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Politique monétaire et secteur bancaire : instabilité

financière et mise en évidence de nouveaux canaux de


transmission
Marie-Sophie Gauvin

To cite this version:


Marie-Sophie Gauvin. Politique monétaire et secteur bancaire : instabilité financière et mise en év-
idence de nouveaux canaux de transmission. Economies et finances. Université de Toulon, 2013.
Français. �NNT : 2013TOUL2002�. �tel-00974605�

HAL Id: tel-00974605


https://theses.hal.science/tel-00974605
Submitted on 7 Apr 2014

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entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de
teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
UNIVERSITE DU SUD, TOULON-VAR
ECOLE DOCTORALE N°509
FACULTE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
LABORATOIRE D’ECONOMIE APPLIQUEE AU DEVELOPPEMENT
LEAD (EA 3163)

POLITIQUE MONETAIRE ET SECTEUR BANCAIRE :


INSTABILITE FINANCIERE ET MISE EN EVIDENCE DE
NOUVEAUX CANAUX DE TRANSMISSION

MARIE-SOPHIE GAUVIN

Thèse pour le Doctorat en Sciences économiques


présentée et soutenue publiquement le 06 novembre 2013

Directeur de Recherche :
Philippe GILLES Professeur à l’Université du Sud, Toulon-Var

Jury :
Jean-Pierre ALLEGRET Professeur à l’Université de Paris Ouest-
Nanterre la Défense (Rapporteur)
Christian BORDES Professeur à l’Université Paris 1, Panthéon-
Sorbonne (Suffragant)
André CARTAPANIS Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques
d’Aix en Provence (Suffragant)
Philippe GILLES Professeur à l’Université du Sud, Toulon-Var
(Directeur de thèse)
Dominique LACOUE-LABARTHE Professeur émérite de l'Université
Montesquieu – Bordeaux IV (Rapporteur)

1
La Faculté n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux
opinions émises dans les thèses : ces
opinions doivent être considérées
comme propres à leurs auteurs.

2
REMERCIEMENTS

Cette thèse doit beaucoup aux personnes qui m’ont soutenue durant ces dernières
années. Mon travail de recherche s’est déroulé au sein du LEAD où j’ai pu y
trouver une aide précieuse.

La première personne que je souhaite remercier est le Professeur Philippe Gilles,


mon directeur de thèse, qui a suivi et encouragé mes recherches dès leurs débuts.
Ses relectures et ses conseils m’ont permis d’élaborer cette thèse dans de très
bonnes conditions. La confiance qu’il m’a accordée, concrétisée par nos travaux
de recherche communs, m’a touchée, et je lui en serai toujours reconnaissante.
Enfin, son soutien, pendant ces années, m’a permis de réaliser mes recherches
avec sérénité.

Je remercie le Professeur Jean-Pierre Allégret, pour avoir accepté de participer à


ce jury, en tant que Rapporteur de cette thèse dans laquelle y sont inscrits
quelques-uns de ses développements, contribuant à l’enrichissement de mes
recherches.

J’exprime également mes remerciements au Professeur Christian Bordes, pour


avoir accepté de faire partie de ce jury. Ses travaux ont été très importants pour la
conception de ce travail, qui en est d’ailleurs fortement inspiré.

Je remercie le Professeur André Cartapanis, pour m’avoir fait l’honneur de siéger


dans ce jury. Ses analyses relatives aux questions financières ont été à l’origine de
mes premières réflexions et ont contribué à les faire mûrir jusqu’à la finalisation
de ce travail de recherche.

Je tiens à remercier le Professeur Dominique Lacoue-Labarthe, qui m’a également


fait l’honneur de faire partie de ce jury, en qualité de Rapporteur. Le Professeur
Lacoue-Labarthe a largement contribué à l’élaboration de cette thèse, inspirée
d’un certain nombre de ses travaux.

3
Chaque membre du LEAD a également toute ma gratitude pour leur accueil et
leurs conseils. Je pense particulièrement à Fréderic Aprahamian, Cécile Bastidon-
Gilles, Yusuf Kocoglu, Sylvia Novel, Nicolas Péridy, ainsi que tous mes
collègues et amis doctorants, parmi lesquels Alexandra, Bénédicte et Giscard.
J’inclus aussi toute l’équipe administrative avec une pensée spéciale pour Josée et
Claudine.

Un membre en particulier mérite ces quelques lignes exclusives puisque, sans lui,
mes travaux ne seraient pas aussi aboutis. Nicolas Huchet m’a apporté une aide
précieuse, notamment dans le cadre de notre collaboration autour des publications
et communications préparées ensemble avec le Professeur Philippe Gilles. Je le
remercie sincèrement pour le temps qu’il m’a accordé et sûrement la patience dont
il a su faire preuve avec moi.

J’ai également une pensée pour ma famille et mes amis avec qui j’ai pu exprimer
mes doutes et mes joies, et qui m’apportent l’équilibre nécessaire pour avancer. Je
pense d’abord à Damien. Merci pour tout : ta présence, ton écoute, ta patience, tes
encouragements, nos instants à nous, et notre fils.

Merci à ma maman qui est toujours là pour moi. Elle sait me donner du courage.
Merci à mon papa avec qui je peux discuter de longs moments ; ces instants sont
précieux. Merci aussi à mes frères, ma belle-sœur, mon neveu, Nicolas, Joëlle et
tous les autres.

Enfin, je ne serai pas celle que je suis sans mes amis. Je pense à celles qui ont
d’abord partagé ma passion pour laisser place à une amitié sincère. Je pense à
ceux et surtout celle dont on s’éloigne et qui savent revenir. Et puis, les copains,
merci pour les moments qui font du bien. Toutes ces personnes ont permis, par le
bien-être auquel elles ont contribué, la bonne réalisation de mes recherches.

Malgré les nombreux conseils reçus, ce travail comporte des insuffisances et


imperfections dont je suis la seule responsable.

4
A Raymonde

5
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I EVOLUTION DE LA NATURE DES CRISES ET APPARITION D’UN
NOUVEAU CADRE FINANCIER

Section 1.1 Des vulnérabilités du Haut vers le Bas de la Balance des


Paiements
Section 1.2 Calculs des risques et Instabilité financière
CHAPITRE II LES NOUVELLES DIMENSIONS DE L’INSTABILITE FINANCIERE
Section 2.1 Transmission et Amplification
Section 2.2 Implications pour la politique monétaire
CHAPITRE III L’INSTABILITE FINANCIERE DES PAYS FINANCIARISES : UN
PHENOMENE DE LONG TERME ET CYCLIQUE

Section 3.1 L’instabilité financière : Une tendance de long terme


Section 3.2 L’instabilité financière comme produit de l’interaction des
comportements bancaires et du cycle
Section 3.3 Un secteur bancaire fractionné en catégories bancaires
CHAPITRE IV UN MODELE D’INTERACTION ENTRE BANQUE CENTRALE ET
SECTEUR BANCAIRE : LA PROCYCLICITE, FACTEUR D’INSTABILITE FINANCIERE

Section 4.1 Cadre analytique du modèle


Section 4.2 Une Analyse bilancielle consécutive à l’action de la politique
monétaire
Section 4.3 Cas particulier : Titrisation et effets de la politique monétaire en
phase ascendante
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS

6
INTRODUCTION GENERALE

7
La multiplication des crises financières depuis deux décennies et l’ampleur de la
crise de 2007-2008 s’inscrivent dans un climat d’instabilité favorisé par un
environnement financier dérégulé, décloisonné et désintermédié. L’évolution des
crises financières illustre une tendance générationnelle des crises. Alors que les
« anciennes » crises provenaient surtout de fondamentaux défaillants, l’actuelle
crise de 2007-2008 trouve son origine dans les sphères financière et bancaire et
concerne les pays financiarisés.

La définition de cette dernière ne correspond pas aux premières générations de


crises. Les crises de première génération sont, en effet, liées à des crises de
change en lien avec une détérioration des fondamentaux, résultant d’attaques
spéculatives se faisant justement en réponse à une politique monétaire et/ou
fiscale jugée en conflit avec ses objectifs. La crise de seconde génération résulte
également des anticipations à propos des fondamentaux mais sans qu’ils soient
nécessairement détériorés. Un doute concernant le système de change peut suffire
à provoquer son attaque voire son effondrement.

La sphère bancaire et les flux de capitaux jouent un rôle dans les crises de
troisième génération. Les mouvements importants de capitaux, notamment durant
les années quatre-vingt-dix, modifient la perception du risque de la part des
investisseurs et contribuent aux défaillances bancaires. Ces crises bancaires ont
été associées aux crises de change (« twin crises »). L’évolution récente montre
des crises plus nécessairement associées au système de change et qui ne
concernent plus seulement les Pays en développement. La genèse de la crise se
situe désormais dans les pays économiquement développés. La crise de 2007-
2008 trouve sa source dans la défaillance d’un actif (subprime) qui contamine tout
le système financier via une crise de confiance le concernant et dans l’importance
des interconnexions entre les institutions financières. Particulièrement,
l’interruption du marché interbancaire est le catalyseur d’une crise qui touchera,

8
après la sphère bancaire, les sphères financière, boursière et enfin réelle à travers
le rationnement du crédit. Notons que sa spécificité est d’ajouter également une
crise de dette souveraine.

L’instabilité financière est favorisée par la relation crédit - prix d’actifs et les
innovations financières ne facilitent pas la lecture de cette relation étant donné les
problèmes de traçabilité des risques inhérents à l’utilisation des nouveaux produits
issus du nouveau business model. La dernière crise que l’on pourrait qualifier de
quatrième génération fait, en effet, intervenir un dysfonctionnement de la
titrisation auquel s’ajoute un manque de liquidité. Les vulnérabilités se trouvent
alors dans la composition et la taille des bilans bancaires. Les institutions
financières sont davantage exposées au risque avec un levier accru. Les sources de
financement des banques ne sont plus réservées aux seuls dépôts puisque ces
dernières peuvent aujourd’hui se financer sur les marchés. La titrisation des
créances permet de les sortir de l’actif du bilan en les transférant dans des
véhicules spéciaux, aggravant l’illiquidité des bilans bancaires lors d’une crise.
Par ailleurs, la vulnérabilité est d’autant plus forte que ce processus implique un
grand nombre d’acteurs, favorisant une hausse de l’asymétrie informationnelle et
des risques plus difficilement traçables. Ces derniers impliquent à la fois des
problèmes dans la prévention et un phénomène d’amplification dans la survenance
des crises. De manière générale, ce sont alors les aspects prophylactiques et
curatifs des crises qui sont mis en difficulté par les innovations financières.

La liquidité est un facteur essentiel de vulnérabilité, d’autant plus que le risque de


liquidité est sous-évalué avant la crise. De manière générale, les risques sont sous-
estimés en phase ascendante du cycle et les nouveaux instruments financiers
accentuent cette mauvaise évaluation. En effet, le recours à la titrisation par les
banques rend incomplète l’information issue de leur bilan étant donné la
possibilité de sortie de certaines créances donc la difficulté de tracer leur risque.

9
Par ailleurs, les méthodes d’évaluation des actifs, compte tenu de la seule
utilisation du prix de marché, deviennent difficiles en période de crise compte
tenu de la forte volatilité des prix. Les modèles répandus du type VaR ne tiennent
pas compte des valeurs extrêmes, pourtant atteintes en temps de crise, participant
à la sous-évaluation des risques. Notons également que les agences de notation,
participent à ces difficultés d’estimation à cause de leur action procyclique faisant
varier les notes avec l’état du cycle. De plus, elles ne prennent en compte que le
risque de défaillance sans associer le risque de liquidité des actifs.

Ces problèmes d’identification des risques participent à l’instabilité financière


jugée alors intrinsèque au fonctionnement de la sphère financière. Cette idée n’est
pas récente (cf. Marx, 1867 ; Juglar, 1862 ; Minsky 1982) et était fondée avant
même le développement des innovations financières récentes. Cette « actualité »
provient de ce que l’évaluation des risques est à rapprocher de l’évolution d’un
cycle économique identifié depuis longtemps par la littérature économique. La
phase ascendante du cycle est propice à la montée des risques favorisée par leur
sous-évaluation et les comportements mimétiques associés (confiance versus
défiance contagieuses). L’instabilité se retrouve dans les bilans bancaires puisque
les institutions financières, notamment les banques, établissent leur choix en
fonction de leurs anticipations concernant les prix des différents actifs et ces
dernières alimentent la hausse (baisse) en cas de forte (faible) demande. Par
conséquent, nous comprenons les phénomènes d’accélération du crédit en phase
ascendante et de debt deflation en phase descendante. Notons que les mouvements
des prix d’actifs sont d’autant plus forts que le système d’évaluation en juste
valeur autorise leur volatilité.

Si l’instabilité financière est inhérente au fonctionnement du système financier,


elle est également favorisée par l’interaction du comportement de ses acteurs. En
d’autres termes, l’instabilité financière résulte également de la réaction des

10
banques aux impulsions de politique monétaire. Traditionnellement, le canal du
crédit fonctionne à travers les dépôts. Ainsi, par exemple, une politique monétaire
restrictive de hausse des taux d’intérêt fait diminuer le volume de crédits accordés
par les banques. L’importance du marché des titres implique d’autres mécanismes
qui ont une incidence directe sur la prise de risque des banques. L’offre de crédit
dépend aussi des fonds propres détenus par les banques (canal du capital
bancaire). Des fonds propres plus couteux, du fait d’une dépréciation des prix
d’actifs, impliquent un rationnement du crédit. Par ailleurs, l’exigence
réglementaire s’ajoute à cette relation car devoir respecter la réglementation
prudentielle, associée au niveau de capital, peut contraindre les banques à
diminuer leur volume d’actifs au sein du bilan. Pourtant, nous verrons qu’une
banque mieux capitalisée, initialement, modifie moins son offre de crédit suite à
un choc négatif sur son bilan car elle a davantage accès aux sources de
financements. L’exigence réglementaire et les chocs de politique monétaire pèsent
alors différemment sur les banques plus ou moins capitalisées et la logique est la
même à propos de la liquidité de leur bilan (une banque plus liquide étant plus
résiliente à un choc).

L’exigence réglementaire, participant à l’amplification de la procyclicité, peut


également inciter à la prise de risque en encourageant les banques à choisir des
actifs pouvant être placés hors bilan justement pour échapper à la réglementation
qui s’applique seulement aux actifs comptabilisés au bilan. Cet arbitrage favorise
la hausse du levier donc une plus grande exposition aux risques, signifiant une
vulnérabilité accrue pour les banques. La prise de risque est d’ailleurs également
encouragée par la politique monétaire dès lors que des taux d’intérêt fixés trop bas
trop longtemps en période ascendante peuvent modifier la perception des risques
des banques (canal de la prise de risque). Le taux d’intérêt n’agit pas de façon
mécanique sur les bilans mais sur les perceptions et l’aversion au risque des
banques donc sur le degré de risque de leur portefeuille. Des taux relativement
plus bas amplifient la valeur nette des actifs donc fait diminuer la probabilité de

11
défaut désincitant la surveillance des risques. De plus, les rendements attendus
sont amputés par les taux plus faibles ce qui motive les banques à rechercher des
actifs plus rentables donc plus risqués.

Un tel lien entre politique monétaire et instabilité financière nous conduit à nous
interroger sur la prise en compte de la stabilité financière par les Autorités
monétaires. Compte tenu du rôle important des prix d’actifs dans le rapport au
risque des banques, il est légitime de s’intéresser au rôle de la politique monétaire
dans le lissage du cycle par la minimisation de la volatilité des prix d’actifs. Peut-
on et doit-on augmenter la règle traditionnelle de Taylor des prix d’actifs ? Sous
réserve que les bulles sur prix d’actifs soient identifiables, la Banque centrale
doit-elle y répondre et agir pour éviter leur éclatement ou doit-elle seulement
limiter les pertes ? Nous verrons que, même avec l’ajout des prix d’actifs dans une
règle, la politique monétaire, pour intégrer la stabilité financière, doit tenir compte
des anticipations des agents, plus particulièrement de leur degré de
pessimisme/optimisme (Bordo et Jeanne, 2002).

Au-delà de l’intégration ou non des prix d’actifs dans la règle de politique


monétaire, l’instabilité financière peut également être considérée dans le lien entre
la politique monétaire et la politique macroprudentielle. En commençant par Bâle
I puis Bâle II, la règlementation prudentielle établit, entre autres, un ratio de fonds
propres que les banques doivent respecter. La sous-évaluation des risques
inhérente aux méthodes utilisées pour pondérer les risques associés aux actifs et
donc pour établir la réglementation contraint à une modification qui aboutit à Bâle
III. Les dernières directives tentent, en effet, d’approcher le risque différemment
et de considérer la procyclicité des bilans bancaires à travers, notamment, un ratio
de fonds propres contracyclique. La prise en compte de la liquidité comme
élément d’instabilité est également intégrée avec des ratios de liquidité à détenir à
court et long termes. L’idée est donc de contribuer au lissage du cycle par la

12
réglementation. Nous verrons cependant que l’application nécessite une
coopération entre politique monétaire et macroprudentielle et que le cadre
réglementaire doit pouvoir s’appliquer à toutes les institutions financières, et pas
seulement aux banques, afin d’éviter les arbitrages défavorables à l’activité
productive.

Pour résumer, la crise de 2007-2008 est à la fois la conséquence d’une instabilité


de long terme favorisée par les innovations financières, et constitue aussi le
résultat d’une confiance excessive caractéristique de la phase ascendante du cycle.
De plus, il n’est pas exclu que les politiques monétaires expansionnistes aient pu
contribuer à la montée des risques. Enfin, c’est une crise de nouvelle génération
qui fait intervenir le comportement des banques comme élément central. Partant,
nous avons choisi d’étudier ces comportements à travers une analyse bilancielle
des secteurs bancaires américain et européen, considérant les deux phases du
cycle, soit durant la période 2002-2012. Avoir choisi des pays financiarisés
comme objet d’étude correspond à la logique de la nouvelle génération de crise
qui place son origine justement dans ces pays. Nous observerons également
l’évolution de ces bilans depuis le début des années quatre-vingt-dix pour rendre
compte de l’instabilité financière comme phénomène de long terme.

Nous verrons que des phénomènes concernant les deux secteurs bancaires comme
la concentration et la hausse de l’endettement bancaire depuis 1990 révèlent une
hausse de l’instabilité financière favorisée par l’élimination des barrières à
l’entrée dans les services financiers et la recherche de profitabilité de la part des
banques propice à la montée des risques avant la crise. Les bilans bancaires nous
offrent aussi des mouvements différents en fonction des phases du cycle, soit
avant et après 2007. On observe, en effet, un endettement et un ratio de levier
plus élevés ainsi qu’un ratio de capital plus faible sur la période 2002-2007,
indiquant une aversion au risque plus faible et donc une montée des risques

13
individuel et collectif. De plus, l’observation du ratio de liquidité rend compte du
fait que les actifs considérés comme liquides avant 2007 se révèlent ne plus l’être
après la crise. D’ailleurs, les choix de portefeuille des secteurs bancaires
américain et européen confirment la préférence pour le risque en phase ascendante
et le repli vers la qualité en phase descendante, au détriment systématique des
crédits productifs dont les montants varient beaucoup moins.

Bien que les évolutions bilancielles du secteur bancaire agrégé montrent des
mouvements procycliques et répondent à un mouvement général, on peut
également observer des différences internes au sein du secteur bancaire. En
observant le secteur bancaire américain, nous verrons que les comportements,
bien qu’ils suivent les mêmes tendances, sont plus ou moins marqués en fonction
de la taille des banques (approchée à l’aide du montant total des actifs),
déterminant trois catégories de banques. Ces dernières constituent, en effet, des
ratios de capital de niveaux différents et présentent des niveaux d’endettement
plus ou moins élevés, favorisant des actifs plus ou moins risqués, témoignant
d’une aversion au risque différente.

Après observation des faits stylisés, l’idée est de proposer, à travers un modèle
théorique, une analyse des comportements bancaires en réponse à une impulsion
de politique monétaire en fonction du cycle. Dans ce modèle, le secteur bancaire
optimise ses choix de portefeuille en maximisant son profit compte tenu de la
politique monétaire. Contrairement à un modèle d’équilibre général, par exemple,
du type DSGE (Dynamic Stochastic General Equilibrium), nous choisissons de
nous centrer sur la relation Banque centrale – secteur bancaire, à travers une
analyse bilancielle comparée au sein du cycle. Partant, nous choisissons
d’analyser un bilan bancaire agrégé après un choc de politique monétaire avec une
première période correspondant à la situation initiale, un choc en , et la
réaction du secteur bancaire en . L’analyse bilancielle se fait à travers la

14
distinction des actifs en fonction de leur finalité productive ou non. Nous
comptons alors au bilan un actif sans risque, une créance adossée à un projet
productif et un actif spéculatif sans finalité directe sur la sphère réelle.

Le choc de politique monétaire concerne le taux d’intérêt directeur qui satisfait la


règle de Taylor traditionnelle. La maximisation du profit bancaire tient compte
principalement de ce taux d’intérêt directeur (via les rendements nets) et de
l’aversion au risque conditionnée par la situation initiale en . Les
comportements des banques sont fonction de leur aversion au risque qui varie
avec le cycle. Nous considérons, dans un premier temps, une aversion au risque au
sens large, soit une perception homogène du secteur bancaire vis-à-vis du risque,
en fonction de l’état du cycle. En phase ascendante, des taux d’intérêt directeurs
peu élevés et une aversion au risque faible favorisent la croissance des encours.
Partant, nous pourrons analyser l’évolution des principaux indicateurs de
résilience et de performance bancaires, à l’instar de la rentabilité, du ratio de
capital, du ratio de liquidité et du levier. En plus de savoir si l’évolution de ces
indicateurs est conforme à l’étude des faits stylisés, nous analysons les choix de
portefeuille également révélateurs de l’aversion au risque en fonction du cycle.
Notre démonstration a pour but de déterminer si les préférences pour le risque
selon les phases ont pour conséquence une éviction du crédit productif, donc un
impact négatif sur la sphère réelle, dans les deux états.

Ayant également observé des différences de comportements au sein du secteur


bancaire américain, nous avons affiné notre première hypothèse concernant
l’aversion au risque et intégré l’aversion au risque dans son sens strict, c’est-à-dire
une aversion au risque intrinsèque à la nature d’une catégorie de banque. Nous
tenons alors compte d’une aversion au risque du secteur bancaire qui varie selon
l’état du cycle et une aversion au risque d’une catégorie de banques qui varie
selon leurs caractéristiques initiales. Dans notre modèle, ces caractéristiques sont

15
relatives à l’état de solvabilité et de liquidité de la banque. Nous choisissons alors
de faire dépendre les choix bancaires en de leur ratio de capital et de liquidité
initiaux en . L’idée est de déterminer pour quel type de banques la procyclicité
est davantage accentuée. Nous verrons que ces éléments conditionnent en effet la
prise de risque des banques, d’où l’intérêt de les considérer dans un cadre
macroprudentiel articulé autour de la politique monétaire, ce qui peut s’avérer
problématique dans le cadre d’une politique monétaire « accommodante »
(Politique monétaire non conventionnelle).

Compte tenu du développement des innovations financières et notamment du


recours des banques à la titrisation, notre modèle intègre également, dans un
second temps, un actif titrisé. L’objet est alors de comparer l’évolution des bilans
avec et sans titrisation afin d’évaluer son effet sur la prise de risque. Nous nous
interrogeons sur les conséquences du recours à ces activités sur la solvabilité et la
liquidité durant les deux phases du cycle. L’idée est aussi de voir dans quelle
mesure la titrisation permet une amélioration du levier en phase ascendante et un
deleveraging relativement plus important en phase descendante. Par ailleurs, la
prise de risque en phase ascendante est-elle encouragée par l’arbitrage en faveur
de la sortie des actifs du bilan pour échapper aux contraintes réglementaires ? In
fine, la question se résume à déterminer si le recours à la titrisation se fait au
détriment de l’activité de crédit et de la sphère réelle.

Le raisonnement structurant cette thèse se subdivise en quatre chapitres. Dans le


premier, est mise en avant l’évolution des crises financières afin d’aborder la
question de l’instabilité financière qui s’inscrit aujourd’hui dans le cadre d’un
nouveau business model.

16
Un deuxième chapitre permet d’éclairer les nouvelles sources de l’instabilité
financière, parmi lesquelles les interventions des Autorités monétaires et leur
incidence sur la prise de risque des banques.

Une étude des faits stylisés concernant les secteurs bancaires américain et
européen, abordée dans notre chapitre III, nous permettra de comprendre que
l’instabilité financière est à la fois un phénomène de long terme, favorisé par
l’essor des innovations financières, mais également le produit de l’interaction des
Autorités monétaires et du secteur bancaire en fonction du cycle.

Enfin, dans notre ultime chapitre, est exposée cette relation Autorité monétaire –
secteur bancaire à travers un modèle théorique basé sur une analyse bilancielle
inscrite dans les deux phases du cycle.

17
CHAPITRE I EVOLUTION DE LA NATURE DES
CRISES ET APPARITION D’UN NOUVEAU CADRE
FINANCIER

18
L’occurrence et l’ampleur croissantes des crises légitiment l’étude du phénomène
d’instabilité financière définie comme l’incapacité du système financier à financer
le financement de l’investissement productif, entrainant une contraction de
l’activité économique (Mishkin, 1999) et un déplacement des sources financières
vers le placement spéculatif. L’objet de ce premier chapitre est de comprendre en
quoi l’instabilité financière est un phénomène inhérent à l’activité financière et
bancaire.

L’idée est de partir d’un constat, dans une première section, qui révèle
l’importance accrue du secteur bancaire dans les épisodes de crises. Autrement
dit, il s’agit de mettre en avant la progression des crises axées de plus en plus sur
les sphères financière et bancaire et de moins en moins sur les fondamentaux.
Cette section permet également d’appréhender la nature et les causes de telles
vulnérabilités bancaires.

Par ailleurs, ce climat d’instabilité accrue témoigne d’une sous-estimation des


risques, analysée dans une deuxième section, au sein de laquelle nous montrons
que le calcul des risques est biaisé, et amplifié par l’expansion d’un nouveau
business model. De plus, les problèmes d’évaluation des risques augmentant la
prise de risques des banques, leurs méthodes d’appréciation font l’objet de
développements circonstanciés.

19
SECTION 1.1 DES VULNERABILITES DU HAUT VERS LE BAS DE LA
BALANCE DES PAIEMENTS

20
La récurrence et la violence des crises financières et bancaires des dernières
décennies soulèvent l’intérêt de l’étude des vulnérabilités bancaires. Les banques
constituent de plus en plus un point central dans l’analyse des crises financières, et
les facteurs de leurs vulnérabilités sont davantage axés sur leurs comportements,
en lien avec les innovations financières.

L’objet de cette section est d’appréhender le rôle accru des banques dans la prise
de risque et la formation des crises. Dans un premier temps, nous montrons que
l’instabilité financière est aujourd’hui davantage expliquée par des défaillances
bancaires plutôt que par des causes anciennement basées sur des fondamentaux.
En effet, alors qu’auparavant, les crises étaient essentiellement des crises de
change, liées à une détérioration des fondamentaux, l’ouverture grandissante des
comptes de capitaux donne un poids important aux flux de capitaux dans les
tensions bancaires, leur donnant un rôle accru dans les phénomènes de crises.
Ensuite, nous rendons compte de la multiplication des crises bancaires, mettant en
avant l’interconnexion des banques au sein d’un réseau interbancaire d’autant plus
important qu’il existe un nombre croissant de pays intermédiés et financiarisés.
Enfin, l’idée est d’appréhender les facteurs de vulnérabilités des banques,
davantage accentués dans un climat de libéralisation financière, où les métiers
bancaires ont évolué dans le cadre d’un nouveau business model.

21
1.1.1 De la sphère réelle aux sphères financière et bancaire

Aujourd’hui, l’analyse des crises financières et leur évolution permet de rendre


compte de l’importance accrue des banques dans l’instabilité financière. L’étude
de l’évolution des processus de crise constitue un point de départ pour mettre en
exergue un découplage entre les sphères réelle et financière. Les sources de
vulnérabilités passent du haut vers le bas de la balance des paiements. Alors que
les premières crises financières sont basées sur des fondamentaux défaillants,
l’analyse actuelle est axée sur la sphère financière et aujourd’hui bancaire,
privilégiant des canaux de prise de risque, en défaveur du canal du crédit
traditionnel.

Plusieurs typologies de crises existent, parmi lesquelles le classement en


différentes générations. Dornbusch (2001) oppose également les anciennes crises
(« old-style crises ») aux nouvelles (« new-style balance sheet crises »).

« A useful distinction can be drawn between old-style or slow motion


crises, based on the financing of the current account in a financially
repressed economy, and the new-style balance sheet crises of a financially
opened economy. » (Dornbusch, 2001)

Les premières sont caractérisées par des distorsions du taux de change réel et des
déséquilibres externes et les secondes sont axées sur des fragilités bancaires. La
différence se situe dans le degré d’ouverture et de sophistication financières des
économies.

22
Les crises financières se distinguent également selon la génération à laquelle elles
appartiennent (Eichengreen et al., 1995). La crise de première génération
correspond à une crise du haut vers le bas de la balance des paiements (Krugman,
1979 ; Flood et Garber, 1984), le modèle de seconde génération fait intervenir les
anticipations des agents privés concernant également les fondamentaux (Obstfeld,
1995 ; Dooley, 1997). Enfin, la crise de troisième génération privilégie davantage
les imperfections d’information sur les marchés financiers et les fragilités
bancaires, plutôt que les distorsions macroéconomiques (Krugman, 1999). Cette
évolution témoigne de la prédominance actuelle des sphères financière et bancaire
comparativement à celle de la sphère réelle.

Jusqu’aux années 80, les crises financières sont essentiellement des crises de
change1 liées à une détérioration des fondamentaux (Krugman, 1979). Dans le
cadre des modèles de première génération, la crise résulte d’une attaque
spéculative sur le cours de la monnaie comme sanction d’une politique
incohérente (Bastidon, 2002). En liaison avec Kydland et Prescott (1977), notons
qu’ils utilisent le terme « inconsistency » pour parler de l’optimalité des décisions
de politique économique, terme qui rappelle non seulement l’incohérence de la
politique, mais également son « inconsistance », c’est-à-dire l’existence d’un écart
entre l’objectif annoncé par l’Autorité et sa mise en application. Partant,
l’optimalité d’un plan de politique monétaire ou budgétaire devrait suivre la
logique de la théorie du contrôle optimal utilisée pour l’analyse des systèmes
dynamiques et suppose que les mouvements d’un système dépendent des
décisions de politique actuelle et passée. Cela implique donc que les anticipations
des agents à leur sujet soient invariantes. Or, ces dernières changent en fonction
du cycle économique et invalident par conséquent l’utilisation d’un contrôle
optimal.

1
« Une monnaie subit une crise de change lorsque sa valeur, exprimée dans sa valeur
de référence, subit une dépréciation au cours d’une année supérieure à un certain
seuil égal, en général, à 25% » (Boyer et al., 2004).

23
« La crise est indissociable de l’apparition de déséquilibres persistants, sur le
marché de la monnaie ou sur le plan budgétaire, qui entrent en conflit avec la
contrainte d’un stock limité de réserves de change […]. Ce sont toujours des
options erronées de politique macroéconomique qui impulsent la perte de
confiance des détenteurs d’actifs dont le comportement déclenche une crise que
les fondamentaux rendaient inéluctable ». (Cartapanis, 2004)

Même si le déclencheur de la crise de change est l’attaque spéculative, ce sont les


fondamentaux qui en sont la cause profonde. Nous sommes donc dans un cadre où
la crise relève de la sphère réelle et où la responsabilité revient à des politiques
économiques jugées irresponsables (Aglietta et de Boissieu, 1999).

Le degré d’ouverture financière des économies industrialisées (et encore plus des
pays en développement) étant très faible, les principales causes des crises de
première génération résident en premier lieu dans le haut la balance des
paiements. La crise intervient, dans un second temps, lorsqu’une attaque
spéculative élimine le reste des réserves déjà entamées, et que le gouvernement
devient incapable de défendre son taux de change (Krugman, 1979). La crise
résulte donc d’un conflit entre les objectifs de stabilité de taux de change et des
politiques monétaire et fiscale incohérentes (Dooley, 1997).

Les crises de seconde génération ne résultent pas de l’observation des


fondamentaux, mais de la modification des anticipations les concernant (Bastidon,
2002 ; Cartapanis, 2004). La crise, qui concerne là encore le marché des changes,
est auto-réalisatrice. La survenance d’une crise n’implique pas nécessairement une
détérioration des fondamentaux. La spéculation seule peut provoquer
l’effondrement d’un système de change, et même une monnaie qui pourrait être

24
soutenue sans qu’il y ait spéculation peut succomber aux anticipations des agents
privés.

« Like a run on a bank, speculation against a currency creates objective economic


conditions that make liability devaluation more likely. As a result, even pegged
exchange rates that could be sustained indefinitely in the absence of a speculative
attack can succumb to adverse market sentiment. » (Obstfeld, 1995).

L’attaque spéculative a lieu dès qu’un doute s’installe sur l’engagement à court
terme des Autorités. Dans un système de change fixe, à l’instant où les agents
privés suspectent que le gouvernement laisse la parité évoluer, les pressions
entrainent l’effondrement de la monnaie et la crise associée (Krugman, 1999).
Ceci est également valable lorsque l’on note une absence de solidarité entre
Banques centrales au sein d’une zone, à l’instar des crises du SME des années 90
(Beitone et al., 2006). Le SME (Système Monétaire Européen), instauré dans le
but d’une stabilité des changes des pays membres, implique une solidarité
monétaire entre les Etats. Or, la coopération devient difficile dès lors qu’un pays
veut mener une politique monétaire de manière unilatérale, à l’instar de
l’Allemagne en 1992 qui relève ses taux d’intérêt à court terme dans une volonté
de financement de la réunification. En effet, d’après le « triangle
d’incompatibilité » de Mundell, dans un cadre de liberté des flux de capitaux
représentatif des années 90, une économie faisant partie d’une zone monétaire ne
peut à la fois avoir un taux de change fixe, voire fixe mais ajustable, et mener une
politique monétaire nationale. Les pressions spéculatives en résultant nécessitent
alors que l’un des éléments du triangle soit supprimé, d’où la création du SEBC
(Système Européen des Banques Centrales) permettant de mener une politique
monétaire commune.

25
« A new-style crisis involves doubt about the credit worthiness of the balance
sheet of a significant part of the economy – private or public – and the exchange
rate. » (Dornbusch 2001).

Ce type de crises fait intervenir les notions de réputation et crédibilité des


Autorités, lesquelles conditionnent les comportements des agents. Alors que la
réputation correspond à la « probabilité que le public assigne à la cohérence et à
la consistance de la poursuite de la politique économique et financière », la
crédibilité2 est évaluée par « l’écart entre les résultats de cette politique et les
annonces officielles » (Gilles, 1992). En d’autres termes, la réputation implique un
degré de fiabilité de l’information et la crédibilité se construit sur le respect des
objectifs annoncés et notamment le ciblage inflationniste contenus dans les
modèles standards (Barro et Gordon, 1983 ; Cukierman et Meltzer, 1986).

Dans un premier temps, les Autorités, à l’instar de la Banque centrale, établissent


des règles de politique économique, monétaire et financière, suscitant une réaction
du public qui fixe ses anticipations, s’apparentant à un jeu qui se termine par le
choix des Autorités de la politique effectivement menée (Gilles, 1992). Partant,
crédibilité et réputation des Autorités nécessitent le respect de la règle de politique
affichée. Notons que ces dernières dépendent également d’autres facteurs comme
le degré d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique (Woehrling, 1990), de
l’environnement politique (Alesina et Tabellini, 1988), ou encore de la qualité de
l’administration (Schelling, 1982).

2
La crédibilité peut se décliner en « average credibility » qui correspond à l’écart
entre les anticipations du public concernant les résultats de politique et annonces
faites, ou « marginal credibility » qui examine la capacité des annonces politiques à
influencer les anticipations des agents (cette dernière est égale à 1 si les annonces sont
précises et 0 si les annonces ne sont pas crédibles).

26
« L’attaque spéculative intervient, et peut réussir, simplement parce qu’à un
moment donné les marchés se persuadent, en écho, souvent, à des informations
extra-économiques, la proximité d’une échéance électorale par exemple, ou à des
tâches solaires, que les taux de change prévalant jusqu’alors ne sont plus
crédibles, même si les fondamentaux sont restés inchangés. » (Boyer et al., 2004).

Compte tenu du fait que la crédibilité implique d’annoncer les modalités et


finalités des politiques économiques, nous comprenons maintenant en quoi
l’existence d’attaques spéculatives est possible quel que soit l’état des
fondamentaux. Ces dernières constituent, en effet, le principal effet pervers des
annonces publiques des Autorités (Tobin, 1989), pouvant légitimer pour certains
(Dornbusch, 1980) la discrétion comme solution de lutte contre la spéculation à
court terme. In fine, si l’attaque spéculative contre les Autorités peut intervenir à
chaque moment, elle survient en réalité dès qu’il existe un doute sur le respect de
la règle. « Si le public ne reçoit qu’un signal entaché d’un bruit de la politique
économique menée, celle-ci perd de son efficacité car les agents ne savent pas
distinguer les effets des chocs de ceux des politiques » (Gilles, 1992). En d’autres
termes, l’effet pervers de la règle est d’autant plus fort que l’information est
asymétrique et/ou incomplète.

Le modèle de crise de troisième génération repose également sur des attaques


spéculatives, mais la nature des chocs susceptibles de les engendrer est différente.
Désormais, les distorsions macroéconomiques comme élément catalyseur laissent
place à l’imperfection de l’information sur les marchés financiers et la fragilité
des systèmes bancaires (Beitone et al., 2006 ; Krugman, 1999).

27
Ce type de crise est défini par Krugman (1999) comme étant celle qui met en
exergue deux éléments n’intervenant pas jusqu’alors : le rôle des bilans bancaires
et les flux de capitaux :

« One that emphasizes two factors that have been omitted from formal models to
date: the role of companies’ balance sheets in determining their ability to invest,
and that of capital flows in affecting the real exchange rate » (Krugman, 1999).

L’afflux de capitaux est provoqué par la libéralisation financière et l’endettement


privé qui en résulte. Par observation, ces crises sont précédées d’importants
mouvements entrants de capitaux privés porteurs d’anticipations (Dooley, 1997 ;
Bastidon, 2002). Ces flux sont le catalyseur de tensions bancaires et occupent une
place centrale dans le renversement des anticipations. Un exemple illustratif est
celui de la Thaïlande en 1997, où la hausse du risque perçu par les investisseurs
internationaux et la perte de confiance proviennent de créances douteuses et de
désajustements d’échéances dans les bilans bancaires (Cartapanis, 2004). « La
crise de change et la dépréciation qui en est l’aboutissement s’apparentent à un
effet collatéral, voire à un symptôme » (Krugman, 2001).

Nous pouvons constater cette évolution des crises financières (Graphique 1), et
notamment leurs évolutions générationnelles :

28
Graphique 1 : Fréquence des crises bancaires, de change et jumelles (1890-
1997)3

Source : Bordo et al. (2001) tiré de Boyer et al. (2004)

Notre attention se porte sur la fréquence croissante des crises bancaires qui
frappent par leur « réapparition » depuis les années 70 et qui se multiplient ensuite
au cours de la décennie 90 jusqu’à la dernière en date à partir 2007.

3
La fréquence des crises est égale au nombre de crises divisé par le nombre d’années
multiplié par le nombre de pays pour chaque période.

29
1.1.2 Des crises à dominante bancaire

Analyser les épisodes de crises permet de rendre compte de l’importance


croissante de la sphère bancaire dans l’analyse économique. Durant la décennie
90, les crises bancaires sont multipliées par 4 par rapport à la période 1970-1990,
précédant la libéralisation (Kaminsky et Reinhart, 1999). Alors qu’auparavant,
l’accent était mis sur l’incohérence entre des politiques fiscale et monétaire et le
système de change, désormais, ce sont les anticipations des investisseurs sur les
marchés de capitaux qui jouent le rôle principal.

« Cette résurgence des crises incite, au-delà de cette explication immédiate des
crises bancaires par la dérèglementation, à s’interroger sur la place des banques
dans les dynamiques économiques ou les régimes d’accumulation du capital et de
régulation économique qui sont aujourd’hui à l’œuvre » (Dehove, 2003).

Nous nous intéressons plus particulièrement à la place des banques dans le


processus d’instabilité financière, dans un contexte de libéralisation financière. Si
les années 70 témoignent d’une régulation des marchés qui ne permet pas de lien
entre crises de balance des paiements et crises bancaires, les années 80 marquent
le début d’un processus de libéralisation des marchés financiers, permettant leur
interconnexion (Kaminsky et Reinhart, 1999).

Les crises de change et bancaire deviennent compatibles voire interdépendantes


(« twin crises »). Les sorties de capitaux sont à l’origine de ces dernières, d’autant
que ces capitaux sont essentiellement bancarisés (Miotti et Plihon, 2001). Le lien
entre ces deux crises n’est pas unilatéral. Dans un premier temps, une dévaluation
affaiblit la position des banques dans la mesure où une grande partie des créances
est libellée en devises (Mishkin, 1996). A l’inverse, les difficultés financières

30
peuvent entrainer la chute du taux de change (Velasco, 1987). La libéralisation
financière peut être à l’origine d’un boom de crédit permettant une hausse
d’activité et un creusement du déficit commercial. En conséquence, si la monnaie
domestique est attaquée, la rupture des apports de crédits en devise est inévitable.
On note, par exemple, une hausse de 35.5 points du ratio crédit domestique / PIB
en Thaïlande entre 1990 et 1995 (Allégret et al., 2003), avant la crise du Baht en
1997.

Kaminsky et Reinhart (1999) étudient empiriquement le lien entre crises bancaires


et de change dans 20 pays sur la période 1970-95. Ils constatent que l’apparition
d’une crise bancaire augmente la probabilité qu’un pays tombe dans une crise de
change. Sachant que la probabilité d’occurrence d’une crise de change
conditionnelle à une crise bancaire est de 46% et que la probabilité d’une crise
bancaire conditionnelle à une crise de change est de 8%, ils démontrent que les
premières difficultés proviennent d’abord des banques, affectant le système de
change, la dévaluation aggravant à nouveau la situation des banques.

La crise actuelle illustre le fait que les crises concernent désormais davantage la
sphère bancaire et ne concernent plus seulement les pays émergents. Les
anticipations ont toujours un rôle prépondérant mais se portent sur la sphère
bancaire : les causes profondes des crises résidant dans les comportements
bancaires. La crise des subprimes (Taccola-Lapierre, 2007) illustre ce nouveau
type de crise. Le subprime est un crédit hypothécaire à taux variable qui permet à
l’agent détenteur de souscrire un nouvel emprunt adossé sur la valeur du bien
immobilier qu’il donne en garantie. Ce type d’actif étant indexé sur le prix de
l’immobilier, la chute du marché immobilier est le déclencheur de la détérioration
des crédits hypothécaires. Parallèlement, la Fed a augmenté ses taux, augmentant
la charge de la dette des ménages, obligeant certains à vendre leur bien, d’autant
plus que la conjoncture est détériorée (hausse du chômage et baisse du pouvoir

31
d’achat), participant à la chute des prix des biens. La valeur des collatéraux étant
largement entamée, ces derniers ne suffisent plus aux ménages à rembourser leur
dette.

Cette baisse de valeur des collatéraux implique alors une crainte des banques à
prêter et à se prêter entre elles. Une telle crise de confiance implique alors un
tarissement du marché interbancaire, entamant le processus de contagion aux
autres sphères et impliquant un risque systémique. La crise s’étend à toute la
sphère bancaire et financière puis boursière et enfin réelle (rationnement du
crédit). De plus, les banques, pouvant titriser leurs créances, ont pu transférer et
disséminer les risques à d’autres institutions financières ajoutant au problème de
contagion, celui de la dispersion du risque. De plus, l’accès de nombreux
participants aux marchés financiers conditionne une exacerbation des asymétries
informationnelles, posant également un problème de traçabilité des risques.

Ici, la réaction des institutions financières aux variations des prix des actifs et des
risques est un facteur d’amplification (Adrian et Shin, 2008). En outre, si,
auparavant, les décisions d’investissement se basaient davantage sur la structure
des bilans, aujourd’hui, les décisions sont surtout relatives à la recherche de
rendements (Rajan, 2005). Effectivement, la crise contemporaine confirme le rôle
des prix d’actifs comme acteur principal (Adrian et Shin, 2010). Si c’est une
défaillance concernant un actif particulier (crédit subprime) qui est à l’origine des
troubles, la contagion donne une ampleur impressionnante à la crise. Les banques
participent à la détérioration de leurs bilans, via la baisse des prix d’actifs, en les
liquidant, phénomène amplifié par l’interconnexion des bilans des banques et la
sophistication des innovations financières, qui participent à la hausse des
asymétries informationnelles. La crise actuelle ferait intervenir un triptyque
« innovation-dérégulation-liquidité » (Mistral, 2009). Nous retrouvons l’idée que
ces vulnérabilités puis la crise se construisent dans la phase ascendante du cycle à

32
laquelle est ajoutée une utilisation des innovations financières faisant intervenir
une technicité telle qu’elle favorise d’autant plus la sous-estimation des risques
caractéristique de cette phase d’« euphorie des affaires » (Juglar, 1862 ; Minsky,
1982 ; cf. infra).

« Third generation currency crises models are actually not very specific to
currency crises : the mechanisms for speculative attack and self-fulfilling
pessimism that these models identify […] also allow with small modification for
other types of financial crisis. […] A fourth-generation crisis model may not be a
currency crisis model at all ; it may be a more general financial crisis model in
which other asset prices play the starring role. » (Krugman, 2001).

La crise est toujours d’origine bancaire mais elle fait intervenir d’autres
dimensions. Dans un premier temps, elle trouve sa source dans le
dysfonctionnement de la titrisation. Par ailleurs, elle ne reflète pas un problème
majeur de solvabilité mais fait apparaître plutôt un manque de liquidité dans
l’intermédiation du bilan. Enfin, la crise bancaire s’accompagne d’une crise de
dette souveraine alimentée par les interventions des Autorités. Bastidon et Gilles
(2012) associent à ce nouveau type de crises une nouvelle typologie : La crise de
quatrième génération (Encadré 1) est ainsi définie comme « une crise de troisième
génération provoquant une crise de dettes souveraines dans un contexte inédit
d’asymétrie informationnelle liée à la technicité des innovations financières bien
maitrisée et parfois élaborée par les banques elles-mêmes ».

Une crise bancaire n’est pas nécessairement synonyme de fermeture ou fusion


d’établissements, cependant les difficultés relatives aux bilans peuvent
compromettre la solvabilité des banques (Miotti et Plihon, 2001). Une telle crise
est difficilement observable car les données bilancielles ne sont pas toujours

33
disponibles (Dehove, 2003). Si la panique entre en jeu, les ressources bancaires
peuvent s’assécher et les phénomènes de contagion se manifestent. Ici, la crise est
facilement repérable, même si un certain nombre d’éléments sont difficilement
évaluables, à l’instar des prix d’actifs évalués en valeur de marché (cf. infra).

Encadré 1 : La crise financière 2007-2008 ; une crise de quatrième


génération ?

La définition d’une crise de quatrième génération doit son existence à la crise


financière 2007-2008, qui met en avant le rôle de la sous-évaluation du risque,
des innovations financières et du système bancaire parallèle (« shadow banking
system » ; schéma d’intermédiation et de distribution de crédit en dehors du
système bancaire traditionnel, c’est-à-dire faisant intervenir d’autres entités
non bancaires). La particularité de cette crise est qu’il s’agit dans un premier
temps d’une crise financière (défaut du produit subprime) qui se propage au
secteur bancaire (tarissement de la liquidité), puis à l’économie réelle
(rationnement du crédit) et enfin un endettement public comme réponse
provisoire à celle-ci. A titre illustratif, les investissements américains
diminuent de 56% entre le quatrième trimestre 2005 et le deuxième trimestre
2009 (Banque de France, 2012). Le rationnement du crédit se fait en faveur
d’une fuite vers la qualité (avant l’apparition des difficultés souveraines),
comme en témoigne la préférence des titres d’Etats aux Etats-Unis puisque le
taux de rendement du TBill à 3 mois atteint un niveau zéro au dernier
trimestre 2008 (Banque de France, 2012).

Dans ce contexte, les Banques centrales décident de prendre des mesures


d’urgence, à l’instar d’une baisse coordonnée des taux directeurs par les
principales Banques centrales :

« On October 8th 2008, a coordinated action of the FED, Bank of Canada, Bank
of England, ECB, Swiss National Bank and Bank of Sweden reduced by 50 basis
points official interests rates. Although the ECB had raised its main refinancing
rate by 25 basis points to 4.25% only three months earlier, the Council decided to
turn back and reduce it to 3.75%. The ECB kept lowering its official rates until 7
May 2009. The main refinancing rate was reduced to 1%, its lowest level since the
creation of the Economic and Monetary Union. The deposit facility rate was set at
0.25% and the marginal lending rate at 1.75%. Since then, rates have not been
modified, except for a short 8-months period between april and December 2011.
Meanwhile, the ECB has conducted long term refinancing operations. The first

34
12-months operation (in June 2009) consisted in a 442 billion euro liquidity
injection, which is an unprecedented amount in a single operation. The following
12-months operation was conducted 3 months later (in September 2009) and the
demand for loans remained high at 75 billion euro. Finally, during the December
2009 12-months operation, the demand for loans was 96 billion euro.» (Bastidon
et Gilles, 2012).

Ces mesures non conventionnelles ayant eu pour effet une amélioration


ponctuelle des conditions financières, l’idée suivante est celle d’une sortie
graduelle de ces mesures. Mais, très rapidement, apparaissent d’autres
difficultés concernant le marché souverain européen, nécessitant la suspension
temporaire de la stratégie de retrait des mesures non conventionnelles, avec
notamment la mise en place d’un programme concernant le marché des titres
(Securities Markets Programme, SMP) (Bordes et Clerc, 2011). La dégradation
de la notation de certains pays européens en commençant par la Grèce en
2010, puis l’Espagne et le Portugal, a encouragé les Autorités monétaires à
procéder à des opérations de refinancement et à diminuer les exigences de
garanties concernant, par exemple, les obligations souveraines grecques. Par
ailleurs, les pays de la zone euro et le FMI ont également fourni 110 milliards
d’euro. « In spite of these measures, contagious risk increased, threatening the
stability of the whole euro area. So in May 2010 Euro area countries decided, with
the assistance of the IMF, to create a 750 billion euro fund to bailout Greece and
help other struggling governments like Portugal, Spain and Ireland. Since then the
ECB involvement remained at high level. » (Bastidon et Gilles, 2012).

De manière générale, le principal risque lors d’un choc financier est la fuite en
avant (run). Un run se caractérise par des retraits massifs de capitaux de la part
des investisseurs inquiets de voir la banque faire faillite mais ce sont justement
ces retraits qui provoquent des liquidations prématurées donc une faillite
potentielle (Diamond, Dybvig, 1983). Face à ce run, les banques peuvent toujours
transformer des actifs illiquides dans le but d’obtenir des liquidités, proposant
ainsi des garanties, mais si la confiance est entamée, les retraits sont inévitables.

35
« Bank runs are a common feature of the extreme crises that have played a
prominent role in monetary history. During a bank run, depositors rush to
withdraw their deposits because they expect the bank to fail. In fact, the sudden
withdrawals can force the bank to liquidate many of its assets at a loss and to fail.
In a panic with many bank failures, there is a disruption of the monetary system
and a reduction in production ». (Diamond et Dybvig, 1983)

Toute la dangerosité d’un run réside dans son caractère auto-réalisateur, cumulatif
et non discriminant entre les banques, d’où l’utilité de la sélectivité du
renflouement, incluant le renflouement catalytique, comme paramètre de la
fonction de comportement de la Banque centrale (Bastidon et al., 2008). Ce genre
de phénomène est coûteux et handicape l’activité économique puisque
reconsidérer un stock de liquidités à la baisse induit un rationnement des crédits
et, par conséquent, des perturbations dans la production des entreprises ayant fait
appel aux banques, confrontées ici à un problème de financement de l’activité par
le canal du crédit.

L’élément catalyseur de la crise considérée comme moment du cycle (Juglar,


1862 ; Lescure, 1906 ; Minsky, 1982 ; Gilles, 2004) se développe dans la phase
ascendante du cycle et s’inscrit en rapport avec des croyances auto-réalisatrices
(Diamond et Dybvig, 1983). Alors que la source profonde d’instabilité est la
dynamique naturelle entre crédit et prix d’actifs, la contagion est permise avec
l’asymétrie informationnelle (Aglietta, 2002). Dans un contexte où les
anticipations et la liquidité jouent un rôle prépondérant dans le déclenchement
d’une crise (Diamond, 2007), la contagion se propage au sein du marché
interbancaire. « La panique se développe par le marché interbancaire, d’autant
plus que ce marché est une chaine de relations bilatérales où ce sont les positions
brutes qui sont exposées au risque de liquidité » (Aglietta, 2002).

36
La principale caractéristique d’un marché interbancaire est le réseau que
constituent les banques (cf. « connectivity », Freixas et al., 2000). Par conséquent,
même en l’absence de problèmes de solvabilité, les banques peuvent rencontrer
des difficultés de coordination, d’autant plus grandes que la qualité de
l’information est mauvaise (Kirabaeva, 2011). Dans un contexte de run à la
Diamond et Dybvig (1983) et de liquidité endogène (Freixas et al., 2000), il peut
alors être « optimal » pour les banques de procéder à des retraits de liquidités
auprès des autres banques et provoquer un tarissement de la liquidité. Les
mécanismes de contagion basés sur la perception du risque faisant intervenir des
probabilités subjectives, un choc peut se répandre même si les fondamentaux sont
solides (Moheeput, 2008). Dans un cadre de défiance généralisée, la baisse de
l’investissement, la liquidation des actifs et la baisse de leur prix (cf. « distress
selling » Fisher, 1933) sont inévitables. Ces évènements entrent dans le cadre de
la debt-deflation de Fisher (1933) et font suite, selon lui, à une phase de
surendettement. Ce phénomène de détresse renvoie « au calme avant la tempête »
de Kindleberger, (1978). Dans un premier temps, apparait un sentiment de
détresse qui laisse ensuite place à la panique (« cet effroi soudain qui ne
s’explique pas », Kindleberger, 1978).

Ce que Diamond et Dybvig (1983) considèrent comme des prophéties auto-


réalisatrices et Kindleberger (1978) comme de l’hystérie collective, se matérialise
par un run, pouvant être interprété comme une fuite vers la qualité (« flight to
quality » ; Caballero et Krishnamurthy, 2007 ; Lacoste, 2009). « La panique est
une recherche indifférenciée de la liquidité qui conduit à se débarrasser de tous
les actifs portant un risque de marché ou de crédit quel qu’il soit » (Aglietta,
2002). En adoptant des stratégies de repli, les banques sont donc au cœur des
crises financières, en contribuant à la dévalorisation des actifs qu’elles fuient.

37
Récemment, l’engouement pour les ABCP (Asset Backed Commercial Paper)
avant 2007 témoigne d’une affection pour le risque considérable. Le tarissement
du marché, après 2007, fait suite à une crise de liquidité et se matérialise par un
run. Ici, compte tenu d’un nouveau business model (cf. infra 2.1), le run est la
conséquence de la crise de liquidité et non l’inverse, contrairement au modèle de
Diamond et Dybvig (1983) (Shin, 2009). Egalement, dans un run actuel, les
banques ont intérêt à retirer leurs fonds dès les premiers signes de troubles, ce qui
précipite encore plus le phénomène de fuite (Kling, 2009). Par exemple, courant
2008, dès les premières rumeurs, les banques qui ont acheté une protection pour
leurs titres hypothécaires à AIG n’étant pas sûres qu’AIG puisse honorer leur
contrat, ont augmenté cette demande de protection jusqu’à ce que la demande
excède les actifs disponibles. Par conséquent, AIG est contraint de liquider ses
actifs et se déclarer en faillite, avant son sauvetage par la Fed.

Dans un tel cadre, nous pouvons faire référence à un « twin run » (Bastidon et
Gilles, 2012) puisque s’ajoute à la crise de liquidité bancaire (« bank run ») une
crise de liquidité de marché (« market run »). Le basculement dans une nouvelle
génération de crise s’observe également dans la réponse des Autorités à la crise.
Alors que, durant les trois premières générations de crise, les questions
traditionnelles relatives au Central banking sont axées sur le dilemme des
modalités d’intervention entre règle et discrétion, « l'ampleur et la longévité de la
crise financière actuelle […] a contraint les Banques centrales à adopter des
politiques exceptionnellement accommodantes » (Bastidon et Gilles, 2012).
L’adoption de nouvelles mesures dites non conventionnelles par les Autorités
témoigne de cette nouvelle définition de crise.

Etant donné l’existence d’effets d’amplifications induits par les nouveaux


instruments financiers, les instruments conventionnels de politique monétaire (i.e
les taux d’intérêt directeurs) ne suffisent pas. A la baisse rapide et de grande

38
ampleur des taux d’intérêt directeurs et aux injections de liquidités doivent
s’ajouter des achats de titres par la Banque centrale. Les politiques monétaires non
conventionnelles doivent, en effet, se substituer au marché pour limiter
l’instabilité financière. Si l’objectif premier d’une Banque centrale est la stabilité
des prix, elle a également obligation de promouvoir le bon fonctionnement des
systèmes de paiement. A titre d’exemple, pour répondre à ce deuxième objectif, la
BCE a dû racheter de la dette souveraine. Notons que la BCE a davantage axé son
action sur les banques et moins sur les marchés financiers contrairement à la Fed
étant donné leurs différences relatives à leurs objectifs. En effet, en plus de
l’output gap et de l’inflation, la Fed ajoute également un objectif de taux d’intérêt
à long terme modéré. Nous comprenons alors sa décision d’acheter massivement
des titres sur les marchés financiers.

39
1.1.3 Facteurs de vulnérabilité des banques

La multiplication des crises bancaires met en lumière la vulnérabilité accrue des


banques. Cette recrudescence serait intimement liée aux politiques de
libéralisation financière (Miotti et Plihon, 2001). Des travaux empiriques attestent
ce constat, parmi lesquels Demirgürç-Kunt et Detragriache (1998), Eichengreen et
Arteta (2000), Miotti et Plihon (2001), Borio et Lowe (2000). Tous sont d’accord
pour affirmer que la libéralisation des activités financières est à la source de la
plupart des crises bancaires et financières et que les banques occupent une place
centrale dans les processus de crise. Les banques développent de nouveaux
métiers sans les compétences requises (Gavin et Hausmann, 1998). La
concurrence intense, imposée par la dérégulation, exerce des pressions sur la
profitabilité et encourage les banques à prendre davantage de risques, ce qui tend
à endogénéiser le risque systémique (Aglietta, 2011). Mais notons par ailleurs que
les sources de profitabilité sont nombreuses puisque les opportunités sont élargies.
Des choix bancaires risqués peuvent entrainer une insuffisance de fonds propres
facilitant les défaillances bancaires (Miotti et Plihon, 2001). Par ailleurs,
l’environnement légal et réglementaire contraste avec le plafonnement des taux
administrés d’avant la libéralisation.

La vulnérabilité des banques est en lien direct avec leurs comportements en faveur
d’un arbitrage de plus en plus court-termiste (Brunnermeier, 2009). D’après
Miotti et Plihon (2001), les banques en faillite (en période de crise) sont celles qui
avaient les rentabilités les plus élevées ex ante et celles qui ont des stratégies
favorisant des prises de risque supérieures, approximées par la part des prêts à
risque et le ratio capitaux propres / prêts totaux notamment. Les faillites seraient
le résultat d’une mauvaise perception de la part des banques (cf. « bad bets »,
Kling, 2009). Celles-ci sont d’autant plus exposées au risque qu’elles ont de plus
en plus recours au levier financier (Adrian et Shin, 2008) et qu’elles compressent
davantage leur capital servant de « coussin protecteur » contre les chocs.

40
La vulnérabilité des banques est également inhérente à leur nature, puisqu’elles
sont dépendantes de la liquidité, un choc négatif sur les bilans peut être lourd de
conséquences en termes de solvabilité. De plus, l’inaptitude d’une banque à
honorer ses engagements sous-entend d’impliquer les autres banques (importance
du réseau) (Gavin et Hausmann, 1998). Finalement, la source principale de
vulnérabilité réside dans la composition et la taille des bilans bancaires (Allen et
al., 2002).

Le cadre d’un nouveau business model des banques s’ajoute aux causes de
vulnérabilité, puisque les possibilités de titrisation relativisent la nécessité de
surveiller la réputation des emprunteurs, et, de façon liée (par l’émission de titres
à court terme des véhicules associés à la titrisation), modifie leur risque de
liquidité, puisque le refinancement à court terme sur les marchés tend à se
substituer aux dépôts à vue composant traditionnellement le passif bancaire. La
multiplication des instruments va de pair avec la hausse de la part des actifs
risqués dans les portefeuilles des banques, puisque le transfert de crédit implique
la détention d’actifs particulièrement illiquides (Duffie, 2008). Notons que ce
transfert entraine une hausse de vulnérabilité d’autant plus forte qu’il est étendu à
de nombreux participants (Brunnermeier, 2009 ; Duffie, 2008). Les banques
utilisent davantage le levier d’endettement, et la rentabilité des fonds propres
(ROE ; Return On Equity) vient dépasser la rentabilité économique (Artus et
Debonneuil, 1999). Une telle éviction des variables économiques par des variables
financières signifie davantage de volatilité donc une vulnérabilité accrue.

« Dans un modèle de crédit où la finance est au service de l’économie, la


libéralisation financière a créé un modèle tout différent, où la multiplication des
transactions financières a eu une force autonome d’expansion […]. Alimenté par
un levier démesuré, ce processus a été une incitation à des prises de risque

41
agressives qui ont pu se poursuivre longtemps grâce à une transformation des
risques par le canal des marchés dérivés » (Aglietta et Rigot, 2009).

Si l’utilisation du levier d’endettement est répandue depuis le processus de


libéralisation financière, elle l’est d’autant plus que les banques ont recours à la
titrisation. En effet, ce procédé, s’appliquant à tous types de créances bancaires,
permet d’augmenter le levier : pour un même niveau de fonds propres, les
banques peuvent augmenter le volume d’activité autant que la demande de crédit
le permet (Lubochinsky, 2008). Cette stratégie permet à son tour de rehausser le
ROE (Lacoue-Labarthe, 2008). Ainsi, la combinaison de la titrisation et du levier
autorise une prise de risque totale puisqu’elle fait reposer le risque sur un nombre
accru de participants, d’où une hausse de l’asymétrie, rendant plus difficile
l’évaluation et la traçabilité des risques.

Témoignant de ce recours à la titrisation, le secteur bancaire connait, du moins


jusqu’à la crise financière 2007-2008, une baisse tendancielle de la part des
versements d’intérêt dans les revenus des banques au profit d’une hausse des
sources de revenus autres que des versements d’intérêts4 (non interest income) (cf.
Graphique 2 pour les banques françaises). La titrisation hors bilan5 consiste pour
la banque à transférer des créances vers une entité (le SPV, Special Purpose
Vehicule) qu’elle a créé spécifiquement pour ces transactions. Le SPV n’a pas
d’autre objectif que la ou les transaction(s) pour (la)lesquelle(s) il a été créé.
Cette entité n’existe pas physiquement, n’emploie pas d’employés, ne peut
prendre aucune décision et ne peut faire faillite (Gorton et Souleles, 2005). La
sortie des crédits titrisés du bilan des banques logés dans le SPV se fait contre

4
Revenus provenant d’activités relatives aux commissions et prestations, revenus de
trading, etc …
5
La banque peut également procéder à la titrisation de bilan en adossant des crédits
(qui restent à l’actif) à des émissions de titres négociables (au passif) (de Boissieu,
2000).

42
émission de papiers commerciaux (ABCP) par ce dernier : c’est le premier
principe de la titrisation ; Offloading. L’avantage pour la banque d’avoir créé ce
type d’entité est de pouvoir sortir certains actifs de son bilan et donc échapper aux
aspects réglementaires. En effet, ces véhicules ne sont ni régulés, ni supervisés et
ne rassemblent pas de fonds propres. L’avantage pour les banques d’avoir recours
à ces entités est donc d’avoir la possibilité de libérer du capital, en sortant les
actifs titrisés de leurs bilans, d’où l’accentuation du caractère fragile d’une faible
constitution d’un coussin (Aglietta et Rigot, 2009). Par contre, la banque conserve
tous les risques en ajoutant la difficulté de leur mauvaise traçabilité.

Graphique 2 : Evolution du montant des sources de revenus des banques


françaises en millions d'euros

80000
60000
40000 Net interest incomes
20000
Non interest incomes
0

Source : OCDE

Si la titrisation permet de réduire les coûts de financements, de diversifier les


choix de portefeuille et de disséminer le risque, elle est également synonyme
d’asymétrie informationnelle et de problème de traçabilité du risque. En effet, le
deuxième principe de la titrisation (Pooling) implique que les crédits soient
rassemblés de telle sorte qu’ils soient de qualité voisine et forment un pool
homogène. En contrepartie, l’émission de titres comporte des MBS (Mortgage
Backed Securities) hétérogènes. Ces derniers s’échangent ensuite une nouvelle
fois contre émission d’ABS (Asset Backed Securities)6. Les MBS et ABS peuvent

6
Un ABS est une valeur mobilière adossée à des actifs ou à un portefeuille d’actifs et
un MBS en est une forme particulière, puisqu’il s’agit d’un titre hypothécaire (Parmi

43
encore être rassemblés dans des pools et s’échanger contre émission de CDO
(Collateral Debt Obligation)7, il s’agit d’une titrisation au second degré, et ce
processus peut continuer pour atteindre des degrés de titrisation supérieurs. La
difficulté de traçabilité des risques, à la fois entre prêteurs et emprunteurs et entre
banques, explique en partie une hausse de leurs vulnérabilités. L’ampleur de ces
considérations est d’autant plus grande que le modèle de crédit titrisé permet une
expansion du crédit bien supérieure à celle du crédit intermédié traditionnel
(Duffie, 2008; Wagner, 2007).

Ce nouveau business model élargit les sources de liquidité puisque les banques
peuvent se financer à la demande (« finance as you go ») en empruntant sur les
marchés financiers (Tirole, 2008), en plus du mode traditionnel de crédit. Selon
Minsky (1982), c’est l’interaction des deux modes de financement qui est à
l’origine de la fragilisation financière. Bien qu’elles se soient diversifiées, les
sources de liquidité sont moins stables et moins fiables puisque les instruments de
marché ne sont liquides que dans la mesure où ils bénéficient de la confiance du
marché (Bervas, 2008).

La liquidité n’a pas une dimension unique. La pluralité de ses définitions implique
des vulnérabilités « cachées ». Un actif peut, en effet, paraitre liquide et ne
satisfaire aucun critère de liquidité en temps de crise. Dans ce cadre, il convient de
distinguer la liquidité microéconomique de la liquidité macroéconomique (Bervas,
2008 ; Tirole, 2008). Un actif faisant l’objet d’un volume de transaction important
peut être considéré comme étant liquide au sens microéconomique, comme un

eux, les RMBS (Residential Mortgage Backed Securities) et CMBS (Commercial


Mortgage Backed Securities)).
7
Un CDO est également un type d’ABS ; il s’agit d’un produit structuré composé de
titres de dette émis par une structure ad hoc (cf. Duffie, 2008) (Parmi eux les CBO
(Collateralized Bond Obligation ; adossé à obligation) et les CLO (Coll Loan
Obligation ; adossé à des crédits)).

44
Bon du Trésor ou un prêt hypothécaire titrisé. « Bank loans have always been
considered as illiquid. Recent financial innovations, however, have substantially
increased their liquidity » (Wagner, 2007). Les activités hors-bilan font croître le
degré de liquidité artificiellement, impliquant alors une hausse de l’instabilité
financière. A contrario, un actif liquide au sens macroéconomique peut procurer
des liquidités sans impliquer de pertes substantielles, même en cas d’urgence. En
2008, un prêt hypothécaire titrisé ne remplit plus cette condition et la fuite vers la
qualité prend la forme d’une intensification de la demande de Bons du Trésor
(Caballero et Krishnamurthy, 2007 ; Hördahl et King, 2008)8. Il existe alors un
lien entre fragilisation des structures de bilan et utilisation des innovations
financières (Brossard, 1998).

La crise favorise donc le phénomène de fuite vers la qualité. Le choix des banques
se porte alors majoritairement sur des Bons du Trésor, puisqu’ils représentent un
élément rassurant dans un contexte de forte aversion au risque, reflété dans la
hausse des spreads de taux. Notons que dans une telle période, les fondamentaux,
à l’instar des déséquilibres budgétaires des différents pays, sont davantage
observés par les agents (notamment les banques), devenant une variable décisive
dans le mécanisme de repli vers la qualité (Schuknecht et al., 2010) : les banques,
intègrent les performances fiscales des gouvernements pour choisir leurs titres,
s’intéressant à leur solvabilité et à la soutenabilité de leur dette. Autrement dit, les
marchés accordent plus d’importance aux performances fiscales dans les périodes
où l’aversion au risque est grande. Par exemple, alors que les Bons du Trésor
américains représentent la valeur refuge par excellence en période « normale »,
durant la crise 2007-2008, les Bons du Trésor allemands et français profitent aussi
d’une plus grande notoriété du fait des fondamentaux solides de l’Allemagne et de

8
La liquidité microéconomique (Tirole, 2008) dépend de l’écart entre les cours
acheteur et vendeur, de la capacité du marché à absorber des volumes importants sans
impacter les prix, et de la résilience du marché, soit la rapidité avec laquelle les cours
retrouvent leur niveau d’équilibre à la suite d’un choc (Bervas, 2006). Un actif est
liquide au sens macroéconomique s’il peut être utilisé sans perte de valeur en cas
d’urgence.

45
la crédibilité française quant à sa collecte de l’impôt. Le Danemark, la Finlande et
les Pays-Bas bénéficient également d’une opinion du marché légèrement plus
favorable pendant la crise. A contrario, la Grèce, l’Irlande et le Portugal, qui
affichent de mauvaises performances, connaissent le scénario inverse, pouvant
aller jusqu’à une crise de dette souveraine.

Notons par ailleurs que la demande de tels actifs peut être accrue par celle des
Autorités monétaires qui en achètent dans le cadre de plans de recapitalisation9, en
vue d’améliorer les finances publiques de leur gouvernement. Ainsi, dans le cadre
de stratégies de sortie de crise, de telles mesures non conventionnelles (cf. intra)
participent à l’engouement des Bons du Trésor en phase récessive (Bastidon et al.,
2012).

L’évolution des crises financières rend compte aujourd’hui du rôle grandissant des
banques dans l’instabilité financière, définissant une crise de quatrième génération
qui souligne l’importance de la sous-évaluation du risque et des innovations
financières et du système bancaire parallèle. Cette nouvelle définition met en
avant des crises à dominante bancaire, comme en témoigne la crise financière de
2008, dont l’ampleur est considérable, et dont la faillite de Lehman Brother’s en
constitue un des éléments catalyseurs.

9
En 2011, en zone euro, indépendamment des opérations principales de
refinancement, on note parmi les refinancements à long terme : 49,7 Mds d’euros en
août (203 jours), 56,9 Mds en octobre (371 jours), 489,2 Mds (1134 jours) en
décembre (avec un prêt en dollars de 50,6 Mds à 84 jours), 529,5 Mds (1092 jours) en
février… Outre les baisses de taux du 3 novembre et du 8 décembre, un second
programme d’achat d’obligations sécurisées fait suite au programme lancé en 2009.
En décembre, les réserves obligatoires sont abaissées et les collatéraux rendant éligible
au refinancement élargis.

46
Appréhender une telle évolution permet de souligner que les vulnérabilités
résident davantage dans le bas de la balance des paiements et d’insister sur
l’importance de l’interconnexion du marché interbancaire. Les comportements des
banques constituent un facteur principal de contagion, puisqu’ils impliquent des
phénomènes de fuite vers la qualité après la crise et d’emballement,
caractéristique d’une faible aversion au risque, durant la phase qui la précède. Les
vulnérabilités sont observables au sein des bilans bancaires, particulièrement avec
la libéralisation financière, notamment dans le cadre d’un nouveau business
model. Les métiers bancaires étant redéfinis et les contours de la liquidité
redessinés, la structure des bilans évolue, laissant la possibilité d’une plus grande
prise de risque.

Cette préférence pour le risque est d’autant plus marquée que son estimation est
largement sous-estimée depuis le développement des innovations financières en
général, en phase d’euphorie en particulier. Par ailleurs, les méthodes de
prévisions ne permettent pas d’évaluer le risque, du fait même de leur
fonctionnement impliquant des instruments qui sous-estiment les pertes.

47
SECTION 1.2 CALCULS DES RISQUES ET INSTABILITE FINANCIERE

48
La multiplication des crises financières et bancaires témoigne d’un fort climat
d’instabilité et montre que les risques sont largement sous-estimés, en particulier
dans le cadre d’un nouveau business model. En effet, si la capacité d’estimation
des risques diffère selon la phase du cycle (sous-estimation en phase d’euphorie
versus surestimation en phase dépressive), elle est également détériorée avec les
innovations financières qui impliquent de nouveaux instruments à transparence
limitée. Par ailleurs, les techniques d’estimation des risques, à l’instar de la VaR
(Aglietta, 2002 ; Calmès et Théoret, 2010) ne permettent pas d’anticiper les
pertes, voire contribuent à la dissémination du risque.

L’objet de cette section est de comprendre en quoi les difficultés de calcul des
risques contribuent au phénomène d’instabilité financière. Partant, nous
appréhendons, dans un premier temps, les comportements des banques vis-à-vis
du risque, en particulier dans le cadre d’un nouveau business model. Nous tentons
de comprendre en quoi les arbitrages peuvent témoigner d’une prise de risque
accrue de la part des banques. Dans un second temps, l’analyse des méthodes
d’évaluation des actifs et des risques révèle un problème de dissémination du
risque du fait de la sous-estimation des pertes. Les principaux modèles de
projection, ne tenant pas suffisamment compte des probabilités de pertes,
participent alors à une hausse de la prise de risque. Autrement dit, l’évaluation du
risque est biaisée, du fait, à la fois de la perception des banques, mais également
de leur méthode d’évaluation, contribuant alors à l’instabilité financière.

49
1.2.1 Evaluation des risques et nouveau business model

Le développement d’une multitude d’instruments financiers et la hausse du


nombre de participants sur les marchés (Rajan, 2005) participent à la difficulté
d’évaluer le risque, contribuant à la hausse de la vulnérabilité. « La crise
financière a montré qu’un certain nombre de caractéristiques des marchés
contemporains engendraient de nouveaux défis en matière de gestion par les
banques de leur risque de liquidité. » (Commission Bancaire, 2008). La
fragilisation des structures de bilan est en lien direct avec l’utilisation des
innovations financières (Brossard, 1998)10.

Traditionnellement, la transformation des dépôts oisifs en titres rend les bilans


bancaires moins liquides. Les innovations financières participent davantage à la
modification des bilans, dans le sens d’une diminution des avoirs en numéraire et
des actifs liquides traditionnels contre une hausse des produits dérivés (Bervas,
2008). Si le risque de liquidité est un point central pour la stabilité financière, son
évaluation, fonction entre autres de l’état du cycle, constitue un enjeu important
puisqu’une sous-évaluation des risques implique une confiance « aveugle » au
marché et participe alors au processus d’instabilité financière. Partant, nous
verrons que les difficultés d’évaluation du risque sont différentes selon la phase
du cycle et qu’elles constituent, sur le long terme, une tendance renforcée par le
recours des banques à la titrisation.

10
Nous pouvons noter que si, aujourd’hui, il s’agit d’innovations financières comme
élément d’incertitude, Marx soulevait déjà l’incertitude qu’impliquaient les
innovations, mais dans le domaine de la grande industrie (Gilles, 1992).

50
Encadré 2 : Différents indicateurs d’aversion au risque

Dans la littérature, l’aversion au risque est appréhendée par un certain


nombre d’indicateurs. Il est possible de se référer à des séries brutes à l’instar
du cours de l’or qui reflète la préférence des agents pour un placement dit sûr
et qui est donc corrélé positivement avec l’aversion au risque : un cours de l’or
élevé reflète une aversion au risque forte. Une autre observation de séries est
celle de la volatilité du prix des options à travers le VIX (Volatility index basé
sur les actifs du S&P500). Une valeur élevée correspond à une forte volatilité
du marché. Le VIX s’utilise en pourcentage et représente le mouvement de
l’indice du S&P 500 sur les 30 prochains jours. Par exemple, si le VIX est à 15,
il représente une variation attendue de 15% sur le mois suivant.

L’aversion au risque peut également être appréhendée par des indicateurs


construits (en général par les institutions financières ; par exemple le LCVI
[Liquidity, Credit and Volatility Index] utilisé par JP Morgan). Coudert et Gex
(2006) appliquent une analyse en composante principale à différentes primes
de risques (spreads OAS concernant des obligations d’entreprises, swap spreads
concernant les marchés dits développés, spreads souverains émergents et
spreads d’entreprises pour les pays émergents) pour dégager un facteur
commun de leur évolution.

Un autre indicateur, permettant de tenir compte du fait que l’aversion au


risque peut être plus ou moins forte selon les différents marchés, est le Global
Risk Aversion Index (GRAI) (Persaud, 1996). Il tient compte de la corrélation
entre les variations de prix sur différents titres et leur volatilité : si la
corrélation est négative, l’aversion au risque est élevée. Enfin, l’indicateur de
State Street permet de considérer le volume d’actifs risqués dans un portefeuille
d’un ensemble d’investisseurs.

51
Les comportements des banques diffèrent selon leur aversion au risque11 et leur
perception diffère selon l’état du cycle. Notons que l’aversion au risque au sens
strict concernant un individu, est intrinsèque à la nature même d’un agent
concerné (Coudert et Gex, 2006). Par conséquent, elle est supposée être constante
au cours du temps. A contrario, l’aversion au risque au sens large, que nous
considérons tout au long de notre raisonnement, « permet de rendre compte du
sentiment des investisseurs à l’égard du risque dans un environnement fluctuant »
(Coudert et Gex, 2006). De manière générale, l’aversion au risque, qui est de
nature contracyclique (Maio, 2009 ; Smith et Whitelaw, 200912), est fonction des
prix passés des actifs (Pepin, 2011) et des anticipations des prix futurs. Alors que
le premier mécanisme révèle un comportement « chartiste », le deuxième décrit
un comportement « fondamentaliste » selon lequel la formation des prix en est
fonction des anticipations de prix en (Flood et Garber, 1980).

En phase de croissance, les banques préfèrent des actifs risqués à fort rendement,
à l’instar des titres ABCP (cf. Graphique 3) d’autant plus que l’ingénierie
financière donne l’illusion de liquidité abondante alors même qu’elle augmente la
probabilité d’illiquidité (Bervas, 2008). « Good times are bad times for
learning » (Gavin et Haussmann, 1998). Lorsque les crédits (titrisés ou non) sont
abondants, les banques peuvent avoir des difficultés à différencier les bons des
mauvais, et les mauvais s’accumulent alors plus aisément. Le doublement des

11
L’aversion au risque peut se décomposer en prix du risque, commun à tous les
actifs, et quantité du risque propre à chaque actif (Coudert et Gex, 2006). Notre
analyse considère le prix du risque puisque nous considérons l’aversion au risque dans
sa globalité et non celle concernant un actif en particulier.
12
La littérature offre des modèles de décision (CAPM, Capital Asset Price Model) qui
étudient le lien rendement-risque en supposant que la relation est constante dans le
temps. De nouveaux modèles tentent d’inclure l’indépendance au cours du temps.
Maio (2009) étudie un ICAPM (Intertemporal) et soutient l’hypothèse d’une aversion
contracyclique. Smith et Whitelaw (2009) testent ce type de modèles à l’aide de la
méthode des moments généralisés et aboutissent également à un prix du risque variant
au cours du temps (Time-Varying Risk Aversion).

52
repos13 de 2000 à 2007 témoigne de cette confiance exacerbée en l’avenir
(Brunnermeier, 2009).

Graphique 3 : Evolution du montant des papiers commerciaux (ABCP) aux Etats-


Unis en phase de croissance (milliards de dollars)

1300
1200
1100
1000
900
800
700
600
2004-01
2004-04
2004-07
2004-10
2005-01
2005-04
2005-07
2005-10
2006-01
2006-04
2006-07
2006-10
2007-01
2007-04
2007-07
2007-10
2008-01
2008-04

Source : Board of Governors of the Federal Reserve System

A contrario, la phase descendante favorise un attrait pour les actifs non risqués,
caractéristique d’une « fuite vers la qualité » (flight to quality) et « fuite vers la
liquidité » (flight to liquidity) (Caballero et Krishnamurthy, 2007 ; Lacoste, 2009)
voire de « fuite vers la simplicité » (Bervas, 2008), d’autant plus fortes que
l’aversion au risque est élevée. L’estimation du risque est élevée lorsque les pertes
se réalisent et non lorsque les problèmes qui en sont la cause murissent (Borio et
al., 2001). Les choix bancaires sont alors fortement influencés par l’idée que s’en
font les banques. La liquidité serait un « problème de connaissance sur la nature
des actifs économiques » (Bervas, 2008) et reposerait sur la capacité des agents à

13
Un établissement a recours aux repos lorsqu’il emprunte des fonds en vendant un
collatéral aujourd’hui et en promettant de le racheter plus tard. Le repo constitue alors
un bon « baromètre » de la confiance des agents.

53
estimer les flux de revenus et autres évènements qui ont une incidence sur la
valeur des actifs.

Les deux phases font intervenir une rationalité mimétique de la part des agents,
notamment des banques, selon une dynamique « confiance versus défiance
contagieuse » (Gilles, 2004). Les prix des actifs reflètent alors non pas la valeur
fondamentale mais ce que les agents croient être l'opinion des autres à propos de
l'avenir, à l’instar du concours de beauté keynesien. Le mimétisme explique alors
les emballements haussiers ou baissiers, et peut être le résultat de différentes
sortes de phénomènes d’imitation (Orléan, 2001). Autrement dit, le mimétisme,
présent dans les deux phases, correspond à des rationalités différentes selon l’état
du cycle (Orléan, 1999).

La phase ascendante fait intervenir la rationalité fondamentaliste, soit une sous-


estimation globale du risque empêchant la correction des évaluations. Dans ce
cadre, un individu copie le marché parce qu’il pense qu’il est bien informé. La
démarche intellectuelle est la suivante : ceux qui récoltent un maximum de gains
sont ceux qui ont été capables d’anticiper l’évolution des fondamentaux, donc il
faut faire comme eux. La spéculation se fait alors en deux phases. D’abord, la
réponse aux nouvelles opportunités de profit est mesurée, par conséquent,
l’investissement est modéré. Ensuite, l’entrée d’outsiders sur le marché fait
apparaître une situation d’euphorie (Cf. « euphorie des affaires » Juglar, 1862) et
des mécanismes d’amplification.

Le moment se situant à la toute fin de la phase ascendante et à l’aube de la crise


soulève des questionnements stratégiques (rationalité stratégique), soit une
meilleure estimation du risque (Juglar, 1862 ; Minsky, 1982). C’est à cet instant
que les agents révisent leurs anticipations. Dès lors, la hausse brutale de l’aversion

54
au risque puis le retournement sont inévitables. La hausse de l’aversion au risque
constitue alors à la fois un indicateur de crise mais participe également à sa
précipitation (Coudert et Gex, 2006).

Enfin, la phase dépressive qui suit fait entrer en jeu la rationalité autoréférentielle,
où les agents se conforment seulement à l’opinion majoritaire, sans se soucier des
fondamentaux dans la prise de décision, contrairement à la rationalité
fondamentaliste de la phase ascendante. Les agents ne croient plus en la formation
objective des prix. Ce ne sont pas les données fondamentales qui comptent mais la
manière dont le marché les interprète. L’idée est de copier l’opinion majoritaire
qui est, selon les agents, le véritable reflet du prix. En effet, alors qu’en phase
ascendante, les croyances collectives se basent sur l’évaluation (certes sous-
estimée) des valeurs fondamentales, la rationalité autoréférentielle est totalement
déconnectée de tous types de modèle d’évaluation et induit une très forte aversion
au risque, amplifiée par les croyances. Dans ce cas, les estimations sont déformées
et la sensibilité au risque est exacerbée.

Avant la crise actuelle, les différents acteurs financiers ont effectivement « sous-
estimé la force des corrélations entre les risques et surestimé les avantages de la
diversification » (Kirabaeva, 2011). La sous-évaluation du risque est alors le
principal danger en phase ascendante du cycle. Mais sa surévaluation après la
crise est également préjudiciable dans le sens où elle précipite les phénomènes de
run qui répondent à une mauvaise appréhension des risques, d’où in fine un
rationnement du crédit.

Cette capacité d’estimation est a fortiori mise à mal par les innovations
financières et notamment le recours à la titrisation. De manière générale, les
innovations technologiques ont permis de réduire les coûts de communication et

55
d’acquisition, stockage et traitement de l’information (Rajan, 2005). De nouvelles
techniques financières ont pu être développées comme l’optimisation des
portefeuilles automatisée. De plus, la dérégulation a repoussé les frontières entre
les différentes sphères facilitant les échanges. Les changements institutionnels ont
également permis la création de nouvelles entités dans la sphère financière (i.e
hedge funds). Mais ces changements ont profondément bouleversé le
fonctionnement du système financier et ont aussi permis aux risques d’être plus
étendus et de se propager plus facilement.

Par ailleurs, la titrisation, qui constitue une innovation majeure dans le


fonctionnement du système financier, est d’une complexité telle qu’elle constitue
déjà en soi un élément d’opacité dans l’évaluation du risque (Duffie, 2008 ;
Kirabaeva, 2011). En outre, le résultat d’une information trop abondante peut être
contre-intuitif (Morris et Shin, 1999). Les théories conventionnelles de gestion du
risque se basent sur le fait que le mécanisme de décision est une décision
personnelle (a « game against nature »). Cela suppose une incertitude relative à
l’environnement et sans aucun lien avec les décisions des autres. Mais, si en
temps normal, l’incertitude peut être considérée comme exogène, en temps de
crise, les mouvements de court terme dépendent des actions des autres agents ;
l’incertitude devient stratégique. La résolution d’un jeu coopératif à multiple
joueurs n’est pas facilitée par la transparence d’information car les incitations des
participants ne tendent pas vers l’intérêt collectif. La violence des mouvements de
marché peut être exacerbée compte tenu du mimétisme de certains agents
relativement aux positions des autres, d’autant plus fort que l’information est
diffuse. Notons que nous retrouvons la même idée appliquée à la transparence
d’information diffuse par la Banque centrale chez Allégret et Cornand (2006), qui
montrent, à l’aide d’un jeu coopératif, que l’information publique peut favoriser la
sur-réaction des agents. La diffusion de l’information doit donc s’organiser autour
de modalités pour éviter une situation de connaissance commune au sein du jeu
(i.e réduire la précision des annonces, audience limitée, …).

56
Dans ce cadre, les bilans bancaires ne constituent plus une base de données utile
pour appréhender la montée des risques individuel et collectif, à travers le calcul
des différents ratios de liquidité et de solvabilité. La titrisation des actifs par les
banques implique de pouvoir les placer dans des véhicules ni régulés, ni
supervisés, et qui ne rassemblent pas de fonds propres. Si les banques y voient une
opportunité de libérer du capital, cela implique l’impossibilité d’évaluer
correctement les risques (Aglietta et Rigot, 2009). Le transfert de risque donne
l’illusion aux banques d’une meilleure gestion, alors que les risques sont plus
difficilement observables, participant là encore à une sous-estimation du risque
(Nijskens et Wagner, 2011). Par ailleurs, le principe de pool, où la titrisation
s’étend sur plusieurs tranches, participe également à l’opacité de l’évaluation des
risques en rendant difficile leur traçabilité.

Avec son système de « Tranching »14, la titrisation fait également intervenir les
notations des agences, qui ont une large part de responsabilité dans la mauvaise
évaluation du risque. L’erreur d’évaluation des agences est d’autant plus
préjudiciable que les agences ont un rôle prépondérant dans l’analyse des risques
voire incontournable puisqu’elles s’inscrivent dans la législation financière. En
effet, dans un premier temps, les notations sont le premier indicateur auquel se
réfèrent les investisseurs puisque les agences de notations sont censées fournir une
information « simple, lisible et synthétique » sur le risque de défaillance d’un
émetteur (Banque de France, 2012).

Par ailleurs, la plupart des règles concernant la sphère financière, à l’instar de


celles édictées par le Comité de Bâle, notamment sur le calcul des fonds propres

14
Les titres sont classés en tranches hierarchisées (Tranching) par niveaux de risque
(du plus au moins risqué : equity, mezzanine, senior et super senior) et notées par les
agences (Aglietta et Rigot, 2009).

57
et l’évaluation du risque de défaut, s’appuient sur les notations attribuées par les
agences. De plus, la législation américaine réserve un statut particulier d’ « agence
de notation agréée » à Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch et peut exiger que
les institutions n’achètent que des titres bien notés par ces dernières (Banque de
France, 2012). Par conséquent, si les notes sont devenues un indicateur pour les
investisseurs, les agences ont également su rendre les Autorités monétaires
dépendantes de leurs notations pour évaluer les risques et calculer les ratios
réglementaires. Partant, si l’évaluation est incertaine, cela a un impact
considérable étant donné que l’application des règles est valable pour tout le
secteur bancaire et également pour les marchés souverains. Notons que cette idée
peut être nuancée puisque l’exemple de la dégradation de la note américaine en
août 2011 et de la note française en janvier 2012 par Standard & Poor’s n’a pas eu
d’impact sur l’attractivité des titres souverains américains et français. L’altération
de la note ayant eu lieu dans un contexte de crise généralisée, les investisseurs,
frileux à choisir les titres grecs ou irlandais, continuent de préférer des titres
français, certes dégradés, mais considérés tout de même comme valeur refuge.

De plus, la notation, étant attribuée par des entités à la fois juges et parties, n’est
qu’une « appréciation qualitative moyenne sur de larges classes d’actifs », or les
actifs ont des risques et des rendements différents (Aglietta et Rigot, 2009). En
outre, la notation par des agences est un élément procyclique puisque, même si
ces dernières revendiquent qu’elles attribuent leurs notes « through the cycle »,
c’est-à-dire indépendamment du cycle, les notes dépendent des conditions
financières des banques donc fluctuent en fonction de l’état du cycle (Borio et
Drehmann, 2011).

“Standard and Poor’s claim that the ideal is to rate through the cycle. There is no
point in assigning high ratings to a company enjoying peak prosperity if that
performance level is expected to be only temporary. Similarly, there is no need to

58
lower ratings to reflect poor performance as long as one can reliably anticipate
that better times are just around the corner”.

According to Moody’s, “Unlike bank lending standards, bank supervisors and


credit risk models, credit ratings are not supposed to vary in a procyclical
manner. Instead, credit ratings are intended to distinguish the relatively risky
firms (or specific bonds) from the relatively safe. To do so, credit ratings need not
reflect an absolute measure of default risk, but are rather intended to be ordinal
rankings of risk across a class of bonds or firms at a particular point in time. In
fact, rating agencies insist that their ratings should be interpreted as ordinal
rankings of default risk that are valid at all points in time rather than absolute
measures of default probability that are constant through time » (Amato et
Furfine, 2003).

Standard and Poor’s et Moody’s jugent qu’elles attribuent leurs notes de manière
totalement indépendante du cycle, puisqu’elles ne voient aucune raison de
modifier leurs notes lorsque de petites variations d’activité apparaissent. Elles
considèrent que ce qui importe est le classement des institutions qu’elles notent
entre elles, soit l’évaluation relative et non absolue. Cependant, la notation est
corrélée au cycle puisque les établissements reçoivent une mauvaise note en phase
descendante et inversement pendant la phase ascendante. Partant, l’attribution des
notes participe à l’amplification du cycle, puisque l’amplitude des notes
correspond à un scénario « exagérément » optimiste versus « exagérément »
pessimiste. En cela, le principe de notation contribue à la mauvaise évaluation du
risque (Kirabaeva, 2011). A titre d’exemple, les notations attribuées aux pays
émergents à la fin de la décennie 90 étaient surévaluées avant le déclenchement
des crises financières (Indonésie, 1997 ; Russie, 1998 ; Argentine, 2001)
(Bastidon, 2002). Malgré le gradualisme nécessaire instauré dans le système de

59
notation (cf. Encadré 3), l’évaluation peut être biaisée et fausser l’évaluation des
risques.

Encadré 3 Nécessité de gradualisme pour la notation

Concernant les principales agences de notation, Moody’s, Standard and Poors


et Fitch, la notation diffère en fonction de la capacité de remboursement des
emprunteurs (cf. Bastidon, 2002).

Les agences distinguent deux catégories relatives à l’endettement : la catégorie


« Investissement » et la catégorie « Spéculatif ». La catégorie
« Investissement » est qualifié de « très sûre » à « peu sûre » avec des notes
attachées allant de Aaa à Ba3 pour Moody’s, de AAA à BBB+ pour S&P et
de AAA à BBB pour Fitch. La catégorie « Spéculatif » est jugée « risquée » à
« extrêmement risquée », soit de Ba1 à C pour Moody’s, de BB+ à D pour
S&P et de BB à D pour Fitch (les obligations les plus risquées étant qualifiées
de « junk bonds »).

Concernant l’endettement à court terme, les distinctions diffèrent également


selon les trois agences : la catégorie « Investissement » correspond à « prime-
1 », « prime-2 », « prime-3 » chez Moody’s, A-1+, A-1, A-2, A-3 chez S&P et
F-1, F-2, F-3 chez Fitch. La catégorie « Spéculatif » correspond à « non-
prime » chez Moody’s, B, C, D chez S&P et B,C,D chez Fitch.

Un tel gradualisme dans la notation permet d’apporter un signal


d’information aux investisseurs et facilite la « surveillance » des emprunteurs.
Par ailleurs, il participe au lissage du cycle puisqu’il permet d’atténuer
l’homothétie des comportements et donc d’éviter un basculement brutal d’un
état de confiance à un état de défiance généralisée lors d’une crise.

Si les notes constituent un élément procyclique, la mauvaise évaluation par les


agences est aussi un élément intrinsèque à leur méthode utilisée. Dans un premier
temps, le processus de notation ne considère pas tous les risques attachés à un
actif ou une institution. La notation ne tient compte que du risque de défaillance et
non du risque de marché ou d’illiquidité. Or, la crise 2007-2008 se définit
précisément par la réalisation du risque de liquidité. De plus, les notations
s’établissent de la même façon pour tous les actifs confondus alors que la nature

60
des actifs est différente et implique des risques différents. Enfin, la méthode
d’évaluation des notations souveraines est aussi critiquable, accordant un rôle trop
important aux facteurs politiques pouvant influencer la stabilité d’un pays, à
l’instar de l’environnement réglementaire et fiscal, de la stabilité des institutions,
et des risques de conflits intérieurs et/ou extérieurs, par définition difficilement
quantifiables.

61
1.2.2 La méthode d’évaluation des actifs et des risques

Les bilans bancaires étant très sensibles aux variations des prix, aussi bien à la
hausse qu’à la baisse (Adrian et Shin, 2008), leur méthode d’évaluation est un
point central. Leur opacité participe à l’instabilité financière par son impact
négatif sur l’appréciation du risque (Tirole, 2008). Hors période de crise, la
méthode d’évaluation des actifs peut, a priori, reposer sur l’utilisation des prix de
marché. Mais dans le cas où le marché n’est pas liquide, la comptabilisation ne
peut pas s’appuyer sur ces prix ; elle doit reposer sur des modèles de prix réalisés
à partir de données observables ou de données plus subjectives, c’est-à-dire des
données se basant sur la projection avec des modèles du type VaR, par exemple.

La liquidité disparaissant rapidement pendant la crise, les banques sont obligées


d’avoir recours à la modélisation pour évaluer les actifs (Basak et Shapiro, 2001),
ce qui implique des probabilités d’erreur plus grandes (modèles mal fondés,
hypothèses lourdes, analyse complexe…). En période de stress, les actifs étant
fortement dépréciés (Aglietta, 2002), la volatilité des prix ne permet aucune
estimation des pertes, compliquant les mesures du risque, à l’instar de la VaR15
(Calmès et Théoret, 2010). Les méthodes d’évaluation contribuent alors à
disséminer le risque. « On prend à tort pour des contagions psychologiques en
forme de paniques ce qui est imputable à des connexions systémiques provoquées
par les ajustements au risque des participants des marchés financiers » (Aglietta
et de Boissieu, 1999).

15 La Value-at-Risk (VaR) modélise la distribution des gains et pertes projetés du portefeuille de


négociation (titres et produits dérivés), contrairement au portefeuille bancaire traditionnel, et
aboutit à une estimation du plafond de ses pertes potentielles anticipées sur une période donnée
(Yougman, 2009). Particulièrement, la VaR est définie comme une mesure probabiliste (et
synthétique) d’une perte ponctuelle d’un portefeuille, résultant des variations futures des facteurs
de risque (Aglietta, 2002) ; c’est une perte maximale probable, soit un montant qui excède les
pertes avec un seuil de confiance défini (alpha%) sur un horizon temporel donné.

62
Ces difficultés d’évaluation participent à l’incapacité d’évaluer correctement le
risque et encouragent donc sa propagation en cas de crise en concourant à la
dispersion de la valorisation des actifs (Ibidem, 1999). La « dislocation » des prix
à partir de juillet 2007, date à laquelle apparaissent les premiers troubles
financiers, témoigne de cette évaluation des actifs, rendue difficile en période de
crise. A ce moment-là, les pertes sur les portefeuilles de négociation, portefeuilles
justement concernés par la modélisation VaR, sont bien plus élevées que ce que
projetaient les modèles VaR, qui les ont largement sous-estimées (Yougman,
2009), appuyant l’idée que l’estimation en période « normale » n’anticipe pas
assez les risques qui se réalisent ensuite. Autrement dit, ces modèles sont
incapables d’anticiper les pertes, souvent très sous-évaluées (Aglietta, 2002).

D’un point de vue technique, la VaR, comme de nombreux modèles d’évaluation


(Black et Sholes, 1973) ainsi que la théorie moderne du portefeuille (Markowitz,
1952 ; Sharpe, 1964), se base sur la normalité des distributions de prix et
rendements. S’appuyant sur l’idée que les marchés connaissent des fluctuations
qui suivent une marche aléatoire, les probabilités de hausse ou de baisse des prix
sont donc égales, excluant la spéculation pourtant bien présente sur les marchés
financiers (Galavielle, 2003). Un modèle de type « tirage au sort » ne peut prévoir
un effondrement brutal des prix d’actifs, or leur principale caractéristique est leur
imprévisibilité (Mandelbrot, 1999 ; cf. Encadré 4).

Etant associée à la loi normale, la VaR (et autres modèles) contribue fortement à
la sous-estimation du risque, du fait de sa propre sous-estimation des risques
extrêmes (« tails risks ») (Aglietta, 2002). Les banques agissent alors « à
l’aveugle » et augmentent leurs prises de risque, car elles ont confiance dans les
rendements attendus du milieu de distribution, à l’endroit même où les pertes sont
concentrées, au lieu de considérer les queues de distribution. Autrement dit, les
risques d’occurrence des évènements hors intervalle de confiance sont sous-

63
évalués. Les rendements attendus correspondent à ceux des activités risquées, à
l’instar des activités hors-bilan (« Off Balance Sheet Activities », Calmès et
Théoret, 2010). Cette détérioration du rapport rendement-risque contribue à
l’hypersensibilité des banques aux chocs agrégés, compte tenu du caractère
systémique des activités hors-bilan. Notons que les méthodes d’évaluation du
risque, parmi lesquelles la VaR, constituent également un élément procyclique,
lui-même facteur d’instabilité. En effet, le simple fait que la VaR soit une
méthode répandue a un effet amplificateur puisqu’elle agit comme une règle
suivie par tous (Aglietta, 2002).

Encadré 4 : Contestation de la loi normale comme pilier des


méthodes d’évaluation par Mandelbrot.

Fluctuant de manière trop erratique, les prix d’actifs n’obéiraient à aucune loi
statistique, à l’instar de la loi normale. Les cours, notamment boursiers, se
comporteraient de manière homothétique (en géométrie, un format est
homothétique à un autre lorsque leurs dimensions sont proportionnelles) :
Mandelbrot (1999) explique qu’une série de cours boursiers observée sur une
journée avec un pas d’une minute a le même profil qu’une série annuelle avec
un pas journalier, ou qu’une série de 50 ans avec un pas mensuel. Cette
invariance d’échelle ressemble à celle des objets fractals qui suivent une forme
irrégulière suivant des règles stochastiques. L’idée serait d’étudier d’abord la
tendance, puis superposer les fluctuations. Mais la forme très générale de la
courbe Gaussienne ne peut rendre compte de la réalité des fluctuations
boursières donc ne constitue pas un outil prédictif. Une approche fractale
permettrait de cerner la coexistence de périodes calmes et agitées (Galavielle,
2003).

« Coin tossing is actually an oversimplification, but the risk reducing formulas


behind portfolio theory rely on a number of demanding premises that are
mathematically attractive but rely on hope rather than reality » (Mandelbrot, 1999).

Autrement dit, la simplicité de la loi de Gauss, sur laquelle repose de nombreux


modèles d’évaluation, explique en grande partie la sous-estimation des risques.

64
Ne prenant pas en compte les produits dont le prix n’évolue pas linéairement avec
les facteurs de risque (produits dérivés), la VaR ne suffit pas comme outil
d’estimation. Une VaR considérant davantage les queues de distribution
(« extreme value approach » Longin, 2000) permettrait de réduire la sous-
évaluation du risque de marché. Par ailleurs, les Autorités ont tenté de développer
d’autres outils pour approcher les risques inhérents à la sphère financière et
explorer les queues de distribution des pertes anticipées par la VaR. Depuis le
début des années 2000, des « stress tests » sont exécutés, à la fois pour les
institutions individuelles (« micro stress tests ») et pour le système financier
(« macro stress tests »)16. Ces tests consistent en « l’étude des effets potentiels sur
les conditions financières d’un établissement [ou d’un système] d’un ensemble
spécifié de changements dans les facteurs de risque résultant d’évènements
exceptionnels mais plausibles » (BIS, 2000). L’idée est de tenter de mesurer les
pertes produites par divers chocs exogènes. Notons qu’aucune estimation ne
considère l’endogénéité des risques.

Si cet outil est adapté en temps de crise, il ne l’est pas en tant que dispositif
d’avertissement en période tranquille, compte tenu de ses difficultés
d’identification des vulnérabilités (Borio et al., 2012). Outre le fait que ces
modèles aient des difficultés à capturer les non linéarités, les stress tests utilisent
des données historiques pour établir des estimations empiriques. Par conséquent,
ils ne peuvent pas s’ajuster aux innovations financières (porteuses de nouveaux
risques) développées après leurs observations, contribuant alors à la sous-
estimation du risque de défaillance. A partir de ses stress tests en 2004, la Banque
de France concluait :

16
Le FMI demande notamment au Japon en 2001, à la Grande Bretagne en 2002, à
l’Allemagne en 2003 et à la France en 2004 de procéder au stress testing (De Bandt et
Oung, 2004).

65
« En ce qui concerne les résultats […], les différents scénarios de stress appliqués
au système bancaire français sur la base des comptes 2003 et de façon
prospective pour 2004 et 2005 indiquent une bonne capacité de résistance des
banques françaises. Parmi les chocs passés en revue, une croissance nulle de
l’économie française pendant deux ans […] apparait comme le choc le plus
sévère ». Elle affirmait, par ailleurs, que « la mise en œuvre de stress tests semble
être à présent bien rodée » (De Bandt et Oung, 2004).

Certes, les simulations tenaient compte des fondamentaux et n’ont pas appréhendé
les défaillances de l’ingénierie financière responsables de la crise financière de
2007-2008, mais, suite à la crise, les faits contredisent les prévisions, puisque,
d’après l’OCDE, la croissance du PIB français est de -0,1% en 2008 et -2,7% en
2009, soit une croissance négative deux années consécutives. In fine, cet exemple
atteste de l’incapacité des stress tests, et des méthodes d’évaluation en général, à
estimer et donc à prévoir les risques.

66
Si les récentes innovations financières ont permis une amélioration des outils
d’information, elles n’ont pas impliqué une meilleure approche du risque. Au
contraire, le nouveau modèle de fonctionnement du système bancaire, et en
particulier le recours des banques aux activités hors-bilan, ont rendu l’évaluation
des risques très difficile, impliquant des problèmes de traçabilité du risque.
Autrement dit, alors que la rationalité limitée des banques engendre une sous-
évaluation des risques, notamment en phase d’euphorie, les nouveaux instruments
financiers ajoutent un degré de complexité en rendant opaque leur appréciation.
De plus, cette incapacité d’évaluation est d’autant plus grande que les méthodes
de prévision sont elles-mêmes procycliques et biaisées. Par conséquent,
l’instabilité financière est une conséquence directe de la mauvaise évaluation des
risques.

Enfin, cette sous-évaluation persistante du risque implique une vigilance vis-à-vis


du risque plus faible et encourage des choix de portefeuille bancaires au profit
d’actifs spéculatifs et défavorables à l’activité traditionnelle de crédit. De surcroit,
nous verrons dans le prochain chapitre que cette discrimination en défaveur du
crédit productif est d’autant plus forte que les comportements bancaires
s’inscrivent dans une dynamique cyclique et que les politiques monétaires
autorisent des arbitrages davantage risqués.

67
CHAPITRE II LES NOUVELLES DIMENSIONS DE
L’INSTABILITE FINANCIERE

68
L’instabilité financière, caractéristique des dernières décennies, n’est pas le seul
fait d’une mauvaise évaluation des risques par les banques, mais peut être
considérée comme endogène au fonctionnement des marchés financiers, et
également impulsée par les Autorités monétaires. Il est alors essentiel de
s’intéresser aux causes profondes des épisodes critiques, en analysant leurs
mécanismes de transmission et d’amplification.

Dans un premier temps, sont ajoutées deux dimensions aux causes de l’instabilité
financière. D’abord, il y est souligné que le phénomène d’instabilité constitue un
caractère intrinsèque de la sphère financière, dans la mesure où son
fonctionnement, via les comportements bancaires, est fortement lié au cycle
économique. Par ailleurs, l’instabilité financière peut également être exacerbée
par l’intervention des Autorités monétaires, du fait de l’existence de nouveaux
canaux de transmission (canaux du capital bancaire et de la prise de risque, cf.
infra), qui empiètent sur le canal du crédit traditionnel, favorisant la prise de
risque.

Le rôle de la politique monétaire dans l’instabilité financière est alors discuté,


dans une seconde section, où nous soulevons les questions relatives à
l’amélioration de la règle traditionnelle et son association avec un cadre
macroprudentiel.

69
SECTION 2.1 TRANSMISSION ET AMPLIFICATION

70
Cette section a pour objet de montrer en quoi l’instabilité financière est une
caractéristique intrinsèque des marchés financiers et comment elle est accentuée
par les canaux de transmission de politique monétaire. Dans un premier temps, les
comportements des banques en matière d’endettement sont placés au cœur des
phénomènes d’amplification. L’idée est de montrer que les choix de portefeuille
bancaires favorisent l’instabilité, en agissant de manière procyclique. Ensuite, un
second point permet d’éclairer les canaux de transmission de la politique
monétaire comme élément amplificateur de cette procyclicité. Nous insistons
particulièrement sur la prise de risque des banques, dans un climat d’euphorie,
favorisée par les Autorités monétaires.

71
2.1.1 Instabilité intrinsèque de la finance

Compte tenu de l’instabilité intrinsèque de la finance (Aglietta & Orléan, 2002), le


cycle est le produit d’un mécanisme endogène17 (Adda & Sigogne, 1993). S’il est
admis que la finance n’est pas à l’origine du cycle et que sa portée se limite à la
mise en évidence d’un effet procyclique (Brossard, 1998), la relation entre le
cycle et les comportements en matière d’endettement est au cœur de l’instabilité
financière. Les réactions individuelles peuvent amplifier les chocs et entrainer des
dynamiques divergentes sur les prix d’actifs (Ibidem, 1998). Une telle analyse des
mécanismes de dette, et plus particulièrement des comportements
d’investissement en situation d’incertitude (au sens de Knight, c’est-à-dire qui
concerne des évènements qui ne peuvent être réduits à des probabilités objectives)
est proposée par Gilles (1992) qui s’inspire de Marx (1867), Juglar (1862) et
Minsky (1982).

Marx (1867) aborde l’instabilité dans le cadre des dynamiques du taux de profit et
du taux d’intérêt. Ici, les comportements des agents en matière d’offre (pour les
banques) et de demande de crédit (pour les emprunteurs) répondent à un processus
de production qui s’intensifie en phase ascendante (accumulation du capital) et
qui ralentit après un épisode de crise. L’activité de prêt n’est pas encore
déconnectée de la sphère productive et l’étude de la confiance versus défiance des
agents est relative au processus de production. Le taux d’intérêt, qui conditionne
l’offre (et la demande) de crédit, répond à une dynamique de production basée sur
l’offre et la demande de capital.

17
Notons que cette approche endogène du cycle s’oppose aux théories selon lesquelles
le cycle n’est provoqué que par des chocs exogènes (Chatterjee, 2000). Dans
l’approche exogène du cycle, il n’y a pas de cycle sans choc (Frisch, 1933 ; Slutzky,
1937). Dans le cadre de la théorie des cycles réels (Kydland et Prescott, 1982), le choc
est un choc de productivité, dont les fluctuations se produisent de manière aléatoire.

72
En toute contemporanéité, Juglar (1862) procède à une analyse bilancielle des
Banques centrales et place l’origine des crises dans la sphère monétaire. Pour lui,
la crise est un phénomène inhérent à la structure et au fonctionnement même du
capitalisme (Gilles, 2004). Elle se forme dans la phase d’essor, puisque le climat
de confiance favorise les « excès et imprudences », déjà décrits par Thornton
(1803), dans l’octroi des crédits par les banques et leur demande par les ménages
et entrepreneurs. Ici, la sous-estimation des risques est simplement due à
l’euphorie ; elle nait d’un simple climat, sans tenir compte des instruments
financiers et outils d’évaluation. Les risques étant sous-évalués cachent des
vulnérabilités que les banques appréhendent lorsqu’elles jugent leurs bilans
déséquilibrés, précipitant la crise, en rationnant le crédit. S’amorce et se précipite
alors la phase de dépression, caractérisée par un arrêt de l’investissement et un
désendettement des emprunteurs, qualifiée par Juglar (1862) (mais aussi Marx,
1867) comme nécessaire pour « assainir le système ».

Ce système de financement est au cœur de l’instabilité puisque la liquidité dépend


de l’endettement des agents, et les fragilités financières sont plus fortes que jamais
lorsqu’apparaissent les premiers signes d’illiquidité (pouvant déclencher
l’insolvabilité) (Minsky, 1982). Dans ce cadre, l’incertitude (favorable à
l’instabilité) est « consubstantielle aux marchés financiers », elle est donc
endogène, puisqu’elle est « inhérente à la difficulté de concilier le degré de
liquidité du système et l’endettement comme mode de financement de
l’investissement » (Gilles, 1992).

Si Minsky (1982) centre son analyse sur les investisseurs, le raisonnement est le
même pour l’attitude des banques concernant leurs choix de portefeuille. Minsky

73
(1982) s’interroge sur les mécanismes de décision d’investissement (en économie
fermée) et fait l’hypothèse que celui-ci peut être autofinancé ou financé par
l’extérieur lorsque l’autofinancement ne suffit pas, ce qui implique l’existence
d’un « risque prêteur » et d’un « risque emprunteur » liés, respectivement, au
risques de défaut et de liquidité. Il définit deux prix (Brossard, 1998), (Dymski et
Pollin, 1993), (Schalck, 2004) :

: le prix de demande du capital évalué par les marchés financiers, c’est-à-dire


le prix auquel les investisseurs sont prêts à payer leurs investissements, fonction
du rendement attendu du capital.

: le prix qui égalise l’offre et la demande de biens d’investissement nouveaux.

: capacité d’autofinancement

La première phase du cycle selon Minsky connait la configuration suivante :


alors que la deuxième se définit par : . Au-delà de la capacité
d’autofinancement des investisseurs qui permet de financer une partie de
l’investissement, l’investisseur doit s’endetter. Cet endettement implique une
hausse des risques prêteur et emprunteur ; le point d’intersection des deux courbes

74
représente le point d’équilibre des deux risques et correspond au niveau
d’investissement réalisé . Cette situation dure tant que les profits anticipés sont
élevés. Dès lors que les rendements attendus diminuent, le prix diminue. Vers
la fin de la première phase, on assiste à une double montée des risques ; le
« risque prêteur » et le « risque emprunteur ». Autrement dit, pour compenser la
hausse du risque de défaut, les emprunteurs révisent à la baisse le prix auquel ils
sont prêts à acheter du capital ( ) et les prêteurs exercent une pression à la
hausse sur le prix d’offre d’investissement ( ), par un rationnement du
crédit, une hausse des taux et/ou des exigences accrues de garanties.
Conséquemment, la crise survient lorsque l’on passe de la situation à la
configuration .

Nous retrouvons le même raisonnement avec l’offre et la demande d’actifs plus ou


moins risqués. Rappelons qu’une phase d’ « euphorie » rend attractifs les actifs
risqués alors qu’une phase de dépression est propice au choix des valeurs refuges.
Si le raisonnement concerne les banques, il n’est pas question d’endettement à des
fins productives guidé par la recherche de profit, mais des choix de portefeuille
dictés par la profitabilité18. L’arbitrage se fait alors entre actif risqué ou non. Dans
un climat de confiance où l’aversion au risque est faible et où les taux d’intérêt
sont relativement bas, les banques anticipent une hausse des rendements de l’actif
risqué d’où une forte profitabilité. Par conséquent, les banques choisissent
massivement ces actifs provoquant une hausse de leurs prix. Le prix des actifs
risqués croît alors plus vite que les autres, soit la configuration de Minsky selon
laquelle ( ). A l’inverse, la fuite vers la qualité en phase descendante
affaiblit le prix des actifs risqués, ce qui influe négativement sur leurs rendements
anticipés, soit le symétrique : .

18
Au sens originel de Wicksell, la profitabilité étant la différence entre le rendement
anticipé de l’actif risqué et le taux d’intérêt du placement certain (Gilles, 1992).

75
Les comportements en matière d’endettement et leur lien étroit avec le caractère
cyclique de l’économie s’interprète alors de façon originale à travers une analyse
bilancielle (Kiyotaki et Moore, 1997). A travers un processus intertemporel, qui
soulève l’importance des notions de « persistance » et d’ « amplification »,
Kiyotaki et Moore (1997) appréhendent l’effet significatif des mouvements de
prix d’actifs sur les comportements des agents. A l’aide d’un modèle prédateur-
proie (predator-prey model), ils placent la relation endettement-prix d’actifs au
cœur de la dégradation (amélioration) des bilans à travers le cycle. La phase
ascendante du cycle pourrait correspondre au processus où les « proies nourrissent
les prédateurs » et la phase descendante serait caractérisée par la situation où les
« prédateurs tuent les proies ». Les prédateurs correspondant aux dettes et les
proies aux actifs.

Schéma 1 : Effets de persistance et amplification

Source : d’après Kiyotaki et Moore, 1997

Cette persistance des mouvements peut créer un cercle vicieux (Aglietta et Rigot,
2009). La demande de crédit dépendant en partie de la hausse anticipée du prix
des actifs que le crédit permet d’acquérir, et l’offre de crédit dépendant des actifs

76
collatéraux, l’offre et la demande de crédit interagissent positivement avec le prix
des actifs. Cette interdépendance, dont la titrisation accentue les mouvements,
explique une boucle d’induction à la hausse et à la baisse, c’est-à-dire, une
accélération du crédit en phase ascendante du cycle et une debt deflation en phase
descendante (cf. « loss spiral », Adrian et Shin, 2010). Les banques ayant
davantage recours au levier, rencontrent encore un effet procyclique sur le marché
du repo19 à travers une autre spirale : « margin ou haircut spiral » (Shin, 2009).
La hausse des marges requises en phase descendante participant à la chute du
levier, nécessite la vente des actifs ou une hausse des fonds propres, contribuant
alors au désendettement.

Par ailleurs, la chute des prix d’actifs entraine une dégradation des bilans d’autant
plus rapide que la comptabilisation se fait en juste valeur. Si ce phénomène est
conjugué à des fonds propres insuffisants20, Tirole (2008) parle de « spirale de
sous-capitalisation et de défaisance des actifs ». Cette dégradation nécessite alors
une recapitalisation afin de respecter la réglementation de fonds propres, ce qui
peut impliquer une vente d’actifs donc une rechute des prix (le mécanisme est le
même à la hausse). L’interaction de la réglementation de fonds propres et la
comptabilisation en juste valeur constitue alors un effet procyclique (Vinals,
2008). En phase descendante du cycle, le danger est que la répercussion d’un choc
sur les fonds propres est très rapide (Matherat, 2008), à l’instar de la crise 2007-
2008, où les pertes cumulées sont gonflées par les dépréciations d’actifs, elles-
mêmes amplifiées par la juste valeur (cf. Tableau 1 et Graphique 4).

19
Dans le cas d’une revente d’un titre, le haircut est la différence entre le prix de
marché courant d’un titre et le prix auquel on le vend. Ses fluctuations déterminent le
degré de financement disponible pour une institution ayant recours au levier car le
haricut détermine le levier maximum possible atteint par un emprunteur.
20
De même pour les provisions pour pertes (Misina, 2009) et les exigences de
collatéraux (à l’instar des margin requirements) (Kahmi, 2009).

77
Tableau 1 : Pertes cumulées et dépréciations d’actifs (2007-08) (en milliards de
dollars)

Dépréciations Pertes de crédit Total


27-déc-07 74 23 97
22-janv-08 107 26 133
31-janv-08 120 26 146
22-févr-08 135 26 162
29-févr-08 154 27 181
07-mars-08 162 26 188
14-mars-08 169 26 195
26-mars-08 182 26 208
01-avr-08 206 26 232
10-avr-08 216 29 245
21-avr-08 248 42 290
28-avr-08 269 43 312
09-mai-08 280 43 323
19-mai-08 332 47 379
16-juin-08 344 47 391
20-juin-08 349 47 396
Source : Matherat (2008), données Bloomberg (échantillon de 70 banques
internationales)

Graphique 4 : Pertes cumulées et dépréciations d’actifs (2007-2008) (en milliards


de dollars)

400
350
300
250
200
150
100 pertes de crédit
50 dépréciations
0
27-déc.-07
06-janv.-08
16-janv.-08
26-janv.-08
05-févr.-08
15-févr.-08
25-févr.-08
06-mars-08
16-mars-08
26-mars-08
05-avr.-08
15-avr.-08
25-avr.-08
05-mai-08
15-mai-08
25-mai-08
04-juin-08
14-juin-08

Source : Matherat (2008), données Bloomberg (échantillon de 70 banques


internationales)

78
Sur le marché américain, les pertes engendrées par les prêts hypothécaires à
risque, qui sont pourtant à l’origine de la crise, ont été bien moins élevées que
celles subies après les dépréciations (Gauthier et Tomura, 2011). Les normes
comptables jouent alors un rôle amplificateur dans les phénomènes de contagion
bancaire. Ici, lors de la crise financière de 2008, les dépréciations d’actifs
expliquent la part la plus importante des pertes totales du système bancaire.

Encadré 5 : De l’évaluation au coût historique à la « juste valeur »

Traditionnellement l’un des principes généraux du cadre comptable concernant


les bilans bancaires est l’évaluation au coût historique, ce qui signifie que « la
valeur à laquelle un actif ou un passif est entré dans le bilan doit être
conservée » (Lacoue-Labarthe, 2006). Aujourd’hui, on lui substitue le concept
de « juste valeur » (fair value), initié aux Etats-Unis par le Financial
Accounting Standards Board (FASB), puis au plan international par
l’International Accounting Standards Committee (IASC). L’IASC définit la
juste valeur comme « le montant pour lequel un actif peut être échangé ou un
passif émis entre deux parties volontaires et bien informées dans le cadre d’une
transaction à intérêts contradictoires ». Il s’agit d’un concept plus large et à
l’usage plus général que celui de valeur de marché : à défaut de prix de marché
observé sur un marché actif, l’évaluation sera déterminée par la valeur
d’échange sur laquelle s’accordent deux parties indépendantes, par le prix de
marché d’un élément aux caractéristiques proches ou par le calcul de la valeur
actuelle nette des flux futurs.

Ce sont les normes IAS (Internation Accounting Standards), parmi lesquelles


les normes IAS 32 (« Financial instruments, Diclosure and Presentation ») et
IAS 39 (« Financial instruments, Recognition and Measurement ») qui
établissent un cadre pour l’application de règles relatives aux instruments
financiers. En 1997, l’IASB propose que l’évaluation en juste valeur concerne
tous les actifs et passifs financiers. Cette proposition étant contestée, la
comptabilisation en juste valeur ne s’applique qu’aux actifs et passifs
négociables ainsi qu’aux instruments dérivés et l’intermédiation n’est pas
concernée (Lacoue-Labarthe, 2006). L’évaluation diffère selon l’emploi des
actifs. Précisément, IAS 39 définit quatre catégories d’instruments financiers :
les actifs détenus à des fins de transaction, les prêts et créances, les actifs
financiers détenus jusqu’à échéance et les actifs financiers disponibles à la

79
vente. Les premiers sont évalués à la juste valeur, les seconds et troisièmes au
coût amorti, c’est-à-dire au coût historique diminué de l’amortissement et
dépréciations, enfin, les derniers sont évalués à la juste valeur mais leurs plus
ou moins-values sont enregistrées dans les capitaux propres (Clerc, 2008).

Autrement dit, le coût historique s’applique aux crédits et la juste valeur


s’applique aux actifs pour lesquels il existe une cotation sur un marché
organisé (Lacoue-Labarthe, 2006). La distinction peut se faire entre
valorisation en juste valeur pour le portefeuille de négociation et valorisation
au coût historique pour le portefeuille bancaire (Matherat, 2008).

L’adoption de la norme IAS 39 n’étant que partielle, on choisit de remplacer,


en novembre 2009, les normes IAS 32 et 39 par une unique norme IFRS 9.
Désormais, pour déterminer si un actif financier doit être comptabilisé à juste
valeur ou au coût amorti, l’approche est basée sur la façon dont une entité
gère ses instruments financiers (son business model). D’après les normes IFRS
(International Financial Reporting Standards) et US GAAP (Generally Accepted
Accounting Principles), la juste valeur s’applique pour tout actif financier
qu’un établissement financier ne s’est pas engagé à conserver jusqu’à
l’échéance. Notons que le développement du modèle originate to distribute et
des transferts du risque de crédit par la titrisation a augmenté la part des
bilans des banques valorisés en juste valeur, puisque les détenteurs de produits
financiers veulent conserver la possibilité de les vendre avant leur échéance
(Clerc, 2008).

Autrement dit, si la comptabilisation en juste valeur présente de nombreux atouts


parmi lesquels une pertinence accrue de l’information (comparativement au coût
historique) permettant de refléter rapidement l’évolution des bilans (dégradation /
amélioration), elle autorise également une plus forte volatilité des bilans (Allen et
Carletti, 2008), d’autant plus forte que les choix de portefeuille bancaires sont
risqués, participant alors à l’instabilité financière.

80
2.1.2 Canaux de transmission de la politique monétaire

Si l’instabilité financière se nourrit de la vulnérabilité bancaire, elle se développe


d’autant plus que les banques réagissent aux impulsions de politique monétaire.
« Although it is difficult to state that monetary policy has been the main cause of
the current crisis, it could have contributed to its build-up » (Altunbas et al.,
2010).

Alors que la stabilité des prix est un objectif désormais incontournable de la


politique monétaire (Bordes et Clerc, 2007), la montée de l’instabilité financière
témoigne de la nécessité d’ajouter la sphère financière aux préoccupations du
central banking (Betbèze et al., 2011) . L’analyse des mécanismes de
transmission de la politique monétaire implique d’intégrer le secteur bancaire
(Bekaert et al., 2010 ; Ciccarelli et al., 2010), difficile à modéliser jusqu’à
l’utilisation des modèles DSGE (Gambacorta et Marques-Ibanez, 2011).
L’intégration des facteurs financiers augmentent les effets du canal du taux
d’intérêt. La vision traditionnelle implique un effet des taux d’intérêt sur la sphère
réelle, par une modification du coût du capital pour les emprunteurs donc une
propension à investir dépendante des conditions de prêt (Mishkin, 1996).

Traditionnellement, le canal du crédit fonctionne également à travers les dépôts


(Disyatat, 2010). En effet, le montant des dépôts étant conditionné par celui des
réserves exigées, une politique monétaire restrictive, par exemple, exerce une
pression à la baisse sur la distribution de crédits par un effet quantitatif sur la
structure du passif des banques. Notons qu’avec l’importance accrue du marché
des titres en termes de capitalisation, les banques deviennent de plus en plus
dépendantes de la perception des marchés (Gambacorta et Marques-Ibanez, 2011).

81
D’après le canal de la prise de risque (cf. infra), l’effet de la politique monétaire
sur les choix bancaires est alors davantage qualitatif que quantitatif (Disyatat,
2010), dans le sens où une variation des taux d’intérêt agit sur l’aversion au risque
des banques.

82
Le canal du capital bancaire

La réglementation prudentielle impose aux banques de disposer de capitaux


propres minimaux au regard des actifs qu’elles détiennent. Suite aux Accords de
Bâle II, le ratio de solvabilité Mc Donough prévoit des pondérations en fonction
du degré de risque que présente chaque type d’actifs. La littérature relative au
canal du capital bancaire se focalise sur les conséquences des ratios de fonds
propres sur l’offre de crédits de la part des banques (Van den Heuvel, 2002 ;
Levieuge, 2005 ; Bouvatier et Lepetit, 2011) : en cas de ventes en détresse, la
concrétisation des risques oblige les banques à reconstituer leurs ratios de capital
pour respecter la réglementation prudentielle, donnant lieu à des effets
d’amplification aggravant la durée et la sévérité des crises (Korinek, 2011).

Les banques détiennent, certes, des fonds propres pour satisfaire les exigences de
marché et limiter le risque de faillite, particulièrement en période de récession où
la probabilité est très élevée, mais c’est l’exigence réglementaire qui fait
intervenir le canal du capital bancaire (Mésonnier, 2005). Les exigences de
réserves étant une des principales restrictions pesant sur les bilans, la littérature a
vu naitre un certain nombre de travaux relatifs à ce nouveau canal de transmission
de la politique monétaire. D’après Borio et Zhu (2008), l’exigence minimale agit
d’abord comme une taxe (« capital threshold effect »). En outre, faire peser une
réglementation contraignante influence le comportement des banques par la
modification de leur perception et gestion du risque (« capital framework
effect »).

83
Encadré 6 : La réglementation de fonds propres

Les fonds propres économiques ont plusieurs fonctions parmi lesquelles


financer les investissements, couvrir les pertes et assurer la confiance des
déposants. La régulation des fonds propres répond à des objectifs à la fois
micro et macroéconomiques, c’est-à-dire éviter une trop grande probabilité de
défaut pour un établissement et limiter le risque systémique. Le niveau de
capitaux propres doit être suffisant pour faire face aux risques individuels et
pour conforter la confiance de marché. La régulation prudentielle a, entre
autres, pour visée d’instaurer une exigence de fonds propres pour protéger les
créances des clients et contenir la contagion en cas de défaillance. Le calcul du
coefficient de fonds propres fait intervenir plusieurs variables liées au risque
(Lacoue-Labarthe, 2006).

Les fonds propres sont classés en trois catégories, facilitant le calcul du ratio de
capital puisque ces derniers y figurent au numérateur. Le « noyau dur » des
fonds propres correspond à la classification Tier 1 et se compose essentiellement
du capital social (émission d’actions...), du report à nouveau, des bénéfices non
distribués et des réserves. Le Tier 2, qui est subdivisé en deux parties (« upper
tier2 » et « lower tier 2 »), est constitué du Tier 1 auquel on ajoute des titres
hybrides21 de durée indéterminée et autres éléments de dette dont la durée
initiale est supérieure à 5 ans. Enfin, le Tier 3 comprend des instruments de
dette subordonnée et d’autres fonds propres complémentaires (Une dette est
subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des
autres créanciers). Le capital minimal est de 4% des actifs pour le Tier 1 et un
total de 8% pour Tier 1 et Tier 2, sachant que le capital de Tier 2 ne doit pas
dépasser celui de Tier 1.

21
Les titres hybrides sont des titres qui empruntent des caractéristiques à la fois des
actions et des dettes. Nous pouvons citer comme exemple les obligations convertibles
qui peuvent être échangées durant une période de conversion contre une ou plusieurs
actions.

84
Lors d’un choc exogène de politique monétaire ou relatif au contexte économique,
la richesse nette des banques peut être atteinte par une diminution des prix des
actifs détenus. En effet, les banques ont plus de difficultés à honorer leurs dettes
et, par conséquent, voient leurs bilans détériorés. Cette dégradation réduit à son
tour la capacité de lever du nouveau capital et induit une baisse des crédits
accordés sous peine de violer les exigences de fonds propres. Dans un tel contexte
de détresse financière, le rationnement du crédit résulte de la réticence des
banques à émettre du nouveau capital du fait du coût que cela représente, en
raison de la dépréciation des actifs. En effet, si les bilans sont détériorés, les
banques préfèrent restreindre les prêts.

Le canal du capital bancaire décrit alors un mécanisme de transmission de


politique monétaire qui fait intervenir le lien entre fonds propres et offre de crédit.
L’octroi de prêts dépendant de la structure du bilan des banques, nous pouvons
comprendre en quoi la politique monétaire peut affecter l’offre de prêts à travers
son impact sur le capital bancaire (Van den Heuvel, 2006). Il est, en effet, moins
couteux pour les banques de rationner le volume de prêts, en augmentant les taux
d’intérêt débiteurs pour consolider leur solvabilité, que de reconstituer un matelas.
Par conséquent, la diminution des fonds propres comme réponse des banques à un
choc économique ou de politique monétaire est inévitable (Choulet et Quignon,
2010).

85
Encadré 7 : Rationnement du crédit et Asymétries
informationnelles

Le canal du capital bancaire agit sur le volume de prêts puisque des exigences
de fonds propres plus sévères peuvent désinciter les banques à accorder des
crédits. Notons, en parallèle, que le rationnement du crédit, par diminution du
nombre de prêts, peut aussi exister, dès lors qu’il existe des asymétries
informationnelles, alors même que le marché est équilibré (Stiglitz et Weiss,
1981). En effet, en présence d’asymétries d’information entre prêteurs et
emprunteurs, les banques sont vigilantes dans le choix des « bons » versus
« mauvais » emprunteurs. Dans le processus de sélection, une hausse des taux
d’intérêt et/ou des garanties ferait augmenter le risque de portefeuille des prêts,
soit en décourageant les investisseurs sains, soit en induisant les emprunteurs à
choisir des projets risqués, ce qui aurait une répercussion négative sur les
recettes espérées de la banque. Notons ici qu’une hausse des taux implique une
hausse du risque de portefeuille, contrairement au cadre qui fait intervenir la
relation banque centrale – banques, où une baisse des taux induit une hausse
de la prise de risque à travers la modification des perceptions (cf. infra).
Partant, pour éviter une hausse des taux d’intérêt, impliquant un attrait des
investisseurs risqués, les banques peuvent rationner le crédit en limitant le
nombre de crédits accordés. Autrement dit, la présence d’asymétries
informationnelles, ajoutée aux effets de canaux tels que le canal du capital
bancaire, renforce l’effet non désirable d’un rationnement du crédit.

Instaurer des exigences de fonds propres peut donc exercer un effet négatif sur
l’accord de prêts. En pratique, le niveau de fonds propres doit être suffisant pour
que les déposants n’aient pas à subir des pertes éventuelles, mais l’obligation doit
également tenir compte de son effet pénalisant sur l’activité de crédit. Détenir des
fonds propres facilite la confiance des déposants en fournissant un signal de bonne
gestion aux investisseurs (Mésonnier, 2005), et représente une couverture des
pertes éventuelles. Mais, le respect des exigences réglementaires nécessite des
banques qu’elles augmentent leurs capitaux propres ou diminuent leurs actifs
(comptabilisés dans le bilan), et cela signifie un levier d’endettement moins

86
important et une rentabilité amoindrie (Lacoue-Labarthe, 2006), et cela d’autant
plus que l’état du cycle est défavorable.

En effet, le respect de la réglementation en matière de fonds propres est réalisable


et souhaitable en phase de croissance. Meh et Moran (2010) simulent, à l’aide
d’un modèle étalonné22, l’incidence des fonds propres bancaires sur la sensibilité
de l’économie, en termes de production, d’inflation, de taux d’intérêt de court
terme et de crédit bancaire, à un choc technologique (choc d’offre) et à un choc de
politique monétaire (choc de demande). Ils distinguent deux économies qui ont un
secteur bancaire plus ou moins bien doté en capital23. Meh (2011) résument ci-
dessous leurs résultats : « une économie qui possède un système bancaire bien
doté en capital peut mieux absorber les effets négatifs des chocs sur le crédit
bancaire, la production et l’inflation […] lorsque le système bancaire est bien
pourvu en capital, le crédit bancaire et la production reculent d’environ 5.2 et
1.5% respectivement, alors que la baisse atteint près de 8% pour le crédit
bancaire et environ 1.8% pour la production quand le système bancaire est moins
bien capitalisé ».

A contrario, respecter de telles exigences en phase récessive constitue un coût et


autorise un rationnement du crédit amplifié, ce qui soulève la question d’un volet
de fonds propres contracyclique. Ce raisonnement est autant valable pour les
banques individuelles que pour le secteur agrégé ; les banques les plus capitalisées
modifient moins leur offre de prêts suite à un choc de politique monétaire,
puisqu’elles ont davantage accès aux sources de financement qui ne nécessitent
pas d’obligation de réserves (certificats de dépôts) (Choulet et Quignon, 2010), et

22
Modèle qui permet de simuler différents scénarii en utilisant une expérience
quantitative à l’aide de valeurs impulsées choisies.
23
Le ratio de fonds propres dans le secteur bancaire bien capitalisé étant défini de
façon exogène comme le double du ratio de l’autre secteur.

87
qu’elles sont plus efficaces dans la sélection des emprunteurs ex ante (Mésonnier,
2005).

Au sein du secteur bancaire, les banques individuelles ont des comportements


hétérogènes compte tenu de leurs caractéristiques propres et notamment du niveau
de leurs fonds propres et de liquidité. Le niveau de capital bancaire peut changer
l’impact des chocs de politique monétaire. D’après le canal du capital bancaire
(Van den Heuvel, 2002 ; 2006), les chocs sont plus ou moins amplifiés en
fonction du niveau de fonds propres détenus initialement par les banques. Les
mouvements endogènes de fonds propres influant le volume de prêts accordés,
nous comprenons en quoi des niveaux différenciés de fonds propres peuvent
expliquer des réactions différentes à un choc.

Partant, une politique monétaire restrictive exerce une pression à la baisse sur la
distribution de crédits par un effet quantitatif sur la structure du passif des
banques. Une banque détenant relativement moins de fonds propres et plus de
dettes qu’une autre a moins de capacité à absorber les éventuelles pertes donc
accorde moins de prêts lorsque la politique monétaire se resserre. De plus,
Mésonnier (2005) suppose que les banques les plus capitalisées sont peut-être plus
averses au risque et plus efficace dans la sélection des emprunteurs ex ante.
Parallèlement, la liquidité suit la même logique : l’impact de la politique
monétaire serait plus fort sur les banques les moins liquides (Kashyap et Stein,
2000).

Considérant deux banques dont l’une a un bilan moins liquide que l’autre, la
réaction face à un choc de politique monétaire fait intervenir des mécanismes
différents. Kashyap et Stein (2000) supposent un choc de politique monétaire
restrictive provoquant des pertes sur les dépôts de telle sorte que les banques ne

88
peuvent plus se tourner vers d’autres sources de financement étant donné le
tarissement du marché interbancaire. Par conséquent, l’actif des bilans des deux
banques diminue considérablement. Cependant, la banque la plus liquide peut
maintenir davantage son activité de prêts puisqu’elle détient un stock de titres. A
contrario, la banque la moins liquide va devoir rationner les crédits étant
confrontée à un actif trop faible.

Partant, les banques agiraient différemment selon leurs caractéristiques en termes


de ratio de fonds propres et de liquidité puisque les banques les plus capitalisées et
les plus liquides modifieraient moins leur offre de prêts face à un choc de
politique monétaire, réagissant de façon moins procyclique aux chocs d’activité.
Par conséquent, il peut être légitime de considérer que le canal du capital bancaire
et les canaux de transmission de la politique monétaire en général sont plus ou
moins effectifs selon que nous raisonnons dans un système bancaire à dominantes
faibles ou fortes de capitalisation et de liquidité.

Notons que la différenciation des comportements peut faire intervenir d’autres


éléments comme la taille des banques, en termes de montant total d’actifs détenus,
mais l’effet de la taille sur la prise de risque des banques est hétérogène (Delis et
Brissimis, 2010 ; Delis et al., 2011). Les banques de grande taille ont plus de
facilités à se financer quelle que soit la phase du cycle, ce qui rend leur activité de
prêt moins dépendante des chocs de politique monétaire. Mais ce meilleur accès
aux différents marchés leur fait également bénéficier d’un choix plus large
d’actifs risqués. Ces deux arguments, bien que non contradictoires, ont donc un
effet opposé sur la prise de risque. In fine, conclure sur la dépendance de la prise
de risque en fonction de la taille des banques ne fait pas l’objet de consensus dans
la littérature.

89
L’arbitrage réglementaire

La réglementation prudentielle peut comporter un effet pervers lorsque les


banques ont recours à la titrisation (Rochet, 2008). Les banques peuvent être
incitées à sortir leurs actifs du bilan (« off-balance sheet activities » ; Calmès et
Théoret, 2010) dans le seul but de contourner les obligations réglementaires de
fonds propres. Une telle externalité du couple réglementation-titrisation affecte la
transparence des bilans bancaires et masque les risques de portefeuille. En incitant
les banques à se défaire de leurs créances, la réglementation peut faire diminuer
les efforts de prévention. Par conséquent, la probabilité de faillite de tout le
secteur bancaire s’en trouve augmentée, ce qui peut aboutir à une situation de
crise, à l’instar de la crise financière de 2008, où l’innovation financière a été mal
appréhendée et le risque systémique non anticipé.

Nous savons que la manière dont les banques ajustent leur bilan pour satisfaire les
exigences de capital est celle qu’elles jugent la moins couteuse. Pour répondre aux
exigences, dans un contexte sans titrisation, les banques sous-capitalisées ont
tendance à augmenter leurs fonds propres, alors que les banques relativement
mieux capitalisées réduisent leurs crédits. Par contre, si les banques ont recours à
la titrisation, elles peuvent alors faire augmenter leur ratio de capital
artificiellement, en sortant des actifs de leur bilan, toujours dans le but de
minimiser les coûts (i.e la constitution d’un matelas). La réglementation agit alors
comme une forme de taxation et encourage les banques à développer des
méthodes qui permettent de la minimiser (BIS, 1999).

90
Comme en témoigne la baisse tendancielle de la part des versements d’intérêt
dans les revenus des banques, au profit d’une hausse des sources de revenus autres
que des versements d’intérêts24 (Calmès et Théoret, 2010), l’émergence d’un
nouveau système bancaire (« shadow banking system ») favorise un arbitrage de la
part des banques quant à la constitution du matelas de fonds propres (« regulatory
capital arbitrage ») favorable à la hausse du levier, synonyme de vulnérabilité
accrue. Les activités hors-bilan, pouvant être considérées comme une création
monétaire privée en dehors du système bancaire formel (Stein, 2011), contribuent
donc à la hausse de la vulnérabilité bancaire en contournant la réglementation
prudentielle (Kling, 2009).

De telles incitations favorisent des choix bancaires risqués (« bad bets ») pouvant
être la cause de chocs majeurs, à l’instar de la crise financière de 2008. L’idée est
donc que ce sont justement des contraintes de capital trop sévères qui ont incité
les institutions financières à développer un « secteur bancaire fantôme », et que
les régulateurs prudentiels ont autorisé une prise de risque élevée, en permettant
aux acteurs financiers de contourner leurs règles (Kling, 2009).

24
revenus provenant d’activités relatives aux commissions et prestations, revenus de
trading …

91
Le canal de la prise de risque

La prise de risque peut également être facilitée voire encouragée par la politique
monétaire. Considérant davantage la perception des marchés (Gambacorta et
Marques-Ibanez, 2011), les comportements bancaires, vis-à-vis du risque,
réagissent en relation avec l’action de la Banque centrale. Borio et Zhu (2008)
définissent un nouveau canal de transmission : le canal de la prise de risque (« risk
taking channel ») :

« The impact of changes in policy rates on either risk perceptions or risk-


tolerance and hence on the degree of risk in the portfolios, on the pricing of
assets, and on the price and non-price terms of the extension of funding ».

Le canal de la prise de risque prend effet lorsque le risque est sous-estimé et que
les incitations privées ne correspondent pas à la maximisation du bien-être
collectif. Une baisse des taux de la part de la Banque centrale peut modifier la
perception du risque des banques et favoriser une prise de risque excessive. Par
conséquent, le risque de défaut ainsi que la probabilité d’occurrence d’une crise
sont également augmentés (Cao et Illing, 2011). En agissant comme accélérateur
financier (Adrian et Shin, 2011 ; Bernanke et al., 1996), l’augmentation du levier
est un premier élément profitant d’une baisse des taux. Des taux bas boostent, en
effet, la valeur des actifs, ce qui peut fausser les perceptions et autoriser une sous-
estimation du risque (Borio et Zhu, 2008 ; Gambacorta, 2009). De façon
mécanique, une baisse des taux d’intérêt entraine une valeur nette accrue donc une
hausse de la demande d’investissement et une baisse de la probabilité de défaut
qui désincite à surveiller les risques.

92
La plus grande tolérance au risque, faisant suite à une baisse des taux, peut
également s’expliquer par la recherche de rendement (« search for yield » ; Rajan,
2005). Des taux d’intérêt faibles signifient des rendements attendus faibles, d’où
une incitation à chercher des actifs plus rentables donc plus risqués (Cardone
Riportella et al., 2010). Et la recherche de hauts rendements est d’autant plus forte
qu’elle se fait dans un contexte dérégulé de forte concurrence. Un tel contexte
peut inciter les banques à baisser leur taux d’intérêt pour attirer davantage
d’emprunteurs et conserver voire augmenter leurs parts de marché (Taccola-
Lapierre, 2007). De plus, ce comportement est accentué avec l’introduction,
amorcée par la dérégulation, d’autres institutions financières qui divisent
davantage les parts de marchés. Les investisseurs, considérant les risques, certes à
fortes conséquences mais de faible probabilité, sont incités à prendre davantage de
risques pour rester concurrentiels (Rajan, 2005). Cette recherche s’inscrit dans
l’objectif d’approcher au maximum les rendements nominaux que les banques
auraient perçus dans une configuration de taux d’intérêt élevés (Gambacorta,
2009).

« We have seen that changes from a high interest rate environment to a low
interest rate environment could leave a number of institutions with long-term
fixed interest liabilities searching for yield and, hence, risk and willing to expand
lending. […] Conversely, a change from a low interest rate environment to a high
interest rate environment can induce a flight to quality with attendant effects on
high-risk illiquid credits, and a collapse in asset price growth.» (Rajan, 2005).

Dans un climat durable de taux d’intérêt bas, la prise de risque s’inscrit dans un
cadre de « persistance » et d’ « amplification » (Kiyotaki et Moore, 1997 ;
Brunnermeier et Sannikov, 2013 ; Acharya et Yorulmazer, 2007). Dans ce
contexte, davantage d’institutions financières préfèrent des actifs à haut

93
rendement et optent donc pour des choix risqués25. Une telle situation persistante
peut être la source de distorsions concernant les prix d’actifs et d’une vulnérabilité
accrue. Notons également que l’impact de la politique monétaire sur la prise de
risque des banques réside aussi dans la transparence de sa communication. Le
degré de transparence des décisions de politique future peut influencer les
comportements des agents, et notamment des banques : en augmentant le degré de
transparence, donc en réduisant l’incertitude, la Banque centrale peut faire
diminuer les primes de risques, ce qui a une incidence directe sur la tolérance au
risque accrue des banques (Borio et Zhu, 2008).

De nombreuses études économétriques26 confortent l’existence d’un canal de la


prise de risque, confirmant que les banques adoptent un comportement moins
prudent (Dubecq et al., 2009), notamment avec un recours à la titrisation plus
important. Le fait que des taux bas affectent le risque des banques est confirmé
dans de nombreux échantillons ; banques américaines (Altunbas et al., 2010),
européennes27 (Delis et Kouretas, 2011 ; Maddaloni et Peydro, 2010), boliviennes
(Ioannidou et al., 2008), espagnoles (Jimenez et al., 2009). Toutes ces analyses
ont en commun d’utiliser les taux directeurs de la Fed (pour les études américaine
et bolivienne) ou de la BCE (pour les études européenne et espagnole). Les deux
Banques centrales, malgré des différences d’objectif (plein emploi, stabilité des

25
A contrario, des taux d’intérêt élevés favorisent des choix moins risqués.
26
Cf. entre autres Altunbas et al. (2010) ; Delis et Kouretas (2010) ; Delis et al.
(2011) ; Ioannidou et al. (2008) ; Jimenez et al. (2009) ; Maddaloni et Peydro (2009).
27
Delis et Kouretas (2011) trouvent un effet différencié au sein des pays européens ;
les banques françaises prendraient moins de risques que les autres suite à une baisse
des taux. Parmi l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France, les trois premiers pays
présentent une relation taux d’intérêt - prise de risque négative et très significative
alors que la France montre un coefficient significatif seulement à 10%. Ceci pourrait
s’expliquer par la part moyenne d’actifs risqués dans les portefeuilles bancaires sur la
période 2001-2008 puisqu’ils ne représentent que 69% pour la France contre 83%
pour l’Allemagne, 78% pour l’Italie et 76% pour l’Espagne. De manière générale, les
banques françaises choisiraient moins d’activités profitables et moins risquées que les
autres compte tenu d’une aversion au risque plus forte (Xiao, 2009). Ce qui est valable
en temps normal l’est alors aussi consécutivement à une baisse des taux.

94
prix et modération des taux d’intérêt à long terme pour la Fed ; stabilité des prix
pour la BCE), ont des structures de politique monétaire comparables en termes
d’organisation des institutions et d’indépendance vis-à-vis des gouvernements
nationaux, justifiant que l’on puisse les rapprocher.

D’après Jimenez et al. (2009), la transmission serait différente à court ou moyen


terme. A court terme, les taux bas réduisent la probabilité de défaut des encours de
prêt en réduisant la charge d’intérêt des emprunteurs, et c’est à moyen terme que
la recherche de rendement devient effective. Les banques sont moins exigeantes et
accordent davantage de prêts à des « mauvais » emprunteurs (ayant une « bad
credit history »). L’effet des taux sur la prise de risque serait également d’autant
plus fort que les banques ont recours à la titrisation, que la supervision est faible
(Maddaloni et Peydro, 2010) et que les banques sont peu capitalisées (Delis et
Kouretas, 2011). Suite à une baisse de taux, les banques bien capitalisées
diminueraient simplement le monitoring, alors que les banques moins capitalisées
augmenteraient considérablement leur levier (Dell’ Ariccia et al., 2011).

Ces considérations sont également valables pour les périodes de monetary easing
au lendemain d’une crise. La prise de risque peut être facilitée suite à l’action des
politiques monétaires non conventionnelles (Encadré 8) qui maintiennent des taux
bas trop longtemps (« rates too low for too long », Cao et Illing, 2011). Bien que
nécessaire dans le cadre de la gestion d’une crise (Bagehot, 1873 ; Cartapanis et
Gilles, 2003), le faible niveau des taux est à la fois le remède à la réalisation des
risques et l’origine de la prise de risque des banques, conduisant à une hausse des
probabilités de défaut et de crise. L’analyse de l’intervention dans la crise est
différente avant et après la globalisation, qui implique de nouveaux processus
comme la titrisation.

95
Encadré 8 : Les Politiques Monétaires Non Conventionnelles

Au lendemain d’une crise, dans la mesure où les instruments traditionnels ne


suffiraient pas, les Banques centrales peuvent considérablement élargir leurs
programmes d’intervention28. Elles peuvent, d’une part, modifier leurs bilans
en termes de taille, de composition et de profil de risque (Borio, Disyatat,
2009). Elles peuvent également assouplir les conditions sous lesquelles elles
prêtent aux banques, incluant une modification des facilités, et introduire de
nouveaux schémas et nouvelles cibles (Bastidon et al., 2012 ; Borio, Disyatat,
2009). Elles ont aussi la possibilité de fixer les réserves des banques en
diminuant ou supprimant le plafond des offres de liquidité (FOMC, 2010). Les
exigences de collatéraux peuvent être assouplies (cf. « enhanced credit
support »), l’accès au crédit élargi (cf. « Credit easing »), les provisions de
liquidité enrichies (à travers, par exemple, de la liquidité de long terme et des
swaps de change) (cf. « Quantitative easing »). Durant la récente crise, le marché
des maturités longues a été disloqué poussant leur taux à de très hauts niveaux
comparés aux taux au jour le jour. Les Autorités ont donc augmenté
significativement la durée des opérations d’apport de liquidité. Les différentes
Banques centrales ont également convenu d’accords de swaps mutuels, à
l’instar de la Fed qui autorise les autres banques centrales à apporter de la
liquidité en dollar, directement à leurs banques domestiques.

28 Les programmes de prêts à court-terme sont introduits lors de la crise de 2008 (ils
représentent, par exemple, pour la Fed, 2,1% du PIB américain de 2007 (Minegishi et
Cournède, 2010) et ont pour principal objectif de fournir de la liquidité aux institutions
financières (Bernanke, 2009). Ils peuvent être considérés comme des politiques
monétaires non conventionnelles (Banque de France, 2010). Ces derniers comprennent
des prêts de un à trois mois aux banques contre collatéral (Term Auction Facility,
TAF) , des lignes de swaps avec d’autres Banques centrales, des prêts au jour le jour
aux institutions financières non bancaires (Primary Dealer Credit Facilities, PDCF),
des prêts à 1 mois de titres aux institutions financières non bancaires (Term Securities
Lending Facilities, TSLF), des prêts à des fonds monétaires pour le rachat d’ABCP
(Asset Backed Commercial Paper Money Market Fund Lending Facilities, AMLF) et
enfin une ligne de financement octroyée à des véhicules financiers pour acquérir des
certificats de dépôts et des billets de trésorerie à moins de trois mois (Money market
Investor Funding Facilities, MMIFF). D’autres programmes de prêts ciblés se
concentrent sur des marchés clés. Ils permettent d’assister les émetteurs de papiers
commerciaux c'est-à-dire des actifs tels que des hypothèques, des prêts automobiles ou
des cartes de crédit. On parle de Commercial Paper Funding Facility (CPFF) qui sont
des facilités permettant de financer un véhicule devant acheter des billets de trésorerie
à trois mois. Il existe également les Term Asset Backed lending Facilities (TALF) qui
constituent des prêts, contre collatéral, aux agents privés pour financer l’acquisition
d’ABS nouvellement émis et gagés sur prêts automobile, prêts étudiant et carte de
crédit. Le collatéral est ensuite vendu par la Fed à un véhicule.

96
Ainsi, les théories du prêt en dernier ressort ont évolué depuis les préconisations
pionnières de Thornton et de Bagehot et doivent davantage considérer la durée du
maintien des taux bas étant donné les risques impliqués par les innovations
financières. Les Banques centrales, étant forcées de maintenir des niveaux faibles
pour relancer l’économie (Bastidon et al., 2012), peuvent se retrouver dans une
situation de trappe de taux d’intérêt (« interest trap », Cao et Illing, 2011) et
contribuer à une préférence des banques pour le risque. Le danger réside alors
dans l’asymétrie de l’intervention des Banques centrales vis-à-vis du cycle
(Diamond et Rajan, 2009). Réduire les taux de manière drastique quand le secteur
financier montre des difficultés, et ne pas les augmenter assez rapidement
lorsqu’il va mieux, peut inciter les banques à opter, une nouvelle fois, pour des
actifs risqués.

Du fait des dérives que les mesures non conventionnelles, combinées à l’existence
du canal de la prise de risque, peuvent entrainer, leur efficacité doit s’inscrire dans
une règle (Bastidon et al., 2012) pour que la reprise soit encouragée par une
gestion de crise appropriée, ce qui souligne l’intérêt des stratégies de sortie de
crise dans le cadre du nouveau business model.

L’idée de Bastidon et al. (2012) est de formuler une fonction de réaction des
Banques centrales incluant les tensions sur les marchés financiers. Ils formalisent
ainsi une règle d’action permettant de quantifier les achats d’actifs par les
Banques centrales sur différents marchés, compte tenu du besoin de financement
public. La demande de titres de la part de la Banque centrale, dont le volume
dépend de la situation initiale des finances publiques, du niveau initial des taux
d’intérêt directeurs, et de la connexion entre le marché interbancaire et les autres
marchés, constitue alors une réponse à des déficits de liquidité. Plus précisément,
le volume d’achat de titres par la Banque centrale est d’autant plus important que
les déficits publics sont élevés (achat de titres de dette publique), que le niveau

97
initial des taux d’intérêt directeur est bas (si le niveau des taux initial est élevé,
leur abaissement sera efficace), et que la connexion entre les marchés est forte.

Les choix du secteur bancaire, consécutifs à une impulsion de politique monétaire,


favorisent les actifs risqués en phase ascendante et les valeurs refuges en phase
descendante, aboutissant à une éviction du crédit productif quel que soit l’état du
cycle. La crise actuelle constitue une bonne illustration à la fois de la montée des
risques précédant la crise et de la fuite vers la qualité qui suit. Mais son caractère
particulier impliquant une crise de la dette souveraine relativise le caractère
« valeur refuge » des bons souverains.

Confrontés à une crise du système bancaire, les Etats les plus fragiles ont vu leur
coût de financement augmenter, ce qui s’est traduit par une hausse du taux
d’émission de leurs emprunts, à l’instar des emprunts obligataires grecs. Par
conséquent, le titre grec a cessé d’être considéré comme une obligation souveraine
dite « sûre ». Les investisseurs ont donc arbitré entre les titres souverains au sein
de la zone Euro.

« Dès le 22 avril 2010, la prime de risque que les investisseurs exigeaient pour
détenir de la dette grecque plutôt que des obligations allemandes s’élève à six
points de pourcentage (600 points de base), soit un écart jamais atteint.
L’anticipation d’un phénomène de contagion au sein de la zone euro a alimenté la
hausse des taux irlandais et portugais dès mai 2010. » (Banque de France, 2012).

Etant donné l’aversion pour les titres grecs, irlandais ou portugais, illustrée par la
hausse des spreads (Graphique 5), les investisseurs, à la recherche d’une qualité

98
de signature, se sont tournés vers les titres allemands et français, qui présentent
des taux d’intérêt très bas, voire négatifs.

Graphique 5 : Spreads 10 ans des titres souverains (pays dits sous tensions)

Source : Banque de France (2012), tiré de Bloomberg

Par ailleurs, au sein des pays bénéficiant d’une meilleure qualité de signature,
l’écart se creuse également, témoignant d’une certaine aversion au risque.
« Depuis début 2007, le spread France/Allemagne a connu des évolutions
contrastées attestant de tensions certaines. Dès janvier 2009, cet écart dépassait
le seuil des 50 points de base avant d’atteindre les 60 points de base en mars
2009, les investisseurs distinguant la qualité de crédit des deux pays. Après une
période de relative stabilité entre mi-2009 et mi-2011, l’écart évoluant dans une
fourchette comprise entre 20 et 50 points de base, le spread entre l’OAT 10 ans et
le Bund a enregistré une hausse rapide à partir du mois d’août 2011, avant de
refluer vers 100 points de base fin 2011. Néanmoins les taux à l’émission de
l’Allemagne et de la France ont atteint des niveaux historiquement bas en raison

99
d’un mouvement de fuite vers la qualité (flight to quality) » (Banque de France,
2012). Dans ce cadre de tensions à la fois sur le secteur bancaire mais également
sur les dettes souveraines, la fuite vers la qualité témoigne d’une volonté des
investisseurs de se réfugier vers les titres qu’ils considèrent sûrs, à l’instar des
titres allemands, ou vers des titres jugés relativement moins risqués par rapport
aux autres, comme les titres français.

Si la fuite vers la qualité de la part des investisseurs en général se fait en faveur


des Bonds allemands, celle du secteur bancaire, et en particulier des banques qui
optaient pour du financement à court terme, prend une autre forme. En effet, ces
dernières, étant davantage affectées par la crise de la dette souveraine, cherchent
des sources de financement plus stables et de maturité plus longue. Par
conséquent, l’impact d’une crise de ce type (4ème génération) sur les choix
bancaires témoigne d’une fuite vers la qualité favorisant, en plus des titres
souverains bénéficiant d’une bonne qualité de signature, des sources de
financement plus stables, à l’instar des facilités de dépôts.

100
En définitive, les notions de persistance et d’amplification se retrouvent à la fois
dans le caractère instable du système financier et dans les canaux de transmission
de politique monétaire. En effet, les banques agissent de manière procyclique et
leurs comportements constituent une variable endogène lorsqu’il s’agit d’évaluer
la prise de risque conduisant à l’instabilité financière. De plus, le phénomène est
amplifié dès lors que les banques réagissent aux impulsions de politique
monétaire qui peuvent constituer une contrainte ou un signal permettant des choix
risqués. Ces canaux de transmission agissent particulièrement de manière
amplificatrice dans le cadre du nouveau business model dans lequel s’inscrivent
les banques, et ce d’autant plus que les normes comptables autorisent une grande
volatilité des prix d’actifs.

Par ailleurs, si des solutions existent pour répondre à la réalisation des risques, à
l’instar des politiques monétaires non conventionnelles, ces mesures peuvent
favoriser des arbitrages non favorables à l’activité traditionnelle de crédit, dès lors
que les taux d’intérêt sont too low for too long.

101
SECTION 2.2 IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE MONETAIRE

102
L’importance des nouveaux canaux de transmission de la politique monétaire et
leurs conséquences sur la prise de risque impliquent de s’interroger sur la
modification et/ou l’articulation de la politique monétaire par rapport à la règle
traditionnelle en intégrant l’instabilité financière. L’incidence des prix d’actifs sur
le risque de formation de bulle soulève la question de leur intégration dans la règle
de politique monétaire. Nous verrons, dans cette section, que cette question fait
l’objet d’un large débat qui ne trouve pas de consensus.

Par ailleurs, dans de nombreux modèles théoriques, le canal de la prise de risque


est appréhendé dans l’optique de réduire son importance. Nous verrons que la
politique monétaire ne peut se soustraire de la prise en compte d’une politique
réglementaire macroprudentielle. En outre, alors que la réglementation tient déjà
compte de la solvabilité des banques comme condition à la stabilité financière,
d’autres éléments, à l’instar de la liquidité, doivent être considérés. Notons que les
recommandations de Bâle III vont dans ce sens. La procyclicité des activités
financières est également un paramètre qui mérite d’être intégré ainsi que
l’étendue de la supervision à tous les acteurs financiers, donc à l’intégralité du
bilan des institutions financières (incluant le hors-bilan).

103
2.2.1 La politique monétaire en question : une règle de Taylor augmentée des prix
d’actifs ?

Les décisions des banques peuvent causer la hausse de l’instabilité financière en


provoquant une augmentation rapide et brutale des prix d’actifs. Quel que soit
l’état de la nature, le risque de bulle spéculative est présent. La bulle formée sur
un actif est définie par la déviation durable de son prix par rapport à sa valeur
fondamentale29, résultant des anticipations auto-réalisatrices des agents
(Blanchard et Watson, 1982). Cette dernière peut se former sur les actifs
financiers risqués ou sur les actifs non risqués selon la phase du cycle. Au-delà du
danger que représente la formation d’une bulle, le résultat des deux phénomènes
est un délaissement des actifs économiques, qui sont pourtant indispensables à la
poursuite de la croissance économique. L’enjeu est donc de réfléchir au rôle de la
politique monétaire dans les mécanismes de choix de portefeuille des banques
dans une optique de régulation ayant pour objectif le lissage du cycle, soit une
minimisation de la volatilité des prix d’actifs dans les phases ascendante et
descendante du cycle.

La Banque centrale a pour objectif la maximisation du bien-être collectif, en


maximisant la croissance économique et en minimisant l’inflation. La question est
de savoir si la deuxième composante s’apparente aussi à une minimisation du
risque de bulle spéculative, auquel cas il est nécessaire d’intégrer les prix d’actifs.
Ayant connaissance de l’impact que peuvent avoir des mouvements de prix
d’actifs sur la sphère réelle, il est légitime de s’interroger sur le rôle de la Banque
centrale quant à la volatilité des prix d’actifs (Bernanke et Gertler, 1999). Se
préoccuper du rôle des Autorités dans la maximisation du bien-être collectif
nécessite alors d’intégrer les questions relatives aux bulles. Nombreux sont ceux

29
La valeur fondamentale d’un actif est le prix intrinsèque de cet actif lié aux fondamentaux sur
les marchés. Concernant par exemple une action, la valeur fondamentale correspond à la somme
actualisée des dividendes futurs.

104
qui ont essayé de répondre à de telles interrogations, cependant, la question reste
fortement controversée.

Jusqu’à présent, pour satisfaire sa fonction objectif, la Banque centrale utilise la


règle de Taylor spécifiant une cible d’inflation et d’output gap à respecter, telle
que :

( ) ( )

Avec le taux d’intérêt directeur fixé par la Banque centrale, le taux


d’inflation, le taux d’intérêt réel, la cible d’inflation, le Produit Interieur
Brut (PIB) et le PIB potentiel. ( ) représente ce que l’on appelle l’output
gap. et . Cette règle permet de calculer la valeur optimale à fixer
pour le taux directeur de la Banque centrale. Notons que la Fed et la BCE
affectent des valeurs différentes à leurs coefficients et , puisque l’objectif de
la BCE est la stabilité des prix alors que la Fed accorde autant d’importance à
cette dernière qu’au « plein emploi » et ajoute même un troisième objectif de
maintien des taux d’intérêt de long terme modérés. Si la conduite de la politique
monétaire devait intégrer les prix d’actifs de manière explicite, cela reviendrait à
augmenter de ces derniers la règle de politique monétaire conventionnelle.

Une telle modification de la règle de Taylor est appréhendée de différentes


manières. D’un côté, certains tentent de prouver qu’il est optimal d’ajouter les
prix d’actifs dans les règles de politique monétaire (Cecchetti, 2000 ; Filardo,
2001). Se basant sur la théorie d’Alchian et Klein (1973), ces derniers préconisent
de modifier les mesures d’inflation et d’y ajouter les prix des logements et les
valeurs boursières. Les prix d’actifs, reflétant les anticipations des agents privés,
contiennent de l’information sur l’inflation future et peuvent constituer un bon
indicateur de prévision (Filardo, 2000).

105
Compte tenu de ses arguments en faveur de la prise en compte des prix d’actifs
dans la politique monétaire, Filardo (2001) construit un modèle macroéconomique
de politique monétaire incorporant les bulles de prix d’actifs. Il s’agit d’un modèle
standard de politique monétaire qui inclut l’output et l’inflation. L’output est
représenté par la fonction IS et l’inflation par la courbe de Phillips à laquelle est
ajoutée une variable de bulle de prix d’actifs. Se basant sur le fait que les prix
d’actifs affectent le revenu national via l’effet richesse (pour la consommation) et
le coût du capital (pour l’investissement), l’inflation des prix d’actifs impulse la
demande agrégée. Mais cette influence mérite d’être contrôlée.

En pratique, la Banque centrale ajuste le taux d’intérêt pour minimiser une


fonction de coût en termes de variance de revenu national et d’inflation. La règle
de politique monétaire optimale est celle qui minimise au plus cette fonction.
Répondre aux bulles de prix d’actifs revient à s’approcher au mieux de la règle
optimale. Ceci est valable même s’il est impossible de distinguer la partie
fondamentale de la partie « bulle » des prix d’actifs.

La fonction objectif de la Banque centrale peut être atteinte lorsque l’on cible le
revenu national, l’inflation et l’inflation des prix d’actifs. Par contre, utiliser les
taux d’intérêt pour agir peut être couteux. L’utilisation des taux dépend de
l’arbitrage fait par la Banque centrale entre volatilité des taux, qui représente un
coût, et les bénéfices de l’information obtenue grâce aux prix d’actifs. D’après son
modèle, Filardo (2001) simule un choc de taux d’intérêt sur deux règles de
politique monétaire : la première tient compte de l’output et de l’inflation, la
deuxième y ajoute l’inflation des prix d’actifs. Ses résultats montrent que la règle
qui inclut les prix d’actifs est la plus proche de la règle optimale, soit la règle qui
minimise le plus la fonction de perte de la Banque centrale (relativement à la
stabilité des prix et de l’output). Il explique ces résultats par le pouvoir informatif

106
des prix d’actifs : si une variable économique fournit de l’information sur l’état de
l’économie, le preneur de décision, ici l’Autorité monétaire, en bénéficie. Ceci
étant, l’intégration des prix d’actifs dans la règle de politique monétaire dépend du
degré de certitude de la Banque centrale vis-à-vis du contenu de l’information
qu’ils peuvent apporter. L’Autorité monétaire n’est, en effet, pas certaine du rôle
des prix d’actifs dans l’économie, n’étant pas sûre qu’ils reflètent les
fondamentaux économiques. Par conséquent, le modèle tient compte de cette
incertitude et des probabilités,30 concernant à la fois leur rôle et la perception de
leur rôle par la Banque centrale, sont associées. La fonction de perte de la Banque
centrale est ensuite évaluée et les résultats, d’après simulations, fixent la
probabilité en dessous de laquelle l’incertitude de la Banque centrale est telle
qu’elle ne préfère pas tenir compte des prix d’actifs dans sa règle à 0.60 31.
Autrement dit, si les Autorités sont sûres à au moins 60% que l’intégration des
prix d’actifs dans la règle la rend optimale, elles préfèrent répondre aux prix
d’actifs, dans le cas contraire, elles préfèrent s’abstenir.

D’un autre côté, même si pour d’autres (Bernanke et Gertler, 1999), les prix
d’actifs méritent d’être analysés puisqu’ils sont fortement liés à l’économie réelle,
ils ne doivent pas être intégrés dans une règle de politique monétaire optimale.
Les Banques centrales doivent considérer la stabilité des prix et la stabilité
financière comme des objectifs complémentaires. Cependant, la meilleure
solution, pour atteindre ces deux objectifs, est un régime de ciblage d’inflation
flexible sans prise en compte de la variable prix d’actifs, le but étant d’atteindre
un niveau spécifique d’inflation sur le long terme pour stabiliser les prix et une

30
Les probabilités associées sont les suivantes : la probabilité que les prix d’actifs
reflètent les fondamentaux, celle qu’ils ne les reflètent pas, la probabilité que
l’Autorité monétaire croit que les prix d’actifs reflètent les fondamentaux et la
probabilité qu’elle n’y croit pas.
31
Filardo (2001) simule (calibration de son modèle théorique) différentes probabilités
(0, 0.10, 0.20, …, 1) et les associe aux bénéfices et coûts attendus de l’Autorité
monétaire à répondre aux mouvements des prix d’actifs : en dessous (dessus) du seuil
de 0.60, les bénéfices attendus par la Banque centrale à répondre aux prix d’actifs sont
inférieurs (supérieurs) aux coûts.

107
cible de court terme plus flexible, limitant les anticipations donc la formation de
bulles (mais allant de pair avec une hausse de l’incertitude).

Bernanke et Gertler (1999) intègrent l’influence des bulles sur l’économie réelle
dans un modèle dynamique en comparant différentes règles de politique
monétaire : avec prix d’actifs versus sans prix d’actifs, politique accommodante
versus politique agressive. Partant, ils montrent, dans un premier temps, que si la
Banque centrale répond aux mouvements des prix d’actifs, une politique
monétaire agressive est plus efficace qu’une politique accommodante, qui
comporte un effet pervers en termes de réduction de l’output gap. Cependant, ils
comparent également une règle avec prix d’actifs et une règle sans prix d’actifs et
trouvent que la politique monétaire la plus efficace sur les effets des mouvements
des prix d’actifs est encore celle qui ne les prend pas en compte et qui ne
considère pas le cycle. En effet, cibler les prix d’actifs en phase ascendante
pourrait, par exemple, limiter l’impact bénéfique d’un boom technologique sur la
croissance économique.

Eu égard à l’exposition de l’économie réelle au risque d’une forte contraction due


à l’éclatement d’une bulle de prix d’actifs, l’absence de réponse d’une Banque
centrale pourrait entraîner un certain nombre de conséquences préjudiciables.
Nous soulevons ici le rôle du Prêteur en Dernier Ressort en termes de réduction de
coût durant la période de dépression (Kindleberger, 1978). Dans ce cadre, la
réponse aux prix d’actifs est exceptionnelle et se fait exclusivement en phase
descendante du cycle. L’idée est donc d’agir dans l’urgence et, de manière
générale, cibler l’inflation sans référence explicite aux prix d’actifs (Bernanke et
Gertler, 1999). Mais préconiser seulement une réponse à un burst par
assouplissement quantitatif et pas au boom, sous prétexte qu’il est difficile de
reconnaitre la formation d’une bulle, représente une asymétrie dommageable
(Roubini, 2005). Le manque de symétrie dans la réponse peut entraîner des bulles

108
d’actifs répétées et intenses. De plus, il encourage l’aléa moral puisque la
formation de la bulle est permise et les Autorités donnent l’assurance du
sauvetage en cas d’éclatement. Il est donc important, au-delà du ciblage, d’être
sensible aux prix d’actifs quelle que soit la phase du cycle.

Le modèle de Bernanke et Gertler (1999) est repris (Cecchetti et al., 2000) et


utilisé pour faire davantage de simulations de politique monétaire. L’output gap,
mis de côté dans les simulations de Bernanke et Gertler (1999), est réintégré et les
résultats sont clairement différents. Pour Cecchetti et al. (2000), il est préférable
de répondre systématiquement aux prix d’actifs. Notons qu’ils envisagent une
réponse aux bulles et pas seulement aux prix d’actifs considérés avec leur valeur
fondamentale. Bernanke et Gertler (2001) apportent alors quelques modifications :
ils réintègrent l’output gap, font davantage de simulations que dans leur précédent
modèle de 1999 et considèrent deux chocs différents, un choc de bulle (hausse de
25-30% des prix relativement à leur valeur d’équilibre) et un choc technologique
(déviation de 1% de la productivité globale des facteurs). Ils aboutissent aux
mêmes conclusions que celles de leurs précédentes simulations, soit une meilleure
efficacité de la politique monétaire sans prise en compte des prix d’actifs.

Il apparait donc qu’une réponse per se de la politique monétaire aux bulles est
très controversée. Le principal argument à son détriment concerne la difficulté et
le coût de l’identification d’une bulle (Mishkin, 2008). De plus, le taux d’intérêt
représentant le principal outil d’intervention est un instrument non souhaité
puisqu’il n’agit pas sur tous les actifs de façon homogène. Il est souvent préféré
une politique réglementaire et de supervision. Par ailleurs, l’attention doit être
différente selon les types d’actifs. Les bulles de prix d’actifs sont différentes et ne
représentent pas toutes le même niveau de « danger ». Par exemple, une bulle des
valeurs technologiques et une bulle d’actifs financiers risqués ne présentent pas
les mêmes caractéristiques. La première n’est pas alimentée par une interaction

109
entre prêts bancaires et appréciation des cours boursiers. Par conséquent, son
éclatement n’implique pas directement et nécessairement de détérioration des
bilans bancaires.

A contrario, un essor du crédit, qui s’amorce en raison de perspectives


économiques et d’« anticipations exubérantes », accroit la demande donc les prix
de certains autres actifs. Cette appréciation encourage l’accord de nouveaux prêts,
entretient davantage la hausse des prix et alimente la bulle jusqu’à ce qu’elle
éclate. La chute des prix et les ventes précipitées qui suivent l’éclatement ont,
dans ce cas, une forte incidence sur la dégradation des bilans des banques. Selon
Mishkin (2008), il faut alors appréhender, de manière préventive, les bulles
d’actifs de manière différenciée.

Bordo et Jeanne (2002) partagent la même idée mais nuancent le choix de


politique monétaire en intégrant les probabilités subjectives des agents privés.
Pour eux, la règle de Taylor est insuffisante même si elle prend en compte les prix
d’actifs. Les liens entre prix d’actifs, instabilité financière et politique monétaire
étant non linéaires, il faut introduire la notion de risque. Ils incluent alors les
probabilités subjectives des agents, c’est-à-dire leur sensibilité à être dans un état
euphorique, intermédiaire ou pessimiste. En parallèle, ils considèrent deux façons
d’intervenir : une politique réactive, c’est-à-dire qui intervient dès qu’un
évènement se produit, et une politique préventive, qui agit en amont pour lutter
contre l’apparition d’un phénomène32.

32
Cette distinction se retrouve dans Kohn (2009) qui différencie une politique de ciblage
d’inflation conventionnelle et une politique qu’il nomme « extra action » qui consiste à rétrécir la
cible d’inflation pour limiter l’apparition d’une bulle. Cette dernière ne peut s’effectuer que si trois
conditions sont remplies. Dans un premier temps, la Banque centrale doit pouvoir identifier les
bulles. Ensuite, sa politique doit avoir une forte probabilité d’apporter un gain ou du moins une
réduction de perte en termes de croissance. Enfin, elle doit permettre une amélioration de sa
performance.

110
A l’aide d’un modèle dans lequel les agents font une optimisation intertemporelle
pour maximiser leur fonction d’utilité, Bordo et Jeanne (2002) croisent les
différents scénarii et déterminent la politique optimale. Leurs résultats montrent
que l’optimalité de la politique monétaire dépend des probabilités subjectives des
agents. Lorsque le pessimisme l’emporte, la règle de Taylor est moins coûteuse
qu’une politique préventive car il n’y a pas de risque d’emballement (notons
qu’ils raisonnent sur des actifs risqués). Dans le cas contraire, c’est-à-dire dans un
climat majoritairement optimiste, la politique réactive est également préférée
puisque le sacrifice en croissance est élevé alors que les bénéfices espérés en
termes de prévention du risque systémique sont faibles. C’est lorsque les
probabilités subjectives sont dans l’état intermédiaire que la politique préventive
est justifiée.

La question de l’intégration des prix d’actifs dans une règle de politique monétaire
renvoie donc à un débat entre politique réactive ou préventive (« lean or clean »),
mais les prix d’actifs ne constituent pas la seule variable indicatrice d’instabilité.
Le débat pourrait aussi bien porter sur l’évolution du ratio crédit / PIB (White,
2009) qui rend compte de l’emballement du crédit révélateur de la phase
d’euphorie précédant une crise. Par ailleurs, la croissance du crédit donne
également une information concernant la montée des risques puisque une offre de
crédit supplémentaire signifie davantage d’emprunteurs, parmi eux des mauvais,
donc une hausse du risque de crédit.

Pour résumer, l’incidence des choix bancaires sur le risque de formation de bulle
implique le rôle de la politique monétaire dans la volatilité des prix d’actifs. Une
question centrale est celle d’une « règle de politique monétaire augmentée », soit
l’intégration des prix d’actifs dans la règle de Taylor traditionnelle. Au-delà de
cette question, le débat est centré sur la symétrie de réponse aux mouvements des
prix d’actifs : faut-il une réponse seulement en cas de burst ou aussi lors d’un

111
boom ? Si la réponse, quelle que soit la phase du cycle, est un point qui ne fait pas
l’objet de consensus, une réponse asymétrique, c’est-à-dire seulement en cas de
burst, encourage l’aléa moral, puisqu’elle sous-entend une aide systématique en
cas d’effondrement des actifs (si aucun dispositif de conditionnalité n’est mis en
place). Compte tenu des difficultés de la politique monétaire à intégrer la stabilité
financière dans ses objectifs, d’autres approches sont mises en avant.

112
2.2.2 D’autres prises en compte de l’instabilité financière

Nous connaissons désormais le risque à maintenir des taux d’intérêt trop bas trop
longtemps compte tenu de l’existence de nouveaux canaux de transmission de
politique monétaire et de l’importance des prix d’actifs. Notons que ce danger
dépend de la conjoncture puisque maintenir des taux bas dans le cadre des
politiques monétaires non conventionnelles constitue un élément utile à la reprise
économique. L’aménagement de la politique monétaire reste encore une question
sans réponse comme nous l’avons vu avec le débat persistant autour de
l’intégration des prix d’actifs comme solution au lissage du cycle. Par conséquent,
d’autres éléments doivent être considérés relatifs à la nécessité pour les banques
de détenir un niveau suffisant de capital et de liquidité dans leurs bilans, dans une
optique de résilience aux chocs.

Avant de considérer les différentes solutions de politique monétaire proposées


dans la littérature, il convient de s’interroger sur la mesure de l’instabilité
financière. L’instabilité financière étant définie comme des distorsions
consécutives à un choc sur la sphère financière, nous comprenons que son
observation ne peut se faire que ex post. Or, l’intérêt et le rôle d’une Autorité
régulatrice est de pouvoir mesurer l’instabilité financière ex ante pour la prévenir
(Borio et Drehmann, 2011). Nous avons vu également, que les méthodes
d’évaluation des risques (VaR, Stress tests, …) sont biaisées compte tenu de leur
sous-estimation des risques. Par conséquent, les mesures de l’instabilité financière
ex ante ne suffisent pas. De plus, les méthodes actuelles, à l’instar de la VaR, sont
utilisées par les banques à un niveau individuel, il n’existe pas d’instrument
simple utilisé à un niveau agrégé (Goodhart, 2005).

La mesure de l’instabilité financière n’étant pas clairement définie, l’idée est de


favoriser la stabilité financière en renforçant la résilience des banques à des chocs.

113
Les insuffisances de la règle de politique monétaire justifient alors que de
nombreux auteurs s’interrogent sur l’amélioration des dispositifs prudentiels et la
nécessité de coopération entre politique monétaire et réglementaire.

Nous savons que les banques sont soumises à une réglementation concernant leur
niveau de fonds propres avec l’instauration de Bâle I et Bâle II. Les banques
doivent, en effet, respecter un ratio de fonds propres de référence pour assurer un
certain seuil de solvabilité et de liquidité. C'est ainsi que le « ratio Cooke » (Bâle
I) définit que les fonds propres réglementaires d'un établissement de crédit par
rapport à l'ensemble de ses engagements ne peuvent être inférieurs à 8%. Sont
entendus par « fonds propres réglementaires » le capital au sens strict et des fonds
qui entrent dans du « quasi-capital », soit des titres subordonnés (s'apparentant à
une rente perpétuelle remboursable uniquement en cas de liquidation).

Une autre règle consiste à pondérer les crédits que fait l'établissement par un
pourcentage de risque :

- Pondération à 0% pour les créances sur les pays OCDE. Il s'agit du risque
le plus faible.
- Pondération à 20% pour les créances sur les banques et collectivités
locales des pays du groupe OCDE.
- Pondération à 50% sur les prêts hypothécaires.
- Pondération à 100% pour les crédits accordés aux entreprises ou aux
particuliers et pour les engagements liés au cours de change ou aux taux
d'intérêts. Il s'agit du risque le plus élevé.

Par ailleurs, alors que le ratio Cooke (1974) établit la règle suivante : Fonds
propres > 8% des risques de crédits, le ratio MacDonough (2004) éclaire
davantage sur la qualité de l'emprunteur, donc sur le risque de crédit. En effet,

114
comparativement au ratio Cooke, où la classification des risques se faisait en
fonction de l’origine géographique et de la nature de l’emprunteur, la
réglementation Bâle II affine le calcul du ratio et tient compte des différents
risques inhérents à l’activité bancaire (Lacoue-Labarthe, 2006). Le nouveau ratio,
le ratio Mc Donough, établit que les fonds propres doivent être supérieurs à 8%
des risques de crédit, de marché et opérationnels.

Les principes de la réglementation en fonds propres étant basés sur une telle
classification des risques, interviennent alors les problèmes de sous-évaluation
inhérents au calcul des risques mais également propres à la méthode d’évaluation
attachée à l’exigence en capital (IRB Standards). Les directives de Bâle I ont
permis de définir une norme réglementaire internationale en matière d'exigence de
fonds propres en utilisant un système simplifié d'évaluation du risque ; toutefois,
l'accord s'est heurté à des insuffisances, en particulier sur la mesure du risque de
crédit. La gestion des risques s'appuie principalement sur une mesure quantitative
et néglige la surveillance qualitative et individuelle. Le ratio Cooke ne tient
compte ni de la probabilité de défaut de la contrepartie, ni de son évolution. Il
n'est, de surcroît, pas adapté aux nouveaux instruments financiers. C'est pourquoi
des modifications ont été faites dans le cadre des accords de Bâle II.

L’innovation majeure de Bâle II concerne l’évaluation des risques qui peut se


faire désormais de deux façons. La première méthode est considérée comme
l’approche standard (standardized approach) et se fait par la voie externe. Les
actifs sont pondérés par le risque en fonction de la note attribuée aux
établissements attachés. Les notations sont les suivantes :

115
AAA/AA A+/A- BBB+/BBB- BB+/B- < à B- Sans
notation
Etat 0 20 50 100 150 100
Banques 20 50 50 100 150 50
Entreprises 20 50 100 100 150 100
Source : Lacoue-Labarthe (2006), d’après Commission européenne, 3ème document
consultatif

Notons que la méthode standard est déjà considérée comme procyclique (cf.
infra). Les agences de notation revendiquent, en effet, attribuer des notes
indépendamment du cycle (« through the cycle ») mais, en réalité, se basent sur
les bilans des institutions financières, par nature affectés par le cycle.

La deuxième approche se fait par une évaluation interne (Internal Rating Base,
IRB). Dans ce cadre, les établissements reconnus par l’Autorité de contrôle
peuvent procéder à une démarche interne et intégrer des variables d’appréciation
du risque. Ici, le montant des fonds propres réglementaires est fonction de la
probabilité de défaut, de l’exposition au défaut, de la perte en cas de défaut, de la
maturité effective et de la corrélation entre la valeur des actifs et le facteur
commun de risque. L’approche IRB est davantage sensible au risque, impliquant
alors plus de procyclicité.

Goodhart et Segoviano (2004) comparent les méthodes standards et internes avec


une troisième méthode (Improved Credit Risk Method) qu’ils ont élaborée, qui
consiste à modéliser des changements de qualité de crédit affectant le risque de
portefeuille. Pour les comparer, ils testent leur procyclicité sur un échantillon de
trois pays qu’ils ont choisis volontairement éloignés du point de vue géographique

116
pour tenir compte d’expositions aux risques différentes ; les Etats-Unis, la
Norvège et le Mexique de 1988 à 2001. Leurs résultats confirment que la méthode
IRB est la plus procyclique.

Compte tenu de la procyclicité inhérente à l’application des règles de Bâle II et de


l’importance de la sous-évaluation des risques révélée par la crise actuelle, le
Comité de Bâle a modifié une nouvelle fois ses directives dans le cadre de Bâle
III. L’exigence de fonds propres est alors revisitée et la nécessité d’introduire un
matelas contracyclique est introduite.

Encadré 9 : Les recommandations de Bâle III

Les accords de Bâle III (2010) proposent un certain nombre de réajustements


(qui doivent être testés en pratique entre 2013 et 2019) concernant les
exigences de fonds propres et des nouveautés, notamment l’instauration de
ratios de levier et de liquidité. Les propositions sont les suivantes :

 Le niveau exigé des fonds propres est augmenté. Alors que Bâle II
préconisait une exigence à hauteur de 4% du Tier One, le ratio est élevé
4.5% du Tier One auquel est ajoutée une exigence de 2.5% pour la
constitution d’un « coussin de conservation », soit 7% au total pour le
Tier one.

 Un coussin contracyclique doit être constitué dans une fourchette de 0


à 2.5% du Tier One en fonction du jugement que font les Autorités sur
la « croissance du crédit ». « The purpose of the countercyclical buffer
is to achieve the broader macroprudential goal of protecting the
banking sector in periods of excess aggregate credit growth » (BIS,
2011).

 Les exigences de capital doivent également se baser sur le Trading


Book, incluant certains types d’actifs titrisés jugés « complexes », et
des produits dérivés. Ce point reste une recommandation sans ratio

117
clairement établi. Par ailleurs, l’évaluation des risques se base sur une
nouvelle méthode : la « Stressed VaR33 » basée sur une période 12 mois
de « significant financial stress ».

 Les banques seront contraintes à respecter également un ratio de levier


(fonds propres / dettes). Les premières recommandations le fixent à 3%
sans pondération du risque.

 Une nouvelle exigence portera aussi sur la liquidité avec la création de


deux ratios. Un ratio de liquidité à court terme (LCR : Liquidity
Coverage Ratio) oblige les banques à détenir des « actifs liquides de
haute qualité », définis comme devant être liquides en période de stress
et éligibles par la Banque centrale, pour faire face à 30 jours de
tarissement de la liquidité. Un ratio de liquidité de long terme (NSFR :
Net Stable Funding Ratio) constitue une incitation à détenir des
sources de financement de long terme pour faire face à une situation de
crise durant 1 an.

Si Bâle III aborde la contracyclicité dans l’optique de lisser le cycle, de nombreux


travaux soulignent également sa nécessité mais également celle d’un cadre
macroprudentiel bien établi.

A partir d’un modèle théorique qui intègre des indicateurs de risque de bilan,
N’Diaye (2009) analyse les liens entre sphères monétaire, financière et réelle, et
en particulier les effets d’amplification inhérents à l’imbrication de ces sphères.
Pour mettre en avant le rôle de la régulation macroprudentielle contracyclique
dans le lissage du cycle, il simule une hausse exogène de la demande domestique
et compare les sentiers de l’output et des prix d’actifs avec ou sans régulation
contracyclique. Ses résultats confirment que la politique macroprudentielle

33
La méthode Stressed VaR repose sur la même méthodologie que la VaR, soit l’estimation du
montant des pertes maximales atteintes avec une probabilité donnée sur un horizon temporel
donné, toutefois l’horizon n’est pas d’un jour (ou 10 jours) mais d’un an. La durée peut être
inférieure à 12 mois dans la mesure où on identifie un évènement de « stress » pour le portefeuille
considéré.

118
contracyclique peut aider à réduire les fluctuations d’activité et les risques liés à
l’instabilité financière. Si les ratios de capital contracycliques viennent compléter
la politique monétaire traditionnelle, les objectifs fixés concernant l’output gap et
l’inflation peuvent être atteints avec moins de variations de taux d’intérêt.

Un autre modèle théorique analysant le canal de la prise de risque (Agur et


Demertzis, 2012, cf. infra) a également pour conclusion la nécessité de la
politique monétaire de s’associer à la régulation macroprudentielle. Ce modèle
tient compte du comportement des banques à partir de signaux de politique
monétaire, en termes de choix sur la hausse du levier et au profit de quel type
d’actifs (risqués versus moins risqués). Le canal de la prise de risque est mis en
exergue puisqu’ils montrent qu’une baisse des taux d’intérêt favorise la hausse du
levier et la prise de risque. Partant, une hausse des taux d’intérêt peut réduire la
prise de risque excessive mais, d’après leur modèle, cela est possible seulement si
le levier des banques est modéré par rapport à la taille du bilan. La capacité de la
politique monétaire à limiter la prise de risque ne fonctionne alors que si un
régulateur s’y associe. Par ailleurs, une exigence de capital pondérée des risques
du type Bâle II est efficace si l’information est parfaite, mais le signal reçu par le
régulateur sur le choix des banques est imprécis. Par conséquent, le régulateur
prudentiel ne peut pas agir seul mais en coopération avec la politique monétaire.

Le taux d’intérêt comme seul outil de politique monétaire ne permet pas


d’atteindre les objectifs fixés vis-à-vis de l’output gap, de la stabilité des prix et
de la stabilité financière, d’où la nécessité du recours à la politique
macroprudentielle. « Le macro-prudentiel devient ainsi le chaînon qui manquait
jusqu’ici entre politique monétaire et supervision micro-prudentielle » (Betbèze et
al., 2011). Mais cette politique doit se faire en coopération avec les missions de la
Banque centrale pour mettre fin à la séparation des deux objectifs nuisible à
l’efficacité d’action. Le danger de cette séparation réside dans le fait que les

119
objectifs de stabilité monétaire d’un côté et financière de l’autre peuvent avoir des
relations « d’interdépendance tantôt convergentes, tantôt conflictuelles, qui
empêchent de subordonner ces deux missions l’une à l’autre ». La proximité entre
Banques centrales et superviseurs prudentiels peut alors être améliorée par « un
réseau d’informations commun, une gouvernance partagée, la consultation d’une
autorité indépendante de protection des consommateurs de services financiers ou
encore sa participation aux réunions des comités de pilotages des autorités en
charge de la stabilité financière » (Ibidem, 2011).

Centrer la réglementation sur les problèmes de solvabilité n’est pas suffisant


puisque nous savons que solvabilité et liquidité sont deux éléments très liés. Par
ailleurs, la prise de risque est connectée à la liquidité puisqu’elle est consécutive à
une politique monétaire expansionniste trop durable (Borio et Zhu, 2008). Mais,
une fois les risques concrétisés, la crise de liquidité nécessite des taux bas pour
limiter les effets récessifs. En clair, des taux bas trop durables favorisent la prise
de risque donc une probabilité accrue de crise, qui, une fois réalisée, nécessite des
taux bas. Ce type de politique monétaire non conventionnelle favorise alors la
prise de risque, d’autant plus que les banques anticipent la baisse des taux,
favorisant également l’aléa moral. L’idée est donc d’introduire une régulation de
la liquidité ex ante comme complément à l’action du Prêteur en Dernier
Ressort (Cao et Illing, 2011), à l’instar des recommandations de Bâle III.

De plus, il s’agit alors d’établir un cadre réglementaire macroprudentiel (Borio,


2011) mais également de l’appliquer à toutes les institutions financières et au
hors-bilan pour éviter les arbitrages préjudiciables à l’activité réelle. Ce cadre doit
considérer la taille des bilans et l’épaisseur du matelas nécessaire selon la phase
du cycle dans l’optique de limiter la croissance des prix d’actifs en phase
ascendante et leur baisse en phase descendante.

120
Par ailleurs, certaines institutions, en particulier celles qui utilisent un levier
financier élevé, nécessitent davantage de surveillance ; donc l’établissement d’un
ratio de capital unique et applicable à tous de manière indifférenciée peut être
critiquable, l’idée pouvant être de faire dépendre l’exigence de capital de la
contribution au risque systémique de chaque établissement (Borio, 2011). Après
avoir défini un niveau « acceptable » de risque pour le système, chaque institution
paie pour l’externalité qu’elle impose au système. En pratique, il s’agit de savoir
quel indicateur permettrait d’approcher la contribution au risque systémique. De
plus, l’indicateur sur lequel baser la contracyclicité du ratio de capital et celui du
risque systémique doivent être différents.

Aglietta et Scialom (2010) proposent que l’exigence réglementaire d’un


établissement soit une proportion de l’exigence macroéconomique, et cette
dernière serait une fonction du crédit agrégé excessif. Une méthode pour
approcher la contribution d’une banque au risque systémique pourrait être la
CoVaR qui mesure l’effet de la détérioration de la situation financière d’une
institution sur le risque de pertes extrêmes des autres institutions.

Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur la pertinence de l’indicateur sur


lequel sont basées les recommandations de Bâle III concernant le coussin
contracyclique. La croissance du crédit n’est pas le seul indicateur qui pourrait
prévenir l’instabilité financière. De plus, comment mesurer l’excès de croissance
de crédit ? La déviation des prix d’actifs vis-à-vis des normes historiques ou les
primes de risque pourraient également être considérées. Goodhart (2005) propose
que l’exigence de capital concernant un actif se fasse relativement à l’évolution du
prix de cet actif (par exemple, l’exigence de capital sur les prêts hypothécaires se
baserait sur la hausse des prix du logement). Par ailleurs, la contribution au risque
systémique doit reposer sur un indicateur qui tient compte de la sous-évaluation
des risques inhérente aux méthodes d’évaluation. Les paramètres doivent être

121
estimés sur un cycle complet et pourraient intégrer des estimations faites en
période de crise (cf. Stressed VAR).

Aglietta et Scialom (2010) s’interrogent également sur la pertinence de la


régulation en général. Aborder la question de la régulation et introduire les
externalités en termes de risque systémique est nécessaire mais non suffisant.
Dans un premier temps, il faut réorienter les objectifs à un niveau
macroéconomique et pas seulement se baser sur des exigences de capital calculées
au niveau microéconomique. De plus, toutes les institutions doivent être
concernées. Le Prompt Corrective Action (PCA), qui constitue aujourd’hui une
règle qui s’applique seulement aux petites banques aux Etats-Unis, est un
système riche du point de vue des extensions qu’il permet. Ce système instaure
des pénalités aux banques ayant un ratio de capital détérioré, mais a l’avantage
d’être progressif. L’alerte se déclenche suffisamment tôt pour que les banques
évitent d’être pénalisées et le processus de fermeture n’a lieu que si la
progressivité n’est pas respectée. Partant, d’autres indicateurs peuvent subir le
même principe, à l’instar du ratio de levier et du ratio de liquidité.

Une idée est d’associer un ratio de levier simple à une règle de fermeture des
banques. On entend ratio de levier « simple » comme un ratio que ne serait pas
pondéré du risque mais basé sur les capitaux dans leur totalité pour éviter les
problèmes de sous-estimation des risques entre les différentes actifs. Ce ratio,
associé à un système de sanction progressive, à l’instar de la PCA, limiterait l’aléa
moral puisque les sanctions ayant lieu relativement tôt auraient l’avantage d’être
crédibles (Ibidem, 2010). En phase ascendante, les banques seraient donc
contraintes à lever du nouveau capital ou restreindre la croissance de leur bilan. Si
ces mesures réduisent la profitabilité, elles ont l’avantage d’augmenter la stabilité
financière.

122
Instaurer un ratio de levier simple présente un intérêt dans la mesure où
l’information donnée par les banques au superviseur n’est pas parfaite, les
banques étant incitées à sous-estimer le risque pour minorer leur constitution de
capital. Si le régulateur avait une information parfaite ex ante, le levier serait
superflu, or la véritable information est constatée seulement ex post. Dans ce
cadre, Blum (2008) développe un modèle théorique avec des banques hétérogènes
qui ont le choix entre actifs risqués et non risqués.

L’intérêt de son modèle est de simuler l’impact de différentes impulsions de


politique sur les choix des banques entre actifs plus ou moins risqués. Il considère
alors des mécanismes sans régulation, avec un ratio de capital simple, avec un
ratio de capital pondéré du risque et une situation combinant ratio de capital
pondéré du risque auquel s’ajoute un ratio de levier simple. Après simulations,
aucune méthode ne permet d’éviter les arbitrages des banques en faveur des actifs
risqués et hors-bilan sauf la dernière. Le ratio de levier compense le manque
d’information reçue par le régulateur mais s’applique à toutes les banques sans
distinction de leur profil, d’où l’intérêt d’y associer le ratio de capital pondéré du
risque, qui voit son principal effet pervers (incitation à sous-évaluer les risques)
réduit.

Une autre proposition concernant la réglementation consiste à exiger non pas un


système de capitaux obligatoires mais de réserves obligatoires (Palley, 2004). Le
système de réserves obligatoires basées sur le passif du bilan devient un système
de réserves obligatoires basées sur les actifs. Les Autorités imposent un ratio de
réserves sur chaque type d’actifs détenus par les institutions financières et le
montant des réserves est déposé sans intérêt auprès de la Banque centrale. La
gestion, contrairement au système d’exigence réglementaire de capital, se fait
alors par la Banque centrale, ajoutant à l’objectif de stabilité des prix celui de la
stabilité financière. La constitution des réserves se faisant relativement à

123
l’évolution des prix d’actifs, cette mesure a l’avantage d’être par nature
contracyclique mais nécessite un fort de degré de transparence. Enfin, Goodhart
(dans Betbèze et al., 2011) propose également l’instauration d’une taxe
pigouvienne basée sur la taille du bilan. Mais cette proposition nécessite une
application universelle, donc au niveau mondial, pour éviter les phénomènes de
migrations et d’évasion fiscale.

124
La prise en compte de l’instabilité financière par la politique monétaire implique
un certain nombre d’aménagements à la règle de Taylor traditionnelle. Alors que
certains débattent sur l’intégration ou non des prix d’actifs dans une « règle de
Taylor augmentée », d’autres soulignent l’importance d’articuler politique
monétaire et politique réglementaire macroprudentielle.

Les améliorations proposées de la surveillance réglementaire tiennent compte de


son élargissement à un aspect macroprudentiel avec, par exemple, la prise en
compte du risque systémique dans les exigences réglementaires. Les aspects
contracycliques deviennent également un point central étant donné la procyclicité
inhérente à la sphère financière. Par ailleurs, si la solvabilité reste un point
essentiel, sa relation étroite avec la liquidité nécessite de porter attention à cette
dernière. De plus, quelles que soient les solutions proposées, il est nécessaire de
soulever que toutes les institutions financières doivent être soumises à la
réglementation et les calculs des différents ratios réglementaires doivent inclure le
hors-bilan. Enfin, les différentes propositions s’accordent pour mettre en avant
l’importance d’une association d’une politique macroprudentielle à la politique
monétaire, qui, isolée, peut favoriser des comportements source d’instabilité
financière.

Dans les chapitres suivants, nous choisissons de montrer en quoi les interactions
entre choix de portefeuille et vulnérabilité bancaire et financière dépendent en
grande partie des impulsions de politique monétaire, la principale finalité étant de
montrer en quoi ces choix bancaires se produisent au détriment de l’activité de
crédit quelle que soit la phase du cycle.

125
CHAPITRE III L’INSTABILITE FINANCIERE DES
PAYS FINANCIARISES : UN PHENOMENE DE
LONG TERME ET CYCLIQUE

126
Nous avons vu que l’activité financière et bancaire est aujourd’hui au cœur de
l’instabilité financière. L’occurrence croissante des crises dans ces sphères en
témoigne. Cette tendance est amplifiée par le développement de nouvelles
activités parallèles qui participent à des difficultés d’évaluation favorables à la
montée des risques. Par ailleurs, si l’instabilité financière est présentée comme le
résultat endogène d’une tendance de long terme, ce climat ne se soustrait pas à
son caractère cyclique résultant des interactions du secteur bancaire et des
Autorités par rapport à la conjoncture.

Les nouveaux canaux de transmission de politique monétaire constituent un


élément explicatif de la hausse de l’instabilité. L’objet des prochains chapitres est
de montrer que leur effet sur le secteur bancaire implique une éviction du crédit
productif quelle que soit la phase du cycle impliquant un problème de croissance
et de développement économiques à moyen et long termes. L’évolution des
indicateurs bilanciels de performance et de résilience bancaires ainsi que des
choix de portefeuille constituent les supports de ce résultat. Par ailleurs, nous
verrons, d’une part, que les choix bancaires révèlent des tendances générales
résultant d’un comportement global du secteur bancaire, compte tenu du fait que
le secteur réagit en fonction d’une aversion au risque plus faible en phase
ascendante et plus élevée en phase descendante du cycle. D’autre part, nous
montrerons une différenciation de catégories de banques en fonction des degrés
d’amplitude des éléments bilanciels, étant donné une aversion au risque également
différente au sein du secteur bancaire.

Dans ce chapitre III, nous observerons ces tendances à travers une étude des faits
stylisés. Nous avons choisi d’utiliser des données concernant les banques
commerciales américaines et européennes. Concernant les données américaines,
nous utilisons une base de données du FDIC (Federal Deposit Insurance
Incorporation). Plus précisément, les données proviennent de la section Statistics

127
on Banking et concerne les bilans des banques commerciales sur tout le territoire
américain. Les données européennes proviennent de la base constituée par la BCE
(Statistical Data Warehouse) et concernent les bilans des institutions de crédit de
la zone euro. Nous complétons également l’analyse avec des données provenant
de l’OCDE et de la Banque de France.

Partant de ces données concernant les secteurs bancaires américain et européen,


nous verrons que l’instabilité financière est à la fois le reflet d’une tendance de
long terme et le produit de l’interaction des comportements des secteurs bancaires
et du cycle. En effet, l’instabilité financière est favorisée par les 3D
(Dérèglementation, Décloisonnement, Désintermédiation) qui encouragent la
concentration bancaire observée à la fois aux Etats-Unis et en zone euro et la
hausse de l’endettement, d’autant plus forte que les banques ont la possibilité de
titriser leurs créances. Par ailleurs, le cycle révèle des différences de
comportements bancaires liés à une aversion au risque plus faible en phase
ascendante, qui se manifeste par un endettement encore plus élevé mais également
un ratio de capital moins élevé révélant un besoin de constituer un matelas de
sécurité moins important en phase de croissance.

Ce rapport à l’aversion au risque révèlera aussi des mouvements procycliques


concernant d’autres éléments comme le recours au levier ou la constitution de
provisions pour pertes. L’analyse cyclique met également en évidence des choix
de portefeuille opposés en fonction de la phase concernée. Toujours compte tenu
de la relation au risque du secteur bancaire, on note une préférence collective des
actifs risqués en phase ascendante et un repli collectif vers la qualité en phase
descendante pour les secteurs bancaires américains et européens. La moindre
ampleur des mouvements des montants de crédits accordés par les secteurs
bancaires confirme que les choix bancaires sont défavorables à l’activité de crédit.
Un premier niveau d’étude générale met en exergue des mouvements bilanciels

128
procycliques d’un secteur bancaire dans son ensemble. Les choix prennent une
direction homogène révélant une aversion au risque du secteur bancaire plus ou
moins forte en fonction du cycle. Nous verrons aussi qu’au sein du secteur
bancaire, des catégories de banques se dessinent puisque, si l’aversion au risque
touche le secteur bancaire en fonction de la phase du cycle, elle est plus ou moins
forte compte tenu des caractéristiques d’une banque. Les comportements
bancaires sont alors différents en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent
les banques et notamment en fonction de leur taille (approchée par le montant
total des actifs).

L’étude du secteur bancaire américain nous offre la possibilité de différencier les


évolutions des bilans de trois sous-secteurs, soit des catégories de banques de
tailles différentes, ce qui nous permet de différencier trois types de
comportements bancaires. Cependant, l’effet de la taille des bilans ne nous permet
pas de dresser des conclusions claires à propos de l’effet de la transmission de
politique monétaire sur le secteur bancaire compte tenu précisément de la taille
des bilans initiaux. Nous verrons, en effet, que si nous pouvons observer une
différence de comportement en termes de choix révélateurs d’une aversion au
risque plus ou moins forte selon les catégories en fonction de leur taille, nous
pourrons observer des résultats contradictoires si la taille des bilans constitue la
seule caractéristique bancaire conditionnant les comportements. Cette ambiguïté,
déjà soulignée dans la littérature, justifie alors la nécessité d’introduire d’autres
variables déterminantes dans la formation des catégories, à l’instar de la
capitalisation et de la liquidité. Cette insuffisance sera alors traitée dans le cadre
d’un modèle, dans notre dernier chapitre.

129
SECTION 3.1 L’INSTABILITE FINANCIERE : UNE TENDANCE DE LONG
TERME

130
L’objet de cette section est d’étudier l’évolution de deux secteurs
bancaires d’économies dites financiarisées depuis le début des années quatre-
vingt-dix : le secteur bancaire américain et le secteur bancaire européen.
L’observation de leurs évolutions respectives nous permet d’établir des
conclusions en accord avec la revue de la littérature, c’est-à-dire l’observation
d’une tendance de long terme appuyant la hausse de l’instabilité financière dans
un contexte de globalisation financière. Le développement des innovations
financières et l’accès à de nouveaux marchés favorisent, en effet, la hausse de
l’endettement bancaire, d’autant plus forte que les banques ont désormais recours
à des activités hors-bilan permettant d’augmenter le levier sans contrainte de
capital réglementaire.

131
3.1.1 Le système bancaire américain

Le premier élément observable concernant le secteur bancaire américain est la


baisse du nombre total de banques commerciales. La dérégulation financière,
caractéristique de ces dernières décennies, a largement contribué au phénomène
de concentration bancaire aux Etats-Unis (à l’image des économies financiarisées)
depuis les années quatre-vingts. En effet, le contournement par les innovations
financières, puis l’abolition du Glass Steagal Act de 1933 (imposant une
séparation légale entre banques commerciales et banques d’investissement) par le
Gramm Leach Bliley Act en 1999, a favorisé l’élimination des barrières à l’entrée
dans les services financiers (Kling, 2009). Cette érosion des frontières a favorisé
une baisse du nombre de banques au profit d’une hausse de leur taille, soit une
hausse du montant total de leurs actifs. Notons que lors de la crise, la tendance de
long terme se poursuit avec une accélération des fusions-acquisitions, à l’instar du
rachat de Bear Stearns par JP Morgan Chase et de Merrill Lynch par Bank of
America. Le phénomène est également accentué par les nationalisations de
certaines banques dans le cadre des opérations de sauvetage.

Les données disponibles par le FDIC nous permettent d’étudier le phénomène de


1992 à 2012. Les données bilancielles sont disponibles pour l’ensemble du secteur
bancaire agrégé mais également pour trois catégories de banques. La première
catégorie comprend les banques qui détiennent moins de 100 millions de dollars
d’actifs, la deuxième les banques entre 100 millions et 1 milliard de dollar d’actifs
et la dernière les banques de plus d’un milliard de dollars d’actifs. Les premières
constituent ce que nous appellerons des « banques de petite taille », les secondes
des « banques de taille moyenne » et les dernières des « banques de grande
taille ».

132
Graphique 6 : Concentration du secteur bancaire américain

12000
10000
8000 Nombre de banques
6000 commerciales (Actifs + 1
4000 milliard de dollars)
2000
0 Nombre de banques
01-janv.-92

commerciales (Actifs
01-janv.-94
01-janv.-96
01-janv.-98
01-janv.-00
01-janv.-02
01-janv.-04
01-janv.-06
entre 100 millions et 1

01-janv.-08
01-janv.-10
milliard de dollars)

Source : FDIC, calculs auteur

Le Graphique 6 confirme le phénomène de concentration et nous pouvons


nettement affirmer qu’il est alimenté par la fermeture des « petites banques »
(davantage pendant la crise). En effet, le nombre total de banques entre 1992 et
2012 a diminué de 45%, avec une baisse du nombre des banques de petite taille de
75%, alors que le nombre relatif de banques de taille moyenne et de grandes
banques augmente respectivement de 30% et 35%. Ce phénomène rejoint l’idée
soulevée dans la littérature selon laquelle différentes catégories de banques ont
des comportements différents en termes de choix de portefeuille, de capitalisation
et donc de résilience. Les catégories se dessinent compte tenu de leurs
caractéristiques initiales parmi lesquelles la capitalisation, la liquidité mais aussi
la taille, d’où l’observation de tendances différentes selon que les banques
appartiennent aux catégories « petite », « moyenne » ou « grande » taille.

Le développement des innovations financières et l’accès des banques aux marchés


financiers favorisent également une tendance à la hausse de l’endettement
bancaire, d’autant plus forte durant la phase précédant la crise. Nous faisons
référence ici à l’« hypothèse d’instabilité financière » de Minsky (1982) par

133
rapport à laquelle la phase ascendante du cycle correspond à une montée des
risques aussi bien pour le prêteur que pour l’emprunteur. La hausse de
l’endettement répond à une recherche de profitabilité (cf. Wicksell) et de profit,
justifiant le recours à tous les moyens permettant d’augmenter le levier. En effet,
dans ce cadre, les banques sont moins incitées à s’endetter à des fins productives
dans une optique de hausse du profit et anticipent davantage les rendements des
actifs (la profitabilité étant la différence entre le rendement anticipé de l’actif
risqué et le taux d’intérêt du placement certain ; Gilles, 1992). Cette hausse de
l’endettement est alors d’autant plus marquée avec le recours à la titrisation
compte tenu de la facilité à augmenter le volume d’activité, donc le ROE, pour un
même niveau de fonds propres (Lubochinsky, 2008).

Graphique 7 : Montant total des actifs (en $) du secteur bancaire américain

1,5E+10
1,3E+10
1,1E+10
9E+09
7E+09 Total assets
5E+09
01-mars-02

01-sept.-03

01-mars-05

01-sept.-06

01-mars-08

01-sept.-09

01-mars-11
01-déc.-02

01-déc.-05

01-déc.-08

01-déc.-11
01-juin-04

01-juin-07

01-juin-10

Source : FDIC, Calculs auteur

Sur la période 2002-2008, le montant total des actifs du secteur bancaire


américain a doublé, illustrant à la fois l’euphorie financière et la hausse de
l’instabilité. Notons, par ailleurs, que cette hausse est due à l’augmentation de la
taille des bilans des banques de moyenne et grande tailles, qui compense
largement la baisse du montant des actifs des petites banques liée à leur fermeture.

134
Graphique 8 : Montant total des actifs (en $) des banques commerciales de moins
de 100 millions de dollars d’actifs

250000000

200000000

150000000

100000000

01-mars-04
01-mars-02
01-mars-03

01-mars-05
01-mars-06
01-mars-07
01-mars-08
01-mars-09
01-mars-10
01-mars-11
01-mars-12
Banques de petite taille

Graphique 9 : Montant total des actifs (en $) des banques commerciales entre 100
millions et 1 milliard de dollars d’actifs

1,2E+09

1E+09

800000000

600000000
01-mars-04

01-mars-09
01-mars-02
01-mars-03

01-mars-05
01-mars-06
01-mars-07
01-mars-08

01-mars-10
01-mars-11
01-mars-12

Banques de taille moyenne

Graphique 10 : Montant total des actifs (en $) des banques commerciales de plus
d’1 milliard de dollars d’actifs

1,4E+10
1,2E+10
1E+10
8E+09
6E+09
4E+09
01-juil.-09
01-sept.-07
01-janv.-04

01-oct.-06
01-mars-02

01-nov.-05

01-avr.-12
01-févr.-03

01-déc.-04

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banque de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

135
L’étude différenciée de l’endettement des trois catégories de banques nous éclaire
sur deux tendances. D’abord, le montant des actifs des banques de petite taille
diminue fortement (presque de 100%), mais l’observation du Graphique 6 sur la
concentration du secteur bancaire nous laisse supposer que cette baisse n’est pas
due à un désendettement mais à un effet taille lié à la fermeture de ces
établissements au profit des banques de plus grande taille. Par ailleurs, les
banques de taille moyenne et de grande taille suivent la même tendance, comme
en témoigne la ressemblance des courbes des Graphique 9 et Graphique 10. Cette
tendance est caractéristique à la fois d’une hausse de l’endettement et également
d’un effet taille (marginal) puisque le nombre de banques de moyenne et grande
tailles augmente.

Un tel gonflement du volume d’activité de la part des banques constitue un point


fort de la hausse de l’instabilité financière avant 2007 et nous permet de
comprendre que, si l’instabilité financière est fortement corrélée au cycle, elle a
été favorisée par une tendance de long terme impulsée notamment par le
phénomène des 3D (Dérèglementation, Décloisonnement, Désintermédiation). La
désintermédiation a, en effet, favorisé une hausse des échanges de titres pour
augmenter le capital au détriment de l’activité traditionnelle proposée par les
banques. De plus, la frontière entre les différentes institutions financières n’est pas
étanche du fait du décloisonnement des activités. Enfin, la dérèglementation a
permis une importance accrue des marchés de gré à gré qui ne permettent pas de
contrôle contrairement aux marchés organisés, ce qui impacte clairement
l’instabilité financière du fait de l’augmentation de la non traçabilité des risques.
Compte tenu des effets d’amplification autorisés par la finance globale (Bastidon
et al., 2012), un choc sur un marché peut se propager à tout le système financier
soulignant alors son rôle dans l’instabilité financière. En définitive, l’observation
du secteur bancaire américain confirme l’idée d’une hausse tendancielle de
l’endettement bancaire favorisée par le phénomène de libéralisation financière.

136
3.1.2 Le système bancaire européen

Le système bancaire européen connait lui aussi un phénomène de concentration :


le nombre d’institutions de crédit de la zone euro a diminué de 25% entre 1999 et
2012 (Graphique 11).

Graphique 11 : Concentration du secteur bancaire européen (zone euro)

9000
8000
7000
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0
janv.-07

janv.-08
janv.-99

janv.-00

janv.-01

janv.-02

janv.-03

janv.-04

janv.-05

janv.-06

janv.-09

janv.-10

janv.-11

janv.-12

Nombre d'institutions de crédit

Source : BCE, Calculs auteur

Ce phénomène de concentration s’établit dans un contexte où l’activité de crédit


diminue au profit de la titrisation. A titre d’exemple au sein de la zone euro, la
France connait un phénomène de désintermédiation (Graphique 12), avec un taux
d’intermédiation au sens large34 diminuant d’environ 30% entre le début des
années quatre-vingt-dix et aujourd’hui.

34
Le taux d'intermédiation est la part du financement des agents non financiers
résidents par les institutions financières résidentes. Le taux d'intermédiation au sens
strict correspond à la part des crédits octroyés par les institutions financières dans le

137
Graphique 12 : Taux d’intermédiation financière en France (en % du total des
financements par les agents non financiers résidents)

80
75
70
65
60
55 Taux d'intermédiation au
50 sens strict
45 Taux d'intermédiation au
40 sens large
35
30
juil.-02

sept.-04
janv.-96

mars-98

oct.-05
déc.-94

févr.-97

avr.-99

janv.-09
mai-00
juin-01

août-03

nov.-06
déc.-07

févr.-10
Source : Commission bancaire, Banque de France, Calculs auteur.

Notons que si les taux d’intermédiation diminuent, la distinction du taux


d’intermédiation au sens strict et au sens large révèle une baisse brutale des
accords de crédits par les institutions financières pendant la crise et une légère
compensation par les titres puisque nous savons que le rachat de titres par l’Etat a
été important dans le cadre des politiques monétaires non conventionnelles.

Par ailleurs, la répartition des différents actifs au sein des bilans des
établissements de crédits français fait apparaitre, une distribution en 2007
différente de celle de 1993 en faveur d’une hausse de la part des actifs échangés
avec les institutions financières au détriment des actifs échangés avec les sociétés
non financières (Graphique 13 et Graphique 14).

financement total et le taux d'intermédiation au sens large y ajoute les titres émis par
les agents non financiers et détenus par les institutions financières.

138
Graphique 13 : Répartition du montant des actifs des établissements de crédits
français en 1993

Institutions
financières
1%

Sociétés non Ménages


financières 44%
55%

Source : Commission bancaire, Banque de France, Calculs auteur

Graphique 14 : Répartition du montant des actifs des établissements de crédits


français en 2007

Institutions
financières
8%

Sociétés Ménages
non 50%
financières
42%

Source : Commission bancaire, Banque de France, Calculs auteur

Ainsi, la baisse tendancielle du taux d’intermédiation financière est favorisée par


la diminution du poids relatif des crédits aux sociétés non financières (Boutillier et
Bricongne, 2006). Ceci s’explique, en partie, par le recours accru des sociétés non
financières aux financements de marché.

139
Nous notons par contre que la concentration se poursuit jusqu’en 2007 où elle
stagne (Graphique 11), contrairement aux Etats-Unis où le nombre de banques
commerciales continue à chuter pendant la crise (Graphique 6). Ceci est dû au fait
que le phénomène de concentration au sein de la zone euro résulte d’autres causes
qu’aux Etats-Unis, qui cesseront d’agir pendant la crise. En effet, alors que la
concentration des banques américaines est essentiellement due au contexte qui
suit l’abolition du Glass Steagal Act, la concentration du secteur bancaire
européen est liée aux importantes fusions-acquisition précédant la crise. Les
banques européennes à la recherche de nouveaux revenus ont recours aux fusions-
acquisitions à la fois sur les marchés domestiques mais également en procédant à
des opérations transnationales. Par conséquent, l’arrêt du processus de
concentration en 2007 s’explique par la volonté des banques de « se centrer sur
leurs principaux marchés en délaissant l’expansion transnationale » (OCDE,
2010) étant donné la baisse de leurs fonds propres.

Par ailleurs, le secteur bancaire américain a subi des fermetures en chaine après
2008 avec la chute de Lehman Brothers qui a entrainé la fermeture de nombreuses
banques de « petite taille ». Le secteur bancaire européen a été davantage résilient,
échappant aux fermetures en cascade, d’autant plus évitées par la réaction des
Autorités à l’aide des politiques monétaires non conventionnelles. En effet, dans
le cadre de ces mesures d’urgence, alors que la Fed mentionne que ses actions
visent à rendre les conditions monétaires plus accommodantes de façon à soutenir
l’économie (via la baisse des taux longs, le soutien aux marchés actions, …), la
BCE a pour objectif d’éviter une crise de liquidité, d’aider les banques et ainsi
atténuer le risque de « credit crunch » (Natixis, 2012).

140
En définitive, les phénomènes de concentration, de désintermédiation et l’accès
plus large aux marchés financiers de la part des banques, illustrent l’effet de la
libéralisation des marchés sur le secteur bancaire européen.

Une autre tendance est celle de l’augmentation de la taille des bilans bancaires
européens (Graphique 15). On observe une hausse de presque 90% du montant
total des actifs des établissements de crédit de la zone euro entre début 2002 et le
troisième trimestre 2012.

Graphique 15 : Montant total des actifs (en millions d’euros) des établissements
de crédits de la zone euro

31000000
29000000
27000000
25000000
23000000
21000000
19000000
17000000
15000000
2002Q1

2005Q3
2002Q3
2003Q1
2003Q3
2004Q1
2004Q3
2005Q1

2006Q1
2006Q3
2007Q1
2007Q3
2008Q1
2008Q3
2009Q1
2009Q3
2010Q1
2010Q3
2011Q1
2011Q3
2012Q1
2012Q3

Montant total des actifs

Source : BCE, Calculs auteur

En effet, la croissance importante du montant total des actifs des établissements


de crédit européens, marque la même tendance que le secteur bancaire américain
et conforte la hausse de l’instabilité financière avant la crise de 2007-2008. La
hausse de l’endettement bancaire s’inscrit dans une boucle d’induction à la hausse
(cf. infra) correspondant à l’accélération du crédit, soutenue à la fois par l’offre et

141
la demande qui évoluent positivement avec les prix d’actifs. Cette hausse de
l’endettement est favorisée par un recours au levier important, notamment en
privilégiant le choix d’actifs risqués. Par ailleurs, nous avons vu que les banques
européennes sont motivées par des échanges transnationaux se manifestant, entre
autres, par un nombre croissant de fusions-acquisitions jusqu’en 2007, participant
à la hausse de l’endettement.

142
SECTION 3.2 L’INSTABILITE FINANCIERE COMME PRODUIT DE
L’INTERACTION DES COMPORTEMENTS BANCAIRES ET DU CYCLE

143
Désormais, observons en quoi les comportements, notamment en matière
d’endettement, et leur lien étroit avec le caractère cyclique de l’économie peuvent
être mis en évidence par une analyse bilancielle (cf. Kiyotaki et Moore, 1997). En
travaillant sur la décennie 2002-2012, nous considérons les deux phases du cycle
et la crise. La phase ascendante du cycle est caractérisée par des agrégats
macroéconomiques présentant une tendance favorable, à l’instar du taux de
croissance du PIB et du taux de chômage. A l’inverse, la crise en 2007-2008
amorce une phase descendante de 2007 à 2012 observable par des taux de
croissance bien plus faibles (malgré une remontée en 2010) (Graphique 15) et des
taux de chômage bien plus élevés (Graphique 17) pour l’économie américaine.

144
Graphique 16 : Taux de croissance du PIB (en %), Etats-Unis

4
3
2
1
0
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
-1
-2
-3
-4

GDP Growth

Source : World Bank

Graphique 17 : Taux de croissance du PIB de la zone euro

-2

-4

-6

Taux de croissance du PIB (% annuel)

Source : Banque Mondiale, Calculs auteur

145
Graphique 18 : Taux de chômage (en % de la population active), Etats-Unis

12

10

0
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Unemployment rate

Source : Bureau of Labour Statistics

Graphique 19 : Taux de chômage (en % de la population active) de la zone euro

12
10
8
6
4
2
0

Taux de chômage

Source : Banque Mondiale, Calculs auteur

146
Notons que les taux de croissance du PIB européen sont moins élevés qu’aux
Etats-Unis sur la période, étant donné l’hétérogénéité des pays de la zone euro,
mais nous observons tout de même une tendance à la hausse entre 2002 et 2007
(Graphique 17). A contrario, le taux de croissance est bien inférieur en phase
descendante avec un signe négatif en 2009. L’étude du taux de chômage est moins
révélatrice puisque nous observons des niveaux élevés durant toute la période
avec tout de même une légère hausse après la crise (Graphique 19). La faible
variation du taux de chômage européen relativement à celle du chômage
américain tient compte de la moindre réactivité du marché du travail. Dans la
plupart des pays de la zone euro, sauf l’Espagne, le marché du travail a présenté
une plus forte résistance face à la crise. En effet, les pays européens, et en
particulier l’Allemagne et l’Italie, ont eu un ajustement qui est passé par la
flexibilité interne, c’est-à-dire une adaptation de la durée du travail et/ou de la
rémunération horaire. Au contraire, les Etats-Unis (mais aussi l’Espagne) se
caractérisent par une forte réactivité de l’emploi aux fluctuations de l’activité
(Deryon et Nouveau, 2010). Par conséquent, la baisse de production, dès 2008, a
engendré un ajustement à la baisse des emplois d’où la plus forte augmentation du
taux de chômage américain. In fine, l’évolution des deux agrégats est la même que
pour l’économie américaine, soit la confirmation d’un cycle avec une phase de
croissance de 2002 à 2007, avec une intensification en 2004, et une phase de
récession après 2007.

Le cycle s’observe également à travers l’évolution des taux d’intérêt. D’après la


théorie keynesienne, des taux d’intérêt bas correspondent à une croissance élevée,
on s’attend donc à voir des taux d’intérêt moins élevés en phase ascendante qu’en
phase de récession. C’est effectivement le cas avec des taux d’intérêt directeur
respectivement à 1% pour la Fed et 2% pour la BCE en 2004. Les taux directeurs
américains subissent malgré tout une hausse de 1% à 5,5% entre 2004 et 2006
puis 2007. Cette configuration s’explique, entre autres, par l’épargne provenant du
reste du monde, dont l’effet est de réduire les taux longs (Warnock F. et Warnock

147
V., 2006). La crise de 2007-2008 survient après cette hausse des taux et la phase
récessive est caractéristique de taux d’intérêt très bas, voire nuls, expliqués par
l’existence des politiques monétaires non conventionnelles pour favoriser la
reprise de la croissance.

Partant, l’idée est d’appuyer une approche cyclique des éléments des bilans
bancaires à travers l’observation des données concernant les secteurs bancaires
américain et européen. Dans un premier temps et de manière générale, les chiffres
concernant la taille des bilans confirment l’idée que les mouvements bilanciels
sont procycliques.

D’après le graphique sur le montant des actifs (dettes) du secteur bancaire


américain (Graphique 7), on observe la rupture de 2008. On a, en effet, une hausse
de l’endettement jusqu’en 2008, puis une chute au dernier semestre et une
remontée ensuite, favorisée par les plans de sauvetage mis en place par les
Autorités, en particulier dans le cadre de mesures non conventionnelles. Les
évolutions ainsi décrites sont soutenues par les mouvements des banques de
moyenne et grande taille étant donné les fermetures des établissements de petite
taille. Cette idée rejoint celle du « Too big to fail », où, mis à part Lehman
Brothers (dont la chute a précipité l’aggravation de la crise), les banques
concernées par les faillites sont les plus petites ou encore les moins capitalisées et
les moins liquides (cf. infra), soit les banques les plus susceptibles de basculer
dans l’insolvabilité.

Concernant le secteur bancaire européen, nous pouvons également observer que la


taille des bilans suit un mouvement procyclique. Le Graphique 15 nous confirme
la hausse de l’endettement des établissements de crédit durant la phase précédant
la crise et une baisse ensuite. La baisse du montant total des actifs est contenue

148
compte tenu de la réaction des Autorités, notamment concernant le rachat de ces
actifs. Les Autorités et la BCE en particulier sont intervenues dès le mois d’aout
2007. De manière générale, les plans d’aide ont été d’une très large ampleur. Par
exemple, l’aide des Etats aux institutions financières de l’Union Européenne
(comprenant tous types d’aide comme les garanties, les recapitalisations, etc…)
s’élève, entre octobre 2008 et décembre 2010 à 10,5% du PIB de l’UE (Banque de
France, 2012).

149
3.2.1 Etude de quelques éléments bilanciels

La procyclicité se retrouve aussi dans l’évolution du ratio de capital des deux


secteurs bancaires. Les banques étant moins averses au risque en phase ascendante
du cycle, elles sont susceptibles de constituer un matelas plus faible qu’en phase
descendante où la frilosité des investisseurs nécessite des fonds propres élevés,
synonymes d’un risque d’insolvabilité plus faible. Concernant le secteur bancaire
agrégé, on voit nettement que le ratio de fonds propres tend à diminuer en phase
euphorique et augmenter en phase de repli.

Graphique 20 : Ratio de capital du secteur bancaire américain (en %)

0,12
0,115
0,11
0,105
0,1
0,095
0,09 Ratio de capital
0,085
0,08
01-sept.-06
01-juil.-05

01-mars-10
01-déc.-04

01-avr.-07

01-janv.-09

01-oct.-10
01-févr.-06

01-nov.-07
01-juin-08

01-déc.-11
01-août-09

01-mai-11

Source : FDIC, Calculs auteur35

Après une phase de stabilité puis une baisse du ratio de capital au cœur de la crise
en 2008, engendrée par les pertes massives sur actifs, ce dernier augmente
considérablement à partir du premier trimestre 2009. Selon le rapport du FMI
d’avril 2009, les actifs provenant des institutions financières américaines auraient
été dépréciés à hauteur de 2700 milliards de dollars fin 2010 (FMI, 2009). Ces
dépréciations, renforcées par la valorisation en juste valeur, ont donc affecté
négativement les fonds propres bancaires forçant les banques à recapitaliser

35
Le ratio de capital correspond au total des fonds propres bancaires rapporté au total
des actifs.

150
massivement. La hausse du ratio de fonds propres à partir du troisième trimestre
2009 répond donc non seulement au respect des obligations réglementaires mais
également aux exigences du marché (Plane et Pujals, 2009). Les banques, face à
un risque d’insolvabilité plus élevé, ont à la fois diminué leurs actifs pondérés du
risque et procédé à des recapitalisations, ayant pour conséquence une hausse de
leur ratio de capital. Notons que l’observation du ratio Tier One décrit la même
tendance (Graphique 21).

Notons également que cette tendance post crise est accentuée par les plans de
recapitalisation effectués par les Autorités. De manière générale au sein des pays
fortement financiarisés, les Etats ont, en effet, facilité la recapitalisation bancaire.
Les Etats-Unis, en particulier, ont procédé à des recapitalisations bancaires à
hauteur de 250 milliards de dollars.

Graphique 21 : Ratio Tier One du secteur bancaire américain (en %)

0,14
0,13
0,12
0,11
0,1
0,09
0,08
01-juil.-04

01-juil.-11
01-sept.-05
01-mars-02
01-oct.-02

01-déc.-10
01-mars-09
01-oct.-09
01-mai-03
01-déc.-03

01-févr.-05

01-avr.-06
01-nov.-06

01-janv.-08

01-févr.-12
01-juin-07

01-août-08

01-mai-10

Ratio Tier One

Source : FDIC, Calculs auteur36

36
Le ratio Tier One est obtenu en rapportant le Tier One aux actifs pondérés du risque.

151
En parallèle, le ratio de fonds propres du secteur bancaire européen suit également
les mêmes mouvements (Graphique 22) puisque nous voyons que ce dernier
marque une légère baisse entre 2002 et 2008 et augmente nettement ensuite. Nous
avons un ratio faible lorsque les banques sont peu averses au risque et un ratio
d’autant plus élevé que l’aversion au risque est forte. Par ailleurs, le ratio de fonds
propres connait son plus bas niveau (6,1%) au troisième trimestre 2008, soit au
cœur de la crise, étant donné la contribution de la dépréciation des actifs :

« Selon les données macroéconomiques fournies par la BCE, l’actif total des
institutions financières a diminué de plus de 700 milliards d’euros entre octobre
2008 et mars 2009, soit une baisse de 2,2 % en cinq mois, alors que durant les
cinq mois précédents, la totalité des actifs avait augmenté de 5 %, soit plus de
1500 milliards d’euros. Cela s’est traduit par une contraction des encours de
crédits, particulièrement marquée au niveau des prêts entre institutions
financières mais aussi au niveau des prêts aux ménages et aux sociétés non
financières de la zone euro. L’encours de prêt de ces deux derniers a baissé de
plus de 40 milliards d’euros entre octobre 2008 et mars 2009 alors qu’il avait
augmenté de près de 720 milliards d’euros du début de l’année 2008 à octobre
2008. Le retournement est encore plus marqué du côté des institutions
financières : les encours de prêts aux IFM de la zone euro ont chuté de plus de 7
% de novembre 2008 à mars 2009, alors que ceux-ci avaient augmenté de près de
14 % sur les dix premiers mois de 2008. » (Plane et Pujals, 2009).

152
Graphique 22 : Ratio de capital des établissements de crédits de la zone euro
(en %)

0,08

0,075

0,07

0,065

0,06

0,055
2003Q1

2005Q1

2007Q1

2009Q1
2002Q1
2002Q3

2003Q3
2004Q1
2004Q3

2005Q3
2006Q1
2006Q3

2007Q3
2008Q1
2008Q3

2009Q3
2010Q1
2010Q3
2011Q1
2011Q3
2012Q1
2012Q3
Ratio de capital

Source : BCE, Calculs auteur

La hausse du ratio, dès le début de l’année 2009, connait la même explication que
celle du secteur bancaire américain, soit non seulement un respect des exigences
réglementaires mais également une réponse aux marchés plus exigeants car plus
frileux. La hausse du ratio est également accentuée par les plans de
recapitalisation, puisque la zone euro recapitalise, pendant la crise, les différents
établissements à hauteur de 167 milliards de dollars. D’après la BCE, les
Autorités auraient injecté environ 13% du poste « Capital et Réserves » des bilans
des établissements de crédit de la zone euro dans les institutions financières. Ces
injections représentent, entre le troisième trimestre 2008 et le premier trimestre
2009, 40% des augmentations de capital.

153
Graphique 23 : Ratios de capital comparés des institutions financières de certains
pays de l’OCDE (en %)

12

10

0
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

France Canada
Etats-Unis Espagne

Source : OCDE, Calculs auteur

Notons que le ratio de capital de la zone euro est en moyenne plus faible que celui
des Etats-Unis. Si nous observons l’évolution des ratios de capital des institutions
financières aux Etats-Unis d’une part, et dans les autres pays de l’OCDE d’autre
part, nous voyons une nette différence dans les niveaux (Graphique 23). Nous
avons choisi deux pays de la zone euro représentatifs par leurs niveaux
différenciés, révélant des comportements bancaires bien différents. De plus, nous
avons appuyé l’analyse en ajoutant le Canada qui a un comportement presque
similaire à la France. Nous voyons que les Etats-Unis ont le ratio de capital le plus
élevé, l’Espagne ensuite, puis le Canada, et enfin la France, qui a le ratio de
capital le plus faible. Un élément explicatif de ce type de résultat implique les
comportements bancaires en termes d’accès à la titrisation et donc de la possibilité
de sortir certains actifs du bilan, gonflant artificiellement les ratios de capital. Les
obligations réglementaires de fonds propres peuvent constituer une incitation à
sortir les actifs du bilan grâce à l’émergence du shadow banking system (cf. infra :
regulatory capital arbitrage). L’arbitrage est alors favorable à la hausse du levier

154
et fait apparaitre un ratio de capital plus important qu’il ne le serait avec
intégration du hors-bilan. L’arbitrage réglementaire constitue alors le principal
élément explicatif du ratio de capital plus élevé pour les banques américaines. Le
cas de l’Espagne est différent (Cardone Riportella et al., 2010). C’est peut-être
l’imposition par la Banque d’Espagne, en plus des préconisations de Bâle, de
nombreuses restrictions aux banques, qui tentent de réduire leurs fonds propres en
utilisant la titrisation, qui peut expliquer le ratio de capital des banques espagnoles
relativement plus élevé.

Cette idée se retrouve dans l’observation du ratio de levier de ces mêmes pays. Le
bilan non consolidé du secteur bancaire américain présente, en effet, un ratio de
levier plus faible que les autres, signifiant l’importance du hors bilan non
comptabilisé.

Graphique 24 : Evolution du Ratio de Levier (en %)

30

25

20

15

10

5
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

France Canada Etats-Unis Allemagne Espagne

Source : OCDE

155
De manière générale, les deux secteurs bancaires présentent des ratios de fonds
propres plus faibles en phase ascendante. A contrario, les pertes engendrées au
lendemain de la crise ont eu un effet sur le risque de solvabilité des banques, les
poussant à recapitaliser leur bilan. Un autre élément du bilan témoigne d’une
aversion au risque plus faible (élevée) en phase ascendante (descendante) et met
en lumière des choix bancaires ayant des conséquences procycliques. En effet,
tant que les agents, ici les banques, estiment que la phase du cycle est favorable, la
tendance générale du secteur bancaire révèle une faible aversion au risque à
travers la faible constitution de provisions pour pertes. On s’attend donc à voir des
provisions faibles en phase ascendante du cycle témoignant de l’euphorie des
banques et une hausse brutale après le retournement participant à l’accentuation
de la procyclicité (Graphique 25).

Graphique 25 : Montant total des provisions pour pertes (en $) du secteur


bancaire américain (banques commerciales)

300000000

250000000

200000000

150000000

100000000

50000000

0
01-oct.-02

01-juil.-04

01-sept.-05

01-juil.-11
01-mars-02

01-avr.-06

01-mars-09
01-oct.-09
01-mai-03
01-déc.-03

01-févr.-05

01-nov.-06

01-janv.-08
01-août-08

01-mai-10
01-déc.-10

01-févr.-12
01-juin-07

provisions pour pertes

Source FDIC, Calculs auteur

156
Le montant des provisions pour pertes du secteur bancaire américain suit
effectivement une logique procyclique puisqu’il stagne à un bas niveau durant la
période de croissance et augmente brutalement fin 2007. En définitive, les
comportements des banques concernant les provisions pour pertes sont les mêmes
que pour la constitution d’un matelas de fonds propres, à savoir un faible (fort)
niveau de provisions avant (après) la crise témoignant d’une faible (forte)
aversion au risque.

Le montant des repos (repurchase agreements) détenus par les établissements de


crédit est encore un autre élément à caractère procyclique. Cet instrument
impliquant un engagement sur l’avenir, puisqu’il consiste en la vente de titres au
comptant avec promesse de rachat dans le futur, fait intervenir la confiance, qui
constitue ici un élément clé. Par ailleurs, la prise de pension 37 sous-entend que des
agents souhaitent placer des liquidités en excédent. Par conséquent, cela suppose
que lorsque la crise de confiance est installée en 2008, nous nous attendons à voir
le montant des repos, ici du secteur bancaire européen, chuter.

37
La mise en pension correspond à l’offre de titres et la prise en pension au prêt de
liquidité. La mise en pension est donc impulsée par la partie qui souhaite emprunter
des fonds et qui recherche une contrepartie avec un excédent de liquidités à placer (qui
optera pour la prise de pension).

157
Graphique 26 : Montant des Repos (en millions d’euros) des établissements de
crédit de la zone euro

7000
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0 2006Q3
2002Q1
2002Q3
2003Q1
2003Q3
2004Q1
2004Q3
2005Q1
2005Q3
2006Q1

2007Q1
2007Q3
2008Q1
2008Q3
2009Q1
2009Q3
2010Q1
2010Q3
2011Q1
2011Q3
2012Q1
2012Q3
Repurchase agreement

Source : BCE, Calculs auteur

En effet, la chute des repos est confirmée, dès le deuxième trimestre 2008,
révélant un manque de confiance et appuyant l’idée du tarissement du marché
interbancaire européen, puisqu’entre cet instant et la fin de l’année 2008, le
montant des repos a chuté de plus de 50% et la baisse se poursuit dans les
périodes qui suivent.

158
3.2.2 Choix de portefeuille américains

L’idée récurrente que nous avançons à travers notre revue de la littérature est celle
de l’instabilité financière comme produit de l’interaction du cycle et des
comportements des banques. L’observation des derniers éléments des bilans du
secteur bancaire appuie ce raisonnement, qui sera également conforté par
l’analyse des choix de portefeuille du secteur bancaire, dans un premier temps
américain. Compte tenu de la relation au risque des banques, on s’attend à voir
une préférence pour les actifs dits risqués en phase ascendante du cycle et un repli
vers les valeurs refuges en phase descendante, au détriment des crédits productifs.

Dans un premier temps, nous choisissons d’utiliser le compte « Trading »38 des
données du FDIC pour approcher ce que nous considérons comme des actifs
risqués. Ces derniers, étant échangés sur les marchés, sont concernés, en effet, par
un risque de liquidité bien plus grand, par exemple, qu’un Bon du Trésor, sous
réserve que le pays concerné ne soit pas en défaut. Notons qu’aujourd’hui la
période est singulière dans la mesure où des pays financièrement développés
présentent des difficultés concernant le remboursement de leur dette39.

Concernant le secteur bancaire américain agrégé, les mouvements sont bien


marqués et correspondent à nos attentes théoriques. Durant la phase ascendante
précédant la crise, c’est-à-dire entre début 2002 et le deuxième trimestre 2008, le
montant des actifs risqués augmente d’environ 220% (Graphique 27),
caractérisant un réel boom représentatif de l’« euphorie des affaires » de Juglar

38
Les actifs du compte de Trading (Trading account assets) correspondent aux titres
et autres actifs acquis dans l’intention de revente dans l’optique d’un profit à court
terme (« Securities and other assets acquired with the intent to resell in order to profit
from short-term price movements », FDIC).
39
La Grèce a été placée fin 2012 par Standard and Poor’s en situation de « défaillance
partielle » à un cran du défaut de paiement.

159
(1862). De manière symétrique, la phase descendante, du troisième trimestre 2008
à juin 2012, témoigne d’une baisse de 30% du montant de ces mêmes actifs.

Graphique 27 : Montant total des actifs du « Trading account » (en $) du secteur


bancaire (banques commerciales)

1,1E+09
1E+09
900000000
800000000
700000000
600000000
500000000
400000000
300000000
200000000
01-juil.-04
01-mars-02
01-oct.-02

01-sept.-05
01-mai-03

01-mars-09
01-oct.-09

01-juil.-11
01-déc.-03

01-janv.-08
01-févr.-05

01-avr.-06
01-nov.-06
01-juin-07

01-déc.-10
01-août-08

01-mai-10

01-févr.-12
trading account

Source : FDIC, Calculs auteur.

Le choix massif des banques favorable aux actifs risqués en phase ascendante se
fait au détriment de l’activité traditionnelle de crédit. Si nous observons
l’évolution des prêts40 du secteur bancaire (Graphique 28), on observe la même
logique que pour les actifs risqués, soit une hausse en phase ascendante et une
baisse en phase descendante, mais les mouvements sont moins marqués
soulignant le fait que l’attrait des banques vers les actifs risqués provoque une
éviction de l’activité traditionnelle de crédit préjudiciable à la sphère réelle. Ce

40
Les prêts correspondent au compte « Loan loss allowance » qui contient à la fois les
baux immobiliers et les prêts (prêts commerciaux et industriels, prêts immobiliers,
prêts individuels …).

160
raisonnement se justifie par l’allure de la courbe du Graphique 28 moins
accentuée que celle du Graphique 27.

Graphique 28 : Montant total des prêts (en $) du secteur bancaire (banques


commerciales)

8E+09
7E+09
6E+09
5E+09
4E+09
3E+09
2E+09
1E+09
0
01-sept.-02

01-sept.-03

01-sept.-04

01-sept.-05

01-sept.-06

01-sept.-07

01-sept.-08

01-sept.-09

01-sept.-10

01-sept.-11
01-mars-02

01-mars-03

01-mars-04

01-mars-05

01-mars-06

01-mars-07

01-mars-08

01-mars-09

01-mars-10

01-mars-11

01-mars-12
Net loans and leases

Source : FDIC, Calculs auteur.

En observant l’évolution des prêts bancaires, on s’aperçoit que la hausse avant la


crise est moins forte que celle des actifs provenant des comptes de Trading
pouvant laisser supposer que la préférence pour le risque en phase ascendante est
préjudiciable à l’activité de crédit. Symétriquement, la baisse des actifs dits
productifs est moins forte que celle des actifs risqués. Cette diminution d’activité
productive au lendemain d’une crise est soutenue par l’aversion au risque élevée
des banques qui favorise au contraire des valeurs jugées plus sûres.

S’il est difficile d’observer l’affectation précise de l’actif des banques, compte
tenu des données disponibles provenant du FDIC, on peut tout de même

161
reconnaitre une préférence pour la liquidité en phase de repli, à travers
l’observation de l’évolution du montant du cash41 détenu par les banques.

Graphique 29 : Montant total des actifs liquides (en $) du secteur bancaire


américain (banques commerciales)

1 400 000 000


1 200 000 000
1 000 000 000
800 000 000
600 000 000
400 000 000
200 000 000
0
01-juil.-04

01-juil.-11
01-mars-02

01-sept.-05

01-mars-09
01-oct.-02

01-oct.-09
01-août-08
01-avr.-06
01-mai-03
01-déc.-03

01-févr.-05

01-nov.-06

01-janv.-08
01-juin-07

01-mai-10
01-déc.-10

01-févr.-12
Cash and due from depository institutions

Source : FDIC, Calculs auteur.

Après une relative période de stabilité entre 2002 et le deuxième trimestre 2008,
nous pouvons témoigner de la hausse du montant des actifs liquides détenus par
les banques à partir du troisième trimestre 2008. La crise de confiance, nettement
amorcée par la chute de Lehman Brothers, marque le début d’une interruption du
marché interbancaire expliquée par un climat de défiance généralisée et qui
justifie la détention croissante par les banques de liquidités à partir de cette date et
durant les périodes récessives qui suivent. On retrouve ici la thèse de Juglar qui
observe une hausse des encaisses durant la phase descendante du cycle.

41
Ce que nous appelons cash ici correspond au pôle Cash & Balances due from
depository institutions (FDIC).

162
3.2.3 Choix de portefeuille européens

Pour rejoindre l’idée que l’instabilité financière résulte, en partie, du produit de


l’interaction du cycle et des comportements des banques, observons désormais
l’affectation de l’actif du secteur bancaire européen pour souligner les choix de
portefeuille. Certes, l’échantillon choisi est hétérogène puisque nous avons vu
que la préférence pour le risque est légèrement différente au sein de la zone euro :
d’après Delis et Kouretas, 2011, la part moyenne d’actifs risqués dans les
portefeuilles bancaires sur la période 2001-2008 ne représentent que 69% pour la
France contre 83% pour l’Allemagne, 78% pour l’Italie et 76% pour l’Espagne.

Cependant, l’objectif est, ici, d’analyser la réaction d’un secteur à un choc de


politique monétaire, et nous savons que les pays de la zone euro sont soumis à une
politique monétaire commune, répondant donc à un taux d’intérêt directeur
commun. Par conséquent, la mise en lumière des nouveaux canaux de
transmission de politique monétaire par l’analyse des choix de portefeuille du
secteur bancaire européen est justifiée.

163
Graphique 30 : Montant des titres42 (en millions d’euros) des établissements de
crédit de la zone euro

5000000
4500000
4000000
3500000
3000000
2500000
2000000
2002Q1
2002Q3
2003Q1
2003Q3
2004Q1
2004Q3
2005Q1
2005Q3
2006Q1
2006Q3
2007Q1
2007Q3
2008Q1
2008Q3
2009Q1
2009Q3
2010Q1
2010Q3
2011Q1
2011Q3
2012Q1
2012Q3
Montant des titres

Source : BCE, Calculs auteur

Les titres sont considérés comme étant des actifs risqués puisque la possibilité
d’échange de certains titres sur les marchés les expose, en effet, à un risque de
liquidité plus élevé. D’après le Graphique 30, le montant des titres du secteur
bancaire européen a doublé entre 2002 et 2009, ce qui révèle une forte
augmentation des actifs risqués pendant la phase précédant la crise. A partir de
2009, le montant des titres stagne puis diminue mais la baisse n’est pas brutale. La
baisse est, en effet, contenue par le rachat de certains titres par la BCE. De plus,
retenir les titres pour approcher les actifs risqués est une approximation grossière
qui nécessite une différenciation en fonction de leur affectation, notamment une
distinction entre les titres ayant comme contrepartie des Institutions Monétaires et
Financières (IMF), les titres avec comme contrepartie les autres institutions non
financières et les titres d’Etat.

42
Nous considérons le pôle du bilan suivant : « Securities other than shares » qui
concernent les titres négociables de différentes maturités confondues, et qui peuvent
être échangés sur les marchés secondaires ou vendus à tout instant sur les marchés.

164
Graphique 31 : Montant des titres contrepartie IMF (en millions d’euros) des
établissements de crédit de la zone euro

53000
48000
43000
38000
33000
28000
23000

2011Q4
2002Q1
2002Q4
2003Q3
2004Q2
2005Q1
2005Q4
2006Q3
2007Q2
2008Q1
2008Q4
2009Q3
2010Q2
2011Q1

2012Q3
Titres, contrepartie IMF

Graphique 32 : Montant des titres contrepartie non IMF (en millions d’euros) des
établissements de crédit de la zone euro

65000
55000
45000
35000
25000
2004Q1
2002Q1
2003Q1

2005Q1
2006Q1
2007Q1
2008Q1
2009Q1
2010Q1
2011Q1
2012Q1

Titres, contrepartie non IMF

Graphique 33 : Montant des titres contrepartie Gouvernements (en millions


d’euros) des établissements de crédit de la zone euro

29500
24500
19500
14500
2008Q4

2011Q4
2002Q1
2002Q4
2003Q3
2004Q2
2005Q1
2005Q4
2006Q3
2007Q2
2008Q1

2009Q3
2010Q2
2011Q1

2012Q3

Titres, contrepartie Gouvernements

Source : BCE, Calculs auteur

165
Nous observons une baisse dès 2008 du montant des titres ayant comme
contrepartie les IMF (Graphique 31) et les autres institutions non financières
(Graphique 32), avec une baisse moins brutale concernant la première affectation
compte tenu des plans d’intervention des Autorités. Par contre, nous observons la
tendance inverse concernant les titres d’Etat (Graphique 33) qui connaissent une
forte augmentation de leur montant en 2011. La compensation de la baisse du
montant des titres envers les IMF et autres institutions non financières par la
hausse du montant des titres d’Etat explique la légère baisse du montant total des
titres. Notons que la hausse du montant des titres d’Etat après la crise pourrait
s’apparenter à une fuite vers la qualité de la part des établissements de crédit mais,
dans ce contexte, il s’agirait aussi d’une spéculation concernant la dégradation de
certains titres d’Etat (Grèce), alimentée par l’aléa moral lié à la politique
monétaire non conventionnelle pratiquée et/ou annoncée par la BCE.

Ces mouvements des montants des titres nous permettent de conclure à leur
procyclicité concernant les établissements de crédit de la zone euro. Par ailleurs,
notons que ces derniers sont plus procycliques que ceux des prêts accordés
(Graphique 34), soutenant l’idée que la préférence pour les actifs risqués en phase
ascendante se fasse au détriment des crédits productifs. En effet, alors que le
montant des titres double de 2002 à 2009, le montant des prêts augmente aussi
mais dans une moindre mesure puisque la hausse est de 60% sur la même période.
Notons, par contre, que le relatif rationnement du crédit est moins fort sur la zone
euro qu’aux Etats-Unis.

166
Graphique 34 : Montant des prêts43 (en millions d’euros) des établissements de
crédit de la zone euro

20000000
19000000
18000000
17000000
16000000
15000000
14000000
13000000
12000000
11000000
10000000

2008Q1

2012Q1
2002Q1
2002Q3
2003Q1
2003Q3
2004Q1
2004Q3
2005Q1
2005Q3
2006Q1
2006Q3
2007Q1
2007Q3

2008Q3
2009Q1
2009Q3
2010Q1
2010Q3
2011Q1
2011Q3

2012Q3
Montant des prêts

Source : BCE, Calculs auteur

De manière symétrique, nous observons une baisse des actifs dits productifs, ou
du moins une interruption de leur croissance à partir de fin 2008-début 2009,
soulignant l’aversion au risque des banques, frileuses pour accorder des crédits.
Cette frilosité des banques se retrouve naturellement dans la hausse des montants
des actifs liquides (Graphique 35) approchés par le poste « Cash »44 du bilan
établi par la BCE. Malgré une hausse tendancielle du montant des actifs liquides
sur la période 2002-2012, nous observons tout de même une accélération à partir
de 2007-2008, témoignant d’une préférence pour la liquidité des banques.

43
Il s’agit de la catégorie « Loans » répertoriée par la BCE, qui correspond aux fonds
prêtés à des emprunteurs physiques et qui ne sont pas échangés : « Funds lent by
reporting agents to borrowers which are not evidenced by documents or are
represented by a single document (even if it has become negotiable) [….] and are, as
general rule, only traded occasionally » (BCE, 2012).
44
Le « Cash » correspond aux billets et pièces en circulation détenus par les
établissements de crédit, sachant que les montants en stocks, non encore mis en
circulation, ne sont pas comptabilisés.

167
Graphique 35 : Montant des actifs liquides (en millions d’euros) des
établissements de crédit de la zone euro

65000
60000
55000
50000
45000
40000
35000

2010Q1
2002Q1
2002Q3
2003Q1
2003Q3
2004Q1
2004Q3
2005Q1
2005Q3
2006Q1
2006Q3
2007Q1
2007Q3
2008Q1
2008Q3
2009Q1
2009Q3

2010Q3
2011Q1
2011Q3
2012Q1
2012Q3
Montant du cash

Source : BCE, Calculs auteur

La lecture du Graphique 35 n’est pas aisée étant donné la saisonnalité observée.


En effet, le cash concernant les billets et pièces en circulation comprend les
réserves obligatoires que les banques doivent détenir. Nous observons que le
montant des billets et pièces augmente très fortement au quatrième trimestre de
chaque année. Ce phénomène est compréhensible eu égard à la règle contenue
dans le Journal officiel de l’Union Européenne (BCE, 2011) à propos de la
constitution de réserves obligatoires :

« La BCE publie un calendrier des périodes de constitution de réserves trois mois


au moins avant le début de chaque année civile et la période de constitution
débute le jour de règlement de l’opération principale de refinancement suivant la
réunion du conseil des gouverneurs au cours de laquelle il est prévu de procéder
à l’évaluation mensuelle de l’orientation de politique monétaire ».

168
Etant donné que les banques peuvent moduler leur constitution de réserves (être
au-dessus ou en dessous de l’exigence) tant que l’obligation est respectée en
moyenne sur la période, nous constatons que de manière agrégée le secteur
bancaire européen constitue le principal de ses réserves en fin d’année civile.

Partant de la difficile observation de l’évolution des montants du volet « Cash »,


nous pouvons également constater la préférence pour la liquidité par observation
des titres d’Etat, mais, là aussi, d’autres facteurs explicatifs peuvent biaiser
l’analyse des choix bancaires : le repli vers la qualité n’est pas le seul facteur
(spéculation). Il convient alors d’analyser un autre indicateur : le recours à la
facilité de dépôts du secteur bancaire européen (établissements de crédits et autres
institutions financières et monétaires) (Graphique 36).

Graphique 36 : Recours massif à la facilité de dépôt en zone € fin 2011 (ECB,


Mds d’€)

450

400

350

300

250

200

150

100

50

Source : BCE

169
Nous constatons, après une période stable à de bas niveaux, même durant la crise,
une hausse très prononcée du montant des facilités de dépôts fin 2011, atteignant
450 milliards d’euros en 2012. En effet, l’accentuation de la crise des dettes
souveraines et des tensions sur les valeurs bancaires en 2011 implique que la fuite
vers la qualité prenne une forme nouvelle si les titres publics ne sont plus
considérés comme des « valeurs refuges ». Dans ce cas précis, les banques optent
ainsi pour un recours massif à la facilité de dépôt. S’agissant d’une ressource de
liquidité stable, peu coûteuse et synonyme de résistance en cas de crise de
liquidité, nous comprenons sa forte attractivité fin 2011. Par ailleurs, les dépôts
alimentent le cercle vertueux suivant : moindre coût de refinancement, meilleur
profil de liquidité et donc meilleure notation par les agences.

170
SECTION 3.3 UN SECTEUR BANCAIRE FRACTIONNE EN CATEGORIES
BANCAIRES

171
Considérant tous les éléments bilanciels analysés, l’idée est désormais d’avoir une
approche différenciée, c’est-à-dire de considérer les évolutions des différents
postes selon les trois catégories de banques que nous connaissons, soit les banques
de petite, moyenne et grande taille (respectivement les banques qui détiennent
moins de 100 millions de dollars d’actifs, celle qui en détiennent entre 100
millions et 1 milliard de dollar et celles dont le montant de leurs actifs représente
plus d’1 milliard de dollars). Nous choisissons d’analyser le secteur bancaire
américain, considérant que la procédure sera identique à celle appliquée à la zone
euro. Ce choix se justifie dès lors que l’effet des différentes caractéristiques
bilancielles, en particulier la taille, sur le comportement bancaire est le même aux
Etats-Unis qu’au sein de la zone euro (cf. Altunbas et al., 2010 ; Delis et
Kouretas, 2011).

172
3.3.1 Etude des éléments bilanciels des catégories de banques

Dans un premier temps, revenons à l’observation du ratio de fonds propres.


Considérant les trois catégories, le ratio de fonds propres des banques de petite
taille n’est pas interprétable car la chute continue du montant des actifs de ce
sous-secteur, compte tenu du nombre de fermetures, biaise l’analyse du ratio de
fonds propres (Graphique 37) et ne nous permet pas de tirer des conclusions en
matière de comportement bancaire. Par contre, l’étude des deux autres sous-
secteurs nous permet d’appréhender des différences de comportements.
Concernant les banques de taille moyenne (Graphique 38), nous pouvons voir
qu’avant la crise, le ratio de capital est autour de 10,2%. Il subit une baisse à partir
du deuxième semestre 2008 pour atteindre environ 9,6% début 2009. La hausse
est ensuite amorcée au lendemain de la crise jusqu’à 10,7% début 2012, soit un
ratio de capital plus élevé qu’avant la crise.

Pour les banques de grande taille (Graphique 39), le ratio de capital suit les
mêmes mouvements que celui des banques de taille moyenne mais avec des
amplitudes différentes. Le ratio de capital avant la crise avoisine également les
10,2% mais les variations trimestrielles sont de plus faible amplitude. Lors de la
crise, au dernier trimestre 2008, la baisse est plus brutale puisque le ratio de
capital est de 9,2% début 2009. Enfin, la hausse après la crise est également plus
forte puisque le ratio augmente jusqu’en 2012 pour atteindre un niveau supérieur
soit 11,5% début 2012.

Rappelons que les catégories de banques se distinguent par leur taille mais
également par leur niveau de capitalisation et de liquidité, les trois variables étant
corrélées positivement lorsqu’il s’agit de considérer l’effet de la politique
monétaire sur les comportements bancaires. Les banques de plus grande taille, les
plus capitalisées et les plus liquides sont moins sensibles aux variations du cycle

173
donc prennent moins de risque en phase ascendante et rationnent moins le crédit
en phase descendante.

On s’attend également à avoir un ratio de capital et un ratio de liquidité plus


élevés en phase ascendante pour ce type de banques. Or, nos observations
concernant le secteur bancaire américain témoignent d’un comportement, certes
plus stable avant la crise pour les grandes banques, mais des variations du ratio de
capital de plus forte amplitude pendant et après la crise. Ces mouvements plus
sensibles pour les grandes banques après la crise peuvent s’expliquer ici par les
différents plans de recapitalisations par les Autorités ne nous permettant pas
d’apporter de conclusions tranchées concernant la constitution d’un matelas au
sein des différentes catégories.

L’observation du ratio Tier One dessine les mêmes évolutions que celles du ratio
de capital mais souligne d’autres différences entre les banques de moyenne et
grande tailles. Notamment, l’élément frappant qui différencie les deux catégories
est que les banques de taille moyenne ont un ratio Tier One initial (avant la crise)
plus élevé que les banques de grande taille : 13% contre 9,5%. Cette différence
peut s’expliquer par la composition des actifs détenus par les catégories de
banques. Le Tier One est d’autant plus élevé que les actifs détenus s’apparentent
plus à du capital apporté par les actionnaires et moins à des capitaux hybrides. Les
actifs comptabilisés pour le ratio Tier One sont susceptibles d’être plus risqués, et
nous verrons que les banques de taille moyenne ont un comportement plus risqué
que les banques de grande taille.

174
Graphique 37 : Ratio de fonds propres (en%) des banques commerciales de moins
de 100 millions de dollars d’actifs

0,14
0,13
0,12
0,11
0,1
01-juil.-05

01-sept.-06
01-déc.-04

01-févr.-06

01-janv.-09

01-mars-10
01-oct.-10
01-avr.-07
01-nov.-07

01-août-09

01-déc.-11
01-juin-08

01-mai-11
Banques de petite taille

Graphique 38 : Ratio de fonds propres (en%) des banques commerciales entre


100 millions et 1 milliard de dollars d’actifs

0,11
0,105
0,1
0,095
0,09
01-juil.-05

01-sept.-06

01-mars-10
01-oct.-10
01-déc.-04

01-févr.-06

01-avr.-07
01-nov.-07

01-janv.-09
01-juin-08

01-mai-11
01-déc.-11
01-août-09

Banques de taille moyenne

Graphique 39 : Ratio de fonds propres (en%) des banques commerciales de plus


d’1 milliard de dollars d’actifs

0,12

0,11

0,1

0,09
01-juil.-05

01-janv.-09
01-sept.-06

01-mars-10
01-oct.-10
01-déc.-04

01-déc.-11
01-févr.-06

01-avr.-07
01-nov.-07
01-juin-08

01-août-09

01-mai-11

banques de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

175
Graphique 40 : Ratio Tier One (en%) des banques commerciales de moins de 100
millions de dollars d’actifs

0,2
0,19
0,18
0,17
0,16
0,15
0,14

01-sept.-04
01-juil.-05

01-sept.-09
01-juil.-10
01-mars-02

01-mars-07

01-mars-12
01-janv.-03
01-nov.-03

01-janv.-08
01-nov.-08
01-mai-06

01-mai-11
Banques de petite taille

Graphique 41 : Ratio Tier One (en%) des banques commerciales entre 100
millions et 1 milliard de dollars d’actifs

0,15
0,14
0,13
0,12
01-juil.-09
01-mars-02

01-sept.-07
01-janv.-04

01-oct.-06
01-déc.-04

01-avr.-12
01-févr.-03

01-nov.-05

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banques de taille moyenne

Graphique 42 : Ratio Tier One (en%) des banques commerciales de plus d’1
milliard de dollars d’actifs

0,135
0,125
0,115
0,105
0,095
0,085
01-juil.-09
01-sept.-07
01-janv.-04

01-oct.-06
01-mars-02

01-avr.-12
01-févr.-03

01-déc.-04
01-nov.-05

01-août-08

01-mai-11
01-juin-10

Banques de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

176
Par ailleurs, l’observation différenciée de l’évolution des provisions pour pertes
concernant les trois catégories de banques fait apparaitre les mêmes
comportements procycliques à des degrés divers. Bien que l’analyse des banques
de petite taille soit faussée compte tenu du nombre important de fermetures sur la
période, on peut tout de même voir se dessiner une tendance contra-cyclique des
provisions pour pertes (soit une baisse en phase ascendante et une hausse en phase
descendante (Graphique 43).

Concernant les deux autres catégories, les mouvements sont plus nets, soit un
niveau faible stable de provisions de 2002 à 2007, une hausse brutale à partir de
juin 2007, puis une faible baisse à partir de 2010. Cependant, la hausse est
beaucoup plus marquée pour les banques de grande taille (Graphique 45) d’autant
plus que leur niveau de provisions avant la crise était plus faible que celui des
banques de taille moyenne (Graphique 44). En effet, la hausse des provisions
entre le deuxième trimestre 2007 et le dernier trimestre 2010 est de 55% pour les
banques de taille moyenne et de 230% pour les grandes banques.

Ce sont les grandes banques (censées être mieux capitalisées et plus liquides) qui
prennent les décisions les plus procycliques, ayant davantage d’incidence négative
sur l’activité de crédit. Pourtant, une banque mieux capitalisée et plus liquide est
une banque dont les choix ont le moins d’effet sur l’accentuation du cycle (cf.
infra). Ici, la variable « taille » ne va pas dans le sens de ces dernières
caractéristiques, soulignant l’ambiguïté de l’effet taille observé dans les travaux
antérieurs (Delis et Brissimis, 2010 ; Delis et al., 2011).

177
Graphique 43 : Montant total des provisions pour pertes (en $) des banques
commerciales de moins de 100 millions de dollars d’actifs

2500000
2000000
1500000
1000000
500000
0

01-sept.-04

01-sept.-09
01-juil.-05

01-juil.-10
01-mars-02

01-mars-07

01-mars-12
01-janv.-03
01-nov.-03

01-janv.-08
01-nov.-08
01-mai-06

01-mai-11
Banques de petite taille

Graphique 44 : Montant total des provisions pour pertes (en $) des banques
commerciales entre 100 millions et 1 milliard de dollars d’actifs

19000000

14000000

9000000

4000000
01-sept.-07
01-oct.-06

01-juil.-09
01-mars-02

01-janv.-04
01-févr.-03

01-déc.-04
01-nov.-05

01-août-08

01-avr.-12
01-juin-10
01-mai-11

Banques de taille moyenne

Graphique 45 : Montant total des provisions pour pertes (en $) des banques
commerciales de plus d’1 milliard de dollars d’actifs

250000000
200000000
150000000
100000000
50000000
0
01-juil.-09
01-sept.-07
01-oct.-06
01-mars-02
01-févr.-03
01-janv.-04

01-nov.-05

01-avr.-12
01-déc.-04

01-août-08

01-mai-11
01-juin-10

Banques de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

178
3.3.2 Etude des choix de portefeuille des catégories de banques

L’observation différenciée des bilans des trois catégories de banques souligne


également des choix de portefeuille opposés en fonction des phases du cycle et
nous éclaire sur les degrés de prise de risque à travers les amplitudes de
variations. Nous constatons, en effet, une « euphorie » plus marquée et une chute
plus brutale après la crise concernant les banques de petite et moyenne tailles,
témoignant d’un degré d’aversion au risque moins élevé pour ces catégories.

En effet, si on considère que la taille est fonction positive de la capitalisation et la


liquidité d’une banque, sa relation à l’aversion au risque est également positive
puisque nous savons qu’une banque plus capitalisée et plus liquide est une banque
plus averse au risque. Le montant des actifs risqués détenus par les actifs de petite
taille (Graphique 46) est multiplié par 30 durant le trimestre précédant les
premiers signes de crise financière en juin 2007, et le montant est aussitôt divisé
par 30 entre le troisième trimestre 2007 et le deuxième trimestre 2009.

Concernant les banques de taille moyenne (Graphique 47), la hausse est aussi
soudaine et porte sur des montants encore plus élevés puisque le compte de
Trading comporte des actifs à hauteur de seulement 1155 dollars début 2002
contre 2 010 274 dollars au deuxième trimestre 2007. La chute est, elle aussi,
brutale puisque le montant est divisé par 38 sur la même période.

Les banques de grande taille (Graphique 48) marquent les mêmes tendances ; par
contre, même si les montants sont bien plus importants (1 000 930 846$ au
deuxième trimestre 2008), les variations sont beaucoup moins grandes,
témoignant d’un comportement plus stable. En effet, le montant du compte
Trading est multiplié par 3 entre début 2002 et le deuxième trimestre 2008 et la

179
chute après la crise, entre le troisième semestre 2008 et le deuxième trimestre
2012, est de 30%.

Par ailleurs, nous pouvons noter que la chute des montants des actifs risqués
commence d’abord chez les deux premières sous-catégories puisqu’elle débute au
troisième trimestre 2007 alors que la chute est amorcée seulement au troisième
trimestre 2008 pour les banques de grande taille. Ceci peut laisser supposer que
les premiers signes de la crise sont apparus chez les banques de petite et moyenne
tailles alors que l’amplification et le déclenchement de la crise systémique
concernent les grandes banques.

180
Graphique 46 : Montant total des actifs sur « Trading account » (en $) des
banques commerciales de moins de 100 millions de dollars d’actifs

50000
40000
30000
20000
10000
0

01-sept.-03

01-sept.-06

01-sept.-09
01-mars-02

01-mars-05

01-mars-08

01-mars-11
01-déc.-02

01-déc.-05

01-déc.-08

01-déc.-11
01-juin-04

01-juin-07

01-juin-10
Banques de petite taille

Graphique 47 : Montant total des actifs sur « Trading account » (en $) des
banques commerciales entre 100 millions et 1 milliard de dollars d’actifs

2500000
2000000
1500000
1000000
500000
0
01-juil.-05
01-nov.-03
01-sept.-04

01-sept.-09
01-juil.-10
01-mars-02

01-mars-07

01-mai-11
01-mars-12
01-janv.-03

01-janv.-08
01-nov.-08
01-mai-06

Banques de taille moyenne

Graphique 48 : Montant total des actifs sur « Trading account » (en $) des
banques commerciales de plus d’1 milliard de dollars d’actifs

1,2E+09
1E+09
800000000
600000000
400000000
200000000
01-juil.-09
01-sept.-07
01-oct.-06

01-avr.-12
01-mars-02
01-févr.-03
01-janv.-04
01-déc.-04
01-nov.-05

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banque de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

181
L’accord de prêt est également soumis à des différences de comportement de la
part des trois catégories de banques. Le montant des prêts des banques de petite
taille (Graphique 49) diminue de manière continue depuis 2002 au même titre que
les actifs en général, corrélativement au nombre croissant de fermetures de
banques sur la période. Rappelons que les fermetures de banques concernent
davantage les « petites » banques au profit de l’augmentation de la taille, causées
par les fusions-acquisitions impulsées par l’abolition du Glass Steagal Act.

Par ailleurs, la comparaison de l’évolution des prêts pour les banques de moyenne
et grande tailles montre un mouvement similaire, là aussi, avec plus d’amplitude
pour les banques de taille moyenne (Graphique 50). Les montants de prêts pour
les deux catégories ont subi une hausse de même ampleur puisqu’ils ont doublé
entre 2002 et le troisième trimestre 200845. Par contre, la baisse consécutive à la
crise est plus marquée pour les banques de taille moyenne qui ne montrent qu’une
stabilisation de la baisse début 2012 alors que les banques de grande taille
parviennent à retrouver une pente positive (Graphique 51). Les « grandes »
banques ont plus de facilités à accorder de nouveaux crédits puisque nous
supposons que la taille est corrélée positivement à la capitalisation et la liquidité
ex ante. Etant mieux capitalisées et plus liquides, les « grandes » banques ont été
plus résilientes à la crise et ont moins rationné le crédit, d’où l’intérêt de
considérer ces deux dernières variables dans l’analyse de l’instabilité financière.

45
Nous pouvons noter une hausse des prêts commerciaux et industriels de presque
50%, une hausse de 55% des prêts individuels et une hausse considérable des prêts
immobiliers de 115%.

182
Graphique 49 : Montant total des prêts (en $) des banques commerciales de
moins de 100 millions de dollars d’actifs

140000000
120000000
100000000
80000000
60000000

01-oct.-06

01-juil.-09
01-mars-02

01-sept.-07
01-janv.-04
01-déc.-04

01-avr.-12
01-févr.-03

01-nov.-05

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11
Banques de petite taille

Graphique 50 : Montant total des prêts (en $) des banques commerciales entre
100 millions et 1 milliard de dollars d’actifs

800000000
700000000
600000000
500000000
400000000
01-juil.-09
01-mars-02

01-janv.-04

01-nov.-05
01-oct.-06
01-sept.-07
01-déc.-04

01-avr.-12
01-févr.-03

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banques de taille moyenne

Graphique 51 : Montant total des prêts (en $) des banques commerciales de plus
d’1 milliard de dollars d’actifs

7E+09
6E+09
5E+09
4E+09
3E+09
2E+09
01-sept.-03

01-mars-05

01-sept.-06

01-sept.-09
01-mars-02

01-mars-08

01-mars-11
01-déc.-02

01-déc.-05

01-déc.-08

01-déc.-11
01-juin-04

01-juin-07

01-juin-10

Banques de grande taille

Source : FDIC, Calculs auteur

183
Graphique 52 : Montant total des actifs liquides (en $) des banques commerciales
de moins de 100 millions de dollars d’actifs

16000000
14000000
12000000
10000000
8000000
6000000
01-mars-02

01-sept.-04
01-juil.-05

01-mars-07

01-sept.-09
01-juil.-10

01-mars-12
01-janv.-03

01-janv.-08
01-nov.-03

01-mai-06

01-nov.-08

01-mai-11
Banques de petite taille

Graphique 53 : Montant total des actifs liquides (en $) des banques commerciales
entre 100 millions et 1 milliard de dollars d’actifs

150000000
100000000
50000000
0
01-juil.-09
01-mars-02

01-sept.-07
01-janv.-04

01-oct.-06

01-avr.-12
01-févr.-03

01-déc.-04
01-nov.-05

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banques de taille moyenne

Graphique 54 : Montant total des actifs liquides (en $) des banques commerciales
de plus d’1 milliard de dollars d’actifs

1,2E+09
1E+09
800000000
600000000
400000000
200000000
0
01-sept.-07

01-juil.-09
01-oct.-06
01-mars-02

01-avr.-12
01-févr.-03
01-janv.-04
01-déc.-04
01-nov.-05

01-août-08

01-juin-10
01-mai-11

Banques de grande taille

Source : FDIC, calculs auteur

184
Enfin, à propos de l’observation des actifs liquides, différencier l’analyse au sein
du secteur bancaire n’apporte pas d’éléments de compréhension supplémentaires
car les mouvements des montants d’actifs liquides des banques de moyenne et
grande tailles évoluent de la même façon et dans les mêmes proportions, ce qui
laisse penser qu’elles suivent la même logique concernant ce type d’actifs. Même
les banques de petite taille, qui voient les montants des différents actifs baisser,
compte tenu de l’effet de la baisse du nombre d’institutions sur les éléments du
bilan, augmentent leurs actifs liquides après la crise.

En conclusion, la taille des bilans bancaires nous permet d’établir certaines


différences de comportements, notamment en matière de choix d’actifs risqués,
mais ne nous permet pas de dresser une frontière précise entre les différentes
catégories ; d’autres caractéristiques doivent entrer en compte. Nous savons que
les banques réagissent différemment aux impulsions de politique monétaire en
fonction de leur ratio de fonds propres et de liquidité initiaux. En effet, le volume
des prêts accordés dépend des mouvements endogènes de fonds propres (Van den
Heuvel, 2002 ; 2006) et du niveau de liquidité de la banque (Kashyap et Stein,
2000). Par ailleurs, les banques plus capitalisées seraient plus averses au risque et
plus efficaces dans la sélection des emprunteurs ex ante (Mésonnier, 2005).

La taille est également une caractéristique qui conditionne la réaction des banques
puisque d’une part les grandes banques, ayant un meilleur accès aux marchés, ont
la possibilité de prendre davantage de risque mais, d’autre part, leur facilité à se
financer étant plus grande, ces dernières sont également moins dépendantes des
chocs de politique monétaire (Delis et Brissimis, 2010 ; Delis et al., 2011). Ces
deux arguments n’allant pas dans le même sens vis-à-vis de la prise de risque,
nous comprenons pourquoi nos observations n’aboutissent pas à des conclusions
tranchées concernant l’effet taille sur la réaction du secteur bancaire aux chocs de
politique monétaire.

185
Par ailleurs, on s’attend à ce que les grandes banques correspondent aux banques
qui ont les meilleurs ratios de fonds propres et de liquidité initiaux. Après
observation du secteur bancaire américain, les banques de grande taille ont un
ratio Tier One plus faible avant la crise et ne détiennent pas plus d’actifs liquides
que les banques de taille moyenne. Aucun lien ne peut alors être clairement établi
entre capitalisation, liquidité et taille. Par contre, les banques de grande taille sont
celles qui opèrent les choix les moins risqués avant la crise confortant l’idée que
la taille peut jouer dans l’efficience de transmission de la politique monétaire.

186
L’observation des bilans des secteurs bancaires américain et européen confirme
l’idée que l’instabilité financière augmente depuis deux décennies, corrélée à
l’augmentation de la taille des bilans et la diminution du nombre de banques au
sein des secteurs bancaires américain et européen. L’accès aux marchés des
banques favorise le recours à la titrisation permettant de répondre à la recherche
de profitabilité. Par ailleurs, une analyse cyclique atteste également la
procyclicité des comportements bancaires. La phase ascendante du cycle est
favorable à l’endettement bancaire ainsi qu’à une vigilance plus faible, illustrée
par des ratios de capital et des provisions pour pertes moins élevés, ce qui
témoigne d’une aversion au risque plus faible. Le montant des repos constitue
aussi un bon indicateur puisque son faible niveau en phase de repli révèle la
frilosité des banques. Enfin, les choix de portefeuille favorables aux actifs risqués
(sûrs) en phase ascendante (descendante) mettent en avant un résultat principal :
l’éviction relative de l’activité traditionnelle de crédit quelle que soit la phase du
cycle.

De plus, la distinction des banques en trois catégories selon leur taille nous permet
de constater des différences de comportements vis-à-vis du risque, avec
globalement un caractère moins instable pour les banques de grande taille. Par
contre, les résultats ne permettent pas d’établir de conclusions générales puisque
certains se contredisent. En effet, les grandes banques, censées être les plus
liquides et les mieux capitalisées, ont un niveau de fonds propres initial (avant la
crise) inférieur aux banques de taille moyenne. Par ailleurs, ce sont elles qui
prennent les décisions les plus procycliques concernant la constitution de
provisions pour pertes.

Par contre, les choix de portefeuille des trois catégories de banques compte tenu
de leur taille révèlent que ce sont les grandes banques qui prennent le moins de

187
risque en phase ascendante et qui parviennent à accorder plus de crédits en phase
descendante. Par conséquent, compte tenu de l’ambiguïté de la taille comme
caractéristique conditionnelle de la transmission de politique monétaire sur les
bilans bancaires, il est alors préférable de considérer d’autres caractéristiques
comme les ratios de capital et de liquidité, l’idée étant de les intégrer dans un
modèle théorique.

188
CHAPITRE IV UN MODELE D’INTERACTION
ENTRE BANQUE CENTRALE ET SECTEUR
BANCAIRE : LA PROCYCLICITE, FACTEUR
D’INSTABILITE FINANCIERE

189
Les faits stylisés étudiés nous ont révélé des bilans des secteurs bancaires
américain et européen reflétant une situation opposée selon la phase du cycle
considérée et révélant une forte procyclicité. L’objet de ce dernier chapitre est de
présenter un modèle théorique qui rend compte de l’affaiblissement du canal du
crédit et de l’importance accrue des nouveaux canaux de transmission de politique
monétaire, à travers l’analyse des comportements bancaires en fonction du cycle.
L’idée est d’exposer un modèle dans lequel les banques optimisent leurs choix
bancaires pour maximiser leur profit en fonction d’une impulsion de politique
monétaire. Cette analyse du secteur bancaire est l’occasion d’insister sur des
comportements bancaires procycliques favorisant l’instabilité financière. Nous
verrons, en effet, que les choix des banques peuvent avoir un impact négatif sur le
crédit productif et, par conséquent, sur l’activité économique.

Par ailleurs, si l’étude se fait, dans un premier temps, sur le secteur bancaire
agrégé, nous verrons, sans infirmer les résultats du niveau agrégé, que des
catégories de banques peuvent avoir des réponses plus ou moins risquées aux
chocs de politique monétaire en fonction de leurs caractéristiques bilancielles
initiales. Notons que la caractéristique de la taille ne permettra pas d’obtenir de
conclusions tranchées, en accord avec notre observation de la réaction du secteur
bancaire américain.

Enfin, la modélisation des effets de la politique monétaire sur les bilans tiendra
compte de deux situations : un système traditionnel sans possibilité de sortir des
actifs du bilan et un nouveau business model, considérant que les banques ont
aujourd’hui la possibilité de titriser leurs créances. Intégrer le bilan consolidé du
secteur bancaire dans l’analyse nous permettra d’appréhender l’impact du recours
à la titrisation sur la procyclicité des éléments bilanciels.

190
SECTION 4.1 CADRE ANALYTIQUE DU MODELE

191
Notre dernier chapitre consiste à établir un modèle théorique basé sur
l’observation des bilans bancaires en réaction à un choc de politique monétaire au
cours du cycle. Nous mettons en évidence l’évolution d’indicateurs de
performance et de résilience du secteur bancaire en lien avec les incitations de
marché et en réponse aux impulsions de politique monétaire. Ces liens sont
étudiés dans un contexte de phases ascendante et descendante du cycle, sur la base
de taux d’intérêt directeurs dont le niveau varie en fonction de l’objectif de prix et
de croissance de la Banque centrale. Dans le modèle, incluant l’actif et le passif
du bilan agrégé d’un secteur bancaire, les choix de portefeuille bancaire peuvent
s’orienter vers des actifs sans risque, des actifs adossés à des projets productifs, ou
des actifs purement financiers (cf. p.194). Partant, l’objet est de voir si l’activité
de crédit productif est défavorisée quelle que soit la phase du cycle conformément
aux observations des données bilancielles américaines et européennes.

Les interactions entre choix de portefeuille et vulnérabilité bancaire et financière


dépendent en partie des impulsions de politique monétaire. Les comportements
bancaires privilégient des choix différents selon les phases du cycle répondant à
une aversion au risque plus faible (forte) en phase ascendante (descendante).
Notre modèle rend compte de cette dynamique en intégrant les deux phases du
cycle. Nous raisonnons sur trois périodes ( ). La période correspond à
un état initial, ensuite correspond à un choc de politique monétaire et enfin
fait état de la réaction du secteur bancaire au choc réalisé en et rend compte des
deux phases du cycle ; l’idée étant de les comparer.

192
4.1.1 Le secteur bancaire en :

En t0, pour une économie donnée, le secteur bancaire présente un bilan agrégé
composé de volumes d’actifs Ii dont les proportions dépendent des choix de
portefeuille. Au passif, une part de ces actifs est détenue sous forme de fonds
propres , le complément à 1 représentant les dettes du secteur bancaire (cf.
Tableau 2).

Tableau 2 : Bilan agrégé du secteur bancaire en t0


Actif Passif

( )

Le bilan des banques fait apparaître trois types d’actifs disponibles : (cf.
Tableau 3).

Tableau 3 : Bilan agrégé simplifié du secteur bancaire


Actif Passif

est un actif sans risque (i.e Bon du Trésor), un actif représentant une créance
adossée à un projet productif (ou un prêt à la consommation) et un actif
spéculatif sans finalité directe sur la sphère réelle : la dissociation n’est pas
effectuée suivant la nuance entre titre et crédit, mais suivant l’adossement ou non
des éléments d’actif à l’économie réelle. Pour simplifier, et dans la mesure où le
risque de liquidité n’est pas appréhendé, les maturités ne sont pas spécifiées.
Ainsi, les créances spéculatives incluent les titres émis par d’autres

193
intermédiaires afin d’augmenter leur levier, et des titres adossés à d’autres actifs :
Asset Backed Securities (ABS) émis par des véhicules dans le cadre d’une
titrisation des crédits mais aussi Asset Backed Commercial Paper (ABCP) dont
l’échéance est plus rapprochée. Les crédits et obligations du secteur privé
contenues dans sont libellés à court ou à long terme.

Notons que nous analysons la réaction du secteur bancaire agrégé malgré la


possibilité d’un secteur bancaire hétérogène. Cette hypothèse d’agrégation
s’explique par la relation des banques à l’aversion au risque. Cette dernière rend
compte de la perception du risque des banques, considérée de manière homogène,
dans un environnement qui varie. C’est cette dimension large de l’aversion au
risque (cf. infra, Coudert et Gex, 2006) que nous avons choisi de modéliser,
justifiant le choix de raisonner sur un secteur bancaire agrégé. Nous verrons plus
loin que l’hypothèse d’aversion au sens strict pourra s’ajouter à notre modèle en
considérant que l’aversion au risque n’est pas intrinsèque à la nature d’un individu
mais à une catégorie de banque.

Partant, le bilan bancaire peut s’écrire de la manière suivante :

(cf. Annexe 1 pour le développement des équations)

194
Tableau 4: Bilan agrégé du secteur bancaire
Actif Passif

( ) [1] [( ) ( )] [4]
( ) [2] ( ) [5]
( ) [3] ( )[( ) ( )] [6]

Avec : [ ( )]

( )

( )[ ( )] ( )

( )( )

les rendements des actifs ,

la variation des actifs d’une période à l’autre

la variation des prix comptabilisés en juste valeur (cf. infra)

A l’actif, nous avons donc le montant des trois actifs ( ) détenus en


ainsi que leur variation contenue dans , à laquelle s’ajoute la variation de prix
( ) pour l’actif

Au passif, le raisonnement est le même, avec les fonds propres et les dettes
détenus en et leur variation jusqu’en . Le report à nouveau contient les
rendements accumulés à partir des actifs et détenus en .

195
Par ailleurs, nous avons : [1]+[2]+[3] = [4]+[5]+[6]. Le bilan agrégé ne permet
pas à la banque centrale de dissocier le nombre de créances et leur valeur, même
si (avec le prix de l’actif et sa quantité). Dès lors, n’indique
pas la variation du nombre de créances mais l’inclut pour représenter leur nouveau
montant. Cet équilibre comptable trouve aussi une explication économique : les
Bons du Trésor souscrits sont éligibles au refinancement par la Banque centrale,
justifiant le fait qu’un montant équivalent figure au passif. Les crédits consentis
(contenus dans ) apparaissent sous forme de dépôts sur le compte bancaire des
récipiendaires. Les titres spéculatifs détenus (contenus dans ) sont parfois émis
par d’autres établissements, expliquant aussi qu’ils soient retrouvés au passif.
Pour la part de correspondant aux obligations corporate, et la part de
provenant du shadow banking system, c’est leur détention qui, via la notion de
collatéral, permet de trouver les financements équivalents (e.g. emprunts
interbancaires internationaux).

196
4.1.2 L’action de la Banque centrale en

En , la Banque centrale connait ce bilan agrégé. Son objectif est la stabilisation


des prix et la maximisation de la croissance. De façon standard, sa fonction
objectif décrit la minimisation des pertes liées à l’écart entre l’activité et
l’inflation effectives par rapport à leur niveau souhaité :

[ ( ) ( ) ] [7]

Avec la fonction de perte de la Banque centrale, le taux d’inflation effectif,


la cible d’inflation, le revenu national, le revenu national potentiel et
le poids relatif de la stabilisation de l’activité par rapport à celle de l’inflation.
L’instrument permettant de satisfaire cette fonction est le taux d’intérêt directeur,
suivant une règle de Taylor :

( ) ( ) [8]

Avec le taux d’intérêt réel, et . La Banque centrale fixe le taux


directeur en fonction de l’inflation effective et ciblée et en fonction de
l’output gap. En cas de fortes (faibles) tensions inflationnistes et en fonction du
paramètre , la Banque centrale hausse (baisse) son taux directeur, élément
déterminant des choix effectués par le secteur bancaire.

197
4.1.3 La réaction du secteur bancaire en

Les banques maximisant leur profit, leur fonction objectif est donnée par :

[ ( ) ] [9]

Avec le portefeuille d’actifs, son rendement net ( ∑ ), et le


coefficient d’aversion au risque. Notre analyse s’étend à l’étude du secteur
bancaire donc nous supposons que l’agrégation des fonctions individuelles
respecte les principales hypothèses énoncées en Théorie de la décision.
Généralement, pour construire un critère de décision, c’est-à-dire une fonction à
valeur numérique, qui, à toute loterie, associe un indice (pour nous,
[ ( ) ]), il faut respecter la relation de préférence d’un
agent défini sur l’ensemble des loteries, muni d’un pré-ordre total, qui garantit la
cohérence des choix individuels. Nous supposons donc que notre fonction de
préférences respecte un pré-ordre complet (axiomes de comparatibilité, transitivité
et reflexivité) auxquels sont ajoutés les axiomes de continuité et d’indépendance
(cf. Annexe 2).

étant composé de ∑ et de , les choix des banques sont donc


déterminés par :

- la politique monétaire via le taux d’intérêt


- et leur aversion au risque (elle-même fonction des prix en )

mesure donc le risque du portefeuille en fonction de l’aversion au risque.

Le taux d’intérêt directeur est fixé, d’après la règle de Taylor, en fonction de


variables agrégées (PIB et inflation) ne figurant pas dans les bilans bancaires.
Partant, un choc sur est donc considéré comme un choc exogène et affecte les
choix bancaires via les rendements puisque les rendements nets correspondent aux

198
rendements des créances auxquels on soustrait le coût de refinancement bancaire
( ). A contrario, l’aversion au risque ( ) est fonction des prix passés
des actifs échangés sur les marchés financiers (Pepin, 2011) et constitue alors une
variable endogène au cycle. La phase ascendante du cycle, caractérisée par une
forte croissance et un attrait particulier vers les actifs risqués, est propice à
l’augmentation des prix d’actifs compte tenu de leur forte demande. Par
conséquent, les banques ont une aversion au risque qui diminue tant que les prix
augmentent. A l’inverse, la phase descendante du cycle est synonyme de
dépréciation des actifs et favorise alors la hausse de l’aversion au risque. Nous
posons :

( ) [10]

Soit

( ) [10’]

avec

( )
et {
( )

L’aversion au risque est à son maximum lorsque les prix d’actifs sont quasi nuls
et, inversement, elle est très faible lorsque les prix d’actifs sont sujets à un boom.
étant le point de retournement où les prix passent de la configuration
croissante à décroissante.

Nous savons que l’aversion au risque, est fonction des prix passés des actifs
(comportement « chartiste »), ici des actifs valorisés en juste valeur, soit les actifs
(variable fondamentale dans la formation des préférences des agents). La
relation est négative puisque lorsque les prix augmentent (diminuent), l’aversion
au risque diminue (augmente). Alors que cette vision chartiste justifie notre

199
hypothèse , la vision fondamentaliste (cf. infra) nous incite à penser que

les choix bancaires en sont fonction de l’aversion au risque en , ce qui nous


emmène à l’hypothèse suivante :

( ) [11]

avec

La croissance des encours ( ) en évolue selon l’aversion au risque des


banques. Les prix futurs, reflétant l’opinion des banques, évoluent donc
négativement avec l’aversion au risque. Notons de surcroit, que les mouvements
des prix d’actifs peuvent être amplifiés par les phénomènes de mimétisme
(Orléan, 2001). Partant, nous comprenons aisément en quoi l’aversion au risque
est une variable endogène au cycle économique.

Eu égard à [9], les choix de portefeuille sont effectués, à la fois en fonction de


l’aversion au risque des banques (endogène) mais aussi en fonction du taux
d’intérêt directeur (exogène). D’une part, si les banques observent une hausse
continue des prix des actifs échangés sur les marchés financiers, la tendance sera à
l’alimentation de cette hausse des prix due à une demande soutenue de ces actifs.
Au contraire, si les banques constatent que ces mêmes prix diminuent, ces
dernières seront plus frileuses à choisir ce type d’actifs. D’autre part, si les
banques observent une hausse des taux, elles anticipent une récession et un coût
du capital élevé. Si elles observent une baisse des taux (ou si le banquier central
s’engage à les maintenir durablement bas), elles anticipent une croissance
soutenue et un coût du refinancement plus faible. La configuration (I) d’un faible
taux directeur est favorable à la croissance des encours ( ), alors que la
configuration (II) favorise la fuite vers la qualité et dissuade les banques
d’accorder des financements au secteur privé ( ).

200
Nous avons donc

( )
{
( )

avec :

et

Autrement dit, la variation des encours est déterminée par une variable exogène
( ) et une variable endogène ( ), ce qui rejoint l’idée que l’instabilité financière
est à la fois un phénomène intrinsèque mais peut également être alimentée par la
politique monétaire.

D’une part, le cycle est le produit d’un mécanisme endogène étant donné les
comportements des agents, ici des banques, en matière d’endettement (Aglietta et
Orléan, 2002 ; Adda et Sigogne, 1993). Les chocs sont amplifiés par les réactions
individuelles entrainant des dynamiques divergentes sur les prix d’actifs
(Brossard, 1998). En effet, la demande d’actifs dépend de la hausse anticipée de
leur prix et l’offre dépend de la valeur des collatéraux, plaçant les anticipations
des agents au centre des mouvements des prix d’actifs.

D’autre part, la variation des montants d’actifs peut être causée par les chocs de
politique monétaire compte tenu des nouveaux canaux de transmission. Le canal
traditionnel du crédit agit sur les encours puisqu’une politique monétaire
restrictive, par exemple, exerce une pression à la baisse sur la distribution de
crédits par un effet quantitatif sur la structure du passif des banques. Le canal du

201
capital bancaire décrit aussi un mécanisme de transmission de politique
monétaire, en soulevant le lien entre fonds propres et offre de crédit (Van den
Heuvel, 2006). Une hausse des taux d’intérêt atteint la richesse nette par une
diminution des prix des actifs détenus entrainant une détérioration des bilans via
des difficultés à honorer les dettes. Enfin, le canal de la prise de risque implique
un effet de politique monétaire sur les choix bancaires davantage qualitatif
(Disyatat, 2010). La perception des marchés joue un rôle majeur dans ce
mécanisme (Gambacorta et Marques-Ibanez, 2011) puisqu’une baisse des taux
d’intérêt peut inciter à une plus grande prise de risque via la hausse de la valeur
nette des actifs.

En , les banques effectuent leurs choix de portefeuille et modifient la


composition de leur bilan de telle sorte qu’elles maximisent leur profit. Si l’on
considère le secteur bancaire dans son ensemble, le volume d’actifs dépend des
choix de portefeuille effectués à partir des avoirs détenus en . La croissance de
l’actif dépend de l’offre nette de financement (ou demande nette d’actifs),
pouvant être égale à la demande ( ), supérieure ( ) ou inférieure
( ). Elle inclut un rendement procuré par la détention des actifs . En
outre, le volume des actifs comptabilisés à la juste valeur est augmenté (diminué)
suivant un effet prix en cas de demande d’actifs excédentaire (déficitaire) par
rapport à l’offre. Cette variation possible de la valeur de marché des créances est
contenue dans un coefficient : (l’équation suivante est la même que l’équation
[1] étendue à la période )

[ ] [1’]

, avec, pour les actifs valorisés à la juste valeur :

{ [12]

202
, soit un rendement net correspondant à la différence entre le
rendement de la créance et le coût du refinancement bancaire, au moins égal au
taux directeur :

[13]

Conformément à la VaR46, une variance élevée (faible) implique que l’actif


est plutôt risqué (peu risqué).

Les éléments de passif (respectivement les fonds propres et les dettes) au terme
des trois périodes sont exprimés ainsi :

Les banques constituent leurs fonds propres avec une part du montant des actifs
détenus en et leur variation en :

[ ] [4’]

Leurs dettes étant l’élément résiduel :

( ) [ ] [6’]

Par ailleurs, le choix d’une distribution des bénéfices sous forme de dividendes ou
d’une réintégration dans les capitaux propres n’étant pas effectué, ces derniers
apparaissent en Report à nouveau (RAN) :

[5’]

46 Rappelons que la Value-at-Risk (VaR) est une mesure probabiliste de la perte


maximale attendue sur un portefeuille, en liaison avec des changements possibles des
facteurs de risque, dans le but de mieux appréhender le risque financier. Dans la
mesure où le modèle présenté ne fait pas apparaître les échéances de placement, le
rendement et l’écart-type d’un titre nous informent sur le degré de risque du secteur
bancaire. cf. Adrian et Shin (2011) à propos de l’accroissement de la procyclicité du
secteur financier par la VaR, et Calmès et Théoret (2010) pour la sous-estimation des
risques extrêmes et donc du risque systémique qu’induit, pour les banques (qui
recourent massivement au levier), cette mesure du risque.

203
SECTION 4.2 UNE ANALYSE BILANCIELLE CONSECUTIVE A L’ACTION DE
LA POLITIQUE MONETAIRE

204
En tant qu’actif sans risque, ne procure aucun rendement net ( ) et sa
détention n’oblige pas à un provisionnement en capitaux propres. En phase
ascendante, l’actif procure un rendement plus élevé que mais il est aussi plus
risqué :

et

Pour simplifier, le rapport rendement/risque procuré par les actifs et est égal :

( ⁄ ⁄ )

Cependant, le risque présenté par l’actif spéculatif est supérieur (puisqu’il


inclut les titres émis par d’autres intermédiaires et des titres adossés à d’autres
actifs), d’où un provisionnement supérieur au niveau des capitaux propres :

Notons, ici, que l’exigence de fonds propres par les Autorités monétaires est
indépendante du cycle, puisque est le même en (I) et en (II), conformément aux
recommandations de Bâle I puis II où est fixé à 8% des actifs totaux quelle que
soit la phase du cycle.

Les choix de portefeuille des banques dépendent du rendement des actifs mais
aussi de leur coût en capitaux propres : d’après nos hypothèses, aucun des actifs
et n’est préférable à l’autre puisque ( ⁄ ⁄ ) et ( ) ( ).
Nous retrouvons cette idée qu’aucun actif ne domine l’autre chez Choulet et
Quignon (2009) qui établissent un modèle de choix de portefeuille simplifié à
deux actifs.

205
Favorables à une diversification des risques, les banques optent a priori pour une
croissance égale des deux types de créances : .

Les actifs et ne sont pas comptabilisés en valeur de marché ( ),


contrairement aux actifs : lorsque leur demande (par les banques) est soutenue
comparativement à l’offre, cette valeur de marché augmente ( ), et vice
versa ( ) : par simplification, devient .

Enfin, l’actif est un collatéral privilégié dans le cadre d’éventuelles opérations


de refinancement par la Banque centrale, qui impose aux établissements, dans le
cadre des réserves obligatoires, de le détenir au minimum en proportion des
dettes exigibles :

206
Dans le Tableau 5, le bilan agrégé du secteur bancaire est entièrement déterminé :

Tableau 5 : Bilan agrégé du secteur bancaire en


Actif Passif

( ) [1’] [( ) ( )] [4’]
( ) [2’] ( ) [5’]
( ) [3’] ( )[( ) ( )] [6’]

A l’actif, nous avons le montant des trois actifs ( ) détenus en ainsi que
leur variation contenue dans , à laquelle s’ajoute la variation de prix ( ) pour
l’actif

Au passif, nous avons les fonds propres et les dettes détenus en et leurs
variations jusqu’en . Le report à nouveau contient les rendements accumulés à
partir des actifs et détenus en .

Au sein du bilan, nous retrouvons les principaux indicateurs de performance


financière et de robustesse bancaire :

La rentabilité financière (Return on Equity, ROE) peut être appréhendée par le


ratio Résultat/Capitaux propres. Etudier le ROE nous permet d’approcher la
profitabilité des banques et voir si elle va de pair avec la hausse de l’endettement.
Analyser la profitabilité selon les différentes phases du cycle présente un intérêt
compte tenu des interprétations en termes de prise de risque qu’elle implique. En

207
effet, la recherche de profitabilité encourage les banques à prendre davantage de
risques. D’après [4’] et [5’] :

( )
[ ]
[( ) ( )]

Le ratio de fonds propres (Equity Ratio, ), qui permet d’appréhender la


distance au défaut, correspond au ratio (Cooke) de capital Capital/Actifs. Une
insuffisance des fonds propres facilitant les défaillances bancaires, l’interprétation
d’un manque de fonds propres se fait en termes de vulnérabilité accrue et
constitue un élément explicatif de l’instabilité financière. L’idée est donc
d’analyser son évolution dans les différentes phases du cycle. D’après [4’], [1’],
[2’] et [3’] :

[( ) ( )]
( ) ( )
[15]
( )

Le rapport Dettes/capital (Leverage, ) permet ensuite d’évaluer le levier,


synonyme d’interconnexions bilancielles donc d’augmentation du risque de
contagion par effet domino en cas de crise. Les banques ayant davantage recours
au levier rencontrent un effet procyclique et sont d’autant plus exposées au risque
que leur levier financier est élevé (Adrian et Shin, 2008). D’après [4’] et [6’] :

( )[( ) ( )] ( )
[( ) ( )]
[16]

Enfin, la Banque centrale est aussi sensible à la liquidité, qui, au sens


macroéconomique, peut être appréhendée par le ratio Liquidité/titres (Liquidity,
) (indépendamment de l’étude des indicateurs de liquidité bancaire, liés au
volume des dépôts : Cardone Riportella et al., 2010). Ici, l’intérêt est d’étudier

208
l’évolution de la liquidité macroéconomique puisqu’elle concerne les actifs
procurant des liquidités sans impliquer de pertes, même en cas d’urgence (Bons
du Trésor). Notons qu’elle se distingue de la liquidité microéconomique qui
concerne les actifs faisant l’objet d’un volume important de transactions mais dont
la liquidité est artificielle puisqu’elle s’effondre dès lors que la demande d’actifs
diminue (prêt hypothécaire). Analyser l’évolution du ratio de liquidité, considéré
dans sa dimension macroéconomique, permet alors d’identifier quelle phase du
cycle est propice aux choix des valeurs refuges. D’après [1’], [2’], [3’] :

( )
( ) ( ) ( )
[17]

209
4.2.1 Caractéristiques du secteur bancaire et des banques individuelles

Jusqu’à présent, notre analyse porte sur le secteur bancaire agrégé, mais nous
devons considérer le fait que, même si elles suivent une tendance générale en
fonction du cycle, les banques individuelles ont des comportements plus ou moins
risqués. Nous savons qu’au sein du secteur bancaire, les banques individuelles ont
des comportements hétérogènes compte tenu de leurs caractéristiques propres et
notamment du niveau de leurs fonds propres et de liquidité. D’après le canal du
capital bancaire (Van den Heuvel, 2002 ; 2006), c’est-à-dire la réaction endogène
des fonds propres bancaires à l’évolution économique (Meh, 2011), les chocs sont
plus ou moins amplifiés en fonction du niveau de fonds propres détenus par les
banques. Partant, une politique monétaire restrictive influe la distribution de
crédits à la baisse par un effet quantitatif sur la structure du passif des banques.

L’effet d’un choc de politique monétaire diffère également en fonction de la


liquidité du bilan. La capacité pour une banque à maintenir son activité de prêts
dépend en effet aussi de l’impact de la politique monétaire sur son actif (cf. infra).
Une banque plus liquide aura moins de difficultés à continuer de distribuer des
crédits qu’une banque moins liquide qui sera forcée de les rationner pour
maintenir son actif. Kashyap et Stein (2000) confirment cette idée à l’aide d’une
étude économétrique concernant les banques commerciales américaines sur la
période 1976-1997 (données trimestrielles).

Nous proposons de considérer les banques selon leurs caractéristiques en termes


de ratio de fonds propres et de liquidité puisque les banques les plus capitalisées et
les plus liquides modifieraient moins leur offre de prêts face à un choc de
politique monétaire, réagissant de façon moins procyclique aux chocs d’activité.
Leur relation à l’aversion au risque est également différente. Alors que nous
considérions l’aversion au risque au sens large, nous pouvons affiner l’étude en

210
considérant l’aversion au risque au sens strict qui s’applique à un individu et qui
est donc intrinsèque à sa nature. Etant supposée constante, l’idée est de considérer
les deux versions pour appréhender la définition dans sa globalité. Le secteur
bancaire est plus ou moins averse au risque en fonction de la phase du cycle
(aversion au risque au sens large) et des catégories de banques se distinguent
également en fonction de leur perception du risque (aversion au risque au sens
strict). Autrement dit, bien que l’aversion au risque fluctue de manière générale
avec le cycle, le niveau est plus ou moins fort selon les catégories bancaires.

Cette typologie des banques en fonction de leurs caractéristiques peut également


être complétée par la logique du Prêt en Dernier Ressort où la sélection des
récipiendaires se fait en fonction de leurs caractéristiques en termes de capital et
de liquidité. Nous rejoignons le principe de sélectivité du renflouement (Bastidon
et al., 2008) où, en réponse à une crise, les banques liquides et solvables
bénéficient d’un renflouement dit « catalyse », les banques illiquides mais
solvables reçoivent un renflouement de « recapitalisation », et les banques
insolvables sont exclues du prêt et sortent du marché.

Notons, également, qu’on retrouve le raisonnement d’Agur et Demertzis


(2012) (cf. Annexe 3) qui classent les banques en fonction de leur niveau
d’efficience (les banques les plus efficientes étant celles qui réduisent au
maximum leurs coûts et qui choisissent ce qu’ils qualifient de « bons projets »,
c’est-à-dire les projets les moins risqués). Précisons d’ailleurs que le papier
d’Agur et Demertzis (2012) est l’un des rares travaux théoriques (avec,
notamment, Valencia, 201147) qui analysent la prise de risque des banques en

47 Valencia (2011) étudie l’effet de la politique monétaire (via le taux d’intérêt


directeur) sur la prise de risque des banques à l’aide d’un modèle d’optimisation
stochastique dynamique qui consiste à maximiser le profit bancaire. Il en dégage une
règle de décision optimale (résolution par backward induction) et atteste d’une prise

211
réaction à la politique monétaire. En effet, si la littérature économétrique à ce
sujet est abondante, peu ont abordé l’analyse à l’aide de modèles théoriques.

L’efficience n’est pas un élément qui rentre en compte dans notre raisonnement
mais nous considérons que les banques peuvent agir différemment en fonction de
l’état de leur bilan initial, et notamment de l’état de leur ratio de solvabilité et de
liquidité. La croissance des encours est donc, d’une part, dépendante de l’état du
cycle, mais également des caractéristiques propres de la banque :

( ).

Nous pouvons donc ajouter à la tendance générale suivante :

( )
{
( )
la relation individuelle entre la croissance des encours et les niveaux de
capitalisation et liquidité initiaux :

( )
{
( )
avec :

et

Delis et Brissimis (2010) soutiennent cette hypothèse puisqu’ils démontrent


empiriquement que l’effet de la politique monétaire sur la prise de risque est plus
important pour les banques les moins liquides et les moins capitalisées (cf. infra),
la relation positive entre capitalisation, liquidité et aversion au risque étant
positive.

de risque excessive en réponse à des taux d’intérêt peu élevés (résultats qu’il illustre
avec des simulations sur l’ajustement des dividendes suite à un choc de taux d’intérêt).

212
4.2.2 Effets de la politique monétaire sur les bilans bancaires

L’état (I) s’apparente à une phase de croissance et l’état (II) à une phase de
dépression ou de ralentissement. Compte tenu à la fois du choc sur le taux
d’intérêt directeur et de l’aversion au risque des banques, nos hypothèses sur les
rendements, les encours et la valorisation en juste valeur des actifs dits risqués
déterminent l’évolution des bilans bancaires dans le cycle. Dans un premier
temps, nous choisissons d’étudier les effets de la politique monétaire sur
l’évolution des différents indicateurs de résilience et performance, révélatrice
d’une hausse (baisse) de l’endettement en phase ascendante (descendante).
Ensuite, nous montrons en quoi les choix de portefeuille sont favorables aux actifs
risqués en phase (I) et aux valeurs refuges en phase (II). Le résultat principal de
cette étude comparée réside dans l’éviction de l’activité traditionnelle de crédit,
considérée comme une activité productive puisqu’elle favorise le fonctionnement
de la sphère réelle, quelle que soit la phase du cycle. Nous verrons également que
les choix bancaires sont plus ou moins favorables à la prise de risque en fonction
des caractéristiques individuelles des banques.

213
Premier effet : hausse de l’endettement en (I) et deleveraging en (II)

Considérons les éléments du bilan et faisons une étude comparative des deux états
du cycle. Dans un premier temps, cette étude peut s’effectuer au niveau du secteur
bancaire car les comportements, même s’ils sont plus ou moins marqués, suivent
tout de même une tendance générale en fonction de l’état du cycle.

D’après nos hypothèses, les rendements des banques concernant les actifs et
sont plus élevés durant la phase ascendante du cycle que pendant la phase
récessive :

On a

D’autre part, la croissance des encours concernant ces mêmes actifs est positive et
supérieure à 1 dans l’état (I) puisque l’offre nette de financement est supérieure à
la demande. A contrario, l’offre de financement, bien que positive, est inférieure à
la demande dans l’état (II) :

De plus, le volume des actifs comptabilisés à la juste valeur est augmenté dans
l’état (I) et diminué dans l’état (II) suivant un effet prix contenu dans avec
.

On a donc, pour les actifs et valorisés à la juste valeur :

{ , alors ( ) ( )

214
Ces trois points comparatifs nous permettent alors de comparer les différents
éléments du bilan dans les deux phases du cycle.

Dans un premier temps, rappelons que la hausse (baisse) de l’endettement est


appréhendée par le levier représenté par le ratio :

( )[( ) ( )] ( )
[( ) ( )]

En , suite au choc de politique monétaire, d’après les caractéristiques des

variables pour (I) et (II) et puisque ( ) , on a . Par conséquent,

nous avons le résultat suivant :

( ) ( )

Le levier d’endettement est nettement supérieur durant la phase ascendante du


cycle. Puisque nous considérons que cette phase est synonyme de taux d’intérêt
bas, nous constatons la relation négative entre les taux d’intérêt directeurs et
l’endettement des banques. La politique monétaire expansionniste favorise alors
l’accroissement de la taille des bilans.

L’évolution du levier est liée au comportement des banques concernant la


constitution de fonds propres, appréhendée par le ratio Capitaux propres / Total
des actifs :

[( ) ( )]
( ) ( ) ( )

215
Compte tenu des hypothèses et ( ) ( ) ,
le numérateur et le dénominateur sont plus élevés dans l’état (I). Mais, en ajoutant
l’hypothèse , le dénominateur est plus élevé en (I) affaiblissant alors le
ratio. Par conséquent :

( ) ( )

Ce résultat témoigne d’une montée du risque individuel en phase ascendante


(baisse de la distance au défaut), avec un ratio de capital indépendant du cycle.

Si nous observons l’évolution des éléments bilanciels des secteurs bancaires des
économies dites financiarisées (ici, France, Canada, Etats-Unis, Allemagne et
Espagne) (cf. p.153 et 154), l’exacerbation des choix bancaires révèle une montée
des risques à la fois individuels (Graphique 23) et collectifs (Graphique 24)
(pouvant respectivement être mesurés par le ratio de capital et le levier
d’endettement), témoignant là encore du bien-fondé du canal de la prise de risque.
De même, l’observation du ratio de capital permet d’appréhender le canal du
capital bancaire puisqu’il est aisé de voir que les contraintes réglementaires pèsent
davantage sur ce dernier en phase descendante, ce qui encourage davantage le
rationnement du crédit.

L’arbitrage bancaire concernant le niveau d’endettement est influencé par la


recherche de rendement (« Search for yield », Rajan, 2005). L’étude de
l’évolution du ROE confirme que la rentabilité bancaire est supérieure en phase
ascendante du cycle :

216
( )
[( ) ( )]

Puisque, d’après les trois hypothèses, à la fois le numérateur et le dénominateur


sont supérieurs en (I), on montre que :

( ) ( )

Sous la condition : [ ( )] [ ( )] (cf.


Annexe 4). Cette condition est vérifiée dans la mesure où le ratio (fixe) de
solvabilité est inférieur (supérieur) aux rendements attendus des créances en phase
ascendante (descendante).

En conclusion, dans l’état (I), le premier effet de la politique monétaire sur


l’évolution des bilans bancaires est une hausse du niveau général de
l’endettement. Cette hausse de l’endettement fait apparaitre simultanément une
amélioration de la performance du secteur bancaire, une baisse de la distance au
défaut et une hausse du risque de contagion. Cette exposition des banques à la fois
à un risque individuel et contagieux vient du fait qu’un ratio de fonds propres plus
faible les protège moins contre la probabilité de défaut et un levier plus élevé
implique une connexion plus grande entre les banques d’où un risque de
contagion important.

La montée des risques financiers et bancaires en phase ascendante peut également


s’observer dans les faits à l’aide de la variable « Expected Defaut Frequency »

217
(EDF). Altunbas et al. (2010) testent empiriquement48 la relation entre taux
d’intérêt de court-terme et prise de risque des banques en utilisant comme variable
représentative du risque la variable EDF. Cette variable, exprimée en pourcentage,
correspond à la probabilité qu’une banque fasse défaut sur un horizon temporel
donné (en général un an). Elle est calculée en combinant les variables bilancielles
des banques et l’information contenue sur le marché boursier. Cette variable est
davantage utilisée car, malgré l’existence d’une sous-estimation des risques dans
la période précédant la crise, due au fait que le risque n’est pas apparent
immédiatement, ce biais est inférieur comparativement aux autres indicateurs du
risque bancaire. En effet, la variable EDF tient compte à la fois du levier et de la
volatilité des actifs détenus par la banque. Ces deux derniers éléments,
augmentant avant la crise, constituent alors un bon indicateur de montée des
risques.

A contrario, considérant les différents ratios, nous confirmons l’idée d’un


deleveraging en phase descendante, puisque le ratio de levier et le ROE sont bien
moins élevés dans l’état (II). Par ailleurs, le ratio de capital est supérieur étant
donné la frilosité des banques à s’endetter. Les résultats sont cohérents dans un
cadre de défiance généralisée, faisant suite à la phase de surendettement,
caractérisant la debt-deflation de Fisher (1933). Alors qu’en phase (I), l’évolution
des ratios confirme clairement une accélération du crédit, nous retrouvons en
phase (II) une « loss spiral » (Adrian et Shin, 2010), soit un mécanisme de pertes
renforcé par son aspect procyclique. Par ailleurs, la baisse du ratio de capital dans
l’état (I) peut impliquer une insuffisance de fonds propres pour certaines banques,
soutenant l’idée de « spirale de sous-capitalisation » de Tirole (2008).

48 Altunbas et al. (2010) testent l’existence du canal de la prise de risque à l’aide des
moments généralisés. Ils utilisent des données de panel regroupant 1100 banques dans
16 pays sur la période 1998-2008, tirées des bilans trimestriels regroupés dans la base
de données Bloomberg. Ils utilisent également les bases de l’OCDE, la BRI et
Datastream pour les variables macroéconomiques et boursières.

218
Si notre modèle met en évidence une phase d’endettement (état I) et une phase de
désendettement après réalisation du risque (état II), il met également en exergue
des choix de portefeuille bancaires bien marqués en fonction du cycle.

219
Deuxième effet : Des choix au profit du projet spéculatif en (I) et des valeurs
refuges en (II)

Toujours en considérant les éléments du bilan agrégé du secteur bancaire, et à


l’aide des mêmes hypothèses utilisées jusqu’ici49, nous pouvons mettre en avant
des résultats indiquant les choix des banques quant aux actifs qu’elles privilégient
dans les différentes phases du cycle. L’idée est de montrer l’engouement massif
des banques pour les actifs risqués dans l’état (I) versus la fuite vers la qualité
révélatrice d’une aversion au risque marquée dans l’état (II). Le résultat sous-
jacent, qui est la principale finalité de notre démonstration, est une éviction de
l’investissement productif dans les deux états, soit un moindre crédit productif,
qui impacte négativement la croissance et le développement économiques.

Dans un premier temps, l’étude de l’état (I) révèle un climat propice à la


croissance économique avec des taux d’intérêt bas et une faible aversion au
risque. Puisque et sont bas et d’après les hypothèses que nous connaissons
concernant les rendements et la croissance des encours dans les deux états du
cycle, les banques sont davantage incitées à la prise de risque en phase
ascendante. Cette incitation à la prise de risque a lieu dans une logique de hausse
de la profitabilité, le rendement anticipé des actifs étant élevés et les taux d’intérêt
bas. De plus, la prise de risque est alimentée par la surestimation de la réputation
et de la crédibilité des projets et des emprunteurs. De manière analytique, c’est-à-
dire par simple observation de l’évolution des actifs du bilan, on constate que les
choix bancaires sont opposés dans les deux phases du cycle. Concernant le secteur
bancaire agrégé, le choix massif de projets spéculatifs de la part des banques se
retrouve dans l’analyse du ratio suivant :

( )
( )

49
, ,( ) ( )

220
Compte tenu des hypothèses, les choix de portefeuille amènent à une situation où :

( ) ( )

Les actifs spéculatifs sont préférés en (I), alors même que le rapport
Rendement/risque des actifs et est égal. Si le modèle nous démontre cette
préférence de manière mécanique, nous retrouvons aussi l’idée d’une préférence
des actifs risqués en phase ascendante du cycle du fait d’une aversion au risque et
d’un taux d’intérêt directeur faibles. De plus, l’attrait pour les actifs risqués est
d’autant plus fort que les risques sont sous-évalués : on retrouve l’idée « Good
times are bad times for learning » (Gavin et Haussmann, 1998). Durant la phase
ascendante, les critères économiques révèlent un climat favorable, avec des
fondamentaux satisfaisants, à l’instar d’une croissance économique élevée. Mais à
ces critères objectifs s’ajoutent également la spéculation des outsiders50 qui
veulent augmenter leur profitabilité, répondant à une véritable « euphorie des
affaires » (Juglar, 1862). A l’instar d’Adrian et Shin (2010), ces choix s’effectuent
au détriment des prêts à l’économie : ce rationnement relatif du crédit (par l’offre)
témoigne d’une limite de l’outil du taux d’intérêt directeur dès lors que les
innovations financières permettent aux banques de substituer des actifs
négociables aux crédits traditionnels.

De manière générale, la réaction du secteur bancaire à une configuration de taux


d’intérêt directeur peu élevés témoigne d’une hausse de la prise de risque. Par
ailleurs, au sein du secteur bancaire agrégé, les comportements bancaires peuvent
être différenciés, appuyant plus ou moins les nouveaux canaux de transmission de
politique monétaire. En effet, le taux d’intérêt directeur agit de manière

50
Alors que les premiers investisseurs sont dans une logique d’augmentation du profit,
les outsiders copient leurs choix et spéculent dans une optique de hausse de
profitabilité.

221
indifférenciée sur tout le secteur bancaire. Par contre, l’aversion au risque des
banques étant dépendante des prix passés, l’aversion diffère d’une banque à
l’autre selon l’état initial de son bilan, et en particulier du montant des actifs
valorisés en juste valeur ( ) qu’elles détiennent. Par conséquent, les
caractéristiques bancaires en , en particulier les ratios de solvabilité et de
liquidité bancaires, deviennent un facteur qui accentue ou atténue nos résultats
précédents.

En , le ratio de solvabilité (fonds propres / total des actifs) est le suivant :

[( ) ( )]
( ) ( ) ( )

Notons également que l’aversion au risque des banques est conditionnelle à

l’évolution des prix passés : . Par ailleurs, puisque est une variable

déterminante dans la constitution de fonds propres (puisqu’elle figure dans le ratio


en majeure partie au dénominateur), nous comprenons en quoi l’aversion au
risque, donc les comportements bancaires, sont conditionnés par le niveau de
fonds propres initial. Du point de vue analytique, nous voyons, d’une part, que
est d’autant plus faible que est élevé et que la banque a un montant
d’actifs (auxquels se rattache) élevé et, d’autre part, que l’aversion au risque
est d’autant plus faible que est élevé, traduisant une désincitation au
financement de l’investissement productif.

Par ailleurs, d’après , la croissance des encours est fonction

décroissante de l’aversion au risque. Par conséquent, elle est également plus forte
pour un niveau de fonds propres initialement faible : donc est d’autant plus

222
élevé que est faible. Les banques favorisent donc en les actifs
comptabilisés en juste valeur d’autant plus qu’elles sont peu capitalisées.
Autrement dit, le canal de la prise de risque est plus prononcé pour les banques
relativement moins capitalisées en , les banques les mieux capitalisées
initialement étant à la fois plus averses au risque et plus efficaces pour
sélectionner les emprunteurs (Mésonnier, 2005).

Nous retrouvons le même raisonnement concernant le ratio de liquidité :

( )
( ) ( ) ( )

D’après les mêmes hypothèses, nous voyons d’une part, que est d’autant
plus faible que le montant des actifs auxquels s’associe (les actifs ) est élevé.
D’autre part, l’aversion au risque est d’autant plus faible que est élevé. Par

conséquent, toujours d’après , la croissance des encours est fonction

décroissante de l’aversion, et est également plus forte pour un niveau de liquidité


initialement faible. Par conséquent est d’autant plus élevé que est
faible.

La préférence pour les actifs risqués est donc accentuée pour les banques les
moins liquides en . De manière générale, une banque plus liquide agit de
manière moins procyclique et réagit moins à un choc de politique monétaire.
D’une part, suite à une politique monétaire restrictive, elle restreint moins son
activité de prêts car elle détient plus de stocks d’actifs (Kashyap et Stein, 2000).
D’autre part, lors d’une politique monétaire expansionniste assimilée ici à la phase
ascendante du cycle, la banque liquide est celle qui diversifie le plus son actif et

223
qui ne concentre pas seulement ses choix sur les actifs risqués dont la liquidité
s’effondre en phase descendante.

Ce résultat théorique est validé par un certain nombre d’études empiriques


(Altunbas et al., 2010 ; Jimenez et al., 200951). En particulier, Gambacorta et
Mistrulli (2004) testent52 la transmission de la politique monétaire sur les bilans
bancaires compte tenu des caractéristiques des banques, notamment en fonction
des ratios de capital. Parmi les variables explicatives de l’évolution des prêts
bancaires, ils choisissent un indicateur de politique monétaire, des variables
macroéconomiques (PIB, inflation), le capital en excès, la transformation de
maturité et des variables de contrôle, le capital en excès étant défini comme ce
que les banques détiennent en excès par rapport au minimum réglementaire. Leurs
résultats valident le fait que les banques se comportent différemment après un
choc de politique monétaire ; les banques mieux capitalisées, étant moins
dépendantes des contraintes réglementaires, accordent plus de prêts quelle que
soit la phase du cycle.

Notons que nous avons choisi de faire dépendre les choix en du niveau de
capitalisation et de liquidité des banques en sans considérer d’autres variables

51 Jimenez et al. (2009) s’interrogent sur l’effet des taux d’intérêt de court-terme sur
la prise de risque des banques. Utilisant des données trimestrielles concernant les
banques espagnoles, spécialisées sur le prêt immobilier, sur la période 1984-2006
(tirées du Credit register of the banco de espana, CIR), ils testent, à l’aide d’un
modèle probit, la probabilité qu’un emprunteur obtienne un prêt ait un bon ou un
mauvais profil, approché par le risque de crédit. Ils arrivent à la conclusion que la
prise de risque, comme conséquence de la politique monétaire, est conditionnelle aux
caractéristiques des banques individuelles, et notamment la capitalisation et la
liquidité (l’effet taille n’étant pas significatif).
52 A l’aide d’un modèle économétrique utilisant des données de panel et la méthode
des moments généralisés, Gambacorta et Mistrulli (2004) tentent d’expliquer
l’évolution des prêts bancaires par celle de la politique monétaire compte tenu de
l’existence de contraintes réglementaires en matière de capital. Ils utilisent des
données issues des bilans trimestriels des banques italiennes sur la période 1999 (3ème
trimestre) – 2001 (3ème trimestre).

224
comme la taille de la banque, approchée par le montant total des actifs détenus par
la banque. Intuitivement, nous pourrions établir un lien entre choix bancaires plus
ou moins risqués et la taille puisque les grandes banques, soit celles qui ont un
montant d’actifs important, ont davantage de facilité à lever des fonds ce qui rend
leur activité bancaire moins dépendante des chocs et notamment ceux de politique
monétaire. Delis et Brissimis (2010) testent53 l’effet de la politique monétaire sur
l’évolution des prêts bancaires, sur le risque et sur la profitabilité, compte tenu à la
fois de la liquidité et de la capitalisation mais également de la taille, approchée par
le pouvoir de marché des banques et valident empiriquement le fait que les
banques prennent d’autant plus de risques que leurs niveaux de capital et de
liquidité et leur taille sont faibles. Notons, par contre, que théoriquement, les
banques de grande taille ont un meilleur accès à tous les marchés favorisant le
choix d’actifs risqués.

Ici, si nous modélisons les comportements différenciés des banques compte tenu
de leur taille, pour un niveau d’aversion au risque donné, les résultats ne sont pas
tranchés. Nous savons que et sont d’autant plus élevés que est faible. Donc
la taille du bilan [ ( ) ( ) ( )] est
corrélée négativement à l’aversion au risque et positivement à la croissance des
encours. Par conséquent, il serait aisé de conclure que les banques de grande taille
prennent davantage de risques. Mais ceci est valable compte tenu de notre
hypothèse sur la diversification des actifs , soit une diversification
parfaite entre les actifs et . Dès lors que l’on relâche cette hypothèse, la
banque peut choisir de détenir plus ou moins d’actifs risqués. Une grande banque
peut alors être, certes moins capitalisée et moins liquide, puisque, plus la taille

53 Delis et Brissimis (2010) utilisent la méthode des moments généralisés pour tester
les trois effets de la politique monétaire sur l’offre de prêts, le risque et la profitabilité.
Ils utilisent des données concernant les Etats-Unis et les 12 premiers pays adhérents
de la zone Euro sur la période 1994-2007. Ils considèrent tous les types de banques
répertoriées dans la base de données Banskscope (en excluant les banques
d’investissement).

225
[ ( ) ( ) ( )] est élevée, plus
et sont faibles, mais elle peut également avoir des choix relativement moins
risqués, compte tenu de sa plus grande diversification. Cette conclusion rejoint le
caractère ambigu de la taille d’une banque développé dans la revue de la
littérature et observé dans l’étude des bilans bancaires américains.

Notons le fait que les banques les moins liquides et les moins capitalisées, soit
celles qui prennent le plus de risque, est amplifié avec le phénomène d’aléa moral
(cf. Encadré 10). Les facilités accordées par les Autorités à ce type de banques,
une fois le risque réalisé (crise), peuvent en effet encourager les comportements
dits risqués en phase ascendante. Nous reconnaissons d’ailleurs cette distinction
des banques en fonction de leurs caractéristiques dans les recommandations
d’intervention des Autorités monétaires lors d’une crise. Bagehot (1873)
recommandait déjà une intervention d’urgence en encourageant l’établissement de
règles. Selon lui, les Banques centrales doivent prêter à ceux qui le demandent
s'ils ont de bonnes garanties. En d'autres termes, il faut sélectionner les
emprunteurs. Bagehot soumet l'idée d'une distinction à faire entre banques
insolvables et illiquides. Les éléments de liquidité et de solvabilité sont centraux
puisqu’ils qu’ils constituent les piliers de l’activité bancaire (Goodhart, 2008).
Nous retrouvons cette idée chez Bastidon, Gilles et Huchet (2008) où l’éligibilité
du prêt en dernier ressort est fonction de la situation des banques en termes de
solvabilité et de liquidité, les banques insolvables et illiquides étant exclues du
secours des Autorités. Ce type de modalités d’intervention dans la crise permet la
réduction de l’aléa moral puisqu’il incite les banques à détenir un niveau de
capital et de liquidité suffisant, sans quoi elles seraient évincées.

226
Encadré 10 : La crise russe ; Une illustration du phénomène d’aléa
moral

Une illustration d’aléa moral à la fois du créancier et du débiteur est le cas de la


crise russe de 1998. A l'époque où la crise a lieu, la Russie a un marché des
changes très instable, accueille des capitaux spéculatifs et est concernée par des
réformes libérales qui lui sont imposées. En 1998, ses mauvais chiffres en
termes de rentrées fiscales effraient les investisseurs internationaux, ce qui
provoque une forte sortie de capitaux. La Russie se voit ainsi obligée de
mobiliser ses réserves de change, ce qui entraîne un risque d'épuisement. Ses
différents mouvements débouchent finalement sur une dévaluation et un
défaut sur sa dette. La crise russe se propage aux bourses latino-américaines.
Face au risque de propagation, le G7 se réunit le 14 septembre 1998 et s'engage
à soutenir les pays atteints par les retraits de capitaux.

Cette crise est révélatrice d'un aléa moral puisque les Autorités russes font
semblant de respecter les conditions du FMI selon la stratégie du « Too big to
fail », et le FMI, qui tient le rôle du Prêteur en Dernier Ressort International
(PDRI) fait également semblant de croire les institutions russes trop grandes
pour sombrer (Gilles, 2007). Selon le principe du « Too big to fail », qui décrit
la situation où une institution ne peut faire faillite, sous prétexte qu'elle est
trop importante pour sombrer, les établissements russes profitent de cette
couverture. Conformément à cette description, il y a donc aléa moral dans le
cas de la crise russe, dans la mesure où l'assistance du FMI en cas de crise
entraîne un relâchement disciplinaire, voire incite la prise de risque dans les
investissements et l’évaluation des finances publiques.

Ainsi, nous pouvons conclure que les effets de la politique monétaire sur les choix
de portefeuille bancaires sont plus ou moins marqués selon que nous considérons
un secteur bancaire à dominante faible versus forte capitalisation et liquidité. En
d’autres termes, un secteur bancaire comprenant en majorité des banques peu
liquides et peu solvables réagirait plus à un choc de politique monétaire qu’un
secteur bancaire mieux capitalisé et plus liquide ; une baisse des taux d’intérêt,
et/ou le maintien durable de taux d’intérêt bas, favoriseraient relativement plus
une prise de risque accrue du secteur bancaire.

227
Dans l’état (II), et sont élevés. D’après Agur et Demertzis (2012), une
hausse des taux d’intérêt rend la hausse du levier (via essentiellement des
instruments de court terme) plus couteuse pour les banques, les obligeant par
conséquent à le limiter, ce qui contribue à la diminution du risque. Notons que la
baisse de prise de risque consécutive à une hausse des taux d’intérêt est d’autant
plus forte qu’il existe des asymétries informationnelles (Stiglitz et Weiss, 1981).
En effet, une hausse des taux d’intérêt fait augmenter le risque de portefeuille des
prêts en décourageant les investisseurs sains et/ou en induisant les emprunteurs à
choisir des projets risqués. Les banques sont donc incitées à limiter le nombre de
crédits accordés pour éviter cet attrait des investisseurs risqués. Agur et Demertzis
(2012) évoquent également un effet contraire des taux élevés sur la prise de risque
en expliquant que des coûts plus élevés réduisent la rentabilité, pouvant inciter les
banques à chercher d’autres sources favorisant la prise de risque, mais, nous
supposons qu’en phase descendante du cycle, les actifs, et notamment les actifs
risqués, perdent de la valeur (debt-deflation) ne permettant pas la satisfaction de
recherche de rendements. Par conséquent, nous retenons exclusivement l’effet
négatif des taux d’intérêt sur la prise de risque des banques.

L’étude du ratio des actifs dits certains sur les actifs productifs nous permet
d’observer les préférences des banques dans l’état (II). Toujours d’après nos
hypothèses, le secteur bancaire, dans l’état (II), tend à rechercher une stratégie du
type « fuite vers la qualité » :

( )
( )

228
Puisque et , le dénominateur en (I) est nettement plus
élevé qu’en (II), la préférence des banques est alors clairement établie :

( ) ( )

Les actifs sûrs du type Bons du Trésor sont surreprésentés dans le portefeuille en
(II) comparativement à l’état (I), soit une situation de fuite vers la qualité
caractéristique d’une forte aversion au risque (et/ou de forte incertitude quant à
l’évolution du degré de liquidité du marché interbancaire). La préférence de par
rapport aux actifs s’explique par les pertes engendrées par la valorisation à la
juste valeur de ces derniers. La fuite vers la qualité procède d’un report vers les
titres publics, la liquidité microéconomique n’étant pas exogène (« ultime »)
puisqu’elle dépend de l’intensité des échanges sur les marchés concernés.

Ce résultat peut s’interpréter différemment dès lors qu’on s’intéresse à la liquidité.


Au sens macroéconomique, la liquidité peut être appréhendée par le ratio :

( )
( ) ( ) ( )

Compte tenu de l’évolution des différentes variables, on obtient (puisque le


dénominateur est bien plus élevé en I qu’en II) :

( ) ( )

En phase ascendante, on observe, certes, une hausse de l’endettement, mais aussi


une baisse du ratio de liquidité. Nous retrouvons l’idée de Minsky (1982) suivant
laquelle le lien entre l’évolution des bilans et l’utilisation des innovations

229
financières est à l’origine de la fragilisation financière. Ce résultat s’explique par
le clivage entre liquidité micro et macroéconomique. L’actif est parfaitement
liquide alors que l’actif est seulement liquide au sens microéconomique : il
s’épuise rapidement en phase descendante suivant l’effet d’une demande
décroissante, amplifié par la valorisation en juste valeur (d’un actif qui n’est pas
une réserve de valeur). A contrario, la liquidité macroéconomique est largement
préférée dans la phase descendante puisque les banques sont incitées à choisir des
actifs qu’ils considèrent comme des valeurs refuge.

La fuite vers la qualité sous forme de titres publics est liée, selon Aglietta et
Denise (1999), au développement des échanges de titres sur les marchés
secondaires, et représente l’équivalent comportemental dans les régimes
fiduciaires des paniques bancaires dans les régimes métalliques, par opposition à
la liquidité microéconomique qui n’est pas exogène (« ultime ») puisqu’elle
dépend de l’intensité des échanges sur les marchés concernés. Récemment en
Europe, la défiance pour les titres grecs, irlandais ou portugais ne leur fait pas
bénéficier de la qualité de valeur refuge. Les investisseurs préfèrent les titres
allemands et français qui présentent, dans un contexte de surliquidité, des taux
d’intérêt à court terme négatifs. La fuite vers la qualité se traduit également par un
recours accru à la facilité de dépôts par les Institutions Financières et Monétaires
(IFM).

En d’autres termes, la distinction entre liquidité micro et macroéconomique


(Bervas, 2008 ; Tirole, 2008) conforte l’existence du canal de la prise de risque.
Un actif faisant l’objet d’un volume de transaction important peut être considéré
comme étant liquide au sens microéconomique comme, avant 2007, un Bon du
Trésor ou un prêt hypothécaire titrisé. Ici, l’innovation financière ne se traduit pas
par une amélioration du couple rendement-risque, mais, rétrospectivement, par
une amélioration du rendement pour un risque perçu comme étant inférieur. A

230
contrario, un actif liquide au sens macroéconomique peut procurer des liquidités
sans impliquer de pertes substantielles même en cas d’urgence. En 2008, un prêt
hypothécaire titrisé ne remplit pas cette condition et la fuite vers la qualité prend
la forme d’une intensification de la demande de Bons du Trésor (Caballero et
Krishnamurthy, 2007 ; Hördahl et King, 2008). La substitution d’actifs imputée
au canal de la prise de risque diffère donc suivant l’état du cycle. Elle est
favorable aux actifs spéculatifs et/ou à la liquidité microéconomique en phase
ascendante, alors que le retournement se caractérise par une hausse de la
préférence pour la liquidité macroéconomique. In fine, les arbitrages se font,
systématiquement, au détriment des crédits productifs.

D’après le canal traditionnel, un taux d’intérêt élevé affecte les réserves donc les
dépôts à la baisse, par conséquent, cela favorise la baisse d’activité de crédit.
D’après le canal du capital bancaire, les prêts ayant une maturité plus longue que
les créances, il existe un risque de taux d’intérêt. Par conséquent, si le taux
d’intérêt augmente, la charge d’intérêt augmente plus rapidement que les revenus
d’intérêt, entrainant une baisse des profits donc des fonds propres et des prêts.
Cette baisse est encore plus forte si une exigence réglementaire de capital vient
s’ajouter puisque la banque a plus de difficultés à maintenir ses prêts (Van den
Heuvel, 2002 ; 2006).

Du point de vue des comportements individuels, nous retrouvons le lien entre état
des fonds propres et rationnement du crédit puisque l’arbitrage est plus ou moins
marqué en fonction du bilan initial de la banque (même raisonnement que dans
l’état I). Nous avons toujours une aversion au risque conditionnelle à l’évolution

des prix passés : .

231
Par ailleurs, la constitution des ratios de fonds propres et de liquidité est fonction
de la variable . Compte tenu de la composition des ratios, les ratios et
sont d’autant plus faibles (élevés) que est élevé (faible) et que la banque
a un montant d’actifs (auxquels se rattache) élevé. Autrement dit, plus la
banque a fait le choix en d’un montant d’actifs élevé, plus ses ratios de fonds
propres et de liquidité en sont faibles. Ces banques sont donc davantage
concernées par une baisse brutale des prix des actifs , c’est-à-dire une baisse de
. Notons également que ce positionnement sur des actifs risqués en
implique alors un problème de financement du développement économique à
moyen et long termes puisque les banques les moins capitalisées et les moins
liquides sont celles qui ont le plus de difficultés à accorder des crédits productifs.

Compte tenu de nos hypothèses, si en , est faible (par exemple suite à un


effondrement des prix d’actifs risqués), l’aversion au risque est élevée. Par
conséquent, en , la croissance des encours diminue et cette baisse concerne
davantage les banques initialement dotées en actifs et surtout , c’est-à-dire les
banques qui ont, en , des ratios de fonds propres et de liquidité faibles. Nous
comprenons ici aisément que le rationnement du crédit en , soutenu par une
fuite vers la qualité, est d’autant plus fort que les banques sont peu capitalisées et
peu liquides. De plus, d’après Gambacorta et Mistrulli (2004), les banques (étude
sur les banques italiennes) relativement mieux capitalisées sont moins contraintes
par les exigences réglementaires donc peuvent maintenir leur niveau de prêts en
période de récession. Cette catégorie de banques est moins sensible au cycle et
aux effets de la politique monétaire du fait de leur accès plus facile au
financement et de leur moindre difficulté à faire face aux pertes.

232
En conclusion, les effets de la politique monétaire sur les choix de portefeuille
bancaires sont, une fois encore, plus ou moins marqués selon que nous
considérons un secteur bancaire à dominante faible ou forte capitalisation et
liquidité. En d’autres termes, une hausse des taux d’intérêt encouragerait
relativement plus un rationnement du crédit dans le cadre d’un secteur bancaire à
dominante banques peu capitalisées et peu liquides.

233
SECTION 4.3 CAS PARTICULIER : TITRISATION ET EFFETS DE LA
POLITIQUE MONETAIRE EN PHASE ASCENDANTE

234
Jusqu’à présent, notre modèle ne tient pas compte du phénomène de titrisation et
ne considère pas l’existence d’un hors-bilan. Mais la baisse tendancielle de la part
des versements d’intérêt dans les revenus des banques au profit d’une hausse des
sources de revenus autres que des versements d’intérêts (non interest income)
depuis la décennie 90 témoigne de l’importance d’un nouveau modèle d’affaires
(business model) et justifie la nécessaire introduction des actifs titrisés dans notre
modèle. L’idée est d’observer l’évolution des différents ratios issus des bilans
bancaires, avec la même démarche abordée jusqu’ici, mais en tenant compte d’un
nouveau représentant, désormais, un actif titrisé.

En considérant l’actif comme un actif titrisé, le projet spéculatif reflète la


possibilité d’avoir recours au hors-bilan. Au niveau du secteur bancaire, d’après
[16], le levier de bilan du secteur bancaire est rehaussé durant les phases
d’expansion en vue d’améliorer la rentabilité financière. Cette tendance est
observable pour les banques européennes, qui présentent en 2007 un levier de
bilan supérieur à celui des banques américaines. Comme le souligne la Banque de
France (2009, p.20), cet écart masque le recours massif des banques américaines à
la titrisation et à la croissance de crédits comptabilisés en hors-bilan.

Il convient de développer les changements induits par le business model


consistant à accorder les prêts puis à transférer les risques qu’ils incluent via le
hors-bilan, donc le bilan consolidé du secteur bancaire. Les créances titrisées
n’étant pas adossées à des projets productifs (e.g. prêts hypothécaires
résidentiels), elles sont contenues dans , dont les caractéristiques changent. Le
rendement est diminué du coût d’achat de la protection (i.e prime de Credit

235
default swap [CDS54] notée ). Pour simplifier, nous supposons que la prime
d’assurance versée par les banques égalise les rendements nets d’actifs et :

[18]

La demande de financements est augmentée par l’introduction de nouveaux


acteurs (banques d’investissement, courtiers, hedge funds) et de nouvelles
activités (activité désintermediée sous la forme de créances titrisées) issus du
secteur bancaire parallèle. Dans ces conditions, on peut supposer que les effets
prix induits par les normes comptables sont renforcés sur ce type d’actifs : .
Comparativement à la situation sans titrisation, les choix sont encore plus
favorables à en phase (I), puisque l’effet de richesse est renforcé alors que
l’effet dissuasif exercé par la surconsommation de fonds propres de a disparu.
En effet, les banques ont la possibilité de sortir les créances titrisées de leur bilan,
les assujettissant à une réglementation moins contraignante : .

Le Tableau 6 fait apparaître le bilan consolidé des banques en .

Tableau 6 : Bilan agrégé du secteur bancaire (avec actifs titrisés)


Actif Passif

( ) [1’’] ( ) [4’’]
( ) [2’’] ( ) [5’’]
( ) [3’’] ( )[( ) ] [6’’]

54 Un CDS (Credit Default Swap) est un contrat d’assurance qui protège l’acheteur
contre des pertes d’un crédit associé à une entité. En échange de la protection de
crédit, l’acheteur du swap de défaut paie une prime régulière au vendeur de la
protection pour une durée déterminée.

236
La croissance des bilans entre et fait apparaître une modification de leur
composition favorable aux créances , comparativement au scénario sans
possibilités de titrisation. Il s’agit d’arbitrage réglementaire car les fonds
communs de créances, mis en place pour favoriser la titrisation (i.e véhicules
d’investissement structurés [SIV]), sont enregistrés dans des centres financiers
offshore où les contraintes réglementaires (et fiscales) sont moindres. Suite à un
choc de croissance positif en , ce modèle d’affaires (originate and distribute,
noté OD) donne en des résultats qu’il convient de comparer avec la situation
précédente où les banques conservaient au bilan toutes leurs créances risquées
(originate and hold, noté OH).

On montre, d’une part, que et , d’autre part que :

( ) ( )

La rentabilité financière (ROE) est rehaussée en raison du volume d’actifs gérés


par le secteur bancaire et des effets de richesse inhérents aux actifs , désormais
peu consommateurs de fonds propres.
Notons que ceci est vrai si ( ) , or donc la
proposition est valable. Ce résultat n’est plus validé si l’on suppose que les
55
rendements procurés par ces actifs sont inférieurs aux rendements des prêts .

55 On peut présenter la rentabilité financière comme le produit du levier et de la


rentabilité économique (Return on Assets). Sur la base de [14], notre premier résultat
consiste à dire que, pour une rentabilité des actifs donnée, le seul recours au levier
permet d’augmenter la rentabilité financière, au prix de risques individuels et
systémiques accrus. On montre ensuite que le ROE est de nouveau rehaussé si les
banques titrisent les créances, mais ce résultat est invalidé si leur rendement devient
inférieur à celui des prêts productifs, comme le montrent Calmès et Théoret (2010),
qui font état de primes de risque exigées consécutivement à la volatilité accrue des
revenus pour les banques recourant à la titrisation. La chute de la rentabilité financière
constitue un résultat cohérent dans le contexte d’une concurrence interbancaire accrue
en phase d’expansion du cycle. Cette rentabilité peut aussi être altérée par une
modification de la distribution des bénéfices, au profit de l’autofinancement (bénéfices
mis en réserves) et au détriment des dividendes. De façon générale, tout comme le

237
De même, on obtient :

( ) ( )

Le ratio de liquidité diminue car les réserves liquides sont détenues en


proportion des dettes exigibles, limitées au financement des actifs lorsque les
actifs sont comptabilisés en hors-bilan. Ces derniers sont transférés dans des
SIV, qui, en échange, émettent des papiers commerciaux (offloading) : la
privatisation de la création de monnaie renvoie donc à la fourniture de liquidité
par des institutions autres que des banques commerciales (véhicules spéciaux,
banques d’investissement), posant la question de la maîtrise de la création
monétaire. La chute du ratio de liquidité s’explique également par la forte
croissance des actifs qui, à rendement égal, sont moins consommateurs de
fonds propres.

On montre ensuite que :

et
( ) ( )

La chute des fonds propres est donc plus importante dans le modèle Originate and
Distribute que dans le système Originate to Hold :

( ) ( )

levier (Adrian et Shin, 2008), la rentabilité financière peut faire l’objet d’un ciblage de
la part des banques, ainsi qu’en témoignent les travaux dans lesquels le ROE est
exogène (e.g. Choulet et Quignon, 2010).

238
Mais dans la mesure où notre ratio simple de solvabilité n’inclut pas le hors-bilan,
le coussin en capital (buffer) est alors plus faible dans le modèle Originate to
Hold :

( ) ( )

On renoue alors avec le résultat suivant lequel la titrisation permet une réduction
du risque individuel, parallèlement à l’augmentation du risque systémique
(Calmès et Théoret, 2010 ; Nijskens et Wagner, 2011).

En effet, le risque de contagion augmente au niveau global :

( ) ( )

Ceci s’explique autant par la hausse de l’endettement ( ) que par la


chute du provisionnement en capitaux propres ( ), caractérisant une
hausse de la vulnérabilité des banques aux chocs externes. Pourtant, comme le
souligne la Banque de France (2009), une banque peut baisser son levier en
transférant des activités hors-bilan :

( )[( ) ( )] ( )
[( ) ( )]

Avec le transfert des actifs hors bilan, le ratio devient :

( )[( ) ( )] ( )
[( ) ( )]

239
Si les actifs sont transférés hors bilan, le levier peut être diminué
artificiellement et :

( ) ( )

Autrement dit, ce ratio chute si l’on occulte le financement des actifs


(enregistrés hors-bilan), pour devenir (artificiellement) inférieur à celui obtenu
avec le modèle d’affaires traditionnel.

Les activités de titrisation procèdent d’une création de monnaie reportée sur des
marchés d’actifs. Si les anticipations de poursuite de la croissance de leurs prix se
généralisent, le mouvement haussier devient auto-entretenu (bandwagon effect) :
le relèvement des taux directeurs ne suffit pas à renverser la dynamique du
modèle en . L’affaiblissement du canal du crédit, induit par les activités de
marché et renforcé par le recours au hors-bilan, se mesure donc en termes de
financement des projets productifs, d’instabilité financière, mais aussi d’effet du
taux directeur sur l’activité de crédit56.

Un tel affaiblissement du canal traditionnel de la politique monétaire peut


s’expliquer par une exigence moins forte de la part des banques concernant les
standards de prêts, effet combiné au recours à la titrisation. D’après une étude

56 Ainsi, la Fed hausse ses taux de 1 à 5,5% entre 2004 et 2006. Aux Etats-Unis, cette
configuration s’explique aussi par l’épargne provenant du Reste du monde, dont l’effet
est de réduire les taux longs (Warnock F. et Warnock V., 2006). Adrian et Shin (2010)
montrent justement qu’un resserrement de taux peut limiter l’activité de crédit, suivant
une efficacité qui dépend de la hausse des taux directeurs mais aussi de la structure par
terme des taux d’intérêt, relativisant l’efficacité des politiques monétaires.

240
économétrique de Maddaloni et Peydro (2010)57, des taux d’intérêt de court terme
(EONIA) bas impliquent des standards de prêts moins stricts, ce qui implique une
hausse de la prise de risque. Par ailleurs, cet effet est amplifié par le recours à la
titrisation (et la faible supervision). Delis et Kouretas (2011)58 observent en outre
que les banques qui recourent au hors bilan prennent davantage de risque suite à
une baisse des taux d’intérêts. Cette baisse réduit, en effet, les marges d’intérêt
donc encourage la prise de risque dans une optique de recherche de rendements
supérieurs davantage présente chez les banques qui titrisent. Cette étude est
l’occasion de souligner des spécificités pays puisque parmi les 16 pays de la zone
euro qu’ils étudient, le secteur bancaire français, qui comptabilise un montant
d’actifs hors-bilan plus faible que les autres, prend moins de risque
consécutivement à une baisse des taux d’intérêt.

Par ailleurs, pour les mêmes raisons que pour la situation sans titrisation, les
caractéristiques bancaires, et notamment la capitalisation et la liquidité bancaires,
sont des éléments accentuant ou atténuant le canal de la prise de risque. Du point
de vue analytique, puisque les effets prix induits par les normes comptables sont
renforcés sur ce type d’actifs ( ) et que l’effet dissuasif exercé par la
surconsommation de fonds propres de a disparu, les liens entre transmission de
politique monétaire et composition initiale des bilans bancaires sont renforcés. En
effet, la variable étant déterminante dans la composition des ratios de capital et
de liquidité, son importance accrue valide l’intensification de la relation. Par

57 Il s’agit d’une régression simple élaborée à partir de données de panel concernant


le secteur bancaire de 12 pays de la zone euro (Allemagne, Autriche, Belgique,
Espagne, France, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal),
d’après une base de données confidentielle de l’Eurosystem et d’après Dealogic pour
les données de titrisation. La période considérée débute au quatrième trimestre 2002 et
se termine le premier trimestre 2009.

58 Etude d’après une régression simple en panel dynamique. Données bancaires


annuelles de Bankscope, 16 pays de la zone euro (Allemagne, Autriche, Belgique,
Chypre, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-
Bas, Portugal, Slovaquie et Slovénie) sur la période 2001-2008.

241
conséquent, en phase ascendante, les banques les moins capitalisées et les moins
liquides sont celles qui prennent encore plus de risques, et, en phase descendante,
celles qui rationnent le plus le crédit, révélant un comportement symétrique de
procyclicité.

En considérant le bilan consolidé, le levier d’endettement est alors supérieur en


phase ascendante dans le cas où les actifs sont des actifs titrisés. Ceci est
d’autant plus vrai que les banques sont initialement peu capitalisées et peu
liquides, puisque la hausse des encours ( ) est d’autant plus forte que l’aversion
au risque ( ) est faible, donc que est élevé. Et nous savons qu’un élevé en
correspond à des ratios de capital et de liquidité initiaux faibles.

Par contre, si nous considérons la possibilité pour les banques de sortir les actifs
du bilan, les éléments et attachés à ne figurent plus dans les ratios :

[( ) ( )]
( ) ( )

et
( )
( ) ( )

Donc une partie de la croissance des encours ( ), celle distribuée à , disparait du


bilan. Conséquemment, on ne peut pas observer la distribution des encours ( )
entre et . Dès lors, le comportement des banques en termes de prise de risque
n’est pas clairement identifiable. Autrement dit, lorsque les banques ont la
possibilité de sortir des actifs de leur bilan, il est difficile d’analyser le degré de
prise de risque des banques en fonction de leur degré de capitalisation et de

242
liquidité. Il en ressort des difficultés à appliquer empiriquement la réglementation
prudentielle à un tel modèle.

Empiriquement, Gambacorta et Marques-Ibanez (2011)59 montrent effectivement


que la transmission monétaire dépend à la fois des caractéristiques bancaires à
l’instar de la capitalisation et de la liquidité mais aussi de nouveaux facteurs,
comme le changement de business model. Le recours à la titrisation des actifs de
la part des banques a modifié le mécanisme de transmission monétaire en Europe
et aux Etats-Unis, avant mais aussi pendant la crise. Leurs résultats confirment le
fait que les banques ayant recours aux activités non traditionnelles évincent
davantage le crédit en phase descendante du cycle. Précisément, les banques peu
capitalisées et dépendantes du financement de marché restreignent davantage
leurs prêts pendant et au lendemain de la crise.

Nous retrouvons ce résultat dans l’étude d’Altunbas et al. (2007)60, qui veulent
savoir si le passage du système « Originate to hold » à « Originate to distribute »
a modifié la capacité des banques à octroyer des crédits. L’idée est de voir si les
banques qui titrisent réagissent différemment aux chocs de politique monétaire.
Les résultats de leur étude concluent que les banques qui titrisent (c’est-à-dire
celles qui ont un ratio prêts titrisés / total des actifs élevé) sont celles qui sont les

59 Il s’agit d’une régression simple sur données de panel concernant 1000 banques de
15 pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Etats-Unis, France,
Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et la
Suisse), utilisant des bilans trimestriels de banques individuelles d’après Bloomberg
sur la période débutant du premier trimestre 1999 jusqu’au quatrième trimestre 2009.
Les données de titrisation sont tirées de Bondware, Dealogic et Standards and Poors.

60 Leur étude (méthode des moments généralisés en données de panel) porte sur 3000
banques de la zone euro. Seules les banques qui ont au moins quatre années de
données consécutives disponibles sont étudiées. Si l’échantillon porte sur toute la zone
euro, la majeure partie est concentrée sur les pays suivants : Allemagne, Autriche,
Espagne, Finlande, Italie et Pays-Bas. Les données annuelles sont tirées de Bankscope
sur la période 1995-2005, auxquelles sont ajoutées des données de Bondware
(Dealogic) et Standard and Poor’s pour les données de marché.

243
moins liquides (le ratio de liquidité étant le rapport titres et autres actifs liquides /
total des actifs) et les moins capitalisées (ratio capital / actifs). D’après eux,
l’explication viendrait du fait que la vente des prêts bancaires sur le marché
autorise les banques à être moins contraintes par la gestion de liquidité et les
exigences réglementaires de capital. D’autre part, le passage au mode « Originate
to distribute » affaiblit le canal du crédit.

L’intérêt d’avoir introduit dans notre modèle la possibilité pour les banques de
titriser les créances est que nous observons un renforcement des conclusions
établies pour notre modèle sans titrisation. Le levier et la rentabilité, soutenus par
un effet prix plus élevé, sont rehaussés en phase ascendante du cycle, renforçant le
risque de contagion. La contrainte réglementaire ne pesant pas sur les activités
hors-bilan, le risque individuel, approché par un ratio de capital plus faible, est lui
aussi accentué. Par ailleurs, la liquidité macroéconomique est amoindrie au
bénéfice de la liquidité microéconomique. En d’autres termes, les nouveaux
canaux de transmission sont davantage prononcés au détriment du canal
traditionnel du crédit. La politique monétaire favorise encore plus la prise de
risque en phase ascendante et le repli d’activité en phase descendante,
convergeant, quel que soit l’état du cycle, vers une situation de rationnement, ou
du moins de limitation en phase ascendante, du crédit productif.

Pour résumer, dans le modèle, une phase de croissance forte est impulsée par des
taux d’intérêt effectifs (et anticipés) bas, via des rendements nets élevés. Le
retournement intervient lorsque les banques anticipent une hausse des taux
(nominaux) et/ou lorsqu’ils sont effectivement rehaussés. Ce raisonnement
reprend celui de Minsky, si l’on substitue les banques aux investisseurs et les
placements aux investissements productifs. La phase ascendante du cycle favorise
la hausse du levier, de la rentabilité, la baisse du ratio de capital et une préférence
pour les actifs risqués. Le désendettement, caractéristique de la phase

244
descendante, entraîne une baisse des encours de crédits et des titres émis par le
secteur privé. Les deux phases sont alors distinguées par des choix bancaires
opposés avec une préférence pour le risque en phase ascendante et un repli vers la
qualité en phase descendante, au détriment de l’activité de crédit productif donc
de l’activité économique. La possibilité d’intervenir sur les marchés financiers
favorise le développement d’un canal de la prise de risque. Les risques
d’instabilité sont accrus et le canal du crédit est pénalisé puisque les projets
productifs sont moins attractifs. Par conséquent, la concrétisation des risques
financiers en crise financière et bancaire implique la sphère réelle et induit une
crise économique.

Par ailleurs, la possibilité de titriser les créances et le recours au hors-bilan


affaiblissent encore le canal du crédit et soutiennent le canal de la prise de risque,
d’où, en phase ascendante, un bilan (consolidé) plus volumineux, et une liquidité
microéconomique émanant du secteur bancaire fantôme. De nouveaux choix
s’offrent aux banques, qui internalisent les distorsions induites par la
réglementation et réalisent des arbitrages en liaison avec le capital exigé suivant
les types d’actifs et les structures qui les abritent.

Enfin, l’extension du modèle via l’enrichissement de l’hypothèse de prise en


compte d’un secteur bancaire agrégé par l’hypothèse de distinction du secteur en
différentes catégories nous permet d’établir une typologie de banques en fonction
de leurs caractéristiques initiales. L’appréhension de ces caractéristiques, en
termes de ratios de capital et de liquidité permet alors de conclure qu’un secteur
bancaire à dominante faibles capitalisation et liquidité rend plus effectifs les
nouveaux canaux de transmission au détriment du canal du crédit traditionnel.

245
L’étude de la responsabilité des Banques centrales dans les comportements
bancaires nous permet d’attester l’existence de nouveaux canaux de transmission
de politique monétaire. L’évolution des indicateurs bilanciels de performance et
résilience bancaires ainsi que des choix de portefeuille, observée dans les faits ou
modélisée, met en avant l’instabilité financière comme résultat de l’interaction du
secteur bancaire et des Autorités.

L’observation des bilans des secteurs bancaires américain et européen et


l’évolution de notre modèle théorique attestent de la procyclicité des mouvements
bilanciels. Les indicateurs de performance et résilience rendent compte de risques
individuel et collectif accrus en phase ascendante (approchés par le ratio de capital
et le levier) ainsi qu’une baisse de la liquidité macroéconomique au profit de la
liquidité microéconomique qui s’effondre après un choc négatif. Les choix
bancaires contribuent également à l’accentuation du cycle étant donné une
aversion au risque plus forte en phase de croissance. Cette dernière est un élément
clé de notre modèle puisqu’elle explique les choix des banques consécutifs à une
impulsion de politique monétaire, et permet de comprendre en quoi les banques
peuvent se différencier en diverses catégories. Compte tenu du fait que les
banques puissent avoir des degrés d’aversion au risque différents, leurs
caractéristiques se distinguent formant des banques plus ou moins capitalisées et
liquides. La prise de risque, défavorable à l’activité traditionnelle, est alors
fonction négative de la capitalisation et de la liquidité. Par ailleurs, le recours à la
titrisation soutient également le canal de la prise de risque.

In fine, notre modèle, tenant compte de l’évolution des bilans bancaires suite à un
choc de politique monétaire, appréhende à la fois la réaction du secteur bancaire
agrégé en fonction d’un choc de taux d’intérêt (donc en fonction du cycle), mais
aussi la réaction de différentes catégories de banques, compte tenu de leur

246
aversion au risque et de leurs caractéristiques initiales. Le résultat principal de
nos observations et de notre modèle théorique est un affaiblissement de l’activité
traditionnelle de crédit donc de l’activité économique, étant donné la procyclicité
des choix bancaires favorisant la prise de risque en phase ascendante et le repli
vers la qualité en phase descendante, soutenant la thèse de l’endogénéité de
l’instabilité financière au cycle.

247
CONCLUSION GENERALE

248
La réalité économique contemporaine révèle de nouvelles pratiques financières,
faisant appel à de nouveaux instruments, et dont les défaillances ont pour
conséquence la manifestation d’une crise de nouvelle génération. Nous avons
choisi d’inscrire cette réalité dans la littérature existante (i.e Marx, 1867 ; Juglar,
1862 ; Minsky 1982). Si les spécificités des crises n’ont pas toujours été relatives
à l’environnement bancaire (cf. crises de première et seconde générations), la crise
de troisième génération, faisant jouer un rôle important aux flux de capitaux et à
la sphère bancaire61, s’avère d’actualité à la différence que les Pays en
Développement ne sont plus les seuls concernés. La crise de 2007-2008 appartient
à une génération redéfinie puisqu’elle implique, en plus d’une nouvelle
localisation géographique, des causes et des effets différents.

La crise de quatrième génération a lieu du fait d’un dysfonctionnement de la


titrisation situant les vulnérabilités dans les bilans bancaires. La crise financière
devient bancaire, puis réelle et aboutit à une crise de dette souveraine. Dans ce
cadre, les innovations financières et l’importance du secteur bancaire fantôme
impliquent de fortes asymétries informationnelles et une traçabilité des risques
complexe. De plus, si les risques sont rendus difficilement identifiables par le
développement des innovations, leur mauvaise évaluation est inhérente à la
réaction des banques à l’évolution du cycle économique. Les anticipations des
banques participent, en effet, à l’accentuation du cycle et à la manifestation de la
crise. L’hypothèse d’instabilité financière de Minsky est alors renforcée par les
failles informationnelles de la titrisation (Diop, 2009).

La littérature récente propose également une cause supplémentaire au phénomène


d’instabilité financière : l’intervention de la politique monétaire peut influencer

61
Demirgüç-Kunt et Detragiache (2005) recensent un certain nombre d’études économétriques qui
établissent un lien entre libéralisation et instabilité financières.

249
les comportements bancaires, notamment en faveur d’une prise de risque accrue
au détriment des activités productives, la crise actuelle en serait la conséquence :

« It will not be inappropriate to say that it was a political crisis : a “political


business cycle” driven mainly by the past policies. » (Patel, 2013).

Le déclenchement de la crise aux Etats-Unis vient, en effet, après une phase


spéculative impulsée par les réductions du taux d’intérêt directeur américain
depuis 2000, induisant une préférence globale pour des actifs risqués :

« Real estate was brought into the speculative game by Alan Greenspan’s drastic
reduction of the federal funds rate after 2000 to reach a low of 1.13 per cent in
2003, thus inducing a huge migration of fixed income securities to the Wall Street
through the mortgage industry. » (Araghi, 2008).

Le federal funds rate aurait, été, en effet, d’après une étude économétrique
réalisée entre 2001 et 2007 par Taylor (2009), bien en dessous de ce que préconise
la règle de Taylor, révélant une politique monétaire trop souple conduisant à la
crise. Partant, cette nouvelle littérature, dans laquelle nous nous inscrivons, va de
pair avec le développement de travaux concernant de nouveaux canaux de
transmission de la politique monétaire.

L’introduction des innovations financières autour du secteur bancaire parallèle a


permis aux banques de diversifier leurs sources de financement. Par conséquent,
leur réaction à partir d’une impulsion de politique monétaire a évolué. Les
banques peuvent choisir des activités situées hors-bilan et participer à
l’augmentation des risques et leur dissémination. La prise de risque est
encouragée par la politique monétaire dès lors que des taux d’intérêt fixés trop bas
trop longtemps, en période ascendante, peuvent modifier la perception des risques

250
des banques. Par ailleurs, l’offre de crédit, étant dépendante des fonds propres de
la banque, la réglementation prudentielle agit également sur les comportements
bancaires et peut favoriser la prise de risque dès lors que les banques ont la
possibilité d’arbitrer entre des titres situés au bilan et hors-bilan.

Ce nouveau cadre d’analyse de l’instabilité financière implique de travailler sur de


nouveaux modèles (Allen et Snyder, 2009). La plupart des modèles ont été
construits pour des périodes tranquilles, sans épisode de crise. La stabilité
financière, longtemps ignorée des études, doit donc être considérée dans les
nouveaux travaux :

« Reflecting on the financial crisis that is not yet over, it is natural to ask whether
our macroeconomic models are still relevant. (…) We need to build economic
models that integrate the financial sector in a serious way, accounting for the role
of intermediaries with all of their linkages, both with each other and with the real
economy. And, most importantly, these models must be capable of endogenously
creating financial stress that can build up until the pressure leads to a crisis that
is, models in which booms and busts are normal. » (Cecchetti et al., 2009).

Les modèles DSGE, développés récemment, tentent d’intégrer à la fois une


dimension dynamique et des chocs aléatoires (Smets et Wouters, 2003). Par
ailleurs, d’autres ont voulu intégrer le secteur financier dans leurs travaux pour
analyser au mieux l’instabilité financière (Allen, 2005 ; Asada, 2012 ;
Brunnermeier et Sannikov, 2013). Mais le secteur bancaire est largement oublié
dans la formalisation. Nous avons donc voulu développer un modèle qui s’inscrit
dans la nécessité de développer de nouvelles formes de formalisation en intégrant
un agent absent de la littérature récente : le secteur bancaire. Nous tentons alors
d’appréhender l’impact de l’instabilité financière sur la sphère réelle via la
relation Banque centrale – secteur bancaire au sein du cycle.

251
Partant, notre modèle est construit sur une simple observation de l’évolution des
éléments bilanciels sur la base de laquelle peuvent être tirées des conclusions à
partir de leur comparaison lors des deux phases du cycle. Nous comparons, en
effet, les différents indicateurs de résilience et de performance du secteur bancaire
ainsi que les choix de portefeuille, à partir d’une impulsion de politique
monétaire. L’intérêt, en considérant un cycle entier, est de montrer que les
comportements bancaires sont porteurs d’instabilité, quelle que soit la phase
considérée, et que la principale conséquence porte sur l’éviction du crédit
productif, donc la pénalisation de l’investissement productif et de la sphère réelle
en général. Etudier l’évolution « mécanique » des bilans bancaires, à partir d’une
impulsion de politique monétaire, nous aide alors à cerner les variables sur
lesquelles il faut agir pour réduire l’instabilité financière.

L’avantage d’une telle approche est de pouvoir étudier les choix bancaires en
réaction à l’action de la Banque centrale, en distinguant la composition de l’actif
et du passif des bilans. Nous avons, en effet, différencié les actifs selon leur
finalité productive ou non, nous permettant d’appréhender l’importance du
rationnement du crédit, inhérent à la hausse de l’instabilité financière. Par ailleurs,
nous tenons compte du fait que les banques peuvent sortir leurs actifs du bilan,
prenant alors en compte l’existence d’arbitrages faits par les banques au sein d’un
nouveau business model.

Dans ce cadre, les banques réagissent à l’action de la Banque centrale, à travers le


taux d’intérêt directeur62, et en fonction de l’évolution du cycle, compte tenu de
leur aversion pour le risque. Notons qu’en considérant l’aversion au risque, nous
nous inscrivons dans la littérature récente puisque cette dernière devient un

62
La formalisation de la politique monétaire par la règle de Taylor est courante depuis le
développement des modèles DSGE (Gali, 2008 ; Woodford, 2003).

252
élément incontournable de certains modèles (Swanson, 2009 ; Tallarini, 2000).
Une particularité de notre modèle consiste à appréhender l’aversion au risque des
banques dans un sens strict et un sens élargi, nous permettant alors de comprendre
que le secteur bancaire agit de manière homogène, en fonction du cycle, mais
également que des catégories de banques peuvent prendre plus ou moins de
risques, en fonction de leur propre aversion au risque, liée à leurs caractéristiques
bilancielles. Dans un premier temps, un secteur bancaire agrégé adopte un
comportement homogène. Ensuite, nous avons choisi d’affiner cette hypothèse car
toutes les banques n’ont pas le même degré d’aversion au risque. Sans travailler
sur les banques individuelles, nous avons discriminé différents niveaux de prise de
risque en fonction de plusieurs catégories de banques plus ou moins averses au
risque. Cette discrimination tient compte des caractéristiques bancaires en termes
de capitalisation et de liquidité.

Autrement dit, notre modèle décrit un secteur bancaire qui agit de manière
procyclique aux impulsions de politique monétaire, avec une prise de risque plus
ou moins importante en fonction des catégories bancaires. Ces catégories étant
définies par leurs niveaux de capitalisation et de liquidité, cette conclusion nous
permet alors de souligner que la réglementation prudentielle, concernant la
constitution de fonds propres, agit sur la stabilité financière. Partant, les résultats
de notre thèse vont dans le sens d’une nécessaire coopération entre la régulation
prudentielle et la politique monétaire. Notons également que cette coordination,
compte tenu des interconnexions internationales, doit également avoir lieu, au
niveau mondial, entre les Banques centrales nationales (Cartapanis, 2012).

La mise en évidence des nouveaux canaux de transmission de la politique


monétaire dans notre travail confirme les résultats des études économétriques
récentes qui attestent l’existence, notamment, du canal de la prise de risque
(Altunbas et al., 2010 ; Delis et Kouretas, 2010 ; Delis et al., 2011 ; Ioannidou et

253
al., 2008 ; Jimenez et al., 2009 ; Maddaloni et Peydro, 2009). Appuyant le fait que
notre modèle s’inscrit dans la réalité, l’observation des faits stylisés corrobore
l’idée d’un rationnement du crédit quelle que soit la phase du cycle, ce qui
légitime l’intérêt de considérer l’instabilité financière pour améliorer les
conditions nécessaires au développement économique. Notons que notre modèle
décrit seulement la réaction du secteur bancaire aux impulsions de politique
monétaire suivant le cycle. Partant, notre travail n’est qu’un constat sur les
nouvelles dimensions de l’instabilité financière ; il ne propose pas de résolution à
sa réduction. Cependant, à partir de nos résultats, on peut imaginer des
développements en considérant les variables procycliques sur lesquelles agir pour
réduire la volatilité des actifs.

Bâle III s’inscrit dans ces considérations en proposant des mesures


contracycliques et un renforcement des mesures de Bâle II. Les principes de
régulation sont refondés autour d’un nouveau ratio de solvabilité, de
l’introduction de ratios de liquidité et d’un coefficient de levier. Les nouvelles
directives tentent de réduire la procyclicité et avoir une meilleure approche du
risque. Cependant, les principes de Bâle III ne constituent que des
recommandations et ne nécessitent pas d’obligation, d’où des applications
différées en fonction des pays (les Etats-Unis, par exemple, préférant repousser
l’échéance minimum en 2019 ; Couppey-Souberan et al., 2012). Par ailleurs,
l’ampleur de la crise est directement liée aux interconnexions des institutions
financières, qui ont accentué le risque systémique.

Cette dimension, qui mériterait d’être intégrée dans notre modèle, doit être
considérée dans les mesures réglementaires. L’idée est de mieux identifier les
interconnexions et les risques en améliorant la surveillance et la gestion des
risques, incluant ceux, jusqu’ici difficilement traçables, inhérents aux opérations
complexes. Une piste à creuser est celle de la prise en compte d’une contribution

254
au risque systémique, avec une exigence réglementaire, fonction du crédit agrégé
excessif (Aglietta et Rigot, 2009). Pour accorder cette idée avec notre travail,
l’exigence serait fixée davantage sur l’excès du montant d’actifs risqués détenus
par le secteur bancaire agrégé.

Au-delà de la difficulté d’apprécier les risques associés aux produits issus de


l’innovation financière, l’évaluation des risques, étant associée à l’évolution du
cycle (avec une forte sous-évaluation en phase ascendante), la réglementation
devrait s’appuyer sur un système d’évaluation davantage « détaché » du cycle.
Peut-être faudrait-il remettre en question le système d’évaluation coordonné par
les agences de notation ? De plus, le calcul de la VaR pourrait intégrer des
périodes de plus long terme (Banque de France, 2009) pour considérer un cycle
entier. Enfin, les stress tests pourraient s’effectuer de manière plus régulière et
plus standardisée.

Si notre travail ne tranche pas la question des nouveaux moyens de réalisation des
activités des Banques centrales, nous pouvons déjà souligner qu’un
rapprochement entre banquiers centraux et superviseurs est nécessaire au
renforcement de l’objectif de stabilité financière. Cette question étant intimement
liée à celle de la surveillance du secteur bancaire fantôme et à l’existence de
paradis fiscaux et réglementaires. Nouy (2013) parle de la nécessité d’une
réglementation « horizontale », soit l’harmonisation des règles pour toutes les
institutions et activités. Est également mentionnée l’interdiction pour les banques
d’avoir recours à certaines activités.

Au terme de ces recherches, les perspectives de travail incluent la formalisation


du shadow banking system dans la continuité des quelques modèles existants qui
tentent d’intégrer l’interconnexion des banques aux marchés financiers (Gennaioli

255
et al., 2013 ; Plantin, 2012) ; le but ultime étant d’approcher au mieux l’ensemble
des facteurs d’instabilité financière pour dessiner un cadre réglementaire et de
politique monétaire propice à la maximisation de la croissance économique via
l’activité traditionnelle de crédit.

256
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278
ANNEXES

Annexe 1 : Les équations du bilan agrégé du secteur bancaire

Le bilan agrégé du secteur bancaire est le suivant :

Bilan agrégé du secteur bancaire


Actif Passif
[4’]
( ) [11] [( ) ( )]
[6’]
( ) [12] ( )
[5’]
( ) [13] ( )[( ) ( )]

A l’actif, les montants des actifs correspondent aux montants de la


période précédente auxquels s’ajoutent les montants accumulés depuis. La
variation est contenue dans et les rendements obtenus entre les deux périodes
pour les actifs et dans .

Au passif, sont comptabilisés les capitaux propres, les dettes et le report à


nouveau.

Le report à nouveau correspond aux rendements enregistrés entre les deux


périodes concernant les actifs et :

279
Concernant les capitaux propres, nous avons :

et

soit pour simplifier :

[ ( )]

et ( )

donc ( ) [ ( )]

Enfin, concernant les dettes, nous avons :

( ) ( ) ( )

et ( ) ( )

soit, pour simplifier :

( )[ ( )] ( )

et ( )( )

donc ( )[( ) ( )]

280
Annexe 2 : Les axiomes utiles à l’agrégation des préférences
individuelles

Lorsqu’une banque fait un choix, nous supposons qu’il respecte les cinq axiomes
suivants (Ferrari, 2002):

- Tout d’abord, deux (ou plusieurs) choix peuvent toujours être comparés.
La banque doit, en effet, être capable d’établir ses préférences et de savoir
si elle préfère un choix à un autre ou si elle est indifférente entre les deux ;
c’est l’axiome de comparabilité.
- Ensuite, si nous supposons trois choix A, B et C. L’axiome de transitivité
garantit une cohérence entre les classements des préférences. Si A est
préféré ou indifférent à B et si B est préféré ou indifférent à C, alors A est
préféré ou indifférent au choix C.
- L’axiome de réflexivité établit que, quel que soit le choix d’une banque, il
est préféré ou indifférent à lui-même.

Ces trois propriétés garantissent que la fonction des préférences respecte un pré-
ordre complet. Si l’on intègre la notion de loterie avec l’intervention des
probabilités, nous pouvons ajouter deux autres propriétés.

- La continuité établit que pour toute loterie , si toutes les loteries de la


suite de loteries sont préférées à , et si la limite de existe, alors
cette limite est préférée à .
- Enfin, d’après l’axiome d’indépendance, si nous avons deux loteries,
l’existence d’une nouvelle loterie à chacune des deux loteries ne modifie
pas l’ordre de leur classement.

281
Annexe 3 : Le modèle théorique d’Agur et Demertzis (2012)

Alors que nous considérons les banques selon leurs caractéristiques bilancielles, et
notamment selon leurs ratios de solvabilité et liquidité, Agur et Demertzis (2012)
les classent selon leur niveau d’efficience63 ( ) tels que :

( )

Avec un niveau d’efficience bas et un niveau d’efficience élevé. Les


banques les moins efficientes sont dans la première catégorie, les banques
intermédiaires se situent dans la deuxième catégorie et les plus efficientes dans la
dernière.

Selon ces niveaux d’efficiences, les banques ont des bilans et des comportements
différents. Au niveau individuel, la fonction de revenu d’une banque est la
suivante :

( ) ( ( ) )

avec :

{ } le choix du projet de la banque entre un « bon » projet et un


« mauvais ». Notons que nous retrouvons dans notre modèle le même
raisonnement puisque nos banques ont le choix entre des projets qui favorisent des
actifs productifs, des actifs certains et des actifs spéculatifs.

63
Les banques les plus efficientes étant celles qui réduisent au maximum leurs coûts et qui
choisissent les « bons projets », c’est-à-dire les projets les moins risqués.

282
Du côté du passif de la banque , la taille du bilan est appréhendée par la variable
, telle que :

Avec : les capitaux et les dettes.

Si la banque fait défaut, les investisseurs reçoivent une part ] [ de leur


investissement auprès de la banque (avec car si , aucune
banque ne choisirait de projet risqué et si , il n’y aurait pas de prime de
risque). Par ailleurs, compte tenu de cette probabilité de perdre leur
investissement, les créditeurs demandent une prime de risque au-dessus du taux
d’intérêt sans risque ( ) pour compenser la probabilité de défaut. Le taux
d’intérêt que fixe la banque ( ) doit satisfaire :

( )( ) ( )

soit

( )( )

où est la probabilité que la banque fasse défaut :

[ ( ) ( ) ]

avec : ( ) le revenu de la banque et ( ) ce qu’elle doit rembourser.

Partant, la banque maximise son profit en fonction du projet choisi et du levier. La


décision se fait donc à la fois sur les éléments du passif et de l’actif du bilan.

{ [ { ( ) ( ) }]}

283
En remplaçant :

{ [ {( ) ( ( ) ) ( ) }]}
( )( )

avec :

[( ) ( ( ) ) ( )]
( )( )

Résolution :

La fonction de maximisation du profit est une fonction qui comporte un point de


retournement (« a kink ») puisque les banques se comportent différemment
lorsqu’il s’agit de maximiser les gains ou de minimiser les pertes. En effet,
Tversky et Kahneman (1979) remettent en question la formulation des préférences
de Von Neumann et Morgenstern, qui ne rend pas compte de certaines
observations sur les choix en incertitude. La contestation repose sur une
représentation en trois points. D'une part, les agents ont une perception déformée
des probabilités objectives. Ils surestiment les faibles probabilités et sont plus
sensibles aux différences de probabilités lorsque leur niveau est plus élevé.
D'autre part, les agents sont sensibles à la variation relative de leur situation plutôt
qu'à leur niveau absolu, l'utilité devrait donc être définie sur le montant des gains
et des pertes plutôt que sur la richesse finale. Enfin, la forme de la fonction définie
sur les pertes est différente de celle définie sur les gains. Concernant les pertes, un
individu préfère une perte élevée mais incertaine à une perte certaine. L'utilité
serait donc concave dans le domaine des gains et convexe dans celui des pertes .
Voilà pourquoi la fonction n’est pas différentiable. Par conséquent, le programme
de maximisation ne peut être résolu.

284
Ne pouvant résoudre le programme de maximisation du profit bancaire, Agur et
Demertzis (2012) posent un certain nombre de résultats à partir de l’évolution des
variables bilancielles, et notamment les trois résultats suivants :

1. Il existe un point fixe pour entre 0 et 1 :

] [ avec et par définition

La banque est confrontée à une probabilité de défaut non nulle ni certaine.

2. Il existe un niveau de dette optimal

[ )

3. Il existe un projet optimal qui classe les banques en trois catégories.


Les banques choisissent leur projet compte tenu de leur efficience

( )

Les banques les moins efficientes quittent le marché. Les banques les plus
efficientes choisissent le « bon » projet. Enfin, le « mauvais » projet est choisi par
les banques intermédiaires qui sont alors concernées par le canal de la prise de
risque.

285
Annexe 4 : L’évolution du ROE

Le ratio de rentabilité est donné comme suit :

( )
[( ) ( )]

D’après nos hypothèses, le ratio est supérieur en (I) :

( ) ( )

Si et seulement si et d’une part, et


et d’autre part, c’est-à-dire, si

d’une part :

( ) ( )

et

[( ) ( )] [( ) ( )]

et d’autre part :

( ) [( ) ( )]

et

( ) [( ) ( )]

286
Autrement dit, le ROE est supérieur en phase ascendante si :

( ) [( ) ( )] [( )

( )] ( )

En simplifiant, nous avons la conclusion suivante :

( ) ( )

si et seulement si

[ ( )] [ ( )]

287
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE .................................................................................... 7


CHAPITRE I EVOLUTION DE LA NATURE DES CRISES ET APPARITION D’UN
NOUVEAU CADRE FINANCIER............................................................................... 18

Section 1.1 Des vulnérabilités du Haut vers le Bas de la Balance des


Paiements ....................................................................................................... 20
1.1.1 De la sphère réelle aux sphères financière et bancaire ..................... 22
1.1.2 Des crises à dominante bancaire ....................................................... 30
1.1.3 Facteurs de vulnérabilité des banques .............................................. 40
Section 1.2 Calculs des risques et Instabilité financière ............................... 48
1.2.1 Evaluation des risques et nouveau business model ........................... 50
1.2.2 La méthode d’évaluation des actifs et des risques ............................ 62
CHAPITRE II LES NOUVELLES DIMENSIONS DE L’INSTABILITE FINANCIERE ......... 68
Section 2.1 Transmission et Amplification .................................................... 70
2.1.1 Instabilité intrinsèque de la finance .................................................. 72
2.1.2 Canaux de transmission de la politique monétaire ........................... 81
Le canal du capital bancaire................................................................... 83
L’arbitrage réglementaire ...................................................................... 90
Le canal de la prise de risque ................................................................. 92
Section 2.2 Implications pour la politique monétaire.................................. 102
2.2.1 La politique monétaire en question : une règle de Taylor augmentée
des prix d’actifs ? ..................................................................................... 104
2.2.2 D’autres prises en compte de l’instabilité financière ...................... 113
CHAPITRE III L’INSTABILITE FINANCIERE DES PAYS FINANCIARISES : UN
PHENOMENE DE LONG TERME ET CYCLIQUE ...................................................... 126

Section 3.1 L’instabilité financière : Une tendance de long terme ............. 130
3.1.1 Le système bancaire américain ....................................................... 132
3.1.2 Le système bancaire européen ........................................................ 137

288
Section 3.2 L’instabilité financière comme produit de l’interaction des
comportements bancaires et du cycle .......................................................... 143
3.2.1 Etude de quelques éléments bilanciels............................................ 150
3.2.2 Choix de portefeuille américains .................................................... 159
3.2.3 Choix de portefeuille européens ..................................................... 163
Section 3.3 Un secteur bancaire fractionné en catégories bancaires ......... 171
3.3.1 Etude des éléments bilanciels des catégories de banques ............... 173
3.3.2 Etude des choix de portefeuille des catégories de banques ............ 179
CHAPITRE IV UN MODELE D’INTERACTION ENTRE BANQUE CENTRALE ET
SECTEUR BANCAIRE : LA PROCYCLICITE, FACTEUR D’INSTABILITE FINANCIERE 189

Section 4.1 Cadre analytique du modèle ..................................................... 191


4.1.1 Le secteur bancaire en : .............................................................. 193
4.1.2 L’action de la Banque centrale en .............................................. 197
4.1.3 La réaction du secteur bancaire en ............................................. 198
Section 4.2 Une Analyse bilancielle consécutive à l’action de la politique
monétaire ..................................................................................................... 204
4.2.1 Caractéristiques du secteur bancaire et des banques individuelles . 210
4.2.2 Effets de la politique monétaire sur les bilans bancaires ................ 213
Premier effet : hausse de l’endettement en (I) et deleveraging en (II) 214
Deuxième effet : Des choix au profit du projet spéculatif en (I) et des
valeurs refuges en (II) .......................................................................... 220
Section 4.3 Cas particulier : Titrisation et effets de la politique monétaire en
phase ascendante ......................................................................................... 234
CONCLUSION GENERALE ................................................................................... 248
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................. 257
ANNEXES .......................................................................................................... 279
TABLE DES MATIERES ....................................................................................... 288
TABLE DES ILLUSTRATIONS............................................................................... 290
Tableaux....................................................................................................... 290
Graphiques................................................................................................... 290
Encadrés ...................................................................................................... 294

289
TABLE DES ILLUSTRATIONS

TABLEAUX

TABLEAU 1 : PERTES CUMULEES ET DEPRECIATIONS D’ACTIFS (2007-08)(EN


MILLIARDS DE DOLLARS) ................................................................................ 78
TABLEAU 2 : BILAN AGREGE DU SECTEUR BANCAIRE EN .................................. 193
TABLEAU 3 : BILAN AGREGE SIMPLIFIE DU SECTEUR BANCAIRE ........................... 193
TABLEAU 4: BILAN AGREGE DU SECTEUR BANCAIRE ............................................ 195
TABLEAU 5 : BILAN AGREGE DU SECTEUR BANCAIRE EN ................................... 207
TABLEAU 6 : BILAN AGREGE DU SECTEUR BANCAIRE (AVEC ACTIFS TITRISES)...... 236

GRAPHIQUES

GRAPHIQUE 1 : FREQUENCE DES CRISES BANCAIRES, DE CHANGE ET JUMELLES


(1890-1997) ................................................................................................... 29
GRAPHIQUE 2 : EVOLUTION DU MONTANT DES SOURCES DE REVENUS DES BANQUES
FRANÇAISES EN MILLIONS D'EUROS ................................................................. 43

GRAPHIQUE 3 : EVOLUTION DU MONTANT DES PAPIERS COMMERCIAUX (ABCP) AUX


ETATS-UNIS EN PHASE DE CROISSANCE (MILLIARDS DE DOLLARS) ................. 53
GRAPHIQUE 4 : PERTES CUMULEES ET DEPRECIATIONS D’ACTIFS (2007-2008) (EN
MILLIARDS DE DOLLARS) ................................................................................ 78
GRAPHIQUE 5 : SPREADS 10 ANS DES TITRES SOUVERAINS (PAYS DITS SOUS
TENSIONS) ....................................................................................................... 99

GRAPHIQUE 6 : CONCENTRATION DU SECTEUR BANCAIRE AMERICAIN ................. 133


GRAPHIQUE 7 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS (EN $) DU SECTEUR BANCAIRE
AMERICAIN ................................................................................................... 134

290
GRAPHIQUE 8 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES
DE MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS ....................................... 135

GRAPHIQUE 9 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES


ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ......................... 135

GRAPHIQUE 10 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES


DE PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS .............................................. 135

GRAPHIQUE 11 : CONCENTRATION DU SECTEUR BANCAIRE EUROPEEN (ZONE EURO)


..................................................................................................................... 137
GRAPHIQUE 12 : TAUX D’INTERMEDIATION FINANCIERE EN FRANCE (EN % DU
TOTAL DES FINANCEMENTS PAR LES AGENTS NON FINANCIERS RESIDENTS) .. 138

GRAPHIQUE 13 : REPARTITION DU MONTANT DES ACTIFS DES ETABLISSEMENTS DE


CREDITS FRANÇAIS EN 1993 .......................................................................... 139

GRAPHIQUE 14 : REPARTITION DU MONTANT DES ACTIFS DES ETABLISSEMENTS DE


CREDITS FRANÇAIS EN 2007 .......................................................................... 139

GRAPHIQUE 15 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS (EN MILLIONS D’EUROS) DES


ETABLISSEMENTS DE CREDITS DE LA ZONE EURO .......................................... 141

GRAPHIQUE 16 : TAUX DE CROISSANCE DU PIB (EN %), ETATS-UNIS .................. 145


GRAPHIQUE 17 : TAUX DE CROISSANCE DU PIB DE LA ZONE EURO ...................... 145
GRAPHIQUE 18 : TAUX DE CHOMAGE (EN % DE LA POPULATION ACTIVE), ETATS-
UNIS ............................................................................................................. 146
GRAPHIQUE 19 : TAUX DE CHOMAGE (EN % DE LA POPULATION ACTIVE) DE LA ZONE
EURO ............................................................................................................. 146

GRAPHIQUE 20 : RATIO DE CAPITAL DU SECTEUR BANCAIRE AMERICAIN (EN %) .. 150


GRAPHIQUE 21 : RATIO TIER ONE DU SECTEUR BANCAIRE AMERICAIN (EN %)..... 151
GRAPHIQUE 22 : RATIO DE CAPITAL DES ETABLISSEMENTS DE CREDITS DE LA ZONE
EURO (EN %) ................................................................................................. 153

GRAPHIQUE 23 : RATIOS DE CAPITAL COMPARES DES INSTITUTIONS FINANCIERES DE


CERTAINS PAYS DE L’OCDE (EN %) ............................................................. 154

GRAPHIQUE 24 : EVOLUTION DU RATIO DE LEVIER (EN %)................................... 155


GRAPHIQUE 25 : MONTANT TOTAL DES PROVISIONS POUR PERTES (EN $) DU
SECTEUR BANCAIRE AMERICAIN (BANQUES COMMERCIALES) ....................... 156

291
GRAPHIQUE 26 : MONTANT DES REPO (EN MILLIONS D’EUROS) DES
ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ............................................ 158

GRAPHIQUE 27 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS DU « TRADING ACCOUNT » (EN $) DU


SECTEUR BANCAIRE (BANQUES COMMERCIALES) .......................................... 160

GRAPHIQUE 28 : MONTANT TOTAL DES PRETS (EN $) DU SECTEUR BANCAIRE


(BANQUES COMMERCIALES) .......................................................................... 161
GRAPHIQUE 29 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS LIQUIDES (EN $) DU SECTEUR
BANCAIRE AMERICAIN (BANQUES COMMERCIALES) ...................................... 162

GRAPHIQUE 30 : MONTANT DES TITRES (EN MILLIONS D’EUROS) DES


ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ............................................ 164

GRAPHIQUE 31 : MONTANT DES TITRES CONTREPARTIE IMF (EN MILLIONS


D’EUROS) DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ..................... 165

GRAPHIQUE 32 : MONTANT DES TITRES CONTREPARTIE NON IMF (EN MILLIONS


D’EUROS) DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ..................... 165

GRAPHIQUE 33 : MONTANT DES TITRES CONTREPARTIE GOUVERNEMENTS (EN


MILLIONS D’EUROS) DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ..... 165

GRAPHIQUE 34 : MONTANT DES PRETS (EN MILLIONS D’EUROS) DES


ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ............................................ 167

GRAPHIQUE 35 : MONTANT DES ACTIFS LIQUIDES (EN MILLIONS D’EUROS) DES


ETABLISSEMENTS DE CREDIT DE LA ZONE EURO ............................................ 168

GRAPHIQUE 36 : RECOURS MASSIF A LA FACILITE DE DEPOT EN ZONE € FIN 2011


(ECB, MDS D’€) ........................................................................................... 169
GRAPHIQUE 37 : RATIO DE FONDS PROPRES (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES DE
MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS ............................................ 175

GRAPHIQUE 38 : RATIO DE FONDS PROPRES (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES


ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ......................... 175

GRAPHIQUE 39 : RATIO DE FONDS PROPRES (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES DE


PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ................................................... 175

GRAPHIQUE 40 : RATIO TIER ONE (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES DE MOINS


DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS ....................................................... 176

292
GRAPHIQUE 41 : RATIO TIER ONE (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES ENTRE 100
MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ........................................... 176

GRAPHIQUE 42 : RATIO TIER ONE (EN%) DES BANQUES COMMERCIALES DE PLUS


D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ............................................................ 176

GRAPHIQUE 43 : MONTANT TOTAL DES PROVISIONS POUR PERTES (EN $) DES


BANQUES COMMERCIALES DE MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS

..................................................................................................................... 178
GRAPHIQUE 44 : MONTANT TOTAL DES PROVISIONS POUR PERTES (EN $) DES
BANQUES COMMERCIALES ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS

D’ACTIFS ....................................................................................................... 178

GRAPHIQUE 45 : MONTANT TOTAL DES PROVISIONS POUR PERTES (EN $) DES


BANQUES COMMERCIALES DE PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS..... 178

GRAPHIQUE 46 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS SUR « TRADING ACCOUNT » (EN $)


DES BANQUES COMMERCIALES DE MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS

D’ACTIFS ....................................................................................................... 181

GRAPHIQUE 47 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS SUR « TRADING ACCOUNT » (EN $)


DES BANQUES COMMERCIALES ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE

DOLLARS D’ACTIFS........................................................................................ 181

GRAPHIQUE 48 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS SUR « TRADING ACCOUNT » (EN $)


DES BANQUES COMMERCIALES DE PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS

..................................................................................................................... 181
GRAPHIQUE 49 : MONTANT TOTAL DES PRETS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES
DE MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS ....................................... 183

GRAPHIQUE 50 : MONTANT TOTAL DES PRETS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES


ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS ......................... 183

GRAPHIQUE 51 : MONTANT TOTAL DES PRETS (EN $) DES BANQUES COMMERCIALES


DE PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS .............................................. 183

GRAPHIQUE 52 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS LIQUIDES (EN $) DES BANQUES


COMMERCIALES DE MOINS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS D’ACTIFS ............. 184

293
GRAPHIQUE 53 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS LIQUIDES (EN $) DES BANQUES
COMMERCIALES ENTRE 100 MILLIONS ET 1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS

..................................................................................................................... 184
GRAPHIQUE 54 : MONTANT TOTAL DES ACTIFS LIQUIDES (EN $) DES BANQUES
COMMERCIALES DE PLUS D’1 MILLIARD DE DOLLARS D’ACTIFS .................... 184

ENCADRES

ENCADRE 1 : LA CRISE FINANCIERE 2007-2008 ; UNE CRISE DE QUATRIEME


GENERATION ? ................................................................................................ 34
ENCADRE 2 : DIFFERENTS INDICATEURS D’AVERSION AU RISQUE ........................... 51
ENCADRE 3 NECESSITE DE GRADUALISME POUR LA NOTATION ............................... 60
ENCADRE 4 : CONTESTATION DE LA LOI NORMALE COMME PILIER DES METHODES
D’EVALUATION PAR MANDELBROT. ................................................................ 64

ENCADRE 5 : DE L’EVALUATION AU COUT HISTORIQUE A LA « JUSTE VALEUR »..... 79


ENCADRE 6 : LA REGLEMENTATION DE FONDS PROPRES ......................................... 84
ENCADRE 7 : RATIONNEMENT DU CREDIT ET ASYMETRIES INFORMATIONNELLES .. 86
ENCADRE 8 : LES POLITIQUES MONETAIRES NON CONVENTIONNELLES ................ 96
ENCADRE 9 : LES RECOMMANDATIONS DE BALE III ............................................. 117
ENCADRE 10 : LA CRISE RUSSE ; UNE ILLUSTRATION DU PHENOMENE D’ALEA
MORAL .......................................................................................................... 227

294

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