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CHAPITRE 2

Introduction à l'entomologie
médicale et vétérinaire
Vincent Robert

Un ouvrage d'entomologie médicale et vétéri- que Patrick Manson mène sur son jardinier
naire se doit d'être une aide pour : (l) le atteint de filariose et porteur de microfilaires.
taxonomiste, appelé à identifier les arthropodes Les moustiques gorgés nuitamment sont dissé-
vecteurs et nuisants ; (2) l'épidémiologiste, qués, ce qui lui permet de suivre les étapes du
concerné par les questions de santé associées développement du parasite, dans l'estomac, puis
aux arthropodes et aux agents infectieux trans- dans la cavité abdominale et enfin dans les
mis; (3) l'hygiéniste, chargé de la lutte contre muscles thoraciques du moustique. Le parasite
ces arthropodes. augmente de taille et développe une bouche et un
En d'autres termes, cet ouvrage ambitionne canal alimentaire. En contraste, les microfilaires
d'apporter des éléments de réponses aux trois non ingérées par un moustique périclitent rapi-
questions fondamentales de l'entomologie dement. Il devient dès lors clair qu'un organisme
médicale et vétérinaire: quel est l'arthropode déjà connu pour parasiter l'Homme parasite
qui nous préoccupe? Est-il une nuisance et/ou également un autre hôte, le moustique. Peu après,
un vecteur? Quelles sont les méthodes de lutte en 1879, il observe la surprenante présence de
envisageables? microfilaires dans le sang circulant dans la peau
des patients pendant la nuit, alors que ces micro-
maires n'y sont pas observées pendant la journée,
UNE DISCIPLINE SCIENTIFIQUE Cela renforce l'hypothèse de l'intervention d'un
RÉCENTE vecteur hématophage (i.e. qui se nourrit de sang)
L'entomologie médicale en tant que discipline et dont l'activité de piqûre est nocturne.
scientifique est née en 1877. Patrick Manson, Ces découvertes ont constitué une avancée
médecin écossais alors praticien sur la côte considérable pour comprendre la transmission
Sud-Est de la Chine, a l'intuition que le mous- d'infections parasitaires. Manson suppose
tique Culex quinquejasciatus intervient dans la alors d'une part que le moustique infecté meurt
transmission de la filaire de Bancroft, alors qu'il aussitôt après la ponte de ses œufs en libérant le
réalise une série d'observations le convainquant parasite dans l'eau et d'autre part que l'Homme
de l'existence d'un lien causal entre la filaire et s'infecte selon un mécanisme inconnu, peut-être
son signe clinique le plus évident, l'éléphantiasis. en buvant l'eau et le parasite ; mais ces deux
L'intervention d'un moustique dans la transmis- suppositions devaient s'avérer inexactes. En
sion interhumaine est ultérieurement confirmée effet, le moustique femelle prend plusieurs repas
par les expériences de gorgement de moustiques de sang au cours de sa vie, et le parasite est libéré

37
Entomologie medlcafe el vetérinairl!

lors de la piqüre du moustique infecté. Ces deux Comme son nom l'indique, l'entomologie
traits de vie sont mis en évidence quelques médicale et vétérinaire constitue une partie de
annl'es plus tard en 1904 en Australie par l'entomologie, science des insectes, que l'on
Thomas Lane Bancroft (fils de Joseph Bancroft, peut subdiviser de la façon suivante.
découvreur en 1876 du ver adulte de la filaire L'entomologie médicale et vétérinaire est concer-
éponyme), utilisant comme modèle animal une née par le rôle joué par les insectes en tant que
filariose du chien. Avec le recul, il semble logique nuisances et surtout par leur rôle de vecteurs
que la fondation de l'entomologie médicale soit d'agents de maladies humaines et animales. Ce
intervenue dans le contexte où évoluait Patrick domaine inclut l'étude des arthropodes en contact
Manson, pour plusieurs raisons illustrant ['intri-
avec l'Homme, ses animaux domestiques et la
cation entre entomologie, médecine, parasitologie
faune sauvage. Ex. : moustiques, poux, puces ...
et zones tropicales: le découvreur était lui-même
L'efficacité de la lutte menée est parfois estimée
médecin tropicaliste et hygiéniste, le parasite était
en termes purement entomologiques (par
relativement gros (aisément visible au microscope,
exemple en termes de réduction de la densité de
en tout cas beaucoup plus grand que bactéries
vecteurs, ou de leur potentiel de transmission),
ou virus), et le vecteur était un moustique (vu
mais plus communément en termes de santé
l'importance de la famille des moustiques dans
publique avec au premier rang la morbidité et la
la transmission vectorielle).
mortalité. L'entomologiste médical et vétérinaire
apporte son expertise dans le domaine des
LES G ANDS DOMAINES arthropodes impliqués dans les questions de
DE l'ENTOMOLOGIE santé. Par ex.tension, conséquence de la proxi-
mité zoologique, l'entomologiste médical ne se
La grande majorité des arthropodes vit sans
limite pas aux seuls arthropodes Hexapoda -
contact avec l'Homme ou avec ses animaux
autre appellation des insectes - d'intérêt médical
domestiques et de ce fait ne relève pas de l'en-
et vétérinaire. II est aussi appelé à considérer les
tomologie médicale ou vétérinaire (fig. 2.1).
acariens (dont font partie les tiques) et d'autres
arthropodes terrestres comme les araignées et les
scorpions qui posent le mème genre de questions
de santé. La santé est ici prise dans son acception
large, telle que reprise par l'OMS, désignant un
complet état de bien-être; cette définition va bien
au-delà de la définition restrictive se limitant à
l'absence de troubles ou de douleurs en lien avec
des maladies.
L'entomologie agricole a pour objet la protection
des cultures et la lutte contre les ravageurs:
récoltes, gazons, plantes ornementales, arbres
sont abondamment détruits ou détériorés par
de nombreux insectes contre lesquels il convient
de lutter. L'aide à la pollinisation relève égaIe-
ment de l'entomologie agricole. Ex. : criquets
Figuœ 2.1 - La grande majorité des insectes
ne relève pas du champ de l'entomologie médicale migrateurs, chenilles mineuses, mouches des
et vétéri nai re. fruits, abeilles ... Son efficacité est parfois estimée
lei un papillon demi-deuil Melanargia galathea L. en termes purement entomologiques, mais plus
appartenant à la famille des Nyrnphalidae, butinant communément en volume ou tonnage de
une inflorescence de chardon.
, IRI)fIl Robert récoltes préservées.

38
Introdutlion a l'enJomoloqle medlcale el ve ellnalre

L'entomologie de muséums est en charge du L'entomologie de conservation s'intéresse à tous


recensement des espèces connues, de la descrip- les insectes. Cet ensemble constitue le plus
tion d'espèces nouvelles pour la science et de la abondant des groupes biologiques en ce qui
préservation des types. La collection de référence concerne le nombre d'espèces. Maintenir au
est au cœur de ses activités. Les muséums de plus haut la biodiversité des insectes est extrê-
Paris, Londres, Chicago et Washington, pour mement important pour la gestion des
n'en citer que quelques-uns, sont mondialement écosystèmes. Cet ambitieux objectif dépasse le
réputés. Ils jouent un rôle crucial dans le dépôt cercle des professionnels et ne pourra être
et la conservation des types. Mais certaines atteint qu'en associant tous les entomologistes
collections d'entomologie médicale et vétérinaire - notamment les amateurs - et les naturalistes
sont hébergées dans des instituts qui ne sont passionnés par la préservation de la biodiversité
pas nécessairement dédiés à la muséologie. Le et de l'environnement.
centre IRD de Montpellier, par exemple, L'entomologie militaire est principalement en
héberge la collection ARIM, ARthropodes prise avec la protection des forces militaires
d'Intérêt Médical et vétérinaire, qui est la contre les insectes et les agents de maladies
deuxième collection d'Europe pour le nombre qu'ils transmettent. En cela, elle est proche de
de spécimens et d'espèces d'intérêt médical, l'entomologie médicale, mais elle est aussi
après celle de Londres mais avant celle de Paris impliquée dans les aspects d'armes biologiques
(voir chap. 8). et de bioterrorisme.

Sciences du vivant
Entomologie, Parasitologie
Zoologie. Biologie,
Microbiologie (Virologie, Bactériologie)
Médecine (humaine et vétérinaire)
Épidémiologie, Pharmacie, Génétique, Physiologie
Écologie, Éthologie
Agriculture (irrigation, maraichage)
Développement, Évolution

Sciences humaines Sciences


et sociales de la matière

Sociologie (lutte collective) Pédologie


Démographie (mortalité) Chimie (médicaments, insecticides)
Géographie (organisation de l·espace. habitat, urbanisme) Climatologie
Histoire (des sciences, des civilisations)
Économie (ressources des populations)
Oroit (lois et réglements)

Figure 2.2 - Positionnement de l'entomologie médicale el vétérinaire dans le champ des sciences.

39
EntomologIe medicale et veterinaire

L'entomologie médico-légale apporte une aide à dits" nuisants » (ou pathogènes par eux-
l'élucidation d'affaires criminelles, en particulier mêmes) et les arthropodes dits « vecteurs»
pour la datation du décès sur les cadavres (voir (impliqués dans la transmission d'agents infec-
infm). tieux).
Enfin, l'entomologie joue un rôle comme support
d'autres sciences du vivant. Ici, l'insecte n'est pas Éléments de définition
un objet d'étude en soi, mais il est utilisé comme d'un arthropode nuisant
moyen pour faire progresser une problématique
scientifique débordant largement le cadre de
La nuisance
l'entomologie. Par exemple, la drosophile est un La notion de nuisance découle du désagrément
matériel biologique fondamental en génétique. - voire de la gêne extrême - occasionné par la
L'étude des punaises hématophages du genre présence parfois accidentelle d'un ou plusieurs
Rhodnius a été d'un apport considérable en arthropodes (fig. 2.3). Ainsi, un petit coléoptère
physiologie des invertébrés. se régalant de pollen sur une fleur fournit un bien
joli spectacle; le même coléoptère fourvoyé dans
D'autres utilisations d'insectes, sans constituer
un canal auditif martelant le tympan constitue
un domaine particulier de la science, méritent
une nuisance à la limite du supportable.
une mention. Ainsi, des asticots de mouche sont
utilisés avec un certain succès en médecine
sous l'appellation d'" asticot-thérapie» comme
agents nettoyants et anti-bactériens sur des
plaies récalcitrantes à la cicatrisation.
Cette présentation tente de distinguer des
grands domaines dans le champ de l'entomolo-
gie, mais ne délimite en rien des secteurs
étanches. Au contraire, chaque science dialogue
en permanence et en réseau avec les autres.
L'entomologie médicale, science de l'interface
entre les arthropodes (essentiellement insectes
et tiques) et la santé de l'Homme et des ani-
maux, ne fait pas exception. Elle trouve une
place dans la zone de partage entre les sciences
du vivant, les sciences humaines et sociales et Figure 2.3 - Les animaux domestiques
sont l'objet d'une nuisance considérable.
les sciences de la matière (fig. 2.2).
Ici, des mouches sur un cheval.
(0 IRDN. j{nl,nl

ARTHROPODES D'IMPORTANCE
MËDICO·VÉTËRINAIRE La densité de l'insecte est également à prendre
en compte. Une piqûre isolée d'un moustique
Les insectes d'intérêt médical et vétérinaire sont est un non-événement, sans commune mesure
très minoritaires parmi le vaste ensemble des avec les nuées de moustiques agressifs que l'on
insectes. Le tableau 2.1 donne un aperçu de peut rencontrer dans les zones nordiques au
cette situation. début de l'été ou dans certaines îles tropicales
Les insectes, en général, vivent pour leur propre en saison des pluies (fig. 2.4). De même, le pre-
compte, et sont parfaitement inoffensifs pour mier pou arrivant sur une tête ou la première
l'Homme ou les animaux. Il existe toutefois de blatte arrivant dans une cuisine passent inaper-
nombreuses exceptions qui font l'objet du pré- çus, alors que leur pullulation devient
sent ouvrage, où l'on distingue les arthropodes rapidement intolérable.

40
Introduction à l'entomologie medlcale et veterinaire

Tableau 2.1 - Principaux ordres du sous-embranchement des Hexapoda


et importance médicale et vétérinaire.

Classes Sous-classes Ordres Exemples Importance


médicale
Protura
-------------

Diplura

CollemboLa Collemboles

Insecta Dlcondylia Zygentoma Poissons d'argent

HétérométaboLes Ephemeroptera Éphémères


ou hémlmétaboLes
(Exoptérygotes)

Odonata Libellules

PJecoptera

GryllobLatodea

Orthoptera Sauterelles, grillons

Phasmlda Phasmes

Dermaptera Perce-oretlles

Embioptera

Dlctyoptera

Isoptera Termites

Zoraptera

Psocoptera

Mallophaga Poux des oiseaux ++

Phthtraptera Poux +++

Hemlptera Pucerons, punaises +++

Thysanoptera

HolométaboLes Nevroptera Fourmls-hons


(Endoptérygotes)

Coleoptera Coccinelles, bousiers, charançons +

Strepsiptera

Mecoptera

Siphonaptera Puces +++

Diptera Mouches, moustiques, taons ++++

Lepidoptera Papillons +
Hymenoptera Abeilles, fourmis +
Tricoptera

41
Entomologie médicale et veterinaire

de l'hôte sont la cause de ce que l'on appelle


myiases; lorsque l'asticot de stade 3 sort spon-
tanément du tégument de son hôte vertébré (un
rat, un chien, un Homme, etc.) et se laisse tomber
au sol pour effectuer sa pupaison, l'infestation
douloureuse accompagnée d'adénopathies
satellites régresse aussitôt (voir chap. 19).

NUisance speCifiquement liee


au substances ven"meuse
En dehors des espèces hématophages et tissu-
laires, certains arthropodes induisent une autre
forme de nuisance liée à leur appareil venimeux
Figure 2.4 - Lorsque la nuisance culicidienne spécialisé. Ils relèvent de cinq groupes princi-
est importante, plusieurs milliers de moustiques
paux.
peuvent être collectés par un seul piège en une nuit.
Ici collecte au piège lumineux COC dans l'Île Les araignées et les scolopendres injectent de la
J'Aldabra aux Seychelles en saison des pluies. salive digestive par les forcipules (paire de cro-
IRDN. Rul><r1
chets, modification de la première paire de
pattes, située au voisinage de la cavité buccale).
On parle de nuisance lorsqu'il y a atteinte à la Les scorpions possèdent un dernier segment
santé. Ainsi, beaucoup d'arthropodes se nour- abdominal avec une paire de glandes à venin.
rissent de sang, on dit qu'ils sont hématophages. Ce segment porte un telson en forme d'ai-
En cas de forte agressivité, la quantité de sang guillon. Le venin est ordinairement un liquide
prélevé peut se révéler significative; dans des cas neurotoxique particulièrement efficace contre
extrêmes, la spoliation sanguine peut entraîner les autres arthropodes qui constituent les proies
une anémie sévère, voire la mort (voir chap. 13). habituelles des scorpions. Ces derniers se nour-
Une autre conséquence de l'hématophagie est rissent uniquement de proies vivantes qu'ils
l'injection de salive par l'arthropode dans l'hôte paralysent à l'aide de leur venin pour les plus
vertébré au moment du repas de sang. Cette grandes, ou maintiennent solidement entre leurs
salive est ordinairement innammatoire et pinces. Les piqûres innigées à l'Homme sont
immunogène, elle peut déclencher des réactions interprétées comme des actes de défense. Des
incluant de graves allergies. Tous les arthropodes espèces dangereuses sont fréquentes au Sahara.
peuvent se révéler allergisants, mais rarement À titre d'exemple, selon les statistiques du
Jusqu'à provoquer un problème de santé ministère de la Santé algérien en 2006, sur
publique. Toutefois les acariens présents dans 45 391 personnes piquées par des scorpions,
les poussières de maison ou leurs cadavres 62 sont mortes.
peuvent être à l'origine de fréquentes allergies Les femelles adultes d'hyménoptères comme les
respi ratoi res. abeilles, guêpes, frelons, bourdons piquent avec
Parfois, l'arthropode nuisant est lui-même un un dard rétractile situé à l'extrémité de J'abdomen.
pathogène, puisqu'il est la cause des manifesta- Les piqûres d'hyménoptères causent une quin-
tions pathologiques. Par exemple, l'acarien zaine de décès par an en France, qui concernent
sarcopte est l'unique cause d'une gale cutanée; principalement des personnes allergiques (soit
le traitement de la maladie passe par l'élimination LIn nombre nettement supérieur aux décès par
du sarcopte. Les asticots de certaines mouches, morsures de vipères).
tel Je ver de Cayor Cordylobia anthropophaga, De nombreux arthropodes utilisent leurs pièces
qui se développent aux dépens de divers tissus buccales et leur salive pour se défendre

42
IntroduCllon a l' n omolog,e mi!dica el v -r nai'l!

lorsqu'on les saisit, et infligent de douloureuses


piqüres. C'est le cas d'hétéroptères comme les
punaises prédatrices ou suceuses de sève.
Enfin, le dernier groupe est constitué d'insectes
urticants, vésicants et allergisants. Les chenilles
urticantes de papillons présentent des soies dif-
férenciées en minuscules harpons dont la cavité
centrale est remplie d'un venin très allergène. La
chenille processionnaire du pin présente ces
caractéristiques, et son aire de distribution est
actuellement en pleine expansion, notamment
en Île-de-France. En Guyane française, la
femelle d'un papillon de nuit, Hylesia metabus,
possède des écailles abdominales remplies d'un
Figure 2.5 - Exemple de vecleur choisi parmi
venin allergène. Ces écailles se détachent en les moustiques anophèles: Anopheles gambiae,
permanence, si bien que le contact avec J'insecte vecteur de Plasmodium, agent du paludisme.
n'est pas nécessaire: être survolé par ce papillon II< f)/N. 1<.11101a

suffit à déclencher des réactions cutanées. Lors


des pullulations de ce papillon attiré par la
lumière, en particulier par J'éclairage domes-
tique ou public, toute activité nocturne des Qui est vecteur?
habitants est fortement compromise, si elle n'est On désigne par vecteur potentiel un vecteur
pas abritée à l'intérieur des habitations. putatif, voire probable. Cette dénomination se
démarque de vecteur avéré qui implique que le
Définition statut de vecteur a été préalablement établi.
d'un arthropode vecteur Plusieurs approches sont envisageables pour
Nuisance ou pathogénie résultent de J'arthro- attribuer ou non le statut de vecteur à une
pode lui-même (ou de sa piqûre). En revanche, espèce d'arthropode.
la notion de vecteur implique l'existence d'un Par expérimentation, dans un insectarium ou
acteur supplémentaire, qui est l'agent infectieux dans une enceinte confinée, on peut démontrer
transmis. Le terme vecteur vient du latin vector, qu'un arthropode est un vecteur expérimental
« celui qui traîne ou qui porte ». L'usage français susceptible d'assurer la transmission d'un agent
de ce terme est originellement mathématique: infectieux, sous telle ou telle condition environ-
segment de droite orienté dans un référentiel nementale, plus ou moins artificielle. Cela
donné. Cet usage, qui désigne à la fois un mou- constitue une observation importante, mais
vement et un point à atteindre, se retrouve bien insuffisante pour emporter la conviction que,
dans J'acception biomédicale, relativement dans les conditions naturelles, l'espèce en cause
récente en français (fig. 2.5). est bien vecteur naturel. Pour les pathogènes
strictement humains, il n'est pas possible actuel-
En biologie, il y a trois définitions qui ont cours
lement d'expérimenter, pour d'évidentes raisons
pour les vecteurs. Le problème est qu'elles dési-
éthiques. Dans certains cas, J'existence de
gnent des notions sensiblement différentes
modèles animaux comparables peut fournir des
(encadré 2.1.). En pratique, il est indispensable
comparaisons éclairantes, mais la validité d'un
de préciser la définition à laquelle on se réfère
modèle animal se doit d'être discutée.
lorsque J'on utilise le terme « vecteur ». Sauf
mention explicite, la deuxième définition sera Les isolements d'agents infectieux réalisés à
acceptée dans le présent ouvrage. partir d'arthropodes collectés dans la nature

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Entomologie médicale et vétérinaire

,~--~~--~~-~----~~~~~-~~~ ~~-~----~~----~ - ~-~------~ -~~---

Encadré 2.1. Les trois définitions d'un vecteur


1 - Une première définition inclut tout organisme qui intervient dans la transmission d'un agent
infectieux.
Elle désigne un ensemble vaste et hétérogène incluant par exemple les cafards et les mouches trans-
portant passivement sur leurs pattes souillées toutes sortes de bactéries, les punaises triatomes
évacuant dans leurs fèces les trypanosomes agents de la maladie de Chagas et les anophèles déposant
la filaire de Bancroft sur la peau de l'Homme au voisinage de la piqûre. Les hôtes intermédiaires tels
que les crustacés copépodes, hôtes intermédiaires obligatoires de la filaire de Médine, agent de la
dracunculose (voir chap. 26), sont aussi concernés, tout comme les mollusques, hôtes intermédiaires
obligatoires de schistosomes, agents des bilharzioses.
Cette définition accepte aussi les sangsues, comme vecteurs de parasites de poissons, grenouilles
ou tortues, les chiens et les chauves-souris vampires, comme vecteurs du virus de la rage qu'ils
transmettent par morsure, les rats, comme vecteurs de leptospires, et même les oiseaux, comme
vecteur du virus de l'influenza, agent de la grippe aviaire.
Cette définition, délibérément rassembleuse, est en partie reprise par l'OMS (2014) pour qui « les ,
vecteurs sont des organismes vIvants qui peuvent transmettre des maladies infectieuses entre '
Hommes, ou des animaux aux Hommes ». Pour l'OMS, les schistosomoses (ou bilharzioses) font partie
des maladies à vecteurs. On notera l'approximation de langage dans cette définition où les maladies
semblent pouvoir être transmises; pourtant, il est indiscutable que c'est bien l'agent infectieux qui est
transmis, et non la maladie. Mais il est vrai que l'usage admet l'appellation « maladies transmissibles»
pour désigner de nombreuses maladIes infectieuses.

2- Une deuxième définition, qui a notre préférence, désigne tout arthropode qui assure la transmission
active d'un agent infectieux.
De fait, cette définition est plus restrictive que la précédente. Elle concerne les seuls insectes et
acanens. La notion de transmission active impose que le vecteur, par son comportement, augmente
la probabilité de rencontre entre un agent infectieux et un vertébré; à titre d'exemple, c'est avant
tout le tropisme orienté du moustique vers l'Homme, pour le piquer, qui fait du moustique un
vecteur.
Cette définition accepte les pucerons comme vecteurs des très nombreux virus de plantes; ils volent
vers la plante, piquent et transmettent (HÉBRARD et al., 1999).
En pratique, dans le domaine de l'entomologie médicale et vétérinaire cette définition concerne
exclusivement des insectes et acariens hématophages. La transmission peut être mécanique (sans
multiplication ou transformation de l'agent infectieux dans le vecteur) ou biologique (avec multI-
plication ou transformation de l'agent infectieux dans le vecteur). L'agent infectieux est pathogène
ou non. L'inoculation de l'agent infectieux par le vecteur à l'intérieur du vertébré est une éventualité,
mais n'est pas obligatoire; d'autres modes de transmission sont possibles.
Cette définition exclut les simples souillures d'arthropodes par divers agents infectieux. Mais certains
auteurs admettent comme vecteur les mouches non hématophages comme Musca domestica ou
M. autumnalis, qui transportent d'un œil de bovin à l'œil d'un autre des moraxelles entraînant des
kérato-conjonctivites infectieuses (voir chap. 27). Selon ces auteurs, c'est le comportement de la
mouche marqué par un tropisme pOSItif vers les yeux de vertébrés qui assure un transport actif, et
ces mouches peuvent donc être considérées comme des vecteurs mécaniques.
Cette deuxième définition exclut également la plupart des hôtes intermédiaires libérant passivement
dans l'environnement un agent infectieux tel que le mollusque et le crustacé cités en exemple dans
la définition précédente. Mais là encore, on peut admettre des exceptions comme M. domestica ou
encore Stomoxys calcitrans, hôtes intermédiaires d'Habronema sp. Le comportement des mouches

44
Introduction à l'entomologie medlcale et veterinaire

les amène vers les chevaux, qui les avalent et s'infectent avec ces helminthes (voir chap. 27). De
même pour la fourmi, hôte intermédiaire de la douve: c'est la modification de son comportement
par le parasite qui la fait se positionner en haut d'une herbe où elle sera ingérée par un mouton,
Ces exemples démontrent donc que les statuts d'hôtes intermédiaires et de vecteurs ne sont pas
nécessairement antinomiques.
3- Une troisième définition, à visée opérationnelle pour la lutte antivectorielle, a récemment été
introduite. Elle désigne comme vecteur « tout arthropode hématophage qui assure la transmission
biologique active d'un agent pathogène d'un vertébré à un autre vertébré » (FONTENILLE et al., 2009 ;
DUVALLET et DE GENTILE, 2012).
Cette définition impose que l'agent infectieux se développe ou se multiplie dans l'hôte vecteur. De ce
fait, elle est peut-être trop restrictive, car elle exclut les organismes (même arthropodes hématophages)
qui effectuent des transmissions mécaniques actives.

doivent être interprétés avec prudence. En Hématophagie


particulier, lorsqu'il s'agit d'arthropodes héma-
et salive d'insectes
tophages, il est tout à fait normal de retrouver
dans leur estomac tous les agents infectieux cir- Les vecteurs hématophages transmettent exclusi-
culants dans le sang ou la lymphe des hôtes vement des « parasites » dermiques, lymphatiques
vertébrés. Cette présence ne peut en aucun cas ou sanguins, le derme, la lymphe et le sang
constituer un argument définitif quant au statut représentant les seuls compartiments auxquels
de vecteur. En revanche, la survenue d'un déve- ils ont accès. Ainsi, les parasites intestinaux ne
loppement et/ou une multiplication de l'agent sont jamais transmis par l'intermédiaire d'un
infectieux constituent des arguments plus vecteur.
solides. L'ingestion de sang présente bien des avantages,
Il convient également de considérer qu'une car l'msecte absorbe une nourriture liquide,
espèce d'arthropodes peut être vecteur avéré riche en eau et en nutriments. En revanche, elle
dans une partie de son aire de distribution, et impose de nombreuses contraintes auxquelles
non-vecteur dans une autre. Des variations la salive des insectes hématophages répond par
génétiques locales, à l'échelle des populations, trois fonctions principales: elle est anticoagu-
amènent là encore à considérer la population, lante, vasodilatatrice et anti-intlammatoire
plus que l'espèce, comme l'échelle pertinente (FONTAINE et al., 2011).
pour caractériser le rôle vecteur. Il s'agit avant tout de s'opposer à la coagulation
Au final, c'est sur un faisceau d'arguments que et, de fait, toutes les salives d'hématophages sont
se constrUit la conviction du rôle vecteur. La anticoagulantes. L'importance de l'enzyme sali-
transmission expérimentale apporte des élé- vaire apyrase pour inhiber l'agrégation
ments irremplaçables. L'isolement répété de plaquettaire sanguine a été montrée chez les
l'agent infectieux à partir d'arthropodes collectés moustiques. Des antithrombines salivaires ont
dans la nature en apporte d'autres. L'apprécia- aussi été identifiées dans l'inactivation d'enzymes
tion de l'intimité et de la fréquence des contacts sanguines de coagulation.
entre arthropodes et hôtes vertébrés, directe- D'autres fonctions répondent à l'impératif pour
ment liées à la biologie de l'arthropode, fournit l'insecte de se gorger en un laps de temps aussi
de solides arguments complémentaires. Enfin, court que possible pour minimiser la vulnéra-
l'existence de vertébrés réceptifs complète bilité aux réactions de l'hôte vertébré lors de la
l'ensemble. pnse de repas sanguin. Des enzymes salivaires

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Entomologie médicale et vétérinaire

vasodilatatrices accroissent le flux de sang au important dans l'établissement d'une infection


site de piqûre, permettant ainsi de réduire la par Leishmania (ROHOUSOVA et VOLF, 2006).
durée du repas.
Enfin, pour contrebalancer le caractère hautement Distinction nuisant-vecteur
immunogène de la salive, des composés immu- Lorsqu'un arthropode présente un intérêt médi-
nomodulateurs tels que des antihistaminiques cal et vétérinaire, dans la grande majorité des
salivaires agissent comme anti-inflammatoires, cas, il est à la fois nuisant et vecteur. Mais il
réduisant la réaction de l'hôte à la salive et donc arrive qu'un arthropode initialement nuisant
la probabilité que l'insecte soit détecté par l'hôte devienne vecteur par la suite. Par exemple Aedes
au cours du repas de sang. La réaction immune albopictus, moustique nuisant dans l'île de la
de l'hôte à la salive fait l'objet de nombreuses Réunion, est devenu vecteur lorsque le virus du
recherches (DOUCOURÉ et al., 2014). chikungunya y a été introduit. Dans cette occur-
Ces propriétés de la salive sont cruciales chez rence, le moustique n'a évidemment rien perdu
l'hôte vertébré dans les vaisseaux sanguins et! ou de son pouvoir de nuisance. Cet exemple illustre
dans les lésions sanglantes pratiquées par les qu'un nuisant en présence d'un agent infectieux
stylets vulnérants. Mais la salive mélangée au peut devenir vecteur, au moins momentanément
sang à l'extrémité distale du canal salivaire lors d'une épidémie. En contraste, dans un petit
joue aussi un rôle essentiel une fois ré-ingérée nombre de cas, la fonction de vecteur peut
à l'intérieur de l'insecte. D'une part, sa fonction s'exercer de façon inapparente, sans aucune
anticoagulante persiste pour éviter l'obstruction nuisance. C'est par exemple le cas dans les
du canal alimentaire ou de l'œsophage pendant borrélioses à tiques ou fièvres récurrentes,
le repas de sang. D'autre part, sa fonction diges- transmises nuitamment à une personne endor-
tive se manifeste par l'activité d'enzymes mie par une tique molle dont la piqûre passe
salivaires digestives, permettant à l'insecte inaperçue, car elle est de courte durée et prati-
d'entreprendre la digestion du bol alimentaire, quement indolore. Il y a donc bien là
sitôt celui-ci ingéré. Le devenir de la salive est transmission vectorielle d'un agent infectieux
tout autant d'être injectée au point de piqûre sans nuisance par la piqûre.
dans le tégument du vertébré que d'être ingérée
La distinction entre nuisants et vecteurs a beau
avec le sang prélevé.
être fondamentale, on voit qu'elle n'est pas
La salive des vecteurs hématophages doit par absolue. En France, cette distinction a pourtant
ailleurs être considérée dans sa relation avec les des implications réglementaires, puisque le texte
agents infectieux, en particulier au stade où ces législatif de référence pour les vecteurs d'agents
derniers sont infectants pour l'hôte vertébré. pathogènes infectant l'Homme mentionne que
Cette notion résulte d'un constat simple: les là où {( l'existence de conditions entraînant un
agents infectieux inoculés ne sont jamais injectés risque de développement de maladies humaines
seuls, mais au sein d'un milieu extérieur composé transmises par l'intermédiaire d'insectes et
de salive. Par exemple, les virus de la dengue et constituant une menace pour la santé de la
de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, population [... ] la définition des mesures de lutte
respectivement inoculés en même temps que la nécessaires relève de la compétence de l'État )'.
salive de moustiques et de tiques, et pour les À l'égard des arthropodes nuisants qui ne sont
Lelshmania, agents de leishmanioses, inoculés pas vecteurs, la définition de la responsabilité des
au sein de la salive de phlébotomes. Plus géné- actions de contrôle relève d'autres réglementa-
ralement, c'est le cas pour les nombreux agents tions désignant, selon les cas, d'autres acteurs
infectieux inoculés lors de la piqûre d'insectes (conseils généraux, communes, particuliers... ).
ou lors de la morsure de tiques. La salive de Sur cet aspect réglementaire, on se reportera
phlébotomes est bien connue pour jouer un rôle utilement à FONTENILLE et al. (2009).

46
Introduction a l'entomologie medlcale et veterinaire

AGENTS INFECTIEUX TRANSMIS nombreuses. Le bacille Yersinia pestis, agent de


la peste découvert par Alexandre Yersin, est
OU TRANSPORTÉS
habituellement transmis à l'Homme par la
Les agents infectieux, pathogènes ou non, piqûre de la puce du rat. Borrelia conorii, agent
transmis ou transportés sont des virus, des de la fièvre boutonneuse méditerranéenne, est
bactéries, ainsi que des eucaryotes (protozoaires transmis par la piqûre de la tique Rhipicephalus
ou métazoaires). sanguineus.

Arbovirus Protozoaires
Les virus transmis par vecteurs sont ordinaire- Les protozoaires, unicellulaires eucaryotes, ont
ment des arbovirus (virus capables de se de nombreux représentants transmis par vec-
développer dans les cellules du vecteur aussi teurs. C'est le cas des Leishmania, agents des
bien que dans celles du vertébré). On dénombre leishmanioses, transmises par divers phlébo-
plus de 500 arbovirus. Ils constituent un vaste tomes. C'est le cas aussi des trypanosomes,
ensemble hétérogène du point de vue de leur agents de la trypanosomose africame ou maladie
structure, car ils appartiennent à plusieurs du sommeil, transmis par les mouches tsé-tsé
grandes familles virologiques. On peut citer ou glossines.
pour l'exemple le virus amaril et le virus chikun-
gunya, transmis à l'Homme ou à d'autres Métazoaires
primates par des moustiques Aedini. Plus rare-
ment, certains virus, incapables de se multiplier Des métazoaires parasites peuvent être à trans-
dans les cellules de l'insecte, sont simplement mission vectorielle. Ainsi la filaire Onchocerca
transportés par l'insecte (et ne sont donc pas volvulus, responsable de l'onchocercose ou
des arbovirus) ; c'est le cas du virus de la myxo- cécité des rivières, est transmise par des simu-
matose, dont la transmission entre lapins est lies, petit moucheron dont la femelle est
mécanique et assurée par la piqûre de moustiques hématophage.
ou de puces, peut-être aussi par la morsure de
tiques. On peut également mentIOnner le très Les organismes non concernés
vaste groupe des virus de plantes transmis par par la transmission vectorielle
des vecteurs tels que les pucerons ou d'autres Finalement, il n'y a guère que les algues (vertes,
familles d'insectes suceurs de sève, qui ne relèvent brunes ou bleues) et les champignons, agents
donc pas de l'entomologie médicale mais de des mycoses, dont la transmission ne se réalise
l'entomologie agricole. jamais selon un mode vectoriel. Les algues,
inféodées au milieu aquatique, peuvent aisé-
Bactéries ment avoir un stade libre dans l'eau et ainsi se
Les rickettsies sont des bactéries parasites intra- dispenser de stade de résistance à la sécheresse.
cellulaires obligatoires (c'est-à-dire des bactéries À l'inverse, il semble imaginable que certaines
inconnues hors de leur cellule hôte), qui para- endomycoses, se développant notamment chez
sitent le cytoplasme des cellules eucaryotes. Elles les insectes ou les tétrapodes, soient transmises
sont vectorisées par des tiques, des acariens, des par des vecteurs capables d'inoculer ces agents
poux, etc. Par exemple, Rickettsia prowazekii, infectieux très répandus. À notre connaissance,
agent du typhus exanthématique, a le pou de il n'en est rien; il n'y a pas de transmission
corps Pediculus humanus pour vecteur; cette vectorisée de mycose animale. Est-ce en lien
rickettsie est transmise par les déjections du avec le stade de résistance (la spore) que ces
pou infecté et l'inoculation à l'Homme se fait derniers ont développé, leur permettant de
par lésion de grattage des piqûres. Les bactéries supporter momentanément un environnement
à transmission vectorielle sont également défavorable?

47
Entomologie médicale et vétérinaire

Agents infectieux et zoonoses Une zoonose est une infection ou infestation


naturellement transmissible de l'animal à
Certains agents infectieux infectent seulement l'Homme et vice versa. Le tableau 2.2 présente
l'Homme; d'autres, seulement les animaux; les principaux agents infectieux vectorisés et
d'autres enfin, Homme et animaux. Dans ce précise la part des zoonoses dans les principales
dernier cas, l'agent infectieux est dit zoonotique. maladies à transmission vectorielle.

Tableau 2.2 - Principales maladies à transmission vectorielle.

Nature Agent Maladie Maladie Vecteur Zone


de l'agent infectieux à transmission humaine, géographique
infectieux vectorielle animale
ou zoonose
Arbovirus CCHFvirus, Fièvre Zoonose Tiques Europe du Nord,
famille hémorragique (mammifères, Afrique
Bunyaviridae, de Crimée-Congo oiseaux) subsahanenne,
genre NlllrOVlYUS Asie
~~--------
- -- --- --- -----------~- -----------------

Arbovirus West Nile Virus, Infection à virus Zoonose Moustiques Europe du Sud,
Flaviviridae, du Nil occidental (oiseaux) (Culex) Afnque du Nord
Flavivirus et subsaharienne,
Aménque du Nord
et latine
------------

Arbovirus Toscana virus, Infection à virus Homme Phlébotomes Europe du Sud,


Bunyavindae, Toscana (Phlebotomus) Afrique du Nord
Phlebovirus
- ----------------

Arbovirus Chikungunya Infection à virus Homme Moustiques Europe du Sud,


virus, Chlkungunya (Aedes) Afrique
Togaviridae, subsaharienne,
Alphavlrus Asie, sud-ouest
de l'océan Indien,
Océanie
Arbovirus Dengue virus, Dengue Homme Moustiques Europe du Sud,
Flavlvlridae, (Aedes) Afrique
Flavlvirus subsahanenne,
sud-ouest
de l'océan Indien,
ASie, Océanie,
Aménque du Nord
et latine
Arbovirus Virus amaril, Fièvre jaune Zoonose Moustiques Afrique
FlavlVlndae, (pnmates) (Aedes) subsaharienne
Flavlvlrus Aménque laline
- - -

Arbovirus Rift Valley ViruS, Fièvre Zoonose Moustiques Afrique


Bunyavindae, de la Vallée (rummants) subsahanenne
Phlebovirus du Rift sud-ouest
de l'océan Indien
Arbovirus TBEV(Tick Encéphalite Zoonose Tiques Europe du Nord
Borne Encephalihs européenne (ongulés) Ixodidae
Virus) sous- type à liques (Ixodes)
de l'Ouest,
Flavivindae,
Flavlvlrus

48
Introduction a l'entomologie medlcale et veterinaire

Nature Agent Maladie Maladie Vecteur Zone


de l'agent infectieux à transmission humaine, géographique
infectieux vectorielle animale
ou zoonose

Arbovirus TBEV (Tick Encéphalite Zoonose Tiques, Asie


Borne Encephalitis aSIatique (ongulés) Ixodidae
ViruS) sous-type à tIques (Ixodes
de J'Est, persulcatlls)
Flavivindae,
Flavl1'lrus
Arbovirus ViruS de Encéphalite Zoonose Moustiques Asie, Océanie
l'encéphalite japonaise Culicinae
japonaise, (Culex
Flaviviridae, tntaenlOrhynchus)
Flavl1'lrLls
Arbovirus Ross River VIrus, Ross River Fever Zoonose Moustiques Océame
Togavmdae, (marsupiaux) (Culex
Alp/lllVlrus et Aedes)
Arbovirus Virus de la PPA, Peste porcine Animal Tiques Afnque
Asfarviridae, africaine (Suidae) Argasidae subsaharienne,
Asfl1'lrus Ornithodoros Sardaigne
------ -------

Arbovirus ViruS de la fièvre Fièvre catarrhale Animal Ceratopogomdae Afrique du Nord


catarrhale, (Bluetongue (ongulés) Culzcoides et subsaharienne,
famille des disease) Europe
Reovmdae,
genre Orbivirus
Virus ViruS de la Myxomatose Animal Moustiques, Europe,
myxomatose, (lagomorphes) puces, simulies, Afrique du Nord
Poxviridae, tiques et subsaharienne,
Leporipoxvlrus Amérique
--

Bactérie Borrelza Borréliose Zoonose Tiques Europe du Nord


burgdorferz de Lyme (ongulés) Ixodidae et du Sud,
Afrique du Nord,
Amérique du Nord
Bactérie Bartonella spp. Bartonellose Zoonose Variable selon Europe du Nord
(mammifères, J'espèce de et du Sud,
chat, rat) Bartonella : Afrique du Nord
puces, tiques, et subsaharienne
phlébotome
Lutzomyza
Bactérie Coxlclla bumetll Fièvre Q Zoonose Tiques Europe du Nord
(ongulés, Argasldae et du Sud,
chats, chiens, Afrique du Nord,
pigeons) Afrique
subsaharienne
Bactérie Rlckettsza canoril FIèvre Zoonose Tiques Ixodldae Europe du Sud,
boutonneuse Rhlplcephalus Afrique du Nord
méditerranéenne sanguineus
----- ----

Bactérie Rlckettsia typhl Typhus murin Zoonose Puce du rat Afrique du Nord
Xenopsylla et subsaharienne,
cheopls ASie,
Amérique latine
-------------

49
Entomologie médicale et vétérinaire

Nature Agent Maladie Maladie Vecteur Zone


de l'agent infectieux à transmission humaine, géographique
infectieux vectorielle animale
ou zoonose
Bactérie Rickettsia Typhus Zoonose Poux Afrique du Nord
prowazekii exanthémallq ue et subsaharienne,
Amérique latine
Bactérie Orientia Typhus Zoonose Acanens, Asie
tsutsugamushi des broussailles aoûtat
(Scrub typhus)
Bactérie Yerslllla pestls Peste Zoonose Puce du rat Afrique du Nord
et subsaharienne,
sud-ouest
de l'océan Indien,
Asie,
Amérique du Nord
et latme
Bactérie Borellia spp Fièvre récurrente Zoonose Tiques Afrique du Nord
à tiques (rongeur) Argasidae et subsaharienne
Ornithodoros Europe du Sud
---" """-----" ---- --- - ------- ------------ -----
Bactérie Rlckettsza africae FIèvre africaine Zoonose TIques lxodidae Afrique
à tiques Amb/yomma subsaharienne,
Guadeloupe
---------"- ------------

Bactérie Rickettsra nckettsii Fièvre pourprée Zoonose TIques Ixididae Amérique du Nord
des montagnes Dermacentor
Rocheuses
---------

Bactérie Ehrlichia spp. EhrlichlOse Zoonose Ixodidae Amérique du Nord


---------"- "---""- ""----"

Bactérie Bartonella Fièvre d'Oroya Zoonose Psychodidae Amérique latine


bacillifonms (maladie (primates) Phlebotominae
de Carrion)
----------- ---------

Bactérie Ehrlichia Cowdnose AnImal Tiques Ixodidae Afrique du Nord


rwmnantium (ruminants) et subsahanenne
------------

Bactérie Brllce/la spp. Brucellose Zoonose


-------"

Bactérie Bartonella Maladie Zoonose Puce du chat Partout


hense/ae des griffes du chat Ctenocephalides
(ou lympho- felis
rétIculose bénigne
d'moculation)
Bactérie Borre/ra ansenna Spirochétose Animal Tiques Argasidae, Partout, surtout
aviaire (volaIlle) Argas zones tropicales
et Ormthodoros et subtropicales
----------------

Bactérie Theileria eqw Fièvre biliaire, Animal Tiques Ixodidae Europe du Sud,
piroplasmose (équidés, Amérique centrale
équme ruminants, et Sud, Asie
chien)
Bactérie Theileria annulata Fièvre de la côte Animal Tiques Europe du Sud,
méditerranéenne, (ruminants, lxodidae Afrique du Nord,
fIèvre égyptienne chien) Moyen-Orient,
Asie

50
Introduction a l'entomologie medlcale et veterinaire

Nature Agent Maladie Maladie Vecteur Zone


de l'agent infectieux à transmission humaine, géographique
infectieux vectorielle animale
ou zoonose
Protozoose Babesia spp. Babésiose Zoonose Tiques Ixodes Europe du Nord,
Amérique du Nord
._-_. ------

Protozoose Lelshmama spp. Leishmanioses Zoonose Phlebotominae Europe du Sud,


Afrique du Nord,
Asie,
Aménque latine
Protozoose Plasmodium spp. Paludisme Homme Moustiques Afnque
Anophelinae subsahanenne,
sud-ouest
de l'océan Indien,
ASie, Océanie,
Amérique latme
----------- - - - - - - - - - - - - - - -

Protozoose Plasmodlllm spp. Paludisme aviaire Animal Moustiques Tous contments


(oiseaux) Culicmae sauf Antarctique
Protozoose Haemoproteus Haemoprotéose Animal Diptères Tous continents
spp. (oiseaux, hématophages sauf Antarctique
reptiles,
amphibiens)
Protozoose Leucocytozool1 Leucocytowonose AnImal Simuliidae Tous continents
spp. (OIseaux) sauf Antarctique
Protozoose Trypal1osoma Trypanosomose Homme Mouches tsé-tsé Afnque
brucel humaine africaine subsahanenne
(maladie
du sommeIl)
Protozoose Trypal1osoma crUZl Trypanosomose Zoonose Punaises Amérique latine
humame Reduvidiidae
américaine
(maladie de Chagas)
Helminthose Wuchereria Filanose Homme Moustiques Afnque
bal1croftz lymphatique subsaharienne,
sud·ouest
de l'océan Indien,
Asie, Océanie
Helminthose Loa loa Loase Zoonose Tabanidae Afrique
Chrysops subsaharienne
---------

Helminthose Ollchocerca Onchocercose Homme Sm1Uliidae Afrique


volvulus subsaharienne
._---

Helminthose Mallsollel/a sp. Filanose Homme Ceratopogonidae Afnque


des séreuses Cultcoides subsahanenne,
(Mansonellose) Amérique latme
... _--

Les agents infectieux ne doivent pas être laires à transmission maternelle, qui peuvent
confondus avec la microfaune associée, omni- perturber la diagnose spécifique basée unique-
présente chez les Hexapodes, notamment les ment sur l'analyse biochimique des séquences
Wolbachia, alpha protéobactéries intracellu- nucléotidiques mitochondriales.

51
Entomologie médicale et vétérinaire

TRANSMISSION VECTORIELLE plus souvent, ces contacts sont des repas sanguins
Interrompus. La transmission mécanique néces-
Au regard des enjeux en santé publique, les vec- site évidemment que le délai entre les deux
teurs dominent toute l'entomologie médicale. repas de sang, le premier avec le vertébré infecté
Dans la majorité des cas, la présence de l'arthro- et le second avec le vertébré réceptif, soit court,
pode dans le cycle de l'agent infectieux est en tout cas plus court que la survie de l'agent
obligatoire. Par exemple les Plasmodium, agent infectieux pendant ce laps de temps. Deux
du paludisme, sont transmis par la piqûre d'un voies sont possibles. La première passe par une
moustique femelle Anophelinae ou Culicinae, souillure externe des pièces vulnérantes. Dans
selon l'espèce plasmodiale. Là où il n'y a pas de ce cas, le vecteur fonctionne comme une aiguille
vecteurs, par exemple en Nouvelle-Calédonie contaminée. La seconde passe par une régurgi-
ou aux Seychelles, où les moustiques anophèles tation partielle du repas de sang précédent.
sont absents, il n'y a pas de transmission de Plas- Dans ce cas, le vecteur fonctIOnne comme une
modium à l'Homme et donc pas de paludisme seringue contaminée. Ce mécanisme est utilisé
autochtone. Cependant, la transmission trans- par les mouches stomoxes; leur jabot permet la
fusionnelle de Plasmodium due à du sang infecté conservation du sang dans un environnement
est possible. Elle ne fonctionne pas selon un favorable à la survie des pathogènes, autorisant
mode naturel mais n'en constitue pas moins une ainsi une transmission retardée (BALDACCHINü
lourde préoccupation des centres de transfusion et al., 2013). Les stomoxes ainsi que les Tabanidae
sanguine. sont responsables de nombreuses transmissions
mécaniques (voir chap. 16 et 18).
À l'Inverse, la transmission vectorielle peut être
effective sans être obligatoire. C'est le cas par
Mécanismes de la transmission
exemple dans l'encéphalite européenne à tiques,
grave maladie due à un arbovirus, qui sévit
biologique
principalement en Europe de l'Est jusqu'à l'est L'incubation extrinsèque
de la France. Le vecteur est une tique du genre Sur le plan fonctionnel, la transmission vecto-
Ixodes. Le réservoir du virus est constitué de rielle biologique procède en trois phases :
nombreux animaux, dont les rongeurs et les infection du vecteur, transformation-multipli-
oiseaux. Le bétail est aussi réceptif, et le virus cation, sortie de l'agent.
survit longtemps dans le lait des animaux
L'infection du vecteur à partir d'un vertébré
domestiques. Au final, il existe deux modalités
infectant se réalise toujours à l'occasion d'un
de passage du virus à l'Homme: une transmis-
repas de sang. Le caractère constant de cette
sion vectorielle par piqûre de la tique et une
voie d'infection est à souligner, tant il est rare
transmission orale par ingestion de lait non
que la nature ne fasse pas preuve d'Imagination
pasteurisé.
(voir infra les transmissions non vectonelles qui
Il existe deux modes de transmission vectorielle, aboutissent par d'autres voies à l'infection d'un
mécanique ou biologique. La transmission vecteur). L'agent infectieux est ingéré avec le
mécanique est la plus simple. sang ou la lymphe et se retrouve dans la lumière
de l'estomac du vecteur.
Mécanismes de la transmission La transformation et/ou la multiplication de
mécanique l'agent infectieux procède souvent de façon fort
Dans le cas de transmission mécanique, l'agent complexe et selon un grand nombre de voies,
infectieux ni ne se multiplie ni ne se différencie variables suivant les vecteurs et les agents infec-
au contact du vecteur. Celui-ci est alors un simple tieux. En règle générale, les virus, bactéries et
transporteur actif, rentrant au minimum deux protozoaires se multiplient abondamment dans
fois en contact avec des vertébrés différents. Le le vecteur, parfois dans la lumière du tube digestif,

52
Introduction a l'entomologie medlcale et veterinaire

parfois dans la cavité générale ou dans divers Le concept d'hôte-vecteur


organes, et finissent souvent par coloniser les
On constate à l'évidence que l'arthropode com-
glandes salivaires. Les métazoaires procèdent
mence par être infecté avant de devenir
davantage par transformation (différenciation)
infectant. Il en résulte sur le plan parasitolo-
que par multiplication.
gique que l'arthropode doit d'abord être hôte de
Enfin, la troisième phase débute lorsque le vecteur l'agent infectieux avant d'en être le vecteur. Ce
est devenu infectant, correspondant à la sortie concept d'hôte-vecteur est maintenant admis en
de l'agent infectieux hors du vecteur, prélude à parasitologie, mais il est relativement récent.
l'infection d'un vertébré. Cette sortie du vecteur Auparavant, l'hôte s'entendait dans un sens
procède, là encore, selon des modalités très quasi synonyme de vertébré; on était soit hôte,
variées. À titre d'exemple, elle peut se faire par soit vecteur. Le fait de considérer maintenant
la salive (arbovirus, Rickettsla transmises par l'hôte-vecteur et l'hôte-vertébré résulte de la
acariens, Plasmodium transmis par moustiques, simple acceptation de la définition d'un hôte,
Trypanosoma transmis par les mouches tsé-tsé), celui qui héberge. Les vecteurs biologiques, à
par régurgitation du bol alimentaire (Leishmania, cause du caractère interne de leur infection,
bacille de la peste), par libération du parasite sur sont toujours hôtes. Pour les vecteurs méca-
la peau (filaires), par les déjections (trypanosomes niques, lorsque l'agent infectieux reste externe,
postérogrades tels que T crUZl, Rlckettsia trans- le statut d' « hôte» peut se discuter.
mises par les poux et les puces), par le liquide
coxal (liquide sécrété par des glandes situées Le concept de vecteur-réservoir
sur les coxa des pattes antérieures des tiques Une autre notion qui a également beaucoup
Argasidae et émis au moment de la piqûre ou évolué dans son usage est celle de réservoir.
peu après), par écrasement (quelques Rickettsia Auparavant, la notion de réservoir s'opposait à
piégées dans la cavité générale des poux) ou par celle de vecteur, si bien qu'on était soit vecteur
ingestion de l'hôte intermédiaire (puces infectées (arthropode), soit réservoir (vertébré). C'est en
par des cestodes). 1976 que l'équipe de collaborateurs conduite
L'ensemble de ces trois phases qui se déroulent par Max Germain introduisit le vocable de
à l'intérieur du vecteur est désigné par les « vecteur-réservoir " en conclusion à leur
expressions incubation extrinsèque ou phase recherche sur les mécanismes de maintien du
prépatente, correspondant à la période entre le virus amaril, agent de la fièvre jaune en Afrique
repas de sang (infection du vecteur) et le (GERMAIN et al., 1981). La circulation selvatique
moment où le pathogène peut être transmis virale alterne entre primates (essentiellement
(suite à sa multiplication ou à ses transforma- simiens) et moustiques Aedini. En comparant
tions obligatoires). Un point essentiel est que les rôles relatifs de ces deux acteurs, il ressort
l'accomplissement de ces trois phases, et prin- que les primates ont une virémie de quelques
cipalement de la deuxième phase, prend du jours alors que les moustiques restent infectants
temps: ordinairement 6 à 15 jours selon les toute leur vie (plusieurs semaines, voire plusieurs
parasites et les conditions écologiques, au premier mois) et peuvent transmettre le virus à leur
rang desquelles la température. Il en résulte que descendance par transmission verticale. C'est
la compétence vectorielle d'un vecteur donné donc le vecteur, beaucoup plus que le vertébré,
sera bien différente selon qu'il s'infecte unique- qui assure le rôle de réservoir. Depuis, ce concept
ment à l'âge adulte, comme le taon Chrysops de vecteur-réservoir a été élargi pour de nom-
vecteur de la filaire Loa loa, ou qu'il s'infecte dès breux autres couples de vecteurs et d'agents
le premier stade larvaire, comme le triatome infectieux. Ainsi la tique Dermacentor andersoni
vecteur de T cruzi, hématophage à tous les est particulièrement performante comme réser-
stades du développement. voir de la rickettsie Rickettsia peacockii, puisque

53
Entomologie médicale et véténnalre

le taux minimal de transmission transovarienne passé que ce type de transmission était propre
a été estimé à 73 % sur la descendance de tiques aux tiques, mais il est possible que les simulies
femelles récoltées naturellement infectées dans s'infectent par co-repas avec le virus de la
l'état du Montana (NIEBYLSKI et al., 1999). stomatite vésiculeuse du bétail (voir chap. 13).
La transmisslOll sexuelle s'effectue d'un sexe à
Transmissions l'autre lors du contact des sexes pour l'accouple-
non vectorielles ment. La transmission vénérienne en constitue
un cas particulier. C'est ordinairement le mâle
La transmission vectorielle (biologique ou méca-
qui transmet l'infection à la femelle, cas des
nique) doit être distinguée des transmissions
Borellia et du virus de la peste porcine africaine
non vectorielles d'agents infectieux entre arthro-
chez les tiques ornithodores, et du virus La
podes, c'est-à-dire d'arthropodes à arthropodes,
Crosse chez les moustiques.
dont les pnncipales sont citées ci-dessous.
Un autre mode de transmission non vectorielle
La transmIssion verticale désigne la transmis-
à un vertébré est illustré par l'intervention d'un
sion d'un agent infectieux par un arthropode
stade libre et mobile comme c'est le cas de la
femelle infecté à sa descendance. La transmis-
cercaire aquatique de Schistosoma qui pénètre
sion verticale est très fréquente, par exemple
dans le corps humain à travers la peau, par
chez les tiques et dans une moindre mesure chez
effraction et de façon autonome, pendant une
certains moustiques. Elle concerne principale-
baignade.
ment les virus et bactéries, exceptionnellement
les protozoaires (Babesia et Neospora chez les
tiques Ixodidae) et jamais les métazoaires. La NOTIONS D'ÉPIDÉMIOLOGIE
transmission transovarienne en constitue un cas
particulier ; elle implique que le passage de L'épidémiologie est l'étude des facteurs influant
l'agent infectieux se fasse à l'intérieur de l'ovaire sur la santé et les maladies des populations, Les
lors de l'ovogenèse. Si la transmission intervient concepts de l'épidémiologie appliqués aux mala-
alors que l'œuf est en transit dans l'oviducte, ou dies infectieuses restent valables pour les
au moment de la ponte, la transmission verticale maladies concernées par l'entomologie médi-
n'est plus transovarienne. cale et vétérinaire. Des spécificités découlent
toutefois de la dimension vectorielle. Le vecteur
La transmission transstadiale implique un stade
impliqué est bien évidemment l'un des facteurs
donné et le stade successif du même arthropode.
primordiaux influant sur la répartition, la fré-
Ce mode de transmission est quasiment la règle
quence, voire sur la gravité des états
pour les arthropodes hématophages à tous les
pathologiques.
stades (punaises, tiques). Elle fonctionne aussi,
à l'évidence, lorsqu'il y a transmission verticale
chez les moustiques.
La triade vectorielle
La transnllssion par co-repas ou co-engorgement
et le système vectoriel
concerne les vecteurs se gorgeant en groupe en La triade vectorielle est constituée de trois
même temps sur le même hôte, et très proches acteurs biologiques: l'agent infectieux, son (ses)
les uns des autres. L'infection d'un vecteur por- vecteur(s), son (ses) hôte(s) vertébré(s). Cette
teur d'un agent pathogène passe aux vecteurs triade s'inscrit dans un environnement dont la
voisins sans nécessairement infecter l'hôte prise en compte définit un système vectoriel. Un
vertébré. Ce type de transmission est observé système vectoriel est donc défini par une triade
par exemple chez les tiques avec le virus de particulière et par les interrelations entre les
l'encéphalite à tiques et les spirochètes de la trois acteurs de la triade, fonctionnant dans un
borrélIose de Lyme. On a considéré dans le environnement particulier (fig. 2.6).

54
Introduction il l'entomologl medlcale H v enn Ir

Le système vectoriel
Celui-ci est fréquemment bactériémique asymp-
tomatique. Les puces du chat se contaminent
par repas de sang et assurent la transmission
entre chats via leurs déjections qui contaminent
le pelage et les griffes. Mais COTTE et al. (2008)
ont démontré la réalité de la transmission vec-
torielle de B. henselae par la tique Ixodes ricin us.
En plus de la transmission directe à J'Homme
par griffade, il convient de considérer désormais
la transmission vectorielle par tiques, ce qui
Figure 2.6 - Le concept de système vectoriel rajoute B. henselae à la liste des agents infectieux
englobe la triade vectorielle et l'environnement. à transmission vectorielle.

Populations n turelles
Cette influence de l'environnement amène à
Facteurs environneMentaux
prendre en compte la dimension locale, qui est
Les facteurs de l'environnement interviennent celle des populations et non des espèces. C'est
puissamment sur le système selon des modalités en effet au niveau des populations naturelles que
très diverses. L'environnement se modifie sans tout se joue: populations de l'agent infectieux,
cesse sous l'effet de diverses causes: l'Homme populations de son (ses) vecteur(s), populations
et ses activités en constituent les principales de son (ses) hôte(s) vertébré(s).
(RODHAfN, 2008). Directement ou indirecte-
ment, la biosphère est profondément L scandi Ions requises
transformée (démographie galopante et/ou Pour qu'un cycle vertébré (Homme)/parasite/
densification de la population, évolution des vecteur s'établisse, il faut la réunion de plusieurs
pratiques de l'agriculture et de l'élevage, assè- conditions:
chement des zones humides, aménagements
hydro-agricoles, déforestation, reboisement, - la densité humaine doit être suffisante, tant
évolution du climat). On peut aussi présager pour la fraction infectée (assurant ordinaire-
que les changements climatiques globaux vont ment le rôle de réservoir de parasites) que pour
rapidement avoir un impact significatif sur la la fraction susceptible (au-dessus d'un seuil
dynamique des infections à transmission vecto- autorisant de nouvelles infections) ;
rielle (modifications des aires d'endémie et - les vecteurs doivent être en fréquent contact
d'épidémie, modifications des saisons de avec l'Homme pour leur repas de sang. Cette
transmission, modifications des intensités de aptitude à prendre un repas de sang sur
transmission et donc des risques d'infection). l'Homme est appelée anthropophilie. Un repas
D'ores et déjà, on suspecte ces changements de sang sur l'animal sera quant à lui appelé zoo-
climatiques de modifier la distribution des philie. Les vecteurs doivent être infectants au
vecteurs, leur capacité vectorielle et leur contact moment de la piqûre, et donc bénéficier d'une
avec les parasites et les hôtes. longévité suffisante en relation avec la durée de
Au-delà de ces changements, il faut aussi être la phase extrinsèque du parasite. La densité des
conscient que c'est parfois notre connaissance vecteurs doit également être suffisante;
des phénomènes qui progresse. Ainsi, pour des - les relations entre le vecteur et le parasite
générations de médecins et de vétérinaires, la doivent s'exprimer dans le cadre général d'une
maladie de la griffe du chat, due à SartoneUa bonne compétence vectorielle. En d'autres
henselae, était connue pour être exclusivement termes, le vecteur doit présenter une aptitude à
transmise à l'Homme par les griffes du chat. ingérer, développer et transmettre le parasite;

55
Entomologie médicale et vétérinaire

- enfin, les conditions écologiques doivent être vie du vecteur et durée du développement
adéquates, favorisant la survie des hôtes verté- extrinsèque. La capacité vectorielle désigne le
brés et vecteurs, et permettant la réalisation de nombre moyen de piqûres qu'un vecteur ayant
la phase extrinsèque du parasite, ordinairement piqué un vertébré infectant inflige pendant le
conditionnée par des exigences maximales et reste de sa vie, une fois achevée la phase d'incu-
minimales de température. bation extrinsèque. En d'autres termes, la
L'ensemble de ces paramètres se combine dans capacité vectorielle évalue le nombre de piqûres
la capacité vectorielle. potentiellement infectantes qu'un indivîdu peut
générer, par l'intermédiaire de la population
Compétence vectorielle vectrice, par unité de temps. Elle constitue donc
l'un des indicateurs du nombre potentiel de cas
La compétence vectonelle, telle que définie par
de la maladie (même en l'absence de l'agent
DYE (1992) et LORD et al. (1996), désigne la
infectieux considéré).
« faculté du vecteur à s'infecter après ingestion
du repas de sang infecté, puis à assurer le Cette approche explique pourquoi la transmission
développement du pathogène et enfin à trans- du paludisme humain en Afrique est très supé-
mettre le pathogène au vertébré par une rieure à celle observée dans le reste du monde.
piqûre ». En d'autres termes, la compétence Les vecteurs africains en sont responsables; ils
vectorielle mesure le niveau de coadaptation sont extrêmement efficaces. Leur longévité est
pathogène/vecteur invertébré, et dépend essen- très importante, leur anthropophilie aussi, leur
tiellement de facteurs génétiques. À titre cycle gonotrophique est court, leur densité est
d'exemples, An. gambiae a une compétence élevée. Il en résulte que leur capacité vectorielle
vectorielle nulle pour le virus chikungunya. est très élevée (CARNEVALE et al., 2009).
Aedes alboplctus avait une compétence vecto- Les différentes populations qui représentent
rielle médiocre pour le virus chikungunya l'espèce n'ont pas nécessairement la même
jusqu'au moment où a été sélectionné un virus compétence vectorielle vis-à-vis d'un agent
ayant une mutation d'un gène d'une protéine infectieux. Cela signifie notamment qu'un
virale impliquée dans l'attachement du virus à résultat établi en un lieu n'est pas toujours valide
l'épithélium digestif du moustique. La compétence en un autre où la population de vecteur ditfère.
vectorielle d'Ae. albopictus est dès lors devenue Il en va de même pour l'hôte vertébré.
bonne pour le virus chikungunya muté (VAZEILLE
et al., 2007). L'épidémie de chikungunya de
ENTOMOLOGIE MÉDICO-LÉGALE
2005-2006 sur l'île de la Réunion en est une
conséquence. La compétence vectorielle est L'organisme humain, une fois mort, constîtue
donc une variable quantitative. une énorme réserve en nutriments pour un
grand nombre d'organismes, en particulier des
Capacité vectorielle bactéries et des insectes nécrophages. Ces der-
Cette notion est prise en compte dans le concept niers utilisent le cadavre pour se nourrir, ou
plus général de capacité vectorielle. Sa défini- pour nourrir leur progéniture (fig. 2.7).
tion mathématique a été formalisée par On dénombre sur le cadavre en décomposition
GARRET-JONE5 (1964) à partir des paramètres sept ou huit escouades d'insectes qUi se succè-
de MACDONALD (1957). La capacité vectorielle dent, parfois en se chevauchant, dans un ordre
exprime le potentiel de transmission d'une précis. Des mouches Calliphoridae et Muscidae
population d'un vecteur. Elle dépend de facteurs arrivent quelques heures à peIne après la mort,
liés au vecteur, à l'agent infectieux et à l'environ- et à 20 oC les œufs pondus se développent en
nement : densité de population du vecteur, adultes en deux semaines. La deuxième escouade
fréquence du contact vecteur-hôte vertébré, sur- composée de mouches Sarcophagidae arrive

56
Inlrodullton a1ontomologie rnédl(al~ et v -1er nallE

à indiquer la date du décès - ; 2) d'estimer le lieu


du décès en précisant si le cadavre a bien été
observé sur la scène du décès ou s'il a été
déplacé post mortem. Pour cela, la distribution
géographique restreinte de certaines espèces
d'arthropodes, voire leur endémisme, apporte
de précieuses informations (BYRD et CASTNER,
2010; CHARABIDZE, 2012).
L'entomotoxicologie est une branche de l'ento-
mologie médico-légale. Elle analyse les composés
toxiques présents dans les arthropodes (princi-
palement les mouches et les coléoptères)
nécrophages. Cela permet de déduire l'existence
de toxines dans le cadavre au moment du décès,
alors que de telies investigations sont impossibles
Figure 2.7 - Coléoptères nécrophages,
sous un cadavre de taupe (cadavre retiré). sur des cadavres très décomposés et sur les
, IRDIV. Robert fluides exsudés. Ces investigations ont pu aider
à préciser la date du décès.

après un mois, attirée par la décomposition des ENTOMOPHOBIE .


matières fécales, et disparaît au sixième mois. La SYNDROME D'EKBOM
troisième, composée de coléoptères Dermestidae
et de lépidoptères Tineidae, arrive entre le troi- La peur des arthropodes
sième et le neuvième mois, attirée par l'odeur de L'entomophobie et l'arachnophobie font réfé-
graisse rance. Ces trois premières escouades rence à une peur inhabituelle et irraisonnée
sont les seules à permettre avec une certaine pour divers arthropodes. Après les serpents, il
précision la datation du décès. Les escouades semble que les araignées forment le groupe le
suivantes sont composées d'autres diptères et plus redouté du règne animal. La très vaste
de coléoptères Silphidae attirés par l'odeur de majorité des Hommes a appris à gérer ces peurs
l'ammoniac. A la fin du processus de dégrada- de façon pragmatique. Mais certains cèdent à la
tion, après trois ans ou plus, lorsque le corps panique, qui va jusqu'à occasionner plusieurs
n'est plus que poussières sèches, les dernières fois chaque année des accidents fatals, en parti-
escouades impliquent de nombreux insectes et culier alors qu'ils sont au volant d'un véhicule.
arthropodes tels qu'hyménoptères Formicidae,
acariens et collemboles. Ce sont des opportunistes Le syndrome d'Ekbom
plus que des nécrophages stricts. Certaines personnes rapportent de façon com-
La [aune des cadavres et sa phénologie dépendent pulsive leurs problèmes dermatologiques
de nombreux facteurs. En particulier, l'environ- persistants attribués à des insectes invisibles. Ce
nement du cadavre, à l'air libre, enterré ou tableau a été décrit en 1938 comme syndrome
immergé. La nature du sol, la taille du cadavre par Ull neurologue suédois, le Dr Ekbom. Le
ainsi que les conditions de température et délire psychotique apparait à l'âge adulte, prin-
d'hygrométrie sont également importantes. cipalement chez la femme âgée. Il est centré sur
L'entomologie médico-légale recueille sur le la conviction d'être infesté par des parasites
cadavre et à proximité tous les éléments ento- corporels (en anglais delusional parasitosis). Les
mologiques ayant pour finalité: 1) d'évaluer la sensations de démangeaisons ou de fourmille-
durée de la période post-mortem - ce qui revient ments superficiels sont ressenties avec une

57
Entomologie médicale et vétérinaire

acuité extrême et attribuées à des petites bêtes Dans de telles occurrences, l'enjeu est évidem-
qui piquent. La détresse est clairement exprimée ment de bien séparer, d'une part, une nuisance
dans le discours mais ne laisse pas pour autant atypique et bien réelle qui peut être due à de très
place à l'abattement ou à la résignation. Au nombreux arthropodes, nuisance qu'il convient
contraire, elle se traduit par une impression- d'identifier à travers un processus d'enquête
nante dépense d'énergie pour convaincre en (interrogatoire(s), visite(s) de terrain, pose de
apportant des éléments de preuves qui s'avèrent piège, etc.) puis de traiter avec des compétences
souvent être des morceaux d'insectes inoffensifs d'entomologiste et, d'autre part, une illusion de
et présents dans toutes les maisons (mouches nuisance qu'il convient là aussi d'identifier puis
domestiques, poissons d'argent, moucherons de prendre en charge avec des compétences de
Psychodidae), quand ce ne sont pas des amas de dermatologue et de psychiatre.
poussières, des bouloches de tissu, des graines,
etc. (encadré 2.2.). Un autre aspect particulier
REMARQUES CONCLUSIVES
et d'ailleurs troublant de ces personnes est
qu'elles se comportent de façon cohérente dans Dans le domaine des inter-relations entre les
tous les autres aspects de la vie courante. Leurs êtres viVants, les aspects de transmission par
tentatives pour détrUire les insectes les amènent à vecteur jouent un rôle important et occupent
contacter de nombreux professionnels, y compris une place transversale reliant toutes les grandes
des entreprises de désinsectisation, bien incapables catégories des règnes du vivant (virus, bactéries,
de résoudre ce genre de désordre. protozoaires et métazoaires). Dans cette diver-
sité, la nature démontre qu'elle est souvent plus
imaginative que les concepts rigides élaborés
par l'esprit humain dans un souci de classifier.
Encadré 2.2. Extrait de Peggy Hesketh, De surcroît, cette biodiversité est elle-même
Folie à deux. changeante, la distribution des espèces vectrices
ln : Elizabeth George présente varie (certaines disparaissent, d'autres sont
Mortels péchés (recueil de nouvelles), invasives), la structure génétique des agents
Presses de la cité, 2009.
infectieux se modifie (en particulier celle des
« D'après tante Maud, tante Daphné se plai- virus), les comportements et pratiques des hôtes
gnait que sa chambre était envahie par des changent (comme l'Homme au cours des der-
insectes Invisibles. Au point qu'elle avait pris nières générations ... et des prochaines !). Dans
l'habitude de dormir sur sa commode. Elle la biosphère, qui recoupe largement ce que l'on
était convaincue que des parasites montaient appelle maintenant « environnement », il est
par les plinthes dans sa chambre, et qu'ils
bien difficile de dégager des constantes.
avaient réUSSI à s'insinuer dans son lit. Pen-
dant trois mois d'affilée, elle avait tout enlevé,
les draps, les couvertures de son lit, et les RÉFÉRENCES
avait fait bouillir et rebouillir. Elle avait scot-
i ché les interstices entre le parquet et les murs Baldacchino, F., Muenworn, v., Desquesnes, M.,
de sa chambre. Elle avait vaporisé tous les Desoli, F., Charoenviriyaphap, T., Duvallet, G., 2013.
insecticides connus de l'humanité, et elle Transmission of pathogens by Stomoxys flies
avait acheté un nouveau matelas, un nouveau (Diptera, Muscidae): a review. ParaSite, 20 : 26.
sommier, mais les insectes ne la laissaient pas Byrd, J.H., Castner, J.L. Eds, 2010. Forenslc entolIIology.
en paix. The utility ofarthropods zn legal investigatIOns. CRC
"Cette femme est folle, avait décrété ma tante Press, Boca Raton, FL. 681 p.
Maud, la première fois qu'elle avait parlé du Carnevale, P., Robert, v., Manguin, 5., Corbel, v.,
problème. Elle dit qu'il en sort de son tube de Fontenille, D., Garros, c., Rogler, c., 2009. Les
dentifrice:' » anophèles. BIOlogIe, transmiSSIOn du PlasmodiulII et lutte
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In : Duvallet G. (ed.), Fontenille Didier (ed.), Robert
Vincent (ed.). Entomologie médicale et vétérinaire
Marseille (FRA) ; Versailles : IRD ; Quae, p. 37-59
ISBN 978-2-7592-2676-4

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