TFE Wathelet-Vfinale
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Département de Droit
L’évolution des compétences internationales des États face
à Internet
Annelyse WATHELET
Travail de fin d’études
Master en droit à finalité spécialisée en mobilité interuniversitaire
Recherche menée sous la direction de :
Monsieur Franklin DEHOUSSE
Professeur
RÉSUMÉ
Dans un premier temps développé dans un objectif militaire, Internet est finalement rendu
accessible au grand public en 1995, notamment grâce au développement du World Wide Web.
Au départ, Internet est présenté comme un espace de liberté, sans loi, dans lequel les États ne
peuvent intervenir ni le contrôler. Cette conception est néanmoins rapidement délaissée. En
effet, Internet ne se soustrait pas à l’intervention des États. Cependant, il constitue une
nouvelle structure faisant abstraction des caractéristiques géographiques traditionnelles et
lance de nouveaux défis aux États, notamment concernant leurs compétences internationales.
Ainsi, Internet permet à ses utilisateurs d’être interconnectés et implique la possibilité pour
ceux-ci d’accéder à des sites ou des services proposés dans le monde entier. Dès lors, une
pluralité de juridiction est susceptible de s’appliquer à Internet et cela peut donc engendrer
des conflits de compétences entre les États. En outre, l’absence de territoire physique — a-
territorialité — d’Internet paraît à première vue incompatible avec l’exercice des compétences
des États basés principalement sur le territoire.
Cette contribution a pour objet d’analyser comment les États ont appréhendé leurs
compétences internationales avec l’avènement d’Internet. Dans un premier temps, nous
commencerons par aborder le changement qu’Internet apporte à la souveraineté classique des
États (I). Nous développerons, dans un deuxième temps, l’implication d’Internet à l’égard des
compétences territoriales (II). Dans un troisième temps, nous étudierons l’incidence du réseau
sur leur compétence personnelle (III). Nous continuerons avec l’analyse sur les répercussions
qu’Internet peut engendrer sur la compétence réelle ainsi qu’universelle (IV). Enfin, nous
tâcherons de conclure l’analyse.
REMERCIEMENTS
J’aimerais également remercier Madame Manon WUINE pour sa disponibilité et ses précieux
conseils.
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 4
I.- INTERNET ET LA SOUVERAINETE DES ETATS ............................................................... 6
II.- LES IMPACTS D’INTERNET SUR LES COMPETENCES TERRITORIALES............. 11
A.- Les compétences territoriales sans Internet ............................................................................. 11
B.- Les compétences territoriales avec Internet ............................................................................. 14
1) Internet appréhendé dans ses dimensions structurelle et virtuelle ....................................... 15
2) Internet appréhendé dans sa dimensions cognitive............................................................... 15
a) L’approche du pays d’origine ............................................................................................................................ 16
b) L’approche du pays de destination .................................................................................................................... 17
c) L’approche directe et ciblée ............................................................................................................................... 21
C.- Conclusion intermédiaire ......................................................................................................... 25
III.- L’INCIDENCE D’INTERNET SUR LA COMPETENCE PERSONNELLE ................... 26
A.- La compétence personnelle sans Internet ................................................................................ 26
B.- La compétence personnelle après Internet ............................................................................... 28
1) En Europe .............................................................................................................................. 28
2) Aux Etats-Unis....................................................................................................................... 30
3) Convention internationale ..................................................................................................... 33
C.- Conclusion intermédiaire ......................................................................................................... 33
IV.- LES REPERCUSSIONS D’INTERNET SUR LES COMPETENCES : REELLE ET
UNIVERSELLE................................................................................................................................... 34
A.- La compétence réelle ............................................................................................................... 34
1) Sans Internet .......................................................................................................................... 34
2) Avec Internet ......................................................................................................................... 35
B.- La compétence universelle ....................................................................................................... 36
1) Sans Internet .......................................................................................................................... 36
2) Avec Internet ......................................................................................................................... 39
C.- Conclusion intermédiaire ......................................................................................................... 41
CONCLUSION .................................................................................................................................... 42
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 45
2
INTRODUCTION
En 1969, des scientifiques de l’armée américaine ont réussi à créer le premier réseau
reliant un ensemble d’ordinateurs interconnectés, et pendant les années qui ont suivi, les
différentes communautés scientifiques de chercheurs ont manifesté leur intérêt au
déploiement d’un tel réseau pour leur propre discipline. Les prémisses d’Internet comme nous
le connaissons se trouvent dans la volonté de développer et rendre accessible un tel réseau à
l’ensemble des communautés académiques. L’intérêt du secteur commercial a permis le
développement et le déploiement du principal réseau utilisé actuel, le World Wide Web
(www), qui est désormais depuis plus de 25 ans mis à disposition du grand public.
Dès le début, Internet1 a été considéré comme un espace de liberté sans lois où les États ne
pouvaient pas intervenir ou exercer leur contrôle. Cette conception a néanmoins été
rapidement mise de côté. L. LESSIG, illustre académique américain, souligne dans son
célèbre ouvrage « Code is Law and architecture is Politics » qu’Internet est une construction
technique établie par un « code » et relève qu’il s’agit d’un outil supplémentaire à la
disposition des gouvernements étatiques2. L’immatérialité d’Internet n’échappe donc pas à
l’intervention des États et crée une nouvelle structure indépendante des caractéristiques
géographiques traditionnelles3. L’immatérialité d’Internet pose de nouvelles questions en
droit international et en droit national. Dans ce travail, les nouvelles questions en droit
national ne seront pas abordées.
1
Au travers des différentes lectures réalisées, il est ressorti que Internet et cyberespace sont deux notions
distinctes. La définition d’Internet varie selon l’angle adopté. Sous l’angle technique, Internet
correspond à « un mode de communication qui fonctionne grâce à un protocole unique et à un système
de nommage permettant d’attribuer des adresses facilement mémorisables pour l’établissement des
contacts » (P. TÜRK, « La souveraineté à l’épreuve d’Internet », Rev. dr. publ., 2013, n°6, p. 1492 et
1493.), alors que sous l’angle juridique il est défini comme « le réseau informatique permettant de
rendre accessible au public un certain nombre de services et activités sur le réseau mondial» (SOCIÉTÉ
FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, Internet et le droit international, Paris, A.
Pedone, 2014, p. 65.). Le cyberespace représente l’espace virtuel contenu par les ordinateurs ou entre
eux dans le cas de mise en réseau (SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op.
cit., p. 13.), il est l’environnement dans lequel Internet se développe (SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR
LE DROIT INTERNATIONAL, op. cit., p. 65.). Le terme cyberespace est utilisé pour échapper à la
territorialisation du droit et également pour insister sur l’espace de liberté qu’est Internet en dehors des
compétences des Etats (SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op. cit.,
p.14.). Dans un souci de compréhension et de lisibilité, nous avons choisi d’utiliser le vocable Internet
pour désigner le tout.
2
Fr. C. MAYER, « Review Essay The Internet and Public International Law – Worlds Apart ? », E.J.I.L.,
2001, vol. 12, n°3, p. 620.
3
B. DE GROOTE, « Internet en territoriale soevereiniteitsafbakening », Kan dit nog ?: liber amicorum
Rogier de Corte, M. De Busscher et al., Mechelen, Kluwer, 2007, p. 217.
4
potentiellement soumis à une multitude de juridictions et peut donc créer des conflits de
compétences entre les États4. De plus, l’exercice des compétences des États se base
principalement sur le territoire de ces derniers. Or les problématiques rencontrées sur Internet
ne peuvent être rattachées à un territoire étant donné que le réseau se caractérise par son a-
territorialité5. Il est alors intéressant d’analyser comment les États ont appréhendé Internet
quant à leurs compétences internationales et comment ils ont surmonté les différents obstacles
afin de les exercer.
Cette contribution a pour objet d’analyse comment les États ont appréhendé leurs
compétences internationales avec l’avènement d’Internet. Dans un premier temps, nous
commencerons par aborder le changement qu’Internet apporte à la souveraineté classique des
États (I). Nous développerons, dans un deuxième temps, l’implication d’Internet à l’égard des
compétences territoriales (II). Dans un troisième temps, nous étudierons l’incidence du réseau
sur leur compétence personnelle (III). Nous continuerons avec l’analyse sur les répercussions
qu’Internet peut engendrer sur la compétence réelle ainsi qu’universelle (IV). Enfin, nous
tâcherons de conclure l’analyse.
4
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op. cit., p. 28 ; B. DE GROOTE, op.
cit., p 228 ; M. KAMTO, Gouvernance mondiale et droit international, Bruxelles, Bruylant, 2015, p.
98 ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction, and the Internet », I.C.L.Q., 2002, vol. 51, n°3, p. 559.
5
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op.cit., p. 17 et 65.
5
I.- INTERNET ET LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS
6
A-Th. NORODOM, « Être ou ne pas être souverain, en droit, à l’ère du numérique », Enjeux
internationaux des activités numériques : entre logique territoriale des Etats et puissance des acteurs
privés, C. Castets-Renard, V. Ndior et L. Rass-Masson (dir.), Bruxelles, Larcier, 2020, p. 23.
7
M. CHEMILLIER-GENDREAU, « Le concept de souveraineté a-t-il encore un avenir ? », Rev. dr.
publ., 2014, n°5, p. 1285.
8
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 23.
9
M. DRAIN et C. DUBERNET, Relations internationales, 25e éd., Bruxelles, Bruylant, 2020, p. 97 et
98 ; M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1285 ; J. KRANZ, « Notion de souveraineté et le droit
international », Archiv des Völkerrechts, 1992, vol. 30, n° 4, p.411. Les autorités sous-entendues sont
l’empereur et le pape.
10
M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1286.
11
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 97
12
Ibid., p. 98.
13
Ibid.
14
P. TÜRK, op. cit., p. 1490 et 1491.
15
M. CHEMILLIER-GENDREAU, op.cit., p. 1291.
16
Ibid.
6
souveraineté des États est limitée, notamment par les obligations de traités fondant des
organisations internationales auxquelles ils ont adhéré. L’exemple le plus parlant est le
principe général d’interdiction du recours à la force consacrée au paragraphe 4 de l’article 2
de la Charte des Nations Unies18, véritable amputation à la souveraineté de l’État qui jusque-
là disposait du droit régalien de faire la guerre et de conquérir des territoires19. L’effritement
du caractère absolu de la souveraineté se perçoit également dans la compétence du Fonds
Monétaire International d’imposer des mesures économiques et monétaires à l’encontre des
États, ou dans l’obligation, pour ceux-ci, qui font partie de l’OMC, d’accepter le pouvoir
juridictionnel de l’Organe des Règlements des différends20.
Dans le cadre de rapports de force, la souveraineté d’un État est réduite lorsque celui-ci est en
proie à des violences physiques telles qu’il n’est plus capable d’exercer ses fonctions
régaliennes et de maintenir l’ordre social21. Elle est aussi affectée lorsque, dans un domaine
particulier, le territoire d’un État devient l’objet d’une situation qui échappe totalement à son
contrôle. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un État tente sans résultat concluant de favoriser
des fusions d’entreprises ou d’empêcher des délocalisations22.
17
M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1291 ; P. TÜRK, op. cit., p. 1489.
18
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 102, n° 121. La première trace d’un tel principe, conséquence
directe de la 1ère guerre mondiale, se trouve dans l’article 12 du Pacte de la Société des Nations, lequel
met en place un système de protection collective en cas d’émergence d’un différent entre deux Etats. La
disposition invitait à soumettre le différent à soit une procédure d’arbitrage, soit un examen du Conseil
de la SDN et imposait que les Etats ne pouvaient recourir à la guerre avant l’expiration d’un délai de 3
mois après la décision des arbitres ou du Conseil ; M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1291.
19
M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1291.
20
Ibid., p. 1292.
21
Ibid., p. 1296.
22
Ibid., p. 1295.
23
M. KAMTO, op. cit., p.94.
24
M. KAMTO, op. cit., p. 95 ; M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1295.
25
M. KAMTO, op. cit., p. 95 ; M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1295 et 1296.
7
le risque de le déstabiliser26 » et la seconde est que « la maîtrise des technologies de la
communication met les États devant les mêmes difficultés et les mêmes pertes de
souveraineté sans qu’il n’y ait aucune délégation de leur part à une autre instance »27. Ces
nouvelles formes d’ingérence rompent avec le principe d’égalité souveraine, elles mettent à
mal l’indépendance et la souveraineté de certains États. De plus, elles remettent en cause
l’intégrité territoriale des États. Les affaires Wikileaks et Snowden ont replacé la souveraineté
au centre des débats28 en ce sens qu’effritée par Internet, les États ont cherché à recouvrer
leurs pleines compétences sur le réseau.
26
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), La souveraineté numérique: le concept, les enjeux, Paris, Mare &
Martin, 2017, p. 71.
27
M. CHEMILLIER-GENDREAU, op. cit., p. 1295 ; P. TÜRK, op. cit., p. 1489$
28
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 65.
29
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 22.
30
H. PERRITT, « The Internet is Changing International Law », Chicago-Kent Law Review, 1998, vol.73,
n° 4, p. 997.
31
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 27 et 28.
32
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 59.
33
Ibid., p.73.
34
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 25.
35
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 66.
36
Ibid., p. 68.
37
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 41.
38
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 87.
39
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 34 ; P. TÜRK et Ch. VALLAR. (dir.), op; cit., p. 85 et 86.
8
établissant de la sorte une distinction entre la souveraineté matérielle de l’État et la
souveraineté immatérielle40. Toutefois, Internet garde un certain ancrage territorial41, de telle
sorte que l’État jouit d’un contrôle sur les infrastructures nécessaires à son fonctionnement
ainsi que sur le contenu accessible et proposé. La surveillance d’Internet peut prendre la
forme soit d’un contrôle de transparence et de vérification soit d’un contrôle total.
40
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 34.
41
Ibid., p. 39.
42
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 87.
43
Ibid.
44
P. TÜRK, op. cit., p. 1516 et 1517.
45
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 24
46
A. DESFORGES, « Les stratégies européennes dans le cyberespace », Droits et souveraineté numérique
en Europe, A. Blandin (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 82 et 83 ; A. CATTARUZZA, « La
balkanisation du cyberespace », Droits et souveraineté numérique en Europe, A. Blandin (dir.),
Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 113 à 115. La suprématie américaine sur Internet s’explique notamment
par sa prédominance économique, politique et technique dans le secteur, elle est présente à tous les
niveaux constituant Internet (physique, logique et sémantique) et par conséquent étend l’application du
droit américain au delà des frontières de l’Etat.
47
Notamment le Brésil; A. DESFORGES, op. cit., p. 83 ; B. de LA CHAPELLE, « Souveraineté et
juridiction dans le cyberespace », Hérodote, 2014, n°1 et 2, p. 174 à 184.
48
A. DESFORGES, op. cit., p. 81.
49
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection
des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des
données), J.O.U.E., L119, 4 juin 2016.
50
À l’exception de Chypre et du Danemark.
51
B. BRUNESSEN, « La souveraineté technologique européenne », Rev. trim. dr. eur., 2021, vol. 1, p.
143, disponible sur www.dalloz-revue.fr. Selon l’auteur, le numérique européen passe par le
développement de solutions numériques européennes et par l’interopérabilité des infrastructures
numériques. Le cloud européen, ou la plateforme européenne en nuage est destiné au stockage et au
partage des données, il est le fruit d’une alliance franco-allemande et a été créé par la fondation GAIA-
X qui regroupe des acteurs privés soutenus par les autorités publiques des États membres.
9
L’attitude de la Chine ou encore de la Russie est plus extrême52 puisque ces États ont préféré
fermer purement et simplement le réseau de telle sorte que les individus placés sous la
domination de ce contrôle n’ont plus un accès libre au réseau Internet53. Ils transposent ainsi
le principe de souveraineté à Internet et le contrôle du réseau est total. Ces États positionnent
Internet en tant qu’ennemi54 et ils développent leurs propres réseaux et infrastructures
nationaux55. La Chine exerce une véritable domination du réseau Internet sur son territoire via
des protocoles de chiffrement numériques56. Par exemple, les autorités chinoises bloquent
l’accès à certains sites comme Google, YouTube, Facebook ou encore Twitter. D’autres États,
tels que la Thaïlande, la Turquie ou encore l’Arabie Saoudite, cherchent à encadrer le réseau57
via une forme de contrôle moins extrême et visible.
52
A-Th. NORODOM, op. cit., p. 24 ; A. CATTARUZZA, op. cit., p. 116 et 117.
53
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 86 et 87.
54
P. TÜRK, op. cit., p. 1512.
55
A. CATTARUZZA, op. cit., p. 117
56
P. TÜRK et Ch. VALLAR (dir.), op; cit., p. 86..
57
P. TÜRK, op. cit., p.1512 et 1513.
10
II.- LES IMPACTS D’INTERNET SUR LES COMPÉTENCES
TERRITORIALES
L’analyse se fera en deux temps. D’abord, les compétences territoriales de l’État avant
l’apparition d’Internet seront examinées (A). Les circonstances exceptionnelles dans
lesquelles un État est amené à exercer ses compétences territoriales sur un autre territoire
seront brièvement mentionnées sans toutefois être plus approfondies pour des raisons de
pertinence quant à l’objet de ce travail. Nous nous pencherons ensuite sur la façon dont les
États ont envisagé les compétences territoriales avec l’arrivée d’Internet (B). Cet examen se
divisera en deux parties. Dans la première partie, il s’agira d’examiner Internet dans sa
dimension structurelle et virtuelle (1) et dans la deuxième partie, dans sa dimension cognitive
(2). Enfin, nous finirons avec une conclusion intermédiaire quant à l’impact d’Internet sur les
compétences territoriales (C).
Les caractéristiques des compétences territoriales sont leur plénitude et leur exclusivité. Elles
ont été déterminées dans l’affaire de l’île Las Palmas63.
58
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 114.
59
F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, Droit international
public. Tome II : les acteurs de la société internationale, syllabus, Université de Liège, 2020-2021, p.
20.
60
A. HENRIKSEN, International law, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 85 ; B. OXMAN,
« Jurisdiction of State », disponible sur www.opil.ouplaw.com/home/mpil, 1er novembre 2007.
61
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 117.
62
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 117 à 120. Les autres exceptions sont le mandat, la tutelle, le
condominium, et la servitude internationale.
63
F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 108 ;
Sentence arbitrale rendue le 4 avril 1928 (Affaire de l’Île de Palmas), traduction faite par Ch.
ROUSSEAU dans Rev. gén. dr. internat., 1935, p. 156 à 202.
11
Le principe de plénitude renvoie à l’exercice illimité par l’État de l’ensemble des
compétences – législative, administrative et judiciaire – sur son territoire national64. Tant les
nationaux de cet État que les étrangers sur son territoire sont soumis à ses compétences65.
Cependant, l’interdépendance des États, leur participation à des organisations internationales
ainsi que certains instruments internationaux limitent ce principe66.
Le caractère exclusif consiste dans le fait qu’un État dispose des compétences – législative,
administrative et judiciaire – ainsi que de l’exercice de moyens de contrainte sur son territoire
à l’exclusion de tout autre État ou organisation internationale67. En ce sens, le principe
d’exclusivité rejoint dès lors les principes d’intégrité territoriale et de non-ingérence68. Les
conséquences de ce principe sont diverses, il n’existe notamment pas de droit de poursuite des
auteurs d’une infraction sur le territoire d’un autre État69 ou encore qu’il est interdit d’adresser
des injonctions à un autre État70. Cette caractéristique n’est cependant pas absolue, des
exceptions sont admises71.
Il existe toutefois des limites aux compétences territoriales d’un État72, notamment la
protection des intérêts des États tiers et le régime d’immunité des États73.
64
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 115.
65
F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 108.
66
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 115 ; F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY,
F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 108.
67
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 115; F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY,
F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 108.
68
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 115.
69
F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C. THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 108.
70
Ibid.
71
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit.,p. 115, n°142 ; F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C.
THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 109 et 110. Ces exceptions sont le régime d’immunité des
diplomates et des forces armées à l’étranger, la collaboration interétatique, de l’intervention sollicitée, la
Convention Schengen, le mandat d’arrêt européen, l’intervention d’humanité pour la protection des
ressortissants, ou encore l’intervention humanitaire.
72
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 115 et 116 ; F. DEHOUSSE, J. GARCIA MARTINEZ, C.
THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 110 et 113.
73
Le respect des droits des ressortissants, le respect des normes internationales et les mesures coercitives
que peuvent imposer le Conseil de Sécurité des Nations Unies sont également des limites aux
compétences territoriales.
74
U. KOHL, « Eggs, Jurisdiction… », op. cit., p. 571. ; C. RYNGEART, Jurisdiction in International
Law, Oxford, Oxford University Press, 2008, p.42.
75
B. OXMAN, op. cit.
12
de la Cour permanente de Justice soit dans la coutume internationale. La première réponse
apportée est la doctrine des effets et la seconde est l’approche des principes permissifs.
Pour une certaine doctrine anglophone, la doctrine des effets se fonde sur la décision de la
Cour Permanente de justice dans l’affaire Lotus76. À la suite d’une collision entre le paquebot
français Lotus et le vapeur charbonnier turc Boz-Kourt en haute mer, huit marins turcs sont
décédés. Le lieutenant de bord du Lotus, de nationalité française a alors été appréhendé et
jugé par les autorités compétentes turques. La Cour Permanente de justice a été saisie par les
deux États et elle a estimé que la conduite de la Turquie n’était pas contradictoire avec les
principes de droit international. À travers cette décision, la Cour a reconnu qu’en l’absence de
règle l’interdisant, la compétence prescriptive extraterritoriale d’un État ne connaît pas de
limite, à condition que les règles prescrites soient appliquées territorialement77. Ainsi, elle a
admis qu’un État pouvait juger et condamner une personne pour des actes commis à
l’étranger, mais ayant causé des effets préjudiciables sur son territoire78. D’après certains
auteurs, la doctrine des effets est directement liée au principe territorial objectif. Suivant ce
principe, la compétence d’un État est établie par la présence fictive de l’auteur de l’infraction
ou par la localisation présumée de l’infraction sur le territoire, et cette fiction se justifie en
raison des effets préjudiciables de l’acte provenant de l’étranger79. En ce sens, la territorialité
est redéfinie puisque la Cour a considéré qu’un État est compétent simplement en démontrant
que l’acte commis a affecté son territoire80. Bien que les circonstances du cas d’espèce aient
considérablement limité la portée de la décision81, l’arrêt de la Cour est resté la seule décision
rendue par une cour internationale directement en lien avec la question des compétences82.
Son influence a donc persisté auprès des États.
La coutume de droit international interdit à un État d’exercer ses compétences sur un territoire
qui n’est pas le sien en l’absence de règle le lui permettant83. L’approche de la coutume
internationale, en opposition avec celle de la Cour permanente dans sa décision du Lotus,
76
C.P.J.I., arrêt Lotus (France c. Turquie), 7 septembre 1927, série A, n°10, Recueil, p. 4 à 33.
77
C. RYNGEART, op. cit., p. 24.
78
B. OXMAN, op. cit. ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction…», op. cit., p. 571.
79
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 85 et 86 ; B. OXMAN, op. cit.; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction… », op.
cit., p. 571
80
U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction… », op. cit., p. 571.
81
B. OXMAN, op. cit. ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction…», op. cit., p. 572. L’affaire renvoyait, en premier
lieu, à une situation dans laquelle les effets du comportement fautif étaient physiques et les controverses
entourant la doctrine des effets ont concerné par la suite son application quant aux effets des activités
économiques mais aussi des discours et diffusions d’information. En deuxième lieu, les effets du
comportement fautif qui étaient un élément constitutif de l’infraction selon la législation turque ont été
exigés comme élément constitutif des compétences territoriales. Le comportement de l’officier français
relevait, en troisième lieu, plus de la négligence que d’un comportement intentionnel et la Cour n’a pas
traité de l’extension de la compétence à une personne qui ne savait pas ou qui n’aurait pas dû savoir que
ses actes ou omissions provoqueraient dans un Etat étranger des effets réprimés par ses lois pénales.
82
C. RYNGEART, op. cit., p. 26 et 27.
83
Ibid., p. 27.
13
fonde l’approche des principes permissifs84. Cette approche est devenue le cadre de référence
dans la détermination de la légalité des revendications de compétence85. Elle consiste en des
principes qui cherchent à établir un lien entre les personnes, biens ou activités, et la
compétence de l’État86. Cette approche rattache les notions de souveraineté et de territorialité,
et cela peut s’expliquer par le fait que la prééminence des compétences territoriales
correspond, en Europe continentale, à la consécration de la souveraineté des États au cours du
17e siècle87. Par conséquent, le principe de territorialité, et donc les compétences territoriales,
est considéré comme la règle fondamentale88. Les principes, tels que les principes de
personnalité et de protection, sont relégués au rang d’exception89 et mis en œuvre lorsque les
limites de l’approche des principes permissifs empêchent un État d’exercer sa compétence sur
base du principe de territorialité.
84
D. SVANTESSON, Solving the Internet Jurisdiction Puzzle ,Oxford, Oxford University Press, 2017, p.
24 à 29.
85
D. SVANTESSON, Solving the Internet Jurisdiction Puzzle ,Oxford, Oxford University Press, 2017, p.
25 ; C. RYNGEART, op. cit., p. 28. L’approche des principes permissifs doit ce statut notamment à
l’influence de la publication en 1935 du Harvard Research Draft Convention on Jurisdiction with
respect to Crime. Cette publication consiste en un résumé des pratiques étatiques les plus reconnues
relatives à l’exercice de leur compétence prescriptive en matière pénale. Cinq principes en sont
ressortis : les principes de territorialité, de personnalité active, de protection, d’universalité et de
personnalité passive. Malgré le caractère limité du Harvard Draft, celui-ci a été considéré comme un
cadre solide et compréhensible pour déterminer les circonstances dans lesquels un Etat peut revendiquer
sa compétence en droit international public.
86
C. RYNGEART, op. cit., p. 31.
87
Ibid., p.47 à 54. En France l’adoption de la Grande ordonnance de 1670 a constitué l’avènement de la
territorialité comme principe de compétence internationale même s’il a fallu attendre la révolution
française pour que les compétences territoriales s’établissent comme les compétences de base.
L’évolution est similaire en Allemagne puisque jusqu’à la fin du 18e siècle, les compétences territoriales
ont coexisté avec la compétence personnelle. Le début de la centralisation des États germaniques leur a
permis de prendre l’ascendant, et par la suite d’être reprises comme le principe de base au fils des
codifications allemandes. Aux Pays-Bas, les compétences territoriales ont également des défenseurs,
notamment H. GROTIUS, et des juristes néerlandais ont même théorisé les conflits de lois sous les
termes de la souveraineté avec la théorie de la territorialité. Concernant les États de common law, tels
que le Royaume-Uni et les Etats-Unis, les compétences territoriales n’ont pas connu cette prééminence
étant donné qu’elles prévalaient déjà autant dans la jurisprudence que dans la doctrine.
88
C. RYNGEART, op. cit., p. 28.
89
Ibid., p. 29.
90
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 85.
14
1) Internet appréhendé dans ses dimensions structurelle et virtuelle
Envisager des frontières dans la dimension cognitive est plus pertinent. Cependant,
dans ce champ, il est plus juste de parler de projection de frontières physiques plutôt que de
91
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, Internet et le droit international,
Paris, A. Pedone, 2014, p. 23.
92
Ibid.
93
Ibid., p. 23 et 24. Sont également connues sous les notions de dimensions logicielle et informationnelle.
94
Ibid., p. 26. La frontière électronique renvoie aux espaces d’Internet qui ne sont pas accessibles car ils
sont protégés par des mots de passe, des pares feux, des codes etc. ou aux espaces qui ne sont tout
simplement pas connectés.
95
Ibid., p. 27.
96
Ibid.
97
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op.cit., p. 27 et 28 ; P. JACOB, « La
gouvernance de l’Internet du point de vue du droit international public », Ann. fr. dr. intern., 2010, vol.
56, p. 557 à 560 ;
98
Internet Corporation for Assigned Names and Numbers est une société de droit privée à but non lucratif
établie en Californie. Il s’agit d’une des sociétés privées en charge de la gouvernance technique
d’Internet.
99
P. JACOB, op. cit., p. 557 et 560 à 562. Les États partagent leur autorité sur les entités qui gèrent les
noms de domaines nationaux avec l’ICCANN.
15
frontières physiques100. La dimension cognitive a alors été appréhendée, toujours suivant cette
volonté de territorialisation, à travers trois approches.
La première approche, nommée approche du pays d’origine101, est en lien direct avec
le principe territorial subjectif. En vertu de ce principe, une infraction ou une activité est
considérée avoir lieu dans un État si l’infraction ou l’activité a commencé sur le territoire de
celui-ci102. Selon cette approche, le détenteur d’un site internet doit respecter uniquement les
lois de l’État dans lequel il est établi ou celles de l’État qui héberge le site103. L’approche du
pays d’origine s’est concrétisée à travers différentes législations. Ainsi, aux États-Unis, la
section 508 du Telecommunications Act of 1996104 étend la juridiction de l’État à ceux qui
utilisent toute installation ou tout moyen de commerce interétatique ou étranger, y compris le
courrier, ou dans le cadre de la juridiction maritime et territoriale spéciale des États-Unis105.
L’annexe 7 du Broadcasting Services Act 1992106 en Australie témoigne de l’utilisation de ce
principe107. En Europe, l’acceptation de l’approche du pays d’origine comme base de
compétence sur Internet se retrouve dans l’article 3 de la directive européenne sur le
commerce électronique108 ou encore dans l’article 22 (1) (a) de la Convention sur la
cybercriminalité109.
100
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op.cit., p. 27. Ces frontières ne sont
pas des frontières internes et propres à Internet, elles ne démarquent pas non plus un territoire physique.
101
C. WEI, « Sketching the Margins of Borderless World », SAcLJ, 2018 vol. 30, n°2, p. 846.
102
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 86 ; T. SCHULTZ, « Carving up the Internet : Jurisdiction, Legal Orders,
and the Private/Public International Law Interface », E.J.I.L., 2008, vol. 19, n°4, p. 811; U. KOHL,
«Eggs, Jurisdiction…», op. cit., p. 571.
103
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », Research Handbook on International Law and Cyberespace,
N. Tsagourias et R. Buchan (dir.), Cheltenham, Edward Elgar Publishing Limited, 2015, p. 49.
104
Telecommunications Act of 1996, Pub. LA. No. 104-104, 110 Stat. 56 (1996) (EUA).
105
C. WEI, op. cit., p. 847.
106
Broadcasting Services Act 1992 (n°110, 1992), amendé par Communications Legislations Amendment
Act 2019 (n°120, 2019) (AUS).
107
C. WEI, op. cit., p. 847.
108
Directive (CE) 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects
juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le
marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), J.O.C.E., L178, 17 juillet 2000 ; C. WEI,
op. cit., p. 847.
109
Convention sur la cybercriminalité, faite à Budapest, le 23 novembre 2001, approuvée par la loi du 3
août 2012, M.B. 21 novembre 2012 ; R. AUGUST, « International Cyber-Jurisdiction : A Comparative
Analysis », American Business Law Journal, 2002, vol 39, p. 545.
110
SARL Louis Ferraud Int’l v. Viewfinder Inc., 406 F. Supp. 2d 274 (S.D.N.Y. 2005).
16
estimant que les compétences territoriales de la France ne s’étendaient aux publications faites
aux États-Unis111.
L’avantage principal de l’approche du pays d’origine est que les détenteurs de site
internet sont soumis à un seul régime légal, celui de l’État dans lequel ils sont établis, ou le
site internet est hébergé112. De plus, elle facilite la compétence d’exécution étant donné que
les détenteurs de sites internet se situent souvent sur le territoire de l’État113. Cependant, elle
n’apporte pas de solution satisfaisante aux problèmes de compétences sur Internet. Ainsi, en
ce qui concerne les discours haineux et diffamatoires, seul un nombre restreint d’États sont
compétents pour traiter de telles infractions114. Par exemple, l’Irlande présente un régime
fiscal extrêmement favorable aux multinationales opérant sur Internet, notamment Facebook.
L’application stricte de cette approche aurait pour conséquence que seule l’Irlande serait
compétente vis-à-vis des discours de haine ou diffamatoires publiés sur le réseau social, que
ces discours soient lus en Irlande ou ailleurs115. En outre, elle permet aux entreprises de
pouvoir choisir le régime légal le plus favorable et de publier depuis un État du contenu qui
serait illégal dans un autre État sans que ce dernier puisse les sanctionner116. De la sorte,
certains États deviennent alors des refuges où les discours haineux ou diffamatoires ne sont
pas sanctionnés. L’approche du pays d’origine a largement été rejetée par un grand nombre
d’États refusant de laisser la réglementation des acteurs en ligne étrangers à l’unique État
d’origine117.
L’approche du pays de destination118 est la deuxième approche qui a été adoptée dans
l’exercice des compétences territoriales, elle est relative au principe objectif territorial119. En
vertu de cette approche, lorsqu’un site internet est accessible depuis un État, ce dernier est
compétent à l’égard de toutes les infractions ayant lieu via cet accès. Le Manuel de
Tallinn 2.0 admet l’importance croissante de l’approche du pays de destination et il la
reconnaît même comme du droit international coutumier120. Le Manuel souligne également
que l’approche doit être réservée aux opérations sur Internet ayant un effet substantiel vis-à-
111
T. SCHULTZ, op. cit., p. 810.
112
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberspace », op. cit., p. 49.
113
Ibid.
114
C. WEI, op. cit., p. 847.
115
Ibid., p. 847 et 848.
116
C. WEI, op. cit. p. 848 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 811. Avec le principe territorial subjectif, lorsqu’une
entreprise des nouveaux médias souhaite diffuser sur son site internet du contenu qui violerait les lois
d’un Etat A, il lui suffit alors de s’établir dans un Etat B où le régime légal est favorable au contenu en
question et de le rendre accessible depuis l’Etat A.
117
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberspace », op. cit., p. 50.
118
Cette approche est également appelée la doctrine des effets par l’auteur T. SCHULTZ et l’approche de
la destination dite large, dont le critère est l’accessibilité, par l’auteur U. KOHL.
119
C. WEI, op. cit., p. 849.
120
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 86.
17
vis d’un État, et qu’elle doit être exercée de manière raisonnable, en tenant compte des
intérêts des autres États121.
L’approche du pays de destination est appliquée par les cours et tribunaux de plusieurs États.
En Allemagne, l’affaire CompuServe122 en témoigne. À la suite d’investigations de la police
allemande à son encontre, CompuServe, entreprise américaine, s’était engagée auprès du
procureur fédéral allemand à bloquer l’accès aux contenus pornographiques de son site
internet pour les utilisateurs résidant en Allemagne. Cependant, CompuServe était
techniquement incapable de bloquer l’accès à seulement certains utilisateurs, et avait dû, par
extension, bloquer l’accès pour tous les utilisateurs123. Dans l’arrêt R v Töben124, la Cour
fédérale d’Allemagne a condamné Monsieur Töben, ressortissant australien, inculpé pour des
propos négationnistes publiés sur un site internet australien125. Elle a admis que la publication
de propos négationnistes exposait son auteur à des poursuites pénales selon le Code pénal
allemand126. Pour appuyer sa position, la Cour a souligné que les propos étaient dirigés vers le
public allemand et que le site internet était accessible depuis l’Allemagne127. Elle a également
avancé un lien spécifique entre le type de contenu en question et le territoire allemand,
d’abord en raison de l’histoire de l’Allemagne et aussi de par le sujet du site en cause128.
Cette approche a également été appliquée en France dans l’affaire LICRA & UEJF contre
Yahoo ! Inc & Yahoo France129. L’entreprise américaine Yahoo ! Inc et sa filiale française ont
été poursuivies en justice par deux associations juives françaises devant la justice française
parce que le moteur de recherche Yahoo permettait d’accéder à un site de vente d’artefacts
nazis alors qu’une loi française l’interdit. Le tribunal de Grande Instance de Paris a affirmé
l’applicabilité de la loi française à Yahoo ! Inc et Yahoo France en justifiant le fait que le
dommage a été causé sur le territoire français par l’accessibilité du site internet en question
depuis la France130.
121
Ibid., p. 86 et 87.
122
R v Somm, AG Munich NStZ 1998, 518.
123
N. COSTESCU, « Theories cocnerning the Competent Jurisdiction over the Internet », AUB Drept,
n°1, 2017, p. 91 ; U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 38 , note de bas de page 26 ; Y.
TIMOFEEVA, « Worldwide Prescriptive Jurisdiction in Internet Content Controversies : A
Comparative Analysis », Connecticut Journal of Int’l Law, 2005, vol. 20, n°2, p. 206.
124
R v Töben, BGH, Urteil vom 12. Dezember 2000 - 1 StR 184/00, BGHSt 46, 212.
125
Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 206, note de bas de page 54.
126
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 38 et 39 ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction… », op.
cit., p. 577 et 578.
127
C. WEI, op. cit., p. 851 et 852.
128
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 38 et 39 ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction…», op.
cit., p. 577 et 578.
129
Trib. gde inst. Paris (LICRA c. Yahoo! Inc. et Yahoo France), 20 novembre 2000, J.T., 2001, p. 423.
130
C. WEI, op. cit., p. 851 ; N. COSTESCU, op. cit., p. 91 et 92 ; D. SVANTESSON, op. cit., p. 98 et 99 ;
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 38 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 810 et 811 ; Y.
TIMOFEEVA, op. cit., p. 208 ; U. KOHL, «Eggs, Jurisdiction…», op. cit., p. 559 et 577
18
Au Royaume-Uni, le principe objectif territorial a été appliqué dans diverses affaires
concernant des infractions sur Internet, notamment en matière de publications obscènes,
réglementées par le Obscene Publications Act 1959131. Dans l’affaire R v Waddon132, le
défendeur était le directeur d’un groupe qui détenait un site internet hébergé aux États-Unis
proposant un service payant pour accéder à des images à caractère pornographique133. La
Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a estimé le téléchargement d’images
pornographiques sur un site étranger similaire à une publication en Angleterre en vertu de la
section 1 (3) (b) de la loi sur les publications obscènes134. Un arrêt similaire de la Cour
d’appel a été adopté par la suite dans l’affaire R v Perrin135, où le défendeur était le
propriétaire d’un site internet hébergé aux États-Unis sur lequel il publiait des images en
rapport avec la coprophilie, la coprophagie et le sexe oral entre hommes136. Malgré les
arguments du défendeur, la Cour d’appel a confirmé sa position de l’arrêt R v Waddon. Elle
considère que l’accessibilité d’un site internet depuis l’Angleterre constitue une publication et
que selon le Obscene Pub, les tribunaux anglais sont compétents137. Les juridictions anglaises
ont également appliqué le principe objectif territorial dans le domaine de la diffamation sur
Internet, notamment dans les affaires Harrods Ltd v Dow Jones Co Inc et Lewis & Ors v
King138, et également dans le domaine de la protection des données personnelles, en
particulier dans l’affaire Vidal-Hall & Ors v Google Inc139.
En Australie, la Haute Cour ne s’est pas référée explicitement au principe objectif territorial
dans son arrêt Dow Jones v Gutnick140 et la doctrine est plutôt partagée quant à l’approche
adoptée. Pour certains auteurs, il est évident que l’approche du pays de destination a été
appliquée. Monsieur Gutnick, résident australien, a déposé une plainte pour diffamation
contre Dow Jones, entreprise américaine. Cette dernière avait publié un article au sujet de
Monsieur Gutnick sur la version américaine de son site. Dow Jones a prétendu que l’Australie
n’était pas compétente pour traiter de l’affaire invoquant l’application de l’approche du pays
d’origine. La Cour a, toutefois, reconnu la compétence des tribunaux australiens et
l’applicabilité de la législation nationale en raison de l’accessibilité du site internet concerné
en Australie141.
131
Obscene Publications Act 1959, 1959 c. 66 (RU).
132
R v Waddon, 6 avril 2000, non-publié.
133
C. WEI, op. cit., p. 849 et 850.
134
Ibid., p. 850.
135
R v Perrin [2002] EWCA Crim 747.
136
R v Perrin [2002] EWCA Crim 747, para. 2 à 4; C. WEI, op. cit., p. 850 ; U. KOHL, « Jurisdiction in
cyberespace », op. cit., p. 39.
137
R v. Perrin [2002] EWCA Crim 747, para. 51; C. WEI, op. cit., p. 850 ; U. KOHL, « Jurisdiction in
cyberespace », op. cit., p. 39.
138
Harrods Ltd v Dow Jones & Company Inc [2003] EWHC 1162 (QB) ; Lewis & Ors v King [2004]
EWCA Civ 1329 ; U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 43.
139
Vidal -Hall & Ors v Google Inc [2014] EWHC 13 (QB) ; U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op.
cit., p. 44.
140
Dow Jones & Company Inc v Gutnick [2002] HCA 56, 210 CLR 575.
141
C. WEI, op. cit., p. 852 ; D. SVANTESSON, op. cit., p. 97 et 98 ; U. KOHL, « Jurisdiction in
cyberespace », op. cit., p. 43.
19
L’approche du pays de la destination a également trouvé écho auprès de la Cour de justice de
l’Union européenne142, notamment en matière de protection des données dans l’arrêt Google
Spain SL, Google Inc contre Agencia Española de Protección de Datos143. Monsieur Costeja
Gonzáles a introduit une réclamation auprès de l’agence espagnole de la protection des
données contre un quotidien espagnol, Google Spain et Google Inc. En effet, lorsque son nom
était introduit dans le moteur de recherche Google, deux liens vers deux articles d’un
quotidien espagnol, mentionnant son recouvrement de dettes de sécurité sociale, étaient
proposés. La réclamation contre Google Spain et Google Inc a été reçue et l’Audiencia
Nacional saisie des recours de Google Spain et Google Inc a posé une question préjudicielle à
la Cour de justice européenne. Celle-ci a suivi le raisonnement établi par l’avocat général dans
ses conclusions, estimant que Google Inc disposait d’un établissement en Espagne par
l’intermédiaire de sa filiale Google Spain et que l’exigence d’établissement ne pouvait pas
être interprétée de manière restrictive à la lumière de la raison d’être de la Directive sur la
protection des données à caractère personnel144.
142
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 44.
143
C.J. (gde ch.), arrêt Google Spain SL, Google Inc contre Agencia Española de Protección de Datos, 13
mai 2014, C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317.
144
CJ. (gde ch.), arrêt Google Spain SL, Google Inc contre Agencia Española de Protección de Datos, 13
mai 2014, C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317, point 42 à 60 ; U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace »,
op. cit., p. 44.
145
T. SCHULTZ, op. cit., p. 812.
146
C. WEI, op. cit., p. 856.
147
T. SCHULTZ, op. cit., p. 813.
148
C. WEI, op. cit., p. 856.
149
Ibid., p. 857.
150
C. WEI, op. cit., p. 859 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 813.
151
C. WEI, op. cit., p. 859 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 813.
20
En matière pénale, et plus particulièrement concernant les affaires relatives aux discours de
haine ou de diffamation, un État a la possibilité de poursuivre la personne concernée dès
qu’elle entre sur son territoire. L’État pouvant exercer de la sorte ses compétences territoriales
traditionnelles152.
Une première manifestation concrète de l’approche ciblée dans la législation apparaît dans
l’article 15 (1) (c) du règlement n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale159. Lors de la
refonte du règlement n° 44/2001, l’approche ciblée persiste sous le libellé de l’article 17 (1)
(c) du règlement n° 1215/2012160 qui correspond à l’article 15 (1) (c) du règlement n°
44/20011. Plus récemment, elle s’est matérialisée dans deux propositions législatives161,
respectivement sur les marchés numériques162 et sur les services numériques163, déposées par
152
C. WEI, op. cit., p. 859.
153
C. WEI, op. cit., p. 864.
154
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 44.
155
T. SCHULTZ, op. cit., p. 816.
156
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 45 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 816.
157
C. WEI, op. cit., p. 864.
158
Ibid., p. 865.
159
Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, J.O.C.E., L012, 16 janvier
2001.
160
Règlement (UE) 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
J.O.U.E., L351/1, 20 décembre 2012.
161
Ces deux propositions sont actuellement examinées par le Parlement européen et les États membres.
162
Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et
équitables dans le secteur numérique (Législation sur les marchés numériques), COM (2020) 842 final,
15 décembre 2020.
163
Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un marché intérieur des services
numériques (législation sur les services numériques) et modifiant la directive 2000/31/CE, COM (2020)
825 final, 15 décembre 2020.
21
la Commission européenne, et dans lesquelles le champ d’application territoriale a été élargi.
La législation sur les marchés numériques concernerait les entreprises, qualifiées de
contrôleurs d’accès et établies ou résidant en dehors de l’Union, qui fournissent ou proposent
des services aux personnes physiques ou morales établies ou résidant sur le territoire de
l’Union164. La logique est la même dans la législation sur les services numériques puisque les
fournisseurs de service établis en dehors de l’Union entreraient dans le champ d’application
territorial de la législation en ce qu’ils ont un lien substantiel avec l’Union165. L’appréciation
de ce lien substantiel se fait sur la base d’éléments observables tels que le nombre significatif
d’utilisateurs dans un ou plusieurs États membres ou le ciblage des activités sur un ou
plusieurs États membres166. Le ciblage des activités peut prendre diverses formes, il se
constate principalement par des éléments factuels, comme l’utilisation de la langue ou de la
monnaie de l’État, de la disponibilité d’une application depuis le magasin d’application en
ligne nationale, la mise en place d’une campagne publicitaire locale ou dans la langue de
l’État, ou encore l’existence d’un service clientèle spécifique pour cet État167.
Cette approche a aussi été appliquée dans plusieurs États à travers de décisions
judiciaires. Au Royaume-Uni, la Cour d’appel d’Angleterre a reconnu cette approche et l’a
appliquée dans son arrêt R v Sheppard and Whittle168. La Cour a estimé que Messieurs.
Sheppard et Witthle avaient l’intention de rendre disponibles leurs publications à caractère
antisémites et racistes, téléchargées depuis l’Angleterre et publiées sur un site internet hébergé
aux États-Unis, aux personnes résidant en Angleterre169. La Cour Suprême d’Écosse l’a
adoptée dans son arrêt Bonnier Media v Greg Lloyd Smith170. Elle a considéré que les
défendeurs, notamment Monsieur Smith, visaient clairement l’activité de Bonnier Media
lorsqu’ils ont créé un site internet pour se livrer à une contrefaçon de marque171.
Aux États-Unis, la Cour Suprême de l’État de New York l’a appliquée dans l’affaire People v.
World Interactive Gaming Corp172. Le défendeur, World Interactive Gaming Corp, détenait
un site de jeu d’argent en ligne hébergé sur des serveurs informatiques situés à Antigua.
164
Article premier, (2) de la proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif aux
marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (Législation sur les marchés numériques),
COM (2020) 842 final, 15 décembre 2020 ; B. BRUNESSEN, « Le champ d’application du droit
européen du numérique», Rev. trim. dr. eur., 2021, p. 182, disponible sur www.dalloz-revue.fr.
165
B. BRUNESSEN, « Le champ d’application…», op. cit., p. 182 et 183, disponible sur www.dalloz-
revue.fr.
166
Art. 2, (d) de la proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un marché
intérieur des services numériques (Législation sur les services numériques) et modifiant la directive
2000/31/CE, COM (2020) 825 final, 15 décembre 2020.
167
B. BRUNESSEN, « Le champ d’application…», op. cit., p. 183, disponible sur www.dalloz-revue.fr.
168
R v Sheppard and Whittle [2010] EWCA Crim 65.
169
R v Sheppard and Whittle [2010] EWCA Crim 65, para.25 et s.
170
Bonnier Media Limited v Smith 2003 SC 36.
171
C. WEI, op. cit. p. 866 et 867.
172
People v World Interactive Gaming Corp., 185 Misc. 2d 852 (1999).
22
La Cour a jugé qu’à travers les campagnes publicitaires en ligne et hors ligne, World
Interactive Gaming Corp visait les personnes habitant aux États-Unis173.
Selon l’auteur T. SCHULTZ, en Australie, l’arrêt Gutnick v Dow Jones174 illustre l’approche
directe et ciblée en ce que la Haute Cour d’Australie a admis la compétence des tribunaux
australiens et l’application de la législation australienne, car le site tenu par Dow Jones était
destiné à des lecteurs en Australie175.
La Cour de justice de l’Union européenne a également adopté cette approche dans les affaires
jointes Pammer contre Reederei Karl Schlüter & KG et Hotel Alpenhof Gesmbh contre Oliver
Heller176. Monsieur Heller, résidant allemand, avait réservé plusieurs chambres à l’Hotel
Aplenhof, situé en Autriche, via le site internet de l’hôtel. Avant la fin de son séjour, il quitte
l’hôtel sans régler sa facture. L’hôtel a alors introduit une action contre Monsieur Heller et ce
dernier a contesté la compétence de l’Autriche. La Cour a estimé que la simple accessibilité
d’un site internet depuis un État n’est pas un élément suffisant pour considérer que l’activité
était dirigée vers un État particulier177. Elle a établi une liste non exhaustive d’éléments
permettant de déterminer si les activités d’une entreprise sont dirigées vers le territoire d’un
État178. La Cour de justice suit un raisonnement similaire dans l’affaire L’Oréal SA et autres
contre eBay International AG et autres179. Des produits de différentes marques que possède
L’Oréal étaient vendus via le site eBay en Angleterre, L’Oréal avait alors introduit une action
contre eBay. Dans cet arrêt, la Cour affirme que le propriétaire d’une marque européenne peut
empêcher la vente, la mise en vente ou la publicité de produits situés dans un État tiers portant
sa marque, si les produits sont notamment proposés à la vente ou font l’objet de publicité sur
le marché à l’intention des consommateurs situés sur ce territoire180. Elle souligne à nouveau
que l’accessibilité d’un site internet depuis le territoire d’un État n’est pas suffisante pour
prétendre que le contenu du site vise les personnes de cet État181. En outre, l’avocat général de
la Cour de justice de l’Union européenne de l’affaire Google Spain SL, Google Inc contre
Agencia Española de Protección de Datos a souligné dans ses conclusions182 qu’une telle
173
C. WEI, op. cit., p. 866.
174
Dow Jones & Company Inc v Gutnick [2002] HCA 56, 210 CLR 575.
175
T. SCHULTZ, op. cit., p. 817.
176
C.J., arrêt Pammer c. Reederei Karl Schlüter & KG et Hotel Alpenhof Gesmbh c. Oliver Heller, 7
décembre 2010, C-585/08, ECLI:EU:C:2010:740.
177
C.J., arrêt Pammer c. Reederei Karl Schlüter & KG et Hotel Alpenhof Gesmbh c. Oliver Heller, 7
décembre 2010, C-585/08, ECLI:EU:C:2010:740, point 95.
178
C.J., arrêt Pammer c. Reederei Karl Schlüter & KG et Hotel Alpenhof Gesmbh c. Oliver Heller, 7
décembre 2010, C-585/08, ECLI:EU:C:2010:740, point 95.
179
C.J., arrêt L’Oréal SA et autres c. eBay International AG et autres, 12 juillet 2011, C-324/09,
ECLI:EU:C:2011:474.
180
C.J., arrêt L’Oréal SA et autres c. eBay International AG et autres, 12 juillet 2011, C-324/09,
ECLI:EU:C:2011:474, point 67.
181
C.J., arrêt L’Oréal SA et autres c. eBay International AG et autres, 12 juillet 2011, C-324/09,
ECLI:EU:C:2011:474, point 64 ; D. SVANTESSON, op. cit., p. 99 ; U. KOHL, « Jurisdiction in
cyberespace », op. cit. p. 45.
182
Av. Gén. N. JÄÄSKINEN, concl. Préc. CJ.U.E., arrêt Google Spain SL, Google Inc contre Agencia
Española de Protección de Datos, 13 mai 2014, C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317, point 56.
23
approche était compatible avec la jurisprudence sur l’applicabilité de la directive 2000/31183,
du règlement 44/2001184 et de la directive 2001/29185. Cependant, il n’y a pas d’uniformité
dans la jurisprudence de la Cour, car dans l’arrêt Wintersteiger contre Products 4 U
Sondermaschinebau GmbH186, la Cour de justice a confirmé la compétence d’un tribunal
autrichien vis-à-vis d’une action concernant la marque autrichienne Wintersteiger. Elle a
estimé que le tribunal autrichien était le mieux placé pour apprécier l’existence d’un préjudice
malgré le fait que la publicité de l’entreprise Products 4U, utilisant le mot Wintersteiger, avait
été faite uniquement sur google.de et que Wintersteiger, le demandeur, ne détenait pas de
marque en Allemagne187.
183
Directive (CE) 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects
juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électornique, dans le
marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), J.O.C.E., L178, 17 juillet 2000.
184
Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, J.O.C.E., L012, 16 janvier
2001.
185
Directive (CE) 2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de
certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, J.O.C.E., L167,
22 juin 2001.
186
C.J., arrêt Wintersteiger AG c. Products 4U Sondermaschinebau GmbH, 10 avril 2012, C-523/10,
ECLI:EU:C:2012:220.
187
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 46 ; C.J., arrêt Wintersteiger AG c. Products 4U
Sondermaschinebau GmbH, 10 avril 2012, C-523/10, ECLI:EU:C:2012:220, point 40.
188
T. SCHULTZ, op. cit., p. 817 et 818.
189
C. WEI, op . cit., p. 868.
190
Ibid.
191
T. SCHULTZ, op. cit., p. 818.
192
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace », op. cit., p. 49 ; T. SCHULTZ, op. cit., p. 818.
193
T. SCHULTZ, op. cit., p. 818 et 819.
194
C. WEI, op. cit., p. 868.
24
comme l’application des autres principes de compétences195. Enfin, comme dans l’approche
du pays de destination, des difficultés se posent concernant l’exécution des éventuelles
sanctions puisque la compétence d’exécution est strictement territoriale, et donc les États
dépendent les uns des autres196.
195
C. WEI, op. cit., p. 869.
196
U. KOHL, « Jurisdiction in cyberespace op. cit., p. 49.
25
III.- L’INCIDENCE D’INTERNET SUR LA COMPÉTENCE
PERSONNELLE
L’exposé sur la compétence personnelle des États aura lieu en deux parties. Nous
observerons, dans la première partie, la compétence personnelle sans l’impact d’Internet (A).
Ensuite, nous analyserons, dans la seconde partie, ce qu’Internet apporte à la compétence
personnelle (B).
197
A-M. LA ROSA, Dictionnaire de droit international pénal. Termes choisis., Genève, Graduate Institute
Publications, 1998, p. 6.
198
Ibid.
199
Ibid.
200
A. HENRIKSEN, op. cit. p. 88.
201
M. DRAIN et C. DUBERNET, op. cit., p. 120 ; A. HENRIKSEN, op. cit., p. 87 ; N. COSTESCU, op.
cit., p. 88 ; R. VAN STEENBERGHE, « L’application extraterritoriale du droit pénal », Fondements et
objectifs des incriminations et des peines en droit international et européen, D. Bernard et al. ( dir.),
Limal, Anthemis, 2013, p. 360 ; C. RYNGEART, op. cit., 2008, p. 88 ; B. OXMAN, op. cit.
202
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 87 ; N. COSTESCU, op. cit., p. 88.
203
C. RYNGEART, op. cit., p. 88.
204
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 87.
205
C.J.I., arrêt Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), 6 avril 1955, Recueil, 1955.
26
élargi, la compétence personnelle active comprend les personnes qui n’ont pas la nationalité
de l’État, mais qui y sont domiciliées ou résidentes.
La compétence personnelle passive permet à un État de faire valoir sa juridiction pour une
infraction commise en dehors de son territoire et dont la victime est un de ses nationaux206. Le
principe trouve son fondement dans une doctrine continentale de l’arrêt Lotus207. En
reconnaissant que les États sont libres d’étendre leurs lois aux personnes, biens et actes en
dehors de leur territoire en l’absence de règles prohibitives208, la Cour permanente de justice
admet l’existence du principe en vertu duquel un État peut exercer sa compétence personnelle
passive209. Il faut toutefois relever que le dénouement de l’arrêt demeure très controversé210 et
que des opinions dissidentes rejetant le principe de personnalité passive ont été exprimées par
certains des juges de la Cour211. En effet, du point de vue du potentiel auteur d’une infraction,
celui-ci ne peut pas anticiper les lois d’un État qui s’appliqueraient à son égard étant donné
qu’il ne connaît pas nécessairement la nationalité de sa potentielle victime212 et du point de
vue de la souveraineté, un tel principe crée des incertitudes notamment quant aux standards de
conduites acceptés au sein d’un État213. Longtemps contestée par la doctrine anglo-
saxonne214, la compétence personnelle passive a été de plus en plus appliquée dans le contexte
international, plus particulièrement celui en matière de terrorisme215 et également dans les
législations nationales antiterroristes.
L’exercice de cette compétence connaît des limites, et doit nécessairement respecter un cadre
de garanties216 au risque d’aboutir à des situations surréalistes217. En Belgique, la compétence
personnelle passive a d’abord été admise dans des contextes spécifiques218 avant d’être
généralisée sous certaines conditions219. La France admet le principe de personnalité en cas
206
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 87 ; R. VAN STEENBERGHE, op. cit., p. 357; B. OXMAN, op. cit.
207
C.P.J.I., arrêt du Lotus (France c. Turquie), 7 septembre 1927, série A, n°10, Recueil. P. 4 à 33.
208
C.P.J.I., arrêt du Lotus (France c. Turquie), 7 septembre 1927, série A, n°10, Recueil, p. 19.
209
SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, op. cit., p. 29 ; F. DEHOUSSE, J.
GARCIA MARTINEZ, C. THIRY, F. VOLPI et M. WUINE, op. cit., p. 113.
210
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 87 et 88 ; E. DAVID, Éléments de droit pénal international et européen, 2e
éd., Bruxelles, Bruylant, 2018, p. 205-223.
211
C. RYNGEART, op. cit., p. 92 ; C.P.J.I., Opinions dissidentes sous C.P.J.I., arrêt du Lotus (France c.
Turquie), 7 septembre 1927, série A, n°10, Recueil, p. 34 à 107.
212
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 88 ; R. VAN STEENBERGHE, op. cit., p. 359 ; C. RYNGEART, op. cit.,
p. 93 ; B. OXMAN, op. cit.
213
A. HENRIKSEN, op. cit.; C. RYNGEART, op. cit., p. 93 ; B. OXMAN, op. cit.
214
R. VAN STEENBERGHE, op. cit., p. 357.
215
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 88 ; B. OXMAN, op. cit.
216
C. RYNGEART, op. cit., p. 94.
217
R. VAN STEENBERGHE, op. cit., p. 359.
218
E. DAVID, op. cit., p. 240 à 242. Les contextes spécifiques visés sont les infractions contre des Belges à
bord d’aéronefs et celles contre des Belges ou personnes résidant en Belgique en temps de guerre.
219
E. DAVID, op. cit., p. 242 à 244. Par la suite, la Belgique a consacré la compétence personnelle passive
spécifique aux crimes de droit international humanitaire suite aux pressions dont elle a fait l’objet à la
suite de la loi du 16 juin 1993 relative aux crimes de droit international humanitaire qui prévoyait une
compétence universelle de la Belgique à l’égard de telles infractions.
27
d’infraction grave220 et les exigences sont différentes selon le degré de l’infraction221
L’Allemagne se considère quant à elle compétente lorsque l’infraction commise est
punissable par la législation de l’État où elle a lieu ou qu’elle n’est soumise à aucun pouvoir
répressif222.
Nous verrons, d’abord, comment la compétence personnelle a été envisagée avec Internet en
Europe. Ensuite, nous examinerons l’exercice de la compétence personnelle face à Internet
aux États-Unis. L’approche entre les deux continents est différente en raison de leur système
juridique respectif.
1) En Europe
Dans les pays d’Europe occidentale, les règles de compétence sont définies dans des
réglementations ou des législations226. Chaque État a ses propres règles de compétences qui se
trouvent dans divers codes227. L’intégration européenne ajoute un ensemble de règles
supplémentaires228.
220
E. DAVID, op. cit., p. 243 ; B. OXMAN, op. cit.
221
R. VAN STEENBERGHE, op. cit., 2013, p. 361, note de bas de page 57.
222
E. DAVID, op. cit., p. 244 ; B. OXMAN, op. cit.
223
Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 203.
224
Ibid., p. 204.
225
Ibid., p. 205.
226
H. HESTERMEYER, « Personal Jurisdiction for Internet Torts : Towards an International Solution»,
Northwestern Journal of International Law & Business, vol. 26, n°2, p. 280.
227
W. JIMÉNES et A. LODDER, « Analyzing approaches to internet jurisdiction based on the model of
harbors and high sea », International Review of Law, Computers and Technology, p. 271.
228
H. HESTERMEYER, op. cit., p. 280.
229
Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en
matière civile et commerciale (version consolidée), J.O.C.E., C027, 26 janvier 1998.
230
H. DEVECI, « Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part II», Computer Law
and Security Review, 2006, vol. 22, p. 41.
28
compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale231 (Bruxelles I) a été adopté pour adapter les règles au commerce électronique
qui se développait avec l’avènement d’Internet232. Dans le règlement Bruxelles I, l’application
de la compétence personnelle se retrouve notamment dans la règle de compétence générale du
règlement233 qui se fonde sur le domicile ou la résidence habituelle du défendeur234. Dans le
cas où le défendeur n’est pas domicilié ou n’a pas sa résidence principale dans un État
membre, ce sont les règles traditionnelles de compétence des États, donc leurs législations
nationales qui s’appliquent235. Des règles spéciales sont prévues dans certains cas
spécifiques236. Les principes retenus vis-à-vis de ces situations particulières s’éloignent de la
compétence personnelle et relèvent plutôt des compétences territoriales. Par exemple, en
matière délictuelle, la compétence se fonde sur le lieu où le préjudice se produit ou peut se
produire237. En matière de ventes entre non-consommateurs, elle se base sur le lieu de
réalisation du contrat238. Cependant, en matière de contrats conclus par des consommateurs239,
la compétence se fonde sur le domicile des parties. Le consommateur a le choix, il peut
décider de poursuivre son cocontractant au contrat soit dans l’État où celui-ci est domicilié
soit dans l’État où il est lui-même domicilié240.
231
Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, J.O.C.E., L012, 16 janvier
2001. Le règlement est entrée en vigueur le 1er mars 2002 et il a été modifié et remplacé par le
règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale
(refonte), J.O.U.E., L351, 20 décembre 2012, entrée en vigueur le 10 janvier 2015.
232
H. DEVECI, « Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part II», op. cit., p. 43.
233
Article 2 du Règlement (CE) 44/2001.
234
Article 4 du Règlement (CE) 44/2001 ; A. SAVIN, EU Internet Law, 2e édition, Cheltenham, Edward
Elgar Publishing, 2017, p. 54.
235
Article 4 du Règlement (CE) 44/2001. ; A. SAVIN, op. cit., p. 56.
236
R. AUGUST, op. cit., p. 554.
237
Article 5 (3) du Règlement (CE) 44/2001 H. DEVECI, « Personal jurisdiction : Where cyberspace
meets the real world – Part II», op. cit., p. 42 et 44 ; R. AUGUST, op. cit., p. 556.
238
Article 5 (1) du Règlement (CE) 44/2001 ; R. AUGUST, op. cit., p. 556.
239
Article 15 (1) du Règleemnt (CE) 44/2001.
240
Article 16 du Règlement (CE) 44/2001 ; R. AUGUST, op. cit., p. 555 et 556. Le commerçant, en
revanche, n’a pas un pareil choix puisqu’il ne peut poursuivre le consommateur uniquement dans l’Etat
où celui-ci est domicilié.
241
Convention sur la cybercriminalité, faite à Budapest, le 23 novembre 2001, approuvée par la loi du 3
août 2012, M.B. 21 novembre 2012.
29
compétences persiste donc puisqu’un État peut se référer autant au droit international qu’à son
droit national242.
2) Aux Etats-Unis
En raison de leur système de common law, les États-Unis ont adopté une approche
judiciaire concernant la compétence personnelle, et plus particulièrement vis-à-vis d’Internet.
Dans son arrêt Pennoyer contre Neff243, la Cour Suprême des États-Unis a affirmé la présence
physique du défendeur sur le territoire comme le fondement de la compétence personnelle244.
À travers cette décision, la Cour Suprême a adopté une vision territoriale stricte de la
compétence personnelle. Cependant, le développement de l’automobile et le commerce
interétatique ont forcé une remise en question de ce fondement245. En effet, le déploiement
rapide de l’utilisation de l’automobile a souligné le problème du non-résident qui entre dans
un État, commet une infraction et retourne dans son État de résidence246. De plus, l’expansion
des activités interétatiques des entreprises soulève le problème du préjudice causé dans un
État par une entreprise établie dans un autre État247. Ainsi, dans l’arrêt International Shoe248,
la Cour Suprême des États-Unis a soumis l’exercice de la compétence personnelle à
l’exigence d’un contact minimum249 et au respect des concepts traditionnels de fair-play et de
justice substantielle250. Ces concepts font référence au Due Process of Law du 14e
amendement de la Constitution américaine. L’exercice de la compétence personnelle s’est par
la suite précisé en une appréciation en trois points. Il est dès lors admis que la condition d’un
contact minimum est respectée lorsque le défendeur a volontairement dirigé son activité vers
l’État ou s’est volontairement rendu disponible auprès de celui-ci, la revendication découle
des activités du défendeur et l’exercice de compétence observe la Due Process clause251.
242
R. AUGUST, op. cit., p. 546.
243
Pennoyer v. Neff, 95 U.S. 714 (1877).
244
Pennoyer v. Neff, 95 U.S., p. 722 ; E. NORRIS, « Why the Internet isn’t Special: Restoring the
predictability to personal jurisidiction», Arizona Law Review,2011, vol. 53, n°3, p. 1017.
245
E. NORRIS, op. cit., p. 1018.
246
E. NORRIS, op. cit., p. 1018.
247
Ibid., p. 1019.
248
International Shoe Co v. Washington, 326 U.S. 310 (1945).
249
International Shoe Co v. Washington, 326 U.S. 310, 316.
250
International Shoe Co v. Whashington, 326 U.S. 310, 323-34 ; E. BELFIELD, « Establishing Personal
Jurisidiction in an Internet Context : Reconciling the Fourth Circuit « Targeting » Test with the Calder
v. Jones Unising Awarness », University of Pittsburgh Law Review, 2018, vol. 80, p. 460.
251
E. NORRIS, op. cit., p. 1020.
252
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119 (W.D. Pa. 1997).
253
E. BELFIED, op. cit. p. 472.
254
S. SHAW, « There is no silver bullet : solutions to Internet jurisidiction », International Journal of Law
and Information Technology, 2017, vol. 25, p. 294 ; W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p. 274;
30
D’après cette échelle, la probabilité d’exercice de la compétence personnelle est directement
proportionnelle à la nature et la qualité de l’activité poursuivie sur Internet255. L’utilisation de
l’échelle de Zippo renvoie à trois scénarios distincts dans lesquels l’exercice de la compétence
personnelle est approprié ou non. Le premier scénario vise la situation où le site internet est
interactif, à savoir lorsque le défendeur poursuit clairement une activité sur Internet et conclut
des contrats avec des personnes soumises à une autre juridiction que la sienne256. Cela
implique le transfert conscient et répété de fichiers informatiques sur Internet257. Il est alors
reconnu que dans une telle situation, l’exercice de la compétence personnelle est approprié.
Ce n’est, par contre, pas le cas pour le deuxième scénario qui concerne la situation où le site
internet est considéré comme passif, c’est-à-dire où le défendeur détient un site par lequel il
rend accessible du contenu à des utilisateurs d’autres États258. Le dernier scénario envisagé est
celui de l’entre-deux, c’est-à-dire que le site internet est reconnu comme intermédiaire, car
l’utilisateur a la possibilité d’échanger des informations avec l’ordinateur hôte259. Dans ce cas,
l’exercice de la compétence se détermine par l’examen du niveau d’interactivité et de la
nature commerciale de l’échange d’informations260. L’échelle de Zippo a suscité de la
confusion quant à sa portée et a posé des problèmes concernant son application dans
l’environnement d’Internet261, elle a été néanmoins largement adoptée par les tribunaux
américains262. Cependant au cours des années, elle est devenue problématique et inadaptée en
raison de l’évolution d’Internet et s’est révélée comme le produit d’une mouture Internet qui
n’existait plus263.
255
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119, 1124 ; E. BELFIELD, op. cit., p.
472.
256
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119, 1124 ; E. BELFIELD, op. cit., p.
472 ; S. SHAW, op. cit., p. 294 ; W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p. 275 ; H. DEVECI,
« Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part I », Computer Law and Security
Review., 2005, vol. 21, p. 473.
257
W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p. 275 ; H. DEVECI, « Personal jurisdiction : Where cyberspace
meets the real world – Part I », op. cit., p. 473 ; Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 212.
258
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119, 1124 ; E. BELFIELD, op. cit., p.
472 ; S. SHAW, op. cit., p. 294 ; W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p. 275 ; H. DEVECI,
« Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part I », op. cit., p. 473 ; Y.
TIMOFEEVA, op. cit., p. 212.
259
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119, 11424 ; E. BELFIELD, op. cit.,
p. 473 ; S. SHAW, op. cit., p. 294 ; W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p. 275 ; H. DEVECI,
« Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part I », op. cit., p. 473 ; Y.
TIMOFEEVA, op. cit., p. 212 .
260
E. BELFIELD, op. cit. p. 472 ; S. SHAW, op. cit., p. 294 ; W. JIMÉNES et A. LODDER, op. cit., p.
275 ; H. DEVECI, « Personal jurisdiction : Where cyberspace meets the real world – Part I », op. cit., p.
473 ; Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 212.
261
Z. NIESEL, «#Personaljurisdiction : A New Age of Internet Contact », Indiana Law Journal, 2019, vol.
94, n°1, p. 119 à 125 ; E. NORRIS, op. cit., p. 1023 à 1025.
262
Z. NIESEL, op. cit., p. 118 ; E. NORRIS, op. cit., p. 1026.
263
Z. NIESEL, op. cit., p. 126. Au début, l’objectif premier des sites internet était de publier et de rendre
accessible l’information. Le réseau était considéré comme un outil pour diffuser et recevoir des
informations de manière passive. Les entreprises et les personnes physiques avaient la possibilité
d’établir sur leur site une présence en ligne passive, il y avait très peu d’interactions entre les utilisateurs
et les détenteurs des sites. Vers le début des années 2000, Internet a connu le développement des blogs
et des réseaux sociaux. L’interactivité entre les créateurs de contenu et les utilisateurs s’est fortement
développée. Internet est alors devenu un espace participatif et collectif dans lequel l’expérience des
utilisateurs se concentre sur les interactions et les échanges entre eux. L’évolution a ensuite eu lieu vis-
31
Dans ce contexte, certains tribunaux américains ont reconnu que l’application de la
compétence personnelle traditionnelle fonctionnait dans les cas qui impliquaient Internet. Ils
ont alors commencé à mettre en œuvre le principe dans l’arrêt Calder v. Jones264 pour ce
faire265. Cette dernière est antérieure à l’avènement d’Internet, néanmoins les faits concernent
l’industrie de l’édition. Elle partage aussi de nombreuses caractéristiques avec Internet266.
Dans cet arrêt, la Cour Suprême a reconnu l’exercice de la compétence personnelle lorsqu’une
personne dirige délibérément ses activités vers un État avec l’intention d’y causer un
préjudice267. Les effets d’une publication sur Internet sont similaires à ceux engendrés par une
publication via un journal papier268. Par conséquent, le raisonnement est constitutif dans la
détermination de la compétence personnelle à l’égard d’Internet, plus particulièrement dans
les cas de diffamation via Internet et les réseaux sociaux.269
D’autres tribunaux ont adopté l’approche développée dans l’arrêt Young v. New Haven
Advocate270 relatif à la diffamation sur Internet. Cette approche, également désignée comme
le test de ciblage, est une adaptation de l’échelle de Zippo. Elle est basée sur l’existence d’une
intention de viser un État ou de cibler le contenu disponible depuis celui-ci271. Toutefois, le
simple fait de poster une information sur Internet est insuffisant pour conférer une
compétence272. L’approche Young a une similarité avec la doctrine directe et ciblée, car ils
partagent le concept de ciblage. Cependant, l’approche Young est utilisée dans la perspective
de la compétence personnelle, alors que l’approche directe et ciblée est employée dans la
perspective des compétences territoriales.
à-vis des serveurs dont le but est de rendre le réseau plus singulier et connecté. Sous cet angle, Internet
devient un écosystème qui se comprend lui-même et qui est capable de librement corriger et publier des
informations grâce au développement de l’intelligence artificielle. Cette dernière constitue
probablement la prochaine évolution d’Internet.
264
Calder v. Jones, 456 U.S., 783 (1984).
265
E. NORRIS, op. cit., p. 1028.
266
E. BELFIELD, op. cit., p. 470.
267
Calder v. Jones, 456 U.S., 783, 790; Z. NIESEL, op. cit., p. 132.
268
E. BELFIELD, op. cit., p. 470.
269
Ibid..
270
Young v. New Haven Advocate, 315 F. 3d 256 (4th Cir. 2002).
271
Young v. New Haven Advocate, 315 F. 3d 256 , 263; E. BELFIELD, op. cit., p. 476.
272
Young v. New Haven Advocate, 315 F. 3d 256, 262 ; E. BELFIELD, op. cit., p. 476.
273
E. BELFIELD, op. cit., p. 477.
274
Ibid.
32
revendiquer sa compétence à l’égard du défendeur quand bien même ce dernier n’avait pas
d’intention spécifique de l’atteindre. Or les utilisateurs d’Internet n’ont généralement pas
l’intention que leur publication devienne virale. Le nombre d’États potentiellement
compétents est dès lors limité compte tenu de la condition de connaissance275.
3) Convention internationale
275
E.BELFIELD, op. cit., p. 478.
276
A. RAHMAN, « Personal jurisdiction on the Internet : A Global Perspective », Journal of Internet
Commerce, 2015, vol. 14, n° 1, p. 119.
277
Ibid.
278
S. SHAW, op. cit., p. 301 ; A. RAHMAN, op. cit., p. 119.
33
IV.- LES RÉPERCUSSIONS D’INTERNET SUR LES COMPÉTENCES :
RÉELLE ET UNIVERSELLE
1) Sans Internet
279
E. DAVID, op. cit., p. 275; A. HENRIKSEN, op. cit., p. 88 ; N. COSTESCU, op. cit., p. 89 ; Y.
TIMOFEEVA, op. cit., p. 214
280
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 88.
281
E. DAVID, op. cit., p. 276 ; Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 214.
282
E. DAVID, op. cit., p. 276.
283
C. RYNGEART, op. cit., p. 97.
284
Ibid.
285
Ibid., p. 97 et 98.
286
Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 214.
287
Restatement of the Law (Third) of the Foreign Relations Law of the United State, 1986, §402 (3)
(EUA).
288
StGB, section 5 (1) à (5); Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 214.
34
pénal289. Le caractère limité de cette compétence implique qu’elle est peu employée en
pratique. Cependant lorsque la compétence est exercée, elle souffre peu de controverses290.
Parfois, la compétence réelle permet d’appréhender les boycottes secondaires291 lorsque ceux-
ci aspirent à protéger les intérêts de la sécurité nationale de l’État292. Par exemple, les États-
Unis ont justifié l’adoption du Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) Act of
1996293 en affirmant que Cuba représentait une menace pour leur sécurité nationale294. Cette
loi sanctionnait les entreprises étrangères qui faisaient du commerce de biens confisqués
appartenant à des Américains ou à des Cubains ayant acquis ultérieurement la nationalité
américaine295.
2) Avec Internet
Certains auteurs soutiennent même que la compétence réelle est la plus à même à faire face
aux infractions de cyberterrorisme préjudiciant les intérêts de l’État. Pour commencer, la
compétence réelle diminue l’impunité des auteurs d’infractions de cyberterrorisme299. En
effet, elle permet à l’État victime d’une attaque cyberterroriste de poursuivre son auteur, sans
que celui-ci ne se trouve sur son territoire. Ensuite, elle réduit, fortement les conflits de
compétences300. L’infraction cyberterroriste visant un État peut toucher par inadvertances le
289
C. proc. pén., titre préliminaire, art. 6, 1°, 2°, et 10 1°, 2° et 4° ; E. DAVID, op. cit., p. 277 et 278. Les
infractions justifiant l’exercice de la compétence réelle de l’État belge sont les crimes et délits contre la
sûreté de l’État et contre la foi publique, et aussi certains crimes et délits commis en temps de guerre.
290
C. RYNGEART, op. cit., p. 98 et 99.
291
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 89 ; C. RYNGEART, op. cit., p. 99. Les boycottes secondaires constituent
des mesures adoptées par un État dont le but est de dissuader les entreprises non-nationales ou
étrangères de faire affaires avec l’État visés par des sanctions
292
C. RYNGEART, op. cit., 2008, p. 99.
293
Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) Act of 1996, Pub.L. 104–114, 110 Stat. 785, 22
U.S.C. §§ 6021–6091 (EUA). Cette loi est également connue sous le nom de Helms-Burton Act, en
référence aux deux promoteurs de la loi, Jesse Alexander Helms et Danny Lee Burton.
294
C. RYNGEART, op. cit., p. 100.
295
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 89 ; C. RYNGEART, op. cit., p. 100.
296
C. WEI, op. cit., p. 844.
297
Ibid., p. 844-845.
298
Ibid., p. 845.
299
P. STOCKTON et M. GOLABEK-GOLDMAN, « Prosecuting cyberterrorists : Applygin traditional
jurisdictional frameworks to modern threat », Stanford Law & Policy Review, 2014, vol. 25, n° 2, p.
251.
300
Ibid., p. 250.
35
système informatique d’autres États sans toutefois porter atteinte à leurs intérêts301. Cette
compétence permet également aux États de poursuivre et appréhender préventivement les
cyberterroristes avant qu’ils n’agissent302. Elle est le seul fondement en droit international qui
permet la compétence extraterritoriale des États pour des infractions portant préjudice à leurs
intérêts303. De plus, l’exercice de cette compétence encourage les États d’adopter des lois
criminalisant de tels comportements304. La compétence réelle empêche effectivement les
auteurs de ces infractions de choisir un État refuge où ils ne seraient pas susceptibles d’être
poursuivis305. En outre, cette compétence écarte la nécessité de déchiffrer l’intention précise
de l’auteur306. Ainsi, les États touchés involontairement par une attaque cyberterroriste ont la
possibilité de poursuivre l’auteur de l’attaque si celle-ci a porté atteinte à leurs intérêts307.
Enfin, l’exercice de la compétence réelle engendre moins de tensions entre les États en raison
d’un intérêt légitime pour l’un d’interférer dans la souveraineté de l’autre308.
Néanmoins, les États-Unis ont élargi la portée de leur compétence réelle comme en témoigne
l’approche adoptée dans les affaires de criminalité informatique. Le §1030 du titre 18, du
Code des États-Unis prévoit la compétence du gouvernement américain à l’égard des activités
criminelles atteignant un ordinateur dit protégé309. Le gouvernement américain peut lorsqu’il
le juge approprié entamer des poursuites contre les pirates informatiques310. En Europe, la
Convention sur la cybercriminalité par son article 22 (1) (a) et (d) maintient l’application des
compétences territoriales et de la compétence personnelle311.
1) Sans Internet
301
P. STOCKTON et M. GOLABEK-GOLDMAN, op. cit., p. 251.
302
Ibid., p. 251.
303
Ibid., p. 251.
304
Ibid., p. 253.
305
Ibid.
306
Ibid.
307
Ibid., p. 254.
308
Ibid.
309
S. BRENNER et B-J. KOOPS, « Approaches to Cybercrime Jurisdiction », J. High Tech. L., 2004, vol.
4, n°1, p. 26. La notion d’ordinateur protégé vise l’ordinateur, sur ou en dehors du territoire des Etats-
Unis, utilisé dans le commerce ou la communication interétatique ou internationale.
310
S. BRENNER et B-J. KOOPS, op. cit., p. 27.
311
Convention sur la cybercriminalité, faite à Budapest, le 23 novembre 2001, approuvée par la loi du 3
août 2012, M.B. 21 novembre 2012.
312
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 90; C. RYNGEART, op. cit., p. 100 et 106.
313
C. RYNGEART, op. cit., p. 101.
36
tout État d’arrêter un pirate en haute mer314. Par la suite, la compétence universelle a été
transcrite dans le droit international conventionnel315. De nos jours, les infractions
susceptibles d’être visées par la compétence universelle sont les principaux crimes du droit
international, ceux-ci comprennent les crimes contre le droit international humanitaire –
crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides - et les crimes de torture316. À
l’exception des crimes contre l’humanité, ces crimes ont fait l’objet au cours du 20e siècle de
conventions internationales317. Il a été néanmoins soutenu que l’exercice de la compétence
universelle pour ces crimes pouvait se fonder sur le droit international coutumier318.
Dans sa conception classique, l’exercice de la compétence universelle d’un État requiert la
présence de l’auteur de l’infraction sur son territoire319. Dans l’affaire relative au mandat
d’arrêt du 11 avril 2000320, la Cour internationale de justice appuie cette conception classique
en refusant qu’un État puisse exercer sa compétence universelle en l’absence de l’auteur
présumé sur son territoire321. Dans leurs opinions individuelles, certains juges de la Cour ne
reconnaissent pas l’exercice de la compétence universelle in abstentia vis-à-vis des
infractions des Conventions de Genève322. Les États ont en grande majorité adopté la
conception classique de la compétence universelle dans leurs législations nationales323. La
condition de présence sur le territoire s’observe notamment aux Pays-Bas avec la loi relative
aux infractions internationales de 2003, aux États-Unis avec les lois sur le génocide de 2007,
les enfants soldats de 2008 et la traite des personnes de 2008, ou encore en Suisse avec la loi
portant sur la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale324.
314
E. DAVID., op. cit., p. 281 ; A. HENRIKSEN, op. cit., p. 90 ; C. RYNGEART, op. cit., p. 108 et 109.
315
E. DAVID., op. cit., p. 281 et 282. Le premier traité ayant prévu la compétence universelle est la
Convention de Genève du 10 avril 1929 pour la répression du faux monnayage (article 9). D’autres
conventions ont prévu cette compétence, notamment la Convention des Nations Unies du 30 mars 1961
sur les stupéfiants (article 36).
316
C. RYNGEART, op. cit., p. 110.
317
Conventions de Genève du 12 août 1949, ainsi que les protocoles additionnels à ces Conventions.
318
C. RYNGEART, op. cit., p. 111. Une partie de la doctrine appuie que, dans son arrêt Lotus, la Cour
Permanente de justice a laissé aux États une large marge juridictionnelle. Dans ce cadre là, il devrait
être démontré qu’aucune règle interdisant l’exercice de la compétence universelle n’a été développée.
Parallèlement une autre partie de la doctrine soutient que l’exercice de la compétence universelle se
fonde sur le ius cogens étant donné que la poursuite des violations du ius cogens est dotée elle-même du
ius cogens.
319
C. RYNGEART, op. cit., p. 119 ; D. REZAI SHAGHAJI, « L’exercice de la compétence universelle
absolue à l’encontre des crimes graves de droit international afin de protéger les intérêts généraux de la
communauté internationale dans son ensemble », Rev. dr. intern. comp., 2006, n° 1, p. 5. D’après C.
RYNGEART, la compétence universelle repose sur le principe aut dedere aut judicare, alors que selon
D. REZAI SHAGHAJI, elle se base sur le principe de forum deprehenshionis.
320
C.I.J. mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), 14 février
2002, Recueil, 2002.
321
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 6.
322
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 7.
323
Ibid., p. 9. Il faut également souligner que pour certains États, la condition de présence sur le territoire
n’est pas suffisante. Par exemple, en France, dans la loi du 9 août 2010, il y a une condition de
résidence habituelle du suspect en France.
324
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 11 et 12.
37
Par contre dans la conception absolue de la compétence universelle, aussi appelée compétence
universelle in abstentia, l’État peut exercer sa compétence vis-à-vis de l’auteur de l’infraction
quand bien même celui-ci ne se situe pas sur son territoire325. Bien qu’aucun traité ne se fonde
sur la compétence universelle in abstentia, aucun traité ni la coutume ne l’interdisent326. La
loi du 16 juin 1993 relative à la répression des infractions graves aux conventions
internationales de Genève du 12 août 1949327 adoptée par la Belgique se rapproche le plus de
la compétence universelle in abstentia. Ainsi, l’article 7 disposait que les juridictions belges
étaient compétentes pour connaître des crimes de guerre, des génocides et des crimes contre
l’humanité, indépendamment du lieu où celles-ci ont été commises. Cependant, face à la
pression internationale, la Belgique s’est résolue à abroger cette loi328.
325
A. HENRIKSEN, op. cit., p. 90.
326
C. RYNGEART, op. cit., p. 119 ; D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p 26.
327
Loi du 16 juin 1993 relatives à la répression des infractions graves au droit international humanitaire,
M.B., 5 août 1993, modifiée par la loi du 10 février 1999, M.B., 23 mars 1999.
328
Abrogée par l’article 27 de la loi du 5 août 2003 relative aux violations grave du droit international
humanitaire, M.B., 7 août 2003.
329
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 14.
330
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 14.
331
Ibid., p. 16.
332
Ibid., p. 18 à 20. Le mandat d’arrêt émis par la Belgique à l’encontre de Abdoulaye Yerodia Ndombasi,
le ministre des affaires étrangères congolais à cette époque, peut constituer une forme d’exercice de la
compétence universelle in abstentia. Ou dans une décision de 2005, le Tribunal constitutionnel
d’Espagne soutient, que la condition de la présence de l’auteur du crime n’est requise seulement pour le
procès. L’absence de l’auteur du territoire espagnol ne constitue pas un obstacle pour les autorités de
prendre les mesures nécessaires dans le contexte des procédures préliminaires.
333
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 21.
334
C.I.J., mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), 14 février
2002, Recueil, 2002.
335
Ch. VAN DEN WYNGEART, opinion dissidente sous C.I.J., mandat d’arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique), 14 février 2002, Recueil, 2002 ; R. HIGGINS, P.
KOOIJMANS et T. BUERGENTHAL, opinion individuelle commune sous C.I.J., mandat d’arrêt du 11
avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), 14 février 2002, Recueil, 2002.
336
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 27.
337
Gerechtshof Amsterdam, R 97/163/12 Sv et R 97/176/12 Sv, 20 novembre 2000.
38
La compétence universelle in abstentia fait toutefois l’objet de controverse. Selon ses
partisans, elle pourrait endosser un rôle important dans la répression des crimes de ius
cogens338. Ainsi quand un État, territorialement ou personnellement compétent, n’est pas
disposé à poursuivre l’auteur d’un crime grave, ou quand il refuse de l’extrader339, la
compétence universelle in abstentia permet de lutter contre l’impunité internationale et de
protéger l’intérêt premier de la communauté internationale340. D’après ses détracteurs, elle
nuit aux relations internationales. En raison de sa nature, elle crée un chaos juridictionnel et
viole le principe de non-intervention dans les affaires internes des autres États. De plus, elle
ne respecte pas les règles du procès équitable qui exigent notamment qu'un suspect connaisse
les lois auxquelles il est soumis. Ainsi, la compétence universelle in abstentia place le suspect
face à l’impossibilité de prévoir quelles lois régiront sa conduite.
2) Avec Internet
L’auteure K. GABLE estime que la compétence universelle est la plus efficiente face au
cyberterrorisme. En effet, les traités et le droit international coutumier prévoient déjà des
bases légitimes pour l’application de la compétence universelle. Il est dès lors concevable
338
C. RYNGEART, op. cit., p. 122 ; D. SHAGHAJI, op. cit., p. 22. Dans les situation où l’État compétent
territorialement ou personnellement qui n’est pas disposé à poursuivre l’auteur du crime, un autre État
exerçant sa compétence universelle in abstentia à son égard protègerait de la sorte les intérêts
principaux de la communauté internationale.
339
D. REZAI SHAGHAJI, op. cit., p. 22.
340
Ibid., p. 23.
341
C. WEI, op. cit., p. 841.
342
Ibid., p. 842.
343
Y. TIMOFEEVA, op. cit., p. 215 ; W. DAUTERMAN JR, « International Regulation : Foreign Actors
and Local Harms – at the Crossroads of Pornography, Hate Speech, and Freedom of Expression »,
N.C.J. Int’l L. & Com. Reg., 2002, vol. 28, n°1, p. 207 et 208. Lors du génocide rwandais de 1994, le
gouvernement Hutu s’est servi des transmissions radios pour commettre un meurtre de masse de 800
000 Tutsi.
344
W. DAUTERMAN JR, op. cit., p. 203.
345
C. proc. pén., titre préliminaire, art. 10ter 1° et C. pén., art 383; StGB , sections 6 (6) et 184 (3); S.
BRENNER et B-J. KOOPS, op. cit., p. 28.
39
d’appliquer les traités relatifs au terrorisme346 ainsi que d’étendre l’interdiction générale de
terrorisme au cyberterrorisme puisqu’il se définit comme du terrorisme exécuté via ou contre
Internet347. En outre, la gravité des infractions cyberterroristes est comparable à celles des
crimes de droit international pour lesquelles l’exercice de la compétence universelle a été
reconnu348.
346
Notamment la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes explosifs
347
K. GABLE, « Cyber-Apocalypse Now : Securing the Internet Against Cyberterrorisme and Using
Universal Jurisidiction as a Deterrent », Vanderbilt Journal of Transnational Law, 2010, vol. 43, n°1, p.
106.
348
K. GABLE, op. cit., p. 105 et 108 à 111.
349
K. GABLE, op. cit., p. 105 et 111 à 114. Pour commencer, le raisonnement manichéen représente
l’auteur d’un crime international grave comme l’ennemi de toute l’humanité en raison du caractère
particulièrement odieux du crime qu’il a commis, or le cyberterroriste est également l’auteur d’un crime
international grave estimé particulièrement odieux. Ensuite, le raisonnement d’intérêt commun voit la
compétence universelle comme étant une extension de la compétence réelle. Tous les États ont dès lors
une raison légitime de poursuivre l’auteur d’actes cyberterroriste puisque ce dernier menace leurs
intérêts nationaux. Dans le raisonnement de l’agent, l’État qui poursuit se comporte en tant qu’agent de
la communauté internationale, et donc la compétence universelle s’applique aux auteurs de crimes
cyberterroriste dans la mesure où un État estime qu’il est de son intérêt de maintenir l’ordre dans la
communauté internationale en le poursuivant. Pour continuer, selon le raisonnement ius cogens, dès
qu’un crime international viole une norme de ius cogens, un État peut utiliser la compétence universelle
pour poursuivre l’auteur de cette violation. Cependant, la compétence universelle n’est pas limité aux
violations de ius cogens et peut s’exercer vis-à-vis de violations de droit international. Ainsi, elle peut
s’appliquer au cyberterrorisme. Le raisonnement du préjudice, qui considère la gravité de l’acte comme
le plus important, est notamment inclut dans la destruction des structures sociétales et la préoccupation
que l’auteur d’un crime international ne recommence. Les mêmes inquiétudes existent avec le
cyberterrorisme, à la fois en raison de la possibilité de porter atteinte gravement aux États et au
commerce mondial, et parce qu’il est compliqué d’appréhender un cyberterroriste en raison de la
technologie permettant d’effacer ses activités sur Internet. Enfin, le raisonnement pragmatique justifie la
compétence universelle lorsque l’auteur d’un crime resterait impuni. Or, en raison d’importantes
difficultés pratiques empêchant l’application des compétences territoriales, il est peu probable que
l’auteur d’une infraction cyberterroriste soit poursuivi à défaut de compétence universelle.
350
C. WEI, op. cit., p. 842.
351
Ibid.
352
Ibid., p. 842 et 843. Aux Etats-Unis, le premier amendement garantit la liberté d’expression et il ne
connaît pas d’exception concernant les discours de haine. En Europe, l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme limite la liberté d’expression pour protéger la réputation ou les droits
d’autrui.
40
C.- Conclusion intermédiaire
La compétence universelle peut être exercée lorsqu’Internet a joué un rôle dans les
crimes graves de droit international, elle peut également être appliquée aux infractions
relatives à la pornographie infantile. Une partie de la doctrine soutient que la compétence
universelle est la plus appropriée pour répondre au cyberterrorisme qui n’est autre que du
terrorisme pratiqué via ou contre Internet. Les discours de haine et la diffamation en ligne ne
relèvent pas de cette compétence en raison de l’absence d’unanimité quant au degré de liberté
d’expression autorisée.
41
CONCLUSION
Internet est loin d’être la sphère de liberté dépourvue de lois dans laquelle les États ne
peuvent y intervenir ou contrôler, contrairement à ce que sa caractéristique principale – son a-
territorialité – aurait pu laisser penser. Il n’échappe pas au contrôle de l’État et correspond à
un nouvel espace où l’État peut exercer sa souveraineté ainsi que ses compétences étatiques.
Ce contrôle de l’État concerne autant les infrastructures d’Internet que le contenu qui y est
accessible. Dans ce nouvel environnement, l’État n’est plus le seul protagoniste et fait
désormais face à de nouveaux acteurs, parfois aussi puissants que lui.
Les États ont dû s’adapter à Internet, ou du moins répondre aux défis qu’il impliquait. Les
réponses apportées témoignent d’un attachement particulier aux compétences territoriales, les
États ayant cherché à territorialiser Internet. Étant donné qu’appréhender Internet dans sa
dimension structurelle et virtuelle s’est révélé insuffisant, il a fallu envisager Internet dans sa
dimension cognitive. Suivant cette perspective, les États ont envisagé Internet au travers de
trois approches différentes. La première approche, celle de l’État d’origine, n’a pas fait long
feu, les États étant réticents à reconnaître l’État d’origine seul compétent concernant les
acteurs d’Internet. La deuxième approche, l’approche du pays de destination, a suscité un vif
intérêt des États, ceux-ci pouvant revendiquer leurs compétences en raison de l’accessibilité
du contenu depuis leur territoire. Cependant, la situation pour les acteurs d’Internet est
devenue impossible puisqu’ils étaient potentiellement soumis à une multitude de législations.
Finalement, la troisième et dernière approche, l’approche directe et ciblée, s’est présentée
comme la solution répondant au principal grief de l’approche du pays de destination en
ajoutant le ciblage dans l’exercice des compétences territoriales.
Il est apparu que malgré les nouvelles implications engendrées par Internet, il n’y avait pas de
changement radical du point de vue de la compétence personnelle. En Europe, la compétence
repose principalement sur des législations, et elle a connu d’infimes modifications pour
s’adapter au mieux à Internet. Aux États-Unis, la compétence personnelle s’appuie plutôt sur
la jurisprudence. L’échelle de Zippo s’est développée spécialement dans le contexte
d’Internet. Elle est néanmoins devenue problématique dès lors qu’elle constituait le produit
d’un Internet passé. Certains cours et tribunaux ont recommencé à appliquer l’exercice
traditionnel de la compétence personnelle, c’est-à-dire les principes énoncés dans l’arrêt
Calder. D’autres cours et tribunaux ont développé le test Young, combinaison entre l’échelle
de Zippo et les principes Calder.
Étant donné que la compétence réelle vise les infractions portant atteinte aux intérêts des
États, ces derniers ne peuvent l’exercer, dans le contexte d’Internet, qu’à l’égard des
cybercrimes menaçants à leurs intérêts. Pour certains auteurs, les États peuvent employer leur
compétence réelle vis-à-vis des infractions cyberterroristes. Alors qu’aux États-Unis, le
champ d’application de la compétence a été élargie aux activités criminelles touchant un
42
ordinateur protégé, en Europe, il a été préféré de continuer l’exercice des compétences
territoriales et de la compétence personnelle concernant les cybercrimes.
Quant à la compétence universelle, il est concevable que les États l’exercent lorsqu’Internet a
été utilisé dans l’exécution de crimes graves de droit international tels que les crimes de
guerre ou les génocides. Les États peuvent également l’appliquer à la cybercriminalité, en
particulier dans l’hypothèse d’infractions relatives à la pornographie infantile. Cependant, les
discours de haine et la diffamation en ligne ne sont pas inclus. Le degré de liberté
d’expression autorisée varie selon les États, la compétence universelle n’apparaît donc pas
adaptée.
L’avènement d’Internet a amené les États à exercer leurs compétences internationales dans un
nouvel espace immatériel et surtout à s’adapter aux problématiques qu’il posait. En effet, l’a-
territorialité d’Internet semblait faire obstacle à l’exercice des compétences territoriales et
favoriser l’exercice des autres compétences, notamment la compétence personnelle.
Cependant, il s’avère que les États ont réussi à franchir l’obstacle de l’a-territorialité en
développant des approches leur permettant de rattacher les activités ayant lieu sur Internet à
leurs territoires. Ce déploiement d’effort des États afin de territorialiser Internet témoigne de
leur attachement vis-à-vis des compétences territoriales. Ces dernières demeurent le
fondement principal des compétences internationales et les autres compétences – personnelle,
réelle et universelle – gardent leur caractère subsidiaire.
43
44
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DOCTRINE
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1998.
Législation européenne
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protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel
et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général
sur la protection des données), J.O.U.E., L 119, 4 juin 2016.
Règlement (UE) 1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012
concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale, J.O.U.E., L351/1, 20 décembre 2012.
Règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
J.O.C.E., L012, 16 janvier 2001.
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l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de
l’information, J.O.C.E., L167, 22 juin 2001.
Directive (CE) 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à
certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du
commerce électornique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »),
J.O.C.E., L178, 17 juillet 2000.
Législation américaine
Telecommunications Act of 1996, Pub. LA. No. 104-104, 110 Stat. 56 (1996).
Restatement of the Law (Third) of the Foreign Relations Law of the United State, 1986, §402
(3).
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785, 22 U.S.C. §§ 6021–6091.
Législation belge
C. pén., art. 383.
48
C. proc. pén., art. 6, 1°, 2°, 10, 1°, 2°, 4° et 10ter, 1°.
Loi du 16 juin 1993 relatives à la répression des infractions graves au droit international
humanitaire, M.B., 5 août 1993, modifiée par la loi du 10 février 1999, M.B., 23 mars 1999.
Autre législation
StGB, sections 5 (1) à (5), 6 (6) et 184 (3) (ALL).
Broadcasting Services Act 1992 (n°110, 1992) (AUS).
Obscene Publications Act 1959, 1959 c. 66 (RU).
Proposition de législation
Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif aux marchés
contestables et équitables dans le secteur numérique (Législation sur les marchés
numériques), COM (2020) 842 final, 15 décembre 2020.
Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un marché intérieur
des services numériques (législation sur les services numériques) et modifiant la directive
2000/31/CE, COM (2020) 825 final, 15 décembre 2020.
JURISPRUDENCE
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Cour de justice de l’Union européenne
C.J. (gde ch.), arrêt Google Spain SL, Google Inc contre Agencia Española de Protección de
Datos, 13 mai 2014, C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317.
C.J., arrêt Wintersteiger AG c. Products 4U Sondermaschinebau GmbH, 10 avril 2012, C-
523/10, ECLI:EU:C:2012:220.
C.J., arrêt L’Oréal SA et autres c. eBay International AG et autres, 12 juillet 2011, C-324/09,
ECLI:EU:C:2011:474.
C.J., arrêt Pammer c. Reederei Karl Schlüter & KG et Hotel Alpenhof Gesmbh c. Oliver
Heller, 7 décembre 2010, C-585/08, ECLI:EU:C:2010:740.
Av. Gén. N. JÄÄSKINEN, concl. préc. CJ.U.E., arrêt Google Spain SL, Google Inc contre
Agencia Española de Protección de Datos, 13 mai 2014, C-131/12, ECLI:EU:C:2014:317,
point 56.
Jurisprudence américaine
Calder v. Jones, 456 U.S., 783 (1984).
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Pennoyer v. Neff, 95 U.S. 714 (1877).
People v World Interactive Gaming Corp., 185 Misc. 2d 852 (1999).
Young v. New Haven Advocate, 315 F. 3d 256 (4th Cir. 2002).
SARL Louis Ferraud Int’l v. Viewfinder Inc., 406 F. Supp. 2d 274 (S.D.N.Y. 2005).
Zippo Manufacturing Co. v. Zippo Dot Com, Inc., 952 F. Supp. 1119 (W.D. Pa. 1997).
Jurisprudence allemande
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R v Somm, AG Munich NStZ 1998, 518.
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R v Perrin [2002] EWCA Crim 747.
Vidal -Hall & Ors v Google Inc [2014] EWHC 13 (QB).
Harrods Ltd v Dow Jones & Company Inc [2003] EWHC 1162 (QB).
R v Waddon, 6 avril 2000, non-publié.
50
Autre jurisprudence
Dow Jones & Company Inc v Gutnick [2002] HCA 56, 210 CLR 575 (AUS).
Bonnier Media Limited v Smith 2003 SC 36 (ÉCO).
Trib. gde inst. Paris (LICRA c. Yahoo! Inc. et Yahoo France), 20 novembre 2000, J.T., 2001,
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AUTRE
DEHOUSSE, F., GARCIA MARTINEZ, J., THIRY, C., VOLPI, F. et WUINE, M., Droit
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droit de l’Université de Liège, 2020-2021.
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