Maladies Infection Des Rongeurs
Maladies Infection Des Rongeurs
Maladies Infection Des Rongeurs
des rongeurs
Delphine Grézel
Les symptômes d’une maladie sont plus difficiles à nutritionnelle (aliment inadapté) : le traitement consiste à
étudier chez les rongeurs que dans de grandes espèces, niveler les dents atteintes.
bien qu’on trouve des signes similaires. Une étude des
Les défauts de l’environnement (chaleur, NH3,
lésions (nécropsie) et/ou des examens in vitro (sérologie,
humidité..), provoquent des troubles divers, à la fois parce
bactériologie, hématologie) doit le plus souvent confirmer qu’ils peuvent affecter directement les tissus et la
l’hypothèse établie selon la clinique. physiologie et parce qu’ils sont facteurs de stress. On note
L’aspect général et la posture (poils hérissés, léthargie, ainsi des troubles de la fécondité et des altérations
douleur, ataxie, boiteries, voussements et contractions…) rétiniennes liées à un éclairement trop fort, surtout chez les
doivent être soigneusement examinés. Il faut rechercher individus albinos (attention à l’intensité lumineuse dans les
pièces d’hébergement et à l’utilisation des lampes de
tout écoulement ou hypersécrétion muqueuse anormale
paillasse).
(diarrhée, sécrétions nasales ou lacrymales…), observer et
palper l’animal pour rechercher des anomalies (tumeur, On décrit chez les rongeurs des tumeurs (tumeurs
lésion ou plaie, ascite…) et examiner les fécès. On peut mammaires, leucémies…), des lésions dégénératives
également analyser la respiration (dyspnée, éternuements, (glomérulonéphrites, hépatites…), des maladies auto-
reniflements…), et surveiller le poids et la consommation immunes (diabète…) et des anomalies de la reproduction :
d’aliments et d’eau. leur fréquence peut être très élevée dans certaines lignées
murines, et doit être prise en compte par les
expérimentateurs, surtout chez des animaux âgés1. De
Maladies non infectieuses nombreuses lignées murines sont atteintes de maladies
génétiques (animaux diabétiques, myopathes…), utiles
Etant donné qu’il existe maintenant des aliments comme modèles expérimentaux, mais qui peuvent poser
adaptés aux rongeurs de laboratoire et que l’aliment est des problèmes spécifiques d’hébergement et d’élevage.
distribué ad libidum, les problèmes nutritionnels sont liés
La plupart des rongeurs étant nocturnes, ils recherchent
le plus souvent à des altérations des aliments (mauvaise
le calme durant la journée et peuvent souffrir d’être
conservation, autoclavage réitéré…) : avitaminoses,
souvent dérangés. Les souris présentent souvent des
mycotoxicoses. Le problème principal avec l’alimentation
problèmes comportementaux et sociaux : bagarres (plaies
est de standardiser la composition, pour éviter des biais et mutilations), stress et hyperactivité (usure des pattes et
expérimentaux. Il est nécessaire d’effectuer une transition museaux contre les grilles, « barbering »…), anomalies des
progressive en cas de changement alimentaire, sous peine soins aux jeunes (cannibalisme ou abandon…). Bien que
d’observer des troubles digestifs, généralement ces problèmes soient plus fréquents dans certaines
passagers. Les rongeurs ont des incisives à croissance lignées, on constate une grande influence du bruit et des
continue, et l’aliment doit assurer également un rôle pratiques zootechniques (effectif trop élevé par cage,
d’usure. Les malocclusions dentaires, responsables de fréquence inadaptée de nettoyages de cages,
dénutrition, de déshydratation et de lésions buccales, regroupement d’individus à l’âge adulte, stress des
peuvent avoir une origine génétique, traumatique ou mères..).
1
cf bases de données du Jackson Institute (http://www.jax.org/resources/mouse_resources.html )
Figure 2 - Lymphome chez une souris (photo : Dr Ronald Charbonneau, Université de Laval)
4
« Parasites of Laboratory Animals » D.Owen Laboratory Animals HandBook 12. 1992, 170p, ISBN1-85315-159-9
5
« Le traitement des ectoparasitoses des rongeurs et des lagomorphes par les avermectines » L. Houdre Thèse vétérinaire de
Nantes 2003 http://wwwbibli.vet-nantes.fr/theses/2003/houdre3-20/frame.htm
6
“Detection and clearance of Syphacia obvelata infection in Swiss Webster and athymic nude mice” C.L. Clarke et al,
Contemp Top Lab Anim Sci. 2004, 43(3):9-13.
7
«Effective eradication of pinworms (Syphacia muris, Syphacia obvelata and Aspiculuris tetraptera) from a rodent breeding
colony by oral anthelmintic therapy. » L. Zenner, Lab Anim. 1998, 32(3):337-42.
8
« Early events in the life cycle of the mouse coccidium Eimeria falciformis (Eimer, 1870, Schneider, 1875) in naive and immu-
ne hosts » G. Korenkova G and M. Pakandl Parasite. 2004,11(3):333-9
(a) (b)
(c)
Figure 4 - Infections des rongeurs : a) conjonctivite, b) torticolis, signe fréquent d’une infection de l’oreille
interne (photos de la collection Yves Richard & Henri Maurin-Blanchet)
(a) (b)
9
« Natural pathogens of laboratory mice, rats, and rabbits and their effects on research » Baker DG Clin Microbiol Rev. 1998
Apr;11(2):231-66 (http://cmr.asm.org/cgi/content/full/11/2/231?view=full&pmid=9564563 ) et « Infectious Diseases of Mice
and Rats » 1991, Committee on Infectious Diseases of Mice and Rats, Institute of Laboratory Animal Resources, Commission
on Life Sciences, National Research Council, 415 pages, National Academic Press ISBN 0-309-06332-9
(http://www.nap.edu/books/0309063329/html/index.html)
Les inoculations expérimentales ont permis de d’infections naturelles (ils sont cependant
caractériser le pouvoir pathogène et de responsables de nombreux biais expérimentaux,
développer les outils nécessaires à leur en particulier en cancérologie). De même en ce
dépistage. Certains de ces agents pathogènes qui concerne les adénovirus11 et les
des rongeurs, quasi absents des animaleries
cytomegalovirus (sauf chez les cobayes qui y sont
actuelles, ont été utilisés comme modèles
plus sensibles), et le calicivirus récemment
d’infections apparentées de l’homme (TMEV, K
découvert chez la souris : murine norovirus 112.
virus, réovirus…), en cancérologie (MMTV, MuLV)
et en immunologie (mouse thymic virus). Bien Des infections bactériennes classiquement
que de nombreux parvovirus aient été décrits décrites sont devenues maintenant très rares
chez les rongeurs, ils ne sont pas responsables chez les animaux de laboratoire (mais on trouve
de signes cliniques chez les adultes lors encore des cas chez les rongeurs sauvages).
10
« Parvovirus infections of mice and rats » R O. Jacoby and L J. Ball-Goodrich Seminars in Virology, 1995, 6(5):329-337 et
« Rodent parvovirus infections » RO. Jacoby et al, Lab Anim Sci. 1996, 46(4):370-80
11
« Acute respiratory infection with mouse adenovirus type 1 » JB. Weinber et al, Virology, 2005, 340(2) : 245-254
12
« STAT1-dependent innate immunity to a Norwalk-like virus » Karst SM et al, Science. 2003 Mar 7;299(5612):1575-8.
Epidémiologie des principales infections Des publications récentes ont montré que les
infections décelables par sérologie, ainsi que les
des rongeurs parasitoses, restent fréquentes dans les
L’épidémiologie des infections des rongeurs animaleries : elles atteignent près de la moitié
présente quelques particularités : des animaleries conventionnelles16, 17, (en
particulier MHV, MVM et TEMV..). Enfin, il faut
• Diversité de la sensibilité aux infections selon noter que les rongeurs domestiques (hamsters,
les lignées murines syngéniques (inbred). La base rats…) représentent une source non négligeable
de données du Jackson Laboratory14 et de très d’infections.
13
« Comparison of enzyme-linked immunosorbent and virus neutralization assays for the serology of reovirus infections in
laboratory animals. » H. Spijkers et al, Lab Anim Sci. 1990 (40/2):150-4 et « RT-PCR detection and nucleic acid sequence
confirmation of reovirus infection in laboratory mice with discordant serologic indirect IF assay and ELISA results » M.H.
Wright et al Comp Med. 2004 (54/4):410-7.
14
http://jaxmice.jax.org/info/index.html
15
« Transmission of murine viruses and mycoplasma in laboratory mouse colonies with respect to housing conditions. » FR.
Homberger et PE. Thomann, Lab Anim. 1994, 28(2):113-20.
16
« 10 year long monitoring of laboratory mouse and rat colonies in French facilities: a retrospective study » L. Zenner et J.P.
Regnault Lab Anim. 2000 Jan;34(1):76-83
17
« Risks of infection among laboratory rats and mice at major biomedical research institutions. » R.O. Jacoby and J.R.
Lindsey. 1998. ILAR J 39(4):266-71 (http://dels.nas.edu/ilar/jour_online/39_4/39_4Risks.asp)
18
http://www.ratbehavior.org/WildRatDisease.htm
19
« Parasites of wild brown rats (Rattus norvegicus) on UK farms. » J.P. Webster and D.W. Macdonald Parasitology. 1995
(111/3):247-255.
20
« Parasitological survey of rats in rural regions of Croatia » D. Stojcevic et al, Vet.Med.Czech, 2004 (49/3) :70-74
21
« Gastric spiral bacteria in wild rats from Italy » A.M. Giusti et al, J.Wildl.Dis 1998 (34/1) :168-172
22
« Population Structure of Rat-Derived Pneumocystis carinii in Danish Wild Rat » R.J. Palmer Applied and Environmental
Microbiology, November 2000 (66/11) : 4954-4961
23
« Lymphocytic choriomeningitis virus infection in a province of Spain: analysis of sera from the general population and wild
rodents. » L. Lledo et al J Med Virol. 2003 Jun;70(2):273-5
24
« Confirmed persistent mouse hepatitis virus infection and transmission by mice with a targeted null mutation of tumor
necrosis factor to sentinel mice, using short-term exposure » J.K. Pullium et al, Comp Med. 2003 Aug;53(4):439-43.
nombreux germes sont mis en cause, causant des les souris immunodéficientes sont assez proches
difficultés diagnostiques et thérapeutiques des problématiques nosocomiales.
Tableau 4 - Principaux pathogènes actuels des souris nude (nu/nu) et des souris nouveaux-nés
Infections respiratoires Pneumonia virus of mice (PMV), Sendai virus, Mycoplasma pulmonis,
des souris nude Pneumocystis carinii, Klebsiella pneumoniae, Streptococcus
pneumoniae, Streptocoques beta-hémolytiques, Pasteurella
pneumotropica26…
Infections digestives Citrobacter rodentium, Helicobacter hepaticus, Helicobacter bilis,
des souris nude Clostridium piliforme27, Giardia muris, Spironucleus muris,
Cryptosporidium sp, Escherichia coli pathogènes, mouse adenovirus
(M-Ad2)…
Infections cutanées Staphylococcus aureus (et autres staphylocoques opportunistes),
des souris nude Corynebacterium sp…
Infections systémiques Mouse cytomegalovirus, mouse adenovirus (M-Ad1), Pseudomonas
(cérébrales, hépatiques, aeruginosa, Proteus mirabilis, Mouse hepatitis virus (MHV),
articulaires, rénales, Encephalitozoon cuniculi…
génitales…) des souris nude
Infections des souris MHV (mortalité brutale ; atteinte cérébrale et/ou thymique), Mouse
nouveaux-nés (issues de parvovirus 1, Mouse minute virus, Kilham’s rat virus, rotavirus (EDIM,
mères compétentes IDIR), Clostridium piliforme, Spironucleus muris, oxyures, LCMV,
infectées) mouse adenovirus (entérite due à M-Ad2).
On peut noter que de nombreux protocoles d’infection expérimentale
(recherche ou diagnostic) utilisent l’inoculation aux souris nouveaux-nés
(rage…) en raison de leur grande susceptibilité.
Les éleveurs, mais aussi les expérimentateurs les mères sont immunes, les jeunes sont alors
qui utilisent des rongeurs gestants (y compris protégés à la naissance et développeront une
dans les unités de transgénèse) sont confrontés maladie atténuée au moment du sevrage.
aux agents d’infertilité et de maladies
néonatales, souvent véhiculés de façon De nombreuses stratégies de suivi sanitaire
asymptomatique par les adultes. La prévention sont possibles : l’harmonisation des pratiques de
des infections chez les souris en reproduction dépistage chez les rongeurs a fait l’objet d’un
doit viser 2 groupes de pathogènes : groupe de travail FELASA dont les
recommandations ont été publiées en 1993,
• Ceux qui affectent la fécondité des
1996 puis en 200228. Toutefois, ces
animaux et provoquent des mortalités
recommandations doivent être adaptées au
embryonnaires (étant donnée la courte durée de
contexte local. Le niveau d’exigence, en
gestation des rongeurs, les résorptions
particulier pour les bactéries opportunistes et les
embryonnaires sont plus fréquentes que les
protozoaires, doit être modulé en fonction des
avortements) : Sendai virus, parvovirus...
besoins expérimentaux. Grâce aux efforts
• Ceux qui affectent les nouveaux-nés et les d’éradication entrepris depuis les années 1980,
jeunes au sevrage (MHV, agents de gastro- certains agents sont maintenant devenus
entérites..). Paradoxalement, les troubles graves exceptionnels (agents des zoonoses, Theiler’s
s’observent en cas de contamination d’élevages murine encephalomyelitis virus, Clostridium
protégés, car aucun anticorps d’origine piliforme27, K virus, mouse polyomavirus, mouse
maternelle ne protège alors les jeunes ; lorsque thymic virus…).
25
« Outbreak of otitis media caused by Burkholderia gladioli infection in immunocompromised mice ». P.L. Foley et al, Comp
Med. 2004, 54(1):93-9.
26
« Reclassification of 30 Pasteurellaceae strains isolated from rodents » R. Boot R et M. Bisgaard Lab Anim. 1995, 29(3):314-9.
27
Agent de la maladie de Tyzzer, rare actuellement (auparavant décrit comme une cause d’entérites graves des rongeurs)
28
« FELASA Recommendations for the health monitoring of rodent and rabbit colonies” Laboratory Animals 2002,36
http://www.lal.org.uk/pdffiles/LAfel2.PDF
La plupart de ces infections sont asymptomatiques chez les rongeurs adultes (avec quelques
exceptions : le virus de la lymphochorioméningite virale peut être mortel chez la souris infectée à
l’âge adulte..).
Les mesures de biosécurité prises dans les élevages rendent ces zoonoses exceptionnelles chez les
rongeurs de laboratoire ; néanmoins le risque zoonotique existe à partir des rongeurs sauvages.
Attention : l’hébergement des rongeurs avec des individus infectés d’autres espèces animales (lapins,
carnivores..) peut occasionner leur contamination et majorer le risque zoonotique (Francisella
tularensis, Taenia/Cysticercus/Echinococcus, Toxoplasma gondii.).
29
http://www.phac-aspc.gc.ca/msds-ftss/ (Agence de Santé Publique du Canada)
30
La principale source d’infection humaine est citée entre parenthése dans le cas où un groupe d’espèce cible est indiqué.
31
Les infections asymptomatiques ou subcliniques sont fréquentes
32
“Small mammals (Insectivora, Rodentia) as a potential source of chlamydial infection in East Slovakia.” L. Cislakova et al, Ann
Agric Environ Med. 2004,11(1):139-43.
33
Zoonotic aspects of giardiasis: a review.“ W. Kasprzak et al, et Parasitol. 1989, 32(2-3):101-8.
34
http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/ll/leptospira.html
(a)
3- ouverture de l'uterus et sélection des nouveaux- 4-adoption des nouveaux-nés par une femelle de
nés viables statut sanitaire défini, synchronisée
(b)
• « Natural pathogens of laboratory mice, rats, and rabbits and their effects
on research » D.G. Baker, Clin Microbiol Rev. 1998, 11(2):231-66