Mav 038 0240
Mav 038 0240
Mav 038 0240
Résumé
Abstract
240
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
Des études de terrain de ces cinquante dernières années ont montré que des
variations dans la composition du groupe pouvaient avoir d’importants effets sur
son fonctionnement (Williams et O’Reilly, 1998). L’hétérogénéité démographique
en termes d’ancienneté, de sexe, et de nationalité aurait des effets négatifs sur
les comportements sur le lieu de travail et sur la performance (Chatman, Polzer,
Barsad et Neale, 1998 ; Pelled, Eisenhardt, et Xin, 1999 ; Smith et al., 1994).
A l’inverse, une homogénéité démographique accrue aurait des effets positifs
sur l’appréciation, la satisfaction, l’engagement, l’ancienneté et la performance
et réduirait le turnover (Elfenbein et O’Reilly, 2002). Des auteurs comme Earley
et Mosakowski (2000) et Murray (1989) ont eux mis en évidence une approche
intermédiaire selon laquelle homogénéité et hétérogénéité pouvaient toutes
deux être une source de performance. Les groupes hétérogènes seraient plus
efficaces dans un environnement changeant alors que les groupes homogènes
seraient plus performants dans des environnements stables et compétitifs
(Murray, 1989).
Pour qu’une équipe bénéficie de sa diversité et donc soit performante, elle doit
parvenir à apprendre collectivement c’est à dire à créer un modèle mental
commun ou encore un consensus caractérisé entre autres par les valeurs, les
croyances et les représentations partagées par les membres (Fiol, 1994). La
création de cette représentation commune devient alors une condition nécessaire
à la performance de l’équipe.
241
38
Pour ce faire, nous exposerons, dans un premier temps, les conditions sous
lesquelles le conflit affectif représente une menace pour la diversité. Il s’agira,
plus précisément, d’expliciter comment la diversité engendre des conflits cognitif
et affectif. Puis, nous mettrons en évidence et analyserons les effets respectifs
de ces deux types de conflits sur la performance de l’équipe.
Le conflit est « une prise de conscience par les parties impliquées de leurs
divergences ou de l’incompatibilité de leurs désirs. » (Jehn, 1997). Plus
242
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
Il est essentiel d’étudier les conflits prenant place au sein des groupes dans
la mesure où, de nos jours, les individus interagissent de plus en plus
quotidiennement. La gestion du conflit est un élément important de l’efficacité
d’une équipe. Pour être performantes, les équipes doivent être capables de gérer
les conflits qui font naturellement partis de leur environnement. Nous pouvons
distinguer dans la littérature deux types de conflits intragroupes : le conflit cognitif
et le conflit affectif.
243
38
244
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
Prenons l’exemple d’un dirigeant dont la consigne est de réduire ses dépenses
au maximum et qui en parallèle prend la décision de mettre en place une
stratégie croissance externe qu’il juge fondamentale pour la bonne marche de
son entreprise.
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
Des éléments cognitifs peuvent être dissonants pour un individu et ne pas l’être
pour un autre possédant une culture différente ou ayant vécu des expériences
différentes.
Le groupe social tel une équipe de travail est une source majeure de dissonance
cognitive éprouvée par un individu (Festinger, 1957). En d’autres termes, les
éléments cognitifs correspondant à l’opinion d’un individu peuvent être dissonants
avec la cognition (s’exprimant sous forme de la connaissance) qu’un autre
individu possède une opinion contraire à la sienne. Les informations et opinions
qui lui sont communiquées par les autres membres du groupe peuvent introduire
de nouveaux éléments dissonants avec ses cognitions déjà existantes et ainsi
générer des conflits intra groupes de type cognitif.
Nous allons voir dans le paragraphe suivant que ce conflit cognitif va susciter un
apprentissage individuel, lui-même facteur de créativité et de performance.
1.2.3. Le conflit cognitif, source d’apprentissage individuel
Dans cet article, nous nous intéressons exclusivement au processus
d’apprentissage relatif à la modification voire au changement complet de
représentations et défini comme suit par Giordan (1993) : « L’apprentissage n’est
pas un simple enregistrement d’informations par un sujet, mais implique une
transformation de ses structures mentales. […] Apprendre c’est transformer ses
245
38
En d’autres termes, une dissonance cognitive doit créer une tension telle qu’elle
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
246
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
Pour expliquer cet état de fait, il s’agit d’envisager que même si conceptuellement
l’affectif est distingué de l’émotion, leur lien est tel qu’il est souvent envisagé
qu’ils sont plus qu’indissociables, l’émotion étant considérée par certains
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
Jehn et Mannix (2001) se sont intéressés à la dynamique des conflits qui émergeait
au sein d’une équipe en travail. Ils ont conclu de leur étude que les groupes
les plus performants dans la réalisation d’un projet commun étaient caractérisés
par un modèle particulier de conflits constituant une norme à privilégier. Plus
précisément :
247
38
le niveau de conflit affectif est faible avec une augmentation à la fin du projet.
Ce phénomène s’explique par les effets de l’interdépendance des individus
accentués sous la pression de la date limite ;
le niveau de conflit cognitif est modéré à mi-parcours du projet alors qu’il est
relativement faible en début et fin de période. A mi-parcours, les membres
s’engagent dans une activité de discussions sur leurs objectifs et de débats
sur les différentes opinions de chacun pour déterminer le contenu spécifique
du produit final ou de la décision. Dans les groupes qui ont, jusqu’à ce point,
bien géré le conflit affectif, les individus sont à l’aise les uns avec les autres
et s’engagent dans un conflit de type cognitif sans l’assimiler à des attaques
personnelles.
248
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
249
38
En d’autres termes, lors d’un tel processus, les émotions - au travers des
neurotransmetteurs et hormones - « prennent le pouvoir ». Elles perturbent
biologiquement le cortex qui n’arrive plus à mémoriser, ni à agir pour inhiber les
émotions négatives et à conduire l’individu à penser à autre chose (focalisation
de l’individu sur le problème qui a été marqué par un processus émotionnel à plus
long terme) (Quirk et Beer, 2006). C’est ce dernier processus qui est relié tant à
des variables psychologiques et affectives (Cherniss, 1980 ; Lee et Ashforth, 1993)
qu’à des conséquences organisationnelles, telles que les attitudes négatives au
travail et la baisse de performance (Lee et Ashforth, 1996 ).
250
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
frontal (néo-cortex, cognitif), mais une activation des régions du cerveau liées au
mouvement. Ainsi, selon ces auteurs, l’observation de mouvements uniquement
humains génère, de façon effective, l’activation des neurones « moteur » chez
les humains observateurs.
2.2.2. Une réaction prometteuse ou nuisible au groupe de travail
En regard de cette caractéristique contagieuse, les émotions peuvent se propager,
tel une épidémie à l’ensemble du groupe et défavoriser l’essence même de l’équipe
et sa performance. A cet égard et pour appuyer cet état de fait, il est question de
constater l’épidémie psychologique et émotionnelle au travers, notamment du
suicide, sujet amplement traité de ce point de vue. Déjà dans ses écrits de 1897,
Durkheim distinguait le suicide causé par le moral et celui induit d’une épidémie
dans un groupe sous l’influence d’une pression commune. Le premier est issu
d’une imitation avec des attributs psychologiques alors que le second est un
fait social (p.131-130). Selon lui, lorsque plusieurs cas de suicide se produisent
dans la même famille, cela peut s’expliquer par la contagion, car rien n’est plus
contagieux que le suicide (p.141-142), issu de ressentis d’émotions négatives. La
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
Or, cette contagion émotionnelle est présente dans les groupes de travail, comme
le démontrent plusieurs études. Shaw et Duffy (2000), dans leur étude de 143
groupes de travail d’étudiants, montrent que l’existence d’une envie, jalousie intra-
groupe mène à la baisse de la performance du groupe, liée avec davantage de
fainéantise du groupe, moins de cohésion et de puissance du groupe. Mason et
Griffin (2002) montrent, au travers de la contagion émotionnelle, la transmission
entre individus d’un même groupe, d’attitudes au travail, telles que la satisfaction au
travail influant sur la qualité d’action du groupe et sa performance. Selon Ashforth
et Humphrey (1995) dans la dynamique de groupe, la contagion émotionnelle a
un effet cohésif et catalytique des conflits. La contagion émotionnelle de groupe
influence la performance d’équipe au travail et la cohésion sociale de groupe
(van Hoorebeke, 2006). Deux études ont investigué la contagion de l’humeur
et de l’affectif dans les groupes de travail. La première (George, 1990) montre
une grande entente affective au travail dans un groupe de vendeurs, la seconde
(Totterdell et al., 1998) dévoile que la moyenne de l’humeur d’un des membres
peut prédire l’humeur du groupe, à un moment t. Dans ce sens, l’effet de la
contagion est souvent associé avec une convergence d’humeur et d’attitudes au
travail (Mason et Griffin, 2002).
251
38
Conclusion
Une piste de recherche adjacente découle des travaux récents de Harrison et Klein
(2007). Ces derniers ont récemment expliqué l’absence de consensus théorique
qui prévaut aujourd’hui sur les effets de la diversité démographique en remettant
en cause la définition même de cette dernière. Elle ne serait, selon eux, pas
représentative de la complexité de ce concept . « La diversité est diverse » (Klein
252
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
and Harrison, 2007). Elle peut prendre les trois formes suivantes : la variété, la
séparation et la disparité.
Ces trois types de diversité n’ont pas le même impact sur la performance de
l’équipe. La variété montre des effets positifs sur la créativité et l’efficacité. La
séparation influence négativement la cohésion, la coordination et le moral du
groupe (Byrne, 1971 ; Harrison, Price and Bell, 1998 ; Tsui, Ashford, St Clair and
Xin, 1995). Ce dernier type de diversité induirait un mécanisme plus affectif que
cognitif à l’origine de conflits affectif affectant l’intégrité et l’identité du groupe. La
disparité altère la prise de parole, la participation et le partage d’information dans
le groupe (Bloom, 1999, Eisenhardt and Bourgeois, 1988, Pfeffer and Davis-
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
253
38
En tant que proposition littérale, cet écrit possède de nombreuses limites, d’un
point de vue quantitatif. Cependant, il correspond à la phase préliminaire d’une
recherche. Son objectif, en cela, était d’établir une revue de littérature et d’en
tirer une analyse afin de percevoir où se situer les points les plus marquants de
la gestion de la diversité et les solutions envisageables pour y remédier. Grâce
à cette première étape, une étude approfondie, notamment, par expérimentation
ou par méthodes de scenario permettra de démontrer notre hypothèse ultime : la
contagion émotionnelle est un levier de gestion du conflit affectif. Une hypothèse
utile s’il en est dans un domaine aussi révélateur que celui du management de
la diversité au travail.
Bibliographie
254
Le management de la diversité des équipes
par la contagion émotionnelle, au cœur de la
performance de groupe ?
York.
Derbaix C. et Pham M ; (1989), “Pour un Développement des mesures de l’Affectif en
Marketing : Synthèse des pré requis”, Recherche et Applications Marketing, 4,4, 71-87.
Durkheim E. (1897), Le suicide. Étude de sociologie, Paris: Les Presses universitaires de
France, 2e édition, 1967. Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine.
Earley and Mosakowski (2000), « Creating hybrid teams culture: an empirical test of
transnational team functioning », Academy of Management Journal, 43(1), p. 26-49.
Eisenhardt, K.M. (1999), “Strategy as Strategic Decision Making”, Sloan Management
Review, spring.
Eisenhardt KM and Bourgeois LJ (1988), “Politics of Strategic decision making in high-
velocity environments: Toward a midrange theory”, Academy of management journal, 31,
737-770
Eisenhardt, K.M.; Hope Pelled, L. and Xin K.R. (1999), “Exploring the Black Box: An
Analysis of Work Group Diversity, Conflict and Performance”, Administrative Science
Quarterly, 44, p.1-28.
Ekman P. et Oster H. (1979), “Facial Expressions of Emotion”, Annual Review of
psychology, 30, 527-554.
Folkman S. et Lazarus R.S. (1988), Manual for the ways of coping questionnaire, Palo Alto
: Consulting Psychologists Press.
George, J. M. (1990, “Personality, affect and behavior in groups”, Journal of Applied
Psychology, 75, 107-116.
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
255
38
Murray A.I. (1989), “Top management group heterogeneity and firm performance”, Strategic
Management Journal, 10, p. 125-141.
Pfeffer J. and Davis-Blake A. (1992), “Salary dispersion: Location in the salary distribution,
and turnover among college administrators”, Industrial and Labor Relations review, 45,
753-763
Quirk J. et J. S Beer (2006), “Prefrontal involvement in the regulation of emotion:
convergence of rat and human studies” Current, Opinion in Neurobiology, 16:723–727.
Sandelands, L., et L. St. Clair (1993), “Toward an empirical concept of group”, Journal for
the Theory of Social Behavior, 23: 423–458.
Schweiger, D.M., SandbergW.R. and Ragan, J.W. (1986), “Group Approaches for
ImproviStrategic Decision Making: A Comparative Analysis of Dialectical Inquiry, Devil’s
Advocacy and Consensus”, Academy of Management Journal, 29(1), p. 51-71.
Schweiger, D.M., Sandberg, W.R. and Rechner, P.L. (1989), “Experiential Effects of
Dialectical Inquiry, Devil’s Advocacy and Consensus Approaches to Strategic Decision
Making”, Academy of Management Journal, 32(4), p. 745-772.
Shaw, J. D., Duffy, M. K., et E. M. Stark, (2000). Interdependence and preference for
group work: Main and congruence effects on the satisfaction and performance of group
members, Journal of Management, 26, 259-279.
Tickle-Degnen, L., et R. Rosenthal (1987), “Group rapport and nonverbal behaviour”, In C.
Hendrick et al. (eds.), Group Processes and Intergroup Relations: Review of Personality
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 18/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 142.122.117.133)
256