Conduire Une Recherche Sur La Scolarisation D'élèves Primo-Migrants. Quelques Enjeux Et Défis Socio-Institutionnels
Conduire Une Recherche Sur La Scolarisation D'élèves Primo-Migrants. Quelques Enjeux Et Défis Socio-Institutionnels
Conduire Une Recherche Sur La Scolarisation D'élèves Primo-Migrants. Quelques Enjeux Et Défis Socio-Institutionnels
Isabelle Rigoni
Chercheure au Grhapes (EA 7287),
associée au centre Émile Durkheim (CNRS UMR 5116) et à Migrinter (UMR 7301)
Résumé :
Longtemps premier pays d’immigration en Europe, le second au monde après les États-Unis, la
France a été tôt confrontée à l’organisation de la scolarisation des enfants étrangers présents sur son
territoire. Fondée principalement sur l’acquisition de la langue, cette scolarisation a souvent laissé de
côté l’acquisition des compétences extra-langagières. L’analyse de la littérature de recherche sur les
besoins de scolarisations des élèves primo-migrants, et des statistiques relatives aux résultats scolaires
de ces élèves aux besoins éducatifs particuliers, font apparaître un travail paradoxal de l’institution
scolaire, qui produit à la fois de la sélection voire de la discrimination et de la démocratisation. Le
système de catégorisation des modes d’intervention auprès des personnes concernées se caractérise
par une faible consistance, dont la faible cohérence des principes de l’action publique témoigne. En
particulier, la centralité du prisme linguistique est mise en évidence, et critiquée au regard de ses
effets. De même, l’absence de prise en compte de l’expérience migratoire est soulignée. L’article
conclut sur la nécessité de se décentrer de l’objectif de maîtrise de la langue française, au profit de
la prise en compte de plusieurs autres facteurs, notamment sociologiques et économiques, qui
contribuent au bon déroulement des parcours d’inclusion.
Mots-clés : Élèves allophones - Français langue étrangère - Immigration - Inclusion - Réussite scolaire - Sociologie.
1. Cette contribution s’appuie sur deux projets de recherche que nous coordonnons, avec l’appui scientifique
de Claire Cossée, Catherine Mendonça Dias et Simona Tersigni : Evascol, financé par le département
recherche du défenseur des droits, relatif à la compréhension de la scolarisation des élèves désignés
comme allophones nouvellement arrivés et ceux issus de familles itinérantes et de voyageurs et Migriti,
relatif au rapport aux institutions des enfants migrants et itinérants faisant « figure d’étranger » (Cossée,
Lada, Rigoni, 2004) financé par l’Université Paris Lumières. Dans cet article, nous limiterons notre propos
à l’analyse de la scolarisation des enfants et jeunes migrants.
4. Ainsi, contrairement à la France, de nombreux pays de l’Union européenne considèrent ces élèves
comme ayant des besoins spécifiques et les comptabilisent comme tels, à l’instar des élèves porteurs
d’un handicap ou étant en grande difficulté scolaire par exemple. D’ailleurs, l’Agence européenne a affirmé
en 2016 son souhait de promouvoir prioritairement l’inclusion scolaire de ces élèves, désignés comme
étant à besoins éducatifs spécifiques.
5. Résolution du Parlement européen du 2 avril 2009 sur l’éducation des enfants de migrants.
6. Rappelons que les pays membres de l’OCDE ont un niveau de développement relativement avancé,
qu’ils soient ou non anciennement industrialisés. Il est à ce titre intéressant d’en observer les écarts en
termes de dimensions sociales, économiques ou humaines.
Retard scolaire des EANA en fonction du niveau d’études (en %). Source : MENESR-DEPP, enquête EANA 2014-2015
7. La norme scolaire encouragée par le ministère de l’Éducation nationale est que les élèves soient scolarisés
dans la classe correspondant à leur année scolaire de référence. Ceci s’applique aussi aux élèves désignés
comme EANA : un élève arrivant dans une Unité pédagogique pour élèves allophones nouvellement
arrivés (UPE2A) en âge d’être normalement en sixième devrait être admis en cinquième à la fin de son
année scolaire. S’il est admis en « sixième ordinaire », ceci est considéré comme un redoublement.
8. Circulaires n° 2012-141, 2012-142 et 2012-143 parues au Bulletin officiel n° 37 du 11 octobre 2012.
9. Une scolarisation en UPE2A ne doit normalement pas dépasser une année mais les pratiques en la
matière sont assez différentes selon l’âge des élèves, les académies et même selon les établissements.
10. Élèves allophones nouvellement arrivés.
11. Élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs.
12. Non scolarisé antérieurement, il s’agit d’une précision affectant certains dispositifs dans lesquels sont
accueillis théoriquement des élèves n’ayant pas été scolarisés ou dont scolarisation est ancienne ou
instable.
Conclusion
Le droit à la scolarisation, dont la France fait une clef de voute de son modèle depuis
la mise en place de l’école publique avec les lois Ferry au XIXe siècle, a été récemment
repensé autour du socle commun des connaissances et des compétences. Il s’en
est suivi une longue réflexion quant à l’identification de ce qui serait défini comme
« savoir fondamental » dans ce socle commun. Cette question est particulièrement
sensible pour les enfants et les jeunes migrants, d’une part parce que l’école
constitue traditionnellement, en France, un outil central de mobilité sociale dans
l’immigration ; d’autre part parce que pour ces enfants et jeunes, la question des
savoirs fondamentaux se pose de façon singulière tant il est difficile, pour les
institutionnels, de connaître les référents et ressources éducatifs qui existent avant
la migration ou de les traduire dans le contexte français. Devant cette complexité,
les institutions scolaires ont historiquement choisi une position relativement stable,
celle de la priorité absolue de la maîtrise de la langue française. Ces rationalités
institutionnelles, longtemps focalisées sur la maîtrise de la langue française et sur
une logique assimilationniste prescriptive dans les modes de vie, ont conduit à un
écueil en construisant une réalité institutionnelle partielle et éloignée de la réalité
socio scolaire dans les territoires concernés.
L’accompagnement des enfants et des jeunes migrants passe par une prise en
compte en tant qu’élèves à besoins éducatifs particuliers afin de rendre pleinement
effectif le paradigme de l’inclusion scolaire pour tous. Toutefois, ce processus ne
saurait fonctionner sans un décentrement de la maîtrise de la langue française au
profit de la prise en compte de tous les facteurs – sociologiques, économiques, et
non plus seulement linguistiques – qui contribuent au bon déroulement des parcours
d’inclusion. L’observation du terrain montre que l’ouverture des dispositifs spécifiques
de type UPE2A ou UPS au profit d’une plus grande inclusion dépend à la fois des
pratiques culturelles des acteurs institutionnels locaux, des établissements scolaires,
ainsi que des professionnels dont les profils, la formation tout autant que la situation
dans l’école et dans la classe diffèrent parfois fortement selon les territoires. Dans
tous les cas, une meilleure inclusion des élèves migrants ne peut se faire qu’en
posant les jalons d’une véritable politique globale d’éducation, qui ne se traduirait
Références
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OCDE.
Faire classe à des élèves avec autisme nécessite de surmonter plusieurs dilemmes : il s’agit
de transformer sa pratique professionnelle qui peut, du point de vue des enseignants,
être inadaptée à ce public, tout en trouvant une posture professionnelle adéquate qui
demeure enseignante.
Travailler avec des élèves présentant de l’autisme requiert pour les professeurs
coordonnateurs d’Unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) un changement d’identité
professionnelle ; le travail de collaboration avec d’autres enseignants ou d’autres
professionnels, la constitution d’une identité de « personne ressource », la gestion de
l’emploi du temps des élèves en regroupement spécifique et dans les classes ordinaires
ne va pas de soi et appelle une transformation de la part du coordonnateur. Par exemple,
ces enseignants spécialisés se trouvent dans l’obligation de savoir-se-transformer pour
devenir « négociateur », afin que leurs élèves puissent bénéficier de l’enseignement
ordinaire. Ce savoir-se-transformer se constitue à l’issue de dilemmes pour lesquels les
coordonnateurs se demandent s’ils sont encore bien dans leur rôle quand ils mènent un
travail de négociation.
Philippe Garnier est maître de conférences en sciences de l’éducation à
l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation
des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA).
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