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BACCALAURÉAT TECHNOLOGIQUE

SESSION 2024

FRANÇAIS

ÉPREUVE ANTICIPÉE

Durée de l’épreuve : 4 heures


Coefficient : 5

L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet.
Ce sujet comporte 8 pages, numérotées de 1/8 à 8/8.

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Vous traiterez au choix, l’un des deux sujets suivants :

1- Commentaire de texte (20 points)

Objet d'étude : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle

Texte : Victor Hugo, « Vois, cette branche est rude... », Les Feuilles d'automne,
XXVI, 1831.

Vois, cette branche est rude, elle est noire, et la nue1


Verse la pluie à flots sur son écorce nue ;
Mais attends que l'hiver s'en aille, et tu vas voir
Une feuille percer ces nœuds si durs pour elle,
5 Et tu demanderas comment un bourgeon frêle
Peut, si tendre et si vert, jaillir de ce bois noir.

Demande alors pourquoi, ma jeune bien-aimée,


Quand sur mon âme, hélas ! endurcie et fermée,
Ton souffle passe, après tant de maux expiés2,
10 Pourquoi remonte et court ma sève évanouie,
Pourquoi mon âme en fleur et tout épanouie
Jette soudain des vers que j'effeuille à tes pieds !

C'est que tout a sa loi, le monde et la fortune3 ;


C'est qu'une claire nuit succède aux nuits sans lune ;
15 C'est que tout ici-bas a ses reflux4 constants ;
C'est qu'il faut l'arbre au vent et la feuille au zéphire5 ;
C'est qu'après le malheur m'est venu ton sourire ;
C'est que c'était l'hiver et que c'est le printemps !

7 mai 1829.

Vous ferez le commentaire du texte de Victor Hugo extrait des Feuilles d’automne en
vous aidant des pistes de lecture suivantes :
1- L’énergie vitale de la nature.
2- La leçon sur la nature qui invite à l’amour.

1
Nue : terme poétique désignant un nuage épais.
2
Expiés : endurés, subis. Expier s’emploie ordinairement pour exprimer la réparation d’une faute.
3
Fortune : puissance mystérieuse qui semble distribuer sans règle le bonheur ou le malheur aux
humains.
4
Reflux : mouvements de retour dans un cycle ; ce terme désigne en particulier le mouvement de la
mer.
5
Zéphire : vent doux et agréable.

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2- Contraction de texte (10 points) et essai (10 points)

Objet d’étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Le candidat traite, compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, l’un
des trois sujets suivants :

A – Rabelais, Gargantua, chapitres XI à XXIV / parcours : la bonne éducation.

Texte : Maxime Rovere, L’École de la vie, 2020.


Au fond, pourquoi est-ce que les êtres humains désirent transmettre aux autres ce
qu'ils savent ? D'où vient que nous valorisons si fort la transmission ? Le plus curieux
est qu'il ne s'agit même pas d'une manie d'adulte, puisque si petits qu'ils soient, les
enfants eux-mêmes se passent volontiers leurs savoir-faire et font circuler les
5 informations, vraies ou fausses, sans pouvoir ni vouloir se retenir.
À travers les discours des profs, mais aussi des parents et des grands-parents, il
m'a semblé déceler une sorte de nostalgie anticipée de leur expérience ̶ ce que
confirment les impressions de mon propre cœur. Nous craignons que les précieuses
connaissances accumulées parfois dans la souffrance, parfois dans l'enchantement,
10 ne disparaissent avec nous. Certaines nous ont beaucoup coûté, d'autres nous furent
données pour rien ; mais nous ne pouvons pas ignorer que la mort emportera l'écume
de ce patient travail, et que tout ce savoir se dissoudra, avec la même facilité que le
vent dissipe les nuages, dans les boucles que l’iridescence1 déploie à perte de vue.
Nos oublis réguliers nous l’annoncent déjà : ce que nous voudrions retenir sera un jour
15 effacé.
Néanmoins, puisque les petits ont aussi quelque chose à transmettre, il serait
injuste de réduire cet élan à la pure nostalgie. Il révèle aussi une propriété
fondamentale des interactions : chacune d'entre elles, du fait de l'interdépendance
générale de toutes choses, tend à exporter ses effets au-delà de son propre système.
20 Par conséquent, si le fait de comprendre quelque chose nous a fait du bien,
l'expérience de ce savoir-là nous déterminera nécessairement (sauf si cette tendance
est contrariée par une autre interaction) à faire en sorte que le bien dont on a fait
l'expérience, d'autres puissent en bénéficier. Malheureusement, les savoirs sont
comparables à l'eau des rivières que l'on recueille entre ses mains : il est déjà difficile
25 d'en prendre assez pour étancher sa soif mais si, en plus, on essaie de la faire passer
de mains en mains, il en reste très peu à boire même au premier passage. À mon
grand regret, il n'est pas exagéré de dire que des contenus que j'étais censé retenir
jadis, il ne me reste aujourd'hui presque rien.
Il faut donc admettre que les efforts par lesquels nous voulons faire profiter nos
30 semblables des bénéfices de nos savoirs se trouvent mal orientés par l'idéal de la
transmission. L'acte de transmettre valorise trop les contenus (quelque chose qui
serait susceptible de transiter sans modification de mes mains vers les vôtres), alors
que les contenus n'ont qu'un rôle tout à fait secondaire dans la vie des savoirs, d'autant
que les modifications sont l'essence même de l'enseignement. Les savoirs dont nous
35 sommes convaincus qu’ils sont indispensables à une vie pleine, à une vie bonne, ne
sont jamais transmis d'une génération à l'autre comme on se passe un plat entre

1
Iridescence : lumière chatoyante.

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convives. Cette métaphore n'est pas la bonne, puisque seules importent les
procédures, et dans les procédures, les formes d'une liberté sans cesse
à réinventer. […]
40 En définitive, s'il nous faut renoncer à notre obsession pour la transmission, c'est
donc parce que l'acte d'apprendre est bien plus important que celui de comprendre.
Les tout-petits ne cessent de nous le rappeler, en nous harcelant comme des diables
avec leurs terribles pourquoi ? Cette question nous rappelle que ni à l'école, ni ailleurs,
il n'y a tout simplement rien à comprendre – mais beaucoup à apprendre. Dès lors que
45 ce que l'on sait définit ce que l'on est, les savoirs en reçoivent d'autant plus de poids,
car c'est en tant qu'ils incurvent les directions de notre devenir qu'ils reçoivent leur
signification. Sous cet aspect, la notion de compréhension (encore pleine d'arrogance
et de promesses souvent déçues) est absorbée par la notion de transformation. Oui !
Peu importe qu'en apprenant, on comprenne parfois quelque chose, peu importe qu'on
50 obtienne par là un peu plus de maîtrise sur le monde, autrement dit peu importent nos
relations d'objets, car la puissance immédiate, sans promesse et sans ambiguïté de
tout apprentissage tient aux manières dont chacun s'y transforme et trouve, dans les
interactions de sa propre vie, les moyens d'étancher ses soifs. Quelles soifs ? Soif
d'autonomie, soif d'appartenance. Ou bien, si l'on préfère, être complètement soi, et
55 entièrement en lien.
(754 mots)

Contraction : Vous ferez la contraction de ce texte en 189 mots. Une tolérance de


plus ou moins 10% est admise : les limites sont donc fixées à au moins 170 mots et
au plus 208 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et vous
indiquerez à la fin de la contraction le nombre de mots qu’elle comporte.

Essai : Selon vous, une bonne éducation se résume-t-elle à la transmission de


savoirs ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant
appui sur Gargantua (chapitres XI à XXIV) de Rabelais, sur le texte de l’exercice de la
contraction (texte de Maxime Rovere) et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année
dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe
siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.

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B – La Bruyère, Les Caractères, livre XI « De l’Homme » / parcours : peindre les
Hommes, examiner la nature humaine.

Texte : Marcella Leopizzi, « Considérations de La Bruyère sur la mode. Le


portrait d’Iphis », dans La grâce de montrer son âme dans le vêtement, 2015.

Ayant vécu à la cour et auprès des Condé à Chantilly, [La Bruyère] a observé,
toute sa vie durant, les nobles, les courtisans, les riches, les pauvres et, en général, la
société de son époque. Aussi, dans Les Caractères, en offrant une peinture de toutes
les conditions des mœurs de son temps de la plus sordide jusqu’à la plus haute,
5 caricature-t-il avec incision1 et humour l’hypocrite, le flatteur, le rustre, le complaisant,
l’avare, l’orgueilleux, la coquette, le célèbre distrait. Et, de ce fait, il montre un monde
factice2 plein de défauts.
Convaincu que le ridicule peut instruire, tout au long de son ouvrage La Bruyère
poursuit un double objet : il veut peindre ses contemporains d’après nature et les aider
10 par là à se corriger de leurs défauts ; et, tout comme Molière, La Fontaine, La
Rochefoucauld et les autres moralistes classiques, il vise aussi à discerner chez les
Français du XVIIe siècle des traits éternels de la nature humaine. Son œuvre présente,
donc, à la fois un intérêt historique et documentaire, et un intérêt plus large et plus
profond, celui qui s’attache à l’homme dans sa vérité universelle. [...]
15 Ainsi, dans le grand courant de pessimisme augustinien3 de son siècle, fidèle à
la lignée de tous les moralistes classiques, La Bruyère s’attache à découvrir les traits
permanents dans la nature humaine pour en dégager des caractères éternels. En effet,
même si les contemporains sont l’objet principal de son étude, La Bruyère se donne
une tâche plus importante : dévoiler l’homme dans sa nature ; sur ce point, la préface
20 est très nette : « bien que je les [les caractères et les mœurs] tire souvent de la cour
de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à
une seule cour, ni les renfermer en un seul pays ».
Témoin parfois amusé, souvent amer, de la « comédie humaine », il se révèle
comme un satirique plein d’ironie et un moraliste pénétrant. Moraliste et non pas
25 moralisateur, persuadé que le rôle du moraliste est de mettre au grand jour les
faiblesses humaines, il attaque une société basée sur la corruption de la simplicité
naturelle de l’homme. Il s’ensuit que s’il s’en prend à la cour, aux grands et aux riches,
c’est moins pour les mépriser et se donner un air de supériorité, que pour regretter que
« tout ce qui fascine cette cour méconnaisse ce qui est vrai » et essentiel. Son but est,
30 donc, de faire vivre au lecteur un moment hors de lui pour se regarder.
Ses caractères incarnent, en effet, un type, voire un concentré, un faisceau de
défauts humains, un chaos de passions contraires et de faiblesses qui se contredisent.
Ils font fonction d’outil de questionnement vis-à-vis de l’écart inconciliable entre l’être
et le paraître. Hérités de Théophraste, mais aussi d’Aristote4 […], Les
35 Caractères présentent l’homme comme un livre à déchiffrer. Riche en hyperboles,
caricatures, humour, grâce au ton presque bouffon et ironique, cet ouvrage trahit
l’amertume5 de base, au point qu’André Gide6 s’écrie : « Je relis Les Caractères de La

1
Avec incision : de façon profonde et blessante.
2
Factice : qui manque de vérité, de naturel ; fabriqué, artificiel.
3
Augustinien : en référence au philosophe saint Augustin.
4
Théophraste et Aristote : philosophes de l’Antiquité grecque.
5
Amertume : mélange de découragement et de rancœur.
6
André Gide (1869-1951) : écrivain français.

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Bruyère. Si claire est l’eau de ces bassins, qu’il faut se pencher longtemps au-dessus
pour en comprendre la profondeur ».
40 La Bruyère accumule les détails précis, concrets, qui forment une image vivante
de celui qu’il peint, puis il termine par une comparaison, une antithèse, une hyperbole
ironique, une définition, une sentence ou tout simplement une constatation de bon
sens. Très doué pour l’observation minutieuse, au travers de nombreux portraits et
d’une constante alternance entre anecdotes, considérations, dialogues et
45 monologues, il dresse une sorte de galerie constituée de différents types de
caractères. Par une satire tranchante, il dévoile les nombreuses facettes de l’âme
humaine. Il passe en revue la vie mondaine, la société parisienne, les usages, les
sentiments, les institutions. Il décrit avec lucidité7, férocité et finesse psychologique,
les diverses manies. Il attaque la sotte vanité8 : cette passion inquiète de se faire valoir
50 par les plus petites choses, ou de chercher, dans les sujets les plus frivoles9, du nom
et de la distinction. Il se moque des mœurs : il tourne en ridicule les fats10 de cour, les
intrigues galantes, les exactions des traitants11, le luxe insultant des parvenus, la
gueuserie des nobliaux de province12, le snobisme des précieuses et des femmes
savantes, les amours de certaines grandes dames pour des acteurs et des maîtres à
55 danser, les ecclésiastiques13 mondains, les vices de l’appareil judiciaire, la guerre et
ses horreurs, exemple privilégié de misère et folie.
(752 mots)

Contraction : Vous ferez la contraction de ce texte en 188 mots. Une tolérance de


plus ou moins 10% est admise : les limites sont donc fixées à au moins 169 mots et
au plus 207 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et
indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.

Essai : Selon vous, faut-il seulement faire preuve de « lucidité », ou également de


« férocité » (l.48), pour bien peindre les hommes et examiner la nature humaine ?

Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant


appui sur le livre XI des Caractères de La Bruyère, sur le texte de l’exercice de la
contraction (texte de Marcella Leopizzi) et sur ceux que vous avez étudiés dans le
cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle ». Vous
pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.

7
Lucidité : clairvoyance.
8
Vanité : caractère d’une personne satisfaite d’elle-même.
9
Frivoles : légers.
10
Fats : vaniteux, prétentieux.
11
Exactions des traitants : abus des financiers chargés de collecter les impôts.
12
Gueuserie des nobliaux de province : indigence, grande pauvreté des petits nobles de province.
13
Ecclésiastiques : qui appartiennent à l’église, membres du clergé.

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C – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (du
« préambule » au « postambule ») / parcours : écrire et combattre pour l’égalité.

Texte : Isabelle Queval, « Philosophie des Lumières, la passion pour l’égalité aux
prémisses de la société inclusive », Altérité(s) et société inclusive, 2022.

La « passion pour l’égalité », selon le mot de Tocqueville1, est au cœur de la


philosophie des Lumières. Le dessein d’une société inclusive2, à compter du XVIIIe siècle,
ne prend forme qu’à partir d’elle. Précisons d’emblée, toutefois, que les expressions
« société inclusive » ou « éducation inclusive » ne peuvent avoir, à l’époque, le sens qu’on
5 leur connaît aujourd’hui. Elles sont même presque dépourvues de sens, et ce n’est pas
qu’une question de sémantique3, dans une société très largement inégalitaire, où les
discriminations sont légion et où les problématiques éducatives modernes sont
embryonnaires. Mais le thème de l’égalité porte celui d’une société commune et de droits
reconnus à tous les individus. Par ailleurs, la croyance dans le progrès humain, qui est
10 l’emblème des Lumières, s’articule à la nécessité de développer l’éducation. Aussi l’idée
d’une société inclusive est-elle en germe dans le processus démocratique engagé, tout
comme celle d’une éducation inclusive dans l’idée de « perfectibilité ». La question de
l’éducabilité4 de tous les êtres est ici en jeu, et notamment celle des « diminués » physiques
et mentaux.
15 Il ne suffit pas, cependant, de spécifier les apports d’une « égalité de droits des
citoyens » au regard des inégalités de nature et de condition, et plus encore des inégalités
de classe ancrées dans l’Ancien Régime, pour comprendre les enjeux d’une telle révolution
idéologique. En effet, « l’égalité, […] est bien plus que l’exigence d’identité de traitement
devant la loi ou même que la requête de similitude extérieure dans les ressources
20 matérielles, c’est l’appel à la reconnaissance du semblable parmi les êtres, au-delà des
différences extrinsèques5 qui les séparent – différences de "conditions" comme dit
Tocqueville, […] de statut social, entre maître et serviteur, entre mari et femme, entre
parents et enfants, […] différences de toute nature susceptibles de faire obstacle à la
mutuelle identification des êtres en profondeur. L’égalité, en d’autres termes, c’est
25 l’instauration d’une logique de la ressemblance entre les êtres, là où les anciennes sociétés
[…] fonctionnaient à la dissemblance entre les êtres […]. Pour le dire encore autrement,
l’égalité, c’est la passion de l’inclusion, la volonté d’inscrire l’humanité entière dans un
espace d’identité commune6 ». Société et éducation inclusives naîtront peu à peu de ce
changement de paradigme7, qui revendique la continuité, et non la séparation, la variation
30 plutôt que l’opposition, dans les formes d’humanité.
Les anciennes sociétés se soudaient, en quelque sorte, autour d’une chaîne de
gradations hiérarchiques quasi immuables8. Au sein de cette chaîne, la place de l’infirme,
bossu, boiteux, paralytique, au corps difforme, « monstre », mais aussi de l’aveugle et du
sourd, de l’idiot ou du fou était désignée par leur différence. Leur identité reposait sur une
35 altérité9 irréductible, les maintenant aux marges de l’humanité et justifiant des traitements
souvent dégradants – exhibitions, maltraitances physiques et morales –, que seule la

1
Alexis de Tocqueville (1805-1859) : philosophe qui a analysé la démocratie.
2
Inclusive : qui intègre tous les individus.
3
Sémantique : langage, vocabulaire.
4
Educabilité : capacité à être éduqué.
5
Extrinsèques : extérieures.
6
Citation extraite d’un ouvrage du philosophe et historien Marcel Gauchet (né en 1946).
7
Paradigme : exemple, modèle de référence.
8
Immuables : qui ne changent pas.
9
Altérité : différence, distinction.
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pratique médiévale de la charité chrétienne venait adoucir. La tolérance à leur présence au
sein de la communauté humaine reposait en réalité sur ce postulat10 d’absolue altérité. Leur
« inquiétante étrangeté », comme a dit Freud11, n’était pas un péril tant qu’aucune
40 identification à leur sort n’était envisagée. Elle ne menaçait en rien l’équilibre social tant
qu’était maintenue cette distance infranchissable et cet ordre inégal des dignités. Mais,
présence tolérée n’équivaut pas à inclusion, quand la première repose sur une radicale
inégalité de droits entre le « normal » et l’« anormal ». Il n’y a pas de continuité humaine
entre ces deux statuts, juste une coexistence sociale où chacun reste à sa place. Aussi,
45 c’est sous cette paradoxale présomption12 d’inhumanité qu’était finalement admise la
personne handicapée, au sens le plus large, au sein de la communauté humaine.
La philosophie des Lumières propose un bouleversement des ordres et hiérarchies
établis d’après la naissance, combat l’inégalité structurelle, sociale, politique et
supposément divine ou naturelle, entre les êtres et revendique l’universalité de la raison et
50 du genre humain. Dans les faits et dans les œuvres, y compris celles de penseurs
emblématiques tels Rousseau ou Kant13, les propos misogynes et racistes ne sont pas rares
et relativisent cette universalité théorique. Il s’agit donc plutôt de l’homme blanc d’origine
européenne dont on pense les droits, et cette égalité qui passionne tardera à inclure, c’est
un euphémisme, les femmes et les populations dites « sauvages ».
(744 mots)

Contraction : Vous ferez la contraction de ce texte en 186 mots. Une tolérance de plus ou
moins 10% est admise : les limites sont donc fixées à au moins 167 mots et au plus 205
mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et vous indiquerez à la
fin de la contraction le nombre de mots qu’elle comporte.

Essai : Écrire et combattre pour l’égalité, est-ce gommer les différences entre les individus ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant appui
sur la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (du « préambule » au
« postambule ») d’Olympe de Gouges, sur le texte de l’exercice de la contraction (texte
d’Isabelle Queval) et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année dans le cadre de l’objet
d’étude « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faire
appel à vos lectures et à votre culture personnelle.

10
Postulat : proposition admise comme principe, à la base d’une théorie ou d’un raisonnement.
11
Sigmund Freud (1856-1939) : fondateur de la psychanalyse.
12
Présomption : action de présumer, hypothèse, supposition.
13
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Emmanuel Kant (1724-1804) : philosophes des Lumières.
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