MBA Management Ressources Humaines Dauphine Executive Education Formation Continue Universite Paris PSL
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Rodolphe COURTOIS
Bruno JACQUEMIER
Armelle PRÉTOT
Stéphanie SEELIG Promotion 17 – Octobre 2020
1
REMERCIEMENTS
Ce mémoire d’expertise est le fruit d’un travail collectif intense, de lectures, de
questionnements et de remise en cause d’idées bien ancrées chez chacun d’entre nous. Il
constitue pour nous une étape et certainement pas une fin tant il a ouvert de pistes de réflexion
que nous avons envie d’explorer sans avoir pu y consacrer le temps et l’énergie nécessaires au
cours de ces 21 mois particulièrement denses.
Ce n’est pas non plus le résultat d’un exercice solitaire d’un groupe, mais une synthèse à un
instant donné d’une réflexion rendue possible par de nombreux échanges au sein de la
promotion, par l’apport de connaissances académiques de l’ensemble du corps professoral et
les partages d’expériences avec les intervenants et toutes les personnes avec qui nous avons eu
l’opportunité d’échanger sur nos réflexions.
Nous avons aussi une pensée toute particulière pour nos familles et amis qui nous ont soutenus
pendant tout au long de cette aventure de deux années et ce malgré notre faible disponibilité
pendant une période particulièrement éprouvante pour tous.
2
EXECUTIVE SUMMARY
Le monde VUCA mène les organisations à se repenser pour se transformer en vue de répondre
aux exigences de performance, de compétitivité et d’innovation.
Face à la multiplicité et la complexité des processus et des données, il engage à faire travailler
davantage ensemble, en vue de créer une véritable coopération transversale au sein des
organisations, par le décloisonnement des activités, la création de liens entre les métiers dans
le partage d'un but commun. La coopération transversale, vue comme un « accord, un
engagement formel ou informel, de durée variable, impliquant une interaction entre les
membres de différentes fonctions ou métiers de l’organisation, qui vont combiner ou mettre en
commun leurs ressources y compris les compétences afin de réaliser l’objet de l’accord et
d’atteindre les objectifs communs et individuels » sous-tend une volonté commune et diffère
ainsi de la coordination et de la collaboration. Souvent opposée à une bureaucratie mécaniste,
elle n’est pas une et peut prendre différentes formes dans l’organisation. Elle peut ainsi se
traduire via l'expérimentation organisationnelle à la création d'environnements plus
adhocratiques au sein de structures classiques, tels que les groupes projet, les Fab Lab ou les
démarches d’intrapreneuriat. Généralisée, elle peut conduire à l'organisation agile
systémique, voire à l'entreprise libérée.
Si elle ne se décrète pas, elle peut être développée et met ainsi en exergue le rôle des acteurs
dans l’organisation, et au premier rang desquels les ressources humaines, au croisement des
hommes et des processus. La fonction ressources humaines a ainsi évolué au cours du XXème
siècle. Dans un mouvement de professionnalisation, nourri par des approches
pluridisciplinaires en sciences de gestion, en économie, en droit, en sciences humaines et des
organisations, le DRH a été appelé à devenir tout à la fois un expert, un coach, un agent du
changement et un partenaire stratégique, au risque d'être prêt à tout et finalement bon à rien.
Sur la base des travaux d'experts et de notre enquête de terrain, une fonction ressources
humaines souhaitant contribuer au développement de la coopération transversale devra
s'engager dans trois domaines. En premier lieu, un accompagnement de la fonction
managériale du plus haut niveau jusqu'au terrain est fondamental. Une redéfinition de ce rôle
clé sous l'angle du leadership et non plus du commandement permettra la dynamisation de
l'organisation. En parallèle, l'adaptation des politiques RH, en particulier le recrutement et
la mobilité interne au service de la constitution d'équipes transverses, mais aussi le
développement des compétences, l'évaluation et la rémunération, permettront de servir et
non pas entraver la coopération transversale. Finalement, la remise au coeur de l'organisation
3
du réel du travail, levier puissant de coopération, consolidera l'ensemble en apportant sens,
engagement, cohérence des processus et développement d'une culture de la confiance.
La coopération transversale revêt un enjeu pour les organisations actuelles. Elle n’est pas le
résultat d’une seule mesure, mais de différentes pratiques et plurielles fonction d’un contexte.
Elle représente également une opportunité pour la fonction ressources humaines de retrouver
une ambition commune au service de la création de valeur de l'organisation au travers d'une
mission chère au coeur de Saint-Exupéry, « La grandeur d’un métier est avant tout d’unir les
hommes ; il n’est qu’un luxe véritable et c’est celui des relations humaines ».
4
Tables des matières
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................... 2
EXECUTIVE SUMMARY.................................................................................................................................... 3
TABLES DES MATIERES.................................................................................................................................... 5
INTRODUCTION .............................................................................................................................................. 7
I. LA COOPERATION TRANSVERSALE : DU CONCEPT AUX MANIFESTATIONS EN PASSANT PAR LES
ORIGINES ET LES RAISONS .............................................................................................................................. 9
A. DEFINITION DE LA COOPERATION TRANSVERSALE .................................................................................................. 9
1. Eléments de définition de la coopération............................................................................................. 9
2. Eléments de définition de la transversalité dans la coopération ....................................................... 13
B. NAISSANCE DE LA COOPERATION TRANSVERSALE ................................................................................................ 15
C. LES RAISONS CONCOURANT A LA MISE EN PLACE DE LA COOPERATION TRANSVERSALE ................................................ 18
D. LES PRINCIPALES MANIFESTATIONS DE LA COOPERATION TRANSVERSALE. ................................................................. 20
1. Les modifications structurelles apportées aux modèles d’organisation classique pour davantage de
coopération transversale et leurs limites..................................................................................................... 21
2. L’élaboration de nouveaux modèles d’organisation axés sur la coopération transversale et leurs
limites .......................................................................................................................................................... 24
II. LE ROLE DE LA FONCTION RH DANS LA COOPERATION TRANSVERSALE ............................................... 29
A. LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES ............................................................................................................ 29
1. Histoire croisée de l’organisation du travail et de la fonction Ressources Humaines ........................ 30
2. Définition de la fonction ..................................................................................................................... 35
3. Prospectives de la fonction ................................................................................................................ 36
B. LE PARADIGME DE LA TRANSVERSALITE SUR L’EVOLUTION DE LA FONCTION RH ......................................................... 38
1. Structure, organisation, système et transversalité ............................................................................ 39
2. Créer et déployer les conditions de la coopération transversale........................................................ 41
C. ROLE DES PROFESSIONNELS RH DANS LA TRANSVERSALITE : EXPLORATION AUPRES DE PRATICIENS................................ 49
1. Support............................................................................................................................................... 50
2. Équipier .............................................................................................................................................. 51
3. Leader ................................................................................................................................................ 53
III. LES POLITIQUES RH DANS UN ENVIRONNEMENT FAVORISANT LA COOPERATION TRANSVERSALE ...... 55
A. L’ACCOMPAGNEMENT DE LA FONCTION MANAGERIALE ........................................................................................ 55
1. Le rôle central du management ......................................................................................................... 55
2. La mise en dynamique de l’organisation............................................................................................ 57
3. Du commandement au leadership ..................................................................................................... 60
B. L’ADAPTATION DES PROCESSUS RH ................................................................................................................. 62
1. La constitution des équipes transversales .......................................................................................... 63
2. Le développement des compétences.................................................................................................. 70
3. L’évaluation dans un contexte de transversalité................................................................................ 74
4. La rémunération et les avantages sociaux ......................................................................................... 82
5. La fonction ressources humaines protectrice de la santé des salariés ............................................... 85
C. LES ACTIONS DES RESSOURCES HUMAINES AU CŒUR DU TRAVAIL REEL .................................................................... 87
1. Aperçu du concept de travail ............................................................................................................. 88
2. Le travail réel au cœur de l’organisation ........................................................................................... 89
3. La mise en discussion du travail ......................................................................................................... 91
CONCLUSION ................................................................................................................................................ 95
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 97
5
ANNEXES .................................................................................................................................................... 102
ANNEXE 1 : PRESENTATION DE LA METHODOLOGIE D’ENQUETE ET DE L’ECHANTILLON ....................................................... 102
a. Méthodologie d’enquête ................................................................................................................ 102
b. Échantillon ....................................................................................................................................... 103
c. Méthodologie d’analyse ................................................................................................................. 104
d. Limites.............................................................................................................................................. 104
ANNEXE 2 : GUIDE D’ENTRETIEN ............................................................................................................................ 106
ANNEXE 3 – CORPUS DES ENTRETIENS ..................................................................................................................... 109
6
Introduction
Face à la crise sanitaire majeure et brutale du Covid-19, la coopération transversale a connu un
regain d’intérêt auprès des organisations. Grâce à celle-ci, un certain nombre d’entre elles ont
su faire preuve de résilience et s’adapter en transformant et en affectant provisoirement leur
industrie au service de l’intérêt général de lutte contre un virus nouveau inconnu jusqu’alors
des radars de la science, mais mortel.
Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, cette coopération transversale s’est illustrée aussi
bien au niveau inter-organisationnel qu’au niveau intra-organisationnel et a livré toute sa
puissance.
Grâce à cette coopération, ces organisations ont conçu, développé, produit en quelques
semaines seulement un masque (Face Mask) réutilisable cent fois (grâce à cinq filtres lavables
et interchangeables) avec un coût d’utilisation très limité assurant une protection très efficace
contre la Covid-19.
Ces aventures humaines ont, une nouvelle fois, montré que la coopération transversale par le
partage des compétences et des expériences qu’elle induit est un intense et solide accélérateur
d’innovations majeures, potentiellement génératrices de gains de compétitivité prometteurs.
Les organisations ont bien perçu tout l’intérêt qu’il y avait à intégrer davantage d’agilité et
d’apprenance en leur sein en introduisant, en développant une telle coopération et en entretenant
son dynamisme. La plupart d’entre elles ont entendu recourir à une hybridation plus ou moins
poussée à leur fonctionnement traditionnel tandis que d’autres ont profondément revu leur
manière de fonctionner en recourant à une transformation totale avec un bilan couronné de plus
ou moins de succès.
7
mesure d’influer et d’agir sur cette coopération avec les outils et les instruments RH à leur
disposition?
Afin de tenter d’apporter un éclairage précis et une appréciation la plus objective possible à
ces questions, il nous a semblé utile et opportun d’adopter une approche de va-et-vient constant
entre les connaissances académiques et les perceptions et analyses de professionnels des RH,
consultants et partenaires interviewés dans le cadre d'une enquête empirique exploratoire.
Ainsi, le présent mémoire ne scinde pas la revue de littérature et la recherche mais se nourrit
réciproquement de ces apports simultanés.
Ces parties sont au nombre de trois et suivent la forme de l’entonnoir et la gradation suivante :
l’organisation, les professionnels RH et les politiques RH.
Dans la deuxième partie, c’est aux professionnels des Ressources Humaines que nous nous
intéresserons. Nous nous attacherons à tenter de mettre en relief les liens entre cette fonction et
l'organisation du travail afin de mieux questionner leur rôle dans les transformations
organisationnelles et notamment dans le développement de la coopération transversale.
Dans la troisième partie, nous examinerons comment les politiques RH peuvent en pratique être
en mesure de « révéler » la coopération transversale. Cette partie appelle à revisiter la façon de
manager et à revoir les conventions RH dans le sens d’un alignement. Ce souci constant est
l’assurance de prévenir les écueils et l’insuccès d’une mise en place d'une coopération
transversale et de garantir, autant que possible, la réussite de son envolée et de sa dynamique.
8
I. La coopération transversale : du concept aux manifestations en
passant par les origines et les raisons
En 1993, dans un ouvrage au titre évocateur et précurseur « Du management panique à
l’entreprise du XXIème siècle », Michel Crozier évoquait le fait que « vient de plus en plus le
temps du travail et pas celui du travail solitaire mais celui de la mise en œuvre et de
l’expérimentation avec autrui et pour autrui » et il ajoutait « et le changement n’est plus celui
des choses, celui de la nature, mais celui des hommes et plus particulièrement celui de leurs
rapports les uns avec les autres » (Crozier et Sérieyx 1993, 9).
En écrivant ces lignes, Michel Crozier dessinait déjà l’idée que la coopération transversale allait
devenir l’apanage des organisations futures. Mais qu’est-ce-que signifie exactement la notion
de coopération transversale au sein des organisations et que recouvre-t-elle comme réalité ? A
partir de quand les organisations s’y sont-elles intéressées ? Pourquoi la coopération
transversale est devenue un élément clé au sein des organisations ? Et quelles sont les
principales organisations vectrices d’une telle coopération ?
L’individu seul, par son travail, quels que soient son niveau d’expertise et ses facultés
cognitives, est impuissant à y faire face. Créer et insuffler des espaces libres et dynamiques
d’échanges et de mobilisation des énergies, des connaissances et compétences des
collaborateurs n’a jamais été aussi important. La mise en place de structures et de process visant
à rassembler et fédérer les collaborateurs appartenant à des métiers différents et relevant
d’horizons divers autour de buts communs est donc devenue primordiale. En effet, seul un
collectif hétérogène travaillant ensemble est en mesure de pouvoir relever la multiplication des
défis économiques et sociaux, complexes et systémiques de ce XXIème siècle.
9
« Condition de l’homme moderne » recentrera la réflexion entre labor et opus, mettant ainsi
l’accent sur une différence fondamentale entre le travail asservissement de l’Homme (labor) et
le travail qui le libère et trouve son expression dans l’œuvre (opus) (Arendt et Fradier 2017).
Dans une organisation, tout travail entre les collaborateurs implique des interactions afin que le
résultat escompté soit effectivement produit. En d’autres termes, la coopération, c’est d’abord
travailler ensemble, ce qui implique une volonté, une action de la part des individus à
communiquer et à interagir entre eux en y apportant à la fois leurs savoirs, leurs compétences
et leurs expériences aux fins d’accomplissement de buts. Cette définition sommaire est
néanmoins peu satisfaisante en raison de son insuffisance théorique et intellectuelle et ce, à
double titre.
D’abord, elle ne permet pas a priori à sa simple lecture d’opérer une distinction claire avec
d’autres notions voisines telles que la coordination et la collaboration avec lesquelles la
coopération entretient, certes des liens forts, mais aussi des ambiguïtés. En les rapprochant,
nous sommes mieux à même à saisir le sens de chacune d’entre elles.
Ensuite, nos recherches nous ont amenés à constater que la coopération est une notion
diversement appréciée, recouvrant des acceptions différentes selon les champs disciplinaires
investigués.
Expliciter la notion de coopération revient donc, en premier lieu, à investir les notions voisines
puis, en deuxième lieu, à tenter d’en définir les contours et caractéristiques qui lui sont propres.
Quant à la collaboration, elle vient du latin « cum laborare » se traduisant par « travailler
ensemble ». Cette étymologie entretient une telle proximité avec celle de la coopération
(« opérer avec ») que les deux notions sont en pratique employées indistinctement pour
caractériser une même réalité rendant dès lors diffus leurs contours respectifs et malaisés leurs
10
singularités respectives. Cette difficulté intrinsèque est renforcée par l’absence de consensus
scientifique sur leurs définitions respectives.
En psychodynamique du travail, « la coopération : ce sont les liens que construisent entre eux
les agents en vue de réaliser, volontairement, une œuvre commune » en vue notamment de
combler les lacunes de l’organisation du travail. Elle ne se confond pas avec la collaboration
en ce sens que les liens créés « sont le résultat d’une construction humaine et non l’effet d’un
environnement (division du travail) ou d’une contrainte extérieure sur les agents ». La
coopération ne vise donc que « les relations horizontales entre collègues, d’un même niveau
hiérarchique (mais pas forcément du même métier, par exemple entre maçons et couvreurs ou
menuisiers) » ainsi que les « relations verticales, mais cette fois du bas vers le haut » (Ch.
Dejours 1993).
En science de gestion, la coopération a été abordée selon une approche processuelle développée
par Smith, Caroll et Ashford. La coopération, « c’est un processus par lequel des individus, des
groupes ou des organisations entrent en relations et travaillent ensemble dans un but commun »
(Smith, Caroll, et Ashford 1995, 7).
Au-delà de cette approche processuelle, plusieurs auteurs ont tenté d’apporter leurs
contributions afin de dissocier la collaboration de la coopération.
Certains ont opéré une distinction en fonction des buts poursuivis avec l’idée que la coopération
serait davantage intégrative parce qu’au final se dessinerait en toile de fond un but commun
transcendant la somme d’une pluralité de buts individuels. Ainsi, Rabardel et alli considèrent
que « les activités collaboratives consistent à maintenir les mêmes buts tout au long de l’activité
alors que les activités de coopération consistent à faire converger vers un but commun des buts
courants différents » (Rabardel, Rogalski, et Beguin 1996, 1).
D’autres l’ont abordé sous l’angle de l’autorité. Ainsi, « la structure collaborative détermine
l’autorité, alors que, dans un rapport de coopération, les relations entre acteurs sont plus
11
informelles, sans structures ou efforts communs particulièrement définis » (Kvan, West, et Vera
s. d., 109). En d’autres termes, la coopération à la différence de la collaboration s’inscrirait dans
un espace de travail de liberté informelle dont les règles du jeu resteraient à fixer par les acteurs
eux-mêmes.
Collaboration Coopération
Mode de travail Travailler ensemble Travailler conjointement
Objectif Avoir un but commun Concourir à une œuvre
commune
Mode d’évaluation Chaque individu est évalué Les acteurs sont évalués
individuellement collectivement
Les types de relations Les relations sont durables et Les relations sont non
proches entre les acteurs structurées, voire
informelles
Règles et déroulement des Le déroulement des activités Les règles sont inventées au
activités est connu et hiérarchisé fur et à mesure
Les types de coordination La coordination est explicite La coordination est implicite
Ainsi la coopération, c’est servir un but commun auquel un collectif d’individus adhère et croit,
et vis-à-vis duquel chacun a, à cœur, d’apporter sa pierre à l’édifice dans la construction
partagée d’une œuvre collective. Cette œuvre suppose pour chacun et tous de s’extraire de son
métier et de son statut et de fournir une contribution et un investissement honnête, franc,
humble, équilibré et harmonieux, sans lesquels elle ne pourrait ni se révéler ni se matérialiser.
Elle suppose des individus un engagement réciproque dans la diffusion et le partage des
informations, des connaissances, des savoir-faire, des ressources et des efforts, dans la
réalisation collective des objectifs communs. Il s’agit de progresser ensemble et d’améliorer ses
compétences individuelles, collectives pour une meilleure performance dans un objectif précis.
1
Nous rejoignons sur ce point Norbert Alter lorsqu’il écrivait « De même, plus personne ne peut sérieusement
affirmer que la coopération résulte de l’agrégation d’individus par la seule recherche de l’intérêt personnel ou
de la stricte observation des rôles sociaux définis par le règlement » (Alter 2018, 141).
12
Coopérer, c’est pour les individus adopter un état d’esprit d’ouverture et d’aventure en quête
d’exploration et s’autoriser parfois à donner davantage de sens à son action dans l’organisation.
En d’autres termes, « coopérer », c’est accepter à dessein de façon libre et éclairée de quitter
les sentiers battus, de confronter ses idées à d’autres réalités, de faire face aux compétences et
aux expériences des autres, de remettre en question ses certitudes et ses croyances, de participer,
de manière active et constructive, à une œuvre collective dans un espace détaché des contraintes
hiérarchiques et formelles et possiblement intégrée à une forme de démocratie d’entreprise2.
Coopérer, c’est pour les entreprises une façon d’assurer une meilleure performance en
favorisant l’émergence et le développement de compétences collectives et de réseaux de
compétences croisées, et d’accéder ainsi à une meilleure profitabilité.
Au-delà notamment des aspects organisationnels, ceci exige de la part des individus en cause
des qualités (notamment « un esprit de compétition amoindri » selon E7) et des aptitudes
personnelles et professionnelles spécifiques indéniables fondées sur la confiance, la
transparence et la responsabilisation sans lesquelles l’œuvre commune ne pourrait être menée
ou/et se réaliser complètement. Dans le même temps, elles appellent nécessairement à redéfinir
la place et le rôle classique du manager.
Ceci est indispensable car, sans la fixation d’un cadre précis au niveau organisationnel,
managérial et psychologique, la coopération peut donner lieu à des déviances et des effets
contre-productifs (ex: free-riding, dilution des responsabilités, dynamique de conflits majeurs
plus ou moins larvés et leurs conséquences potentiellement néfastes sur l’état de santé physique
et mental des salariés concernés, émergence de consensus stériles, etc)3 .
Selon le dictionnaire Larousse, « transversal » signifie « Qui est disposé en travers de quelque
chose, perpendiculairement à sa largeur ou à sa hauteur ». Jean Foucart précise que « la
transversalité repose sur les idées de processus et de pont » et il ajoute que « le transversal (…)
est l’acteur qui permet la communication entre champs séparés. Il est en ce sens un lien
puissant, rassembleur » (Foucart 2017, 114).
Ces définitions montrent que la transversalité dans les organisations s’intègre à la fois dans une
dynamique de franchissement et dans un processus de « déterritorialisation » consistant à
2
« La démocratie d’entreprise ressemble donc en général à une démocratie libérale, qui limite les pouvoirs du
souverain et ménage à chaque individu une sphère d’autonomie, mais pas à une démocratie populaire, qui suppose
que le peuple puisse choisir ses dirigeants et s’en défaire » (Le Texier 2018, 47).
3
Pour une étude critique de la coopération, voir Patrick Scharnitzky, “Les paradoxes de la coopération”, Eyrolles,
2018.
13
affranchir les salariés de « leurs domaines d’activités habituels et reconnus » et à les sortir d’un
« territoire professionnel maîtrisé et contrôlé » (Péché, Mieyeville, et Gaultier 2016, 83).
Or, la transversalité, c’est l’apanage de la coopération en ce sens qu’il est question d’atténuer,
d’effacer, voire de briser les frontières de l’organisation formelle classique spécialement par la
mobilisation croisée et intégrée de personnes aux profils différents (parcours, fonction,
spécialité, etc.) en vue d’une production co-construite commune. Elle symbolise :
Comme le souligne Catherine Thomas, « Elle [la transversalité] permet surtout de décrire de
nouveaux fonctionnements fondés sur un accroissement de la variété de coordination, intégrant
notamment la création de connexions latérales et une décentralisation du processus de
décision » (Thomas 2003, 170).
Nous n’étudierons dans le présent mémoire que les organisations mettant en œuvre la
transversalité en leur sein, c’est-à-dire la transversalité intra-organisationnelle, même si la
transversalité inter-organisationnelle (open innovation, hackathon, crowdsourcing, incubateur
de start up, etc) revêt une importance toute aussi singulière et prégnante.
C’est cette dernière définition que nous retiendrons dans le présent mémoire et qui guidera notre
réflexion sur le rôle des RH et de leurs politiques RH.
14
Elle implique de la part des individus en coopération transversale une vision partagée ainsi que
des comportements fondés sur la confiance, la transparence, l’autonomie et la
responsabilisation.
Elle ouvre la porte vers un autre modèle davantage axé sur le sens, les valeurs et la recherche
d’une satisfaction mutuelle. La coopération transversale serait ainsi plus respectueuse de la vie
et du vivant (Barrand et Deglaine 2018)4.
Selon des professionnels interviewés (E8 et E14), le CODIR ou le COMEX, puis le manager
doivent inciter les collaborateurs à la pratique de la coopération transversale, lui donner du sens,
la valoriser mais également arbitrer pour marquer l’arrêt des discussions.
Dans les organisations, la transversalité s’est manifestée par le décloisonnement des activités
et des métiers et prend par là même le contrepied du modèle « ingénierique » du XXème siècle
de Taylor (1856-1915) et de Fayol (1863-1947) et du modèle bureaucratique de Weber (1864-
1920), modèles mécanistes que nous pouvons regrouper ensemble sous le terme générique de
bureaucratie mécaniste.
Pour sa part, Fayol reprend aussi à son compte la centralisation des décisions et la division du
travail entre la direction qui constitue le cerveau de l’organisation et les opérationnels
exécutants qui en constituent le prolongement naturel. Ainsi, « la division du travail est d’ordre
naturel5 : elle s’observe dans le monde animal où plus l’être est parfait, plus il possède
d’organes chargés de fonctions différentes ; elle s’observe dans les sociétés humaines où, plus
le corps social est important, plus le rapport entre la fonction et l’organe est étroit. À mesure
que la société grandit, de nouveaux organes surgissent destinés à remplacer l’organe unique
4
Le contexte d’aujourd’hui impose non seulement de coopérer, mais en plus, de réellement et sincèrement se
soucier de l’autre sans lequel le système ne pourra survivre, car il a besoin de la contribution de chacun. L’essentiel
ne réside donc plus dans le gain matériel reçu par chacun dans la coopération mais plutôt dans la satisfaction
(BARRAND Jérôme. Développer l'agilité en entreprise (Formation permanente) (French Edition) . ESF Sciences
humaines. Édition du Kindle).
5
Nous avons repris in extenso la citation de Fayol pour illustrer la bureaucratie. En revanche, nous ne partageons
pas l’idée de la justification de la division du travail selon laquelle elle serait d’ordre naturel.
15
primitivement chargé de toutes les fonctions. La division du travail a pour but d’arriver à
produire plus et mieux avec le même effort » (Bélanger et Mercier 2006).
Cette bureaucratie mécaniste, gouvernée par la rationalisation parfaite du travail, se traduit par
une organisation pyramidale et verticale fortement hiérarchisée où « la prise de décision a
tendance à y suivre les lignes formelles de la hiérarchie » (Mintzberg 1982, 285) et à réduire,
voire à supprimer, toute initiative et autonomie de l’individu au travail en l’enfermant dans une
fonction ou un statut. Comme l’énonce Norbert Alter, le modèle « ingénierique » conduit à une
déshumanisation c’est-à-dire « à réduire la place des hommes dans le processus de production
(…).» (Alter 2018, 5).
Cet affaiblissement a débuté dans les années 70. En effet, à cette époque-là, la bureaucratie
mécaniste symbolisée aux Etats-Unis et en Europe par le fordisme n’apparaît plus pour les
entreprises comme un modèle adapté à l’ouverture des marchés à la concurrence internationale
et à la saturation de certains d’entre eux. C’est ainsi que Volvo a fait appel au Tavistock Institute
de Londres pour mettre en place une nouvelle organisation fondée sur le travail en équipe semi-
autonome traduisant le souhait d’une rupture avec la division du travail et d’un retour vers la
polyvalence des ouvriers. Cette nouvelle organisation a impliqué un travail en équipe sur un
mode collaboration – coopération.
Au fordisme, les firmes asiatiques répondent par une organisation guidée par la formule chère
à Eiji Toyoda du zéro stock, zéro délai, zéro défaut, zéro gâchis, zéro litige. Avec pour précepte
une telle formule, la coopération entre les membres des équipes de travail en est ressortie
considérablement renforcée grâce à la maîtrise de la chaîne par l’homme, la polyvalence, la
formation continue, l’amélioration permanente (Kanban & Kaizen). « Comme le répètent à
l’envi les fondateurs et dirigeants de Toyota, le monozukuri – fabrication de produits –, c’est
d’abord de l’hitosukuri – fabrication d’hommes » (Poupée 2012, 317).
Dans les années 80, après les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979, les entreprises
entreprennent, dans une large mesure, de revisiter et repenser leur modèle dans un contexte de
faible croissance et de forte concurrence essentiellement du côté des 4 dragons asiatiques.
16
existence ? En figure de proue, la branche industrielle, et spécialement les entreprises du secteur
automobile ont initié une révision de leur modèle et méthodes axés sur une diversification de
leurs produits et une amélioration de leur qualité ainsi que sur une réduction des coûts de
développement et de production.
Dans les années 90, l’apparition d’une demande de plus en plus exigeante en termes de délais,
de qualité et de coûts, de plus en plus incertaine et versatile et de plus en plus imprévisible a tôt
fait de précipiter les entreprises du secteur vers le changement de leur méthode en basculant du
modèle séquentiel (ou taylorien) vers le modèle « Concurrent Engineering » (traduit en français
sous les vocables d’ingénierie concourante, d’ingénierie simultanée ou encore d’ingénierie
intégrée).
Issue d’une étude portant sur la comparaison des méthodes de développement de produits dans
l’industrie automobile menée à la fin des années 80 par des chercheurs de l’Université
d’Harvard, le modèle d’ingénierie concourante pratiquée par les entreprises japonaises a révélé
qu’elles utilisaient moins d’heures d’étude par projet que les entreprises américaines et
européennes appliquant le modèle séquentiel et que leurs délais de développement de produit
étaient plus courts : 45 mois au lieu de 60 mois.
Cette différence de performance s’explique par le fait que « dans les projets japonais les plus
performants, les développements de produits sont très fortement structurés autour d’un chef de
projet qui coordonne et conduit le travail d’une équipe multi-fonctionnelle capable de travailler
en même temps sur plusieurs cycles de résolution de problèmes interdépendants et au sein de
laquelle existe une communication intensive » (Clark, Fujimoto, et Chew 1987).
En d’autres termes, alors que dans les entreprises américaines et européennes, les
développements de produits sont coordonnées par un chef de projet ayant peu de pouvoir
hiérarchique par rapport aux structures fonctionnelles traditionnelles et que la communication
y est formelle au sein des structures de conception et entre celles-ci et les autres structures
fonctionnelles (production, marketing, achat, recherche), les entreprises japonaises ont intégré
un système d’organisation et de management coopératifs doublé d’une communication
intensive et informelle.
C’est la marque du toyotisme. Ainsi que l’énonce Jean-Claude Tarondeau, « mais, alors que le
fordisme et le taylorisme se sont traduits par une décomposition des processus productifs en
opérations élémentaires simples et indépendantes les unes des autres, le toyotisme impose une
vision globale des processus productifs qui intègrent des opérations interdépendantes et qui
s’élargissent pour englober, en amont, les processus d’approvisionnement et de conception et,
en aval, ceux de distribution et de service aux clients » (Tarondeau 1998).
Le modèle séquentiel (course de relais) fondé sur une intégration dans l’entreprise de la plupart
des expertises nécessaires au développement du projet, une séparation fonctionnelle des
expertises en fonction des métiers et une coordination hiérarchique séquentielle des expertises
métiers en vue de réaliser le projet a donc été progressivement abandonné au profit du modèle
d’ingénierie concourante (match de rugby).
17
supports attachés à la production) (et) a pour finalité d’obliger les « développeurs » à
considérer tous les éléments du cycle de vie du projet, de la conception à la mise à disposition
des usagers, y compris la qualité, les coûts, la programmation et la satisfaction des besoins et
requêtes des usagers » a introduit de la transversalité dans les organisations historiquement
fonctionnelles (Navarre 1992, 13).
Ayant pour origine le domaine de la qualité et de la gestion des flux et s’étant étendu au domaine
de l’innovation par la suite (Péché, Mieyeville, et Gaultier 2016, 83), la coopération transversale
est présentée et globalement perçue comme la nouvelle forme organisationnelle la mieux
évoluée et adaptée à l’environnement actuel (El Amrani et al. 2006) à telle enseigne que “les
entreprises seraient en train de basculer des logiques de processus individuels, maîtrisés en
amont par la hiérarchie (modèle bureaucratique), aux logiques projets qui reposent sur la co-
construction des acteurs en interaction au sein d’équipes de travail” (Imhoff 2017, 85).
6
Voir article des Echos du 9 novembre 2015 : En mettant fin à la bipolarité du monde entre USA et URSS, cette
chute a fait naître des défis et menaces divers sur le plan international, obligeant de fait l’armée américaine à
repenser sa stratégie. Elle a ainsi créé le concept VUCA devant permettre aux forces armées d’être en mesure de
faire face à des opposants de taille différente, de s’adapter rapidement à de nouvelles armes et de réagir
promptement et efficacement à de nouvelles tactiques de combat (Carroy 2015).
18
Cet acronyme fait référence aux défis auxquels sont confrontées les organisations d’aujourd’hui
et signifie :
• pour la Volatilité, la multiplicité, l’amplitude, la soudaineté et l’accélération des
changements dans l’environnement ;
• pour l’Incertitude, les difficultés à prévoir et à anticiper des événements ;
• pour la Complexité, l’embarras à appréhender la dimension systémique de l’ensemble
des interactions ;
• pour l’Ambiguïté, le flou de l’environnement et les difficultés à percevoir et à mesurer
tous les effets induits par les décisions arrêtées et mises en œuvre (David Ducheyne,
2016).
Cet emprunt à l’armée se comprend aisément dans le monde de l’entreprise. Il suffit de constater
que les organisations sont de plus en plus confrontées à devoir faire face notamment :
• à la multiplication de phénomènes difficiles d’ordre politique, économique, social,
juridique, naturel, technologique et sanitaire ;
• à la prolifération de situations inédites et complexes à traiter le plus souvent dans
l’urgence ;
• à un raccourcissement des cycles d’innovations ;
• à la précellence du service et de l’expérience client sur le produit (sur-mesure et
personnalisation de l’offre) ;
• à l’arrivée de technologies numériques d’information, de communication et de
connexion disruptives ;
• à la finitude des ressources et du monde.
Cette vision est globalement partagée par les praticiens interviewées (E2, E1 et E11) avec la
précision que « la coopération transversale est recherchée dans toutes les industries, les
nouvelles comme les anciennes. Ce n’est pas une tendance réservée à l’innovation ou aux start-
up ».
La complexité n’a cessé de croître au fil du temps en raison d’une interdépendance de plus en
plus prégnante de variables multiples s’exerçant sur des temporalités diverses. Cette complexité
rend les choix des entreprises plus difficiles, aléatoires et risqués.
Ainsi, comme l’affirme Gilles Arnaud, « L’époque est aux ruptures et aux turbulences
économiques et culturelles, qui nécessitent (…) des réponses véritablement innovantes »
(Arnaud 1995, 44).
Cette transposition étant acquise, quelles sont donc les “armes” dont disposent les organisations
pour contrer les effets potentiellement « dévastateurs » de ce monde VUCA ?
Suivant le Boston Consulting Group, le monde VUCA peut être apprivoisé en adoptant les
règles du VUCA prime (Vision, Understanding, Clarity, Agility), à savoir : une Vision globale
de long terme, une Compréhension de l’environnement, une Clarté des changements et l’Agilité
(2012).
19
Pour vivre dans un monde VUCA en transformation permanente, il est donc devenu crucial
pour les entreprises d’accroître leur agilité.
La coopération transversale apporte et/ou contribue à cette agilité en ce sens qu’elle octroie de
la souplesse, de la fluidité et de la réactivité (voire de la proactivité) à l'entreprise par l’effet
d’un abaissement du centre de gravité de l’organisation et une décentralisation des
responsabilités et des prises de décision au niveau local (Ollivier 2015, 49).
Elle constitue un des maillons essentiels à la réussite des entreprises dites « agiles » c’est-à-dire
des entreprises « qui apportent des solutions concrètes et personnalisées à leurs clients, qui
coopèrent pour améliorer leur compétitivité, qui s’organisent pour maîtriser le changement et
l’incertitude, et enfin qui se nourrissent de la richesse de leurs collaborateurs et de leur
patrimoine informationnel » (Lothon et Carfantan 2017).
20
1. Les modifications structurelles apportées aux modèles d’organisation
classique pour davantage de coopération transversale et leurs limites
Les modèles d’organisation « classique », par leurs mécanismes de coordination qu’ils soient
fondés sur la standardisation des procédés ou des résultats ne peuvent que servir difficilement
la coopération transversale.
Dans la même veine, l’organisation divisionnalisée fondée sur la création de Business Units
(ex : BU par produits, par zones géographiques, par marques, par clients, etc.) en fonction du
marché alimente et favorise ce même travail en silos du fait d’un fonctionnement de chacune
d’entre elles en totale autonomie, de leur tendance à créer en leur sein des structures de type
mécaniste et d’une appréciation de leur performance à la seule vue de leurs résultats propres.
Ce travail en silos est par ailleurs renforcé par la concurrence que se livrent couramment les
Business Units entre elles.
Dès lors, dans un monde VUCA, ces organisations ont besoin, comme nous l’avons vu,
d’adapter leurs structures vers davantage de coopération transversale, gage incontournable de
modernité, de flexibilité, d’agilité et d’efficacité aux yeux du monde contemporain. Dans ce
cadre, elles ont choisi soit de conserver leurs modes d’organisation primitif mais en les adaptant
(structure matricielle, gestion de projet), soit de créer à côté des noyaux satellites
organisationnels (Labs, intraprenariat).
Par prudence, elles ont procédé bien souvent à cette hybridation dans le cadre de projets pilotes
avant de les étendre, si tel était leur souhait, à plus grande échelle en leur sein une fois démontrés
leur succès.
21
des systèmes de planification et de contrôle », ces organisations ont accru leur flexibilité et leur
adaptabilité vis-à-vis du marché dans la direction de l’innovation et de la satisfaction client
(Mintzberg 2011, 347).
Elles deviennent plus agiles en ce sens qu’elles sont en mesure de constituer des équipes
transversales pluridisciplinaires autour d’une œuvre collective commune dont le mécanisme de
coordination, assuré de manière dynamique, horizontale, décentralisée et non programmable,
s’effectue par ajustement mutuel.
Cela étant, que l’on soit en mode matriciel ou en mode projet, cette structure conduit les
individus à occuper un poste au sein de l’entreprise selon la fonction et, parallèlement, à
intervenir sur des projets suivant les besoins.
Si les effets bénéfiques inhérents à de telles structures existent (voir tableau ci-dessous) tant
qu’elles sont bien menées, cette conjonction fonction/projets peut se révéler problématique.
En effet, des critiques majeures ont été relevées sur ces structures.
Selon Mac Cain et Galbraith, la mise en place d’une structure matricielle et par projets semblent
compliquée en présence d’un climat de crise et d’incertitude. Ces structures augmentent le
conflit et l’ambiguïté de rôle (Zannad 2009, 49) et accroissent le stress et l’anxiété des salariés
dont les identités professionnelles habituelles sont brouillées. Elles réduisent la performance
d’ensemble, en cas de déséquilibre entre les pouvoirs. Selon Mac Cain et Galbraight, le projet
peut imposer des exigences trop fortes ou incohérentes qui génèrent des conflits de management
et il comporte une dimension « politique » spécialement lorsque l’équipe est composée de
collaborateurs alliés et pas toujours de spécialistes (Jacquet s. d., 4)
A ces critiques sont venues s’agréger celles de Alain Asquin, Gilles Garel et Thiery Picq,
lesquels ont montré que ces structures emportaient des « risques individuels liés à la pression
des exigences et à l’excès d’implication et d’engagement », des « risques de brouillage des
identités professionnelles », des « risques de déstabilisation des expertises » et des « risques de
précarisation du parcours professionnel dans l’entreprise » (Asquin, Garel, et Picq 2006).
Nul n’est besoin d’ajouter que les salariés travaillant au sein des structures matricielles et par
projets peuvent éprouver un isolement certain et une solitude importante en face d’une
désintégration partielle et non régulée du vertical.
22
b) Le changement organisationnel vers la libération
entrepreneuriale
La coopération transversale a été également intégrée dans les grandes entreprises à travers
l’adjonction de dispositifs organisationnels de connexion dédiés à l’innovation, tels que
l’intrapreunariat et les Fab Labs.
Elles ont pris conscience que leur structure bureaucratique est insuffisante à faire face à un «
monde de changement perpétuel, de compétition féroce, d’innovation débordante et
d’exigences sociales » (Gary Hamel, 2012) de manière efficiente.
Elles ont en effet tendance à inhiber le partage des savoirs entre leurs entités, à restreindre
l’autonomie des individus et à brider toute prise d’initiatives au nom d’une sacro-sainte
rationalité démultipliant et accumulant par strates successives, procédures et mécanismes de
gestion quantificateurs du « certain ».
Pour assurer leur développement et éloigner le risque d’un dépérissement à plus ou moins long
terme, les grandes entreprises, qui doivent être capables et en capacité de « générer et
d’exploiter durablement de l’innovation au niveau des produits et des services qu’elle
commercialise », ont donc souhaité libérer et encourager les « énergies » créatives et
exploratoires de leurs salariés (Legrain 2007) en créant des environnements modifiant en
profondeur les frontières et les territoires.
Ces environnements, qui ont vocation à créer des espaces d’apprentissage et de synergies,
peuvent être internes à l’entreprise tels que la mise en place de cellules intrapreunareuiales ou
de canaux d’expression encourageant les interactions inter-métiers et inter-services entre les
salariés (ex : Google Cafés) selon la règle des 70/20/10 par exemple (Schmidt et Rosenberg
2015, 86), mais ils peuvent être également externes tels que la création d’une entité spécifique
dédiée aux activités innovantes dans leur ensemble ou d’entités spécifiques pour chaque projet
innovant, le tout dans un esprit start-up et avec le soutien en conseil et coaching des fonctions
supports.
Elle permet aux collaborateurs à qui cela convient, en quête « d’apprenance » et d’exploration,
de travailler en équipe en étroite proximité dans un espace autonome, stimulant de liberté et
d’apprentissage de nouvelles compétences et expériences sur une durée déterminée (Bouchard
2007, 86). Elle assure aux collaborateurs des moyens et des ressources propres pour développer
l’innovation arrêtée sans risque d’être pollués par un phénomène de bureaucratisation.
Cela étant, quel que soit le dispositif organisationnel retenu à cet égard, ces environnements
d’émulation et d’ouverture sont vulnérables et potentiellement sources de discorde à plus d’un
titre.
Ils ne sont à l’abri ni d’un « individualisme coopératif » (Thuderoz 1995) ni de conflits avec
des départements ou des services qui y voient l’apparition de véritables concurrents en interne
(ex: particulièrement en présence d’un département R&D ou/et en présence d’innovations de
rupture). Comme l’énonce Olivier Laborde, « il faut donc les protéger car la tendance naturelle
23
de l’organisation sera de les écraser, de les tuer à cause de leur nature perturbatrice »
(Laborde 2017, 52). Cette tendance a été confirmée au cours de nos recherches. A l’origine du
lancement d’un programme d’intrapreneuriat au sein de d’une grande entreprise industrielle en
2018, un expert en innovation interviewé nous a indiqué que : « tout ce que vous pouvez
proposer pour faire autrement est plutôt vu comme une menace, comme un moyen de dérégler
la machine qui marche si bien, plutôt que comme une opportunité » (E20).
Cette protection demande a minima un soutien des dirigeants, une clarté des missions assignées,
l’acceptation de la complémentarité des actions de chacun de la part des directions
fonctionnelles, la reconnaissance d’un droit à l’erreur, le développement d’une culture de
coopération transversale et la valorisation des contributions individuelles et collectives.
D’autres organisations ont préféré emprunter un autre chemin. Laissant de côté une hybridation
multi-dimensionnelle plus ou moins poussée de leurs structures, elles ont préféré, à la
coexistence parallèle de deux modèles, le changement radical en personnifiant « le côté humain
de l’entreprise » apparemment plus en phase avec les besoins fondamentaux de sens, de bien-
être et de valeurs de la génération Y (Dalmas et Lima 2016) ainsi que des suivantes.
Pour ces organisations, il faut se défaire d’un modèle pyramidal bureaucrate, générateur de
coûts invisibles (ex: désengagement des salariés), de plus en plus déconnecté et éloigné des
évolutions contemporaines. Il faut s’émanciper du carcan des lignes hiérarchiques, de la
spécialisation fonctionnelle, de la verticalité du pouvoir, des systèmes de surveillance et de
contrôle via notamment les outils et process de gestion (ex: Enterprise Resource Planning et
Customer Relationship Management).
Car, ainsi que l’affirme Alain Meignant, « ce dont ont besoin les entreprises, ce n’est plus
d’exécutants, même bien formés et disciplinés, mais d’un personnel engagé, responsable et
autonome, attentif au client, compétent » (Garant et Meignant 2001, 98).
Ce passage d’une relation homme / poste à une relation équipe / mission a donc donné lieu à
l’émergence de nouveaux modèles que l’on peut scinder en deux catégories : les entreprises
libérées et leur double et l’entreprise agile.
24
a) Les entreprises libérées et leur double
Les entreprises libérées et leur double symbolisent une nouvelle forme de gouvernance. Il s’agit
succinctement de bâtir un nouveau modèle d’organisation faisant table rase du taylorisme. Ces
modèles d’organisation comprennent l’entreprise libérée popularisée par Brian M. Carter et
Isaac Getz (Getz 2017)7, l’organisation opale de Frédéric Laloux (Frédéric Laloux, 2014) ou
encore l’holocratie8 et la sociocratie9.
Ces modèles de gouvernance ont pour point commun d’être fondés sur l’autogestion des
équipes et l’autonomie des salariés. Tel est le credo de l’entreprise libérée et de ses « doubles »
suivant l’expression reprise de David Mélo (Dubet et Fondation pour les sciences sociales
[VNV] 2019, 135).
Ce crédo repose en partie sur la théorie Y de Douglas Mac Grégor10, professeur en management
au MIT. Selon cette théorie, l’Homme est ambitieux et a besoin de s’épanouir dans son travail
par la recherche d’autonomie et de responsabilités et ce, sans qu’il soit besoin de le contrôler.
Ce faisant, ces organisations souhaitent redonner à leurs salariés du pouvoir sur le terrain en
leur confiant personnellement les rênes des décisions opérationnelles entre leurs mains, ce qui
les contraint à agir et interagir localement, et participe fortement à leur responsabilisation.
Ainsi, bien que la coopération transversale ne soit pas abordée en tant que telle, elle n’en
constitue pas moins un maillon intrinsèque important de ces dispositifs fondés sur la confiance
et la primauté d’une vision stratégique claire partagée de tous.
En prônant la fin du chef (qui devient un gestionnaire accompagnateur), l’égalité de tous les
travailleurs, la réduction maximale des fonctions supports, le fonctionnement en équipes
d’experts de divers domaines rassemblés autour d’un même projet (et ce au service d’une même
stratégie), ces nouveaux modèles impliquent un niveau de communication et de coopération
notamment inter-équipes particulièrement élevé (Colle et al. 2017, 161).
7
L’entreprise libérée : Selon, Carney et Getz, c’est une forme organisationnelle au sein de laquelle les employés
jouissent d’une liberté totale et ont la responsabilité d’entreprendre des actions qu’ils, et non leur patron,
considèrent être les meilleures
8
L’holocratie est une organisation structurée en cercles de travail dans lesquels chaque membre du personnel a le
même pouvoir et doit remplir un ou plusieurs rôles selon les besoins (Weidmann et al. 2019, 37).
9
La sociocratie est un mode de gouvernance en vertu duquel la prise de décision requiert le consentement de tous
les membres concernés (Weidmann et al. 2019, 37)
10
La Théorie Y est aux antipodes de la théorie X de Douglas Mac Grégor qui considère que l’être humain déteste
le travail, n’est pas ambitieux et fuit l’autonomie et les responsabilités et préfère donc être contrôlé.
25
plusieurs équipes, de l’occupation des locaux ou des machines, etc) » (Detchessahar 2019,
102).
Si cette autogestion des équipes et cette autonomie des salariés a, semble-t-il, permis d’accroître
les performances des entreprises qui s’y sont aventurées, celles-ci sont étroitement liées à la
réunion de plusieurs facteurs clés de succès qui tiennent à :
● l'alignement et à la cohérence des pratiques (organisation interne, culture d’amélioration
et de transparence, libération de la parole, interface interactive, contrôle coopératif,
etc) ;
● une gestion bienveillante (droit à l’erreur, etc) ;
● l’édiction de règles de fonctionnement claires ;
● l’existence d’une entraide et d’une solidarité.
CONDITIONS DU SUCCES
Qualités individuelles Qualités groupales Qualités organisationnelles
Être responsable Assurer une bonne Permettre une véritable
Être motivé communication autonomie
Être autonome Faire preuve d’esprit Faire confiance à ses salariés
Faire preuve d’ouverture d’équipe Redéfinir le rôle du
d’esprit Partager une vision gestionnaire et du manager
Avoir confiance en soi commune Établir un cadre, des règles
et des process
Former les équipes
Impliquer tous les salariés
Tableau tiré de l’article de Jean Weidmann, Mario Konishi, François Gonin, Isabelle Agassiz et Jean-Benoît
Nadeau, (Weidmann et al. 2019, 37)
Car, même si travailler dans ces organisations c’est entreprendre, c’est aussi « encaisser tout
cela, cognitivement, subjectivement et émotionnellement » (Ughetto 2018).
26
Les principaux avantages et inconvénients de ces organisations peuvent être résumés comme
suit :
Au-delà des discours, le modèle de l’entreprise libérée ou encore leur double ont connu un
succès plus que timoré auprès des entreprises avec seulement 54 entreprises répertoriées dans
l’Annuaire des organisations libérées en France (www.organisationslibérées.fr).
D’ailleurs, tous les patrons qui ont supprimé les chefs et leurs privilèges et donné le pouvoir
aux employés concèdent tous que pour en arriver là, le chemin a été long et semé d’embûches
(Chevalier 2019)11.
Chez les professionnels interviewés, l’appréciation de l’entreprise libérée est assez critique
voire sévère. Un consultant interviewé évoque en règle générale les réticences et les résistances
de certains salariés à jouer le jeu de la responsabilisation, la perte des repères (« On compte
beaucoup sur l’engagement, la responsabilité, l’honnêteté, la colonne vertébrale de chaque
personne. Et, en fait, les gens ne sont pas toujours au rendez-vous ») et les dérives (« tout le
monde est responsable donc personne ne contrôle parce que contrôler serait surveiller, égal
ne pas faire confiance » (E5). Un spécialiste de l’organisation et des conditions de travail
pointe un affaiblissement des instances représentatives du personnel et la création de
communautés de travail procédant à l’exclusion (voire au bannissement) des individus ne se
reconnaissant pas dans les valeurs « libérées » de l’entreprise (E10).
b) L'entreprise agile
Comme pour les entreprises libérées et leur double, l’entreprise dite « agile » est en rupture
avec le taylorisme12. En revanche, elle se veut moins dogmatique et résolument plus
11
Selon Alexandre Gérard qui a libéré Chronoflex en 2012 : « un conseil, selon lui : commencer par supprimer
ses propres privilèges. Quant aux managers, le mieux est de leur laisser le choix : garder leur poste en l’état,
partir et dans ce cas être remplacé par un team-leader élu par son équipe, ou suivre le mouvement ». Et d’ajouter
« Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. On a d’abord travaillé avec des personnes qui nous ont accompagnés
sur le lâcher prise. Puis, on a réinventé l’entreprise » (Chevalier 2019).
12
L’entreprise agile est le résultat de quatre valeurs issues de « l’Agile Manifesto » de 2001. Rédigé par dix-sept
experts en développement logiciel, « l’Agile Manifesto » pose que :
• les individus et leurs interactions doivent passer avant les processus et les outils ;
• des fonctionnalités opérationnelles priment sur la documentation ;
• la collaboration avec le client doit être privilégiée à la contractualisation des relations ;
• l’acceptation du changement doit prendre le pas sur la conformité aux plans.
27
pragmatique face à un monde VUCA en ce sens qu’elle véhicule un état d’esprit, une posture
managériale, une dynamique culturelle régis par la « centricité » du client et l’implication
collective autour d’équipes « cross fonctionnelles aux compétences diverses qui s’auto-
organisent et dont le mode de fonctionnement échappe aux standards du management par
projets » (Baroin, Gateau, et Deheunynck 2019, 103).
Selon Dave Ulrich, « les organisations agiles expérimentent en permanence, améliorent, font
bouger les frontières à l’intérieur entre les silos et à l’extérieur avec les clients, en créant des
réseaux ou des écosystèmes pour progresser » (Ulrich 2018).
Dans cette approche, les salariés sont encouragés à mettre toutes leurs ressources, tout leur
dynamisme et toute leur énergie au service de l’entreprise dans le but de l’adaptation rapide et
efficace aux changements.
Ceci implique que l’entreprise « cherche à s’assurer l’adhésion et la mobilisation des salariés
en favorisant et en valorisant à tous les niveaux le travail d’équipe, la créativité, l’innovation,
la coopération [transversale], la participation, les relations de soutien, de confiance et
d’apprentissage » (Carbonnel et al. 2012).
Cette adhésion et mobilisation sont facilitées par la mise en place de méthodes agiles, telles que
lean management ou Scrum, qualifiées d’approche « itérative et incrémentale, qui est menée
dans un esprit collaboratif, avec juste ce qu’il faut de formalisme » (Messager Rota et Tabaka
2013, 42).
Force est de constater qu’actuellement les entreprises sont plus enclines à « s’agiliser » qu’à se
libérer. Une des personnes interviewées (E8) a confirmé cette tendance. En effet, le modèle de
l’agile lui semble une piste intéressante plus atteignable que le modèle de l’entreprise libérée
appliquée principalement dans des entreprises de taille modeste et pourvu très souvent d’un
leader charismatique.
28
Dans un monde VUCA dans un très grand nombre de secteurs d’activité, les entreprises ont pris
conscience de la nécessité d’adapter, de changer, de transformer leur organisation en
conséquence tant il en va de leur pérennité économique.
Elle s’inscrit dans un mouvement de fluidité et une célérité des échanges via en grande majorité
la constitution d’équipes, de tribus, de squads pluridisciplinaires auto-organisés et
responsabilisés autour de l’atteinte d’un objectif partagé commun.
Se pose dès lors légitimement la question de la fonction RH. En effet, dans quelle mesure ce
mouvement impacte-il la fonction RH et quelle place occupe-t-elle au sein des organisations
ayant misé ou misant sur la coopération transversale ? En quoi peut-elle faciliter l’implantation
et la régulation de la coopération transversale dans les rouages de l’organisation ?
En d’autres termes et si nous devions résumer, quel est le rôle de la fonction RH dans la
coopération transversale ?
De nombreux ouvrages débutent leurs propos en proclamant une fonction en panne, en perte de
sens, à la recherche de légitimité et d’une place digne de ce nom auprès de leur direction
générale et au sein du comité de direction. Certains ancrent ces difficultés dans l’histoire de la
création de la fonction ; d’autres dans son affiliation aux sciences dites « molles » et au
caractère incertain de ses connaissances et de ses compétences ; d’autres y voient encore le
signe d’une mutation profonde de la société, d’une crise de l’économie et du travail actuel.
Ainsi, avant de questionner ce qu’elle est et ce vers quoi elle pourrait tendre, il nous a semblé
nécessaire de questionner d’où vient la fonction RH et ses liens étroits avec l’organisation du
travail.
29
1. Histoire croisée de l’organisation du travail et de la fonction Ressources
Humaines
Vers le milieu du XIXème siècle, s’amorce une tendance à la concentration de la main d’œuvre
(sidérurgie, énergie, textile, chimie) dans un objectif d’économie d’échelle rendu possible par
le machinisme. Cette concentration de salariés engendre des besoins en termes de gestion de la
discipline (livret ouvrier et règlement d’usine) et d’attractivité (œuvres sociales et
paternalisme).
En parallèle, les bases légales du salariat sont posées avec la loi du 27 décembre 1890 qui crée
le contrat de travail, complétées en 1910 par le Code du travail et le régime des conventions
collectives en 1919.
Nous situons l’apparition des premiers services du personnel dans les grandes organisations
industrielles de la fin du XIXème, début XXème. Cette fonction naissante rassemble les activités
de recrutement, de contractualisation, d’affectation, de rémunération, de fidélisation et de
dialogue social. Les premières grèves (1906), ainsi que la première guerre mondiale avec la
pénurie de main d’œuvre conséquente contribuent à développer cette fonction dans des
entreprises qui se rationalisent de plus en plus.
En effet, dès le début du XXème siècle, l’organisation scientifique du travail, marquée par la
division et la coordination du travail est venue répondre à un besoin de maîtrise et d’efficience
de la production. Dans ce modèle, le salarié en tant qu’individu peut apparaître comme
secondaire. Néanmoins, selon le sociologue Pierre-Eric Tixier (école de Sainsaulieu, Sciences
Po Paris), la philosophie du management est dominée par la pensée rationnelle portée par les
ingénieurs (Taylor, Fayol, Ford) selon laquelle grâce à la science il est possible d’organiser de
manière rationnelle la production en vue d’être plus efficace tout en réduisant la fatigue
physique et en facilitant la formation des ouvriers (paysans émigrés aux USA, exode rurale en
France). Les ingénieurs investis dans l’organisation scientifique du travail estiment améliorer
les conditions de travail.
En outre, Taylor dans son ouvrage « Principles of Scientific Management » pose les bases de
l’administration du personnel : « La deuxième des obligations assumée volontairement par ceux
qui se trouvent du côté de la direction est la sélection scientifique et le perfectionnement
progressif des ouvriers. C’est le devoir de ceux qui font partie de la direction d’étudier
systématiquement le caractère, la personnalité, et l’activité de chaque ouvrier dans le but de
trouver d’un côté quelles sont ses limites, mais d’un autre côté, et ceci est bien plus important,
quelles sont ses possibilités de perfectionnement ; ceci fait, de donner d’une façon délibérée et
systématique l’enseignement, l’entraînement et l’aide nécessaire à cet ouvrier et finalement,
quand cela est possible, l’occasion d’avancer, ce qui lui permet d’accomplir le genre de travail
le plus élevé, le plus intéressant et le plus profitable qu’il est naturellement capable de faire et
30
auquel il peut accéder dans l’entreprise dans laquelle il est employé. » (Bélanger et Mercier
2006, 81).
De même, et même s’il ne la nomme jamais, Henry Fayol distribue le contenu de la fonction
personnel dans deux des six grandes disciplines de l’entreprise : l’administration (qui regroupe
14 principes dont la discipline, la rémunération, l’équité, la stabilité et l’union du personnel) et
la sécurité (conditions de travail et prévention).
Afin de retracer l’histoire de la fonction personnel jusqu’à la GRH, il est possible de s’appuyer
sur la division en quatre grandes périodes proposée par Igalens (1999) dans son article « Cent
ans de gestion du travail » (Igalens 1999). Il y distingue :
• les prémisses de 1916 à 1947 ;
• l’extension de la fonction de 1947 à 1960 ;
• la stabilisation de 1961 à 1975 ;
• la gestion des ressources humaines de 1975 à 2000.
Scouarnec complète cette chronologie d’une cinquième période de 2000 à nos jours qu’elle
nomme « recentrage sur la personne » (Scouarnec 2005).
Cette première période est marquée par la diffusion massive de la rationalisation du travail
développée par l’école Classique (Frederick Taylor, Henri Fayol et Max Weber). La
modernisation des outils de production et les besoins de forte productivité conduisent à
l’embauche massive de main-d’œuvre et à la structuration hiérarchique des entreprises.
Néanmoins, la vision taylorienne de l’Homme au travail n’est pas sans soulever des critiques
et la crise de 1929 avec la grande dépression qui s’en suivit aux États-Unis voit la naissance de
l’école des relations humaines qui prend le contrepied des classiques (Elton Mayo, USA, l’effet
Hawthorne, 1923-1932, General Electric). Ainsi, sous l'impulsion de Kurt Lewin (dynamique
de groupe et types de leadership), Frederick Herzberg (enrichissement des tâches), Abraham
Maslow (motivation et hiérarchisation des besoins) Rensis Likert (styles de management),
Douglas McGregor (théorie X et théorie Y) et d’Elton Mayo (effet Hawthorne), cette école met
à jour l’importance des facteurs psychologiques et relationnels pour comprendre et inciter les
comportements au travail. Cette école prône trois grands principes :
• la liberté psychologique (l’autonomie) des individus contribue à leur motivation ;
• les individus ont naturellement besoin d’appartenir à un groupe ; c’est l’intégration
sociale qui détermine leur capacité de travail ;
• la reconnaissance (estime, valorisation, intégration sociale) contribue à la satisfaction
des individus.
En France, la pénurie de main d’œuvre dans les années 1920 née des suites de l’après-guerre
conduit les grandes entreprises à développer des politiques sociales pour attirer et fidéliser les
salariés. Ces politiques facilitent également l’intégration d’ouvriers venant du monde agricole
et de régions très disparates sur le plan linguistique et culturel (Auvergne, Alsace, Bretagne,
Savoie, Landes, Ariège, etc.). En parallèle, la société française est traversée quelques années
plus tard par des luttes pour des acquis sociaux (semaine de 40heures, congés payés, assurance
maladie, délégués du personnel, salaire minimum, minimum vieillesse et retraite, etc.) en lien
avec l’arrivée au pouvoir du Front Populaire. En parallèle, inspirées des méthodes développées
aux Etats-Unis, la fonction personnel mène les premières expériences de classifications
31
d’emplois dans quelques entreprises de certaines branches. Cette pratique se généralisera à
partir de 1945 sous l’influence du Ministre du travail de l’époque, Alexandre Parodi.
C’est au début de cette première période, que la fonction personnel conquiert son autonomie
dans l’entreprise. Elle est alors garante de deux missions principales, le suivi administratif des
salariés et la négociation sociale.
L’après-guerre, en France, voit sous l’impulsion légale (création des comités d’entreprise, statut
de la fonction publique et arrêts Croizat-Parodi) une standardisation des emplois via des grilles
de classification. Le modèle social du travail est alors fondé sur la carrière mono-entreprise,
plaçant de fait qualification et ancienneté au cœur de l’administration du personnel. Le contrat
social de cette époque implique une garantie d’emploi à vie.
13
« Organization development is an effort planned, organization-wide, and managed from the top, to increase
organization effectiveness and health through planned interventions in the organization’s “processes,” using
behavioral-science knowledge. » (Gallos 2006, 3).
32
C’est l’aboutissement du modèle du salariat avec le contrat de travail à durée indéterminée, le
salaire fixe mensuel payé par virement bancaire, ce qui met fin à la rémunération à la pièce, à
la journée, la semaine ou la quinzaine.
« Plusieurs études situent au congrès des chefs de personnels de Genève (1972) et de Lisbonne
(1973) le changement de perspective de la gestion du travail et l’émergence de la gestion des
ressources humaines » (Igalens, Peretti, 1998). De plus en plus, la variable humaine acquiert
une place stratégique dans les organisations. Son statut passe d’une logique de coût à maîtriser
à une logique de ressource à valoriser. » (Scouarnec 2005, 6). Ainsi, la logique de qualification
et de coût de la main d’œuvre des années 1970 évolue dans les années 1980 en une logique de
compétences et de capital humain à développer en tant que source d’avantage concurrentiel.
La vision entre 1970 et 1980 est donc celle de l’homme au centre de l’organisation. Se
développent les théories de la culture organisationnelle (Schein, Sainsaulieu, Peters et
Waterman), celles du modèle de l’implication organisationnelle (Mowday, Porter, Steers et
Thévenet). Les chocs pétroliers viennent précipiter le changement attendu par la société post
mai 68. Les jeunes générations plus éduquées (hausse du nombre de diplômés) sont mieux
armées pour défendre leurs convictions mais surtout, rejettent le modèle rationnel de
l’organisation fondé sur le modèle paternaliste (remise en question des institutions
structurantes : église, armée, école, famille) L’entreprise apparaît comme la seule institution
stable, à condition qu’elle se renouvelle entièrement. Ainsi, à partir des années 1985 le modèle
dominant de la fonction Ressources Humaines est celui de la GPEC.
La fin des « Trente Glorieuses » signe également le déclin de l’approche collective de la GRH.
Les politiques RH s’individualisent : recrutement (fin des concours dans les grandes
entreprises), formation (fin de la négociation des plans de formation avec les partenaires
sociaux), rémunération (individualisation des salaires de base et primes variables), gestion des
carrières (fin des négociations avec partenaires sociaux), etc. Ces politiques servent et
accompagnent le développement de la flexibilité : emplois atypiques/précaires (CDD, intérim,
externalisation, contrats divers). Le modèle s’articule autour d’un noyau central constitué par
les salariés en CDI renforcé en périphérie par des emplois atypiques et plus précaires.
Dans ce contexte économique difficile, l’impératif de maîtrise des coûts (cost cutting) et les
restructurations s’imposent au premier plan des préoccupations de la fonction Ressources
Humaines. Un recentrage plus business de la fonction est proposé avec la posture de « business
partners » et en parallèle, il est observé une décentralisation - rendue possible par
l’invidualisation - des politiques RH vers les managers de proximité.
33
En 1997, Ulrich représente 4 rôles fondamentaux des ressources humaines, qu’il situe au
croisement de deux axes, temporel et processus/personne orienté. Il identifie ainsi :
- Le DRH Expert administratif et juridique dont la mission est d’assurer la
conformité ;
- Le DRH Partenaire stratégique dont la mission est de mettre en œuvre les orientations
prises par la direction ;
- Le DRH Agent de changement dont la mission est de participer aux démarches de
changement en mobilisant les salariés ;
- Le DRH Coach des salariés dont la mission est d’individualiser le suivi et le
développement des salariés.
Ainsi, à l’image de son corpus théorique très éclaté, la fonction gestion des ressources humaines
recouvre des réalités très diverses selon les organisations et les individus. Cependant à vouloir
être partout, le risque est de n’être bon nulle part, ou tout du moins de développer une expertise
principale et de ne faire que survoler les autres dimensions de la fonction. C’est ce qu’une étude
réalisée par l’APEC en 2015 met en lumière en indiquant que l’essentiel des DRH en France
occupent des fonctions d’expert administratif et juridique, au détriment des autres rôles.
Les années 2000 peuvent être analysées comme « un champ de tension » (Brabet 1993) pour la
gestion des ressources humaines. Le DRH, s’il fait de plus en plus souvent partie du comité de
direction (position héritée de la dimension stratégique du capital humain), n’y est que rarement
un membre influent. Une part importante des dispositifs dont il a la charge sont externalisés
(recrutement, paie), soit décentralisés vers les managers de proximité (évaluation, formation,
temps de travail). Ces réalités ainsi que la difficulté pour nombre de DRH à oser s’imposer en
tant que stratège organisationnel font dire que la profession est en panne, voire en crise.
34
2. Définition de la fonction
La fonction a évolué et continue de le faire et avec elle, son nom et sa définition. Il ne s’agit
pas simplement d’une question de sémantique. « Ces mutations et bien d’autres nous incitent à
défendre la thèse de la fin de la GRH au sens classique du terme et à envisager un renouveau
de la GRH qui passerait, selon nous, par un nécessaire changement de vocabulaire. »
(Scouarnec 2014, 80).
35
d’offrir un suivi individualisé qui accompagne le développement et la réalisation de soi dans et
par le travail. Il traduit également l’inscription du Développement Organisationnel (OD
Management) intégré à la fonction dans ce que cette discipline porte d’élaboration d’une vision
RH indissociable de la vision business et du monitorage de la performance, de sa capacité à
transcrire la stratégie RH et à la déployer via l’étayage par la culture d’entreprise et le pilotage
du changement des acteurs, des collectifs et de l’organisation.
Malgré l’intérêt du précédent développement, il convient néanmoins d’être conscient des effets
de mode dans les terminologies. Ainsi, Henri Fayol dans sa définition du terme « Gestion »
incluait Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler. Les notions de vision et de
pilotage étaient donc bien présentes dès l’origine.
3. Prospectives de la fonction
Dans son ouvrage (Barabel et al. 2017, 44), Michel Barabel précise que les RH sont aujourd’hui
dans une situation de type Océan Rouge (destruction des collectifs de travail, montée des
risques psychosociaux, désengagement des salariés) et invite les professionnels des RH à se
réinventer via une stratégie de type Océan Bleu (devenir des acteurs à part entière, réinvestir
les champs de la santé, de l’organisation de l’innovation ou de la performance collective). Il
reprend alors le travail de Kim et Mauborgne (Kim et al. 2015) qu’il schématise sous forme de
tableau :
36
RH de type Océan Rouge RH de type Océan Bleu
- Etre un partenaire au service de la - Etre un acteur à part entière du
stratégie (mise en œuvre) développement et de la stratégie
- Répondre aux demandes existantes - Etre force d’initiatives et de
(réactivité) propositions (proactivité)
- Focaliser sur le contrôle des coûts et - Intégrer la contrainte coût sans nuire
l’évaluation de la performance à l’innovation sociale, culturelle et
- Développer des actions conformes stratégique
aux règles et pratiques du milieu - Créer ses propres règles du jeu
(imitation) (différenciation et innovation)
- Se focaliser en priorité sur le - Intégrer les problématiques business
business au même titre que la responsabilité
sociale d’entreprise et les
problématiques traditionnelles
(santé, ergonomie, organisation,
développement, etc.)
Ulrich, cité précédemment, mène depuis 1987 une étude des compétences métiers des DRH et
fait évoluer régulièrement son modèle de représentation des rôles fondamentaux et des
compétences des ressources humaines. De quatre rôles clés en 1997, il en identifie six en 2013,
puis neuf en 2016, témoignant ainsi de la complexité croissante de l’activité, des besoins des
organisations et de l’environnement. Il schématise ainsi le modèle des 9 rôles et en donne la
lecture suivante15 :
15
Dave Ulrich, Introduction to the Competency Model : https://youtu.be/9BdjdgySzxE
37
• Militant crédible (Credible activist) : faire preuve de d’intégrité et de crédibilité pour
nouer des relations de confiance avec l’ensemble des parties prenantes, faire valoir
son point de vue, savoir influencer les acteurs ;
• Arbitre du paradoxal (Paradox Navigator) : être capable de naviguer entre les
attentes souvent contradictoires des différentes parties prenantes, identifier et
d’arbitrer en la tension entre stratégie et individus sans produire d’injonction
paradoxale.
Rendu possible par l’appui sur des leviers d’expertises organisationnels qui permettent de
traduire la stratégie en actions opérationnelles :
• Champion de la culture et du changement (Culture & Change champion) : initier les
évolutions, assurer des changements durables, designer la culture d’entreprise ;
• Protecteur du capital Humain (Human Capital Curator) : veiller à ce que les talents
se développent et soient utilisés correctement et proposent des solutions intégrées et
innovantes au moyen de bonnes pratiques RH ;
• Pilote de la reconnaissance (Total Reward Steward) : gérer le bien-être des salariés
par la récompense (financière et non financière), la reconnaissance et le sens du
travail.
L’historique de la fonction ressources humaines illustre ô combien que celle-ci ne fait que
s’adapter et évoluer en fonction des contraintes et des impératifs de son environnement. Ainsi
les évolutions du monde et du travail imposent à la fonction de se recentrer sur ses compétences
clés. « La fonction RH doit se repositionner et se réinventer sous peine de disparaître ou de
perdre en influence. » (Barabel et al. 2017, 42).
Le XXIème siècle signe le grand retour du capital humain comme principal moteur de la création
de valeur. Le paradigme de la transversalité et le besoin vital d’innovation n’y sont pas
étrangers.
Puisque comme nous l’avons vu, fonction Ressources Humaines et organisation du travail sont
intrinsèquement liées, nous pouvons s’interroger sur l’impact de la recherche de coopération
transversale sur cette fonction et ainsi à partir de quelques leviers de cette pratique
organisationnelle, tenter de dessiner une prospective spécifique pour la fonction ressources
humaines développeur de la coopération transversale.
38
1. Structure, organisation, système et transversalité
Afin de penser la place de la fonction ressources humaines dans les organisations (entreprises,
association, institutions publiques et semi-publiques, organisations non gouvernementales,
etc.), notamment lorsque celles-ci se transforment, s’ajustent pour rechercher davantage de
coopération transversale, certains préalables sont nécessaires. Ainsi nous ne pouvons faire
l’économie de définir les notions de structure, organisation, système et leurs intrications.
Henry Mintzberg définit ces notions dans son ouvrage « Structure et dynamique des
organisations ». Ainsi il commence par poser les contours de la structure. « Toute activité
humain organisée – de la poterie à l’envoi d’un homme sur la lune – doit répondre à deux
exigences fondamentales et contradictoires : la division du travail entre les différentes tâches
à accomplir et la coordination de ces tâches pour l’accomplissement du travail. La structure
d’une organisation peut être définie simplement comme la somme totale des moyens employés
pour diviser le travail entre tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination nécessaire
entre ces tâches. » (Mintzberg 1982, 18). Cette structure est traduite relativement fidèlement
par l’organigramme qui donne à voir la division du travail et la coordination formelle, c’est-à-
dire hiérarchique. Henry Mintzberg parle de la structure comme d’une carte de l’entreprise. Il
poursuit avec l’organisation du travail qui « peut être considérée comme un ensemble de
constellations de travaux, qui sont autant de coteries quasi indépendantes d’individus
travaillant sur des questions qui sont de leur ressort au niveau de la hiérarchie où ils se
trouvent. » (Mintzberg 1982, 71). Ces constellations de travail « vont du formel à l’informel,
des groupes de travail qui apparaissent dans l’organigramme comme des unités distinctes à
ceux dans lesquels les individus appartenant à des unités différentes ont des contacts informels
sur certaines décisions. » (Mintzberg 1982, 72). Finalement, Henry Mintzberg représente le
système sous la forme d’un sociogramme résumant « qui communique avec qui », comme un
« système de flux de communication et de pouvoir informels » (Mintzberg 1982, 63). « Ce
système se compose d’acteurs qui appartiennent à des structures différentes. (…) Ils sont liés
non pas par un organigramme théorique et abstrait, mais par les interdépendances, les
relations, qui se créent entre eux autour d’un enjeu. Nous ne sommes même pas dans le cas
d’une organisation, réalité cachée du fonctionnement d’une structure, mais dans celui d’un
réseau d’acteurs, stable ou éphémère selon ce qui les réunit. » (Dupuy, 2015, p.44).
39
inefficacités. Certains voient même dans ces innovations de structures l’émergence d’une
nouvelle organisation, l’organisation transversale (Tarondeau et Wright, 1995). » (Capul
1998, 57).
Des praticiens que nous avons interrogés expriment une autre vision, celle de la nécessaire
coexistence entre structure au sens classique et des îlots plus ou moins importants de
coopération transversale. « Alexandre Tissot parle d’ambidextrie du manager. Moi je parle
d’un manager qui doit être sur deux jambes. Une jambe qui est sur les organisations
tayloriennes, classique et une jambe qui est la capacité à être agile et fonctionner dans des
méthodes de travail qui ne sont pas les mêmes. C’est avoir dans sa boîte à outils deux outils
différents qu’il doit employer dans les bonnes situations. Il faut pouvoir être classique et
rigoriste et cela fait écho à un management plutôt taylorien, organisation classique et
processée, et en même temps quand il y a des crises et des moments qui nécessitent une politique
différente, une transformation des mindsets vers un management situationnel, qui ne soit pas
dogmatique mais adapté à la situation. Je crois que les zones d’expérimentation sont autant
d’éléments où on donne confiance à l’organisation sur le fait qu’ils savent faire, qu’ils peuvent
faire et que ça marche ; en même temps qu’il faut une vision collective, stratégique, rassurante
pour des boards, rassurante pour des actionnaires. » (E1).
Cette vision est très proche des thèses développées par John Galbraith qui soutiennent qu’au
sein des structures classiques, les opérateurs développent des mécanismes d’ajustement mutuel
modernes afin de déployer la coopération transversale nécessaire pour atteindre les objectifs et
faire face aux enjeux. Cela rend compte des groupes projets et organisations matricielles à
l’intérieur même d’une structure formelle. Galbraith parle ainsi d’un « patchwork temporaire
sur la structure fonctionnelle utilisé pour court-circuiter les communications dans des périodes
d’incertitudes élevées. Ces groupes peuvent émerger de façon informelle ou être créés de façon
formelle. » (Mintzberg 1982, 159).
Le chef d’orchestre de ces opérateurs est alors ce qu’il appelle les « cadres intégrateurs », les
chefs de projets. « Le travail d’un tel cadre n’est pas facile surtout parce qu’il n’a pas
d’autorité formelle. Galbraith nous indique les moyens disponibles pour parvenir à cet objectif.
D’abord « l’intégrateur a des contacts », il a l’oreille de la direction générale et « se trouve au
carrefour de plusieurs courants d’information… il exerce une influence qui est fondée sur
l’accès à l’information ». Ensuite, « l’intégrateur crée la confiance » parce qu’il a des
connaissances ainsi qu’une orientation d’ensemble qui ne s’identifie pas aux différentes
« chapelles ». En troisième lieu, « l’intégrateur gère le processus de décision, ce n’est pas lui
qui décide… il doit pouvoir écouter une proposition faite du point de vue marketing et
comprendre ce qu’elle signifie du point de vue des ingénieurs ». De cette façon il « parvient à
réaliser la coordination sans éliminer les différences – de langages, d’attitudes – qui sont
nécessaires pour que chaque unité soit efficace. Dans le domaine de la décision, l’intégrateur
est une incarnation « du pouvoir fondé sur une expertise et qui s’appuie sur le savoir et
l’information. » (Mintzberg 1982, 162).
Cette vision du cadre intégrateur met clairement en avant la notion de soft skills et plus
globalement la place de la confiance dans le bon fonctionnement d’une organisation qui
souhaite développer la coopération transversale.
40
Opposées aux hard skills - entendre compétences techniques - les soft skills ne font pas l’objet
d’une terminologie consensuelle « pour nommer les compétences qui ne relèvent ni du savoir
(de la connaissance) ni du savoir-faire technique. Tandis que certains auteurs parlent de
« savoir-être » (Bellier, 2004 ; Le Boterf, 2008), d’autres évoquent des « compétences
humaines » (Brasseur et Magnien, 2009), des « compétences sociales et relationnelles »
(Thiberge, 2007) et même des « compétences émotionnelles » (Bender et al., 2009). »
(Theurelle-Stein et Barth 2017, 129). William Tate en propose une définition que Delphine
Theurelle-Stein et Isabelle Barth ont traduite ainsi « un éventail de comportements qu’une
personne doit avoir et doit être capable de mettre en œuvre pour réussir les tâches et les
missions d’un métier avec compétence »16. Ainsi en contexte professionnel, les soft skills sont
des comportements qui peuvent s’apprendre ou tout du moins se renforcer par l’expérience, la
mise en situation et l’accompagnement individuel.
Si l’importance des soft skills semble de plus en plus acquise, une organisation ne peut
passivement, aléatoirement, compter sur les compétences personnelles et interpersonnelles de
ses cadres, qu’elles soient « naturelles » ou « entraînées ». En outre, faire peser de telles
contraintes sur leurs seules ressources et engagement s’accompagne de risques élevés pour leur
santé. L’entreprise se doit d’organiser et d’animer leur mise en œuvre, en s’assurant notamment
de créer les conditions, organisationnelles, culturelles et sociales nécessaires.
Comme l’écrit Jean-Yves Capul, « déterminer les facteurs de la coopération est un vaste
chantier » (Capul 1998, 63) au carrefour de plusieurs disciplines, sciences de gestion,
sociologie des organisations, ergonomie, psychologie, sciences de l’éducation , mathématiques,
philosophie et même entomologie. L’ambition du présent mémoire d’expertise professionnelle
n’est donc pas de conceptualiser de façon exhaustive ce sujet d’étude. Le développement ci-
dessous vise humblement à mettre en lumière certaines conditions à la coopération transversale
sur lesquelles la fonction Ressources Humaines a un rôle à jouer. Seront donc abordées les
conditions organisationnelles, managériales, culturelles et sociales qui sous-tendent la
coopération.
16
« the sets of behaviors that the person must have and be able to display in order to perform the tasks and
functions of a job with competence »
41
la transformation de l’organisation se trouve dans l’organisation du travail et le système, c’est-
à-dire, comment les individus communiquent et travaillent ensemble. Il ne suffit pas de mettre
en place une structure matricielle ou des groupes projet transverses pour voir émerger
spontanément la coopération. En effet, cette coopération, nous l’avons vu, représente une prise
de risque du fait de l’investissement, de l’exposition et de la relation de confiance qu’elle
implique. Une DRH d’un groupe industriel a parfaitement perçu cela et évoque que les RH
devront à l'avenir développer cette compétence de design organisationnel (E15).
Ainsi, pour permettre l’engagement dans cette voie, l’organisation doit non seulement créer les
espaces de coopération (groupes projets, Intrapreneuriat, Fab Lab, comités permanents, etc.)
mais également encourager et ne pas dissuader les comportements individuels et collectifs à la
coopération. Plusieurs leviers organisationnels peuvent être mobilisés :
● la raison d’être ;
● l’ajustement des procédures et de la coordination ;
● la justice organisationnelle ;
● le contrat psychologique ;
● les politiques RH.
La coopération prend son origine dans la poursuite d’un but commun. Dans une organisation,
ce but naît de la vision du dirigeant, traduite en raison d’être de l’organisation autour de laquelle
chacun se fédère, se reconnaît, y puise une part essentielle du sens de son travail. Bien sûr, pour
atteindre ce résultat, la raison d’être ne peut se réduire à une « punchline ». Il s’agit bien du
sens de la mission de l’entreprise, sens qui préside aux décisions stratégiques comme
opérationnelles, sens au cœur du réel du travail de chaque opérateur.
Pour que la raison d’être soit en cohérence avec le réel du travail, les procédures et la
coordination doivent également être alignées avec le sens du travail et même le servir. Dans le
cas de recherche de coopération transversale, cela passe notamment par un retour de
l’autonomie et de la volonté de contribuer pour les collaborateurs (Crozier), des espaces de
disputes professionnelles (Dejours) ainsi que de la vigilance à ne pas produire d’injonctions
paradoxales contreproductives (reprocher la communication directe entre opérateurs pour
régler un problème car cela court-circuite la voie hiérarchique, maintenir une complexité
processuelle, mettre en compétition les opérateurs, etc.). Une erreur serait de penser que la
coopération transversale est l’abolition des process. Sans cadrage, sans règles, sans processus
d’arbitrage et de sécurité des individus au sein du collectif, la coopération ne peut pas
s’épanouir.
42
un bénéfice futur, à un ensemble d’obligations réciproques. » (Delobbe, Rojot, et El Akremi
2009). Ainsi, concernant la coopération transversale, justice organisationnelle et respect du
contrat psychologique offrent une sécurisation qui vient atténuer la perception de prise de risque
induite par cette pratique.
Finalement, la partie III de ce mémoire traite en détail du levier essentiel des politiques RH tant
au niveau individuel que collectif (politiques de rémunération, d’évaluation, de recrutement, de
mobilité, etc.) dans la coopération transversale.
But commun, structure, procédures, règles explicites visant à favoriser certains comportements
– ici la coopération – forment une armature que les hommes et les femmes mettent en
mouvement. « En fixant les statuts, les rôles, les domaines de compétence et d’autorité, les
responsabilités – de chacun – l’organisation du travail donne un cadre de référence sans lequel
aucune coopération ne serait possible. L’apport indirect de l’organisation du travail à la
coopération est donc essentiel. » (Dejours 1993, 4). Le rôle du management, de direction
comme de proximité vise bien cela, donner vie à ce qui est prescrit afin de rencontrer le réel et
ainsi réaliser l’activité. Cependant, si le mot même de manager est très largement implanté dans
les descriptions de fonction dans les entreprises, sa définition reste imprécise et les termes de
chef, de patron, de boss reviennent souvent dans les discours. Payre et Scouarnec (2015) y
voient « l’imprégnation des organisations par les grands principes édictés à la fin du XIXe et
au début du XXe siècle » – Taylor et Fayol – et pointent l’aspect « paradoxal puisque d’un côté
plusieurs auteurs constatent les limites des pratiques d’encadrement ou leur évolution
(Guilmot, Vas, 2012 ; Codo, Soparnot, 2002 ; Dumas, Ruiller, 2013...) qui ont actuellement
cours dans les entreprises alors que de l’autre côté celles-ci continuent d’appliquer des
principes et méthodes classiques de gestion... » (Payre et Scouarnec 2015, 6). Ainsi, de même
que l’on oppose les termes de « Gestion » et de « Management » (comme nous l’avons
brièvement discuté précédemment), on place souvent le mot de « Chef » et par contamination
celui de « Manager » en antonymie avec la notion de « Leadership ». Nous avons tous vu des
comparatifs prêtant au « chef » et au « manager » des comportements destructeurs, d’utilisation
des collaborateurs à son seul bénéfice, qui abuse de l’autorité et parfois de la crainte qu’il
inspire, etc. au lieu de développer et valoriser ses équipes, de privilégier la coopération, le sens
du travail et le consensus. Les auteurs adressent plusieurs hypothèses pour expliquer cette
situation. Ils pointent que le métier de manager n’existe pas toujours en tant que tel et se fait le
plus souvent en sus d’un autre métier technique à temps plein ; une « absence significative de
réflexion mais aussi de définition de politiques de gestion de ce métier par les entreprises » ;
« la persistance de représentations du seul caractère technique de la fonction d’encadrement
au détriment des activités “contemporaines” de management » - entendre ici leadership – une
réticence à accepter que devenir manager revient en partie à changer de métier et finalement
que cela ne va pas se faire spontanément vers l’excellence avec le temps et l’expérience. Les
auteurs poursuivent sur l’impact délétère de ces entraves à la professionnalisation du métier de
manager : « Cela risque ni plus ni moins de dévaloriser ce métier et la fonction d’encadrement
qui s’y rattache en raison d’un décalage de plus en plus grand entre les discours qui seront
tenus à ce sujet et les actes qui seront réellement mis en œuvre. » (Payre et Scouarnec 2015,
14). Ils concluent sur le rôle de la fonction RH pour penser le management et ces pratiques :
« Malgré le vocabulaire managérial abondamment utilisé, nous considérons que nombre
43
d’entre elles se contentent de revisiter au mieux les outils et principes traditionnels de gestion
et font l’impasse sur les activités contemporaines de pilotage des Hommes et des Organisations.
Fayol soulignait déjà en 1916 cette inadéquation entre la formation et l’emploi (Savall, Zardet,
2003) des cadres. Dès lors, les Directeurs des Ressources Humaines et leurs équipes auront un
rôle central à jouer afin d’accompagner les managers actuels (Dupuich, 2009) vers cette
mutation de leur métier afin de tendre vers ce scenario “d’excellence et de performance”. Cela
sous-entend de fait que ces entreprises, comme d’autres, se devront d’une part de considérer
cet axe comme le levier principal d’amélioration de leurs résultats et de leurs fonctionnements.
D’autre part, elles se devront d’investir réellement dans l’amélioration des pratiques de
management parfois bien au-delà de leurs obligations légales en termes de formation. » (Payre
et Scouarnec 2015, 14).
Dans son article « Travail, subjectivité, confiance », co-écrit avec Isabelle Gernet, Christophe
Dejours appelle lui aussi à une transformation du management via la formation théorique et le
développement de compétences afin de permettre au manager de jouer pleinement et
efficacement son rôle au cœur de la coopération. Ce rôle, Christophe Dejours le traduit
concrètement par l’exercice de trois missions essentielles à la coopération rendues possibles
par son double rattachement17 au collectif de ses pairs (aux managers et direction) et à celui de
ses équipes. Il s’agit de « l’écoute risquée », « la fonction de passeur » et « l’activité de
reconnaissance ». Ainsi, l’activité déontique qui soutient la coopération vise le consensus par
les opérateurs sur « la façon de travailler, de respecter, d’interpréter et d’enfreindre les règles.
Mais dans la pratique, il est parfois impossible de parvenir à un consensus entre les opinions.
La discussion s’éternise, sans mener à aucun résultat. De sorte qu’à la fin les participants
souhaitent que l’on mette un terme à la délibération et que l’on tranche par un arbitrage. Mais
l’arbitrage donnera, de facto, l’avantage à l’une des opinions sur les autres et engendrera de
la déception, de la colère ou du ressentiment chez ceux dont l’opinion n’aura pas été retenue.
L’arbitrage surmonte ces conséquences néfastes s’il est prononcé par un chef qui dispose d’une
augmentation de puissance de sa parole que l’on décrit sous le nom d’autorité (Arendt, 1972 ;
Ricœur, 1992). (…) L’autorité dont dispose un manager ne lui est pas conférée que par le haut
ou par la direction, c’est-à-dire par l’institution que constitue l’organisation ou l’entreprise.
Elle lui est aussi conférée par le bas, c’est-à-dire par le jugement que les subordonnés portent
sur l’utilité de la contribution apportée par le chef à la coopération au sein d’une équipe.
L’autorité conférée par le bas est d’abord liée à la compétence technique du manager dans les
activités et les métiers des membres de l’équipe qu’il dirige. (…) La deuxième dimension de
l’autorité conférée à un chef par le bas vient de la façon dont il honore ses engagements en
matière d’arbitrage. Si dans la mise en œuvre de ce dernier, on aboutit à un échec, le chef doit
assumer la responsabilité de son erreur de jugement, devant ses subordonnés d’une part,
devant ses propres supérieurs hiérarchiques d’autre part. Ce n’est qu’à cette condition sine
qua none qu’en cas de réussite, la sagesse de son arbitrage viendra confirmer ou accroître son
autorité. Quant à la confiance des subordonnés dans leur chef, qui est distincte de l’autorité de
ce chef, elle se forme tout autant à partir des erreurs de jugement que des succès, parce qu’elle
repose sur l’honnêteté et la loyauté du chef vis-à-vis de ses subordonnés, qui consiste à ne pas
se dérober face aux déconvenues et aux critiques qu’il lui en coûtera pour ses jugements
erronés. » (Dejours et Gernet 2012, 85).
17
Cf. Likert deux pyramides
44
Ainsi, « La contribution essentielle du manager commence donc par l’engagement dans la
praxis de l’écoute risquée. Elle se poursuit ensuite, tâche difficile s’il en est, par l’obligation
de tenir compte de ce qu’il a entendu de ses subordonnés, dans la façon dont à son tour il devra
discuter et négocier avec ses collègues et ses propres supérieurs hiérarchiques. (…) Au-delà
de l’écoute risquée, il y a donc, pour le manager, une tâche de passeur vers le haut de ce dont
il est dépositaire, du fait de sa participation à l’espace de délibération et à la coopération de
l’équipe dont il assume la direction. » (Dejours et Gernet 2012, 87). Finalement, l’activité de
reconnaissance vient rétribuer au plan matériel et symbolique les efforts et les risques consentis
pour réaliser le travail, pour coopérer. La reconnaissance matérielle passe par le déploiement
par l’intermédiaire du manager des politiques RH (primes, augmentations, formation, mobilité,
promotion, etc.). La reconnaissance symbolique ne se résume pas à la simple gratitude, mais
bien plus à un jugement du manager sur l’utilité, la qualité, la conformité du travail. Ce
jugement formulé par le manager, les pairs et parfois les destinataires du travail constitue la
« rétribution psychologique vis-à-vis de l’identité dans le monde du travail. » (Ch. Dejours
1993, 12). Par ces missions, le manager soutient les relations de confiance au sein du collectif
de travail en minorant les risques à coopérer.
Ce point crucial a été mis en évidence dans une étude démarrée en 2012 par Google, baptisée
« Project Aristotle ». A la recherche de la formule pour créer « the perfect team », Google a
rassemblé des statisticiens, des sociologues, des psychologues, des ingénieurs et des
chercheurs. Ils ont interviewé, observé, testé 180 groupes de travail durant plus d’un an à la
recherche d’un pattern spécifique de l’efficacité collective que Google pourrait dupliquer. Ce
pattern, ce point commun à toutes les meilleures équipes, celles qui s’engagent pleinement dans
la coopération, s’est avéré être ce que Amy Edmondson, professeur à Harvard (1999) appelle
la sécurité psychologique et qu’elle définit ainsi : « shared belief held by members of a team
that the team is safe for interpersonal risk-taking. Psychological safety is “a sense of confidence
that the team will not embarrass, reject or punish someone for speaking up,” Edmondson wrote
in a study published in 1999. “It describes a team climate characterized by interpersonal trust
and mutual respect in which people are comfortable being themselves. » (Duhigg 2016, 9).
Cette sécurité psychologique repose sur la confiance qui permet à chacun de s’exprimer
librement au sein du collectif et implique de chacun de ses membres une intelligence
émotionnelle suffisante pour un « accordage » mutuel de qualité et la capacité de ne pas
confondre désaccord et conflit. L’étude souligne également le rôle du manager dans la
régulation sociale du collectif via notamment la mise en œuvre de la justice organisationnelle
et la valorisation de la dispute professionnelle.
Convaincu par les résultats de cette étude qui place la confiance, socle de la coopération, au
centre des équipes les plus performantes, Google a dû faire face à un frein, à une duplication
immédiate de cette pratique managériale et collective. La confiance ne se décrète pas. Elle ne
peut pas être un prescrit de l’organisation du travail. L’entreprise a alors diffusé ces résultats
en interne, les a expliqués et s’est appuyée sur les managers convaincus et volontaires pour
diffuser cette pratique dans les groupes de travail afin de tenter d’en faire une composante à
part entière de sa culture d’entreprise.
45
expert RH d’un groupe d’assurances formule : « Ça c’est ce qu’on attend d’une DRH, une
politique managériale, parce que la culture ne se décrète pas, elle émerge et donc la DRH doit
créer des espaces où la culture peut se créer et se co-construire à partir de l’individu. » (E1)
« La confiance est donc très généralement vue comme une condition de réalisation de la
coopération dans la mesure où elle dispense de se focaliser sur le contrôle des autres car un
contrôle sur les résultats suffit, le contrôle sur le processus pouvant se réduire à de la simple
vigilance. Mais, à l’inverse, la confiance peut être vue comme une conséquence ou un sous-
produit de la relation de coopération. Cette circularité « confiance - coopération » doit être
soulignée car c’est sans doute ce qui constitue la caractéristique majeure de ce modèle. »
(Pesqueux 2009, 263). L’expert Innovation d’un groupe industriel souligne également
l’importance pour la fonction RH de travailler au développement d’une culture de la confiance
dans l’organisation (E20).
L’enjeu de développer une culture de la confiance au-delà des pratiques individuelles est donc
majeur pour les entreprises. Or, la confiance interpersonnelle est un construit subjectif rationnel
et émotionnel. Denise Rousseau la définit plus précisément comme un « état psychologique se
caractérisant par l'intention d'accepter la vulnérabilité sur la base de croyances optimistes sur
les intentions ou le comportement d'autrui » (Rousseau et al., 1998)18. Néanmoins, les travaux
de Zucker sur les typologies de confiance ont mis à jour d’autres formes de confiance que la
confiance interpersonnelle. Ainsi, la confiance institutionnelle ou systémique est un construit
intersubjectif et objectif. « La confiance est alors comprise comme un attribut collectif partagé
entre les individus grâce à des construits normatifs et sociaux. Elle se fonde sur une structure
sociale formelle indépendamment d’une relation d’échange ou d’une expérience antérieure. Il
ne s’agit pas uniquement de faire confiance à un individu ou à une organisation mais à un
contexte dans lequel s’inscrit la relation (Brousseau, 2000). (…) La construction de la
confiance institutionnelle s’apparente davantage à un contrat social dans lequel chacun
accepte d’abandonner une partie de sa liberté pour fixer des règles de jeu et accepte de
déléguer l’autorité et les moyens de coercition à une tierce partie comme l’État, un ordre
professionnel, une église, etc. (Thuderoz et Mangematin, 1999). » (Simon 2007, 89). Ce
développement permet de faire le lien entre les éléments de la dimension organisationnelle, vus
précédemment, (raison d’être, procédures et coordination, justice organisationnelle, contrat
psychologique, politiques RH) qui soutiennent la coopération transverse et une culture
systémique de la confiance au sein du collectif de travail. Ainsi la confiance dans l’organisation
ne mettrait pas tout d’abord en jeu le niveau interpersonnel, mobilisé dans un second temps
comme fruit de l’expérience subjective de travail avec des individus donnés dans une situation
donnée, mais de prime abord comme un contrat implicite fondé sur des conditions « sur
lesquelles les individus s’appuient, en contexte organisationnel, en situation de contrôle, pour
18
traduction de : "Trust is a psychological state comprising the intention to accept vulnerability based
upon positive expectations of the intentions or behavior of another." Denise M. Rousseau, Sim B. Sitkin,
Ronald S. Burt et Colin Camerer, « Not So Different After All: A Cross-Discipline View of Trust »,
Academy of Management Review, vol. 23, no 3, 1998, p. 393-404
46
créer et développer de la confiance » (Alvarez 2001, 124). Fabienne Alvarez propose une grille
de lecture en cinq dimensions de la confiance organisationnelle, qu’elle situe au carrefour de
relations impersonnelles / personnelles (intersubjectif / subjectif) et formelles / informelles
(rationnel / objectif) : « la confiance institutionnelle liée à l’organisation ; la confiance dans
les règles, les procédures, dans le système formel ; la confiance dans la réputation de
l’individu ; la confiance dans les compétences de l’individu ; la confiance dans les intentions
de l’individu. » (Alvarez 2001, 124). Ce modèle de la confiance organisationnelle représente
ainsi une combinaison du modèle interpersonnel et systémique de la confiance. Pour reprendre
la synthèse proposée par Jean-Yves Capul, « La confiance (organisationnelle) repose sur la
connaissance que chacun a des principes éthiques qui organisent les conduites de l’autre et sur
l’existence de règles morales communes qui assurent la prévisibilité et la régularité des
comportements. » (Capul 1998, 64). Ceci peut faire culture pour une organisation dans la
mesure où c’est ce qui sera donné à vivre au plus grand nombre ; où ce sera la règle et non le
cas particulier de tel groupe de travail ou l’expression des soft skills de tel manager. Cette
pratique devenue ordinaire de la confiance-coopération trouvera sa place dans « un ensemble
de références, partagées dans l’organisation construites tout au long de son histoire, en
réponse aux problèmes rencontrés par l’entreprise. » (Thévenet 2017, 44).
Les développements ci-dessus, illustrent à quel point une connaissance poussée en sciences
humaines est nécessaire pour faire face aux enjeux de la coopération transversale.
Connaissances théoriques, mais aussi compétences techniques pour lire, comprendre et
intervenir sur des situations individuelles et collectives.
Il est intéressant de relever que nombres de mots employés par les praticiens de notre corpus
pour parler des RH impliquent directement ou indirectement cet aspect : coach, facilitateur,
régulateur, thérapeute, médiateur, aiguillon, catalyseur.
Piloter et animer une structure, une organisation du travail et un système implique pour la
fonction Ressources Humaines de posséder une intelligence des situations et des hommes
particulièrement habile. Sans rien retirer aux exigences de compétences juridiques et
gestionnaires, un DRH ne peut faire l’impasse d’une connaissance théorique rigoureuse et vaste
en sciences humaines et de compétences ou habiletés professionnelles en matière d’écoute
risquée, de médiation, de sociologie des groupes, d’analyse des zones d’incertitudes et des jeux
d’acteurs au risque de déployer partiellement les modèles ou de les calquer sans
contextualisation et ainsi de se décrédibiliser et de faire des concepts des objets de mode
souvent contre-productifs.
François Dupuy met ainsi en garde contre une tendance à la paresse intellectuelle et à l’inculture
générale qui fait que « Chacun a tendance à se croire à l’« âge zéro » du management et
considère que tout est à inventer, que ce qui est dit aujourd’hui ne l’avait jamais été
auparavant, ce qui donne d’autant plus de valeur à sa perception immédiate de sa réalité. »
(Dupuis, 2015, p.21). Ainsi, de raccourcis en simplification, des « notions vagues » plus
proches du sens commun et de l’opinion que de la densité des acquis en sciences sociales
imprègnent les discours et les regards sur le fait social en entreprise au risque de conséquences
néfastes pour les Hommes et l’organisation.
47
La préventrice régionale souligne ce qu’elle perçoit effectivement comme un manque de
formation en sociologie des organisations et en systémie des professionnels des RH (E10).
Une DRH interviewée, dresse l’analyse suivante : « Dans notre stratégie, il y a un pilier
business (…), un pilier transformation digitale et process (…) et puis, il y a le troisième pilier
qui est la transformation culturelle dans laquelle on a mis la grande expérimentation agile :
aplatissement de l’organisation, et autres up skilling, formation, besoin en compétences et
programme de formation des équipes. Les deux premiers, ça reste atteignable d’un point de
vue analytique et technique, à coup de benchmark, d’études de marché, de consulting, de
business plan et autres architectures de plateforme. Et puis, l’humain, c’est entre guillemets le
dernier truc que tu ne maîtrises pas et qui est difficile - je n’aime pas l’idée - à mettre sous
contrôle. Le facteur humain est d’une complexité folle et c’est bien pour ça dans un moment où
ça va vite, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas que de technologie, mais de la place de l’humain,
du rapport au travail et de la capacité d’évolution des organisations, lesquels sont éminemment
liés à la gestion des hommes et des femmes. Et là, on ne sait pas vraiment comment faire. (…)
C’est là où le métier se retourne vers la RH en disant : « Oh !, RH, je crois que c’est votre job,
non, de nous gérer l’humain ? » (E8). Cette lecture laisse entrevoir les nombreux écueils d’une
faible appropriation des acquis en sciences sociales dans les organisations. Tel le risque évoqué
par d’autres DRH interrogés, de construire la stratégie, le design organisationnel et les process
souvent avec l’appui de consultants externes, puis, en bout de chaîne, de demander au capital
humain d’adhérer et de se mettre en mouvement. Du point de vue RH il s’agit alors d’être dans
la pratique de l’exécution, d’agir en réaction. Lorsque le nouveau plan peine alors à se déployer,
on invoque la « notion vague » de résistance au changement et on psychologise ainsi le fait
social. Le pilier transformation culturelle a toute sa place au même titre que les deux autres et
devrait être activé non pas en bout de chaîne, mais si ce n’est en amont, au minimum
concomitamment aux piliers business et transformation digitale et process. C’est notamment
cette pratique est au cœur de la vision du DRH stratège.
« C’est en définitive la politique de gestion des ressources humaines, telle qu’elle s’incarne
dans les principes mis en avant, dans les pratiques adoptées mais aussi dans l’histoire de
l’organisation et de ses changements, qui détient une des clés majeures de la coopération entre
les individus, les unités, les services. » (Capul 1998, 65). La fonction Ressources Humaines
trouve ainsi dans la conception et le déploiement de ces conditions un de ses enjeux centraux
en matière de vision et de capacité d’influence. C’est la combinaison de ces deux éléments qui
pousse de nombreux auteurs à invoquer le DRH stratège. En effet, si la stratégie globale de
l’organisation incombe au dirigeant, il s’appuie sur ses experts, directeur commercial, directeur
R&D, directeur des opérations, DAF, DRH, etc. pour la bâtir, l’affiner, l’ajuster aux menaces
ou aux opportunités perçues et analysées par chaque grande fonction. En effet, comme le
rappelle Henry Mintzberg, « On peut concevoir la stratégie comme une force médiatrice entre
l’organisation et son environnement. Formuler la stratégie consiste alors à interpréter
l’environnement, et à développer dans les flux de décisions organisationnelles des formes
cohérentes (les « stratégies ») pour faire face à l’environnement. » (Mintzberg 1982, 42). Le
DRH est ainsi un contributeur à la stratégie globale par :
• lecture des phénomènes sociaux et sociétaux ;
• intelligence des situations et du fonctionnement des acteurs de l’organisation ;
48
• conception d’un design organisationnel qui sert le déploiement de la vision ;
• traduction de l’ensemble en une politique Ressource Humaines d’anticipation et non
d’exécution.
Ici se trouve un enjeu métier pour les RH en termes de positionnement, de sens du travail, de
responsabilité, car c’est un enjeu clé pour les organisations et les Hommes.
Se doter d’une DRH stratégique, c’est repositionner la culture et le capital humain en levier de
performance durable au même niveau que les autres leviers dont dispose l’organisation. C’est
accepter d’intégrer la complexité humaine, de renoncer à une forme d’autoritarisme et de
conformisme pour se doter de la richesse de la co-construction d’une stratégie intégrative où le
sens n’est pas à chercher car il est présent de fait et dont le déploiement opérationnel sera
grandement facilité. Une DRH interrogée partageait sa conviction : « Je n’ai de cesse de dire
que c'est en mettant les gens autour de la table pour définir leur plan stratégique que la
transformation va démarrer. La transformation, elle démarre quand on est en train de réécrire
les process, elle ne démarre pas quand ils sont écrits. C’est là que la transformation humaine
intervient. Mais ça, c'est compliqué je pense pour les dirigeants à comprendre. Ils ont envie
d'avoir un consultant qui va les écrire et ça y est, c’est dans le marbre. Après on attaque la
conduite du changement et c'est déjà trop tard. » (E14).
La vision pour les RH de son entreprise d’un DRH d’un équipementier automobiles fait la
synthèse de ce qui vient d’être développé : des spécialistes du monde complexe, des spécialistes
de l’anticipation des nouvelles organisations, des professionnels du soft, des multi et des hauts
potentiels cognitifs, des médiateurs et des négociateurs. (E2)
Les praticiens interrogés ont souligné la complexité du rôle des professionnels des ressources
humaines. Si une évolution globale de la fonction de l’administration au management est
identifiée par ces praticiens expérimentés, avec en moyenne 23 ans d’expérience
professionnelle, nombreux sont ceux qui précisent que le métier prend des formes variables
selon les secteurs, les organisations, les cultures d’entreprise et celles des dirigeants.
Nous avons donc cherché spécifiquement auprès de ces praticiens à identifier les principaux
rôles des professionnels RH dans les organisations cherchant à développer la coopération
transversale, entre support, équipier ou leader de cette démarche.
49
1. Support
Les raisons invoquées par les praticiens qui soutiennent cette vision sont de trois ordres :
• un manque de compétences en sciences sociales et des organisations des
professionnels RH ;
• un positionnement souvent bloquant ;
• un manque d’influence auprès de la direction générale.
Pour ce qui est du positionnement, des critiques sont adressées aux RH sur la question de
l’exemplarité. « Beaucoup de DRH veulent développer la coopération mais travaillent dans des
dynamiques de territoire, d’expertise et de pouvoir au sens traditionnel du terme. Et on ne peut
pas avoir des convictions et faire tout autre chose. On ne peut pas demander aux autres de faire
quelque chose que l’on ne fait pas. » (E1). Une DRH d’un assureur français met d’ailleurs en
garde sur le fait que les HRBP ne doivent pas être rattachés hiérarchiquement à l’opérationnel
au risque de contribuer à renforcer les silos (E3).
Une professionnelle interrogée indique qu’elle n'est pas positionnée dans l'organisation pour
être efficiente en termes de transformation organisationnelle (E8).
50
l’organisation du travail ou la dynamique du système. Ainsi, le DRH se trouve face à un échec
annoncé de son intervention ce qui ne sert pas son image et sa capacité d’influence (E14).
Un autre consultant indique que l'image classique de la DRH reste très ancrée et que sa place
dans les COMEX est au final très peu influente. Il évoque même que cette fonction pourrait
disparaître entre externalisation et incorporation dans le rôle de managers opérationnels (E17).
Un DRH d’un groupe industriel énonce ainsi que la RH n’a pas le lead sur l’organisation (E15)
et un DRH d’un éditeur de logiciels, en échos aux propos précédents, que la DRH n'est pas
associée à la conception des projets de transformation. Comme la DRH de l’agro-alimentaire,
il précise être sollicité uniquement sur les orientations prises, afin de déployer le plan retenu et
faire en sorte qu’il fonctionne, via essentiellement de la régulation. « La DRH n’impose pas la
transversalité, elle peut peut-être la favoriser mais c’est tout » (E4). Un expert RH invite à se
saisir de toutes les opportunités offertes notamment par le calendrier du dialogue social pour se
saisir des moments où les instances vont être consultées pour alerter et conseiller la direction
générale (E1).
En résumé, un consultant précise que les RH qui souhaitent porter la coopération se voient
souvent freinés en raison de leur statut (E7). Ce point de vue est partagé par l’analyse d’un
expert Innovation d’un groupe industriel pour qui jusqu’à présent les RH ont plutôt été en
réaction, et peu promoteurs sur ces sujets. Il partage que sous l’impulsion du nouveau DRH
dont le discours est « on doit y être, c’est à nous proposer des choses », la fonction RH du
groupe serait entrée en phase de mue, dans un processus itératif pour se sentir légitime à prendre
une autre place que celle de support. Il évoque cependant que la culture sectorielle, de
l’entreprise et des dirigeants peut freiner voire bloquer ce processus. « C'est bien de dire que la
RH doit impulser des choses, qu’elle peut être légitime à impulser des choses, mais il y a aussi
la danse entre la fonction RH et les dirigeants. » (E20)
Le rôle d'équipier dans le développement de la coopération transversale est évoqué par un tiers
des praticiens de notre corpus. Ce rôle est incarné dans leurs discours par l’évolution de la
fonction RH vers le Human Ressources Business Partner (HRBP). Ce positionnement est
interprété comme un réel partenariat RH/Manager opérationnel. Un DRH d’un équipementier
automobiles porte cette vision auprès de ses équipes : « Moi je dis souvent à mes HRBP qu’on
51
aura réussi quand on aura des managers, des leaders opérationnels qui auront intégré la
composante RH dans leurs fonctions. » (E2). La fonction de HRBP, équipier la coopération
transversale, a pour mission de conseiller, former, accompagner le management et de ne surtout
pas faire à leur place. Derrière ce partenariat, il est en fait ici question de développer la
coopération entre les professionnels des RH et les managers opérationnels afin de porter
notamment, mais pas uniquement, les sujets de transformation organisationnelle. Cependant,
cette coopération n'est pas sans soulever des difficultés liées aux méconnaissances réciproques,
aux différences de positionnement, de langage, de culture, etc. Ainsi, les interviewés soulignent
en particulier les méconnaissances par les opérationnels des contraintes du métier de RH. « Je
trouve que cela peut poser un problème de coopération. Dans la transversalité une des
difficultés, c’est de se comprendre et le monde de la RH comme les autres mondes ont leurs
préoccupations et leur langue. La RH est souvent éloignée des autres mondes et on arrive à un
dialogue de sourd. On aurait intérêt à partager la vision RH notamment par la formation des
managers aux questions RH. » (E11). Ce point de la formation des managers sur la partie des
sujets d’expertises RH que le management doit incarner est évoqué par l’ensemble des
praticiens qui en souligne le caractère essentiel. « La fonction RH c'est une fonction support
par nature. (…) On va ainsi être simplement en support sur un certain nombre de sujets. Mais
en effet, je pense qu'on a un rôle d’influenceur, au sens en effet d’une capacité d'influence. Et
notamment à travers des RH partenaires métier (HRBP) qui doivent coacher leurs
opérationnels pour aller vers plus de transversalité, pour aller vers plus de coopération. » (E3).
Une autre difficulté évoquée par un consultant est en lien avec le caractère ambivalent de cette
démarche de coopération avec la fonction RH pour les opérationnels. « Il y a une complexité
pour la RH car les opérationnels ont besoin de la RH et en même temps la RH est embêtante.
La RH accompagne et en même temps, elle fixe des freins ou des limites à certains sujets »
(E11). Néanmoins pour ce consultant ce rôle « d’aiguillon qui vient contrarier la démarche
intellectuelle du manager » est utile et nécessaire aux managers opérationnels.
Ces praticiens identifient en particulier des sujets sur lesquels leur valeur ajoutée est forte et où
ils sont des contributeurs importants au sein de cette équipe HRBP/Manager opérationnel :
• conseil dans la définition de l’organisation et dans l’identification des opportunités et
des risques ;
• conseil du manager dans la sélection des collaborateurs, la composition et l’évaluation
des équipes ;
• gestion post-projet des compétences acquises ;
• accompagnement du changement managérial (via le coaching, la formation mais aussi
le départ et le renouvellement de managers capables de s’adapter à la transversalité) ;
• accompagnement de la transformation culturelle (via l’impulsion de nouveaux cadres
de travail : télétravail, flex office, etc.). « Les opérationnels qui savent adapter les modes
projet ou le business model se débrouillent seuls mais ils ont besoin de l’aide la RH
pour fixer un nouveau cadre de travail car ils sentent bien que les cadres anciens sont
trop contraignants et qu’ils ne peuvent les lever unilatéralement. Ils sentent bien aussi
que pour renouveler les managers, ils ne peuvent pas faire ça juste dans leur coin. Ils
ont besoin de quelqu’un sur qui s’appuyer. Sur ces deux sujets là, je sens vraiment une
impulsion très forte des RH. » Ce consultant va plus loin et partage sa conviction que
l’avenir du DRH est de se positionner comme le « chief cultural officer » car les enjeux
de l’organisation ne sont plus seulement financiers, ils sont également culturels (E9).
52
La vision du rôle d’équiper des RH s’appuie sur un double positionnement d’expert et de coach.
Un consultant pour qui la RH est avant tout une fonction support avance néanmoins que les RH
ont un rôle à prendre dans le développement de la coopération transversale et y voit in fine une
possibilité pour la fonction de regagner une certaine crédibilité dans la gestion des compétences
et des risques psychosociaux. (E7)
Quelques praticiens interrogés qui soutiennent le rôle d’équipier des RH dans la coopération
transversale émettent des réserves face aux discours autour de la prospective du DRH stratège,
leader dans la transformation organisationnelle. Une DRH d’un groupe d’assurance du Benelux
résume ces réserves en trois arguments :
• ce n’est pas à la RH de fixer les objectifs de coopération, mais bien aux opérationnels.
Mettre les RH au cœur de la culture de la coopération avec des responsabilité dans les
objectifs, le feedback etc. c’est permettre aux opérationnels de se défausser de leurs
responsabilités.
• le RH n'a pas de leçons à donner en termes de coopération transversale. Elle est prise
dans les silos comme tous les départements et devrait commencer par se désiloter elle-
même.
• la RH n'est pas positionnée dans l'organisation pour être efficiente en termes de
transformation organisationnelle (E8).
3. Leader
Aucun des praticiens rencontrés n’évoque le rôle de leader des RH dans le développement de
la coopération transversale comme étant une réalité aujourd’hui. Pour un des consultant du
corpus, il n'y pas de RH stratège car ces professionnels ne sont pas en position de codécideur
(E7). Un autre consultant va plus loin en énonçant que le DRH stratège reste une « lubie » de
chercheur (E17). Néanmoins, tous deux reconnaissent la valeur ajoutée de la RH dans la
création de lien dans l’organisation « avec un RH situé à la droite du fondateur » (E7) et
regrettent le non-positionnement en rôle de leader de la DRH, qui réduit aujourd’hui son action
pour le mieux au support des métiers et pour le pire à un agent contrariant la transformation
(E17).
Ainsi, une majorité des praticiens interrogés appellent de ses vœux une transformation de la
fonction RH dans cette direction. « La fonction RH a tout à gagner à être bien positionné au
plan stratégique au sein d'une organisation, pour ne pas être une chambre d'enregistrement,
parce que sinon franchement ça n'a aucun intérêt, aucun sens» (E3). Une consultante qui décrit
la RH plutôt comme une fonction support, précise que les RH se mêlent généralement peu de
l’organisation aujourd’hui et voit dans la recherche de coopération transversale une opportunité
pour cette fonction de se positionner comme influenceur. « Le DRH, l’équipe RH, dans ces
modèles-là, il est leader, il est soutien. Ce sont des inspirateurs en fait qui redonnent tout le
temps du sens » (E5).
Nos praticiens s’accordent pour dire que cette transformation commence par l’appropriation
pour elle-même des principes, méthodes, culture et pratiques de la coopération transversale,
que c’est au travers de l’exemplarité que les RH pourront bâtir la légitimité nécessaire pour
influencer, coacher et accompagner la transformation de la politique managériale, de la culture
et ainsi de l'organisation vers davantage de confiance, de coopération et de transversalité.
53
Concrètement, ils évoquent la nécessité de désiloter la fonction RH, c’est-à-dire de décloisonner
les professionnels de leurs BU, de leurs territoires ou de leurs expertises et de les amener à
constituer un collectif de travail qui questionnent les pratiques, mènent des projets transverses
et globaux, initient des expérimentations. C’est ce qu’un groupe industriel grâce à l’impulsion
de son nouveau DRH est en train de mener. L’expert Innovation explique que c’est toute la
fonction qui est en train de se transformer aujourd’hui pour non pas seulement porter, mais
incarner le sujet de la coopération transversale qu’ils vont être amené à promouvoir dans les
autres directions du groupe. « Une des premières choses qu’ils se sont dit c’est si on doit être
des acteurs, des facilitateurs de changement, appliquons-nous et vivons nous-même ce qu’on
va essayer de promouvoir auprès des autres. C'est juste nécessaire, mais finalement assez
malin. » (E20).
Cette vision est partagée par un DRH d’un équipementier automobiles dont la vision pour la
fonction est un rôle d’expert RH, orienté laboratoire d’innovation sociale afin anticiper les
besoins à venir en lien avec la stratégie de l’entreprise (E2). Cette vision est assez proche de
celle d’une DRH d’un groupe d’assurances français qui conçoit pour les RH un rôle
d’influenceur qui crée des objets (politiques RH) dont les opérationnels ont envie de se saisir
(tels le télétravail, la GPEC, la gestion des Talents, etc.) afin de les amener naturellement à
coopérer sans imposer cette pratique. Cette stratégie repose sur la capacité de la DRH à savoir
ne pas se mettre en avant et à privilégier le résultat plutôt que l’égo. Elle défend une posture
stratégique qui permet de construire les politiques RH qui vont servir la stratégie de
développement de la coopération transversale et de l’entreprise, tout en adoptant une posture
d’influenceur discret, qui soutient et supporte les opérationnels, les valorise dans
l’appropriation progressive de la politique RH au service de la stratégie. Ce qui lui fait dire, «
Le rôle qu’on joue dans l'accompagnement transverse et dans le développement de la
transversalité du Groupe, il se joue à travers les politiques ressources humaines » (E3).
Une DRH rappelle l’enjeu d’un positionnement plus stratégique des RH dans l'entreprise. «
Oui, la place de la RH, elle est centrale au sens où elle est décisive et stratégique à un moment
où l’humain, l’employabilité, l’évolutivité et la survie des boîtes qui réussiront à être dans plus
de flexibilité et d’agilité est en jeu. » Mais cette dimension stratégique clé doit être portée par
tous, pas seulement les RH (E8). Ainsi, elle plaide pour un comité de direction qui coopère
plutôt qu’en la mise en avant d’un leader charismatique, d’un surhomme, qui aurait à lui seul
la responsabilité de la vision, de la construction de la stratégie et de la compréhension de
l’environnement complexe et incertain d’aujourd’hui. Ce point de vue est repris par un
consultant qui appelle le RH à ne pas se centrer sur les aspects transactionnels déjà en œuvre et
à se contenter d’accompagner des restructurations, mais bien à faire évoluer les modes de
fonctionnement, vers des questions stratégiques. Selon lui, cela passe par la nécessaire mise en
place de la fonction de coach d’organisation, quand bien même le RH est partie prenante, afin
de faire évoluer les modes de fonctionnement. Pour ce faire, il projette le DRH en coach de
l’équipe de direction et du management supérieur, avant même d’être le coach de l’organisation,
afin que ces échelons se dirigent plus par l’exemplarité que par les process (E9).
54
Une DRH de l’agro-alimentaire confirme que ce rôle n'est pas naturel et que certains RH sont
plus enclins à s'y orienter en individuel (Cf. DRH coach des individus). Elle prône cependant
une orientation définitivement collective et encourage la fonction à se positionner en DRH
coach de l'intelligence collective. « Moi je milite pour le RH intelligence collective et je pense
que c’est son rôle de demain » (E14). Selon elle, c'est ainsi que la fonction RH pourra construire
un rôle d’influence auprès des directions et des managers pour convaincre de ce chemin et du
fait que les individus demandent intrinsèquement à faire confiance et à coopérer.
Ces politiques sont généralement bien connues des directions des ressources humaines. Pour
autant, leur action s’inscrit trop souvent dans une culture inspirée des organisations tayloristes
nécessitant d’en repenser les fondements si l’on souhaite développer une réelle coopération
transversale.
Nous proposerons pour chacune de ces politiques de développer des pistes de réflexion qui
permettraient aux directions des ressources humaines d’œuvrer en ce sens.
55
Si la coopération transversale est souvent évocatrice d’une évolution des relations
interpersonnelles entre les différents acteurs de l’entreprise, les conditions de son succès
tiennent aussi à une évolution de la culture et de l’organisation de l’entreprise, elles-mêmes
dépendantes de l’impulsion qui sera donnée par le sommet hiérarchique de l’organisation. En
effet, la coopération transverse requiert autonomie des acteurs et délégation du sommet
stratégique mais aussi de la ligne hiérarchique au profit du centre opérationnel notamment.
Deux aspects qui ne peuvent être décidés à la base de l’organisation et qui seront
nécessairement approuvés par le sommet hiérarchique en considération de la redistribution du
pouvoir que cela implique. En outre, la coopération transversale ne pourra se développer que
« si la direction accepte que des équipes projets autonomes fonctionnent sur un mode
incrémental avec un projet fragmenté selon des cycles itératifs » (Dejoux et Léon 2018, 43).
Cette problématique a été mise en évidence dans différents travaux démontrant la nécessaire
cohérence entre structure organisationnelle et convention ressources humaines (Pichault et
Nizet 2013, 117). Un Directeur des ressources humaines interrogé a confirmé ce lien entre
organisation et convention ressources humaines en posant que « la coopération n’est pas une
question de qualité, de compétences des gens, c’est bien plus large. Ceux qui ont ces qualités
risquent de s’épuiser si l’organisation ne s’ajuste pas » (E8).
Les différentes interviews réalisées dans le cadre de cette étude ont fait apparaître que la
coopération transversale ne remettait pas en cause l’existence de la hiérarchie et de la ligne
managériale mais seulement le rôle de celle-ci. En effet, la coopération transversale décrite par
les professionnels interrogés s’inscrit dans la mise en place d'îlots de coopération transverse qui
prennent place dans une organisation plus globale intégrant une dimension managériale
hiérarchique. Cette analyse recoupe celle d’auteurs qui se sont interrogés sur le devenir du
management dans ce contexte et qui retiennent que « si certains prédisent déjà la disparition
du rôle du manager remplacé à terme par l’intelligence artificielle ou les nouvelles
organisations du travail telles que l’holacratie ou l’entreprise libérée, la réalité présente et
l’avenir proche en sont bien loin » (Loisel et Vivier 2020, 1263). Cette configuration pourrait
être qualifiée globalement d’hybride car associant différents types de configurations en fonction
du niveau organisationnel.
Si reprenons la représentation graphique des cinq parties de base de l’organisation telles que
représentées par Mintzberg (Mintzberg 1982, 37), le lien entre sommet stratégique, centre
opérationnel, technostructure et fonctions supports est majoritairement assuré par la ligne
hiérarchique. Cette représentation graphique démontre que la transversalité recherchée au
niveau du sommet stratégique ne pourra prospérer ni se diffuser si la ligne hiérarchique n’en
permet pas la diffusion vers les différentes parties de l’organisation.
Si la ligne hiérarchique apparaît bien comme un élément central permettant de diffuser cette
organisation et cette culture de transversalité, il nous faut examiner les raisons justifiant pour
la fonction ressources humaines la nécessité d’accompagner cette transition.
56
des postures et pratiques managériales et par une évolution des relations interpersonnelles et
intra-organisationnelles. C’est un véritable changement de culture organisationnelle et
systémique qu’il conviendra d’accompagner (Autissier et al. 2018, 305). Cette mutation
emportera non seulement une évolution des fondements même de l’autorité managériale mais
aussi l’acquisition de nouvelles compétences ou bien de l’appréhension de nouvelles formes de
management (management à distance ou management non hiérarchique par exemple). Autant
de domaines présents dans le champ de compétence naturel de la fonction ressources humaines.
Faute d’être accompagnée, la diffusion de la coopération transversale pourra être freinée voire
totalement empêchée. Certains n’y verront qu’une résistance au changement alors qu’en réalité
il ne s’agira que d’un défaut d’accompagnement ne permettant pas aux managers de l’entreprise
de percevoir le bénéfice individuel et collectif pouvant résulter d’une telle organisation.
Face à une pratique managériale ancrée, la mise en dynamique de la ligne managériale donnera
lieu dans un premier temps à une action visant à expliciter le sens de l’évolution envisagée et
dans un second temps à clarifier le positionnement des managers dans l’organisation envisagée.
Lors de l’élaboration du plan d’accompagnement des managers pour déployer une organisation
plus coopérante et plus transversale, la direction des ressources humaines portera une attention
particulière au sens attaché à cette évolution. Contrairement à une idée répandue, les jeunes
générations ne sont pas les seules à exiger du sens dans leurs actions et leur engagement. En
effet, « ce sont tous les citoyens et travailleurs qui attendent désormais eux aussi une nouvelle
vision et un sens à leur travail et leur mode de vie » (Loisel et Vivier 2020, 351). Il conviendra
donc de mettre en exergue l’ensemble des facteurs internes et externes justifiant cette évolution
organisationnelle et de se détacher des effets de « mode organisationnelle » qui ne reposeraient
pas sur une approche raisonnée des éventuelles évolutions des organisations. Cette étape sera
d’autant plus importante que l’organisation concernée se situerait dans un secteur d’activité
jusqu’alors protégé des soubresauts résultant d’une concurrence accrue, d’un environnement
réglementaire ou politique évolutif par exemple. Dans de telles configurations, l’adaptation des
modèles organisationnels et managériaux sont peu fréquents et nécessitent donc un
accompagnement renforcé pour en faciliter l’appropriation dans un premier temps et la
diffusion dans un second temps.
Force est de constater qu’à l’occasion des entretiens réalisés pour cette étude, cette étape
préalable d’explication des buts recherchés par ce type d’organisation n’a été que peu évoquée
par les professionnels des ressources humaines alors que certains consultants ont bien souligné
que ces pratiques de coopération transversale ne pouvaient prospérer que dans l’hypothèse où
les acteurs de l’organisation y trouvaient un intérêt propre. Or comment est-il possible de
trouver son intérêt dans une démarche si l’on n’en perçoit pas le sens et que la première
perception de cette évolution est une potentielle remise en cause de sa place dans l’entreprise ?
Pour répondre à cette problématique, la direction des ressources humaines devra s’assurer que
l’ensemble des éléments permettant l’appropriation des raisons justifiant cette évolution sont
bien diffusées et comprises au niveau des managers qui pourront ainsi les retransmettre au
niveau de leurs équipes respectives sans risque de dénaturation. Cette démarche pourra prendre
57
la forme de séminaires avec la direction de l’entreprise en vue d’expliquer les orientations
retenues mais aussi la forme de diffusions d’analyses plus opérationnelles ou stratégiques
permettant aux différents managers de disposer d’éléments plus objectifs justifiant l’évolution
des pratiques de l’organisation. Pour illustrer, nous pouvons retenir la possibilité
d’interventions des directions marketing permettant d’appréhender les évolutions du marché et
le positionnement de l’entreprise face à ses concurrents. Dans le même ordre d’idées des
directions techniques peuvent aussi faire un état du portefeuille produits ou des technologies
maîtrisées en vue de souligner les besoins de renouvellement, d’innovation… Autant de points
qui permettront d’expliquer à tous les niveaux de l’entreprise que la mise en mouvement est
nécessaire à une adaptation dans un monde VUCA.
Des groupes importants dans le secteur de l’industrie de la défense ont intégré cette démarche
pour accompagner leur transformation. Lors de la négociation d’un accord de gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences, la direction et les partenaires sociaux d’un
groupe industriel important avaient élaboré un dispositif permettant de fournir à l’ensemble des
acteurs de l’entreprise des clefs de lecture de la transformation envisagée. Dans ce cas
particulier, la ligne managériale était dotée d’importantes ressources permettant d’une part, de
s’approprier les raisons de la transformation (rupture technologique et évolution du modèle
économique pour répondre à la concurrence) et d’autre part, d’expliquer et d’accompagner la
transformation envisagée au plus près des équipes. Les équipes de la direction des ressources
humaines constituaient des éléments importants dans la démarche. Cela prenait corps non
seulement lors de la construction du dispositif avec les partenaires sociaux mais aussi dans
l’animation de la communication auprès des équipes par le manager et enfin par
l’accompagnement des collaborateurs à la suite de ces annonces d’évolution organisationnelle.
En synthèse, la DRH était donc concepteur du dispositif mais aussi soutien des managers dans
son déploiement.
Si cette démarche est ambitieuse, elle ne pourra être soutenue que par des acteurs disposant des
outils de compréhension du contexte et de la trajectoire suivie mais aussi sécurisés sur leur
devenir au terme de la transformation. C’est pourquoi, en parallèle de cet aspect de
l’accompagnement, la DRH doit travailler à clarifier le rôle et le positionnement du
management.
58
Sur le plan méthodologique, il apparaît clairement que la seule analyse des organigrammes ne
peut suffire à une compréhension exhaustive des jeux de pouvoirs dans une organisation
donnée. En effet, seule la structure apparaît dans ce type de représentation mais elle ne fait en
rien état de l’organisation qui se révèle par l’analyse stratégique de cet ensemble (Crozier et
Friedberg 1977; Dupuy 2011). Des outils d’analyse tels que les sociogrammes pourront se
trouver mobilisés en vue d’identifier les relations entre les différents individus permettant ainsi
d’y définir avec précision la sphère d’influence du manager mais aussi, les interactions qu’il
aura à gérer, les ressources dont il dispose. Cette approche permettra d’identifier pour
l’ensemble des gestionnaires de l’organisation, ceux dont le pouvoir, la zone d’influence ou
même le positionnement dans une organisation seraient affectés.
La mise en œuvre d’un changement organisationnel de cette nature peut aussi conduire à ce que
les managers considèrent leur position menacée et à ce qu’ils adoptent une posture défensive
liée à un sentiment d’insécurité. Cette perception de la menace peut résulter de la perte
d’appartenance à un groupe ou bien de toute ou partie des responsabilités antérieures (Ghadiri
2014, 38). Cette mise en cause identitaire résultant de la perte de zones de pouvoir pourra de
surcroît, si elle n’est pas accompagnée correctement, conduire à une détérioration de la
confiance organisationnelle dont les managers peuvent faire preuve (Frimouse et Peretti 2014,
84).
Les plans d’action destinés à accompagner cette évolution seront de différentes natures selon
les situations et impliqueront pleinement le positionnement de la fonction ressources humaines
comme acteur central de la transformation. Dans tous les cas, une étude d’impact de la
transformation sera effectuée visant à mesurer pour l’ensemble des managers les évolutions de
périmètre induites par ce changement, la perte d’influence ou de ressources que cela pourrait
avoir. Une fois ce diagnostic effectué, le rôle du manager devra être rappelé en soulignant son
rôle déterminant dans la conduite de la transformation, les moyens dont il dispose et sa sphère
d’influence. Lors de l’élaboration de ces plans d’actions, la direction des ressources humaines
pourrait aussi avoir à accompagner un repositionnement de certains collaborateurs qui ne
souhaiteraient ou ne pourraient participer à ce nouveau projet. Ce repositionnement pourra
prendre la forme de formations, de mobilités internes. Dans certains cas, des départs de
l’organisation pourront être envisagés dès lors que les compétences ou appétences des managers
concernés s’avèreraient trop éloignées du modèle organisationnel retenu. Sur ce point
particulier un consultant interviewé a souligné l’importance du rôle joué par les ressources
humaines en indiquant que : « Les opérationnels qui savent adapter les modes projet ou le
business model se débrouillent seuls mais ils ont besoin de l’aide la RH pour fixer un nouveau
cadre de travail car ils sentent bien que les cadres anciens sont trop contraignants et qu’ils ne
peuvent les lever unilatéralement. Ils sentent bien aussi que pour renouveler les managers, ils
ne peuvent pas faire ça juste dans leur coin. Ils ont besoin de quelqu’un sur qui s’appuyer. Sur
ces deux sujets là, je sens vraiment une impulsion très forte des RH » (E11).
59
Si cette démarche est conduite à son terme, le manager dispose alors du sens et des bénéfices
attendus de la transformation engagée et il disposera aussi d’une vision claire de sa place dans
l’organisation future. A défaut d’opérer cette clarification, d’importants dysfonctionnements
pourront apparaître dans l’organisation, notamment dûs à la superposition de deux modèles
organisationnels (Larose et Corriveau 2009, 18).
Passé ces étapes cruciales, la direction des ressources humaines pourra se consacrer à un autre
chantier important pour l’enracinement de la coopération transversale. Il s’agira d’accompagner
le type de management qui devra nécessairement évoluer dans ce nouveau contexte.
3. Du commandement au leadership
Dans une organisation mécaniste, le pouvoir managérial se trouve étroitement lié à la notion de
subordination telle que retenue dans le code du travail19. La coopération transverse conduit donc
à une remise en cause partielle d’un management directif largement bâti sur le pouvoir
hiérarchique et la prescription. Cette différence entre les deux types de management a été
identifiée par différents auteurs, qui ont affirmé que « le manager d’équipe est gestionnaire
d’un groupe sur lequel il dispose d’un pouvoir hiérarchique, le manager transversal n’a pas
ce pouvoir » (Lemonnier 2015, 535). « Ce dernier, faute de disposer de ce fameux pouvoir
hiérarchique, doit convaincre, justifier, concerter, négocier… » (Lemonnier 2015, 542).
Ce changement de posture managériale justifiera un rôle actif de la DRH qui devra positionner
en situation de management des salariés disposant de compétences non seulement techniques
mais aussi comportementales spécifiques. Dans un modèle voulant favoriser la coopération
transversale plus que dans tout autre modèle, la promotion à des fonctions de management de
collaborateurs disposant de seules compétences techniques devra être remise en cause alors que
cette pratique est encore courante dans bon nombre d’organisations faute de savoir valoriser la
compétence technique par rapport à la compétence managériale et d’associer des perspectives
de développement de carrière satisfaisante pour l’ensemble des collaborateurs. Certains
19
« Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le
pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements
de son subordonné. » Cass. Soc. 13 novembre 1996, n°94-13187, BC V, n°386
60
directeurs des ressources humaines interrogés ont souligné « l’importance de recruter des
managers câblés pour l’organisation responsabilisante, dotés des soft skills nécessaires à la
coopération » (E2). En précisant que l’intelligence artificielle pourra remplacer les hard skills
mais pas les soft skills.
Outre ces actions de formation visant les aspects organisationnels, la direction des ressources
humaines veillera à ce que la politique et les processus dont elle a la responsabilité et qu’elle
devra adapter dans ce nouveau cadre, comme nous le verrons plus loin, fasse aussi l’objet de
formations spécifiques. Cette action nous semble particulièrement nécessaire dans une
perspective d’alignement de l’organisation et des conventions ressources humaines.
Si les entreprises de taille importante avec des organisations RH structurées telles qu’un éditeur
de logiciels l’ont mis en place des dispositifs d’accompagnement des managers ainsi que cela
a pu être évoqué lors des entretiens réalisés à l’occasion de ce mémoire (E4), les PME semblent
ne pas toutes avoir intégré la nécessité de se doter de pratiques de gestion des ressources
humaines suffisamment robustes en ce domaine (Payre 2017, 36). C’est à n’en pas douter un
axe d’amélioration qui pourrait être développé.
Préconisations
61
o Actions de formation permettant d’appréhender le fonctionnement des organisations
mises en place (agile, projet …) pour assurer la bonne compréhension par le
manager des modalités de réalisation du travail des salariés ;
o Actions de formation en direction des managers visant à développer leur capacité à
déléguer et à soutenir leur collaborateurs mais aussi à développer la subsidiarité ;
o Actions de formation aux processus ressources humaines repensés dans ce nouveau
design organisationnel (évaluation, gestion des compétences et rémunération
notamment) ;
o Repositionnement éventuel des managers en place ne pouvant être projetés dans
cette nouvelle organisation laquelle peut conduire dans certains cas à la rupture des
liens contractuels avec l'entreprise.
Les nouvelles organisations du travail nécessitent d’adapter les pratiques de gestion des
ressources humaines. De ce fait, la gestion des ressources humaines devra se trouver repensée
ainsi que cela a été démontré par différentes études (Larose et Corriveau 2009, 16). Malgré ce
constat, la gestion des ressources humaines peine à se réinventer : « on a un système social qui
cherche à se stabiliser, à se pérenniser, à se reproduire selon des identités qui se nomment
métiers, qualification, hiérarchie, carrière » (Larose et Corriveau 2009, 18) soit un ensemble
d’éléments constitutifs d’un environnement formel et orienté vers l’individu alors qu’il devrait
intégrer une dimension collective nécessaire à la coopération transversale. Allant au-delà de
cette vision donnant une part majeure au collectif, un consultant spécialiste des ressources
humaines considère que « tous les gros dispositifs RH qui construisent la politique ressources
humaines doivent être faits dans une approche globale non pas direction par direction » (E2).
Pour illustrer son propos, il évoque ainsi l’intérêt de se doter d’un plan partagé transverse de
recrutement annuel afin de servir la stratégie de l’entreprise. Si cette évolution souhaitable des
processus « ressources humaines » est globalement soulignée, il apparaît que certains
opérationnels sont encore en attente d’une réelle transformation et ils relèvent que les
principaux processus des ressources humaines intègrent peu cette transversalité. Un directeur
de projet nous a ainsi livré que selon lui, « la RH n’en a pas tiré les enseignements et ne
s’applique pas ces évolutions. Si l’on prend l’exemple des entretiens, il y a un côté artificiel.
On a encore des NAO, des entretiens, des recrutements avec des process très traditionnels alors
que finalement ça devient de plus en plus décalé avec la réalité et les besoins. Et ce n’est pas
remis en cause car ce ne sont pas des process qui gênent. Les opérationnels ont appris à vivre
avec ou à faire sans. C’est un peu triste mais ça tourne à vide. Les process deviennent désuets
et n’ont pas beaucoup de sens » (E11). Il ira même plus loin considérant que « sur les process
structurants, il n’y a pas de réflexion. C’est très net sur les processus d’entretien ou de
négociation comme pour les mobilités ».
Dans les développements suivants, nous étudierons les éléments de la politique ressources
humaines devant prioritairement faire l’objet d’une adaptation en vue de développer la
coopération transversale.
62
1. La constitution des équipes transversales
Parmi l’ensemble des processus de ressources humaines mis en œuvre au sein de l’entreprise,
la phase de recrutement nous apparaît comme étant un moyen de favoriser la coopération
transversale. Dans un contexte d’organisation privilégiant ce type de coopération transversale,
une attention particulière devra être portée sur les compétences des différents profils. Nous
envisagerons dans un premier temps les spécificités liées aux compétences des candidats
recrutés notamment à l’externe et dans un deuxième temps l’intégration des salariés déjà présent
dans l’entreprise à des équipes ou des projets fonctionnant en transversal. Enfin, nous
aborderons la question de la socialisation des salariés dans un contexte de coopération
transversale.
a) Le recrutement externe
63
Chacune de ces dimensions permettra de caractériser des dimensions de personnalité telles que
l’extraversion, la stabilité émotionnelle, la tolérance, la coopération etc. En complément de ces
tests, un examen du parcours professionnel et des expériences de transversalité vécues pourront
aussi faire l’objet d’investigations particulières à l’occasion d’un entretien de recrutement. Cela
permettra non seulement de vérifier la connaissance que le candidat peut avoir de ces
organisations transversales mais aussi de tester son aisance à évoluer dans de tels
environnements.
Conscientes des spécificités que présente le travail dans un contexte de transversalité, certaines
entreprises ont développé de longue date des stratégies de recrutement spécifiques. Ainsi,
l’entreprise Oxylane a pris le parti depuis près de 40 ans de recruter « plus des personnalités
que des expériences ou des compétences spécifiques parce que si on sait faire quelques chose
mais qu’on fait un métier qui n’a rien à voir après, si on n’a pas les qualités pour s’adapter à
ces changement là … » (Dechamp et Delaunay 2016, 48). Cette ouverture au recrutement de
salariés aux parcours dits atypiques pourra aussi être complétée par l’intégration de profils ayant
une double formation (technique et finance par exemple) qui viendront en complément de
profils très spécialisés (Dechamp et Delaunay 2016, 52). Cette capacité à comprendre deux
disciplines et à intégrer les problématiques diversifiées peut démontrer une certaine ouverture
d’esprit, qualité nécessaire à la coopération transversale. Cette approche du recrutement
conduira les équipes ressources humaines à reconsidérer une partie de leurs critères de sélection
des candidats dans la mesure où la compréhension de la personnalité sera un élément central du
choix final. De ce fait, l’affirmation faite par certains selon laquelle « par convention, la plupart
des candidats mentionnent leurs loisirs ou centres d’intérêts, cela n’a aucune importance dans
la présélection » (de Falco 2016, 47) devra être nuancée. Les éléments extraprofessionnels
pourront en réalité éclairer le recruteur sur des capacités personnelles mobilisables dans le
contexte professionnel.
Toutefois, si le diplôme ne peut être l’unique critère de sélection comme nous venons de
l’indiquer précédemment, il n’en reste pas moins un marqueur fort des aptitudes générales dont
disposerait l’individu à progresser dans des situations nouvelles (Segrestin 2004, 113). Un
64
directeur des ressources humaines interrogé a évoqué cette capacité à apprendre en en
soulignant toutefois les limites : « dans un monde VUCA il est très difficile d’anticiper donc on
favorise la capacité à apprendre, mais cela a ses limites. Tout le monde ne change pas de métier
comme ça » (E8).
Critiquer cette pratique des méthodes de recrutement actuel ne suffit pas. La fonction
Ressources Humaines devra déployer des méthodes permettant de diversifier les profils
sélectionnés lors de recrutements. Pour ce faire, plusieurs actions pourront être envisagées :
• diffuser largement les offres d’emploi de façon à ce que des profils très différents
puissent en prendre connaissance et postuler quand bien même ils ne seraient pas issus
de la formation académique « naturelle » pour occuper ce poste. Les facilités actuelles
de diffusions des offres d’emploi telles qu’elles sont offertes par les réseaux sociaux
notamment permettent aujourd’hui de toucher le plus grand nombre. La simple
recherche dans un annuaire des anciens élèves d’une école dispensant les enseignements
nécessaires à l’acquisition du bagage technique nécessaire pour occuper le poste à
pourvoir risque de priver le recruteur de profils intéressants ;
• associer des opérationnels au processus de recrutement (Larose et Corriveau 2009, 16) :
des professionnels du métier dont relève le poste qu’il convient de pourvoir pourront
voir dans des profils atypiques des connexions possibles entre le profil recherché et le
profil proposé alors que certains représentants de la fonction ressources humaines auront
tendance à se focaliser sur des profils plus évidents en terme d’adéquation entre le
parcours et le poste à pourvoir. Un directeur des ressources humaines interrogé dans le
cadre de ce mémoire a poussé ce raisonnement plus loin en proposant d’associer au
processus, les pairs éventuels de la personne en cours de recrutement (E14) ;
• favoriser l’audace des fonctions ressources humaines : alors même que les processus de
recrutement sont coûteux et présentent des risques en cas d’erreur, les professionnels du
recrutement doivent être accoutumés à une certaine prise de risque dans les propositions
de candidats qu’ils feront aux managers recruteurs. Les personnes chargées du
recrutement doivent s’autoriser à présenter des candidats atypiques dont la personnalité
ou un élément du profil a retenu leur attention et permet de penser qu’ils seront en
capacité d’occuper telle ou telle fonction.
L’ensemble de ces éléments doit conduire à favoriser la diversité dans les équipes et à
développer la coopération transversale non seulement dans le processus de recrutement qui peut
mêler ressources humaines et opérationnels mais aussi dans les équipes dont les profils variés
nécessiteront de tous de s’acculturer à des disciplines et des approches diversifiées et donc à
une plus large ouverture d’esprit et de savoirs.
Si une attention particulière doit être apportée au recrutement de salariés rejoignant une
organisation souhaitant promouvoir la transversalité, la question de la constitution des équipes
transverses constituées de salariés déjà présents dans l’entreprise devra aussi faire l’objet d’un
soin particulier pour laquelle, la direction des ressources humaines aura une valeur ajoutée
certaine.
65
Préconisations
• Réviser les critères de sélection des candidats aux offres à pourvoir dans l’entreprise en
valorisant :
o Les personnalités et les expériences atypiques y compris pour certains éléments
non professionnels ;
o La diversité de profils en évitant le « clonage » lié au diplôme, aux postes et
entreprises antérieurement occupés.
• Favoriser les interactions entre les ressources humaines et le management opérationnel
pour le recrutement des collaborateurs.
Les organisations mettant en jeu la coopération transversale peuvent être confrontées à des
situations de recomposition périodique des équipes de travail ou bien à des évolutions
permanentes des connexions entre différentes personnes de l’organisation. C’est le cas des
équipes projets mais aussi dans les situations de fonctionnement agile par exemple. La
constitution de ces collectifs de travail devra faire l’objet d’une attention particulière. En effet,
un avantage important peut être tiré de cette pratique comme le souligne certains auteurs : « le
mode projet d’une part, et la rotation des individus d’autre part, conduisent à renforcer les
interactions, les transferts et les apprentissages croisés » (Defelix et al. 2014, 45). La
constitution d’équipes transversales vient en complément de la mobilité verticale dans
l’entreprise et contribue au développement des salariés et leur employabilité. Cette
employabilité s’est transformée sous l’influence de la coopération transversale car cette
dernière offre un décloisonnement, une meilleure compréhension des contraintes et enjeux des
autres, une meilleure connaissance de l’ensemble des fonctions de l’entreprise. Il insiste sur la
meilleure gestion globale que ce regard ouvre et cette coopération permettent car ainsi chacun
peut tenir compte des contraintes des autres et les intégrer dans son activité (E2).
Dans de nombreux cas, la constitution de ces équipes plus ou moins éphémères se réalisera par
la mobilisation de salariés déjà présents dans l’entreprise qui ne peut s’assimiler à un
recrutement externe, quand bien même l’enjeu serait de mettre en présence des compétences
pour la réalisation d’un objectif unique et commun.
En plus de cette vérification, les équipes ressources humaines pourraient, dès lors qu’elles sont
dotées des outils de pilotage nécessaires, à l’image du passeport formation créé par l’accord
national interprofessionnel du 5 décembre 2003 (Accord national interprofessionnel relatif à
66
l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle 2003, 9) proposer des
candidats internes disposant de meilleures aptitudes à la réalisation du projet ou bien des
candidats de valeur identique à ceux pressentis, en vue d’assurer un renouveau des équipes et
de mises en situation dans des environnements inédits. Cette pratique aura non seulement des
avantages pour la constitution des équipes mais permettra aussi de favoriser les mobilités
internes. Ces mobilités pourront participer au développement des compétences des salariés par
la diversité de leurs expériences mais aussi favoriser leur fidélisation en offrant des possibilités
de parcours professionnels en interne.
Cet objectif de mélange régulier des équipes, même s’il présente un intérêt pour l’ensemble de
l’entreprise sur le long terme car il multiplie les interactions entre ses membres pourrait se voir
contrarié par certains managers dans la mesure où les équipes temporaires ainsi constituées
auront besoin d’un temps plus long de socialisation entre leurs membres. Cette éventuelle
opposition de la part de certains managers devra toutefois être dépassée. En effet, ce mélange
régulier des équipes constituera très certainement un terreau propice à l'innovation grâce à
une remise en cause du développement d'une identité collective propre susceptible de
déboucher sur un certain conformisme (Scharnitzky 2018, 28). La direction des ressources
humaines devra s’interroger sur la fréquence du brassage des équipes pour recherche le meilleur
rythme. D’un point de vue ressources humaines, un outillage adapté devra être mis à disposition
permettant de retracer avec précision les missions sur lesquelles les collaborateurs ont été
affectés mais aussi les compétences qu’ils ont pu développer à cette occasion. La question des
systèmes d’informations et de la qualité des données qu’ils contiennent sera donc essentielle au
soutien de cette démarche.
Pour le collaborateur, le fait d’être soumis à une nouvelle procédure de sélection alors qu’il est
salarié de l’entreprise pourrait se montrer déstabilisante. Il conviendra ainsi d’apporter une
attention particulière à la mise en œuvre de cette démarche dans la mesure où certains pourraient
l’interpréter comme un acte de défiance et un manque de confiance envers les salariés présents
dans l’entreprise. Pour éviter cet écueil, la DRH devra bien faire apparaître en quoi cette
démarche s’inscrit dans une recherche d’efficacité pour l’organisation et de développement des
compétences des collaborateurs de l’entreprise.
67
Préconisations
• Déployer un outil de suivi des missions, projets et des expériences auxquels ont
participé les salariés en vue de constituer une base de données des compétences
présentes dans l’entreprise ;
• Acculturer les différentes composantes de l’entreprise à la reconfiguration permanente
des équipes en mettant en avant les risques liés à une trop grande stabilité des équipes
et aux développements potentiels des salariés mis en contact avec de nouveaux projets,
collègues ou méthodes ;
• Mettre en place un entretien de bilan au terme des projets ou missions permettant de
capitaliser sur les compétences acquises.
Dans une situation de recomposition régulière des équipes et des relations entre individus de
l’organisation, les liens entre les membres du groupe doivent être renforcés pour favoriser cette
collaboration transversale (Scharnitzky 2018, 54). Dans ce contexte particulier, la question de
la socialisation doit être posée en vue de s’assurer de la performance de l’ensemble.
La définition précitée d’Edgar Schein vise expressément deux niveaux de socialisation que sont
l’individu dans son ensemble (l’entreprise) et ses sous-unités (équipes, services,
départements…). La coopération transverse semble devoir conduire à limiter les actions visant
à développer la socialisation organisationnelle au niveau de l’entreprise aux seules questions
des valeurs et de la culture ou de l’environnement de l’organisation. Les comportements
attendus ou bien les modes de fonctionnement pourront être posés dans les grandes lignes sans
toutefois s’inscrire dans un niveau prescriptif marqué au niveau des sous-unités
organisationnelles.
Faute de respecter ce principe, les risques seraient grands de ne pas laisser aux sous-unités
organisationnelles l’autonomie ou la latitude d’organisation suffisante pour qu’elles puissent
68
répondre pleinement aux bénéfices attendus de la coopération transversale. Si l’on considère
le processus d’innovation dont il a été démontré que « l’innovation se trouve en conflit avec
l’ordre établi, et avec les tenants de la norme » (Alter 2010, 25) il apparaît clairement qu’une
socialisation trop prescriptive serait contre-productive dans un tel environnement. Dans le
même ouvrage, Norbert Alter précisait que même dans ce cadre, « les acteurs de l’innovations
savent composer avec les institutions établies » (Alter 2010, 25), ce qui permettra donc
d’assurer une cohérence au niveau de l’organisation sans « brider » l’énergie créatrice des
individus ou des équipes fonctionnant dans un cadre de transversalité. Schein s’était déjà
prononcé sur cette question considérant qu’un équilibre devait s’établir entre non-conformité
et extra-conformité. « La situation idéale est d’aboutir à un individualisme créatif consistant à
accepter seulement les valeurs essentielles et à conserver son individualité au sein de
l’organisation » (Delobbe, Rojot, et El Akremi 2009, 276).
20
Traduction : copain. Cette notion de « buddy » peut s’apparenter à celle de facilitateur. Le buddy permet de
s’intégrer dans la vie de l’entreprise en facilitant la découverte de ses aspects pratiques (restauration, comité
d’entreprise, tissus associatif..) sans lien avec l’organisation ni les métiers exercés.
21
La question de la socialisation secondaire a été développée par Claude Dubar qui l’associe étroitement à la
notion d’identité. Pour Dubar, « L’identité est le produit de ses socialisations successives. » (Dubar 2015, 15).
S’agissant de la socialisation secondaire, elle peut être en partie définie comme l’« intériorisation de sous-modes
institutionnels spécialisés et l’acquisition de savoirs spécifiques et de rôles directement ou indirectement enracinés
dans la division du travail » (Dubar 2015, 95). De même, Dubar précise que « la question de la socialisation
secondaire devient un problème essentiel posé par la transformation du travail, des savoirs et des rapports
sociaux. Elle n’est plus liée aux ratés de la socialisation primaire mais aux pressions exercées sur les individus
pour modifier leurs identités et les rendre compatibles avec les changements en cours. La construction d’un
appareil de socialisation secondaire efficace devient alors un enjeu essentiel de réussite du processus de
changement social » (Dubar 2015, 97).
69
La question de la socialisation des collaborateurs est peu associée par les professionnels au
développement de la coopération dans les organisations. Lors des entretiens réalisés seuls deux
directeurs des ressources humaines ont évoqué l’intégration sans toutefois que le processus soit
réellement perçu comme un élément favorisant la transversalité. L’un d’eux a précisé que
l’intégration était conduite indifféremment par les ressources humaines et les managers (E4).
Le deuxième, pourtant très expérimenté et exerçant dans un groupe complexe, y voit un
processus de compréhension de la culture du groupe et de ses pratiques sans toutefois évoquer
explicitement le développement de la coopération du fait de la socialisation (E15). Ces
témoignages démontrent qu’il existe un champ d’actions que les ressources humaines peuvent
s’approprier, visant à utiliser la phase de socialisation comme élément favorisant la coopération.
Préconisations
Le développement des compétences des salariés est un enjeu majeur dans une organisation
destinée à répondre à un environnement évolutif et complexe tel que peut l’être une organisation
fondée sur la coopération transversale. Parmi les rôles essentiels dévolus aux ressources
humaines, le développement des collaborateurs sur des horizons de moyen ou long terme sera
déterminant en vue de l’acquisition ou du maintien de l’avantage concurrentiel que
l’organisation pourrait avoir ou bien qu’elle pourra chercher à obtenir. A cet effet, deux voies
pourront être explorées dans le domaine des ressources humaines. Il s’agit d’une part, de la
formation et d’autre part, du développement d’une organisation de type apprenante. Ce sont ces
deux axes que nous allons maintenant préciser après avoir examiné les problématiques
spécifiques au développement des compétences dans un contexte de coopération transversale.
S’agissant de la temporalité tout d’abord, il peut être retenu que le développement d’une
compétence s’inscrit dans un temps plus ou moins long mais qu’il est rarement associé à
l’immédiateté d’une action. Ainsi, le développement d’une compétence passe par des phases
d’acquisition et de consolidation. Cette temporalité nécessaire à l’acquisition d’une compétence
peut apparaître incompatible avec les organisations prônant la coopération transversale qui
70
visent à l’inverse à développer la réactivité face à un environnement évolutif (Loufrani-Fedida
2011, 26). Ainsi, nombre d’organisations transversales s’inscrivant dans un contexte d’urgence
ne favorisent pas, par exemple, la mise en place de parcours de formation ni de transferts de
compétences entre salariés.
Une autre problématique se pose en matière de conciliation entre la gestion des compétences et
la gestion des organisations transversales. Il s’agit de la finalité des deux démarches. Que nous
soyons soit dans une organisation agile soit, dans un mode projet, l’objectif de cette
configuration est de résoudre un problème ou de délivrer un produit dans des délais courts
répondant ainsi aux exigences d’un environnement concurrentiel. Cette logique est différente
de celle présidant à la gestion des compétences qui tend à préparer à l’avenir et à développer le
champ des compétences des collaborateurs en vue de procurer à l’entreprise un avantage
concurrentiel durable.
Par ces quelques lignes nous illustrons la difficulté réelle existant à combiner développement
des compétences et coopération transverse. Pour faire face à ces problématiques, la mise en
œuvre de la formation selon de nouvelles méthodes devra être portée par la DRH mais plus
encore, cette fonction devra contribuer à rendre effective une organisation portant en elle-même
le développement des salariés et par voie de conséquence leurs compétences.
Les DRH, dans ce cadre nouveau, doivent adapter les parcours apprenants tant du point de vue
de leur contenu que de leurs modalités de suivi.
Dans une organisation favorisant la coopération transversale, les compétences liées au métier
et au savoir-faire demeurent bien entendu fondamentales pour prétendre s’intégrer dans une
organisation. Pour autant, le développement des organisations favorisant la transversalité a
conduit à rééquilibrer les besoins en matière de formation, entre celles qui portent des
compétences de savoir-faire et celles qui portent sur les savoir-être et sur des aspects plus
comportementaux des individus. Du développement des qualifications, la formation doit viser
maintenant le développement des compétences.
De même, les formations souvent à destination de l’individu devront être réorientées vers le
collectif de travail indispensable dans ce nouveau contexte organisationnel. La DRH devra ainsi
adapter son offre de formation en l’orientant vers l’acquisition de compétences permettant de
71
favoriser l’efficacité collective plus que sur des savoirs-faire propres aux métiers (Larose et
Corriveau 2009, 17). Plus encore que par le passé, la finalité de la formation ne doit en aucun
cas être perdue de vue pour répondre à ces nouveaux enjeux. Des auteurs ont rappelé à juste
titre que « nous n’avons pas besoin de collaborateurs formés, nous avons besoin d’équipes
performantes » (Barabel 2019, 88). Dans cette perspective de formation favorisant le
développement du collectif, certaines entreprises réfléchissent à développer la formation sur le
terrain entre pairs par la mise en place de communautés de pratiques. Toutefois, pour un expert
en ressources humaines, « c’est un défi extrêmement fort et qui se fait à partir d’animation de
communautés, à partir du principe que les gens savent » (E1).
En complément de ces axes d’évolution des actions de formation, une attention particulière
devra être portée sur les formations visant à ce que les salariés puissent s’approprier les
nouvelles méthodes de travail déployées dans l’organisation. En effet, des organisations telles
que par exemple celles prônant les méthodes agiles répondent à des pratiques et méthodes
particulières, un vocabulaire spécifique y est déployé. Autant d’éléments qu’il conviendra
d’acquérir pour pouvoir évoluer dans environnement de travail renouvelé. Ainsi, les formations
aux méthodes de résolution de problèmes ainsi qu’aux méthodes de Design Thinking pourront
être au cœur des formations dispensées.
Les formations qui seraient mises en place sur ces thématiques pourront dans certains cas
donner lieu à des certifications ou des diplômes. Dans ces derniers cas, les directions des
ressources humaines utiliseront ces parcours en vue de fidéliser des profils particulièrement
recherchés sur le marché. Ainsi, des clauses de dédit formation pourront être mises en œuvre
pour des formations particulièrement coûteuses et à forte valeur ajoutée sur le marché comme
cela peut être le cas par exemple pour certaines formations liées au pilotage des organisations
agiles.
Préconisations
Les actions de formation classiques conduisent dans nombre de cas à extraire les salariés de
leur environnement quotidien de travail pour les placer dans un parcours de formation. Cette
situation peut être considérée comme pénalisante pour certains managers, notamment pour ceux
déployant des méthodes de coopération pour lesquelles les interactions entre membres de
l’équipe sont primordiales de même que la recherche d’une certaine rapidité dans l’exécution
des tâches confiées.
Cette problématique de temporalité existante entre les managers transverses et les pratiques des
ressources humaines pourra justifier un suivi des salariés pour s’assurer du développement de
leurs compétences. En effet, la direction des ressources humaines tend à développer son action
dans un temps long dans lequel elle projette le développement des salariés. A l’inverse, les
72
managers exerçant dans des environnements transverses tels que le groupe projet ou les
méthodes agiles recherchent un résultat de court terme peu compatible avec le développement
du collaborateur envisagé dans un schéma plus traditionnel.
Dans ces conditions, la direction des ressources humaines devra veiller à ce que les salariés
puissent se ménager des temps de formation spécifiques pour acquérir les connaissances ou les
compétences dont ils auront besoin non seulement pour leur appropriation de ces modalités de
travail mais aussi dans leur développement professionnel. Outre le développement des
collaborateurs, ce suivi des formations devra permettre de se conformer aux obligations pesant
sur l’employeur en matière de formation des salariés.
Après avoir envisagé les impacts des organisations transversales sur la formation organisée
dans un mode traditionnel, nous envisagerons ces organisations transversales comme
organisations apprenantes en tant que telles.
Préconisation
• Assurer une bonne traçabilité des actions de formation dont les salariés ont été
bénéficiaires.
73
parce qu’on s'aperçoit qu'on a tous le même problème alors qu'on avait l'impression
qu'on était tout seul à les avoir et du coup ça crée des réseaux informels » (E14).
• le développement d’une vision partagée ;
• le développement d’une pensée systémique.
Pour chacun de ces axes, la DRH pourra prendre part à l’émergence de leur développement et
faire du mode d’apprentissage développé dans l’organisation un facteur de développement de
la coopération. Lors des entretiens réalisés, un consultant spécialisé en ressources humaines a
confirmé que la mobilité favorisait l’employabilité en termes de connaissances mais surtout
l’apprentissage de nouvelles façons de travailler. Il voyait ainsi dans les entreprises apprenantes
le moyen de développer une agilité organisationnelle (E7).
L’évaluation des salariés est une procédure permettant d’apprécier les comportements et les
résultats obtenus que ce soit au plan individuel ou collectif. Elle constitue un acte important
dans la mise en œuvre de la politique ressources humaines et dans le pilotage de l’entreprise.
Initialement élaborée dans un contexte industriel, l’évaluation s’inscrit dans une démarche de
contrôle permettant de vérifier que les tâches réalisées le sont conformément aux prescriptions
faites aux salariés pour la tenue de leur poste de travail. Progressivement, les procédures
d’évaluation ont évolué vers une appréciation de la performance, c’est-à-dire de la contribution
des acteurs au résultat de l’entreprise. En conséquence, et plus encore que par le passé, le
processus d’évaluation nécessite de former les managers pour leur permettre de conduire cette
démarche en valorisant plus le qualitatif que le quantitatif (E4).
a) L’évaluation individuelle
L’évaluation individuelle a fait l’objet de nombreuses critiques de la part notamment des tenants
de la psychodynamique du travail tels que Christophe Dejours (Barabel et Meier 2015). Ce
courant souligne les risques de l’évaluation individuelle des performances sur la santé des
individus et comme facteur potentiel de mise en cause du fonctionnement du collectif. Cette
critique tient essentiellement au fait que l’appréciation qui se veut objective n’a pas fait ses
preuves quant à sa capacité à apprécier réellement le travail des salariés placés dans leur
environnement de travail. Seul le résultat serait évalué et non le travail en lui-même. Or ces
deux éléments ne se confondent pas. Cette remise en cause de l’évaluation individuelle est aussi
74
présente chez certains professionnels des ressources humaines interrogés qui y voient un
modèle obsolète par certains aspects (E2).
Ce point devra être source d’une attention particulière dans la mesure où l’évaluateur, qui dans
la majorité des entreprises est le responsable hiérarchique, pourrait se trouver très éloigné de la
situation de travail réel. Ainsi dans une équipe fonctionnant en mode scrum avec des membres
venant de tous horizons, comment le manager hiérarchique d’un salarié pourrait-il être en
mesure d’évaluer la réalité de l’activité alors qu’il n’est pas lui-même intégré à l’équipe ? Il
devra dans ce cas évaluer de façon subjective ou bien par la mise en œuvre d’indicateurs qui ne
traduiraient qu’imparfaitement les interactions des salariés entre eux alors même que cela est
recherché dans un mécanisme de coopération transversale.
L’évaluation individuelle peut aussi conduire à des comportements déviants (Scharnitzky 2018,
56) mettant en cause le principe même de coopération transversale et le vivre ensemble. Cela
est notamment le cas si l’on associe évaluation individuelle et système de gratification assis sur
des éléments individuels. Cette problématique du lien entre comportement individuel et
récompense a été confortée par un expert en management qui a souligné « qu’un comportement
classique solitaire récompensé n’incite pas à la coopération » allant même jusqu’à remettre en
cause l’intérêt de la rémunération variable individuelle (E9). Cette opinion loin d’être isolée a
été reprise par une spécialiste des organisations et des conditions de travail qui a précisé que
« l’évaluation et la rémunération individualisées entravent la coopération » (E10). Cette
évaluation peut ainsi entraîner une compétition induite entre salariés (Scharnitzky 2018, 56) et
leur déresponsabilisation (Scharnitzky 2018, 51), ce qui serait contraire à la coopération
recherchée. La réussite personnelle se trouverait privilégiée par rapport à la réussite du collectif
dans la mesure où la concurrence pourrait se développer très vite allant jusqu’à des conduites
déloyales dans les groupes ou équipes formées pour un projet avec à terme le développement
de l’isolement ou de la solitude des collaborateurs. Ces éventuelles déviances pourront toutefois
être limitées dès lors que la culture de l’organisation prône l’entraide et l’esprit d’équipe.
Pour autant, l’évaluation individuelle ne peut être totalement remise en cause même dans un
environnement favorisant la coopération transverse. En effet, dans un type d’organisation où
la structure ne donne qu’une idée imparfaite de l’organisation (Dupuy 2011) du fait de son
caractère évolutif et temporaire, l’évaluation est pour le salarié un moyen officiel de vérifier
auprès de son manager son utilité au travail et par là même un moyen de consolider son identité
au travail. Cette pratique, bien menée, participe de la reconnaissance. Ainsi, les éléments de
l’évaluation individuelle permettent de se comparer, ce qui est indispensable à la construction
de sa propre image (Scharnitzky 2018, 57) et donc de son identité.
75
Enfin, l’évaluation individuelle permet de répondre à une évolution sociétale consistant à ce
que les individus deviennent de plus en plus individualistes et différents y compris dans leurs
attentes en matière de GRH (Baccar 2019, 115).
Pour tout cela, la procédure d’évaluation instaurant un moment obligatoire d’échange avec le
manager se doit d’être maintenue. Toutefois dans une organisation transversale, la direction des
ressources humaines devra contextualiser l’entretien et former les personnes en charge de leur
conduite de manière à s’assurer que les objectifs de cette démarche soient bien appréhendés.
Préconisations
La DRH qui serait amenée à réfléchir à la question de l’évaluation individuelle dans une
organisation favorisant la coopération transversale retiendra trois axes dans le processus
d’évaluation. Ces axes d’évaluation sont :
• la performance individuelle ;
• la contribution à la performance collective ;
• les compétences des salariés.
76
learning, capsules vidéo, mais aussi jumelages entre employés et communautés de
pratiques. « Les gens reconnus comme les meilleurs dans leur domaine, nos ‘Kings’, ne se
contentent pas de faire leur travail. Ils doivent également créer de la relève ». Interactions,
transfert et coopération sont donc érigés au rang de nécessité absolue pour que la performance
voie le jour au terme de projets complexes » (Defelix et al. 2014, 45). Pour ce point, l’évaluation
pourra consister par exemple en une analyse des initiatives de formations prises par un salarié
à destination de ses collègues en vue de développer telle ou telle compétence. Ces initiatives
sont aujourd’hui rendues plus aisées grâce notamment à des applications numériques légères
facilement mobilisables (ex : www.speach.me). Dans un autre domaine, nous pouvons citer
l’exemple d’une entreprise spécialisées dans le logiciel chez qui les commerciaux sont évalués
sur leur impact individuel, la manière dont ils ont aidé les autres à réussir, et la manière dont ils
se sont appuyés sur la réussite des autres pour parvenir à la leur. In fine, ce qui est évalué c’est
le comportement qui aide l’entreprise à atteindre ses objectifs (E4). S’agissant des managers,
leur évaluation pourra aussi être complétée d’une mesure de leur capacité à déléguer en vue de
favoriser le développement de leur équipe. Si des évolutions apparaissent en matière
d’évaluation, des professionnels interviewés ont déploré que la fixation d’objectif et
l’évaluation soient centrées sur des données quantitatives et pas suffisamment sur l’appréciation
des modalités permettant la création de valeur qui en résulte (E20).
A l’occasion de la redéfinition des objectifs liés à l’évaluation des salariés, la direction des
ressources humaines pourra intégrer un volet compétences appréhendés différemment de celui
de l'entretien professionnel22 qui répond à une finalité autre. Cet aspect ne devra pas être
confondu avec l’entretien professionnel prévu par le droit du travail français, mais il aura pour
objet de procéder à un recensement des compétences acquises par les collaborateurs à
l’occasion des projets auxquels ils ont contribué. Cette opération de recensement permettra non
seulement de construire une cartographie des compétences dans l’organisation et à terme de
disposer des informations nécessaires à la constitution d’équipes pluridisciplinaires pour la
conduite de projets transversaux, tel que cela a été évoqué plus haut. Cette connaissance des
compétences détenues par les salariés permettra de constituer des équipes selon des
combinaisons sans cesse renouvelées favorisant ainsi la coopération transverse mais aussi de
s’appuyer ces salariés pour diffuser leur connaissance dans les équipes contribuant ainsi au
développement de l’intelligence collective. Ubisoft nous donne un nouvel exemple de cette
pratique. « A la fin d’un projet, les directeurs métiers s’assurent que tous les contributeurs ont
un entretien de bilan qui permet de faire les point sur les compétences acquises et d’orienter
vers les nouveaux projets » (Defelix et al. 2014, 45). Evoquant cette phase de capitalisation des
compétences acquises dans le cadre des projets, d’autres considèrent qu’il appartient à la
fonction ressources humaines d’en assumer le suivi notamment en fin de projet (E7). A notre
sens, la prise en charge de cette tâche gagnerait a été assurée par les ressources humaines en
vue d’assurer la mutualisation et le partage des compétences dans les différentes entités
organisationnelles de l’entreprise.
En conclusion de ces développements portant sur l’évaluation individuelle, il nous apparaît que
l’évaluation individuelle conserve toute sa pertinence dans un contexte de coopération
transverse dès lors que la fonction ressources humaines la redéfinit comme un moyen de
22
L'entretien professionnel vise à accompagner le salarié dans ses perspectives d'évolution professionnelle
(qualifications, changement de poste, promotion, ...) et identifier ses besoins de formation.
77
développer le collectif et la coopération et non dans un sens visant à exacerber les
comportements individualistes des salariés.
Préconisations
b) L’évaluation collective
Le fonctionnement des organisations mobilisant de plus en plus les équipes et les groupes de
travail, l’évaluation portée au niveau collectif semble donc être une conséquence logique de
cette évolution. L’enjeu sera alors de procéder à l’évaluation d’entités intégrées et non
d’individualités.
Comme pour l’évaluation individuelle, les axes de l’évaluation collective doivent être définis
avec précision notamment par la direction des ressources humaines. A défaut, l’évaluation
pourrait être limitée à une évaluation économique et financière sans qu’elle ne vienne alimenter
la réflexion sur le développement de la coopération transversale ni en promouvoir les facteurs
déterminants.
Un des nombreux enjeux auxquels sont confrontées les directions des ressources humaines tient
à la difficulté à concilier les intérêts collectifs de l’organisation avec les aspirations
individualistes croissantes des membres des organisations. L’évaluation collective qui serait
mise en œuvre dans l’entreprise pourrait constituer un élément de régulation permettant de
tendre à cet équilibre. Pour ce faire, l’évaluation collective devra intégrer trois axes principaux :
• la performance collective ;
• le degré d’intégration de ce collectif à l’organisation plus globale ;
• la contribution du collectif au développement des compétences des individus.
La performance collective pourra être évaluée en tant que résultat intégré de l’action des
membres de l’organisation. Cet aspect de l’évaluation collective vise à vérifier que le travail
réalisé est bien conforme aux normes applicables dans l’organisation (Jawadi et Boukef Charki
2011, 49). L’évaluation de la performance collective constituera aussi un élément
78
d’appréciation de la pertinence de l’organisation mise en place ainsi qu’un élément fédérateur
au sein des organisations. En effet, les salariés œuvrant dans une organisation favorisant la
coopération transversale pourraient être tentés de ne considérer que les éléments relevant de
leur propre performance. La mise en place d’un processus d’évaluation collectif permettra de
responsabiliser l’ensemble des contributeurs à ce collectif de travail à la réalisation d’un résultat
commun. Faute de réalisation d’un objectif commun distinct des objectifs individuels, les
avantages attendus ne seront pas atteints, pénalisant l’ensemble du groupe que ce soit dans le
cadre de la conduite d’un projet ou du développement des organisations agiles.
Comme pour les évaluations individuelles, il conviendra de vérifier que le collectif évalué
s’inscrit bien dans les objectifs plus généraux tels que ceux de l’entreprise et ne visera pas
uniquement à la réalisation d’objectifs qui lui seraient propres. Dans ce cas, l’évaluation visera
non pas à responsabiliser les individus au sein du groupe mais le groupe dans une organisation
plus large telle que peut l’être une entreprise dans une recherche de performance globale.
Le dernier axe d’évaluation qui devrait être porté par les directions des ressources humaines
dans le cadre de l’évaluation collective tient à la capacité du collectif à développer les
compétences de ses membres. Dans une coopération transversale, l’ensemble des membres d’un
collectif doit nécessairement concourir à la réalisation d’un objectif en relation avec la stratégie
de l’entreprise mais ce point est insuffisant si l’on souhaite inscrire cette coopération dans la
culture de l’entreprise. Parmi les éléments qui feront l’objet d’une évaluation, le développement
des compétences à titre individuel pourrait être retenu comme élément d’appréciation du
fonctionnement interne du groupe évalué. Cette prise en compte du développement des
compétences dans l’évaluation serait alors un élément incitatif au partage et à l’échange des
savoir-faire avec à terme une montée en compétence des participants aux projets.
Nous avons envisagé les évaluations tant du point de vue individuel que collectif en tentant de
formuler des propositions d’adaptation qui pourraient être portées par la direction des
ressources humaines et qui auraient vocation à développer la coopération transversale. Outre
ces points touchant au fond de l’évaluation, il nous apparaît nécessaire de revisiter le processus
de l’évaluation dans une même perspective.
Préconisations
79
bonne fin des tâches confiées à son collaborateur alors qu’il n’est pas en mesure d’avoir de
réelle visibilité sur le travail réalisé ? C’est dans la perspective de répondre à l’ensemble de ces
enjeux que la direction des ressources humaines devra adapter la conduite des évaluations
individuelles.
Cette différence de temporalité dans les objectifs des managers aura des effets notables. En
effet, le manager de projet n’aura tendance, si l’évaluation lui est confiée, qu’à vérifier que les
jalons du projet sont bien respectés sur leurs différents aspects. La question de l’évaluation de
la compétence du collaborateur qui conduira à la réflexion sur son développement par la
formation par exemple ne sera pas prise en considération par le simple fait qu’une fois le projet
réalisé, le manager transverse n’a plus la responsabilité des collaborateurs de l’équipe projet.
Pour le manager hiérarchique, l’évaluation des compétences et leur développement sera un
élément crucial dans le management de la carrière du collaborateur mais aussi dans le
management des compétences de son périmètre de responsabilité. Les évolutions en matière de
formation avec notamment la reconnaissance des actions de formation en situation de travail
attestent de la nécessité d’évaluer ces compétences possiblement acquises dans un cadre de
travail transverse propice à l’acquisition de savoirs nouveaux.
L’appréciation de la réalisation des objectifs est un moment délicat et important pour les
managers et les collaborateurs. Si la coopération transverse ajoute de la complexité à cet
exercice, il ne nous semble pas opportun de le sacrifier au profit d’une seule appréciation
80
collective d’une équipe ayant travaillé sur un projet donné. En effet, au-delà des écueils
potentiels mis en avant par la psychodynamique du travail, cette évaluation et l’entretien qui le
précède semble constituer un facteur essentiel de maintien du lien existant entre le collaborateur
et son entité organisationnelle alors même qu’il n’y exerce qu’une faible part de son activité.
Ce lien est d’autant plus nécessaire pour un collaborateur qui passerait de projet en projet pour
s’assurer d’une certaine visibilité de son manager.
Si l’évaluation individuelle apparaît comme étant nécessaire, il conviendra de fixer les objectifs
de façon particulièrement attentive de manière à éviter l’émergence de comportements déviants
de certains salariés dans le but d’atteindre leurs objectifs individuels au détriment des intérêts
collectifs et donc de la coopération transversale. La fixation d’objectifs ne doit constituer ni un
frein à la créativité ni à l’innovation des collaborateurs trop centrés sur la réalisation des
objectifs.
Si l’évaluation peut constituer un outil important à la main des ressources humaines permettant
de favoriser la coopération transversale dans l’entreprise, les politiques liées aux rémunérations
et aux avantages sociaux peuvent aussi apparaître comme un ensemble d’outils mobilisables
dans ce sens.
Préconisation
81
4. La rémunération et les avantages sociaux
Sur la base de telles affirmations, il n’est pas étonnant que le déploiement d’une part variable
individuelle se développe dans les entreprises. En 2016, une étude de la DARES faisait état de
ce que pour les entreprises de 10 salariés et plus, les éléments de rémunération variable ont
représenté 20,1 % de la rémunération brute totale et les primes liées à la performance
individuelle 4,2 % de la rémunération brute totale (DARES 2019). Cette part des rémunérations
variables liées à la performance individuelle est en croissance par rapport à la précédente étude
en 2014 pour laquelle les valeurs enregistrées étaient respectivement de 19,2 % et 3,9 %
(DARES 2016). Ainsi, le nombre de salariés bénéficiaires de ce type de rémunération est de
plus en plus important pour des montants eux aussi en croissance.
Certaines entreprises ont tenté de faire évoluer ce type de rémunération. Ainsi, des entreprises
ont tenté dans un souhait de modifier leur approche client, de réorienter le système de
rémunération de ses équipes commerciales pour y intégrer cette dimension de transversalité
dans la constitution des offres (E4). Cette initiative n’a cependant pas fait émerger les résultats
attendus pour deux raisons. La première tient à la culture fortement individualiste des équipes
commerciales et la seconde à la présence de concurrents qui ne se sont pas engagés dans cette
démarche de réorientation de la structure de rémunération faisant ainsi courir le risque de perte
d’attractivité lors des recrutements de commerciaux. Si dans ce cas, l’évolution du système de
rémunération n’a pas abouti au résultat escompté, il n’en demeure pas moins que des experts
en management ont préconisé, lors des entretiens réalisés, « de changer le système de
rétribution reconnaissant la participation au projet » (E9).
82
On le constate, même si la rémunération variable individuelle présente de nombreux travers,
elle n’en demeure pas moins très répandue dans les entreprises et appréciée par les
collaborateurs qui y voient, au-delà de l’aspect financier, une reconnaissance de leur
contribution individuelle à la performance de l’entreprise, ce qui peut aussi contribuer à
développer leur estime de soi et leur identité ; deux facteurs qui demeurent importants dans
l’instauration d’une organisation performante et durable.
La rémunération variable individuelle devra être maintenue car dans la théorie de Vroom, la
motivation est étroitement liée au rapport existant entre l’effort effectué et le résultat obtenu.
Remettre en cause ce lien pourrait conduire à une démotivation du salarié dans un contexte
collectif et ainsi donner lieu à des comportements de type passager clandestin (Scharnitzky
2018, 48). Cette relation de la motivation et de la rémunération individuelle pourra toutefois
être atténuée par un pilotage de la direction des ressources humaines qui en fonction du
comportement individuel des salariés les affectera sur des projets plus valorisants. Dans ce
contexte, l’intérêt perçu par le salarié comme contrepartie à son investissement ne sera pas une
rétribution financière mais une opportunité à développer de nouvelles compétences. Dans ce
cas, le salarié concerné pourra trouver dans la valorisation de son travail un renforcement de
son identité ou de son image vis-à-vis des autres salariés.
Les entreprises intègrent régulièrement une partie de rémunération variable collective dans la
construction de leur système de rémunération. Cette pratique permet de contrebalancer
utilement les éventuelles dérives occasionnées par la seule mise en place de rémunération
variable individuelle. Certains directeurs des ressources humaines interrogés sur cette question
ont indiqué qu’ils avaient instauré dans le cadre de leur dispositif de rémunération collective
certains objectifs de coopération en vue de les valoriser spécifiquement.
Si elle peut s’avérer utile, la mise en place de rémunération variable collective ne devra pas
conduire à reproduire au niveau collectif les dérives potentielles que l’on peut redouter au plan
individuel. Le groupe bénéficiaire de cette rémunération collective ne devra en aucun cas
développer une pratique contraire à l’intérêt de l’entreprise dans la perspective de n’atteindre
que ses objectifs. De même, les effets positifs attendus de ce type de rémunération en matière
de coopération pourraient se trouver mis en cause lorsqu’un collaborateur détaché sur un projet
met à mal l’atteinte des objectifs de l’équipe (E9).
83
Préconisations
• Le mécanisme de rémunération variable dès lors qu’il existe doit combiner part
individuelle et part collective ;
• La réalisation des objectifs individuels ou collectifs peut donner lieu à des contreparties
financières mais elle peut aussi permettre l’accès à des projets plus importants ou à plus
forts enjeux pour l’entreprise.
(2) L’intéressement
L’intéressement est un dispositif légal prévu par le code du travail dont la mise en place est
facultative dans les entreprises. L’intéressement est généralement mis en place dans les
entreprises suite à la négociation d’un accord collectif d’entreprise. Son calcul est d’une grande
souplesse mais doit être « lié à des indicateurs exprimant la performance ou les progrès
économique de l’entreprise » (Roman 2016, 193). Par exemple, des indicateurs tels que le
respect des délais de livraison dans une entreprise industrielle peuvent être retenus ou bien les
résultats d’une enquête de satisfaction clients. Autant de critères qui pourront par un dispositif
de rémunération fédérer les salariés de différentes unités de l’organisation en vue de la
réalisation d’objectifs dépassant les intérêts d’une entité unique. Par cela, la coopération
transversale entre les équipes peut se trouver favorisée. Le caractère aléatoire des critères,
obligatoire pour la validité de ce dispositif, sera aussi de nature à favoriser la coopération dans
les équipes puisqu’il incitera tous les membres de l’organisation à converger vers le même but
pour l’atteinte d’indicateurs négociés et déclencheurs de la rémunération.
Sur ce point, la direction des ressources humaines pourra promouvoir ce type de mécanisme
alliant utilement performance de l’entreprise et intérêt individuel en choisissant habilement les
indicateurs permettant de développer la coopération. La compréhension aisée des indicateurs et
leur lien avec l’activité seraient de nature à faciliter la convergence des salariés vers une plus
grande coopération. Cette compréhension du dispositif et le lien qu’il conviendra d’établir avec
la rémunération nécessitera une communication régulière sur les objectifs collectifs, sur le
niveau d’avancement dans l’atteinte des objectifs et sur les sommes versées au titre de
l’intéressement.
Préconisations
84
(3) Les dispositifs d’actionnariat salarié
Des dispositifs existent visant à favoriser l’accession des salariés au capital de l’entreprise.
Généralement mis en place dans des groupes de taille importante, ces outils d’achats d’actions
ou d’attribution d’actions aux salariés permettent de renforcer le lien entre les salariés et
l’entreprise et de renforcer l’affectio societatis de l’ensemble.
Par leur adhésion au capital de l’entreprise, les salariés concernés pourraient se trouver
confortés dans la perspective d’une coopération plus marquée tout en visant une certaine
fidélisation des salariés dans l’entreprise.
Au terme de ces développements sur le lien existant entre rémunération et coopération, il est
apparu que bon nombre des professionnels des ressources humaines se sont montrés attentifs
aux impacts réciproques des deux dimensions. Pour autant une des personnes interviewées a
précisé qu’en pratique « la coopération transverse ne modifie pas les règles de rémunération :
définition d’objectifs, grille de mesure des résultats, sauf cas particulier de gros projets, mais
il revient aux RH de s’assurer de l’harmonie, au début du projet » (E7). Cette question de la
rémunération comme moyen de favoriser la coopération même perçue comme importante par
les ressources humaines constitue un levier qui ne semble pas suffisamment développé faute
d’adaptation suffisante des politiques ressources humaines aux enjeux de la coopération (E8).
Le code du travail pose le principe selon lequel l’employeur doit prendre les mesures adaptées
pour préserver la sécurité des salariés dans l’entreprise. Ce principe largement diffusé doit être
confronté à la réalité des organisations favorisant le développement de la coopération
transverse. Selon nous, cette question peut être abordée selon deux axes que sont la préservation
de la santé physique et de la santé mentale des salariés.
La préservation de la santé physique des salariés est prise en considération depuis une époque
assez ancienne, renforcée en cela par le développement de diverses prescriptions légales ou
réglementaires. Le développement des formes d’organisation du travail favorisant le
développement de la coopération transverse ne remet pas en cause par nature l’impérative
protection des salariés. Les normes applicables en matière de conditions de travail,
d’équipement, de durée du travail, de repos, etc. continuent à s’appliquer sans distinction liée
aux modalités d’organisation. Pour autant, une vigilance particulière devra être apportée sur ces
questions dans la mesure où les buts poursuivis par le développement de la transversalité, des
modes agiles ou projet peuvent avoir pour conséquence d’affaiblir le niveau de protection dont
bénéficient les salariés ou tout au moins de mettre en œuvre le niveau de vigilance requis pour
assurer une bonne protection des salariés. En effet, les questions de réactivité en vue de se
positionner par rapport à la concurrence peuvent par exemple conduire à négliger certaines
normes de sécurité, dont la mise en œuvre serait de nature à ralentir les délais de production de
tel ou tel produit.
85
protection des salariés dans la mesure où elles ne seraient pas directement responsables en cas
de dommages corporels subis par un membre de l’équipe. En effet, dans une structure
managériale plus classique pouvant intégrer des mécanismes de délégation de pouvoir et de
responsabilité en matière d’hygiène et de sécurité, le responsable hiérarchique détenteur de la
délégation de responsabilité pourrait se montrer plus attentif aux conditions de sécurité
encadrant les conditions d’exercice de l’activité des salariés, en s’assurant notamment de la
formation des salariés à la sécurité.
Préconisations
Le premier facteur pouvant potentiellement altérer la santé psychologique des salariés est lié à
la charge de travail et à son intensité. En effet, dans un contexte où les salariés sont exposés à
des sollicitations multiples de diverses services ou projets, la charge de travail peut rapidement
conduire, après une période de sur investissement, à des désordres psychologiques ou tout au
moins à une situation de mal-être des salariés concernés. Cette sur sollicitation peut se traduire
par une durée du travail excessive avec à terme des situations d’épuisement au travail. Sans
atteindre de tels niveaux, cette situation de sur sollicitation peut aussi générer des situations de
retrait des salariés, d’absence ou de démotivation lié à un sentiment d’impossibilité de réaliser
un travail « bien fait » si l’on fait référence à la théorie développée par Yves Clot (Clot 2010).
Le risque potentiel de se trouver dans cette situation est d’autant plus important que la distance
induite par ce type d’organisation entre les donneurs d’ordre et le travail réel limite de fait
l’efficacité des systèmes de régulation pouvant encadrer la charge de travail et par là même
préserver le salarié.
Pour prévenir ce risque, le manager de salariés dont toute ou partie de l’activité s’inscrirait dans
un contexte de transversalité devra s’attacher tout particulièrement à disposer d’une vision du
travail réel du salarié concerné et ne pas se limiter à la simple vision du travail prescrit
nécessairement réductrice de la situation de la situation du salarié. Des outils de suivi de charge
des salariés pourraient aussi venir compléter le dispositif sous réserve de leur utilisation correcte
et indépendante de toute question de suivi budgétaire. Le suivi de la charge intégrera le volume
de charge du salarié mais aussi la nature de sa charge de manière à s’assurer que l’importante
sollicitation dont il pourrait faire l’objet ne se doublera pas d’une multiplication du nombre de
projets sur lesquels il serait sollicité. Enfin, pour renforcer ce suivi de la charge de travail,
l’encadrement strict de la durée du travail des salariés permettra d’assurer non seulement un
suivi de la charge de travail des salariés mais aussi un moyen de préservation de la santé des
86
salariés. Ce suivi sera d’autant plus important que des dispositions contractuelles telles que le
forfait annuel en jours sur l’année, couramment déployées pour les projets peuvent être de
nature à favoriser des dépassements horaires importants. Sur ce dernier point, la relation avec
le salarié pourra se trouver complexifiée car les observations pouvant être faites tendent à
montrer que dans un premier temps, les salariés au centre de plusieurs projets peuvent se trouver
dans une situation de très forte stimulation liée à une perception très valorisante de leur situation
avant de se trouver confronté à une situation de sur sollicitation pouvant conduire à un
épuisement professionnel.
Un autre facteur de risque d’atteinte à la santé mentale des salariés a été mis en évidence par
Eugène Enriquez. Pour lui, le processus de délégation de responsabilité du management vers
les collaborateurs entraîne un processus de transferts de charge de stress. Le risque est d’autant
plus grand que les personnes qui reçoivent ces responsabilités y sont souvent peu préparées.
Pour l’ensemble de ces questions, la direction des ressources humaines pourra agir sur deux
registres. D’une part, elle devra intervenir en sensibilisation et en formation des équipes
managériales et de l’ensemble des salariés sur les risques éventuels pouvant émerger de ces
organisations transversales en pointant plus particulièrement les questions de temps de travail
et d’épuisement des équipes. Passé ces actions préventives, la DRH pourra utilement concevoir
un dispositif de pilotage reposant sur des indicateurs permettant d’assurer un suivi de la charge
de travail mais aussi de la santé des collaborateurs (arrêt maladie, absentéisme). Autant
d’indicateurs pertinents non modifiables par les managers hiérarchiques ou fonctionnels qui
permettront de révéler des dysfonctionnements au sein des équipes.
Comme pour tout type d’organisation, les managers pourront être intéressés aux actions de
prévention en matière de santé des collaborateurs de leurs équipes notamment par la mise en
place d’objectifs individuels portant sur le temps de travail ou l’absentéisme.
Préconisations
87
repositionnement du travail réel au centre des organisations et dans un second temps du
développement du dialogue ou de la mise en question du travail réel. Ce sont ces deux points
que nous nous proposons d’aborder maintenant.
Ce concept ne renvoie pas à une définition univoque ou évidente. Son étymologie même fait
débat. Ainsi, le lien avec le terme « Tripalium » (outil d’entrave et de torture) est désormais très
contesté, au profit des hypothèses de la linguiste Marie-France Delport qui avancent que le
vocable originel formé avec le préfixe latin « trans » réduit à « tra » exprimerait « une tension
qui se dirige vers un but et qui rencontre une résistance ».
Ainsi, pour ces disciplines, il n’y a de travail que vivant et travailler est une activité subjective
par laquelle le sujet rencontre le réel et fait ainsi l’expérience de lui-même. Christophe Dejours
(1998) écrit « Travail, activité, emploi, profession, qualification, etc. Tous ces termes ont des
connotations disciplinaires et conceptuelles spécifiques qui suscitent des controverses sur le
sens qu’il convient de donner au terme de travail (…) Qu’il s’agisse d’une activité salariée ou
bénévole, domestique ou professionnelle, de manœuvre ou de cadre, public ou privé, travailler
c’est mobiliser son corps, son intelligence, sa personne pour une production ayant valeur
d’usage » (Dejours 2016, 219). Un des apports majeurs de cette théorie du travail est ainsi la
mise en valeur de la fonction identitaire du travail. Celle-ci s’opère à travers le rapatriement du
faire à l’être par le truchement de la reconnaissance (jugement de bon et beau travail par ceux
23
Racine grecque des mots école et scolaire.
88
qui savent ce qu’il implique en termes de compétences, de qualités et d’efforts). Ainsi,
schématiquement, lorsque que mon collectif de travail et mon encadrement posent un jugement
de bon, voire de beau travail, sur mon activité, sur ce qu’il m’a fallu pour faire face à la
résistance du réel, alors je fais l’expérience du monde et de moi-même et j’incorpore et renforce
mon sentiment de dignité et de valeur. Ce modèle affirme ainsi que :
• le travail permet non seulement de transformer le monde mais également soi-même ;
• étayée par le travail, l’identité soutient la santé ;
• on ne tient pas sa santé que de soi.
Il ressort des interviews réalisées dans le cadre de la présente étude que les salariés d’une
entreprise ne semblent s’engager dans une démarche de coopération transversale que dans la
mesure où ils pensent pouvoir en tirer un profit quelconque. Selon les personnes, le bénéfice
escompté pourra aller d’un intérêt financier pour certains à la recherche d’un travail bien fait
pour d’autres si l’on reprend l’expression utilisée par Yves Clot dans son ouvrage « Le travail
à cœur » (Clot 2010). Ainsi, les situations de développement de la coopération transverse
recherchée pour elle-même semblent peu fréquentes.
Si le travail réel, comme élément central du fonctionnement des organisations, nous semble
essentiel au développement d’interactions entre membres d’une collectivité, il est souvent
absent des réflexions organisationnelles des entreprises avec des conséquences négatives pour
leurs collaborateurs. Des auteurs de science de gestion ont ainsi signalé que « l’emprise
89
bureaucratique, la puissance des technostructures … ont dévitalisé le travail et plongé bon
nombre de salariés dans les tourments de la perte de sens ». (Detchessahar 2019, 21). Toujours
selon le même auteur les salariés ont aujourd’hui « le sentiment d’être soumis à un ensemble
de normes de travail conçues par d’autres, des experts souvent éloignés du travail et qui
laissent peu de prise aux opérationnels pour adapter, transformer ou contester la règle »
(Detchessahar 2019, 22).
La prise en compte du travail réel peut s’opposer à la vision gestionnaire présente dans les
organisations dans la mesure où le travail tel qu’il a été pensé devrait trouver application au
quotidien dans les organisations. Or cette vision est aujourd’hui contestée car elle repose sur un
présupposé de connaissance exhaustive du travail à réaliser. En effet, le travail et les tâches à
exécuter ne peuvent être totalement décrites et planifiées. Ainsi, le principe qui devrait être
retenu ici est celui de la rationalité limitée car tout ne peut être su, prévu et anticipé dans une
situation donnée ou à venir. Prenant en considération cette limite, certaines entreprise ont fait
le choix de déployer des référentiels de compétences en lieu et place des référentiels de métiers
dans le but de décrire des compétences génériques, évolutives et facilitant la polyvalence. Tout
l’enjeu réside ainsi dans la possibilité de positionner le travail réel comme un instrument de la
régulation pour adapter le prescrit.
Dans ces conditions, les ressources humaines pourront œuvrer à un repositionnement du travail
réel au centre des organisations comme élément fédérateur en en faisant un point focal de la
réflexion de l’ensemble du corps social. Pour ce faire, deux actions nous apparaissent
essentielles en ce qui concerne le management des organisations.
En premier lieu, le management devra intégrer de manière systématique que les actions qu’il
engage doivent avoir pour vocation la réalisation du travail réel dans le respect des principes
posés par l’organisation. A cet effet, il devra disposer d’une connaissance technique suffisante
pour porter un regard averti sur les actes ou orientations pris par l’équipe dont il a la charge.
Loin de promouvoir des pratiques encore courantes dans les entreprises conduisant à nommer
à des postes de management des salariés ne disposant « que » de grandes compétences
techniques et aucune compétence managériale ou comportementale, il apparaît néanmoins
qu’une compréhension suffisante des techniques mises en œuvre au sein du périmètre de
responsabilité soit requise. Les ressources humaines pourront sur ce point contribuer non
seulement à la définition et à la diffusion du rôle attendu du manager mais aussi par leur
expertise en matière de recrutement et de gestion de carrière s’assurer que les managers
remplissent bien ces caractéristiques.
90
consacré au travail réel de l’organisation dans laquelle il évolue. Il faut « désempêcher » les
managers de travailler sur ces questions du travail réel (Detchessahar 2019, 66).
Préconisations
• S’assurer que tous les managers ont une connaissance suffisante de l’activité
opérationnelle du périmètre dont ils ont la charge ;
• Limiter les activités de reporting au stricte nécessaire ;
• Permettre aux managers de disposer de temps pour être au contact de leur équipe.
S’inscrivant dans une organisation par nature faite de contraintes, il nous apparaît que pour
permettre une certaine régulation « la seule voie possible consiste à reconnaître la personne
du travailleur en lui donnant, non la liberté mais la parole » (Detchessahar 2019, 29). Dès
lors que cette parole sera ouverte aux salariés, il émergera selon nous non seulement des
oppositions ou des tensions entre les différents points de vue mais aussi une meilleure
connaissance de l’entreprise, des autres, de leurs compétences et de leurs aptitudes à faciliter
la résolution des problématiques, ouvrant ainsi la voie à un développement de la coopération
transversale. Dès lors que le dialogue permettra un travail d’organisation au sens de Gilbert
de Terssac, il sera créateur de norme élaborée collectivement qui viendra en complément
de la prescription initiale.
91
La mise en discussion du travail réel est une proposition qui a été portée à plusieurs reprises,
qu’il s’agisse de travaux sur la question de la qualité de vie au travail (Accord national
interprofessionnel sur la qualité de vie au travail 2013, 2) ou bien du lien entre bien-être et
efficacité au travail (Lachmann, Larose, et Penicaud 2010, 8). Il est ainsi précisé dans ce
dernier rapport que « les espaces de régulation et de discussion sont donc indispensables,
à plusieurs titres : pour que les salariés s’approprient leurs pratiques professionnelles sur
le plan technique et éthique, pour donner sa place à la performance collective dans le
travail, et enfin pour prévenir les conflits au travail par des espaces de partage et de
dialogue sur les difficultés rencontrées. Les espaces de discussion sur le travail permettent
de décharger les problèmes au travail d’une partie de leur dimension émotionnelle : le
salarié n’est plus seul face à son problème ». Pour autant, la mise en œuvre de cette
modalité de régulation des organisations ne nous semble pas suffisamment répandue.
Cette précision posée, la mise en discussion du travail nécessite toutefois de revoir certaines
modalités de fonctionnement de l’organisation. En effet, la mise en discussion avec ses
effets de régulation et d’amélioration de la performance et de l’innovation ne peut prendre
corps que dans une configuration organisationnelle compatible associée à des conventions
ressources humaines adaptées. Il serait vain de tenter de développer des espaces de
discussion portant sur le travail réel dans un environnement strictement mécaniste associé
à une convention RH laissant peu de place à l’initiative individuelle. Une telle tentative
conduirait à un rejet par les salariés de l’entreprise. La mise en discussion du travail
nécessite donc un accord et un alignement des différentes strates organisationnelles sur cette
modalité de fonctionnement notamment du fait d’une certaine redistribution du pouvoir et
de l’autorité au sein de l’organisation.
92
contours de ce qui est mis en discussion mais aussi de trancher et de décider ou bien d’en
référer au niveau supérieur, dans l’hypothèse où les décisions à prendre dépasseraient son
périmètre de responsabilité. De même, les managers devront jouer en complément des
ressources humaines un rôle de régulateur au sein des équipes pour s’assurer que le dialogue
engagé a bien un caractère inclusif de l’ensemble de la communauté et qu’il ne provoque
pas de ruptures entre les acteurs de l’organisation. Bien loin de disparaître, la fonction
managériale pourra se trouver renforcée et repositionnée, ce qui nécessitera un
accompagnement des ressources humaines sur la sélection des managers mais aussi sur leur
formation pour qu’ils disposent des compétences adaptées à ces missions.
Enfin, le développement d’un dialogue direct dans les organisations devra faire l’objet
d’une explication complète de la démarche et des attendus auprès des représentants du
personnel (E10). En effet, dans les entreprises françaises l’existence des représentants élus
et désignés à conduit à intermédier les relations entre les salariés et la direction. La mise en
discussion du travail au plus proche du terrain pouvant être perçue comme une preuve de
défiance face aux instances représentatives du personnel les privant de leur rôle traditionnel
de revendication, il convient d’expliquer l’objectif de la démarche et surtout sa
complémentarité au dialogue direct avec les salariés. Les représentants élus mais plus
encore les organisations syndicales constituent des corps intermédiaires pouvant jouer un
rôle de régulation en cas de conflit ou de difficultés dans l’entreprise, il appartiendra aux
ressources humaines de s’assurer que l’instauration d’un dialogue direct dans les équipes
ne conduit pas à les priver de toute représentativité. En complément des éclaircissements
donnés sur la finalité de cette démarche, il apparaît aussi nécessaire que l’entreprise mette
en œuvre des actions de formations spécifiques des représentants du personnel en vue de
renforcer leur compréhension de l’environnement des enjeux et du contexte de l’entreprise
93
et en favoriser la transformation (E1). L’importance de cette formation est intégré par
certaines entreprises qui ont créé des formations certifiantes en lien avec des établissements
de formation du supérieur (PSL ou Sciences Po par exemple).
Préconisations
94
Conclusion
Dans une perspective systémique et universaliste de l’évolution, où rien n’est stable et tout est
en perpétuelle transformation, les marchés, les organisations et leurs grandes fonctions, en tant
que cellules de ce système, sont en mutation permanente. La célérité variable de cette évolution
se traduit par des mouvements progressifs ou brutaux, par des ajustements ou des bascules en
réponse à l’impératif de survie.
La fonction ressources humaines est ainsi en 2020 à un nouveau carrefour de son histoire. Après
le « recentrage sur la personne » dans les années 2000 (Scouarnec 2005), en parallèle d’un
accent porté sur les process, la fonction devra conduire des expérimentations lui permettant de
se recentrer sur l'organisation avant de devoir dans une nouvelle étape de son évolution intégrer
la transformation numérique.
Les organisations dans leur impératif de survie se transforment et demandent à chaque fonction
de muter afin de contribuer à cette survie. Les fonctions support d’hier sont invitées à devenir
des contributeurs de la performance aujourd’hui et demain, au risque d’être réduites au strict
nécessaire. Chaque politique, chaque action, chaque professionnel doit être engagé dans cet
objectif de performance. Cette demande n’est pas nouvelle et permettait au Professeur Patrice
Roussel de définir dès 2008 la fonction ressources humaines comme « l’ensemble des activités
qui visent à développer l’efficacité collective des personnes qui travaillent pour l’entreprise.
L’efficacité étant la mesure dans laquelle les objectifs sont atteints, la G.R.H. aura pour mission
de conduire le développement des R.H. en vue de la réalisation des objectifs de l’entreprise. La
G.R.H. définit les stratégies et les moyens en RH, les modes de fonctionnement organisationnels
et la logistique de soutien afin de développer les compétences nécessaires pour atteindre les
objectifs de l’entreprise. ». Cette définition dessine un des chemins que peut emprunter la
fonction dans sa transformation. La vision ici portée est celle d’une fonction qui remplit, comme
les autres grandes fonctions (Finances, R&D, Production, Marketing & Commercial, etc.) son
rôle stratégique auprès de l’entreprise, dont le but est la performance. Pour ce faire, la fonction
ressources humaine peut actionner des leviers de développement de la coopération transversale,
de développement organisationnel, d’analyse et de prospective de l’environnement afin
d’anticiper les évolutions et les compétences stratégiques de demain ; le tout à partir de la
transformation et du développement de la fonction elle-même.
Un autre chemin existe, centré sur la technique, porté par la transformation numérique et la
mutation du management. Ainsi, selon certains interviewés et chercheurs, la fonction pourrait
disparaître dans un mouvement de fragmentation et d’assimilation par d’autres acteurs, thèse
soutenue il y a déjà 10 ans par Peretti dans son livre tous DRH. Dans cette vision, ce qui a fait
la naissance de la fonction, administration du personnel, dialogue social, droit du travail,
pourraient se trouver absorbés par le SI, le Juridique et le management de proximité. Ce qui
représenterait sa contribution directe à la création de valeur de l’entreprise, la transformation
organisationnelle, culturelle, managériale et humaine reviendrait alors à une autre grande
fonction, l’Organizational Development Management ou la Direction Organisationnelle et de
la Transformation.
95
Les professionnels très expérimentés que nous avons interrogés incarnent le courant de
professionnalisation de la fonction RH de ces dernières années qui lui permettra de conquérir
de nouveaux champs. Ainsi, certains sont pleinement en mutation et portent la conviction d’un
nécessaire engagement sur les sujets de transformation organisationnelle, dont le cœur de ce
mémoire, la coopération transversale. Ils investissent alors les terrains de l’expérimentation et
tentent de participer dans leur entreprise à la transformation de la fonction. Ils expriment
cependant les nombreux écueils de ce chemin. En effet, on entend de plus en plus des
collaborateurs dire que les RH ne servent à rien et des opérationnels qu’ils doivent contourner
les RH s’ils veulent mener à bien leurs projets. Un sentiment d’illégitimité de la fonction se
répand, des professionnels des RH se replient et osent peu être proactifs sur les sujets
stratégiques d’organisation et de capital humain. Une des clés pour contrer cela serait de
renforcer la formation initiale des jeunes professionnels, notamment en matière de droit,
d’économie, de sociologie des organisations, de psychologie, de numérique et de management.
Dans le contexte actuel, en mutation accélérée sous l’effet de crises nouvelles, tel la COVID,
les organisations et les RH sont contraints plus que jamais à un impératif d’agilité. La fonction
RH et ses professionnels vont devoir dans un futur très proche être capables de se donner une
ambition collective, que ce soit l’absorption par d’autres fonctions ou le recentrage sur
l’organisation.
96
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101
Annexes
Annexe 1 : Présentation de la méthodologie d’enquête et de l’échantillon
Face à la densité, à la complexité et aux contours parfois non stabilisés de théories, de concepts
et de modèles, nous avons choisi d’investiguer des situations de terrain pour identifier en
pratique le rôle des Ressources Humaines dans la coopération transversale. Nous avons ainsi
construit une méthodologie exploratoire qualitative auprès d’un échantillon de praticiens RH,
d’experts et de partenaires de la fonction.
a. Méthodologie d’enquête
L’entretien semi-directif permet à l’interviewer d’avoir accès « aux informations incluse dans
la biographie » de l’interviewé, avec son accord (Blanchet 1991, 19). Les informations ainsi
obtenues sont donc cognitives et affectives. R. Quivy et L. Van Campenhoudt précisent que
cette méthode permet « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux
événements auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs,
leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres
expériences » (Quivy et Van Campenhoudt 1988, 186).
Notre question de recherche initiale « Quels sont les rôles des Ressources Humaines dans la
coopération transversale ? » contient deux variables que nous avons investiguées via notre
enquête. La variable dépendante, celle que nous cherchons à expliquer - la « coopération
transversale » - par la variable indépendante, c’est-à-dire explicative - « le rôle des Ressources
Humaines ». Afin d’ouvrir la recherche, nous avons spécifié cette variable en « Rôle des
professionnels RH » et « Rôle des politiques RH ». Nous avons également contextualisé la
variable dépendante en précisant un objectif, celui de développer cette pratique.
La question formulée dans notre consigne d’entretien a été donc « Quels sont les rôles des
professionnels et des politiques RH dans les organisations qui cherchent à développer la
coopération transversale ? ».
Le guide d’entretien démarrait par une consigne incluant une brève présentation du contexte de
cette enquête, cette question, puis une demande d’accord pour enregistrer l’entretien. La phrase
102
d’entame, visant à mettre le sujet à l’aise et à le plonger directement dans sa mémoire
biographique était « Pourriez-vous illustrer des situations de coopération entre les membres
d'équipes transverses dans votre organisation ? »
L’objectif de ce premier thème est ici de récolter des exemples de coopération transversale, de
s’assurer que nous partageons une représentation commune de ce sujet avec l’interviewé et
d’identifier des éléments de contexte pouvant expliquer la recherche de cette pratique dans
l’organisation de l’interviewé.
L’objectif du second thème, dont la formulation est « Selon vous, qu'est-ce qui favorise cette
coopération transverse dans votre entreprise ? » était d’explorer les leviers de la coopération
transversale dans l’organisation de l’interviewé.
L’objectif du troisième thème, dont la formulation est « Quels rôles occupent les professionnels
des RH de votre organisation dans cette coopération transverse ? » visait à investiguer
spécifiquement le rôle des professionnels RH dans le développement de cette pratique.
Le quatrième thème, formulé ainsi « Quels rôles occupent les politiques RH (recrutement,
formation, rémunération, etc.) de votre organisation dans cette coopération transverse ? » avait
pour objectif d’investiguer le rôle des différentes politiques RH.
Conformément à l’usage du guide d’entretien semi-directif, l’interviewé n’était orienté vers ces
thèmes que s’ils n’étaient pas abordés spontanément.
b. Échantillon
20 entretiens ont été réalisés entre avril et début septembre 2020. En lien avec la pandémie
COVID, ils ont tous été réalisés en distanciel.
103
c. Méthodologie d’analyse
Comme l’explique Pierre Romelaer, « La multiplication des ESDC n’a de sens que si l’analyse
de contenu qui suit est formatée et utilisée dans un repérage statistique ou pour un test
d’hypothèse. » (Romelaer 2005, 106). Ainsi nous avons soigneusement retranscrit chaque
minute des entretiens réalisés, puis nous avons soumis les textes obtenus à une analyse de
contenu afin de repérer, classifier, analyser et finalement interpréter les informations recueillies.
Pour ce faire nous avons défini des catégories les plus « objectives, exhaustives, exclusives et
pertinentes » possibles (Mucchielli 1984).
Nous avons soumis chaque entretien à ces catégories, ce qui a permis d’extraire pour chacun
les éléments saillants que nous avons ensuite regroupés au sein d’un tableur. Ainsi formaté, le
matériel de notre corpus a pu être analysé sous un angle quantitatif et qualitatif à partir desquels
nous avons pu élaborer des interprétations afin de tenter de répondre à notre question de
recherche.
d. Limites
Les caractéristiques (taille, profils des interviewés et de leurs organisations) de notre population
sont pertinentes dans le cadre d’une étude exploratoire afin d’investiguer les contours de la
question de recherche et de construire des hypothèses explicatives. Elles ne permettent pas de
valider ces hypothèses et de répondre à la question de recherche comme cela pourrait être
l’objectif d’une recherche de vérification ou de contrôle.
En outre, comme nous l'avons évoqué plus avant, l'entretien semi-directif est une rencontre
subjective entre un interviewer et un interviewé dans l'objectif d'accéder à la mémoire
biographique, aux représentations, aux expériences et aux ressentis de l'interviewé. Si la
méthode via le guide d'entretien vise l'objectivation, le matériel récolté dépend avant toute
104
chose de cette rencontre subjective. De nombreux biais sont donc potentiellement associés à
cette démarche d'enquête et représentent autant de limites.
Les données, comme les interprétations que nous en avons faites, ne présentent pas de caractère
généralisable, transposable ou exhaustif.
105
Annexe 2 : Guide d’entretien
Présentation
« Dans le cadre de notre MBA de Management des Ressources Humaines de Paris Dauphine,
nous réalisons une recherche pour notre mémoire sur les rôles des politiques RH et des
professionnels RH dans les organisations matricielles, agiles, par projet ou dans les Fabs Labs,
l’intrapreneuriat, partout où la coopération entre les membres d'équipes transverses est
recherchée.
Nous interviewons les professionnels RH de ces organisations afin d'explorer leurs expériences
et analyses de ce type de coopération. L’entretien est enregistré afin de nous permettre de ne
pas perdre la richesse des échanges. Est-ce que cela vous convient ? »
Thème 1 - Dans quel contexte s'est mise en place cette pratique dans votre organisation ?
Q2 - Selon vous, qu'est-ce qui favorise cette coopération transverse dans votre entreprise ?
Thème 3 - Est-ce que vous avez mis en place une organisation du travail spécifique pour y
contribuer ? Si oui laquelle ?
Thème 4 - Est-ce que le style/mode de management (Leadership) a été ajusté pour y contribuer
? Si oui comment ?
Thème 5 - Est-ce que le fonctionnement des équipes a été ajusté pour permettre d'y contribuer
? Si oui comment ? (par ex. en développant la confiance, la sécurité, la cohésion, etc.)
Thème 6 - Est-ce que vous portez davantage d'importance aux aptitudes personnelles (soft
skills) des individus à coopérer dans le recrutement ou la formation par exemple ? Si oui
comment ?
Q3 - Quels rôles occupent les professionnels des RH de votre organisation dans cette
coopération transverse ?
106
Thème 8 - Sont-ils leaders dans le déploiement de la coopération transverse ? En quoi est-ce
que cela se traduit ? (idée de proactivité)
Thème 12 - 5/ L’offre de formation a-t-elle été ajustée en lien avec le besoin de coopération
transverse ?
6/ et les modalités pour y accéder ?
Thème 13 - 7/ Les modalités d’évaluation ont-elles été adaptées pour prendre en compte la
coopération transverse ?
Thème 17 - 16/ Les relations interpersonnelles au sein des équipes ou de l’entreprise ont-
elles évolué avec la coopération transverse ?
107
17/ L'organisation du travail mise en place pour développer la coopération
transverse a-t-elle eu des effets sur la santé de salariés ?
Thème 18 - 18/ Certains collaborateurs ont-ils quitté l’entreprise en lien avec cette
organisation du travail ?
108
Annexe 3 – Corpus des entretiens
Synthèse
Les principales pratiques de coopération transversale citées par nos interviewés concernent :
• des organisations qui de façon systémiques s’adaptent à la complexité de l’offre
commerciale ou plus localement en raison de la nature de l’activité (ex. R&D) (E4).
• La création et l’animation d’un lieu dédié tel un Fab Lab (E20) ;
• des projets transverses visant à faire travailler ensemble (E17 et E3) ;
• la résolution de problème en équipe (E8).
T1 - contexte
La coopération transversale n'est pas un phénomène nouveau (E7). Elle trouve son origine dans
l’industrie, notamment par les process agiles, en lien avec les démarches d’innovation ou les
fonctions marketing, mais aussi les Fab Labs, créés en dehors des organisations au service de
la transversalité, mais menant paradoxalement à un isolement (E9).
Dans un contexte global VUCA (E2) les organisations recherchent de l’agilité pour répondre
aux défis auxquels elles doivent faire face suite à des rapprochements, à de besoins d'innovation
(E1), par exemple dans la conception de nouveaux produit (E6) impliquant la mise en commun
de services (E12) et de compétences différents (E7), dans la recherche de compétitivité (E6),
de définition des priorités d’investissement (E14) ou face à la perte d’attractivité auprès des
jeunes générations (E20).
Cependant, le « faire autrement » peut dans certaines organisations être davantage perçu comme
une menace que comme une opportunité, la coopération transversale pouvant bouleverser la
culture, elle va parfois à l’encontre de l’histoire et des pratiques de l’organisation (E20). Parfois
difficile à vendre (E7), elle releve du leadership (E12).
Elle peut prendre diverses formes, aucun modèle unique n’existe (E7)
Elle n’est pas exclusive des startups et des organisations nouvelles, les organisations
hiérarchiques traditionnelles la mettent en place à côté (E15) ou au sein de l’organisation (E18).
Elle est recherchée au sein des industries anciennes et nouvelles par les effet et avantages
induits, avec la vente d’une promesse et non d’un produit, et la captation de parts de marché
(E11), voire imposée car considérée comme une règle de l’organisation (E16), et n’est jamais
acquise.
Certains échecs de mise en place de la coopération transversale sont à mettre en lien avec le
parachutage d’agent dédié, sans pouvoir, et qui viennent constituer une couche supplémentaire
dans l’organisation très hiérarchisée et silotée (E8).
Les succès semblent à mettre en lien avec une coexistence harmonisée des deux modèles
(hiérarchique et transverse) (E1 et E7).
Elle implique toutes les compétences (E7) et réunit tous les métiers (E12).
Elle nécessite de définir les rôles des collaborateurs individuellement et collectivement (E16),
dans la mesure où dans le groupe projet, ils ne connaissent pas les métiers des uns et des autres
109
(E13). Elle leur permet de lever les méconnaissances sur les métiers (E12), et favorise ainsi
l’interdépendance comme le repérage des talents (E18), même elle a tendance à niveler les
compétences (E7).
Elle se caractérise par une coopération systématique, engage des collaborateurs motivés par la
contribution à la mission et implique une articulation des compétences et des comportements
(E7). La coopération est une parade face à l’individualisme dans la recherche de performance
(E12).
La transversalité impose d’être à l’aise avec la mouvance et l’ambiguïté (E9). Les incertitudes
renforcées par la flexibilité et l’agilité (E7) peuvent être à l’origine d’une déstabilisation des
collaborateurs en quête de fondamentaux dans l’organisation (construction de l’identité) (E7),
et implique un accompagnement des personnels lors de la prise de poste (E6).
La transversalité souligne le paradoxe des organisations qui recherche simultanément
autonomie et prescription du travail (E9).
T2 – Exemples
110
• d’une business unit, dans un cadre matriciel (E15) ; des relations entre deux services,
des organisations agiles et d’entreprise libérée (E16) ; d’une réorganisation autour de
marques (E14).
111
Q1 - Illustrations
E1 Expert RH Classique voir T1&T2
E2 DRH Agile (systémique) voir T1&T2
E3 DRH Classique Elle illustre via un groupe projet transverse de généralisation du télétravail impliquant 5 directions et
50 collaborateurs. Elle décrit un fonctionnement où chacun connaît son rôle, son périmètre, identifie
les complémentarités et sert l’objectif commun, la réussite du projet. Elle donne la métaphore de
l’orchestre. « Comme chacun menait bien son travail dans son champ d'expertise pour mieux ensuite le
partager avec les autres en co-construction et dans le cadre des réunions qu’ils avaient et auxquelles
je n’assistais même pas, ils se regroupaient et ils travaillaient entre eux pour se dire, bon bah là ça
avance comment ? »
Elle souligne l’importance de la « mise en sommeil des egos au sens où chacun apporte son expertise
et en fait on construit un ego collectif qui est la satisfaction collective de la réussite »
Elle complète avec l’illustration du fonctionnement d’un restaurant, une ruche où chacun connaît son
rôle au service du collectif et de l’objectif, servir rapidement les clients.
E4 DRH Agile (SI) Il cite deux illustrations de coopération qui découlent directement de la complexité de l’offre
(commercial) ou de la nature de l’activité (R&D). Le reste de l’organisation ne fonctionne pas en
transverse.
Il précise que le responsable de compte est un chef d’orchestre de multiples ressources internes comme
externes car il ne peut pas tout maîtriser et que « ce fonctionnement transverse se traduit par une
grande complexité au quotidien, complexité dans laquelle les collaborateurs se perdent parfois. »
E5 Consultant Transversale (PME
libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique E8 illustre la recherche et la résolution de problèmes en Groupe. Les périmètres tombent au profit du
bon fonctionnement du Groupe.
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux E10 indique que « beaucoup d’entreprises s’interrogent sur la façon d’organiser le travail et de
entreprises (PME) manager. Elles s’orientent vers une participation du salarié beaucoup plus active avec un rapport
beaucoup plus direct entre la figure de direction et les salariés ».
112
Elle cite des études qui indiquent que les entreprises classiques, hiérarchiques seraient moins
performantes que les apprenantes, agiles, etc. Certains dirigeants peuvent vouloir alors transformer
leur organisation sans donner le temps de ce profond changement, ni aligner les process RH ou la
culture managériale et que certains salariés ne s’y retrouvent pas.
E11 Consultant Projet Voir T1 & T2
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Voir T1 & T2
marques/pays
E15 DRH Matricielle E15 incite à poursuivre la réflexion auprès d’un lab au sein du groupe, avec un fonctionnement propre,
lignes/pays sur des modèles de coopération plus développés.
Ce fonctionnement est vraiment innovant, reposant sur des méthodes agiles, et donc une coopération.
E16 Consultant
E17 Consultant Il précise que la coopération transverse se voit dans des projets systémiques, multidimensionnels,
d’organisation du temps de travail, de faire travailler ensemble des équipes sans habitude de ce
fonctionnement, sans connaissance du travail des autres collaborateurs, avec un rôle de la RH.
E18 Partenaire Classique Il souligne l’ambiguïté des cercles de qualité, à la recherche sans cesse de problème même s’il n’y en
pas et l’implication de la direction générale du groupe dans ces travaux.
Il déplore également la focalisation sur les choses qui ne fonctionnent pas, la recherche de
l’amélioration continue et l’absence de valorisation des succès, demandant des efforts constants et
menant à l’épuisement.
Il indique que l’agilité vue comme la perte de règles et de normes est synonyme de complexité pour les
salariés (exemple du portail intranet avec une information introuvable ou de l’absence référentiels dans
les méthodes de travail). « C'est compliqué de trouver un référentiel parce qu’avoir un référentiel,
c’est ne pas être agile. »
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat-Fab Il évoque que la démarche d’intrapreneuriat dont la philosophie est la coopération transversale se
Innovation Lab heurte au fonctionnement de l’organisation très silotée (qui n’a pas été faite pour ça) et à des logiques
de territoire.
113
Il partage qui lui a fallu 3 ans pour convaincre son organisation pour lancer un programme
d'intrapreneuriat.
T1 - Contexte
E1 Expert RH Classique Il évoque le contexte, fait de défis que doit relever son organisation (rapprochements successifs,
réformes qui disruptent le marché et besoins d’innovation) qui ne relèvent essentiellement grâce à la
coopération.
E2 DRH Agile (systémique) E2 évoque le monde VUCA comme contexte à l’origine de la recherche d’organisations agiles et de
coopération transversale.
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale (PME
libérée)
E6 DRH Matricielle Il rappelle une nécessaire adaptation dans l’accompagnement des personnels à chaque nouvelle prise
de fonction.
Il rappelle la nécessaire adéquation entre l’organisation et l’activité de production, notamment dans
une industrie de masse ne pouvant supporter une organisation « haute couture », avec des managers
désormais en charge d’une fonction et non du produit global (spécialisation selon les compétences).
Il rappelle la facilité à imaginer des organisations en théorique, en précisant l’existence de politique et
d’organisations propres à chaque produit crée, avec des ressources dédiées.
Il souligne le caractère assez général de recherche de compétitivité dans la mise en œuvre d’une
nouvelle organisation.
E7 Consultant E7 précise que la coopération transverse n’est pas un phénomène nouveau.
Il explique la nécessaire contribution de différentes compétences pour développer un produit à partir
d’une feuille blanche, au sein d’une entreprise et la difficulté à identifier le rôle du pilote, avec ses
caractéristiques, la composition du groupe et également l’aspect interculturel, venant complexifier le
dispositif, et notamment dans l’activité industrielle automobile depuis trente ans, permettant de réduire
les cycles de lancement de nouveaux produits, voire dans l’industrie électronique ou l’armement.
Il souligne que cette évolution a été appréciée différemment selon les entreprises, et notamment les
RH.
114
Il existe plusieurs modes de coopération transverse : équipe projet, fonctionnement en mode réseau ou
en groupe de travail.
Cette transversalité est récurrente dans des fonctions transverses comme l’audit.
Il souligne que l’organisation hiérarchique traditionnelle s’est adaptée et qu’il n’existe pas un seul
modèle : le pur matriciel, le pur hiérarchique et le pur réseau n’existent pas, car il y a un mix de tout
cela à la fois.
Il précise que l’enjeu réside dans la cohabitation de deux modèles.
Le bon mode d’organisation consiste à réunir les compétences identifiées.
L’agilité est dans la capacité à mêler ces différents schémas d’organisation.
Il souligne l’existence d’organisations hiérarchiques qui ont su intégrer le matriciel ou vivre avec.
Il insiste sur la variété des formes de transversalité.
Il souligne que ce mode d’organisation conduit à s’entrechoquer, tout en précisant que le matriciel se
caractérise par une coopération systématique, un esprit de compétition amoindri et des collaborateurs
motivés par la contribution à la mission, le bien commun en opposant ainsi le hiérarchique qui délimite
par construction des zones d’action et de responsabilités préétablies, menant à des heurts entre les
différentes lignes quand elles évoluent.
Il ajoute cependant que l’organisation matricielle comprend des frontières également, et implique une
articulation des compétences et des comportements.
Il reprend la notion de concourrance dans le cas d’équipe projet.
Il souligne la difficulté de vendre l’agilité.
Il souligne que la flexibilité voire l’agilité sont souvent perçues comme une incertitude maximisée, ce
qui reste cohérent du principe même d’agilité.
Il insiste sur les allers-retours entre les schémas d’organisation comme signe d’agilité.
Il précise que la transversalité a tendance à niveler : le métier élargit l’éventail que le projet réduit.
Il reconnaît l’absence de modèle unique, avec des tendances communes et des différences, avec une
mise en phase du modèle organisationnel, des compétences techniques et managériales.
Il reconnaît la question de la construction de l’identité des salariés qui ont besoin de se projeter, qui
implique de revenir aux fondamentaux de l’organisation (le socle des valeurs), à savoir sa mission,
avec un management par les valeurs, qui par définition est transverse.
E8 DRH Classique
E9 Consultant Il précise les termes entre agilité et transversalité, en indiquant que l’agilité favorise la transversalité et
s’interroge sur l’existence de l’agilité comme un tout imprégnant l’organisation, une culture, des
115
processus limités à certains endroits de l’organisation.
Il s’interroge sur le phénomène ou non de mode de cette coopération transverse et précise que les
process agiles, et notamment scrum et le design thinking sont anciens et viennent de l’industrie, surtout
dans l’innovation, à certains endroits, dans des fonctions créativité marketing. Désormais, cela existe
dans des labs, créés à part de l’entreprise sur un autre site, avec des gens différents, tout en soulignant
que cela ne n’existe pas partout et que le poids de la culture d’entreprise ne favorise pas cette
coopération et mène ainsi à créer des bulles extérieures ad hoc, sorties des silos traditionnels de
l’organisation, isolées des autres collaborateurs pour mettre en place une véritable transversalité,
phénomène marginal représentant au mieux 5% des organisations, et variable selon les secteurs.
Paradoxalement, la transversalité isole.
Il se demande si le projet, autre mode de transversalité, est le mode de fonctionnement privilégié ou
n’est qu’une surcouche d’une organisation avec des tribus en silo : un fonctionnement traditionnel de
l’organisation en silo auquel s’ajoutent des projets impliquant pour le salarié les deux modes (phase
d’aération du projet).
Les organisations ont des besoins de transversalité différents.
Il souligne que le système n’est jamais pensé dans sa globalité mais relève de différentes couches alors
que c’est une véritable transformation, avec une transformation des modes de fonctionnement.
Il confirme la mouvance de la transversalité et la nécessité d’être à l’aise avec l’ambiguïté : la clarté du
mécaniste n’existe plus. Il souligne le paradoxe d’une organisation qui recherche simultanément de
l’autonomie et des process.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet E11 partage sa perception de la coopération transversale recherchée dans toutes les industries, les
nouvelles comme les anciennes. Ce n’est pas une tendance réservée à l’innovation ou aux start-up. Il
l’explique par deux raisons :
- un changement client : on ne vend plus un produit mais une promesse (produit, services, expérience
client) qui implique l’ensemble de l’entreprise front et back office, tous les métiers ;
- un changement business : l’agilité et la globalisation seraient différenciant pour la captation de parts
de marché.
116
E12 Expert RH Université E12 souligne l’interdépendance des services, en termes de chaîne « La coopération existe
d'entreprise naturellement du fait de nos produits en termes de chaîne ».
La coopération est recherchée, car jamais acquise et considérée comme une attitude de leadership
attendue.
Elle rappelle la nécessité de casser les silos au quotidien.
La coopération permet de découvrir d’autres services, sans besoin de mettre en place des « vis ma vie »
systématiques entre services.
La coopération est exigée face à l’individualisme pouvant se faire jour lors de la recherche de
performance.
E13 Partenaire classique E13 constate dans les groupes projets que les collaborateurs ne connaissent pas à l’origine le métier de
l’autre alors que les missions et fonctionnement ne sont pas très éloignés, et qu’ils apprennent à
apprécier au fur et à mesure le métier de l’autre. Il précise que le double rattachement hiérarchique et
fonctionnel (organisation mixte 50 % -50%) reste trop compliqué pour les collaborateurs, d’autant plus
si les relations entre le supérieur hiérarchique et le supérieur ne sont pas optimales.
Il souligne l’existence d’inconvénients dans le matriciel.
E14 DRH Matricielle E14 indique que le contexte était un souhait de mieux définir les priorités d’investissement pour le
marques/pays groupe.
E15 DRH Matricielle E15 souligne le caractère hiérarchique de l’organisation du groupe et précise que la coopération ne
lignes/pays signifie pas organisation très plate, indiquant ainsi que la coopération est possible dans des
organisations hiérarchiques.
Elle précise que la coopération n’est pas égale à l’agilité et à la simplicité.
E16 Consultant E16 précise les termes utilisés, à savoir coopération entre des équipes transverses, ou coopération
transverse entre les membres d’une équipe, ou coopération transverse entre différentes équipes et
retient cette dernière approche.
Face à la définition retenue (coordination, collaboration et coopération, avec une notion d’engagement)
du groupe mémoire, il indique que la coopération peut être imposée, considérée comme une règle de
l’organisation. Il précise que définir ce que l’on attend des collaborateurs individuellement et
collectivement est une préoccupation récurrente, au travers d’une coopération efficace transversale
(références à Taylor, post Taylor et Mintzberg).
E17 Consultant
117
E18 Partenaire Classique Il précise que la thématique de coopération transverse fait réfléchir, peut être vue comme un risque et
pose question sur le rôle des représentants du personnel.
Il reconnaît le caractère très pyramidal et hiérarchique du groupe.
Il précise que cette démarche est soutenue par le syndicat car elle contribue à la valeur importante de
démocratie, de participation des salariés à une démarche.
Il indique que la démarche ne doit pas impliquer des réorganisations non dites, comme le taylorisme,
comme ça peut être le cas.
Il constate l’absence de vision stratégique pourtant nécessaire, et de débat avec les représentants du
personnel par absence de globalité de la problématique, de retours et d’indicateurs de mesure.
Il précise que la transversalité se développe dans cette organisation très hiérarchique.
Il souligne l’aspect positif du pouvoir donné aux salariés de débattre et de s’investir dans
l’organisation.
Il précise qu’une organisation transverse favorise le repérage des talents.
E19 DRH Il indique que le recours à des compétences spécifiques en interne, pour un projet identifié, avec
quelques externes, en vue de construire un pôle complet, sur une période donnée, reste un idéal dans la
mesure où la gestion du changement reste assez compliquée dans les organisations.
E20 Expert Intrapreneuriat-Fab Il précise le fait que cette organisation est le fruit de son histoire et de contextes favorables. Ainsi, «
Innovation Lab tout ce que vous pouvez proposer pour faire autrement est plutôt vu comme une menace, comme un
moyen de dérégler la machine qui marche si bien, plutôt que comme une opportunité. »
La crise du COVID confronte le Groupe à ses premières réelles fortes turbulences. Cependant, le passé
et la culture sont si fortes que l’hypothèse dominante est que cette crise est très conjoncturelle et
qu’elle ne remet pas en cause le modèle ou l’organisation. Il semble y avoir peu de doute sur le retour
à terme à la même profitabilité.
«J’ai eu un vrai choc quand je suis arrivé d'une culture Télécom où il est impératif d’innover. Faire
autrement était un simple impératif de survie tellement la concurrence était forte. Dans cet
environnement, on est plus sur des gestionnaires et le changement est perçu comme une menace qui
peut mettre un grain de sable dans une machine qui fonctionne très bien, plutôt que comme une
opportunité ou une nécessité pour pouvoir se réinventer et du coup survivre. »
Une raison contextuelle qui a favorisé le lancement de l’intrapreneuriat et donc de la coopération
transversale est la perte d’attractivité du Groupe auprès des jeunes générations qui lui reprochent son
fonctionnement et son organisation.
« On a de plus en plus de jeunes diplômés qui nous rejoignent pour les premières années, qui au bout
118
de 2, 3, 4 ou 5 ans ne trouvent pas complètement leur place, ils ont l'impression qu'ils n’ont pas de
possibilités de carrière à l'intérieur du Groupe et donc s’en vont. Les messages qu’ils nous disent c’est
« les process sont trop lourds, on peut pas du tout innover, c'est un carcan, donc laissez-nous un peu
d'autonomie, un peu de liberté et comme on n'en trouve pas et bien on s’en va ».
T2 – Exemple
E1 Expert RH Classique Il cite une illustration de création d’espace : une application de rencontre de managers opérationnels.
Il cite une illustration de vecteur d’innovation : les shadowcomex
E2 DRH Agile E2 cite en exemple de coopération « l’acceptation du rôle et de la prise de décision que peuvent avoir
(systémique) ces équipes agiles »
Un autre exemple est la place conquise par les RH et autres fonction support qui sont impliquées en
amont des projets et dont le professionnalisme est reconnu comme créateur de valeur.
Un autre exemple apporté est celui de l’installation des communautés de pratiques : « c'est une forme
aussi de coopération transverse entière ; on avait des personnes qui étaient très cloisonnées au sein de
chaque département ; et ça permet 1 à 2 fois par mois qu’ils se retrouvent et qu'ils puissent échanger
sur les sujets, travailler sur des sujets communs, de leur domaine de spécialité, et du coup, on a
complètement décloisonné et uniformisé l'ensemble des pratiques par métier au sein du site »
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
119
E7 Consultant Il constate une fusion entre le hiérarchique et le transversal dans certaines structures retail.
Il observe cette mise en œuvre d’une certaine polyvalence au service du client, avec diverses
compétences intégrées, permettant de changer d’enseigne sur différents sites, toujours au profit du
client.
Il souligne la flexibilité du dispositif, présentée comme une stimulation pour le salarié.
Il fait la différence entre transversalité et agilité, l’agilité reposant sur un élargissement du portefeuille
de compétences.
Il précise l’organisation avec des relations tripartites ou quadripartites dans des organisations
coexistantes (collaborateur, manager, chef de projet, manager hiérarchique, DRH). Il cite le cas où le
transverse s’impose, le hiérarchique relégué au second plan devenant seulement le référent de l’entretien
professionnel, non intéressé par la performance du salarié dans le projet, avec une gestion de
l’organigramme et de vente de ses ressources, le RH étant en relation directe avec le manager de projet,
notamment pour les questions quotidiennes comme le disciplinaire, voire le temps de travail.
Il cite également des organisations avec quatre liens pour un même salarié : un lien contrôle de gestion,
un lien hiérarchique pur, un lien projet et un lien établissement, en soulignant surtout le lien avec le
délégué syndical, rendant difficile le compte rendu d’activité.
Il cite l’exemple des RH dédiées à des équipes projets au sein de start-up, avec lesquelles l’équipe peut
s’entretenir à tout instant, en ayant une vraie fonction humaine, le disciplinaire et l’administratif ayant
été confiés à d’autres.
E8 DRH Classique
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet « Quand ils lancent un produit, ils sont tous autour de la table car les cycles sont très courts. Tu as le
marketing, ceux qui adaptent le site web, ceux qui adaptent les infrastructures techniques et le CRM, la
compta qui facture et même le recouvrement. Ils définissent toute la promesse client autour de ce
produit et là c’est encore plus exacerbé. C’est frappant même dans l’organisation de leurs locaux.
Toutes les équipes sont mélangées. La compta est au milieu. Chacun s’installe n’importe où et
l’organisation est diluée. Ils passent leur temps en petits groupes. »
« Dans les grands groupes, il y a des métiers et des directions historiques qui fonctionnent en réseau.
Ça passe donc en projet pour créer des liens entre les silos. »
« Chez X, ce n’est plus un projet, c’est une suite de réunions perpétuelles. Tout est dans tout et ils
120
adaptent au fur et à mesure leur organisation en transversal. Il y a seulement des grandes lignes
d’organisation, tout est mouvant. »
E12 Expert RH Université E12 cite l’exemple d’un gros projet, avec une mutualisation des services de formation. Il a été très, très
d'entreprise difficile et a nécessité un an et demi.
Elle a dû faire face à la volonté de conservation des prés carrés au sein des différents services pour
parvenir à cette mutualisation.
Elle insiste sur l’avant/après du projet : « parce qu’on est passé d’un truc où chacun était autonome à
obligé de coopérer. »
Ce projet a connu la courbe du deuil, avec le déni, la colère, l’acceptation et la recherche des solutions.
C’est un projet de change.
Il s’agissait surtout de prendre conscience du changement.
E13 Partenaire classique E13 cite le cas de la coopération dans le cadre d’une évolution de l’organisation lors du lancement d’une
démarche qualité comme solution aux dysfonctionnements portant sur le service aux clients et de la
création de centres de relations clients sur deux sites sans recours à du recrutement externe, impliquant
de nouveaux métiers, l’introduction de nouvelles technologies, l’implication des managers, la
communication sur l’approche clients.
E13 présente des structures auparavant très cloisonnées, avec un recrutement fondé sur le bouche-à-
oreille ou la connaissance du directeur général. E13 cite le cas de la mise en place d’une structure
matricielle permanente, ayant un lien fonctionnel et un lien hiérarchique, en précisant l’absence de mode
projet, avec un fonctionnement optimal reposant sur le relationnel.
Il indique la nécessité du soutien de la direction générale dans ces projets, permettant d’appuyer la
manœuvre en cas de critique des collaborateurs.
E14 DRH Matricielle E14 donne l’exemple d’une réorganisation de géographie à marque avec le souhait de faire émerger de
marques/pays la coopération transversale entre les métiers autour de chaque marque sans perdre les communautés de
métiers, afin de maintenir la cohérence de développement pour le groupe. « Tout l'enjeu de la
collaboration transversale, c’est qu’on peut faire l'organisation comme on veut, c'est pas ça qui fait
changer les manières de fonctionner. (…) les silos existeront toujours potentiellement. Et donc ce qui est
intéressant, c'est pas tant d’aller travailler sur l’organisation, ce qui est très coûteux, mais ce qui est
intéressant, c'est de se dire c'est quoi tout le reste qui peut être mis en place pour, quelle que soit
l'organisation finalement faire que ça va fonctionner. »
121
E15 DRH Matricielle E15 présente un exemple de coopération transversale dans un cadre matriciel (BU avec différents pays),
lignes/pays lors de sa fonction de RH au sein d’une BU : elle décline dans sa BU les directives (recrutement,
management de la performance et des talents) définies par le corporate et reçues d’une BU globale, vue
comme intermédiaire du corporate et qui regroupe différentes BU. Cet échange BU globale et BU est
considéré comme de la coopération.
Cette coopération est vue comme une orientation du N+1 pour une adaptation au N plus local.
Elle permet une latitude d’action dans un cadre donné aux différents niveaux, latitude appréciée
variablement selon la confiance accordée aux personnels et les périmètres retenus.
Elle prend un deuxième exemple, correspondant davantage à du matriciel avec un axe BU et un axe
géographique (et non à un empilement de couches).
E16 Consultant Il cite l’exemple de coopération transverse (ou de relation transverse) entre l’équipe RH/paie et l’équipe
comptabilité chaque fin de mois pour transmission des états de paie, entre un service fonctionnel support
(RH, facturation, compta) et une entité opérationnelle/de production.
Il revient sur les dix dernières années et le développement des organisations agiles vu comme une
directive générale de transversalité « de coopératif vraiment poussé à l’extrême ».
Il cite un projet d’agilisation des fonctions IT d’une grande organisation financière, en vue de
développer un fonctionnement coopératif au sein de l’équipe IT et avec les clients internes des équipes
IT, avec une évolution vers les méthodes scrum et kanban mettant à mal utopiquement le principe de la
régulation hiérarchique : nouvelle organisation interne avec disparition de la fonction hiérarchique du
chef de projet et positionnement d’un manager de la coopération interne, garant « d’un principe
coopératif généralisé », avec un scrum master (en référence à la mêlée, principe coopératif généralisé) et
des méthodes de « time bushing », de sprint de management visuel.
Il poursuit sur la notion d’entreprise libérée, avec la déclinaison de la coopération à un niveau élevé, à
l’échelle de l’entreprise (impact sur les sujets RH), en précisant le cas d’autogestion dans la
détermination d’un budget formation, de RTT, planning congés au sein d’une équipe.
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il cite les exemples de groupe de progrès ou cercles de qualité des années 90, initiée par le groupe en
vue d’une évolution du fonctionnement des services et du management, avec la formation de
collaborateurs (communication, animation de réunion, résolution de problèmes). Exemples considérés
comme un peu vieux et obsolètes.
Il cite également sa participation aux groupes d’expression (Loi Auroux).
122
Il cite également une démarche similaire avec le lean management comme un gros projet du groupe avec
plusieurs centaines de salariés formés. Il évoque ses effets et impacts sur les conditions de travail,
étudiés dans le cadre du CHSCT. Il précise que le lean management percute le management en place,
avec une remise en cause de l’existant et parfois selon eux de la légitimité des managers, voire de leur
autorité. Il ajoute que cette démarche a un impact sur les différents niveaux de la hiérarchie, des
managers de proximité au haut de la pyramide, face aux questions des salariés sur l’organisation et les
méthodes de travail.
Il indique que la démarche intéresse les collaborateurs au début car ils vont s’exprimer sur l’organisation
du travail et y voient un lien avec la QVT.
Il ajoute qu’au final, il n’y a pas assez de restitution et que les salariés ne participent pas assez, au risque
de ne pas se retrouver dans les réaménagements instaurés, car non définis par eux en fait.
Il rappelle que le lean management permet de poser des questions sur le travail et non de dégraisser, en
supprimant les tâches de moindre valeur ajoutée.
E19 DRH
E20 Expert Intraprenariat-Fab Il cite l’exemple de l’intrapreneuriat qu’il développe depuis 2018.
Innovation Lab « Ce que j'ai mis en place avec l'intrapreneuriat est justement de créer des équipes qui soient des
équipes transverses, avec des participants venant de plusieurs sociétés, de plusieurs horizons, de
plusieurs métiers, pour travailler à la mise en œuvre du développement de l’innovation. »
Il cite également le Fab Lab qui est un lieu de coopération tranversale dont la philosophie est de « faire
se rassembler, se connecter des collaborateurs qui ont des intérêts convergents, qui ont envie d'apprendre
les uns des autres » et de créer de l’émulation et de l’ouverture avec des ateliers et conférences des
collaborateurs internes et d’intervenants externes.
123
Q2 – Les leviers favorisant la coopération
Synthèse
Ces leviers, considérés comme chronophages, sont essentiels car ils font vivre aux individus et
aux équipes l’écoute, le pragmatisme, la confiance, la valeur de la parole de chacun. Ils
impliquent la nécessité de prendre son temps dans sa mise en œuvre, de bien choisir le moment
(E6), d’insister sur la phase de cadrage (E10), de reconnaître l’autonomie comme critère
d’efficacité (E8), de valoriser les liens notamment entre RH et opérationnels (E13), et prendre
en compte la culture dans une organisation capable de créativité (E9). Elle se traduit par une
transformation progressive de l’organisation par le bas (E1), contrairement aux pratiques
courantes dans les sociétés occidentales qui adoptent souvent un fonctionnement « top down »
(E16).
Elle implique un focus sur la détection des potentiels managériaux et leur promotion (E17). Elle
s’appuie en effet sur une transformation de la fonction managériale, associé à une promotion
du manager-coach, une montée en compétences des salariés (coaching opérationnel) et une
revue des process de l’organisation (E16). La taille de l’organisation (E17 et E18), la tension
issue du matriciel (compétition et confrontation des fonctions et des intérêts impliquant le
consensus et du temps (E15), les expérimentations locales (micro-transformations) (E1), en vue
de diffuser de nouvelles façons de faire évitant de faire peur à l’organisation (E20) ont
également leur part dans le succès du développement de cette pratique.
Son succès résulte en partie d’une forte adhésion des salariés (E18), en lien avec leur volonté
de participer (E17). Certains interviewés soulignent une forme de prédisposition humaines
intrinsèque à coopérer ; là ou pour d’autres la coopération ne va pas de soi (E16). Elle repose
sur deux volets complémentaires, l’organisation du travail et la culture. Il ne sert à rien de
recruter des profils coopératifs si l’organisation ne permet pas la coopération. La culture de la
coopération transversale ne peut s’implanter sans process la soutenant.
Elle implique un principe de changement décidé mais une certaine souplesse dans ses modalités
de mise en œuvre (E6), les chemins pouvant évoluer (E8). Elle nécessite une évolution des des
process de management de la performance, de développement personnel (E6), une
communication sur les gains de cette transformation avec la prise en compte de la dimension
humaine dès l’origine du projet (E17), une valorisation de l’accompagnement avec un projet de
carrière valorisant pour l’individu et l’organisation (E6), un encadrement par des process
notamment de décision (vision globale de la situation). Elle doit être valorisée, posant ainsi la
question de la mesure de cet objectif (E8) et nécessite un changement du système de
reconnaissance pécuniaire et individuelle (E9).
124
Déployer la coopération transversale est bien différent du fonctionnement coopératif d’une
petite équipe dotée d’un bon état d’esprit de ses membres (E14). Ainsi, la coopération reste un
travail d’incitation permanente, ne résultant pas de la solidarité ou de la sympathie (E8).
Elle doit servir un objectif (E1) et est en lien avec l’entreprise apprenante en créant des
synergies avec l’université d’entreprise (E20).
T3 – Organisation
Elle demande également dans le cadre d’un fonctionnement par projets, des projets clairement
identifiés, avec des acteurs capables de se remettre en question (E13), l’appui de plusieurs
directions sponsors de la démarche se relayant en cas de faiblesse transitoire de l’une (E20),
une vision situationnelle (E3).
En phase de conception, cette coopération repose sur un plan co-construit (E14), le montage
d’une équipe projet avec des échanges réguliers et itératifs, la participation des instances
représentatives, une bonne communication, l’évaluation des postes en termes d’efficience (E6).
Le modèle n’est pas fait pour toutes les organisations (E5), même si c’est bien souvent un
impératif pour faire fonctionner les organisations complexes d’aujourd’hui (E14).
T4 – Management
La coopération transversale est dépendante du CODIR (E14) et des managers qui lui donnent
du sens (E8). La réussite d’un projet s’explique par l’engagement du top management. Le rôle
du PDG (E12) de la direction générale (E13) est fondamental au bon fonctionnement de la
transversalité, notamment par le style de management, la confiance accordée et l’autonomie
(E15), par le développement plus globalement d’une culture de la confiance dans l’organisation,
125
l’authenticité des relations humaines et la capacité de certains leaders à appréhender le
transverse (E2).
Le leader d’une entreprise libérée dispose de générosité, pédagogie et patience (E5).
Attention, néanmoins à cette fonction clé qui peut parfois être traitée en bouc-émissaire (E18).
T5 – Equipe
La communication au sein de l’équipe est essentielle (E5), avec notamment des temps
d’échange entre salariés pour partager leurs métiers, leurs savoir-faire (E11). La confiance et la
compréhension de l’autre et ses besoins (E14), le feedback d’équipe avec l’abandon de la
culture du blâme sont également mis en avant (E8). Le développement des soft skills (savoir
communiquer) (E3 et E7), savoir clarifier et fluidifier le fonctionnement de l’équipe (E3), savoir
dire quand cela ne fonctionne pas (E3) sont autant de leviers collectifs.
T6 – Individus
Les soft skills sont retenues comme des leviers à détenir (E2, E3, E4, E6, E15, E18, E19) -
certains individus coopèrent plus naturellement que d’autres (E8) - même si elles ne suffisent
pas (E9).
Le recours à un coach peut être envisagé afin de modéliser l’organisation par les comportements
(E1).
126
Q2 – Leviers
E1 Expert RH Classique Il insiste sur le fait que la coopération doit servir un objectif. « L’entreprise n’a pas besoin de choses qui
ne servent à rien. »
Devant le constat que les boards sont tous sur le même modèle, souvent peu propice à la coopération, il
dit « moi je crois à la transformation de l’organisation par le bas et par une forme d’obstination dans le
fait de créer des espaces et que ces espaces fonctionnent. »
Il parle de micro-transformations pour désigner les expérimentations locales qui favorisent la
transformation des acteurs, des façons de coopérer et qui créé des îlots, des cultures et puis petit à petit
transforment l’organisation.
Il insiste sur un en même temps propice à la transformation d’entreprise : organisation classique et
transversalité locale / stratégie de direction et mouvement du bas.
E2 DRH Agile Il évoque que la gestion de l’information est un outil puissant de développement de la coopération.
(systémique) Cette démarche EHQM est un accélérateur de développement de la coopération et du décloisonnement.
Ainsi, au lieu de construire la stratégie avec le CODIR ou à travers 2, 3 membres du CODIR sur un coin
de table, on l'a construite avec 150 managers qu'on a mis dans une vaste salle de réunion ; et on a
construit ensemble.
E3 DRH Classique Elle évoque l’importance de l’expérimentation, de la pratique pour développer la coopération. Elle
évoque l’importance du sens, on ne peut s’engager en coopération que si on comprend le sens car cela
permet l’engagement et l’enthousiasme pour mener le projet.
« Et puis effectivement peut-être aussi l'opportunité qui du coup a été donnée à toutes ces personnes de
sortir peut-être de leur silo. C’est-à-dire, de travailler autrement, sur quelque chose d'un peu différent
et donc ça apporte aussi une espèce de bouffée d'oxygène, de respiration différente. »
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
127
E6 DRH Matricielle Il rappelle que si le principe de changement est acté et ne peut être discuté. En revanche, les modalités
doivent rester souples avec des leviers (écoute, pragmatisme, confiance, adhésion) chronophages mais
essentiels.
Il rappelle la nécessité de prendre son temps dans la mise en œuvre de ces organisations.
Il souligne que ce changement d’organisation n’implique pas une remise en cause de l’ensemble des
process : les process de management de la performance et de développement personnel restent mais leur
condition de déploiement évoluent.
Il observe ainsi le travail d’accompagnement des personnels, avec des échanges possibles entre filiales
du groupe, pour éviter de perdre une ressource ne correspondant pas à l’instant t mais restant
intéressante pour le groupe au vu de son expérience et de l’investissement consenti, voire des
recrutements externes quand la ressource n’est pas disponible.
Il indique que l’accompagnement doit être valorisé positivement, avec un véritable projet de carrière,
valorisant pour l’individu et pour le groupe (économie, image).
Il précise que le moment de ce changement doit être bien choisi et qu’il n’existe pas de méthode
universelle ; le pragmatisme reste essentiel, en sentant les choses.
Il ajoute que cette transformation implique une vision, avec des chemins pouvant évoluer.
E7 Consultant
E8 DRH Classique E8 fait le constat d’un travail toujours en cours pour inciter aux comportements de coopération car c’est
« le plus difficile » à mettre en place. La solidarité et la sympathie ne suffisent pas.
E8 plaide pour une valorisation de la coopération. Cependant pour ce faire il faudrait fixer la
coopération comme objectif et savoir la mesurer.
E9 Consultant Il souligne que la culture de l’organisation est mortifère pour les modes de fonctionnement différents.
Dans une organisation classique, le salarié fait ce qui lui est demandé de faire, voire ce qui va lui
apporter de la reconnaissance de son chef, de sa tribu et sera remercié pour cela, phénomène ne
développant pas la transversalité.
Il précise que la culture a pris le pas sur les process existants dans une organisation avec un horizon fini.
La transversalité nécessite d’aller au-delà de ces labs/prototypes, qui ne permettent pas de modifier le
fonctionnement même de toute l’organisation, et plus encore dans des grands groupes constitués de
salariés diplômés, en vue de favoriser la créativité de l’ensemble.
Il retient le rôle prépondérant des directions industrielle et financière dans une organisation mécaniste
industrielle en les comparant au rôle de la culture et des process RH dans une organisation capable de
créativité et d’innovation.
128
Il préconise le nécessaire changement du système de reconnaissance, en prônant l’autonomie comme
critère d’efficacité pour favoriser la transversalité. Cette reconnaissance est pécuniaire mais également
individuelle, en termes de visibilité des salariés.
E10 Partenaire Soutien aux Elle insiste sur le temps et le cadrage nécessaire pour transformer une organisation vers la coopération
entreprises (PME) transversale.
Elle souligne le prisme psychologique qui invoque la peur de changer et la résistance au changement
alors que bien souvent c’est une question de manque de co-construction autour du réel du travail.
E11 Consultant Projet « On coopère quand on est obligé de coopérer. Ça peut être facilité par les gens et l’organisation mais
en réalité, c’est très contraint. On ne coopère pas pour le plaisir de coopérer. »
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique Il souligne que la notion de taille humaine de l’organisation est un facteur clé du transverse. Il précise
que le rôle de RH au travers de la connaissance des chefs de service, les processus paie, formation, les
relations avec les IRP est un levier pour le lancement des projets de coopération. Il précise les
éventuelles difficultés liées au transverse, du fonctionnel et du hiérarchique en raison de l’ego des
personnels. Il pointe l’individu et le caractère personnel à l’origine des échecs, voire la rétention des
personnels au sein d’une entité pour conserver la productivité ou éviter le non-remplacement de postes
vacants.
E14 DRH Matricielle Elle différencie la coopération simple qui peut se faire naturellement dans une petite équipe si les
marques/pays collaborateurs ont le bon état d’esprit et la coopération transversale dans les groupes plus larges, qui doit
être encadrée par des process, notamment de décision, car même avec le bon état d’esprit on peut passer
à côté car personne n’a la compréhension globale des situations (VUCA).
Importance des processus : « je pense que ça s’encadre beaucoup la coopération »
E15 DRH Matricielle Elle indique que la prise de décision est freinée par la complexité constituée par l’existence de différents
lignes/pays niveaux et par la recherche du consensus dans les organisations structurées en plusieurs niveaux
(empilement de différentes couches verticales).
Elle revient sur la nécessité de la double conviction à obtenir (axe BU et axe géographique) et ainsi du
consensus requis, et du temps nécessaire : frein à l’agilité.
En termes de lourdeur du matriciel, elle indique que la matrice favorise les aspects ops (croisement et
interactions des segments commercial et géographique) mais non la fonction RH.
Elle précise que la tension issue du fonctionnement en matriciel (compétition des fonctions et
129
confrontation des intérêts) est voulue car considérée comme vertueuse. Elle ajoute que l’effet matriciel
peut peut-être renforcer cette coopération.
E16 Consultant Il est peu réceptif à l’idée d’une forme de disposition morale, une prédisposition intrinsèque à coopérer.
Il indique que la coopération transverse est favorisée par trois choses : 1) un effacement de la condition
managériale avec une promotion du manager coach (cf théorie des managers 4C), 2) une montée en
compétence des personnels (sans a priori sur leur prédisposition intrinsèque à coopérer) avec de la
formation et surtout du coaching opérationnel (accentuer le principe coopératif) avec des coach agiles ou
des communautés de transformation coopérative avec des personnels identifiés au sein des équipes
constituées sous forme de volontariat, 3) une revue des processus de l’organisation. « Non, l’agile, le
coopératif, le transverse, ça se pense, ça s'écrit et ça se communique. »
Il demande si l’input à l’origine de la transformation vient du haut ou de la base.
Il précise que le principe top down est le principe de fonctionnement de l’entreprise.
Il rappelle que dans les sociétés occidentales, quatre organisations sont performantes, systémiques par
rapport au contrat social, portent la prospérité et la sécurité : l’entreprise, l’administration, l’armée et la
police ; elles fonctionnent sur le principe top down.
Il souligne la schizophrénie du collaborateur, animé d’un principe démocratique (bottom to up)
confronté chaque jour au principe top down, et ainsi le challenge du manager.
Il précise que la recherche de la coopération est continue depuis la fin des années 50, en devant faire
face à un individu citoyen face à une organisation en adaptation permanente, avec des dynamiques de
transformation portées par le haut et déclinées ensuite le long de la ligne managériale.
E17 Consultant Il considère que la coopération repose sur deux volets complémentaires : « le hard », une organisation
du travail (organisation, règles, processus RH), surtout dans le cadre des transformations agile et « le
soft », au travers de la notion de mindset, de culture (pratiques managériales, communication, moindre
logique de command and control and compréhension, réflexion sur le rôle de community
manager/organiser la circulation des liens), avec un point particulier sur la détection des potentiels
managériaux, leur promotion, et formation. La réussite du changement repose sur une volonté de tous
les collaborateurs, suffisamment sensibilisés sur l’imposition d’un fonctionnement observé dans des
organisations différentes au vu d’une quelconque tendance.
Il précise l’effet taille de l’organisation sur le développement de la coopération. Il ajoute que le système
culturel est le dispositif le plus difficile à copier, à la différence des procédés innovation produits,
méthodes, et constitue un avantage économique essentiel. Il souligne la nécessité de communiquer sur
les gains de cette transformation.
130
Il précise que la dimension humaine doit être prise en compte dès l’origine du projet (développement
des compétences des managers.
E18 Partenaire Classique Il indique que le transverse est favorisé par le management, les équipes, les individus.
Il considère que la démarche de lean management doit être expliquée par le management pour éviter tout
échec.
Il précise qu’une forte adhésion des salariés est nécessaire pour la réussite.
Il précise que la démarche n’est pas de la cogestion et que cela doit être présenté ainsi pour éviter toute
frustration ultérieure. La décision relève du management même si le salarié peut y participer.
Il rappelle souvent l’absence d’explication sur cette démarche. Il précise l’effet taille de l’organisation
sur le développement de la coopération.
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat - Il évoque le subtil positionnement nécessaire lorsqu’on veut développer de nouvelles façons de
Innovation Fab Lab travailler, pour convaincre, démontrer par l’exemple et rassurer l’organisation. Il met en garde contre les
discours manichéens et va-t’en-guerre qui font peur aux organisations et conduisent à la mise au ban et à
l’exclusion des individus qui auraient pu avec être créateurs de valeur pour l’organisation.
« L’idée n’est pas du tout de détourner de la valeur et de casser le système. L'idée c'est que pour faire
progresser le système, de temps en temps il faut un petit peu désobéir, un petit peu tordre les règles un
petit peu contourner les process pour arriver à montrer qu'on peut faire les choses autrement. »
« Très souvent les gens qui ont envie de faire bouger les organisations sont un peu mises au ban, c’est
plus des bons élèves qui suivent bien les process et donc le système a une petite tendance à les exclure et
à les faire partir. Ce qui je crois est parfaitement dommage lorsque on est d'accord que l'entreprise ou
l'organisation est un corps vivant et qu’elle doit s'adapter à son environnement. Pas de bol, le système
fait en sorte d’éjecter ceux qui sont le plus à même de justement faire bouger système. »
Il met cette démarche en lien avec l’entreprise apprenante, notamment par la création de synergies avec
l’université d’entreprise.
Il met en avant l’importance des expérimentations pour petit à petit diffuser de nouvelles façons de faire
et ne pas faire peur à l’organisation.
Il insiste sur la culture du secteur, de l’organisation, des dirigeants pour expliquer les freins à la
coopération transversale et à l’expérimentation au sens large.
131
T3 – Organisation
E1 Expert RH Classique « on voit bien que ces deux éléments confiance et prise de décisions ont un impact extrêmement fort sur
la coopération parce que finalement un des points tangibles de la coopération, c’est comment on décide.
»
E2 DRH Agile « Ce qui fait, quand même pour moi le succès de ce type de fonctionnement, c’est vision et stratégie. (…)
(systémique) Pour moi, une vision, c’est un effet opérationnel attendu dans un cadre espace-temps ». Une vision
pragmatique court terme (1 à 3 ans), une feuille de route claire pour les managers, qui permet au CODIR
de lâcher un peu de contrôle.
Selon E2, construire et partager une vision opérationnelle, « ça crée quand même les conditions de la
confiance et, progressivement ça met en place une organisation performante et opérationnelle. » Il
complète en soulignant le changement de culture associé, du Top down au bottom up.
Il souligne l’importance de co-construire en équipe la vision et l’évolution de l’organisation.
E3 DRH Classique Elle distingue la gestion des contrats de travail qui implique une organisation classique, règlementée et
la gestion de projet qui nécessite une organisation situationnelle, adhoc où chacun est impliqué pour ses
compétences et sa complémentarité pour servir la stratégie de l’entreprise.
« L'entreprise en fait, elle est faite de projet. Et donc un projet, sauf s’il est très spécifique, il
n'appartient pas à une direction. (…) Il est là pour servir les enjeux stratégiques et les ambitions de
l'entreprise. Et c’est ce qui doit conduire justement à avoir finalement un modèle organisationnel
d'entreprise qui va être de plus en plus à géométrie variable et qui va être construit sur des projets qui
vont faire qu'on va constituer des équipes multidirections ; donc des équipes projet qui se composent
parfois pour seulement quelques mois, (…) et puis quand le projet ou quand le programme est terminé
l'équipe elle se décompose. »
E4 DRH Agile (SI) Il souligne un changement de culture initié par le dernier CEO qui ajuste la vision « on n’est pas là pour
vendre au client mais pour aider le client » et ainsi la culture commerciale et managériale avec une
volonté de transversalité surtout au niveau des commerciaux qui doivent désormais coopérer avec la
technique. Le commercial doit dans cette nouvelle culture développer son leadership pour animer une
équipe pluridisciplinaire pour servir le client.
E5 Consultant Transversale « Je crois que l’une des clefs du mode très coopératif, c’est la cible, comment on y arrive et les jalons. »
(PME libérée) Elle revient sur l’idée que ce modèle n’est pas fait pour toutes les entreprises, fonctions, équipes.
132
E6 DRH Matricielle En phase de conception de ce nouveau mode d’organisation, d’un point de vue opérationnel, il préconise
le montage d’une équipe projet reposant sur quelques alliés représentatifs, avec des échanges itératifs
partagés sur les projets d’organisation, en associant les personnels, adhérant ainsi au projet et en
identifiant quelques personnels précurseurs du projet véritables supporters et acteurs potentiels, en vue
de sa mise en œuvre future. Cela permet de ne pas travailler seul.
Il préconise une pré-identification des personnels à des postes.
Il précise la règle des trois tiers, non forcément identiques dans la mise en œuvre d’une organisation : un
tiers d’anciens collaborateurs de niveau supérieur (CODIR), un tiers de collaborateurs de niveau
inférieur (ascenseur social et dispositif de motivation et de rétention) et un tiers de recrutement externe
plus faible (vision nouvelle mais avec de faibles racines pour défendre le projet) surtout sur un volet
expertise ; les anciens collaborateurs de niveau inférieur ne représentant pas forcément un tiers (souvent
moins), en raison de la difficulté à changer et à trouver la légitimité dans ce changement.
Il souligne la complexité de mise en œuvre de cette organisation, la nécessité de conserver certains
personnels et le passage par couche, avec une association officielle et officieuse des instances
représentatives du personnel (retour ; capteurs) en en retirant de l’information, et par étape, en ayant pré
identifié l’étape suivante, à différents niveaux et avec une bonne communication vers les personnels.
Il précise le rôle nécessaire des organisations syndicales, des représentants comme un « écho de la
base » essentiel dans une décision de transformation de l’entreprise, ne relevant pas de la seule direction.
Il précise l’organisation de séminaires avec le management de différents niveaux afin de recueillir leur
avis sur les phases à venir et de les impliquer, avec deux étapes, une première après les grands principes
de l’organisation posés, et une deuxième ensuite.
Il précise que les organigrammes ont été constitués à la fin, même si la plupart était dans le groupe de
travail principal.
Il précise qu’une deuxième étape a été d’évaluer tous les postes en termes de contribution économique et
d’efficience des ressources affectées (le bon profil au bon poste, en vue d’éviter une démotivation et un
surcoût).
Il précise que cette nouvelle organisation impose de réfléchir à l’ensemble des postes utiles et à un
accompagnement assez tôt des personnels (si économies de postes massives voire recours à la RH si le
phénomène est plus marginal).
133
E7 Consultant Ces allers retours du mode transverse vers un mode hiérarchique favorisent le changement permanent de
l’organisation, avec une mise sous tension des personnels, en charge de périmètres identifiés
Il indique que la transversalité implique de revoir les statuts des personnels, et notamment la
rémunération et les conventions collectives, et d’accepter des statuts flexibles.
Il souligne la nécessité de revoir le cadre statutaire de l’organisation agile.
Il précise que la transversalité dépend des conditions de l’environnement : la présence d’experts n’est
pas toujours facile à gérer car ils ne mettent pas facilement en mode horizontal.
Il conclut que ce mode d’organisation nécessite de revoir les comportements.
Il considère que la RH est plus à l’aise dans des organisations hiérarchiques, avec la notion de pouvoir et
d’influence.
E8 DRH Classique Ell évoque que la transformation culturelle s’accompagne d’un redesign organisationnel pour simplifier,
aplatir et désiloter l’organisation.
Il faut organiser la coopération s’il y a des sujets transverses.
Il évoque l’intérêt du système Score Card pour décloisonner les enjeux, la stratégie et la performance
vers une vision globale. « La réussite collective, elle est mesurée, c’est l’atteinte de la fameuse Score
Card de la boîte ».
E9 Consultant Il souligne qu’un nouveau mode de fonctionnement ne peut marcher si le type de l’organisation n’est
pas modifié.
E10 Partenaire Soutien aux Elle précise que le sens est clé pour permettre aux salariés d’adhérer aux transformations.
entreprises (PME) Elle souligne la place de la cohérence de l’organisation pour permettre la coopération transversale. Des
services en concurrence, pris dans des conflits de logique interservices ne coopéreront pas.
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université Cette réussite repose aussi sur des groupes de travail transverse, avec une écoute des contraintes des
d'entreprise autres.
Ces groupes d’écoute ont été mis en place avec une coach externe en vue de comprendre la réaction des
intéressés face au changement et leur façon de le conduire.
Le rôle des process est très important dans un projet.
E12 précise les études de faisabilité humaine (EFH) mises en œuvre avant chaque projet, voire en cours,
en vue de détecter les difficultés et les risques, et réalisées en collectif.
Ces EFH font appel à différents interlocuteurs, comme la médecine du travail, les IRP, le top
management, les chefs de projets et s’appuient sur des faits en vue d’une véritable écoute pour faire
134
bouger les lignes si nécessaire.
Elles ne sont pas systématiques. En revanche, la santé reste un enjeu et objet d’attention au travers d’un
dispositif de capteurs.
E13 Partenaire classique E13 relève la nécessité d’une organisation par projets, avec des projets identifiés, une équipe projet
adaptée composée de responsable de service et de personnels du terrain capables de se remettre en
cause, la mise en place d’entretiens d’évaluation avec contribution des managers et donc la confiance de
ces derniers.
E14 DRH Matricielle E14 explique comment l’organisation et le système se sont transformés pour placer la coopération au
marques/pays cœur du fonctionnement de l’entreprise.
Elle explique que souvent les dirigeants attendent d’avoir un plan d’organisation tracé par un consultant
pour engager la conduite du changement. Or elle soutient que le changement vers la coopération
transversale commence dès la conception en co-construction de ce plan de transformation, de
l'organisation.
Elle évoque que la coopération transversale est un impératif pour faire fonctionner les organisations
complexes d’aujourd’hui qui font écho à la complexité du monde.
135
T4 - Management
E1 Expert RH Classique Il cite l’ambidextrie du manager d’Alexandre Tissot pour parler de la cohabitation dans l’entreprise
d’organisation classique et d’ilot de transversalité. Il en appelle à un « management situationnel, qui ne
soit pas dogmatique mais adapté à la situation. Et donc je crois que les zones d’expérimentation sont
autant d’éléments où on donne confiance à l’organisation sur le fait qu’ils savant faire, qu’ils peuvent
faire et que ça marche. En même temps qu’il faut une vision collective, stratégique, rassurante pour des
boards, rassurante pour des actionnaires. »
E2 DRH Agile Il cite une clé du management de coopération donnée par le général Thorette: « commander avec le cœur
(systémique) pour être obéi d’amitié » derrière cette formule, il est question de culture de la confiance et de bâtir des
relations humaines authentiques.
Il résume son propos : « C’est vrai que pour fonctionner dans l’entreprise responsabilisante et pour
favoriser cette coopération transverse, à la fois il y a de la vision, de la stratégie, un cadre d'action, il y
a des processus qui sont câblés pour promouvoir ce type de coopération, enfin, je dirais que c'est le côté
hard en quelque sorte et puis après sur le soft effectivement il faut progressivement faire évoluer les
profils de recrutement des leaders très clairement, d'arrêter d'avoir des cerveaux gauches 100%. Il en
faut quand même et bien sûr, mais aussi, pouvoir favoriser l'émergence de leaders de cerveaux droits
avec cette capacité à voir les choses de manière transversale globale. »
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI) Le management est un des leviers mobilisés pour développer la coopération transversale via la
formation et le coaching des managers.
E5 Consultant Transversale Elle évoque que la coopération transverse repose sur un leader, un porteur de projet, qui donne le sens,
(PME libérée) le timing, les indicateurs et qui sait créer une équipe. C’est-à-dire qui sait embarquer les gens, fluidifier
leurs relations, animer la confrontation constructive et s’ajuster en permanence selon la situation.
Elle insiste sur le rôle du manager qui doit pouvoir dire quand ça ne fonctionne pas, proposer de l’aide,
vérifier que l’intérêt pour le projet est toujours là. Elle interroge la difficile position du manager non
hiérarchique qui doit manager sans « pouvoir » mais autrement.
Elle évoque que la coopération transverse repose sur un leader, un porteur de projet, qui donne le sens,
le timing, les indicateurs et qui sait créer une équipe. C’est-à-dire qui sait embarquer les gens, fluidifier
leurs relations, animer la confrontation constructive et s’ajuster en permanence selon la situation.
Elle reprend le point d’achoppement de s’autoriser à dire quand ça ne fonctionne pas et que ce rôle est
celui des managers dans une organisation classique, rôle que peu acceptent d’endosser en coopération
136
transversale.
Elle précise les qualités du leader d’une entreprise libérée/coopérative : générosité, pédagogie, patience.
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant Il retient qu’il y a une certaine exigence de coopération dans le transverse et parle ainsi de management
de la transversalité dans le rôle du manager.
Il précise que le passage d’un management hiérarchique à un projet s’apprend.
Il indique que le changement d’un leader d’un projet en cas de dysfonctionnement est nécessaire et est à
considérer comme un signe d’agilité.
Il souligne la nécessité pour le manager de prise en charge des équipes, et notamment de tous les
membres d’une équipe, avec les bons outils et qualités. Il précise le rôle de la RH dans
l’accompagnement par de la formation, des entretiens individuels et du feedback des salariés en
difficulté.
Il précise le positionnement entre le hiérarchique et le fonctionnel, avec un hiérarchique métier, mettant
à disposition d’un projet des compétences, en soulignant le lien fort entre le chef de projet et le salarié.
E8 DRH Classique Elle évoque que le CODIR puis le manager doivent inciter à cette pratique et lui donner du sens.
Le changement de culture, c'est aussi C’est aussi mettre les managers au service du projet et moins de
leur visibilité.
E9 Consultant Il précise que le mode de management doit être transformé. Il ne suffit pas de former les managers. Il
faut les prendre en main.
E10 Partenaire Soutien aux Il rappelle le rôle du manager en tant que soutien et régulation dans les équipes
entreprises (PME) Elle souligne la fonction de régulateur et de facilitateur du manager qui permet le débat sur le travail et
ainsi évite la cristallisation en conflit de personnes.
E11 Consultant Projet Il partage sa perception que la coopération transversale fragilise le management classique et implique
une révolution managériale, où le manager passe du contrôle, de l’autorité au développement de ces
équipes, à la facilitation et à la valorisation de la coopération, à l’attribution de projets intéressants pour
ses équipes et qu’ainsi, le management est un levier de la coopération transversale.
E12 Expert RH Université La réussite du projet s’explique par l’engagement du top management, avec le rôle du PDG et des
d'entreprise échéances précisées et courtes.
E13 Partenaire classique Il indique la nécessaire implication de la direction générale pour un bon fonctionnement de la
transversalité.
137
E14 DRH Matricielle Elle évoque un axe processuel (processus en W), un axe de gouvernance et de leadership (unconditional
marques/pays collaboration). Elle souligne que ce qui était recherché était la confrontation positive pour prendre les
bonnes décisions et éviter le consensus mou.
Elle insiste sur l’importance que cette pratique parte du COMEX.
Elle indique l’importance du management par le sens, des processus de décision et de co-construction,
du développement personnel et de l’engagement dans le travail pour favoriser la coopération
transversale.
E15 DRH Matricielle Elle précise que la coopération transverse fonctionne en raison du style de management, de la confiance
lignes/pays accordée, de l’empowerment, de l’autonomie.
Elle souligne le point essentiel du modèle de leadership dans une organisation, et le modèle de
comportement attendu dans une organisation, au-delà de la structure même de l’organisation, avec leur
volonté de coopérer.
E16 Consultant Il précise le rôle du manager, à savoir obtenir un comportement d’un individu.
E17 Consultant Il conçoit le management dans cette coopération au travers du rôle d’amélioration de la performance et
non de simples directives (attente sociétale), en portant du sens, en prenant des décisions, en créant les
bonnes conditions individuelles pour les collaborateurs. Il souligne le cas de perte de pouvoir du
management au sein d’organisation matricielle, avec l’existence de liens de communauté et non plus
hiérarchiques, avec la fin des attributs du pouvoir et donc une remise en cause de la fonction
managériale, pouvant mener à des départs définitifs ou de la mobilité interne.
E18 Partenaire Classique Il précise qu’un responsable de service doit encadrer et guider les équipes et non pas savoir répondre
techniquement sur les travaux menés.
Il souligne la présence nécessaire du leader dans l’organisation comme encadrement, voire comme
bouc-émissaire.
E19 DRH Il indique l’absence de généralité dans la réaction face à un projet : peu de règles ne peuvent être
retenues pour sa facilitation. Il relevé la nécessité d’une certaine réserve, il faut pouvoir se poser la
question de la plus-value et de l’intérêt du projet. Un mauvais fonctionnement dans le projet n’est pas
anodin et doit amener à se poser la question de l’organisation à retenir en vue d’emmener les équipes. Il
précise la nécessité de faire preuve d’un certain formalisme lors de la présentation des projets.
E20 Expert Intrapreneuriat- « L’angle management et organisations sur ces sujets-là sont plutôt vécus comme des freins. »
Innovation Fab Lab Il déplore que la culture managériale soit plus command & control que coach d’équipe et de
collaborateurs. Il décrit un modèle managérial gestionnaire au service de l’application rigoureux du
process.
138
T5 - Equipes
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile co-construction
(systémique)
E3 DRH Classique Elle souligne l’importance des soft skills. « savoir communiquer, savoir ne pas être périmétrique, savoir
partager, savoir aussi dire quand on n'est pas d'accord. Le projet finalement autorise tout ça, parce
qu'on est une équipe. »
Elle partage sa conviction que le désaccord est créateur de valeur car « les meilleures équipes qui
gagnent sur le terrain, ce sont les équipes qui savent s’engueuler dans le vestiaire. »
Elle complète sur l’importance des soft skills pour clarifier, assainir, pacifier, reconnaitre chacun dans
l’équipe et fluidifier le fonctionnement de l’équipe.
E4 DRH Agile (SI) Des régulations d'équipes sont proposées afin de fluidifier la communication et la compréhension des
besoins de chacun.
E5 Consultant Transversale Dans le rôle du manager, elle rappelle le caractère essentiel de la communication au sein de l'équipe :
(PME libérée) savoir se confronter et se dire quand ça ne va pas.
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant Il reconnaît le rôle des soft skills et une certaine difficulté pour les RH dans la gestion des talents, car les
personnalités sont généralement rattachées à un mode (hiérarchique avec un cadre ou transverse avec de
la coopération).
E8 DRH Classique Il évoque que dans ces transformations, tout est affaire de culture. Elle centre son propos sur la culture
du feedback d’équipe (délibération sur le réel du travail). Mais cela implique un changement de culture :
Abandonner la culture du blâme pour celle du feedback. Signaler une difficulté doit être valorisé, la
cacher pénalisé. Or aujourd’hui la culture incite plutôt à ne rien dire de peur d’être sanctionné.
E9 Consultant Il souligne la nécessité d’expliquer aux collaborateurs l’intérêt de la transversalité : l’accompagnement
et la formation ne suffisent pas. Il faut une certaine motivation.
Il est également nécessaire d’accompagner un changement identitaire, en rassurant les collaborateurs et
notamment les managers sur cette mutation.
139
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet Il recommande également les temps d’échanges où les salariés partagent leurs métiers. « Ça crée des
liens entre les gens et les métiers. Ça fait prendre conscience aux gens de la complexité des autres. »
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique Il reconnaît la nécessité de collaborateurs leaders au sein des entités, sélectionnés et réunis en séminaire.
Il souligne la mise en place d’ateliers afin de comprendre le fonctionnement de l’organisation et de
communiquer sur le gain attendu et l’intérêt tiré par ce changement (aspect essentiel) de relais locaux
d’assistance aux équipes choisis par la direction ou le terrain, avec des suivis hebdomadaires puis
mensuels en vue d’une remontée des difficultés.
E14 DRH Matricielle Elle rappelle à quel point la confiance est au cœur de la coopération.
marques/pays Elle poursuit sur l’importance de comprendre l’autre, ses besoins et ses sources de motivation à
coopérer.
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat -
Innovation Fab Lab
T6 - Individus
E1 Expert RH Classique « Travailler durant un temps long avec un coach sur des individus qui ont un impact assez fort sur
l’organisation permet de transformer l’organisation en la modélisant par des comportements ».
E2 DRH Agile softskills
(systémique)
E3 DRH Classique softskills
140
E4 DRH Agile (SI) Il indique que la culture de feedback de l’entreprise est utile pour soutenir les comportements de
coopération attendus.
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle Il précise que les personnels doivent disposer de compétences techniques et de « soft skills ».
Il souligne le caractère important des soft skills du RH.
E7 Consultant
E8 DRH Classique Finalement, il évoque que certains individus coopèrent plus naturellement que d’autres.
La coopération n’est pas une question de qualité, de compétences des gens, c’est bien plus large.
E9 Consultant Il précise que les soft skills sont souvent considérées au travers des compétences à détenir. Mais elles
ne suffisent pas.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique Il souligne l’importance des individus à coopérer comme facteur.
II précise qu’auparavant le manager ne faisait pas de management mais était avant tout un technicien
peu habitué du transverse. Ainsi, l’apport de nouveaux collaborateurs a permis de développer ce
travail en équipe malgré la difficulté inhérente d’intégrer ces collaborateurs ayant une vision
différente, une capacité d’adaptation dans un secteur économique en évolution, faisant preuve
d’agilité.
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle Elle indique que les soft skills sont essentielles. Une attention est portée au comportement des
lignes/pays personnels.
E16 Consultant
E17 Consultant
141
E18 Partenaire Classique Il précise qu’il est attendu des qualités comportementales.
E19 DRH Il rappelle que les politiques RH reconnaissent aux soft skills et aux compétences transverses un
caractère-clé dans la transformation de l’entreprise.
E20 Expert Intrapreneuriat – Il souligne que les leviers de la coopération transversale sont essentiellement individuels (envie,
Innovation Fab Lab plaisir d’apprendre, curiosité) et que l’organisation et le management peuvent soit soutenir et
alimenter cette flamme soit l’éteindre.
« Le plus précieux c'est l'envie d'apprendre. »
142
Q3 – Rôle des professionnels RH
Synthèse
Général
Ces professionnels rappellent que le leader est le DG (E13) et que la déclaration de principe
faisant des RH les porteurs de la transformation en raison du volet humain est peu opératoire
(E17). Les RH sont un service support comme un autre.
Les praticiens invoquent plusieurs raisons, dont le manque de compétences en sociologie des
organisations, en systémie et en intelligence collective pour porter et comprendre ces sujets
(E11). « Ce n’est pas parce qu’on est RH (…) qu’on est des professionnels de la relation, qu’on
va être meilleur en coopération que les autres. » (E9).
Est également mis en avant un statut qui empêche de se saisir de ces objets globaux (E7) et des
limitations en lien avec les cadres contraignants de leurs pratiques (code du travail, dialogue
social et règles que les RH ont mis en place). Ce qui leur fait dire que « les RH ne sont pas à la
manœuvre. » ou encore « les RH subissent. » (E12).
Les RH sont également critiqués sur leur manque d’exemplarité pour porter le sujet de la
transversalité étant eux-mêmes silotés, pris dans des dynamiques de territoire, d’expertise et de
pouvoir au sens traditionnel du terme (E1). Un HRBP rattachés à l’opérationnel contribue à
créer des silos (E3). Statut, rattachement et manque de formation font que les RH n’ont ni le
pouvoir, ni les clés pour intervenir sur des sujets globaux comme la coopération transversale
(E15). Ainsi, les RH n’ont pas le lead sur l’organisation (E16).
Certains professionnels regrettent qu'on ne vienne pas les chercher sur ces questions
organisationnelles et de transformation, ou alors trop tard, ce qui les met en difficulté (E15) et
entravent leurs possibilités d’intervention (E4).
Nombres des praticiens interrogés ont une vision classique du service RH avec une place dans
les COMEX très peu influente. Certains évoquent que cette fonction pourrait disparaitre et
être intégrée dans les métiers (E18). Le rôle des RH est un rôle de porte-parole de la DG, qui
existe essentiellement par les politiques RH qu'elle porte (E19) et doit ajuster ses process au
service de l'organisation (E17).
Ainsi est privilégié pour la RH un rôle régulateur et de facilitateur qui soutient le management,
écoute les collaborateurs en difficultés et discute avec les partenaires sociaux (E5).
143
Les mots qui reviennent pour parler des RH sont : coach, facilitateur, régulateur, thérapeute,
médiateur, aiguillon, expert. Un partenaire évoque en ce sens "ce rôle est d’accompagner et non
de porter" (E19).
Les professionnels évoquent qu’il n'y pas de RH stratège car ils ne sont pas en position de
codécideur (E7). Le DRH stratège reste une « lubie » de chercheur (E18).
Derrière ces affirmations, des regrets : il y a de la valeur ajoutée de la RH lorsque celle-ci est
située à la droite du fondateur (E7) et le constat d’une posture au mieux de support, au pire
d’entrave des opérationnels (E18).
Cette transformation est ce que l’essentiel des praticiens interrogés espèrent. Que les RH
incarnent à l’avenir la coopération transversale (E1) et constituent des catalyseurs (E13). Ils
envisagent ainsi diverses postures pour les RH :
• des RH spécialistes du monde complexe, de l’anticipation des nouvelles organisations,
des professionnels du soft, des multi et des hauts potentiels cognitifs, des médiateurs et
des négociateurs (E2) ;
• des RH influenceurs (E5) qui créent des objets (politiques RH) qui vont servir la
stratégie sans brusquer les opérationnels (E3) ;
• des RH qui contribuent à la performance de l’entreprise en environnement VUCA (E9)
« la place de la RH, elle est centrale au sens où elle est décisive et stratégique à un
moment où l’humain, l’employabilité, l’évolutivité et la survie des boîtes qui réussiront
à être dans plus de flexibilité et d’agilité est en jeu » ;
• des RH designers organisationnel (E16) qui sortent des aspects transactionnels déjà en
œuvre pour faire évoluer les modes de fonctionnement vers des questions stratégiques
(E10) ;
• des RH coach de l’organisation et du CODIR (E10) ;
• des RH coach des managers « Ça c’est ce qu’on attend d’une DRH, une politique
managériale » (E1) ;
• des RH coach de l'intelligence collective (E15) ;
• des RH « chief cultural officer », car les enjeux de l’organisation ne sont plus seulement
financiers, ils sont également culturels (E10).
« La fonction RH à tout à gagner à être bien positionné au plan stratégique au sein d'une
organisation, pour ne pas être une chambre d'enregistrement, parce que sinon franchement ça
n'a aucun intérêt, aucun sens. » (E3)
144
Les professionnels engagés dans ce partenariat soulignent les difficultés de cette coopération
liées aux méconnaissances des opérationnels de la fonction RH (E12).
Les opérationnels ont néanmoins à gagner dans ce partenariat, notamment sur les questions de
choix des collaborateurs (E6) ; d’accompagnement du changement managérial ;
d’accompagnement du changement culturel (E10) ; la composition et l’évaluation des équipes
et dans la gestion post projet des compétences acquises (E7).
Les RH pour leur part ont à y gagner en regain de crédibilité (E7).
Les professionnels qui prônent ce rôle d’équipier, refusent le plus souvent le rôle de stratège :
« Je sens beaucoup plus la RH accompagnateur du changement qu’un RH visionnaire » (E12).
Trois précautions sont formulées pour ne pas endosser un rôle de leader :
• Risque que les opérationnels se défaussent de leurs responsabilités.
• Illégitimité et manque d’exemplarité des RH sur le sujet.
• Impossibilité d’être efficiente à porter la transformation organisationnelle du fait du
positionnement de la fonction (E9).
145
Q3 - Quel rôle pour les RH ?
E1 Expert RH Classique Il adresse une critique aux RH : « Beaucoup de DRH veulent développer la coopération mais travaillent
dans des dynamiques de territoire, d’expertise et de pouvoir au sens traditionnel du terme. Et on ne peut
pas avoir des convictions et faire tout autre chose. On ne peut pas demander aux autres de faire quelque
chose que l’on ne fait pas. »
« Le thérapeute doit être celui qui fait expérimenter son patient et l’amener dans des expérimentations
qui font que finalement il va se transformer tout seul. Et ça c’est le rôle du thérapeute et je pense que
c’est aussi le rôle des DRH. »
E2 DRH Agile Il décrit sa fonction de DRH : « je considère que ma fonction de leader de ce département, c’est de
(systémique) rester dans l'ombre, et de créer pour eux les conditions de la réussite, en les faisant monter en
compétence, en les formant, en les coachant, en les mentorant » et en partageant la vision stratégique.
Sa vision des RH : des spécialistes du monde complexe, des spécialistes de l’anticipation des nouvelles
organisations, des professionnels du soft, des multi et des hauts potentiels cognitifs, des médiateurs et
des négociateurs.
E3 DRH Classique « Le rôle qu’on joue dans l'accompagnement transverse et dans le développement de la transversalité
du groupe, elle se joue à travers les politiques ressources humaines. »
Elle précise également que sur le terrain, les HRBP ne doivent pas être rattachés à l’opérationnel car
sinon ils contribuent à créer des silos.
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale Elle voit les consultants RH comme des fusibles qui peuvent dire les choses que tout le monde voit mais
(PME libérée) dont personne n’ose parler.
E6 DRH Il précise le rôle des RH dans l’accompagnement au passage d’une organisation verticale à une
organisation plus transverse, soulignant son parcours d’ingénieur comme un avantage.
Il rappelle la facilité à imaginer des organisations, en précisant l’existence de politique et d’organisation
propre à chaque produit crée, avec des ressources dédiées.
Il constate une évolution de la fonction RH : d’une fonction d’administration/gestion des personnels à
celle de traitement de questions de leadership.
Il précise avoir surtout travaillé avec l’équipe projet, avec de la subsidiarité progressive au niveau des
échelons intermédiaires. Ces équipes RH menant de front nouveau projet et anciennes fonctions.
146
E7 Consultant Il indique le rôle essentiel mais compliqué de la fonction RH du mélange d’organisations, reposant sur
de l’agilité.
Il reconnaît aux RH la valeur ajoutée de créer des équipes cohérentes.
Il souligne l’enjeu essentiel de la capacité du manager à faire travailler ensemble et ainsi à articuler les
compétences, mais qui ne peut être considéré comme de la transversalité, mais comme un ajustement
des compétences. Il reconnaît le rôle des RH dans la sélection des managers de projet, qui ne sont pas
forcément les meilleurs hiérarchiques, dans une démarche itérative avec des erreurs possibles.
Il reconnaît un rôle des RH développant la coopération transverse au travers de la GPEC (avec une
agrégation de différentes disciplines) et dans le développement de la compétence coopération non innée,
et également dans la promotion de nouveaux profils identifiés accompagnés par une formation
spécifique car cela est moins coûteux qu’un recrutement et favorise la continuité, voire la réversibilité.
Il précise le rôle de RH qui pousse à la coopération mais se voit freiner en raison du statut.
Il cite le rôle du RH dans le recrutement et la formation, en termes de sélection et de composition des
équipes avec une certaine éthique et précise le rôle du manager dans la conservation de la décision.
Il souligne que le salarié ne s’appuie pas sur son RH quand il a des incertitudes ; les RRH étant
considérés dans leur fonction de recrutement, de mobilité ou de sanction professionnelle.
Il reconnaît le rôle à prendre des RH dans la composition et l’évaluation des équipes et dans la gestion
post projet des compétences acquises, pouvant ainsi permettre de regagner une certaine crédibilité dans
la gestion des compétences et des RPS.
Il souligne le rôle de reconnaissance des compétences par le RH dans les relations entre le hiérarchique
et le fonctionnel, qui devrait pousser à de l’enrichissement en termes de comportement, en vue d’un
changer de l’intérieur, et non d’une juxtaposition de modes, avec une dynamique d’agilité, de
transversalité, en revoyant toute l’organisation.
Il cite le cas où l’absence de compétences répertoriées et accessibles au DRH nuit à la performance de
l’organisation et précise le rôle de la RH de dépositaire de cette base de données.
E8 DRH Classique « Ce n’est pas parce qu’on est RH (…) qu’on est des professionnels de la relation, qu’on va être
meilleur en coopération que les autres. »
La RH fait face aux mêmes difficultés que les autres services.
E9 Consultant
147
E10 Partenaire Soutien aux Elle indique que les RH ne sont pas au cœur des transformation d’organisation car pour la plupart ils ont
entreprises (PME) une approche individualisante et manquent de formation en sociologie des organisations et en systémie
pour porter et comprendre ces sujets.
Elle évoque le développement de la place de la médiation dans les RH.
E11 Consultant Projet Il partage « Mon sentiment, c’est que les RH ne sont pas à la manœuvre. »
La coopération transversale est impulsée par l’OPS. Les RH sont pris dans un système très rigide, très
collectif et hiérarchique (droit du travail (temps, process RH, dialogue social)) que la transversalité
bouscule et que les nouvelles générations remettent en cause.
« C’est difficile pour les RH car elles sont dans des contraintes du code du travail du dialogue social et
des règles qu’elles ont mis en place et en même temps des pratiques qui sont complètement différentes.
C’est là que je dirais que les RH elles subissent. »
E12 Expert RH Université Les RH ont un rôle important de régulation et de médiation, et dans les évaluations. Les RH doivent
d'entreprise incarner à l’avenir la coopération transverse et constituer ainsi des catalyseurs.
E13 Partenaire classique Il souligne la connaissance du tissu social, de la culture d’entreprise, des bonnes relations du RH lui
permettant de mobiliser, de créer des groupes de travail limitant la productivité de l’ancienne
organisation, et de convaincre, et notamment de la phase compliquée de création.
Il suggère la mise en place de délégation RH avec des représentants, et souligne la neutralité des RH,
leur œil neuf et leur volonté de se constituer comme des éléments facilitateurs.
Il reconnaît aux RH leurs liens nécessaires avec la DG en vue de négociation et d’implication.
Il précise le rôle des RH dans la mise en œuvre de cette coopération avec le soutien nécessaire et des
engagements forts de la DG, notamment en termes de contreparties financières pour les collaborateurs
lors des négociations sociales, en vue de faire la promotion du projet. Il reconnaît un rôle variable des
RH, de soutien dans le recrutement et la formation et la mise en place de coach, de leader, d’équipier
selon le projet, en précisant le cas de collaborateurs RH dédiés dans les groupes de travail. Il précise le
rôle de régulation de la RH pour arbitrer sur la mise en place de personnels au sein des projets si
rétention des managers.
148
E14 DRH Matricielle Elle regrette que le sujet de la coopération soit le plus souvent porté par les directions transformation et
marques/pays pas les RH, car « le point d’entrée de la coopération, il est souvent organisationnel. (…) c'est très
dommage » car modifier l’organisation n’est pas garant de développement de la coopération
transversale.
« moi j'ai cette chance d'avoir cette formation d’intelligence collective pour aller sur des terrains… J’ai
beaucoup accompagné des équipes mais en fait sur un terrain où en fait on ne venait pas me chercher
en tant que RH, du tout. Donc dans la tête des gens ça fait pas partie, ça pas nécessairement partie de la
jobdesk d’un RH ça. Et ça je pense que c’est un peu dommage ».
Elle précise que le positionnement des RH, eux-mêmes rattachés à des BU n’ont pas le pouvoir et les
clés pour intervenir sur des sujets globaux comme la coopération transversale. Le plus souvent le DRH
groupe n’est sollicité qu’en bout de course, une fois que les organisations sont décidées, juste pour
accompagner via un plan de formation par exemple.
Elle évoque que le RH est mis en difficulté par les demandes de coopérer les équipes parce que malgré
la transformation d’organisation, ils ne coopèrent pa. alors qu’on est après la bataille et que c’est trop
tard.
E15 DRH Matricielle Elle indique que le déploiement de la coopération transverse est impulsé par le haut car c’est au cœur de
lignes/pays la gouvernance.
Elle indique que la RH n’a pas le lead sur l’organisation. C’est davantage un rôle externalisé ou revenant
aux opérationnels. L’origine de cet état de fait n’est pas connue : voulu ou subi ?
Elle indique que les OPS ou finance prennent un peu le pas sur ces sujets.
Elle précise le rôle attendu, maintenant et à l’avenir des HRBP dans le design organisationnel. Ils
devront développer cette compétence.
E16 Consultant Il reconnaît le rôle essentiel des RH dans le suivi et la pérennisation de la transformation. Mais, il insiste
surtout sur la mise à disposition de ressources cohérentes avec la mission et la stratégie : recruter,
former, évaluer, muter, rémunérer.
D’abord, face à et en cohérence avec cette transformation, la RH devra s’interroger sur l’évolution des
process et des critères de recrutement, les actions de formation prévues, la base du système d’évaluation,
les critères de mobilité.
149
E17 Consultant Il considère que la RH a davantage une fonction de facilitateur que « d’organisateur du réel »,
d’accompagnement dans la transformation de l’organisation.
Il indique que la fonction RH hors composante « régalienne » (administration, paie) pourrait disparaître
et être intégrée au sein des métiers, en soulignant cependant la faible proportion de ces organisations.
Il souligne l’existence de quelques DRH en position motrice, relevant surtout de leur poids sur les
projets et de leur place au sein des COMEX (DRH encore peu nombreux et cantonnés à un au seul rôle
de gestion des relations sociales).
Il rappelle la conception traditionnelle du DRH, chef du personnel, de gestion des salariés et des
syndicats, sans aucune évolution (développement des compétences, de gestion des projets d’organisation
structurante du travail, de communication interne).
E18 Partenaire Classique Il rappelle l’absence de la DRH lors de la mise en œuvre de la démarche, initiée par des directions
métiers, et non par la direction dans un cadre de formation.
Il met en exergue le rôle nécessaire de la DG ou de la DRH en porte-parole de la DG.
Il indique que la DRH devrait donner la vision d’ensemble, même si la manœuvre se fait site par site.
Il précise le rôle de formation des RH, d’accompagnement des salariés pour les faire évoluer, de gardien
des règles, de détection des talents, avec la mise en place des people reviews.
Il considère que la DRH est ou doit être objective même si elle discute avec les représentants du
personnel et est porte-parole de la DG
E19 DRH Il précise que le rôle des RH est en appui, en accompagnement (business partner) de cette manœuvre au
travers du déploiement et du choix des individus dans les différents groupes, en reconnaissant la
prépondérance du business (dimension industrielle).
Il estime nécessaire de disposer de davantage analyses écrites et formelles en vue d’accompagner les
collaborateurs de manière efficace dans un changement, vers une coopération transverse dans la mesure
où ils ne seraient pas à l’aise dans cet environnement mais qu’ils resteraient performants par ailleurs.
150
E20 Expert Intrapreneuriat – Il explique que la DRH se transforme actuellement pour porter le sujet de la coopération transversale.
Innovation Fab Lab Ainsi ils ont mis en place une transformation de la direction RH afin de pouvoir incarner la
transformation qu’ils vont être amené à promouvoir dans les autres directions. « Une des premières
choses qu’ils se sont dit c’est si on doit être des acteurs, des facilitateurs de changement, appliquons et
vivons nous-même ce qu’on va essayer de promouvoir auprès des autres. Ça, c'est juste nécessaire, mais
finalement assez malin. »
Il précise le rôle d’influenceur de la culture managériale et indique que la DRH porte le leardership
model du Groupe.
« Une des choses aussi qui est importante, c'est l'accent qui est de plus en plus mis sur la RSE qui peut
être un véritable levier de transformation. (…) Il se trouve que la RSE est aujourd'hui rattachée
directement aux ressources humaines à l’intérieur du groupe. Là aussi, ça veut dire des choses. »
151
T7 - Les RH comme support
E1 Expert RH Classique Il précise néanmoins que quand la DRH n’est pas impliquée dès le début dans la transformation de
l’organisation, elle doit se saisir des moments où on la consulte (phase obligatoire du dialogue social) à
alerter si la nouvelle organisation renforcera les silos et conseiller pour renforcer la transversalité.
E2 DRH Agile
(systémique)
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI) Il décrit une place des RH qui déploie l’organisation souhaitée par le business (design de l’organisation
des ateliers, formation et coaching des managers) et fait en sorte que ça marche (régulation). « La DRH
n’impose pas la transversalité, elle peut être favorisée mais c’est tout »
Il évoque de la dimension accompagnement et régulation va se renforcer avec l’inclusion de nouvelles
compétences en accompagnement des transformations et des organisations. Et que la RH devrait
intervenir en promotion de la coopération si elle reçoit les moyens pour.
E5 Consultant Transversale Elle voit le rôle des RH comme celui de régulateur qui autorise à se dire les choses, remet du bon sens et
(PME libérée) de facilitateur qui soutient le management, écoute les collaborateurs en difficultés et discute avec les
partenaires sociaux.
E6 DRH
E7 Consultant
E8 DRH Classique
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université Ils se placent comme des équipiers, des supports car le leader reste le DG pour déployer la coopération
d'entreprise transverse « le DG, s’il n’est pas dans cet état d’esprit-là, on ne pourra jamais rien faire. »
E13 Partenaire classique
152
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant Il considère que la déclaration de principe faisant des RH les porteurs de la transformation en raison du
volet humain est peu opératoire ; les RH sont un service support comme un autre.
Il présente les trois scenarii possibles de transformation : situation résiduelle du rôle des RH dans la
transformation comme support (mise en œuvre) et leader (exemplarité) ; situation majoritaire avec la
création d’une entité dédiée à durée de vie limitée reconnue comme leader avec les équipes RH en
support ; situation ambitieuse plus courante que la première mais moins que la deuxième avec la prise en
compte et l’appropriation de la transformation au sein de chaque équipe, sans entité leader identifiée, avec
le rôle support des équipes RH.
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il précise que ce rôle est d’accompagner et non de porter. Il ajoute que la DRH doit donner l’impulsion et
vérifier l’absence de débordements auprès de salariés volontaires et ainsi adhérant au projet, avec des
explications données dès l’origine.
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat- Son sentiment est que les RH sont plutôt en réaction et peu promoteurs sur ces sujets. Il évoque, sous
Innovation Fab Lab l’impulsion du nouveau DRH qui martèle « on doit y être, c’est à nous de proposer des choses » une
fonction en phase de mue, dans un processus itératif pour se sentir légitime à prendre une autre place que
celle de support. Il évoque une fois encore que la culture de l’entreprise joue un rôle car « c'est bien de
dire la RH doit impulser des choses, qu’elle peut être légitime à impulser des choses, mais il y a aussi la
danse entre la fonction RH et les dirigeants. »
153
T8 - Les RH comme leader
E1 Expert RH Classique Il évoque le rôle de la DRH : Parce que la culture ne se décrète pas, le DRH doit créer des espaces de
rencontre où la culture commune de confiance et de coopération peut se co-construire. « Ça c’est ce
qu’on attend d’une DRH, une politique managériale, parce que la culture ne se décrète pas, elle émerge
et donc la DRH doit créer des espaces où la culture peut se créer et se co-construire à partir de
l’individu. »
Le DRH doit également impulser des expérimentations où on travaille différemment, en coopération et
en transversalité.
« Donc la DRH impulse et l’organisation intègre. »
Il met en avant le rôle de leader des DRH qui doivent impulser et se transformer eux-mêmes afin de
transformer l’organisation.
Il plaide pour un DRH en posture de conseil auprès de la direction, au plus près des enjeux stratégiques
pour ne pas être coincé uniquement dans des enjeux RH.
Il termine en disant que les pratiques de DRH qu’il décrit n’existent pas encore.
« Les DRH doivent apporter de la valeur dans une organisation et que la valeur elles ne l’apportent pas
en faisant comme les autres. Elles l’apportent en amenant une identité, une conviction, des méthodes de
travail qui ne sont pas forcément ce qu’on apprend dans la finance. »
E2 DRH Agile Il prône un rôle d’expert RH orienté laboratoire d’innovation sociale pour anticiper les besoins à venir
(systémique) en lien avec la stratégie.
E3 DRH Classique Elle envisage le rôle des RH dans la coopération transversale comme un rôle d’influenceur qui crée des
objets (politiques RH) dont les opérationnels ont envie de se saisir (télétravail, GPEC, Gestion des
Talents) afin de les amener naturellement à coopérer sans imposer. Elle défend une approche sioux.
« Et donc notre rôle je pense au niveau RH c’est d’aller identifier des dispositifs RH qui vont obliger en
fait, mais de façon naturelle, sans que ce soit trop contraint, les directions à travailler entre elles. »
« On les met en situation d’accepter de coopérer entre eux pour le bien commun du groupe. »
« La fonction RH c'est une fonction support par nature. (…) On va aussi être simplement en support sur
un certain nombre de sujets. Mais en effet, je pense qu'on a un rôle d’influenceur, au sens en effet d’une
capacité d'influence. Et notamment à travers les RH partenaires métier qui doivent coacher leurs
opérationnels pour aller vers plus de transversalité, pour aller vers plus de coopération. »
Au-delà des politiques RH, elle évoque un autre levier des RH pour développer la coopération, un levier
stratégique de création de réseaux interne d’influenceurs.
154
Elle indique alors que les RH doivent savoir mettre leur égo de côté pour mieux servir la stratégie et
valoriser les opérationnels afin de les soutenir dans les actions de coopération transversale.
« La fonction RH à tout à gagner à être, tout en étant bien positionné au plan stratégique au sein d'une
organisation, pour ne pas être une chambre d'enregistrement, parce que sinon franchement ça n'a
aucun intérêt, aucun sens. »
Elle défend une vision des RH avec une vision stratégique qui lui permet de construire les politiques RH
qui vont servir la stratégie tout en adoptant une posture d’influenceur discret, qui soutient/supporte les
opérationnels, les valorise dans l’appropriation progressive de la politique RH au service de la stratégie.
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale Il précise que les RH se mêlent peu de l’organisation en mode matriciel. Par contre elle les décrit comme
(PME libérée) des influenceurs de la coopération transversale. « Le DRH, l’équipe RH, dans ces modèles-là, il est
leader, il est soutien. Ce sont des inspirateurs en fait qui redonnent tout le temps du sens. »
E6 DRH Il reconnaît aux RH le rôle de penser cette nouvelle organisation.
E7 Consultant Il indique que la DRH a rarement un rôle de stratège, au sens de codécideur, en définissant une task
force et non une nouvelle organisation agile en tant que telle.
Il conclut sur l’absence de RH stratège, à l’origine de l’organisation. Dans quelques cas, la DRH agit en
stratège mais c’est en raison de la personnalité propre des individus.
Il reconnaît la valeur ajoutée de la RH pour la création de liens dans l’organisation, en vue de fluidifier
les relations. Dans quelques cas, le RH est situé à la droite du fondateur.
E8 DRH Classique Il évoque que dans ce monde VUCA, les entreprises transforment leurs stratégies selon 3 piliers
(business, transformation digital / process, transformation culturelle). Le dernier aspect est moins
maîtrisable et les opérationnels pourraient être tentés de se déresponsabiliser en en faisant le champ de la
RH (DRH stratège).
« Oui, la place de la RH, elle est centrale au sens où elle est décisive et stratégique à un moment où
l’humain, l’employabilité, l’évolutivité et la survie des boîtes sont celles qui réussiront à être plus
flexibilité et d’agile. Mais cette dimension stratégique clé doit être portée par tous, pas seulement les
RH ».
E9 Consultant Il observe peu de RH venant du terrain. Les RH en charge de la transformation considéraient leur rôle au
niveau stratégique, choisis par des patrons pour leur caractère visionnaire.
Il précise qu’un DRH stratège doit pousser des options stratégiques en termes d’évolution de politiques
RH favorisant la coopération.
155
Il précise le rôle à jouer du RH, non pas sur les aspects transactionnels déjà en œuvre, mais en termes de
relations sociales non pas pour accompagner des restructurations, mais pour faire évoluer les modes de
fonctionnement, vers des questions stratégiques. Il ajoute à ce rôle la nécessaire mise en place de la
fonction de coach d’organisation, même si elle est partie prenante, pour faire évoluer ces modes de
fonctionnement.
Il précise que le DRH a un rôle pour accompagner le management supérieur car l’évolution repose
davantage sur l’exemplarité que sur les processLa RH a un rôle de coach de l’équipe de direction avant
d’être le coach de l’organisation. Ce rôle de coach se développe et tend à aller vers des sujets
managériaux, avec des sujets plus transverses, en accompagnement du DG.
Il précise que ce rôle pour le RH de s’intéresser à tous les sujets à l’instar du directeur financier, au cœur
de l’humain et de la culture et donc potentiellement partout au sein de l’organisation, n’est pas encore
reconnu. Dans un cadre actuel d’innovation et de créativité et non d’optimisation le RH doit prendre ce
rôle, avec des fonctions clés comme les relations sociales pour ce changement identitaire.
Le rôle d’accompagnement et tout ce processus reste long.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Elle évoque que la posture de facilitateur n’est pas naturelle pour les RH. Certains y vont sur des aspects
marques/pays de coaching individuel mais « Moi je milite pour le RH intelligence collective et je pense que c’est son
rôle de demain »
Elle insiste sur le rôle d’influence auprès des directions et des managers pour convaincre de ce chemin,
du fait que les gens demandent intrinsèquement à coopérer.
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
156
E17 Consultant Il regrette le non-positionnement du rôle de leader de la DRH, étant davantage comme un appui des
fonctions métiers, devenant contributeur au mieux et au pire contrariant la transformation. Il considère
que le DRH stratège reste une « lubie » de chercheur, notamment dans le cas d’absence de
positionnement de la RH dans le cadre de projet de changement et d’une intégration de la dimension
humaine, avec le recours à un prestataire extérieur.
E18 Partenaire Classique
E19 DRH
E20 Expert Intrapreunaeuriat- Il attend de la RH qu’elle s’investisse sur le changement culturel et notamment sur le développement de
Innovation Fab Lab la culture de la confiance.
157
avec des HRBP, déclinent au niveau local ce qui était fait au niveau central.
Il souligne le recours utile aux RH, dans l’identification de l’organisation de l’activité et de ses risques,
dans la sélection des compétences nécessaires à la conception d’un nouveau produit et à la constitution
d’une équipe projet.
E7 Consultant Il reconnaît le rôle des RH dans la composition et l’évaluation des équipes et dans la gestion post projet
des compétences acquises, pouvant ainsi permettre de regagner une certaine crédibilité dans la gestion
des compétences et des RPS.
E8 DRH Classique Humblement, elle peut contribuer à la transformation de culture en commençant par elle-même. « Pour
moi, une bonne RH doit travailler à « désiloter ».
Ce n’est pas à la RH de fixer les objectifs de coopération mais bien aux opérationnels. Elle précise que
mettre les RH au cœur de la culture de la coopération avec des responsabilité dans les objectifs, le
feedback etc. c’est permettre aux opérationnels de se défausser de leurs responsabilités.
E9 Consultant Il reconnaît un rôle aux RH dans la culture de l’organisation pour favoriser la coopération.
Il souligne que l’avenir du DRH est de se positionner comme le chief cultural officer, car les enjeux de
l’organisation ne sont plus seulement financiers, ils sont également culturels, en précisant le rôle
important des directeurs financiers, souvent DGA.
Il revient aux DRH d’accompagner ces managers et donc d’être des coachs pour faire évoluer la culture
de l’organisation. Il s’agit d’un changement identitaire, auquel les collaborateurs doivent participer.
Il reconnaît au RH de créer de l’intelligence collective par des initiatives dans ses domaines de
compétence.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet Il souligne que les RH sont très actifs dans deux domaines :
- l’accompagnement du changement managérial (via notamment le départ et le renouvellement de
managers capables de s’adapter à la transversalité) ;
- l’accompagnement du changement culturel (via l’impulsion de nouveaux cadres de travail : télétravail,
flexoffice, etc.).
« Les opérationnels qui savent adapter les modes projet ou le business model se débrouillent seuls mais
ils ont besoin de l’aide de la RH pour fixer un nouveau cadre de travail car ils sentent bien que les
cadres anciens sont trop contraignants et qu’ils ne peuvent les lever unilatéralement. Ils sentent bien
aussi que pour renouveler les managers, ils ne peuvent pas faire ça juste dans leur coin. Ils ont besoin
de quelqu’un sur qui s’appuyer. Sur ces deux sujets là, je sens vraiment une impulsion très forte des RH.
158
»
« DRH coach qui donne du sens et qui aide à bouger. Les forces les plus transversales ne sont pas
forcément initiées par la RH. »
« Je sens beaucoup plus la RH accompagnateur du changement qu’un RH visionnaire »
Il partage son sentiment d’une coopération difficile entre les RH et les OPS qu’il met en lien avec une
méconnaissance de la complexité du métier de RH et de ses contraintes par les opérationnels. Il
recommande des formations RH pour les managers.
« Il y a une complexité pour la RH car les opérationnels ont besoin de la RH et en même temps la RH
est embêtante. La RH accompagne et en même temps, elle fixe des freins ou des limites à certains
sujets. »
« Je trouve que cela peut poser un problème de coopération. Dans la transversalité une des difficultés,
c’est de se comprendre et le monde de la RH comme les autres mondes ont leurs préoccupations et leur
langue. La RH est souvent éloignée des autres mondes et on arrive à un dialogue de sourds. On aurait
intérêt à partager la vision RH notamment par la formation des managers aux questions RH. »
159
E20 Expert Intrapreneuriat - « On ne peut pas de mon point de vue essayer d'implanter d'autres façons de faire sans à un moment
Innovation Fab Lab donné obtenir du soutien, de la collaboration de la part de cette direction-là (DRH), qui pour moi est
une des premières directions qui doit impulser ou en tout cas soutenir d'autres façons de faire. »
160
Q4 - Rôle de politiques RH
Synthèse
Plusieurs précisent que tous les dispositifs RH ne sont pas de nature à favoriser la coopération
transversale et que le RH doit veiller à les ajuster pour impulser cette pratique (E2). « Les
principales briques de la politique RH intègrent peu cette question de transversalité. (…) La
prise en compte de cette dimension se fait par un développement fort de la culture du feedback
» (E4).
T10 – Recrutement
Les soft skills constituent un élément-clé dans le recrutement, malgré un marché très tendu
(E4), car elles ne peuvent pas être remplacées par l’intelligence artificielle (E2). Elles
recouvrent la capacité à travailler en mode transverse, le leadership et la capacité d’influence
(E19), sans pour autant être un super héros (E12). Un des enjeux est de faire évoluer les leaders
vers davantage de confiance et de capacité de remise en question (E2). La politique de
recrutement doit soutenir la coopération transverse (E20).
Le recrutement a un coût dans la guerre des talents (E17). Elle doit donc reposer sur un plan
stratégique partagé transverse à tous les services diffusant la stratégie déployée (E3). Certains
évoquent l’intérêt d’intégrer les pairs à cette démarche (E14), de procéder à des mises en
situation de coopération transverse (E8), et de veiller à recruter des profils différents en vue de
favoriser l’innovation et la pluridisciplinarité (E20).
T11- Intégration
161
La phase d’acculturation de la nouvelle recrue peut ainsi se faire par l’assistance d’un « buddy
» en charge de lui transmettre les codes (E6).
Le défaut d’intégration de métiers et de profils différents peut conduire à des départs (E20).
Les grilles de fonctions sont dépassées car non adaptées aux nouveaux métiers (E20).
T12 – Formation
La politique RH de formation est mise en avant dans son soutien à la coopération transversale.
« La formation est un levier essentiel pour ce genre de chose, tant dans le contenu de ce qui est
fait, mais aussi dans la façon dont s’est diffusé » (E20).
Un interviewé explique que la coopération est une composante du modèle du leadership de son
entreprise et qu’elle se transmet notamment par la formation des managers (E15), en particulier
pour leur permettre de s’approprier le fonctionnement des organisations plus transverses (E18),
les critères qualitatifs d’évaluation, ainsi que le management transverse en général (E4) avec
une emphase sur le leadership et sur la capacité d'influence (E19).
La formation des collaborateurs est également importante (E3) avec la création de parcours de
formations spécifiques au profit des salariés (E13), des plans de formation et d’évolution des
compétences favorisant l’adaptation des collaborateurs au marché (E17).
Outres les formations classiques, des modalités transverses (sur le terrain, entre pairs (E1)) sont
déployées, via des communautés de pratiques ou du reverse mentoring s’appuyant sur les jeunes
générations et leur capacité à aller chercher de l’information, le pouvoir résidant désormais dans
la capacité à faire circuler l’information en vertical et en transversal (E2). « C’est une manière
de faire de la collaboration sans en parler parce qu’en fait, on met des gens autour de la table
pour leur objectif propre individuel, sauf que en étant avec eux en collectif, on fait de la
collaboration, mais on ne le dit pas. » (E14)
La formation des élus est nécessaire en vue d’obtenir un dialogue social de bon niveau propice
à l’accompagnement des transformations de l’organisation (E1).
T13 – Evaluation
L’évaluation individuelle est le plus souvent perçue comme obsolète, voire comme une entrave
la coopération (E10). Elle intègre rarement l’évaluation de la coopération (E2), même dans le
cadre de participation de collaborateurs à des missions transverses (E18).
Elle est en lien avec les grilles de compétences, la fixation d’objectifs, l’évaluation de la
performance (E1), la GPEC, la mobilité et la gestion des talents (E3). Elle doit prendre en
compte le « how » (E12). C’est-à-dire comment sont atteint les objectifs (E15). Lorsqu’elle
162
reste focalisée sur le quantitatif des objectifs et non sur le comment, l’évaluation dessert non
seulement la coopération transversale, mais également la création de valeur (E20).
Elle est particulièrement complexe en contexte de transversalité car le manager ne perçoit pas
tout ce qui se passe dans ses équipes (E15). Il ne peut évaluer qu’une partie du travail (E11).
Evaluer implique alors une dimension collégiale (E15), s’enquérir du feedback des chefs de
projets (E12) et autres managers (E12), voire des pairs (E14) qui travaillent avec le
collaborateur, à l’instar de l’évaluation collégiale de la gestion des talents (E2).
L’évaluation collective semble peu développée et le traitement peu visible (E20). Les objectifs
collectifs ne signifient pas dilution de la responsabilité et rappellent le rôle de pilotage du
manager (E8).
Une évolution vers un entretien professionnel similaire à celui des cabinets de conseil serait
souhaitable, dans l’idée de construire un développement de carrière en lien avec la performance
réalisée et les compétences acquises (E11) et sur la base d’une multiplication du feedback
(E19). L’évaluation devrait inviter à un dialogue permanent (E9).
T14 – Mobilité
Elle peut être verticale et aussi d’expertise (E2), même si dans le monde industriel, l’ascension
est généralement verticale, sans véritable mobilité (E6).
T15 – Rémunération
Bien souvent, la coopération transverse ne modifie pas les règles de rémunération (E7 et E8).
Une limite est donc pointée avec une rémunération non alignée sur l’évaluation, et la non-
valorisation de l’évaluation qualitative (le comment) (E4). Il est également noté l’absence de
primes liées à la coopération interne, malgré la mise en œuvre de prime liée à la qualité du
travail (E13).
163
Une part variable de la rémunération peut être adossée à des objectifs collectif (E15) et
individuels de contribution au fonctionnement du collectif (E14).
L’absence de primes individuelles au profit de primes collectives avec la fixation d’objectifs
collectifs ou la proposition d’augmentation discutée entre pairs, observées dans des entreprises
libérées sous-tendent une grande maturité individuelle et collective et un alignement avec la
culture de l’organisation (E14) et une évolution générale de la politique comp and ben (E19).
Une amélioration est nécessaire avec la prise en compte des missions transverses non intégrées
dans la fiche de poste, ainsi que la valorisation de la compétence et non du poste (E18), voire
la valorisation de la participation et de la contribution au projet (E9). Une rétribution fondée
sur le développement des compétences est possible (E17).
Une réflexion est à mener sur les dispositifs de collectivisation du variable de petits collectifs
(E16). Le processus de fixation d’objectif et de rémunération vise et s’appui sur la confrontation
positive nécessaire à la coopération (E14).
Cependant, le fonctionnement agile est complexe, implique des discussions, des recherches de
consensus, nécessite du temps et peut entraîner si l’organisation n’y prend pas garde des
débordements (E15).
Le rôle des partenaires sociaux reste fort dans la recherche de cette intelligence collective (E9),
avec des représentants du personnel jouant le jeu de la représentation réelle sans crainte de
perdre de leur influence sur des salariés s’exprimant directement. Ils conservent leur rôle de
relais de l’information et de vigilance des indicateurs (E18).
La coopération favorise les relations interpersonnelles, mais son impact sur le dialogue social
est difficilement quantifiable, relevant davantage de l’implication des acteurs, de la
transparence et de la confiance. La détermination de méthodes pour travailler ensemble
pouraient être assimilables à des accords de méthode (E12).
La coopération semble avoir un impact positif sur la santé des individus (E2), même si des
risques sont évoqués pour la santé des managers et des collaborateurs non adaptés à ce type
164
modèle (E5). Le développement des compétences signe l’intérêt porté aux salariés et participe
de bonnes conditions de travail (E6 et E10). Ainsi, la santé et l’épanouissement des Hommes
s’adosse à la transformation culturelle et managériale liées à la recherche de coopération
transversale et de culture de la confiance (E20).
Les interviewés relèvent que la souffrance au travail découle dans un fonctionnement classique
de l’absence d’autonomie, d’injonctions paradoxales et d’un management command and
control (E9). Ce qui n’est pas le cas dans ces nouvelles formes d’organisation.
Des tensions peuvent néanmoins survenir en cas d’objectifs divergents au sein d’équipes
transverses. Les RH peuvent intervenir alors en régulation d’équipe (E4). De même, la
multitude de liens (liens hiérarchique, projet, RH), l’éloignement géographique, le poids de la
responsabilisation, le manque de feedback (E7), la complexité paradoxale de l’agilité peuvent
avoir un impact négatif sur la santé des salariés (E18).
En outre, les absences d’un collaborateur peuvent le mener à l’exclusion par les membres de
son équipe, gênés ainsi dans leur travail (E10). Cela peut être particulièrement violent à vivre.
T18 - Départs
Les salariés ne sont pas tous impactés de la même manière par la recherche de coopération
transversale (E15). Certains managers peuvent refuser de s’engager dans ces nouvelles
organisations de crainte de perdre leur pouvoir (E2) et de ne plus comprendre quelle est leur
place, faute d’accompagnement suffisant.
A l’inverse, des jeunes générations ne trouvant pas leur place, déplorant le manque
d’autonomie, de sens, de responsabilisation peuvent quitter des organisations classiques (E20).
Ce départ s’explique alors par le sentiment d’absence de son développement (sentiment d’être
sclérosé par le manager) (E9).
165
Q4 - Rôle des politiques RH
E1 Expert RH Classique Il évoque que les politiques RH doivent mettre en visibilité l’importance des pratiques de coopération
(enjeu de reconnaissance de la coopération) au travers de pratiques RH basics, visibles, structurantes.
Il cite l’ensemble compétence qui englobe le recrutement, l’évaluation et le développement des talents
qui doit servir la coopération.
E2 DRH Agile
(systémique)
E3 DRH Classique « le rôle qu’on joue dans l'accompagnement transverse et dans le développement de la transversalité du
groupe, elle se joue à travers les politiques ressources humaines »
Elle évoque que tous les dispositifs RH ne sont pas de nature à favoriser la coopération transversale et
que le RH doit veiller à les ajuster pour impulser cette pratique.
Elle précise que tous les dispositifs peuvent être pensés pour servir la coopération transversale.
E4 DRH Agile (SI) « Les principales briques de la politique RH intègrent peu cette question de transversalité. (…) La prise
en compte de cette dimension se fait par un développement fort de la culture du feedback »
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique Il indique ne pas véritablement avoir adapté les politiques RH à la coopération.
E9 Consultant Il indique que les politiques RH ne changent pas de nature mais doivent rester cohérentes avec
l’évolution de la culture.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
166
E11 Consultant Projet Selon lui, « la RH n’en a pas tiré les enseignements et ne s’applique pas ces évolutions. »
« Si l’on prend l’exemple des entretiens, il y a un côté artificiel. On a encore des NAO, des entretiens,
des recrutements avec des process très traditionnels alors que finalement ça devient de plus en plus
décalé avec la réalité et les besoins. Et ce n’est pas remis en cause car ce ne sont pas des process qui
gênent. Les opérationnels ont appris à vivre avec ou à faire sans. C’est un peu triste mais ça tourne à
vide. Les process deviennent désuets et n’ont pas beaucoup de sens. »
Il va plus loin en disant : « sur les process structurants, il n’y a pas de réflexion. C’est très net sur les
process d’entretien ou de négociation comme pour les mobilités. »
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique Il précise avoir changé le mode de recrutement et souligne le choix de mettre davantage en avant
l’aspect relationnel, la relation client, la réactivité, la capacité de passer d’un processus à l’autre, plutôt
que la technicité facilitée par les moyens informatiques.
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique
E19 DRH Il indique que la politique RH n’a pas été construite ou revue à l’aune d’un accompagnement au
fonctionnement transverse même si l’entreprise vise une organisation agile, pluridisciplinaire,
internationale et donc a donc besoin de transversalité.
La transversalité permet d’aboutir à l’agilité.
L’entreprise ne vise pas l’entreprise libérée.
La politique RH est plus un moyen qu’une fin en soi, définie autour de la raison d’être de l’entreprise, et
non en fonction des moyens mis en place. Il considère que les politiques en œuvre restent classiques et
ne relèvent pas du disruptif.
E20 Expert Intrapreneuriat - Il évoque le carcan du droit du travail qui freine les expérimentations.
Innovation Fab Lab
167
T10 - Recrutement
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile Il cite le recrutement et l’importance de recruter des managers câblés pour l’organisation
(systémique) responsabilisante, dotés des softskills nécessaires à la coopération.
Il évoque que l’IA pourra remplacer les hard skills mais pas les softs skills. Aux RH d’anticiper cela et
recruter des profils softskills et de faire évoluer les leaders vers davantage d’empathie, de confiance et
de capacité à se remettre en cause
E3 DRH Classique Elle cite l’intérêt de se doter d’un plan partagé transverse de recrutement annuel afin de servir la
stratégie de l’entreprise, mais précise que pour cela, le RH doit avoir une vision globale. « tous les gros
dispositif RH qui construisent la politique ressources humaines, doivent être fait dans une approche
globale non pas direction par direction »
E4 DRH Agile (SI) Il indique que malgré un marché de recrutement très tendu, l’importance est de plus en plus donnée aux
softskills (communication, remise en question).
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle En cas de recrutement externe, il rappelle le rôle de mentor « de buddy » du RH pour faire comprendre
les codes de l’entreprise, sans parler de phase d’intégration.
E7 Consultant
E8 DRH Classique La coopération n’est pas une question de qualité, de compétences des gens, c’est bien plus large. Ceux
qui ont ces qualités risque de s’épuiser si l’organisation ne s’ajuste pas.
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université Elle insiste sur l’attitude de leadership qui signifie la volonté de ne pas avoir de super héros, avec une
d'entreprise attention toute particulière lors du recrutement.
168
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Elle cite le recrutement, mais non pas sous l’angle recruter des personnes avec les soft skills nécessaires
marques/pays à la coopération mais en repensant le process en intégrant une participation des pairs.
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant Il souligne le coût du recrutement, et de la guerre des talents (les collaborateurs quittent leurs managers
et non leurs organisations), mettant l’emphase sur la fidélisation des salariés. Il cite l’exemple de
recourir à des mises en situation de coopération lors du recrutement (escape games/ grilles de
comportement observable).
E18 Partenaire Classique
E19 DRH Il reconnaît le caractère essentiel d’identifier la capacité à travailler en mode projet, en transversal lors
du recrutement. Cela se traduit au travers des soft skills relevant du drive, du leadership, de capacité
d’influence.
E20 Expert Intrapreneuriat- Il souligne l’importance des politiques RH de recrutement et de formation pour soutenir la coopération
Innovation Fab Lab transversale.
« Le recrutement, c'est une évidence. Quel est le niveau d’ouverture ? Qu'est-ce que l'on cherche comme
type de talents et de compétences comme type de comportements ? »
Il illustre le frein que représente les préfiltres RH (diplôme, école, parcours) dans le recrutement au
service de la coopération transversale et de l’innovation. Ces préfiltres conduisent à préférer des profils
identiques et freinent la possibilité de pluridisciplinarité et d’innovation.
T11 – Intégration
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile voir formation
(systémique)
E3 DRH Classique
169
E4 DRH Agile (SI) L’intégration est standardisée entre RH et opérationnels avec une vigilance particulière des RH dans les
équipes grands comptes.
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle Il est également en charge du développement des compétences des collaborateurs lors des changements
d’organisation pour les préparer au mieux.
Il confirme que la coopération transverse développe l’employabilité.
La coopération transverse développe la motivation, l’adhésion et le sentiment d’intérêt porté au
personnel.
Il précise qu’un employeur de référence au Canada est quelqu’un qui s’intéresse à ses personnels et est
responsable de son emploi.
Il précise le caractère fédérateur du métier, ne nécessitant pas d’intégration particulière à mener, à
l’exception des recrutements externes.
E7 Consultant Il reconnaît le rôle essentiel de la RH dans le projet par les ressources délivrées et par la gestion et la
capitalisation des compétences acquises en fin de projet, avec des phases de transition vers une
organisation plus hiérarchique (avec ses jeux de pouvoir) en tenant compte du retour d’expérience du
transverse avec ses facteurs clés de réactivité, de réflexivité des structures projets.
Il précise que cette mobilité favorise l’employabilité, avec la recherche d’un retour sur investissement,
en termes de connaissances, mais surtout de nouvelles manières de travailler, en concluant ainsi sur
l’apprentissage organisationnel et sur l’organisation apprenante, vue comme le produit de sortie de
l’agilité opérationnelle.
E8 DRH Classique
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire Classique
170
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle Elle indique la nécessité de travailler davantage sur l’intégration (non pas un asiatique en Asie), et
lignes/pays notamment la compréhension du fonctionnement du groupe en tant que groupe français.
Les démarches de décodage des pratiques du groupe sont à multiplier. Une première expérience
française pour un non-national peut être utile lors du recrutement dans un poste à l’international.
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat - Il évoque le défaut d’intégration de métiers et de profils différents qui finissent par partir.
Innovation Fab Lab Il souligne le caractère dépassé des grilles de fonctions qui ne se sont pas adaptées aux nouveaux
métiers.
T12 - Formation
E1 Expert RH Classique Il cite que la formation en entreprise se cherche et prône une formation sur le terrain entre pairs. « C’est
un défi extrêmement fort et qui se fait à partir d’animation de communautés, à partir du principe que les
gens savent »
Il évoque également l’importance de former les élus afin d’avoir un dialogue social de bon niveau pour
accompagner les transformations de l’organisation.
E2 DRH Agile Il renvoi le processus d’intégration aux formations management, aux communautés de pratiques et au
(systémique) reverse mentoring. L’objectif est de « les éduquer et de favoriser ce type de coopération » Il s’appui sur
la jeune génération pour épauler les managers dans le développement de la coopération via la capacité à
aller chercher l’information.
Il précise que la place de l’information à changer dans l’entreprise avant le pouvoir venait de sa
possession, aujourd’hui, il vient de la « capacité de faire circuler l'information en vertical et en
transversal »
E3 DRH Classique Elle rajoute le développement des compétences et la formation.
E4 DRH Agile (SI) La formation a été ajustée pour soutenir la coopération via deux axes : formation des managers aux
critère qualitatif d’évaluation et au management transverse (leading without authority).
171
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université Elle indique que la formation au sens de fonctionnement interne des équipes et les enquêtes de
d'entreprise satisfaction annuelles permet de mesurer la coopération transverse au sein des équipes.
E13 Partenaire classique Il souligne la création de parcours de formation spécifique, avec une visibilité et un processus particulier
au profit des salariés.
E14 DRH Matricielle Elle cite la formation par les pairs : « C’est une manière de faire de la collaboration sans en parler
marques/pays parce qu’en fait on met des gens autour de la table pour leur objectif propre individuel, sauf que en
étant avec eux en collectif on fait de la collaboration, mais on ne le dit pas. Donc ça, je trouve que c’est
hyper vertueux. »
« On crée de la transversalité parce qu’ on s'aperçoit qu'on a tous le même problème alors qu'on avait
l'impression qu'on était tout seul à les avoir et du coup ça crée des réseaux informels. »
E15 DRH Matricielle Elle indique que la coopération est une des six compétences du modèle de leadership du groupe depuis
lignes/pays cinq ans et précise qu’elle est prise en compte dans la formation.
E16 Consultant
E17 Consultant Il prend l’exemple de l’évolution des compétences des collaborateurs, dans une organisation à
l’obsolescence rapide des produits, avec des plans de formation, afin de « donner envie » aux
collaborateurs (promotion sur la capacité d’acquisition de compétences pour réadaptation sur le marché).
E18 Partenaire Classique Il cite la démarche de formation de managers vers des organisations plus transverses.
E19 DRH Il souligne l’impact de l’organisation en transverse sur l’évolution des politiques de formation, et
notamment de l’accentuation du learning depuis deux ans.
172
Il retient les thèmes de leadership, de capacité d’influence dans les politiques de formation « talent
development ».
E20 Expert Intrapreneuriat- Il souligne l’importance des politiques RH de recrutement et de formation pour soutenir la coopération
Innovation Fab Lab transversale.
« La formation est un levier essentiel pour ce genre de chose, tant dans le contenu de ce qui est fait, que
dans la façon dont c'est diffusé. »
T13 - Evaluation
E1 Expert RH Classique Il cite les grilles de compétences et l’évaluation (fixation des objectifs, identification des talents,
évaluation de la performance)
E2 DRH Agile Il cite l’évaluation individuelle qu’il considère comme un dispositif obsolète. Néanmoins, elle existe
(systémique) encore dans son entreprise et intègre l’évaluation de la coopération.
L’évaluation collégiale existe pour le management des talents.
E3 DRH Classique Elle cite le télétravail, les people review, la GPEC, la mobilité, la gestion des Talents.
E4 DRH Agile (SI) Le système d’évaluation a été aligné à cette nouvelle culture. Les commerciaux sont évalués sur :
l’impact individuel, la manière dont ils ont aidé les autres à réussir, et la manière dont ils se sont
appuyés sur la réussite de autres pour réussir eux. In fine, ce qui est évalué c’est le comportement qui
aide l’entreprise à atteindre ses objectifs.
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique Il précise que les objectifs collectifs ne reviennent pas à une dilution de la responsabilité. Il doit y avoir
un manager qui pilote le sujet dans sa globalité. Sinon le risque est que le dossier n’avance pas et que
cela engendre des coûts pour l’entreprise.
« Autogestion horizontale dans un monde vertical. Ça c’est sûr on l’a fait, et ça ne marche pas. »
E9 Consultant L’évaluation doit inciter à un dialogue permanent et ne pas reposer sur deux entretiens annuels alors
même que les personnels ne sont plus en équipe naturelle.
E10 Partenaire Soutien aux Elle évoque qu’évaluation et rémunération individualisées entravent la coopération.
entreprises (PME)
173
E11 Consultant Projet Il évoque qu’ « il y a plein de secteur où ça n’a plus de sens d’évaluer les salariés. Il faudrait changer
l’évaluation comme cela se fait dans les cabinets de conseil ou on est plus proche de l’entretien
professionnel. Qu’est-ce que tu veux faire demain ? Comment du veux évoluer ? Mais moins sur le tu as
bien travaillé. »
Il pointe le fait que « le manager ne peut évaluer qu’une partie du travail. » à moins de changer de
posture et de « une enquête auprès des personnes avec qui il a travaillé. ». « Il faudra se baser sur les
avis des pairs et des autres personnes qui le font travailler. Mais lui de sa fenêtre, il ne voit rien ou juste
une petite partie. » L’objectif est de centraliser l’information sur la performance, les compétences du
salarié puis de construire le développement de carrière qui en découle. Il prend l’image du cabinet de
conseil et de l’agence d’intérim.
E12 Expert RH Université Elle précise la prise en compte de la coopération dans les évaluations « On évalue aussi le how. »
d'entreprise Les entretiens d’évaluation identifiés sous le terme entretiens de performance sont maintenus.
L’évaluation relève du N+1 et pourra être éventuellement conjointe avec le chef d’un projet.
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Elle évoque que la question de l’évaluation reste complexe car le manager ne perçoit pas vraiment ce qui
marques/pays se passe dans ses équipes en matière de coopération. Elle orienterait davantage vers la reconnaissance de
la coopération par les pairs.
E15 DRH Matricielle Elle précise la prise en compte du « how », l’atteinte les objectifs lors de l’évaluation de la performance.
lignes/pays Elle indique que l’évaluation ne peut reposer sur le seul manager direct dans une organisation
matricielle, même si cela n’est pas encore totalement le cas, un collège étant souhaitable.
Il serait nécessaire d’associer les pairs et les stakeholders.
Elle précise que l’évaluation repose sur le manager ayant recueilli l’avis de tiers légitimes et sur un
rating dans une équipe. La tendance à la collégialité se développe.
Elle précise enfin que les points de vue sont croisés entre les deux axes.
E16 Consultant Il semble cohérent de ne pas mener d’évaluation, eu égard à la variation des cycles de performance.
E17 Consultant Il cite la difficulté rencontrée parfois à faire évoluer les processus d’évaluation, et notamment la prise en
compte des comportements, alors que cela reste nécessaire.
E18 Partenaire Classique Il considère que l’évaluation ne retient pas les missions transverses complémentaires.
174
E19 DRH Il observe une évolution de l’évaluation avec un intérêt pour l’entretien de développement, et le
feedback tout au long de l’année, trouvant davantage de sens dans ce type d’organisation, avec des
collaborateurs détachés pendant une période sur des groupes projets, loin de cette logique hiérarchique
verticale.
Il rappelle la complexité de l’évaluation dans un mode transversal, en prônant le recours au feedback,
sans pour autant déresponsabiliser le manager en faisant reposer l’évaluation sur les collègues, au travers
de talent review et de people review. Il relève la possibilité de déceler rapidement la non-adaptation à
ces formes d’organisation transverse.
E20 Expert Intrapreneuriat- Il déplore également que la fixation d’objectif et l’évaluation soient centrées sur des données
Innovation Fab Lab quantitatives et pas sur comment on fait et la création de valeur qui en résulte. De même il regrette le
peu d’évaluation collective ou le manque de visibilité du traitement de cette évaluation.
T14 - Mobilité
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile La mobilité interne est verticale, mais aussi en expertise et sur des changements complets de métier.
(systémique) Il cite l’employabilité qui s’est transformée sous l’influence de la coopération transversale car cette
dernière offre un décloisonnement, une meilleure compréhension des contraintes et enjeux des autres,
une meilleure connaissance de l’ensemble des fonctions de l’entreprise. Il insiste sur la meilleure gestion
globale que ce regard ouvert, cette coopération permet car ainsi chacun peut tenir compte des contraintes
des autres et les intégrer dans son activité (ex. des intérimaires et des RH)
E3 DRH Classique Elle cite la mobilité dynamique comme gestion des Talents et propagation de la coopération
transversale.
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle Il rappelle l’ascension généralement verticale dans une organisation industrielle, sans véritable mobilité.
En cas de réorganisation, il n’est pas possible de conserver l’ensemble des personnels.
E7 Consultant
E8 DRH Classique Dans un monde VUCA, il est très difficile d’anticiper donc on favorise la capacité à apprendre, mais
cela a ces limites. Tout le monde ne change pas de métier comme ça.
175
E9 Consultant Il pense que la mobilité contribue pleinement à la transversalité. Cependant elle n’est pas facile à mettre
en œuvre car il est difficile pour un manager de se séparer de ses meilleurs collaborateurs pour aller
œuvrer sur un autre projet, quitte à limiter ses capacités de développement.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université La coopération favorise ainsi la mobilité.
d'entreprise La coopération développe l’employabilité des salariés. Elle permet également de comprendre ce que fait
l’autre.
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Elle cite le développement et la mobilité avec l’idée de favoriser pas seulement les résultats, mais la
marques/pays manière d’obtenir les résultats.
E15 DRH Matricielle Elle indique que la coopération a favorisé de manière induite l’employabilité.
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il observe que les salariés sont demandeurs de missions transverses en raison de l’intérêt de la
diversification des tâches autres, et des compétences ainsi développées, en vue d’une évolution à plus
long terme dans la carrière.
E19 DRH Il précise que la mobilité est envisagée dans l’intérêt de l’entreprise, pour le développement des
compétences du collaborateur, mais non dans une logique de renforcement de la coopération transverse,
eu égard au coût supporté, même si cela participe à une ouverture sur cette thématique.
E20 Expert Intrapreneuriat -
Innovation Fab Lab
176
T15 - Rémunération
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile
(systémique)
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI) Il pointe une limite, la rémunération ne semble pas alignée sur l’évaluation.
Il explique que l’entreprise ne valorise pas autant qu’ils voudraient l’évaluation qualitative (le comment)
car les concurrents ne le font pas, le marché pour le moment ne le permet pas.
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant Il précise que la coopération transverse ne modifie pas les règles de rémunération : définition
d’objectifs, grille de mesure des résultats, sauf cas particuliers de gros projets, mais il revient aux RH de
s’assurer de l’harmonie, au début du projet.
E8 DRH Classique Il appelle à valoriser, rémunérer les objectifs de coopération.
E9 Consultant Il préconise de changer le système de rétribution, reconnaissant la participation au projet.
La rémunération doit être repensée au travers de la contribution apportée ; un comportement classique
solitaire récompensé n’incite pas à la coopération.
Il considère que le variable individualisé nuit à la coopération tout comme le variable d’équipe qui vient
pénaliser l’équipe lorsqu’un collaborateur détaché sur un projet de l’organisation met à mal l’atteinte des
objectifs de l’équipe.
E10 Partenaire Soutien aux Elle évoque qu’évaluation et rémunération individualisées entravent la coopération.
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet
E12 Expert RH Université Elle précise l’existence d’objectifs collectifs et individuels, le collectif augmentant avec l’ancienneté.
d'entreprise
177
E13 Partenaire classique Il constate une augmentation des rémunérations, une évolution des classifications et une création
d’emplois, mais non des primes liées à la coopération transverse, même si mise en œuvre d’une prime
liée à la qualité du travail.
E14 DRH Matricielle Elle évoque le levier RH des objectifs commun et de la rémunération variable.
marques/pays Elle cite la rémunération : l’absence de primes individuelles, la pratique de primes collectives, la
fixation d’objectifs collectifs, ou la proposition d’augmentation discutée par les pairs. Elle puise certains
exemples dans les fonctionnements d’entreprises libérées. Elle précise que ces pratiques demandent une
grande maturité individuelle, collective et sont potentiellement entravées par la culture de l’organisation.
L’intention derrière le processus de fixation d’objectif et de rémunération est de permettre la discussion,
la confrontation positive nécessaire à la coopération.
E15 DRH Matricielle Elle indique que la part variable de la rémunération repose sur le collectif, encourageant ainsi le
lignes/pays collectif.
E16 Consultant Il souligne en termes de rémunération la nécessité de réfléchir à des dispositifs de collectivisation du
variable à l’échelle de petits collectifs, en regard de la performance de l’entreprise.
E17 Consultant Il présente le cas d’une rétribution fondée non plus sur la performance mais sur le développement des
compétences.
E18 Partenaire Classique Il souligne des améliorations à faire en termes d’organisation transverse : la rémunération ne prend pas
en compte ces missions transverses car non intégrées dans la fiche de poste.Il précise qu’il faudrait
reconnaître la compétence et non le poste et souligne ainsi le décalage
E19 DRH Il reconnaît une évolution de la politique comp and ben, avec notamment les assignations.
Il précise que la coopération peut être retenue comme un objectif identifié en tout début d’année, comme
une part du variable ; définir un objectif en cours d’année devenant trop compliqué et inopérant.
Il indique que la réussite dans un projet influe davantage en termes de développement de carrière que de
rémunération, même si tous les collaborateurs ne le perçoivent pas ainsi.
E20 Expert Intrapreneuriat -
Innovation Fab Lab
178
T16 – Temps de travail
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile Il évoque un impact positif sur le temps de travail du fait de la fluidification de l’interdépendance des
(systémique) services (moins de réunions d’alignement nécessaires) et la diminution des RPS.
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique
E9 Consultant
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet « Quand tu t’éclates sur un projet, tu n’as pas envie de regarder ton temps. »
E12 Expert RH Université Elle indique que cette organisation contribue à l’efficacité et participe de l’optimisation, et ce en termes
d'entreprise de temps de travail.
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle Elle indique que le matriciel est compliqué et rappelle qu’il implique la recherche du consensus, et
lignes/pays nécessite ainsi du temps.
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique
E19 DRH
179
E20 Expert Intrapreneuriat – « Mais quand même, quand on a quelqu’un qui est enthousiaste, j'ai l'impression que si on borne les
Innovation Fab Lab choses, si on dit « t'as 2 jobs, tu es intrapreneur et tu as ton autre job pendant 4 mois », qu’on borne le
truc, on ne met pas forcément les gens en danger. Par contre, ne pas montrer ce à quoi sert la
contribution de tout à chacun, ça c'est pour moi des vrais risques de burnout forts. »
180
E13 Partenaire classique Face à l’idée d’une représentation du personnel satisfaite d’une organisation cloisonnée où tout est
précisé, il considère que la représentation syndicale n’est pas opposée à la coopération transverse car un
mauvais fonctionnement au sein d’une organisation transverse s’explique avant tout par un management
ne supportant pas l’absence de maîtrise sur ses collaborateurs, et la confiance envers leurs salariés.
Il précise qu’en cas de difficulté entre collaborateurs, la régulation passe par des réunions.
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il précise qu’il est nécessaire de disposer d’un réseau qui a l’information plutôt que d’avoir
l’information soi-même.Il souligne le rôle des représentants du personnel comme indicateur, à condition
qu’ils jouent le jeu de la représentation réelle.
Il considère que permettre une expression directe du salarié pourrait faire craindre aux représentants du
personnel une remise en cause de leur pouvoir, et ainsi les mener à ne pas favoriser la démarche.
E19 DRH Il précise qu’il convient d’être vigilent face aux problématiques de surcharge de travail et de tiraillement
face à l’absence de chef clairement identifié. Le point d’attention se focalise au niveau de la
transformation permanente au niveau des organisations, indépendamment de la structure transverse,
(même si l’absence de frontières claires complexifie la situation), avec des changements de stratégie, de
personnes pouvant provoquer une certaine usure au niveau des collaborateurs. A contrario, cela peut
aussi être considéré comme un moment d’oxygénation, un temps positif.
E20 Expert Intrapreneuriat -
Innovation Fab Lab
17 bis - Santé
E1 Expert RH Classique off
E2 DRH Agile La pratique de la coopération a eu des impacts positifs sur la santé sécurité.
(systémique)
E3 DRH Classique
181
E4 DRH Agile (SI) Le RH intervient en régulation d’équipe sur alerte avec pour objectif de « faire comprendre à chacun le
fonctionnement des autres pour mettre de l’huile dans les rouages »
Il souligne que dans les équipes transverses, au-delà de la vision « servir le client » des objectifs
divergents peuvent générer des tensions.
E5 Consultant Transversale Elle évoque les risques pour la santé des managers comme des collaborateurs qui ne sont pas fait pour ce
(PME libérée) modèle.
E6 DRH Matricielle Il rappelle la responsabilité de l’employeur dans le développement des compétences des collaborateurs.
Il rappelle que cet intérêt porté aux salariés est visible par tous et participe des bonnes conditions de
travail, en concluant sur la nécessité d’être simplement humain.
E7 Consultant Il précise que cette multitude de liens a des impacts sur la santé au travail, par défaut d’écoute, et de
disponibilité, notamment quand les liens sont distants géographiquement.
Il rappelle le poids du matriciel faisant peser sur l’individu le poids de la responsabilité, de l’autonomie
sans feedback, permettant de se situer, dépendant de son intelligence émotionnelle, pouvant se confier à
son manager de projet, à son hiérarchique ou à son RH.
Il conclut sur l’indisponibilité du chef à l’origine des RPS, le responsable hiérarchique étant assez
éloigné, et non amené à prendre des décisions.
E8 DRH Classique Il complète en disant que rajouter un échelon pour porter la responsabilité du sujet est une erreur car
c’est l’opérationnel qui pilote dès le début qui a le pouvoir de gérer le sujet. Nommer un responsable en
sus, c’est mettre un individu en situation de ne pas pouvoir faire son travail et on met sa santé en risque.
E9 Consultant Il précise que la souffrance au travail s’explique par le sentiment de non-autonomie du salarié voire
d’injonction paradoxale, et non seulement la charge de travail. Le command and control classique ne
peut s’allier à une certaine décentralisation : un command and control signifie clarté et donc moins de
souffrance au travail : le collaborateur est plus autonome et se retourne vers son manager si besoin. Il
parle ainsi d’une organisation pyramidale mécaniste faisant face à une organisation plus organique avec
des cellule en perpétuelle recomposition, avec une certaine autonomie, considérée différemment de
l’indépendance.
E10 Partenaire Soutien aux Il pointe également un point positif en matière de santé au travail, de collectif et d’autonomie au travail.
entreprises (PME) Elle revient sur la santé au travail en indiquant si la situation devient difficile, cela peut-être très brutal
pour le salarié et l’équipe qui peuvent en venir à sortir l’un des-leurs parce que sa santé, ses absences
etc. gène leur travail.
E11 Consultant Projet
182
E12 Expert RH Université Elle lui reconnaît un certain caractère bénéfique sur le bien-être au travail, même si le bien-être ne relève
d'entreprise pas de cette seule coopération. L’efficacité est à l’origine du bien-être au travail.
E13 Partenaire classique Il indique que la coopération transverse favorise la fluidité si cela reste temporaire dans le cadre d’un
groupe projet car la fluidité ne s’installe pas définitivement et les vieux réflexes reviennent, avec un
repli sur soi-même.
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle
lignes/pays
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il indique que la coopération peut avoir des impacts sur les conditions de travail.
Il précise que la démarche devrait avoir un impact positif, mais qu’en fait elle ajoute de la complexité en
devenant plus agile.
Il précise que la démarche visant à supprimer les tâches considérées comme inutiles supprime en fait les
« bouffées d’oxygène » du salarié, les ruptures de tâches, nécessaires à l’équilibre du salarié.
Il souligne qu’il est compliqué de mesurer ces qualités comportementales.
Il ajoute que la mesure du ressenti des salariés au travers du nombre des conflits peut être un indicateur
de cette qualité comportementale.
Il reconnaît la difficulté de mesurer la QVT, si ce n’est au travers de l’absentéisme en présupposant une
relation directe entre conditions de travail et absentéisme
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat- La transformation culturelle et managériale vers la coopération transversale et la confiance est au
Innovation Fab Lab bénéfice de l’organisation (busines) et des Hommes (santé et épanouissement).
183
T18 - Départ
E1 Expert RH Classique
E2 DRH Agile Il évoque que quelques managers ont du mal à se mettre à la coopération par peur de perdre leur
(systémique) pouvoir. Le changement de cap manque parfois un peu de nuance, du classique au coopératif.
E3 DRH Classique
E4 DRH Agile (SI)
E5 Consultant Transversale
(PME libérée)
E6 DRH Matricielle
E7 Consultant
E8 DRH Classique
E9 Consultant L’attention du manager en termes de développement de son collaborateur conditionne le départ de celui-
ci : il quitte l’organisation s’il se sent sclérosé au niveau du manager. Il importe également de fixer des
objectifs tenables au manager.
E10 Partenaire Soutien aux
entreprises (PME)
E11 Consultant Projet Les RH aident au départ des managers qui se sont pas à leur place dans la coopération transversale.
E12 Expert RH Université Elle observe que la coopération transverse est à l’origine de départs de collaborateurs habitués à un
d'entreprise certain individualisme.
Ces collaborateurs rassemblant tous les profils ne se retrouvaient pas dans ce fonctionnement.
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle
marques/pays
E15 DRH Matricielle Elle considère que tous les personnels ne sont pas confrontés de la même façon au matriciel et le vivent
lignes/pays donc différemment.
E16 Consultant
E17 Consultant
E18 Partenaire Classique Il précise que certains salariés quittent l’entreprise car l’organisation ne leur convient pas, ou parce
qu’ils se sentent perdus dans une organisation transverse.
184
E19 DRH
E20 Expert Intrapreneuriat - « On a de plus en plus de jeunes diplômés qui nous rejoignent pour les premières années, qui au bout de
Innovation Fab Lab 2, 3, 4 ou 5 ans ne trouvent pas complètement leur place, ils ont l'impression qu'ils n’ont pas de
possibilités de carrière à l'intérieur du Groupe et donc s’en vont. Les messages qu’ils nous disent sont «
les process sont trop lourds, on peut pas du tout innover, c'est un carcan, donc laissez-nous un peu
d'autonomie, un peu de liberté et comme on n'en trouve pas et bien on s’en va ».
Q5 - Autres
E1 Expert RH Classique Il introduit le concept de déterritorialisation de G. Leuleu pour questionner les frontières
organisationnelles. « Les problèmes organisationnels viennent à la frontière du travail avec l’autre et
c’est pour cela que dans la collaboration, l’idée c’est de sortir des frontières, des rôles et des postures,
des territoires. »
E2 DRH Agile Il appelle à ne pas blâmer les managers classiques car passer au management responsabilisant prend du
(systémique) temps (transformer sa posture) et le management classique a fait le succès de l’entreprise à un moment.
Il cite Alexandre Gérard, le patron de Chronoflex, Bardin chez Michelin et Isaac Getz comme pionner
de l’organisation responsabilisante.
Il indique que la pratique de la coopération a favorisé l’engagement des collaborateurs.
Il cite l’ European foundation for quality management qui donne des orientations pour développer
l’excellence manageriale.
Il déplore certaines représentations qui voudraient que l’entreprise responsabilisante soit l’anarchie. Il
clarifie le concept d’entreprise responsabilisante en comparant l’entreprise classique à l’orchestre
symphonique et l’entreprise responsabilisante à l’orchestre de jazz.
« l’idée est qu’à partir du moment où le cadre de l’action est posé, que la vision est là, que la feuille de
route est là, liberté de manœuvre, il n’y a pas besoin d’aller faire du micro-contrôle, du micro-
management »
E3 DRH Classique Elle souligne les effets positifs de l’expérience de la coopération transversale pour les collaborateurs :
apprendre, prendre confiance en soi, ouvrir ses horizons.
Autre effet positif de la coopération transversale : cela permet de révéler les talents.
E4 DRH Agile (SI)
185
E5 Consultant Transversale E5 a accompagné un manager d’une entreprise libérée à l’apogée de son modèle et accompagne des
(PME libérée) entreprises qui recherchent la coopération transversale.
Elle évoque qu’une des faiblesses du modèle est de vouloir responsabiliser tout le monde de la même
façon alors que certains salariés ne peuvent ou ne veulent pas jouer le jeu.
Elle précise que les difficultés viennent du décalage entre l’engagement demandé et l’engagement réel
de certains ainsi qu’une difficulté à dire les choses quand ça ne fonctionne pas.
« tout le monde est responsable donc personne ne contrôle parce que contrôler serait surveiller, égal pas
faire confiance »
Elle rappelle que la confiance n’exclue pas le contrôle.
Elle précise que ce type de modèle repose sur un leader charismatique, qui embarque tout le monde.
« l’entreprise, elle n’est pas là pour tester des modèles philosophiques. »
Elle exprime croire intellectuellement à l’idée de la coopération mais à des doutes quand la mise en
œuvre manque de bon sens.
Elle complète en disant que ces modèles demandent beaucoup d’énergie de la part des leaders, ce qui
n’en ferait pas un modèle pérenne.
« il faut vraiment avoir une âme d’entrepreneur. C’est pour ça que je ne pense pas que ça ne s’adresse
pas à tous les managers pour des projets comme ça, ni à tous les collaborateurs. »
E6 DRH Matricielle Il s’interroge sur les leviers de mobilisation des personnels en charge de recherche, sur le temps long,
soulignant l’implication du management et sa spécificité.
Il précise que le manager pose les problèmes et que le l’ingénieur règle les problèmes.
Il souligne l’explosion du nombre de webinaires sur les questions de transversalité en cette période de
COVID.
E7 Consultant Il précise qu’être une DG stratège, c’est être capable de choisir un ou plusieurs modes d’organisation
selon la mission à remplir.
Il cite Norbert Alter et son étude sur le don et la coopération.
Il rappelle l’existence de valeurs très présentes au sein des entreprises libérées, en citant les théories de
Kant et la contingence internalisée.
186
E8 DRH Classique Seules les petites structures créées récemment peuvent être organisées de façon libérée. Les grandes
entreprises optent pour des îlots et tentent d’en transposer les vertus au sein de l’organisation.
L’agile lui semble une piste plus atteignable, avec comme point d’entrée le SI qui petit à petit diffuse
une philosophie et in fine un changement culturel.
« Il y aurait l’idée que pour être plus efficace il faudrait abolir les silos et les processus. En tout cas,
dans la modalité Safe et dans l’agilité, c’est ultra codé. Ce qui est codé ce n’est pas le processus, ce qui
est codé c’est le comportement. »
« C’est une forme de coopération obligée au sens où, à la différence des entreprises effectivement
verticalisées où tu vas avoir des objectifs qui vont tomber d’en haut, qui vont se décliner équipe par
équipe et donc de manière verticale, et où donc il n’y aura pas de coopération inter-équipes (…) alors
que là dans des méthodes agiles (…) tout le monde est sensibilisé au fait qu’il y ait des interrelations et
que donc chacun doit réussir sa partie pour faire réussir le tout et qu’à tout instant la question n’est pas
de connaître la performance individuelle, la question est plutôt de faire livrer le projet dans son
ensemble. »
« Il y a une dimension un peu « projet d’abord », plutôt que « équipe d’abord » qui est assez forte dans
ce type de méthode. ça n’aide pas forcément la coopération mais ça aide la performance c’est que si
une équipe n’avance pas ou si quelqu’un n’avance pas dans une équipe, il se fait sortir parce que, après
ça peut avoir tout en tas de perversion. »
E9 Consultant Il insiste sur la nécessité de prendre en charge la transformation des acteurs lors de la transformation
d’une organisation.
E10 Partenaire Soutien aux Elle pointe deux effets négatifs de l’organisation responsabilisante :
entreprises (PME) - l’affaiblissement des instances représentatives du personnel
- la création de communautés de travail parfois excluante de ceux qui ne se reconnaissent pas dans les
valeurs de l’entreprise.
Elle alerte sur une incompréhension du modèle par certains qui ne cadrent pas sous prétexte
d’autonomie « on méconnaît un rôle fondamental du management qui est de poser un cadre et d’être en
appui et en soutien des équipes. »
Elle questionne la nouvelle place à trouver pour les managers, ni hiérarchique, ni absent.
Elle précise qu’« Il n’y a pas de bonne organisation en soi qui serait le bon modèle à appliquer dans tous
les contextes. A chaque fois, il y a des organisations qui se mettent en place, qui sont des organisations
qui sont hybridations qui sont très contextualisées. »
Elle cite Christophe Dejours sur la question de l’évaluation.
187
E11 Consultant Projet Il souligne une difficulté de la coopération transversale telle qu’elle est souvent déployée : « on
demande aux gens de contribuer sur des projets et de faire leur job habituel au quotidien » qui pèse tant
sur le salarié que sur le service et la possibilité du manager d’évaluer.
Il souligne une seconde difficulté : le manque de traçabilité, la perte de mémoire des décisions, des
évolutions. Quand tout est mouvant, on prend moins le temps de consigner la mémoire des décisions. «
La formalisation est plus légère dans ces modes d’organisation. » Cela représente un risque de perte de
connaissance pour l’entreprise.
Il met en garde : « Il est dangereux de vouloir adopter un modèle unique pour tout le monde pour
répondre à une mode. Le fait de passer en mode projet partout ou avec une organisation horizontale n’a
pas forcément de sens. »
« Je voudrais aussi ajouter qu’on ne valorise pas assez le geste métier. On parle beaucoup des soft
skills mais il ne faut pas oublier le geste métier qui est très important. »
« L’écart entre le travail prescrit et le travail réel est une énorme réalité. C’est pour cette raison que
dans les projets on cherche à avoir des opérationnels. C’est pour avoir connaissance du travail réel.
(…) Cet écart est souvent nié. Plus on est en transversalité, plus on a besoin de savoir comment
fonctionne le travail. »
E12 Expert RH Université
d'entreprise
E13 Partenaire classique
E14 DRH Matricielle Explique le concept de connecteur
marques/pays « Le jour où on arrêtera de parler de coopération mais on le fera, on aura déjà beaucoup beaucoup
progressé »
Elle porte le message que l’injonction à la coopération est une hérésie. La coopération doit servir un
objectif.
E15 DRH Matricielle De la richesse et de la difficulté, elle retient la difficulté du multiculturel, vue comme une complexité
lignes/pays supplémentaire.
Expatriée en Asie, elle avait un rôle de traduction entre le corporate-BU globale et le pays, en vue de
faciliter et de faire comprendre la culture de l’entreprise face à la culture du pays.
Elle se demande si le COVID-19 ne va pas mettre fin à la tension permise par le matriciel, en
reconnaissant la prépondérance d’un des deux axes, et revenir à des dispositifs plus simples.
188
E16 Consultant Il souligne la nécessité de réfléchir et de « processer » sur l’impact juridique de cette transformation sur
les contrats de travail et les classifications conventionnelles.
E17 Consultant Il rappelle que le système Command and Control reste opérant, moins adapté au monde qui vient. Il est
nécessaire de pas « insulter le passé ».
Il pense que la finance continue d’influencer l’évolution, mais souligne les signaux faibles de prise en
compte de l’impact sur l’environnement. Il ne pense pas que le phénomène puisse être lié à un
phénomène générationnel, mais s’explique davantage par une réflexion sociétale « le temps d’une
époque ».
Il cite la fonction de reconnaissance social du travail.
E18 Partenaire Classique Il ajoute le constat de la complexité actuelle dans le travail. La légitimité du manager repose sur d’autres
marqueurs.
Il fait référence à un ouvrage « Démocratiser le travail un nouveau regard sur le lean management »
préfacé par Laurent Berger, avec l’émancipation des salariés, l’opportunité de reprise en main des
façons de travailler, de prise en compte de situations réelles par le management.
Il déplore la perte de la culture d’entreprise.
Il pense que le lean management bien mené pourrait mener à construire un collectif de travail et mener à
une nouvelle vision de l’entreprise.
Il retient que le confinement a posé des questions en termes de management et d’organisation transverse
avec la nécessité de mise en place de réseaux.
E19 DRH Au vu de l’épisode COVID-19, il précise que l’humain a besoin d’échanges. Ainsi, il souligne la
nécessaire prise en compte de la notion de collectif, de solidarité dans la réflexion sur le télétravail afin
de pas accentuer les différences de statut.
E20 Expert Intrapreneuriat - Il insiste sur le fait que la coopération transversale ne convient pas à tout le monde et que l’objectif n’est
Innovation Fab Lab pas que toute l’organisation fonctionne ainsi.
189