Texto 1
Texto 1
Texto 1
ISSN: 2658-9206
Résumé
Cet article interroge le concept de la francophonie dans sa dimension didactique. Il le
revisite pour proposer des pistes de réflexion pratiques pour les enseignants du français dans
le but d’assurer un enseignement implicite et/ ou explicite de la francophonie, dans une vision
d’ouverture, d’échange et de transfert interculturel entre les différentes aires francophones.
Nous abordons dans ce sens l’apport du numérique, et par la suite l’exploration de la place
accordée à la francophonie dans les programmes d’enseignement du français au secondaire au
Maroc.
Mots clés : Francophonie, enseignement, interculturel, numérique, langue française
Abstract
This article examines the concept of the Francophonie in its didactic dimension. It
revisits it in order to propose didactic paths for teachers of French with the aim of ensuring an
implicit and/or explicit teaching of the Francophonie, in a vision of openness, exchange and
intercultural transfer between the different Francophone areas. In this sense, we question the
contribution of digital technology, and then end with an exploration of the place given to the
Francophonie in the teaching programes of French at secondary level in Morocco.
Key words : Francophonie, teaching, intercultural, digital, French language
1. Introduction
La question de la francophonie est souvent abordée d’un point de vue politique et
idéologique. Elle ne cesse d’être l’objet des débats houleux sur plusieurs thématiques,
notamment les inégalités entre le Nord et le Sud, la question de la mémoire et les rapports
historiques de la colonisation, l’hégémonie culturelle et l’exploitation économique des
richesses, etc. La fixation de la focale sur ces aspects ancre l’espace francophone dans des
rapports conflictuels, emprisonnés et otages d’un passé marqué par des blessures archaïques
aussi bien sur le plan matériel que symbolique. L’ouverture sur d’autres perspectives
permettrait aux générations futures de revisiter un ensemble de postulats, de stéréotypes et de
conceptions. L’entrée didactique, constitue, selon nous, une occasion pour interroger les
spécificités, les liens et les opportunités au sein de l’espace francophone, à travers un
enseignement qui met en valeur la diversité et la richesse des cultures, le vrai capital
symbolique commun entre les pays francophones.
96
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
1
Ensemble de croyances, des idées caractéristiques d'un groupe ou d'une société à un moment donné.
97
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
Speath (2018 :29), quant à elle, insiste sur l’importance d’enseigner l’histoire de la
Francophonie1, mais elle considère que l’histoire officielle telle qu’elle est relayée par les
instances est un obstacle idéologique et épistémologique à son enseignement parce qu’elle est
figée dans une logique promotionnelle. Il serait alors plus judicieux de l’inscrire dans ce que
Speath appelle « l’historicité » à travers des discours et des textes spécifiques. Egalement,
aborder l’histoire de la Francophonie pourrait se faire à travers le travail sur des productions
culturelles, permettant de déconstruire et de reconstruire des aspects saillants des langues et
des cultures francophones. Cette entrée développe certainement chez l’apprenant des
connaissances théoriques, mais aussi des outils d’analyse et de critique des postulats présentés
par les institutions officielles.
3. Que peut-on enseigner dans la francophonie ?
La francophonie n’est pas un objet simple à enseigner comme la physique ou les
mathématiques, elle est complexe par ses aspects linguistique, culturel et politique. D’où toute
réflexion didactique devrait en tenir compte, ainsi que des paramètres du contexte, puisque
l’enseignement de la francophonie se situe au continuum de l’enseignement du français
langue maternelle, seconde ou étrangère. Dans ce sens, Chnane-Davin (2018 :5) estime que
« En élargissant l’espace de l’enseignement du français, souvent centré sur la culture
française, on passe à un enseignement qui ouvre l’apprenant à d’autres horizons, à des
régions du monde sur les 5 continents grâce à la langue médiatrice entre des
locuteurs francophones pour partager des valeurs, des symboles et des émotions ». Cette
ouverture permettra certainement la remise en question des rapports établis entre les pays
francophones, francophiles, et la place accordée aux francophonies du Nord et celles du Sud.
Il s’agit de cultiver ce dépassement de l’idée égocentrique, ethnocentrique et de glottophagie.
L’auteure propose des exemples d’objectifs d’enseignement adaptés au contexte :
1
La Francophonie avec F renvoie à aux instances institutionnelles et politiques, alors que francophonie avec f
aux territoires où la langue française est présente. Dans cet article, nous avons opté pour la transcription
« francophonie » pour désigner les deux réalités à la fois territoriale et institutionnelle.
98
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
francité, francisation,… Ce travail permettra d’introduire les apprenants dans les aires
géographiques francophones avec leurs spécificités : statut du français, histoire des rapports,
la question de la francisation et ses moyens, etc. Sur le plan de la Francophonie
institutionnelle, plusieurs ouvrages ont dressé l’état des lieux, le passé, le présent et l’avenir
de la francophonie, engager des réflexions sur ces productions serait plus enrichissant, avec
l’arrêt sur les discours des fondateurs, qui recèlent des idées et des visions de l’espace
francophone. Cela amènera les apprenants à réfléchir sur les différents rapports géopolitiques
entre ses membres.
En matière de supports didactiques audiovisuels, les sites de l’OIF, de l’AUF, de la
chaîne TV5, contiennent des propositions intéressantes sur la diversité et la richesse des
cultures et des langues francophones.
La célébration des événements de promotion de la langue française, notamment la journée
internationale de la francophonie, la journée internationale des professeurs de français, sont
des prétextes pour aborder les enjeux de la Francophonie à l’oral comme à l’écrit. Les
créations des apprenants pourraient susciter des débats en rapport avec des questions
d’actualité.
Au niveau de la culture anthropologique1, les pays francophones témoignent d’une
grande diversité. Aborder cet aspect, dans le cadre d’une approche comparative, permet
d’identifier les caractéristiques des modes de vie, des habitudes, des coutumes, des traditions,
etc. Il s’agit d’établir un retour sur sa propre culture pour saisir les ressemblances et les
différences avec celle de l’Autre. Cette prise de conscience se base essentiellement sur la
déconstruction, la reconstruction des stéréotypes et des préjugés sur sa culture et celle de
l’Autre, dans l’objectif de lutter contre l’ethnocentrisme, et l’ouverture sur l’altérité. Loin du
folklorisme, le travail sous forme d’activités et de tâches problématise le fait culturel afin d’en
assurer la compréhension.
En ce qui concerne le niveau de la culture savante liée surtout à la littérature ou à
l’expression raffinée, le travail consiste à doter les apprenants d’une richesse intellectuelle
universelle. A travers le choix de productions culturelles de plusieurs contextes, les regards se
croisent dans une perspective interculturelle, pour enrichir le capital culturel de l’apprenant.
Dans ce sens, le texte littéraire est considéré comme le lieu de rencontre de l’altérité par
excellence. Il est porteur d’un système de valeurs qu’il met en contact avec celui du lecteur,
comme l’affirme Abdellah-Pretceille (1999 :2) « le texte littéraire, production de
l’imaginaire, représente un genre inépuisable pour l’exercice artificiel de la rencontre avec
l’Autre ; rencontre par procuration certes, mais rencontre tout de même ».
Les productions artistiques orales constituent également une entrée incontournable
pour enseigner la francophonie. En effet, le conte, la chanson, la bande dessinée, le slam, et
d’autres sont des supports pour aborder la variation sociolinguistique et culturelle, les
spécificités de l’oralité et son apport au patrimoine immatériel francophone. Ces supports sont
plus manipulés par les jeunes, cela pourrait les intéresser en salle de cours. Il suffit seulement
que l’enseignant mobilise les approches didactiques et pédagogiques compatibles pour
aborder les éléments sous-jacents évoqués dans ces productions culturelles, traditionnelles
et/ou contemporaines.
1
La culture anthropologique est la culture de tous les jours, ce sont les modes de penser, de vivre qui permettent
de prendre conscience de sa propre culture et de la confronter à celle de l’Autre. Elle est spécifique à chaque
société, à des communautés et à des individus.
99
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
1
Nous citons à titre d’exemple, le travail fait dans ce sens par la Fédération Internationale des Professeurs de
Français (FIPF).
https://bop.fipf.org/ https://bop.fipf.org/category/fiches-et-ressources-francophonie/ https://ifprofs.org/
2
Agence universitaire de la francophonie, les associations des professeurs de français, France éducation
international (BELC), etc.
100
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
1
« La boîte à merveilles» de Sefrioui, et « Il était une fois un vieux couple heureux » de Khaireddine.
2
« La ficelle » ou « Aux champs » de Maupassant, Mérimée : « La vénus d’Ille » de Mérimée ou « Le chevalier
double » de Gautier, « Le bourgeois gentilhomme » de Molière, « Le dernier jour d’un condamné » de Hugo,
« Antigone » d’Anouilh, « Candide » de Voltaire, « le père Goriot » de Balzac.
102
Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206
103