1148. Lors des travaux
préparatoires de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer le terme
« juridiction », tel qu’employé à l’article 92, n’a pas été débattu. Seul le Pérou avait proposé,
en vain, d’appliquer la règle de la juridiction exclusive non seulement en haute mer ou dans la
zone économique exclusive mais également en mer territoriale 1149. L’article est demeuré
inchangé depuis.
534. Le sens du terme « juridiction » utilisé aux articles 92 et 94 semble dès lors ambigu,
dans la mesure où on ne sait si sa portée est identique ou non dans les deux articles. Si l’on
favorise une interprétation lato sensu du mot dans le contexte de l’article 92, conformément à
la définition donnée en 1955, il est difficile d’opter pour la même solution dans le contexte de
l’article 94. En effet, dès lors que le terme « juridiction » est accompagné par « contrôle », et
dans le but de différencier l’un de l’autre, il convient de lui attribuer un sens plus strict.
L’incertitude sur le sens exact du terme est accrue par la différente connotation qu’il revêt en
français et en anglais 1150. En effet, « jurisdiction » 1151 ne correspond pas forcément à
« juridiction », et couvre un champ terminologique relativement plus large1152 qui serait plutôt

1147
L’article 89 stipule « Aucun Etat ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la
haute mer à sa souveraineté ».
1148
Rapport de la CDI couvrant son travail de la huitième session (A/3159), article 30, Commentaire, § (1), II,
Annuaire de la CDI, t. II, 1956, p. 279.
1149
C.2/Informal Meeting/63 (1980, nimeo.), article 92 (Peru) cité par NORDQUIST (M. H.) ed., United Nations
Convention on the Law of the Sea 1982: A Commentary, Vol. III, op. cit. note 245, p. 123.
1150
L’article 92 dans sa version anglaise stipule: « Ships shall sail under the flag of one state only and, save in
exceptional circumstances expressly provided for in international treaties or in this Convention, shall be subject
to its exclusive jurisdiction on the high seas »; l’article 94 prévoit quant à lui dans sa version anglaise : « Every
state shall effectively exercise its jurisdiction and control in administrative, technical and social matters over
ships flying its flag » (c’est nous qui soulignons).
1151
L’American Law Institute divise la « jurisdiction » en trois catégories : a) la fonction législative ou
juridiction de prescrire (jurisdiction to prescribe), c’est-à-dire le pouvoir de l’Etat de rendre son droit applicable
aux personnes et à leurs activités ; b) la fonction judiciaire ou juridiction de juger (jurisdiction to adjudicate),
c’est-à-dire le pouvoir de l’Etat d’assujettir les personnes ou les choses à sa procédure judiciaire ; c) la fonction
coercitive ou juridiction d’exécuter (jurisdiction to enforce), c’est-à-dire le pouvoir de l’Etat d’utiliser ses
ressources gouvernementales afin d’assurer l’obéissance à son droit : Restatement of the Law (Third), vol. I,
1986, Note Introductive partie IV, pp. 231- 232. Voy. contra COMBACAU (J.), « Conclusions générales », op.
cit. note 1143, p. 306 : « On ne peut parler, sauf par souci de brièveté, de compétence législative, de compétence
juridictionnelle ou de compétence exécutive de l’Etat, mais seulement de pouvoirs législatif etc., qui s’exercent à
l’intérieur des sphères de compétence ou, ce qui revient au même, dans le champs d’application respectifs de ces
diverses formes d’expression du pouvoir étatique ». Voy. également OXMAN (B. H.), « Jurisdiction of States »,
Encyclopedia of Public International Law, BERNHADT (R.) dir., volume 3, Amsterdam, Elsevier, 1997, pp. 55-
60.
1152
Pour une étude du terme « juridiction » dans le droit de la mer tel qu’employé dans la langue française voy.
MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 33-40.

381
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’équivalent de « compétence » 1153. Il semble en définitive que la juridiction exclusive de


l’Etat du pavillon en haute mer prévue par l’article 92 en tant que conséquence de l’attribution
de sa « nationalité » au navire doit être comprise lato sensu, comme une compétence
législative, judiciaire et exécutive, couvrant toute souveraineté ou autorité possible. En ce
sens, la juridiction de l’article 92 semble correspondre au couple juridiction et contrôle de
l’article 94 et exprime la compétence exclusive que l’Etat du pavillon exerce sur les navires se
trouvant en haute mer.
535. Si la compétence de l’Etat du pavillon à l’égard du navire en haute mer fut
initialement considérée comme quasi territoriale et le navire comme un « territoire
flottant » 1154, la fin de la théorie de cette « territorialisation » a conduit à affirmer une
compétence « personnelle ». La territorialisation du navire, en opposition à sa
personnification pour laquelle opte la tradition anglophone 1155, conduisait en effet à des
conclusions erronées – voire absurdes telles l’acceptation d’une « mer territoriale » se
déplaçant avec le bâtiment de mer – quant à la nature de la compétence exercée sur l’engin.
Le navire ne peut assurément pas être considéré comme une portion du territoire étatique.

1153
Définie par le dictionnaire Salmon comme « l’ensemble des pouvoirs reconnues ou conférés par le droit
international à un sujet de droit ou à une institution ou un organe, les rendant aptes à remplir des fonctions
déterminées et à accomplir les actes juridiques qui en découlent ». Voy. SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de
droit international public, op. cit. note 14, p. 210. Sur la notion de compétence en général voy. SFDI, Les
compétences de l’Etat en droit international, Colloque de Rennes, Pedone, Paris, 2005 ; Si le terme anglais de
« jurisdiction » peut être considérée comme correspondant au sens formel de la compétence définie comme « la
capacité de l’Etat à agir, sa juridiction, en d’autres termes son pouvoir d’édicter une règle de droit et d’en
assurer l’exécution » [selon CARREAU (D.), Droit international, Pedone, Paris, 2001, pp. 332-333], M.
CAHIN et Mme MUIR WATT soulignent que les notions de compétence et de jurisdiction sont plutôt des « faux
amis ». CAHIN (G.), « Rapport », op. cit. note 1139, pp. 13 et 28 ; MUIR WATT (H.), « La jurisdiction dans la
jurisprudence américaine : perspective internationaliste-privatiste », in Colloque SFDI : Les compétences de
l’Etat en droit international, idem, pp. 133-150; COMBACAU (J.), « Conclusions générales », op. cit. note
1143, pp. 304-318.
1154
Après le 18ème siècle, les juristes ont inventé la territorialisation du navire. « The ship is an ambulatory
province » écrivait Jeremy BENTHAM, cité par ROUKOUNAS (E.) dans « Facteurs privés et droit international
public », RCADI, vol. 299, 2002, p. 196. Cette idée fut reprise par l’arrêt de la Cour permanente de Justice
internationale dans l’affaire du Lotus ( France c/ Turquie, CPJI, série A, n° 10, arrêt du 7 septembre 1927) mais
a été critiquée par la doctrine et abandonnée par la suite. Voy. notamment Conseil Constitutionnel, n° 2005-514
DC, arrêt du 28 avril 2005, sur la loi relative à la création du registre international français, Journal officiel du 4
mai 2005, p. 7702 et Recueil, p. 78, § 33 : « Considérant, d’une part, qu’il résulte des règles actuelles du droit
de la mer qu’un navire battant pavillon français ne peut être regardé comme constituant une portion du
territoire français ». Voy. cependant décision du Tribunal correctionnel de Fécamp du 20 novembre 1975,
AFDI, 1976, p. 929 et DMF, 1976, Sommaires, p. 506 : « [le navire constitue] une parcelle détachée du
territoire national ».
1155
Voy. CHAUMETTE (P.), « Le navire, ni territoire, ni personne », op. cit. note 4, p. 100 et « Le navire n’est
pas une personne », op. cit. note 39, p. 586 ; McCONNELL (J. W.), « A Corporate Citizen of the US for
Maritime Law Purposes.», Journal of Maritime Law and Commerce, 1994, pp. 159-173 et THEIS (W. H.), «
Admiralty proceedings and the proposed Hague Convention on jurisdiction and judgments», Journal of
Maritime Law and Commerce, 2002, pp. 59-99 cités par CARBONE (S. M.), Legge della bandiera e
ordinamento italiano, op. cit. note 33, p. 16, note de bas de page n° 21 ; BONASSIES (P.) & SCAPEL (C.),
Droit maritime, op. cit. note 210, p. 32 : HOWARD (A. T.), « Personnification of the vessel : fact or fiction » ,
op. cit. note 35, p. 319.

382
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il doive être rattaché à un Etat, à l’instar des personnes,
étant donné qu’il ne fait pas partie de l’Etat. Le navire est désormais perçu comme un
ensemble organisé à l’égard duquel l’Etat du pavillon exerce une compétence analogue à celle
qui s’applique sur les personnes naturelles et morales. Cette compétence s’étend donc aux
personnes et aux choses à son bord, non pas parce qu’elle a un caractère territorial, mais parce
que l’engin constitue un « être collectif », même s’il est dépourvu de personnalité
juridique 1156. Toutefois, le terme « personnelle » pour qualifier la compétence exercée n’est
employé ici que par analogie, tout comme le terme « nationalité » lorsqu’il désigne le lien de
rattachement entre les engins et les Etats. Si son utilisation peut sembler problématique en
raison de l’absence d’une personnalité juridique des navires, il traduit au mieux la nature de la
compétence exercée par l’Etat d’immatriculation sur l’engin.
536. Il en va de même pour la compétence exercée par l’Etat d’immatriculation sur
l’aéronef. Dans le droit aérien, la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation est
toutefois bien moins accentuée que dans le droit de la mer, la souveraineté étatique étant
nettement plus prononcée. Alors que la plus grande partie des voyages maritimes se font en
haute mer (en espace donc international), les avions naviguent en effet dans l’espace aérien
soumis à la souveraineté territoriale de l’Etat survolé principalement 1157. Mais, ils survolent
également la haute mer 1158 ; en ce cas, la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation
retrouve sa pertinence, et ce même si elle n’est pas expressément affirmée dans la convention

1156
Contra CHENG (B.), Studies in International Space Law, op. cit. note 131, pp. 231-233. L’auteur précise
néanmoins que « [l]e terme quasi territorial n’est pas utilisé parce que les navires ou aéronefs sont considérés
de portion du territoire national comme il a été cru il y a longtemps, mais simplement parce que la juridiction
étatique sur les navires et aéronefs de sa nationalité se rapproche plus à la juridiction territoriale que la
personnelle ». Il explique, en outre, que « la juridiction que l’Etat national exerce sur les navires et aéronefs de
sa nationalité est plus large que celle des individus ou société de sa nationalité. Et ceci parce que pour les
premiers la juridiction est entendue aux personnes et choses se trouvant à bord du navire ou aéronef alors que
pour les deuxièmes elle est limitée aux individus ou sociétés et à travers eux à leur propriété » (p. 479). On peut
toutefois répondre à cet argument que s’agissant des personnes morales la situation est véritablement analogue à
celle des ensembles organisés/engins. Nonobstant l’absence de personnalité juridique de ces derniers, il s’agit
dans les deux cas d’une compétence qui s’étend à un être collectif (choses et personnes).
1157
Article 1er de la convention de Chicago : « Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat a la
souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au dessus de son territoire ». Voy. également
ABDURRASYID (P.), « State’s sovereignty in Airspace », in Liber Amicorum en hommage à Nicolas Mateesco
Matte, Pedone, Paris, 1989, pp. 1-16.
1158
En vertu de l’article 87 de la convention de Montego Bay, la liberté de la haute mer inclut également la
liberté de survol. En vertu de l’article 12 de la convention de Chicago : « […]au dessus de la haute mer, les
règles en vigueur sont celles établies en vertu de la présente Convention. Chaque Etat contractant s’engage à
poursuivre toute personne contrevenant aux règlements applicables […]». Voy. également CARROZ (J.),
« International Legislation on Air Navigation Over the High Seas », Journal of Air Law and Commerce, 1959,
pp. 158-172 et HAILBRONNER (K.), « Freedom of the Air and the Convention on the Law of the Sea », AJIL,
vol. 77, n° 3, 1983, pp. 490-520.

383
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

de Chicago 1159. L’exercice des juridiction/contrôle de l’Etat d’immatriculation sur l’aéronef


survolant un espace international fait alors partie de cette compétence générale 1160.

B. Compétence de l’Etat d’immatriculation et exercice de juridiction/contrôle dans le droit de


l’espace

537. Les deux notions retrouvent leur plein essor, du moins d’un point de vue théorique,
en droit spatial 1161. Les juridiction/contrôle, ainsi que la compétence exclusive, revêtent une
importance particulière en droit spatial, en raison d’une spécificité qui le différencie
substantiellement du droit aérien. Les objets spatiaux ne naviguent en effet qu’au sein
d’espaces internationaux soustraits à toute souveraineté étatique. Ce qui est fréquent pour le
droit de la mer et plus exceptionnel pour le droit aérien, constitue la règle ne souffrant aucune
exception – ou presque – en droit spatial. L’article VIII du traité sur l’espace reconnaît à l’Etat
d’immatriculation le droit de conserver ses juridiction/contrôle sur l’engin lancé dans l’espace
et sur le personnel à bord. Le terme « exerce » du droit de la mer est remplacé ici par
« conserve », cette modification soulignant que l’Etat d’immatriculation, déjà compétent –
concurremment ou pas – avant et après le vol, sera le seul compétent pour exercer sa
juridiction/contrôle sur l’engin et sur son équipage pendant le vol 1162.
538. Les juridiction/contrôle ont dans le droit de l’espace un sens identique à celui qui
leur a été assigné dans le droit de la mer 1163. Ils constituent non seulement une obligation

1159
Voy. HERBERT (P. P.), Les problèmes juridiques du rattachement des aéronefs civils à l’Etat, op. cit. note
42, p. 111 ; JENNINGS (R.), « Note on Regina v. Martin and others », ICLQ, 1956, pp. 604-605 ; SCHUBBER
(S.), « The destruction of aircraft in flight over Scotland and Niger : the questions of jurisdiction and extradition
under international law », BYIL, volume 66, 1995, p. 247.
1160
Voy. pour une différenciation entre compétence et juridiction en droit aérien SCHUBBER (S.), « The
destruction of aircraft in flight over Scotland and Niger : the questions of jurisdiction and extradition under
international law », ibidem, pp. 245-246.
1161
Pour une présentation générale voy. JASENTULIYANA (N.), International Space Law and the United
Nations, Kluwer Law International, 1999, p. 204 ; JENKS (C. W.), Space Law, op. cit. note 128, p. 238 ;
LACHS (M.), The Law of Outer Space, op. cit. note 126, p. 69.
1162
VERESHCHETIN (V. S.), « Legal Status of International Space Crews », Anals of Air and Space Law, vol.
3, 1978, pp. 549-550 contra ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le droit international », in L’adaptation du
droit de l’Espace à ses nouveaux défis, Mélanges en l’honneur de Simone Courteix, KERREST (A.) dir.,
Pedone, Paris, 2007, p. 152, selon lequel l’emploi du verbe « conserver » ne signifie pas qu’un seul Etat
bénéficiera du droit de juridiction et de contrôle sur l’objet et sur son équipage mais que la présence de l’objet
dans l’espace n’affecte pas les droits de l’Etat d’immatriculation. Cependant l’argument ne semble pas
convaincant. L’auteur lui même ajoute que pendant la mission les astronautes sont soumis à la juridiction et au
contrôle exclusifs de l’Etat d’immatriculation. Voy. également LAFFERRANDERIE (G.), « Jurisdiction and
Control of Space Objects and the Case of an International Intergovernmental Organization (ASE) », op. cit. note
201, p. 228.
1163
Dès 1958, le représentant des Pays Bas, M. SHURMANN traçait un parallèle entre compétence exclusive de
l’Etat du pavillon en haute mer et la situation dans l’espace extra atmosphérique en remarquant que les principes
de liberté de la haute mer et de non-intervention des Etats tiers à l’égard de la liberté de navigation étaient
également pertinents en droit de l’espace et que si l’on remplaçait «haute mer » par « espace extra

384
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

internationale pour l’Etat d’immatriculation, mais aussi une prérogative étatique, une
manifestation de souveraineté 1164. Dans le droit spatial, l’identification à la compétence
exclusive semble néanmoins inévitable, dès lors que l’article VIII attribue explicitement à
l’Etat le droit d’exercer un pouvoir judiciaire, législatif et exécutif sur l’objet spatial et de son
équipage lorsqu’ils se trouvent dans l’espace extra-atmosphérique. De plus, l’Etat est en droit
de contrôler l’objet, d’en assurer la direction technique et la supervision et d’interdire à un
Etat tiers d’intervenir dans ces différentes opérations 1165. L’ensemble de ces pouvoirs
correspond donc à la compétence exercée par l’Etat d’immatriculation sur l’objet spatial.
539. Il convient toutefois de s’interroger sur la spécificité éventuelle de la notion de
compétence, telle qu’utilisée en droit spatial, par rapport à ses équivalents dans le droit de la
mer ou de l’air. Seul des trois branches examinées, le droit spatial ne qualifie pas le lien
existant entre l’engin et l’Etat d’immatriculation de « nationalité ». Selon une partie de la
doctrine, la compétence visée n’est dès lors ni purement territoriale ni purement personnelle,
puisqu’elle ne découle pas d’un lien expressément qualifié de « nationalité ». Les spécialistes
du droit spatial sont divisés en ce qui concerne la qualification de la compétence de l’Etat sur
l’objet spatial ; pour certains, il s’agit d’une compétence personnelle, pour d’autres d’une
compétence relative aux services publics 1166, voire d’une compétence fonctionnelle1167 ou
encore d’une compétence quasi-territoriale 1168.
540. Pour la majorité des auteurs, l’absence de toute référence à la « nationalité » des
objets spatiaux dans les textes internationaux, combinée au statut juridique de l’espace
international, implique que la compétence de l’Etat de l’immatriculation sur les objets
spatiaux doive être considérée comme quasi territoriale1169. Ce concept de quasi-territorialité

atmosphérique », l’article 2 de la convention sur la haute mer pouvait s’appliquer mutatis mutandis en droit
spatial. UN Doc. No. A/C.1/PV.987, du 17 novembre 1958, § 6.
1164
Dans ce sens ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le droit international », op. cit. note 1162, p. 151 et
VERESHCHETIN (V. S.), « Legal Status of International Space Crews », op. cit. note 1162, pp. 547 et 548.
1165
Ibidem, pp. 547-548. En même temps, selon LACHS, la juridiction et le contrôle impliquent pour l’Etat
concerné l’obligation de s’assurer que l’objet spatial et son personnel n’affectent pas les droits des autres Etats et
qu’ils respectent les principes posés par le droit de l’espace. Voy. LACHS (M.), The Law of Outer Space, op. cit.
note 126, p. 70.
1166
MARCOFF (M. G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note 27, pp. 227-249 ; Selon
l’auteur l’Etat exerce une compétence personnelle sur les personnes se trouvant à bord de l’objet spatial et une
compétence relative aux services publics lorsqu’il assure des responsabilités de maintient de l’ordre à bord, de
circulation extra-atmosphérique et d’utilisation des fréquences radioélectriques.
1167
COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 484(l’auteur se réfère à une
« juridiction fonctionnelle ») et PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, op. cit. note 57, pp. 176-179 et 205-207.
1168
CHENG (B.), « Outer Space : The International Legal Framework ; The International Legal Status of Outer
Space, Space Objects and Spacemen », in Air and Outer Space Law, Thesaurus Acroasium, Institute of
International Public Law and International Relations of Thessaloniki, vol. 10, 1981, p. 97 et CHENG (B.),
« Nationality for Spacecraft ? », op. cit. note 4, pp. 208 et 216.
1169
CSABAFI (A.), The Concept of State Jurisdiction in International Space Law: A Study of the Progressive
Development of Space Law in the United Nations, Nijhoff, The Hague, 1971, pp. 50 et 57; MARCHAN (J.),

385
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

viserait à étendre l’application de cette compétence non seulement à l’objet en question, mais
à toutes les personnes se trouvant à son bord et à leurs activités. Malgré l’intérêt doctrinal de
cette qualification, sa pertinence doit être contestée. La notion peut s’avérer dangereuse,
notamment en raison du principe de non-appropriation de l’espace. Elle peut conduire à des
conclusions contraires à ce principe qui seraient inspirées de la souveraineté exercée par un
Etat sur son territoire, telles que l’acceptation de zones de sécurité « nationales » autour des
stations spatiales ou l’exclusion de tout type d’intervention internationale. Comment concilier,
par exemple, la théorie de territorialité de l’objet spatial avec l’article XII du traité sur
l’espace selon lequel « toutes les stations […] et tous les véhicules spatiaux se trouvant sur la
lune ou sur d’autres corps célestes seront accessibles, sous conditions de réciprocité, aux
représentants des autres Etats membres » ? Par ailleurs, qualifier la compétence exercée par
l’Etat d’immatriculation sur l’engin de « personnelle » s’accorde bien mieux avec la nature du
rattachement du second au premier. Les engins ne sont pas des « territoires flottants » mais
des choses, personnifiées dans une certaine mesure et liées juridiquement à un Etat qui
surveille leurs activités.
Ces dernières observations sont mutatis mutandis pertinentes pour ne pas qualifier la
compétence de l’Etat d’immatriculation de « fonctionnelle ». L’argument selon lequel la
majorité des objets spatiaux n’ont pas d’équipage à bord et correspondent donc moins à des
ensembles organisés qu’à des territoires ambulants n’est pas convaincant 1170. Non seulement
parce que les vols habités vont sans doute se multiplier 1171, mais encore parce la
différenciation ainsi signalée est quantitative et non qualitative. La nature des engins, qu’ils
soient des navires, des aéronefs ou des objets spatiaux, tout comme celle de leur rattachement
aux Etats, demeure identique.
541. Mieux vaut qualifier la compétence exercée par l’Etat d’immatriculation des objets
spatiaux de « personnelle », comme il en va dans le droit de la mer et de l’air. Cette

Derecho Internacional del Espacio, op. cit. note 10, pp. 226-229; OGUNBAWO (O. O.), International Law and
Outer Space Activities, Martinus Nijhoff, The Hague, 1975, p. 80; CHENG (B.), « Le Traité de 1967 sur
l’espace », JDI, vol. 95, 1968, p. 572.
1170
Cet argument est avancé par PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, op. cit. note 57, pp. 176-179 et 205-207,
qui considère que la compétence de l’Etat d’immatriculation est fonctionnelle et non personnelle, dès lors que le
rattachement concerne d’abord l’objet spatial, puisqu’il existe même lorsque ce dernier est inhabité.
1171
Les nombreux problèmes juridiques soulevés par la perspective du développement des vols suborbitaux
habités (VSH) sont d’ores et déjà envisagés par la doctrine. Voy. COUSTON (M.), HAIGNERE (J. P.) &
FARAND (A.) dir., « Les aspects juridiques des Vols Suborbitaux Habités (VSH) : rapport de l’atelier du 25
avril 2007 organisé par la Commission spatiale de la Société Française de Droit Aérien et Spatial et l’Astronaute
Club Européen », RFDAS, vol. 245, n°1, 2008, pp. 3-53. Les questions étudiées sont notamment la définition et
le statut du VSH, le droit applicable, les impératifs juridiques, les risques et les responsabilités et la relation avec
les passagers. Voy. également BOCKSTIEGEL (K.-H.), Manned Space Flight - Legal Aspects in the Light of
Scientific and Technological Development, Carl Heymans Verlag, Koln, Berlin, Bonn, Munchen, 1993.

386
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

compétence « personnelle » est tout simplement fondée sur le seul lien de rattachement de
l’engin à l’Etat 1172, et elle est normalement exclusive dès lors que l’objet se trouve dans un
espace international. Le fait que celle-ci devient concurrente dès lors que l’objet se trouve
dans un espace soumis à une souveraineté étatique, étaye encore plus l’hypothèse selon
laquelle il s’agit là d’une compétence « personnelle » et non « territoriale ».

§ 2. Les exceptions à la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation

542. Si la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation lorsque l’engin se trouve dans


un espace soustrait à toute souveraineté étatique est un principe établi du droit de la mer, de
l’air et de l’espace, ce n’est que dans le droit de la mer que ce principe présente toute son
importance. La compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation des aéronefs est plutôt
l’exception que la règle 1173. La juridiction de l’Etat d’immatriculation des aéronefs n’est en
effet exclusive que dans l’espace aérien international, espace dans lequel l’engin ne circule
que pour de courtes périodes (B). Quant au droit spatial, si le principe est admis sans
difficulté, des exceptions ne sont pas encore véritablement établies (C). La compétence
exclusive de l’Etat du pavillon connaît en revanche quelques exceptions et des atténuations
bien délimitées, qui laissent néanmoins intacte la prépondérance quasi absolue de l’Etat de
« nationalité » du navire. Si le droit international évolue vers un assouplissement de ce
principe, cette évolution est très lente et se heurte constamment à la réticence des Etats (A).

A. Les dérogations traditionnelles à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon et leur


adaptation aux nouveaux phénomènes

543. L’exclusivité de la compétence de l’Etat du pavillon sur le navire lorsqu’il est en


haute mer n’est pas sujette à controverse1174. Elle est prévue par l’article 92 de la convention
de Montego Bay, même si ce dernier emploie le terme « juridiction exclusive ».
Contrairement à la distinction entre compétence pénale et compétence civile qui sera peut être
nécessaire pour comprendre le partage de compétences lorsque le navire se trouve dans
certaines zones maritimes (eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë ou ZEE), la

1172
Dans ce sens VERESHCHETIN (V. S.), « Legal Status of International Space Crews », op. cit. note 1162, p.
547 qui ajoute que la compétence ne peut être rattachée à aucun autre critère, ainsi que DAILLET (P.) &
PELLET (A.), Droit international public, 7ème édition, LGDJ, Paris, 2002, p. 499.
1173
Dans ce sens KYRIAKOPOULOS (G. D.), La sécurité de l’aviation civile en droit international public, op.
cit. note 849, p. 96.
1174
Comme l’affirmait GIDEL devant la Commission du droit international : « l’idée essentielle contenue dans
le principe de la liberté de la haute mer est celle de l’interdiction de toute interférence dans la navigation en
temps de paix d’un pavillon à l’égard de tout autre pavillon ». Voy. Annuaire de la CDI, 1950, vol. II, p. 69 ;
Voy. également TREVES (T.), « Intervention en haute mer et navires étrangers », AFDI, 1995, pp. 651-675.

387
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

compétence exclusive en haute mer couvre tout litige civil et toute infraction pénale 1175. De
plus, seul l’Etat du pavillon exerce ses pouvoirs de police en haute mer 1176.
544. Tout établi que soit ce principe de compétence exclusive, le droit coutumier et le
droit conventionnel prévoient diverses exceptions. Certaines sont bien affirmées, alors que
d’autres sont en train d’émerger. Les plus importantes sont prévues par la convention de
Montego Bay dont l’article 92 précise que la juridiction exercée par l’Etat du pavillon en
haute mer est exclusive « sauf dans les cas exceptionnels expressément prévus par des Traités
internationaux ou par la Convention ». La convention prévoit ainsi une série d’exceptions
conférant aux bâtiments de guerre étrangers un « droit de visite » 1177 sur des navires
suspectés d’être dépourvus de nationalité, de dissimuler leur nationalité réelle ou de se livrer à
des actes de piraterie, de transport des esclaves ou de diffusion d’émissions non autorisées1178.
Ces exceptions sont complétées par celles que prévoient d’autres instruments internationaux
ou le droit coutumier. Il convient cependant de distinguer entre les véritables exceptions, qui
fondent une compétence universelle dans le chef de tout Etat tiers ou du moins une
compétence multiple des Etats « intéressés », et les simples atténuations du monopole de
l’Etat du pavillon qui se contentent de conférer certains pouvoirs aux Etats tiers. Si les
exceptions « traditionnelles » relèvent majoritairement de la première catégorie, celles qui
émergent, tout comme celles qui ne sont pas prévues dans l’article 110, font partie de la
seconde.

1175
Cf. Article 97 de la convention de Montego Bay qui stipule qu’en cas d’abordage ou de tout autre accident
de la navigation maritime en haute mer qui engage la responsabilité pénale du capitaine ou d’un autre membre de
l’équipage, seules les autorités judiciaires de l’Etat du pavillon ou de l’Etat de nationalité de la personne
concernée sont compétentes. Certes, il existe la compétence personnelle passive de l’Etat de nationalité des
victimes [pour un exemple jurisprudentiel de cette base de compétence voy. Affaire Cutting, Moore’s Digest,
Vol. 2, 1886, p. 228 ainsi qu’une décision de la Bundesgerichtshof, BGH Urteil v. 22/2/1963 – 4 StR 9/63 (LG
Bochum), in Juristenzeitung 1964, p. 380, commentaire de OEHLER ; les deux affaires sont citées par RENTON
(D), op. cit. note 50, p. 8, notes de bas de page 1 et 2] et la compétence personnelle active de nationalité des
personnes responsables du dommage causé. Cependant un tel conflit des compétences peut s’avérer extrêmement
complexe et difficile à résoudre ; c’est pourquoi il est indispensable de faire appel à la compétence de l’Etat du
pavillon.
1176
En effet, par monopole de l’Etat du pavillon en haute mer, on entend notamment sa compétence en matière
de pouvoirs de police. Concrètement, les mesures de police sont des « mesures que l’Etat est en droit de prendre
en haute mer, des actes d’autorité qu’il peut y poser, en vue d’assurer le respect de la règle juridique par les
sujets auxquels elle s’applique. Entendu de la sorte, le pouvoir de police comprend la surveillance et le contrôle,
pouvant aller jusqu’à la contraite et la coercition ». Voy. VAN DER MENSBRUGGHE (Y.), « Le pouvoir de
police des Etats en haute mer », RBDI, 1975, p. 57.
1177
Article 110 de la convention de Montego Bay.
1178
Pour une présentation détaillée en la matière voy., entre autres, DE RAULIN (A.), « La répression dans les
eaux internationales », ADMA, 1997, t. XV, pp. 189-232 ; TREVES (T.), « Intervention en haute mer et navires
étrangers », op. cit. note 1174, pp. 651-675 ; VAN DER MENSBRUGGHE (Y.), « Le pouvoir de police des
Etats en haute mer », op. cit. note 1176, pp. 56-102.

388
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

i. Les exceptions à la compétence exclusive prévues dans l’article 110 de la


convention de Montego Bay face à des nouvelles infractions

545. Les exceptions traditionnelles qui sont prévues à l’article 110 donnent en haute mer
une compétence pleine et entière concurrente à celle de l’Etat du pavillon, au profit soit de
tous les Etats soit des Etats principalement intéressés par l’activité en cause. Les activités
illicites prévues par cet article peuvent être rapprochées de phénomènes plus récents, avec
lesquels elles partagent certaines caractéristiques. Ces phénomènes constituent néanmoins de
véritables altérations des activités initialement prévues. L’article 110 ne peut dès lors pas
s’appliquer à ceux-ci. Les évolutions actuelles nécessitent donc la mise en place de régimes
nouveaux.

a. La piraterie « moderne » et le terrorisme maritime

546. En matière de piraterie, la dérogation au monopole de l’Etat du pavillon confère une


compétence universelle 1179 permettant à tous les Etats d’exercer leurs pouvoirs à l’égard d’un
navire étranger. Les actes de piraterie en haute mer 1180 tombant sous la définition de l’article
101 de la convention de Montego Bay ouvrent la voie à la saisie du navire pirate par tout Etat,
en vertu de l’article 105 de la convention.

1179
Pour le rôle particulier que la piraterie a joué en tant que fondement pour la compétence universelle voy.
KONTOROVICH (E.), « The Piracy Analogy : Modern Universal Jurisdiction’s Hollow Foundation », Harvard
International Law Journal, vol.45, n° 1, 2004, pp. 183-238, notamment pp. 188-210. Pour une critique de la
qualification de la compétence exercée à propos de piraterie en tant que compétence « universelle » voy.
VERHOEVEN (J.), Droit international public, op. cit. note 6, pp. 136-137.
1180
En vertu l’article 58 de la convention de Montego Bay, les articles 88 à 115 s’appliquent dans la zone
économique exclusive « dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la (présente) partie (VI) ». Ainsi,
nous pouvons considérer que les articles relatifs à la piraterie s’appliquent également dans la ZEE, malgré la
définition de l’article 101 concernant « la haute mer » et « tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun
Etat ». Dans ce sens LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.), Droit de la mer :Navigation et pêche, op. cit. note
13, pp. 164-165.

389
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

547. La piraterie connaît actuellement un renouveau considérable 1181. Cette piraterie


« moderne » 1182 a été considérée au début comme s’éloignant définitivement des schémas
classiques car elle a lieu dans les ports, points de mouillage ou dans la mer territoriale1183 et
prend la forme du brigandage ; elle devient toutefois aujourd’hui systématique même en haute
mer. Il n’empêche qu’un grand nombre, voire la majorité, des incidents de piraterie maritime
se produisent toujours en mer territoriale, échappant ainsi à l’application de l’article 101 et à
la compétence universelle établie par lui. De plus, la piraterie est souvent associée au
terrorisme maritime 1184, une nouvelle génération de pirates n’hésitant pas à recourir à des

1181
Sur la piraterie durant 2010 voy. le rapport du conseilleur général Jack LANG remis au Secrétaire général de
l’ONU le 18 janvier 2011, §§ 14; 19-20; 25; 29 et 31; disponible sur [http://www.bruxelles2.eu/wp-
content/uploads/2011/01/PiratMaritJackLangRAP@ONU110126.pdf ] consulté le 7 février 2011. Depuis le 1er
janvier 2011, plus de 80 incidents ont été recensés par les forces multinationales. Voy.
[http://www.bruxelles2.eu/piraterie-golfe-daden-ocean-indien/la-marine-indienne-en-chasse-un-bateau-mere-
capture-mais-les-pirates-continuent.html] consulté le 7 février 2011. En 2008, l’OMI a recensé 293 actes de
piraterie dans le monde. Voy. [http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs_909/fiches-
reflexes_12464/faire_12465/piraterie-maritime_12476/index.html] consulté le 9 septembre 2010. Pendant le
premier semestre de 2009, le nombre des navires attaqués par des pirates somaliens a doublé par rapport à la
même période de 2008 ; depuis septembre 2009 les pirates multiplient les attaques au large des Seychelles.
(Voy. GUILFOYLE (D.), « Piracy off Somalia: UN Security Council Resolution 1816 and IMO Regional
Counter-Piracy Efforts », ICLQ, 2008, vol. 57, part 3, pp. 690-699; [www.icc-ccs.org] et notamment le site du
International Maritime Bureau Piracy Reporting Center [http://www.icc-
ccs.org/index.php?option=com_content&view=article&id=30&Itemid=12] consulté le 9 septembre 2010 ; ICC
INTERNATIONAL MARITIME BUREAU, Piracy and armed robbery against ships, Annual Report, 1st
January-31 December 2008 consultable sur [http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/0/50/29/09/Docs-
Textes/Pirates2008RAP-BMI0901.pdf]).
1182
Voy. pour une présentation générale MUNARI (F.), « La « nuova » pirateria e il diritto internazionale.
Spunti per una riflessione », Rivista di Diritto Internazionale, vol. XCII, n°2, 2009, pp. 325-362.
1183
Notamment en Somalie où le phénomène a connu une ampleur importante, à tel point que le Conseil de
sécurité onusien a adopté, suite à l’attaque contre le voilier français le Ponant en avril 2008, une résolution le 2
juin 2008 (1816/2008) autorisant certaines puissances maritimes à combattre la piraterie dans la mer territoriale
somalienne par « tous les moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée ».
L’autorisation ne concerne que la Somalie, et « ne saurait constituer un précédent », toute intervention devant se
faire en coopération avec le gouvernement de transition somalien (Transitional Federal Government of Somalia,
ci-après TFG) et dans le respect du droit international. Cependant la résolution peut être considérée comme un
début vers une évolution permettant le combat contre la piraterie dans la mer territoriale. De son côté, l’UE a
adopté le 10 novembre 2008 l’action commune 2008/851/PESC du Conseil concernant l’opération militaire de
l’UE en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la représsion des actes de piraterie et des vols
à main armée au large des côtes de la Somalie. Il s’agit d’une opération militaire dénomée Atalanta (ou
EUNAVFOR/European Union Naval Force Somalia ), ménée par l’UE, dans le cadre des résolutions 1814/2008,
1816/2008 et 1838/2008 du Conseil de sécurité onusien. Un accord entre l’Union européenne et le gouvernement
du Kenya prévoit les conditions et les modalités sur le transfert des personnes soupçonnées d’avoir commis des
actes de piraterie ou des vols à main armée dans les eaux territoriales de la Somalie ou du Kenya retenues par
l’EUNAVFOR. Les pirates peuvent être transférés pour jugement dans l’Etat membre de l’UE qui les a
arraisonnés, si le Kenya ne veut pas accepter sa compétence. Ainsi, un des 7 pirates arrêtés le 29 novembre 2010
par la frégate belge Louise-Marie de l’EUNAVFOR dans les eaux territoriales kenyanes a été transféré en
Belgique en décembre 2010, au titre de la nouvelle loi belge anti-piraterie (Loi relative à la lutte contre la
piraterie du 30 décembre 2009 – dans le même sens voy. projet de loi française relatif à la lutte contre la piraterie
et à l’exercice des pouvoirs de police de l’Etat en mer, votée en première lecture le 6 mai 2010 au Sénat et le 25
novembre 2010 à l’Assemblée nationale ; l’Espagne, le Japon, les Maldives, les Seychelles et la Tanzanie se sont
également engagés dans un tel processus).
1184
Voy. ODIER (F.), « Piraterie, terrorisme : une menace pour les navires, un défi pour le droit de la mer »,
ADM, t. X, 2005, pp. 263-276.

390
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

pratiques terroristes 1185. Ces pirates ne tombent pas dans le champ d’application de l’article
101, parce qu’ils agissent à des fins politiques et non privées 1186.
548. Au lendemain de l’attaque sur l’Achille Lauro 1187, survenu dans les eaux territoriales
égyptiennes et pour des motifs politiques, l’ONU et l’OMI ont adopté la convention de Rome
du 10 mars 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation
maritime 1188. Les dispositions de cette convention devaient permettre de couvrir les actes
échappant à la convention de Montego Bay 1189. Cependant, sa portée est demeurée limitée.
Elle n’a en effet pas été ratifiée par les Etats du Sud-Est Asiatique, région dans laquelle les
pirates sévissent actuellement 1190, et elle ne confère par ailleurs pas aux Etats parties le droit
d’arrêter et d’inspecter les navires soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes
ou pirates navigant exclusivement dans des eaux territoriales 1191. La compétence qu’elle
procure n’est en outre pas réellement universelle ; les Etats doivent présenter un lien direct
avec les infractions afin d’établir leur compétence 1192. Enfin, l’article 9 précise qu’« aucune
disposition n’affecte de quelque façon que ce soit les règles du droit international concernant
1185
Pour une présentation des problèmes actuels posés par la piraterie moderne et les actes de terrorisme voy.
rapport du Secrétaire général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon, Les océans et le droit de
la mer, 65ème session, 29 mars 2010, A/65/69, pp. 72-76, §§ 243-257 et rapport du conseilleur général Jack
LANG remis au Secrétaire général de l’ONU le 18 janvier 2011, op. cit. note 1181, §§ 14 et 19-20.
1186
Pour une analyse de la notion « private ends » en rapport avec la piraterie moderne voy. MUNARI (F.), « La
« nuova » pirateria e il diritto internazionale. Spunti per una riflessione », op. cit. note 1182, pp. 335-339.
L’auteur soutient que les fins privées ne sont pas uniquement lucratives mais également relatives à la violence, la
haine ou la revanche.
1187
Il s’agit du détournement opéré sur le paquebot Achille Lauro par un groupe palestinien appartenant au
mouvement FLP et demandant la libération de 50 prisonniers palestiniens détenus par l’Israël, le 7 octobre 1985,
alors que celui-ci venait de quitter le port d’Alexandrie en Egypte. L’incident est donc survenu dans les eaux
territoriales de l’Egypte. L’Etat du pavillon et de la majorité des passagers était l’Italie. La Grèce était l’Etat de
nationalité de l’armateur affrétant l’Achille Lauro. Le citoyen tué lors de l’incident était américain. L’affaire
constitue donc un parfait exemple de compétences concurrentes. HALBERSTAM (M.), « Terrorism on the high
seas: the Achille Lauro, piracy and the IMO Convention on Maritime Safety », AJIL, 1988, vol. 82, pp. 269-310;
GOODING (G. V.), « Fighting terrorism in the 1980’s: the interception of the Achille Lauro hijackers », The
Yale Journal of International Law, vol. 12, pp. 158-179; CONSTANTINOPLE (G. R.), « Towards a New
Definition for Piracy: the Achille Lauro Incident », Virginia Journal of International Law, 1986, vol. 26, pp.
723-753; PANCRACIO (J.-P.), « L’affaire de l’Achille Lauro et le droit international », AFDI, 1985, vol. 31, pp.
219-236.
1188
Voy. notamment convention de Rome de 1988, articles 3 (définissant les infractions pénales punies par la
convention), 4 (champ d’application), 5 et 6 (compétences pour la répression), 13 (collaboration pour la
prévention).
1189
L’article 3 de la convention de Rome de 1988 définit les infractions pénales tombant dans son champ
d’application.
1190
Plus particulièrement les pirates sévissent dans les régions d’Asie du Sud et Asie Sud-Est, le long des côtes
d’Amérique du Sud, du golfe d’Aden, de la mer Rouge mais aussi celles de la Somalie, dans le golfe de Guinée
et dans la mer des Caraïbes.
1191
L’article 4 dispose : « 1. La présente Convention s’applique si le navire navigue ou si, d’après son plan de
route, il doit naviguer dans des eaux, à travers des eaux ou en provenance d’eaux situées au-delà de la limite
extérieure de la mer territoriale d’un seul Etat, ou de limites latérales de se mer territoriale avec les Etats
adjacents 2. Dans les cas où la Convention n’est pas applicable conformément au paragraphe 1, ses dispositions
sont toutefois applicables si l’auteur ou l’auteur présumé de l’infraction est découvert sur le territoire d’un Etat
Partie autre que l’Etat visé au paragraphe 1 ».
1192
Convention de Rome de 1988, article 6.

391
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’exercice de la compétence des Etats en matière d’enquête ou d’exécution à bord des navires
qui ne battent pas leur pavillon ». Le monopole de l’Etat du pavillon en matière de police est
donc préservé, même si la détention et l’engagement de poursuites pénales ou de la procédure
d’extradition sont réglés par la convention 1193.
En raison de ces carences, un protocole portant modification de la convention pour la
répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime a été adopté le 14
octobre 2005. Le protocole n’altère pas drastiquement la souplesse établie par la convention ;
il déclare en effet que « les Etats Parties coopèrent dans toute la mesure du possible en vue
de prévenir et de réprimer les actes illicites visés par la présente Convention, conformément
au droit international et répondent aux demandes adressées (en vertu du présent article) dans
les meilleurs délais » 1194. Il s’inscrit, néanmoins, dans une optique de renforcement de la lutte
contre le terrorisme maritime 1195. Le nouvel article 8bis prévoit en effet que toute partie qui
suspecte un navire battant son pavillon de se livrer à des actes illicites couverts par la
convention peut solliciter l’assistance d’autres Etats parties, tenus de mettre tout en œuvre
pour la lui fournir en fonction de leurs moyens 1196. Dans le même sens, l’Etat côtier qui
soupçonne un navire étranger se trouvant au large de sa mer territoriale peut, après avoir reçu
confirmation de la nationalité du navire, demander à l’Etat du pavillon l’autorisation de
l’arraisonner et de prendre les mesures appropriées 1197. L’Etat du pavillon a le choix entre
refuser l’arraisonnement 1198, l’autoriser et y procéder lui-même ou en liaison avec la partie
requérante. Mais, dans tous les cas, aucune mesure ne peut être prise sans l’autorisation
expresse de l’Etat du pavillon 1199. Pour tous les arraisonnements prévus par cet article, l’Etat

1193
Ibidem, articles 5, 7 et 8.
1194
Ibid., article 8bis paragraphe 1, introduit par l’article 8 du protocole.
1195
Il détermine, en plus, de nouvelles infractions pénales par rapport à la convention. Article 4 du protocole,
modifiant l’article 3 de la convention et introduisant les articles 3bis, 3ter et 3quater à la convention.
1196
Convention de Rome de 1988, § 4 de l’article 8bis.
1197
Notamment stopper le navire, monter à bord et fouiller le navire, sa cargaison et les personnes à bord, ainsi
qu’interroger les personnes à bord. Ibidem, § 5 de l’article 8bis.
1198
Le terme « arraisonnement » ou « visite » à l’anglo-saxonne, comprend les opérations suivantes : l’enquête
de pavillon, autrement dit l’examen des papiers de bord qui se fait à bord du navire et la perquisition, qui
comporte l’examen de la cargaison et l’interrogation de l’équipage. Voy.LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.),
Droit de la mer : Navigation et pêche, op. cit. note 13, p. 125. M. QUENEUDEC regrette toutefois cet emploi du
terme, « utilisé d’une manière abusive » et considère que « son sens orignel [est] dénaturé » (en se référant à
l’emploi du terme dans la convention de Montego Bay et dans la convention de Vienne de 1988 contre le trafic
illicite de stupéfiants). Voy. QUENEUDEC (J-P.), « Chronique du droit de la mer », AFDI, 1988, p. 732.
1199
Ce dernier peut, cependant, notifier le Secrétaire général de son autorisation préalable pour l’arraisonnement
de ses navires suspects par l’Etat côtier, autorisation qu’il peut subordonner à un délai de 4 heures après l’accusé
de réception de la demande de confirmation de la nationalité ou à d’autres conditions (renseignements
supplémentaires, responsabilité des mesures à prendre). §§ 5d), e) et 7 de l’article 8bis. Le § 7 précise, en outre,
qu’« aucune mesure supplémentaire ne peut être prise sans l’autorisation expresse de l’Etat du pavillon, à
l’exception de celles qui sont nécessaires pour écarter un danger éminent pour les vies de personnes ou de celles
qui découlent d’accords bilatéraux ou multilatéraux pertinents ».

392
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

du pavillon a le droit d’exercer sa juridiction sur le navire, sa cargaison et les personnes


détenues à bord, ainsi que d’ordonner la mainlevée, la confiscation, la saisie et l’engagement
de poursuites ou consentir à la juridiction d’un autre Etat compétent.
549. Le rôle prépondérant ainsi réservé à l’Etat du pavillon est confirmé par le paragraphe
10 où il est stipulé que l’Etat partie qui prend de telles mesures « tient dûment compte de la
nécessité de ne pas porter préjudice aux intérêts commerciaux ou juridiques de l’Etat du
pavillon », ni « à son pouvoir d’exercer sa juridiction et son contrôle pour les questions
d’ordre administratif, technique et social concernant le navire ». Il en ressort clairement que
le protocole ne s’éloigne pas définitivement du schéma du monopole de l’Etat du pavillon
pour établir une compétence universelle analogue à celle qui concerne la piraterie
traditionnelle. Même si l’autorisation de l’Etat du pavillon est toujours exigée pour tout
exercice de compétence par un Etat tiers, le protocole laisse néanmoins entrevoir une
évolution vers une « obligation » de cet Etat d’accorder cette autorisation, lorsqu’il n’a pas les
moyens ou la volonté de lutter efficacement contre les infractions visées.
550. Une telle obligation ne relève pas en l’état présent du droit positif. Elle n’est inscrite
dans aucun instrument international et ne correspond pas encore à une pratique étatique
constante. Mais le droit international semble évoluer dans ce sens. L’évolution sera sans doute
lente, et il y a dès lors lieu de regretter le manque d’audace dont témoignent les instruments
tels que le protocole susmentionné, qui reflète la réticence des grands Etats maritimes devant
toute redéfinition des pouvoirs découlant de la « nationalité » des navires 1200. La piraterie et
ses « dérives », prenant la forme du terrorisme et de la violence en mer, demeurant un
phénomène d’une brûlante actualité, on peut regretter que les moyens de la répression restent

1200
Malgré cela, des instruments tels que la résolution 1816/2008 du Conseil de Sécurité du 2 juin 2008 (voy.
supra note 1183) semblent aller dans cette direction. En vertu de celle-ci, suite au consentement exprimé par une
lettre envoyé par le gouvernement somalien (Transitional Federal Government of Somalia/TFG) au Président du
Conseil de Sécurité, tout Etat qui coopère avec ce TFG a le droit, pendant six mois, d’entrer dans les eaux
territoriales somaliennes et d’utiliser « toutes les mesures nécessaires » afin de réprimer la piraterie et le vol
armé en mer, en conformité avec le droit international. Il s’agit, certes, d’un cas isolé et fondé sur l’accord de la
Somalie, mais ses implications demeurent importantes. La dérogation mise en place ne concerne pas la
compétence exclusive de l’Etat du pavillon en haute mer, mais la compétence territoriale de l’Etat côtier. De
plus, le consentement de la Somalie, accordé par avance à tout Etat coopérant et non plus au cas par cas, pourrait
ouvrir la voie vers une obligation internationale de demander et d’accepter la coopération internationale, lorsque
l’Etat concerné – qu’il soit l’Etat du pavillon ou l’Etat côtier – n’a pas les moyens de lutter efficacement contre
la violence en mer. Cette résolution devrait dès lors constituer un premier pas l’intervention des Etats tiers dans
les eaux sous souveraineté pour lutter efficacement contre la piraterie moderne. Voy. également dans ce sens :
résolution 1950/2010 du 23 novembre 2010 ; résolution 1872/2009 du 26 mai 2009 ; résolution 1838/2008 du 7
octobre 2008 ; action commune 2008/851/PESC du Conseil concernant l’opération militaire de l’UE en vue
d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la représsion des actes de piraterie et des vols à main
armée au large des côtes de la Somalie.

393
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

inadéquats 1201. La piraterie traditionnelle permet de déroger à la compétence exclusive de


l’Etat du pavillon en haute mer, en donnant le droit à tout Etat de saisir le navire pirate. Mais
la piraterie moderne, lorsqu’elle est associée au terrorisme et/ou qu’elle a lieu dans des eaux
territoriales, n’est pas efficacement encadrée par les instruments internationaux existants1202.
Elle doit donc être réprimée principalement par l’Etat du pavillon en haute mer (lorsque le
navire a une « nationalité », c’est-à-dire dans tout autre cas que celui de la piraterie
traditionnelle) et l’Etat territorial (Etat côtier1203) le cas échéant, une compétence universelle
n’ayant pas été établie par les dispositions internationales. Cela n’empêche qu’il serait
opportun d’élargir le champ d’application des règles relatives à la piraterie maritime de
manière à y inclure les actes de terrorisme commis en haute mer 1204. Quant aux actes de
piraterie « moderne » ayant lieu dans la mer territoriale, la responsabilité internationale de
l’Etat côtier concerné peut être, en théorie au moins, établie si ce dernier ne combat pas de
manière suffisante les actes de piraterie maritime dans ses eaux territoriales. Il en va de même
pour l’Etat du pavillon – si le navire en cause a une « nationalité » – qui refuserait
d’arraisonner ou d’autoriser l’arraisonnement de ses navires se livrant à des actes de violence
en mer. Mais il n’existe pas encore une véritable pratique internationale à cet égard, une
obligation générale étatique de réprimer le phénomène étant, de lege lata, difficilement

1201
Dans ce sens voy. FAYE (F.), « Insuffisances juridiques dans la lutte contre la piraterie », op. cit. note 34,
pp. 88-93 et VOELCKEL (M.), « La piraterie est-elle un crime de droit des gens ? », ADM, t. V, 2000, pp. 93-
121.
1202
Voy. dans ce sens WOLFRUM (R.), « Fighting terrorism at sea : options and limitations under international
law », in Verhandeln für den Frieden: liber amicorum Tono Eitel, 2003, pp. 649- 668 et in Legal challenges in
maritime security, Nijhoff, Leiden, 2008, pp. 3-40 ; MUNARI (F.), « La « nuova » pirateria e il diritto
internazionale. Spunti per una riflessione », op. cit. note 1182, pp. 344-354 ; ODIER (F.), « Piraterie, terrorisme :
une menace pour les navires, un défi pour le droit de la mer », op. cit. note 1184, pp. 263-274.
1203
Les Etats dont les côtes sont concernées par la piraterie prennent de plus en plus des initiatives afin de lutter
contre ce phénomène. Ainsi, « un amendement au Code pénal donne désormais compétence universelle aux
tribunaux seychellois pour poursuivre tous ceux qui se livrent à la piraterie dans l’Océan Indien. Le pays peut
ainsi détenir les pirates arrêtés par les marines de l’Union européenne pour les juger, et s’ils sont condamnés,
les détenir sur son territoire. Onze pirates arrêtés par les gardes-côtes seychellois ont déjà été jugés en mars
dernier. Onze autres, appréhendés par la marine française au large de la Somalie, y ont également été
transférés pour y être jugés ».
Voy. [http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21876&Cr=Somalie&Cr1] consulté le 7 mai 2010.
1204
Intéressant est à cet égard le point de vue de WOLFRUM qui souligne que si l’Etat du pavillon est le seul
compétent pour arraisonner en haute mer un navire soupçonné de se livrer à des actes de terrorisme maritime, il a
non seulement l’obligation internationale de le faire mais également l’obligation internationale de demander
l’assistance des Etats tiers s’il n’est pas en position d’exercer cette compétence de manière effective. Le cas
échéant, il fonde la compétence des Etats tiers à intervenir malgré l’abstention de l’Etat du pavillon au principe
général de sauvegarde de la vie humaine. En dernier ressort, il propose comme solution de considérer le navire
terroriste comme navire sans nationalité, par analogie avec l’article 104 de la convention de Montego Bay ; à ces
fins, il sera nécessaire d’établir quand et sous quelles circonstances le navire est passé au contrôle des terroristes
et si, par conséquent, il a perdu sa nationalité. WOLFRUM (R.), « Fighting terrorism at sea : options and
limitations under international law », op. cit. note 1202, pp. 649- 668.

394
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

acceptable 1205. Le rapport sur les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes
somaliennes qu’a remis au Secrétaire général de l’ONU le conseilleur spécial Jack LANG le
18 janvier 2011 est très intéressant 1206. Il y emploi le terme « piraterie » selon une définition
large englobant la piraterie stricto sensu (en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la
juridiction d’aucun Etat) et le vol à main armé en mer. Dans sa proposition n° 14 le
conseilleur souligne que « [l]es poursuites engagées par les Etats du pavillon du navire
victime restent marginales à ce jour et devraient être beaucoup plus fréquentes. A court
terme, il est indispensable que tous les Etats, y compris les Etats du pavillon du navire
victime, traduisent les pirates en justice » 1207. Il propose en outre la mise en place d’un «
dispositif juridictionnel comprenant deux juridictions spécialisées au Puntland et au
Somaliland et une cour spécialisée somalienne extraterritoriale qui pourrait être localisée à
Arusha » 1208. Même si parmi les solutions proposées la préférence du conseilleur va au
renforcement de l’action locale, il insiste également sur l’importance des poursuites
entreprises par l’Etat du pavillon du navire victime et sur la nécessité d’une mobilisation
générale des Etats pour juger les personnes suspectées de piraterie.

b. Le transport d’esclaves et le trafic des migrants

551. La deuxième exception au monopole de l’Etat du pavillon en haute mer concerne le


transport d’esclaves. Si l’interdiction de la traite d’esclaves est considérée de longue date
comme coutumière 1209, elle semble aujourd’hui historiquement datée. Un nouveau
phénomène s’en rapproche : le trafic illicite et organisé de clandestins, qui, d’une certaine
manière, s’apparente à l’ancienne traite d’esclaves 1210. Mais les deux phénomènes ne peuvent
pas être considérés comme identiques, la convention de Montego Bay ne visant que le
premier. En ce qui concerne le transport d’esclaves, on peut se demander si les articles relatifs
de la convention de Montego Bay présentent encore quelconque utilité alors que tous les pays

1205
Dans ce sens MUNARI (F.), « La « nuova » pirateria e il diritto internazionale. Spunti per una riflessione »,
op. cit. note 1182, p. 355.
1206
Ce rapport (op. cit. note 1181) s’inscrit dans le processus engagé par le Conseil de sécurité des Nations Unies
le 27 avril 2010, aux termes de sa résolution 1918, en vue de « mieux parvenir à poursuivre et incarcérer les
personnes responsables d’actes de piraterie et de vols à main armée commis au large des côtes somaliennes ».
Le conseilleur spécial Jack LANG y présente 25 proposition, dont certaines seront reprises par une résolution du
Conseil de Sécurité qui est actuellement en préparation.
1207
Voy. le rapport du conseilleur général Jack LANG remis au Secrétaire général de l’ONU le 18 janvier 2011,
op. cit. note 1181, p. 24, § 75.
1208
Ibidem, proposition n° 25, pp. 35-39, §§ 116-134.
1209
Acte général de la conférence de Bruxelles du 2 juillet 1890 sur l’abolition de l’esclavage ; convention de
Genève du 25 septembre 1926 telle que modifiée le 7 décembre 1953 et complétée le 5 septembre 1956.
1210
En ce sens, BASTID-BURDEAU (G.), « Migrations clandestines et droit de la mer », in La mer et son droit,
Mélanges offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.), Pedone, Paris, 2003, pp. 57-66.

395
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

ont aboli l’esclavage. Ces règles sont-elles devenues désuètes 1211 ou convient-il de leur
conférer un sens nouveau ?
552. On pourrait soutenir que la notion d’esclavage correspond aujourd’hui à toute forme
de lien de dépendance humaine, telle que la prostitution, le travail forcé ou même le travail
des enfants. Mais serait-il possible d’interpréter les articles 99 et 110 de la convention de
Montego Bay comme visant un tel transport, c’est-à-dire un transport de personnes soumises à
un traitement de dépendance humaine ? On ne peut qu’hésiter à l’admettre. La notion de
transport d’esclaves est en effet suffisamment précise pour ne pas pouvoir être assimilée au
transport des migrants de tout type. Et des efforts sont faits pour réprimer le trafic des êtres
humains par voie maritime à l’aide de nouveaux instruments internationaux visant
spécifiquement ce phénomène. Le rôle actuel des articles 99 et 110b) de la convention de
Montego Bay reste donc ambigu : n’ayant plus qu’une valeur historique, ils devraient être
modifiés de manière à effectivement couvrir tout trafic illicite d’êtres humains et pas
uniquement d’esclaves.
553. La notion même du trafic illicite d’être humains doit être clarifiée 1212. Le phénomène
des passagers clandestins, transportés par des passeurs en échange de sommes exorbitantes,
doit être distingué de celui des trafiquants qui, en dehors du prix du transport, entendent
surtout profiter de l’activité des personnes transportées, notamment de la prostitution. C’est
principalement ce deuxième cas qui est visé par le terme étudié. D’une manière générale,
lorsqu’on fait référence à un passager clandestin à bord de transports réguliers, les règles
applicables sont déterminées par la seule loi du pavillon. En revanche, dans le cas de
transports clandestins organisés, le transport per se est illégal et il devient possible, du moins
en théorie, d’envisager une exception à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon. Dans
de telles situations, l’Etat de destination, mais aussi l’ensemble de la communauté
internationale, pourraient être impliqués, lorsque les conditions de transport sont inhumaines
et dégradantes, à l’instar de ce qui fut le cas de l’esclavage. Mais, le transport des migrants ne
constituant pas un transport d’esclaves, l’exception à la compétence de l’Etat du pavillon ne
peut pas être fondée sur la convention de Montego Bay. Aucune règle coutumière ne semble
par ailleurs permettre une telle exception.
1211
Sur cette notion voy. KOLB (R.), « La désuétude en droit international public », RGDIP, t. 3, 2007, pp. 577-
608 et LE FLOCH (G.), « La désuétude en droit international public », RGDIP, t. 3, 2007, pp. 609-642, qui
explique la désuétude en tant que constituée de deux éléments : 1) une absence d’application prolongée de la
norme en cause soit par abstention soit par pratique divergente 2) une opinion des sujets concernés acceptant cet
état des choses comme étant conforme au droit, opinion normalement configurée comme accord tacite.
1212
Sur la question voy. DE RAULIN (A.), « La répression dans les eaux internationales », op. cit. note 1178,
pp. 189-232 ; MOMTAZ (D.), « La lutte contre l’introduction clandestine des migrants par mer », ADM, t. IV,
1999, pp. 49-57 ; PAYRE (F.), « Les passagers clandestins », ADMA, 1996, t. 14, pp. 267-316.

396
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

554. Hors divers accords bilatéraux ou régionaux visant à combattre le transport


d’immigrants 1213, il reste un instrument international qui règle partiellement la question. Il
s’agit du protocole n°3 à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
(convention de Palerme), visant spécifiquement le trafic illicite de migrants par terre, air et
mer 1214. Même si sa vocation est principalement pénale, ce texte contient certaines
dispositions relatives à la compétence en haute mer, sans donner toutefois de véritables
pouvoirs aux Etats tiers, en manière telle que la règle du monopole de l’Etat du pavillon n’est
pas sérieusement remise en cause. L’article 8 autorise en effet un Etat tiers à intervenir sur un
navire soupçonné de participer à un trafic de migrants, soit à la demande, soit avec l’accord de
l’Etat 1215 dont le navire bat le pavillon. Les Etats parties s’engagent à répondre sans retard à
toute demande qui leur serait transmise à cet effet par un Etat tiers susceptible d’arraisonner le
navire. Tout Etat qui soupçonnerait l’existence d’un trafic illicite s’engage donc à coopérer «
1216
dans la mesure du possible et des moyens dont il dispose » avec les autres Etats parties
pour les aider à mettre une fin à l’utilisation du navire à cette fin. La nécessité de l’accord de
l’Etat du pavillon, ainsi que la flexibilité de la pseudo-obligation de coopération, soulignent le
caractère souple du protocole et confirment la compétence exclusive de l’Etat du pavillon en
haute mer. Tant qu’il n’est pas considéré comme une forme moderne de traite d’esclaves, le
trafic des migrants ne peut donc pas constituer une exception à cette compétence.

c. Les émissions non autorisées et les serveurs web installés en haute mer

555. Une autre dérogation à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon concerne les
émissions de radio ou de télévision diffusées sans autorisation depuis la haute mer,

1213
A titre d’exemple voy. l’accord conclu le 23 septembre 1981 entre les Etats-Unis et le Haïti pour contrôler
l’immigration clandestine des Haïtiens ; il prévoit la possibilité d’inspecter les navires battant pavillon haïtien et
soupçonnés de participer au transport d’immigrants, moyennant la présence d’un représentant des autorités
haïtiennes à bord des navires américains : Agreement to stop clandestine migration of residents of Haïti to the
United States ; Exchange of letters 23 september 1981, ILM 20.1981, p. 1198, cité par LUCCHINI (L.) &
VOELCKEL (M.), Droit de la mer:Navigation et pêche, op. cit. note 13, pp. 144-145, note de bas de page n°
318.
1214
Sur la genèse de ce texte voy. MOMTAZ (D.), « La lutte contre l’introduction clandestine des migrants par
mer », op. cit. note 1212, pp. 49-57.
1215
En effet, l’article 8 fait une dissociation intéressante entre le fait de battre pavillon, d’avoir une nationalité et
d’être inscrit sur un registre. Le premier paragraphe autorise tout Etat qui soupçonne qu’un navire battant son
pavillon ou étant inscrit sur son registre sans avoir une nationalité ou ayant sa nationalité mais battant
pavillon étranger se livre au trafic illicite de demander de l’aide aux autres Etats parties. Le paragraphe 2 exige
que les Etats parties ayant des soupçons sur des navires étrangers notifient l’Etat du pavillon et demandent son
autorisation afin de prendre les mesures appropriées.
1216
Protocole n°3 à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, article 8.2.

397
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

communément connues comme radio ou télévision pirates 1217. Contrairement à la piraterie, les
émissions dites pirates n’ouvrent pas la voie à une compétence universelle, mais à une
compétence concurrente des Etats concernés 1218. Le phénomène des « pirates radiophoniques
à vocation commerciale » 1219 installés en haute mer a connu un grand essor dans les années 60
et 70 1220. Avant la convention de Montego Bay, les navires émetteurs situés dans les eaux
internationales ne pouvaient être saisis par aucune autorité, hors celle du pavillon 1221.
Cependant, les Etats au large desquels les navires étaient ancrés ont promulgué des lois
obligeant dans la plupart des cas les radios à arrêter la diffusion de leurs programmes 1222. La
libéralisation de la diffusion radiophonique en Europe vers la fin des années 70 et
l’accroissement de l’étendue des eaux territoriales ont mis fin à ces émissions. Après l’entrée
en vigueur de la convention de Montego Bay, les législations nationales ont été en droit de
déclarer illicites les émissions diffusées depuis des navires étrangers en haute mer et captées
sur leur territoire. L’arraisonnement de ces navires est devenu possible, ce qui a
définitivement mis un terme aux « bateaux-radio pirates », hors certains cas isolés opérant
avec l’accord tacite des gouvernements concernés en raison de leur aspect humanitaire 1223. Le

1217
Définies par l’article 109 al. 2 de la convention de Montego Bay en tant que « les émissions de radio ou de
télévision diffusées à l’intention du grand public depuis un navire ou une installation en haute mer, en violation
des règlements internationaux, à l’exclusion de la transmission des appels de détresse ».
1218
Il s’agit de l’Etat du pavillon du navire ou d’immatriculation de l’installation ; tout Etat de nationalité des
personnes diffusant les émissions ; tout Etat où les émissions peuvent être captées et tout Etat dont les émissions
autorisées sont brouillées par les non autorisées.
1219
LESUEUR (D.), Pirates des ondes : Histoire des radios pirates au vingtième siècle, L’harmattan, 2002, p. 8.
1220
Dès la fin des années 50 les radios pirates connaissent une vraie audience en Scandinavie, pour se propager
rapidement en Hollande et connaître leur apogée en Grande Bretagne de 1964 à 1967. Un des plus connus parmi
eux fut le « britannique » Radio Caroline, qui a commencé ses diffusions en 1964 et qui continue aujourd’hui de
transmettre, via le satellite Eurobird 1, à 28°E. Le navire émetteur fut pris d’assaut en 1989, par un commando
expédié par les gouvernements britanniques et hollandais. Par la suite le phénomène (concernant à la fois des
radios pirates marines et terrestres) a touché presque tous les pays, notamment l’Italie et la France dans les
années 70.
1221
Pour une analyse du problème juridique posé, avant l’entrée en vigueur de la convention de Montego
Bay voy. HUNNINGS (N. M.), « Pirate broadcasting in european waters », ICLQ, vol.14, 1965, pp. 410-436.
1222
Les Etats concernés ne pouvaient certes pas arraisonner les navires étrangers diffusant des émissions non
autorisées depuis la haute mer, ni rendre leurs émissions illégales, mais ils pouvaient prévoir que leurs nationaux
impliqués de quelconque manière à ces émissions commettaient un délit. Voy. notamment le célèbre Marine, &
c, Broadcasting (Offences) Act de 1967, qui rendait illégales les émissions diffusées depuis des navires
immatriculés au Royaume Uni mais se trouvant en dehors du territoire britannique, complété par le Broadcasting
Act et The Marine, & c, Broadcasting (Offences) (Prescribed Areas of the High Seas) Order de 1990, qui
rendaient illégales les émissions depuis des navires étrangers situés dans certaines zones de la haute mer
prescrites par un « order » du Secrétaire d’Etat, sauf si ces émissions étaient autorisées par un autre Etat
(sections 1.1 et 2A). L’Act de 1990 a également ajouté la section 7A établissant les pouvoirs de coercition
autorisés à l’égard des « radio pirates » (7A.5), qui peuvent être exercés même en haute mer pour les navires
britanniques, ainsi que pour tout navire étranger se trouvant aux zones de la haute mer prédéfinies (7A.7). Idem
pour la Marine Offences Act de Belgique de 1962 et de la loi hollandaise de 1974.
1223
Par exemple le navire La Déesse de la Démocratie, qui en mars 1990 émettait en mer de Chine en réponse
aux massacres de la Place Tian’ anmen et le navire Voice of Peace émettant durant la guerre du Golfe ou encore
la BROD au large de l’ex-Yougoslavie.

398
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

phénomène des émissions non autorisées diffusées depuis la haute mer, encore présent lors de
l’adoption de la convention de Montego Bay, est donc moins important aujourd’hui.
556. Un parallèle pourrait être actuellement tracé entre les émissions non autorisées et les
sites web facilitant le téléchargement non autorisé des fichiers torrents, tels que le site Pirate
Bay. Si les opérateurs de ces sites s’installaient sur un navire en haute mer, la saisine de leurs
serveurs ne serait possible que par les bâtiments de guerre de l’Etat du pavillon de l’engin à
bord duquel les serveurs se trouvent. Malgré l’intérêt de la question, elle reste pour l’instant
purement théorique. Le précédent de Pirate Bay qui a voulu acheter Sealand en 2007 demeure
anecdotique. Non seulement la société n’a jamais réussi à acquérir Sealand, mais quand bien
même elle s’y serait installée, le statut juridique de Sealand n’est pas assimilable à un navire
en haute mer 1224. Il s’agit en réalité d’une île artificielle installée sur une ancienne plate-
forme militaire et qui depuis l’extension de la mer territoriale du Royaume Uni à 12 milles
marins en 1987 ne se trouve plus en haute mer, mais dans les eaux britanniques. La volonté
de Pirate Bay de se soustraire à la souveraineté étatique n’en rend pas moins envisageable
l’hypothèse des « bateaux – sites web pirates ». Quoi qu’il en soit, l’exception visée dans
l’article 110 ne pourrait pas être interprétée comme s’appliquant aux serveurs de
téléchargement illégal dès lors qu’il y est question d’ « émissions ». Seul un élargissement du
champ d’application de l’article pourrait permettre de faire face à une telle éventualité.

d. La « fraude » du pavillon

557. Les deux dernières exceptions prévues par l’article 110 concernent l’absence de
nationalité ou la nationalité cachée (un navire qui a la même nationalité que le navire de
guerre, seule autorité à exercer la police en haute mer, mais bat pavillon étranger ou refuse
d’arborer son pavillon). Ni l’une ni l’autre ne constituent toutefois de véritables dérogations à
la compétence exclusive de l’Etat du pavillon. Lorsque le navire arraisonné a en réalité la
nationalité du navire de guerre, mais commet une « fraude » en essayant de la cacher, l’Etat
du pavillon est pleinement en droit de l’arraisonner en haute mer. Il en va de même pour
l’Etat dont le pavillon est usurpé par le navire. Lorsque le navire est sans « nationalité », tous
les Etats peuvent exercer leur pouvoir de police, puisqu’il n’existe pas d’Etat de pavillon1225.

1224
Voy. sur ce LABAT (B.), « Le cas Sealand ou la création d’Etats artificiels en mer », op. cit. note 18, p. 159.
1225
Pour une illustration récente voy. le cas du navire Joana, supra note 147 et infra § 564 cité par FIFE (R. E.),
« Elements of Nordic Practice 2006 : Norvegian Measures Taken against Stateless Conducting Unauthorized
Fishing on the High Seas », op. cit. note 147, pp. 301-303.

399
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Les navires tombent dès lors sous la juridiction de n’importe quel Etat 1226. Dans l’affaire
Asya 1227, le Privy Council britannique a ainsi affirmé qu’un navire battant plusieurs pavillons
ou n’en battant qu’un seul sans apporter la preuve qu’il en a le droit, doit être considéré
comme un navire sans nationalité. Selon le Conseil, il ne saurait être question pour un tel
navire de se prévaloir de la protection d’aucun Etat, et aucun Etat ne saurait protester contre
son arraisonnement par un tiers 1228. C’est donc pour des raisons touchant à la bonne
organisation des océans que, dans les situations où le rattachement du navire avec un Etat est
soit inexistant soit frauduleusement dissimulé, tous les Etats ou l’Etat du pavillon effectif
peuvent respectivement exercer leur compétence.
558. Pour l’application de la règle selon laquelle un navire sans « nationalité » est soumis
à la police de tous les Etats, il convient de rappeler que, contrairement à une théorie qui a
voulu utiliser cette disposition afin de permettre l’arraisonnement des navires battant pavillon
de complaisance 1229, les navires librement immatriculés ne peuvent en aucun cas être
assimilés à ceux sans « nationalité ». Pour qu’une telle possibilité soit envisageable, il faudrait
accepter la théorie selon laquelle une « nationalité non effective » peut juridiquement ne pas
être reconnue ou déclarée inopposable dans le droit de la mer 1230, ce qui n’est pas le cas 1231.

1226
Voy. également l’article 5 § 1 de l’accord de 1995 relatif au trafic illicite par mer, mettant en œuvre l’article
17 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du
Conseil de l’Europe qui stipule : « Une Partie, qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire
dépourvu de nationalité, ou assimilé à un navire dépourvu de nationalité en vertu du droit international, se livre
à une infraction pertinente ou sert à la commettre, en informe les autres Parties qui paraissent les plus
directement concernées et peut demander l’assistance de toute Partie pour qu’elle mette fin à cette utilisation
[…] ».
1227
Naim Molvan vs Attorney General for Palestine (The « Assya »), affaire n° 37.214, AC 1948, p. 351 et 81 Ll
L Rep 277, United Kingdom: Judicial Committee of the Privy Council, 20 April 1948, disponible sur
[http://www.unhcr.org/refworld/publisher,GBR_PRIVY,,,3ae6b6544,0.html] consulté le 3 juillet 2009. L’affaire
concernait le cargo Asya, qui transportait des immigrants juifs en Palestine. Il fut arraisonné le 27 mars 1946, par
un navire de guerre britannique. Lorsqu’il fut aperçu par le navire britannique, l’Asya ne battait aucun pavillon.
Il a hissé le pavillon turc, usurpé, lorsque le navire de guerre britannique commença à s’approcher mais l’a
baissé aussitôt pour hisser ensuite le pavillon israélien – Etat qui n’existait pas encore. Le navire fut arraisonné
par les britanniques et accompagné à un port palestinien. La demande de confiscation du navire a été accordée
par le Tribunal de Haifa et maintenue par la Cour Suprême de Palestine. Le Privy Council britannique fut saisi
en appel par le propriétaire du navire.
1228
En effet le Conseil affirme : « For the freedom of the open sea, whatever those words may connote, is a
freedom of ships which fly and are entitled to fly the flag of a State which is within the comity of nations. The
Asya did not satisfy these elementary conditions […] In the interest of order on the open sea, a vessel not sailing
under the maritime flag of a State enjoys no protection whatever, for the freedom of navigation on the open sea
is freedom for such vessels only as sail under the flag of a State. Having no usual ship’s papers which would
serve to identify her, flying the Turkish flag, to which there was no evidence she had a right, hauling it down on
the arrival of a boarding party and later hoisting a flag which was not the flag of any State in being, the Asya
could not claim the protection of any State, nor could any State claim that any principle of international law was
broken by her seizure ».
1229
Dans ce sens voy. OSIEKE (E.), « Flags of convenience vessels : recent developments», AJIL, vol. 73, 1979,
pp. 615-619.
1230
Voy. sur la question supra §§ 162-165 et §§ 170-172. ; ROUX (J.-M.), Les pavillons de complaisance, op.
cit. note 89, p. 79 ; FAY (F. M.), « La nationalité des navires en temps de paix », op. cit. note 92, pp. 1027-

400
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

En outre, selon la jurisprudence de la Cour européenne du droit de l’homme, un navire qui


refuse d’arborer son pavillon ne peut être considéré, du seul fait de ce comportement, comme
étant sans nationalité au sens de l’article 110, dès lors que le bénéfice du pavillon n’est perdu
que dans les conditions prévues par l’Etat du pavillon. Si l’intervenant (navire de guerre
étranger) connaît la « nationalité » du navire qui refuse d’arborer son pavillon, il n’est donc
pas en droit de l’arraisonner 1232.

ii. Les atténuations de la compétence exclusive de l’Etat du pavillon non prévues dans
l’article 110

559. Il existe d’autres dérogations au monopole de l’Etat du pavillon que celles qui sont
mentionnées dans l’article 110 de la convention de Montego Bay. Elles sont contenues dans
d’autres articles de celle-ci ou dans d’autres instruments internationaux. Elles constituent
cependant de simples atténuations de ce monopole et non point de véritables exceptions. Elles
introduisent en effet un relatif assouplissement aux pouvoirs exercés par l’Etat du pavillon en
haute mer, mais sans véritablement établir des compétences concurrentes pleines et entières –
voire une compétence universelle – dans le chef des Etats tiers.

a. Le trafic de drogue

560. Le trafic de drogue, dont la répression est prévue par l’article 108 de la convention de
Montego Bay et par l’article 17 de la convention de Vienne du 20 décembre 1988 contre le
trafic illicite de stupéfiants 1233, ne constitue pas une véritable exception. Les Etats sont certes

1030 ; COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, op. cit. note 1, p. 344 ; BONASSIES (P.), «La
loi du pavillon», op. cit. note 33, p. 524 ; PINTO (R.), « Les pavillons de complaisance», op. cit. note 425, p.
369 ; VERHOEVEN (J.), « Abus, fraude ou habileté? A propos de l’arrêt Poulsen (CJCE) », op. cit. note 571,
pp. 417 et 421 ; MEYERS (H.), The nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 282-283 et GOLDIE (L. F. E.), «
Recognition and dual nationality: a problem of flags of convenience», BYIL, 1963, pp. 220-283.
1231
Dans le droit de la guerre cependant la situation est assez courante, les belligérants ayant un droit de contrôle
sur tous les navires que les leurs rencontrent ; mais le temps de guerre ne peut pas être considéré comme une
situation similaire et constituer ainsi un précédent en cette matière.
1232
CEDH [GC], affaire Medvedyev et autres c/ France, arrêt du 29 mars 2010, §§ 53 (argument français), §§
87-89 (réponse de la Cour). L’affaire concernait la privation de liberté des marins après l’arraisonnement, au
large du Cap-Vert, de leur navire Winner, de nationalité cambodgienne, par la Marine nationale française.
Commentaire WECKEL (P.), « Jurisprudence internationale », RGDIP, t. 114, n° 3, 2010, pp. 651-660. L’auteur
considère que l’argumentation de la Cour de Strasbourg est « étonamment formaliste et finalement très peu
convaincante » sur le point qui nous intéresse (p. 655). Elle nous semble, néanmoins, conforme à la ratio legis de
l’article 110 et au principe de l’exclusivité du pavillon, qui n’est soumis finalement qu’à très peu d’exceptions.
Or, il est vrai qu’une telle argumentation ne suit pas la tendance observée d’une atténuation relative de la
compétence exclusive de l’Etat du pavillon, ce qui prouve d’autant plus la valeur actuellement toujours
axiomatique de cette règle.
1233
La convention fut complétée par l’accord relatif au trafic illicite par mer, mettant en œuvre l’article 17 de la
convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du Conseil de
l’Europe de 1995. Même s’il est aussi « prudent » que les deux autres instruments, l’accord du Conseil de

401
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

invités à coopérer pour mettre fin à ce trafic mais les compétences de l’Etat du pavillon
demeurent intactes 1234. Pour toute action contre un navire soupçonné de se livrer au trafic de
drogue, l’autorisation expresse de l’Etat du pavillon est indispensable 1235. A la différence de
la convention de Montego Bay, le paragraphe 3 de l’article 17 de la convention de Vienne
permet toutefois aux Etats parties autres que l’Etat du pavillon d’introduire la procédure, en
demandant à l’Etat du pavillon l’autorisation de prendre des mesures à l’égard d’un navire
suspect. Ce même article dispose par ailleurs en son paragraphe 9 que les « [p]arties
envisageront de conclure des accords ou arrangements bilatéraux ou régionaux en vue de
donner effet aux dispositions du présent article ou d’en renforcer l’efficacité ». Plusieurs
accords de ce genre sont en vigueur, certains ayant été négociés avant même l’adoption des
conventions de Montego Bay et de Vienne 1236. Ces accords contiennent des dispositions

l’Europe donne un contenu plus précis à la coopération interétatique. L’article 2§ 3, décrit par le rapport
explicatif de l’accord comme une clause de « non-dérogation », stipule que « toute mesure prise conformément
au présent Accord tient dûment compte de la nécessité, conformément au droit international de la mer, de ne pas
empiéter sur les droits et obligations et l’exercice de la compétence des Etats côtiers, ni de modifier ces droits,
obligations ou compétence ». Selon l’article 1b), « par l’expression «compétence préférentielle» il faut entendre,
lorsqu’un Etat du pavillon a une compétence concurrente relative à une infraction pertinente avec un autre Etat,
un droit prioritaire d’exercer sa compétence, à l’exclusion de l’exercice de celle d’un autre Etat relative à
l’infraction ». Il est dès lors mis en place un système de compétences concurrentes de juridiction quant aux
infractions pertinentes, mais l’exercice de la compétence concurrente de l’Etat intervenant est suspendue lorsque
l’Etat du pavillon a exercé sa compétence préférentielle et ne peut être retrouvée que si l’Etat du pavillon a
explicitement renoncé à exercer sa compétence préférentielle.
1234
Voy. STRUMA (P.), « Aspects récents du contrôle international des drogues et de la lutte contre leur trafic
illicite », AFDI, 1995, p. 647 ; BOUCHEREAU (F.), « La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite
des stupéfiants et de substances psychotropes », AFDI, 1988, p. 589 ; MOROSOLI (A.), « La répression du trafic
de stupéfiants en haute mer », Actualité et Droit international, juin 1999, et en ligne, [http://www.ridi.org] ;
SORENSEN (C.), « Drug trafficking on the high seas : a move toward universal jurisdiction under international
law », Emory International Law Review, 2000, pp. 207-230 ; GILMORE (W.), « Drug trafficking by sea : the
1988 United Nations Convention against illicit traffic in narcotic drugs and psychotropic substances », Marine
Policy, 1991, pp. 183-192.
1235
Pour une illustration voy. CEDH [GC], affaire Medvedyev et autres c/ France, op. cit. note 1232, §§ 10 et 99
et Cour de Cassation (Ch. crim.), affaire Winner, arrêt du 15 janvier 2003 (Bulletin criminel 2003, n° 12, p. 39).
En l’espèce, le navire Winner, de nationalité cambodgienne, était soupçonné de transporter une importante
cargaison de drogue. L’accord du ministre des affaires étrangères cambodgien pour une intervention des
autorités françaises était donné par une note verbale dans les termes suivants : « Le Ministère des Affaires
Etrangères et de la Coopération Internationale présente ses compliments à l’Ambassade de France à Phnom
Penh et, se référant à sa Note no 507/2002 en date du 7 juin 2002, a l’honneur de confirmer formellement que le
Gouvernement Royal du Cambodge autorise les autorités françaises à intercepter, contrôler et engager des
poursuites judiciaires contre le bâteau WINNER, battant pavillon cambodgien XUDJ3 appartenant à « Sherlock
Marine » aux îles MARSHALL ». Voy. également commentaire WECKEL (P.), « Jurisprudence internationale »,
op. cit. note 1232, pp. 655-660.
1236
A titre d’exemple voy. l’échange de notes entre les gouvernements du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord et
celui des Etats-Unis le 13 novembre 1981. Aux termes de l’accord, inspiré des « liquor treaties » des années
1930, le Royaume Uni consent à ce que les Etats-Unis arraisonnent des navires battant son pavillon s’ils
considèrent de manière raisonnable que le navire a à bord une cargaison des stupéfiants en vue de leur
importation aux Etats-Unis et en violation des lois de ces derniers. Si les soupçons se révèlent fondés, le
Royaume Uni accepte également que les autorités des Etats-Unis procèdent à une inspection du navire et, le cas
échéant, à sa saisie dans un port des Etats-Unis. Par ailleurs, le Maritime Drug Law Enforcement Act américain
de 1986 est une loi particulièrement intéressante. Il y est prévu que les Etats-Unis pourront exercer leur
juridiction sur un navire étranger en haute mer non seulement si l’Etat du pavillon y consent, mais encore s’il ne

402
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

détaillées sur les relations juridiques entre l’Etat intervenant et l’Etat du pavillon, ainsi que les
procédures d’autorisation et le champ d’application de l’accord. Au vu tant des instruments
internationaux en vigueur que de la pratique étatique, il est clair cependant qu’aucune
coutume internationale n’autorise à l’heure actuelle les Etats, sans l’accord des autorités du
pavillon, à intervenir en haute mer contre des navires étrangers soupçonnés de se livrer au
trafic des drogues 1237.

b. La protection de l’environnement et la pêche illégale

561. Un principe similaire de coopération internationale 1238, ne dérogeant pas


véritablement à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon, s’applique à la protection de
l’environnement/lutte contre la pollution 1239 et à la conservation et gestion des ressources
biologiques/pêche 1240, 1241. Dans ces deux derniers domaines, il s’agit principalement d’une

s’y oppose pas. Un autre accord bilatéral a été conclu entre l’Espagne et l’Italie le 23 mars 1990. Les pays de
langue portugaise (entre autres le Portugal, le Mozambique et le Brésil) ont aussi adopté, en 1986, une
convention d’entraide qui autorise les parties à prendre des mesures contre les navires soupçonnés d’être
impliqués dans un trafic de stupéfiants. De même, à partir de 1999 des accords ont été conclus entre les Etats-
Unis et la plupart des Etats des Caraïbes, ainsi qu’avec certains Etats d’Amérique latine. Voy. BELLAYER-
ROILLE (A.), « La lutte contre le narcotrafic en mer caraïbe : une coopération internationale à géométrie
variable », RGDIP, 2007, pp. 355-386.
1237
Voy. également Cour d’appel de Palerme, 1er juin 1992, procédure pénale contre Renevey et autres (navire
Fidelio), Rivista di diritto internationale, 1992, p. 1081 et commentaire SCOVAZZI (V.), « La cattura della nave
Fidelio », ibidem, pp. 1015-1022. La Cour d’appel a réformé l’arrêt du tribunal pénal qui affirmait la possibilité
d’intervention en haute mer à l’encontre des navires se livrant au trafic des stupéfiants. En effet, le juge
d’instruction, dans sa sentenza-ordinanza di rinvio a giudizio émise le 28 mai 1987, affirmait que « concernant
le trafic international de stupéfiants, on est fondé à retenir qu’il existe désormais une norme coutumière qui, au-
delà des limites gênantes posées par les règles écrites en vigueur, autorise, dans des cas déterminés,
l’intervention même en haute mer en vue de réprimer ce trafic abject ». L’arrêt de la Cour d’appel fut confirmé
par la Cour de Cassation italienne le 1er février 1993.
1238
Sur cette notion de coopération entre les Etats « qui ne peuvent pas exercer de manière satisfaisante les
compétences qu’ils ont conservées ou qu’ils ont accepté de partager », voy. CORBIER (I.), « Souveraineté et
pavillon », ADM, t. X, 2005, pp. 167- 191, notamment pp. 185-191 sur l’ « L’interdépendance des souverainetés
étatiques ».
1239
En matière de protection du milieu marin, et en dépit de l’obligation générale de sa préservation prévue dans
l’article 192 de la convention de Montego Bay, l’Etat du pavillon reste entièrement compétent à l’égard de
« ses » navires pour la lutte contre la pollution (voy. articles 194, 211, 217). L’obligation de coopération
internationale contre la pollution reste vague et souple (article 194 : « les moyens les mieux adaptés dont ils
disposent, en fonction de leurs capacités » ; article 204 : « dans toute la mesure possible et d’une manière
compatible avec les droits des autres Etats »). L’article 197 stipule que les Etats coopèrent à la formulation et à
l’élaboration de règles et de normes, ainsi que de pratiques et procédures recommandées de caractère
international compatibles avec la convention, pour protéger et préserver le milieu marin, compte tenu des
particularités régionales.
1240
Voy. les articles 116 à 119 de la convention de Montego Bay, notamment l’article 118 qui énonce que les
Etats coopèrent à la conservation et gestion des ressources biologiques en haute mer. L’Etat compétent est
cependant l’Etat de nationalité des ressortissants exploitant les ressources (article 117). Concernant la pêche,
l’article 116 établit la liberté de pêche en haute mer, sous réserve des obligations conventionnelles des Etats et
des articles 63 à 67 et 116 à 120.
1241
Il en va de même pour la protection des câbles et pipelines. Voy. la convention de Paris du 14 mars 1884
dont l’article 10 prévoit qu’un navire de guerre surprenant un autre navire en train de détériorer volontairement
un câble ou un pipeline ne pourra pas exercer de mesures de contrainte contre celui-ci, mais pourra faire une

403
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

compétence concurrente des Etats côtiers et du port à l’égard des navires se trouvant dans les
ZEE ou les eaux territoriales 1242. Le seul article relatif à la protection du milieu marin qui
permet effectivement d’envisager une réelle dérogation au monopole de l’Etat du pavillon en
haute mer est l’article 221, selon lequel aucune atteinte n’est portée au droit des Etats « de
prendre et faire appliquer au-delà de la mer territoriale des mesures proportionnées aux
dommages qu’ils ont effectivement subis ou dont ils sont menacés afin de protéger leur
littoral ou les intérêts connexes, y compris la pêche, contre la pollution ou une menace de
pollution résultant d’un accident de mer, ou d’actes liés à un tel accident, dont on peut
raisonnablement attendre des conséquences préjudiciables ». L’article est toutefois difficile à
mettre en œuvre, compte tenu notamment de la difficulté de prouver la « menace » d’une
pollution.
562. Afin de protéger au maximum la compétence de l’Etat du pavillon, l’article 228
prévoit que les poursuites engagées par un Etat contre un navire étranger pour une infraction
commise au-delà de sa mer territoriale sont suspendues, à quelques exceptions près, lorsque
l’Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction, dans les
six mois suivant l’introduction de la première action1243. Cela signifie que, malgré
l’établissement des compétences concurrentes, l’Etat du pavillon aura la priorité sur l’Etat
côtier, à moins que des dommages graves aient été causés à l’environnement de ce dernier ou
que l’Etat du pavillon ait à plusieurs reprises manqué à ses obligations dans ce domaine. La
première comme la deuxième exception sont difficiles à établir, la compétence prioritaire de
l’Etat du pavillon restant donc très probable. Selon la jurisprudence française, l’Etat du
pavillon qui ne prend pas des lois suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions en
matière de pollution ne peut cependant pas se prévaloir de la compétence prioritaire visée à
l’article 228 1244.

enquête de pavillon et communiquer les faits aux autorités de l’Etat du pavillon du coupable, afin que des
poursuites puissent être engagées contre lui. Voy. également convention de Montego Bay, articles 112-115.
1242
Sur les compétences concurrentes visant à la protection de l’environnement marin voy. DE MARFFY (A.),
« Les espaces marins au-delà des juridictions nationales : droit applicable et modernité », ADM, 2005, t. X, pp.
42-56. Voy. également infra §§ 586-587.
1243
D’autres garanties sont prévues aux articles 223 à 233. Pour une analyse de l’article 228 voy. TARABEUX
(X.), « L’évolution du droit de la mer à travers les pollutions par rejets volontaires d’hydrocarbures », op. cit.
note 804, pp. 221-224.
1244
Pour une jurisprudence relative à la mise en application de l’article 228 de la convention de Montego Bay
voy. Cour de cassation (ch. crim.), affaires du navire Trans Artic et du navire Fast Independence, n°s 07-87.362
et 07-87.931, arrêts du 5 mai 2009, Bulletin criminel 2009, n° 85 ; décisions attaquées : Cour d’appel de Rennes,
arrêts du 27 septembre 2007 et du 25 octobre 2007 respectivement. Selon la Cour d’appel, pour que les
dispositions de l’article 228 s’appliquent dans le cas où de poursuites ont été engagées par l’Etat côtier avant
celles de l’Etat du pavillon, il est nécessaire que ce dernier ait infligé au responsable de la pollution « une
sanction significative et équivalente à celle qui était raisonnablement encourue devant la juridiction de l’Etat
côtier » (interprétation fondée sur l’article 217.8 de la convention de Montego Bay en vertu duquel « les

404
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

563. S’agissant de la lutte contre les marées noires, la CLC 1969/1992 prévoit que tout
Etat partie peut prendre en haute mer les mesures jugées nécessaires pour prévenir, atténuer
ou éliminer un danger grave ou imminent menaçant ses côtes ou ses intérêts connexes du fait
d’une pollution ou d’un risque de pollution, quel que soit le pavillon du navire en détresse 1245.
Avant de prendre ces mesures, l’Etat doit consulter l’Etat du pavillon, sauf urgence. Il s’agit,
donc, en réalité du même principe que celui qui soutient l’article 221 de la convention de
Montego Bay. Ce « droit d’intervention » a acquis ainsi une consécration plus importante, et
il fait désormais partie des normes régissant le droit de la mer 1246.
564. En ce qui concerne la préservation des ressources biologiques, la compétence
exclusive de l’Etat du pavillon en haute mer est atténuée de manière générale par des accords
internationaux et surtout régionaux organisant la lutte contre la pêche illicite 1247. Les
exceptions à la compétence de l’Etat du pavillon sont en effet conventionnelles. Elles sont
prévues dans des accords régionaux ou internationaux tels que celui de 1995 sur les stocks
chevauchant et les poissons grands migrateurs 1248. Mais la poursuite et la condamnation des

sanctions prévues par les lois et règlements des Etats à l’encontre des navires battant leur pavillon doivent être
suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions en quelque lieu que ce soit. »). La Cour de Cassation a
confirmé la décision de la Cour d’appel. Voy. observations par BONASSIES (P.) & DELEBECUQE (P.),
« Droit de la mer. ZEE. Pollution. Article 228 de la CMB », op. cit. note 797, pp. 29-31 et BONASSIES (P.) &
NICOLAS (C.), « De l’application nuancée par la Cour d’appel de Rennes de l’article 228 de la Convention de
Montego Bay (compétence de l’Etat côtier en cas de pollution dans sa ZEE) », DMF, n°688, janvier 2008, pp.
36-56 ; BONASSIES (P.), « De l’obligation pour le juge français de constater l’extinction des poursuites pour
pollution dans la Zone Economique exclusive par un navire tiers quand l’Etat du pavillon a entamé des
poursuites menées à leur terme », DMF, n° 706, septembre 2009, [http://www.lamylinereflex.fr/acces.jsp]
consulté le 11 octobre 2010.
1245
CLC 1969/1992, article I.
1246
Sur ce MORIN (M.), « La prévention et la lutte contre la pollution par les navires de commerce », op. cit.
note 58, p. 191.
1247
Dans ce sens voy. l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO/ NAFO en anglais),
mise en place par la convention d’Ottawa du 24 octobre 1978 dont l’article XVIII « confère aux Etats parties des
droits réciproques d’arraisonnement et de contrôle de navires, puis de poursuite de l’Etat du pavillon et
d’exercice de sanctions contre lui sur la base de la preuve découlant de tels arraisonnement et inspection ». [cité
dans TREVES (T.), « Intervention en haute mer et navires étrangers », op. cit. note 1174, p. 663 ; la convention
d’Ottawa se trouve en français à la Rivista di diritto internazionale, 1981, p. 210 ; l’auteur souligne que la
traduction française de l’article est « presque incompréhensible » et cite la version anglaise selon laquelle «[t]his
scheme shall include provisions for reciprocal rights of broading and inspection by the Contracting Parties and
for flag State prosecution and sanctions on the basis of evidence resulting of such boardings and inspections ».]
Dans le même sens, suite à un litige entre le Canada et la Communauté européenne, cette dernière accusant le
Canada pour violation des libertés de la haute mer et de l’exclusivité de la compétence de l’Etat du pavillon, un
accord du 16 avril 1995 conclu entre les deux a prévu la surveillance accrue des navires de pêche (grâce
notamment à l’obligation d’avoir un observateur impartial à bord de tout navire pêchant dans la zone
réglementée), ainsi que l’obligation de l’Etat du pavillon de prendre des sanctions efficaces contre les
contrevenants. De même, la convention sur la conservation et la gestion des ressources de lieu jaune dans la
partie centrale de la mer de Behring (malheureusement uniquement ouverte aux Etats côtiers directement
intéressés, en dépit de la disposition de l’article 8 § 3 de l’accord de 1995 sur le stock des poissons) prévoit la
possibilité d’inspecter tout navire battant pavillon d’un Etat membre par l’ensemble des Etats membre à la
convention (article 11).
1248
Voy. notamment l’article 23 de l’accord de 1995 sur les stocks de poissons qui reconnaît un pouvoir de
contrôle à l’Etat du port où un navire battant pavillon d’un autre Etat fait relâche, s’ils sont l’un et l’autre partie à

405
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

auteurs d’infractions sont toujours laissées à l’Etat du pavillon ; il ne s’agit dès lors jamais
d’exceptions établissant une compétence universelle, ni même une compétence concurrente
pleine et entière. L’accord de l’Etat du pavillon est demandé avant toute action contre un
navire en haute mer. Même lorsque le bateau de pêche exerce de manière récurrente la pêche
non règlementée, l’autorisation de l’Etat du pavillon est toujours recherchée par l’Etat côtier.
Le cas du navire Joana est caractéristique. Ce navire, qui pêchait au large des côtes de la
Norvège, avait été arraisonné une première fois par les garde-côtes en tant que navire sans
« nationalité », car il battait double pavillon et violait systématiquement les réglementations
sur la pêche. Après paiement par le propriétaire de l’amende imposée, le bateau a repris ses
activités illicites, sous pavillon unique guinéen cette fois-ci. Les autorités norvégiennes ont
néanmoins demandé à l’Etat du pavillon l’autorisation avant d’engager des procédures contre
le navire en haute mer. La Guinée a donné son accord le 31 juillet 2006 1249.
565. L’Etat de « nationalité » des navires reste donc l’acteur principal pour leur contrôle,
d’autant plus que les exceptions prévues dans les différents accords ne sont pas toutes de
nature coutumière et ne lient parfois, dès lors, que les Etats parties à une convention. Il est
néanmoins très remarquable que certaines législations nationales établissent unilatéralement
des compétences subsidiaires à celles de l’Etat du pavillon, notamment dans le domaine des
activités de pêche, visant à sanctionner la pêche non réglementée en haute mer pratiquée par
des navires étrangers. La compétence ne pouvant être fondée ni sur la « nationalité » du navire
ni sur la territorialité de l’infraction, il s’agit d’une compétence personnelle exercée à l’égard
des nationaux desdits Etats embarqués à bord des navires battant pavillon de complaisance.
Ainsi, l’Espagne a adopté en 2002 un décret relatif à l’application de sanctions pénales en
matière de pêche commise par des citoyens espagnols travaillant à bord des navires
immatriculés sous un pavillon de complaisance1250. Si le navire ne respecte pas les obligations
internationales en matière de pêche, l’Espagne se déclare en droit de poursuivre pénalement
ses nationaux juridiquement liés au navire. Il s’agit, certes, d’une compétence subsidiaire qui
n’intervient que si l’Etat du pavillon ne poursuit pas les infractions dans le délai de trois mois
qui suit la communication des faits à ce dernier. Elle constitue, néanmoins, une possibilité
pour un Etat autre que l’Etat du pavillon d’intervenir en cas de pêche illégale en haute mer.

l’accord. Voy. également article 21 § 17 sur la possibilité d’arraisonnement en haute mer d’un navire de pêche
soupçonné d’être sans nationalité.
1249
FIFE (R. E.), « Elements of Nordic Practice 2006 : Norvegian Measures Taken against Stateless Conducting
Unauthorized Fishing on the High Seas », op. cit. note 147, pp. 301-303.
1250
Real Decreto 1134/2002 du 31 octobre 2002, sobre application de sanctions en materia de pesca maritima a
espanois enrolados en buques son abandeiramento de convenencia, Bulletin officiel du 2 décembre 2002, p.
1563.

406
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

C’est, donc, une dérogation indirecte mais réelle au monopole de l’Etat du pavillon. D’autres
Etats, comme le Japon ou les Etats-Unis 1251, ont adopté des mesures qui vont dans le même
sens.
566. La licéité de ce type de mesures n’est pas évidente 1252. Dès lors que la convention de
Montego Bay consacre la juridiction exclusive de l’Etat du pavillon en haute mer et prévoit
expressément les exceptions qui y sont autorisées, une action unilatérale étatique se
revendiquant de compétences – même subsidiaires – ouvre la voie à des critiques 1253. Une
telle compétence ne concerne certes pas le navire en tant que tel, mais les seuls marins
présents à bord qui ont la nationalité de l’Etat intervenant. Dès lors que le navire et son
équipage forment un « ensemble », cette initiative demeure néanmoins juridiquement
contestable en dépit de son utilité, sinon de sa nécessité, apparentes. S’il est vrai qu’un
affaiblissement de la compétence exclusive de l’Etat du pavillon peut être observé, on reste
encore loin toutefois de l’émergence d’une norme coutumière autorisant les interceptions en
haute mer 1254.
567. Dans le cadre de l’UE, l’Etat côtier est devenu le principal responsable de la garantie
du respect des règles établies à propos de la pêche. On sait que jusqu’en 2002 le contrôle du
respect des quotas de capture et des mesures techniques nécessaires pour la conservation des
stocks était assuré, en dehors des eaux sous juridiction des Etats côtiers, par l’Etat du
pavillon 1255 qui pouvait être condamné pour manquement par la CJCE 1256. Depuis lors, tout
Etat membre est autorisé à inspecter les navires de pêche communautaires battant pavillon

1251
Sur l’ensemble de cette question voy. GAUTIER (P.), « L’Etat du pavillon et la protection des intérêts liés au
navire », in Promoting Justice, Human Rights and Conflict Resolution Through International Law, Liber
amicorum Lucius Caflisch, KOHEN (M.G.) ed., Martinus Nijhoff Publishers, 2007, p. 736.
1252
En 1995, la CIJ a été saisie par l’Espagne d’un différend qui l’opposait au Canada et concernait la question
de la possibilité pour un Etat autre que celui du pavillon d’arraisonner un navire de pêche en haute mer. Un
bâteau de pêche battant pavillon espagnol était en effet arraisonné en haute mer, en vertu d’une loi canadienne
sur la protection des pêches côtières. L’Espagne considérait la loi contraire au droit international. Mais la Cour
n’a pas pu prendre partie sur la question, dès lors qu’elle s’est déclarée incompétente car l’objet du différend
était couvert par une réserve à la déclaration de juridiction obligatoire du Canada. Voy. CIJ, Affaire de la
compétence en matière de pêcheries (Espagne c/ Canada), arrêt sur la compétence du 4 décembre 1998, Rec.
CIJ 1998, p. 468 et GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit.
note 17, p. 299.
1253
Pour une critique des actions unilatérales et une affirmation de la nécessité de les coordonner à travers une
organisation internationale telle que l’OMI voy. LOSA (J. P.) & URBINA (J. L.), « La creacion por Francia de
una zona de proteccion ecologica en el Mediterraneo : Un incremento de los poderes de control des Estado
ribereno para la preservacion del medio marino o la reivindicacion encubierta de una futura ZEE ? », Revista
Espanola de Derecho Internacional, vol. LVI, n° 1, 2004, p. 513.
1254
Dans ce sens, BIAD (A.), « La lutte contre le trafic des armes de destruction massive par mer », ADM, 2004,
t. IX, pp. 209-210.
1255
En vertu, à l’époque, du règlement 2847/1993 du 12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle
applicable à la politique commune de pêche, articles 2 et 31.
1256
Cf. CJCE, Commission c/ France, affaire 64/88, arrêt du 11 juin 1991, Rec. 1991, p. I-2727 ; CJCE,
Commission c/ France, affaire C-304/02, arrêt du 12 juillet 2005, Rec. 2005, p. I-6263 ; CJCE, Commission c/
Finlande, affaire C-437/02, arrêt du 17 mars 2004, non publié.

407
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’un autre Etat membre, y compris dans les eaux internationales 1257. La Commission peut par
ailleurs établir des listes noires pour les navires « sous-normes » qui ne pourront plus accéder
aux ports communautaires et qui sont maintenus sur ces listes s’ils changent de pavillon. La
mise en application des nouvelles mesures est coordonnée par l’Agence communautaire de
contrôle des pêches 1258. Cette politique commune de pêche a une importance significative
pour le droit international de la mer, dès lors qu’elle constitue le premier exemple d’une réelle
politique supranationale de préservation des ressources 1259.

1257
Règlement 2371/2002 CE relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans
le cadre de la politique commune de pêche, article 28 § 3, al. 3.
1258
Règlement 768/2005 CE instituant une agence communautaire de contrôle des pêches et modifiant le
règlement 2847/03 CEE instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de pêche.
1259
BEURIER (J.-P.) dir., Droits maritimes, op. cit. note 835, p. 949.

408
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

c. L’ « ordre public » et la sécurité lato sensu

568. Des dérogations sont également prévues par des législations nationales en matière de
sécurité. Dans de tels cas, c’est l’Etat de la nationalité des propriétaires du navire qui
remplace l’Etat du pavillon. Les lois américaines permettent ainsi aux Etats-Unis de
réquisitionner pour des raisons de défense nationale les navires étrangers appartenant à leurs
nationaux 1260. La législation américaine prévoit aussi la possibilité du « consensual
1261
boarding » … dont l’aspect « consensual » n’est pas si évident si l’on en juge par ses
dispositions. Cette pratique permet l’inspection d’un navire étranger avec le seul accord du
capitaine, et non celui de l’Etat du pavillon. Elle constitue donc une nouvelle exception au
monopole de l’Etat du pavillon.
569. Dans le même sens, des dérogations potentielles tiennent dans le droit de poursuite
prévu par l’article 111 de la convention de Montego Bay combiné à la doctrine très
controversée de la légitime défense 1262. D’une manière générale, les arguments liés à
l’ « ordre public » des océans, à la paix mondiale et à la lutte contre la prolifération des armes
de destruction massive sont souvent avancés pour justifier des compétences concurrentes de
plus en plus importantes, notamment par la doctrine américaine 1263.

1260
Restatement of the Law (Third), The Foreign Relations Law of the United States, 1987, vol. 2, p. 18.
1261
M. LUCCHINI définit cette procédure unilatérale américaine ayant son origine dans la lutte contre le
narcotrafic et connaissant une nouvelle vigueur depuis le 11/09/2001 comme « l’autorisation donnée par les
Etats-Unis aux gardes-côtes d’intervenir hors des espaces maritimes américains en vue de prévenir tout acte
contraire aux lois américaines ou d’y mettre fin ». Ils peuvent ainsi procéder à l’arraisonnement d’un navire
battant pavillon étranger avec le seul accord du capitaine du navire, puisque, en vertu du United States Code,
Titre 14-Section 89, « les gardes-côtes peuvent procéder à la recherche d’informations, à des examens,
inspections, saisines ou arrestations en haute mer et dans les eaux sous juridiction américaine pour la
prévention, la détection et la suppression des actes contraires aux lois américaines ». Rien n’est dit dans cette
disposition sur une demande d’autorisation adressée à l’Etat du pavillon. Voy. LUCCHINI (L.), « Rapport
Introductif Général », op. cit. note 78, p. 18. Sur le consensual boarding voy. également ADM, 2003, pp. 62-63 ;
BEYRIES (P.), « Le consensual boarding, une évolution majeure du droit de la mer ? », ADM, t. VII, 2002, pp.
556-558 et VOELCKEL (M.), « De l’article 110-3 de la Convention de Montego Bay », ADM, t. XIII, 2008, p.
160.
1262
Voy. affaires du navire Mary Lowell et du navire Virginius saisis le 15 mars 1869 et le 31 octobre 1873
respectivement par les autorités espagnoles, alors qu’ils transportaient des armes à destination de Cuba, qui était
alors en insurrection contre l’Espagne. Le motif invoqué pour cet arraisonnement en haute mer était la légitime
défense mais des protestations importantes furent soulevées dans les deux cas (les Etats-Unis dans la première
affaire ont invoqué que la théorie de la légitime défense violait la liberté de la haute mer et la Grande Bretagne
dans la seconde protesta officiellement, mais sans nier à l’Espagne le droit de saisir un navire en haute mer en se
fondant sur la légitime défense). Les Etats-Unis ont pour leur part utilisé la théorie de la légitime défense lors du
blocus de Cuba, afin d’appréhender en haute mer des navires soupçonnés de transporter des armes à destination
de l’ennemi, tout comme la France lors de la guerre de l’Algérie. A chaque fois l’Etat du pavillon protesta
fortement. Il est donc impossible d’admettre l’existence d’une exception coutumière au monopole de l’Etat du
pavillon en faveur de la légitime défense d’un Etat. Voy. aussi GIDEL (G.), Le droit international public de la
mer, op. cit. note 13, pp. 348-355.
1263
Voy. notamment sur la question BECKER (M. A.), « The Shifting Public Order of the Oceans : Freedom of
Navigation and the Interdiction of Ships at Sea », Harvard International Law Journal, vol.46, n°1, 2005, pp.

409
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Au lendemain de l’abordage dans les eaux internationales du navire Mavi Marmara 1264 et
de la mort de 10 activistes lors de l’intervention militaire israélienne contre la flottille pro-
palestinienne pour Gaza le 31 mai 2010, l’argument de la légitime défense est réapparu. Les
premières réactions internationales restent ambiguës quant à une condamnation explicite de
l’opération militaire et ne se prononcent pas expressément sur la licéité de l’action
israélienne ; le statut juridique de la zone maritime dans laquelle la flottille se trouvait
demeure lui-même douteux 1265. Le Conseil de Sécurité s’est contenté de demander une
« enquête prompte, impartiale et crédible » sur l’opération 1266. Le rapport du Conseil des
droits de l’homme publié le 22 septembre 2010 condamne la conduite des forces armées
d’Israël et rejette tout prétendu droit à exercer des « représailles » contre un navire qui
tenterait de violer le « blocus » imposé à la Bande de Gaza.
570. De manière générale, l’invocation de la légitime défense ne semble pas suffisante
pour justifier une exception à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon en haute mer,
mais elle peut renforcer l’argumentation d’un Etat côtier désireux d’exercer son pouvoir de
police en dehors de ses eaux territoriales. Il s’agirait toutefois plutôt d’un argument politique,
étant donné que la portée juridique de la légitime défense en tant que motif d’intervention en

131-230 ; l’auteur affirme que l’initiative des pays dits PSI (Proliferation Security Initiative, un projet annoncé
par le Président Bush le 31 mai 2003 qui a comme but d’encourager les Etats participants d’arraisonner les
navires « suspects », y compris en haute mer) peut être considérée comme légitime en droit international, compte
tenu des menaces actuelles contre l’« ordre public » des océans et la paix mondiale. [contra GUILFOYLE (D.),
« Interdicting Vessels to Enforce the Common Interset : Maritime Countermeasures and the Use of Force »,
ICLQ, vol. 56, n° 1, 2007, pp. 76-82]. Dans le cadre de cette initiative, les Etats-Unis ont signé des accords de
coopération pour la répression de la prolifération des armes de destruction massive (ADM) de leurs vecteurs et
des matériels connexes par mer avec le Libéria, le Panama, les îles Marshall, la Croatie, le Chypre et le Belize.
Ces accords autorisent les Etats-Unis, en cas de suspicion de trafic d’ADM, à arraisonner et à inspecter dans les
eaux internationales un nombre considérable des navires. Si les accords ne remettent pas directement en question
le droit de juridiction de l’Etat du pavillon (sauf en cas de clause de renonciation comme dans l’accord
américano-croate), la logique américaine latente de « légitime défense préventive » pourrait le faire.
1264
Le cas de la flottille est très intéressante quant à, entre autres, la détermination de sa « nationalité » ; le Mavi
Marmara a en effet été considéré comme un navire turc par les Etats tiers et la presse internationale. M.
WECKEL observe toutefois que 10 jours avant l’opération, soit le 20 mai 2010, le navire avait changé
d’immatriculation et avait été enregistré auprès des Comores. Voy. WECKEL (P.), « Attaque de la flottille pour
la paix, question de l’enquête », Bulletin Hebomadaire Sentinelle, n° 229 du dimanche 13 juin 2010,
[http://www.sfdi.org/actualites/a2010/Sentinelle_229.htm#10191] et « TIDM, Affaire du navire Louisa – les
mesures conservatoires et la compétence prima facie ; observations », Bulletin Hebomadaire Sentinelle, n° 253
du dimanche 6 février 2011, [http://www.sfdi.org/actualites/frame_sentinelle.htm] consultés le 6 février 2011.
Faut-il dès lors considérer les Comores – et non pas la Turquie – comme Etat du pavillon ? Selon la
jurisprudence internationale il semble que oui, ce qui permettrait de saisir éventuellement la Cour pénale
internationale, les Comores étant partie au statut de Rome. Cependant, le changement d’immatriculation du Mavi
Marmara n’a jamais été pris en compte dans l’affaire. Cela s’explique sans doute par le fait qu’il s’agissait d’un
navire tender mais comme M. WECKEL le souligne « l’accessoire suit le principal, mais cet adage s’applique
difficilement à un navire auxiliaire qui est matériellement autonome ».
1265
Pour une analyse des zones maritimes autour de la bande de Gaza voy. BOCKEL (A.), « Le statut des
espaces maritimes au large de la bande de Gaza », ADM, t. XIII, 2008, pp. 97-109.
1266
[http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/CS9940.doc.htm] consulté le 2 juin 2010 ; 6325ème et 6326ème
séances (après midi et soir) du Conseil de Sécurité.

410
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

haute mer n’est pas reconnue dans le droit positif actuel en dehors de l’existence d’une
attaque armée. D’autres exceptions que celles qui sont expressément prévues par les
instruments internationaux sont difficilement acceptables ; d’éventuelles justifications tirées
du droit des contre-mesures ne paraissent pas pouvoir être admises 1267, hors les dérogations
fondées sur une autorisation donnée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. De telles
autorisations expresses permettant d’intervenir contre des navires soupçonnés de se livrer à
des activités illicites peuvent être prises dans le cadre d’un embargo commercial total ou
partiel, en vertu du chapitre VII de la Charte 1268. Des résolutions du Conseil de Sécurité
peuvent assurément donner compétence à des Etats vis-à-vis des navires de l’Etat sanctionné.
Mais il s’agit là d’une exception casuistique, justifiée par un acte explicite du Conseil de
Sécurité.

B. Le caractère exceptionnel de l’exercice d’une compétence exclusive par l’Etat


d’immatriculation des aéronefs

571. Si la compétence exclusive de l’Etat de « nationalité » de l’aéronef dans l’espace


international est considérée comme une règle coutumière 1269, elle n’est prévue en tant que
principe général par aucun instrument international. En raison de la nature propre de l’espace
aérien, la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation est en effet moins accentuée.
Contrairement à la convention de Montego Bay, la convention de Chicago ne réglemente les
questions de compétence que d’une manière incidente et très limitée. Lorsque l’aéronef
survole la haute mer, l’Etat d’immatriculation semble exclusivement compétent à l’égard des
aéronefs de sa « nationalité », sauf dans les cas exceptionnellement prévus par d’autres
instruments. Lorsque l’OACI a commencé à fonctionner, la haute mer a toutefois été
« divisée » entre Etats contractants. Chaque Etat a ainsi la responsabilité du contrôle du trafic
aérien non seulement dans son espace aérien national, mais également sur la portion d’air au-

1267
Dans ce sens voy. GUILFOYLE (D.), « Interdicting Vessels to Enforce the Common Interset : Maritime
Countermeasures and the Use of Force », op. cit. note 1263, pp. 69-82.
1268
Voy. dans ce sens la résolution 1718 du Conseil de Sécurité du 14 octobre 2006 adoptée à l’encontre de la
Corée du Nord, qui appelait tous les Etats membres, en conformité avec leur législation, à « agir dans la
coopération pour assurer le respect de ces embargos, y compris en procédant à l’inspection de toute cargaison à
destination ou en provenance de Corée du Nord ». Voy. sur la question VINCENT (P.), Droit de la mer, op. cit.
note 808, pp. 133-134 ; SOONS (A. H. A.), « A New Exceptions to the Freedom of the High Seas : The
Enforcement of U.N Sanctions », in Reflections on principles and practice of international law, Essays in Honor
of Leo J. Bouchez, GILL (T. D.) & HEERE (W. P.) ed., Martinus Nijhoff Publishers, 2000, pp. 205-222;
BECKER (M. A.), « The Shifting Public Order of the Oceans : Freedom of Navigation and the Interdiction of
Ships at Sea », op. cit. note 1263, pp. 214-218.
1269
Comment on Harvard Research Draft Convention on Jurisdiction with respect to Crime, AJIL, 1935, vol. 29,
p. 509; AMERICAN INSTITUTE OF INTERNATIONAL LAW, Restatement of the Law Third, vol. I, pp. 240-
241.

411
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

dessus de la haute mer qui lui a été assignée par l’OACI. Ces deux espaces constituent
ensemble la Région d’Information de Vol (FIR – Flight Information Region) du pays 1270. En
dépit de la liberté de survol de la haute mer 1271, toute infraction aux règles relatives au vol des
aéronefs survenant dans l’espace aérien faisant partie d’une région FIR autorise l’Etat
responsable de celle-ci à intercepter l’appareil en question, même s’il se trouve dans l’espace
international 1272. Cela constitue donc une première exception possible à la compétence
exclusive de l’Etat d’immatriculation lorsque l’aéronef se trouve dans un espace international.
La dérogation est néanmoins strictement limitée dans la partie de cet espace appartenant à la
région FIR pour laquelle l’Etat – autre que celui d’immatriculation – est compétent. En ce qui
concerne les règles de l’air exposées dans l’annexe 2 de la convention de Chicago 1273, un
transfert de compétences est en effet admis de l’Etat d’immatriculation à l’autorité
responsable de la région FIR 1274. Dans le cadre du « Ciel unique européen », l’espace aérien
des Etats membres est en revanche reconfiguré. Le règlement européen 551/2004 du 10 mars
2004 crée l’obligation de mettre en place une « Région unique européenne d’information de
vol pour l’espace supérieur » et d’organiser cet espace en blocs d’espace aérien fonctionnels
(FAB, Fonctional Airspace Bloc) 1275. Les possibilités de dérogation au monopole de l’Etat
d’immatriculation sont dès lors renforcées dans le cadre de l’Union européenne.
572. L’article 12 prévoit enfin, sans autre précision, que les Etats s’engagent à poursuivre
toute personne contrevenant aux règlements applicables. Il attribue donc une compétence
personnelle qui semble universelle, mais qui ne concerne pas l’engin tel quel. En raison du
silence global de la convention de Chicago sur la compétence de l’Etat d’immatriculation et
ses exceptions éventuelles, il appartient à d’autres instruments internationaux de régler les
questions de compétence étatique. La compétence pénale est relativement bien encadrée par
les divers traités internationaux, qui mettent toutefois en place un système de compétences
concurrentes plutôt qu’une réelle compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation assortie
de certaines exceptions, comme c’est le cas dans le droit de la mer. S’agissant de la

1270
Sur les régions FIR voy. KYRIAKOPOULOS (G. D), op. cit. note 849, pp. 273-275.
1271
Article 87 de la convention de Montego Bay. En raison du principe de la liberté de survol, un Etat FIR ne
peut pas interdire l’accès à la région de la haute mer lui étant assignée, alors qu’il peut le faire pour son espace
aérien national en vertu de l’article 9 de la convention de Chicago.
1272
Conclusion de M. KYRIAKOPOULOS, tirée par l’interprétation de l’article 4, d) de la convention de Tokyo,
qui sera présentée infra § 599. Voy. KYRIAKOPOULOS (G. D.), op. cit. note 849, pp. 98-99.
1273
Il s’agit des règles applicables au vol et à la manœuvre des aéronefs au sens de l’article 12 de la convention
de Chicago.
1274
Appelée autorité ATS, selon l’abréviation anglaise Air Traffic Services ou en français services de la
circulation aérienne, qui sont ceux qui doivent être assurés à l’intérieur de la région FIR.
1275
La Commission européenne a engagé un second paquet législatif, « ciel unique II » pour accélérer
l’intégration du ciel européen. Ce nouveau paquet renforce le concept des FAB et prévoit leur mise en œuvre au
plus tard en 2012.

412
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

compétence civile, les instruments internationaux y relatifs sont en revanche à peu près
inexistants ; c’est le droit interne qui comble alors cette lacune 1276.

C. Les dérogations existantes ou potentielles à la compétence exclusive de l’Etat


d’immatriculation des objets spatiaux

573. L’espace extra-atmosphérique dans lequel évoluent les engins n’est soumis à aucune
souveraineté d’un Etat. Il n’y a pas, en droit spatial, l’équivalent de la mer territoriale, de
l’espace aérien national ou des Zones Aériennes de Défense. L’espace extra-atmosphérique ne
peut faire l’objet d’aucune appropriation nationale 1277, malgré les efforts qui ont été
récemment déployés pour remettre en cause ce principe en vue de commercialiser
l’espace 1278. Si l’on raisonne comme dans le droit de la mer et de l’air, la seule compétence
est dès lors celle, exclusive, de l’Etat d’immatriculation, assortie éventuellement de quelques
exceptions établissant une compétence universelle ou plusieurs compétences concurrentes ; en
revanche, toute compétence véritablement concurrente des Etats territoriaux, « côtiers » ou
« de survol », est normalement exclue. L’article VIII du traité sur l’espace, relatif aux
juridiction/contrôle de l’Etat d’immatriculation, doit être interprété comme établissant une
compétence générale et exclusive, couvrant les affaires tant civiles que pénales 1279 survenant à
bord de l’engin. L’exclusivité de l’Etat d’immatriculation est donc a priori absolue dans le cas
des objets spatiaux. Cependant, nous avons vu qu’il est possible pour l’Etat d’immatriculation
de conclure des accords de délégation d’exercice de juridiction et de contrôle. Il convient
donc de se demander si ces délégations constituent des exceptions admises à la compétence
exclusive de l’Etat d’immatriculation. Et il importe d’envisager d’autres cas dans lesquels de
telles exceptions peuvent être considérées comme acceptées et/ou nécessaires. Dans l’état
actuel du droit spatial, aucune exception existante n’attribue à un Etat tiers une compétence
plénière. Seuls des pouvoirs conférés à des Etats autres que celui d’immatriculation sont
prévus. Mais à l’avenir de véritables exceptions risquent de s’avérer nécessaires.

1276
Dans ce sens voy. HANNAPPEL (P. P. C.), The Law and Policy of Air Space and Outer Space, A
Comparative Approach, Kluwer Law International, 2003, p. 50 et DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), An
Introduction to Air Law, op. cit. note 22, p. 28.
1277
Article II du traité sur l’espace.
1278
Pour une présentation des théories en faveur de l’abolition du principe de la non-appropriation de l’espace
extra-atmosphérique, ainsi que pour une prise de position contre ses théories assortie d’une proposition de
considérer ce principe comme une norme coutumière entre la coutume ordinaire et le jus cogens voy.
TRONCHETTI (F.), « The Non Appropriation Principle as a Structural Norm of International Law : A New Way
of Interpreting Article II of the Outer Space Treaty », Air and Space Law, vol. XXXIII, n° 3, 2008, pp. 277-305.
1279
GOROVE (S.), « Criminal Jurisdiction in Outer Space », The International Lawyer, vol.6, n°2, avril 1972, p.
319 et Studies in Space Law : Its Challenges and Prospects, Sijthoff, Leiden, 1977, pp. 141-151; VAN
BOGAERT (E. R. C.), Aspects of Space Law, op. cit. note 1000, p. 157.

413
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

i. Les atténuations existantes au monopole de l’Etat d’immatriculation

574. La pauvreté de la pratique internationale en la matière et le petit nombre des Etats


impliqués dans les activités spatiales ne permettent pas d’établir en l’occurrence des règles
bien définies. La doctrine semble toutefois accepter certaines exceptions à ce monopole, se
basant à la fois sur le corpus juris spatialis et sur les règles existantes relatives aux espaces
internationaux. Il s’agit soit de dérogations considérées comme le strict minimum afin de
respecter le principe selon lequel l’exploration et l’utilisation de l’espace sont l’apanage de
l’humanité 1280 soit de solution techniques à des problèmes juridiques précis. L’article XII du
traité sur l’espace 1281 fournit un exemple caractéristique d’une dérogation visant à privilégier
la coopération internationale. D’une lecture combinée de l’article VIII et de l’article XII, une
exception au monopole de l’Etat d’immatriculation apparaît en effet : ce serait à l’Etat de
nationalité des représentants des Etats tiers et non pas à l’Etat d’immatriculation d’exercer sa
juridiction à leur égard, ces représentants ne faisant pas partie du personnel de l’objet 1282.
575. Dans le même sens, une exception à la compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation est prévue au paragraphe 3 de l’article 12 de l’accord sur la lune. Il y est
stipulé qu’« en cas d’urgence mettant en danger la vie humaine, les Etats parties peuvent
utiliser le matériel, les véhicules, les installations, l’équipement ou les réserves d’autres Etats
parties se trouvant sur la Lune ». Il s’agit d’une réelle dérogation, inspirée par le besoin
d’assistance aux astronautes. L’article précise que, dans un tel cas, le Secrétaire général de
l’ONU ou l’Etat partie intéressé (c’est-à-dire l’Etat d’immatriculation) doit être informé sans
retard. De même, il est prévu à l’article 15 de cet accord que tous les véhicules spatiaux se
trouvant sur la lune sont accessibles à tous les Etats de manière à ce que tout Etat partie puisse
s’assurer que les activités des autres Etats sont conformes à ses dispositions. Les visites
doivent être préalablement notifiées à l’Etat intéressé.
576. Plutôt que des dérogations conventionnelles, il y a sans doute là des atténuations du
monopole de l’Etat d’immatriculation, car elles n’établissent pas une véritable compétence
pleine et entière – qu’elle soit universelle ou simplement multiple – mais confèrent
uniquement certains droits aux Etats tiers. Les exceptions de ce type sont susceptibles de se

1280
Article I du traité sur l’espace : « L’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la
Lune et les autres corps célestes, doivent se faire pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays, quel que soit le
stade de leur développement économique ou scientifique ; elles sont l’apanage de l’humanité tout entière ».
1281
En vertu duquel : « toutes les stations […] et tous les véhicules spatiaux se trouvant sur la lune ou sur
d’autres corps célestes seront accessibles, sous conditions de réciprocité, aux représentants des autres Etats
membres » .
1282
Dans ce sens voy. KISH (J.), The Law of International Spaces, A.W Sijthoff, 1973, p. 135 et MARCHAN
(J.), Derecho Internacional del Espacio, op. cit. note 10, pp. 335-336.

414
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

multiplier au fur et à mesure du développement de la pratique dans l’espace et de l’élaboration


des nouveaux instruments relatifs aux activités dans l’espace extra-atmosphérique.
577. Dans le même ordre d’idées, la Station Spatiale Internationale (ci-après SSI) pose des
problèmes intéressants concernant l’exercice de compétence par chaque Etat partenaire à
l’égard des modules dont il est l’Etat d’immatriculation. Les Etats participant au projet ont
décidé en effet de ne pas considérer le satellite comme un objet unifié immatriculé sur le
registre d’un seul Etat. L’article 5 de l’accord IGA conclu entre les pays concernés 1283 attribue
la juridiction et le contrôle à l’égard de chaque module à chaque Etat d’immatriculation 1284. Il
s’agit donc de plusieurs compétences exclusives exercées parallèlement. Mais il n’est pas
toujours facile de déterminer quel est l’Etat d’immatriculation concerné puisque les
composants de la SSI ne sont pas partout distincts – ce qui peut de facto conduire à un
exercice de compétences matériellement concurrentes.
578. Le Space Station Code of Conduct 1285 établit les responsabilités de chaque partenaire
concernant les modules ou l’équipement, tout en attribuant au commandant de la station
spatiale l’autorité d’appliquer les procédures de sécurité, au nom de tous les partenaires 1286. Il
ne s’agit cependant pas d’une véritable dérogation à la compétence exclusive des différents
Etats d’immatriculation, puisque cette solution ne concerne que les procédures de sécurité et
pas l’exercice global des juridiction/contrôle.
L’accord IGA distingue, par ailleurs, les juridiction/contrôle de la compétence relative aux
crimes perpétrés par les membres de l’équipage. Si les premiers appartiennent à chaque Etat
d’immatriculation pour l’élément qu’ils ont enregistré, la deuxième est exercée par chaque
Etat partenaire sur ses propres nationaux 1287. En revanche, la compétence à l’égard des
nationaux des Etats non-membres est exercée par l’Etat d’immatriculation du module sur
lequel l’incident a eu lieu. Cette compétence exercée par l’Etat de nationalité de la personne

1283
L’article 5 de l’accord IGA du 29 janvier 1998 conclu entre le Canada, le Japon, la Russie, les Etats-Unis et
les Etats membres de l’ASE concernant la coopération sur la SSI prévoit que chaque partenaire immatricule en
tant qu’objets spatiaux les modules de vol qu’il fournit tels qu’énumérés dans l’annexe et qu’il conserve sa
juridiction et son contrôle sur les modules immatriculés sur son registre.
1284
La désignation de l’Etat d’immatriculation est elle-même complexe. Seul le lancement des navettes spatiales
américaines ne pose aucun problème, les Etats-Unis étant à la fois l’Etat de lancement et l’Etat
d’immatriculation. En revanche, dans les autres cas, les lancements sont considérés comme conjoints ; il faut
donc, en vertu de la convention sur l’immatriculation des objets spatiaux, prédéfinir quel est l’Etat exerçant la
juridiction et le contrôle.
1285
Approuvé le 15 septembre 2000 par le Multilateral Coordination Board, mis en place par les MOUs entre la
NASA et toutes les agences partenaires, y compris l’ASE.
1286
Article 11§ 8 du MOU entre NASA et ASE.
1287
Article 22 de l’accord IGA. En revanche, si l’Etat de nationalité de l’astronaute consent à la juridiction de
l’Etat affecté (dont les nationaux ont été lésés ou sur le module duquel l’incident a eu lieu) ou bien si, dans un
délai de 90 jours, il échoue à fournir les preuves qu’il soumettra l’affaire aux autorités compétentes, l’Etat lésé
pourra exercer sa propre compétence.

415
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

physique à bord peut être considérée comme une exception à la compétence exclusive et a
priori globale de l’Etat d’immatriculation sur l’ensemble organisé 1288. Par ailleurs, une
divergence importante apparaît entre le régime retenu par le droit de la mer et celui mis en
place par les textes relatifs à la SSI. Alors qu’en haute mer c’est l’Etat du pavillon qui exerce
de manière exclusive sa compétence pénale à l’égard de l’équipage, dans l’espace extra-
atmosphérique l’accord IGA attribue cette compétence à l’Etat de nationalité de l’auteur
présumé de l’infraction. La compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation est donc sur ce
point restreinte. Il s’agit d’ailleurs de la seule véritable exception au monopole de cet Etat qui
soit explicitement mise en place. La cause en est probablement la structure complexe de la
SSI, dont chaque module est immatriculé dans un Etat partenaire différent, ce qui n’est pas le
cas d’un navire ayant la nationalité d’un seul Etat même lorsqu’il est affrété coque nue. Cette
dérogation doit donc être considérée comme spécifique à la SSI et n’est dans aucun cas
transposable dans le droit spatial général.

ii. Les exceptions potentielles au monopole de l’Etat d’immatriculation

579. Mises à part ces considérations fondées sur le statut quo conventionnel, l’étude de la
réalité de l’industrie et des activités spatiales suscite plusieurs questions relatives à l’exercice
de la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation et au rôle que des véritables
exceptions pourraient jouer. Ces questions sont liées aux moyens effectifs de faire respecter
les règles de droit pendant la période de séjour de l’objet spatial dans l’espace extra-
atmosphérique. Si l’Etat d’immatriculation a la capacité et la compétence exclusive d’édicter
les règles applicables à bord de l’engin, il n’est pas certain qu’il puisse, matériellement, les
faire exécuter sur l’engin évoluant dans l’espace 1289, en tout cas par un moyen autre que le
contrôle depuis le sol. Il est même quasiment certain que, dans l’état actuel de l’évolution de
la technologie spatiale, il ne le pourra pas. Actuellement, les seuls pays au monde qui
disposent des moyens techniques d’envoyer des vols habités dans l’espace extra-
atmosphérique sont la Russie et – à moindre degré – les Etats-Unis. Si on envisage une
situation hypothétique nécessitant l’exercice de la juridiction de l’Etat d’immatriculation sur
un objet spatial déjà en orbite ou évoluant en espace extra-atmosphérique, la situation
juridique peut rapidement devenir extrêmement complexe.

1288
Cette approche juridique choisie par les rédacteurs de l’IGA confirme que la compétence de l’Etat
d’immatriculation a plutôt la nature d’une compétence « personnelle » et non d’une compétence territoriale.
Dans le cas contraire, ce serait toujours l’Etat d’immatriculation qui exercerait sa compétence à l’égard du
personnel, sans tenir compte de sa nationalité, de manière analogue à la compétence exercée par l’Etat territorial.
1289
Dans ce sens PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, op. cit. note 57, pp. 161-162.

416
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Imaginons, par exemple, un satellite défectueux, qui peut à tout moment entrer en
collision avec un autre satellite. Pour aller encore plus loin, tout en restant dans la sphère du
probable – voire du réel – imaginons un satellite porteur d’arme nucléaire 1290, ayant la
capacité de tirer sur d’autres objets spatiaux, malgré le principe de l’utilisation pacifique de
l’espace extra-atmosphérique 1291, qui est affirmé dans l’article IV du traité spatial 1292. Dans de

1290
Un exemple réel constitue la Strategic Defense Initiative américaine, dont le lancement fut annoncé par le
Président Reagan en Mars 1983. Il s’agissait d’un programme de recherche ayant comme but de développer la
capacité d’« intercepter et détruire les missiles balistiques stratégiques avant qu’ils ne touchent le sol américain
ou celui des leurs alliés ». Une des propositions de l’époque impliquait la détonation d’une petite dévisse
nucléaire pour produire des lasers à rayons x contre multiples missiles. La stratégie n’a cependant jamais été
entièrement déployée. Elle a été renommée Ballistic Missile Defense Organization sous Clinton et, par la suite,
Missile Defense Agency en 2002. Le 31 août 2006, le Président Bush a autorisé la National Space Policy (US
National Space Policy du 10 octobre 2006, ci-après NSP) [disponible sur [http://www.ostp.gov/galleries/default-
file/Unclassified%20National%20Space%20Policy%20--%20FINAL.pdf] consulté le 16 juin 2009], soulignant
la vulnérabilité des systèmes spatiaux militaires et civils américains et la nécessité d’y remédier. Pour une
critique de la NSP voy. ROBINSON (G. S.), « The U.S National Space Policy : Pushing the Limits of Space
Treaties ? », ZLW, vol.56, 2007, pp. 45-57 et BOURBONNIERE (M.) & RICKY (J. L.), « Legality of the
Deployment of Conventional Weapons in Earth Orbit: Balancing Space Law and the Law of Armed Conflict »,
EJIL, vol. 18, n° 5, 2008, pp. 873-901. Les auteurs se réfèrent notamment à la nouvelle loi américaine, adoptée
sous l’administration Bush et aux raisons pour lesquelles elle pourrait être interprétée comme une étape vers la
militarisation de l’espace, même si elle ne l’est pas nécessairement. Voy. également HITCHENS (T.), « The
Bush National Space Policy : Contrasts and Contradictions », WORLD SECURITY INSTITUTE, 17 octobre
2006, [http://www.worldsecurityinstitute.org/showarticle.cfm?id=177] consulté le 16 juin 2009. L’auteur
explique que par rapport à la NSP de 1996 sous l’administration Clinton, la nouvelle NSP utilise un langage et
un ton beaucoup plus explicite, laissant entrevoir la possibilité d’une action offensive américaine dans l’espace
pour protéger les objets nationaux mais également pour nier l’utilisation de l’espace à l’« ennemi », ainsi que
celle d’une utilisation potentielle d’armes anti-satellites. A ce titre, voy. notamment le principe n°6 : « The
United States will oppose the development of new legal regimes or other restrictions that seek to prohibit or limit
U.S access to or use of space. Proposed arms control agreements or restrictions must not impair the rights of the
United States to conduct research, development, testing and operations or other activities in space for U.S
national interests ».
1291
L’article IV interdit de mettre en orbite, autour de la terre, des objets porteurs d’armes nucléaires ou d’armes
de destruction massive, de les installer sur des corps célestes ou de les placer, de toute autre manière, dans
l’espace extra-atmosphérique. Le même article oblige les Etats d’utiliser la lune et les autres corps célestes (mais
pas l’espace extra-atmosphérique) exclusivement à des fins pacifiques. Pour une interprétation de l’article IV et
une analyse de la question de savoir si la démilitarisation de l’espace est partielle ou absolue et quelles
pourraient en être les exceptions voy., entre autres, BOURBONNIERE (M.) & RICKY (J. L.), « Legality of the
Deployment of Conventional Weapons in Earth Orbit: Balancing Space Law and the Law of Armed Conflict »,
op. cit. note 1290, pp. 873-901 ; VLASIC (I. A), « The Legal Aspects of Peaceful and Non-Peaceful Uses of
Outer Space », in Peaceful and Non-Peaceful Uses of Space: Problems of Definition for the Prevention on an
Arms Race, JASANI (B.) ed., 1991, p. 45; COUSTON (M.), « Eléments de réflexion sur le principe de
l’utilisation pacifique de l’espace », RFDAS, vol.239, n°3, 2006, pp. 242-251 ; FRIMAN (L. J.), « War and
Peace in Outer Space : A Review of the Legality of the Weaponization of Outer Space in the Light of the
Prohibition on Non-Peaceful Purposes », Finnish Yearbook of International Law, vol. XVI, 2005, pp. 285-312.
Sur les dangers qui menacent actuellement le principe de la non militarisation de l’espace extra-
atmosphérique voy. MAOGOTO (J. N.) & FREELAND (S.), « From Star Wars to Space Wars – The Next
Strategic Frontier : Paradigms to Anchor Space Security », Air and Space Law, vol. XXXIII, n°1, 2008, pp. 10-
37.
1292
Sur l’article IV voy. également The Draft Treaty on the Prevention of the Placement of Weapons in Outer
Space, the Threat or Use of Force Against Outer Space Objects, présentée conjointement par la Russie et la
Chine à la conférence du désarmement le 12 février 2008 citée dans VASILIEV (V.), « The Draft Treaty on the
Prevention of the Placement of Weapons in Outer Space, the Threat or Use of Force Against Outer Space
Objects », in Security in Space: The Next Generation, Conference Report, 31 mars -1 avril 2008, UNIDIR, 2008,
[http://www.unidir.org/pdf/articles/pdf-art2822.pdf] consulté le 17 juin 2009. Le projet avait été déjà soumis à la

417
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

tels cas, l’Etat d’immatriculation doit-il être l’unique Etat appelé à exercer sa compétence et
ses pouvoirs de police et donc à agir de manière analogue à l’Etat du pavillon qui arraisonne
le navire de sa « nationalité » se livrant à des activités illégales en haute mer ? Une telle
intervention ne sera pas toujours possible depuis la terre. Même si les moyens techniques
existent 1293, il n’est pas certain que l’Etat d’immatriculation les possède. Si celui-ci ne peut
pas intervenir, de solutions juridiques alternatives doivent être envisagées. Il faudra donc
prévoir des exceptions concrètes à la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation 1294.
S’il s’agit d’un objet immatriculé dans un Etat membre d’une organisation internationale, telle
que l’ASE, on pourrait par exemple prévoir qu’un autre Etat membre est en droit
d’intervenir 1295.
580. Dans l’état actuel du droit spatial, le fait que l’Etat d’immatriculation ne puisse pas
matériellement exercer une juridiction et un contrôle complets sur l’objet évoluant dans
l’espace, ne change toutefois rien au fait qu’il semble le seul compétent pour ce faire. Le
principe peut éventuellement paraître « dangereux » dans les hypothèses évoquées ci-dessus ;
il n’en permet pas moins aux Etats d’immatriculation qui ne sont pas de grandes puissances
spatiales de conserver leur « souveraineté » par rapport à « leurs » engins. Il est certes
difficilement concevable que des objets spatiaux immatriculés dans un Etat se fassent
contrôler ou arraisonner dans l’espace extra-atmosphérique par des objets spatiaux étrangers.
Cependant, il n’est pas inimaginable que des Etats autres que l’Etat d’immatriculation essaient
d’exercer leurs juridiction/contrôle sur des satellites étrangers 1296. Il n’est pas inimaginable

conférence par la Russie et la Chine en 2002, sans aboutir à un traité, en raison notamment de la nature
consensuelle de la prise des décisions au sein de celle-ci et de la réticence des Etats-Unis d’adopter un tel traité.
1293
Voy. par exemple la destruction volontaire du satellite chinois Feng Yun-1C par un missile chinois le 11
janvier 2007 et la destriction volontaire du satellite espion américain hors usage USA193 par un missile
américain le 21 février 2008. La première constituait une démonstration par la Chine de ses armes antisatellites.
Les américains ont invoqué, quant à eux, la dangérosité du réservoir de leur satellite, même si leur action peut
être considérée comme une réponse à la destruction chinoise. Pour une présentation de ces deux événements voy.
KERREST (A.), « Actualités du droit de l’espace : la responsabilité des Etats du fait de la destruction de
satellites dans l’espace », op. cit. note 1033, pp. 615 et 622, notes de bas de page 31, 32 et 33.
1294
Dans ce sens voy. JENKS (C. W.), Space Law, op. cit. note 128, pp. 292-293 et BLOUNT (P. J.),
« Jurisdiction in Outer Space : Challenges of Private Individuals in Space », Journal of Space Law, vol. 33,
2007, pp. 332-333.
1295
Le groupe (aujourd’hui comité) des relations internationales chargé de discuter le format et le contenu du
registre ASE a envisagé la possibilité d’y ajouter l’Etat membre exerçant la juridiction et le contrôle sur l’objet
spatial. Toutefois, aucune solution uniforme n’ayant été trouvée, il a été décidé de déterminer au cas par cas
l’Etat des juridiction/contrôle, selon les caractéristiques de chaque programme. Sur ce
voy. LAFFERRANDERIE (G.), « Jurisdiction and Control of Space Objects and the Case of an International
Intergovernmental Organisation (ASE) », op. cit. note 201, p. 234.
1296
McDOUGAL, LASSWELL et VLASIC, dans leur vaste ouvrage de 1963 étudient les éventualités de
compétence exercée en espace extra atmosphérique par un Etat autre que l’Etat d’immatriculation, en comparant
le droit de l’espace aux droits de la mer et de l’air. Ils évoquent la possibilité de passage d’un « satellite de
reconnaissance » au dessus du territoire national américain, mais dans l’ espace extra-atmosphérique – en
d’autres termes l’espionnage spatial – comme un cas spécifique dans lequel une compétence spéciale pourrait

418
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

non plus que seules les puissances spatiales qui peuvent envoyer des vols, habités ou non,
dans l’espace, en profitent un jour pour contrôler des objets spatiaux, même sans motif
valable 1297. C’est toute intervention d’un tel type que l’article VIII entend exclure, en
attribuant une compétence exclusive à l’Etat d’immatriculation.
581. Il faut remarquer que, dans la pratique, toutes les situations évoquées ci-dessus ont
été réglées à la suite de longues négociations diplomatiques et politiques entre les pays
concernés. Ces négociations ont eu comme but de « persuader » l’Etat d’immatriculation
d’exercer son contrôle sur l’objet spatial ou de respecter les grands principes du droit de
l’espace. C’est donc de manière politique et non juridique que les crises de ce type ont été à ce
jour gérées. Mais des exemples tels que la National Space Policy américaine de 20061298, dont
le langage sous-entend une attitude plutôt unilatérale de la part des Etats-Unis laissant peu de
place à la diplomatie internationale, suscitent des doutes quant à l’efficacité future de ce type
de solutions. Si les Etats-Unis mettent l’accent sur le pouvoir militaire plutôt que sur la
diplomatie et sur la compétition plutôt que sur la coopération, les autres grandes puissances
spatiales en feront autant. L’aspect juridique des questions de compétence exclusive et de ses
exceptions potentielles deviendra, dès lors, encore plus crucial. Le bon ordre dans l’espace
constitue à cet égard un fondement juridique solide pour justifier une véritable dérogation à la
compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation. La sauvegarde de l’« ordre public » peut
être invoquée lorsqu’il y a lieu de fonder une exception à la compétence exclusive sur des
raisons d’autodéfense et de défense collective.

Conclusion de la section

582. Il est clair que le principe de l’exclusivité de la compétence « personnelle » de l’Etat


d’immatriculation sur l’engin de sa « nationalité » se trouvant dans un espace international est
bien ancré dans le droit international et ne connaît à ce jour que très peu d’exceptions. Parmi
ces dernières, celles qui confèrent une véritable compétence plénière à un Etat tiers sont

être reconnue. Voy. McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in
Space, op. cit. note 34, pp. 290-320, notamment 313-314.
1297
Pour un exemple pouvant éventuellement aller dans cette direction voy. la National Space Policy (NSP)
américaine et le droit invoqué de « self protection » [op. cit. note 1290]. Voy. notamment principes n°4 et 5 de la
NSP : « The United States considers space systems to have the rights of passage through and operations in
space without interference. Consistent with this principle, the United States will view purposeful interference
with its space systems as an infringement of its rights. The United States considers space capabilities – including
the ground and space segments and supporting links – vital to its national interests. Consistent with this policy,
the United States will: preserve its rights, capabilities and freedom of action in space; dissuade or deter others
from either impending those rights or developing capabilities intended to do so; take those actions necessary to
protect its space capabilities; respond to interference; and deny, if necessary, adversaries the use of space
capabilities hostile to U.S national interests».
1298
Voy. supra note 1290.

419
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

moins nombreuses encore. Pour le reste, il s’agit d’atténuations au monopole de l’Etat


d’immatriculation, qui se contentent d’attribuer certains pouvoirs de contrôle (mais pas de
juridiction) – notamment en matière d’arraisonnement, de visite ou d’interception – à tous les
Etats ou aux Etats directement intéressés par les activités entreprises par les engins. Dans le
droit de la mer, seules quelques exceptions précises existent ; elles sont prévues dans la
convention de Montego Bay et confirment à leur(s) titulaire(s) une compétence universelle ou
des compétences multiples sur les navires en haute mer. Plusieurs atténuations sont toutefois
en train d’émerger et semblent orienter le développement progressif du droit de la mer vers
une acceptation plus large de dérogations à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon,
même si cette évolution est encore à peine amorcée. La compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation des aéronefs ne semble en revanche pas fondamentale et, surtout, pas
automatique 1299, puisque plusieurs autres titres de compétence sont admis. Dans la majorité
des cas, il s’agira plutôt de compétences multiples. Enfin, en ce qui concerne les objets
spatiaux, les situations susceptibles de mettre en cause l’exercice souverain de la compétence
de l’Etat d’immatriculation ne sont pas encore très nombreuses, mais elles vont certainement
se multiplier avec l’évolution, et en particulier le développement de l’exploitation de l’espace
extra-atmosphérique, du tourisme et de l’industrie spatiaux.

SECTION II. Le rôle de l’Etat d’immatriculation dans les différentes hypothèses de


compétences concurrentes

583. Lorsque l’engin ne se trouve pas dans un espace international, la compétence de


l’Etat du pavillon ou d’immatriculation n’est plus exclusive mais concurrente. En vertu des
règles conventionnelles et coutumières du droit international, l’Etat territorial mais également
d’autres Etats peuvent être compétents à l’égard de l’engin. Souveraineté territoriale oblige,
les compétences de l’Etat du port, de l’Etat de décollage ou d’atterrissage et des Etats de
lancement ou de réception des objets spatiaux doivent être prises en compte en ce qui
concerne la navigation et les activités de l’ensemble organisé. Ces compétences se renforcent
significativement en cas de laxisme de l’Etat d’immatriculation afin de permettre à l’Etat
territorial de se « protéger ». Une fois de plus, cette évolution est manifeste dans le droit de la
mer, où l’intervention d’Etats autres que l’Etat du pavillon est de plus en plus dynamique en
raison du contrôle problématique exercé à l’égard des navires battant pavillon « de

1299
Dans ce sens, HONIG (J. P.), The legal status of aircraft, op. cit. note 22, p. 99.

420
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

complaisance » 1300 (§1). Dans le droit de l’air également, les compétences concurrentes jouent
un rôle très important, non seulement parce que les aéronefs se trouvent souvent dans des
espaces soumis à la souveraineté territoriale, mais aussi parce que plusieurs conventions
aériennes spécialisées établissent des chefs de compétence concurrents, indépendamment du
lieu où l’aéronef se trouve. Un partage identique est alors effectué, que l’infraction ait eu lieu
lorsque l’aéronef se trouvait dans un espace soumis à la souveraineté étatique ou dans un
espace international (§2). Dans le droit spatial, les compétences concurrentes des Etats
territoriaux sont par définition quasiment exclues. Seule une interprétation large de la notion
peut permettre d’envisager la question, mais sous un angle différent de celui qui se vérifie
dans les droits de la mer et de l’air (§3). A l’instar des exceptions à la compétence exclusive,
les compétences concurrentes admises peuvent être pleines et entières ou alors ne concerner
que certains pouvoirs bien précis. La plupart des compétences établies lorsque l’engin ne se
trouve pas dans un espace international appartiennent à la première catégorie.

§ 1. L’affaiblissement du rôle de l’Etat du pavillon lorsque le navire ne se trouve pas dans un


espace international

584. Le régime des compétences concurrentes est bien plus complexe dans le droit de la
mer que dans les autres branches. La multiplication de zones maritimes de statut différent,
résultat de la difficile conciliation entre les intérêts respectifs des Etats côtiers moins
développés et ceux des Etats ayant la capacité et la volonté d’exploiter librement l’océan, a
inévitablement entraîné une multiplication des chefs de compétence concurrents à celui de
l’Etat du pavillon. Dans les eaux territoriales la règle est celle de la souveraineté territoriale,
atténuée par certains pouvoirs conférés à l’Etat du pavillon (A) ; le statut sui generis de la
ZEE rend en revanche complexe le partage des compétences (B).

A. Les compétences concurrentes l’égard d’un navire qui se trouve dans les eaux intérieures,
dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë

585. Les eaux intérieures sont bien évidemment soumises à la souveraineté absolue de
l’Etat territorial qui y exerce l’ensemble des compétences 1301 sans être tenu par la règle du

1300
Nous rappelons que la « complaisance » est définie pour les besoins de cette thèse en tant qu’une absence de
contrôle effectif de la part de l’Etat du pavillon et non en tant qu’une libre immatriculation.
1301
Article 2 convention de Montego Bay : « La souveraineté de l’Etat s’étend au-delà de son territoire et de ses
eaux intérieures ». Les eaux intérieures sont les eaux maritimes adjacentes au territoire terrestre, au-delà
desquelles on mesure l’étendue de la mer territoriale. Il s’agit principalement des eaux des ports, havres, rades et
baies (voy. article 8 de la convention).

421
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

passage inoffensif pour les navires étrangers 1302. Si l’Etat côtier exerce la compétence
législative à l’égard du navire étranger soumis entièrement à sa loi, il n’exerce toutefois pas
intégralement la juridiction civile et pénale 1303 pour les différends survenus parmi les
personnes à bord 1304.
586. L’Etat du port exerce également des compétences importantes dans le cadre de la
lutte contre les navires « sous-normes » et du contrôle pour la préservation du milieu marin.
Afin de pouvoir suppléer aux défaillances éventuelles des Etats du pavillon, la convention de
Montego Bay donne des « pouvoirs » à l’Etat du port (article 218) et l’Etat côtier (article
220). Le renforcement de plus en plus significatif de ces compétences est considéré comme
1305
une réponse nécessaire au laxisme de certains pays dits de « complaisance » . Il est
possible aujourd’hui d’affirmer que, concernant la pollution marine et la préservation des
ressources naturelles, l’Etat du port est devenu un véritable « concurrent » de l’Etat du

1302
La convention de Genève du 9 décembre 1923 sur le régime international des ports maritimes énonce
toutefois l’engagement de l’Etat contractant d’assurer aux navires des autres Etats parties un traitement égal à
celui réservé à ses propres navires, notamment le libre accès et la libre utilisation des commodités pour les
navires, marchandises et passagers, sous condition de réciprocité. Voy. cependant l’opinion dissidente émise par
le juge COT sous l’ordonnance du TIDM du 23 décembre 2010 relative à la demande de prescription de mesures
conservatoires dans le cadre de l’affaire Louisa (op. cit. note 510), p. 4, § 17 où le juge souligne que « [l]e Statut
de Genève de 1923 sur l’accès aux ports a fait l’objet de peu de ratifications et son caractère coutumier est
contesté. Traditionnellement, l’Etat du port s’abstient d’intervenir dans la vie intérieure du navire à quai. Mais
c’est une règle de courtoisie, non une obligation internationale ». Par ailleurs, suite aux demandes de refuge
infructueuses présentées par les capitaines de l’Erika et du Prestige, l’Union européenne a adopté la directive
2002/59 du 27 juin 2002 dont l’article 20 demande aux Etats de se doter des plans permettant l’accès des navires
en difficulté à des lieux de refuge. Le texte prévoit, néanmoins, que le demandeur doit être autorisé par
l’administration compétente qui pourra désigner le lieu de refuge le plus approprié.
1303
Articles 27 et 28 de la convention de Montego Bay. La question de la compétence de l’Etat riverain pour les
infractions commises à bord est assez débattue. Lorsque les infractions disciplinaires de ce type ne concernent
que la société du bord, il est généralement accepté que la compétence appartient à l’Etat du pavillon. Cependant,
si elles sont considérées comme troublant l’ordre public du riverain, celui-ci devient compétent pour connaître le
différend. Voy. pour la France, l’avis du Conseil d’Etat du 28 octobre 1806 rendu à propos des affaires des
navires Sally et Newton, op. cit. note 31. La question concernait des poursuites pénales à engager contre des
marins américains ayant blessé leurs camarades à bord. Le Conseil d’Etat a souligné que c’était à l’Etat du
pavillon d’exercer les poursuites. Néanmoins, M. CHAUMETTE souligne que « l’avis du Conseil d’Etat a été
interprété comme affirmant à bord l’exclusivité de la loi du pavillon, restreignant l’intervention de l’Etat du
port, quand il énonce le contraire ». Voy. CHAUMETTE (P.), « Le droit social des gens de mer », op. cit. note
166, p. 651 et dans un sens similaire BONASSIES (P.), « Faut-il abroger l’avis du Conseil d’Etat du 28 octobre
1806 ? », in La mer et son droit, Mélanges offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.), Pedone, Paris, 2003, pp.
101-109. Les pays anglo-saxons se prononcent quant à eux au cas par cas, préférant ne pas renoncer
définitivement à leur souveraineté en matière de compétence pénale. Voy. BROWNLIE (I.), Principles of Public
International Law, 4th ed., Clarendon Press, 1990, pp. 317-321 citant l’affaire Wildenhus de 1887 et soulignant
que les points de divergence entre la pratique française et anglo-saxonne sont en réalité minimes.
1304
Voy. également pour des exemples des désordres pouvant survenir à bord et sur le partage des compétences
en matière civile et pénale REGLAT-BOIREAU (A.), « L’équipage et le droit international », in Colloque
SFDI : Le navire en droit international, Pedone, Paris, 1993, pp. 49-54.
1305
La CJCE est même allée jusqu’à condamner la France pour ne pas avoir effectué un nombre total
d’inspections annuels correspondant à au moins 25% du nombre de navires distincts entrés dans ses ports en
1999 et en 2000. CJCE, Commission c/ France, 22 juin 2004, JOUE 7 août 2004, p. 5. L’arrêt n’a pas été publié
et seul le dispositif figure au JO. Il est cité dans DEGUERGUE (M.), « La responsabilité particulière des
autorités publiques en droit interne », in Recueil des interventions du colloque « Mer et Responsabilité »,
Pedone, Paris, 2009, p. 56.

422
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

pavillon, dont les compétences sont de plus en plus larges et la marge de manœuvre
considérablement accrue. L’Etat du port tend ainsi à devenir un contrôleur de la qualité du
navire au même titre que l’Etat du pavillon 1306 pour ce qui concerne les obligations relatives à
la préservation de l’environnement marin.
587. Le contrôle de la navigabilité des navires étrangers a pour objectif d’éviter la
pollution. Il est prévu à l’article 219 de la convention de Montego Bay, complété par plusieurs
autres instruments internationaux. La convention 147 de l’OIT de 1976 sur les normes
minimales à bord des navires marchands, reprenant les règles de la convention SOLAS et de
son protocole additionnel 1307, prévoit ainsi que tout navire entrant dans le port d’un Etat
membre accepte implicitement de se soumettre aux inspections des autorités portuaires, si
elles ont une preuve du non-respect des dispositions de ces instruments ou si elles ont reçu
une plainte d’une personne intéressée par la sécurité du navire 1308. Le pouvoir de contrôle
appartient donc à l’Etat du port, mais l’Etat du pavillon doit se doter d’une législation
équivalente aux normes minima de protection des marins. Les compétences sont ainsi
partagées entre les deux Etats, l’exercice appartenant à l’Etat du pavillon et le contrôle à l’Etat
du port 1309. Dans le même sens, le Mémorandum de Paris du 26 janvier 1982 ainsi que les
autres MOUs à travers le monde 1310 tentent d’assurer l’application uniforme, dans chaque port
des Etats membres, des indications fournies dans un ouvrage de référence 1311. Ils dressent à
cette fin des « listes noires » visant à « montrer du doigt » les Etats qui ne se conforment pas à
leurs obligations. Les navires « sous-normes » peuvent être sanctionnés ou se voir interdire
l’accès aux ports appliquant le Mémorandum. Le même système a été repris par l’Union

1306
CATALDI (G.), « Problèmes généraux de la navigation en Europe (Rapport Général) », op. cit. note 693, p.
146. Voy. également PAMBORIDES (G. P.), International Shipping Law, Legislation and enforcement, Kluwer
Law International, Ant. N. Sakkoulas Publishers, Athens, 1999, p. 112.
1307
Le contrôle des navires par l’Etat du port a été rendu possible par la convention SOLAS, règle 19 et son
protocole additionnel du 17 février 1978, règle 6. Dans le même sens voy. la directive 95/21 du 19 juin 1995,
JOCE L 157, 7 juillet 1995 complétée en 1998, 1999 et 2002.
1308
CHAUMETTE (P.), « Le contrôle des navires par l’Etat du port ou la délinquance du pavillon ? », op. cit.
note 360, p. 273 ; MAHUIGA (J.-G.), « La compétence de l’Etat du port en droit international public », JDI, n°
4, 2005, p. 1093.
1309
Voy. CORBIER (I.), « Souveraineté et pavillon », op. cit. note 1238, p. 188 ; Voy. également MORIN (M.),
« La prévention et la lutte contre la pollution par les navires de commerce », op. cit. note 58, pp. 182-188.
1310
Mémorandum d’entente sur le contrôle des navires par l’Etat du port ou MOU conclu entre les
administrations maritimes des pays présents à la deuxième conférence régionale sur la sécurité maritime :
Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, RFA, Royaume Uni et
Suède. Les autres MOUs sont les suivants : celui de l’Amérique Latine, mémorandum de Vina del Mar 1992 ;
celui du Sud Est asiatique, mémorandum de Tokyo 1993 ; celui de la Caraïbe, mémorandum de Christchurch
1996 ; celui de la Méditerranée, mémorandum méditerranéen 1997 ; celui de l’océan Indien, mémorandum
1998 ; celui de l’Afrique de l’Ouest et du centre, mémorandum d’Abuja 1999 ; celui de la mer Noire,
mémorandum d’Istanbul 2000. Mais l’efficacité de ces mémorandum, à l’exception de ceux de Paris et de
Tokyo, est assez limitée.
1311
TASSEL (Y.), « Le contrôle des navires par l’Etat du port : Régime et conséquences commerciales (droit
français et droit anglais), ADMO, vol. 17, 1999, p. 238.

423
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

européenne, dont la directive 2009/16/CE met en place un système complet de contrôle par
l’Etat du port 1312. Ces règles peuvent justifier le bannissement graduel des navires « sous-
normes » dans les ports des Etats parties et rendent les certificats de navigabilité délivrés par
des pays de complaisance inutiles, dès lors que les Etats de port sont désormais en droit de
refuser l’accès aux navires non conformes.
588. La lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) favorise,
également, le renforcement des compétences de l’Etat du port. Un nouveau traité visant à
prohiber l’accès des ports de pêche aux navires se livrant à de telles pratiques a ainsi été
adopté le 1er septembre 2009 par 91 pays, à l’issue de négociations conduites par la FAO 1313.
Le traité engage les Etats du port qui y sont parties à pratiquer des inspections régulières 1314et
à prévoir un certain nombre d’obligations pour l’Etat du pavillon 1315, pour s’assurer qu’il
coopère dans la réalisation de l’objectif de l’accord. D’une manière générale, des pouvoirs
importants sont attribués à l’Etat du port et à l’Etat côtier, pour faire face à la complaisance ou
au manque des moyens dans le chef de l’Etat du pavillon. Le renforcement de leur rôle n’a
cependant pas été admis sans difficulté par les grandes puissances maritimes ; il ne peut pas
être considéré comme reflétant des normes coutumières. Cela ressort clairement de l’accueil
négatif que les Etats et la critique ont réservé à certaines législations nationales étendant au-
delà de la limite des 200 milles la compétence étatique quant à la conservation des stocks 1316.
589. Le rôle de l’Etat du port est néanmoins devenu tellement important que plusieurs
théoriciens évoquent la fin de l’Etat du pavillon au profit de l’Etat du port 1317. La réalité ne va

1312
Le MOU a été communautarisé par la directive 95/21 du 19 juin 1995 modifiée par la directive 2001/106 et
remplacée par la directive 2009/16/CE du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative au contrôle par l’Etat
du port.
1313
Il s’agit de l’accord sur les mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer
la pêche illicite, non déclarée et non réglementée qui constituera le tout premier traité portant spécifiquement sur
ces problèmes. [http://www.fao.org/news/story/fr/item/29627/icode/] Pour le texte du projet d’accord :
[http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/newsroom/docs/draftFR.pdf ] consultés le 1er septembre 2009.
1314
Accord sur les mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche
illicite, non déclarée et non réglementée, articles 11 et s.
1315
Ibidem, article 21, intitulé « Rôle de l’Etat du pavillon ».
1316
Voy. exemples des lois argentine du 17 août 1991, chilienne de 6 septembre 1991 et notamment canadienne
du 12 mai 1994 (Coastal Fisheries Protection Act), qui a suscité une grande controverse et a été à l’origine d’une
plainte déposée par l’Espagne devant la CIJ. Voy. également, dans le cadre du GATT, l’affaire Restriction à
l’importation de thon, rapports panel DS21/R du 3 septembre 1991 (non adopté) et DS29/R du 20 mai 1994 (non
adopté) condamnant une législation américaine sur l’importation de thons pêchés avec des filets attrapant
également les dauphins.
1317
Sur le déclin du rôle de l’Etat du pavillon voy., entre autres, KANEHARA (A.), « Challenging the
Fundemental Principle of the Freedom of the High Seas and the Flag State Principle Expressed by Recent Non-
Flag State Measures on the High Seas », The Japanese yearbook of international law, vol. 51, 2008, pp. 21-56;
KOVATS (L. J.), « True Internationalism of the Law of the Sea », op. cit. note 1096, pp. 347-369 ; BEHNAM
(A.) & FAUST (P.), « Twilight of flag state control», op. cit. note 360, pp. 167- 192 ; CHAUMETTE (P.), « Le
contrôle des navires par l’Etat du port ou la délinquance du pavillon ? », op. cit. note 360, pp. 265-282 ;
HORROCKS (C.), « Flag state Implementation and Port State Control», in Current maritime Issues and the

424
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

pas si loin. L’importance de l’Etat du pavillon, dès lors que le navire se trouve dans un espace
non souverain, demeure – on l’a dit – primordiale, en dépit de quelques atténuations. Son
accord et/ou sa coopération restent nécessaires. Il est vrai en revanche que si un navire
étranger se trouve dans les eaux territoriales d’un Etat, ce dernier peut désormais prendre un
grand nombre de mesures afin de s’assurer que ce navire ne viole pas les normes minimales
de sécurité maritime, de préservation du milieu marin et des ressources halieutiques. Il
n’empêche que ces mesures peuvent être contestées par l’Etat du pavillon, comme la plus
récente des affaires devant le TIDM en témoigne 1318.
590. La mer territoriale est, pour sa part, soumise à la souveraineté de l’Etat côtier 1319,
mais des exceptions à cette compétence a priori exclusive existent au profit des navires
étrangers 1320. Outre le droit du passage inoffensif 1321, l’article 27 de la convention de

IMO, NORDQUIST (M. H.) & MOORE (J. N.) ed., Martinus Nijhoff publishers, The Hague, 1999, pp. 191-
198 ; ROACH ASHLEY (J.), « Alternatives for achieving flag state implementation and quality shipping», in
idem, pp. 151-175 ; TASSEL (Y.), « Le contrôle des navires par l’Etat du port : Régime et conséquences
commerciales (droit français et droit anglais), op. cit. note 1311, pp. 237- 255 ; CATALDI (G.), « Problèmes
généraux de la navigation en Europe (rapport général) », op. cit. note 693, p. 146 ; LUCCHINI (L.), « Les
contradictions potentielles entre certaines mesures de la protection de l’environnement et la liberté de navigation
(rapport général) », op. cit. note 426, p. 206 ; BEHNAM (A.), « Ending Flag State Control ? », in International
Marine Environmental Law : Institutions, Implementation and Innovations, KIRCHNER (A.) ed., 2003, pp. 123-
135; VORBACH (J. E.), « The vital role of non flag-state actors in the pursuit of safer shipping », Ocean
development and international law: the journal of marine affairs, vol.32, n°1, 2001, pp. 27-42.
1318
L’affaire du navire Louisa (op. cit. note 510) introduite le 23 novembre 2010 par Saint-Vincent-et-les-
Grenadines contre l’Espagne concerne deux navires qui opéraient des levés des fonds marin à but scientifique
dans la baie de Cadix et qui ont été immobilisés sans caution par les autorités espagnoles pour avoir violé la
législation espagnole sur le patrimoine historique et sur la protection de l’environnement marin, alors même
qu’ils disposaient d’un permis valide de l’Etat côtier. Saint-Vincent, Etat du pavillon du Louisa, invoque la
violation par l’Espagne des articles 73 (mise en application des lois et règlements de l’Etat côtier), 87 (liberté de
la haute mer), 226 (enquêtes dont peuvent l’objet les navires étrangers), 245 (recherche scientifique marine dans
la mer territoriale) et 303 (objets archéologiques et historiques découverts en mer). Par ordonnance du 30
décembre 2010, le Tribunal a reconnu sa compétence prima facie, alors que les juges dissidents (juges
WOLFRUM, TREVES, COT et GOLITSYN) s’accordaient sur l’absence d’une telle compétence, dès lors que
les articles invoqués sont en l’espèce sans lien avec les droits prétendument violés de l’Etat du pavillon. Cette
affaire apportera assurément de clarifications importantes sur les pouvoirs de l’Etat côtier dans ses eaux
intérieures, sa mer territoriales et sa ZEE, ainsi que sur les droits de l’Etat du pavillon.
1319
Article 2 de la convention de Montego Bay. Voy. également CIJ, Affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c/ Etats-Unis), arrêt sur le fond, arrêt du 27 juin 1986,
Rec. CIJ 1986, p. 14 et s., notamment p. 111, §§ 212-214, affirmant que les compétences exclusives de l’Etat
côtier en mer territoriale s’exercent tant du point de vue économique qu’en matière de police.
1320
Comme il a été précédemment signalé, des exceptions peuvent également être établies au cas par cas en ce
qui concerne les navires pirates, qui agissent en mer territoriale. Mais si les résolutions onusiennes relatives à la
lutte contre la piraterie peuvent autoriser l’intervention des Etats tiers dans les eaux territoriales où les pirates
sévissent, ce n’est que suite à un accord express du pays concerné et avec la précision indispensable que cette
autorisation ne peut pas être considérée comme un précédent en la matière. Voy. analyse de la résolution
1816/2008 du 2 juin 2008 du Conseil de sécurité onusien et de l’action commune 2008/851/PESC du Conseil du
10 novembre 2008 concernant l’opération militaire de l’UE en vue d’une contribution à la dissuasion, à la
prévention et à la répression des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de la Somalie,
supra note 1183 et note 1200.
1321
Articles 17 à 26 de la convention de Montego Bay. Le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer
territoriale française est réglementé par le décret n° 85-185 du 6 février 1985 portant réglementation du passage
des navires étrangers dans les eaux territoriales françaises. Pour une analyse du décret et une comparaison avec

425
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Montego Bay prévoit que l’Etat côtier « ne devrait pas » exercer sa juridiction pénale, sauf
s’il s’agit d’une infraction dont les conséquences s’étendent à l’Etat côtier ou risquent de
troubler sa paix et son ordre public, si l’intervention est demandée par le capitaine ou l’Etat du
pavillon et si la mesure est nécessaire pour la répression du trafic des stupéfiants. Dans le
même sens, en vertu de l’article 28, la juridiction civile ne devrait être exercée que s’il s’agit
d’obligations contractées ou de responsabilités encourues en raison de la navigation dans les
eaux de l’Etat côtier. Malgré la souveraineté exercée par l’Etat riverain, l’Etat du pavillon
conserve donc certaines compétences importantes en matière de juridiction civile et pénale
lorsqu’un navire se trouve dans la mer territoriale. L’ensemble organisé n’obéit pas moins aux
lois et règlements de l’Etat côtier, et pas uniquement à la loi du pavillon comme c’est le cas en
haute mer. Dans la zone contiguë, adjacente à la mer territoriale, l’Etat côtier n’exerce enfin
que des compétences spécialisées et limitées1322. La compétence générale appartient donc à
l’Etat du pavillon.

B. Les compétences concurrentes à l’égard d’un navire qui se trouve dans la ZEE

591. Le partage des compétences en zone économique exclusive, dont le régime est
considéré comme sui generis, est particulièrement intéressant. Ne relevant ni de la mer
territoriale ni de la haute mer, la ZEE permet aux Etats côtiers d’exercer des compétences
exclusives 1323 à finalité économique sans pour autant étendre leur souveraineté au-delà des 12
milles nautiques. L’Etat côtier gère seul les ressources naturelles, mais c’est l’Etat du pavillon
qui exerce sa compétence à l’égard de ses navires pour toute question relative à la navigation.
Sous cette réserve, l’Etat côtier jouit de pouvoirs importants, car il peut prendre toutes
mesures utiles à l’exercice de ses droits souverains d’exploration, d’exploitation, de
conservation et de gestion des ressources biologiques. Parmi ces mesures figurent notamment
l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction d’une instance judiciaire1324.

les articles y relatifs de la Convention de Montego Bay voy. QUENEUDEC (J-P.), « La réglementation du
passage des navires étrangers dans les eaux territoriales françaises », AFDI, 1985, pp. 783-789.
1322
Article 33 de la convention de Montego Bay ; voy. également article 303 sur la compétence législative
accordée à l’Etat riverain concernant le contrôle du commerce des objets archéologiques et historiques trouvés
en mer dans la zone contiguë et enlevés sans son contentement.
1323
Voy. article 56 de la convention de Montego Bay ; les droits exclusifs y énumérés sont qualifiés de
« souverains » et sont complétés par des droits de juridiction pour la mise en place d’installations pour la
recherche scientifique et la préservation du milieu marin.
1324
Article 73 de la convention de Montego Bay. Selon la jurisprudence du TIDM, cet article établit un « juste
équilibre » entre « « deux intérêts, l’intérêt que représente pour l’Etat côtier la prise de toutes mesures qui lui
sont nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qu’il a adoptés d’une part, et l’intérêt que
représente pour l’Etat du pavillon l’obtention sans délai d’une mainlevée de l’immobilisation de ses navires et
d’une libération de leurs équipages, d’autre part » (TIDM, Affaire du Monte Confurco, op. cit. note 1012, § 70).
Selon M. TREVES, « l’article 73 énonce les droits de l’Etat côtier au paragraphe 1 et les droits de l’Etat du

426
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

592. Une tendance à accorder plus de compétences à l’Etat côtier sur les navires étrangers
naviguant dans la ZEE, qui est parallèle au renforcement des pouvoirs de l’Etat du port, doit
être signalée. Même les Etats qui n’ont pas pu revendiquer une ZEE de 200 milles en raison
de circonstances géographiques et/ou politiques ont trouvé des solutions similaires par le biais
des zones de pêche 1325 ou des zones de protection écologique 1326. De même, à la suite du
naufrage du Prestige, une déclaration franco-espagnole 1327 a permis d’élargir les compétences
de l’Etat côtier dans la protection de la ZEE, en se fondant sur une interprétation très
extensive des articles 55 et 56. Une « zone maritime particulièrement vulnérable » est en
vigueur depuis le 1er juillet 2005 au large des côtes espagnoles et françaises 1328. Dans le même
sens, le Oil Pollution Act, adopté par les Etats-Unis en 1990 suite à la catastrophe de l’Exxon
Valdez, interdit la navigation des navires à simple coque dans la ZEE américaine 1329. La
conformité de ces mesures unilatérales avec le droit international de la mer est fort
contestable. Si les Etats-Unis ne sont pas liés par la convention de Montego Bay, la France et
l’Espagne le sont. De plus, la liberté de navigation dans la ZEE constitue une coutume

pavillon aux paragraphes 2, 3 et 4 » (opinion individuelle émise dans l’affaire du Juno Trader (TDIM, Affaire
du navire Juno Trader, op. cit. note 534), p. 1, § 2.
1325
De telles zones ont été revendiquées par la Malte, la Tunisie, l’Algérie, l’Espagne et la Libye. Voy.
VASQUEZ GOMEZ (E. M), « Problèmes de conservation et de gestion des ressources biologiques en
Méditerranée. La zone de pêche espagnole », in La Méditerranée et le droit de la mer à l’aube du 21ème siècle,
CATALDI (G.) dir., Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 186-190 ; sur la légalité de ces zones particulières voy.
ANDREONE (G.), « Observations sur la juridictionnalisation de la mer méditerranée », ADM, 2004, t. IX, pp. 7-
25.
1326
De telles zones ont été revendiquées par la France, l’Italie et la Slovénie. La France a en effet adopté la loi n°
2003-346 du 15 avril 2003 (modifiant la loi du 16 juillet 1967), relative à la création d’une zone de protection
écologique au large des côtes du territoire de la république (JO 16 avril 2003, 6726), qui prévoit que les autorités
françaises exercent les compétences reconnues par le droit international relatives à la protection et à la
préservation du milieu marin, ainsi que le décret n° 2004-33 du 8 janvier 2004 portant création d’une zone de
protection écologique au large des côtes du territoire de la république en méditerranée (JO 10 janvier 2004, 844 ;
rectif. JO 28 février, 4082) ; elle a également adopté le décret du 6 février 2004 relatif à l’organisation de
l’action de l’Etat en mer qui confère au préfet maritime, représentant de l’Etat en mer, des pouvoirs étendus en
matière de protection de l’environnement et de prévention des dommages. Dans le même sens en Italie voy. la
loi n° 61 du 8 février 2006, relative à l’institution d’une zone de protection écologique, Gazetta officiale n° 52, 3
mars, texte dans l’ADM, t. X, 2005, p. 679. Pour un commentaire voy. LOSA (J. P) & URBINA (J. L), « La
creacion por Francia de una zona de proteccion ecologica en el Mediterraneo : Un incremento de los poderes de
control des Estado ribereno para la preservacion del medio marino o la reivindicacion encubierta de una futura
ZEE ? », op. cit. note 1253, pp. 511-516 ; MARCIALI (S.), « Instauration d’une zone de protection écologique
en Méditerranée », RGDIP, vol. 107, n°2, 2003, p. 449 ; LALY-CHEVALIER (C.), « Les catastrophes
maritimes et la protection des côtes françaises », AFDI, 2004, pp. 581-606. Pour l’Italie : SCOVAZZI (T.), « La
Zone de protection écologique italienne dans le contexte confus des zones côtières méditerranéennes », ADM, t.
X, 2005, pp. 209-222 et DEGUERGUE (M.), « La responsabilité particulière des autorités publiques en droit
interne », op. cit. note 1305, pp. 51-63, notamment p. 54.
1327
Déclaration de Malaga du 26 novembre 2002 approuvée par le Portugal et l’Italie.
1328
Demandée par 6 Etats de la Communauté européenne suite à la catastrophe du Prestige, elle a été acceptée
par deux résolutions de l’OMI des 15 octobre et 6 décembre 2004 respectivement. Le principe est admis par une
résolution de l’assemblée de l’OMI depuis 1991 et à l’heure actuelle 7 zones bénéficient de ce statut.
1329
Voy. supra § 514 et note 1134. Concernant la complexité du partage des compétences en ZEE, d’un point de
vue américain voy. BECKER (M. A), « The Shifting Public Order of the Oceans : Freedom of Navigation and
the Interdiction of Ships at Sea », op. cit. note 1263, pp. 196-197.

427
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

internationale liant tous les Etats. Les mesures interdisant à certains navires l’accès à la ZEE
pourraient dès lors être considérées comme violant le droit international général.
593. Le renforcement de la sécurité maritime a également permis à l’Union européenne de
revendiquer des compétences maritimes 1330, ce qui revient en réalité à un transfert de
compétences de l’Etat du pavillon et de l’Etat du port à l’Union européenne 1331. Cette dernière
a renforcé substantiellement les pouvoirs des Etats du port communautaires, dans la lutte
contre le laxisme des Etats du pavillon en matière de protection de l’environnement marin1332.
Si l’Union n’est pas compétente pour édicter des sanctions pénales à l’encontre des auteurs
d’infractions de pollution, elle peut cependant « imposer aux Etats membres l’obligation
d’instaurer de telles sanctions pour garantir la pleine effectivité des normes qu’elle édicte,
notamment en matière de lutte contre les atteintes graves à l’environnement ou pour la
protection de la sécurité maritime » 1333. Le respect par l’Etat du pavillon de ses obligations
internationales fait partie des priorités communautaires et va de pair avec une volonté

1330
Le traité de Maastricht avait déjà introduit la sécurité de la navigation à l’article 75 qui autorise le Conseil,
en statuant conformément à la procédure de coopération et après consultation du Comité Economique et Social, à
établir les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports. Le traité d’Amsterdam a prévu le passage de
la procédure de coopération à celle de codécision (art. 71 TUE). Ainsi, la décision-cadre 2006/667/JAI du
Conseil du 12 juillet 2005 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les
navires a été annulée, suite à un recours introduit par la Commission, car elle devait relever du premier pilier et
de la politique commune des transports et non du titre VI du traité UE (CJCE, 23 octobre 2007, affaire C-440/05,
Commission c/ Conseil, op. cit. note 832). Dès lors, les mesures communautaires visant à réprimer les infractions
relatives à la pollution relevaient du droit communautaire, autrement dit du premier pilier, avant l’entrée en
vigueur du traité de Lisbonne de la suppression de la structure en piliers. Voy. la directive 2005/35/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à
l’introduction de sanctions en cas d’infractions. Pour une présentation générale du rôle joué par l’UE en droit de
la mer et des enjeux par rapport au système onusien de la convention de Montego Bay voy. TREVES (T.), « The
European Community and the European Union and the Law of the Sea : Recent Developements », Indian
Journal of International Law, vol. 48, n°1, 2008, pp. 1-20.
1331
La convention de Montego Bay a été approuvée au nom de la Communauté par une décision 98/392/CE du
Conseil conférant à la Communauté la compétence exclusive quant aux dispositions de la convention relatives à
la prévention de la pollution marine, dans la mesure où ces dispositions affectent les règles communautaires
existantes. Pour un exemple voy. CJCE, 11 juin 1991, affaire 64/88, Commission c/ France, Rec. 1991, p. I-
2727 où la France a été condamnée en raison de la faiblesse de ses contrôles en matière de pêche maritime.
1332
Voy. notamment dans le cadre des paquets Erika I, II et III : Directive 2001/106 CE du 19 décembre 2001
modifiant la directive 95/21 CE du Conseil concernant l’application aux navires faisant escale dans les ports de
la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres, des normes internationales
relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des
navires, directive 2000/59 CE du 27 novembre 2000 sur les installations de réception portuaire pour les déchets
d’exploitation des navires et résidus de cargaison, suite à l’accident du Prestige et directive 2009/16/CE du
Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative au contrôle par l’Etat du port.
1333
BONASSIES (P.) & DELEBECQUE (P.), « Droit communautaire. Principes. Sanctions pénales. Protection
de l’environnement marin », DMF, hors série n° 12, juin 2008, p. 33 sur l’affaire CJCE, C-440/05, Commission
c/ Conseil, op. cit. note 832.

428
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

affirmée d’assouplir et de compléter le monopole de l’Etat du pavillon1334. L’Agence


européenne de sécurité maritime 1335 doit œuvrer dans cette direction.

§ 2. Les compétences concurrentes établies par le droit de l’air

594. La distinction entre compétence exclusive, exceptions à celle-ci et compétences


concurrentes n’est pas aussi nette dans le droit aérien que dans le droit de la mer. A la
différence de la convention de Montego Bay, la convention de Chicago – tout comme la
convention de Paris avant elle – ne contient pas beaucoup de règles précises à cet égard. Le
partage général des compétences dans le droit de l’air est fondé, en partie, sur la zone dans
laquelle l’engin se trouve, à l’instar de ce qui est le cas dans le droit de la mer (A) ; mais la
question particulière de l’exercice de la compétence pénale dépend plutôt des effets de l’acte
concerné, sans avoir égard au lieu où l’engin se trouve au moment de la commission de l’acte
(B).

A. Les compétences concurrentes à l’égard d’un aéronef qui se trouve sur ou qui survole le
territoire d’un Etat ou sa ZEE

595. La souveraineté exclusive de chaque Etat sur l’espace aérien national n’est pas
sujette à controverse, ce que l’article premier de la convention de Chicago confirme et ce que
met en œuvre son article 11 1336. Il semble généralement admis dans ce contexte que l’Etat
d’immatriculation conserve la compétence sur les personnes à bord d’un aéronef en vol, du
moins pour les affaires relatives à la sécurité et à l’ordre à bord. L’Etat survolé peut cependant
intervenir pour des actes commis à bord, si sa sécurité ou ses intérêts nationaux sont

1334
Voy. sur la politique européenne en matière de sécurité maritime BOISSON (PH.), « L’efficacité de la
politique de l’Union européenne en matière de sécurité maritime », op. cit. note 839, pp. 645-661.
1335
Règlement 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002, instituant une agence
européenne de sécurité maritime, JOCE L 208, 5 août 2002, modifié par les règlements n° 1644/2003 du
Parlement européen et du Conseil, 22 juillet 2003, JOCE L 245, 29 septembre 2003 et n° 724/2004 du Parlement
européen et du Conseil, 31 mars 2004, JOUE L 129, 29 avril 2004. Voy. ODIER (F.), « L’élaboration du droit de
la sécurité maritime : Le rôle de l’Agence européenne de sécurité maritime », ADM, t. IX, 2004, pp. 403-411.
1336
L’article 11 stipule « […] les lois et règlements d’un Etat contractant relatifs à l’entrée et à la sortie de son
territoire des aéronefs employés à la navigation aérienne internationale, ou relatifs à l’exploitation et à la
navigation desdits aéronefs à l’intérieur de son territoire, s’appliquent, sans distinction de nationalité, aux
aéronefs de tous les Etats contractants et lesdits aéronefs doivent s’ y conformer à l’entrée, à la sortie et à
l’intérieur du territoire de cet Etat. »

429
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

affectés 1337. La pratique étatique relative aux conflits entre la juridiction territoriale de l’Etat
survolé et « personnelle » de l’Etat d’immatriculation 1338 n’est toutefois pas uniforme 1339.
596. Lorsque l’aéronef se trouve sur le territoire d’un Etat, la compétence territoriale
s’applique sans difficulté. L’article 16 de la convention de Chicago, intitulé « Visite des
aéronefs », autorise les Etats à inspecter les aéronefs étrangers et examiner leurs certificats à
l’atterrissage et au départ. Cet article confère donc aux Etats d’atterrissage et de décollage un
pouvoir de contrôle analogue à celui de l’Etat du port. De manière générale, un parallèle peut
être tracé entre le renforcement du rôle de l’Etat du port et de celui de l’Etat d’atterrissage ou
de décollage. Un exemple caractéristique est fourni par l’Union européenne. Dans le cadre
d’une politique aérienne communautaire, les Etats membres ont le droit de contrôler dans
leurs aéroports les aéronefs en provenance de pays tiers afin d’être en mesure d’exclure les
appareils non conformes aux exigences du « Ciel unique européen » 1340. L’Agence
européenne de la sécurité aérienne est la pierre angulaire de cette politique 1341. Selon le
programme SAFA (Safety Assessment of Foreign Aircraft) créé en 1996 et établi au niveau
communautaire en 2004, tout avion, européen ou non, peut être soumis à des inspections de
sécurité sur tout aéroport européen. Les infractions constatées peuvent être sanctionnées par
des restrictions ou par des interdictions d’exploitation par les transporteurs aériens1342. A cette
fin, la Commission établit une « liste noire » des compagnies interdites ou soumises à des
restrictions d’exploitation. Ces mesures de l’Union européenne sont donc vraiment similaires

1337
Des cas ont été ainsi signalés où la compétence concurrente de l’Etat survolé s’applique. A titre d’exemple, il
a été interdit aux hôtesses de l’air des compagnies européennes de servir de l’alcool pendant le vol au-dessus de
l’espace aérien indien, en raison des lois dudit Etat.
1338
L’hypothèse d’un conflit de juridictions s’est présentée l’une des premières fois en 1928, lorsqu’un aéronef
belge appartenant à un banquier belge s’est écrasé dans les eaux territoriales britanniques. Le Royaume-Uni a
commencé à enquêter dans l’affaire mais la Belgique est intervenue en fondant sa juridiction sur la
« nationalité » de l’aéronef et de son propriétaire. Voy. HEERE (W. P.), « Problems of jurisdiction in air and
outer space », in Reflections on principles and practice of international law, Essays in Honor of Leo J. Bouchez,
GILL (T. D.) & HEERE (W. P.) ed., Martinus Nijhoff Publishers, 2000, p. 69. Pour la jurisprudence relative aux
conflits de juridiction en matière pénale aéronautique voy. DIEDERIKS-VERSCHOOR (I. H. PH), An
Introduction to Air Law, op. cit. note 22, pp. 291-293.
1339
ZYLICZ (M.), International Air Transport Law, Utrecht Studies in Air and Space Law, Martinus Nijhoff
Publishers, 1992, p. 145.
1340
Proposition de la Commission prévoyant une inspection des aéronefs non communautaires empruntant les
aéroports de l’Union avec possibilité d’immobilisation en cas de danger et mécanisme de diffusion des
informations [COM(2002) 8 final et COM(2002) 664 final] et directive du Parlement et du Conseil concernant la
sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports de la Communauté du 21 avril 2004, n° 2004/36
(fin de validité 4/7/2012). Voy. aussi GRARD (L.), « L’Europe du transport aérien : Essai sur la mise en
perspectives mutuelles », in L’Europe des transports, travaux de la CEDECE, Actes du colloque d’Agen,
Université de Montesquieu-Bordeaux IV, 7 et 9 octobre 2004, La documentation française, 2005, p. 56.
1341
Le règlement CE n° 216/2008 du 20 février 2008 a élargi le champ de compétences de l’AESA à
l’élaboration de la législation pour l’exploitation aérienne, l’octroi des licences de pilotes et la surveillance des
aéronefs des pays tiers.
1342
SAUGUES (O.), L’Union européenne peut-elle assumer la responsabilité de la sécurité aérienne ?, Rapport
d’information n°2164, Documents d’Information, Assemblée Nationale, Février 2010, p. 21.

430
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

aux politiques adoptées dans le cadre du transport maritime ; elles visent à renforcer le
contrôle effectué par les Etats d’atterrissage et de décollage afin de remédier aux défaillances
du contrôle par les Etats d’immatriculation.
597. Le partage des compétences est plus complexe s’agissant des « zones de défense
aérienne », dont le statut est incertain. Le concept remonte aux débuts de l’aviation civile. Dès
1901, FAUCHILLE, qui argumentait que l’air était libre, acceptait, pour des raisons de
sécurité, une zone couvrant les premiers 1500 mètres – réduits à 500 dès 1910 – au-dessus du
sol. En 1911 et 1913, le Royaume Uni a adopté les Aerial Navigation Acts établissant des
zones de sécurité et en 1912 la Russie a proclamé une interdiction absolue de survoler ses
frontières occidentales 1343. Dès lors que l’article 9 de la convention de Chicago permet
expressément aux Etats d’interdire le survol de certaines zones de leur territoire national, la
question s’est posée de savoir si une telle possibilité existait également pour des zones situées
au-dessus de la haute mer faisant partie de la FIR. Les Etats-Unis et le Canada 1344 ont institué
des zones d’identification de défense aérienne dès 1950 (ADIZ), qu’ils ont renforcées après le
11 septembre 2001. Les zones américaines s’étendent au-delà des 200 miles à compter de la
côté, elles chevauchent donc l’espace aérien au-dessus de la haute mer.
Ces zones déclarées unilatéralement par les Etats constituent une violation du droit
international. Elles entendent en effet attribuer à l’Etat « territorial » une compétence pour
réprimer les infractions à ses lois et réglementations, alors même que l’espace survolé n’est
plus sous souveraineté étatique 1345. La doctrine n’accepte pas en règle générale une
compétence qui s’appuie sur la violation des règles nationales applicables dans une zone de
défense aérienne, mais elle admet une action nationale contre un aéronef étranger qui se
trouve dans l’espace aérien national après avoir violé les règles concernant cette zone 1346. La
tendance, déjà signalée dans le droit de la mer, à un renforcement des compétences
concurrentes de l’Etat côtier, peut ainsi être également observée dans le droit de l’air pour ce
qui concerne l’Etat dont la ZEE est survolée.

1343
HEERE (W. P.), « Problems of jurisdiction in air and outer space », op. cit. note 1338, p. 66.
1344
Federal Aviation Act américaine de 1958, section 1110 et Security Control of Air Trafic Order canadien de
1978, adopté en vertu de la Aeronautics Act de 1970. Zones ADIZ (Air Defense Identification Zones) ou CADIZ
pour le Canada.
1345
Au-dessus de la ZEE, il y a la liberté de survol mais l’aéronef doit obéir aux réglementations de l’Etat côtier.
Voy. article 58.1 de la convention de Montego Bay.
1346
HEERE (W. P.), « Problems of jurisdiction in air and outer space », op. cit. note 1338, p. 73.

431
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

B. Les chefs de compétence concurrente en matière de compétence pénale

598. Ce sont les conventions spéciales, notamment relatives à la sécurité aérienne, qui
réglementent la question particulière de l’exercice de la compétence pénale pour les actes
commis à bord ou à l’encontre d’un aéronef. Si les chefs de compétence établis par les
diverses conventions aériennes pour connaître des infractions concernées sont très similaires à
ceux prévus par les instruments maritimes, notamment par la convention de Rome de 1988
pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime 1347, une
différence fondamentale apparaît entre le système mis en place pour la sécurité aérienne et
celui qui est relatif à la sécurité maritime. Dans le second cas, l’exclusivité de la compétence
de police de l’Etat du pavillon en haute mer subsiste ; la convention de Rome de 1988 règle
uniquement les compétences concurrentes pour connaître des infractions et non pour
arraisonner le navire en haute mer. C’est pour cette raison que ces compétences concurrentes
ont été qualifiées d’atténuations au principe général du monopole de l’Etat du pavillon. En
revanche, dans le droit aérien, le rôle de l’Etat d’immatriculation est de facto effacé, peu
important que l’acte concerné ait été commis lorsque l’aéronef survolait la haute mer ou le
territoire d’un Etat. Contrairement à la convention de Rome, les conventions aériennes ne font
aucune distinction entre compétence en matière d’enquête ou d’exécution à bord de l’engin et
compétence pénale pour connaître des infractions. Le droit de l’air met donc en place un
système de compétences concurrentes, là où le droit de la mer prévoit des dérogations au
monopole de l’Etat du pavillon.
599. La convention de Tokyo de 1963 relative aux infractions et à certains autres actes
survenant à bord des aéronefs (ci-après convention de Tokyo ) apparaît toutefois assez proche
des perspectives suivies en matière maritime, en ce sens qu’elle privilégie la compétence de
l’Etat d’immatriculation, tout en établissant certains chefs de compétences concurrents. Ces
derniers pourraient être prima facie perçus comme des dérogations à une compétence
exclusive de l’Etat d’immatriculation admise par la convention, mais en réalité celle-ci met en
place, quoique à un degré moindre que les conventions qui l’ont suivie, un système de
compétences concurrentes. Le Titre II est intitulé « Compétence » et son article 3 pose le
principe de la compétence de l’Etat d’immatriculation 1348 pour connaître des infractions
commises et des actes accomplis à bord de l’aéronef à vol. Selon cet article, les Etats parties
1347
Voy. supra § 548.
1348
La définition dans ce cas de l’Etat d’immatriculation englobe l’Etat désigné en tant qu’Etat
d’immatriculation en cas d’exploitation en commun ou d’organisme international d’exploitation, selon l’article
18.

432
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

ont l’obligation d’établir leur compétence, en qualité d’Etats d’immatriculation 1349. L’article 4
introduit quelques dérogations, en énumérant les hypothèses dans lesquelles d’autres Etats
peuvent intervenir 1350. Plus particulièrement, il stipule qu’un Etat tiers ne peut « gêner
l’exploitation d’un aéronef en vol en vue d’exercer sa compétence pénale » 1351 que dans cinq
cas précis, chacun d’eux établissant un chef de compétence concurrente. Sont ainsi acceptés le
principe de territorialité objective selon la théorie de l’effet 1352, le principe de la personnalité
active ou passive 1353, le principe de la protection 1354, et les hypothèses de violation de la
réglementation interne relative au vol et à la manœuvre des aéronefs 1355 ou de la nécessité du
respect d’une obligation internationale 1356. L’article 4 de la convention de Tokyo établit des
chefs de compétence similaires à ceux prévus dans l’article 6 de la convention de Rome de
1988 pour connaître les infractions visées, mais constitue en même temps le « contre-pied »
de l’article 9 de celle-ci. Alors que l’article 4 de la première permet en effet de gêner
l’exploitation de l’aéronef en vol en vue d’exercer une compétence pénale, l’article 9 de la
seconde interdit de déroger aux règles relatives à la compétence de l’Etat du pavillon en
matière d’enquête et d’exécution.
600. La convention de Tokyo fut adoptée avant que la capture des aéronefs ne devienne
une pratique commune. Considérée comme trop vague, elle fut très peu ratifiée. Elle a donc
été complétée par la convention de la Haye pour la répression de la capture illicite des
aéronefs de 1970 (ci-après convention de la Haye), dont l’article 4 prévoit que les Etats tenus
d’établir leur compétence pour connaître de ces infractions sont, outre l’Etat

1349
Sur ce principe et sur la question du caractère obligatoire de la mise en œuvre de la juridiction de l’Etat
d’immatriculation voy. KYRIAKOPOULOS (G. D.), op. cit. note 849, pp. 95-96, note de bas de page n° 144,
analysant les travaux préparatoires de la Conférence de Tokyo.
1350
Pour une analyse de l’article 4 et du fait qu’en réalité il établit la compétence territoriale de l’Etat survolé,
même dans l’espace aérien international en vertu de l’alinéa d) voy. LOPEZ GUTIERREZ (J. J.), « Should the
Tokyo Convention of 1963 be ratified ? », JALC, vol.31, 1965, p. 19 et KYRIAKOPOULOS (G. D), op. cit. note
849, pp. 67-68 et 97-99.
1351
Cette phrase semble introduire une notion similaire à l’arraisonnement et la visite d’un navire en navigation
en haute mer.
1352
Voy. al. a) : « cette infraction a produit effet sur le territoire dudit Etat ». Sur le « objective territoriality
principle ou effects doctrine »voy. AKEHURST (M.), A Modern Introduction to International Law, 7a ed., UK,
Routledge, 1997, p. 111.
1353
Voy. al. b) : « cette infraction a été commise par ou contre un ressortissant dudit Etat ou une personne y
ayant sa résidence permanente ». Sur la théorie de la personnalité active et passive en tant que parties d’un
même principe voy. BUERGENTHAL (T.) & MAIER (H. G), Public International Law in a Nutshell, United
States, West Publishing, 1990, pp. 164-167.
1354
Voy. al. c) : « cette infraction compromet la sécurité dudit Etat » ; Sur le « protective nationality principle ou
protective theory of jurisdiction ». Sur ce principe voy. AKEHURST (M.), « Jurisdiction in International Law »,
BYIL, vol. XLVI, 1972-1973, pp. 158-159.
1355
Voy. al. d) : « cette infraction constitue une violation des règles ou règlements relatifs au vol ou à la
manœuvre des aéronefs en vigueur dans ledit Etat ».
1356
Voy. al. e) : « l’exercice de cette compétence est nécessaire pour assurer le respect d’une obligation qui
incombe audit Etat en vertu d’un accord international multilatéral ».

433
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’immatriculation, l’Etat d’atterrissage et l’Etat du siège social ou de la résidence du locataire


de l’aéronef sans équipage. Dans le même sens, la convention de Montréal pour la répression
d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile de 1971 (ci-après convention de
Montréal ) 1357, qui est seule à ne pas s’appliquer uniquement aux aéronefs en vol, reconnaît,
en vertu de son article 5, la compétence de l’Etat territorial 1358, de l’Etat d’immatriculation de
l’aéronef à bord duquel ou contre lequel l’infraction est commise, de l’Etat d’atterrissage et de
l’Etat de la résidence du locataire. Les deux traités établissent également le principe aut
dedere aut judicare 1359 pour leurs infractions respectives, ce qui constitue en réalité un chef
de compétence supplémentaire pour l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur de
l’infraction.
601. Il importe de souligner que, malgré leur similarité sur divers points, une différence
semble exister entre la convention de Tokyo et celles de la Haye et de Montréal. Alors que la
première pose comme principe la compétence pénale de l’Etat d’immatriculation (article 3) et
présente les autres possibilités prévues par son article 4 comme des « dérogations » à ce
principe, les deux autres énumèrent toutes les compétences concurrentes dans le même article,
sans établir une quelconque hiérarchie entre elles. L’article 4 de la convention de Tokyo est
donc le seul à présenter la compétence de l’Etat d’immatriculation comme prioritaire. Mais en
réalité, le partage des compétences établi par les trois conventions est très similaire, voire
identique dans son application.
602. Quoi qu’il en soit, malgré la multiplication des titres de compétence dans les
conventions relatives à la sécurité de l’aviation civile, leur mise en œuvre pratique demeure
très limitée 1360. Cela est dû au fait que les trois conventions contiennent une même disposition
stipulant qu’aucune compétence pénale exercée conformément aux lois nationales n’est
écartée 1361. Les règles de compétence contenues dans ces conventions sont donc de nature
subsidiaire. Les Etats optent toujours pour l’application de leur propre législation nationale, à

1357
La convention de Montréal est complétée par le protocole de Montréal de 1988 pour la répression des actes
illicites de violence dans les aéronefs servant à l’aviation civile internationale.
1358
Autrement dit l’Etat sur le territoire duquel l’infraction est commise. Ce titre de compétence supplémentaire
présent à la convention de Montréal est le résultat logique de son champ d’application : étant donné que les
conventions de Tokyo et de la Haye s’appliquaient uniquement à des actes commis à bord de l’aéronef en vol, la
convention de Montréal visait à compléter ces dispositions en faveur de la sécurité aérienne en s’appliquant
également à des actes non commis à bord mais pouvant compromettre l’aviation civile.
1359
Sur le principe voy. BASSIOUNI (M. C.) & WISE (M. E.), Aut Dedere aut Judicare : The Duty to Extradite
or Prosecute in International Law, Publishers Nijhoff Martinus, 1995.
1360
KLEIN (P.), « L’enchevêtrement des compétences en matière de répression dans les conventions destinées à
protéger les communications aériennes et maritimes », in Colloque SFDI : Les compétences de l’Etat en droit
international, Pedone, Paris, 2005, pp. 291-292.
1361
Convention de Tokyo article 3 § 3 ; convention de la Haye article 4 § 3 et convention de Montréal article 5 §
3.

434
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

moins que l’incident ne soit véritablement « international » et suscite un conflit qui ne peut
être résolu par voie diplomatique. Les législations nationales sont dès lors très importantes
pour les questions de compétence.
603. S’agissant d’incidents causés par des passagers 1362, l’existence d’une législation
nationale peut s’avérer indispensable dans l’hypothèse qui suit. Lorsque la convention de
Tokyo s’applique et que le commandant remet la personne aux autorités de l’Etat
d’atterrissage en vertu de ses articles 8 et 9, l’Etat d’immatriculation, qui est en réalité
compétent, évite dans la plupart des cas de demander son extradition, dont les coûts sont
prohibitifs 1363. Si la législation nationale de l’Etat d’atterrissage ne prévoit pas la compétence
de cet Etat pour les actes commis à bord d’un aéronef étranger, la personne en cause bénéficie
en fait de l’impunité. C’est pourquoi le Royaume-Uni a étendu sa compétence pénale aux
actes ayant lieu à bord d’un aéronef étranger lorsque l’avion atterrit dans le Royaume-Uni
juste après la commission de l’acte et si celui-ci constitue une infraction en vertu de la loi de
l’Etat d’immatriculation 1364. Cette législation nationale, combinée à l’article 9 de la
convention de Tokyo 1365, permet donc de réprimer de tels actes.
604. L’établissement de chefs de compétences concurrentes est donc assez commun en
droit aérien pénal. Ils ne sont cependant pas prévus de la même manière que leurs équivalents
dans le droit de la mer. Mais cette différence est due à la nature spécifique de chaque milieu.
L’arraisonnement d’un navire qui navigue en haute mer est facilement réalisable ; il convient
dès lors d’affirmer la compétence exclusive de l’Etat du pavillon et de prévoir attentivement
les exceptions admises. Au contraire, l’arraisonnement d’un aéronef survolant la haute mer est
peu envisageable ; il suffit donc d’établir les chefs de compétence pour les infractions
commises à bord, sans insister sur l’exclusivité de la compétence d’exécution de l’Etat
d’immatriculation. La différence est manifeste lorsque un seul instrument règle des questions
de compétence relatives à des infractions commises à bord d’un navire ou d’un aéronef. Il en
va ainsi pour la convention de 1988 contre le trafic illicite des stupéfiants et de substances
psychotropes. Alors que l’article 4 de cette convention impose aux Etats d’immatriculation
d’établir leur compétence pour les infractions commises à bord de leurs navires ou de leurs

1362
Dans la plupart des cas liés à une consommation excessive d’alcool ou à des passagers ayant des bagages à
main trop lourds et/ou mal rangés.
1363
HEERE (W. P.), « Problems of jurisdiction in air and outer space », op. cit. note 1338, p. 71.
1364
Civil Aviation (Amendment) Act 1996, du 18 juillet 1996, section 92.
1365
L’article 9 stipule : « Lorsque le commandant d’aéronef est fondé à croire qu’une personne a accompli à
bord de l’aéronef un acte qui, selon lui, constitue une infraction grave, conformément aux lois pénales de l’Etat
d'immatriculation de l’aéronef, il peut remettre ladite personne aux autorités compétentes de tout Etat
contractant sur le territoire duquel atterrit l’aéronef ».

435
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

aéronefs 1366, l’article 17 concerne uniquement le trafic illicite par mer 1367 et n’a pas
d’équivalent concernant les aéronefs.

§ 3. L’hypothèse des compétences concurrentes à l’égard d’un objet spatial

605. A la seule exception des secondes suivant le lancement pendant lesquels les objets
spatiaux traversent l’espace aérien d’un Etat 1368, ces engins ne peuvent pas être considérés
comme susceptibles de naviguer dans un espace soumis à une souveraineté territoriale. Vu le
peu de temps dont a besoin un objet spatial pour traverser l’espace aérien d’un Etat et les
incertitudes concernant la délimitation entre espace aérien et extra-atmosphérique, il est
généralement accepté que l’Etat d’immatriculation exerce sa compétence dès le lancement. A
priori donc, peuvent seules être envisagées des dérogations à une compétence exclusive et
non des compétences concurrentes pleines et entières. L’exemple du lancement conjoint
illustre bien cette affirmation. Alors que plusieurs entités participent au lancement, le droit
international spatial impose à un seul Etat d’exercer sa compétence sur l’engin, le partage des
compétences entre tous les Etats de lancement n’étant pas possible. Si la question des
compétences concurrentes devait se poser, ce n’est donc que dans des termes pour partie
différents de ceux qui s’appliquent dans le droit de la mer ou de l’air. Il ne s’agirait plus d’une
compétence du même type qui peut être exercée concurremment par plusieurs Etats en
fonction de la zone dans laquelle l’engin se trouve, comme c’est le cas, par exemple, lorsqu’
un navire est contrôlé par l’Etat du pavillon et par l’Etat côtier. Mais il peut s’agir de chefs de
compétence concurrents en ce qui concerne une compétence particulière, indépendamment du
fait que l’objet spatial se trouve dans un espace international, comme c’est le cas pour la
compétence pénale en droit aérien 1369. Ce qui différencie une compétence véritablement «
concurrente » d’une simple « dérogation » à la compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation est que cette dernière n’est pas considérée comme prioritaire en ce qui
concerne l’activité en cause. La compétence pénale exercée par l’Etat de nationalité des

1366
La règle générale est l’obligation de coopérer dans la prévention du trafic illicite des drogues par voie
aérienne, en adoptant notamment les mesures législatives appropriées pour que le crime de ce trafic illicite soit
punissable avec de peines sévères. Voy. dans ce sens la résolution de l’Assemblée A27-12 sur le rôle de l’OACI
dans la répression du trafic illicite des stupéfiants par voie aérienne.
1367
Voy. supra § 560 et note 1233.
1368
Pour la question de savoir quel Etat exerce sa compétence pendant que l’objet traverse l’espace aérien
national voy. ZHUKOV (G. P.), « Tendencies and Prospects of the Development of Space Law : The Soviet
Viewpoint », in New Frontiers in Space Law, McWHINNEY (E.) & BRADLEY (M.) ed., A.W. Sijthoff, 1969,
p. 81.
1369
Pour une présentation des compétences « concurrentes » éventuellement exercées dans l’espace extra-
atmosphérique voy. BLOUNT (P. J.), « Jurisdiction in Outer Space : Challenges of Private Individuals in
Space », op. cit. note 1294, pp. 306-339.

436
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

astronautes sur la SSI en vertu de l’article 22 de l’accord IGA ne constitue en revanche pas
une compétence concurrente, dès lors qu’il s’agit de la seule compétence qui est établie en ce
qui concerne les crimes perpétrés par ces personnes. En raison de la nature du milieu extra-
atmosphérique, il est très probable que les compétences concurrentes à celle de l’Etat
d’immatriculation – qui vont forcément se développer – soient similaires à celles que prévoit
le droit de la mer pour les navires en haute mer. Il s’agira donc de véritables exceptions au
monopole de l’Etat d’immatriculation, mais non pas véritablement comme dans le droit aérien
d’un système de compétences concurrentes.
606. La participation de l’ASE à la SSI constitue un cas particulier de compétences
concurrentes dans le droit spatial actuel. L’ASE n’étant pas une entité souveraine, seuls ses
Etats membres sont en mesure d’exercer une juridiction sur les objets et le personnel de la
station spatiale. Il fut dès lors décidé que chacun d’entre eux exercerait sa juridiction et son
contrôle sur l’élément immatriculé par l’Agence. Il s’agit donc de 11 compétences
concurrentes sur un seul et même objet. En pratique, ce régime demeure incertain, comme
l’est la question de savoir si l’ASE peut exercer elle-même une partie de la juridiction et du
contrôle, en laissant le reste aux Etats membres responsables. L’avenir dira si les partenaires
européens réussiront à coopérer harmonieusement. Si c’est le cas, un précédent intéressant
d’exercice de compétences concurrentes dans l’espace extra-atmosphérique existera. Il s’agit
néanmoins d’un cas très spécifique. Les compétences concurrentes à celles de l’Etat
d’immatriculation devront être établies de manière plus systématique dans le droit spatial ; les
exemples du droit de la mer et du droit de l’air sauront guider les juristes.

Conclusion de la section

607. Dès lors que l’engin ne se trouve plus dans un espace international, il est a priori
soumis à la compétence d’un Etat territorial. Cependant, le droit international met en place un
partage de compétences concurrentes en fonction de la zone dans laquelle l’engin se trouve
et/ou l’activité concernée. Dans le droit de la mer, si certaines compétences concurrentes sont
admises de longue date – notamment la juridiction civile et pénale de l’Etat du pavillon pour
les incidents survenus à bord entre les membres de l’équipage et celle de l’Etat du port pour
tous les autres incidents lorsque le navire se trouve dans les eaux territoriales – d’autres,
nouvelles, apparaissent et s’affirment au fil du temps. Elles concernent non seulement la
pêche illicite et la protection du milieu marin, mais également les questions de sécurité
nationale et mondiale. Le résultat est que l’Etat du port et l’Etat côtier tendent à acquérir une

437
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

place d’une importance analogue à celle de l’Etat du pavillon lorsque les navires se trouvent
dans les eaux territoriales ou dans la ZEE. Il en va de même dans le droit de l’air, en ce qui
concerne les compétences de l’Etat d’atterrissage et de l’Etat de décollage, qui remplacent
presque totalement l’Etat d’immatriculation. Par ailleurs, un système de compétences
concurrentes est mis en place pour ce qui concerne la compétence pénale en matière de
sécurité aérienne, sans que la prépondérance de l’Etat d’immatriculation soit prise en compte,
même si l’acte est commis dans un espace international. Dans le droit spatial en revanche, il
n’y a pas d’Etat territorial, ni, pour l’instant, de véritables compétences concurrentes –
exception faite du cas particulier de la SSI.

Conclusion du premier chapitre

608. Le degré d’exclusivité de la compétence exercée par l’Etat d’immatriculation dépend


de la zone dans laquelle l’engin se trouve. Le quasi-monopole dans un espace soustrait à toute
souveraineté étatique laisse place à un partage de plus en plus important dans les autres zones.
Ces règles n’ont cependant pas la même importance dans toutes les branches examinées. Si la
compétence exclusive du pavillon en haute mer est un véritable et nécessaire pouvoir de l’Etat
de « nationalité » d’un navire, étant donné qu’en son absence tout aéronef militaire ou tout
navire de guerre étranger pourrait arraisonner le bâtiment de mer concerné, la même
exclusivité semble moins indispensable dans le droit aérien. Au lieu de prévoir des exceptions
à la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation lorsque les aéronefs survolent un
espace international, les instruments du droit aérien mettent généralement en place un système
complet de compétences concurrentes. Etant donné que le contrôle et l’arraisonnement d’un
aéronef en vol sont difficilement réalisables, ce sont plutôt les compétences de juridiction et
de répression qui se trouvent au cœur des dispositifs internationaux. Dans le droit spatial
actuel, seule la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation constitue un principe
affirmé. Les exceptions à cette compétence ne sont qu’émergentes et pour le reste, les
questions sont réglées au cas par cas.
609. La compétence de l’Etat d’immatriculation semble dès lors prépondérante dans le
droit de la mer et dans le droit de l’espace. Cette primauté –jusqu’à récemment à peu près
absolue – des Etats à l’égard des engins de leur « nationalité » se trouvant dans un espace
international, est actuellement sérieusement remise en question par la doctrine et – quoique de
manière plus hésitante – par la pratique étatique. Le laxisme de certains Etats du pavillon a
conduit à un renforcement des pouvoirs de ses « concurrents », lorsque le navire se trouve non

438
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

seulement dans les eaux territoriales et la ZEE, mais aussi en haute mer. Le rôle de l’Etat du
pavillon s’en trouve affaibli, mais celui-ci conserve toujours une place significative dans le
droit de la mer. Il risque néanmoins d’être de plus en plus repoussé en second plan, si les pays
dits de complaisance continuent à ignorer leurs obligations relatives à la préservation de
l’environnement, à la pêche et à la sécurité maritime.
610. Les théories relatives à la lutte contre la pollution, à la légitime défense et à
l’autoprotection peuvent également être utilisées pour justifier l’intervention d’Etats qui ne
seraient pas celui de l’immatriculation sur les objets spatiaux évoluant dans l’espace. Mais ces
théories ne seront véritablement utiles que lorsque l’intervention dans l’espace extra-
atmosphérique deviendra possible pour une portion plus importante de la communauté
internationale. Dans l’état actuel des choses, les possibilités de contrôle – ou plutôt de
destruction – depuis la terre existent, mais elles demeurent relativement limitées, les moyens
techniques nécessaires se concentrant entre les mains des puissances spatiales. De plus,
l’hypothèse d’un arraisonnement directement dans l’espace atmosphérique par des «véhicules
spatiaux de guerre » relève toujours aujourd’hui de la science-fiction. Les exceptions à la
compétence de l’Etat d’immatriculation ne sont donc pas établies parce qu’elles ne sont pas
nécessaires, les puissances spatiales étant peu nombreuses et coopérant entre elles
harmonieusement, notamment depuis la fin de la guerre froide.

439
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

440
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

CHAPITRE 2
De la question d’un droit de réparation pour dommage causé à l’engin : une
protection sui generis

611. La « protection » des engins peut être évoquée comme un effet indirect de leur
rattachement aux Etats. Mais si l’expression « en attribuant sa nationalité, l’Etat place le
navire [l’engin] sous sa protection » 1370 est très souvent employée, elle est rarement
appréhendée dans toutes ses acceptions. La nature et les conditions de mise en œuvre d’une
telle « protection » sont actuellement obscures. En réalité, une protection de l’engin par son
Etat d’immatriculation, qui soit analogue à la protection diplomatique des individus, n’existe
pas en tant que telle dans le droit positif ; le droit à réparation dans le chef de l’Etat
d’immatriculation pour les dommages causés à l’ensemble organisé ne saurait toutefois être
exclu. Un tel droit, s’il était admis en tant qu’effet juridique potentiel du rattachement des
engins aux Etats, ne serait pas conditionné par l’existence d’un lien substantiel préalable,
comme cela a été le cas pour les personnes en vertu de la jurisprudence Nottebohm 1371. Dès
lors que l’immatriculation suffit pour attribuer une « nationalité » internationalement valide et
opposable aux engins, elle doit également être considérée comme suffisante pour permettre à
l’Etat concerné d’exercer son droit de « protection » 1372.
612. Cette « protection » que l’Etat d’immatriculation exercerait vis à vis de son
navire/aéronef/objet spatial n’est pas dépourvue d’ambiguïté. Les engins étant des ensembles
organisés, plusieurs « nationalités » différentes entrent en jeu lors de leur exploitation : entre
le propriétaire, l’équipage, le gérant, l’affréteur et le propriétaire des biens transportés, une
multitude de personnes, ressortissants d’Etats différents, peuvent vouloir faire appel à une
protection diplomatique, alors même qu’est en cause un incident unique impliquant un seul
engin. Il peut être dès lors opportun de canaliser ces intérêts afin d’en faire l’objet d’une seule
action juridique. Cela fait toute la raison d’être de la protection étudiée, qui pourrait absorber,

1370
CORBIER (I.), « Souveraineté et pavillon », op. cit. note 1238, p. 178. Voy. également ZYLICZ (M.), « Sur
quelques problèmes de droit astronautique », op. cit. note 130, p. 662 : « La nationalité de l’astronef impliquerait
pour l’Etat un droit de contrôle et de protection de l’appareil […] ».
1371
La question de l’inopposabilité d’une « nationalité non effective » du navire a déjà été étudiée (voy. supra §§
170-172). Il suffit de rappeler ici que la jurisprudence internationale et communautaire a toujours refusé
d’accepter la thèse de l’inopposabilité de la « nationalité » d’un navire, même en absence d’un lien dit substantiel
ou effectif.
1372
Il importe de souligner que si juridiquement il n’est pas possible de priver les pays dits de complaisance du
droit éventuel de protection au bénéfice de leurs navires, il est néanmoins probable que ces pays s’avèrent
défaillants dans l’exercice d’un tel droit. Le propriétaire qui a choisi d’immatriculer son navire sur un registre de
libre immatriculation, nonobstant l’absence de tout lien réel avec l’Etat choisi, se verra donc de facto privé de
cette protection. La « nationalité ineffective » sera dès lors « sanctionnée » dans la pratique et dans le chef de
celui qui est « responsable » de l’avoir choisie.

441
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

ou plutôt compléter – puisque la protection exercée par les autres Etats impliqués reste
possible de manière concurrente – la protection diplomatique exercée par chacun des Etats
intéressés 1373. Il ne s’agit certainement pas d’un mécanisme de protection diplomatique
classique entraînant l’application des mêmes principes et conditions de mise en œuvre. La
protection diplomatique, institution principalement conçue pour les personnes physiques et,
par la suite, morales, ne saurait s’adapter aisément au droit des espaces. Il faudrait plutôt
envisager la protection de l’engin comme un mécanisme alternatif ouvrant la voie à une
réparation, qui peut écarter à l’occasion la protection diplomatique classique des personnes
impliquées dans les activités de l’engin, mais ne peut jamais la faire disparaître.
613. La protection des engins a pu être qualifiée de « fonctionnelle », par analogie à celle
qui est exercée par les organisations internationales à l’égard de leurs agents 1374 et pour
s’éloigner, justement, de toute considération relative à une « nationalité ». Mais cette
qualification ne correspond pas entièrement à la nature de la protection dont peuvent
bénéficier les engins. En effet, la raison d’être de la protection de la part de l’Etat
d’immatriculation est d’assurer la réparation du préjudice causé à l’ensemble organisé, et
donc à travers lui à l’Etat de sa « nationalité », et non pas de promouvoir l’efficacité du
fonctionnement de la flotte nationale en garantissant que les engins soient respectés ; ce qui la
rapprocherait alors davantage de la notion de protection fonctionnelle. Cette dernière est en
effet reconnue aux organisations internationales pour permettre leur (bon) fonctionnement en
assurant le respect de leurs agents 1375. De plus, la protection fonctionnelle a été ainsi définie
car elle concernait un sujet non étatique, tandis qu’en ce qui concerne la protection des engins
le sujet actif reste l’Etat ; seul le sujet passif change donc de nature, en devenant un ensemble
organisé sans personnalité juridique.
614. La protection étudiée constitue dès lors une protection sui generis, qui n’est pas
encore clairement définie dans le droit international. Si un concept, assez vague, de protection
du navire et de son équipage est souvent évoqué dans le droit de la mer, les précisions sur son
étendue, ses conditions et sa nature demeurent obscures. L’incertitude juridique s’accroît en
ce qui concerne les aéronefs et les objets spatiaux, à propos desquels un tel droit n’est pas
reconnu dans ces termes. Afin de clarifier le régime d’une telle institution potentielle, il
1373
Dans ce sens voy. CONDORELLI (L.), « L’évolution du champ d’application de la protection
diplomatique », in La protection diplomatique, mutations contemporaines et pratiques nationales, FLAUSS (J.-
F.) dir., Droit et justice, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 25.
1374
Dans ce sens voy. GAUTIER (P.), « L’Etat du pavillon et la protection des intérêts liés au navire », op. cit.
note 1251, pp.740-741 et MOMTAZ (D.), « La protection des membres étrangers de l’équipage du navire par
l’Etat du pavillon », ADM, t. XI, 2006, p. 375.
1375
Pour une définition de chacune de ces « protections » et une distinction entre protection diplomatique et
protection fonctionnelle voy. le rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, p. 24.

442
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

importe tout d’abord de savoir qui est concerné par cette protection. Cette question est
indissociablement liée à celle de savoir qui subit le dommage 1376. L’engin, même s’il est
qualifié d’ « ensemble organisé » et s’il fait partie d’une « flotte nationale », demeure une
« chose » sans personnalité juridique. A priori, il ne peut ni subir un dommage, ni bénéficier
d’une protection. Par ailleurs, si l’engin faisant partie d’une flotte nationale est considéré
comme « richesse » de l’Etat, il ne s’agit plus de protection mais d’une demande de réparation
pour un dommage directement causé à l’Etat 1377. Si, en revanche, la protection vise le
dommage subi tout à la fois par les propriétaires, l’équipage et les passagers de l’engin, on
peut envisager un droit de réparation dans le chef de l’Etat d’immatriculation, sans tenir
compte de la nationalité, éventuellement différente, de chaque personne faisant partie de
l’ensemble organisé. Reste à savoir si une telle « protection » est conciliable avec la
protection diplomatique classique de ces personnes et si elle peut s’avérer utile dans le droit
de la mer/de l’air et de l’espace ou si, au contraire, elle complique inutilement le droit
international. Pour répondre à cette question, il convient d’examiner l’état du droit positif en
la matière (Section I), avant d’envisager les perspectives éventuelles d’un tel « droit de
protection » qui s’appliquerait aux trois catégories d’engins étudiés (Section II).

SECTION I. Le droit de réparation au nom de l’équipage versus le droit de


« protection » des engins dans le droit positif

615. Il n’existe pas d’instrument international qui réponde directement à la question de la


protection des engins, malgré les efforts entrepris dans cette voie. La notion fut partiellement
examinée par la CDI dans le cadre de ses travaux sur la protection diplomatique 1378. Dans ce
projet, la protection des engins n’est toutefois envisagée que sous un angle très restreint, celui
de la protection de l’équipage des navires. Le terme de protection n’est, d’ailleurs, pas utilisé ;
il est remplacé par le « droit de réparation » de l’Etat du pavillon, ce qui correspond à l’état
actuel de la pratique et de la jurisprudence dans le droit de la mer (§1). Le projet ne prévoit en
revanche pas un droit de réparation de la même nature au bénéfice de l’Etat d’immatriculation

1376
Pour un commentaire de la CDI sur la difficulté de déterminer si une réclamation concerne une atteinte
directe ou indirecte voy. le rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 76-78.
1377
Dans ce sens voy. McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order
in Space, op. cit. note 34, p. 583. Les auteurs affirment que la compétence des Etats de protéger leurs navires est
indispensable, en précisant que « lorsqu’un Etat demande la protection contre les préjudices ou menaces subis
par les engins auxquels il a attribué son caractère national, il demande la réparation pour le dommage causé à
ses propres intérêts ».
1378
Projet d’articles sur la protection diplomatique adopté le 30 mai 2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de
la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 13-103. Le sujet de protection diplomatique est inscrit à l’ordre du jour de
la CDI depuis 1997, suite à la résolution de l’Assemblée générale 52/156 du 15 décembre 1997 approuvant la
décision de la Commission.

443
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

des aéronefs et des objets spatiaux. La pratique étatique et la jurisprudence internationale ne


semblent pas non plus appuyer l’existence d’un tel droit (§2).

§ 1. La protection des navires dans la pratique internationale et dans le projet de la CDI sur
la protection diplomatique

616. La pratique relative au droit de protection exercé par l’Etat du pavillon n’est pas
abondante et concerne plutôt la question spécifique de la protection des membres de
l’équipage. Une jurisprudence nationale et internationale relativement uniforme semble
reconnaître l’existence d’un tel droit de protection, même s’il est difficile d’affirmer
l’existence d’une coutume internationale. Hors ce droit de réparation au bénéfice de
l’équipage, aucune règle relative à la protection du navire en tant qu’ensemble organisé ne
peut être signalée. La plupart des affaires récentes concernent en réalité la prompte mainlevée,
qui ne doit pas être confondue avec le droit de protection ; les dommages causés au navire y
sont par ailleurs considérés comme directement subis par l’Etat du pavillon (A). Ce n’est donc
que le droit de réparation au bénéfice de l’équipage qui a été – timidement – cristallisé dans le
projet de la CDI sur la protection diplomatique (B).

A. La protection de l’équipage des navires et le dommage direct de l’Etat du pavillon dans la


jurisprudence

617. La pratique relative à la protection de l’équipage, quelque soit sa nationalité, par


l’Etat du pavillon se retrouve essentiellement dans la jurisprudence américaine, la législation
des Etats-Unis reconnaissant expressément aux gens de mer étrangers un droit à la protection
lorsqu’ils servent à bord des navires américains 1379. Dès 1891, la Cour Suprême américaine a
ainsi reconnu qu’un marin étranger, en l’occurrence britannique, pouvait demander la
protection des Etats-Unis, dès lors qu’il était employé à bord d’un navire américain 1380. Cette
pratique fut réitérée à maintes reprises par le gouvernement américain 1381, qui semblait même
considérer cette protection comme relevant de la protection diplomatique 1382. D’une manière

1379
Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, A/CN.4/538 du 4
mars 2004, p. 22.
1380
United States Supreme Court, Ross vs McIntyre, 1891 ; 140 U.S. p. 453 voy. MOORE (D.), International
Law Digest, vol. 3, 1906, p. 797; Dans le même sens dans la jurisprudence britannique voy. Queens Bench
Division, Ros vs Carr, 1882 et R. vs Anderson, 1868 cités dans le cinquième rapport sur la protection
diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379, p. 25.
1381
Pour une illustration par plusieurs exemples voy. ibidem, p. 23.
1382
Ainsi, les instructions générales du Département d’Etat à l’intention des auteurs de réclamations disposaient
que le gouvernement des Etats-Unis pouvait intervenir effectivement par la voie diplomatique au nom d’auteurs
de réclamations qui avaient droit dans certains cas à la protection des Etats-Unis, tels que certaines catégories de

444
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

générale, la pratique des Etats-Unis relative à la protection globale (diplomatique et factuelle)


de leur flotte marchande, affirmée au cours de l’histoire 1383, est une des plus extensives.
Malgré sa constance, les Etats-Unis ne considèrent cependant pas que cette pratique reflète
une norme coutumière. La règle ayant trouvé son origine historique « dans l’opposition des
Etats-Unis [face à] l’enrôlement forcé par les Britanniques de marins se trouvant à bord des
navires [américains] et naviguant en haute mer, en particulier durant les guerres
napoléoniennes » 1384, les Etats-Unis ont contesté sa nature coutumière 1385. Dans l’affaire I’m
alone les opposant au Canada, ils ont ainsi refusé à ce dernier le droit de présenter une
réclamation au nom des membres de l’équipage n’ayant pas sa nationalité 1386.
Les sentences arbitrales internationales ont occasionnellement privilégié la doctrine de la
protection de l’équipage, peu important sa nationalité, par l’Etat du pavillon 1387, en ne
l’écartant qu’en cas de réclamations limitées par le compromis 1388. La jurisprudence
internationale n’est pas non plus concluante, car elle n’affirme pas explicitement un droit de
protection au bénéfice de l’Etat du pavillon. Cependant, dans l’avis consultatif sur la
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies 1389, la question a été analysée
par deux juges, dans leurs opinions dissidentes. Le juge HACKWORTH y affirma, en ce qui
concerne l’exercice de la protection diplomatique, que les marins sont assimilés, de par leur

gens de mer à bord des navires américains. Voy. l’affaire Edward A. Hilson (Etats-Unis) c/ Allemagne du 22
avril 1925, Nations Unies, RSA, vol. 7, p. 177 et AJIL, vol. 19, 1925, pp. 180-185.
1383
Voy. l’incident Mayaguez (1975) cité par SUCHARITKUL (S.), « Liability and Responsibility of the State
of Registration or the Flag State in Respect of Sea-going vessels, Aircraft and Spacecraft Registered by National
Registration Authorities », op. cit. note 992, p. 413 ainsi que toute la problématique autour du répavillonement
des navires de Kuwait afin de rendre possible leur protection par les Etats-Unis. Voy. sur ce WOLFRUM (R.), «
Reflagging and escort operation in the Persian Gulf. An international law perspective», Virginia Journal of
International Law, 1989, pp. 387-403 ; NORDQUIST (M. H.) & WACHENFELD (M. G.), « Legal aspects of
reflagging Kuwaiti tankers and laying of mines in the Persian Gulf », GYIL, vol.31, 1988, pp. 138-164.
1384
Communication du 20 mai 2003, se trouvant dans les archives de la Division de la codification du bureau des
affaires juridiques de l’ONU, citée dans le cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur
spécial John DUGARD, op. cit. note 1379, p. 24 et reprise par les Etats-Unis dans Comments and Observations
received from Governments, A/CN.4/561, du 27 janvier 2006, p. 49.
1385
Dans ce sens voy. également WATTS (A. D.), « The Protection of Alien Seamen », ICLQ, vol. 7, 1958, p.
708.
1386
Nations Unies, RSA, vol. 3, 1935, pp. 1609-1618 cité dans McDOUGAL (M. S.) & BURKE (W. T.), The
Public Order of the Oceans : A contemporary international law of the sea, op. cit. note 415, pp. 1064-1065.
1387
Dans ce sens voy. McCready c/ Mexico, 1868 in MOORE (J. B.), History and Digest of the International
Arbitrations to Which the United States Has Been a Party, vol. 3, p. 2536 cité dans Comments of the United
States to the International Law Commission, du 16 mai 2003 [consultable sur
[http://www.state.gov/s/l/2003/44374.htm] consulté le 31 août 2008] et Richelieu c/ Espagne 1890, cité par
WATTS (A. D.), « The Protection of Alien Seamen », op. cit. note 1385, p. 694 et par MEYERS (H.), The
nationality of ships, op. cit. note 50, p. 181.
1388
Ainsi Shields c/ Chile in MOORE (J. B.), op. cit. note 1387, p. 2557 et Hilson c/ Allemagne, 1925 in Nations
Unies, RSA, vol. 7, pp. 176-184.
1389
CIJ, Avis consultatif sur la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis du 11 avril
1949, Rec. CIJ, 1949, p. 174.

445
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

statut, à des nationaux 1390. De même, le juge BADAWI PACHA s’est référé expressément à
la « protection du pavillon » qui « s’étend à toute personne dans le navire […]
indépendamment de la nationalité » 1391. Bien évidemment, comme il ne s’agit que d’opinions
dissidentes, toute confirmation de l’existence d’un principe coutumier semble exclue.
Cependant, le raisonnement du second juge est fondé sur le texte de l’avis consultatif lui-
même, dans lequel la Cour affirme que la règle de la protection diplomatique « comporte
d’importantes exceptions, car il existe des cas dans lesquels la protection peut être exercée
par un Etat au profit des personnes qui n’ont pas sa nationalité » 1392. M. BADAWI PACHA
estime que les cas visés se rattachent, notamment, à la protection du pavillon. L’argument est
plausible, pourtant l’inverse pourrait également être soutenu, car si la Cour entendait
explicitement se référer à ces cas, elle aurait pu le préciser. Il semble néanmoins que, si une
règle générale établissant la protection du pavillon à l’égard de l’équipage ne peut pas être
reconnue sans ambiguïté 1393, elle ne saurait non plus être définitivement écartée. Bien au
contraire, le concept général d’une telle protection semble faire son chemin dans la pratique et
la jurisprudence. Dès lors, les auteurs, même lorsqu’ils parlent de « protection du navire »,
entendent en réalité la protection de l’équipage 1394 – ce qui est logique étant donné qu’ils se
fondent sur la pratique et la jurisprudence existantes.
618. En revanche, si l’on envisage la question de manière plus générale, en tant que
protection lato sensu du navire, une confusion semble entretenue par la jurisprudence récente.
On constate en effet qu’il est assez difficile de distinguer entre le concept d’un dommage
directement causé à l’Etat par la violation d’un droit qui lui est propre et celui d’un dommage
indirect, découlant d’un dommage causé au navire en tant qu’être collectif et déclenchant une
protection de la part de l’Etat du pavillon. Comme le démontre parfaitement l’affaire Saiga 2,
ces deux constructions juridiques se confondent dans les raisonnements des Etats ou des
1390
Ibidem, p. 203.
1391
Ibid., pp. 206 et 207, note de bas de page n°1.
1392
Ibid., p. 181.
1393
Cependant voy. contra MEYERS, qui affirmait en 1967 que la protection du pavillon constituait une règle
coutumière du droit international et qu’il ne connaissait aucune affaire dans laquelle une cour ou un tribunal
international avaient considéré que l’Etat du pavillon n’était pas autorisé à protéger un membre étranger de
l’équipage. Il qualifiait, de plus, cette protection de protection diplomatique. L’auteur affirmait que « lorsqu’il y
a une référence à la protection du navire, il doit être supposé que cette référence concerne la protection de toute
personne concernant laquelle l’Etat du pavillon exerce sa juridiction exclusive en haute mer, sans exclure
l’équipage et sans prendre en considération les différentes nationalités de celui-ci ». [Voy. MEYERS (H.), The
nationality of ships, op. cit. note 50, pp. 90-108, notamment p. 107]. Contra MEYERS voy. WATTS (A. D.),
« The Protection of Alien Seamen », op. cit. note 1385, p. 711 et du même auteur «The Protection of Merchant
Ships », BYIL, vol. 33, 1957, p. 54.
1394
Voy. par exemple GAUTIER (P.), « L’Etat du pavillon et la protection des intérêts liés au navire », op. cit.
note 1251, pp. 717-745; MOMTAZ (D.), « La protection des membres étrangers de l’équipage du navire par
l’Etat du pavillon », op. cit. note 1374, pp. 269-386; WATTS (A. D.), «The Protection of Merchant Ships », op.
cit. note 1393, pp. 52-84.

446
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

tribunaux et il n’est pas toujours évident de déterminer si l’on envisage une question de
«protection » d’un navire ou de violation des droits étatiques.
619. Afin de qualifier le droit de l’Etat du pavillon comme une protection exercée à
l’égard d’un navire, il est nécessaire d’accepter, malgré l’absence d’une personnalité
juridique, que ce dernier puisse subir un dommage. Ce dommage constituerait alors un
dommage indirectement causé à l’Etat du pavillon, mettant en mouvement son droit à la
protection du navire 1395. La complexité du concept et son incompatibilité avec le droit de la
responsabilité 1396, ont conduit le TIDM à qualifier le dommage subi par le navire de dommage
causé directement à l’Etat. La notion de protection fut alors implicitement écartée. Telle est en
effet la conclusion que la majorité de la doctrine a tirée de l’affaire Saiga 2. En l’occurrence,
le demandeur réclamait la réparation des dommages « subis par le navire, des pertes
financières subies par les propriétaires du navire, les exploitants du Saiga, les propriétaires
de la cargaison, ainsi qu’au sujet du capitaine, des membres de l’équipage et des autres
personnes qui se trouvaient à bord du navire » 1397. La formulation de la demande est
clairement inspirée par le concept de protection d’un ensemble organisé. Ce ne sont pas
uniquement les dommages subis par l’Etat du pavillon qui sont invoqués, mais tous ceux qui
l’ont été par le navire et les personnes impliquées dans son activité 1398. La Guinée avait

1395
La question de la distinction entre les cas de protection diplomatique et les cas de préjudice direct, où l’Etat
protège ses intérêts propres, fut envisagée dans une sentence arbitrale opposant les Etats-Unis au Royaume Uni,
concernant les redevances d’usage à l’aéroport de Heathrow et l’accord « Bermudes 2 ». Le Royaume Uni
invoquant le non-épuisement des recours internes par les compagnies aériennes américaines, le tribunal a dû se
prononcer sur la question de savoir s’il s’agissait d’une affaire de protection diplomatique ou de violation directe
des droits étatiques prévus par le traité international en cause. Selon le tribunal, il faut vérifier, pour la trancher,
si l’élément prépondérant est ou non l’intérêt direct de l’Etat lui-même. Le tribunal a considéré, en l’occurrence,
que les recours internes ne devaient pas être épuisés. Son analyse ne peut cependant pas s’appliquer telle quelle à
la question de la protection des engins. Les demandes se fondaient sur l’application d’un traité international et
des droits et obligations des Etats parties qui en découlaient ; si la protection diplomatique avait été retenue, elle
aurait concerné les compagnies aériennes et leurs droits et non pas les aéronefs. Le fait que le tribunal ait
privilégié la thèse du dommage direct, tout en étudiant, par ailleurs, la question de l’effectivité des recours
disponibles, n’est donc pas concluant quant au problème général de la distinction entre dommage direct et
dommage causé à l’ensemble organisé. Voy. Nations Unies, RSA, Sentence Arbitrale rendue relativement à la
première question, Décision du 30 novembre 1992 (révisée le 18 juin 1993), vol. 24, pp. 3-334, notamment pp.
51-68.
1396
Dans ce sens voy. SANTULLI (C.), « Travaux de la Commission du droit international - cinquante-sixième
session », AFDI, 2004, p. 571.
1397
Arrêt Saiga 2, §§ 103 et 168.
1398
Il en va de même dans la requête introductive d’instance introduite le 23 novembre 2010 devant le TIDM par
Saint-Vincent-et-les-Grenadines concernant le navire Louisa (op. cit. note 510). Le demandeur invoque la
violation par l’Espagne de plusieurs dispositions de la convention de Montego Bay (voy. supra, note 1318),
notamment de celles relatives à la liberté de la haute mer et aux obligations de l’Etat côtier. Alors que les articles
invoqués concernent tous des droits « directs » de l’Etat du pavillon, Saint-Vincent insiste sur le fait que le
Louisa, en raison de son immobilisation, a perdu une grande partie de sa valeur. Le préjudice causé au
navire/ensemble organisé lui sert donc de fondement pour montrer la violation par l’Espagne de ses obligations
internationales. Il n’empêche que l’argument de Saint-Vincent selon lequel l’immobilisation du navire constitue
une violation de la liberté de la haute mer nous semble farfelu.

447
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’ailleurs souligné que les demandes de Saint-Vincent relevaient clairement de la protection


diplomatique. Ce dernier a répondu qu’en tant qu’Etat du pavillon, il avait effectivement le
droit d’exercer une protection en faveur du navire et de ceux qui servent à son bord 1399. Les
parties au différend envisageaient manifestement la question sous l’angle de la protection
plutôt que sous celui d’un dommage directement causé à l’Etat.
620. Le Tribunal a commencé par affirmer que le navire constitue une unité, nonobstant
les différentes nationalités des personnes impliquées dans son activité, et que l’Etat du
pavillon a dès lors le droit de demander réparation pour toute perte ou tout dommage subis par
le navire à la suite d’actes d’autres Etats 1400. Il semble, donc, accepter une notion de
protection de l’ensemble organisé que constitue le navire par l’Etat du pavillon et rejette, dès
lors, l’exception d’irrecevabilité de la Guinée qui soutenait que le demandeur ne pouvait
présenter des demandes au sujet des personnes n’ayant pas sa nationalité. Dans le même sens,
en se prononçant sur la demande de réparation, le Tribunal distingue les dommages subis
directement par l’Etat de ceux qui le furent par le navire et les personnes dont les intérêts sont
liés à son activité 1401. Mais il ne distingue pas pour autant entre réclamation directe de l’Etat
et réclamation par le biais de la protection du navire. C’est en envisageant l’exception
d’épuisement des voies de recours internes qu’il souligne que toutes les violations sont des
violations directes des droits de Saint-Vincent 1402, sans relever la contradiction de cette
affirmation avec la distinction subséquente entre dommages directement et indirectement
subis.
621. Bien évidemment, la thèse du Tribunal a le mérite d’être simple et pratique. En
qualifiant tous les préjudices subis par les personnes impliquées dans l’activité du navire de
violations directes des droits étatiques, il évite, non seulement les questions épineuses d’une
protection spécialement conçue pour les navires, mais plus encore un raisonnement complexe
devant établir l’existence d’un lien juridictionnel entre la personne ayant subi le préjudice et
l’Etat responsable de l’acte illicite générateur du préjudice. Il considère, en somme, le navire
comme « un instrument de l’Etat du pavillon dont il est indétachable » 1403. Mais cette
solution n’est pas véritablement cohérente avec le concept de navire en tant qu’ensemble
organisé rattaché à l’Etat par l’immatriculation. En l’occurrence, les violations en cause

1399
Ibidem, § 104.
1400
Ibid., §§ 105 et 106 : « tout ce qui se trouve sur le navire, et toute personne impliquée dans son activité ou
ayant des intérêts liés cette activité sont considérés comme une entité liée à l’Etat du pavillon. La nationalité
des personnes ne revêt aucune pertinence ».
1401
Ibid., §§ 172 et 175.
1402
Ibid., § 98.
1403
KAMTO (M.), « La nationalité des navires en droit international.», op. cit. note 103, p. 368.

448
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

concernaient les droits suivants : le droit de jouir de la liberté de navigation et des utilisations
de la mer à d’autres fins internationalement licites ; le droit de ne pas être soumis à la
législation douanière et de contrebande de la Guinée ; le droit de ne pas être soumis à une
poursuite illicite ; le droit d’obtenir une prompte exécution d’un arrêt antérieur rendu par le
TIDM et le droit de ne pas être cité à comparaître devant les juridictions pénales de la Guinée.
Si le premier et le quatrième peuvent être, sans grande difficulté, assimilés à des violations
directes des droits de l’Etat du pavillon, les autres se rapprochent beaucoup plus du concept
de la protection diplomatique classique. D’ailleurs, l’article 111 de la convention de Montego
Bay invoqué par Saint-Vincent, relatif au droit de poursuite, prévoit expressément qu’un
navire arrêté en dehors des conditions prescrites « est indemnisé de toute perte ou de tout
dommage éventuels » 1404. Le Tribunal confirme ainsi la prise en considération du navire
comme un être juridique collectif placé sous la juridiction de l’Etat du pavillon, même s’il
n’en tire pas les mêmes conclusions.
622. La qualification de violations directes des dommages subis par le navire semble, par
ailleurs, conforme avec la thèse de la CDI relative à la responsabilité des Etats. Selon le
commentaire de l’article 36 du projet final sur la responsabilité des Etats adopté en 2001 en
effet, «un dommage peut être causé à l’Etat en tant que tel, lorsque ses avions sont abattus ou
ses navires coulés » 1405. Il n’est pas précisé si « ses avions/navires » doivent être des
bâtiments de guerre ou s’ils comprennent également ceux qui font partie de la flotte
marchande. La conclusion logique de l’argumentation de la CDI et du TIDM semble donc être
que si un dommage ne peut pas être véritablement subi par le navire, ce dernier n’étant pas un
sujet de droit, il est, nécessairement, subi directement par l’Etat du pavillon ou par chaque
personne concernée. Dans son projet sur la protection diplomatique la CDI se contente dès
lors d’énoncer un droit de réparation au bénéfice de l’équipage, en évitant toute mention à la
notion de « protection ».

B. L’établissement par la CDI d’un droit de réparation au nom de l’équipage

623. Le rapporteur spécial John DUGARD considérait au départ que la protection par
l’Etat du pavillon de l’équipage relevait, malgré ses particularités 1406, de la protection

1404
Convention de Montego Bay, art. 11 § 8.
1405
Rapport de la CDI sur les travaux de la 53ème session, op. cit. note 739, p. 267. L’article 36 du projet est
relatif à l’indemnisation.
1406
Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379,
p. 29 : « on admettra volontiers qu’il ne s’agit pas ici de la protection diplomatique au sens traditionnel ».

449
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

diplomatique 1407. L’article 27, qu’il proposait, était plus audacieux que le 19 – devenu 18 –
finalement retenu. Il habilitait l’Etat du pavillon à exercer sa protection diplomatique au
bénéfice de l’équipage du navire, quelle que soit sa nationalité. Mais cette qualification
disparaît dans son rapport de 2006, qui fait suite aux observations des Etats après l’adoption
en première lecture du projet en 2004 où il soutient – comme la Commission – que la
protection en cause n’est pas diplomatique. En effet, à la proposition des Pays Bas
d’incorporer l’article examiné dans l’article relatif à la protection diplomatique des apatrides
et des réfugiés, le rapporteur spécial a opposé que le droit reconnu par l’article 19 à l’Etat du
pavillon n’était pas celui de la protection diplomatique 1408.
624. Le choix final de la CDI porte sur un article s’appliquant uniquement aux navires et
ne concernant qu’un droit de réparation au bénéfice des membres de l’équipage 1409. La
question est traitée de manière très sommaire, en un seul article qui semble compliquer le
débat plutôt que le résoudre. En effet, la Commission opère une distinction entre la protection
que l’Etat de nationalité des membres de l’équipage peut exercer à leur égard, qualifiée de
protection diplomatique, et le droit de l’Etat du pavillon de demander réparation au bénéfice
des membres de l’équipage, quelle que soit leur nationalité. Elle affirme que ce droit de l’Etat
du pavillon est nécessaire, mais pas exclusif et qu’il ne remplace donc pas la protection
diplomatique des Etats de nationalité des membres de l’équipage 1410, non sans souligner que,

1407
Voy. ibidem, p. 22, proposition pour l’article 27 (devenu 19, suite à la première lecture de la Commission et
18 suite à la deuxième) qui stipulait que « [l’]Etat de nationalité d’un navire est habilité à exercer sa protection
diplomatique au bénéfice de l’équipage du navire, que les membres de celui-ci soient ou non ses nationaux,
lorsqu’ils ont été lésés à la suite d’un préjudice causé au navire par un fait internationalement illicite » et p. 33 :
« L’article 27 vise à étendre progressivement les principes de la protection diplomatique traditionnelle ».
1408
Cependant, le même rapporteur spécial se demandait en 2004 si « cette forme de protection est suffisamment
analogue à la protection diplomatique pour qu’elle soit prévue dans le projet d’articles de la même manière que
l’article 7 de ce dernier prévoit la protection diplomatique des réfugiés et des apatrides ». Voy. cinquième
rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379, p. 29 et cf.
septième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, A/CN.4/567 du 7 mars
2006, p. 39.
1409
Rapport de la CDI sur les travaux de la 56ème session, op. cit. note 331, p. 22. L’article 19 du projet, intitulé
« Equipage des navires », stipule : « Le droit qu’a l’Etat de nationalité des membres de l’équipage d’un navire
d’exercer sa protection diplomatique au bénéfice de ces derniers n’est pas affecté par le droit qu’a l’Etat de
nationalité du navire de demander réparation au bénéfice de ces membres d’équipage, quelle que soit leur
nationalité, lorsqu’ils ont été lésés à la suite d’un préjudice causé au navire par un fait internationalement
illicite ». L’article 19 est devenu article 18 dans le Projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la
CDI en deuxième lecture le 30 mai 2006 ; voy. rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note
331, pp. 17 et s.
1410
Voy. commentaire sur l’article 19, rapport de la CDI sur les travaux de la 56ème session, op. cit. note 331, p.
93 et sur l’article 18, rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 93-94:
« L’article 19/18 a pour but d’affirmer le droit du ou des Etats de nationalité des membres de l’équipage d’un
navire d’exercer sa protection diplomatique à leur profit, tout en reconnaissant que l’Etat de nationalité du
navire a aussi le droit de demander réparation à leur bénéfice, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’ils ont été
lésés à cause d’un dommage causé au navire par suite d’un fait internationalement illicite. Il est devenu
nécessaire d’affirmer ce droit de l’Etat de nationalité d’exercer sa protection diplomatique au bénéfice des
membres de l’équipage d’un navire en vue d’exclure totalement l’idée que ce droit aurait été remplacé par celui

450
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

même si cette protection ne peut pas être qualifiée de diplomatique, elle présente une grande
ressemblance avec celle-ci. L’articulation de toutes ces différentes notions, proches et
cependant bien distinctes, s’avère délicate. Dès lors que toute notion de protection est évitée à
propos du droit de réparation étudié, les principes de la protection diplomatique, notamment
l’épuisement des recours internes 1411 et la continuité de la nationalité 1412, ne doivent pas être
satisfaits pour la mise en œuvre de ce droit 1413. Cela va dans le sens de la jurisprudence du
TIDM qui s’est abstenu d’appliquer la règle de l’épuisement des voies de recours internes
dans l’affaire Saiga 2 1414.
625. Il convient néanmoins de souligner qu’il y a une certaine contradiction dans la
position de la CDI, qui inclut l’article dans son projet sur la protection diplomatique et
considère que le droit étudié « ressemble » à ladite protection, tout en endossant la thèse du
TDIM selon laquelle les principes de la protection diplomatique ne s’appliquent pas à la
protection exercée par l’Etat du pavillon. Cette contradiction a été relevée par les Etats-Unis
dans leurs commentaires sur le projet adopté en première lecture, mais l’observation
américaine a été écartée par le rapporteur spécial et la CDI lors de la deuxième lecture 1415. La
Commission explique cette distinction entre la protection diplomatique classique et le droit de
réparation proposé, en se référant à l’absence d’un lien de nationalité entre les membres de
l’équipage et l’Etat du pavillon. L’argument n’est convaincant que si l’on envisage la question
du point de vue de la protection de l’équipage, qui prend la forme d’un droit de réparation. La
CDI reconnaît dès lors les deux types de « protection » sans accorder de priorité à l’une
d’entre elles 1416.

de l’Etat de nationalité du navire […] Le droit de l’Etat du pavillon de demander réparation au bénéfice des
membres de l’équipage du navire bénéficie d’un appui substantiel et justifié. Il ne saurait pour autant être rangé
dans la même catégorie que la protection diplomatique, pas plus qu’il ne devrait être considéré comme l’ayant
remplacée ».
1411
Article 14 du projet d’articles sur la protection diplomatique, A/61/10, p. 20.
1412
Articles 5 et 10 du projet d’articles sur la protection diplomatique, A/61/10, pp. 18 et 56.
1413
Voy. article 15 al. c) du rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 79-83 :
« il serait déraisonnable et injuste d’exiger d’une personne lésée qu’elle les épuise quand, par exemple, son bien
a souffert d’un dommage causé à l’environnement par la pollution, de retombées radioactives ou de la chute
d’un objet spatial émanant d’un Etat où ce bien n’est pas situé » (p. 83).
1414
Arrêt Saiga 2, § 98.
1415
En effet, les Etats-Unis faisaient valoir que compte tenu du fait que le droit de l’Etat du pavillon de
demander réparation au bénéfice des membres de l’équipage ne relevait pas de la protection diplomatique, la
disposition devrait être omise. Le rapporteur répondait que les deux types de protection sont analogues et qu’il
était impératif de réaffirmer la légitimité des deux. Voy. commentaires des Etats, Document A/CN.4/561, p. 52
et 53 et septième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1408,
p. 39.
1416
Voy. ibidem, p. 39.

451
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

Dans son commentaire, elle souligne, en outre, la particularité de l’article 292 de la


convention de Montego Bay 1417, qui est relatif à la prompte mainlevée de l’immobilisation
d’un navire et à la prompte libération de son équipage, dès le dépôt d’une caution raisonnable
et suite à une demande faite soit par l’Etat du pavillon soit en son nom 1418. Le rapporteur et la
CDI ont considéré que cet article ne suffisait pas à protéger efficacement l’équipage, et que
l’article 18 du projet restait donc nécessaire 1419. Sur ce point, l’argumentation est à la fois
pertinente et complète. Cette disposition constitue en effet une forme spéciale de
« protection » du navire et de son équipage, qui est accordée à l’Etat du pavillon et qui doit
être distinguée de la protection étudiée ci-dessus. Il s’agit d’une procédure autonome, dont le
but est de permettre à l’Etat du pavillon de demander le respect de la convention lorsque
l’Etat qui a immobilisé le navire a violé une disposition prévoyant la mainlevée dès le dépôt
d’une caution raisonnable. L’Etat du pavillon ne conteste pas l’immobilisation ou la saisie per
se, mais uniquement la violation par l’Etat côtier de l’article 73 § 2 de la convention 1420. Le
Tribunal n’exerce donc qu’un « contrôle minimum » 1421 et concilie les intérêts de l’Etat côtier
avec ceux de l’Etat du pavillon 1422.
626. Si la prompte mainlevée a en commun avec la protection générale du navire de ne
pas être subordonnée à l’épuisement des recours internes et, surtout, d’être fondée sur le lien
rattachant le navire immobilisé à l’Etat du pavillon, elle forme, néanmoins, une procédure
beaucoup plus spécifique. Elle emprunte, cependant, à la protection diplomatique la règle de
la continuité de la nationalité, la quelle doit avoir existé au moment de la constatation de
l’infraction commise par le navire et subsisté au moment de son immobilisation et au moment
de l’introduction de la demande de prompte mainlevée 1423. La procédure étudiée a donc « sa

1417
AKL (J.), « La procédure de mainlevée du navire ou prompte libération de son équipage devant le Tribunal
international du droit de la mer », ADM, 2001, t. VI, pp. 219-246 ; QUENEUDEC (J.-P.), « A propos de la
procédure de prompte mainlevée devant le Tribunal international du droit de la mer », ADM, 2002, t. VII, pp. 79-
92.
1418
Voy. également OXMAN (B. H.) & BANTZ (V. P.), « International tribunal of the Sea decision on
requirement that application for prompt release of a vessel be brought by on behalf of the flag state », AJIL, vol.
96, 2002, pp. 219-225.
1419
Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379,
pp. 29-30. Le rapporteur souligne « [l’article 292] ne saurait se substituer à l’exercice de la protection
diplomatique en faveur des équipages car les cas dans lesquels cet article ne protège pas ces derniers sont
nombreux ».
1420
Cet article stipule : « Lorsqu’une caution ou une garantie suffisante a été fournie, il est procédé sans délai à
la mainlevée de la saisie dont un navire aurait fait objet ».
1421
TIDM, affaire du Volga, op. cit. note 1022, Opinion individuelle du juge COT, § 24.
1422
TIDM, affaire du Monte Confurco, op. cit. note 1012, § 76.
1423
TIDM, affaire du Grand Prince, op. cit. note 525, § 93. Cf. opinion individuelle émise par le juge TREVES,
p. 1, § 1. Selon M. TREVES, le moment pertinent pour apprécier la nationalité du navire n’est pas celui de son
arraisonnement, mais celui où on peut alléguer qu’une violation d’une disposition de la convention de Montego
Bay prévoyant la prompte mainlevée de l’immobilisation d’un navire a eu lieu.

452
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

propre raison d’être et sa logique propre » 1424 ; compte tenu de ses caractéristiques et de la
fonction qu’elle est appelée à remplir, il demeure toutefois pertinent d’observer qu’elle fait
partie du concept général de la protection du navire et de son équipage par l’Etat du pavillon.

§ 2. La protection des aéronefs et des objets spatiaux dans la pratique internationale et dans
le rapport de la CDI

627. La pratique relative à la protection des engins et de leur équipage par l’Etat
d’immatriculation est extrêmement rare s’agissant des aéronefs, et elle est quasiment
inexistante s’agissant des objets spatiaux – du moins d’un point de vue juridique et
contentieux, les incidents spatiaux étant résolus par de mécanismes politiques et
diplomatiques (A). La question fut, partiellement, étudiée par le rapporteur spécial John
DUGARD qui s’est demandé si le champ d’application de l’article 18 du projet sur la
protection diplomatique (article 27 dans son rapport) devait s’étendre aux aéronefs et aux
objets spatiaux 1425. Il a répondu par la négative dans les deux cas, de manière assez
catégorique concernant les premiers et beaucoup plus nuancée concernant les seconds.
L’argumentation du rapporteur, brève et basée sur des observations pratiques, n’est à nos yeux
pas toujours convaincante ni suffisamment étayée du point de vue juridique (B).

A. La protection des aéronefs et des objets spatiaux dans la pratique étatique

i. La protection des aéronefs

628. La question de la protection de l’équipage de l’aéronef ou de l’ensemble organisé


lato sensu ne s’est jamais posée telle quelle. Les seules observations qui peuvent être faites
concernent les affaires dans lesquelles la notion semble avoir été soulevée de manière
incidente. Paradoxalement, le nombre des incidents aériens est inversement proportionné au
nombre des décisions judiciaires les concernant 1426. Malgré la fréquence des destructions
d’aéronefs entraînant la mort des personnes à bord, surtout pendant la période de la guerre
froide, il n’y a à peu près pas de jurisprudence internationale en la matière. Le contexte
historique et les considérations politiques en fournissent sans doute la raison, mais le résultat
est regrettable. Les Etats ayant à chaque fois réglé la situation par voie diplomatique, le droit

1424
QUENEUDEC (J-P.), « A propos de la procédure de prompte mainlevée devant le Tribunal international du
droit de la mer », op. cit. note 1417, p. 91.
1425
Voy. cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note
1379, pp. 32 et 33.
1426
Pour une analyse des raisons justifiant cette situation voy. GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de
Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit. note 17, p. 285.

453
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

n’a pas eu l’opportunité de se développer en ce qui concerne la protection d’un « aéronef »


par l’Etat d’immatriculation.
629. A l’occasion de l’affaire de l’incident arien du 27 juillet 1955 opposant l’Israël à la
Bulgarie 1427, Israël, dans son mémoire, précisait qu’à quelques exceptions près, toutes les
victimes au bénéfice desquelles il présentait des demandes étaient ses nationaux. Ces
exceptions ne concernaient pas des étrangers mais des personnes sans nationalité. De plus, le
gouvernement israélien soulignait que la Bulgarie n’avait posé aucune limite concernant la
nationalité des personnes auxquelles réparation était due et avait demandé à l’Israël de
« représenter l’ensemble des demandes individuelles ». Il considérait donc qu’il était « en
droit d’adopter les causes des personnes dont les causes ne seraient pas autrement adoptées,
lorsque le dommage que lesdites personnes avaient subi eut lieu alors que les victimes de
l’acte illicite se trouvaient à bord d’un aéronef commercial en vol international régulier et
battant pavillon israélien » 1428. Le dictum susmentionné de l’affaire Réparation des
dommages subis au service des Nations Unies était invoqué pour appuyer cette thèse. Israël,
dans son mémoire, distinguait les dommages directement subis par le gouvernement israélien
de ceux qui l’ont été par les passagers, les propriétaires du cargo et de la compagnie aérienne,
présentant une demande « constituée de tous ces éléments » 1429. Les dix gouvernements dont
les nationaux avaient péri ont toutefois présenté leurs propres demandes de protection
diplomatique à la Bulgarie 1430. Le Royaume Uni et les Etats-Unis ont, en outre, présenté leurs
propres requêtes à la CIJ concernant l’incident et la mort des passagers de leur nationalité
respective, avant de se désister par la suite. L’exception préliminaire de la Bulgarie quant à la
compétence de la Cour ayant été acceptée, le fond de l’affaire ne fut pas jugé. Néanmoins,
dans son mémoire l’Israël a soutenu que, si l’unité de l’aéronef en tant qu’ensemble organisé
est prise en compte, le droit de l’Etat d’immatriculation d’endosser les demandes de toute
personne impliquée dans l’activité de l’avion et de toute victime à bord, quelle que soit sa
nationalité, peut être envisagé même si ce droit n’est pas clairement affirmé. Les requêtes

1427
Le 27 juillet 1955, un aéronef civil en vol de Londres à Lod, ayant la nationalité israélienne et appartenant à
une compagnie israélienne, fut abattu par la défense anti-aérienne bulgare, après avoir pénétré sans préavis dans
l’espace aérien bulgare. L’avion fut entièrement détruit, entraînant la mort de ses 51 passagers et 7 membres de
l’équipage, de nationalités diverses. Pour une présentation détaillée des faits voy. GUILLAUME (G.), La Cour
Internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit. note 17, p. 277.
1428
Voy. CIJ, Affaire de l’incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c/ Bulgarie), Mémoire du gouvernement
d’Israël du 2 juin 1958, pp. 105 et 106.
1429
Ibidem, p. 104.
1430
Ibid., pp. 103-104.

454
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

présentées à la CIJ concernant le traitement des avions, précisent fréquemment que l’équipage
et/ou les passagers « étaient à tout moment nationaux » de l’Etat demandeur 1431.
630. Lors d’un incident plus récent, opposant l’Iran aux Etats-Unis, l’argument de l’unité
de l’aéronef, nonobstant les différentes nationalités des personnes à bord, est réapparu d’une
manière plus affirmée. Le différend concernait la destruction d’un avion iranien effectuant un
vol commercial international régulier et la mort de 274 passagers et 16 membres d’équipage,
dont 254 iraniens et 36 de nationalités diverses 1432. Dans un mémoire de 297 pages, l’Iran ne
fait à aucun moment de distinction entre ses nationaux et les étrangers. Il demande réparation
pour la mort des 290 personnes à bord, sans préciser que cette demande est fondée sur le
principe de l’unité de l’aéronef. L’Etat demandeur considère, donc, comme « évident » son
droit de demander réparation en tant qu’Etat de « nationalité » de l’aéronef pour le préjudice
subi par les personnes à bord, quelle que soit leur nationalité. La demande de réparation vise,
outre la réparation due pour la mort des victimes qu’elles soient passagers ou membres de
l’équipage, celle qui l’est pour la destruction de l’avion, pour les avoirs de l’Iran et de la
compagnie aérienne qui ont été endommagés et, enfin, pour toute dépense de l’Etat et de la
compagnie relative au sauvetage des personnes et à l’enquête après l’accident 1433. Cette
demande unique de réparation présentée par l’Iran constitue un exemple sans équivoque d’un
Etat d’immatriculation considérant le dommage « subi par un aéronef » comme subi par un
ensemble organisé. La conclusion est renforcée par le fait que l’Iran a refusé la proposition
des Etats-Unis de payer une réparation directement aux familles de victimes, proposition qu’il
a considéré comme une « insulte » à son égard et, surtout, comme « contraire au principe
universellement reconnu qu’un Etat est en droit d’épouser de telles demandes» 1434.
Les Etats-Unis ont contacté directement les gouvernements de chacun des cinq autres
Etats « victimes » dont certains des nationaux étaient à bord de l’avion, afin de leur
communiquer leur « plan de compensation » 1435. Ils ont distingué nationaux iraniens et
étrangers, en justifiant cette différenciation par le refus de l’Iran d’accepter des réparations

1431
Voy. dans ce sens CIJ, Affaire du traitement en Hongrie d’un avion des Etats-Unis d’Amérique et de son
équipage, (Etats-Unis d’Amérique c/ République Populaire d’Hongrie et c/ Union des Républiques Socialistes
Soviétiques), Requête introductive d’instance du 3 mars 1954, pp. 13 et 46 respectivement (note à la République
Populaire d’Hongrie et note à l’Union Soviétique). L’affaire fut rayée du rôle le 12 juillet 1954.
1432
Il s’agissait de treize nationaux des Emirats arabes unis, dix nationaux de l’Inde, six nationaux du Pakistan,
six nationaux de la Yougoslavie et un national de l’Italie. Pour une présentation des faits voy. GUILLAUME
(G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du XXIème siècle, op. cit. note 17, pp. 278-279 ; CIJ, Affaire de
l’incident aérien du 3 juillet 1988 (République islamique d’Iran c/ Etats-Unis d’Amérique), Mémoire de la
République islamique d’Iran du 24 juillet 1990, p. 15.
1433
Ibidem, p. 276.
1434
Ibid., p. 289.
1435
Exceptions préliminaires présentées par les Etats-Unis d’Amérique le 4 mars 1991, p. 53.

455
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

individuelles 1436. L’affaire fut rayée du rôle, suite à un arrangement à l’amiable convenu entre
les Etats-Unis et l’Iran 1437. La Cour n’a donc pas pu se prononcer sur la question de la
réparation ; il en fut de même pour toutes les autres affaires d’incidents aériens enregistrées. Il
est, dès lors, difficile de tirer des conclusions relatives à la question de la protection de
l’aéronef. L’arrangement amiable intervenu fournit cependant quelques informations
importantes. Alors que l’Iran demandait une réparation globale pour la mort des 290
personnes à bord, l’arrangement apprend que, finalement, les Etats-Unis ont payé 61.800.000
dollars américains pour les 248 victimes iraniennes 1438. Les victimes de nationalité différente
ne sont pas mentionnées dans l’arrangement, l’indemnisation ayant été payée directement à
leurs familles ou Etats de nationalité.
631. La pratique étatique ne fournit donc aucune indication claire concernant la protection
de l’aéronef par l’Etat de sa « nationalité ». Lorsque les requêtes s’orientent dans ce sens,
c’est d’une manière floue et non explicite. Si les gouvernements insistent sur la perte de leurs
nationaux à bord pour fortifier leur demande, ils ne mentionnent qu’en passant celle des
étrangers, sans faire jouer le critère d’unité de l’aéronef. Ce dernier n’en est pas pour autant
totalement absent ; on retrouve un concept latent de protection par l’Etat d’immatriculation
dans le raisonnement étatique. Mais il n’est pas dépourvu d’ambiguïté et semble employé de
manière plutôt subsidiaire et incidente, comme l’arrangement amiable entre l’Iran et les Etats-
Unis le suggère.

ii. La protection des objets spatiaux

632. Les mêmes observations s’appliquent, mutatis mutandis, aux objets spatiaux. La
jurisprudence est inexistante concernant leur protection par l’Etat d’immatriculation et la
pratique s’y rapportant relève plus du domaine des relations internationales que de celui du
droit. Les négociations interétatiques politico-diplomatiques y tiennent un rôle considérable,
les activités spatiales n’impliquant, encore aujourd’hui, qu’un petit nombre de pays. Par
ailleurs, les engins spatiaux ont une telle importance, à la fois stratégique et commerciale,
pour leurs Etats d’immatriculation et de lancement qu’il est plus facile de considérer le
préjudice qu’ils subissent comme directement causé à l’Etat concerné. Il n’en est que plus
aléatoire, en droit spatial, de distinguer le dommage causé à un objet spatial, déclenchant ainsi

1436
Ibidem, p. 54.
1437
CIJ, Affaire de l’incident aérien du 3 juillet 1988, ordonnance du 22 février 1996, Rec. CIJ 1996, p. 9.
1438
Arrangement à l’amiable concernant l’incident aérien du 3 juillet 1988 devant la CIJ, arrangement du 9
février 1996, p. 649.

456
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

la protection de l’Etat d’immatriculation, de celui qui est causé directement à ce dernier,


lésant ses propres intérêts.
633. La notion de protection de l’objet spatial par l’Etat d’immatriculation fut néanmoins
défendue par la doctrine dès les débuts de l’ère spatiale1439. Un concept similaire se retrouve
également dans les principes de la restitution des objets spatiaux et de retour des astronautes à
l’Etat d’immatriculation 1440. Il ne s’agit certes pas du droit de protection étudié ; dans les deux
cas, ce sont néanmoins les intérêts de l’Etat auquel l’objet est rattaché qui sont pris en compte
et c’est donc la même idée de « protection » générale qui constitue la raison d’être de l’un et
de l’autre. Cette notion n’apparaît toutefois pas dans la jurisprudence internationale. Le
contentieux spatial porte soit sur la mise en cause de la responsabilité des Etats de lancement,
soit sur des différends de droit privé, soit sur des arbitrages mixtes entre un Etat et un
opérateur privé prétendant à la qualité d’investisseur étranger 1441. De ces trois types de litiges,
seul le premier serait susceptible de soulever la question de la protection d’un objet spatial par
son Etat d’immatriculation, dans le cas notamment d’un accident causé par un objet spatial
étranger ou d’une intervention illégale d’un Etat tiers. Un seul cas de mise en œuvre de la
responsabilité d’un Etat de lancement peut être signalé : celui de la retombée du satellite
soviétique Cosmos 954 au Canada en 1978 1442. L’affaire, qui fut finalement réglée par voie
diplomatique, ne concernait que la réparation due par l’Etat de lancement en raison du
dommage causé par son objet spatial et ne concerne donc pas la question étudiée.
634. L’absence quasi totale d’affaires relatives à la protection de l’objet spatial et de son
équipage par l’Etat d’immatriculation n’a rien de surprenant. Dans l’état actuel du
développement des activités spatiales, deux possibilités de préjudice causé par le fait illicite
d’un Etat tiers existent : dans l’espace extra-atmosphérique, cela peut être le résultat soit
d’une collision entre objets spatiaux par la faute de l’un d’entre eux soit d’une intervention,
quelle qu’elle soit, due à un Etat autre que celui d’immatriculation. Cette intervention
pourrait, dans des scénarios hypothétiques, prendre la forme d’une tentative de contrôle ou de

1439
McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space, op. cit.
note 34, pp. 524-525 et 575-583 citant à cet égard SCHACHTER (O.) qui, en 1952, devant la Special Senate
Commission on Space and Astronautics prévoyait que tout Etat aurait le droit de protéger son engin spatial
« national ».
1440
Accord sur le retour et le sauvetage des astronautes et la restitution des objets lancés dans l’espace extra-
atmosphérique, du 22 avril 1968. Pour une analyse voy. GOROVE (S.), Studies in Space Law : Its Challenges
and Prospects, op. cit. note 1279, pp. 95-115.
1441
PIC (P.), « Le contentieux lié à la gestion des risques dans les activités spatiales », in Gestion et Partage des
risque dans les projets spatiaux, RAVILLON (L.) dir., Pedone, Paris, 2008, p. 113.
1442
Voy. supra § 478. Voy. également ROUSSEAU (CH.), « Chronique des faits internationaux », RGDIP,
1978, pp. 1091-1094 ; COHEN (A. F.), « Cosmos 954 and the international law of satellite accidents », The Yale
Journal of International Law, vol.10, 1984, pp. 78-91.

457
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

destruction depuis la terre ou d’une attaque intentionnelle par un engin spatial. Lorsque l’objet
se trouve encore dans l’espace aérien, le comportement illicite pourrait être celui de l’Etat
territorial ou des aéronefs d’un Etat tiers. Dans ces cas de figure, l’Etat d’immatriculation
serait en droit de protéger l’objet spatial et son équipage, quelle que soit la nationalité de ses
membres, et de demander réparation pour le préjudice subi.
635. De tels incidents ne sont à ce jour survenus que très rarement et dans des contextes
toujours très particuliers ; la pratique étatique demeure donc très limitée. La raison principale
en est, outre le nombre relativement faible des lancements par comparaison avec les voyages
maritimes ou aériens, le fait que la grande majorité des vols spatiaux ne sont pas habités. De
plus, pendant une longue période de l’évolution spatiale, les acteurs étaient presque
exclusivement publics. Un dommage causé à un satellite, même s’il doit survenir, n’a dès lors
pas d’incidences sur la vie du personnel – inexistant – ni sur des intérêts privés des
propriétaires. Il constituerait un dommage directement causé à l’Etat : un objet spatial non
habité appartenant à l’Etat d’immatriculation ne constitue pas vraiment un « ensemble
organisé ». Cette situation est néanmoins en train de changer radicalement aujourd’hui : non
seulement en raison de la commercialisation et de la privatisation de l’espace, mais également
du fait d’avancées technologiques fondamentales. La SSI a actuellement un personnel
permanent de 6 personnes de nationalité différente, et les vols habités comme le tourisme
spatial sont loin de relever de la science-fiction. Quant à la première collision entre deux
satellites intacts, elle a eu lieu en 2009 1443.
636. Dès 1963, McDOUGAL, LASSWELL et BLASIC imaginaient les situations pouvant
troubler « l’ordre public de l’espace » et plus particulièrement les « demandes relatives aux
collisions ». Après avoir envisagé la collision de deux engins spatiaux durant leur vol ou
lorsqu’ils sont déjà en orbite, ainsi que celle des objets spatiaux avec des débris, ils
concluaient : « States suffering such deprivations will, as in the case of claims relating to
surface impact, probably seek redress for deprivation in the form of monetary compensation »
1444
. 46 ans plus tard, le 10 février 2009, un satellite commercial américain a été détruit par
collision avec un satellite russe hors d’usage, « dans ce qui est considéré comme l’un des
premiers accidents majeurs de ce genre dans l’espace » 1445. Les implications techniques de
cet événement rarissime sont nombreuses : au lendemain du sinistre, la NASA a estimé qu’il

1443
Rapport du sous-comité scientifique et technique (du COPUOS) sur les travaux de sa 46ème session,
A/AC.105/933, 6 mars 2009, §§ 72-74.
1444
McDOUGAL (M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space, op. cit.
note 34, p. 534.
1445
[http://www.cyberpresse.ca/sciences/astronomie-et-espace/200902/12/01-826537-collision-rarissime-dans-
lespace.php] consulté le 20 février 2009.

458
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

lui faudrait plusieurs semaines pour évaluer les conséquences de l’accident, qui a généré
plusieurs milliers de débris de taille variable, et a évalué les risques qui en résultaient pour la
SSI et ses trois spationautes 1446. Quant à la société Iridium à la constellation de laquelle
appartenait le satellite américain, elle a indiqué que la destruction de son satellite pourrait
causer certaines perturbations dans son service, mais que tout rentrerait dans l’ordre en
quelques jours 1447. 1500 débris de grande taille résultant de l’accident ont déjà été répertoriés ;
de nombreux autres plus petits mais non moins dangereux ont également été créés 1448. Les
conséquences juridiques de l’accident sont dès lors particulièrement intéressantes. Une des
plus importantes tient à la protection du satellite endommagé ou détruit par son Etat
d’immatriculation. De même, si la SSI était touchée, la protection de son équipage et de ses
éléments pourrait devenir une affaire interétatique. Si le satellite russe était défectueux,
comme cela a été insinué par la presse américaine, les Etats-Unis seraient en droit de
demander réparation pour les dommages causés à leur satellite et au module SSI immatriculé
par eux. Les incidents de ce genre sont nécessairement appelés à se répéter. Et la question de
la protection exercée par l’Etat d’immatriculation ne pourra pas être éludée.
637. Des solutions plus spécifiques seront, sans doute, recherchées pour les objets
composés, dont chaque module fait l’objet d’une immatriculation différente. Juridiquement –
bien que le réalisme des solutions juridiques devra être confronté à la pratique – ce sera à
l’Etat qui l’a immatriculé qu’il appartiendra d’exercer sa protection ainsi que celle des
personnes se trouvant à son bord lors de l’incident. Mais cette réponse n’est pas complète. Sur
le plan pratique, il est très probable que les circonstances de l’accident ne soient pas
suffisamment bien établies. Dans le doute, l’Etat de nationalité de l’astronaute conserve
toutefois son droit de protection. Mais il est également possible de considérer que l’Etat
responsable de la protection de l’astronaute est celui qui a procédé au lancement spatial qui a
permis d’acheminer l’astronaute sur la station spatiale, c’est-à-dire l’Etat d’immatriculation de
la navette qui a desservi la station. Même si l’astronaute a abandonné la navette, puisqu’il
séjourne dans la station spatiale, on pourrait considérer qu’il demeure toujours sous la
juridiction et le contrôle de l’Etat qui a immatriculé le vol spatial et qui est donc en droit
d’exercer sa protection à son égard 1449.

1446
[http://www.generation-nt.com/satellite-iridium-communication-collision-espace-siberie-actualite-
231541.html] consulté le 20 février 2009.
1447
Ibidem.
1448
Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS), Long Term Substainability of Space Activities,
preliminary reflexions, Doc. A/AC.105/C.1/2010/CRP.3 du 8 février 2010, p. 16, point 3.3.
1449
Dans ce sens mais concernant la détermination de la loi devant régir la demande en réparation de
l’astronaute voy. PEYREFITTE (L.), Droit de l’espace, op. cit. note 57, pp. 221-224.

459
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

638. Une affirmation indirecte de ce principe peut être trouvée dans l’article 16 de
l’accord IGA sur la Station Spatiale Internationale relatif à la renonciation mutuelle à des
recours en matière de responsabilité de la part des partenaires. Il y est prévu que les Etats
renoncent à toute demande de réparation à l’encontre notamment du personnel d’un autre Etat
partenaire ou d’une autre entité partenaire. La renonciation concerne, entre autres, les activités
des astronautes, dès lors qu’elle « s’applique à toutes demandes de réparation en cas de
dommage, quelle qu’en soit la base juridique » 1450. Malgré le caractère très étendu de cette
règle de « non-agression juridique 1451», certaines exceptions sont toutefois admises 1452.
Cette demande de réparation, à laquelle les Etats partenaires doivent renoncer, n’est pas
sans nous rappeler le « droit de réparation » conçu par la CDI au bénéfice de l’équipage d’un
navire. Mais le terme dommage est employé dans l’article 16 d’une manière beaucoup plus
extensive, dès lors qu’il désigne toute lésion corporelle, atteinte à la santé ou décès d’une
personne, ainsi que tout dommage matériel (perte d’un bien ou de son usage), toute perte de
recettes ou de bénéfices et tout autre dommage direct, indirect ou consécutif 1453. Il est donc
possible de reconnaître derrière le principe contenu dans cet article le concept de la protection
générale exercée par l’Etat d’immatriculation, considérée ici comme une évidence. Si un tel
droit de protection n’existait pas, une renonciation aux demandes de réparation ne serait pas
nécessaire. Ces demandes peuvent certes également être formulées par les Etats de nationalité
des personnes lésées ou par les autres Etats de lancement. La généralité des termes employés
et l’interprétation large que l’article lui-même recommande 1454 ne laissent toutefois aucun
doute quant au fait que les demandes de l’Etat d’immatriculation relatives aux dommages
causés à l’objet spatial et à son personnel sont également visées. L’idée de protection est donc
latente dans cet article. Il n’y a là toutefois qu’un indice indirect et relatif de l’existence de ce
droit de protection. Si la juridiction et le contrôle sur l’objet et tout son personnel sont
expressément prévus par l’article VIII du traité sur l’espace, aucune disposition ne vise en
effet explicitement la protection de ceux-ci. Curieusement, la doctrine ne traite pas souvent la
question sous cet angle non plus. Aux débuts de l’ère spatiale, la notion de la protection de

1450
Accord IGA, article 16 § 3 al. a.
1451
COUSTON (M.), « Chronique Spatiale : Etude : Le Statut de l’Humain dans l’Espace », RFDAS, vol.219,
n°3, 2001, p. 290.
1452
Notamment en cas de faute intentionnelle ou quant au droit pour un astronaute, ses héritiers, ses ayant-droits
et ses subrogés (si ce n’est pas un Etat partenaire) de demander réparation en cas de lésion corporelle ou autres
atteintes à la santé ou en cas de décès. Voy. accord IGA, article 16 § 3 al. d.2 et d.3.
1453
Ibidem, article 16 § 3 al. c.
1454
Ibid., article 16 § 1 : « Cette renonciation mutuelle à recours fera l’objet d’une interprétation large ».

460
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

l’objet spatial était évoquée en tant que principe général du droit de l’espace 1455, mais elle ne
se retrouve pas dans les études plus récentes. Plusieurs articles sont consacrés aux notions de
juridiction et de contrôle, d’assistance aux astronautes et de responsabilité des Etats de
lancement, mais la protection de l’objet spatial en tant qu’ensemble ou celle de son équipage
par l’Etat d’immatriculation n’est pas expressément visée.

B. Le choix de la CDI de ne prévoir aucun droit de réparation au nom de l’équipage des


aéronefs et des objets spatiaux

i. Protection de l’équipage des aéronefs

639. Quant aéronefs, le rapporteur observe que, malgré l’exercice d’une compétence de
juridiction par l’Etat d’immatriculation s’agissant des actes survenus à bord, la protection au
bénéfice des équipages ne peut être affirmée en l’absence d’une pratique étatique
suffisamment établie. Il souligne, par ailleurs, qu’une telle protection n’est pas nécessaire,
étant donné que les équipages des aéronefs ne sont pas isolés de leur Etat de nationalité aussi
longtemps que les marins 1456 et qu’ils jouissent dans la société d’un statut leur assurant la
protection de l’Etat de leur nationalité. Ces considérations correspondent assez bien à la
réalité du milieu, mais ne semblent pas avoir de véritable fondement juridique.
640. Il est un fait que les voyages aériens durent beaucoup moins longtemps que les
voyages maritimes. Mais cela ne modifie en rien la nature de l’aéronef en tant qu’ensemble
organisé. Durant le voyage, aussi bref soit-il, l’avion et son équipage forment un être collectif
auquel s’appliquent, a priori, la compétence de l’Etat d’immatriculation et, donc, sa
protection. Du rattachement liant l’aéronef à l’Etat d’immatriculation découlent non
seulement la compétence de ce dernier mais également son droit de protection, à l’instar de ce
qui est le cas pour les navires 1457. Nous ne voyons pas comment une observation d’ordre

1455
McDOUGAL (M. S) & LASSWELL (H. D) & VLASIC (I. A), Law and Public Order in Space, op. cit. note
34, pp. 575-583.
1456
Dans ce sens mais tirant la conclusion contraire voy. HONIG (J. P.), The legal status of aircraft, op. cit. note
22, pp. 45 et 56. Malgré l’argument relatif au court séjour de l’aéronef en espace international, l’auteur affirme
que l’aéronef a droit à la protection de l’Etat, qui, en même temps, est responsable de lui.
1457
Dans ce sens voy. GOKHAN (S.), « Unauthorized flights through foreign territorial airspace », in Air and
Outer Space Law, Thesaurus Acroasium, vol.X, Institute of International Public Law and International Relations
of Thessaloniki, 1981, p. 835 où l’auteur affirme que l’intrusion aérienne dans un espace aérien étranger
concerne les intérêts étatiques par rapport notamment à « la protection de leur aéronef, son équipage et les
passagers contre le mauvais traitement par un Etat étranger ». Le principe apparaît également dans un article de
1953, où il est affirmé que « les Etats ont un intérêt dans la navigation aérienne internationale et dans la
protection de leurs aéronefs, personnel navigant et passagers à l’encontre de dommage et mauvais traitement
par un souverain étranger dans l’espace aérien duquel l’aéronef peut s’être innocemment égaré ». Voy.
LISSITZYN (O.), « The treatment of aerial intruders in recent practice and international law », AJIL, vol.47,
1953, p. 559.

461
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

purement pratique – la durée du voyage – peut altérer cette conclusion. Par ailleurs, la
protection des aéronefs par leur Etat de « nationalité », partiellement remise en cause par le
rapporteur, semble admise de longue date. A la Conférence de Paris sur l’aviation civile en
1910, la délégation allemande avait par exemple proposé que le droit de protéger un aéronef
national soit reconnu aux Etats, en tant que contrepartie de leur responsabilité
internationale 1458. Si le principe n’a pas été incorporé tel quel dans la convention, il n’a été
contesté par personne.
641. Quant au deuxième argument, tiré du statut dont les équipages des aéronefs jouissent
dans la société, il peut facilement être écarté. S’il est vrai que le phénomène de complaisance
ne semble pas menacer le transport aérien et que la question d’un traitement des équipages qui
ne soit pas conforme aux normes internationales ne se pose pas dans les mêmes termes en
matière d’aviation, cela ne suffit pas à justifier la non-applicabilité de leur protection. Si un tel
traitement n’est pas fréquent, il ne peut pas non plus être considéré comme totalement exclu.
Les vols low cost et les affrètements aériens pourraient par exemple poser à l’avenir des
problèmes analogues à ceux de la complaisance maritime. Le fait est par ailleurs que, dans les
textes internationaux et nationaux, le personnel de l’aviation civile est moins protégé que les
marins 1459. Que l’Etat d’immatriculation puisse n’être que rarement appelé à exercer son droit
de protection, ne devrait pas le priver de celui-ci.

ii. Protection du personnel des objets spatiaux

642. La question de la protection des engins spatiaux est envisagée de manière encore plus
lapidaire par le rapporteur spécial. Dans un paragraphe extrêmement laconique, il écarte la
protection de l’Etat d’immatriculation en se basant uniquement sur l’absence de toute pratique
et sur l’inopportunité d’une tentative de développement progressif du droit sur le sujet 1460. Il
remarque, néanmoins, que les objets spatiaux ressemblent à des navires du fait de la
plurinationalité de leurs équipages et de la longueur des périodes durant lesquelles ces

1458
COOPER (J. C.), A Study on the Legal Status of Aircraft, Princeton, 1949, pp. 27-28 cité par McDOUGAL
(M. S.) & LASSWELL (H. D.) & VLASIC (I. A.), Law and Public Order in Space, op. cit. note 34, p. 576.
1459
Dans ce sens voy. BUCHER (P.), Le statut juridique de personnel navigant de l’aéronautique civile,
Lausanne, 1949, p. 11. L’auteur considère que la notion de l’équipage appartient au domaine technique et celle
de personnel navigant au domaine juridique. Cette dernière englobe toutes les personnes qui ont été engagées par
un employeur avec lequel elles ont passé un contrat à cet effet (p. 18). Il s’oppose à l’idée que l’équipage fait
partie de l’ensemble de l’aéronef et est soumis à la loi du pavillon (pp. 104-105). Pour les textes nationaux
(français), communautaires et internationaux s’appliquant à l’équipage d’un aéronef et notamment au pilote voy.
LOUKAKOS (N.) & GUIBERT (C.), Précis juridique du pilote de ligne, Librairie de l’Université d’Aix-en-
Provence, 2000.
1460
Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379,
p. 33, § 72.

462
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

derniers demeurent à bord. Le rapporteur semble donc considérer que les engins spatiaux ont
plus de points en commun avec les navires qu’avec les aéronefs, ce qui pourrait justifier, selon
sa logique, l’exercice de la protection de l’équipage par l’Etat d’immatriculation. Mais il ne
pousse pas l’analyse plus loin.
643. Il convient de mener sur cette question une réflexion plus profonde. La protection des
astronautes 1461, ces « envoyés de l’humanité » 1462, n’est pas un sujet aisé. La définition de
l’équipage d’un engin spatial habité n’est pas non plus aussi évidente que dans le droit de la
mer et de l’air, dès lors qu’il n’y a pas en droit spatial de distinction claire entre passagers et
personnel navigant. Les premiers instruments internationaux ne font pas cette distinction,
même si elle se retrouve dans certaines législations nationales 1463 et quelques accords
ultérieurs, relatifs notamment à la SSI. Selon les traités onusiens, toute personne se trouvant à
bord d’un objet spatial qui a franchi la limite entre l’espace aérien et extra-atmosphérique –
limite dont la détermination reste elle-même incertaine – doit toutefois être considérée comme
un astronaute ; il en va de même lorsqu’ils se trouvent sur la lune 1464. La protection examinée
concerne dès lors l’ensemble des personnes qui sont à bord d’un véhicule spatial, sans
distinction possible entre ceux qui font partie de l’équipage et ceux qui effectuent un vol
touristique. Il est certain qu’il y a là une lacune du droit spatial, qui est due au fait qu’au
moment de la rédaction des traités, le tourisme et les autres évolutions commerciales des
activités spatiales n’étaient pas encore envisagés. Une clarification sera donc nécessaire et est
souvent recommandée par la doctrine 1465. Un premier pas dans ce sens a été effectué dans les
textes relatifs à la SSI, qui apportent certaines précisions sur la définition et le statut de
l’astronaute 1466.

1461
Terme considéré comme « archaïque » par Mme COUSTON qui lui préfère les termes « personnel » ou
« équipage ». Voy. COUSTON (M.), « Chronique Spatiale : Etude : Le Statut de l’Humain dans l’Espace », op.
cit. note 1451, pp. 278-291. Le terme « astronaute » sera ici employé par commodité.
1462
Article V du traité sur l’espace de 1967. Pour une analyse de la notion et de sa nature juridique incertaine
voy. ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le droit international », op. cit. note 1162, pp. 146-148 et MARCOFF
(M. G.), Traité de droit international public de l’espace, op. cit. note 27, p. 266.
1463
Voy. notamment Space transportation system user handbook publié par la NASA en 1977, document relatif
à la navette (14 CFR. Ch. V, sec 1214.303) publié par la NASA en 1986 et remanié en 1990, et législation
spatiale russe du 20 août 1993 cités dans COUSTON (M.), « Chronique Spatiale : Etude : Le Statut de l’Humain
dans l’Espace », op. cit. note 1451, p. 281.
1464
Article 10 § 1 de l’accord sur la lune. Voy. notamment l’analyse de ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le
droit international », op. cit. note 1162, p. 145-146.
1465
LAFFERANDERIE (G.), « Pour une charte de l’astronaute », Annales de droit aérien et spatial, volume XII,
1987, p. 280. Cf. également les textes relatifs à la SSI qui distinguent entre les astronautes professionnels et les
participants au vol.
1466
Il s’agit notamment, outre l’accord IGA de 1998 et ses quatre mémorandums d’accord (MOU) conclus en
1998 entre la NASA et chacune des agences participant au programme (canadienne, européenne, russe et
nippone), du Code de conduite de l’équipage de 2000, qui n’a pas de force obligatoire, et des documents de
programme comme les critères sur la sélection, l’affectation, l’entraînement et la certification de l’équipage de
la SSI de 2001.

463
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

644. Le terme même de protection doit également être clarifié, car il peut couvrir deux
notions différentes. Une autre particularité du droit spatial tient en effet au fait que les
astronautes sont « protégés » non seulement lorsqu’ils se trouvent dans l’espace mais
également lorsqu’ils se trouvent sur terre. Si le premier type de protection relève de la
protection générale de l’objet spatial, le second serait plutôt analogue à l’assistance portée aux
équipages marins ou aéronautiques, ainsi qu’aux navires et avions en détresse 1467. Il ne s’agit
donc pas de la protection des astronautes en tant qu’équipage d’un objet spatial appartenant à
cet ensemble organisé, mais d’un régime spécial d’assistance en cas d’accident. Ce régime est
spécialement prévu par le droit spatial, contrairement à celui de la protection de l’équipage
d’un engin.
645. Les astronautes sont en effet directement visés par les traités spatiaux. Le principe est
énoncé dans l’article V § 1 du traité sur l’espace et détaillé dans l’accord sur le retour et le
sauvetage des astronautes et la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique
de 1968 1468. La différence entre les deux textes est que le premier prévoit le prompt retour des
astronautes ayant atterri sur le territoire d’un autre Etat ou en haute mer auprès de l’Etat
d’immatriculation de leur véhicule spatial, alors que le second met en place l’information
de 1469 et la remise à 1470 l’Etat (ou l’organisation internationale) de lancement 1471. Cette
différence n’est pas déterminante, étant donné que l’Etat d’immatriculation est toujours un des
Etats de lancement et qu’en cas de lancement conjoint, le retour doit être fait à l’Etat
d’immatriculation, même si cela n’est pas précisé dans l’accord de 1968 1472. Le concept
d’autorité de lancement a été préféré à celui d’Etat d’immatriculation, afin de rendre l’accord
applicable même lorsque les objets en cause n’étaient pas immatriculés1473.
646. Cette assistance portée par tous les Etats parties aux équipages spatiaux et leur
obligation internationale de remettre l’astronaute entre les mains de l’Etat d’immatriculation

1467
Pour une présentation des analogies au niveau des conventions internationales respectives voy. MARCHAN
(J.), Derecho Internacional del Espacio, op. cit. note 10, p. 407 et DE SAUSSURE (H.), « Astronauts and
seamen : a legal comparison », Journal of Space Law, vol. 10, 1982, pp. 165-179.
1468
Ci-après accord de 1968. Voy. sur ce KISS (A.-C.), « L’accord sur le retour et le sauvetage des astronautes et
la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique », AFDI, 1968, pp. 736-746.
1469
Article 1 de l’accord de 1968.
1470
Article 4 de l’accord de 1968.
1471
Article 6 de l’accord de 1968.
1472
Conformément à la convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace de 1975. Contra
CHENG (B.), « Space Objects and Their Various Connecting Factors », op. cit. note 761, pp. 207-208.
1473
Ce qui est assez probable vu la flexibilité et les lacunes juridiques de la convention sur l’immatriculation.
Dans ce sens CHENG (B.), « Space Objects and Their Various Connecting Factors », op. cit. note 761, pp. 205-
206. Cependant voy. également Mme COUSTON qui remarque que le droit spatial se réfère à l’autorité de
lancement lorsqu’il s’agit des droits des astronautes (donc des devoirs des Etats) et à l’Etat d’immatriculation
lorsqu’il s’agit des devoirs des astronautes (donc des droits des Etats). Voy. COUSTON (M.), « Chronique
Spatiale : Etude : Le Statut de l’Humain dans l’Espace », op. cit. note 1451, p. 288.

464
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

de l’objet spatial n’entre, en aucun cas, dans le champ d’application de la protection de


l’engin par l’Etat d’immatriculation. Elle constitue, néanmoins, un effet juridique intéressant
du rattachement entre le véhicule et l’Etat d’immatriculation. Dès lors que le régime étudié est
fondé sur la nécessité d’assister les personnes impliquées dans des activités à haut risque et
considérées comme des « envoyés de l’humanité », on aurait pu imaginer que leur retour soit
assuré auprès de l’Etat de leur nationalité ou de leur résidence permanente. Mais, les intérêts
de l’Etat d’immatriculation ont été également, voire prioritairement, pris en considération lors
de l’élaboration de ce principe. Dans le contexte de la guerre froide, les puissances spatiales
tenaient à s’assurer que les astronautes ne livreraient pas d’informations confidentielles à
l’ennemi 1474. Leur sauvetage et leur prompt retour étaient fondés sur de telles considérations.
Si le contexte a aujourd’hui changé, l’exigence de confidentialité et le besoin de
protection des activités spatiales des Etats de lancement demeurent identiques. Le lien créé
entre un véhicule spatial et un Etat d’immatriculation permet à ce dernier de protéger l’objet,
l’équipage et sa technologie spatiale. Telle est la raison d’être de l’article V du traité sur
l’espace affirmant le principe de la remise des astronautes à l’Etat d’immatriculation de leur
spationef. Or, lorsqu’un astronaute évolue dans un contexte international, tel que celui mis en
place par la Station Spatiale Internationale, intérêts nationaux et trans-étatiques se confondent,
des nouvelles solutions devant être apportées 1475.
La protection des astronautes dans l’espace relève en revanche bien plus de la protection
classique des équipages par l’Etat d’immatriculation. Mais elle n’est pas incluse dans le
corpus juris spatialis actuel et n’a pas été codifiée dans le projet de la CDI.

Conclusion de la section

647. Il est certain que la notion de la protection des membres de l’équipage semble plus
solide dans le droit de la mer que dans ceux de l’air et de l’espace. Ni la pratique étatique ni la
doctrine ne nient la possibilité d’une telle protection de l’équipage, quelque soit sa nationalité,
par l’Etat du pavillon d’un navire. La jurisprudence du TIDM paraît néanmoins minimiser
l’importance de tout « droit de protection », dès lors qu’elle considère les dommages causés à
un navire comme directement subis par l’Etat du pavillon. La CDI n’a donc consacré dans son
projet relatif à la protection diplomatique qu’un simple droit de réparation au bénéfice de
l’équipage dans le chef de l’Etat du pavillon, en écartant un droit analogue pour ce qui
1474
Dans ce sens, ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le droit international », op. cit. note 1162, p. 150.
1475
Pour une analyse du statut de l’astronaute sur la SSI voy. FARAND (A.), « The Astronaut in the Space
Station Era », in Outlook on Space Law Over the Next 30 Years, LAFFERANDERIE (G.) ed., Kluwer Law
International, 1997, pp. 147-160.

465
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

concerne l’Etat d’immatriculation des aéronefs et objets spatiaux. Il convient de se demander


si ce choix a été judicieux et si un droit de protection lato sensu de tout Etat
d’immatriculation à l’égard de l’engin de sa « nationalité » ne devrait pas être envisagé.

SECTION II. Le droit de réparation au nom de l’équipage versus le droit de


« protection » des engins dans le développement progressif du droit international

648. Afin de répondre à la question de savoir si une protection lato sensu de l’Etat
d’immatriculation, lui ouvrant droit à réparation pour tout dommage causé à l’ensemble
organisé, doit être établie dans le droit international, plusieurs précisions sont indispensables.
Il importe tout d’abord d’examiner si une telle protection et un tel droit sont défendables en
tant que juridiquement corrects, nonobstant l’absence de personnalité juridique des engins. Le
cas échéant, plusieurs questions subsidiaires doivent être soulevées dans le cadre de cette
interrogation générale. Celles-ci sont relatives d’une part à la nature d’une telle protection et
aux principes qui la régissent et d’autre part à l’homogénéité – ou au contraire la
diversification – du régime, selon que sont en cause des navires, des aéronefs ou des objets
spatiaux (§1). Il convient ensuite de se demander si une telle conception – même
théoriquement conforme au droit international – peut être pertinente dans la pratique, au vu
des réalités maritime, aérienne et spatiale. Dans le cas contraire, le droit de réparation au
bénéfice de l’équipage doit être considéré comme suffisant pour les besoins du droit de la
mer, mais il faut se demander s’il peut être transposé aux droits de l’air et de l’espace, malgré
les réticences du rapporteur spécial de la CDI (§2).

§ 1. La conformité de la protection des engins au droit international

649. Afin d’accepter la possibilité d’une protection lato sensu exercée par l’Etat
d’immatriculation, il est non seulement nécessaire de dépasser les obstacles juridiques liés à
l’absence de personnalité juridique de l’engin et à la difficile dissociation entre dommage
causé à un ensemble organisé et dommage causé directement à l’Etat (A), mais encore de
confronter cette protection à la protection diplomatique classique et aux principes qui lui sont
applicables (B).

A. Le sujet passif de la protection

650. Affirmer l’existence d’un droit de protection au bénéfice de l’engin par son Etat
d’immatriculation n’a de sens que s’il est possible de distinguer entre dommage directement

466
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

causé à cet Etat et dommage causé à l’ « ensemble organisé ». Nous l’avons abondamment
répété, le problème réside juridiquement dans le fait que l’engin n’a pas de personnalité
juridique 1476. Si la notion du dommage fut écartée de la définition du fait internationalement
illicite engageant la responsabilité de l’Etat 1477, elle est indispensable dès lors que la
réparation et l’indemnisation sont en jeu 1478. Mais si le droit de réparation est conditionné par
l’existence d’un dommage causé à l’entité « protégée », il faut encore que cette entité soit
susceptible de subir un préjudice. Pour qu’il y ait préjudice et donc dommage, il faut qu’il y
ait un droit ou un intérêt qui soient lésés par la violation ou l’inexécution d’une obligation
internationale. Et ce droit ou intérêt doit être détenu par un sujet de droit, « le sujet passif de
la responsabilité » 1479. Mais les engins n’ont pas de personnalité juridique et ne constituent
donc pas un sujet du droit. Les dommages sont causés aux personnes impliquées dans leurs
activités, non à des biens. Dans le même ordre d’idées, c’est également pour cela que la
protection des engins ne peut pas être qualifiée de « diplomatique ». Les obligations
concernant le traitement qu’un Etat doit réserver à des étrangers ne visent en effet pas, selon
la CDI, « le traitement des navires [engins] étrangers en vertu du droit coutumier de la
mer [air/espace]». Les obligations concernant les navires et les « autres moyens de transport
similaires » font partie des obligations concernant le respect de la souveraineté stricto sensu
d’un Etat 1480.
651. Malgré ces observations, nous pensons qu’il n’est pas juridiquement erroné
d’envisager une protection sui generis de l’engin par l’Etat d’immatriculation et de
différencier le préjudice subi par l’ensemble organisé du préjudice subi directement par l’Etat.
Si on raisonne dans le cadre notamment du droit de la mer, l’article 18 du projet de la CDI
peut être analysé comme un premier pas – même s’il est extrêmement timide – dans cette
direction. La Commission inclut en effet dans un projet relatif à la protection diplomatique un

1476
Voy. notamment commentaire de M. SANTULLI qui affirme que « [l]e concept d’un « préjudice causé au
navire », est incompatible avec le droit de la responsabilité, qui conçoit les dommages comme étant causés au
créancier de la responsabilité et non à des biens ». SANTULLI (C.), « Travaux de la Commission du droit
international - cinquante-sixième session », op. cit. note 1396, p. 571.
1477
Rapport de la CDI sur les travaux de la 53ème session, op. cit. note 739, pp. 75 et 76, commentaire de l’article
2.
1478
Article 31 du projet final des articles sur la responsabilité des Etats : « 1. L’Etat responsable est tenu de
réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement illicite 2. Le préjudice comprend tout
dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement illicite de l’Etat » ; Article 36 du projet :
« 1. L’Etat responsable du fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé par ce fait
dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la restitution 2. L’indemnité couvre tout dommage
susceptible d’évaluation financière, y compris le manque à gagner dans la mesure où celui-ci est établi ».
1479
Premier rapport du rapporteur spécial GARCIA AMADOR (F. V.), 8ème session de la CDI, A/CN.4/96,
Annuaire de la CDI, vol. II, 1956, p. 192.
1480
Troisième rapport du rapporteur spécial RIPHAGEN (W.), 34ème session de la CDI, A/CN.4/354, Annuaire
de la CDI, vol. II, 1982, p. 47 et note de bas de page n° 109.

467
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

article relatif au droit de l’Etat du pavillon de demander réparation au bénéfice des membres
d’un équipage lorsqu’ils ont été lésés « à la suite d’un préjudice causé au navire par un fait
internationalement illicite » 1481. L’expression « préjudice causé au navire » est consacrée. La
notion d’une protection de l’équipage, quelle que soit sa nationalité, par l’Etat du pavillon
l’est également. Que l’on décide de l’appeler « droit de réparation » ou autrement, la fonction
reste la même. Certes, le droit de réparation au bénéfice de l’équipage n’équivaut pas à la
protection du navire. Et l’expression « préjudice causé au navire » peut très bien constituer
une formule plus rapide et plus simple que le « préjudice causé directement à l’Etat du
pavillon en raison du préjudice causé au navire de sa nationalité ».
652. Mais d’autres considérations justifiant une telle protection peuvent être retenues. Le
premier rapporteur spécial sur la responsabilité des Etats, en étudiant la notion du « sujet
passif de responsabilité » en 1956, soulignait que la notion de sujet du droit international avait
énormément évolué et que cela influençait la détermination du titulaire du droit ou de l’intérêt
lésé 1482. Plus de 50 ans plus tard, de nouvelles évolutions peuvent être imaginées. Cette
construction n’est, par ailleurs, pas nécessairement en contradiction avec la jurisprudence du
TDIM, qui semble également flexible face à l’acceptation d’un tel concept. Lors de son
argumentation dans l’affaire Saiga 2, le TIDM a soigneusement évité la notion de la
protection, mais revient souvent sur celle du préjudice causé au navire et sur celle de son
unité. S’il considère le dommage subi par celui-ci comme directement causé à l’Etat du
pavillon, il n’exclut pas irrévocablement la solution inverse : « mais même si le Tribunal
accepte la thèse de la Guinée selon laquelle certaines demandes présentées par Saint-
Vincent-et-les-Grenadines au sujet des personnes physiques ou morales ne découlaient pas de
violations directes des droits de Saint-Vincent-et-les-Grenadines […] » 1483.
653. Il semble donc possible d’envisager une protection sui generis exercée par l’Etat du
pavillon lorsqu’un navire, en tant qu’ensemble organisé, est lésé. Si l’Etat du pavillon du
navire peut exercer sa protection, c’est bien en raison du lien de rattachement existant entre
l’un et l’autre, qui est créé par l’immatriculation et non pas par la nationalité du propriétaire
ou de l’équipage. Le même principe se cache derrière l’action de la prompte mainlevée
concernant un navire ayant fait l’objet d’une confiscation1484. L’Etat du pavillon, responsable

1481
Article 18 du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la CDI en deuxième lecture le 30 mai
2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, p. 39.
1482
Premier rapport du rapporteur spécial GARCIA AMADOR (F. V.), op. cit. note 1479, p. 193.
1483
Arrêt Saiga 2, § 99.
1484
Cf. opinion individuelle émise par le juge TREVES dans l’affaire du Grand Prince (TIDM, Affaire du Grand
Prince, op. cit. note 525), p. 1 § 1. M. TREVES affirme que « [l’]article 292 de la Convention établit, à des fins
limitées, une forme de protection diplomatique. En présentant une demande de mainlevée, l’Etat du pavillon

468
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

lato sensu du navire, doit également pouvoir le protéger. En théorie, il en va de même pour la
protection des aéronefs et des objets spatiaux dont la nature juridique peut être considérée
comme identique à celle des navires. Leur protection serait également fondée sur le
rattachement créé par l’immatriculation. Le cas échéant, le dommage causé à l’engin serait
« l’équivalent » du dommage causé au national d’un Etat ou à une société ayant sa nationalité
et non du dommage directement causé à l’Etat.
654. Prenons l’exemple d’un navire de commerce illégalement coulé en haute mer par un
navire de guerre étranger. Dans un tel cas, on peut considérer qu’il s’agit là de la violation
d’un droit qui est propre à l’Etat du pavillon (liberté de navigation en haute mer des navires
battant son pavillon) lui causant un dommage direct, et non de la violation d’un droit d’un
« national » de l’Etat. Il n’y a alors prima facie aucune raison d’invoquer un droit de
protection au bénéfice du navire. L’Etat est directement lésé par le fait illicite d’un Etat tiers.
Mais le même incident a causé un préjudice au propriétaire, à l’équipage et aux éventuels
passagers. En ce qui concerne ces préjudices, de deux choses l’une. Soit seuls les Etats de
nationalité de chacun d’entre eux exercent leur protection diplomatique face à l’Etat tiers. Soit
le navire, malgré le fait qu’il n’a pas de personnalité juridique, sera traité, par une fiction
analogique, de manière similaire aux personnes morales 1485 : en tant que «entité collective
ayant la nationalité » de l’Etat du pavillon qui exercera à son égard une protection
générale 1486. Dans ce cas, la protection ressemble plus à la protection diplomatique, le
préjudice causé au « national » étant un préjudice causé indirectement à l’Etat lui-même. Les
réclamations de l’Etat de nationalité des membres de l’équipage ou du propriétaire devraient,

prend à son compte une prétention d’ordre privé de personnes ayant un lien avec l’Etat du pavillon par le biais
de la nationalité du navire. Ceci devient encore plus évident lorsque l’on prend en considération le fait que la
demande peut également être présentée directement par les personnes privées intéressées « au nom » de l’Etat
du pavillon ». L’article 292 § 2 de la convention de Montego Bay stipule : « La demande de mainlevée ou de
mise en liberté ne peut être faite que par l’Etat du pavillon ou en son nom ». Selon les enseignements de M.
WOLFRUM (Academie de Rhodes, juillet 2005) la disposition « en son nom » a été rajoutée pour permettre aux
propriétaires des navires battant de pavillon de complaisance d’intervenir, lorsque les autorités compétences ne
le font pas.
1485
Voy. CIJ, Affaire Barcelona Traction, op. cit. note 349, pp. 48-50. Voy. également articles 9 à 13 du rapport
de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 53-71.
1486
Contra WATTS qui souligne que, le navire n’ayant pas de personnalité juridique, on ne peut pas parler
d’attribution de « nationalité », ni considérer cette dernière comme le lien entre le navire et l’Etat qui forme la
base de la protection de la part d’Etat. L’auteur propose comme bases alternatives du droit de l’Etat de protéger
son navire : l’immatriculation, le pavillon (qu’il écarte par la suite) ou la propriété nationale (la seule qu’il retient
comme valable). Il conclut que le droit d’un Etat de protéger un navire ne suit pas forcement la possession de la
« nationalité » dudit Etat. Il affirme que ni l’immatriculation ni le pavillon ne sont acceptés par la pratique en
tant que bases de protection, alors que la nationalité du propriétaire peut être en accord avec les règles
concernant l’exercice de protection des navires de commerce. Malgré l’intérêt de son article qui constitue une
référence sur la question de la protection par l’Etat du pavillon, ses conclusions sont datées historiquement et ne
correspondent pas à l’évolution du droit de la mer. WATTS (A. D.), «The Protection of Merchant Ships », op.
cit. note 1393, pp. 54-56 et 84.

469
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

dès lors, être considérées comme subsidiaires. Mutatis mutandis, les mêmes observations
pourraient s’appliquer à propos de la protection d’un aéronef civil ou d’un objet spatial
abattus par un Etat tiers.
655. Force est néanmoins de constater qu’il n’est pas évident d’opter pour cette solution,
dès lors que l’absence de personnalité juridique de ces engins ne peut pas facilement être
méconnue, en ayant recours à la fiction selon laquelle ils sont traités comme des personnes
qui ont la « nationalité » d’un Etat et qui peuvent « subir » un dommage. Cette difficulté
majeure a conduit la CDI à adopter un article dont le commentaire n’apporte pas de réelles
clarifications. Elle a choisi d’ignorer la fonction du lien de rattachement du navire à l’Etat du
pavillon, la nature d’ensemble organisé de cet engin et l’unité du concept du rattachement des
engins dans le droit international. Il semble qu’elle aurait pu cependant consacrer un droit plus
général de « protection » par l’Etat d’immatriculation, en adoptant une argumentation qui est
certes audacieuse mais qui ne paraît pas nécessairement condamnable en théorie au vu du
développement progressif du droit international. Reste à savoir si elle aurait dû le faire.
656. Avant d’envisager cette dernière – et qui n’est pas la moindre – question, certaines
clarifications supplémentaires doivent être apportées en ce qui concerne le concept des
ensembles organisés. Le choix de la CDI, qui suit sur ce point l’avis du rapporteur spécial, de
limiter le droit de l’Etat du pavillon à une demande de réparation au nom de l’équipage, en
écartant les autres éléments de l’ensemble organisé qui pourraient ouvrir la voie vers une
« protection » généralisée de la part dudit Etat doit en effet être examiné. Si l’on retient la
définition de l’ensemble organisé, incluant les propriétaires, l’équipage et les passagers, le
droit de l’Etat du pavillon de protéger le navire pourrait lui attribuer un droit de réparation au
bénéfice de toutes ces personnes et pas uniquement de l’équipage. Mais les propriétaires, à la
fois du navire et des marchandises transportées, ne sont pas mentionnés par le rapporteur.
Quant aux passagers, il considère la question de leur protection rapidement, avant de l’écarter.
En effet, il souligne que le lien permanent entre l’équipage et l’Etat du pavillon, à la
juridiction duquel ledit équipage se soumet, justifie sa protection, ce qui n’est pas le cas pour
les passagers. Le lien de ces derniers avec l’Etat d’immatriculation est « plus limité et
temporaire » 1487. Ils doivent donc solliciter la protection de leur Etat de nationalité.
657. L’argumentation peut sembler convaincante d’un point de vue pratique, mais elle
restreint la notion d’ensemble organisé et limite l’importance du rattachement créé par
l’immatriculation ; elle est donc en contradiction avec la construction sur laquelle s’appuie

1487
Septième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1408, p.
32.

470
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

l’idée d’une « entité » qui est liée à un Etat par sa « nationalité ». Pour qu’elle soit
juridiquement correcte, il est nécessaire d’exclure les passagers de l’être collectif « navire ».
Si on les inclut, la protection du pavillon devrait les inclure également. Il faudrait donc
redéfinir le concept de l’ensemble organisé, en écartant les passagers. En ce qui concerne les
propriétaires, force est de constater que si les biens (navire et marchandises) et l’équipage sont
toujours considérés comme faisant partie du groupement « navire », rien n’est dit sur les
propriétaires de ces biens. Mais un préjudice ne pouvant pas être causé à un simple bien
meuble sans personnalité juridique (on accepte la fiction que le « navire » peut subir un
préjudice en raison de la particularité de sa nature et de sa « nationalité », cette fiction ne
pouvant pas couvrir également les marchandises ou la coque), derrière le bateau ou la
cargaison apparaissent inévitablement les personnes physiques ou morales qui les détiennent.
La même problématique s’impose dès lors. Si on accepte que les propriétaires soient parties à
l’ensemble organisé, la protection du pavillon doit les couvrir.
658. Mais si on les écarte, que reste-il de la notion de l’ensemble organisé ? Uniquement
l’équipage, ce qui rejoint les conclusions de la CDI et du rapporteur. Mais cela dénature la
notion étudiée et réduit substantiellement la raison d’être du lien entre le navire et l’Etat de sa
« nationalité ». Si on accepte l’utilité de la notion de l’ensemble organisé, il convient donc
d’appliquer cette notion dans tous les domaines relatifs à la vie du navire. La protection
exercée par l’Etat du pavillon – si elle est admise comme pertinente – devrait dès lors couvrir
également, de manière non exclusive mais prioritaire, les propriétaires et les passagers. Si ce
n’est pas le cas, il est inutile de parler de protection par l’Etat du pavillon ; la protection
diplomatique classique de l’Etat de nationalité des propriétaires combinée avec le droit de
réparation des marins représentés par l’Etat tel que le conçoit la CDI - dans un projet tout de
même sur la protection diplomatique - devraient suffire.
659. Mutatis mutandis, la protection de l’Etat d’immatriculation pourrait s’étendre aux
passagers des aéronefs. Les observations concernant les passagers des navires s’appliquent
également à ceux des avions. Si les passagers sont compris dans la définition de l’aéronef en
tant qu’ensemble organisé, la protection exercée par l’Etat d’immatriculation doit être retenue.
Si cette définition se limite aux personnes directement liées à l’activité commerciale de
l’engin (propriétaires, opérateurs), les passagers peuvent en revanche être exclus. Le cas
échéant, leur protection diplomatique dépendra uniquement de leur Etat de nationalité.
660. Quant aux objets spatiaux, la situation est plus particulière, dès lors que les vols ne
sont pas toujours habités, que la distinction entre personnes à bord et équipage n’est pas
suffisamment claire et que la présence étatique demeure prépondérante dans l’industrie

471
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

spatiale. Mais aucune de ces observations n’exclut la possibilité d’une transposition des
observations effectuées à propos des navires/aéronefs aux objets spatiaux de l’avenir, s’ils
sont utilisés comme moyens de transport, formant des « ensembles organisés » avec
l’équipage, les passagers et la cargaison transportés.

B. La non application des principes de la protection diplomatique

661. Quand bien même le droit de protection de l’Etat d’immatriculation serait accepté
comme juridiquement et pratiquement pertinent, ce droit constituerait une institution sui
generis et non une espèce de protection diplomatique appliquée aux engins. L’application des
principes de la protection diplomatique est en effet, en tout cas pour partie, inadaptée pour
assurer la protection des engins. Si des solutions théoriques peuvent être envisagées pour
l’épuisement des recours internes et pour la continuité de la nationalité, leur mise en œuvre,
du moins pour le premier, sera sans doute problématique. S’agissant des sociétés qui
constituent également des « êtres collectifs », l’analogie avec la protection diplomatique des
individus est courante. Le droit d’exercer cette protection appartient à l’Etat du siège et
l’épuisement des voies de recours internes est consacré par la jurisprudence 1488. En outre,
l’Etat de nationalité des actionnaires d’une société ne peut, en principe, pas exercer sa
protection diplomatique à l’égard des actionnaires lorsqu’un préjudice a été causé à la
société 1489. Les engins ayant la « nationalité » de l’Etat d’immatriculation et formant une
entité avec les personnes impliquées dans leur activité, la même solution pourrait être
soutenue en théorie, mais elle est très difficile à mettre pratiquement en œuvre.
662. En ce qui concerne l’épuisement des voies de recours internes par exemple, il
conviendrait de savoir qui doit agir pour le compte de l’engin. La réponse évidente semble
être le propriétaire, ou l’opérateur lorsque la gestion quotidienne de l’engin n’appartient plus
au propriétaire. Mais des raisons techniques expliquent l’absence d’une telle pratique. Dans le
contexte du shipping international notamment, avec des phénomènes tels que les single ship
compagnies, les sociétés cachant les bénéficiaires effectifs, la complaisance et les
affrètements coque nue, il semble difficile de désigner la personne qui devrait agir pour un

1488
CPJI, affaire Usine de Chorzow, compétence, arrêt du 26 juillet 1927, CPJI, série A, n° 9, p. 25 ; CPJI,
affaires Emprunts serbes et emprunts brésiliens, arrêts du 12 juillet 1929, CPJI, série A, n° 20, p. 29 et n° 21, p.
101 ; CPJI, affaire Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt du 28 février 1939, CPJI série A/B, n° 76, p. 16 ;
CPJI, affaire Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, exception préliminaire, arrêt du 4 avril 1939, CPJI
série A/B, n° 77, p. 79 ; CIJ, affaire Interhandel, exceptions préliminaires, arrêt du 21 mars 1959, Rec. CIJ 1959,
pp. 27-29, CIJ, affaire Elettronica Sicula S.p.A (ELSI), arrêt du 20 juillet 1989, Rec CIJ. 1989, pp. 42-48, §§ 49-
63.
1489
Article 11 du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la CDI en deuxième lecture le 30 mai
2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, p. 59.

472
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

navire. Il en va de même pour les aéronefs, dont les propriétaires sont placés en second plan,
derrière les compagnies aériennes qui les exploitent. Si des solutions théoriques rendant,
hypothétiquement, possible l’application de la règle de l’épuisement des voies de recours
internes en matière de protection des engins existent, elles semblent irréalistes, tant elles sont
inadaptées au shipping international ou à l’industrie aérienne.
663. Un autre problème pratique tient au fait que, si le préjudice est subi par l’équipage, le
propriétaire, apparent ou effectif, peut ne pas être désireux d’agir pour épuiser les voies de
recours internes. Or, le droit d’agir ne peut pas être reconnu à l’ensemble des personnes à
bord. Il n’est pas facile non plus d’y voir l’équivalent d’une exception à l’épuisement des
recours internes. L’inaction du propriétaire ou du gérant ne rend pas les recours internes
indisponibles ou inefficaces 1490. La seule exception possible serait donc celle d’une
« personne lésée manifestement empêchée d’exercer les recours internes » 1491. Mais il n’en
paraît pas moins difficile d’accepter que le cas examiné entre dans le champ d’application de
cette exception. Si l’épuisement des recours s’avère impossible, le droit du marin à une
réparation, tel qu’il est conçu par la CDI, retrouverait son utilité entière. Dans son
commentaire de l’article 18 la Commission souligne en effet que le droit de réparation de
l’Etat du pavillon naît également du préjudice découlant du préjudice causé au navire et
mentionne notamment l’illégale arrestation ou détention de l’équipage après un
arraisonnement illicite du navire lui-même 1492.
664. Concernant cette dernière problématique, une solution pourrait en revanche être
trouvée dans une analogie avec les règles relatives à la protection diplomatique des sociétés. A
priori, c’est à l’Etat de la nationalité de la société, et non pas des actionnaires, d’exercer la
protection diplomatique lorsque le dommage est causé à la société. Cependant, si une atteinte
est directement portée aux droits des actionnaires en tant que tels, l’Etat de leur nationalité
sera en droit d’exercer sa protection 1493. Dans le même sens, lorsque le dommage est causé à
l’engin et affecte, indirectement, les droits des personnes impliquées, ce serait à l’Etat
d’immatriculation – de manière peut-être non exclusive comme pour les sociétés, mais tout de
même prioritaire – d’exercer sa protection. En revanche, si une atteinte est portée directement
aux droits d’une de ces personnes, notamment à l’équipage, l’Etat de sa nationalité devra

1490
Voy. article 15 al. a) du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la CDI en deuxième
lecture le 30 mai 2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, p. 21.
1491
Ibidem, article 15 al. d).
1492
Rajouté en § 9 au commentaire de 2006, alors qu’il n’existait pas au commentaire de 2004. Rapport de la
CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, p. 97.
1493
Articles 11 et 12 du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la CDI en deuxième lecture le
30 mai 2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 59 et 67.

473
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

pouvoir agir. Cela correspond parfaitement à l’article 18 du projet qui stipule que la protection
diplomatique exercée par l’Etat de nationalité des membres de l’équipage n’affecte pas le
droit de l’Etat du pavillon de demander réparation.
665. Encore une fois, la réalité peut rendre caduques ces considérations. Prenons
l’exemple d’un navire battant pavillon de complaisance. Les pays de libre immatriculation
n’imposant pas d’exigences relatives à la composition de l’équipage, dans la majorité des cas
ses membres « sont aujourd’hui originaires d’Etats politiquement et économiquement faibles
dont la réputation en matière de droits de l’homme n’est pas brillante et qui ne se soucient
guère de protéger leurs nationaux, qui n’ont plus de contacts étroits avec eux parce qu’ils
sont employés sur des navires étrangers, ayant subi des dommages au service de navires
étrangers » 1494. Si l’Etat de nationalité des marins n’agit pas pour les protéger, leur dernier
espoir serait l’Etat du pavillon. Malgré la vision relativement optimiste du rapporteur général,
les pays de libre immatriculation ne seront toutefois pas toujours « plus soucieux de protéger
les membres d’équipage que ne le sont généralement les Etats nationaux » 1495. Les membres
de l’équipage restent alors sans protection… Mais l’inefficacité éventuelle des normes n’est
pas une raison suffisante pour conclure à leur inexistence. Ce qui est certain, c’est que si la
protection de l’engin coexiste avec la protection diplomatique classique, toute personne
impliquée dans l’activité de l’engin aura plus de chances de bénéficier de la protection d’un
Etat.
666. Quant à l’application de la règle de la continuité de la nationalité, elle semble
également assez ambiguë. L’Etat d’immatriculation doit pouvoir conserver son droit d’action,
notamment en cas de confiscation de l’engin par les autorités d’un Etat tiers, même si cette
dernière a entraîné un changement de propriété. En revanche, si le changement
d’immatriculation est volontaire entre la date de l’acte illicite et le dépôt de la demande, seul
l’Etat d’immatriculation actuel doit pouvoir agir. Le TIDM a déjà examiné la question de la
qualité d’Etat du pavillon en tant qu’Etat demandeur à la date du fait illicite1496, mais
uniquement dans le cadre d’affaires de prompte mainlevée. Il a exigé que la qualité d’Etat du
pavillon soit démontrée lors de la demande de prompte mainlevée 1497. Mais ces affaires ne
permettent guère de tirer de conclusions quant au principe étudié, dès lors que l’article 292 de
1494
Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John DUGARD, op. cit. note 1379,
p. 31.
1495
En effet, le rapporteur observe que « parfois l’Etat du pavillon est un Etat qui octroie des pavillons de
complaisance et ne se soucie guère des équipages des navires battant son pavillon. Néanmoins, les Etats en
question doivent protéger leur réputation de fournisseurs de pavillons de complaisance, et ceci peut les amener
à protéger les membres d’équipage étrangers ». Ibidem, p. 31.
1496
Arrêt Saiga 2, § 183.
1497
TIDM, affaire du Grand Prince, op. cit. note 525, § 93.

474
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

la convention de Montego Bay prévoit explicitement que l’Etat demandeur doit être
uniquement l’Etat du pavillon.
667. Il serait alors possible d’écarter l’application des principes de la protection
diplomatique, ou du moins de l’épuisement des voies de recours internes qui semble plus
problématique et moins adapté aux engins que la continuité de la nationalité, sans en faire
autant pour le concept de la « protection ». La protection des engins étant conçue comme une
protection sui generis, les règles relatives à la protection diplomatique « classique » des
individus et des sociétés n’auraient pas à s’appliquer. Dès lors qu’on parle néanmoins de
protection, peut-on toutefois écarter la règle de l’épuisement des recours internes ? Il nous
semble que oui. Des exceptions à ce principe existent en droit international 1498. Il n’y aucune
raison valable d’interdire que la protection particulière de l’engin par l’Etat d’immatriculation
en fasse partie. Quant au principe de la continuité de la nationalité, il pourrait s’avérer plus
adapté aux besoins de l’institution particulière de la protection des engins.
668. En fin de compte, il n’y a pas de différence pratique substantielle entre l’affirmation
d’un droit de protection de l’engin par l’Etat d’immatriculation, non soumis aux principes de
la protection diplomatique en raison de sa particularité, et d’un simple droit d’agir en
réparation du même Etat en raison d’un préjudice porté à l’ensemble organisé. La différence
est plutôt terminologique et théorique, étant donné que la première notion semble mieux
respecter le rôle du rattachement de l’engin à l’Etat de sa « nationalité », en faisant de la
protection un de ses effets juridiques, alors que la deuxième lui dénie toute importance en
traitant l’engin comme un instrument de l’Etat. Dans ce dernier schéma, tout engin, pour les
besoins de la protection, devient en quelque sorte un engin public. La qualification du droit
d’agir de l’Etat du pavillon comme une « protection » nous semble à ce titre préférable.
669. Il est dès lors théoriquement possible d’envisager la protection des engins comme
une institution autonome du droit international. L’ensemble organisé n’a pas de personnalité
juridique mais, par des fictions juridiques analogiques, on lui reconnaît indirectement des
droits et des obligations 1499. S’il ne constitue pas une personne, il n’est certainement pas un
bien quelconque. La théorie de la « quasi-personnalité » juridique du navire est, d’ailleurs,
fondée sur cette affirmation. Il a une « nationalité », puisqu’il y a rattachement à un Etat.
Pourquoi exclure alors qu’il puisse subir un préjudice ? Il s’agira de tout préjudice causé au

1498
Article 15 du projet d’articles sur la protection diplomatique adopté par la CDI en deuxième lecture le 30 mai
2006 ; Rapport de la CDI sur les travaux de la 58ème session, op. cit. note 331, pp. 78-88.
1499
Voy. par exemple article 53 § 2 de la convention de Montego Bay : « Tous les navires et aéronefs jouissent
du droit de passage archipélagique par ces voies de circulation et ces routes aériennes » et article 92. Voy.
également LUCCHINI (L.) & VOELCKEL (M.), Droit de la mer, op. cit. note 13, pp. 43 et 44.

475
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

navire ou à tout autre type d’engin, à ses propriétaires et exploitants, aux propriétaires de la
cargaison, ainsi qu’aux membres de l’équipage et autres personnes qui se trouvent à bord. Si
ce préjudice est établi, l’Etat d’immatriculation aura le droit d’exercer sa protection sui
generis. S’il est opportun de considérer le dommage subi par un navire ou un aéronef de
guerre comme un dommage directement subi par l’Etat en raison de leur lien particulier 1500, il
n’en va pas de même pour les navires ou aéronefs civils qui se rapprochent bien plus des
intérêts privés que publics. Derrière tout dommage subi par l’engin, on retrouve une personne
physique ou morale : les propriétaires, les membres de l’équipage, les passagers ou même
l’Etat. L’intérêt de la notion de préjudice causé à l’engin réside, justement, dans le fait de
regrouper les dommages causés à chacune de ces personnes qui font partie de l’ensemble
organisé, lequel se rapproche ainsi d’un être juridique collectif analogue à une société. Il reste
néanmoins à se demander si ce souci de regrouper les dommages causés et par conséquent les
demandes de réparation présente une véritable utilité au vu de la situation actuelle dans le
droit de la mer, de l’air et de l’espace.

§ 2. L’utilité incertaine de la notion de la protection des engins dans l’état actuel du droit
international

670. Si une construction théorique relative à la protection des engins par leur Etat
d’immatriculation semble défendable, il est incontestable qu’elle complique significativement
le droit de la responsabilité et de la protection diplomatique, en y ajoutant ces
nouveaux concepts. Accepter que le titulaire d’un droit puisse ne pas être un sujet de droit,
même s’il s’agit d’une exception toute particulière en raison du statut spécifique des
ensembles organisés, constitue une proposition audacieuse, révolutionnaire – peut-être même
potentiellement dangereuse. Il n’est donc pas étonnant que le TIDM et la CDI aient choisi de
l’éviter. Par ailleurs, un droit de protection de l’engin reconnu dans le chef de l’Etat
d’immatriculation n’est pas forcément adapté à la réalité du monde actuel.
671. Certes la notion de la protection du navire et, plus généralement, de tout engin
rattaché à un Etat semble, de prime abord, avoir une certaine utilité. Si le droit de la
responsabilité s’applique sans difficulté lorsque le dommage causé à l’engin peut être

1500
Voy. pour un argument a contrario VERHOEVEN (J.), « Considérations sur ce qui est commun », RCADI, t.
334, 2008, p. 185 où l’auteur souligne : « est immédiatement imputable à l’Etat au sens du droit international le
dommage causé aux choses à l’aide desquelles il exerce ses attributs proprement étatiques, qu’il s’agisse par
exemple de navires de guerre, de bâtiments administratifs ou de la résidence privée de ses diplomates. En
revanche, il ne lui paraît pas immédiatement imputable le dommage causé aux choses dont il a la propriété ou la
jouissance lorsqu’elles n’en relèvent pas ».

476
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

considéré comme une violation directe des droits de l’Etat d’immatriculation, cela n’est pas
toujours le cas. Il faudra alors impliquer inévitablement soit l’Etat de nationalité de chaque
personne lésée (propriétaires, exploitants, passagers) soit – lorsque l’équipage est lésé et dans
le cas des navires uniquement, en vertu du projet de la CDI – l’Etat d’immatriculation, voire
même les deux. Cette solution est problématique. En paraphrasant le TIDM, la multiplicité
des intérêts qui peuvent être liés à un seul engin nécessite un traitement uniforme des
demandes qui en résultent ; l’Etat d’immatriculation reste le mieux placé à cette fin 1501 dès
lors que « si chacune des personnes ayant subi un préjudice devait se trouver dans
l’obligation de rechercher une protection auprès de l’Etat dont cette personne a la
nationalité, il s’ensuivrait une épreuve injustifiée » 1502. Les catastrophes aériennes pouvant
causer la mort de nombreuses personnes de nationalité différente 1503, l’intérêt d’envisager une
seule action, engagée par l’Etat d’immatriculation au nom de toutes les victimes quelle que
soit leur nationalité est tout aussi manifeste, même s’il peut être difficile de concilier les
intérêts de chacun des Etats intéressés. D’une manière générale, la multitude des acteurs et
des intérêts impliqués dans les activités des engins peut entraîner la quasi-impossibilité d’un
règlement global en cas d’incident si la protection lato sensu de l’Etat d’immatriculation n’est
pas admise dans le droit international.
672. Un autre argument, tenant à la liberté des propriétaires d’immatriculer leurs engins
dans le pays de leur préférence, peut être soulevé. Tant que la protection diplomatique de
l’Etat de nationalité du propriétaire ou de l’opérateur n’est pas substituée à celle de l’Etat de
l’immatriculation, ceux-ci ne risquent pas d’avoir à assumer les conséquences de leur choix
d’immatriculer leur engin auprès d’un pays de législation libérale, voire laxiste. Ils pourront
tirer tout profit de la libre immatriculation, sans courir le risque d’une défaillance de l’Etat

1501
Dans un sens analogue, voy. l’argumentation de la CIJ dans Barcelona Traction, concernant le droit de l’Etat
de nationalité des actionnaires d’exercer sa protection diplomatique à la place ou parallèlement à l’Etat de
nationalité de la société : « 96. La Cour considère que l’adoption de la thèse de la protection diplomatique des
actionnaires comme tels, en ouvrant la voie à des réclamations diplomatiques concurrentes, pourrait créer un
climat de confusion et d’insécurité dans les relations économiques internationales. Le danger serait d’autant
plus grand que les actions des sociétés ayant une activité internationale sont très dispersées et changent souvent
de mains. On pourrait peut-être faire valoir que, si le droit de protection revenant aux Etats nationaux des
actionnaires n’était considéré que comme subsidiaire par rapport à celui de 1’Etat national de la société, le
risque d’inconvénients de la nature envisagée serait moindre. Toutefois la Cour doit constater que l’essence
d’un droit subsidiaire est de ne prendre naissance qu’au moment où le droit original cesse d’exister. Comme le
droit de protection revenant à l’Etat national de la société ne saurait être tenu pour éteint du fait qu’il n’est pas
exercé, il n’est pas possible d’admettre qu’en cas de non-exercice les Etats nationaux des actionnaires auraient
un droit de protection subsidiaire par rapport à celui de 1’Etat national de la société. » CIJ, Affaire Barcelona
Traction, op. cit. note 349, p. 49.
1502
Arrêt Saiga 2, §107.
1503
L’accident récent de l’airbus A 330-200, exploité par Air France, qui a disparu dans les eaux internationales
la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, ayant à son bord 216 passagers et 12 membres d’équipage, constitue,
malheureusement, un exemple typique.

477
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

d’immatriculation choisi 1504. Il peut donc paraître non seulement opportun mais de plus
nécessaire d’accepter la protection de l’engin par l’Etat d’immatriculation et de l’appliquer,
dans la pratique, de manière prioritaire dans un souci de « responsabilisation » des
propriétaires/opérateurs qui y réfléchiront à deux fois avant de choisir le pays de la plus faible
taxation, s’ils savent que ce dernier sera appelé à les « protéger ». Bien évidemment, malgré
l’intérêt de ces considérations, il ne faut pas perdre de vue le fait que toute évolution dans ce
sens ne peut se réaliser qu’avec l’accord des Etats qui doivent s’engager dans des traités
internationaux, ce qu’ils ne semblent pas prêts à ce faire. Mais cela ne signifie pas que
l’opportunité d’une telle protection d’un point de vue pratique ne doive pas être soulignée.
673. Une canalisation des demandes de réparation et la « punition » de facto des
propriétaires irresponsables semblent être les deux fonctions pratiques principales d’un droit
de protection de l’engin reconnu à l’Etat d’immatriculation et dépassant la simple protection
de l’équipage. Si la première fonction est commune au droit de la mer et de l’air – et qu’elle le
deviendra au droit spatial au vu de la privatisation – la seconde ne semble actuellement
intéressante que dans le monde du shipping international. Si l’on parle des réalités de chaque
branche, les solutions optimales ne sont peut-être pas forcément uniformes. Prenons
l’exemple des aéronefs et – surtout – des objets spatiaux pour lesquels le droit de réparation
au nom de l’équipage n’a pas été codifié et examinons en les raisons. Elles sont, d’abord,
d’ordre pratique. L’arraisonnement ou la saisie illégales d’un aéronef ou d’un objet spatial et
la détention subséquente de leurs équipages sont assez improbables ; ce qui n’est pas le cas
des navires. Toute intervention d’un Etat tiers à bord d’un aéronef ou d’un objet spatial en vol
semble également exclue. Il peut donc paraître inutile de compliquer le régime de ces engins
en ayant recours à la notion de la protection de l’équipage. Il en va de même en ce qui
concerne les objets spatiaux et la notion de la protection de l’ensemble organisé, puisque,
comme nous l’avons vu, les engins spatiaux sont ceux qui se rapprochent le moins de ce
concept. Pour ces derniers engins, l’exclusion de la protection par l’Etat d’immatriculation
peut également s’appuyer sur des justifications tant théoriques que systémiques. Toute notion
de « nationalité », certes employée par fiction analogique pour les navires et les aéronefs mais
employée tout de même, a été écartée pour ce qui concerne les objets spatiaux ; l’emploi d’un
concept pouvant ressembler à la protection diplomatique ne peut paraître que superflu et hors
contexte. Ce n’est plus la « nationalité » qui crée le lien de rattachement entre l’Etat et son

1504
Dans ce sens voy. DRAPIER (S.), « Les pavillons de complaisance concurrencés : la promotion du pavillon
bis français », op. cit. note 593, p. 6.

478
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

engin mais tout simplement son immatriculation, voire son lancement 1505. Même si nous
n’adhérons pas à la théorie en vertu de laquelle il y aurait une différence de nature entre les
objets spatiaux d’une part et les navires/aéronef d’autre part, le fait que toute notion de
« nationalité » a été délibérément évitée à propos des premiers semble justifier l’absence, dans
la doctrine, de toute référence à leur protection.
674. En bref, de deux « fonctions » utiles de la protection des navires susmentionnées,
seule la première conserve sa pertinence à propos des aéronefs, alors qu’aucune de deux ne
trouve actuellement à s’appliquer aux objets spatiaux. Le droit de réparation au bénéfice de
l’équipage semble, par ailleurs, moins indispensable dans ces deux branches, compte tenu des
réalités des milieux aérien et extra-atmosphérique. Cette analyse ignore certes un aspect très
important de ce qu’on se permet ici de regrouper sous le terme général de «droit des
ensembles organisés affectés à la navigation internationale». Il est, en effet, inopportun de
considérer les rapports Etat du pavillon-navire, Etat d’immatriculation-aéronef et Etat
d’immatriculation-objet spatial, comme trois régimes juridiques complètement différents1506.
Ils ont en commun le lien rattachant l’engin à l’Etat sur le registre duquel il est inscrit, lien
dont découlent les droits et les obligations de cet Etat et qui remplit les mêmes fonctions –
avec une intensité au variable – pour les trois types de véhicules. L’utilité de l’unité de ce
concept de rattachement est incontestable et permet des rapprochements entre le droit de la
mer, de l’air et de l’espace extra-atmosphérique. Si cette unité est affirmée, le rattachement
devrait conférer le même type de droits généraux aux Etats d’immatriculation, même si leur
mise en œuvre peut varier en fonction des besoins de chaque espace et de chaque type de
véhicule.
675. La position de la CDI et de son rapporteur spécial nous semble donc erronée et prête
sans doute à confusion 1507 ; en se fondant uniquement sur des considérations et observations
pratiques, ils ont affirmé un droit pour l’Etat du pavillon des navires sans en faire autant pour

1505
Sur ce sujet voy. CHENG (B.), « Space Objects and Their Various Connecting Factors », op. cit. note 761,
pp. 203-215 et CHENG (B.), « Nationality for Spacecraft ? », op. cit. note 4, pp. 203-217.
1506
Cf. commentaire de M. MATEESCO-MATTE sur les « liens de parenté qui existent et doivent exister entre
le droit maritime, le droit aérien et le droit extra-atmosphérique ». MATEESCO-MATTE (M.), « Droit
maritime, droit aérien, droit extra-atmosphérique et droit international : quel rapport ? », ADMA, vol. 5, 1980, p.
302.
1507
Voy. par exemple l’opinion dissidente émise par le juge COT sous l’ordonnance du TIDM du 23 décembre
2010 relative à la demande de prescription de mesures conservatoires dans le cadre de l’affaire Louisa (op. cit.
note 510), p. 8 § 27 : « Saint-Vincent-et-les Grenadines [c’est-à-dire l’Etat du pavillon en l’occurrence] serait
éventuellement en droit d’exercer sa protection diplomatique au profit des propriétaires du « Louisa », voire de
son équipage. La Commission du droit international l’a rappelé en 2006 dans son projet d’articles sur la
protection diplomatique et en particulier en son article 18 ». M. COT paraît induit en erreur par le projet de la
Commission. Il semble en effet confondre la protection du navire avec la protection diplomatique d’une part et le
droit de réparation au nom de l’équipage (reconnu par la CDI) avec un droit de protection lato sensu de
l’ensemble organisé (non affirmé dans le projet) d’autre part.

479
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’Etat d’immatriculation des aéronefs et des objets spatiaux. Il aurait été préférable, d’un point
de vue de cohérence systématique, de reconnaître des droits équivalents à l’égard de tout
engin lié à un Etat par une immatriculation, quitte à ce qu’ils soient – initialement – moins
souvent mis en œuvre dans les deux autres branches. Quant à la question de savoir si elle
aurait dû élargir ce droit de réparation à l’ensemble de l’engin, la réponse est moins évidente.
La protection lato sensu de l’Etat d’immatriculation peut avoir une certaine utilité, mais elle
n’est pas indispensable et semble difficile à mettre en œuvre. Et elle est d’autant plus
improbable que les Etats paraissent réticents à s’attribuer un tel droit, car il leur faudrait le
reconnaître également dans le chef de leurs pairs. Le statut quo juridique actuel peut donc être
considéré comme suffisant, étant étendu que le même droit de réparation au nom de
l’équipage doit pouvoir être exercé par l’Etat d’immatriculation d’un aéronef ou d’un objet
spatial, si une situation juridique de cet ordre survient.

Conclusion de la section

676. Si un droit de protection de l’engin exercé par l’Etat de son immatriculation n’existe
pas dans le droit actuel, il semble susceptible de s’inscrire dans le développement progressif
du droit international. Même si les engins n’ont pas de personnalité juridique propre, il est
admis par fiction analogique qu’ils peuvent « subir » des dommages faisant naître dans le chef
de l’Etat d’immatriculation un droit de réparation global endossant toutes les demandes
subsidiaires. En dépit de son intérêt intellectuel, de l’utilité qu’elle pourrait présenter en
termes de canalisation des actions et de l’incitation à choisir des Etats d’immatriculation non
complaisants qu’elle pourrait véhiculer, cette conception semble complexe à mettre en œuvre.
Elle n’est, par ailleurs, pas indispensable dans l’état actuel du droit international. Plus encore,
ni les Etats maritimes, ni les Etats aériens ni les Etats spatiaux ne sont enclins à revendiquer
un tel droit.

Conclusion du second chapitre

677. Le droit de l’Etat d’immatriculation de « protéger l’engin de sa nationalité », souvent


évoqué notamment dans le droit de la mer, ne semble pas correspondre à un droit spécifique
équivalent à celui de la protection diplomatique exercée par l’Etat de nationalité à l’égard des
personnes. Et c’est logique, dès lors que, contrairement à la nationalité des individus qui a
pour raison d’être principale, nous l’avons vu, la protection des intérêts des Etats à travers
celle de leurs nationaux, le rattachement des engins aux Etats vise plus spécifiquement la

480
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

protection des victimes des activités de ces ensembles organisés. Il faut donc voir dans cette
formule une expression générale du droit de l’Etat d’immatriculation d’exercer sa compétence
sur l’engin, de le surveiller et d’exiger que les Etats tiers n’interviennent pas dans ses
activités. Lorsque des dommages sont causés à un « ensemble organisé », ils peuvent être
considérés dans certains cas comme directement subis par l’Etat d’immatriculation, qui peut
demander une réparation à cet égard. Dans le cas contraire, c’est à l’Etat de nationalité de
chaque personne concernée qu’il appartient d’exercer la protection diplomatique classique.
678. Il existe, en revanche, au bénéfice de l’Etat du pavillon un droit de demander
réparation au nom de l’équipage du navire pour les préjudices subis par celui-ci, quelle que
soit la nationalité de chaque marin. Ce droit particulier est justifié par les besoins spécifiques
du milieu marin, notamment par le fait que les voyages maritimes sont longs et que le lien
entre les marins et l’Etat du pavillon est considéré comme permanent. Il permet, en outre, de
surmonter la défaillance des Etats de nationalité des marins provenant des pays politiquement
et économiquement faibles. Ces observations n’impliquent cependant pas qu’une
différenciation qualitative puisse être établie entre l’équipage des navires et celui des aéronefs
et des objets spatiaux. Pour des raisons de cohérence juridique quant à l’unité du rattachement
des engins aux Etats et dans un souci d’anticipation des évolutions futures dans le droit de
l’air et de l’espace, le même droit de réparation devrait donc être reconnu dans le chef de
l’Etat d’immatriculation de ces deux catégories d’engins.
679. Un droit de protection lato sensu ne semble en revanche nécessaire pour aucune des
trois branches. Un tel droit ne serait opportun que si l’Etat d’immatriculation conservait – ou
acquérait dans le droit de l’air – un rôle suffisamment central pour justifier une mise à l’écart
de tous les Etats de nationalité des personnes impliquées dans les activités des engins. Mais le
développement de l’industrie maritime, aérienne ou spatiale et sa privatisation accrue
semblent plutôt esquisser une évolution contraire.

Conclusion du second titre

680. L’étude des droits découlant du rattachement entre les engins et les Etats souligne
que l’Etat d’immatriculation n’est pas, ou plus, l’acteur hégémonique régulant tous les aspects
de la vie de l’ensemble organisé. Il n’a jamais été l’axe central des règles gouvernant le droit
de l’air ; même dans les droits de la mer et de l’espace – où sa suprématie fut longtemps
incontestable – le rôle de cet Etat s’affaiblit progressivement, alors que ses « concurrents »
voient leurs pouvoirs s’accroître. Il en va ainsi pour son droit le plus important qui est

481
LES POUVOIRS ET DROITS DE L’ETAT D’IMMATRICULATION

l’exercice de sa compétence « personnelle » sur l’engin de sa « nationalité », compétence


qualifiée d’exclusive lorsque l’engin se trouve dans un espace non soumis à une souveraineté
et de concurrente dans le cas contraire. La compétence exclusive subit quelques atténuations,
qui peuvent sembler moindres, mais qui révèlent une tendance à combattre le laxisme des
Etats d’immatriculation par l’implication de nouveaux acteurs. Quant à la compétence
concurrente, elle voit son champ d’application diminuer, dès lors que les Etats territoriaux
détiennent de plus en plus de pouvoirs de contrôle, voire même de juridiction sur l’engin.
681. Le rôle subsidiaire de l’Etat d’immatriculation est encore plus manifeste dans le
domaine de la protection de l’engin. Un droit de réparation pour les dommages causés à
l’ensemble organisé ne lui est pas reconnu par le droit international. Ce sont donc les Etats de
nationalité de chaque personne impliquée dans les activités de l’engin qui prennent le relais, à
moins qu’il ne s’agisse d’un préjudice directement subi par l’Etat d’immatriculation ou, dans
le droit de la mer, par l’équipage du navire. Ce n’est que dans ces deux cas que l’Etat
d’immatriculation est en droit d’agir. Cette situation n’est pas étonnante. Il serait en effet peu
judicieux de reconnaître des droits supplémentaires aux Etats qui ne remplissent pas de
manière effective leurs obligations à l’égard des engins. Tant que le laxisme, la complaisance,
la dissociation entre immatriculation et exercice des juridiction/contrôle ne sont pas
efficacement combattus, il semble inopportun d’accorder à l’Etat d’immatriculation une place
centrale en matière de « protection » de l’engin.
682. Ces observations doivent néanmoins être sérieusement nuancées. Tout d’abord parce
qu’elles ne concernent pas avec la même intensité les trois espaces examinées. S’il convient
de relever les points communs existant entre les trois domaines juridiques envisagés, il est
nécessaire aussi de noter leurs divergences. Le laxisme dénoncé concerne plus généralement –
mais pas exclusivement – le droit de la mer. C’est dans ce domaine principalement que l’Etat
du pavillon voit son pouvoir s’affaiblir, même si cet affaiblissement demeure très relatif. Pour
ce qui concerne l’espace aérien, l’Etat d’immatriculation et l’Etat de nationalité/domiciliation
de l’opérateur de l’aéronef coopèrent harmonieusement avec des résultats assez satisfaisants ;
s’agissant de l’espace extra-atmosphérique, il paraît prématuré de fournir de conclusions
catégoriques, étant donné le stade d’avancement de l’industrie spatiale.
683. En bref, si l’Etat d’immatriculation semble céder pour partie sa place à d’autres sujets,
il n’en constitue pas moins un acteur primordial du droit international des espaces. Sa
compétence exclusive dans les espaces internationaux demeure aujourd’hui prépondérante ;
son rôle reste, par ailleurs, assez important en ce qui concerne la vie à bord de l’engin même
lorsque celui-ci se trouve dans des espaces nationaux ; enfin, un droit de réparation au nom de

482
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

l’équipage des engins doit lui être reconnu. Tout cela démontre qu’il conserve une place
éminente dans la réglementation relative aux engins, même s’il faut constater qu’il a perdu
pour partie sa suprématie. Reste à savoir si ce rôle que le droit international lui reconnaît peut
être efficacement rempli.

483
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

484
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

Conclusion de la seconde partie

684. Les conséquences juridiques du rattachement des engins aux Etats répondent, d’une
part, à la nécessité d’assurer un bon ordre international et d’éviter le chaos interétatique
lorsque les engins se trouvent dans des espaces non soumis à une souveraineté, et d’autre part,
au souci de réparation des dommages causés aux tiers du fait de l’activité des engins. A ces
fins, le lien qui rattache l’engin à l’Etat de son immatriculation constitue le fondement de la
compétence « personnelle » dont cet Etat dispose à l’égard de l’ensemble organisé. Cette
compétence est exclusive ou concurrente selon la zone dans laquelle l’engin se trouve. Son
aspect principal et le plus fonctionnel quant à la vie de l’ensemble organisé est d’attribuer à
l’Etat d’immatriculation l’exercice de la juridiction et du contrôle sur l’engin se trouvant dans
un espace international et d’exclure ainsi toute intervention d’un Etat tiers. En ce sens,
l’exercice des juridiction/contrôle constitue un droit de l’Etat du pavillon ou
d’immatriculation et sauvegarde ses intérêts. Mais il s’agit également d’un devoir lié à la
nature particulière de la « nationalité » des engins et visant à protéger les intérêts des tiers.
Les obligations internationales de l’Etat d’immatriculation constituent les effets juridiques du
rattachement qui ont comme objectif d’assurer la protection des victimes, que ces dernières
soient des personnes privées, la communauté internationale dans son ensemble ou encore des
Etats non impliqués dans les activités dangereuses entreprises par les engins. Certaines de ces
obligations, notamment celles qui sont relatives à la sécurité maritime ou aérienne et à la
navigation lato sensu, répondent certes principalement à la préoccupation plus
« traditionnelle » de la symbiose interétatique. Il n’empêche que plusieurs obligations récentes
et de plus en plus importantes ont été spécifiquement prévues pour faire face aux besoins de
protection des « victimes » de tout type.
Les juridiction/contrôle se décomposent dès lors en plusieurs obligations internationales
dont la raison d’être diffère pour partie. Parmi les obligations visant les intérêts de la
communauté internationale et des Etats tiers, notamment les Etats en voie de développement,
les plus importantes sont celles qui concernent la sauvegarde de l’environnement et la gestion
équilibrée des ressources naturelles. Ce type d’obligations est très récurrent dans le droit de la
mer, émergent mais nécessaire dans le droit de l’espace extra-atmosphérique et moins
souligné – en raison de la nature du milieu et de son exploitation –, mais néanmoins présent
dans le droit de l’air.

485
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

685. Lorsque nous évoquons l’importance de la protection des victimes, ce n’est pas
uniquement aux Etats tiers ou à la communauté internationale qu’il convient de s’arrêter. Le
noyau dur de la problématique est en effet constitué par les intérêts de toute personne,
physique ou morale, publique ou privée, qui se trouve lésée, en raison des activités,
notamment à risque, d’un engin rattaché à un Etat. Si le demandeur n’est pas un sujet direct
du droit international, l’Etat de sa nationalité devra endosser sa réclamation, par l’effet de la
protection diplomatique, ce qui suscitera un différent interétatique l’opposant, en théorie, à
l’Etat d’immatriculation de l’engin se trouvant à l’origine du préjudice.
Mais les actes des personnes privées ne sont pas imputables à l’Etat de leur nationalité.
Dès lors, le rattachement d’un engin à un Etat du fait de son immatriculation ne peut en aucun
cas suffire à engager la responsabilité de cet Etat pour tout dommage causé par l’engin – qui
de plus n’a pas une personnalité juridique propre. A priori, la responsabilité internationale de
l’Etat d’immatriculation doit résulter d’un fait internationalement illicite de ce dernier, c’est-
à-dire d’une violation de ses obligations internationales. Peut seule faire exception à cet égard
une responsabilité internationale qui serait dite objective de l’Etat d’immatriculation ;
s’agissant des activités des engins, celle-ci n’est aujourd’hui établie que pour les objets
spatiaux.
Cette analyse, qui épouse fidèlement le droit de la responsabilité, conduit à une absence
systématique de l’Etat d’immatriculation dans tout contentieux de responsabilité maritime ou
aérienne. Les obligations en cause sont trop générales et le lien de causalité trop difficile à
établir et à prouver. Toute victime d’un sinistre causé par un navire ou un aéronef se tournera
dès lors inévitablement vers le régime de responsabilité civile privée pour obtenir réparation
de son préjudice. Ce régime ne fournit cependant pas une solution suffisante ni toujours
satisfaisante. Il est donc utile de mettre plus en avant le rôle de l’Etat d’immatriculation en
tant que filet de sécurité ultime en cas de dommage causé par un engin, mais également en
tant que garant de la solvabilité des personnes privées responsables. Un tel changement de
« mentalité » juridique pourrait assurer une réparation plus complète et, surtout, moins
incertaine pour les victimes et il permettrait de « responsabiliser » les Etats attribuant leur
« nationalité » aux engins, dans un but de prévention. Si l’on prend l’exemple caractéristique
des pays de libre immatriculation, il est en effet probable qu’une mise en cause plus fréquente
et plus « automatique » de leur responsabilité internationale les incitera à mieux respecter
l’exigence d’effectivité du rattachement. Si ce n’est pas le cas, les dommages causés par les
engins pourront être indirectement imputés à l’Etat d’immatriculation, en assurant un
dénouement plus juste, de lege ferenda, de ce type de différends.

486
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

A ces fins, l’exemple de la responsabilité de l’Etat de lancement pourrait en théorie ouvrir


la voie à une systématisation plus cohérente de la responsabilité de l’Etat du pavillon et de
l’Etat d’immatriculation des aéronefs. Néanmoins, une modification du droit de la
responsabilité en ce sens n’est ni indispensable, ni facilement envisageable. Un tournant dans
la jurisprudence relative à la responsabilité de l’Etat d’immatriculation, visant à inclure, grâce
à une interprétation lato sensu, toute violation à l’obligation d’exercice des
juridiction/contrôle à l’égard de l’engin et/ou tout manquement à l’obligation de s’assurer de
la solvabilité de la personne privée semble également difficile à mettre en œuvre.
686. Il convient dès lors de rechercher des solutions alternatives. L’Etat d’immatriculation
n’étant pas toujours en mesure de remplir son rôle, que ce soit du fait de son laxisme ou du
manque de moyens ou par suite de circonstances relatives aux activités de l’ensemble
organisé, voire même au milieu concerné, des dérogations et des atténuations à sa compétence
doivent être prévues. Celles-ci semblent être de plus en plus nombreuses, notamment dans le
droit de la mer, afin de faire face à un certain effacement de l’Etat du pavillon. Nombreux
sont les facteurs qui semblent aujourd’hui mettre en lumière les déficiences de l’Etat du
pavillon. La flexibilité des registres va de pair avec leur faible coût et incite donc doublement
les armateurs à y immatriculer leurs navires. Mais la complaisance a pour résultat inéluctable
des Etats qui ne respectent plus leurs obligations internationales. En l’absence d’un régime
structuré et efficace de responsabilité internationale de l’Etat du pavillon, ce laxisme est
toléré. La réalité du rattachement des navires aux Etats correspond ainsi à une situation
gagnant-gagnant pour ces derniers : sans véritable exigence d’un lien effectif comme
condition préalable à l’attribution de leur « nationalité », ils sont libres d’immatriculer tout
navire et de profiter des pouvoirs et des droits que le rattachement engendre. En revanche,
l’exécution des obligations internationales qui en découlent n’est pas un véritablement
contrôlée au niveau international.
On assiste par conséquent à une amplification constante des résultats néfastes de ce cercle
vicieux : moins l’Etat d’immatriculation remplit ses fonctions, plus il est concurrencé par
d’autres acteurs, privés ou étatiques, et plus son rôle est éclipsé. Finalement, des deux
objectifs complémentaires du rattachement, le second ne semble jamais atteint. En effet, si les
conflits interétatiques sont dans une certaine mesure évités, les victimes, elles, ne sont pas
toujours protégées. Si les intérêts étatiques et ceux des acteurs privés (propriétaires et
opérateurs des engins) sont respectés, ceux des tiers sont impunément bafoués.
687. Cette description illustre l’état de fait relatif au monde du shipping, mais pas
uniquement. Sa réitération partielle ou complète dans l’industrie aérienne et, surtout, spatiale

487
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

ne saurait être exclue. En effet, la privatisation et la commercialisation du secteur spatial sont


susceptibles de conduire à des résultats analogues sur certains points, malgré l’existence d’un
cadre juridique plus contraignant. La cession de satellites en orbite, le développement du
tourisme spatial et l’achat de positions orbitales par des Etats qui n’ont pas les moyens
techniques de superviser un lancement ne constituent que le début d’une ère spatiale beaucoup
plus complexe juridiquement. Quant au secteur aérien, il semble avoir échappé à ce genre
d’extrêmes, mais cela n’est dû qu’à des solutions indirectes et au rôle fondamental des
compagnies aériennes dans le transport aérien. L’Etat d’immatriculation n’a pas su en
revanche revendiquer son rôle. Par ailleurs, tout n’est pas rose non plus concernant l’aviation
civile : les compagnies low cost, les vols charters et le renforcement accru de la libéralisation
constituent des facteurs de risque à maints égards alarmants.
688. Si l’importance des conséquences du rattachement des engins aux Etats peut dès lors
diminuer, au fur et à mesure que les exceptions à la compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation – lorsque l’engin se trouve dans un espace international – et les
compétences concurrentes – dans les autres zones maritimes ou aériennes – se multiplient,
force est de constater qu’en l’état actuel de la pratique internationale la règle de la compétence
de l’Etat d’immatriculation demeure celle qui est la plus incontestée dans le droit de la mer et
de l’espace. Le rôle de cet Etat reste en revanche secondaire sur le terrain de la protection de
l’engin, puisqu’il ne peut demander une réparation qu’au nom de l’équipage lésé, ce qui ne
couvre pas tout dommage causé à l’ensemble organisé.
689. L’ensemble de ces considérations conduit à la conclusion que les prérogatives de
l’Etat d’immatriculation des engins connaissent actuellement un certain déclin, mais qui ne
sauraient indiquer sa fin. Peu importe le nombre d’acteurs tiers, publics ou privés, qui
s’impliquent désormais dans la vie et dans la surveillance des ensembles organisés ; ils ne
peuvent remplacer entièrement l’Etat auquel l’engin est rattaché par un lien juridique
permanent. Un cadre juridique plus systématique, plus ordonné, plus cohérent et plus efficace
permettrait une revalorisation du rôle de l’Etat d’immatriculation. La liberté de l’Etat dans la
fixation des conditions d’attribution de sa « nationalité », corollaire de celle des opérateurs
privés de choisir leur Etat d’immatriculation, doit aller de pair avec une obligation
internationale affirmée d’exercice effectif de la juridiction et du contrôle. Les phénomènes
nouveaux, tels que les registres internationaux, l’affrètement ou la location coque nue, la
cession de satellites sur orbite ou la gestion des épaves et débris spatiaux, doivent être soumis
à des règles claires en ce qui concerne le partage des droits et des obligations de chaque Etat
concerné. Enfin, une interprétation des normes existantes plus ciblée sur les devoirs de l’Etat

488
LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION

d’immatriculation, mais également sur ceux de ses « concurrents » légitimes, est nécessaire,
en ce qui concerne à la fois leurs obligations et l’engagement éventuel de leur responsabilité
internationale. Si, suite à de telles évolutions, le rattachement des engins aux Etats se renforce
en devenant plus effectif, il deviendra possible d’envisager un accroissement des droits
étatiques en matière de protection des engins.

489
CONCLUSION GENERALE

490
CONCLUSION GENERALE

CONCLUSION GENERALE

690. La question du rattachement des engins aux Etats, sujet de prime abord assez
technique, soulève un grand nombre d’interrogations, aussi bien dans la pratique
internationale que pour la théorie du droit. Pour n’en souligner que les plus fondamentales,
des considérations sur le sens de l’effectivité, sur les conséquences de la gestion des fonctions
publiques par des entités privés, sur les effets juridiques de la privatisation des secteurs
traditionnellement publics et du déclin de l’omniprésence étatique, ainsi que sur la mise en
œuvre de la responsabilité internationale des sujets classiques ou émergents du droit
international, s’avèrent indispensables afin d’appréhender l’institution originale que constitue
la « nationalité » des engins.
691. Le rattachement des engins aux Etats conduit au constat que l’effectivité ne saurait
être ni une fin en soi ni une règle autonome conditionnant l’attribution d’une « nationalité »
internationalement opposable aux engins, mais uniquement un moyen de mesurer le degré
d’efficacité de l’Etat d’immatriculation. Alors qu’un véritable principe d’effectivité existe –
ou dans tous les cas a longtemps été accepté – lorsque sont en cause des personnes physiques,
ce qui permet de déclarer inopposable internationalement une nationalité ineffective pour les
besoins de la protection diplomatique, on ne peut plus parler d’un principe juridiquement
contraignant s’agissant des engins. L’effectivité devient en ce cas une simple expression du
devoir d’exercer efficacement les obligations internationales étatiques qui découlent de
l’immatriculation et semble, dès lors, redondante.
692. Cette institution montre également que le droit international n’a pas encore mis en
place de mécanismes satisfaisants pour régir l’exercice de fonctions traditionnellement
publiques par des acteurs non étatiques, bien que ce phénomène soit de plus en plus courant
de nos jours 1508. Les questions découlant de cette « privatisation » se multiplieront sans doute
à l’avenir et dépasseront largement le seul exemple de la délégation des fonctions aux sociétés
de classification ou autres organismes de certification. L’implication des sociétés militaires
privées dans la lutte anti-piraterie soulève en ce sens de nombreuses interrogations. En effet,
parmi les révélations amenées par Wikileaks, figure une autorisation accordée en 2009 par le
gouvernement djiboutien à la société privée américaine Blackwater Worldwide d’opérer, à
partir du port de Djibouti, un navire armé pour protéger les navires commerciaux. Le navire

1508
Pour un parallèle dans un domaine rélévant traditionnellement du pouvoir régalien étatique voy. HAUPAIS
(N.), « Les enjeux juridiques de la privatisation de la guerre », AFDI, n° 55, 2009, pp. 876-110, notamment pp.
101-103 sur la responsabilité de l’Etat du fait des activités des sociétés militaires privées et pp. 106-109 sur la
régulation internationale de ces activités.

491
CONCLUSION GENERALE

en cause, McArthur, bat pavillon américain et est équipé de mitrailleuses pouvant être
utilisées contre les pirates. Même si la société affirme ne pas avoir l’intention de procéder à
l’arrestation des pirates, la situation semble extrêmement problématique aux yeux du droit
international de la mer. Blackwater est une société privée et McArthur un navire qui ne peut a
priori user de la force en haute mer contre un navire pirate. L’accord conclu avec le
gouvernement djiboutien a-t-il une quelconque importance à cet égard ? Rien n’est moins
certain.
693. La privatisation et la mondialisation actuelles produisent donc des situations inédites
qui nécessitent un cadre juridique nouveau, capable de « jongler » entre la nature toujours
interétatique et décentralisée du droit international et la multiplication des acteurs émergents
s’impliquant activement dans la scène internationale. Cette observation met en cause la
délégation des fonctions publiques à des entités privées (les actions de ces entités peuvent
elles être imputables à l’Etat ? les immunités étatiques peuvent elles être appliquées aux
entités exerçant des fonctions publiques ?), mais elle soulève également la question plus
globale d’une immatriculation non étatique.
Selon M. COGLIATI-BANTZ, qui a soutenu en 2009 une thèse sur l’immatriculation des
engins par les organisations internationales, il n’y a aucune « règle de droit ou [aucune]
considération de logique juridique qui réserverait aux Etats le droit d’immatriculer des
engins ». Il note à cet égard qu’il existe des cas « d’Etats non souverains ayant immatriculé
des engins et des organisations internationales ayant exercé une juridiction territoriale. Il n’y
a dès lors pas de raison pour que l’immatriculation [internationale] – qui est une question de
juridiction – leur soit refusée ». Selon le même auteur « il est incorrect de considérer qu’un
ordre juridique entier est nécessaire afin de s’acquitter des devoirs d’un Etat du pavillon,
mais – dans tous les cas – rien n’empêche les organisations internationales d’adopter les
règles pertinentes 1509 ». Malgré l’intérêt théorique incontestable de ces analyses, il faut
constater qu’elles ne reflètent que partiellement la réalité de la société internationale.
Certes, les Etats sont loin d’être les seuls acteurs dans l’ordre juridique international et ne
sont plus ses uniques sujets. Dans une perspective de développement progressif du droit
international, il n’est pas exclu que des organisations « supranationales », telle l’Union
européenne, ou même non gouvernementales puissent s’acquitter efficacement du rôle jusqu’à

1509
Propos cueillis suite à une correspondance électronique du 5 octobre 2010 avec l’auteur, dont la thèse n’est
pas encore publiée. Elle est néanmoins consultable à la bibliothèque de l’Institut de hautes études internationales
et du développement (IHEID). COGLIATI-BANTZ (V.), Means of transportation registered by international
organizations, Genève, 2009 (thèse de doctorat sous la supervision de M. CAFLISCH Lucius, Graduate Institute
of International Studies).

492
CONCLUSION GENERALE

alors détenu par les Etats d’immatriculation. Les premiers pas dans cette direction ont d’ores
et déjà été effectués avec l’immatriculation des objets spatiaux par l’ASE ou l’utilisation pour
des missions onusiennes de navires et aéronefs immatriculés par les Nations Unies. Dans le
cadre de la lutte contre la piraterie moderne et le terrorisme, M. MITROPOULOS, Secrétaire
général de l’OMI, proposait la mobilisation de navires et d’avions coordonnés dans le cadre
d’un mandat de l’ONU 1510. Entre une force maritime ou aérienne mandatée et entièrement
contrôlée par l’ONU et une flotte véritablement « internationale », la distance à couvrir
intellectuellement n’est pas énorme pour le théoricien du droit international. Mais elle l’est
matériellement pour le praticien qui doit convaincre les Etats d’accepter de telles solutions.
Nonobstant la privatisation et la mondialisation économique, l’ordre juridique international
demeure, à l’heure actuelle, intersubjectif et dépendant de la volonté étatique – ou plutôt de la
volonté d’une poignée d’Etats puissants. Ceux-ci ne semblent pas disposés à reconnaître à
d’autres sujets la possibilité de développer et de déployer à leur guise une flotte maritime,
aérienne ou spatiale. Si une immatriculation non étatique ne peut pas – et ne doit pas – être
exclue, elle restera dès lors cantonnée à des missions spécifiques et temporaires (opérations de
maintien de la paix, par exemple) ou elle sera complétée par une immatriculation nationale.
L’abandon de l’idée d’un pavillon Euros illustre parfaitement cette réalité s’il va de pair avec
les réticences face à toute tentative de faire évoluer dans l’immédiat l’Union européenne vers
un schéma véritablement supranational.
694. Les réponses à toutes ces questions découlant du concept de l’immatriculation
nationale des engins convergent dès lors vers une conclusion inéluctable : le moment n’est pas
encore venu – et il n’est pas prêt d’arriver – d’envisager un remplacement complet de l’Etat
d’immatriculation, que cela soit par des acteurs privés de toute sorte, par d’autres Etats (Etat
du port, Etat d’atterrissage, Etat de lancement) ou encore par des organisations
internationales. S’agissant des premiers, la raison est claire. En dépit d’une privatisation de
plus en plus accrue dans les trois branches examinées – privatisation à peu près parfaite dans
le monde du shipping, partielle dans l’industrie aérienne et dynamiquement émergente dans
les activités spatiales – les individus ne sont pas devenus des sujets du droit international au
même titre que les Etats. Ces derniers demeurent aujourd’hui les seuls détenteurs du pouvoir
normatif « originel ». Ils sont également l’unique sujet dont la compétence « personnelle »
puisse être pleine et entière et dont la responsabilité internationale être engagée dans un

1510
SAKHUJA (V.), « Les menaces et défis auxquels se heurte la chaîne logistique maritime », in La sécurité
maritime, Forum du désarmement, UNIDIR (Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement)
ed., n°2, 2010, pp. 11-12.

493
CONCLUSION GENERALE

différend interétatique. Leur rôle peut dès lors être complété par les pouvoirs reconnus à des
acteurs privés, mais ces derniers ne sauraient remplacer les Etats d’immatriculation. Il suffit à
ce titre de souligner à quel point la situation du monde maritime est actuellement désordonnée
en comparaison de celle des industries aériennes et spatiales, dans lesquelles la présence
étatique a su conserver une certaine prépondérance, ou du moins présence.
Quant aux seconds, la raison est plus nuancée, dès lors qu’ils sont eux-mêmes des sujets
du droit international. Elle tient principalement au fait qu’il est difficile en droit international
d’assurer la coexistence simultanée d’une multitude d’acteurs sur un champ d’action très
limité. Un engin affecté à la navigation internationale ne saurait être constamment soumis à
plusieurs compétences personnelles et territoriales, sans que cela n’entraîne des impasses
juridiques et des conflits insolubles. Une telle situation peut exister lorsque l’engin se trouve
dans un espace soumis à une souveraineté territoriale, mais dans ce cas elle est encadrée par
des règles de partage de compétences précises. En revanche, si plusieurs Etats ou
organisations internationales étaient simultanément rattachés à un engin qui voyage dans un
espace international, cela ne pourrait provoquer que le chaos.
695. Si l’Etat d’immatriculation est dès lors un acteur incontournable au regard des
besoins actuels – et probablement futurs – du droit international de la mer, de l’air et de
l’espace, il est nécessaire qu’il soit soumis à un cadre juridique plus complet. Mais s’« il
arrive toujours un moment, dès lors qu’il s’agit de la mer, où le juriste devient poète » 1511, il
ne faut pas perdre de vue le fait que « le droit est l’art de ce qui est possible » 1512. Il est donc
nécessaire de raisonner en tenant toujours compte de la réalité. Si le pouvoir régalien des Etats
de déterminer les conditions d’attribution de leur « nationalité » doit rester intact, égalité
souveraine et volonté des grandes puissances obligent, les devoirs qui en découlent peuvent
être renforcées. A ces fins, l’Etat d’immatriculation doit être « entouré » par les acteurs
susmentionnés, sans la participation desquels une gestion efficace des engins devient
impraticable. Qu’il s’agisse d’acteurs privés – personnes physiques et morales impliquées
dans les activités de l’engin, ou encore sociétés de classification et organismes d’assurance –
ou d’acteurs publics – Etats du port, de l’atterrissage, de lancement, mais également
organisations internationales et régionales spécialisées dans chaque branche – leur implication
est indispensable afin d’assurer un encadrement cohérent des ensembles organisés.

1511
VOELCKEL (M.), « La liberté des mers avec leur solitude… », in Mélanges Langavant Emmanuel,
L’Harmattan, Paris, Montréal, 1999, p. 431.
1512
BLANCO-BAZAN (A.), « L’Organisation maritime internationale et le renforcement de l’application par
l’Etat du pavillon de traités en matière de sécurité de la navigation et de prévention de la pollution du milieu
marin », op. cit. note 385, p. 231.

494
CONCLUSION GENERALE

696. Les moyens visant tout à la fois une revalorisation de l’Etat d’immatriculation et son
encadrement juridique optimal ne doivent pas être conçus comme des solutions isolées
s’appliquant au cas par cas, soit pour l’Etat du pavillon des navires, soit pour l’Etat
d’immatriculation des aéronefs, soit pour l’Etat d’immatriculation des objets spatiaux.
L’étude comparative du rattachement de chacune de ces trois catégories d’engins aux Etats a
révélé que, malgré les nombreuses divergences normatives ou pragmatiques, un dénominateur
commun existe, permettant d’envisager une sorte de « droit des ensembles organisés affectés
à la navigation internationale ». Les navires, tout comme les aéronefs et les objets spatiaux,
sont rattachés aux Etats pour des raisons identiques ; de plus, des régimes juridiques
similaires ou analogues les régissent.
697. Même si la similitude de leur situation réelle peut être débattue dans une certaine
mesure et si la preuve de l’hypothèse d’un régime commun peut être mise en cause dans les
faits, un cadre juridique commun est, de lege ferenda, opportun. Il sert, premièrement, les
objectifs de la sécurité et de la cohérence juridiques : le même type de règles pour le même
type de phénomènes. Il constitue, par ailleurs, le moyen optimal afin de systématiser le
rattachement des navires, des aéronefs et des objets spatiaux aux Etats. Le plus grand apport
d’une telle systématisation sera de permettre la transposition des solutions qui se sont avérées
efficaces dans une branche aux deux autres et de tester ainsi leur efficacité transversale.
698. En ce sens, la manière dont le droit maritime a fait face au phénomène de
l’affrètement coque nue peut constituer un exemple pour les droits aérien et spatial. Tout
comme la protection de l’Etat du pavillon à l’égard de l’équipage. Inversement, la
responsabilité de l’Etat de lancement et l’association automatique de l’Etat d’immatriculation
à l’exercice de la juridiction et du contrôle seront sans doute bénéfiques dans le droit de la
mer et de l’air. Quant à ce dernier, si ses apports normatifs peuvent être moindres, sachant
qu’il semble moins riche en normes juridiques spécifiques à l’Etat d’immatriculation que le
droit de la mer ou le droit de l’espace, son fonctionnement « sain », étant donné l’absence de
toute complaisance, doit être étudié et analysé afin de savoir dans quelle mesure il peut être
imité.
699. Cette hypothèse d’un régime commun a certes ses limites. Les différences d’un point
de vue juridique mais également pratique ne sont pas minimes : les navires et les objets
spatiaux restent beaucoup plus longtemps que les aéronefs dans l’espace international ; les
acteurs privés sont plus nombreux et plus actifs dans les milieux maritime et aérien que dans
le secteur spatial ; le pavillon de complaisance n’est une réalité bien ancrée que dans le monde
maritime ; les objets spatiaux sont pour l’instant majoritairement non habités et correspondent

495
CONCLUSION GENERALE

moins à la notion d’ « ensemble organisé » ; l’Etat de lancement a un rôle plus important que
l’Etat d’immatriculation ; les compagnies aériennes ne fonctionnent pas de la même manière
que les compagnies maritimes et que les agences spatiales.
Si ces différences montrent les limites de la possibilité d’adoption de solutions identiques
pour les trois branches, elles n’annulent pas l’hypothèse principale. Nous pensons que l’avenir
du secteur spatial est le présent du monde maritime ou du monde aérien, voire même d’une
combinaison des deux. Au fond, il est toujours question d’un engin qui est ou peut devenir un
ensemble organisé, qui se trouve pour plus ou moins longtemps dans un espace non soumis à
une compétence territoriale et qui peut causer des dommages à des personnes non impliquées
dans ses activités. Pour toutes ces raisons, cet engin est rattaché à un Etat. Pour toutes ces
raisons, il convient, d’une part, envisager la mise en place d’un régime commun ou analogue
pour tous ces ensembles organisés et, d’autre part, de souligner et de mettre en avant le rôle de
l’Etat d’immatriculation en droit international. Ce dernier ne pourra pas être entièrement
replacé par ses concurrents, en tout cas pas avant très longtemps. S’il est appelé à rester un
acteur réel de la scène internationale, il doit être en mesure de remplir ses fonctions de la
manière la plus efficace possible. Et il n’y a, sur ce point, aucun doute : plus l’Etat
d’immatriculation s’acquitte effectivement de ses devoirs, plus le rattachement des engins est
efficace. Efficacité et effectivité – dans son second sens – sont dès lors les deux notions
« recherchées » 1513 à travers le rattachement des engins aux Etats.

1513
Jeu de mots inspiré de l’analyse de DE VISSCHER sur l’efficacité et l’effectivité dans les traités
internationaux, par rapport à laquelle l’auteur affirme : « tandis que l’efficacité est pour l’interprète une notion
« donnée », l’effectivité se présente comme une notion « recherchée » . DE VISSCHER (CH.), Les effectivités du
droit international public, op. cit. note 320, p. 77.

496
497
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DROIT DE L’AIR/DROIT AERIEN & IMMATRICULATION DES AERONEFS


Ouvrages
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- DEMPSEY (P.S.), European Aviation Law, Kluwer Law International, The Hague,
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droit aérien et spatial, 3ème édition, Pedone, Paris, 1980
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de la Faculté de Droit, Université Libre de Bruxelles, 2ème édition, Bruylant, Bruxelles,
2006
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commerce international), Le fret aérien, procédures commerciales et administratives,
J. Delmas et Cie, Paris, 1986
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- MENDELSOHN (A.I.), « Myths of International Aviation », Journal of Air Law and
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DROIT DE L’ESPACE/DROIT SPATIAL & IMMATRICULATION DES OBJETS


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- CHENG (B.), Studies in International Space Law, Clarendon Press, Oxford, 1997
- CHENG (C.-J.) & KIM (D.H.) ed., The utilization of the world’s air space and free
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- JENKS (C. W.), Space Law, Stevens & Sons, London, 1965
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- VIALARD (A.), « Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de
pollution par hydrocarbures ? », Le Droit maritime français, vol. 55, n° 637, mai 2003,
pp. 435-450
- VIALARD (A.), « La limitation de responsabilité, clé de doute pour le droit maritime
du 21ème siècle », Le Droit maritime français, vol. 61, n° 699, janvier 2009, pp. 21-28
- WALKER (H.), « State Liability for Private Satellites and Ways to Limit Exposure »,
in Proceedings of the 43rd Colloquium on the Law of the Space, International Institute
of Space Law, American Institute of Aeronautics and Astronautics, 2001, pp. 117-121
- WASSENBERGH (H.A.), « Liability in Air and Space Law », Air Law, vol. XIV, n. 6,
1989, pp. 261-266

PROTECTION DIPLOMATIQUE/ « PROTECTION » DES ENGINS


Ouvrage
- BUCHER (P.), Le statut juridique de personnel navigant de l’aéronautique civile,
Lausanne, 1949 (thèse de doctorat)
- CAFLISCH (L.), La protection des sociétés commerciales et des intérêts indirects en
droit international public, Martinus Nijhoff, La Haye, 1969

526
- CUTHBERT (J.), Nationality and diplomatic protection, Sijthoff, Leiden, 1969
Articles
- ACHILLEAS (P.), « L’astronaute et le droit international », in L’adaptation du droit
de l’Espace à ses nouveaux défis, Mélanges en l’honneur de Simone Courteix,
KERREST (A.) sous la direction de, Pedone, Paris, 2007, pp. 143-160
- CONDORELLI (L.), « L’évolution du champ d’application de la protection
diplomatique », in La protection diplomatique, mutations contemporaines et pratiques
nationales, FLAUSS (J.-F.) dir., Droit et justice, Bruylant, Bruxelles, 2001, pp. 3-28
- FARAND (A.), « The Astronaut in the Space Station Era », in Outlook on Space Law
Over the Next 30 Years, LAFFERANDERIE (G.) ed., Kluwer Law International,
1997, pp. 147-160
- COUSTON (M.), « Chronique Spatiale : Etude : Le Statut de l’Humain dans
l’Espace », Revue française de droit aérien et spatial, vol.219, n°3, 2001, pp. 278-291
- GAUTIER (P.), « L’Etat du pavillon et la protection des intérêts liés au navire », in
Promoting Justice, Human Rights and Conflict Resolution Through International Law,
Liber amicorum Lucius Caflisch, KOHEN (M.G.) ed., Martinus Nijhoff Publishers,
2007, pp. 717-745
- LEIGH (G.I.F.), « Nationality and Diplomatic Protection », International and
Comparative Law Quarterly, vol. 20, 1971, pp. 453-475
- MOMTAZ (D.), « La protection des membres étrangers de l’équipage du navire par
l’Etat du pavillon », Annuaire du droit de la mer, t. XI, 2006, pp. 269-386
- PELLET (A.), « La seconde mort d’Euripide Mavrommatis ? Notes sur le projet de la
C.D.I sur la protection diplomatique », Mélanges offerts à Jean Salmon, 2007, pp.
1359-1382
- REGLAT-BOIREAU (A.), « L’équipage et le droit international », in Colloque SFDI :
Le navire en droit international, Pedone, Paris, 1993, pp. 43-70
- SANTULLI (C.), « Travaux de la Commission du droit international - cinquante-
sixième session », Annuaire Français de Droit International, 2004, pp. 564-579
- VERESHCHETIN (V.S.), « Legal Status of International Space Crews », Annals of
Air and Space Law, vol. 3, 1978, pp. 545-560
- WATTS (A.D.), « The protection of Merchant Ships », British Yearbook of
International law, vol. 33, 1957, pp. 52-84
- WATTS (A.D.), « The protection of Alien Seamen », International and Comparative
Law Quarterly, vol. 7, 1958, pp. 691-711

ETUDES COMPARATIVES
Ouvrages
- ABDELGHANI (M.M.), Le régime juridique des épaves maritimes, aériennes et
spatiales en droit français, anglais et égyptien, Paris, 1973 (thèse pour doctorat)
- BENKO (M.) & BOCKSTIEGEL (K-H.) dir., Air and space law in the 21st century,
Mélanges offerts à K.H Bockstiegel, Carl Heymanns Verlag KG, Koln, Berlin, Bonn,
Munchen, 2001

527
- BHATT (S.), Studies in Aerospace Law: from Competition to Cooperation, Sterling
Publishers, New Delhi, 1974
- DU PONTAVICE (E.), Les épaves maritimes, aériennes et spatiales en droit français,
Paris, LGDJ, 1961 (thèse pour doctorat)
- HAANAPPEL (P.P.C.), The Law and Policy of Air Space and Outer Space, A
Comparative Approach, Kluwer Law International, The Hague, 2003
- LE BOZEC (C.), Que reste-t-il de l’influence du droit maritime sur le droit aérien?
Etude des conflits de juridictions, Ann Arbor (Mich.) : UMI Dissertation Services,
2003 (thèse de doctorat)
- MASSON-ZWAAN (T.L.) & MENDES DE LEON (P.M.J.) eds., Air and Space Law :
De lege ferenda. Essays in Honour of Henri A. Wassenbergh, Nijhoff, Dordrecht,
Boston, London, 1992
Articles
- CHENG (B.), « Analogies and Fictions in Air Law and Space Law », Current Legal
problems, Stevens & Sons, vol. 21, 1968, London, pp. 137-159
- DE SAUSSURE (H.), « Astronauts and seamen : a legal comparison », Journal of
Space Law, vol. 10, 1982, pp. 165-179
- DIEDERIKS-VERSCHOOR (I.H.PH.), « Similarities with and differences between air
and space law primarily in the field of private international law », Recueil des Cours
de l’Académie de Droit International, t. 172, vol. 3, 1981, pp. 317-423
- DOBELLE (J.-F.), « Droit de la mer et droit aérien », in La mer et son droit, Mélanges
offerts à Lucchini (L.) et Quéneudec (J-P.), Pedone, Paris, 2003, pp. 177-204
- HAILBRONNER (K.), « Freedom of the Air and the Convention on the Law of the
Sea », American Journal of International Law, vol. 77, n° 3, 1983, pp. 490-520
- HANNAPPEL (P.P.C.), The Law and Policy of Air Space and Outer Space, A
Comparative Approach, Kluwer Law International, 2003
- HEERE (W.P.), « Problems of jurisdiction in air and outer space », in Reflections on
principles and practice of international law, Essays in Honor of Leo J. Bouchez, GILL
(T.D) & HEERE (W.P.) ed., Martinus Nijhoff Publishers, 2000, pp. 65-81
- KERREST (A.), « Le rattachement aux Etats des activités privées dans l’espace –
réflexions à la lumière du droit de la mer », Annales de droit aérien et spatial, vol.22,
1997, pp. 113-122
- KLEIN (P.), « L’enchevêtrement des compétences en matière de répression dans les
conventions destinées à protéger les communications aériennes et maritimes », in
Colloque SFDI : Les compétences de l’Etat en droit international, Pedone, Paris,
2005, pp. 287-299
- MATEESCO-MATTE (M.), « Droit maritime, droit aérien, droit extra-atmosphérique
et droit international : quel rapport ? », Annuaire de droit maritime et aérien, vol. 5,
1980, pp. 301-354
- MEUNIER (P.), « La Communauté européenne, l’O.A.C.I et l’O.M.I : de l’union libre
à l’union sacrée », in L’Europe des transports, travaux de la CEDECE, Actes du
colloque d’Agen, Université de Montesquieu-Bordeaux IV, 7 et 9 octobre 2004, La
documentation française, 2005, pp. 541-579

528
- SUCHARITKUL (S.), « Liability and Responsibility of the State of Registration or the
Flag State in Respect of Sea-going vessels, Aircraft and Spacecraft Registered by
National Registration Authorities », The American Journal of Comparative Law: a
quarterly, vol.54, Issue supplement, 2006, pp. 409-442
- TEMPEST (A.A.), «Le droit de la mer et le droit spatial : une étude comparative de
problèmes spécifiques », Annuaire de droit maritime et aérien, t. IV, 1982, pp.163-
196

DIVERS
Ouvrages
- AKEHURST (M.), A Modern Introduction to International Law, 7a ed., Routledge,
London, 1997
- BROWNLIE (I.), Principles of Public International Law, 5th ed., Oxford University
Press, Oxford, 1998
- CAZALA (J.), Le principe de précaution en droit international, LGDJ, Paris, 2006
- COMBACAU (J.) & SUR (S.), Droit International Public, Montchrestien 9ème
édition, Paris 2010
- DAILLIER (P.) & PELLET(A.), Droit international public, LGDJ, Paris, 2002
- GUILLAUME (G.), La Cour Internationale de Justice à l’aube du XXIème
siècle, Pedone, Paris, 2003, (notamment pp. 273-301)
- JACQUET (J.M.), DELEBECQUE (P.) & CORNELOUP (S.), Droit du commerce
international, 1ère édition, Dalloz, Paris, 2007
- KISH (J.), The Law of International Spaces, A.W Sijthoff, Leiden, 1973
- MBENGUE (M.M.), Essai sur une théorie du risque en droit international public :
l’anticipation du risque environnemental et sanitaire, Pedone, Paris, 2009
- PANCRACIO (J.P.), Droit International des Espaces, Armand Colin, Masson, Paris,
1997
- PAPADAKIS (N.), The international legal regime of artificial islands, Sijthoff,
Leiden, 1977
- SANTULLI (C.), Le statut international de l’ordre juridique étatique : étude du
traitement du droit interne par le droit international, Pedone, Paris, 2001
- SFDI, Aspects actuels du droit international des transports, Colloque du Mans,
Pedone, Paris, 1981
- SFDI, Les compétences de l’Etat en droit international, Colloque de Rennes, Pedone,
Paris, 2005
- SHAW (M.N.), International Law, 5th ed., Cambridge University Press, 2003
- VERHOEVEN (J.), La reconnaissance internationale dans la pratique
contemporaine, Pedone, Paris, 1975
- VERHOEVEN (J.), Droit international public, Larcier, Bruxelles, 2000
- VIRALLY (M.), La pensée juridique, ed. Panthéon-Assas, Paris, 1998

529
- WEIL (P.), Ecrits de droit international, Presses Universitaires de France, 2000
Articles
- ARANGIO RUIZ (G.), «L’Etat dans le sens du Droit des Gens et la Notion du Droit
international », Österreichische Zeitschrift für öffentliches Recht, 1975, vol. 26, pp. 3-
63 et 1976, vol. 26, pp. 265-406
- ARANGIO RUIZ (G.), « Le domaine réservé. L’organisation internationale et le
rapport entre droit international et droit interne », Recueil des Cours de l’Académie de
Droit International, 1990, pp. 9-484
- CHARPENTIER (J.), « L’humanité : un patrimoine, mais pas de personnalité
juridique », in Les hommes et l’environnement – Quels droits pour le 21ème siècle,
mélanges en hommage à Alexandre KISS, Editions Frison-Roche, 1998, pp. 18-21
- COMBACAU (J.), « Logique de la validité contre logique de l’opposabilité dans la
Convention de Vienne sur le droit des traités », in Le droit international au service de
la paix, de la justice et du développement, mélanges Michel Virally, Pedone, Paris,
1991, pp. 195-203
- GUGGENHEIM (P.), « La validité et la nullité des actes juridiques internationaux »,
Recueil des Cours de l’Académie de Droit International, t. 74, vol. I, 1949, pp. 191-
268
- JENNINGS (R.Y.), « General Course on Principles of International Law », Recueil
des Cours de l’Académie de Droit International, t. 121, vol. II, 1967, pp. 323-605
- KELSEN (H.), « Théorie générale du droit international public : problèmes choisis »,
Recueil des Cours de l’Académie de Droit International, 1932, t. 42, vol. IV, pp. 117-
351
- KOLB (R.), « La désuétude en droit international public », Revue Générale de Droit
International Public, t. 111, vol.3, 2007, pp. 577- 608
- LE FLOCH (G.), « La désuétude en droit international public », Revue Générale de
Droit International Public, t. 111, vol.3, 2007, pp. 609-642
- LEVI (W.), « The international ordre public », Revue de droit international, des
sciences diplomatiques et politiques, vol.72, affl.1, 1994, pp. 55-77
- ROUKOUNAS (E.), « Facteurs privés et droit international public », Recueil des
Cours de l’Académie de Droit International, t. 299, vol. 6, 2002, pp. 178-215
- VERHOEVEN (J.), « Les nullités du droit des gens », Cours et Travaux de l’IHEI,
1979-1980, pp. 1-108
- VERHOEVEN (J.), « Considérations sur ce qui est commun », Recueil des Cours de
l’Académie de Droit International, t. 334, 2008, pp. 9-434
- VERZIJL (J.H.W.), « La validité et la nullité des actes juridiques internationaux »,
Revue de droit international, t. 15, 1935, pp. 284-339
- WEIL (P.), « Le Droit International en quête de son identité. Cours Général de Droit
International Public », Recueil des Cours de l’Académie de Droit International, t. 237,
vol 6, 1992, pp. 25-369

530
INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL
- Annuaire de l’Institut de droit International, 1896, vol. III (Règles relatives à l’usage
du pavillon national pour les navires de commerce), édition abrégée, session de
Venise, travaux préparatoires
- Annuaire de l’Institut de droit international, 1911, vol. V, 1906-1911, édition abrégée,
session de Madrid, travaux préparatoires
- Annuaire de l’Institut de droit international, 1927, vol. I (La navigation aérienne
internationale), édition abrégée, session de Lausanne, travaux préparatoires
- Annuaire de l’Institut de droit International, 1963, vol. 50-I, session de Bruxelles,
travaux préparatoires
- Annuaire de l’Institut de droit International, 1963, vol. 50-II, session de Bruxelles,
rapport de JENKS (C.W.)

COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


- Annuaire de la Commission du droit international, 1951, vol. I, session 121 du 10
juillet
- Annuaire de la Commission du droit international, 1951, vol. II, session du 10 avril
- Annuaire de la Commission du droit international, 1955, vol. I, session du 4 mai
- Annuaire de la Commission du droit international, 1955, vol. II, Rapport de la
Commission sur ses travaux de la septième session
- Annuaire de la Commission du droit international, 1956, vol. I, Comptes rendus
analytiques de la huitième session
- Annuaire de la Commission du droit international, 1956, vol. II, Rapport de la
Commission sur ses travaux de la huitième session
- Annuaire de la Commission du droit International, 1958, vol. II, troisième Rapport du
rapporteur général sur la responsabilité des Etats
- Annuaire de la Commission du droit International, vol. II, 1980, n° 10, Documents
officiels: A/CN.4/SER.A/1980/ADD.1
- Annuaire de la Commission du droit International, 1990, vol. II, 2ème partie, pp. 87-
116, Doc. A /CN.4/428 et Add.1, Sixième rapport sur la responsabilité internationale
pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas interdites
par le droit international
- Annuaire de la Commission du droit International, vol. II (2), 2001, Projet d’articles
sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y
relatifs
- Rapport de la CDI sur les travaux de sa huitième session, Nations Unies, Documents
officiels, Doc. A/3159, 1956
- Rapport de la CDI sur ses travaux de sa quarante-neuvième session, Nations Unies,
Documents officiels, Supplément no 10, Doc. A/52/10, 1997
- Rapport de la CDI sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, Nations Unies,
Documents officiels, Supplément no 10, Doc. A/55/10, 2000

531
- Rapport de la CDI sur les travaux de sa cinquante-troisième session, Nations Unies,
Documents officiels, Supplément n°10, Doc. A/56/10, 2001
- Rapport de la CDI sur les travaux de sa cinquante-sixième session, Nations Unies,
Documents officiels, Supplément n° 10, Doc. A/59/10, 2004
- Etude établie par le Secrétariat de la CDI, Etude des régimes de responsabilité ayant
trait au sujet : Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables
découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international
(Responsabilité internationale en cas de perte causée par un dommage transfrontière
découlant d’activités dangereuses), cinquante-sixième session, Doc. A/CN.4/543,
2004
- Rapport de la CDI sur les travaux de sa cinquante-huitième session, Nations Unies,
Documents officiels, Supplément n° 10, Doc. A/61/10, 2006
- Cinquième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John Dugard,
Doc. A/CN.4/538 du 4 mars 2004
- Septième rapport sur la protection diplomatique du rapporteur spécial John Dugard,
Doc. A/CN.4/567 du 7 mars 2006

OACI
- ICAO Circular Cir 295 LE/2, Guidance on the Implementation of Article 83bis of the
Convention on International Civil Aviation, 1 February 2003
- ICAO Secretariat Study Group on the Modernization of the Rome Convention,
Memorandum to the Members, Draft n°2 of 1 August 2003, SSG-MR/3-Memo/5 of 7
August 2003
- ICAO Council Working Paper C-WP/1248, Report on the Study on the Safety and
Security Aspects of Economic Liberalization, 11 May 2005
- ICAO Council Working Paper C-WP/12697, Proposal for the Implementation of a
System for the Provision of Pertinent Data Concerning Aircraft Registered in a State
Pursuant to Article 21 of the Chicago Convention, 27 November 2006
- Document 9902 de l’Assemblée de l’OACI, du 28 septembre 2007, Résolutions en
vigueur
- ICAO Council Working Paper, C-WP/13133, Progress Report on the Issue of Flags of
Convenience, 20 February 2008
- Résolution de l’OACI A36-10, Amélioration de la prévention des accidents en aviation
civile
- Résolution de l’OACI A29-13, Amélioration de la supervision de la sécurité
- Résolution de l’OACI A27-12 sur le rôle de l’OACI dans la répression du trafic illicite
des stupéfiants par voie aérienne
- Manuel de l’OACI pour les procédures pour l’inspection, la certification et la
surveillance continue des opérations, Doc. 8335-AN/879

532
COPUOS (CUPEEA)
- Rapport du Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS) sur les travaux de sa
trente-quatrième session, Doc. A/AC.105/672, 10 mars 1997
- Rapport du Secrétariat, Examen du concept d’Etat de lancement, Doc. A/AC.105/768,
21 janvier 2002
- Sous-comité juridique COPUOS, Informations concernant les activités des
organisations internationales relatives au droit spatial, Doc. A/AC.105/C.2/L.231, 29
janvier 2002
- Rapport du Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS) sur sa trente-
neuvième session, Doc. A/AC.105/786, 15 mars 2002
- Rapport du Sous-comité juridique du COPUOS sur les travaux de sa quarante-
troisième session, Doc. A/AC.105/826, 16 avril 2004
- Résolution de l’Assemblée Générale relative à l’application du concept d’Etat de
lancement, Doc. A/RES/59/115, 25 janvier 2005
- Sous-comité juridique du COPUOS, Pratique des Etats et des organisations
internationales concernant l’immatriculation des objets spatiaux, Document
d’information du secrétariat, Doc. A/AC.105/C.2/L.255, 25 janvier 2005
- Rapport du Sous-comité juridique sur les travaux de sa quarante-sixième session,
tenue à Vienne du 26 mars au 5 avril 2007, Doc. A/AC.105/891, 2 mai 2007
- Résolution de l’Assemblée Générale relative aux recommandations visant à renforcer
la pratique des Etats et des organisations internationales intergouvernementales
concernant l’immatriculation des objets spatiaux, Doc. A/RES/61/101, 10 janvier 2008
- Rapport du Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS) sur les travaux de sa
quarante-cinquième session, Doc. A/AC.105/911, 11 mars 2008
- Rapport du Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS) sur les travaux de sa
quarante-huitième session, Doc. A/AC.105/933, 6 mars 2009
- Rapport du Sous-comité juridique (du COPUOS) sur les travaux de sa quarante-
huitième session, Doc. A/AC.105/935, 20 avril 2009
- Rapport du Secrétariat du sous-comité juridique (du COPUOS), quarante-neuvième
session, Schematic overview of national regulatory frameworks for space activities,
Doc. A/AC.105/C.2/2010/CRP.12, 24 mars 2010
- Sous-comité scientifique et technique (du COPUOS), Long Term Substainability of
Space Activities, preliminary reflexions, Doc. A/AC.105/C.1/2010/CRP.3, 8 février
2010

FSI
- Rapport du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, « Les océans et le droit de la mer », 54ème session, 30 septembre 1999, Doc.
A/54/429
- Rapport du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, « Les océans et le droit de la mer », 58ème session, 3 mars 2003, Doc.

533
A/58/65 (et dans « Oceans and the Law of the Sea, Report of the Secretary General,
2003 », Ocean Yearbook, 2005, vol.19, pp. 405-526)
- Rapport du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, « Les océans et le droit de la mer », 59ème session, 5 mars 2004, Doc.
A/59/63
- Note du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du pavillon,
« Les océans et le droit de la mer », 61ère session, 17 juillet 2006, Doc. A/61/160
- Rapport du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, « Les océans et le droit de la mer », 64ème session, 13 mars 2009, Doc.
A/64/66
- Rapport du Secrétaire Général, Groupe consultatif sur l’application par l’Etat du
pavillon, « Les océans et le droit de la mer », 65ème session, 29 mars 2010, Doc.
A/65/69

OMI
- IMO, Study by the Secretariat, Strengthening of Flag State Implementation, 11 mai
2004, UN Doc. A/AC.259/11
- IMO, Study by the Secretariat, Implications of the United Nations Convention on the
Law of the Sea for the International Maritime Organization, 10 septembre 2008, Doc.
LEG/MISC/6.doc

FAO
- FAO, Rapport de la 27ème session du COFI, Rome 5-9 mars 2007
- FAO, Rapport de la 28ème session du COFI, Rome 2-6 mars 2009
- FAO, Fisheries and Agriculture Report of the Expert Consultation on Flag State
Performance, n° 918, 1 juin 2009

DOCUMENTS ONU SUR LA PIRATERIE MARITIME


- Résolution du Conseil de Sécurité 1814/2008 du 15 mai 2008
- Résolution du Conseil de Sécurité 1816/2008 du 2 juin 2008
- Résolution du Conseil de Sécurité 1838/2008 du 7 octobre 2008
- Résolution du Conseil de Sécurité 1846/2008 du 2 décembre 2008
- Résolution du Conseil de Sécurité 1872/2009 du 26 mai 2009
- Résolution du Conseil de Sécurité 1950/2010 du 23 novembre 2010
- Rapport du Conseilleur spécial Jack LANG sur les questions juridiques liées à la
piraterie au large des côtes somaliennes du 18 janvier 2011

534
DOCUMENTS UE CONSULTES (ordre chronologique)
- Communication de la Commission au Conseil, Modification d’une proposition de
règlement instaurant un registre communautaire et prévoyant la navigation sous
pavillon communautaire pour les navires, COM (91)final, 12 décembre 1991
- Directive n° 94/56/CE du Conseil du 21 novembre 1994 établissant les principes
fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation
civile
- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur un 2ème
train de mesures communautaires en matière de sécurité maritime suite au naufrage de
l’Erika, COM(2000) 802 final, 6 décembre 2000
- Proposition de la Commission prévoyant une inspection des aéronefs non
communautaires empruntant les aéroports de l’Union avec possibilité
d’immobilisation en cas de danger et mécanisme de diffusion des informations
(COM(2002) 8 final et COM(2002) 664 final
- Communication de la Commission sur un plan d’action communautaire en vue
d’éradiquer de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (action n°13), COM
(2002) 180 final du 28 mai 2002
- Règlement n° 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002,
instituant une agence européenne de sécurité maritime
- Règlement n° 2320/2002 du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à
l’instauration des règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile
- Règlement n° 1702/2003 de la Commission du 24 septembre 2003, établissant des
règles d’application pour la certification de navigabilité et environnementale des
aéronefs et produits, pièces et équipements associés, ainsi que pour la certification des
organismes de conception et de production, [modifié par les règlements n° 381/2005
du 8 mars 2005 ; 706/2006 du 10 mai 2006 ; 335/2007 du 29 mars 2007 et 375/2007
du 5 avril 2007]
- Directive n° 2003/42 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2003 concernant
les comptes rendus d’événements dans l’aviation civile
- Règlement n° 785/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 relatif
aux exigences en matière d’assurance applicables aux transporteurs aériens et aux
exploitants d'aéronefs
- Règlement n° 789/2004 du Parlement et du Conseil du 21 avril 2004 modifiant le
règlement 613/91 du Conseil du 4 mars 1991, relatif aux modalités particulières de
changement de registre des navires à l’intérieur de la Communauté
- Directive n° 2004/35 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la
responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des
dommages environnementaux
- Directive n° 2005/35 du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005
relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas
d’infractions
- Directive n° 2004/36 du Parlement et du Conseil du 21 avril 2004, concernant la
sécurité des aéronefs des pays tiers empruntant les aéroports de la Communauté (fin de
validité 4/7/2012)

535
- Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect
des obligations des Etats du pavillon, COM(2005) 586 final du 23 novembre 2005
- Communication de la Commission, Troisième paquet des mesures législatives en
faveur de la sécurité maritime dans l’Union européenne, (COM)2005 0585 final du 23
novembre 2005
- Règlement n° 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005
concernant l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens
- Directive n° 2001/105 du Parlement et du Conseil du 19 décembre 2001 établissant
des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer
l’inspection et la visite des navires, ainsi que les activités pertinentes des
administrations maritimes
- Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Livre Vert,
Vers une politique maritime de l’Union : une vision européenne des océans et des
mers, adoptée par la Commission le 7 juin 2006, COM(2006)275final
- Communication de la Commission, 10 octobre 2007, Une politique maritime intégrée
pour l’Union européenne, COM(2007)575 final
- Communication de la Commission européenne et du directeur de l’Agence spatiale
européenne (ASE) du 26 avril 2007, sur la politique spatiale européenne,
COM(2007)212 final
- Règlement n° 300/2008 du Parlement et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à
l’instauration des règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et
abrogeant le règlement n° 2320/2008
- Règlement n° 1008/2008 du Parlement et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant
des règles communes pour l’exploitation des services aériens dans la Communauté
- Règlement n° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système
communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée
- Action commune 2008/851/PESC du Conseil du 10 novembre 2008 concernant
l’opération militaire de l’UE en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention
et à la représsion des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de
la Somalie
- Echange de lettres entre l’Union européenne et le gouvernement du Kenya sur les
conditions et les modalités sur le transfert des personnes soupçonnées d’avoir commis
des actes de piraterie ou des vols à main armée dans les eaux territoriales de la
Somalie ou du Kenya retenues par l’EUNAVFOR publié le 25 mars 2009
- Directive n° 2009/16/CE du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative au
contrôle par l’Etat du port
- Directive n° 2009/21 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 concernant le
respect des obligations des Etats du pavillon
- Directive n° 2009/20 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 relative à
l’assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes
- Décision n° 2009/907/PESC du Conseil du 8 décembre 2009 modifiant l’action
commune 2008/851/PESC du Conseil du 10 novembre 2008 concernant l’opération
militaire de l’UE en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la

536
représsion des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de la
Somalie
- Décision de la Commission du 22 novembre 2010 relative à la révocation de la
reconnaissance de la Géorgie en matière d’enseignement, de formation et de
délivrance des brevets aux gens de mer pour la reconnaissance des brevets d’aptitude,
notifiée sous le numéro C (2010) 7966

JURISPRUDENCE CITEE
Internationale
CPIJ
- CPJI, Affaire Usine de Chorzow, compétence, arrêt du 26 juillet 1927, Rec. CPJI,
série A, n° 9
- CPJI, Affaire Lotus, arrêt du 7 septembre 1927, Rec. CPJI, Série A, n°10
- CPJI, Affaires Emprunts serbes et emprunts brésiliens, arrêts du 12 juillet 1929, Rec.
CPJI, série A, n° 20 et n° 21
- CPJI, Affaire Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt du 28 février 1939, Rec.
CPJI, série A/B, n° 76
- CPJI, Affaire Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, exceptions
préliminaires, arrêt du 4 avril 1939, Rec. CPJI, série A/B, n° 77
CIJ
- CIJ, Affaire Détroit de Corfou, arrêt du 9 avril 1949, Rec. CIJ 1949, p. 4
- CIJ, Avis consultatif sur la Réparation des dommages subis au service des Nations
Unies, avis du 11 avril 1949, Rec. CIJ, 1949, p. 174
- CIJ, Affaire du droit d’asile, arrêt du 20 novembre 1950, Rec.CIJ 1950, p. 266
- CIJ, Affaire du traitement en Hongrie d’un avion des Etats-Unis d’Amérique et de son
équipage, ordonnance du 12 juillet 1954, Rec. CIJ 1954, p. 103
- CIJ, Affaire Nottebohm (2ème phase), arrêt du 6 avril 1955, Rec. CIJ 1955, p. 4
- CIJ, Affaire Interhandel, exceptions préliminaires, arrêt du 21 mars 1959, Rec. CIJ
1959, p. 6
- CIJ, Affaire de l’incident aérien du 27 juillet 1955, exceptions préliminaires, arrêt du
26 mai 1959, Rec. CIJ 1959, p. 127
- CIJ, Affaire Composition du Comité de la Sécurité Maritime de l’OMCI, avis du 8 juin
1960, Rec. CIJ 1960, p. 150
- CIJ, Affaire du plateau continental de la mer du nord, arrêt du 20 février 1969,
Rec.CIJ 1969, p. 3
- CIJ, Affaire Barcelona Traction, arrêt du 5 février 1970, Rec. CIJ 1970, p. 3
- CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
compétence et recevabilité, arrêt du 26 novembre 1984, Rec.CIJ 1984, p. 392
- CIJ, Affaire du plateau continental, arrêt du 3 juin 1985, Rec. CIJ 1985, p. 13

537
- CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
arrêt sur le fond, arrêt du 27 juin 1986, Rec. CIJ 1986, p. 14
- CIJ, Affaire ELSI, arrêt du 20 juillet 1989, Rec. CIJ 1989, p. 15
- CIJ, Affaire des terres à phosphates à Nauru, exceptions préliminaires, arrêt du 26
juin 1992, Rec.CIJ 1992, p. 240
- CIJ, Affaire du Passage par le Grand-Belt, ordonnance du 10 septembre 1992, Rec.
CIJ 1992, p. 348
- CIJ, Affaire de l’incident aérien du 3 juillet 1988, ordonnance du 22 février 1996, Rec.
CIJ 1996, p. 9
- CIJ, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires,
avis du 8 juillet 1996, Rec. CIJ 1996, p. 226
- CIJ, Affaire de la compétence en matière de pêcheries, arrêt sur la compétence du 4
décembre 1998, Rec. CIJ 1998, p. 432
- CIJ, Affaire relative à des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, Argentine c/
Uruguay, arrêt du 20 avril 2010
TIDM
N.B. : le texte des arrêts et ordonnances rendus par le Tribunal dans les affaires qui lui ont été soumises est
publié dans la série Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances, publiée par Martinus Nijhoff Publishers.
- TIDM, Affaire Saiga n°2, St-Vincent-et-les-Grenadines c/ Guinée, arrêt du 1er juillet
1999, Rec. 1999, vol. 3
- TIDM, Affaire Monte Confurco, Seychelles c/ France, arrêt du 18 décembre 2000,
Rec. 2000, vol. 4
- TIDM, Affaire Grand Prince, Belize c/ France, arrêt du 20 avril 2001, Rec. 2001, vol.
5
- TIDM, Affaire Volga, Russie c/ Australie, arrêt du 23 décembre 2002, Rec. 2002, vol.
6
- TIDM, Affaire Juno Trader, St-Vincent-et-les-Grenadines c/ Guinée-Bissau, arrêt du
18 décembre 2004, Rec. 2004, vol. 8
- TIDM, Affaire Tomimaru, Japon c/ Fédération de Russie, arrêt du 6 août 2007, Rec.
2005-2007, vol. 9
- TDIM, Affaire Hoshinmaru, Japon c/ Fédération de Russie, arrêt du août 2007, Rec.
2005-2007, vol. 9
- TDIM, Affaire Louisa, Demande en prescription de mesures conservatoires, St-
Vincent-et-les-Grenadines c/ Royaume d’Espagne, ordonnance du 23 décembre 2010
- TDIM, Responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et des
entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone (Demande d’avis consultatif
soumise à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins),
avis du 1er février 2011
CEDH
- CEDH [GC], affaire Medvedyev et autres c/ France, arrêt du 29 mars 2010, n°
3394/03, CEDH-2010

538
Arbitrage/ Commission de conciliation
- Tribunal arbitral, affaire Montijo, Etats-Unis d’Amérique c/ Colombie, sentence du 25
juillet 1875, (MOORE (J.B.), IA, vol.II, pp. 1421-1447)
- Cour Permanente d’arbitrage, affaire Boutres de Mascate, France c/ Grande Bretagne,
sentence du 8 août 1905, (RSA, vol. XI, pp. 405-410)
- Tribunal arbitral mixte yougoslavo-hongrois, affaire de Born, sentence no 205,
sentence du 12 juillet 1926 (Annual Digest of Public International Law Cases, vol. 3,
1925-1926, affaire no 205)
- Tribunal arbitral, affaire de l’île des Palmas, Pays Bas c/ Etats Unis, sentence du 4
avril 1928 (RSA, vol. II, pp. 829-871)
- Cour permanente d’arbitrage, affaire I’m alone, Rapport intérimaire conjoint, Canada
c/ Etats Unis, 30 juin 1933 (RSA, vol. III, pp. 1613-1615)
- Cour permanente d’arbitrage, affaire I’m alone, Rapport final conjoint, Canada c/ Etats
Unis, sentence du 5 janvier 1935 (RSA, vol. III, pp. 1616-1618)
- Commission de conciliation Italie/Etats Unis, affaire Flegenheimer, décision n° 182,
sentence du 20 octobre 1958 (RSA, vol. XIV, pp. 327-390)
- Tribunal arbitral franco-canadien, affaire du filetage dans le golfe du Saint Laurent,
Canada c/ France, sentence du 17 juillet 1986 (RGDIP, 1986, vol. 90, pp. 713-757)
- Tribunal arbitral, affaire concernant les redevances d’usage à l’aéroport de Heathrow,
Etats Unis c/ Royaume Uni, sentence arbitrale rendue relativement à la première
question, décision du 30 novembre 1992 (révisée le 18 juin 1993), (ILR, vol.102, pp.
216-259)

CJUE (CJCE/ TPI)


- CJCE, Commission c/ France (« French Seamen case »), affaire 167/73, Rec. 1974, p.
359
- CJCE, Commission c/ Royaume Uni, affaire 804/79, Rec. 1981, p. 1045
- CJCE, Pesca Valentia c/ Min. de la Pêche et des Fôrets, affaire 223/86, Rec. 1988, p.
83
- CJCE, The Queen c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Jaderow
Ltd. et ex parte Agegate Ltd., affaires 216/87 et 3/87, Rec. 1989, p. 4509 et p. 4459
- CJCE, Commission c/ France, affaire 64/88, Rec. 1991, p. I-2727
- CJCE, R c/ Secretary of State for Transport ex p. Factortame, affaire C-221/89, Rec.
1991, p. I-3905
- CJCE, Commission c/ Royaume Uni, affaire C-246/89, Rec. 1991, p. I-4585
- CJCE, Commission c/ Irlande, affaire C-280/89, Rec. 1992, p. I-6185
- CJCE, « Poulsen » Anklagemyndigheden c/ Peter Michael Poulsen et Diva Navigation
Corp, affaire C-286/90, Rec. 1992, p. I-6019
- CJCE, Michelletti e.a. c/ Delegacion del Gobierno en Cantabria, affaire C-369/90,
Rec. 1992, p. I-4239
- CJCE, Commission c/ Conseil, affaire C-25/94, Rec. 1996, p. I-1469

539
- CJCE, Commission c/ France, affaire C-334/94, Rec. 1996, p. I-1307
- CJCE, « Bosphorus » Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS c/ Minister for
Transport, Energy and Communications et autres, affaire C-84/95, Rec. 1996, p. I-
3953
- CJCE, Commission c/ Grèce, affaire C-62/96, Rec. 1997, p. I-6725
- CJCE, Commission c/ Ireland, affaire C-151/96, Rec. 1997, p. I-3327
- CJCE, Commission c/ Belgique, affaire C-203/98, Rec. 1999, p. I-4899
- CJCE, Dorsch Consult c/ Conseil et Commission, affaire C-237/98, Rec. 2000, p. I-
4549
- CJCE, Commission c/ Royaume Uni - c/ Allemagne, affaires C-466/98 à C-476/98,
Rec. 2002, p. I-9427 et p. I-9855
- CJCE, Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Espanola c/ Administracion del
Estado, affaire C-405/01, Rec. 2003, p. I-10391
- CJCE, Anker c/ Budesrepublic Deutchland, affaire C-47/02, Rec. 2003, p. I-10447
- CJCE, Commission c/ Pays-Bas, affaire C-299/02, Rec. 2004, p. I-9761
- CJCE, Commission c/ France, affaire C-304/02, Rec. 2005, p. I-6263
- CJCE, Commission c/ Finlande, affaire C-437/02, non publié
- CJCE, Commission/Irlande, affaire C-459/03, Rec. 2006, p. I-4635
- CJCE, Commission c/ Conseil, affaire C-440/05, Rec. 2007, p. I-9097
- CJCE, Intertanko e.a, affaire C-308/06, Rec. 2008, p. I-4057
- CJCE, Commission c/ France, affaire C-89/07, Rec. 2008, p. I-45, Pub. somm.
- CJCE, Commune de Mesquer, affaire C-188/07, Rec. 2008, p. I-4501
- TPI, Area Cova e.a. c/ Commission et Conseil, affaire T-196/99, Rec. 2001, p. II-3597
- TPI, Masdar (UK) Ltd c/ Commission, affaire T-333/03, Rec. 2006, p. II-04377

Nationale
France
- Conseil d’Etat, avis à propos des affaires Sally et Newton, avis du 28 octobre 1806
(Lois annotées Sirey, t. 1, p. 737)
- Direction centrale du Commissariat de la Marine, France, Conseil des prises, affaires
Bateaux Atun I et Atun II, décisions du 28 mars 1947 (Prises maritimes :
Jurisprudence française de la guerre 1939-1945, Paris, Imprimerie nationale 1953,
t.II, p. 31 et p. 93)
- Direction centrale du Commissariat de la Marine, France, Conseil des prises, affaires
Clizia et Capo Alga, décisions du 12 juillet 1957 (Prises maritimes : Jurisprudence
française de la guerre 1953-1965, Paris, Imprimerie nationale 1973, t. III, p. 239 et p.
253)
- Tribunal correctionnel de Fécamp, arrêt du 20 novembre 1975 (DMF, 1976,
Sommaires, p. 506)

540
- Conseil d’Etat, Société Nachfolger, n° 72951, arrêt du 23 octobre 1987, (publié au
Rec. Lebon 1987 et consultable sur [http://bu.dalloz.fr/] consulté pour la dernière fois
le 3 mars 2011)
- Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, Ministère public et a. c/ M. Raoul S. et a.
affaire du navire Number One), arrêt du 18 mars 2003 (DMF 2003, n° 643, p. 1069,
obs. Gwenaële PROUTIERE-MAULION)
- Tribunal correctionnel de La Rochelle, affaire du navire Sylvanna, arrêt du 19 juin
2003 & Cour d’appel de Poitiers, affaire du navire Sylvanna , arrêt du 11 décembre
2003 (ADMO 2005, t. XXIII, p. 309)
- Cour de Cassation (Ch. crim.), affaire du navire Winner, arrêt du 15 janvier 2003
(Bulletin criminel 2003, n° 12 p. 39)
- Cour de Cassation, affaire du navire Erika, arrêt du 23 novembre 2004 (Bulletin
criminel 2004, n° 292 p. 1096)
- Cour de Cassation (Ch. com.), affaire du navire Teguise, arrêt du 16 juin 2004
(Bulletin 2004 IV, n° 124, p. 127)
- Conseil Constitutionnel, n° 2005-514 DC, arrêt du 28 avril 2005, sur la loi relative à la
création du registre international français (Journal officiel du 4 mai 2005, p. 7702 ;
Recueil, p. 78)
- Tribunal de grande instance de Paris, 11ème ch., 4ème sect., affaire du navire Erika, n°
9934895010, arrêt du 16 janvier 2008 (consultable sur [http://www.fortunes-de-
mer.com/documents%20pdf/jurisprudence/Arrets/7%20TGI%20Paris%2016012008%
20Erika.pdf] consulté pour la dernière fois le 3 mars 2011)
- Cour de Cassation, 3ème chambre civile, affaire Commune de Mesquer, n° 04-12.315,
arrêt du 17 décembre 2008 (Bulletin 2008, III, n° 206)
- Cour d’appel de Versailles, 12ème ch., 2ème sect., affaire S.A GAN Assurances IARD c/
S.A Total, n° 07/02442, arrêt du 8 janvier 2009 (consultable sur [http://bu.dalloz.fr/]
consulté pour la dernière fois le 3 mars 2011)
- Cour de cassation (ch. crim.), affaires du navire Trans Artic et du navire Fast
Independence, n°s 07-87.362 et 07-87.931, arrêts du 5 mai 2009 (Bulletin criminel
2009, n° 85)
Etats-Unis
- Supreme Court of New York, Affaire Barker vs Phoenix Insurance Company, August
1811 (JOHNSON (W.), Reports of Cases Argued and Determined in the Supreme
Court of Judicature and in the Court for the Trial of Impeachments, vol. 8, Harvard
Library, New York, 1811, pp. 307-321[8 Johns. 307, 5 Am. Dec. 339])
- United States Supreme Court, Ross vs McIntyre, 1891 (MOORE (D.), International
Law Digest, vol.3, 1906, p. 797)
- United States Supreme Court, Lauritzen vs Larsen, May 25th 1953 (consultable sur
[http://supreme.justia.com/us/345/571/case.html] consulté pour la dernière fois le 3
mars 2011)
- United States Supreme Court, US vs SA Empresa de Viacao Aerea Rio Grandese
(Varig Airlines) et al et US vs United Scottish Insurance Co et al, 1984 (467 US 797)

541
- United States District Court, Northern District of Illinois, Fast Div., In re Oil Spill by
Amoco Cadiz off the Coast of France on March 16, 1978, April 18th 1984 and January
11th 1988, n° MDL376 (N.D.III 1988; 1988 US Dist. LEXIS 16832)
- United States Court of Appeals, 2nd Circuit, Re Air Disaster at Lockerbie, 22 March
1991 (US App. LEXIS 4779)
- United States Court of Appeal, 7th Circuit, Chicago, In re Amoco Cadiz, January 24th
1992, n°s 90-2832 to 90-2841, 90-2857 and 90-2946 to 90-2954 (954 F.2d 1279 ;
1992 A.M.C. 913, 22 Envtl. L. Rep. 20,835 ; 35 Fed. R. Evid. Serv. 1204)
- United States Court of Appeals, 2nd Circuit, George C. Pratt, Circuit Judge, Sundancer,
Sundance Cruises Corp. vs The American Bureau of shipping, October 15th 1993 (7
F.301 1077 ; 1994 AMC 1)
- United States Court of Appeal, 9th Circuit, In re Exxon Valdez, n° 04-35182, 22
December 2006 (consultable sur [http://www.ca9.uscourts.gov/opinions/])
- United States District Court for the District Sud of New York, Reino de Espana vs The
American Bureau of Shipping, January 2nd 2008 (opinion and order) (F.Supp.2d,
consultable sur [http://folk.uio.no/erikro/WWW/HNS/prestige.pdf] consulté pour la
dernière fois le 3 mars 2011)
Autres (Allemagne; Canada; Italie ; Pays Bas ; Royaume Uni)
- BGH Urteil v. 22/2/1963 – 4 StR 9/63 (LG Bochum), (Juristenzeitung 1964, p. 380)
- Federal Court of Appeal of Canada, Swanson & Others v. R, February/May 1991
(Federal Court Reports 1991)
- Cour d’appel de Palerme, 1er juin 1992, procédure pénale contre Renevey et autres
(Rivista di diritto internationale, 1992, p. 1081)
- Netherlands Supreme Court (Hoge Raad), The State of the Netherlands vs (1) Holland-
Amerika Lijn and (2) G. Wedema and L. Mulder, constituting the Rederii Motorschip
« Zuidpool », 26 May 1978 (NYBIL, vol. X, 1979, pp. 507-510)
- Judicial Committee of the Privy Council, Naim Molvan vs Attorney General for
Palestine (The Assya »), n° 37.214, 20 April 1948 (AC 1948, p. 351 et 81 Ll L Rep
277)
- UK House of Lords, Sidhu c/ British Airways, 1997 (AC 1997, p. 430)

PRINCIPAUX SITES INTERNET


- <http://www.itlos.org/start2_fr.html > (Rôle des affaires du TIDM)
- <http://curia.europa.eu/jcms/jcms/j_6/ > (Jurisprudence CJUE)
- <http://www.oosa.unvienna.org/oosa/en/COPUOS/Legal/index.html > (Sous-comité
juridique du COPUOS)
- <http://www.icj-cij.org/ > (Jurisprudence CIJ)
- <http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm > (Traités et législation de l’UE)
- <http://www.legifrance.gouv.fr/ > (Législation française)
- <http://www.guidetoshipregistries.com/index.html > (site pour différents registres
maritimes)

542
- <http://www.ihsfairplay.com/Maritime_data/WRS/WRS.html?product=WRS > (World
Register of Ships: identifier les navires militaries et marchands de 164 pays)
- <http://www.oosa.unvienna.org/oosaddb/browse_countries.jsp > (Législations
spatiales)
- <http://www.aviation-register.com/french/index.html > (International Register of Civil
Aircraft IRCA)
- <http://www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/legis.php > (Législations nationales sur le
transport)
- <http://www.bahamasmaritime.com/Registration.html > (Registre des Bahamas)
- <http://www.panaconsul.com/shipping/registrationprocedures > (Registre du Panama)
- <http://www.liscr.com > (Registre du Liberia)
- <http://bu.dalloz.fr/ > (Dalloz jurisprudence)
- <http://international.westlaw.com > (Banque de données d’information juridique et
économique)

543
544
TABLE DES ANNEXES

ANNEXE 1 - Législations nationales consultées ...................................................................547 


ANNEXE 2 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des navires ............557 
ANNEXE 3 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des aéronefs ..........577 
ANNEXE 4 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des objets spatiaux et
les licences pour activités spatiales ........................................................................................583 

545
546
ANNEXE 1
Législations nationales consultées

Afghanistan
- Law of Civil Aviation of Afghanistan 1956
Afrique du Sud
- Civil Aviation Act n°13 2009
- Ship Registration Act n°58 1998
- Merchant Shipping Act n°57 1951/1989/1992
- Space Affairs Act n° 83 1993/ n° 64 1995
- National Space Policy 2008
- National Space Agency Act n°38 2008
Albanie
- Air Code of Albania 2007
Algérie
- Code de l’Aviation Civile (Loi n°98-06 du 3 Rabie El Aouel 1419 correspondant au
27 juin 1998 fixant les règles générales relatives à l'aviation civile)
Allemagne
- Aviation Act/ Luftverkehrsgesetz 1922/2007/2009
- Law of the Flag Act/ Gesetz über das Flaggenrecht der Seeschiffe und die
Flaggenführung der Binnenschiffe (Flaggenrechtsgesetz) 1951/1994/2009
- Law of the Rights on Registered Ships and Marine Structures/ Gesetz über Rechte an
eingetragenen Schiffen und Schiffsbauwerken 1940/2008
- Law governing the transfer of responsibilities for space activities 1998
- Act to give protection against the security risk to the Federal Republic of Germany by
the dissemination of high-grade earth remote sensing data (Satellite Data Security Act)
2007
Antigua et Barbuda
- Civil Aviation Act 2003
- Eastern Carribean Civil Aviation Agreement Act 2003
- Merchant Shipping Act 2006
Argentine
- Codigo Aeronautico 1967 (ley 17.285 modifié ley 19620/20509/22390)
- National Decree n°125/95, Establishment of the National Registry of Objects
Launched into Outer Space (25 July 1995)
- National Decree n°995/91, Creation of the National Commission of Space Activities
(28 May 1991)
Arménie
- Law on Aviation 1998
Autriche
- Federal Law on Air Navigation du 2 décembre 1957 Section 16 (2)
Australie
- Shipping Registration Act de 1981
- Shipping Registration Regulations 1981
- Civil Aviation Act 1988
- Civil Aviation Regulations 1988
- Air Navigation Act 1920 taking into account amendements up to n°87 of 2008
- Space Activities Act n° 123 1998
- Statutory Rules n°186 Space Activities Regulations 2001

547
Bahamas
- The Companies Act de 1992
- The International Business Companies (IBC) Act de 1989 et Amendement de 1994
- Merchant Shipping Act 1976/2000/2001
- Civil Aviation Act 1976/2001
Barbade
- Civil Aviation (Registration of Aircraft and Aircraft Mortgage) Regulations 2007
- Civil Aviation Act 2004/2007
Belize
- Registration of Merchant Ship Act Chapter 236 2000
- Civil Aviation Act Chapter 239 2000
Belgique
- Loi du 27 juin 1937 sur la navigation aérienne/Arrêté royal du 15 mars 1954 sur la
navigation aérienne/Arrêté royal du 31 août 1979/Arrêté royal du 14 mai 2000
- Loi du 21 décembre 1990 relative à l’enregistrement des navires modifiée/Arrêté royal
du 4 avril 1996/Arrêté royal du 8 avril 2003
- Loi du 17 septembre 2005 relative aux activités de lancement, d’opération de vol ou
de guidage d’objets spatiaux
Bermuda
- Merchant Shipping Act 2002/2004/2008
- Merchant Shipping (EPIRB Registration) Act 2008
- Civil Aviation Act 1950/2007
Bosnie Herzégovine
- Aviation Law 2003
Brésil
- Leys 7.652/88 ; 9.432/97 ; 10.233/01
- Codigo Brasileiro de Aeronautica du 19 décembre 1986
- Law Establishing the Brazilian Space Agency n°8.854 du 10 février 1994
- Administrative Edit n°27 of June 10 2001, on the licensing of space launches from
Brazilian territory
- Resolution on Commercial Launching Activities from Brazilian Territory n°51 of 26
January 2001
- Administrative Edit n°5 of February 21 2002, on the regulation of the authorization of
space launches from Brazilian territory
Bulgarie
- Ordinance 1 of 10 January 2003 Concerning Entry in the Register of Vessels
- Merchant Shipping Code 1970/2006
- Civil Aviation Act 1999/2007
Canada
- Shipping Act 2001 and Regulations
- Aeronautics Act 1985
- Canadian Aviation Regulations (CAR) 1996/2010
- Space Agency Act 1990
Chili
- Codigo Aeronautico 1990/2005, ley 18.916
- Supreme Decree n°338, Establishment of a Presidential Advisory Committee known
as the Chilean Space Agency 2001
Chine
- Maritime Code 1992
- Civil Aviation Law 1995

548
- Measures for the Administration of Registration of Objects Launched into Outer Space
of 8 February 2001
- Interim Measures on the Administration of Permits for Civil Space Launch Projects of
21 December 2002
Chypre
- The Merchant Shipping (Master and Seamen) Laws of 1963 to 2002
- The Merchant Shipping (Registration of Ships, Sales and Mortgages) Laws of 1963 to
2005
Colombie
- Ley de Registro y abanderamiento de naves Ley 2001-730
- Decree 2442 of July 2006 on the creation of the Colombian Commission of Space
Congo
- Code de la Marine Marchande - Loi 30-63 du 4 juillet 1963
Corée du Sud
- Space Development Promotion Act, n° 7538 of 1 December 2005
- Space Liability Act, n° 8714 of 21 December 2007
Cote d’Ivoire
- Code de la Marine Marchande - Loi n° 61-349 du 9 novembre 1961
- Code de l’Aviation Civile - Loi n°2008-08 du 23 janvier 2008
Danemark
- The Merchant Shipping Act, consolidated version n° 538 of 15 June 2004
- Executive Order n° 1046 of 6 December 1996 on Registration in the Danish -
International Register of Shipping of ships whose owner does not meet the conditions
of Section 1 of the Merchant Shipping Act 1994/1995/1996
Dominique
- Civil Aviation Act, Chapter 47.10, 1991
- Registration of Ships Act, Chapter 48:01, 1991
El Salvador
- Ley Organica de Aviacion Civil 2001/2005 (ley n° 582; ley n° 927)
Espagne
- Ley 1960-48 sobre Navegación Aérea (LNA)
- Ley 2010-5 por la que se modifica la ley 48/1960, de 21 de julio, de Navegacion
Aérea
- Real Decreto 1709-1996 por el que se modifica el Reglamento del Registro de
Matricula de aeronaves
- Real Decreto 1989 - 1027 sobre abanderamiento, matriculación de buques y registro
marítimo
- Real Decreto 278 - 1995, de 24 de Febrero 1995, por el que se crea en España el
Registro previsto en el Convencion de 12 de Noviembre de 1974 de la asamblea
general de las Naciones unidas
Estonie
- Aviation Act 1999 (consolidated text April 2009)
Etats Unis
- Aviation and Transportation Security Act de 2001
- Code of Federal Regulations Title 14 Chapter 47 - Aircraft Registration
- Merchant Marine Act 1936
- United States Code Title 46 – Shipping
- Code of Federal Regulations Title 33 – Navigation and navigable waters
- United States Code, Title 42 (The Public Health and Welfare), Chapter 26 (National
Space Program)

549
- Communications Satellite Act of 1962/1978
- National Aeronautics and Space Act of 1958/1983
- Land remote sensing satellite commercialisation Act 1984 (15 USC, Chapter 82)
- Commercial Space Launch Act of 1984/1988
- Commercial Space Act 1998
- United States Code Title 35 Chapter 10, Section 105, Inventions in Outer Space 1990
Fiji
- Civil Aviation Act 1976/1999
- Marine Act 1991
Finlande
- Register of Ships Act 512/1993 - 486/2004
- Register of Ships Decree 874/1993 - 960/1994
- Seamen’s Act 423/1978 - 582/2006
France
- Code de l’aviation civile version consolidée du 11 janvier 2010
- Décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves
maritimes modifié par le décret n° 85-632 du 21 juin 1985
- Loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de
mer et son décret d’application n° 67-967 du 27 octobre 1967
- Loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires
- Décret n° 85-185 du 6 février 1985 portant réglementation du passage des navires
étrangers dans les eaux territoriales françaises
- Loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche et les cultures
maritimes
- Loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 modifiant l’article 3-1 de la loi n° 67-5 du 3 janvier
1967 portant statut des navires et des bâtiments de mer
- Loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français
- Loi n° 2008-324 du 7 avril 2008 relative à la nationalité des équipages des navires
- Loi n° 2003-346 du 15 avril 2003, relative à la création d’une zone de protection
écologique au large des côtes du territoire de la république
- Loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution de la mer par les hydrocarbures
- Loi n° 90-444 du 31 mai 1990 modifiant et complétant la loi n° 83-583 du 5 juillet
1983 réprimant la pollution de la mer par les hydrocarbures
- Loi n°2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à
diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de
l'environnement
- Loi n°61-1382 du 19 décembre 1961 instituant un centre national d’études spatiales
- Décret n°89-508 du 19 juillet 1989 portant création du comité de l’espace
- Loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales
Ghana
- Shipping Act 2003
- Civil Aviation Authority Law 1986
Gibraltar
- Merchant Shipping Act n° 1935-09
- Civil Aviation Act 2009
- Civil Aviation (Air Navigation) Regulations 2009
Grèce
- Article 13 L.D. 2687/53 pour les investissements et la protection du capital étranger
- Κώδικας Δημοσίου Ναυτικού Δικαίου/Code de Droit Maritime Public - Loi 187/1973
- Κώδικας Αεροπορικού Δικαίου/Code de Droit Aérien - Lois 1815/1988 et 3333/2005

550
Guatemala
- Ley de Aviacion Civil 2000 - Decreto 93-2000
Guyana
- Shipping Act, Chapter 49:01, 1998
- Civil Aviation Act, Chapter 53:01
Honduras
- Ley Organica de la Marina Mercante Nacional - decreto n°167-1994
- Ley de Aeronautica Civil 2004 - decreto n°55-2004
Hong Kong
- Outer Space Ordinance 1999
Iles Cayman
- Merchant Shipping Act 1997/1999
Ile de Man
- Merchant Shipping Act 1979/1985/2007
- Merchant Shipping Regulations 1991
- Airports and Civil Aviation Act 1987/2001
Iles Marshall
- Marshall Islands Maritime Act 1990 / 1992/ 1993 / 2000
Iles Turques et Caïques
- Merchant Shipping Ordinance 2002
- Merchant Shipping (Registration) Ordinance 1998
Iles Vierges
- Merchant Shipping Act 2001
Inde
- Merchant Shipping Act 1958
- Merchant Shipping Amendement Bill de 2004
- Aircraft Rules 1937/2010
Iran
- Civil Aviation Act du19 juillet 1949
Irlande
- Merchant Shipping Act 1894/1992/1998/2000
- Civil Aviation Act 2006
Israël
- Air navigation (amendement) law n° 5710-1950
Italie
- Codice della navigazione 1942/1975/2007
- Legge n°234-1989 (flagging in)
- Legge n°30-1998 (flagging out)
Jamaique
- Civil Aviation Act 1966/1974/1984/1995/2004
- Civil Aviation Regulations 2004
- Shipping Act 1999
Japon
- The Ship Safety Law - law n° 11-1933
- The Regulations for the Enforcement of the Ship Safety Law 1963/2000
- Law Concerning the National Space Development Agency of Japan, n°50 of June 23
1969
- Law Concerning Japan Aerospace Exploration Agency, n°161 of December 13 2002
- Fundamental Act of Outer Space, Law n°43 of 27 August 2008

551
Jersey
- Shipping Registration Regulations 2004
- Civil Aviation Law 2008
Kenya
- Civil Aviation Act, chapter 394, 1977
- Civil Aviation (Aircraft Registration and Marking) Regulations 2007
- Merchant Shipping Act 2009
Kiribati
- Civil Aviation Act 2004
- Merchant Shipping Act 2006
Kosovo
- Law on Civil Aviation - Law n°03-L051 2008
Laos
- Law on Civil Aviation de 19 mai 2005
Liban
- Aviation Law du 11 janvier 1949
Liberia
- Code des Lois de 1956/2002, Titre 22
Lithuanie
- Maritime Shipping Law 1996
Luxembourg
- Maritime Act 1994
Madagascar
- Code Malagasy de l’Aviation Civile - loi n° 2004-027
- Code Maritime - loi n°99-028 du 3 février 2000
Maldives
- Civil Aviation Act - act: n°2/2001
Malaysia
- Civil Aviation Act 1969 [Act 3]
- Civil Aviation Regulation 1996
Malte
- Merchant Shipping Act, Chapter 234, 1973/2009
- Civil Aviation Act, Chapter 232, 1972/2009
Maroc
- Réglementation de l’aéronautique civile - décret n° 2-61-161 du 7 safar 1382 (10
juillet 1962) modifié par dahir 1-97-66 du 4 chaoual 1417 (12 février 1997)
Mauritanie
- Code de la Marine Marchande - loi n°1995-009 du 31 janvier 1995
Mexique
- Ley de Navegacion y Comercio Maritimos - 1 juin 2006
- Ley de Aviacion Civil - 12 mai 1995/6 juillet 2006
Mongolie
- Maritime Law of Mongolia - 28 mai 1999
Mozambique
- Lei do Mar - lei 1996-04
Nicaragua
- Ley de Transporte Acuatico - ley n°399-2001
- Ley General de Aeronautica Civil - ley n°595-2006
Nigeria
- Merchant Shipping Act 2007

552
Norvège
- International Ship Register Act 1987
- Norwegian Maritime Code 1994
- Act on Launching Objects from Norwegian Territory into Outer Space n°38, 13 June
1969
Nouvelle Zélande
- Ship Registration Act 1992
- Civil Aviation Act 1990
Panama
- Ley 2008-57 General de Marina Mercante
- Codigo Maritimo - ley 1982-8
- Ley 2009-12 que reforma la ley 8 de 1982 y dicta normas de procedimiento maritimo
- Ley 2003-21 que regula la Aviacion Civil
- Ley 8-1925 que crea la Marina Mercante Nacional
- Ley 11-1973 que reforma la ley 83-973
Papouasie-Nouvelle-Guinée
- Civil Aviation Act 2000
- Merchant Shipping (Registration) Regulation 2006
- Merchant Shipping (Traininf and Certification) Regulation 2008
- Merchant Shipping Act 1975
Paraguay
- Codigo Aeronautico de la Republica de Paraguay - Ley n°1.860/2002
- Código de Navegación Fluvial y Marítimo - Ley n°476/1957
- Ley n°1.448/1999 que modifica y amplia la clasificación de las embarcaciones para la
inscripción en la Dirección General de Registros Públicos
Pérou
- Ley de Aeronautica Civil del Peru - Ley n°27261/2000
- Ley de reactivacion y promocion de la Marina Mercante Nacional - Ley n°28583/2005
Pays Bas
- Acte du 8 octobre 1992 contenant règlements concernant la nationalité des navires
sous affrètement à coque nue aux Pays Bas
- Décision sur l’immatriculation et navigabilité des aéronefs/Besluit luchtvaartuigen
2008 du 14 mai 2008
- Règles concernant les activités spatiales et l’établissement d’un registre d’objets
spatiaux du 24 janvier 2007
- Décret sur le registre des objets spatiaux du 13 novembre 2007
Qatar
- Civil Aviation Law – law N°15 of 2002
République Dominicaine
- Ley de Aviacion Civil de la Republica Dominicana - Ley n° 491-06
République de Maurice
- Civil Aviation Regulations - government notice n°133 of 2007
- Merchant Shipping Bill 2006
Royaume Uni
- Civil Aviation Act 1982/1996/2006
- Air Navigation Order 1995
- Merchant Shipping Act 1995
- Merchant Shipping Regulations 1993
- Merchant Shipping (Officier Nationality) Regulations 1995
- Outer Space Act 1986, Chapter 38.7

553
Russie
- Air Code of the Russian Federation n°60-19 Mars 1997
- Merchant Shipping Code n°80- 30 april 1999
- Decree n°5663-1 About Space Activity 1993
- Presidential Edict No 2005, on the Organization of the Further Utilization of the
Baikonur Cosmodrome in the Interests of the Russian Federation's Space Activity
1994
- Decree No 422, on Measures to Fulfil the Russian Federal Space Program and
International Space Agreements 1996
- Resolution No. 468, regulations of the Russian Space Agency 1996
- Statute on Licensing Space Operations n° 104 of 1996
- Presidential Edict No. 185, about structure of management of space activity in Russian
Federation 22 February 2002
Saint Christophe et Niévès
- Merchant Shipping Act n°24 2002/2005
Saint Vincent et les Grenadines
- Mechant Shipping Act 1982/1990
- Shipping Act 2004
Salomon
- Civil Aviation Act 1996/1999/2005
- Shipping Act n°5 1998
Samoa
- Civil Aviation Act 1998/1999
- Civil Aviation Regulations 2000 S.R 2000/10
- Shipping Act 1998
- Shipping Registration Regulations 2001 S.R 2001/4
- Shipping Amendement (Bareboat Charter) Act 2001
Sénégal
- Code de l’Aviation Civile - Loi n°2002-39 du 12 décembre 2002
- Code de la Marine Marchande - Loi n° 2002-22 du 16 août 2002
Seychelles
- Civil Aviation Act 2005
- Merchant Shipping Act, Chapter 127A, 1994
Sierra Léone
- Merchant Shipping Act 2003
Singapore
- Merchant Shipping Act n° 19 1995/1996
- Merchant Shipping (Registration of Ships) Regulations 1996
- Air Navigation Act n°11 1966/1985 (amended 1971/1986/1997/2000/2003)
- Air Navigation Order 1985/1990
Sri Lanka
- Merchant Shipping Act 1971/1988
Suède
- Act on Space Activities 1982 : 963
- Decree on Space Activities 1982:1069 : Section 4
Suisse
- Loi Fédérale sur l’aviation du 21 décembre 1948/1993/2001
- Loi Fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse du 23 septembre 1953
- Loi Fédérale sur le registre des bateaux du 28 septembre 1923/1972/1986/1995/2006

554
Suriname
- Civil Aviation Regulations - Aircraft Registration and Marking 2003
Taiwan
- Civil Aviation Act 1953/2009
- The Law of Ships 2002
- The Seafarer Act 1999/2009
Tanzanie
- Civil Aviation (Aircraft Registration and Markings) Regulations 2006
- Merchant Shipping Act n°21 2003
Tchad
- Code de l’aviation civile - Loi n°032/PR/2000
Thaïlande
- Air navigation act de 1954
- Merchant Marine Promotion Act, B.E. 2521, 1978
Togo
- Code de l’aviation civile - loi 2007/007
- Code de la marine marchande - ordonnance n°29 du 12 août 1971
Tonga
- Civil Aviation Act 1990
- Civil Aviation Regulations 1992
- Shipping Act 1988
- Shipping (Registration) Regulations 2002
Trinidad et Tobago
- Civil Aviation Act 2001/2003
- Civil Aviation (n°4 Registration and Markings) Regulations 2004
Turquie
- Code of Commerce 1959
- Law on Turkish International Vessel Registration 1999
- Civil Aviation Act n°2920 1983
Tuvalu
- Civil Aviation Act n°0002-2006/2008
- Merchant Shipping Act n°0011-1987/2008
Ukraine
- Decree of the President of Ukraine on the establishment of the National Space Agency
of Ukraine (29 February 1992, No. 117)
- Decree of the President of Ukraine on Regulations for the National Space Agency of
Ukraine (22 July 1997, No. 665/97)
- Ordinance of the Supreme Soviet of Ukraine on Space Actvity - Law of 15 November
1996
Uruguay
- Codigo Aeronautico - Ley n°14.305/1974
Vanuatu
- Maritime Act, Chapter 131, 1981/2004
Venezuela
- Ley de Aeronautica Civil 2005
Vietnam
- Maritime Code 2006

555
556
ANNEXE 2
Critères des législations nationales sur l’immatriculation des navires

ETAT PROPRIETAIRE BENEFICIAIRE EFFECTIF NATIONALITE SECURITE / AFFRETEMENT


(au moins à 50%) (au moins à 50%) / EQUIPAGE ENVIRONNE- COQUE NUE
CONDITIONS SOCIETES MENT (immatriculation
parallèle)
Afrique du Résident (propriétaire) Pas d’exigence prévue National 100% sauf ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
Sud National ou résident autorisation spéciale MARPOL autorisée si navire affrété à
(opérateur) un national
Allemagne National ou Partnership (partenariat): 51% Capitaine & officiers ISM ; SOLAS ; Autorisée sous condition de
résident/UE partenaires nationaux nationaux/UE ; MARPOL réciprocité pour 1 an
Corporation : 51% directeurs pourcentage équipage Conditions renouvelable une fois ;
généraux nationaux selon tonnage UE/OMI ; Paris possibilité d’extension
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Antigua et National/ IBC/ Incorporation& principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée sous condition de
Barbuda ressortissant établissement / 51% compétence STCW MARPOL; réciprocité ; Suspension
CARICOM ; bénéficiaires effectifs Conditions OMI ; d’immatriculation
exceptions possibles nationaux ;51% dirigeants Paris MOU liste possible pour charter out ;
avec autorisation sociaux nationaux & directeur blanche (le 6 mois minimum pour
spéciale général/ 1/07/2010) charter in
Partnership (partenariat): 51%
du capital intérêts nationaux;
Représentant légal local si
société étrangère
Australie National ; Incorporation société suffit Résidents (pas ISM ; SOLAS ; Pas de suspension
l’immatriculation en nationaux) 100% ; MARPOL d’immatriculation possible
Australie des navires Capitaine national si mais exemption
appartenant à des navire plus de 24 LOA d’immatriculer si navire

557
nationaux est affrété ; charter in autorisé
obligatoire ; pour
bateaux moins de 24
LOA même résidents
peuvent demander
immatriculation
Bahamas Aucune exigence si Aucune exigence si navire plus Aucune exigence ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in et
navire plus de 1600 de 1600 GT engagé dans le MARPOL ; charter out
GT engagé dans le commerce international Conditions OMI ;
commerce Paris MOU liste
international blanche (le
1/07/2010)
Belgique National/ UE Siège social dans l’UE ; Capitaine national ISM ; SOLAS ; Ne permet immatriculation
établissement permanent local MARPOL parallèle que sur un registre
de gestion du navire Conditions spécial affrètement
UE/OMI ; Paris
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Belize Aucune exigence Aucune exigence Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée ; charter out
compétence MARPOL; autorisé sans suspension de
Paris MOU liste l’immatriculation
noire (le 1/07/2010) INMARBE ; 2 ans
extension possible
Bermuda National/ Grande 51% bénéficiaires effectifs ; Officiers seniors ISM ; SOLAS ; Paris Autorisée charter in et
Bretagne/ Irlande représentant légal local (capitaine, chef officier MOU liste blanche charter out
et chef mécanicien) (le 1/07/2010)
nationaux/Grande
Bretagne/Commonweal
th/Irlande/ UE/OTAN
signataires STCW
Brésil National Incorporation société ; siège Capitaine ; chef ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
social & établissement de mécanicien ; 2/3 de MARPOL ; prévue
558
gestion local l’équipage Conventions OIT
Bulgarie National/UE Siège social Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
compétence MARPOL ; autorisée charter in et
Conditions charter out
OMI/UE ; Paris
MOU liste grise (le
1/07/2010)
Canada National ou résident Incorporation de la société suffit National ou résident ISM ; SOLAS ; Interdite
100% MARPOL
Cambodge Aucune exigence Aucune exigence Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
compétence MARPOL; Paris charter in pour 2 ans +
MOU liste noire (le extension 2 ans
1/07/2010)
Chine National National 51% 100% sauf autorisation ISM; SOLAS; Autorisée charter out mais
spéciale MARPOL; Paris conditions strictes pour
MOU liste blanche charter in
(le 1/07/2010)
Chypre National/ UE ; Incorporation de la société 15% équipage ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in,
sociétés étrangères suffit/sinon national/UE mais MARPOL ; charter out sous condition
appartenant à plus de 51% bénéficiaires effectifs pour exceptions possibles; si Conditions de réciprocité
50% à des chypriotes sociétés étrangères étranger certificats de UE/OMI ; Paris
si autorisation compétence MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Congo National/ressortissant Siège social ; président & Capitaine & second & ISM ; SOLAS ; Autorisée au cas par cas
d’Etat avec qui accord directeur général & gérant & chef mécanicien MARPOL après autorisation du
de réciprocité 51% membres du conseil &officiers nationaux ou ministre chargé de la
d’administration nationaux ou ressortissants de pays marine marchande ou de
ressortissants d’Etat avec qui avec qui accord son délégué
accord/ Société de personnes ou international de
SRL : 51% bénéficiaires réciprocité
effectifs nationaux & accord de
réciprocité
559
Costa Rica Aucune exigence Aucune exigence Aucune exigence MARPOL Autorisée
Cote d’Ivoire National/ressortissant Siège social ; président & Etat-major 100% ISM ; SOLAS ; Autorisée au cas par cas
d’Etat avec qui accord directeur général & gérant & nationaux ; 75% MARPOL après autorisation du
de réciprocité 51% membres du conseil équipage national ou ministre chargé de la
d’administration nationaux ou étranger si accord de marine marchande ou de
ressortissants d’Etat avec qui réciprocité ; arrêté de son délégué
accord/ Société de personnes ou dérogation possible
SRL : 51% bénéficiaires mais jamais étrangers à
effectifs nationaux & accord de plus de 50%
réciprocité
Cuba National Aucune exigence National 100% ISM; SOLAS ; Autorisée charter in et
MARPOL charter out
Danemark National/UE/EEE National 51% Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out;
« Ordinary compétence MARPOL ; charter in 1 an renouvelable
Register » Conditions
UE/OMI ; Paris
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Danemark National/UE/EEE ou Représentant local/établissement Certificats de ISM ; SOLAS : Autorisée charter in et
« Internation étranger avec « major permanent local pour la gestion compétence MARPOL ; charter out
al Register » influence » danois du navire Conditions UE/OMI
Djibouti Aucune exigence Aucune exigence mais 15% de l’équipage ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in et
représentant légal local nationaux ; exceptions MARPOL charter out sans limitation
possibles de durée
Erythrée National (personne Incorporation & principal Pourcentage inconnu ISM ; SOLAS Autorisée charter in et
physique) établissement charter out
nationale/étrangère
(personne morale)
Espagne National ou Représentant légal local en Certificats de ISM ; SOLAS ; Suspension
résident/UE Espagne si siège social UE compétence MARPOL ; d’immatriculation pour
Conditions charter out autorisée mais
UE/OMI ; Paris pas de charter in
560
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Espagne National ou étranger si Aucune exigence Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
Registre Iles principal Compétence MARPOL ; possible charter out ;
Canaries établissement effectif Conditions UE/OMI charter in 6 mois max sauf
(réel) dans les Iles et si affrètement plus long et
représentant légal certificat de radiation
local permanent provisoire du registre
précédent
Etats-Unis National 75% des bénéficiaires effectifs Officiers et équipage ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
nationaux pour navires de nationaux MARPOL; Paris pas prévue dans la
cabotage national 100% MOU liste grise (le législation nationale
1/07/2010)
France National/UE/EEE ; Sociétés anonymes : président Capitaine et suppléant ISM ; SOLAS : Suspension
Registre Pour société dont le du conseil d’administration, nationaux/UE/EEE/ MARPOL ; d’immatriculation
Standard siège social est hors directeurs généraux, majorité des Confédération Suisse ; Conditions autorisée charter out ;
UE : convention membres du conseil idem pour équipage UE/OMI ; Paris Immatriculation parallèle
bilatérale de d’administration ou membres du dans une proportion MOU liste blanche charter in autorisée si la loi
réciprocité et navire directoire et majorité des minimale fixée par (le 1/07/2010) étrangère autorise
exploité et utilisé à membres du conseil de arrêté du ministre l’abandon provisoire de son
partir d’un surveillance nationaux/UE/EEE ; chargé de la mer. pavillon et si l’affréteur
établissement stable Sociétés des personnes : gérants français assure le contrôle,
situé sur le territoire et associés détenant au moins la l’armement, l’exploitation
français moitié du capital social et la gestion nautique ;
nationaux/UE/EEE Navire frété coque nue
armé à la pêche ne peut
arborer pavillon français
que s’il est géré à partir du
territoire (établissement
stable de gestion) et s’il a
un lien économique réel
avec le territoire français
561
France RIF Idem Idem Capitaine et suppléant ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
nationaux/UE/EEE/ MARPOL ; autorisée charter in et
Confédération Suisse ; Conditions UE/OMI charter out
25% national/UE/EEE,
35% pour les navires
qui profitent d’une aide
fiscale
Gambie National Gambie/ 51% bénéficiaires effectifs & Pourcentage inconnu ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
Sénégal directeurs généraux & 51% du MARPOL prévue
conseil d’administration
nationaux
Ghana National/ étranger en Entreprise immatriculée sous Pourcentage inconnu ISM; SOLAS; Autorisée ; pour charter in
joint venture Companies Act 1964 ou (décision ministérielle) MARPOL le affréteur doit être une
(coentreprise) avec un partnership (partenariat) personne qualifiée à être
national immatriculé sous Incorporated propriétaire
Partnership Act 1962
Grèce National/UE ; Société Siège social suffit ; sinon Capitaine national/UE ; ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in et
étrangère dont 51% nationaux/UE à 51% si société officiers et pourcentage MARPOL ; charter out
intérêts nationaux étrangère de l’équipage selon Conditions
pour navires de plus tonnage (carriers et UE/OMI ; Paris
de 1500 GT tankers entre 3000 et MOU liste blanche
20000 GT: capitaine & (le 1/07/2010)
5 officiers & 3
membres de l’équipage
nationaux ; entre 20001
et 45000 GT: capitaine
& 6 officiers & 3
membres de
l’équipage nationaux;
entre 45001 et 100000
GT : capitaine & 6
officiers & 4 membres
562
de
l’équipage nationaux;
plus de 10001 GT :
capitaine & 7 officiers
& 4 membres de
l’équipage nationaux
Guyana National ou Incorporation & principal Pourcentage inconnu ISM ; SOLAS ; Autorisée ; pour charter in
résident/national ou établissement; 51% des (décision ministérielle) MARPOL le affréteur doit être une
résident CARICOM/ bénéficiaires effectifs (actions) personne qualifiée à être
étranger en joint nationaux propriétaire
venture avec
personnes qualifiées
Honduras Aucune exigence Cas spécial si bénéficiaires 90% équipage ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in et
effectifs américains (Effective national mais MARPOL; Paris charter out; pas de coût
US Controlled ships) exceptions possibles; si MOU liste noire (le supplémentaire pour battre
étrangers certificats de 1/07/2010) pavillon étranger et
compétence inversement
Inde National Incorporation & principal Officiers nationaux et ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
établissement suffit pourcentage équipage MARPOL/ prévue
selon tonnage Conditions OMI ;
Paris MOU liste
blanche (le
1/07/2010)
Indonésie National Incorporation suffit Certificats de ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
compétence MARPOL prévue
Irlande National/UE Incorporation ; principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée
établissement/UE compétence MARPOL ;
Conditions OMI ;
Tokyo MOU liste
noire (rapport 2009)
Iles Cayman Nationaux Iles Incorporation& principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter in et
Cayman/britanniques/ établissement ; Pour personnes compétence ; MARPOL ; charter out : charter in pour
563
BDTC/BOC/britanniq physiques ou morales non connaissance de Conventions OIT ; période minimum de 3 ans
ues selon Hong Kong qualifiées : 51% bénéficiaires l’anglais obligatoire ; Paris MOU liste
(British Nationality) effectifs personnes qualifiées Capitaine blanche (le
Order 1986/UE/EEE/ national/Commonwealt 1/07/2010)
société étrangère h/UE/OTAN si « navire
immatriculée en tant stratégique »*
qu’« entité maritime
étrangère »
Ile de Man Nationaux Ile de Man/ 51% des bénéficiaires Certificats de ISM ; SOLAS; Autorisée charter in sous
britanniques/ effectifs=personnes qualifiées & compétence ; MARPOL; Paris condition de réciprocité
BDTC/BOC/britanniq incorporation & principal connaissance de MOU liste blanche pour maximum 5 ans et
ues selon Hong Kong établissement RU/Iles l’anglais obligatoire (le 1/07/2010) charter out
(British Nationality) Channel/UE/EEE ; établissement
Order 1986/UE/EEE permanent local pour la gestion
Iles Marshall National/ société Bureau opérationnel local ou Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
étrangère représentant local compétence MARPOL; Paris charter in
immatriculée en tant MOU liste blanche
qu’« entité maritime (le 1/07/2010)
étrangère »
Iles Vierges National/national Incorporation& principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée ; charter in si
& Iles britannique/BDTC/B établissement; pour personnes compétence ; MARPOL; affréteur personne qualifiée
Turques et OC/britanniques selon non qualifiées 51% des intérêts connaissance de Conditions OMI à être propriétaire ; charter
Caïques Hong Kong (British du navire appartenant à l’anglais obligatoire out permis si autorisation
Nationality) Order personnes qualifiées, et spéciale
1986/UE/EEE; si représentant légal local si ces
société nationalité Etat personnes ne sont pas résidents
membre CARICOM
ou OECO
Italie National/UE/entités Siège social & établissement Nationaux/UE 100% ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
non UE, établissement permanent en Italie et gestion du sauf négociation MARPOL ; charter in
permanent en Italie et navire confiée à un national/UE syndicats Conditions
gestion du navire pour entités hors UE OMI/UE ; Tokyo
564
confiée à un MOU liste grise
national/UE (rapport 2009)
Jamaïque National/Commonwea Incorporation & principal Pourcentage inconnu ISM ; SOLAS ; Autorisée; suspension
lth/compagnies établissement (décision ministérielle) MARPOL; Paris charter out possible;
maritimes MOU liste noire (le affréteur personne qualifiée
étrangères/exceptions 1/07/2010) à être propriétaire pour
ministérielles charter in
possibles
Japon National Incorporation & 2/3 des Capitaine & chef ISM ; SOLAS ; Interdite
représentants de l’entreprise mécanicien nationaux MARPOL; Paris
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Kenya National ; étranger en Incorporation Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée ; pour charter in
joint venture avec compétence ; MARPOL affréteur personne qualifiée
nationaux ; exceptions connaissance de à être propriétaire
possibles l’anglais obligatoire
Liberia National; société Aucune exigence Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
étrangère compétence MARPOL; Paris charter in
immatriculée en tant MOU liste blanche
qu’« entité maritime (le 1/07/2010)
étrangère »
Luxembourg National/UE Partie significative de la gestion Capitaine national/UE ; ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
et du contrôle d’opération du certificats de MARPOL ; charter in sous condition de
navire à partir de Luxembourg compétence STCW Conditions réciprocité
UE/OMI ; Paris
MOU liste blanche
(le 1/07/2010)
Madagascar National et résident Siège social 100% national ; ISM ; SOLAS ; Le Immatriculation parallèle
exceptions possibles si Code Maritime provisoire permise si
insuffisance d’officiers malgache reprend affrètement assorti d’une
nationaux, mais en toutes les règles de la option d’acquisition par
contrepartie l’armateur Convention de opération de crédit bail et si
565
verse une contribution à Montego Bay et des l’Etat d’origine autorise
l’Ecole Nationale Conventions OMI l’abandon provisoire de son
d’Enseignement pour lutter contre la pavillon
Maritime de Mahajanga pollution
Malte National (propriété à Incorporation& principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisé charter out et
100% sauf exceptions) établissement/ juste un compétence ; incitation MARPOL ; charter in sous condition de
établissement si ministre est financière pour Conditions OMI ; réciprocité (déclaration
satisfait que la société se promouvoir Paris MOU liste ministérielle de registres
conformera aux règles maltaises l’engagement des blanche (le compatibles); 2 ans
de droit maritime (présomption marins nationaux 1/07/2010) extension possible ; charter
de conformité si pas de in immatriculation parallèle
déclaration contraire) spéciale affrètement coque
nue si affréteur personne
qualifiée à être propriétaire
Mauritanie National Siège social & 51% actionnaires 100% national ; ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
ou associés nationaux (actions dérogations possibles MARPOL autorisée si affréteur =
nominatives) ; SA : président & dans la limite maximale armateur mauritanien ou
directeurs généraux & 51% de 20% de l’effectif une société
conseil d’administration total embarqué (y d’armement mauritanienne
nationaux ; SRL & sociétés des compris le capitaine et qui en assure le contrôle,
personnes : 51% gérants & les l’armement, l’exploitation
associés nationaux ; navire officiers) et la gestion
construit ou légalement importé nautique & navire
en Mauritanie effectivement
exploité à partir d’un port
mauritanien et pavillon
initial abandonné
Mexique National National 100% National 100% ; nés au ISM ; SOLAS ; Charter in interdit; charter
Mexique, sans avoir MARPOL out envisagé mais pas
acquis une autre encouragé et pas de
nationalité et ayant législation spéciale
droits civiques
566
Mongolie Pas d’exigence Pas d’exigence Nationaux/étrangers/ap ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
atrides avec un MARPOL; Paris prévue
entraînement adéquat MOU liste noire (le
1/07/2010)
Nicaragua National ou résident Représentant légal local Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
ou étranger permanent ou succursale ou compétence ; MARPOL charter out et charter in
filiale locale si société étrangère pourcentage national autorisée
défini par décision
ministérielle
Nigeria National ; décision Incorporation & principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
ministérielle pour établissement compétence ; MARPOL charter out et charter in
autres catégories pourcentage national autorisée ;charter in 12
défini par décision mois min.
ministérielle
Nouvelle National Incorporation Certificats de ISM ; SOLAS ; Interdite
Zélande compétence et permis MARPOL ;
de travailler en Conditions OMI
Nouvelle Zélande
Norvège National ; autorisation 6/10èmes des actionnaires Capitaine national sauf ISM ; SOLAS ; Interdite
exceptionnelle nationaux ou siège social& autorisation spéciale MARPOL/
possible avec décision principal établissement & office Conditions OMI et
ministérielle pour de conseil d’administration en OIT ; Paris MOU
étranger résident Norvège & président & 51% liste blanche (le
permanent directeurs nationaux et résidents 1/07/2010)
depuis 2 ans & 6/10ème
actionnaires avec droit de vote
nationaux
Norvège National personne Mêmes conditions que registre Pas d’exigence mais Mêmes conditions Pas de législation spéciale
International qualifiée pour registre ordinaire ou SRL ou partnership application lois que pour registre prévue
Ship Register ordinaire ou personne (partenariat) avec siège social norvégiennes ordinaire
non qualifiée dans Norvège ou shipowning
étrangère avec partnership (partenriat maritime)
567
représentant légal étranger avec manager tel
local un manager tel qu’exigé pour registre ordinaire
qu’exigé pour registre (national et résident)
ordinaire (national et
résident)
Panama Aucune exigence Représentant légal : avocat ou Pas d’exigence prévue ; ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
cabinet d’avocats local certificats de MARPOL; Paris charter in autorisée pour la
compétence dans le MOU liste grise (le durée du contrat
cadre de la sécurité 1/07/2010) d’affrètement si le registre
maritime étranger le permet ; charter
out : immatriculation
parallèle sans renoncer au
registre panaméen
Papouasie- National Incorporation & principal Pourcentage des ISM ; SOLAS ; Pas de législation prévue
Nouvelle- établissement nationaux prévu par MARPOL ;
Guinée l’autorité nationale de Conventions OMI ;
sécurité maritime ; Tokyo MOU liste
incitation économique noire (rapport 2009)
pour employer majorité
de nationaux ;
certificats STCW
Pays-Bas National/UE/EEE/ Conditions UE et Capitaine national/UE ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
Confédération de navire exploité et utilisé à partir sauf autorisation MARPOL ; charter in
Suisse d’un établissement stable situé spéciale ; officiers, Conditions
sur le territoire des Pays-Bas chef mécanicien UE/OMI ; Paris
nationaux ou MOU liste blanche
résidents/UE; si (le 1/07/2010)
étrangers et non
résidents certificat
d’inscription Maritime
Employment Office
(Arbeidsbureau
568
Maritiem)
Pays-Bas National/UE Représentant sur les Antilles; Capitaine national mais ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
Registre SRL: directeur général national exceptions récurrentes MARPOL ; charter in
Antilles Conditions
UE/OMI ; Paris
MOU liste grise (le
1/07/2010)
Pérou National Immatriculation avec Capitaine national, mais ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
établissement principal, siège dérogation si pas de MARPOL ; charter out et charter in ;
réel et effectif & 51% des disponibilité ; 80% de Conventions OMI charter in autorisée si
bénéficiaires effectifs l’équipage national navire de moins de 10 ans,
nationaux & président & 51% affrété avec option de vente
des directeurs et gérants obligatoire qui expire dans
nationaux moins de 15 ans
Philippines National Pourcentage inconnu National 100% sauf ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
autorisation spéciale MARPOL ; charter in
Conditions OMI ;
Paris MOU liste
blanche (le
1/07/2010)
Portugal Aucune exigence Aucune exigence ; siège social à Capitaine national/UE ; ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
Registre de Madeira pour bénéficier des 50% équipage MARPOL ; charter in
Madeira avantages fiscaux national/UE Conditions UE
République National ; société Incorporation & siège réel et Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation spéciale
de Maurice étrangère effectif ; si 51% des compétence MARPOL ; affrètement coque nue
immatriculée en tant bénéficiaires effectifs étrangers, Convention OMI charter in si affréteur
qu’entité maritime représentant légal local personne qualifiée à être
étrangère obligatoire propriétaire ; min. 2 ans
Royaume Uni National Grande Incorporation& principal Capitaine ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
Bretagne/ établissement suffit ; pour national/Commonwealt MARPOL charter in pour maximum 5
BDTC/BOC/britanniq sociétés étrangères 51% des h/UE/OTAN si « navire Conditions ans ; renouvellement
ues selon Hong Kong bénéficiaires effectifs personnes stratégique » ; UE/OMI ; Paris possible
569
(British Nationality) qualifiées (nationaux Certificats de MOU liste blanche
Order 1986/UE/EEE/ GB/UE/EEE) ; pour les sociétés compétence (STCW) et (le 1/07/2010)
GEIE immatriculés hors RU « connexion connaissance de
dans le RU/ société britannique » l’anglais obligatoire
étrangère si majorité
des intérêts du navire
appartient à des
personnes qualifiées
Russie National ; si navire Société de nationalité russe selon Capitaine & second & ISM ; SOLAS ; Suspension
nucléaire seul l’Etat les conditions prévues chef mécanicien & MARPOL ; d’immatriculation possible
peut être propriétaire opérateur de la radio Conventions OMI ; pour charter out si registres
nationaux ; le reste peut Paris MOU liste compatibles ;charter in
être étranger ou blanche (le autorisée si affréteur
apatride, mais doivent 1/07/2010) personne qualifiée pour être
satisfaire conditions propriétaire et min. contrat
imposées par l’autorité 1 an ; 2 ans renouvelable
maritime compétente mais max. durée du contrat
Saint National/national et Société établie selon les lois Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
Christophe et résident CARICOM nationales, soumise à juridiction compétence ; MARPOL ; charter in si l’affréteur est
Niévès (navire affecté à et y ayant établissement connaissance de Conventions OMI ; une personne qualifiée à
voyages enregistré ; si étranger et 51% l’anglais obligatoire Paris MOU liste être propriétaire ; l’autorité
internationaux)/étrang des bénéficiaires effectifs noire (le 1/07/2010) compétente peut refuser ;
ers en joint venture nationaux, représentant légal charter out si
avec local obligatoire autorisation & registre
nationaux/dérogations compatible
décision ministérielle/
étranger si 51% des
bénéficiaires effectifs
nationaux
Saint Vincent National/national et Société établie selon les lois Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
et les résident CARICOM nationales, soumise à juridiction compétence ; MARPOL; charter in si l’affréteur est
Grenadines (navire affecté à et y ayant établissement connaissance de Conventions OMI ; une personne qualifiée à
570
voyages enregistré ; si étranger et 51% l’anglais obligatoire Paris MOU liste être propriétaire ; durée du
internationaux)/étrang des bénéficiaires effectifs noire (le 1/07/2010) contrat, max. 4 ans ; charter
ers en joint venture nationaux, représentant légal out si autorisation &
avec local obligatoire registre compatible
nationaux/dérogations
décision ministérielle/
étranger si 51% des
bénéficiaires effectifs
nationaux
Salomon National Principal établissement Equipage 100% ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
national ; dérogations MARPOL ; prévue
pour 6 mois Conventions OMI
renouvelables si pas de
disponibilité de
nationaux
Samoa National ou résident Société soumise à la juridiction Equipage 100% ISM ; SOLAS ; Immatriculation parallèle
nationale & principal national ; dérogations MARPOL ; charter in si personne
établissement pour 6 mois Conventions OMI qualifiée & registre
renouvelables si pas de compatible ; 2 ans
disponibilité de renouvelable pour 2
nationaux ans/fois ; charter out
autorisé si registre
compatible mais l’autorité
compétente peut y mettre
fin si elle le juge nécessaire
Seychelles National Incorporation Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
compétence pour les MARPOL si affréteur personne
officiers qualifiée à être propriétaire
Sierra Léone National ; étranger en Si société offshore : office ou Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
joint venture avec représentant légal local compétence ; MARPOL ; si affréteur personne
national ; société pourcentage par Convention OMI ; qualifiée à être propriétaire
offshore ; étrangers décision ministérielle Paris MOU liste
571
noire (le 1/07/2010)
Singapour National et résident Incorporation ; si moins de 51% Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
permanent des intérêts nationaux : capital compétence (STCW) MARPOL ; si affréteur personne
minimum 50.000 SGD et navire Conditions OMI ; qualifiée à être
min. 1.600 GT, mais dérogations Paris MOU liste propriétaire ; Suspension
possibles si navire basé sur ou blanche (le d’immatriculation pour
géré à partir du territoire 1/07/2010) charter out autorisée sous
paiement de frais de
suspension
Sri Lanka National Incorporation ; pourcentage Pourcentage et ISM ; SOLAS; Immatriculation parallèle
précisé par décision ministérielle certificats de MARPOL; charter in si affréteur
compétence définis par Conventions OMI personne qualifiée à être
décision ministérielle propriétaire & registre
compatible
Suisse Résident Société/personne Conditions prescrites ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
morale/succursale : siège social par Conseil Fédéral MARPOL ; prévue
Conventions OMI
Taiwan National Incorporation& principaux Capitaine national ; ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
établissements ; Sociétés des pour le reste de Conventions OMI ; autorisée si navire affrété à
personnes : 100% nationaux / l’équipage certificats de Paris MOU liste un national
SRL : directeur général & 2/3 compétence STCW grise (le 1/07/2010)
capital nationaux ou 51% capital
nationaux si navire affecté à
voyages internationaux / S.A. :
président & 2/3 conseil
d’administration & capital
nationaux (ou 51% si navire
affecté à voyages
internationaux) / association :
représentant & 2/3 membres
nationaux
Tanzanie National/ étranger en Incorporation Personnes inscrites par ISM ; SOLAS ; Le Immatriculation charter in
572
joint venture avec le ministre sur le Code Maritime si navire affrété à des
nationaux/autres avec Registre des marins ; reprend toutes les nationaux
autorisation connaissance de règles de la
ministérielle l’anglais obligatoire Convention de
Montego Bay et des
Conventions OMI
pour lutter contre la
pollution
Thaïlande National Directeurs généraux nationaux et 50 % national ISM ; SOLAS; Paris Autorisée charter out et
51% des bénéficiaires effectifs MOU liste grise (le charter in sous condition
pour navire affecté au transport 1/07/2010) d’accord spécial
maritime international ; sinon
70% des actionnaires nationaux
Togo National/ressortissant Siège social ; président & Etat-major et équipage ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
d’Etat avec qui directeur général & 100% nationaux ; MARPOL ; prévue
accords particuliers gérants&51% conseil de dérogations possibles Conventions OMI ;
l’administration nationaux ; Paris MOU liste
société des personnes ou SRL : noire (le 1/07/2010)
51% capital nationaux
Turquie National Directeur général & 51% des Capitaine & second ISM ; SOLAS ; Les navires affrétés à des
actionnaires nationaux ou 51% nationaux & 60% de MARPOL ; Paris étrangers ne peuvent pas
du conseil d’administration l’équipage national MOU liste blanche avoir des activités dans les
nationaux; actions nominatives (le 1/07/2010) eaux territoriales ; les
navires affrétés à des turcs
sont considérés comme
étrangers
Turquie National ou résident Incorporation Capitaine national ; si Mêmes conditions Autorisée charter out et
International propriétaire étranger : que pour registre charter in
Register pas d’exigence sur ordinaire
l’équipage ; si
propriétaire national :
équipage 51% national
573
Tuvalu National Incorporation & principal Certificats de ISM ; SOLAS ; Immatriculation charter in
établissement ou société établie compétence MARPOL; Paris si registre compatible et
selon les lois nationales MOU liste grise (le affréteur une personne
1/07/2010) qualifiée à propriétaire ; 2
ans renouvelable pour 2
ans/fois ; charter out
autorisé si registre
compatible mais l’autorité
compétente peut y mettre
fin si elle le juge nécessaire
Vanuatu National; exceptions Aucune exigence Certificats de ISM ; SOLAS ; Autorisée charter out et
possibles compétence MARPOL; Paris charter in; charter in 5 ans
MOU liste grise (le max.
1/07/2010)
Vietnam National et résident ; Principal établissement 100% national ISM ; SOLAS ; Pas de législation spéciale
étranger avec accord MARPOL; Paris prévue
spécial MOU liste noire (le
1/07/2010)

Lexique du tableau

• BOC : British Overseas citizens


• BDTC : British Dependent Territories citizens
• CARICOM : Communauté caribéenne (Carribean Community)
• Conditions UE : propriétaire ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ; la nationalité des actionnaires d’une société dont le siège
se trouve dans un Etat membre de l’Union européenne n’a pas d’importance. Les navires doivent obéir à l’ensemble des normes de l’UE
relatives à la sécurité maritime et la protection de l’environnement marin.
• Conditions OMI: les Conventions précédentes et normes de l’OMI relatives à la sécurité maritime et la protection de l’environnement marin.
• GEIE : Groupement européen d’intérêt économique (regroupement de personnes morales (sociétés ou autres entités juridiques), de droit privé
ou public, décidant de mettre en commun des moyens tout en conservant leur personnalité juridique propre. Un GEIE doit compter au minimum
deux sociétés européennes appartenant à deux Etats membres différents.)
574
• GT : gross tonnage soit jauge brute (mesure de la capacité de transport d’un navire ; Elle s’exprime en tonneaux de jauge brute (ou tjb), ou en
mètres cubes. Un tonneau de jauge brute vaut 100 pieds cubes, soit environ 2,832 m3.)
• INMARBE : International Merchant Marine Registry of Belize
• OECO: Organisations des Etats de la Caraïbe Orientale
• LOA : length overall soit longueur hors-tout ou longueur d’encombrement (mesure de bateau utilisée en architecture navale qui correspond à la
distance entre les points extrêmes avant et arrière de la structure permanente du bateau.)
• Navire stratégique selon la législation du Royaume Uni : navires de pêche de plus de 24 mètres de longueur (LOA) immatriculés au Royaume
Uni et les navires britanniques selon la section 85(2) de l’Act de 1995, de plus de 500 GT qui sont bateaux de croisière, tankers et navires ro-ro.
• SA : société anonyme
• SRL : société à responsabilité limitée

575
576
ANNEXE 3
Critères des législations nationales sur l’immatriculation des aéronefs

ETAT PROPRIETAIRE (au moins à 50%) BENEFICIAIRE EFFECTIF (au moins à 50%) / CONDITIONS SOCIETES /
AUTRES CONDITIONS
Afghanistan National ou résident Incorporation
Albanie National/UE/si ressortissant d’Etat membre d’un Incorporation & principal établissement national/UE/si accord multilatéral
accord multilatéral et résident principal établissement
Algérie National Société des personnes : associés en nom collectif ou associés commanditaires
nationaux ; SRL : 51% des parts nationaux ; S.A : 51% capital national & président
directeur général & 51% conseil administration ou directoire et 51% conseil
surveillance nationaux ; association : responsables & ensemble des membres
adhérents nationaux
Allemagne National/UE ; exceptions au cas par cas s’il y a des Siège social & 51% des bénéficiaires effectifs nationaux/UE ; contrôle effectif par
circonstances exceptionnelles ; affréteur national nationaux/UE ; 51% des représentants ou de personnes personnellement
pour plus de 6 mois peut immatriculer responsables pour la société nationaux/UE
Argentine National ou résident/ Si acheteur pas encore Copropriété : 51% des propriétaires domiciliés en Argentine ; Société des
propriétaire mais contrat de vente établi il peut personnes/SRL/SA : siège social réel et effectif dans l’Argentine
immatriculer l’aéronef même avant le transfert de
propriété
Arménie Propriétaire ou opérateur national Incorporation
Autriche National ou résident Aéronef principalement destiné à être utilisé en Autriche
Bahamas Pas d’exigence en dehors d’une décision Pas d’exigence en dehors d’une décision ministérielle
ministérielle
Barbade National CARICOM /résident permanent/étranger National : il suffit une « connexion » avec l’Etat reconnue par les services
qui loue son aéronef à un opérateur détenant une d’immigration / résident : selon section 5 de Immigration Act / société :
licence de la Barbade incorporation
Belgique National/ UE/EEE / Pour autres catégories (personne Siège social dans l’UE ; personnes morales de droit belge : 100% associés et
susceptible d’obtenir l’immatriculation de droit, organes nationaux/UE/EEE / Pour autres catégories (pourcentage moindre ou
nationaux domiciliés à l’étranger mais ayant en personne morale établie dans un Etat UE/EEE autre que la Belgique et ayant en
577
Belgique un domicile élu, étranger non ressortissant Belgique un siège d’exploitation, une agence ou un bureau ou personne morale
UE/EEE autorisé à établir domicile en Belgique ou à étrangère non UE/EEE ayant en Belgique un siège d’exploitation, une agence ou un
y résider et qui y réside sans interruption depuis au bureau depuis un an au moins) autorisation ministérielle préalable et quasi-
moins un an) autorisation ministérielle préalable et discrétionnaire
quasi-discrétionnaire
Belize Pas d’exigence en dehors d’une décision Pas d’exigence en dehors d’une décision ministérielle
ministérielle
Bosnie National ou résident « enregistré » dans le pays Siège social & principal établissement / si propriétaire étranger aéronef
Herzégovine principalement opéré à partir du et basé sur le territoire
Brésil National/ si acheteur pas encore propriétaire mais Siège principal ; directeurs généraux nationaux & 1/3 des bénéficiaires effectifs
contrat de vente établi il peut provisoirement nationaux et résidents
immatriculer l’aéronef même avant le transfert de
propriété/ Affréteur peut également immatriculer si
national
Canada National ou organisme pas qualifié de Canadien qui Si organisme : 60% de temps de vol/ 6 mois accumulé au Canada / Société :
est constitué sous le régime des lois fédérales ou incorporation & PDG & 2/3 des directeurs nationaux & 3/4 des actions
provinciales propriétaires nationaux
Chili National/exceptions possibles pour a) étrangers Incorporation & principal établissement & siège réel et effectif ; Président & gérant
ayant leur principal lieu d’activité sur le territoire & 51%administrateurs ou directeurs nationaux & 51% du capital bénéficiaires
b)étrangers dont les aéronefs sont opérés par nationaux
compagnies aériennes nationales
Chine National (personne physique ou morale) / Incorporation ; si bénéficiaires effectifs et dirigeants sociaux étrangers seuils à ne
autorisation spéciale pour toute autre pas dépasser définis par décret
immatriculation
Cote d’Ivoire National Siège social réel et effectif / société en nom collectif : 51% des parts nationaux /
SRL : 51% des parts sociales nationaux / SA : 51% des actions nominatives
nationaux / groupement d’intérêt économique : 51% des parts nationaux /
association : dirigeants & administrateurs nationaux
Espagne National/ UE (propriétaire ou locataire/affréteur) et Siège social / pour personne physique domicile en Espagne / pour société
résident représentant légal local
Estonie National ou résident (propriétaire ou opérateur) Incorporation

578
Etats Unis National ou résident Incorporation / si société étrangère : établissement de gestion basé sur le territoire
et aéronef principalement utilisé aux Etats-Unis

France National/UE/EEE ; dérogations à titre exceptionnel Siège statutaire et principal établissement France/UE/EEE / sociétés de personnes :
par l'autorité administrative tous les associés en nom ou tous les commandites nationaux/UE/ S.A.R.L : gérants
et bénéficiaires effectifs 51% nationaux/UE / S.A : président du conseil
d’administration & 51% des membres du conseil nationaux/UE / associations :
dirigeants ou administrateurs & les 3/4 des membres nationaux/UE
Grèce National/UE/EEE (propriétaires ou locataires dont Société des personnes illimitée : 100% des associés ressortissants EEE / société des
les aéronefs s’inscrivent sur un registre spécial « de personnes en commandite : 100% des associés commandités & 2/3 du capital EEE /
propriété étrangère ») SRL : 100% administrateurs & 3/4 associés & 3/4 parts sociales EEE / SA :
président & directeur général & 3/4 conseil d’administration & directeurs
ressortissants EEE & 51% des actions appartenant à des ressortissants EEE &
actions nominatives / associations : 2/3 membres & conseil d’administration &
surveillance ressortissants EEE
Honduras National Incorporation
Inde National (catégorie A) ou résident ou personne Société nationale : incorporation & principal établissement & PDG & 2/3 des
entreprenant des activités commerciales sur le directeurs nationaux (catégorie A)/ Société étrangère : si elle exerce des activités
territoire (catégorie B)/étranger s’il a loué son commerciales sur le territoire (catégorie B)
aéronef à une personne qualifiée à être propriétaire
Iran National Principal établissement & directeurs généraux nationaux & 1/3 des bénéficiaires
effectifs nationaux et résidents & actions nominatives
Israël National Immatriculation & principal établissement / 2/3 directeurs généraux résidents /
contrôle global nominatif et effectif par des résidents
Japon National Représentant & 2/3 des directeurs ou des bénéficiaires ayant le droit de vote
nationaux
Kenya National ou résident/ pour locataire personne Incorporation & exercice des activités commerciales sur le territoire
qualifiée à être propriétaire & autorisation spéciale
pour immatriculation
Kosovo National/UE/ECAA (propriétaire ou opérateur) Incorporation
Laos National ou résident/ personne étrangère ou apatride Incorporation
ayant principal établissement sur le territoire
579
Liban National Société des personnes : 100% des associés nationaux / SRL : immatriculation &
PDG & 51% du conseil des dirigeants nationaux
Madagascar National Personne morale de droit malgache & aéronef basé et exploité de manière durable à
Madagascar
Maldives National/résident/étranger entreprenant des activités Incorporation / si société étrangère exercice des activités commerciales sur le
commerciales sur le territoire territoire
Maroc National ou résident/ étranger si port d’attache Société ayant la nationalité marocaine selon l’article 7 du dahir du 9 ramadan 1331
normal au Maroc (12 août 1913)
Mexique National/étranger si l’aéronef est utilisé uniquement Nationalité mexicaine de la société
pour transport privé non commercial
Nicaragua National/résident/étranger non résident si contrat de Copropriété : 51% des propriétaires ayant domicile réel au Nicaragua / Société ou
vente crédit-bail ou si locataire d’un aéronef avec ou association : incorporation ou siège social
sans option d’achat
Panama Aucune exigence prévue par le Code d’aviation à Aucune exigence prévue par le Code d’aviation
part inscription sur le registre
Papouasie- Personne qualifiée par décision de l’autorité Conditions précisées par décision de l’autorité d’aviation civile
Nouvelle- d’aviation civile
Guinée

Pays Bas National/UE/EEE ou résident Incorporation ou siège social enregistré ou siège réel et effectif dans UE/EEE ;
représentant domicilié dans les Pays Bas
Pérou National ou résident ; étrangers domiciliés dans le Incorporation selon les lois nationales et siège statutaire dans le pays
pays ne peuvent immatriculer qu’aéronefs pour
activités d’aviation générale
Qatar National ; propriétaire ou locataire étranger possible, Conditions précisées par l’autorité d’aviation civile
conditions prévues par l’autorité d’aviation civile
République Personne qualifiée par décision Conditions précisées par décision ministérielle
de Maurice ministérielle/personne non qualifiée résident ou
ayant établissement d’activités sur le territoire &
détenant intérêt légal ou bénéfice effectif sur
l’aéronef si autorisation spéciale

580
Royaume Uni National/Commonwealth/UE/EEE/dépendances/pers Incorporation & principal établissement / sociétés entreprenant des activités dans
onne non qualifiée résident ou ayant établissement l’Ecosse
d’activités sur le territoire & détenant intérêt légal ou
bénéfice effectif sur l’aéronef si autorisation spéciale
(propriétaire ou locataire)
Russie National Conditions précisées par décision de l’autorité compétente
Singapore National/ ressortissant Commonwealth; dérogations Incorporation & principal établissement
possibles pour résident
Suisse National ou résident (propriétaire ou locataire) Si étranger : port d’attache dans la Suisse et domicile du propriétaire / Si société
pour la nationalité : immatriculation & tous les actionnaires dirigeants & 2/3 des
autres nationaux & président & 2/3 des membres du conseil d’administration & des
dirigeants nationaux ou résidents
Suriname National ou résident (propriétaire ou locataire)/ Société organisée et exerçant ses activités selon les lois nationales
étranger avec établissement d’activités sur le
territoire & ayant un intérêt légal ou un bénéfice
effectif sur l’aéronef si autorisation spéciale
Taiwan National/ étranger si aéronef affrété à un national Principal office / Sociétés des personnes : 100% nationaux / SRL : représentant &
pour plus de 6 mois et immatriculation précédente 51% capital nationaux / SA : président & 51% conseil d’administration & 51% des
radiée actionnaires nationaux et aucun étranger détenant plus de 25% / association :
représentant national
Tanzanie National ou résident (propriétaire ou locataire)/ Société organisée et exerçant ses activités selon les lois nationales
étranger avec établissement d’activités sur le
territoire & ayant un intérêt légal ou un bénéfice
effectif sur l’aéronef si autorisation spéciale
Tchad National (dérogations possibles)/ étranger avec Société des personnes: 100% associés nationaux / SRL : 51% des propriétaires des
domicile légal ou qui exerce une activité utile au parts & 100% gérants nationaux / SA : président & directeur général & 51%
développement économique ou social du Tchad (si conseil de l’administration nationaux / Société étrangère : siège au Tchad
autorisation spéciale ministérielle)
Thaïlande National Immatriculation & siège social / société des personnes : associés nationaux / SRL :
gérants & 70% du capital total nationaux & 51% des dirigeants
Togo National/UEMOA/CEDEAO; dérogations possibles Personne morale constituée en conformité avec la législation
nationale/UEMOA/CEDEAO ; siège statutaire ou principal établissement sur le
581
territoire/UEMAO/CEDEAO
Tonga National ou résident ou étranger ayant des activités Incorporation / si société étrangère elle doit entreprendre des activités
commerciales sur le territoire (propriétaire ou commerciales sur le territoire
locataire)
Trinidad et National/CARICOM ou résident/étranger dont Incorporation
Tobago l’aéronef est opéré par un opérateur aérien national
Turquie National Agences publiques : 51% des postes exécutifs nationaux / sociétés : 51% des
dirigeants, représentants & droits de vote nationaux
Tuvalu National Incorporation selon les lois nationales
Uruguay Résident Copropriété : 51% propriétaires & bénéficiaires effectifs résidents / société :
immatriculation & siège social / SA avec actions nominatives : 51% actionnaires
résidents & 2/3 administrateurs & directeurs & domicile réel et effectif national
Venezuela National Selon les lois nationales

Lexique du tableau

• CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest


• ECAA : European Common Aviation Area
• SA : Société anonyme
• SRL : Société à responsabilité limitée
• UEMOA: Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

582
ANNEXE 4
Critères des législations nationales sur l’immatriculation des objets spatiaux et les licences pour activités spatiales

ETAT CONDITION D’IMMATRICULATION LICENCE POUR ACTIVITES SPATIALES / TRANSFERT


Afrique du Sud Pas de législation spéciale Activités à partir du territoire / activités entreprises par des nationaux (pour sociétés
incorporation) qui lancent à partir du territoire ou de l’étranger ou qui participent à
des activités qui engendrent des obligations internationales pour l’Etat ou qui
affectent les intérêts nationaux
Allemagne Pas de législation spéciale Licence pour les satellites de télédétection lancés à partir du territoire ou par de
nationaux
Argentine Les opérateurs et propriétaires des objets Pas de législation spéciale
spatiaux lancés doivent les immatriculer sur le
registre national
Australie Objets lancés après délivrance de la licence Activités à partir du territoire / activités entreprises par des nationaux (pour société
prévue par la loi ; l’autorité compétente doit incorporation suffit)/ transfert et suspension des licences autorisés
prendre en considération la Convention de 1975
Belgique Objets dont Belgique est Etat de lancement, sauf Activités à partir des zones qui sont sous le contrôle ou la juridiction de l’Etat / à
si immatriculation par un autre Etat ou OI après partir d’installations appartenant à l’Etat ou étant sous sa juridiction ou contrôle / si
accord, conformément à la Convention de 1975 un accord international le prévoit activités entreprises par nationaux quel que soit le
lieu / transfert pas possible sans autorisation spéciale ministérielle / si personne à qui
la licence est transférée ne se trouve pas sur le territoire, l’Etat peut refuser le
transfert si absence d’un accord avec l’Etat tiers ; suspension possible
Brésil Pas de législation spéciale Activités à partir du territoire
Chine Tout objet spatial lancé doit être immatriculé Toute personne qui veut entreprendre une activité spatiale sous la juridiction doit
(immatriculation : par le propriétaire national ou demander la licence/ transfert interdit
par le propriétaire principal si copropriété
nationale ; par la société étrangère si lancement à
583
partir de Chine) / registres spéciaux pour objets
lancés à partir de Hong Kong et Macao / pour les
lancements conjoints immatriculation après
accord entre le ministère des affaires étrangères
et les Etats concernés
Corée du Sud Tout national qui souhaite lancer un objet ou tout Activités entreprises par des nationaux à partir du territoire ou à l’étranger / activités
étranger qui souhaite lancer un objet à partir du entreprises par des nationaux à partir du territoire ou sous la juridiction /
territoire doit l’immatriculer préalablement ; changement sur la licence après autorisation du ministre
après lancement immatriculation définitive sauf
si accord avec un autre Etat qui va immatriculer
selon Convention de 1975
Espagne Selon l’article II de la Convention de 1975 Lancements à partir du territoire ou d’installations espagnoles/ lancements effectués
ou promus par l’Etat
Etats Unis Selon l’article II de la Convention de 1975 ; Activités à partir du territoire /activités entreprises par nationaux / activités
toute personne autorisée pour entreprendre une entreprises par sociétés étrangères mais dont les intérêts sont détenus par des
activité spatiale doit fournir les informations nationaux sauf si l’activité tombe sous la juridiction territoriale d’un autre Etat ou si
nécessaires pour que les Etats Unis se un accord avec les Etats-Unis accorde la juridiction à un autre Etat
conforment à l’article IV de la Convention de
1975
France Selon l’article II de la Convention de 1975 Activités à partir du territoire (lancement à partir du territoire/retour sur le
territoire/installations sous juridiction nationale)/ activités de tout opérateur national
(si société siège social en France) / activités de tout national qui entend faire
procéder un lancement ou assurer la maîtrise d’un objet pendant son séjour en
espace extra-atmosphérique / transfert avec autorisation spéciale (sinon amende de
200.000 euros)
Hong Kong Selon obligations internationales Activités à partir du territoire/par nationaux ou chinois/résidents/autres personnes
Japon Pas de législation spéciale Décision au cas par cas des ministres compétents
Norvège Pas de législation spéciale Activités à partir du territoire/navires et aéronefs nationaux/ activités entreprises par
de nationaux ou de résidents uniquement si à partir d’un espace non soumis à
584
souveraineté
Pays Bas Objets spatiaux utilisés dans le cadre des Activités à partir du territoire/navires/aéronefs ; Ordre du Conseil au cas par cas
activités spatiales autorisées pour activités entreprises par des nationaux sur un territoire étranger / transfert
interdit
Royaume Uni Selon les obligations internationales Activités à partir du territoire ou entreprises par des nationaux (BDTC, BOC, British
Nationality Act 1981, dépendances, sociétés écossaises ; pour personnes morales
incorporation) / licence obligatoire sauf si un Ordre de Conseil affirmant un accord
avec Etat tiers /transfert avec consentement écrit du secrétaire d’Etat
Russie Objets spatiaux de la Fédération Russe ; accords Activités entreprises par des nationaux ; activités entreprises par des étrangers sous
internationaux pour lancement conjoint juridiction russe/ suspension possible
Suède Objets spatiaux dont la Suède est Etat de Activités à partir du territoire / activités entreprises par des nationaux
lancement selon l’article I de la Convention de
1975 ; accord spécial pour lancement conjoint
Ukraine Immatriculation obligatoire des « installations Activités à partir du territoire ou sous la juridiction de l’Ukraine même en dehors de
spatiales », c’est-à-dire des objets qui sont son territoire / radiation de l’immatriculation des « installations spatiales » du
conçus, fabriqués et exploités à la fois dans registre national si transfert de propriété à un étranger
l’espace extra-atmosphérique et sur la surface de
la terre

585
586
INDEX THÉMATIQUE

N. B. : les numéros renvoient aux paragraphes.

A B
Accord IGA : 76 ; 577-578 ; 605 ; 638 Bénéficiaires effectifs : 252 ; 266-267 ;
270 ; 272 ; 280 ; 662
Affaire Erika : 40 ; 376 (note 797) ; 499
(note 1082) ; 505 (note 1103) C
Affaire Saiga 2 : 40 ; 98 ; 230-236 ; 618- Capitaine (du navire) : 290-291 ; 370 ;
620 427

Affrètement coque nue Certification


- maritime : 87-91 - du navire (comme critère
- aérien : 92-93 d’immatriculation) : 322-325
- du navire (comme obligation de l’Etat
Agence européenne de la sécurité d’immatriculation) : 375 ; 402
aérienne : 312 ; 596 - fautive : 454 ; 460 ; 474
- des marins : 289
Agence européenne pour la sécurité
maritime : 66 ; 320 « Ciel unique » : 203 ; 312 ; 571 ; 596

Arraisonnement Charter/flagging in : 89 ; 103


- navires : 548 (note 1198) ; 557 ; 582 ;
591 Charter out/flagging out (voy. aussi
- aéronefs : 599 (note 1351) ; 604 ; 608 dépavillonnement): 91 ; 103 ; 104 ; 106 ;
- objets spatiaux : 610 115
- autorisation de la part de l’Etat du
pavillon (en haute mer) : 548-549 ; Clause de nationalité : 131 ; 201-209
560 ; 564
CLC & FIPOL : 117 ; 504-505 ; 510 ;
Assurance 514 ; 563
- obligatoire : 117 ; 427 ; 510
- navires : 507 ; 510 ; 514 Clubs P & I : 514 (note 1133)
- aéronefs : 508-509 ; 514
- objets spatiaux : 327 ; 511 Commercialisation (droit spatial) : 56 ;
212-216 ; 261 ; 311 ; 414 ; 573 ; 690
Astronaute
- définition : 643 Compétence « personnelle » : 11 ; 24 ;
- protection : 645-646 535-536 ; 539-541

Audit volontaire Complaisance


- OMI : 496 (note 1076) - définition : 167 (note 360) ; 270 ; 273 ;
- OACI : 496 (note 1077) 313-315 ; 319 ; 583 (note 1300)
- absence en droit aérien : 204 ; 209 ;
Autorisation d’activité spatiale : 217- 641
218 ; 304-308 ; 326-329

587
- analogies en droit spatial : 212-215 ; - sens du terme tel qu’employé dans la
465-466 thèse : 150 ; 259

Collision Euros (pavillon de l’Union européenne) :


- de navires : 373 ; 503 68; 254 ; 320 ; 695
- de aéronefs : 395 ; 502
- de satellites : 434; 463; 475; 478; 635- Equipage
636 - comme critère d’immatriculation : 287-
292
Consensual boarding : 568 (note 1261) - protection : 617 ; 624 ; 628 ; 637-647

Coopération internationale : 382; 396; Ensemble organisé (définition) : 11-13 ;


409-413 ; 561; 589 656-660

Critères d’immatriculation dans les Environnement


législations nationales - souci de protection : 347 ; 355 ; 357 ;
- navires : 266-277 ; 288-295 ; 316-325 426-429; 435
- aéronefs : 278-283 ; 287 ; 296 - obligations de l’Etat du pavillon : 377-
- objets spatiaux : 300-303 379; 389 ; 455 ; 593
- obligations de l’Etat du port : 561 ; 563
D ; 593
- obligations en droit aérien : 399-400 ;
Dépavillonnement (voy. également 402
charter out/flagging out) : 101 ; 104 ; 106 - obligations en droit spatial : 327-329 ;
; 115 408 ; 414

Diligence due: 356 ; 507 (note 1108) Enquête après accident : 370 ; 378 ; 396 ;
402 ; 432-433
Double immatriculation
- interdiction : 61-64; 564 (navires) ; 71- Epave
72 (aéronefs) ; 76-77(objets spatiaux) - maritime : 419 (note 907) ; 424-430
- signification et distinction avec - aérienne : 431-433
l’immatriculation parallèle : 111-114 - débris spatiaux : 419 (note 908) ; 434-
(droit de la mer); 128 (droit de l’air) ; 439
136 (droit de l’espace)
Etablissement local de gestion : 252 ;
Droit de la mer/droit maritime 274-277 ; 300 ; 309-310
(définition) : 30 (note 83)
Etat du port : 427; 586-593
Droit de l’air/droit aérien (définition) :
30 (note 83) Etat d’atterrissage : 366 ; 596 ; 599-600 ;
603
Droit de l’espace/droit
spatial (définition) : 30 (note 83) Etat de lancement
- définition : 55 ; 135 ; 141 ; 215
E - responsabilité : 463-467; 478-479
- obligations : 405-408
Effectivité
- présentation générale : 157-165

588
Exploitant/opérateur des engins J
- critère d’immatriculation
navires : 266-271 Juridiction/contrôle
aéronefs : 125 ; 278-282 - notion : 33 (note 85) ; 353-356
licence pour objets spatiaux : 327- - dissociation : 359-364
328 - fonction : 357-358
- responsabilité : 498-505 ; 511-512 - rapport avec compétence : 531-538

F L
FSI (groupe consultatif) : 187; 373 ; 444 Libéralisation (droit aérien) : 199-200;
203-206; 687
Fraude du pavillon
- commise par le propriétaire : 453 Licence
- commise par le navire : 557-558 - navires nucléaires : 476
- transporteurs aériens : 123-124 ; 203 ;
G 401 ; 509
- activités spatiales : 137 ; 140 ; 217-218
Garanties financières exigées : 203 ; 305 ; 304-307 ; 326-329
; 327 ; 507-514
Lien substantiel
H - origines : 168-174
- valeur juridique : 188-194
« Humanité » : 5 (note 10) ; 17 ; 347 (note - critique : 149-150 ; 187 ; 219-220 ;
729) ; 574 ; 643 258-259
- navire de pêche : 183-184 ; 387
I
Légitime défense : 568-570 ; 581 ; 610
Incorporation :
- notion : 164 (note 354) M
- critère d’immatriculation : 205 ; 266-
269; 279 MARPOL : 325 ; 377 ; 379 ; 492 (note
1070)
Immatriculation « permanente »
- définition : 83 ; 95 MOU
- nature : 343 - rôle : 587
- Paris/Tokyo : 320 (note 697) ; 330
Immatriculation parallèle (note 719) ; 587
- définition : 34 (note 88) ; 8369 - ASE : 79
- nature : 97-106 - SSI : 76 (note 187) ; 578 (note 1285)

Immatriculation provisoire : 62 ; 97-99 ; N


237
Nationalité
Immatriculation par une organisation - sens du terme tel qu’employé dans la
internationale : thèse : 24 ; 58
- navires : 65-69 - personnes (physiques/morales) : 16 ;
- aéronefs : 73-74 158-161 ; 164
- objets spatiaux : 78-80 ; 606 - engins : 17-23 ; 37-38; 43; 49-55

589
- « multiple » nationalité (voy. aussi Privatisation
double immatriculation) : 61-64 ; 71 ; - droit aérien : 199-200 ; 693
76-77; 564 - droit spatial : 56 ; 139 ; 212-215 ; 298-
- absence de nationalité : 557-558 ; 564 299 ; 311 ; 357 ; 414 ; 687 ; 693
- droit maritime : 338-339 ; 693
Normes et pratiques recommandées
OACI : 393-394 Prompte mainlevée : 237-238 ; 470 ; 625-
626 ; 653 ; 666
O
Propriétaires des engins
Opposabilité de la nationalité : 31 ; 33 - critère d’immatriculation
(note 86) ; 148 ; 152 ; 170-172 ; 245 ; 334 ; navires : 264-272
558 aéronefs : 278-283
- responsabilité : 470 ; 500 ; 503-504;
« Ordre public » 507 ; 510 ; 515
- international : 11 (note 34) ; 346 ; 351 ;
417 ; 684 R
- fondement de compétence : 568-570
(droit de la mer) ; 581 ; 636 (droit de Radiation du registre : 62-63 ; 71-72 ;
l’espace) 98 ; 237 ; 324 (note 703) ; 470

Organisation/organisme d’exploitation Registre bis/international : 83 ; 115 ; 261


en commun : 73-74 ; 599 (note 1348) ; 273 ; 290 ; 324

P Règlement des différends : 449 ; 492


(note 1070)
Pays de libre immatriculation : 88 ; 105 ;
172 ; 175 ; 179 ; 278 ; 288 ; 309 ; 318-319 Responsabilité civile
; 324 ; 371 ; 442 ; 665 ; 687 - du propriétaire du navire : 503-505 ;
472
Pays d’immatriculation fermée ou pays - de l’exploitant de l’aéronef : 501-502
maritimes traditionnels : 104 ; 172 ; 175
; 261 ; 270 ; 277 ; 290 ; 293 ; 319 ; 323 Responsabilité internationale
- de l’Etat du pavillon : 453-457 ; 469-
Pêche 472 ; 510
- INN (ou pêche illégale) : 390 ; 471 ; - de l’Etat d’immatriculation de
561-567 ; 588 l’aéronef : 458-460 ; 473 ; 508-509
- autorisation de : 184 ; 383-384 - de l’Etat de lancement : 461-466 ; 477 ;
511
Personnification des engins : 12 ; 503 ; - objective : 475-479
535
RIF : 90 ; 273
Plates-formes pétrolières : 6 ; 8 ; 520
(note 1136) S

Pollution par hydrocarbures : 117 ; 379 ; Sécurité


426 ; 504 ; 510 ; 563 - en mer : 268 ; 316-320 ; 325 ; 370-376
; 389 (note 829) ; 455
Port d’attache : 26 ; 90 ; 197 ; 293-296 ; - aérienne : 123 ; 394-398 ; 400
339 - spatiale : 329 ; 414-417

590
Siège social : 164 ; 275 ; 279 Trafic illicite de stupéfiants : 560 ; 604

Single ship company : 269-270 ; 505 ; 662 Transfert


- de licence spatiale : 137 ; 140-141
Société de classification : 318-319 ; 324 ; - de satellite sur orbite : 94 ; 135 ; 137 ;
375-376 ; 377 ; 417 ; 454 ; 491 139 ; 305 ; 364
- de registre : 47 ; 62 ; 71 ; 138 ; 319 ;
SOLAS : 319 ; 325 ; 373 ; 375 ; 587 325

Sous-normes U
- navires : 181 ; 313 ; 319 ; 365 ; 373-
374 ; 454 ; 567 ; 586-587 US Effectively controlled ships : 272 ; 360
- aéronefs : 418 ; 460 (note 751)

Station Spatiale Internationale : 1 ; 10 ; V


76 ; 577-578 ; 605-606 ; 636 ; 638 ; 643
« Validité » internationale de la
Sûreté nationalité (efficacité) : 33 (note 86) ; 42
- en mer : 316-317 ; 372 (note 105) ; 103 ; 231-233; 236 ; 339
- aérienne : 394 ; 402 ; 433
- spatiale : 327 ; 329 ; 408 ; 414-415 Vetting : 505 (note 1103)
- distinction avec sécurité : 371 (note
773) ; 394 (note 849)
Z
T Zone de défense aérienne : 571 ; 597
« Territorialité » des engins : 365 ; 535 ; Zone de protection écologique : 592
540 (note 1326)
Terrorisme Zone internationale des fonds marins : 5
- maritime : 547-548 (note 10) ; 447 ; 487
- aérien : 397 ; 502 ; 508-509

Trafic illicite des migrants : 551-554

591
592
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1
§ 1. Nécessité et raison d’être du rattachement des engins aux Etats.........................2 
A. Engins évoluant dans des espaces soustraits à toute compétence territoriale.... 2 
i. Espaces concernés par la navigation internationale ........................................3 
ii. Engins susceptibles d’être affectés à la navigation internationale .................4 
a. Navires ....................................................................................................... 5 
b. Aéronefs .....................................................................................................7 
c. Objets/engins spatiaux................................................................................ 8 
B. Engins constituant des « ensembles organisés »................................................9 
C. Engins dont les activités sont susceptibles de causer un dommage aux tiers..13 
§ 2. Nature et établissement du rattachement des engins aux Etats ......................... 17 
A. Un rattachement communément appelé « nationalité »...................................17 
B. Un rattachement établi par un acte de droit interne : l’immatriculation ..........20 
§ 3. Méthode et plan de l’étude ................................................................................22 
A. Méthode ........................................................................................................... 23 
B. Plan .................................................................................................................. 24

PREMIERE PARTIE - L’IMMATRICULATION COMME CONDITION NÉCESSAIRE ET


SUFFISANTE DU RATTACHEMENT DES ENGINS AUX ETATS ...................................................... 27 

TITRE I - L’exigence internationale d’un rattachement étatique unique ................... 29 


CHAPITRE 1 - Le principe d’un rattachement unique : l’immatriculation sur le registre
d’un seul Etat .................................................................................................................... 31 
SECTION I. L’exigence d’un rattachement à un Etat ................................................31 
§ 1. Le droit de la mer et le rattachement des navires ..............................................32 
§ 2. Le droit de l’air et le rattachement des aéronefs................................................36 
§ 3. Le droit de l’espace extra-atmosphérique et le rattachement des engins spatiaux
..................................................................................................................................40 
Conclusion de la section ...............................................................................................48 
SECTION II. L’interdiction de la double immatriculation et le rattachement
problématique à une organisation internationale..........................................................49 
§ 1. L’exclusivité du pavillon national en droit de la mer........................................50 

593
A. L’interdiction du double pavillon par l’article 92 de la convention de Montego
Bay et dans la pratique des Etats.......................................................................... 50 
B. Le cas particulier du rattachement « international » des navires .................... 54 
§ 2. L’exclusivité de l’immatriculation des aéronefs et ses limites ......................... 57 
A. L’interdiction de la double immatriculation des aéronefs par l’article 18 de la
convention de Chicago et dans la pratique des Etats ........................................... 57 
B. Le cas particulier du rattachement « international » des aéronefs .................. 58 
§ 3. L’immatriculation « internationale » des engins spatiaux et ses limites........... 61 
A. Un rattachement « multinational » : droit et pratique ..................................... 61 
B. Le rattachement à une organisation internationale.......................................... 63 
Conclusion de la section............................................................................................... 66 
Conclusion du premier chapitre ....................................................................................... 68 
CHAPITRE 2 - L’exception d’un rattachement étatique « parallèle » : l’immatriculation
sur le registre spécial affrètement coque nue ................................................................... 69 
SECTION I. L’immatriculation lors d’un affrètement coque nue.............................. 70 
§ 1. L’affrètement coque nue et les pratiques similaires.......................................... 70 
A. L’affrètement coque nue dans la pratique maritime ....................................... 71 
B. Les pratiques similaires dans le droit aérien et l’hypothèse d’un
développement analogue dans l’industrie spatiale............................................... 74 
§ 2. La nature de l’immatriculation parallèle........................................................... 76 
A. L’immatriculation provisoire n’équivaut pas immatriculation parallèle ........ 78 
B. L’immatriculation parallèle : ni un rattachement attributif de « nationalité »
permanente, ni un rattachement de complaisance................................................ 81 
Conclusion de la section............................................................................................... 85 
SECTION II. L’immatriculation parallèle conforme au principe d’un rattachement
étatique unique ............................................................................................................. 85 
§ 1. L’immatriculation parallèle et le droit de la mer .............................................. 86 
A. L’immatriculation parallèle en cas d’affrètement coque nue conforme au
principe de l’exclusivité du pavillon.................................................................... 87 
B. L’immatriculation parallèle, seul rattachement pris en compte par le droit
international ......................................................................................................... 89 
§ 2. L’immatriculation parallèle et le droit aérien ................................................... 92 
A. La délégation des fonctions en tant que solution du droit aérien pour la
location coque nue ............................................................................................... 93 

594
B. L’immatriculation parallèle, une solution mieux adaptée aux besoins de
l’industrie aérienne ............................................................................................... 99 
§ 3. L’immatriculation parallèle et le droit spatial .................................................105 
A. La conformité discutable de l’immatriculation parallèle au droit de l’espace
............................................................................................................................ 105 
B. La nécessité éventuelle d’une immatriculation parallèle en droit spatial ......107 
Conclusion de la section .............................................................................................112 
Conclusion du second chapitre .......................................................................................114 
Conclusion du premier titre............................................................................................ 115

TITRE II - L’absence d’exigence d’un rattachement « préalablement » effectif : Les


faux-semblants du lien substantiel ................................................................................. 117 
CHAPITRE 1 - L’absence d’une règle conditionnant l’opposabilité du rattachement des
engins aux Etats en droit international ...........................................................................121 
SECTION I. L’inutilité d’un lien effectif pour le rattachement des engins aux Etats
.................................................................................................................................... 122 
§ 1. La non transposition du principe d’une nationalité effective des personnes au
rattachement des engins..........................................................................................122 
A. Le principe de l’effectivité et la nationalité des individus.............................122 
B. La notion de l’effectivité et la « nationalité » des engins ..............................127 
§ 2. Les différentes manifestations en droit international d’un « lien effectif » pour
le rattachement des engins......................................................................................130 
A. Les navires : le lien substantiel et les pavillons de complaisance .................130 
i. Le lien substantiel tel que prévu par le droit conventionnel........................131 
a. Les conventions de Genève et de Montego Bay .................................... 131 
b. La convention de 1986 sur les conditions d’immatriculation des navires
.................................................................................................................... 136 
c. Les textes internationaux après 1986 .....................................................139 
d. Le rapport de 2005 des organisations internationales réunies sous l’égide
de l’OMI concernant le lien substantiel ..................................................... 141 
ii. L’absence de valeur juridique de l’exigence du lien substantiel................143 
B. Les aéronefs : la clause de nationalité et l’exclusion d’une immatriculation
« complaisante » ................................................................................................. 147 

595
i. De la tentative de transposition de l’exigence du lien effectif à la
privatisation de l’industrie aérienne............................................................... 148 
ii. La clause de nationalité comme substitut à un lien effectif en droit aérien151 
C. Les engins spatiaux : le lien préalable et l’émergence d’une immatriculation
« complaisante »................................................................................................. 158 
i. La commercialisation et la privatisation des activités spatiales : vers une
remise en cause de l’effectivité du rattachement ........................................... 159 
ii. Les licences d’autorisation des activités spatiales comme substitut d’un lien
effectif en droit spatial ................................................................................... 163 
Conclusion de la section............................................................................................. 164 
SECTION II. Le rejet par la jurisprudence internationale du lien effectif comme règle
autonome conditionnant le rattachement des engins.................................................. 166 
§ 1. La jurisprudence internationale et arbitrale .................................................... 167 
A. La jurisprudence internationale..................................................................... 167 
i. La décision OMCI de la CIJ........................................................................ 167 
ii. La jurisprudence du Tribunal International du Droit de la Mer ................ 172 
a. L’affaire Saiga 2 .................................................................................... 172 
b. Les autres affaires du TIDM ................................................................. 177 
B. La jurisprudence arbitrale.............................................................................. 181 
i. L’affaire concernant le filetage à l’intérieur du golfe du Saint Laurent ..... 181 
ii. L’affaire I’m Alone .................................................................................... 183 
iii. L’affaire du F. OABV ............................................................................... 184 
§ 2. La jurisprudence communautaire.................................................................... 185 
A. Factortame et ses suites en droit maritime et en droit aérien ....................... 185 
B. Poulsen et ses suites ...................................................................................... 190 
Conclusion de la section............................................................................................. 192 
Conclusion du premier chapitre ..................................................................................... 192 
CHAPITRE 2 - Les critères d’immatriculation des engins en droit interne : les limites
d’un « lien effectif » imposé par les Etats...................................................................... 195 
SECTION I. Les critères permettant à l’Etat d’immatriculation de « contrôler »
l’engin : un déplacement de critères « personnels » vers des critères
« administratifs/territoriaux »..................................................................................... 196 
§ 1. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant de l’engin.................... 197 

596
A. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant dans les législations
maritimes ............................................................................................................198 
i. Le critère de la nationalité du propriétaire ignoré ou contourné .................198 
ii. Le critère de la nationalité des bénéficiaires effectifs dépassé par la réalité
de l’industrie shipping : solutions alternatives ...............................................203 
a. Les registres bis ou internationaux.........................................................203 
b. Le critère de l’établissement local ......................................................... 205 
B. Le critère de la nationalité du propriétaire/exploitant dans les législations de
droit aérien..........................................................................................................208 
§ 2. Les autres critères de type « personnel » ou « territorial » facilitant le contrôle
exercé par l’Etat d’immatriculation sur l’engin......................................................212 
A. Le rattachement « national » d’un ensemble organisé : équipage et bâtiment
............................................................................................................................ 213 
i. Le critère « personnel » de la nationalité de l’équipage..............................213 
ii. Les critères « territoriaux » du lieu de construction du navire et du port
d’attache ......................................................................................................... 217 
B. Les critères « territoriaux » et « personnels » alternatifs prévus par les
législations spatiales pour un contrôle effectif ...................................................220 
i. Le critère de l’Etat de lancement : un critère « pseudo-territorial »............222 
ii. Les critères « territoriaux » et « personnels » retenus pour l’autorisation des
activités spatiales ............................................................................................ 226 
Conclusion de la section .............................................................................................230 
SECTION II. Des critères supplémentaires permettant à l’Etat d’immatriculation de
se conformer à ses obligations internationales relatives à l’état de l’engin................231 
§ 1. Une spécificité des législations maritimes : le refus de l’immatriculation des
navires « sous-normes » .........................................................................................233 
A. Age et type du navire..................................................................................... 233 
B. Procédure d’immatriculation et certificats de navigabilité ............................ 238 
§ 2. La spécificité des législations spatiales quant aux conditions d’autorisation des
activités spatiales .................................................................................................... 241 
Conclusion de la section .............................................................................................243 
Conclusion du second chapitre .......................................................................................245 
Conclusion du second titre .............................................................................................. 246 

597
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE................................................................................. 249

SECONDE PARTIE - LES EFFETS JURIDIQUES DE L’IMMATRICULATION : UN RÉGIME


NÉCESSAIRE MAIS NON SUFFISANT POUR UNE GESTION EFFICACE DES ENGINS ................... 253 

TITRE I - Les limites d’une mise en œuvre effective des obligations internationales de
l’Etat d’immatriculation................................................................................................. 255 
CHAPITRE 1 - Vers des obligations internationales similaires pour l’Etat
d’immatriculation des navires, aéronefs ou objets spatiaux .......................................... 257 
SECTION I. L’exercice de la juridiction et du contrôle : le devoir général de l’Etat
d’immatriculation....................................................................................................... 258 
§ 1. La définition du devoir général d’exercice de juridiction/contrôle................. 258 
A. La nature de l’exercice de juridiction/contrôle ............................................. 259 
B. L’objet de l’exercice de juridiction/contrôle ................................................. 261 
§ 2. L’enjeu d’une possible dissociation entre exercice de la juridiction et exercice
du contrôle.............................................................................................................. 262 
Conclusion de la section............................................................................................. 267 
SECTION II. Les obligations spécifiques de l’Etat d’immatriculation prévues par des
traités-cadres, détaillées dans des instruments complémentaires............................... 268 
§ 1. Les obligations de l’Etat du pavillon quant aux navires ................................. 269 
A. Les obligations relatives à la navigation et à la sécurité maritime................ 269 
B. Les obligations relatives à l’environnement marin ....................................... 276 
C. Les obligations relatives à la gestion des ressources halieutiques ................ 278 
D. Le droit de l’Union européenne : confrontation au ou renforcement du droit
international ?..................................................................................................... 282 
§ 2. Les obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux aéronefs .................... 285 
A. Les obligations relatives au respect des réglementations nationales ............ 286 
B. Les obligations relatives à la sécurité et à la sûreté aérienne ........................ 287 
C. Les obligations relatives au respect de l’environnement .............................. 291 
D. Les obligations dans le cadre de l’Union européenne................................... 292 
§ 3. Les obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux objets spatiaux .......... 294 
A. Des obligations ne pesant pas spécifiquement sur l’Etat d’immatriculation 295 
B. Le devoir de coopération en droit spatial ...................................................... 297 
C. L’avenir des obligations de l’Etat d’immatriculation en droit spatial........... 299 

598
Conclusion de la section .............................................................................................301 
SECTION III. De la question des obligations de l’Etat d’immatriculation quant aux
épaves maritimes, aériennes ou spatiales ................................................................... 303 
§ 1. Les obligations relatives aux épaves-navires...................................................305 
§ 2. Les obligations relatives aux épaves-aéronefs.................................................310 
§ 3. Les obligations relatives aux débris spatiaux .................................................. 312 
Conclusion de la section .............................................................................................315 
Conclusion du premier chapitre......................................................................................316 
CHAPITRE 2 - L’obligation d’indemnisation ou la responsabilité « propre » de l’Etat
d’immatriculation. ..........................................................................................................319 
SECTION I. Les lacunes du régime actuel de la responsabilité « propre » de l’Etat
d’immatriculation .......................................................................................................323 
§ 1. La responsabilité pour faute des Etats d’immatriculation dans les textes et dans
la pratique ............................................................................................................... 323 
A. La responsabilité pour faute de l’Etat d’immatriculation telle que prévue par
les instruments internationaux ............................................................................324 
i. La responsabilité de l’Etat du pavillon dans le droit de la mer. ..................324 
ii. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation dans le droit de l’air...........328 
iii. La responsabilité de l’Etat d’immatriculation dans le droit de l’espace ... 329 
B. La non invocation de la responsabilité pour faute des Etats d’immatriculation
dans la pratique...................................................................................................334 
§ 2. La responsabilité objective de l’Etat d’immatriculation dans les textes et dans la
pratique ................................................................................................................... 339 
Conclusion de la section .............................................................................................344 
SECTION II. Les réponses aux lacunes du régime actuel de la responsabilité ........346 
§ 1. Vers un renforcement de la responsabilité internationale de l’Etat
d’immatriculation ...................................................................................................346 
A. Le rejet de la thèse d’une responsabilité internationale « automatique » des
Etats d’immatriculation pour faute des engins qui leur sont rattachés ............... 347 
B. Le renforcement du rôle de la responsabilité de l’Etat d’immatriculation par la
précision de ses obligations internationales........................................................352 
§ 2. Vers un renforcement de l’encadrement étatique de la responsabilité privée .356 
A. Le régime de la responsabilité privée pour dommages causés aux tiers prévu
par les instruments internationaux du droit de la mer et de l’air ........................357 

599
B. L’encadrement de la responsabilité privée par l’Etat d’immatriculation et la
responsabilité subsidiaire de cet Etat ................................................................. 363 
Conclusion de la section............................................................................................. 372 
Conclusion du second chapitre ...................................................................................... 373 
Conclusion du premier titre ........................................................................................... 374

TITRE II - L’atténuation progressive de la prédominance du rôle de l’Etat


d’immatriculation............................................................................................................ 376 
CHAPITRE 1 - Les atténuations de la compétence lato sensu de l’Etat
d’immatriculation........................................................................................................... 378 
SECTION I. Le principe de la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation dans
l’espace international et ses exceptions ..................................................................... 379 
§ 1. La nature de la compétence de l’Etat d’immatriculation et son articulation avec
la notion de « juridiction/contrôle »....................................................................... 379 
A. Compétence de l’Etat d’immatriculation et exercice de juridiction/contrôle
dans les droits de la mer et de l’air..................................................................... 380 
B. Compétence de l’Etat d’immatriculation et exercice de juridiction/contrôle
dans le droit de l’espace ..................................................................................... 384 
§ 2. Les exceptions à la compétence exclusive de l’Etat d’immatriculation ......... 387 
A. Les dérogations traditionnelles à la compétence exclusive de l’Etat du pavillon
et leur adaptation aux nouveaux phénomènes.................................................... 387 
i. Les exceptions à la compétence exclusive prévues dans l’article 110 de la
convention de Montego Bay face à des nouvelles infractions ....................... 389 
a. La piraterie « moderne » et le terrorisme maritime ............................... 389 
b. Le transport d’esclaves et le trafic des migrants ................................... 395 
c. Les émissions non autorisées et les serveurs web installés en haute mer
................................................................................................................... 397 
d. La « fraude » du pavillon ...................................................................... 399 
ii. Les atténuations de la compétence exclusive de l’Etat du pavillon non
prévues dans l’article 110 .............................................................................. 401 
a. Le trafic de drogue................................................................................. 401 
b. La protection de l’environnement et la pêche illégale........................... 403 
c. L’ « ordre public » et la sécurité lato sensu ........................................... 409 

600
B. Le caractère exceptionnel de l’exercice d’une compétence exclusive par l’Etat
d’immatriculation des aéronefs ..........................................................................411 
C. Les dérogations existantes ou potentielles à la compétence exclusive de l’Etat
d’immatriculation des objets spatiaux ................................................................ 413 
i. Les atténuations existantes au monopole de l’Etat d’immatriculation........414 
ii. Les exceptions potentielles au monopole de l’Etat d’immatriculation ......416 
Conclusion de la section .............................................................................................419 
SECTION II. Le rôle de l’Etat d’immatriculation dans les différentes hypothèses de
compétences concurrentes ..........................................................................................420 
§ 1. L’affaiblissement du rôle de l’Etat du pavillon lorsque le navire ne se trouve
pas dans un espace international.............................................................................421 
A. Les compétences concurrentes à l’égard d’un navire qui se trouve dans les
eaux intérieures, dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë....................421 
B. Les compétences concurrentes à l’égard d’un navire qui se trouve dans la ZEE
............................................................................................................................ 426 
§ 2. Les compétences concurrentes établies par le droit de l’air ............................429 
A. Les compétences concurrentes à l’égard d’un aéronef qui se trouve sur ou qui
survole le territoire d’un Etat ou sa ZEE ............................................................429 
B. Les chefs de compétence concurrente en matière de compétence pénale .....432 
§ 3. L’hypothèse des compétences concurrentes à l’égard d’un objet spatial........436 
Conclusion de la section .............................................................................................437 
Conclusion du premier chapitre......................................................................................438 
CHAPITRE 2 - De la question d’un droit de réparation pour dommage causé à l’engin :
une protection sui generis............................................................................................... 441 
SECTION I. Le droit de réparation au nom de l’équipage versus le droit de
« protection » des engins dans le droit positif ............................................................443 
§ 1. La protection des navires dans la pratique internationale et dans le projet de la
CDI sur la protection diplomatique ........................................................................444 
A. La protection de l’équipage des navires et le dommage direct de l’Etat du
pavillon dans la jurisprudence ............................................................................444 
B. L’établissement par la CDI d’un droit de réparation au nom de l’équipage.. 449 
§ 2. La protection des aéronefs et des objets spatiaux dans la pratique internationale
et dans le rapport de la CDI .................................................................................... 453 
A. La protection des aéronefs et des objets spatiaux dans la pratique étatique.. 453 

601
i. La protection des aéronefs .......................................................................... 453 
ii. La protection des objets spatiaux............................................................... 456 
B. Le choix de la CDI de ne prévoir aucun droit de réparation au nom de
l’équipage des aéronefs et des objets spatiaux................................................... 461 
i. Protection de l’équipage des aéronefs......................................................... 461 
ii. Protection du personnel des objets spatiaux .............................................. 462 
Conclusion de la section............................................................................................. 465 
SECTION II. Le droit de réparation au nom de l’équipage versus le droit de
« protection » des engins dans le développement progressif du droit international .. 466 
§ 1. La conformité de la protection des engins au droit international.................... 466 
A. Le sujet passif de la protection...................................................................... 466 
B. La non application des principes de la protection diplomatique ................... 472 
§ 2. L’utilité incertaine de la notion de la protection des engins dans l’état actuel du
droit international................................................................................................... 476 
Conclusion de la section............................................................................................. 480 
Conclusion du second chapitre ...................................................................................... 480 
Conclusion du second titre ............................................................................................. 481 

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE .................................................................................. 485

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 491

Bibliographie Sélective Thématique................................................................................... 499 


Table Des Annexes ............................................................................................................... 545 
ANNEXE 1 - Législations nationales consultées.............................................................. 547 
ANNEXE 2 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des navires....... 557 
ANNEXE 3 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des aéronefs ..... 577 
ANNEXE 4 - Critères des législations nationales sur l’immatriculation des objets spatiaux
et les licences pour activités spatiales ............................................................................... 583
Index Thématique ................................................................................................................ 587 
Table Des Matières............................................................................................................... 593 

602

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