Les Notions Fondamentales Du Droit Du Contrat
Les Notions Fondamentales Du Droit Du Contrat
Les Notions Fondamentales Du Droit Du Contrat
CHAPITRE PRELIMINAIRE
Sous-titre 1er du Titre III du Livre III du Code civil – Le contrat (art. 1101 à 1231-7)
- Le contrat est un acte juridique (C. civ., art. 1100-1 – Les actes juridiques sont des
manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être
conventionnels ou unilatéraux).
C. civ., art. 1100-1, alinéa 2 – Ils [les actes juridiques] obéissent, en tant que de raison,
pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.
[C. civ., anc. art. 1101 – Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire
quelque chose.]
Le contrat comme acte de prévision : véhicule conduisant d’une situation initiale à une
situation finale. Les parties, considérant la situation initiale, élaborent le contrat qui sera le
moyen adéquat d’atteindre la situation finale qu’elles ont en vue ; cette situation finale étant
celle qui doit leur permettre de satisfaire le besoin qui les a déterminées à contracter.
- Un même contrat peut relever de plusieurs catégories (par exemple, un contrat de vente
est un contrat synallagmatique [par opposition au contrat unilatéral], à titre onéreux [par
opposition au contrat à titre gratuit], et c’est un contrat consensuel [par opposition au
contrat solennel et au contrat réel], ce qui implique la nécessité d’articuler une pluralité
de régimes.
1) Exposé de la distinction
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A l’opposé, ce qui caractérise le contrat unilatéral, c’est qu’il ne crée d’obligations qu’à la
charge d’une seule des parties, même si toutes les parties ont donné leur consentement lors de
la conclusion du contrat (V. anc. art. 1103, « le contrat est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs
personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières,
il y ait engagement »). Ex : une donation est un contrat, mais seul le donateur est obligé. Le
bénéficiaire de la donation n’a aucune obligation qui pèse sur lui. C’est toutefois un contrat, et
non un acte juridique unilatéral, car, pour que la donation soit valable, il faut l’accord de celui
qui en bénéficie. Comme il y a accord de volontés, c’est un contrat, mais comme seul le
donateur est tenu d’une obligation, c’est un contrat unilatéral.
2) Intérêt de la distinction
Cette classification des contrats commande certaines règles importantes. Par exemple, dans les
contrats synallagmatiques, comme les obligations sont réciproques, si l’une des parties
n’exécute pas son obligation, l’autre partie dispose de moyens de pression propres à ces
contrats. Ex : elle peut suspendre l’exécution de sa propre obligation tant que l’autre ne s’est
pas exécutée. C’est ce que l’on appelle l’exception d’inexécution. Ainsi, dans la vente, tant que
vous n’avez pas été livré, vous pouvez refuser de payer le prix. D’évidence, un tel moyen de
pression ne peut exister dans les contrats unilatéraux puisque seul un contractant est obligé.
Egalement, si l’un des contractants n’exécute pas, ou exécute mal, son ou ses obligations, son
cocontractant peuvent mettre en œuvre cette sanction propre à cette catégorie de contrat que
constitue la résolution pour inexécution.
1) Exposé de la distinction
- soit rendre service à autrui : ex. le prêt à usage d’une chose, ou encore le prêt d’argent sans
intérêt.
Certains contrats peuvent être, selon leurs stipulations particulières, à titre gratuit ou onéreux
(ex : le prêt de somme d’argent selon qu’il y a ou non stipulation d’intérêts).
2) Intérêt de la distinction
La classification des contrats à titre onéreux et des contrats à titre gratuit commande de
nombreuses règles. Dès lors que le contrat est à titre onéreux, s’appliquent les règles générales
(ex. : exigence d’une contrepartie ni dérisoire, ni illusoire, C. civ., art. 1169) ou particulières
lorsque le contrat à titre onéreux est la source d’une obligation monétaire (ex. : règles de
détermination du prix, C. civ., art. 1164 et 1165). Egalement, en matière de contrats à titre
gratuit, la loi est plus vigilante pour contrôler la validité du contrat, afin d’éviter qu’une
personne en état de faiblesse ne se laisse abuser par une personne mal intentionnée. En outre,
les contrats à titre gratuit peuvent constituer des moyens de fraude pour celui qui veut échapper
au paiement de ses dettes. Sur le plan fiscal, les actes à titre gratuit sont en général plus taxés
que les actes à titre onéreux.
[C. civ., anc. art. 1104 – Il est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner
ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de
ce qu'on fait pour elle.
Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des
parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire.]
1) Exposé de la distinction
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2) Intérêt de la distinction
C. civ., art. 1109 – Le contrat est consensuel lorsqu'il se forme par le seul échange des
consentements quel qu'en soit le mode d'expression.
Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes
déterminées par la loi.
Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d'une chose.
L’« échange des consentements » renvoie à l’« accord de volontés » qui figure à l’article
1101 du Code civil dans la définition du contrat.
Exception : Le formalisme
o Contrat solennel : contrat pour la validité duquel la loi exige que le consentement soit
donné selon une forme déterminée. La formalité peut consister en l’exigence d’un écrit,
acte authentique (ex : donation ordinaire) ou acte sous-seing privé, ou d’une procédure
particulière (ex : mariage par la célébration devant l’officier de l’état civil).
- Distinction du formalisme légal et du formalisme conventionnel.
- Distinction du formalisme substantiel (ad validitatem) et du formalisme probatoire (ad
probationem)(V. sur l’exigence d’un écrit à des fins probatoires : C. civ., art. 1359 et D.
n° 80-533 du 15 juill. 1980, art. 1er).
o Contrat réel : le contrat n’est valable que lorsque la remise de la chose, objet du contrat,
vient parfaire l’accord de volonté des parties (ex : donation manuelle ; prêt consenti par
une personne qui n’est pas un professionnel du crédit).
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C. civ., art. 1110 – Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont (L. n° 2018-
287 du 20 avril 2018) négociables entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui (L. n° 2018-287 du 20 avril 2018) qui comporte un
ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties.
Rédaction initiale : Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement
négociées entre les parties.
Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la
négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties.
Le contrat cadre est la matrice des contrats à venir (ex : contrat de fourniture) et qui en seront
la mise en œuvre.
La qualification de contrat cadre autorise les parties à prévoir que le prix des contrats
d’application sera fixé unilatéralement par l’une d’elles pour chacun d’eux (C. civ., art.
1164).
C. civ., art. 1111-1 – Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations
peuvent s'exécuter en une prestation unique.
Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d'au moins une
partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps.
o Caractère indivisible de l’exécution des obligations des parties (ex : contrat de vente).
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Contrat à exécution successive : l’objet de l’une au moins des obligations impose qu’elle
s’exécute en s’échelonnant dans le temps (ex : contrat de bail ; contrat de travail).
On appelle contrat nommé le contrat qui est réglementé par le législateur ; il correspond à une
catégorie juridique précise. Les divers contrats qui font ainsi l’objet d’une réglementation
spéciale constituent ce que l’on appelle les contrats spéciaux. Tel est le cas notamment du
contrat de vente, du bail, du mandat ou encore du prêt. On appelle contrat innomé le contrat qui
n’entre dans aucune catégorie légale : il est atypique.
Cette classification est importante pour le juge et pour les parties. Pour certains contrats
nommés, le législateur a prévu des règles impératives, c’est-à-dire des règles auxquelles on ne
peut déroger. Dès lors, si le contrat appartient à une catégorie de contrat nommé, les parties
comme le juge devront respecter le jeu des règles impératives. Toute clause contraire sera nulle.
considéré aujourd'hui comme l'un des précurseurs du catholicisme libéral, 1802-1861) : « Entre
le fort et le faible, [entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur,] c'est la liberté qui
opprime et la loi qui affranchit ». (52e conférence de Notre-Dame).
Aujourd’hui, il est assez largement admis que le fondement de la force obligatoire réside
dans la loi et non dans la volonté des parties.
Cette évolution s’est traduite par le développement de courants doctrinaux successifs : le
dirigisme, le néolibéralisme et, en dernier lieu, le solidarisme contractuel.
A l’opposé de certains projets européens, et du Projet de réforme du droit des contrats élaboré
en 2008 par la Chancellerie, l'ordonnance du 10 février 2016 n'a pas opté pour un chapitre
préliminaire consacré aux « principes directeurs » du droit des contrats. Si l’ordonnance,
comme ces textes, pose les principes de liberté contractuelle, de force obligatoire du contrat et
de bonne foi, le choix a été fait de les intégrer dans le premier chapitre consacré au contrat,
intitulé « Dispositions préliminaires ».
L’objectif du législateur a ainsi été « de signifier que les principes ainsi posées, bien que
destinées à donner des lignes directrices au droit des contrats, ne constituent pas pour autant
des règles de niveau supérieur à celles qui suivent et sur lesquelles les juges pourraient se
fonder pour justifier un interventionnisme accru : il s'agit bien plutôt de principes destinés à
faciliter l'interprétation de l'ensemble des règles applicables au contrat, et au besoin à en
combler les lacunes » (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-
131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations ).
La dialectique du principe et de l’exception : chacun des principes posés par le Code civil
connaît un certain nombre d’exceptions, mais celles-ci, quel que soit leur nombre, ne suffisent
pas à remettre en cause le principe, lequel doit donc s’appliquer chaque fois que la loi ne l’a pas
spécialement écarté par une règle d’exception.
Par conséquent, en gardant à l’esprit que le principe de liberté contractuel n’a qu’une portée
relative et est susceptible de faire l’objet d’exceptions légales, ce principe se décline de la façon
suivante :
[C. civ., anc. art. 1134, al. 1er – Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi
à ceux qui les ont faites.]
Le principe de la force obligatoire du contrat trouve l’une de ses origines dans l’adage
Pacta sunt servanda [les conventions doivent être respectées] forgé par les canonistes, lesquels
ne lui prêtaient qu’une portée relative, en vertu de l’adage « à l’impossible nul n’est tenu ». Au
XIXème et au XXème siècle, ce principe a été conçu comme un absolu par la doctrine classique.
Mais les dernières évolutions du droit des contrats marquent un retour à une conception relative.
C. civ., art. 1104 – Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
Dans la rédaction de 1804, la bonne foi n’apparaissait dans le Code civil qu’à l’article 1134,
alinéa 3 : « Elles [les conventions] doivent être exécutées de bonne foi ». Dans l’esprit des
rédacteurs du texte, cette référence visait simplement, en écartant la notion romaine de contrat
de droit strict – c’est-à-dire dont le contenu se limite à ce qui y est expressément exprimé – à
autoriser ce qu’il est convenu d’appeler une interprétation complétive du contrat – c’est-à-dire
une interprétation du contrat permettant de le compléter en s’appuyant sur une recherche de
l’intention des parties ainsi que sur l’équité, les usages ou la loi (V. C. civ., anc. art. 1135).
Dans les deux dernières décennies du XXème siècle, la jurisprudence, incitée en cela par
une partie de la doctrine – notamment, Y. Picod, D. Mazeaud, J. Mestre ou encore Chr. Jamin
– a développé une conception nouvelle de la bonne foi. Celle-ci n’est plus seulement entendue
comme un principe d’interprétation du contrat, elle devient également un devoir de
comportement en matière contractuelle. Cette exigence comportementale ne se réduit plus
nécessairement à une absence de mauvaise foi, et prend un tour positif qui se traduit notamment,
selon les cas, par un devoir de loyauté, de coopération, d’information.
Reste que la notion de bonne foi, comme celles de bonnes mœurs ou de raisonnable –
antérieurement, le bon père de famille –, est en elle-même indécise, en ce que son contenu
dépend de la conception que l’on se fait de ce que doivent être les rapports entre contractants.
Autrement dit, son contenu dépend de conceptions antérieures au droit, de la philosophie
politique que l’on pense devoir inspirer la mise en œuvre de la technique contractuelle.
- De façon générale, en raison de leur engagement, chacune des parties est tenue de ne
rien faire qui fasse obstacle à la bonne exécution du contrat (V. introduction sur la
réduction d’autonomie liée à l’assujettissement au rapport d’obligation).
- Plus spécialement, les parties peuvent être tenues d’un devoir de collaboration lorsque
leur collaboration, matérielle ou intellectuelle, s’avère nécessaire eu égard à la nature
ou à l’objet du contrat. En l’absence de stipulations expresses, les parties sont tenues à
cette collaboration si elle est nécessaire soit à la définition de l’objet de leur prestation,
– ce qui est le cas des contrats informatiques (V. Paris 18 juin 1984 et 26 juin 1985,
RTD civ. 1986. 102, obs. J. MESTRE ) –, soit à sa bonne exécution, à l’exemple du
contrat de travail ou de ceux relatifs à la distribution.
- Egalement, dans la phase de formation du contrat, les parties en présence sont tenues de
ne pas tromper ou surprendre leur partenaire, ce qui se traduit notamment par des
obligations d’information, voire de mise en garde ; de même que de ne pas exploiter de
façon abusive les faiblesses de l’autre.
Les limites temporelles de la bonne foi : négoci[er], form[er] et exécut[er] de bonne foi
Extension par rapport à l’ancien article 1134, alinéa 3, mais pas par rapport à la
jurisprudence.
- Contrat négocié et formé de bonne foi : la période précontractuelle, y compris les
pourparlers, car le projet de contrat conditionne déjà le comportement des parties.
- Contrat exécuté de bonne foi, y compris pendant une période de suspension ou pendant
la durée du préavis (Cass. com., 7 oct. 2014, n° 13-21086 : RDC 2015/1, p. 18, note E.
Savaux).
- En revanche, l’exigence de bonne foi cesse au terme de la relation contractuelle (ex :
caducité du contrat suite à la défaillance de la condition : Cass. 3e civ., 14 sept. 2005, n°
04-10856 : JCP G 2005, II, 10173, note G. Loiseau), ou bien encore en cas
d’anéantissement rétroactif de la relation contractuelle (V. en cas d’annulation du
contrat : Cass. 3e civ., 18 mai 2011, n° 10-11721).
L’exigence de bonne foi étant d’ordre public, le juge a-t-il le devoir ou le pouvoir de la
contrôler d’office ? (V. N. Balat, Le juge contrôlera-t-il d’office la bonne foi des contractants ?,
D. 2018, p. 2099).