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La Bande Dessinée Au Mali

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La bande dessinée au Mali

africultures.com/bande-dessinee-mali/

July 21, 2017

Le Mali, pays sahélien de quatorze millions d’habitants n’a pas une grande tradition
en matière d’édition. Durant longtemps, la seule maison d’édition du pays était un
éditeur public, créé dans les années 1960 avec des capitaux de l’Etat : EDIM
(EDitions Imprimerie du Mali). C’est seulement en 1988 que des éditeurs privés
arriveront sur le marché.

Le premier éditeur était Jamana : émanation de la coopérative culturelle multimédia du


même nom, créée en cette année 1988 par le futur Président de la République, Alpha
Oumar Konaré. Il sera suivi par la suite par Donniya (en 1996) dont le premier titre est un
dictionnaire français-bambara puis par Le Figuier (en 1997), créé par l’écrivain Moussa
Konaté. Celui-ci explique les raisons de son engagement dans un entretien datant de
1999 : « Il y avait d’abord le fait que mes propres livres étaient tous édités en France et
introuvables en Afrique. Ou alors quand ils y arrivaient, c’était à des prix hors de portée,
des livres vendus à 80 FF dans un pays où le SMIC est à 200 FF… Un autre point, aussi
en liaison avec ma propre vie, c’est que j’ai lu assez tôt dans mon enfance : j’ai ce souci
de faire lire les enfants. Nous avons donc démarré avec la littérature de jeunesse qui
forme toujours environ 80 % de notre production. On a commencé avec des traductions
et des adaptations de textes oraux traditionnels et maintenant nous allons publier des
ouvrages de fiction destinés à la jeunesse. Ce qui est spécifique chez nous, c’est que
tous les textes sont publiés en langue d’origine et en français, dans deux livres différents.
C’est vrai que ça coûte cher, d’autant plus que nous avons opté pour une édition de
qualité. Tout est en quadrichromie. Mais il y avait une demande, et ça nous a permis de
tourner. Nous avons aussi eu une subvention d’une ONG canadienne. Mais elle
concernait uniquement les frais d’imprimerie qui consistent en 25-30 % du coût du livre.
Au début, c’était de la folie. Il n’y a pas de structures pour l’édition. On n’a pas de
maquettistes formés ; les imprimeurs faisaient des journaux mais pas de livres ; les
dessinateurs ont un talent brut ou alors ne sont pas du tout formés pour illustrer des
ouvrages de jeunesse. Pour le papier, il n’y avait que le papier classique de 80 grammes.
Il a fallu se battre, mais maintenant les choses se mettent un peu en place. Ceci dit,
l’édition reste difficile. Il nous arrive parfois de faire le devis d’un ouvrage et à la veille de
l’impression, le prix du papier augmente de 50 %… »

Aujourd’hui, le pays abrite une vingtaine d’éditeurs, toutes spécialités confondues,


auxquels on peut ajouter une maison d’édition située à Paris : Cauris éditions, fondé par
Kadiatou Konaré. Malheureusement, la plupart des titres sont tirés à un maximum de
mille exemplaires et compte, pour l’essentiel de leurs ventes, sur les achats quelque peu
démagogiques des différentes institutions de coopération. Si Le Figuier fut le premier à
éditer des bandes dessinées et des livres pour la jeunesse (Sitan la petite imprudente,
adaptation sahélienne du petit chaperon rouge, La Longue marche des animaux assoiffés
écrit par l’écrivain Ousmane Diarra…), l’éditeur Donniya[1], né en 1996, sortait
incontestablement du lot. Doté de leur propre imprimerie (Imprim Color), Donniya avait un

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studio de création, un studio graphique
en PAO. Directrice, avec son mari,
Svetlana Amegankpoé est une
dessinatrice de talent qui a illustré
plusieurs de leurs publications dont la
plupart des ouvrages pour la jeunesse,
présents au catalogue : La Petite souris
qui a perdu son enfant, Monsieur
déchéance, Voyage en taxi-brousse, etc.
Mais Donniya, qui n’est plus réellement
active depuis quelques années, n’a
jamais édité de bandes dessinées.

La place de la BD dans l’édition malienne

Cependant, cette multiplication d’éditeur qui touche le pays depuis vingt ans a eu
évidemment un impact indirect sur le développement du 9ème art national et lui a permis
de prendre une certaine ampleur. L’histoire du 9e art malien reste d’ailleurs très
emblématique de ce qui se passe dans l’ensemble des pays d’Afrique. En effet, si la
naissance d’un mouvement de promotion en faveur de cet art se situe dans les années
2000, les premières traces remontent à quelques décennies. Et comme souvent en
Afrique, le démarrage de la bande dessinée malienne ne peut se démarquer de celui de
l’illustration et de la caricature. Tout commence en 1978, avec la sortie de la première
revue africaine de bande dessinée dans une langue véhiculaire africaine, le bambara :
Koteba kura. Cette revue, qui ne connut que deux numéros, était dessinée par Yacouba
Diarra (Kays) et Boubacar Doumbia, ce dernier étudiant à l’INA, et était une initiative du
linguiste Gerard Galtier.

Par la suite, l’année 1983 voit le lancement de Podium, supplément sportif du seul
journal autorisé de l’époque : L’Essor. Le lecteur pouvait y découvrir les aventures de
Bouba, mini-série BD dessinée par l’illustrateur Sidi Sow. Celui-ci, aujourd’hui disparu,
s’était déjà fait remarquer en illustrant la revue Soundjata, lorsqu’il était étudiant à
l’Institut National des Arts (INA).

La fin des années 1970 correspond à une timide ouverture politique de la part du
président-général Moussa Traoré qui arrive à attirer certains intellectuels comme Alpha
Oumar Konaré. Celui-ci devient ministre de la Culture en 1978 avant de démissionner de
son poste deux années plus tard. En 1983, il lance le trimestriel Jamana, revue culturelle
de la coopérative du même nom. On y trouve toujours Sidi Sow mais aussi Kays qui y
dessinait en particulier des caricatures et des petits strips. C’est le début d’une carrière
dans le milieu pour celui-ci puisqu’il illustrait auparavant essentiellement des brochures et
des livres scolaires.

Dans le même temps, la Coopérative Jamana lance Grin-Grin, un magazine


d’information pour les jeunes, abondamment illustré. Presque tous les dessinateurs de
l’époque passent par ce magazine qui va vite devenir une référence dans le jeune
lectorat du pays. Presque tous les dessinateurs de l’époque sont passés par ce

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magazine lu par un grand nombre de jeunes. Une
pépinière commence à se constituer. Sidi Sow,
Yacouba Diarra, (Kays), Modibo Samakou Keita
(MOK[2]), Bakoro Doumbia, Dellesi Traoré, Nouhoum
Traoré, Modibo Sidibé, Aly Zoromé, Emmanuel Bakary
Dao illustrent des articles ou dessinent quelques cases
de BD. Les premières séries de la BD malienne sont
lancées et font connaître certains dessinateurs auprès
du jeune public.

C’est le cas de Kays qui dessine la série Saro de


1990 à 1998, mais aussi L’Aigle noir, de 1988 jusqu’en
1998. Il y lance aussi Les Trois amis (n°27 à 30 puis
dans les numéros qui suivront le N°75), Karatou le
truand (24 et 25), Les Curieux (N°41 à 52)…

Aly Zoromé, qui deviendra un auteur prolifique par la suite, y commence sa carrière avec
Omarou le gourmand. Mahamane Imrane Coulibaly dessinera la série Toto du n°25 au
n°34, plus d’autres aventures comme La Symphonie des amoureux. Enfin, Banouh
(Nouhoum Madani Traoré) débute avec Youba avant de se consacrer à l’illustration et à
la production de planches diverses.Malgré quelques interruptions, Grin-Grin est toujours
diffusé à 1000 exemplaires mais le journal n’abrite plus de séries régulières de BD même
si Kays y produit encore des séries de temps à autres, comme ce fut le cas en 2011 avec
Les aventures de Nassou.

Entre temps, le pays verra la création du premier journal satirique : Le Scorpion (avec
les deux anciens de Grin-Grin que sont Modibo Samakou Keita alias MOK et Dellesi
Traoré) en 1991, année du renversement de Moussa Traoré par un coup d’état militaire et
l’instauration de la démocratie. Le succès de Grin-Grin donnera des idées aux
dessinateurs qui en composaient l’équipe.

Durant les années 1993-1994, Kays participe comme secrétaire général au magazine de
BD Donko (qui signifie la connaissance en bambara), « édition bimensuelle des
illustrateurs de l’IMA[3] ». D’autres dessinateurs y participeront comme Modibo Sidibé,
Aly Zoromé, Nouhoum Madani Traoré. Mais cette revue ne dépassera pas le N°00. A la
même époque (en décembre 1993), Mok lance Janjo bimensuel dont il voulait faire un
outil de promotion de la BD Malienne, mais celui-ci n’aura qu’un seul numéro. De 1990 à
1997, avec l’arrivée de la démocratie dans le pays, la caricature apparaît dans la presse
nationale et la presse satirique fait son apparition.

C’est le cas en particulier de La Cigale muselée mais aussi Le Vendu, Le Hérisson, Sud
Info, Le Zénith, l’Aurore dont les caricatures étaient faites par Emmanuel Dao (qui lancera
son propre journal satirique : La Cravache, en 1996), Modibo Samakou Keïta (MOK) et
Mahamane Imrane Coulibaly. En 1997, à la fin de son premier mandat, le président de la
république éditera même un recueil de caricatures intitulé « Le Miroir satirique ».

Des revues aux albums de BD

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En 1997, les éditions Le Figuier, créé par
l’écrivain Moussa Konaté, sort Comment le lièvre
sauva les chèvres de Yacouba Diarra (Kays).
Cette adaptation d’un conte animalier devient le
premier album BD du pays. Il sera suivi, en 2001,
par La Revanche du chasseur du même auteur,
chez le même éditeur. Cet ouvrage en couleur
s’appuyait sur un conte mêlant personnages
humains et animaux. Le grand chasseur
Fagnouma-Blen offre un morceau de viande aux
vautours au terme de chacune de ses chasses.
Un jour, pour tester la gratitude des rapaces, il
s’allonge sur le sol et fait le mort. Le lièvre, son
complice, annonce la nouvelle aux autres
animaux et notamment à la hyène et aux
vautours. S’ensuit un jeu de ruse où chacun se
méfie de son voisin tout en essayant de le piéger.

Ces deux productions furent l’occasion, pour Kays, de s’échapper de Grin-Grin et de


produire deux albums de trente-six pages. Cette même année voit la création de
l’hebdomadaire Le Canard déchaîné. Le premier caricaturiste fut d’abord le très populaire
Mamadou Diarra (Mad) qui sera remplacé par la suite par Kays avant de revenir dans le
journal par la suite après le retrait de ce dernier. Depuis quelques années, Mad y anime
dans chaque numéro, Canardages, un strip de quelques planches où il commente
l’actualité politique ou sociale.

Tiré à deux mille exemplaires, Le Canard déchaîné publiera également chaque année
une à deux compilations de ses meilleures caricatures.

2002 voit l’association amiénoise « On a marché sur la bulle » organiser, en partenariat


avec le CCF de Bamako, un atelier encadré par Barly Baruti et Nicolas Dumontheuil et
auquel participent Massiré Tounkara (né en 1979), Julien Batandéo (né en 1979)
d’origine togolaise, et Papa Nambala Diawara (né en 1953). Suite à ce stage, les auteurs
décident de s’unir et de créer l’atelier BDB (Bande des dessinateurs de Bamako (le nom
était une trouvaille de Barly Baruti).

À la fin du stage, Batandéo, Nambala Diawara et Tounkara sont choisis parmi les six
participants au 8ème rendez vous BD d’Amiens.

Entre février et fin mai 2002, à l’atelier BDB sis au CCF, les trois auteurs planchent sur
une histoire courte appelée « Horizon Amiens », histoire qui anticipait sur le voyage des
trois auteurs qui n’étaient jamais venus en Picardie. Les planches de cette petite histoire
seront tirées en grand format et exposées au festival dans le cadre d’une exposition sur
la BD malienne intitulée « Mali : les cases de la BD Africaine ». Par la suite, pendant les
dix jours qui précèdent le festival, les trois auteurs participent à un deuxième stage de dix
jours sur les techniques de coloriage, stage animé par Jean Denis Pendanx (Labyrinthes,
Les Corruptibles, Abdalahi …).

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Ces stages inauguraient une série de plusieurs autres auxquels participeront les
dessinateurs maliens, en particulier trois stages encadrés par Alain Brezault à l’occasion
des différentes éditions du festival Étonnants voyageurs, mais aussi un atelier commun
fait avec l’association L’Afrique dessinée (Saint Ouen – France) en 2006.
Cette
participation au festival d’Amiens marquera les trois auteurs. Pour la première fois, dans
un salon français de BD, des auteurs Maliens participent, font des interventions dans des
collèges et lycées ainsi que des séances de dédicaces.

Cette même année verra deux membres rejoindre l’association. Le premier est Aly
Zoromé (caricaturiste au quotidien L’Essor et illustrateur pour enfants). Bien que connu
des autres, celui-ci n’avait pas participé au stage pour la simple raison qu’il était au
même moment dans un atelier d’illustration avec Kays, Mahamane Imrane Coulibaly,
Maïga et d’autres dessinateurs ; atelier animé par l’auteur Congolais Dominique
Mwankumi.

Le second est Georges Foli rencontré lors du festival Étonnants Voyageurs. Leur
collaboration interviendra quelques mois plus tard. À partir de 2003, Georges Foli
s’occupera de tout ce qui est organisation et administration du groupe de dessinateurs.

Lors de l’édition 2003 du festival de BD d’Amiens, Julien Batandéo, Massiré Tounkara et


Papa Nambala Diawara exposent une affiche sur la cathédrale notre dame d’Amiens,
commandé par l’association «On a marché sur la bulle » et la ville d’Amiens.

Cette année constitue le véritable démarrage pour toute l’équipe. Ils créent l’association
Esquisse et lancent un fanzine en noir et blanc : Ébullition. Celui-ci comptera deux
numéros avec la participation des auteurs congolais, Cyprien Sambu Kondi, et français
Gabriel Muguet qui vivaient à l’époque dans le pays.

En parallèle, Julien Batandéo auto édite un premier album de trente pages, Tchécoroba,
entièrement en noir et blanc et couverture souple. Tchécoroba présentait une succession
de gags en une planche, centrée sur la vie de famille et les difficultés comiques d’un
homme à rester fidèle à son épouse.

Cette même année, Balani’s, une boîte


d’événementiel et de production de
groupes de rap fondée par Lassana Igo
Diarra, décide de se lancer dans l’édition
d’ouvrages pour la jeunesse et de
bandes dessinées.
Sa première
production est un conte pour enfant
accompagné d’une cassette audio (Les
Jumeaux à la recherche de leur père), un
texte d’Ousmane Diarra dessiné par
Massiré Tounkara. Le premier tome, qui
sort en 2003, rencontrera un certain
succès. Il sera suivi, en 2005, par un deuxième tome. Le duo rééditera l’expérience en
2006 avec La Princesse capricieuse, chez le même éditeur.

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Peu à peu, l’association se structure et étend ses activités. Entre 2005 et 2009, Esquisse
organise trois éditions du salon de la BD de Bamako qui rencontre un vrai succès. Puis,
en 2008, l’association Esquisse devient le Centre de la bande dessinée de Bamako et
quitte le CCF où elle était installée depuis quelques années, pour s’installer dans un local
qu’elle loue dans un quartier périphérique de Bamako. En parallèle à la bande dessinée,
les différents artistes du Centre de la bande dessinée produisent des supports
pédagogiques et didactiques, des posters, des livrets de santé ce qui leur permet d’avoir
une source de revenus supplémentaires.

En effet, à l’image de ce qui se passe dans la plupart des pays africains, la plupart des
auteurs ont tous un travail à côté qui leur permet de subvenir à leurs besoins et à ceux de
leur famille. Il est vrai que la bande dessinée ne rapporte guère de revenus réguliers aux
artistes, du fait de publications aléatoires et – on l’a vu – d’une faible présence de
planches de BD dans les quotidiens et hebdomadaires généralistes et satiriques du pays.

Progressivement, le Centre de la bande dessinée de Bamako cesse ses activités, faute


de combattants, ceux-ci cessant de se réunir tout au long de l’année 2012.

Le nombre d’auteurs extérieurs au Centre de la bande dessinée qui se sont fait connaître
sont d’ailleurs rares, la seule exception étant Aly Zoromé qui se fait régulièrement
remarquer par une production régulière et, au final abondante.

C’est le cas en 2008, année où les éditions Edis sortent, grâce à un soutien public, une
série de trois albums sur la fraude dans le milieu scolaire : Le Prix de la fraude dessiné
par Aly Zoromé. Le premier album traite de la triche aux examens, le deuxième aborde
les pratiques maraboutiques et le troisième, la prostitution à l’école (ce que l’on appelle
les notes sexuellement transmissibles). Edis sortira deux autres BD du même
dessinateur : Tomon, le village – cimetière, scénarisé par Samba Niaré, enseignant de
formation, qui traite d’un village ravagé par le sida et A l’abandon, sur les enfants
scolarisés mais livrés à eux-mêmes au sein de leur famille[4].

La même année, Balani’s lance une série intitulée Issa et Wassa avec des dessins de
Massiré Tounkara sur un scénario de Mahamadou Traoré de Seydou, originaire de
Seydou. Orientée sur la protection de la nature, la série édite en même temps les deux
premiers tomes : Le Forestier du Baoulé (2008) et Woroni du Bafing (2008). Les deux
jeunes héros que sont Issa et Wassa vivent des aventures qui mettent en exergue les
beautés naturelles du pays. Chacun des neuf parcs animaliers maliens aurait dû faire
l’objet d’un album, mais la série se limitera à trois tomes. Le dernier, Selingué, prévu en
début d’année 2011 n’a jamais été édité.

Cette initiative fait des émules puisqu’au début de 2010, sont créés les éditions
Tombouctou, nouvelle maison dirigée par Aïda Diallo et Ibrahima Aya, auteurs engagés
en faveur de la lecture des jeunes. Leur premier titre est tiré d’une collection de bandes
dessinées documentaires qui prévoit la découverte de diverses régions du Mali, à travers
les voyages des jumeaux Awa et Adama. Il s’agit d’Awa et Adama à Wadakédji, dessiné
par l’infatigable Aly Zoromé. Wadakédji est le nom d’une association de communes des
cercles de Yanfolila, Kati et Bougouni au centre du pays. Chaque étape du voyage des

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enfants est l’occasion d’une découverte des
particularités de la région et aussi l’occasion
d’aborder des thèmes plus généraux comme
l’importance de l’état civil du droit de vote ou la
culture du karité… La série devait faire appel à
plusieurs auteurs : Julien Batandéo pour le deuxième
et Tounkara pour le troisième, le centre de BD de
Bamako devant coordonner l’ensemble pour ce qui
était de la réalisation des dessins. Mais l’ensemble
des trois tomes de la série sera finalement dessiné
par Aly Zoromé.

La fin d’année 2010 a vu la sortie du Mali de Madi,


l’un des tous premiers albums BD du continent à
raconter l’histoire d’un pays d’Afrique. Dessiné par
Massiré Tounkara, scénarisé par le jeune français
Sébastien Lalande, cet ouvrage revient sur les
cinquante années d’indépendance du pays. Le Mali de Madi a été édité par la maison
Princes du Sahel (EPS), éditeur généraliste local qui faisait une première incursion dans
ce domaine. Très didactique, l’album retrace le parcours de Madi, reporter de 1960 à
2010, et entraîne les lecteurs à la découverte du Mali moderne : grandes périodes et
acteurs politiques, développement économique et mise en place des principales
infrastructures, avènement de la démocratie, grands hommes qui font ou ont fait le
rayonnement du pays, mais aussi évènements culturels internationaux, exploits sportifs
et évolutions sociales. Malgré un terrible drame personnel qui l’oppose à son frère, Madi,
véritable passeur de mémoire, consacre sa vie à transmettre l’histoire contemporaine de
son pays.

Kèlèkoté, en temps de troubles politiques

Jusqu’en 2011, le 9ème art malien a donc connu une progression notable. Le nombre de
productions était en hausse constante et le milieu faisait de plus en plus parler de lui. Les
raisons tenaient essentiellement à l’installation de la démocratie dans le pays en 1992, ce
qui a entraîné une grande liberté de la presse et, on l’a vu, un développement de l’édition.
C’est également le résultat d’une forte présence dans le pays d’ONG, d’associations et
autres organismes de développement, ce qui permettait à certains éditeurs astucieux de
recevoir du soutien lorsqu’ils abordent certains sujets comme l’écologie, la nature, le
SIDA….

Malheureusement, le coup d’état de 2012, suivi par les troubles importants que connaît le
pays dans le nord met un coup d’arrêt à la production locale. A ce jour, les séries Issa et
Wassa ou Awa et Adama n’ont pas eu de suites. Seules quelques BD didactiques
financées par des institutions internationales ont vu le jour. Ce fut le cas avec A ka nyi ! A
man nyi !, ouvrage sur l’environnement dessiné par Julien Batandéo (sur un scénario de
Célia d’Almeida) réalisé par les éditions Prince du sahel pour le ministère de
l’environnement, avec le soutien du PNUD en 2014.

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Dans ce climat morose, la sortie de la revue satirique Kèlèkotè[5], en décembre 2013,
apparait comme une source d’espoir pour le milieu des dessinateurs. Ce bimensuel, tout
en couleurs, présente plusieurs séries de strips non signés reproduites d’un numéro à
l’autre : Kacou la belle-mère, Fatou wèrè wèrè, Yssouf et Sididié, Malho, Affaire Ba…

Puis en 2014, le Centre de la bande dessinée de Bamako coordonne la première revue


BD en couleur du pays, 100% BD citoyenne, financée par la coopération Suisse au Mali
avec des histoires de Mad (Mamadou Diarra), Massiré Tounkara, Julien Batandéo et
Augustin Koné. Mais comme les précédentes tentatives, 100% BD citoyenne, dont le
contenu avait une connotation très didactique, ne connaîtra qu’un seul numéro.

Enfin, le mois d’avril 2016 verra la première exposition sur la bande dessinée malienne à
la galerie Médina (Bamako), à l’occasion de la 6ème édition de Kalan Kadi, le festival de
littérature de jeunesse de Bamako. L’affiche avait été dessinée par Massiré Tounkara.

Quelle visibilité internationale ?

Dans un milieu du 9ème art africain, pour lequel, à l’image du milieu littéraire, il est
nécessaire d’acquérir une certaine visibilité internationale afin d’atteindre une meilleure
légitimité intérieure, les auteurs maliens font exception à cet axiome. Centrés sur leur
pays, ils ne cherchent guère à se faire remarquer à l’extérieur. Si en 2006, deux auteurs
maliens, lauréats du concours Africa & mediterraneo, ont été publiés dans le collectif
Africa Comics 2005 – 2006 à savoir Montar Fofana (avec les cinq planches de Yagaré
Bouré, la mauvaise épouse) et Lassana Fofana (avec Réalité – quatre planches), ces
deux auteurs sont totalement inconnus au Mali et représentent une exception.

En effet, seul Massiré Tounkara, est visible à l’étranger. Il a tout d’abord dessiné une
planche intitulée « Droit d’asile » dans le collectif L’Illustration universelle des droits de
l’homme (2006 – Glénat) ainsi qu’une histoire courte (Vie de m… sur un scénario de
Fatimata Wagué) dans le recueil algérien La Bande Dessinée conte l’Afrique (Éditions
Dalimen) sorti à l’occasion du festival panafricain d’Alger, en 2009. En 2013, il participe
au collectif Sommets d’Afrique publié chez L’harmattan BD et dans lequel il dessine le
« chapitre cinq, « Monts Hombori », mis en images par le très dynamique dessinateur
malien Massiré Tounkara qui traite, en dix planches, l’histoire d’une ascension très
délicate et dangereuse : un escaladeur européen souhaite grimper à mains nues au
sommet du Tondo, situé dans le prolongement de la falaise de Bandiagara, dans la
région de Mopti. Il rêve d’effectuer cet exploit le long d’un à-pic qui fut, selon la tradition
orale, déjà escaladé à une époque lointaine par des ancêtres. La légende dit qu’ils
trouvèrent là-haut un arbre sacré portant toutes les feuilles des arbres de la terre. Malgré
l’interdiction ordonnée par le chef du village le plus proche de ce massif rocheux, le Blanc
refuse d’écouter ses sages conseils… Le récit est bien traduit en images rigoureuses,
dans le style graphique caractéristique dont Massiré Tounkara fait preuve depuis
plusieurs années, avec son art accompli pour dessiner les paysages et l’architecture que
les hommes ont su y intégrer pour mieux se fondre dans ce décor intemporel…[6] »

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Un autre moyen de se faire connaître en dehors des frontières physique du pays reste le
net. C’est le cas depuis le 15 mai 2017 de Kays qui dessine sur le site « série
dessinée »[7] les aventures de La famille aux mille mensonges sur un scénario d’un
couple franco-malien.

Le bilan peut paraître mince. Il démontre surtout qu’il est possible de faire carrière loin
des yeux de l’Europe.

Pourtant, celui-ci s’intéresse au Mali. La preuve en


est la sortie en 2009 de La Compagnie des cochons
par Arnaud Floc’h, auteur français vivant une partie
de l’année à Bamako, et qui y situe l’intrigue
(policière) de cette dernière oeuvre. Dix ans après
Mali mélo, carnet de voyage auquel avait participé
Patrick Cothias et Régis Loisel, grands noms du
9ème art français, on peut également citer les deux
tomes de Abdalahi qui retrace le parcours de René
Caillé dans son long et pénible voyage qui le
conduisit à Tombouctou (Jean Denis Pendanx et
Christophe Dabich), ainsi que Les Deux princes de
Serge Saint Michel et Bernard Dufossé (auteurs de
Kouakou), BD qui raconte l’histoire de Soni Ali ber,
grand empereur Songhaï. Enfin, en 2011, est sorti
dans la collection Géo BD, Le crochet à nuages de
Marko et Béka qui se déroule en pleine sécheresse en pays dogon.

Le cas malien reste assez unique du fait de son histoire récente et le petit nombre
d’artistes concernés. Ces deux conditions réunies rendent possible l’étude des conditions
de son éclosion et de son développement. De façon plus générale, la BD malienne est la
démonstration que la volonté et la cohésion d’un groupe sont des atouts indispensables
pour faire naître un art dans un milieu défavorisé. Vivre au Mali, l’un des pays les plus
pauvres du continent, n’a donc pas empêché certains auteurs de faire carrière et de
publier.
On s’en doutait, mais cela se confirme : il y a une vie en dehors de l’occident….

[1] http://www.editionsdonniya.com/
[2] MOK est décédé le 23 juin 2016.
[3] IMA : Association malienne des illustrateurs.
[4] Tomon existe également en version bamanankan et senara (Kataha). A l’abandon est
sorti en version tamasheq, songhay (I funadi), fulfude (Yoppaabe) et bamanankan
(Kelennabila).
[5] Cf. http://www.kelekote.com/
[6] Alain Brezault in Richesse et variétés de la BD africaine :
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=11468
[7]

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