Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

A78d229 FR

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 22

Nations Unies A/78/229

Assemblée générale Distr. générale


25 juillet 2023
Français
Original : anglais

Soixante-dix-huitième session
Point 17 c) de l’ordre du jour provisoire*
Questions de politique macroéconomique

Soutenabilité de la dette extérieure et développement


Note du Secrétaire général

Le Secrétaire général a l’honneur de transmettre à l’Assemblée générale le


rapport établi par le secrétariat de la CNUCED.

__________________
* A/78/150.

23-14498 (F) 080823 240823


*2314498*
A/78/229

Rapport établi par le secrétariat de la CNUCED


sur la soutenabilité de la dette extérieure et le développement

Résumé
Dans le présent rapport, établi en application de la résolution 77/153 de
l’Assemblée générale, le secrétariat de la CNUCED analyse l’évolution des
indicateurs de base de la soutenabilité de la dette extérieure des pays en
développement depuis la publication du rapport précédent, en faisant ressortir les
différences entre les régions en développement. Tandis qu’une crise systémique de la
dette se profile à l’horizon, une crise du développement est déjà en c ours. Cette
situation alarmante résulte d’une succession de crises imbriquées, ainsi que du
resserrement monétaire le plus vigoureux que les pays développés aient opéré depuis
les années 1970. La riposte multilatérale a pourtant été timide. Dans le présent
rapport, le secrétariat de la CNUCED examine les lacunes de l’actuelle architecture
financière mondiale et formule des recommandations sur les moyens d’adapter cette
architecture pour qu’elle contribue davantage au développement.

2/22 23-14498
A/78/229

I. Introduction : environnement macroéconomique mondial


1. Les pressions qui pèsent sur la soutenabilité extérieure des pays en
développement se sont intensifiées depuis le rapport précédent ( A/77/206). Tandis
que se profile à l’horizon une crise systémique de la dette – qui ferait passer de plus
en plus de pays en développement du surendettement au défaut de paiement –, une
crise du développement est déjà en cours. Les pays en développement paient le prix
fort pour éviter le défaut de paiement : le service de la dette extérieure les prive de
ressources qu’ils pourraient autrement consacrer à la mise en œuvre du Programme
de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris sur les
changements climatiques.
2. Cette situation alarmante résulte d’une succession de crises imbriquées : la
pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), la guerre en Ukraine, l’aggravation
de la crise climatique et la crise du coût de la vie. En outre, les pays développés ont
opéré le resserrement monétaire le plus vigoureux depuis les années 1970 afin de
maîtriser l’inflation, ce qui a pesé sur la soutenabilité de la dette extérieure des pays
en développement.
3. Les conditions financières mondiales se sont détériorées pour certains pays en
développement à partir du troisième trimestre 2021, lorsque les banques centrales de
certains pays développés ont annoncé des hausses de leurs taux directeurs (voir
A/77/206). Ces conditions sont devenues encore plus difficiles et ont aggravé les
vulnérabilités liées à l’endettement à partir de mars 2022, lorsque la Réserve fédérale
a commencé à relever son taux directeur. Les pays en développement ont dû faire face
à l’accroissement des écarts de rendement observés sur leurs obligations souveraines,
à des sorties de capitaux, à la dépréciation monétaire, à la diminution de leurs
réserves 1 et à la révision à la baisse de leurs notations (la pire année à cet égard après
2020) 2 . Simultanément, la croissance économique mondiale a ralenti, passant de
5,9 % en 2021 à 3,1 % en 2022, réduisant de moitié la croissance du volume du
commerce mondial, qui s’est établie à 5,1 % 3, et contribuant à faire baisser les prix
des produits de base après le milieu de l’année 2022 4. Entre juillet 2022 et février
2023, les prix des combustibles ont chuté de 40 %, les prix des minéraux, minerais et
métaux non précieux de 4,6 % et les prix alimentaires de 2,5 % 5.
4. Les tensions bancaires suscitées par la faillite de deux banques régionales aux
États-Unis – la Silicon Valley Bank et la Signature Bank – se sont propagées aux
banques et aux marchés financiers du monde entier, provoquant ainsi une perte de
confiance dans le Crédit Suisse, banque d’importance systémique mondiale. Ces
événements ont mis en évidence les problèmes associés aux interactions entre le
resserrement de la politique monétaire, l’aggravation progressive des vulnérabilités
financières depuis la crise financière mondiale de 2008 et les lacunes dans la
réglementation financière 6.
5. Les décideurs et décideuses des pays développés ont réagi rapidement et
énergiquement, en adoptant un arsenal de mesures de coordination et de liquidité plus
__________________
1
Voir Nations Unies, World Economic Situation and Prospects (New York, 2023).
2
Voir FitchRatings, « Another challenging year for EM Sovereigns in 2023 », 19 janvier 2023.
3
Voir Fonds monétaire international (FMI), Perspectives de l’économie mondiale : Une reprise
cahoteuse (Washington, avril 2023).
4
Voir Banque mondiale, Commodity Markets Outlook: Lower Prices, Little Relief (Washington,
avril 2023).
5
Calculs du secrétariat de la CNUCED d’après l’indice des prix des produits de base de la
CNUCED.
6
Voir FMI, Global Financial Stability Report: Safeguarding Financial Stability amid High Inflation
and Geopolitical Risks (Washington, avril 2023).

23-14498 3/22
A/78/229

large que lors des précédents épisodes de perturbation des marchés, évitant ainsi une
crise financière mondiale. Toutefois, comme lors de précédentes périodes
d’incertitude, une fuite de capitaux s’est produite vers des actifs plus sûrs, notamment
les obligations du Trésor de États-Unis, d’où une baisse des avoirs en titres émis par
les pays en développement. En conséquence, hormis un bref rebond au début de 2023,
les sorties de capitaux ont repris et les écarts de rendement par rapport aux obligations
souveraines se sont creusés 7.
6. Les retombées ont été moins graves dans les grandes économies émergentes, qui
émettent des obligations de catégorie « investissement », qui sont moins vulnérables
au regard de leur endettement et qui sont en mesure de procéder rapidement à des
hausses de leurs taux directeurs. À l’inverse, les économies frontières ont été
particulièrement touchées, notamment en Afrique. À la fin du mois de mars 2023, la
plupart des obligations de ces pays arrivant à échéance en 2025 ou plus tôt ont été
négociées à des écarts de rendement de plus de 700 points de base, ce qui témoigne
d’une perte d’accès aux marchés ou de coûts d’emprunt étonnamment élevés. Des
inquiétudes se font jour car ces pays verront leurs besoins de refinancement
obligataire extérieur augmenter considérablement en 2024, ce qui accroîtra les risques
de défaut si l’accès aux marchés n’est pas rétabli 8.
7. Les perspectives économiques mondiales se sont assombries sous l’effet
conjugué des tensions bancaires et de l’incertitude qui continue de planer sur
l’évolution des politiques. Les projections des institutions multilatérales concernant
la croissance mondiale en 2023 sont comprises entre 2,1 % et 2,8 %. Le volume du
commerce mondial devrait croître de 2,4 %, tandis que les prix du pétrole devraient
chuter de 24 % et que les prix des produits de base autres que les combustibles
devraient peu varier. Il est prévu que les prix alimentaires restent plus élevés qu’avant
la pandémie, d’où des problèmes pour le budget des ménages et la sécurité
alimentaire 9.
8. Les risques d’instabilité financière restent élevés, comme en témoigne
l’effondrement de la First Republic Bank en mai 2023. Aux réunions tenues par la
suite, la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne ont relevé leurs taux
directeurs de 25 points de base, mais signalé que la phase de resserrement pourrait
toucher à sa fin 10, tandis qu’elles s’emploieront à trouver l’équilibre nécessaire pour
assurer à la fois la stabilité financière et la stabilité des prix.
9. Ainsi, les pays en développement font face à des perspectives mondiales
exceptionnellement difficiles. Selon l’Analyse du degré d’endettement tolérable
réalisée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, 56 % des
pays en développement à faible revenu (36 pays sur 69) présentaient en mai 2023 un
risque élevé de surendettement ou étaient déjà surendettés. À l’échelle mondiale,
40 % des pauvres vivent dans ces pays, qui sont par ailleurs particulièrement
vulnérables aux changements climatiques 11. En outre, en avril 2023, le FMI estimait
qu’environ 25 % des économies émergentes étaient dans une situation à haut risque 12.
10. Le durcissement des conditions financières mondiales rendrait encore plus
difficile la reconduction de la dette des pays en développement et risque rait de
__________________
7
Voir CNUCED, « Trade and Development Report Update » (avril 2023).
8
Voir FMI, Global Financial Stability Report: Safeguarding Financial Stability amid High Inflation
and Geopolitical Risks.
9
Voir CNUCED, Trade and Development Report Update; FMI, Perspectives de l’économie
mondiale : Une reprise cahoteuse.
10
Voir FMI, Global Markets Monitor, 4 mai 2023.
11
La liste complète des pays est disponible à l’adresse https://www.imf.org/external/pubs/ft/
dsa/dsalist.pdf.
12
FMI, Perspectives de l’économie mondiale : Une reprise cahoteuse.

4/22 23-14498
A/78/229

pousser d’autres pays au bord du précipice financier, y compris les grandes économies
émergentes, qui ont été épargnées jusqu’à présent. En outre, un nouveau
ralentissement de l’économie mondiale réduirait leur capacité d’obtenir des recettes
en devises pour assurer le service de leur dette extérieure, qui ne cesse de s’alourdir.
Les tensions géopolitiques et la crise climatique ont assombri encore ces perspectives.
11. Une riposte multilatérale plus audacieuse s’impose pour éviter une crise
systémique de la dette dans les pays en développement et résoudre la crise du
développement qui sévit déjà. Dans le présent rapport, le secrétariat de la CNUCED
passe en revue les principales tendances de la dette extérieure en 2022 et examine les
lacunes de l’actuelle architecture financière mondiale, avant de formuler des
recommandations sur les moyens d’adapter cette architecture pour qu’elle contribue
davantage au développement.

II. Principales tendances de la soutenabilité


de la dette extérieure13
12. La dette extérieure des pays en développement 14 a atteint le montant record de
11 400 milliards de dollars en 2022, ce qui représente une augmentation de 1,9 % 15.
Les tendances régionales en matière de soutenabilité de la dette extérieure sont
analysées dans la section suivante.
13. La présente section se limite aux pays à revenu faible ou intermédiaire. La dette
extérieure de ces pays a atteint un montant total de 9 700 milliards de dollars en 2022,
soit une augmentation de seulement 1 %, bien inférieure à la hausse de 7,9 %
enregistrée en 2021 16.
14. La variation pratiquement nulle de la dette extérieure des pays à revenu faible
ou intermédiaire (voir fig. I) résulte principalement de deux facteurs. Premièrement,
le taux de croissance de la dette à court terme a diminué de moitié entre 2021 et 2022,
étant passée de 12,7 % à 6,1 %, en raison de la baisse de la demande de financement
du commerce dans le contexte du ralentissement du commerce mondial (voir sect. I
ci-dessus). Deuxièmement, la dette extérieure à long terme a diminué pour la première
fois depuis 2001, de 0,74 %. Cette évolution tient au ralentissement du taux de
croissance de la dette à long terme publique ou garantie par l’État (1,3 % contre 3,9 %
en 2021) et à une baisse de 3,2 % de la dette privée non garantie. Cela s’explique en
partie par l’accès insuffisant de certaines régions à l’emprunt (voir sect. III). Par
conséquent, la part de la dette à court terme dans la dette extérieure totale a augmenté
pour la troisième année consécutive, passant de 26,6 % en 2021 à 28 % en 2022. La
part de la dette à long terme a au contraire diminué, passant de 69 % à 67,8 % pendant
la même période. La part de la dette publique ou garantie par l’État dans la dette totale
des pays à revenu faible ou intermédiaire a continu é d’augmenter, atteignant 54,9 %
en 2022, soit le niveau le plus élevé depuis 2006, tandis que la part de la dette privée
non garantie a diminué, passant de 46,2 % en 2021 à 45,1 % en 2022.
__________________
13
Tous les chiffres mentionnés dans cette section proviennent des calculs établis par le secrétariat de
la CNUCED d’après des données de la Banque mondiale et du FMI ainsi que de sources
nationales, sauf indication contraire. Les chiffres pour 2022 sont des estimations du secrétariat de
la CNUCED.
14
Selon la classification de la CNUCED.
15
Les taux de croissance font référence à la variation par rapport à l’année précédente, sauf
indication contraire.
16
Selon la classification de la Banque mondiale, au mois de juillet 2022. Les montants nominaux et
les taux agrégés ont varié par rapport aux chiffres figurant dans le rapport précédent ( A/77/206)
car trois pays ont été reclassés dans des catégories à revenu plus élevé et trois autres dans des
catégories à revenu plus faible entre 2021 et 2022.

23-14498 5/22
A/78/229

Figure I
Évolution de la composition de la dette extérieure totale des pays à revenu faible
ou intermédiaire, 2000-2022
(En milliers de milliards de dollars des États -Unis)

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED d’après les estimations de la Banque mondiale.


Abréviation : e = estimation.

15. Les facteurs liés à l’offre et à la demande contribuent à expliquer cette évolution
des dettes publiques ou garanties par l’État et des dettes privées non garanties. Du
côté de l’offre, le durcissement des conditions financières mondiales a fait augmenter
les coûts des emprunts à l’étranger (voir sect. I), décourageant les États et les
entreprises de faire appel au marché international des capitaux. Du côté de la
demande, la croissance économique des pays à revenu intermédiaire a ralenti, passant
de 6,9 % en 2021 à 3,2 % en 2022 17, ce qui correspondait à 98 % de la dette privée
non garantie des pays à revenu faible ou intermédiaire en 2022. Cette situation a pesé
sur la disposition du secteur privé à investir, réduisant par conséquent la demande de
financement extérieur, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire supérieur,
où la dette privée non garantie s’est contractée de 6 %. En ce qui concerne la dette
publique ou garantie par l’État, la plupart des pays ont resserré leur politique
budgétaire en 2022 18.
16. La solvabilité extérieure des pays à revenu faible ou intermédiaire dépend
principalement de leurs recettes d’exportation. Pour ces pays, le ratio du service total
de la dette extérieure aux exportations est passé de 14,2 % à 13,2 % entre 2021 et
2022, car les recettes d’exportation ont augmenté davantage que le service de cette
dette. Cette baisse a toutefois été provoquée par la flambée des prix des produits de
base observée jusqu’à la mi-2022 et pourrait s’avérer de courte durée. Dans les pays
à revenu intermédiaire supérieur, qui comptaient pour 74,4 % dans le montant total
du service la dette extérieure des pays à revenu faible ou intermédiaire, ce ratio est

__________________
17
Voir Banque mondiale, Global Economic Prospects (Washington, 2023).
18
Voir Justin Damien Guénette, M. Ayhan Kose, et Naotaka Sugawara, « Is a global recession
imminent? », Equitable Growth, Finance, and Institutions Policy Note 4, Groupe de la Banque
mondiale, 2023.

6/22 23-14498
A/78/229

passé de 14,3 % à 13,2 %, et dans les pays à revenu intermédiaire inférieur, de 13,8 %
à 12,8 %. Il a au contraire augmenté dans les pays à faible revenu, passant de 18,5 %
à 22,6 % pendant la même période, car le service de la dette extérieure a augmenté
davantage que les recettes d’exportation. La hausse enregistrée en 2022 s’explique en
partie par la fin de l’Initiative de suspension du service de la dette du Groupe des 20
(G20).
17. Les pays à faible revenu se trouvent manifestement dans une situation
insoutenable, qui les oblige à faire des choix difficiles entre le service de la dette
extérieure et l’importation de biens essentiels. Mais le ratio du service total de la dette
extérieure aux exportations est également préoccupant dans les pays à revenu
intermédiaire des tranches inférieure et supérieure, où il s’établit à environ 13 %. Il
convient de rappeler que l’Accord de Londres de 1953 sur les dettes extérieures
allemandes limitait à 5 % la part des recettes d’exportation pouvant être consacrées
au service de la dette extérieure, afin de ne pas compromettre le redressement de la
République fédérale d’Allemagne après la guerre 19.
18. Ce fardeau énorme de la dette extérieure est lié à l’évolution de la dette
extérieure publique ou garantie par l’État des pays à revenu faible ou intermédiaire
depuis la pandémie de COVID-19. Entre 2020 et 2022, cette dette a augmenté de
13 %, contre 2,5 % pour la dette extérieure privée non garantie. Cependant, le service
de la dette extérieure publique ou garantie par l’État a augmenté dans une mesure
bien plus grande, à raison de 20,4 %. Dans les pays à revenu intermédiaire supérieur,
le service de cette dette a moins augmenté que l’encours de la dette (7,9 % et 13,5 %,
respectivement). Dans les pays à revenu intermédiaire inférieur et les pays à faible
revenu, la dette publique ou garantie par l’État a augmenté dans une mesure similaire,
soit d’environ 12,5 %, mais le service de cette dette a monté en flèche pour atteindre
46,7 % et 25,9 %, respectivement.
19. La répartition de la dette publique ou garantie par l’État selon le type de
créanciers est devenue plus diverse, plus fragmentée et plus complexe depuis les
années 1990. Qui plus est, les titres de dette eux aussi se sont diversifiés et la présence
des investisseurs non-résidents s’est accrue sur les marchés intérieurs de la dette
souveraine.
20. La part des créanciers privés (principalement des détenteurs d’obligations) dans
la dette publique ou garantie par l’État des pays à revenu faible ou intermédiaire a
augmenté (de 46 % en 2010 à 61 % en 2021), d’où une hausse du service de la dette
pour de nombreux pays en développement 20, sachant que les intérêts sont plus élevés
dans le cas des créanciers privés.
21. Dans les pays à revenu intermédiaire inférieur, le principal facteur qui explique
l’envolée du service de la dette réside dans l’accroissement de la part de s créanciers
privés dans la dette extérieure publique ou garantie par l’État, qui a doublé, passant
de 24 % en 2010 à 41 % en 2021 (selon les dernières données disponibles). Ce groupe
comprend la plupart des économies frontières, dont les obligations de ca tégorie
« spéculation » ont affiché la plus forte augmentation d’écarts de rendement à la suite
des récents chocs extérieurs (voir sect. I). La part des créanciers privés est plus élevée
dans les pays à revenu intermédiaire supérieur (62 % en 2021), mais ce groupe
comprend des économies émergentes dont les obligations de catégorie
« investissement » affichent des écarts de rendement plus faibles et qui sont moins
vulnérables aux fluctuations des conditions financières mondiales.

__________________
19
Voir CNUCED, Rapport sur le commerce et le développement 2015 : Mettre l’architecture
financière internationale au service du développement (octobre 2015).
20
Voir Banque mondiale, International Debt Report (Washington, 2022), p. 11 et 12.

23-14498 7/22
A/78/229

22. Dans les pays à faible revenu, où les détenteurs d’obligations représentent une
faible part de la dette publique ou garantie par l’État (4 % en 2021), la part des
créanciers privés a doublé pour atteindre 13 % en 2021 (contre 7 % en 2010).
L’augmentation du service de la dette extérieure tient à la réduction marquée de la
part des créanciers bilatéraux du Club de Paris (8 % en 2021 contre 13 % en 2010) au
profit des créanciers publics n’appartenant pas au Club de Paris et, principalement,
des créanciers privés. En 2022, la part des banques commerciales dans la dette
publique ou garantie par l’État a augmenté pour les pays de ce groupe, les pays à
faible revenu s’étant tournés vers les prêts consortiaux face à la réduction de l’accès
aux marchés obligataires internationaux. Ces prêts ont généralement des échéances
plus courtes et sont assortis de moins de garanties contre les créanciers récalcitrants
dans le cadre du règlement de la dette, par rapport aux euro -obligations (voir
sect. III.B ci-dessous) 21.
23. Dans le contexte de la hausse des coûts des emprunts souverains, le service de
la dette extérieure publique ou garantie par l’État absorbe une part considérable des
recettes publiques des pays à revenu intermédiaire inférieur et des pays à faible
revenu. Alors que ces groupes de pays vulnérables ont consacré 10,5 % de leurs
recettes publiques au service de cette dette en 2022, les pays à revenu intermédiaire
supérieur n’y ont affecté que 3,6 %. Cependant, les moyennes des groupes de pays
cachent d’importantes différences d’un pays à l’autre. La situation est bien plus grave
dans le groupe des 25 pays qui ont alloué proportionnellement le plus de recettes au
service de la dette publique ou garantie par l’État en 2021 (voir fig . II). Parmi ces
pays, seuls 10 remplissent les conditions fixées pour bénéficier du Cadre commun
pour le traitement de la dette du G20. Parmi les 15 pays restants, on compte 8 pays à
revenu intermédiaire inférieur et 7 pays à revenu intermédiaire supérieur.

__________________
21
Voir Nations Unies, Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement,
Financing for Sustainable Development Report 2023.

8/22 23-14498
A/78/229

Figure II
Ratio du service de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes
publiques : 25 premiers pays

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après des données de la Banque mondiale et du FMI et de sources
nationales.

24. Cela place les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire inférieur
(ainsi que certains pays à revenu intermédiaire supérieur) dans une position peu
enviable, qui les contraint à assurer le service de la dette publique et de la dette
garantie par l’État au détriment du développement durable. Les don nées disponibles
indiquent que la plupart des pays donnent la priorité au remboursement de la dette
pour éviter un défaut de paiement, quand bien même cela les oblige à sacrifier le
développement. En comparant les dépenses moyennes de 112 pays exprimées en
pourcentage de leurs recettes publiques pendant la période 2012 -2014 par rapport à
la période 2019-2021, on constate que le service de la dette publique et de la dette
garantie par l’État absorbe une part plus importante des fonds publics que les
dépenses de santé. Dans les pays qui remplissent les conditions fixées pour bénéficier
du Cadre commun, les dépenses de santé sont passés de 6,1 % à 7,5 %, en moyenne,
tandis que le service de la dette publique ou garantie par l’État a presque triplé,
passant de 5,5 % à 14,4 %. Dans les autres pays à revenu intermédiaire (à l’exclusion
de la Chine), les dépenses de santé ont relativement peu augmenté, étant passées de
10,6 % à 11,8 %, alors que le service de la dette a presque doublé, passant de 4,5 % à
8,6 %. Le nombre de pays où le service de la dette publique ou garantie par l’État est
supérieur aux dépenses de santé est passé de 34 à 62 d’une période à l’autre 22.

__________________
22
Pour des données similaires sur les dépenses publiques consacrées à l’édu cation, voir CNUCED,
Trade and Development Report Update.

23-14498 9/22
A/78/229

A. Principales tendances de la dette extérieure, par région


en développement

25. Dans la présente section, on présente les principales tendances de la dette


extérieure des pays en développement de chaque région en 2022. En ce qui concerne
les indicateurs de la soutenabilité de la dette, la tendance commune à toutes les
régions a été la détérioration de la liquidité extérieure, exprimée par le ratio réserves
internationales/dette à court terme. Ce ratio a baissé parce que la dette à court terme
a augmenté dans toutes les régions (à différents degrés) pendant que les réserves
internationales ont augmenté plus lentement ou diminué, comme les banques
centrales tentaient d’atténuer les dépréciations monétaires.
26. La croissance économique a diminué de plus de moitié en Asie de l’Est et dans
le Pacifique, passant de 7,3 % en 2021 à 3,3 % en 2022. Elle devrait se redresser pour
atteindre 4,2 % en 2023 23 . La reprise dans la région a toutefois été inégale, la
production restant inférieure aux niveaux enregistrés avant la pandémie dans certaines
sous-régions, notamment les îles du Pacifique 24. En moyenne, au lendemain de la
pandémie, les pays ont vu quadrupler leurs déficits budgétaires, qui sont passés de
1 % à 4-5 % du produit intérieur brut (PIB) de 2020 à 2021 25. La dette extérieure
totale est restée relativement stable en 2022, s’établissant à 4 760 milli ards de dollars
contre 4 730 milliards de dollars en 2021, après avoir augmenté d’environ 9 % en
2020 et en 2021, principalement en raison d’une baisse de 7,61 % de la dette privée
non garantie, laquelle représentait 60,1 % de la dette à long terme en 2022. Cela a
contribué à la légère diminution du montant total du service de la dette extérieure
exprimé en pourcentage des exportations, de 10,3 % à 9,9 % ; cependant, le ratio du
service de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes publiques est passé de
2,0 % à 2,7 %. Le ratio des réserves à la dette à court terme est passé de 233,4 % à
212 % pendant la même période.
27. Malgré une reprise vigoureuse après la pandémie en 2021, la croissance
économique en Europe et en Asie centrale s’est fortement con tractée en 2022 à la
suite de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. La croissance
économique de la région, à l’exclusion de la Fédération de Russie et de l’Ukraine, a
diminué pour s’établir à 4,7 % en 2022, contre 8,3 % en 2021. L’invasion a donné
lieu à une forte hausse de l’inflation, en particulier des prix de l’énergie et des
aliments, et à une détérioration des conditions monétaires et financières qui a pesé
sur la consommation privée, l’investissement et le commerce 26. La dette extérieure
totale a augmenté de 7,6 % en 2022 – augmentation la plus forte parmi toutes les
régions – pour atteindre 759,6 milliards de dollars. Cette hausse résulte
principalement d’une augmentation de 36 % de la dette à court terme, qui a atteint
195 milliards de dollars (soit 26 % de l’encours total de la dette extérieure). La dette
publique ou garantie par l’État n’a augmenté que de 1,71 %, s’élevant à
551,2 milliards de dollars, soit 41,9 % de la dette à long terme. Les indicateurs de la
solvabilité extérieure se sont améliorés par rapport aux pics atteints entre 2020 et
2022 : le ratio du service de la dette totale aux exportations est passé de 42,4 % à
25,2 % – même s’il reste plus élevé que dans toutes les autres régions – et le ratio du
service de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes publiques est passé de

__________________
23
Voir Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP), Economic and
Social Survey of Asia and the Pacific 2023: Rethinking Public Debt for the Sustainable
Development Goals, 2023.
24
Voir Banque mondiale, Reviving Growth: East Asia and Pacific Economic Update, avril 2023.
25
Voir CESAP, Economic and Social Survey of Asia and the Pacific 2023.
26
Voir Banque mondiale, Europe and Central Asia Economic Update: Weak Growth, High Inflation,
and a Cost-of-Living Crisis (Washington, 2023).

10/22 23-14498
A/78/229

9,2 % à 6,8 %. Sur la même période, le ratio des réserves à la dette à court terme est
passé de 112,3 % à 108,8 %, pourcentage le plus faible parmi toutes les régions.
28. Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont également vu les conditions
financières mondiales se détériorer en 2022. Les émissions obligataires
internationales ont représenté 64 milliards de dollars, montant le plus faible depuis
2008 ; par rapport à 2021, le coupon moyen a été supérieur de 1,3 % et l’échéance
moyenne inférieure de trois ans 27. La croissance économique a ralenti, passant de
6,8 % en 2021 à 3,6 % en 2022, et devrait chuter à 1,4 % en 2023 28. La dette extérieure
totale de la région a augmenté à un rythme plus lent en 2022 qu’en 2021 (2,3 % contre
5,5 %), s’établissant à 2,69 billions de dollars. La dette publique ou garantie par l’État
a diminué de 0,5 %, se chiffrant à 1 100 milliards de dollars, soit 51,1 % de la dette à
long terme. L’envolée des prix des produits de base au premier semestre 2022 a fait
augmenter les recettes d’exportation, d’où une diminution du ratio du service total de
la dette aux exportations, qui est passé de 26,2 % à 23,4 %. Elle a également permis
de réduire le ratio du service de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes
publiques, qui est passé de 9,4 % à 7,5 %. Le ratio des réserves à la dette à court terme
est passé de 267 % à 227 % pendant la même période.
29. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la guerre en Ukraine n’a pas eu le
même impact sur les pays exportateurs de pétrole que sur les pays importateurs de
pétrole, les prix des hydrocarbures ayant augmenté jusqu’à la mi-2022. Le
durcissement des conditions financières mondiales s’est traduit par une augmen tation
des coûts d’emprunt dans la région en 2022, mais les résultats ont été variables,
comme le montre l’élargissement de l’éventail des écarts de rendement par rapport
aux obligations souveraines (qui vont de 130 à 3 000 points de base) 29 . La dette
extérieure totale a augmenté à un rythme plus lent en 2022 (0,9 % contre 8,3 % en
2021), atteignant un montant de 1 400 milliards de dollars. La dette publique ou
garantie par l’État, qui représente 71,3 % de la dette à long terme (ratio le plus élevé
après l’Afrique subsaharienne), a diminué de 3 %, s’élevant à 766,3 milliards de
dollars. Comme les pays exportateurs de pétrole occupent une place prépondérante
dans la région, le ratio du service total de la dette aux exportations est tombé à 9,9 %
en 2022, contre 11,5 % en 2021. La croissance des exportations a atteint 5,7 % en
2022, contre 3,7 % en 2021, ce qui a stimulé la croissance économique et, par
conséquent, les recettes publiques 30 . Le ratio du service de la dette publique ou
garantie par l’État aux recettes publiques est passé de 10,4 % à 6,1 %, au cours de la
même période. Le ratio des réserves à la dette à court terme n’a cessé de diminuer,
passant d’un pic de 736,7 % en 2013 à 405,4 % en 2022, ce qui reste le ratio le plus
élevé parmi toutes les régions.
30. Parmi les régions en développement, c’est l’Asie du Sud qui a subi les baiss es
de production les plus fortes, en raison des mesures de confinement prolongées liées
à la COVID-19 et des problèmes macroéconomiques créés par la pandémie. La
croissance économique a ralenti, passant de 7,9 % en 2022 à 5,6 % en 2022, et devrait
à nouveau baisser pour s’établir à 4,8 % en 2023. En 2022, plusieurs pays d’Asie du
Sud ont eu recours à l’aide financière multilatérale face à la dette souveraine élevée
et au poids insoutenable du service de la dette (Bangladesh, Inde, Maldives, Pakistan
et Sri Lanka) 31. La croissance de la dette extérieure totale a baissé de plus de moitié
(4,3 % en 2022 contre 10 % en 2021), le montant de cette dette atteignant
__________________
27
Voir Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), « Capital flows
to Latin America and the Caribbean », Briefing Note, 6 mars 2023.
28
Voir Nations Unies, World Economic Situation and Prospects.
29
Voir FMI, Perspectives économiques régionales : Moyen-Orient et Asie centrale – Préserver la
stabilité macroéconomique dans un contexte toujours incertain (Washington, mai 2023).
30
Voir Banque mondiale, Global Economic Prospects.
31
Voir Nations Unies, World Economic Situation and Prospects.

23-14498 11/22
A/78/229

949,5 milliards de dollars. La dette privée non garantie a augmenté de 12,4 %, tandis
que la dette publique ou garantie par l’État a diminué de 1,6 %. Par conséquent, la
part de la dette publique ou garantie par l’État dans la dette totale à long terme a
baissé, passant de 57,8 % en 2021 à 54,5 % en 2022. Cependant, le ratio du service
de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes publiques est passé de 4,7 % à
6,7 %, le montant du service de la dette ayant crû plus rapidement que celui des
recettes publiques. Pendant la même période, le ratio des réserves à la dette à court
terme a diminué, étant passé de 482,5 % à 401,6 %.
31. En Afrique subsaharienne, la croissance économique est tombée à 3,9 % en
2022, contre 4,7 % en 2021. Le crédit extérieur s’est resserré pour cette région, les
coûts d’emprunt ayant augmenté dans une mesure disproportionnée et l’accès aux
marchés s’étant réduit depuis le premier trimestre 2022, ce qui a provoqué un
effondrement de l’émission d’euro-obligations 32. Dans un contexte où 19 pays à faible
revenu de la région ont été classés comme étant en situation de surendettement ou
présentant un risque élevé de surendettement à la fin du deuxième trimestre 2023, la
dette publique ou garantie par l’État a presque cessé de croître, ayant augmenté de
0,6 % en 2022 contre 3,3 % en 2021, pour atteindre un montant de 475,3 milliards de
dollars 33. Cette dette représentait 76,3 % de la dette à long terme en 2022, proportion
la plus élevée parmi toutes les régions. La dette extérieure totale a augmenté de 2,2 %,
contre 5,1 % en 2021, pour atteindre un montant de 812,4 milliards de dollars. Les
difficultés économiques de la région se sont traduites par l’accroissement du ratio du
service de la dette publique ou garantie par l’État aux recettes publiques, qui est passé
de 13,6 % en 2021 à 18,4 % en 2022, le service de la dette ayant augmenté plus
rapidement que les recettes publiques dans le contexte du ralentissement économique.
Pendant la même période, le ratio des réserves à la dette à court terme a diminué,
étant passé de 189,3 % à 162,5 %.

B. Principales tendances de la dette extérieure : pays les moins


avancés et petits États insulaires en développement

32. En 2022, tous les indicateurs de la soutenabilité de la dette extérieure des pays
les moins avancés se sont détériorés. Le ratio du service total de la dette aux recettes
d’exportation est passé de 18,3 % en 2021 à 18,9 % en 2022, le service de la dette
extérieure ayant augmenté davantage (22,7 %) que les recettes d’exportation
(18,5 %). La dette à long terme publique ou garantie par l’État des pays les moins
avancés représentait 62,0 % de la dette extérieure totale en 2022. La part des recettes
publiques affectée au service de cette dette est passée de 15,6 % en 2021 à 17 % en
2022. Bien que les recettes publiques aient augmenté de 13,4 %, ces pays poursuivant
leur relèvement après la pandémie de COVID-19, le service de la dette à long terme
publique ou garantie par l’État a augmenté dans une mesure bien plus grande
(23,3 %) 34. Cette hausse particulièrement marquée s’explique en partie par l’envolée
des coûts des emprunts des économies frontières appartenant à ce groupe de pays sur
le marché financier international dans le contexte du resserrement monétaire 35. Dans
le même temps, le ratio de liquidité des pays de ce groupe (le rapport entre les réserves
et les dettes à court terme) est tombé de 336 % en 2021 à 277,5 % en 2022.

__________________
32
Voir FMI, Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne – La grande pénurie de
financement (Washington, avril 2023).
33
La liste complète des pays est disponible à l’adresse https://www.imf.org/external/pubs/ft/dsa/
dsalist.pdf.
34
La croissance est estimée à 4,3 % pour ce groupe en 2022. Voir Nations Unies, World Economic
Situation and Prospects.
35
Voir CNUCED, Trade and Development Report Update.

12/22 23-14498
A/78/229

33. Contrairement aux pays les moins avancés, les petits États insulaires en
développement ont vu leur solvabilité extérieure s’ améliorer en 2022 36. Le ratio du
service total de la dette aux recettes d’exportation a été de 16,5 % en 2022, contre
20,6 % en 2021, la forte reprise du tourisme ayant fait croître ces recettes 37 . Les
recettes publiques ont augmenté de 18,4 % en 2022, ce qui a permis de réduire la part
de ces recettes consacrée au service de la dette publique ou garantie par l’État (10,2 %
en 2022, contre 12,5 % en 2021). Parallèlement, le ratio des réserves à la dette à court
terme a diminué, passant de 181,9 % en 2021 à 148,3 % en 2022. Du fait de leur faible
ratio de liquidité, les États de ce groupe sont plus vulnérables aux chocs financiers
extérieurs que les pays les moins avancés.

III. Coup de projecteur sur les lacunes de l’architecture


financière mondiale
34. Cette section porte sur deux défauts de l’architecture financière mondiale
d’aujourd’hui. Le premier tient à la politique du FMI en matière de commissions et
de commissions additionnelles. Le second concerne les outils législatifs et
contractuels qui sont disponibles pour encourager ou imposer la participation des
créanciers privés aux opérations de restructuration de la dette.

A. Commissions et commissions additionnelles du FMI

35. Le FMI a joué un rôle déterminant dans le soutien financier app orté aux pays en
développement en réponse aux crises imbriquées des dernières années.
L’accroissement considérable des emprunts auprès de cette institution multilatérale a
toutefois exposé les pays en question au risque de hausse des taux d’intérêt. En
conséquence, la part de leurs ressources qui est allouée au remboursement du FMI a
augmenté. La situation est particulièrement difficile pour les pays qui ont contracté
des prêts importants auprès du Fonds, car ils doivent payer des intérêts
supplémentaires sous forme de commissions additionnelles. Cela fait ressortir que la
structure actuelle des commissions et des commissions additionnelles du FMI est à la
fois inefficace, puisqu’elle est procyclique, et inéquitable, étant donné que ce sont les
pays les plus en difficulté qui supportent la charge financière la plus lourde.
36. Une révision des commissions additionnelles s’impose d’urgence, compte tenu
de l’accroissement des prêts du FMI et des coûts correspondants. Le montant total
des emprunts auprès du FMI a augmenté de 53 milliards de dollars entre 2019 et 2022
pour atteindre un montant de 152 milliards de dollars, à la suite de la crise de la
COVID-19 et de la guerre en Ukraine 38. Au cours de cette période, la plupart des prêts
ont été accordés par l’intermédiaire du Compte des ressources générales du FMI, le
nombre de pays ayant un crédit en cours sur ce Compte étant passé de 31 à 52, pour
un solde de 131 milliards de dollars (contre 90 milliards de dollars).
37. Deux grands problèmes se posent aux pays emprunteurs qui ont un encours
important auprès du Compte des ressources générales du FMI.

__________________
36
Classification analytique des petits États insulaires en développement, selon les statistiq ues de la
CNUCED.
37
Voir Organisation mondiale du tourisme, « La reprise du tourisme s’accélère pour atteindre 65 %
des niveaux d’avant la pandémie », 23 novembre 2023.
38
Chiffres du FMI concernant l’encours total du crédit au 31 décembre de chaque année. Les
chiffres de cette section sont calculés sur la base d’un taux de change de 1,34701 entre le droit de
tirage spécial et le dollar des États-Unis.

23-14498 13/22
A/78/229

38. Premièrement, le taux débiteur du Compte des ressources générales, appelé taux
de commission, comporte non seulement une marge fixe 39, mais aussi une composante
basée sur les taux d’intérêt du marché 40. Cette composante est le taux d’intérêt sur les
droits de tirage spéciaux, qui correspond à la moyenne pondérée des taux d’intérêt
des instruments à échéance de trois mois dans les devises prises en compte dans le
panier d’évaluation des droits de tirage spéciaux 41. Du fait de cette structure, le taux
de commission est très sensible aux variations des politiques monétaires des pays dont
les devises composent le panier. Ainsi, les augmentations des taux d’intérêt opérées
de décembre 2021 à juin 2023 aux États-Unis d’Amérique, dans la zone euro et au
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont fait passer le taux
débiteur du Compte des ressources générales de 105 à 482 points de base. Pour les
pays emprunteurs, il en résulte des charges d’intérêts supplémentaires d’un montant
estimé à 4,7 milliards de dollars pour l’année 2023 42.
39. Deuxièmement, une commission additionnelle de 200 points de base est
appliquée à la portion du crédit qui dépasse un seuil fixé à 187,5 % de la quote-part
du pays. Si le crédit reste supérieur à ce seuil au bout de trois ans, cette commission
passe à 300 points de base 43.
40. De plus en plus de pays sont concernés par les commissions additionnelles du
FMI (on en comptait 7 en 2019 et 16 en 2022). Il s’agit de l’Albanie, de l’Angola, de
l’Argentine, de l’Arménie, de la Barbade, du Costa Rica, de l’Égypte, de l’Équateur,
du Gabon, de la Géorgie, de la Jordanie, de la Mongolie, du Pakistan, des Seychelles,
de la Tunisie et de l’Ukraine, dont l’encours total auprès du Compte des ressources
générales s’élevait à 104 milliards de dollars au mois de décembre 2022. Le taux
d’intérêt appliqué par le FMI (commissions et commissions additionnelles comprises)
est passé de 405 à 782 points de base entre décembre 2021 et juin 2023 ; il approche
ou dépasse désormais le coupon moyen pondéré des obligations souveraines de ces
pays.
41. En raison de la politique du FMI en matière de commissions et de commissions
additionnelles, le montant total des paiements d’intérêts cumulé s de ces 16 pays
pourrait augmenter de 36,6 milliards de dollars entre 2023 et 2030 (soit 24,4 milliards
de dollars du fait de la hausse des commissions et 12,2 milliards de dollars en raison
des commissions additionnelles) pour atteindre 43,9 milliards de dollars 44.

__________________
39
Déterminée chaque année par le Conseil d’administration du FMI, cette marge est actuellement de
100 points de base.
40
Il existe un troisième élément, à savoir un mécanisme de répartition des charges destiné à
compenser les pertes de recettes du FMI. Il est actuellement fixé à 0 point de base. Voir FMI,
« Review of the Fund’s strategy on overdue financial obligations », document de politique
générale, 9 juillet 2018.
41
Le panier comprend le yuan, l’euro, le yen, la livre sterling et le dollar des États -Unis. Voir
https://www.imf.org/external/np/fin/data/sdr_ir.aspx.
42
Estimation fondée sur l’encours total des prêts accordés au titre du Compte des ressources
générales du FMI au 31 décembre 2022. Il s’agit de l’écart entre les charges d’intérêt calculées sur
la base d’un taux de commission de 1,077 (taux effectif au mois de décembre 2021) et les charges
d’intérêt calculées sur la base d’un taux de commission prévu de 4,70675 pour 2023.
43
Voir FMI, Review of Access Limits and Surcharge Policies, document de politique générale, avril 2016.
44
L’estimation se fonde sur une comparaison des charges d’intérêt calculées sur la base d’un taux de
commission de 1,077 (au mois de décembre 2021) et un taux de commission projeté de 4,70675
pour 2023 et de 4,825 pour 2024 à 2030. Les calculs sont établis sur la base des achats effectifs et
potentiels effectués au titre du Compte des ressources générales du FMI dans le cadre des
programmes actuels, sur une base annuelle.

14/22 23-14498
A/78/229

B. Contexte législatif et contractuel

42. La montée en flèche de la dette souveraine a incité certains pays à rechercher


des solutions juridiques pour remédier au surendettement. Des initiatives législatives
ont été lancées dans des pays clés, en particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni,
dont la juridiction s’applique à la plupart des contrats de dette souveraine, mais elles
se heurtent à une certaine résistance. Aux États-Unis, trois projets de loi ont été
présentés, respectivement, pour limiter le montant dont les créanciers peuvent
demander le recouvrement devant les tribunaux de l’État de New York 45, établir une
procédure de faillite souveraine dans cet État 46 et invalider les transferts de dettes
effectués dans le but d’intenter une action en justice 47 . Au Royaume-Uni, la
Commission du développement international de la Chambre des communes a
recommandé d’adopter une loi pour obliger les créanciers privés à participer aux
initiatives d’allégement de la dette internationale 48, mais sa recommandation a été
rejetée 49. Ces efforts montrent qu’il est largement reconnu que la mise en place d’une
législation efficace dans des pays clés représenterait une étape importante dans la
résolution des crises de la dette souveraine.
43. La loi de 2010 du Royaume-Uni sur l’allègement de la dette des pays en
développement est un exemple d’initiative qui a abouti par le passé 50 . Cette loi
disposait que les tribunaux du pays devaient limiter les montants recouvrables par les
créanciers au titre des dettes des pays participant à l’Initiative en faveur des pays
pauvres très endettés. À l’époque, elle a permis d’éviter à ces pays une perte estimée
à 145 millions de livres sterling 51, qu’ils risquaient de subir en raison de litiges avec
des créanciers récalcitrants. Les tribunaux nationaux ont souvent accordé la priorité
aux droits contractuels et tranché en faveur des créanciers récalcitrants, qui cherchent
à recouvrer l’intégralité de leur dette malgré les initiatives internationales
d’allégement de la dette 52. Il faut cependant tenir compte également des intérêts de la
population et de la communauté internationale, y compris les droits des contribuables
des pays créanciers participant aux initiatives d’allégement de la dette et les besoins
de développement des pays débiteurs. Pour mettre en place une législation nationale
efficace qui favorise une restructuration équitable des dettes, il faut mener des
consultations approfondies avec toutes les parties prenantes au sujet de la conception
de cette législation, en s’appuyant sur la création d’initiatives internationales bien
définies en matière de dette.
44. Outre l’action législative, certaines initiatives contractuelles ont également
contribué à faire progresser les pratiques de restructuration de la dette souveraine.
L’International Capital Market Association a publié des clauses d’action collective
améliorées en 2014/2015 afin de faciliter la négociation de plans de restructuration
soutenus par la très grande majorité des créanciers 53. Mises à l’essai dans le cadre la
restructuration de la dette de l’Argentine et de l’Équateur en 2020, les clauses d’action
__________________
45
Voir le projet de loi A2970 de l’Assemblée et le projet de loi S4747 d u Sénat.
46
Voir le projet de loi A2102A de l’Assemblée et le projet de loi S5542 du Sénat.
47
Voir le projet de loi A5290 de l’Assemblée et le projet de loi S5623 du Sénat.
48
Voir Commission du développement international de la Chambre des communes du Royaume-Uni,
« Debt relief in low-income countries », septième rapport de la session 2022-23, 10 mars 2023.
49
Debt relief in low-income countries: Government response to the Committee’s Seventh Report of
Session 2022-23 (parliament.uk).
50
Voir Debt Relief (Developing Countries) Act 2010.
51
Voir Trésor du Royaume-Uni, « Government acts to halt profitering on Third World debt within
the UK », communiqué de presse, 16 mai 2011.
52
Voir par exemple Cour suprême des États-Unis, Republic of Argentina v. NML Capital, Ltd.,
573 U.S. 134 (2014).
53
Voir International Capital Market Association, « Sovereign debt information ». Disponible à
l’adresse https://www.icmagroup.org/resources-2/Sovereign-Debt-Information/.

23-14498 15/22
A/78/229

collective renforcées ont démontré leur efficacité (et leurs lacunes) dans le cas des
obligations souveraines. Une difficulté tient au fait que ces claus es ne sont pas
cohérentes d’une émission obligataire à l’autre, d’où un risque d’impasse dans le
cadre des restructurations. En outre, les clauses ne s’appliquent pas à d’autres titres
de dette, notamment les prêts, qui représentent le risque principal pou r les pays à
faible revenu. En novembre 2022, des organismes du secteur ont publié une note
explicative sur les clauses relatives au vote à la majorité à inclure dans les accords de
prêt conclus avec des États 54. Autre innovation contractuelle notable, les clauses de
suspension de la dette en cas de catastrophes naturelles d’origine climatique ont été
présentées à la vingt-septième session de la Conférence des Parties à la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, en novembre 2022 55. Si
elles sont adoptées, ces clauses établiront un mécanisme de report des paiements en
cas de catastrophe naturelle, afin de permettre aux pays débiteurs de gérer les chocs
futurs.
45. Il reste à voir comment les secteurs privé et public réagiront à ces nou veaux
modèles contractuels. Bien que les outils contractuels visent à améliorer les pratiques
de restructuration de la dette souveraine, ils ne sont pas à la mesure de l’ampleur du
problème, comme nous le verrons dans la section suivante.

IV. Recommandations
46. Dans les pays en développement, le fardeau insoutenable de la dette met à rude
épreuve les filets de protection sociale, crée des difficultés socioéconomiques et
entrave le développement durable et la mise en œuvre du Programme 2030 et de
l’Accord de Paris. La riposte multilatérale a été timide, eu égard à la gravité de la
situation.
47. Dans son exposé sur les priorités pour l’année 2023 présenté à l’Assemblée
générale sur les priorités pour 2023, le Secrétaire général a préconisé de « transformer
radicalement » l’architecture financière mondiale. L’architecture actuelle n’est pas
adaptée à sa destination 56. Premièrement, elle ne comporte pas les outils nécessaires
pour soutenir la liquidité extérieure à court terme en cas de choc extérieur.
Deuxièmement, elle ne permet pas de financer le développement à l’échelle requise
pour atteindre les objectifs de développement durable. Troisièmement, elle ne permet
pas de remédier aux cas de dette insoutenable d’une manière ordonnée, équitable et
globale. Dans le plan de relance des objectifs de développement durable qu’il a
présenté afin de réaliser le Programme 2030, le Secrétaire général a proposé de mener
une riposte multilatérale plus audacieuse en prenant des mesures conjointes à trois
niveaux de l’architecture financière mondiale : le filet de sécurité financière mondial,
le financement du développement et l’architecture de la dette internationale 57.
48. La présente section porte sur les priorités dans ces domaines. Outre les réformes
structurelles, il est essentiel et urgent de prendre des mesures immédiates.

__________________
54
Voir International Capital Market Association, « Guidance and explanatory note relating to new
specimen clauses for inclusion in commercial loan agreements for sovereign borrowers »,
1 er novembre 2022.
55
Voir International Capital Market Association, « Private Sector Working Group – Climate
Resilient Debt Clauses », résumé de la présidence, 9 novembre 2022.
56
Voir A/76/214 et A/77/206.
57
Voir également A/77/CRP.1/Add.5.

16/22 23-14498
A/78/229

A. Mesures immédiates

49. Le Cadre commun du G20 – actuellement le principal dispositif multilatéral


permettant de faire face à l’aggravation des problèmes d’endettement des pays en
développement à la suite de la pandémie de COVID-19 – renforce le rôle des
créanciers publics bilatéraux des pays membres du G20, membres ou non du Club de
Paris. Il partage certaines caractéristiques avec les cadres généraux précédents 58 ,
comme l’obligation pour les pays débiteurs de rechercher un allégement comparable
de la dette auprès de créanciers privés à des conditions au moins aussi favorables que
celles qui ont été définies par leurs créanciers publics, ainsi que la priorité donnée
aux modalités d’allégement de la dette fondées sur la prolongation des échéances et
la réduction des taux d’intérêt plutôt que sur une annulation pure et simple de la
dette 59. Les données disponibles donnent toutefois à penser que les allègements de
grande ampleur, notamment l’annulation de la dette par opposition au
rééchelonnement, améliorent les perspectives de croissance économique des pays
endettés 60, ce qui reste le moyen le plus sûr de parvenir à un endettement viable.
50. La confiance placée dans le Cadre commun a été minée par ses défauts bien
connus 61, à savoir notamment la lenteur du processus. Conjugués à la crainte de voir
leur notation révisée à la baisse, ces défauts semblent avoir découragé les
candidatures des 73 pays remplissant les conditions fixées 62. En outre, bien que le
Cadre promeuve une plus grande participation du secteur privé, il ne comporte pas de
méthode claire pour permettre l’accès à des traitements comparables ni de
mécanismes efficaces pour garantir cet accès. Cela étant, comme l’a fait ress ortir
récemment le cas du Sri Lanka, pays qui ne remplit pas actuellement les conditions
nécessaires pour bénéficier du Cadre commun, il faut encore plus de temps pour faire
collaborer les créanciers publics sans les mécanismes du Cadre commun.
51. Comme indiqué dans le plan de relance des objectifs de développement durable,
le moyen le plus rapide et le plus simple de mettre en place un meilleur outil
multilatéral d’allégement de la dette, tout particulièrement avant que d’importants
paiements ne deviennent exigibles au titre du service de la dette en 2023 et 2024,
consiste à remédier à ces défauts. La Table ronde mondiale sur la dette souveraine,
qui est déjà en cours, pourrait y contribuer 63.
52. Il convient d’apporter les améliorations suivantes au Cadre commun :
premièrement, le service de la dette devrait être automatiquement suspendu pendant
les négociations, de façon à alléger les contraintes de liquidité, à éviter l’accumulation
__________________
58
Ces cadres sont le Club de Paris, fondé en 1956, le plan Brady de 1989, l’Initiative en faveur des
pays pauvres très endettés de 1996 et l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale de 2005.
59
Voir Banque mondiale, « Resolving High Debt After the Pandemic: Lessons from Past Episodes of
Debt Relief » dans Global Economic Prospects, janvier 2022 (Washington, 2022).
60
Voir Carmen M. Reinhart et Christoph Trebesch, « Sovereign debt relief and its aftermath »,
Journal of the European Economic Association, 2016, vol. 14, n o 1, p. 215-251.
61
Voir, par exemple, Kristalina Georgieva, Ceyla Pazarbasioglu, « The G20 Common Framework for
Debt Treatments Must be Stepped Up », IMF Blog, 2 décembre 2021.
62
Parmi les quatre pays candidats (le Tchad, la Zambie et l’Éthiopie en 2021 et le Ghana en janvier
2023), deux pays ont conclu un accord de dette. Le Tchad est parvenu à un accord avec ses
créanciers publics bilatéraux et privés en novembre 2022 ; cet accord ne comportait pas de
réduction pure et simple de la dette, mais un allègement du service de la dette en 2024 et une
protection contre le risque de baisse du prix du pétrole (voir Ryadh M. Alkhareif, Emmanuel
Moulin, « What the Chad debt deal means », Financing for Development Lab, 19 avril 2023). La
Zambie a été le deuxième pays à conclure un accord, en juin 2023, uniquement avec des
créanciers publics et sans réduction de la dette (voir Fitch Rating, « Zambia’s debt deal paves way
for next stage of restructuring », 28 juin 2023).
63
Voir FMI, « Global Sovereign Debt Roundtable Press Statement », communiqué de presse
n o 23/117, 12 avril 2023.

23-14498 17/22
A/78/229

d’arriérés et à inciter les parties à trouver une solution rapidement ; deuxièmement,


le processus devrait être plus prévisible et le calendrier, plus fiable ; troisièmement,
l’accès au cadre commun devrait être étendu aux pays à revenu intermédiaire qui sont
en situation de surendettement ou presque ; quatrièmement, il faudrait clarifier les
moyens de déterminer la comparabilité du traitement et mettre en place des outils
concrets pour inciter ou obliger les créanciers privés à participer aux restructurations
de la dette publique. Compte tenu des enseignements tirés des initiatives ca dres
précédentes, ces outils pourraient concerner les échanges de créances permettant
d’allonger les échéances et de baisser les taux d’intérêt, les rachats de dette,
l’amélioration des conditions du crédit (par exemple des garanties financières et/ou
des nantissements), la persuasion, les incitations fiscales et réglementaires, et des
mesures législatives (voir sect. III.B).
53. La seconde mesure qu’il est nécessaire de prendre immédiatement consiste à
suspendre les commissions additionnelles du FMI, au moins à titre temporaire,
comme le préconise le Groupe d’intervention mondiale face aux crises alimentaire,
énergétique et financière 64. Dans un contexte marqué par des crises récurrentes et par
l’aggravation des vulnérabilités liées à la dette, il est impératif que les prêts du FMI
continuent d’atténuer les problèmes de financement des pays en développement (voir
sect. III.A).

B. Réformes de l’architecture financière mondiale

54. Le traitement de la dette extérieure souveraine consiste depuis longtemps à


apporter tardivement un soutien insuffisant aux pays en développement, ce qui donne
généralement lieu à des crises de la dette prolongées, susceptibles de faire reculer le
développement d’une décennie ou davantage 65 . Cela a mis en lumière de graves
lacunes dans l’architecture de la dette mondiale : les États souverains ne bénéficient
pas des protections prévues par la législation pour les faillites des entreprises, alors
qu’ils sont traités comme des acteurs commerciaux dans le système financier
international 66, et les négociations volontaires entre le pays débiteur et ses créanciers
étrangers sont de moins en moins adaptées aux caractéristiques de plus en plus
complexes du paysage actuel de la dette. Outre que la coordination des créanciers a
été compliquée par la diversification des créanciers bilatéraux privés, semi -publics et
publics (voir sect. II), il y a eu une prolifération des acteurs qui demandent des
ressources financières aux États (tels que les bénéficiaires de sentences arbitrales, les
fournisseurs impayés et les détenteurs de contrats portant sur des produits dérivés) 67.
55. Comme souligné dans les rapports précédents 68 et dans le Programme d’action
d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du
développement, seul un cadre multilatéral de renégociation de la dette souveraine
pourra remédier pleinement au problème du surendettement extérieur des États et
constituer un mécanisme efficace, efficient et équitable pour gérer les crises de la

__________________
64
Voir Groupe d’intervention mondiale face aux crises alimentaire, énergétique et financière,
« Global impact of the war in Ukraine: Billions of people face the greatest cost-of-living crisis in
a generation », 8 juin 2022.
65
Voir CEPALC, Public debt and development distress in Latin America and the Caribbean
(Santiago, 2023).
66
Martin Guzman et Joseph E. Stiglitz, « Creating a framework for sovereign debt restructuring that
works » in Too Little, Too Late: The Quest for Resolving Sovereign Debt Crises. New York:
Columbia University Press, 2016.
67
Voir Lee Buchheit et Mitu Gulati, « Avoiding a lost decade: An interim update », Virginia Law and
Economics Research Paper, n o 2023-06, 11 février 2023.
68
Voir A/76/214 et A/77/206.

18/22 23-14498
A/78/229

dette d’une manière qui réponde aux besoins de développement des pays en
développement.
56. Pour donner une place centrale au développement, il faut également conduire
les analyses de la soutenabilité de la dette selon une nouvelle approche qui serait axée
sur la réalisation des objectifs de développement durable et tendrait à considérer la
position de la balance des paiements comme la principale contrainte économique
limitant la croissance et le développement de la plupart des pays en développement.
Dans les approches existantes – même celles qui adoptent une perspective à plus long
terme – c’est le service de la dette qui devient une fin en soi, plutôt que le
développement durable. Une approche axée sur le développement devrait permettre
d’évaluer si les pays ont besoin d’un allègement de la dette sous la forme d’abandons
de créances afin de pouvoir mettre en œuvre le Programme 2030 et l’Accord de Paris,
et si leur dette extérieure et leur dette publique sont soutenables, dans les limites
déterminées par leur position extérieure au sein de l’économie mondiale 69.
57. Il est nécessaire de renforcer la transparence et la gestion de la dette, à la fois
pour évaluer la soutenabilité des dettes et pour garantir leur restructuration efficace.
Malgré les améliorations récentes 70 , des problèmes subsistent en matière de
transparence, tels que la portée insuffisante des données sur la dette contractée ou
garantie par l’État. Il faut élargir cette portée de façon à inclure l’ensemble des dettes
des États et des administrations locales, des dettes extrabudgétaires, des dettes des
entreprises publiques, des passifs éventuels et des dettes garanties par nantissement.
58. Enfin, les États Membres devraient envisager de modifier leur législation
nationale afin de faciliter les processus qui permettent la res tructuration rapide et
ordonnée des dettes souveraines. Dans l’intervalle, les outils contractuels devraient
être pris en considération plus largement, comme indiqué dans la section III.B du
présent rapport.

__________________
69
Voir CNUCED, « UNCTAD Sustainable Development Finance Assessment Framework: Linking
debt sustainability to the achievement of the 2030 Agenda », Projet concernant la COVID-19
financé par le Compte de l’ONU pour le développement, document 1, n° 6/22, novembre 2022.
70
Voir A/77/206.

23-14498 19/22
A/78/229

Annexe
Dette extérieure des pays en développement

(En milliards de dollars des États-Unis)

2019 2020 2021 2022 a

Ensemble des pays en développement b


Encours total de la dette extérieure c 9 890,7 10 400,8 11 198,0 11 410,0
Dette extérieure à long terme 7 096,4 7 552,5 7 783,1 7 802,3
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 46,5 % 47 % 51,4 % 51,7 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 46,4 % 47 % 48,6 % 48,3 %
Dette extérieure à court terme 2 625,7 2 628,2 2 980,2 3 155,2
d
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage)
Dette extérieure totale/PIB 30,0 32,8 30,1 28,8
e
Dette extérieure totale/exportations 116,4 135,0 112,1 100,1
Service de la dette/exportations e 15,2 16,4 13,7 12,9
Réserves/dette extérieure à court terme 267,1 282,5 259,5 233,2
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 4,3 4,7 4,3 4,8
Asie de l’Est et Pacifique
Encours total de la dette extérieure c 3 934,1 4 300,9 4 728,5 4 757,9
Dette extérieure à long terme 2 258,7 2 574,4 2 666,9 2 601,1
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 34,4 % 34,6 % 36,6 % 39,9 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 65,6 % 65,4 % 63,4 % 60,1 %
Dette extérieure à court terme 1 657,0 1 706,5 1 979,4 2 042,7
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage) d
Dette extérieure totale/PIB 22,4 24,2 22,4 22,0
Dette extérieure totale/exportations e 87,1 96,6 84,4 79,4
e
Service de la dette/exportations 11,1 10,5 10,3 9,9
Réserves/dette extérieure à court terme 251,6 262,2 233,4 212,0
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 1,5 1,9 2,0 2,7
Europe et Asie centrale
Encours total de la dette extérieure c 694,3 704,7 705,7 759,6
Dette extérieure à long terme 551,3 542,3 547,4 551,2
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 37,4 % 40,7 % 41,5 % 41,9 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 62,6 % 59,3 % 58,5 % 58,1 %
Dette extérieure à court terme 138,5 156,4 142,7 195,0
d
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage)
Dette extérieure totale/PIB 60,7 64,7 56,4 53,7
e
Dette extérieure totale/exportations 180,7 228,1 166,1 141,8
Service de la dette/exportations e 34,5 42,4 27,9 25,2
Réserves/dette extérieure à court terme 125,7 112,3 134,7 108,8
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 8,3 9,2 9,4 6,8
Amérique latine et Caraïbes
Encours total de la dette extérieure c 2 476,8 2 489,7 2 626,6 2 686,4
Dette extérieure à long terme 2 028,2 2 069,0 2 137,1 2 180,8

20/22 23-14498
A/78/229

2019 2020 2021 2022 a

Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 51,5 % 52,7 % 52,4 % 51,1 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 48,5 % 47,3 % 47,6 % 48,9 %
Dette extérieure à court terme 380,7 336,2 365,3 382,0
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage) d
Dette extérieure totale/PIB 44,4 53,2 48,9 44,0
e
Dette extérieure totale/exportations 198,2 231,9 190,2 164,9
Service de la dette/exportations e 29,8 32,0 26,2 23,4
Réserves/dette extérieure à court terme 225,5 266,6 255,3 226,7
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 9,5 9,4 7,6 7,5
Moyen-Orient et Afrique du Nord
Encours total de la dette extérieure c 1 266,4 1 321,3 1 431,6 1 444,1
Dette extérieure à long terme 1 005,2 1 060,7 1 076,3 1 074,5
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 72,4 % 73,7 % 73,5 % 71,3 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 27,6 % 26,3 % 26,5 % 28,7 %
Dette extérieure à court terme 223,7 212,1 253,4 278,6
d
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage)
Dette extérieure totale/PIB 41,7 49,5 45,3 38,1
Dette extérieure totale/exportations e 96,6 138,1 105,5 76,2
e
Service de la dette/exportations 10,8 15,9 11,5 9,9
Réserves/dette extérieure à court terme 499,9 493,6 428,4 405,4
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 6,2 10,2 10,4 6,1
Asie du Sud
Encours total de la dette extérieure c 801,9 828,0 910,6 949,5
Dette extérieure à long terme 648,9 676,9 717,2 748,1
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 56,4 % 56,9 % 57,8 % 54,5 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 43,6 % 43,1 % 42,2 % 45,5 %
Dette extérieure à court terme 135,7 131,4 151,6 159,7
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage) d
Dette extérieure totale/PIB 21,9 23,7 22,3 21,9
e
Dette extérieure totale/exportations 126,5 141,4 117,0 105,0
Service de la dette/exportations e 11,9 16,5 9,3 9,8
Réserves/dette extérieure à court terme 397,7 518,5 482,5 401,6
Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 5,3 7,0 4,7 6,7
Afrique subsaharienne
Encours total de la dette extérieure c 717,3 756,2 795,0 812,4
Dette extérieure à long terme 604,0 629,1 638,2 646,6
Dette publique ou garantie par l’État/dette extérieure à long terme 71 % 72,7 % 74 % 73,5 %
Dette privée non garantie/dette extérieure à long terme 29 % 27,3 % 26 % 26,5 %
Dette extérieure à court terme 90,2 85,6 87,7 97,1
d
Indicateurs relatifs à la dette (en pourcentage)
Dette extérieure totale/PIB 40,3 44,6 41,8 39,4
Dette extérieure totale/exportations e 178,5 233,5 181,3 157,4
Service de la dette/exportations e 18,1 22,5 19,3 17,7

23-14498 21/22
A/78/229

2019 2020 2021 2022 a

Réserves/dette extérieure à court terme 163,5 168,6 189,3 162,5


Service de la dette publique ou garantie par l’État/recettes publiques 13,8 15,2 13,6 18,4

Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED d’après des données de la Banque mondiale et du FMI et des sources
nationales.
Abréviation : PIB = produit intérieur brut.
a
Les chiffres pour 2022 sont des estimations du secrétariat de la CNUCED.
b
Les pays en développement sont définis conformément aux classifications des pays utilisées pour les
statistiques de la CNUCED.
c
L’encours total de la dette extérieure recouvre la dette extérieure à long terme, la dette extérieure à court terme
et l’utilisation des crédits du FMI.
d
Les séries de données utilisées pour le calcul des ratios ont été ajustées en fonction des données disponibles.
e
Exportations de biens et de services et revenus primaires.

22/22 23-14498

Vous aimerez peut-être aussi