Ricci JG
Ricci JG
Ricci JG
Gernet Jacques. Della entrata della Compagnia di Giesù e Christianità nella Cina de Matteo Ricci (1609) et les remaniements
de sa traduction latine (1615). In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 147ᵉ année,
N. 1, 2003. pp. 61-84;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.2003.22540
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2003_num_147_1_22540
1. Pietro Tacchi Venturi S.I., Commentarji délia Cina, Giorgetti, Macerata, 1913.
2. Pasquale M. D'Elia S.I., Storia dell'introduzione del Cristianesimo in Cina, Scritta da
Matteo Ricci, S.J., Libreria dello Stato, trois volumes, Rome, 1942-1949.
3. Mais j'ai pu consulter au Centre Sèvres de la Compagnie de Jésus une autre édition
datée du 14 février 1615 à Rome et souscrite par le Vicaire général de la Société le 30 mai
de la même année.
62 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
4. Parfois nommé Longobardi. Mais l'excellent Répertoire des Jésuites de Chine de 1552
à 1800 de Joseph Dehergne S. J., Rome, Institutum historicum S. I., et Paris, Letouzey et
Ané, 1973, donne la préférence à Longobardo.
5. Ces demandes auraient dû être d'abord soumises au Provincial du Japon, Valentim
Carvalho, personnage brutal et intolérant, peu fait pour comprendre les précautions prises
par Ricci, et que Longobardo eut peut-être la prudence de ne pas consulter.
6. Luca Fezzi, « Osservazioni sul De Christiana Expeditione apud Sinas suscepta ab
Societate Iesu di Nicolas Trigault » in Rivista di Storia e Letteratura Religiosa, Florence, févr.
2000, p. 541-566, voir p. 546.
7. Op. cit. n. 6, p. 547-550.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 63
8. /&w£,p.544.
9. La plupart des identifications ont été communiquées à D'Elia par deux savants
chinois dont l'un était alors directeur de la bibliothèque de l'Université de Pékin et dont
l'autre deviendra lui-même par la suite directeur de cette bibliothèque. D'Elia les remercie
pour leur aide dans ses Fonti Ricciane, I, p. xxn. Il n'y a pas lieu d'insister sur la
transcription des noms chinois dans le texte de Trigault. Quand ces noms ne disparaissent pas de la
traduction, on ne peut les identifier en raison de confusions entre /ou t avec s, de u et de n.
Son lecteur ne profite d'aucune des identifications de grands lettrés, hauts fonctionnaires et
religieux célèbres qui figurent dans les Fonti Ricciane et ne peut les suivre d'un chapitre à
l'autre quand ils apparaissent à nouveau. Parmi ces personnages importants, citons Jiao
64 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Hong, Feng Qi, qui devait jouer un grand rôle dans la réaction orthodoxe des environs de
1600 et dans l'arrestation de Li Zhi, les grands moines Zhuhong (Lianchi) et Deqing
(Hanshan), le ministre des fonctionnaires Li Dai, le grand secrétaire Shen Yiguan ou encore
Li Zhi, dont les relations avec Ricci présentent tant d'intérêt et qu'il serait impossible de
reconnaître dans Trigault sous le nom de Liciu. Sur ces personnages, voir L. Carrington
Goodrich et Chaoying Fang, Dictionary ofMing Biography, 1368-1644, New York-Londres,
2 vol., 1976.
10. Sur ce grand Buddha, Bernard Frank, Dieux et Bouddhas au Japon, Paris, 2000.
11. Il y avait de nombreuses ressemblances entre cultes bouddhiques et chrétiens :
pénitence, célibat, cérémonies religieuses, images pieuses, chapeaux analogues à ceux des
prêtres chrétiens. « Leur chant, quant ils récitent, semble être proprement notre plain
chant », écrit Ricci. Ces ressemblances avaient d'ailleurs été dès l'abord considérées par les
Pères comme un piège dressé par le Malin. « J'ai vu en cet endroit, dit un missionnaire,
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 65
comment le démon imite les saintes cérémonies de l'Église catholique » (texte cité dans
l'Introduction de la réédition, sous les noms de Matthieu Ricci et Nicolas Trigault, de
l'Histoire de l'expédition chrétienne au royaume de la Chine (1582-1610) (édition de Lyon, 1617),
par Desclée de Brouwer, 1978, p. 32).
12. V, 2. R709, p. 296 de D'Elia. « Procuré molto, écrit-il, di tirare alla nostra opinione il
principale délia setta de' letterati, che è il Confutio, interpretando in nostro favore alcune
cose che aveva lasciato scritto dubiose. Con che guadagnorno i Nostri molta gratia con i
letterati che non adorano gli idoli. » Sera donnée ici successivement la référence aux livres et
chapitres de Ricci, aux paragraphes de l'édition de D'Elia précédés de la lettre R, la page
de la traduction latine précédée de la lettre L, la page de Y Histoire de l'expédition
chrétienne... précédée de la lettre F, éventuellement la page de la traduction anglaise de Louis
G. Gallagher (Random House, New York, éd. de 1953) précédée de la lettre G.
66 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
13. V, 2. L589. F539 : « Nos Pères donc tirent l'autorité de cette secte à leur intention et
disent seulement qu'il y faut ajouter ce qui arrivé depuis ce Confutius. »
14. Un culte des trois fondateurs de « religions », Confucius, Laozi et le Buddha avait
été fondé au Fukien en 1553 par un certain Lin Zhao'en. Cf. op. cit. n. 9, 912-915.
15. IV, 7. R555. « E per questo si parlava molto di questo fra la gente principale, e dice-
vano essere il Padre il vero letterato che non si imbruttava niente con la setta degl'idoli,
corne fanno la maggior parte dei letterati di adesso. » Selon son habitude, Trigault ajoute à
tort au texte de Ricci : « Et hac de re frequens erat inter magnâtes sermo, illum in omne
congressu verum litteratum appellabant, qui unum Deum veneratus, verum cultum mentitis
deis colendis fœdare nollet, quod plurique faciunt apud Sinas hoc tempore litterati »
(L371).
16. L12.L106.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 67
17. IV, 6. R554. L370 « qua re dicuntur innuisse, Deum qui in eo templo colitur, reliqua
condidisse quae extra templum statuuntur, ne ea quis pro numine veneretur ». F421. G337.
18. IV, 15. L432 « librum scripserat, in quem antiquorum testimonia coniecerat, quae de
uno Numine cœli ac terrœ Moderatorem quippiam commemorabat ». F. 479. G394. Cf.
R. 624.
68 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
19. Longobardo avait mené sur ces points, entre 1622 et 1625, une enquête approfondie
auprès de lettrés chinois, dont certains convertis éminents. En était issu un ouvrage qui
concluait par la négative. Rédigé tout d'abord en latin sous le titre De Confucio ejusque
doctrina tractatus, il avait été traduit en espagnol dans les Tratâdos histôricos, pollticos,
éthicos de la monarchia de China de 1676, puis de l'espagnol en français et publié à Paris en
1701 sous le titre de Traité sur quelques points de la religion des Chinois au moment où
faisait rage la querelle des Rites. C'était une arme redoutable contre les jésuites et leur
politique d'accommodement.
20. I, 5. R55. F95. Détail déjà relevé par Paul Rule, K'ungzi or Confucius ? The Jesuit
Interprétation of Confucianism, Sydney, 1986, p. 28. Cf. L. Fezzi, loc. cit., note 56.
21. Cf. les remarques de M. Luca Fezzi, ibid.,p. 553-556.
22. Cf. aussi, entre autres exemples : 1, 5. R76. L42, « senatus philosophicus ». F105 ; 1, 6,
R107. L47. F118 ; 1, 9. R168. L101, « Philosophicis Magistratibus ». F158.
23. I, 6. Rlll. L106. F120. G55. Cependant, Ricci écrit en R160: « Et a questo tempo
arrivé taie che tutti i servitori, consigleri e più amici del Re, e che si puô dire governano
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 69
Il réduit à quelques lignes ce que Ricci écrit sur les dix mille
eunuques du Palais, dont les plus puissants servaient à l'empereur
Wanli, toujours invisible, à espionner l'administration régulière et
à piller à son profit les riches particuliers27, sur leur origine
plébéienne, leur inculture et leur intimité avec l'empereur qui en
faisait des intermédiaires obligés pour tous ceux qui voulaient
entrer en contact avec lui, d'où leur puissance et leurs méfaits ; il
saute cette intéressante remarque de Ricci :
questo regno, sono eunuchi ». Les deux affirmations ne sont pas entièrement
contradictoires dans la mesure où il faut distinguer la cour impériale (neiting) de l'administration
régulière {waiting), la règle traditionnelle et le pouvoir exorbitant usurpé par les eunuques
à partir des dernières années du xvr siècle.
24. I, 5. R 50. L25 « Ac tametsi huic regno Philosophi non imperent, dici tamen débet
Reges ipsos a Philosophis gubernari ». F91 (traduit de façon inexacte). Mais le souci de
ménager les fonctionnaires impériaux n'est pourtant pas constant chez Trigault : il
mentionne leur vénalité lors des procès et leurs appropriations illégales. 1, 9. Cf. F156. G 88.
25. L5.R50.
26. « Tametsi idolorum sectatores sparserant, Regem ad idola transisse, et propria manu
doctrinam quemdam... descripsisse. » IV, 16. R636. L440. F487. G401.
27. L'empereur Wanli envoya des eunuques en province à cette fin à partir de 1596.
70 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
et Trigault :
« Nous avons aussi remarqué que dans les années passées l'ordure
des juifs (Iudœam fœcem) s'était insinuée dans ce royaume31. »
28. 1, 9. R160 « Di qui si puô facilmente raccoliere che educatione avrà il Re di si grande
regno fra questa gente e fra donne anco senza nobiltà ».
29. 1,9. R165.
30. « His Astrologis, Geologis, Auguribus, coniectoribus, et uno verbo impostoribus,
pleni sunt vici, plenae tavernae, plena fora (...) ipsœ urbes, métropoles, aulas hac luesca-
tent », écrit Trigault à propos des pratiques de devination (L95).
31. « Annis quoque superioribus Iudaeam etiam fsecem in hœc régna confluxisse depre-
hendimus. » 1, 10. R172 de Ricci, 1, 11 de Trigault. L118. F175.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 71
35. « Di modo che possiamo dire che vennero ogni sorte di gente grave. La gente di
puoco essere non osava venire alla loro casa, stando pure sempre la porta aperta (...). Per
questo erano invitati molto soventemente a conviti fra persone molto principali, ne' quali
sempre davano il primo luogo ai Nostri, senza poterlo ricusare. » IV, 14. R623.
36. Traduction française de « Et quidem, his initiis vulgus tametsi non infimum, Domus
nostrae limen aspicere vix audebat, donec Nostri primo novitatus strepitu compresso, rem
christianam aggressi sunt, maiore libertate tum enim constare cœpit, nulli ne infimo cuique
dumum nostram claudi, ut ex iis plures Christo denique aggregati. » IV, 14. L431. Addition
au paragraphe R623. F478-479. G393.
37. Addition à V, 2. R704. L486. F536. G446 « on Sundays and on feast days ».
:
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 73
38. Ces quatre livres étaient deux opuscules du Rituel (La Grande étude et L'Invariable
milieu), les Entretiens de Confucius et ceux de Mencius.
39. A la demande du gouverneur du Jiangxi, Ricci avait rédigé une Méthode
mnémotechnique d'Occident, Xiguo jifa, publiée à Nanchang en 1596. II, 13. R490. Cf. J. Spence, The
Memory Palace ofMatteo Ricci, Londres-Boston, 1984.
40. Sur le De amicitia, J. Dehergne, S. J., « Les sources du Kiao Yeou Luen ou Traité de
l'amitié de Ricci », in Recherches de Science Religieuse, LXXII, 1984, p. 51-58.
41. Voir l'article de M. Engelfriet dans Statecraft and Intellectual Renewal in Late Ming
China. The Cross-Cultural Synthesis ofXu Guangqi (1562-1633), éd. par C. Jami, P.
Engelfriet et G. Blue, Leyde, 2001.
42. Il y avait d'ailleurs un lien entre ses démonstrations scientifiques et celles des vérités
chrétiennes, car elles obéissaient toutes deux aux procédés de la scolastique.
43. D. Bartoldi, Dell'historia délia Compagnia di Giesù, La China, Rome 1663, p. 150.
74 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
J'ai fait allusion aux livres et opuscules imprimés par Ricci. Or,
l'écriture chinoise et la reproduction de l'écrit par xylographie
ont eu un rôle déterminant dans sa politique et celle de ses
successeurs.
Le grand avantage de l'écrit en Chine venait de ce qu'il
permettait de se faire comprendre partout, indépendamment de la
multitude des dialectes, mais aussi dans une grande partie de
l'Extrême-Orient, à une époque où la culture chinoise y était
largement répandue. Comme l'écrit Ricci :
« II y a une très grande commodité dans ce système d'écriture (in
questo modo di lettera), c'est que de nombreux royaumes, de langues
très différentes entre elles, peuvent user de la même écriture et se
comprendre entre eux, comme il advient en effet avec cette écriture
de la Chine qui est commune au Japon, à la Corée, à la Cochinchine
et aux Ryûkyû [// s'agit plus probablement de Formose que de
l'archipel des Ryûkyû au nord de cette grande île]45. »
44. Addition à R538. IV, 5. L356. F408. « Qui enim Physica, Mathematica, Ethica ab hac
Ecclesia removentur duxerit, non satis novit ingeniorum Sinensium nauseam, quae salutaria
pharmaca non nisi his illita condimentis admittant. » Ricci n'hésite pas cependant à montrer
les difficultés de sa tâche. Dans une lettre du 4 novembre 1595, douze ans après son
installation dans la région de Canton et déjà admis dans les milieux lettrés et dirigeants de Nan-
chang, il classe ainsi les raisons de sa renommée : la première est que, bien qu'étranger venu
de si loin, il sache parler et écrire correctement le chinois ; la deuxième est qu'il possède une
mémoire étonnante et qu'il ait retenu par cœur « les Quatre livres de la secte de Confu-
cius » ; la troisième, ses connaissances en mathématiques ; la quatrième, les objets curieux
qu'il transporte (peintures religieuses, livres d'Europe, horloges qui sonnent l'heure,
prismes en verre de Murano...) ; la cinquième, les talents d'alchimiste qu'on lui prête ; la
sixième enfin, la doctrine qu'il enseigne. Mais, ajoute-t-il, « ceux qui viennent pour cela sont
les moins nombreux », Tacchi Venturi, Lettere del P. Matteo Ricci, II, p. 209.
45. I, 5. R52. L27. F93. Trigault : « ... maxime quod alias sit res admirabilis, et orbi
reliquo plane inusitata, quod liber quilibet editus non solum per quindecim vastissimas
huius Regni provincias cum fructu percurrat, sed ab Iaponensibus etiam atque Corianis, imo
et Caucincinensibus, Leuchisis etiam et aliis Regnis intelligatur. »
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 75
« Hic porro scribendi modus, écrit Trigault, (...) etsi memoriœ sit per-
molestus, tamen adfert secum insignem quemdam nostrisque inaudi-
tatam commoditatem... ».
La traduction française est, à son habitude, plus prolixe :
« Et encore que leur façon d'écrire soit longue et difficile à
apprendre, toutefois le travail assidu et l'industrie, moyennant la
grâce de Dieu, firent que toutes leurs peines et fâcheries leur
semblaient être bien employées... »46.
Très tôt, Ricci avait compris combien le livre xylographie dont
l'usage courant remontait en Chine au xe siècle47 était un moyen
plus rapide et plus efficace de diffusion des idées que la
prédication orale48.
« Les lettres sont si florissantes dans ce royaume, écrit-il, (...) qu'il y en
a peu parmi eux qui ne sache quelque chose des livres. Et toutes leurs
sectes se sont répandues et développées plutôt par le moyen de livres
que par des prédications et des raisonnements faits au peuple (piutosto
con libri fatti, che con prediche o ragionamenti fatti al popolo) »49.
Et sur la reproduction par xylographie :
« Avec la grande facilité, commodité et liberté d'imprimer des livres,
les Chinois, chacun qui le veut dans sa maison, sont très désireux de
composer des livres et beaucoup plus que les nôtres. Ainsi, il y a
proportionnellement beaucoup plus de livres nouveaux qui sont
imprimés chaque année parmi eux que dans aucune autre nation50 ».
51. 1, 4. R39 : « E quanto alla facilita e prestezza, parmi che, nello stesso tempo, o puoco
manco, che i nostri stampatori compongono et emendano un foglio, nell'istesso i loro inta-
gliatori intagliano una tavola ; e cosi costa molto manco stampare un libro a loro di quello
che costa ai nostri... Di qui viene la multitudine de' libri che in questo regno si stampa,
ognuno in sua casa, per essere anco grandissimo il numéro di quei che attendono a questa
arte di intagliare. »
52. I,5.L20.F86.
53. L'œuvre principale de Ricci, Le vrai sens du Seigneur du ciel, Tianzhu shiyi,
considéré parfois à tort comme un catéchisme, était un ouvrage où il s'était inspiré des
discussions qu'il avait eues avec différents lettrés ou magistrats. Il s'y attachait à combattre les
conceptions chinoises les plus courantes et celles du bouddhisme à l'aide de passages des
Classiques qui pouvaient lui être utiles. Ricci expose en R709, chapitre 2 du Livre V de ses
mémoires, le contenu de cet ouvrage : « Questo non tratta di tutti i misterij délia nostra
Santa Fede, che solo si hanno da dichiarare a' catecumeni e christiani, ma solo di alcuni
principali, specialmente quelli che di qualche modo si possono provare con ragioni naturali
et intendere con l'istesso lume naturale... Come sarebbe a dire : di esser nell'universo un
Signore e Creator di tutte le cose che continuamente le conserva ; esser l'anima dell'uomo
immortale... ; esser falsa la trasmigratione délie anime... » On en a une traduction dans
Matteo Ricci, S. J., The True Meaning of the Lord of Heaven (T'ien-chu Shih-i), translated,
with Introduction and Notes, Douglas Lancashire et Peter Hu Kuo-chen, S.I., en
coopération avec le Ricci Institute, Taipei, Taiwan The Institute of Jesuit Sources, St. Louis, 1985.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 77
54. Xu Hongze, Ming Qing jian Yesu huishi yizhu tiyao, Taipei, 1958.
55. Cf. IV, 6, R550-551 ; IV, 10, R577-578 et IV, 16, R635. Sur Li Zhi, op. cit. n. 9, 1, SOT-
SIS et Jean-François Billeter, Li Zhi, philosophe maudit (1527-1602), Genève-Paris, 1979.
56. Jiao Hong (1541-1620). Le nom de Jiao Hong ne figure pas dans Ricci, mais a été
restitué, comme plusieurs autres, par Yuan Tongli ou Xiang Da. Le lecteur de la traduction
latine et des traductions de cette traduction ne profite évidemment pas de cette
identification, nide celle de LiZhi. Sur Jiao Hong, Arthur W.îîummQÏ, Eminent Chinese of the Ch'ing
Period (1 644-1912), Washington, 1943, 145-146.
57. IV, 6. R550-551.
58. Li Zhi avait été préfet dans l'un des plus mauvais postes de tout l'empire, au fin fond
du Yunnan.
59. « Aveva lasciato l'offitio e la sua casa e, rasosi i capelli, viveva come osciano » dit
Ricci en R551. Le mot osciano ou, plus correctement, osciamo correspond au chinois
heshang, appellation usuelle des religieux bouddhiques.
78 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
nature : elle ne tenait qu'à la situation qui leur était faite et à leur
absence d'éducation. Il avait d'ailleurs des femmes parmi ses
disciples, ce qui donna lieu à des calomnies. S 'estimant meilleur
confucéen que ceux qui ne s'attachaient qu'à la lettre des
Classiques, il pensait que le grand sage avait seulement voulu
apprendre à chacun à chercher en lui-même sa propre vérité. Il
insistait sur la valeur de la conscience intime, de la spontanéité,
détestait les relations hiérarchiques, leur préférant les relations
égalitaires de l'amitié, réhabilitait l'intérêt et les passions. Il
faisait grand cas des romans, littérature en langue vulgaire qu'il
était de bon ton de mépriser, annotant les grands romans de son
temps et de l'époque mongole60. Avec sa forte personnalité, il se
rattachait à ce courant de pensée syncretiste que j'ai déjà évoqué
et qui avait eu grand succès au xvie siècle.
Li Zhi était connu pour sa froideur et son comportement
hautain61, ce que confirme Ricci qui le dit « si superbo e
arrogante » qu'il ne laissait pas entrer chez lui les plus grands
magistrats quand ils venaient pour le voir et ne leur rendait jamais
visite. Ses amis sont donc stupéfaits de lui voir faire le premier
une visite à Ricci. Et quand le missionnaire lui rend sa politesse,
Li Zhi le reçoit à son tour, ayant réuni, pour lui être agréable, de
nombreux lettrés de ses amis qui discutèrent longuement « délie
cose délia legge »62. Et, dit Ricci, « il ne voulut rien disputer ni
contredire de ce que disait le Père, mais disait au contraire que sa
loi était véritable »63. Li Zhi avait de nombreux disciples dans la
province du Huguang, au nord de Nankin, et ayant lu le De ami-
citia, où Ricci avait réuni des sentences d'auteurs antiques et
modernes et qu'il avait fait imprimer, Li Zhi en fit faire plusieurs
copies et les envoya à ses disciples, exaltant beaucoup cette
œuvre et sa composition, ce qui fut cause, dit Ricci, que « le
renom des Nôtres fut aussi connu dans cette région, grâce à ce si
fameux lettré. » A son départ, Li Zhi lui donne deux éventails sur
lesquels il avait écrit de sa main « doi sonetti molto belli » qui
64. R551. D'Elia reproduit le texte d'un de ces poèmes, op. cit. n. 2 vol. II, p. 69.
65. Trigault le nomme alors sous la forme abrégée et méconnaissable de Liciu. IV, 10.
R577-578. L392. F442-443.
66. IV, 10, R578. L393 : «... tanta benevolentia significatione, ut P. Matthaeus sibi non in
extremo orbe apud Ethnicos, sed in Europa inter familiares ordini nostro addictissimos
degere videretur ». L393 et F442-443 ajoutent des détails qui ne figurent pas chez Ricci.
67. IV, 10. R577.
68. IV, 10. R577-579.
69. Le « petit Occident » désignant l'Inde.
80 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
70. Xu Fenshu, Suite du Livre à brûler, chap. 1, p. 35 de l'éd. Zhonghua shuju, Pékin,
1975. Lettre non datée.
71. IV,7.R559.
72. IV,10.R580.
73. IV, 16. R635.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 81
74. IV, 6. L367 : « ... celeberrimum eorum templorum cœnobitam, qui publicis quae ges-
serat muneribus sponte abdicatis, caesariem raserat, et e litterato, infrequenti apud Sinas
exemplo, idolorum minister évaser at. », «... un templier très renommé des temples des
idoles, dit la traduction française (F418), qui, s'étant volontairement démis des offices qu'il
avait eus en la république, avait rasé son poil et de lettré était devenu ministre des idoles,
ce qu'on ne voit guère entre les Chinois ».
75. Ibid.
76. Liciu au lieu de Liciou.
77. IV, 10, R577-579. L392-393. F442-443.
78. IV, 16. L439. F487. La cour de Hanlin était une sorte d'académie impériale.
79. Ibid. L439 « litteratae sectae principes confutans, simulacrorum prœdicans ».
80. IV, 16. R635 : « Venne quest'uomo preso a Pacchino e molto pauroso, dit Ricci.
E vedendosi cosi disprezzato nella sua vecchiezza, per essere di più di settanta anni, nella
stessa prigione, ... egli stesso si scannô e morite (il s'égorgea et mourut), togliandosi délie
82 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
mani de' suoi inimici cosi miseramente. ». L439-440 : « Venit igitur non timide solum sed et
ignominose: cuius sensum augebat annorum supra septagenta gravis œtas... doctrinam
infamem infami morte claudens ». F487.
81. Il arrive pourtant que ses préoccupations l'amènent à commettre des erreurs. Au
chapitre 16 du Livre IV, que la version française intitule « La secte des idolâtres, étant en ce
temps marquée de grande ignominie, délivra les nôtres du danger qui les menaçait », Ricci
associe deux événements sans rapport l'un avec l'autre. Le premier est la condamnation et
le suicide de Li Zhi le 6 mai 1602 à la suite de sa mise en accusation par un mémoire du
ministre des rites. Ce mémoire s'en prenait à Li Zhi en même temps qu'aux nombreux
lettrés de l'époque qui commentaient les Classiques à l'aide des textes bouddhiques et des
écrits de Zhuangzi et Laozi, et exigeait dans les concours un strict respect des
interprétations des frères Cheng et de Zhu Xi. Il avait réjoui les missionnaires qui virent la main de
Dieu dans la condamnation de Li Zhi et des lettrés syncrétistes. Le second de ces
événements est la découverte, au matin du 14 décembre 1603, d'un placard, affiché jusque dans
les appartements de l'empereur, qui dénonçait son intention d'instituer comme prince
héritier un cadet né d'une de ses favorites. Mais cette affaire n'avait aucun lien avec la mise en
accusation de Li Zhi. Elle intervenait à rencontre des auteurs présumés de ce placard, dont
deux maîtres bouddhiques éminents qui s'étaient trouvés impliqués par hasard dans cette
affaire. Or, ces deux maîtres étaient, comme la plupart des amis des missionnaires, hostiles
à la corruption régnante et indignés de cette enfreinte aux rites qu'aurait constituée
l'institution d'un cadet comme prince héritier. L'un d'eux était Deqing (1546-1623), que Ricci
nomme de son appellation de Hanshan, exégète de sûtra de différentes écoles, mais aussi de
textes classiques, tels que la Grande étude et le Zuozhuan, et des auteurs taoïstes Zhuangzi
et Laoz/. On doit à Deqing une autobiographie où il décrit ses expériences mystiques.
L'autre, que Ricci nomme de son appellation de Daguan, était Zhenke (1544-1604), célèbre
pour son ascétisme et sa conception intransigeante de la discipline bouddhique. On lui doit
une nouvelle impresssion du canon bouddhique chinois, œuvre immense qui compte,
d'après les calculs de Paul Demiéville, dans l'édition dite de Taishô publiée de 1924 à 1929,
« quelque 40 millions de mots chinois ». Zhenke mourut de la peine de 30 coups de bambou
qui lui avait été infligée. Voir op. cit. n. 9, p. 1272-1275 et 140-144.
A PROPOS DES MÉMOIRES DE MATTEO RICCI 83
82. Xinwu Lu jun muzhiming dans Les œuvres complètes de Lu Kun, Lu Xinwu quanji,
8b. Sur Lu Kun (24 oct. 1536 - 6 mai 1618), cf. op. cit. n. 9, 1006-10.
83. Sur la propension chinoise à combiner bouddhisme et enseignements des
missionnaires, J. Gernet, Chine et christianisme. La première confrontation, Paris, 1991, p. 104-108.
84. Dont celui de Liu Dongxing, cet ami de Li Zhi mentionné plus haut dont Ricci
indique qu'il était « assai dato (...) aile cose dell'altra vita ».
84 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
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