Aballa Aboudrar
Aballa Aboudrar
Aballa Aboudrar
Aballa ABOUDRAR
Docteur en sciences du langage, Université Sorbonne Paris-Cité,
Professeur au Maroc
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Revue EXPRESSIONS n°11. Janvier 2021.
Introduction
Les études faites autour des prépositions en berbère ne sont pas nombreuses. Beaucoup de
recherches doivent être faites autour de ces unités lexicales pour mieux comprendre leur
fonctionnement. Ces particules nécessitent des études minutieuses, surtout qu’elles jouent des
rôles syntaxiques et sémantiques dans les structures où elles apparaissent. Les résultats de
l’étude de ces unités contribueront à faciliter l’apprentissage du berbère comme ils seront très
utiles dans la confection des dictionnaires et dans la traduction.
La signification de la phrase n’est pas toujours liée à la valeur sémantique de ses
composantes, mais elle relève parfois de l’extralinguistique. C’est-à-dire qu’il y a des phrases
dont le sens est lié à la culture des natifs. En d’autres termes, le sens global de chaque phrase
n’est pas toujours la somme des sens de chacun de ses constituants pris indépendamment du
contexte. (Cf. l’exemple11) Le rôle de la préposition n’est pas négligeable dans les
constructions où elle apparait.Ce qui est tout à fait évident, puisque la suppression ou le
déplacement de chaque mot dans une phrase entraine souvent des modifications sur le sens
global de celle-ci.Par ailleurs, la substitution d’une préposition par une autre affecte la
sémantique de la phrase, comme on doit toujours utiliser la préposition convenable.
Dans cet article nous allons analyser la préposition« sur », en étudiant sa sémantique. Ladite
préposition est dotée de propriétés de sens qui lui permettent de fonctionner dans des
contextes divers.Ainsi, elle peut avoir une valeur spatiale, ou temporelle ou fonctionnelle. La
sémantique de la préposition f « sur » est lié à son interaction avec les autres éléments qui
l’entoure dans la phrase où elle apparait. On peut dire par exemple qu’une préposition a une
valeur temporelle car elle apparait dans un environnement qui lui donne cette valeur.
Ce travail est composé de six parties : les trois premiers points sont consacrés aux emplois
spatiaux, temporels et fonctionnels de la préposition en question. Dans les trois dernières
parties de ce papier on essayera de déterminer la différence sémantique entre la préposition f
et les locutions prépositives f iggi n« au-dessus de » et ḥ iggi n1 « dans le dessus de ». Et puis,
Nous allons essayer de montrer quand est-ce que ces prépositions sont commutables et qu’est-
ce qui les différencie au niveau sémantique. En outre, nous allons indiquer la différence
sémantiqueentre f iggi n« au-dessus de » et ḥ iggi n2 « dans le dessus de », surtout qu’elles
sont composées respectivement des prépositions f « sur » et ḥ « à, dans). Ensuite, on précisera
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Variété régionale de ġ iggi n « dans le dessus de »
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Variété régionale de ġ iggi n « dans le dessus de »
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les emplois dans lesquels ce marqueur est concurrencé par f iggi n « au-dessus de » et ḥ iggi n
« dans le dessus de ».
Afin d’étudier la sémantiquementde la préposition f « sur »,nous allons faire appel à la théorie
non instrumentale telle qu’elle est illustrée par Paillard et Franckel (2007b).
Cette théorie stipule que la valeur spatiale des prépositions n’est pas prégnante. Elle s’oppose
à l’idée de la primauté de la valeur spatiale dont les autres valeurs, à savoir temporelle et
fonctionnelle, sont dérivées. Dans le schéma X R (prép) Y3, la préposition est un relateur (R)
qui met en relation deux entités X et Y. La valeur de chaque préposition est liée à son cotexte,
c’est à dire les entités X et Y. De plus, cette théorie met l’accent sur le rôle du verbe ou celui
de la rection verbale sur la sémantique de la préposition. C’est-à-dire qu’on s’intéresser aux
constructions de type verbe+complément prépositionnel où le verbe régit un complément.
Par ailleurs, cette approche s’intéresse au rapport entre X et la préposition comme elle
s’intéresse également à la relation de ce relateur avec Y et au rapport entre ces trois éléments
pris ensemble.
Le corpus utilisé dans cette étude est extrait de l’ouvrage de STROOMER (1998), lequel est
composé d’un ensemble de contes en tachelhit d’Agadir qui est une variété du berbère du
Maroc.L’auteur a recueilli ces contes au cours d’une recherche qu’il avait effectué sur le
terrain en mai et juin 1992 à Agadir, qui est une ville située au sud-ouest du Maroc. Son
ouvrage contient des contes avec leur traduction en français. Il s’agit donc d’un corpus
littéraire. Ses informatrices sont au nombre de trois et il a enregistré les textes en famille à
Agadir. Les contes berbères sont transmis oralement de génération en génération. Nous avons
choisi de travailler sur ce corpus parce qu’il est authentique et il est extrait de contes racontés
par des natifs qui les ont appris de leurs parents ou de leurs grands-parents. Les contes
berbères sont des histoires que racontaient les grands-mères aux enfants pour les amener au
sommeil. La langue tachelhit utilisé dans ces contes contient moins d’emprunts à l’arabe ou
au français en comparaison avec le tachelhit de nos jours qui contient beaucoup d’emprunts.
Dans certains cas nous allons utiliser nos exemples personnels étant donné que le tachelhit est
notre langue maternelle. Nous allons recourir à nos propres exemples quand c’est nécessaire.
C’est-à-dire quand on ne trouve pas d’exemple dans le corpus de base.
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Prép : préposition/R : relateur/X : renvoie à l’entité liée par la préposition n « de »dans le schéma XR(prép)Y
Y : renvoie à l’entité liée par la préposition n « de » dans le schéma XR(prép)Y
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http://reb.centrederechercheberbere.fr/unite-et-diversite-du-berbere-le-paradigme-des-prepositions-entre-
lexique-et-grammaire.html?revue=2
5
L’auteur veut dire les pronoms relatifs
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http://www.centrederechercheberbere.fr/prepositions-et-adjectifs-en-kabyle.html
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DALLET J. M., 1982, Dictionnaire kabyle-français : parler des AtMangellat (Algérie), SELAF (Maghreb-Sahara 1),
Paris.
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2-L’emploi spatial de f
(5)- Ar ttazzal tfruxt, tasi d ayddid
Courir. AI fille. EA prendre.P PROX. outre. EL
n waman tiri a tn f llas
de Eaux.EA vouloir. Pour eux (eaux) sur elle
tffi. (Exemple de STROMER, désormais ST) (1998 : 118)
3FS.verser.P
La fille se précipita pour prendre une outre d’eau et voulait la verser sur l’ogresse.
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EP : exemple personnel
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3-L’emploi temporel de f
(8)iɛmr arrabay f stta
3MS remplir. A réveil. EL sur six (Exemple personnel, désormais EP)
Il a mis le réveil sur six heures
Selon le schéma XR(prép)Y, X c’est le réveil en tant qu’objet pour se réveiller,f joue le rôle
de relateur reliant les deux élément X et Y. Ce dernier correspond dans cet exemple au chiffre
six. Dans tout l’énoncé il n’y a qu’un seul élément qui laisse apparaitre la valeur temporelle
c’est « arrabay » parce qu’il est monosémique et il ne désigne que la machine d’horlogerie qui
compte le temps et qui est utilisée pour se réveiller. Certes, Y ne donne aucune information
temporelle (quand il est hors contexte alors que X a une signification temporelle même hors
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contexte) nonobstant l’énoncé reste sans aucune ambiguïté surtout qu’on se réveille
généralement le matin ce qui exclue six heures de l’après-midi. Du reste la routine veut qu’on
se couche le soir et qu’on se réveille le matin. En outre, la présence du verbe « ɛmr » (régler,
remplir) et de l’élément représentant le temps rendent la signification de l’énoncé tout à fait
clair. La valeur temporelle de f est donc liée ici à son environnement. Afin de rendre la valeur
temporelle de f plus pertinente dans cet énoncé on a l’exemple suivant :
(9)iɛmr arrabay f stta n ziksbah (EP)
3MS remplir. A réveil. EL sur six de matin. EL
Il a mis le réveil sur six heures du matin
Le réveil doit sonner à un moment précis délimité par Y, ni avant ni après. On a ici ce que
Franckel et Paillard (2007b) appellent « la concomitance ». Il faut que le moment six heures
arrive pour que le réveil sonne. L’événement X (sonner) est dépendant de celui de Y (être six
heures). Le réveil ne pourra pas sonner à n’importe quelle heure mais à l’heure précisée.
L’événement X est dans la zone I qui est très délimitée ni avant ni après six heures. Signalons
aussi que X a pour trait [+concret+objet] alors qu’en ce qui concerne Y c’est [+/-abstrait-
objet]. La préposition f a ici une valeur temporelle puisque les deux éléments X et Y qu’elle
met relation ne sont pas tous les deux concrets et que le terme « arrabay » a une acception
temporelle.
4-L’emploi fonctionnel de f
(10)Aškn d uskayn akwin f
3MP. Venir. P Prox lévriers. EL 3MP. Descendre. A sur
wušn lli (ES, 1998 : 132)
chacal. EA celui
Les lévriers arrivèrent et sautèrent sur le chacal
(11) izzol ḥmad f tlfrracht (EP)
3MS.Prier. P Ahmed sur tapis. EA
Ahmed a fait la prière sur le tapis.
(12) Izzol ḥmad f lmayyit (EP)
3MS.Prier. P Ahmed sur tapis. EL
Ahmed a fait la prière du mort (suivant le rituel)
En (10) X est représenté par un N pluriel alors que Y désigne un N singulier. Il est tout à fait
clair que R n’a pas ici une valeur locative : d’abord X et Y appartiennent au champ lexical des
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talfrracht est un espace lieu contrairement lmayyit. Conséquemment f a une valeur spatiale en
(11) et une autre fonctionnelle en (12)
À partir des exemples précédents on constate que certaines acceptionsde la préposition f sont
liées à l’extralinguistique comme c’est le cas en (10) et en (12).
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Pour f iggi n nous nous contenterons du seul exemple que nous avons trouvé dans l’ouvrage
de Stroomer (1998).
Dans les trois premiers exemples à savoir (13), (14) et (15) l’élément qui correspond à X est
soit un pronom personnel soit un N et la même remarque est valable pour Y. L’autre
constatation est que X et Y ont le trait [+concret], corollairement on peut énoncer l’hypothèse
selon laquelle la préposition ḥ iggi n n’apparait que dans des emplois locatifs et cela est
imputable surtout au nom iggiqui signifie le haut/le sommet.Iggi joue ainsi un rôle primordial
dans la signification de la locution prépositive ḥiggi n. Le N de la locution prépositive
(prép+N+prép) a pour rôle de donner plus de précision à la localisation de X par rapport à Y.
La préposition indique une zone précise dans le domaine de Y, c’est sa face supérieur (le
dessus).
En (14) la localisation se précise au fil de l’énoncé. On part du général vers les détails : le
désert→lamontagne→au-dessus de la montagne.
Par ailleurs la première unité lexicale de la locution prépositive « prép+N+prép » peut s’élider
comme le prouve l’exemple (14) et sa présence tend à donner plus de précision au sens locatif
de la locution prépositive.
Ainsi l’énoncé « Yawitnaryattagant, iggi n yattdrart » est en fait « Yawitnaryattagant, ariggi
n yattdrart ». Puisque la préposition ar est employée précédemment dans le même énoncé son
réemploi n’est pas apparemment nécessaire.
De toute évidence R tend à localiser X d’une manière précise au sein de la zone I-E sur le
domaine Y. Par ailleurs, de (13) à (15) l’emploi des verbes statiques « poser » et «mettre »
contribue à donner à ḥ iggi n une valeur spatiale.
Concernant f iggi n dans l’exemple (16), cette préposition est tout à fait différente de ḥ iggi n.
si cette dernière signifie la partie ou la face supérieure ou haute de Y or f iggi n désigne toute
zone I-E du domaine Y. En jetant la viande celle-ci peut tomber sur n’importe quel partie ou
membre du corps de N correspondant à Y. Ce sens est surtout dû à la polysémie de f.
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Conclusion
Il en ressort de ce qui précède que la préposition f est polysémique c’est-à-dire qu’elle a trois
emplois à savoir spatial, temporel et notionnel. Par ailleurs, il s’avère qu’elle peut se
substituer à f iggi n et ḥ iggi n sans que l’inverse soit toujours possible. Certes les trois
prépositions f, f igggi n et ḥ iggi n semblent synonymiques mais il y a des différences notables
entre les trois : ḥ iggi n est utilisée pour exprimer une localisation purement spatiale, f iggi n
exprime surtout le fait que Y est un support qui a un rôle autre que celui de servir de lieu ou
de localisation pour X. Le rôle que peut jouer Y dans la relation X prép Y est d’empêcher, par
exemple, ce qui peut arriver à X s’il n’est pas sur Y : poser X f iggi n Y pour qu’il ne se
renverse pas ou qu’il ne tombe pas. La valeur de cette préposition n’est pas spatiale. Il s’agit
ici d’un repérage fonctionnel, c’est à dire pourquoi X est en relation avec Y. Par ailleurs on
constate aussi que la préposition ḥ iggin est moins ambiguë car elle est purement spatiale.
Quant à la préposition f elle exprime le sens ḥ iggi n et celui de f iggi n. C’est le contexte qui
permet de déterminer le sens de f.
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