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Sommes de Gauss: Malo Cossec Et Léo Théodon Université de Rennes 1

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Sommes de Gauss

Malo Cossec et Léo Théodon

Université de Rennes 1

TER supervisé par Christophe Mourougane

Mardi, 27st Avril 2009

1
Table des matières
1 Rappels et Généralités 5
1.1 Les groupes finis et les groupes (Z/mZ)∗ et Fq . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2 Le symbole de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.1 Symbole de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.2 Le critère d’Euler
  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.3 Le symbole p2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3 La loi de réciprocité quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2 Sommes de Gauss 12
2.1 Historique et Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Caractères et définition générale des Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . 12
2.2.1 Caractères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2.2 Définition générale des Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3 Analyse et exemple de Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
k−1 2 /k
e2iπn
P
2.3.1 Sommes de la forme H = . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
n=0
p−1 2 /p
e2iπax
P
2.3.2 Sommes de la forme τ (a) = . . . . . . . . . . . . . . . . 17
x=0
Sommes de la forme G(χ, a) = χ(x)e2iπax/p . . . . . . . . . . . . 18
P
2.3.3
x∈F∗p
P x x
2.3.4 Sommes de la forme τ = p α . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
x∈Fp

3 Applications 21
3.1 Démonstration de la loi de réciprocité quadratique . . . . . . . . . . . . . . 21
3.2 Équations sur les corps finis et théorème de Chevalley . . . . . . . . . . . . 22
3.2.1 Théorème de Chevalley-Warning . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.2.2 Nombre de zéros d’une forme quadratique . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.2.3 Nombre de solutions d’équations du type a0 xn0 0 + ... + ar xnr r =0 . . 24
3.3 Constructibilité des polygones réguliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.1 Avant-propos et Théorème de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.2 Résultats préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.3 Démonstration du Théorème de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Références 31

2
Introduction

Introduction
Dans le cadre de notre Master de Mathématiques Fondamentales à l’université de
Rennes 1, un travail d’étude et de recherche nous a été demandé. Plusieurs thèmes nous
étaient proposés, et nous avons opté pour un sujet d’arithmétique sous la direction de
Christophe Mourougane : « Les Sommes de Gauss ».
Nous avons commencé nos recherches par l’étude d’un document fourni par notre tuteur,
puis nous nous sommes rapidement appuyés sur quelques livres consultés à la bibliothèque
universitaire de Beaulieu. Nous avons rencontré certaines difficultés à poser les limites
de notre étude et à concrétiser l’outil des Sommes de Gauss proprement dites. Après
plusieurs réflexions sur les méthodes et les démonstrations nous nous sommes familiarisé
avec notre sujet. Ensuite la recherche d’une application intéressante a fait l’objet de notre
préoccupation, car nous voulions trouver quelque chose de concret lié à la géométrie. En
mathématiques, et plus précisément en arithmétique modulaire, la somme de Gauss est
un nombre complexe. Elle utilise les outils de l’analyse harmonique sur un groupe abélien
fini sur le corps fini Z/pZ où p désigne un nombre premier impair et Z l’ensemble des
entiers relatifs. Elles sont introduites par le mathématicien Carl Friedrich Gauss, dont nous
feront une brève biographie, qui les utilise dans ses Disquisitiones Arithmeticae, parues en
1801. Ces sommes sont utilisées pour établir la théorie des polynômes cyclotomiques et
possèdent de nombreuses applications. On peut citer par exemple une démonstration de
la loi de réciprocité quadratique que nous détaillerons par la suite. Nous avons donc choisi
de commencer notre travail par certains rappels et résultats importants d’arithmétique
et de théorie des nombres, puis nous parlerons des sommes de Gauss en étudiant leurs
propriétés et les théorèmes les plus connus. Et nous terminerons par l’analyse de quelques
applications.

3
Biographie de Carl Friedrich Gauss

Biographie de Carl Friedrich Gauss


Carl Friedrich Gauss est né le 30 avril 1777 à Brunswick. Il était, aux yeux de tous, un
enfant prodige des mathématiques. Il a également appris à compter et à lire seul à l’âge
de 3 ans. Le duc de Brunswick a reconnu ses aptitudes et lui accorda une bourse, en 1792,
pour qu’il puisse poursuivre son instruction.
Lorsqu’il était jeune, Gauss s’intéressait beaucoup aux langues anciennes. Vers l’âge de 17
ans, il eut la piqûre pour les mathématiques. Ses premiers travaux ont porté sur la géo-
métrie. Sachant qu’il était doué dans cette matière, il abandonna définitivement l’étude
des langues anciennes pour s’attaquer aux mathématiques. Il a fréquenté le Collège de
Caroline de 1792 à 1795 et il a formulé la méthode des moindres carrés et la conjoncture
sur la répartition des nombres premiers. Par la suite, il a étudié, de 1795 à 1798, à l’Uni-
versité de Göttingen. Il est très important de savoir qu’en 1807, il fut nommé professeur
de mathématiques et qu’il a été directeur de l’observatoire de Göttingen jusqu’à sa mort,
le 23 février 1855.
Un élève en mathématique rencontra Gauss alors qu’il avait 80 ans et le décrivit comme
suit : «Un homme vénérable, distingué avec l’expression d’un homme heureux. Son aspect
et chacun de ses mots dégageaient une extraordinaire impression de puissance. Il avait
environ 80 ans, mais on n’apercevait aucune trace de vieillesse.»
Durant sa vie de mathématicien, il s’intéressa également l’astronomie et la physique. Du
côté des mathématiques, il toucha un peu à tout : les probabilités, la géométrie, l’algèbre
et la théorie des nombres. Dans le domaine de la probabilité, il attacha son nom à la loi
normale, aussi appelée la loi de Laplace-Gauss, qui a pour but la répartition de la courbe
en cloche. Lorsqu’il pratiquait l’algèbre, il fit une première démonstration du théorème
fondamental. Il a d’ailleurs remporté le titre de docteur pour cette démonstration, en
1799, à l’Université de Helmstedt. En 1801, il développa un intérêt pour l’astronomie. Il
s’est amusé à trouver la trajectoire de l’astéroïde Cérès qu’il avait aperçu en 1801.
Il a entrepris également des travaux en physique à partir de 1829. Il s’intéressa au do-
maine du magnétisme terrestre et à l’électricité. Une unité d’induction magnétique porte
aujourd’hui son nom. À 24 ans, Gauss publia une théorie qui se nomme Disquisitiones
arithmeticae et qui a pour thème la théorie des nombres. Cette théorie fut l’un des tra-
vaux les plus remarquables dans l’histoire des mathématiques.
Il a inventé un instrument utilisé en géodésie, en 1820, qui se nomme l’héliotrope. Il a
pour but de refléter les rayons du soleil à l’aide d’un miroir mobile. En 1833, il inventa et
construisit le premier télégraphe.

4
1 Rappels et Généralités
Dans cette partie, nous exposerons les résultats classiques d’arithmétiques, générale-
ment connu de tous, qui seront pour la plupart utiles dans la suite. Nous effectuerons en
particuliers quelques rappels sur les groupes finis et les groupes (Z/mZ)∗ ainsi que Fq que
nous définirons. Nous rappellerons également la définition du symbole de Legendre ainsi
que quelques propriétés élémentaires, conduisant à l’établissement de la loi de réciprocité
quadratique.

Notations Si X est un ensemble fini, on note ]X ou encore Card(X) le nombre d’élé-


ments de X. On note N (respectivement Z, Q, R et C) l’ensemble des nombres naturels
(respectivement entiers relatifs, nombres rationnels, nombres réels et nombres complexes).

1.1 Les groupes finis et les groupes (Z/mZ)∗ et Fq


Soit K un corps. L’image de Z dans K par un morphisme d’anneau est un anneau
intègre, donc isomorphe à Z, ou à Z/pZ, avec p premier. Son corps des fractions est iso-
morphe à Q ou à Fp =Z/pZ. Dans le premier cas, on dit que K est de caractéristique 0, et
dans le second cas, que K est de caractéristique p. On a alors que p = n, où n est le plus
petit entier plus grand que 1 tel que n.1K = 0 dans K.

Remarque: La caractéristique d’un corps fini K est donc nécessairement un nombre pre-
mier.

Nous allons montrer maintenant quelques propriétés sur les corps fini à l’aide d’un
premier théorème. Pour cela, nous aurons besoin du lemme suivant.

Lemme 1.1. Si K est de caractéristique p > 0, l’application σ : x 7→ xp est un isomor-


phisme de K.

Preuve. On a σ(x.y) = σ(x).σ(y). De plus, le coefficient binomial Ckp est congru à 0


modulo p si 1 < k < p. On en déduit que σ(x + y) = σ(x) + σ(y), donc σ est un morphisme
d’anneau. Enfin, σ est injective, car K est un corps, et surjective. Ainsi, σ est bien un
isomorphisme.

Théorème 1.1. Sur les corps finis.


1. La caractéristique d’un corps fini K est un nombre premier p 6= 0. Si f = [K:Fp ], le
nombre d’éléments de K est q = pf .
2. Soit p un nombre premier et soit q = pf , f ≥ 1, une puissance de p. Soit Ω un corps
algébriquement clos de caractéristique p. Il existe un sous-corps Fq de Ω et un seul
de cardinal égal à q. C’est l’ensemble des racines du polynôme X q − X.
3. Tout corps fini à q = pf éléments est isomorphe à Fq .

Démonstration. Soit K un corps fini.


Il vient alors que K ne contient pas le corps Q. Sa caractéristique est donc un nombre
premier que l’on note p. Notons maintenant f le degré de l’extension K/Fp . Il vient alors
que Card(K) = pf , d’où 1., Kétant un Fp -espace vectoriel de dimension f .
De plus, si Ω est algébriquement clos de caractéristique p, on a d’après le lemme précédent
que l’application σ̃ : x 7→ sq (avec q = pf , f ≥ 1) est un automorphisme de Ω. En effet,
il s’agit de la puissance f -ième de l’automorphisme σ : x 7→ xp (σ étant bien surjectif, Ω

5
étant algébriquement clos). Les éléments x ∈ Ω invariants par σ̃ forment donc un sous-
corps Fq de Ω. Ce corps a q éléments.
En effet, la dérivée du polynôme X q − X est
qX q−1 − 1 = p.pf −1 .X q−1 − 1 = −1
et ne s’annule donc pas. Il est résulte (puisque Ω est algébriquement clos) que X q − X a
q racines distinctes car il est alors séparable. On a donc bien Card(Fq ) = q.
Inversement, si K est un sous-corps de Ω à q éléments, le groupe multiplicatif K∗ des
éléments non-nuls de K a q − 1 éléments. On a donc xq−1 = 1 si x ∈K∗ , d’où xq = x si
x ∈K∗ , ce qui montre que K est contenu dans Kq . Puisque
Card(K) = Card(Fq )
on a K=Fq , et l’assertion 2. est bien vérifiée.

Enfin, l’assertion 3. résulte de 2. et du fait que tout corps à pf éléments peut être
plongé dans Ω puisque ce dernier est algébriquement clos.
Soit p un nombre premier, f ≥ 1 un entier et soit q = pf .
Théorème 1.2. Le groupe multiplicatif F∗q du corps fini Fq est cyclique d’ordre q − 1.
Démonstration. Si d est un entier supérieur ou égal à 1, on note ϕ(d) l’indicateur
d’Euler de d, c’est à dire le nombre d’entiers x, avec 1 ≤ x ≤ q, qui sont premiers à q,
autrement dit, dont l’image dans Z/dZ est un générateur de ce groupe.
Il est clair que le nombre des générateurs d’un groupe cyclique d’ordre q est égal à ϕ(d).

Il nous reste à présent à montrer que dans notre cas, ϕ(d) = q − 1. Pour cela, nous
allons faire appel à deux lemmes.
Lemme 1.2. Si n est un entier, n ≥ 1, alors on a n =
P
ϕ(d).
d|n

On rappelle que la notation d | n signifie que d divise n.


Preuve. Si d divise n, soit Cd l’unique sous-groupe de Z/nZ d’ordre q, et soit Φd l’en-
semble des générateurs de Cd . Comme tout élément de Z/nZ engendre l’un des Cd , le
groupe Z/nZ est r"union disjointe des Φd et l’on a :
X X
n = Card(Z/nZ) = Card(Φd ) = ϕ(d)
d|n d|n

D’où le résultat.
Lemme 1.3. Soit H un groupe d’ordre fini noté n. On suppose que, pour tout diviseur d
de n, l’ensemble des x ∈ H tels que xd = 1 a au plus d éléments. Alors H est cyclique.
Preuve. Soit d un diviseur de n.
S’il existe x ∈ H d’ordre d, le sous-groupe (x) = {1, x, ..., xd−1 } engendré par x est d’ordre
d. par hypothèse, tout élément y ∈ H tel que y d = 1 appartient à (x). En particulier,
les seuls éléments de H d’ordre d sont les générateurs de (x), et ceux-ci sont en nombre
ϕ(d). Ainsi, le nombre d’éléments de H d’ordre d est 0 ou ϕ(d). Si cela était 0 pour une
P
certaine valeur de d, la formule n = ϕ(d) montrerait que le nombre d’éléments de H
d|n
est strictement inférieur à n, ce qui entre en contradiction avec l’hypothèse de départ. En
particulier, il existe un élément x ∈ H d’ordre n, et H coïncide avec le groupe cyclique
(x).

6
Le théorème résulte du dernier lemme, appliqué à H =F∗q et n = q − 1. Il est en effet
immédiat que l’équation xd = 1, de degré d, a au plus d solutions dans Fq .

Remarque: La démonstration ci-dessus montre que, plus généralement, tout sous-groupe


fini du groupe multiplicatif d’un corps est cyclique.

1.2 Le symbole de Legendre


Dans cette partie, nous introduirons le symbole de Legendre, et donnerons quelques
exemple qui nous permettrons de mieux comprendre la loi de réciprocité quadratique que
nous étudierons dans la partie suivante.

1.2.1 Symbole de Legendre


Soit m et n des entiers supérieurs ou égaux à 1. On dit que m est un résidu quadratique
modulo n si m + nZ est un carré dans Z/nZ, autrement dit, s’il existe a inZ tel que l’on
ait
m ≡ a2 mod n
. Dans ce cas, on dit aussi que m est un carré modulo n.
 
n
Définition 1.1. Soient p un nombre premier et n un entier relatif. On note p l’entier
défini comme suit. On a :
 
n
1. p = 0 si p divise n.
 
n
2. p = 1 si p ne divise pas n et si n est un résidu quadratique modulo p.
 
n
3. p = −1 si n n’est pas un résidu quadratique modulo p.
   
L’expression np s’appelle le symbole de Legendre. l’entier n
p ne dépend que de la
classe de n modulo p.
Exemple 1.1. Étudions les deux cas suivants :
1. On a n2 si n est impair et n2 = 0 si n est pair. On a ainsi n2 ≡ n mod 2.
  

2. Vérifions la congruence
n
 
≡ n mod 3.
3
Si 3 divise n, on a n3 = 0. Si n ≡ 1 mod 3, on a n3 = 1. Si n ≡ −1 mod 3,
 

et comme −1 n’est pas un carré modulo 3, on obtient n3 = −1



3 = −1, d’où la
formule annoncée.
Proposition 1.1. Soit p un nombre premier impair. On a :
−1
 
p−1
= (−1) 2 (1)
p
Ainsi, −1 est un carré modulo p si et seulement si on a p ≡ 1 mod 4.
 
Preuve. Supposons −1 p = 1. Il existe n ∈Z tel que l’on ait −1 ≡ n2 modp. Le sous-groupe
de (Z/pZ)∗ engendré par la classe de n est d’ordre 4, d’où p ≡ 1 mod 4. Inversement, si 4
divise p − 1, le groupe (Z/pZ)∗ étant cyclique, il possède un sous-groupe
  cyclique d’ordre
4. Si x est un générateur de ce sous-groupe, on a x2 = −1, d’où −1 p = 1. par suite, on
 
−1
a p = 1 si et seulement si p est congru à 1 modulo 4, ce qui entraîne l’équation (1).

7
1.2.2 Le critère d’Euler
Le critère d’Euler est une relation qui permet de calculer effectivement le symbole de
Legendre. De plus, il nous sera très utile dans la démonstration de la loi de réciprocité
quadratique faisant appel aux sommes de Gauss.

Théorème 1.3. Critère d’Euler Soit p un nombre premier impair. On a alors que pour
tout entier relatif n la relation suivante :
n
 
p−1
≡n 2 mod p (2)
p
Démonstration. Nous allons commencer par établir le lemme suivant :

Lemme 1.4. Soit p un nombre premier impair. L’ensemble des carrés de (Z/pZ)∗ est un
sous-groupe de (Z/pZ)∗ d’ordre p−1
2 .

Preuve. L’application (Z/pZ)∗ → (Z/pZ)∗ qui à x associe x2 est un morphisme de


groupes. son noyau est {±1}. Il est d’ordre 2 car p 6= 2. l’image de ce morphisme, qui
est le sous-groupe des carrés de (Z/pZ)∗ , est donc d’ordre p−1
2 .

Le théorème 1.3 se déduit comme suit. Soit n un entier relatif. La congruence (2) est
vraie si p divise n. Supposons que p ne divise pas n. on a np−1 ≡ 1 mod p. Puisque Z/pZest
un corps, on a donc
p−1
n 2 ≡ ±1 mod p. (3)
p−1
Par ailleurs, le polynôme X − 1 ∈Z/pZ[X] a au plus p−1
2
2 racines. On déduit du
p−1
lemme 1.4 que ses racines sont exactement les 2 carrées de (Z/pZ)∗ . On obtient l’équi-
valence

n
 
p−1
= 1 ⇐⇒ n 2 ≡ ±1 mod p.
p
La condition (3) permet alors de conclure.

Remarque 1.1. Soit p un nombre premier impair. Parmi les entiers compris entre 1 et
p − 1, il y en a exactement la moitié qui sont des résidus quadratiques modulo p, c’est à
dire qu’il y a autant de carrés que de non-carrés dans (Fp)∗ ) (voir lemme 1.4). On a donc
la formule
p−1
X k

= 0. (4)
k=1
p
 
Exemple 1.2. Le critère d’Euler permet de calculer np en utilisant le calcul « rapide »de
la puissance d’un entier. Par exemple, on obtient que
5
 
= −1
23
en écrivant que l’on a
3
11 = 23 + 2 + 1 puis 511 = 52 × 52 × 5 ≡ −1 mod 23.

8
Corollaire. Soit p un nombre premier. Quels que soient les entiers m et n, on a
mn m n
    
= . (5)
p p p
De plus, si n n’est pas divisible par p, on a
!
mn2 m
 
= (6)
p p

Preuve. Si p = 2, l’égalité (5) provient du fait que mn est pair si et seulement si m ou


n l’est. Si p 6= 2, elle se déduit du critère d’Euler. Quant à l’égalité (6), elle résulte de (5)
et de la définition du symbole de Legendre.

Remarque 1.2. On peut déduire de la formule (5) l’énoncé suivant :

Proposition 1.2. Soit p un nombre premier impair. soit n le plus petit entier naturel qui
ne soit pas un résidu quadratique modulo p. On a

n<1+ p.

Preuve. Soit m le plus petit entier naturel tel que mn > p. Puisque p est premier, on a
donc n(m − 1) < p, c’est à dire que mn − p < n. D’après le caractère minimal de n, on a
donc d’après la formule (5) les égalités

mn − p mn m n m
        
1= = = =−
p p p p p
.
Par suite, on a m ≥ n. On obtient donc le résultat voulu puisque l’on a

(n − 1)2 < n(n − 1) ≤ n(m − 1) < p.

On peut d’ailleurs à ce propos citer la conjecture suivante que l’on doit à Vinogradov :

Conjecture. Soit ε un nombre réel strictement positif. Pour tout nombre premier p assez
grand, le plus petit entier naturel qui ne soit pas un résidu quadratique modulo p est
inférieur à pε .

Par exemple, Hudson et Williams ont démontré en 1979 que si p est un nombre premier
impair non congru à 1 modulo 8 le plus petit entier naturel n qui ne soit pas un résidu
2 1 2
quadratique modulo p est inférieur à p 5 + 12p 5 + 33. On a ainsi n < 1, 54p 5 dès que p
(non congru à 1 modulo 8) est plus grand que 107 .
 
2
1.2.3 Le symbole p
 
2
Dans cette partie, nous allons étudier le cas particulier p .

Proposition 1.3. Soit p un nombre premier impair. On a


2 p2 −1
 
= (−1)( 8
)
(7)
p
Ainsi, 2 est un carré modulo p si et seulement si on a p ≡ ∓1mod 8.

9
Preuve. Posons
p−1
S = {1, ..., }.
2
Étant donné a ∈Z non divisible par p, pour tout s ∈ S, il existe un unique élément sa ∈ S,
tel que l’on ait
as ≡ es (a).sa mod p avec es (a) = ±1.
Nous allons maintenant avoir besoin du lemme suivant.

Lemme 1.5 (Gauss). Soit a un entier relatif non divisible par p. On a

a
  Y
= es (a).
p s∈S

Preuve. Vérifions que l’application f : S → S définie par f (s) = sa est une bijection de S.
Soient s et s0 des éléments de S tels que f (s) = f (s0 ). On obtient es (a)s = es0 (a)s0 mod p,
d’où s ≡ ±s0 mod p, ce qui implique s = s0 . Par suite, f est injective, donc bijective. il en
résulte que l’on a
p−1 Y Y Y Y
a 2 s= (as) ≡ es (a) sa mod p,
s∈S s∈S s∈S s∈S

d’où
p−1 Y Y Y
a 2 s≡ es (a) s mod p,
s∈S s∈S s∈S

puis la congruence
p−1 Y
a 2 ≡ es (a) mod p.
s∈S

D’après le critère d’Euler, on obtient ainsi


Y a
es (a) ≡ mod p,
s∈S
p
d’où le résultat, car les deux membres de cette congruence valent ±1 et p est impair.

La proposition se déduit de la façon suivante. On utilise le lemme précédent avec a = 2.


Pour tout s ∈ S, on a

es (2) = 1 si 2s ∈ S et es (2) = −1 sinon.


On a ensuite

2
 
= (−1)n(p) ,
p
où n(p) est le nombre d’entiers u tels que
p−1 p−1
<u< .
4 2
Supposons p ≡ ±1 mod 8. On a p = ±1 + 8k où k ∈N, et l’on vérifie que n(p) = 2k.
Si l’on a p = 3 + 8k où k ∈N, on obtient n(p) = 2k + 1. Si p = −3 + 8k où k ∈N, on a
n(p) = 2k − 1. Cela conduit à la formule (7), et achève la preuve de la proposition.

10
Exemple 1.3. Démontrons qu’il existe une infinité de nombres premiers congrus à 7
modulo 8. Supposons le contraire. Soit {p1 , ..., pn } l’ensemble des nombres premiers congrus
à 7 modulo 8. Posons

N = (4p1 ...pn )2 − 2.
Soit p un diviseur impair de N . On a 2 ≡ (4p1 ...pn )2 modp, donc 2 est un carré modulo
p. Ainsi, on a p ≡ ±1 mod 8 (d’après la propriété précédente). Compte tenu du fait que

N
= 8(p1 ...pn )2 − 1,
2
il existe donc un diviseur premier p de N qui est congru à −1 modulo 8. Ainsi, q est
l’un des pi , ce qui conduit à une contradiction. D’où le résultat.
Exemple 1.4. Soit p un nombre premier. Supposons que p soit de la forme

p = 1 + 4q avec q premier.
Vérifions que la classe de 2 est un générateur de (Z/pZ)∗ . Soit d l’ordre multiplicatif
de 2 modulo p. Puisque q est premier, on a d ∈ {1, 2, 4, q, 2q, 4q}. Oon a p 6= 3 et p 6= 5,
d’où q = q, 2q ou 4q. Supposons d 6= 4q. Dans ce cas, on obtient la congruence
p−1
2 2 ≡ 1 mod p.
D’après le critère d’Euleur, 2 est donc un résidu quadratique modulo p. Cela conduit
à une contradiction, étant donné que p est congru à 5 modulo 8.

1.3 La loi de réciprocité quadratique


Cette loi a été conjecturée par Euler en 1783, et a été démontrée par Gauss en 1796.
Théorème 1.4 (Gauss). Soient p et q deux nombres premiers impairs distincts. On a

p q
   
(p−1)(q−1)
= (−1) 4 .
q p
p q p q
       
Autrement dit, on a = si p ou q est congru à 1 modulo 4, =−
q p q p
sinon.
Nous verrons la démonstration plus tard, nous appuyant sur les propriétés du symbole
de Legendre, des sommes de Gauss.
Corollaire. Si p et q sont premiers impairs et ne sont pas de la forme 4n + 3, alors :
p q
   
= .
q p
Si p et q sont premiers impairs, et de la forme 4n + 3, alors :
p q
   
=−
q p
7 11 4
     
Exemple 1.5. On a par exemple : =− =− = −1.
11 7 7
Démonstration. Si p et q sont de la forme 4n + 3, l’exposant s’écrit
(4n + 2)(4m + 2)
= (2n + 1)(2m + 1).
4
Il est donc impair, ce qui justifie la relation. Dans les autres cas, sa valeur est paire.

11
2 Sommes de Gauss
2.1 Historique et Notes
Nous allons développer dans cette partie les origines des sommes de Gauss.

Gauss introduit ses sommes en Juillet 1801, sous la forme suivante


k−1
X 2 /k
e2iπmn ,
n=0

que nous appelons aujourd’hui Somme de Gauss quadratique. Cette somme est difficile
à évaluer, même dans le cas particulier où m = 1 et k √ un entier √positif impair. Dans ce
cas, Gauss montra que cette somme prenait la valeur ± k ou ±i k, selon si k est de la
forme 4u + 1 ou 4u + 3, respectivement. Gauss conjectura après l’étude d’exemples que le
signe devait être toujours positif. Le 30 Août 1805, Gauss écrit dans son journal qu’il était
capable de prouver sa conjecture sur le signe des ces sommes, et quelques années plus tard
il publiait une évaluation de sa somme quadratique dans le cas où k est un entier positif.

Dans son étude sur les nombres premiers dans les progressions arithmétiques, Dirichlet
introduit ce que l’on appellera le caractère multiplicatif χ modulo k et la somme
k−1
X
G(χ) = e2iπmn/k .
n=0
Ceci est également appelé somme de Gauss, puisqu’elle coïncide avec la somme qua-
dratique de Gauss ci-dessus pour χ d’ordre 2 et k un nombre premier qui ne divise pas
m.

Dans la section suivante, nous présenterons les sommes de Gauss à travers la théorie des
caractères sur les corps finis, pour ensuite nous concentrer sur le cas particulier qui nous
intéresse.

2.2 Caractères et définition générale des Sommes de Gauss


Dans cette partie, nous allons définir les caractères additifs et multiplicatifs et les
sommes de Gauss dans leur définition la plus générale.

2.2.1 Caractères
Cas général pour un groupe fini abélien Soit G un groupe abélien fini multiplicatif
(respectivement additif).

Définition 2.1. On appelle caractère multiplicatif (respectivement additif) de G tout ho-


momorphisme de G dans le groupe multiplicatif C∗ des nombres complexes.

Les caractères de G forment un groupe Hom(G,C∗ ) que l’on note Ĝ et que l’on appelle
le dual de G.

Remarque 2.1. En pratique, si p est un nombre premier, le groupe G sera identifié à


(F∗p , .) dans le cas multiplicatif et (Fp , +) dans le cas additif.

12
Exemple 2.1. Supposons que G soit cyclique d’ordre n, de générateur s. Si χ : G →C∗
est un caractère de G, l’élément x = χ(s) vérifie la relation xn = 1, c’est à dire que x
est une racine n-ième de l’unité. Inversement, toute racine n-ième de l’unité x défini un
caractère de G au moyen de sa 7→ xa . On voit ainsi que l’application χ 7→ χ(s) est un
isomorphisme de Ĝ sur le groupe Un des racines n-ièmes de l’unité. En particulier, Ĝ est
un groupe cyclique d’ordre n.
Proposition 2.1. Soit H un sous-groupe de G. Tout caractère de H peut être prolongé
en un caractère de G.
Preuve. On admet cette proposition, qui se démontre par récurrence sur l’indice (G : H)
de H dans G.
Remarque 2.2. L’opération de restriction définit un homomorphisme

ρ : Ĝ → Ĥ
et la proposition 2.1 affirme que ρ est surjectif. De plus, le noyau de ρ est formé des
caractères de G qui sont triviaux sur H. Il est donc isomorphe au groupe (G/H)ˆ dual de
G/H. On a alors une suite exacte :

{1} → (G/H)ˆ→ Ĝ → Ĥ → {1}.


Proposition 2.2. Le groupe Ĝ est un groupe abélien fini de même ordre que G.
Cela signifie que le groupe des caractères de G est de même cardinal que G. Cette
propriété de Ĝ nous sera fort utile par la suite.
Preuve. On raisonne par récurrence sur l’ordre n de G, le cas n = 1 étant clair.
Si n ≥ 2, on choisit un sous-groupe cyclique H, non trivial, de G (licite car G est fini).
D’après la remarque ci-dessus, l’ordre de Ĝ est le produit des ordres de Ĥ et de (G/H)ˆ.
Mais l’ordre de H (respectivement de G/H) est égal à celui de son dual, puisque H est
cyclique (respectivement, puisque G/H est d’ordre plus petit que n). On en conclut que
l’ordre de Ĝ est produit des ordres de H et de G/H, et il est bien égal à l’ordre de Ĝ.
Remarque 2.3. On peut prouver que Ĝ est en réalité isomorphe à G. Cela se démontre
en décomposant G en produit de groupes cycliques.
Proposition 2.3. Soit n = Card(G), et soit χ ∈ Ĝ. On a :
X
χ(x) = n si χ = 1,
x∈G
X
χ(x) = 0 si χ 6= 1.
x∈G

Preuve. La première formule est évidente. Pour prouver la deuxième, choisissons y ∈ G


tel que χ(y) 6= 1. On a :
X X X
χ(y) χ(x) = χ(xy) = χ(x),
x∈G x∈G x∈G
d’où
X
(χ(y) − 1) χ(x) = 0.
x∈G
Comme χ(y) 6= 1, on en déduit bien
P
χ(x) = 0.
x∈G

13
Corollaire. Soit x ∈ G. On a :
X
χ(x) = n si x = 1,
χ∈Ĝ
X
χ(x) = 0 si x 6= 1.
χ∈Ĝ

Preuve. La seul point à prouver est le premier, qui vient du fait que si χ = 1,
alors 1(0) = 1.

Cela résulte de la proposition 2.3, appliquée au groupe Ĝ.

Cas du groupe F∗q et application Un caractère du groupe (F∗q , ×) est un morphisme


χ du groupe multiplicatif (F∗q , ×) (on laisse ici de côté le cas additif) vers le groupe mul-
tiplicatif C∗ . Nous allons maintenant étudier une application directe des caractères. Pour
a ∈Fq , notons N (xn = a) le nombre de solutions de xn = a pour n ∈N.

Proposition 2.4. Si n | q − 1, alors N (xn = a) =


P
χ(a).
χn =1

Lemme 2.1. Si a ∈F∗q , n | q − 1, et xn = a n’a pas de solutions, alors il y a un caractère


χ tel que χn = 1 et χ(a) =6= 1.

Preuve. Soit g un générateur de Fq , et soit λ définie comme suit :

λ : Fq → C
g k 7→ e2iπk/(q−1)

Notons que λ est un caractère d’ordre q − 1. C’est le générateur du groupe des carac-
tères de Fq .
p−1
Posons χ = λ n . Alors χ(g) = e2iπ/n . Maintenant, si a = g l , xn = a n’a pas de
solutions, alors n - l. Donc χ(a) = χ(g)l = e2iπn/l 6= 1.
Enfin, on a χn = λp−1 = 1.
On peut alors démontrer la proposition 2.4.
Montrons tout d’abord qu’il y a exactement n caractères d’ordre divisant n : comme la
valeur de χ(g) pour un tel caractère doit être une racine n-ième de l’unité, il y a au plus
p−1
n tels caractères. Si on prend, comme dans le lemme, χ = λ n , alors χ(g) = e2iπ/n et on
a n caractères distincts d’ordre n : 1, χ, χ2 , ..., χn−1 .

Il reste à montrer la formule.


– Si a = 0, le résultat est clair.
– Si a 6= 0 et xn = a a des solutions, il existe donc b ∈Fq tel que χ(bn ) = χ(a). Si
χn = 1, alors χ(bn ) = χn (b) = 1. Ainsi,
X
χ(a) = n,
χn =1

ce qui correspond bien à N (xn = a).


– Si a 6= 0 et xn = a n’a pas de solutions, on doit alors montrer que
X
χ(a) = 0.
χn =1

14
Appelons T cette somme. D’après le lemme, il existe un caractère ρ tel que ρ 6= 1 et
ρn = 1. Nous avons donc :
X X
ρ(a)T = ρ(a)χ(a) = (ρ − χ)(a) = T.
χn =1 χn =1

Ainsi, (ρ(a) − 1)T = 0, et donc T = 0.

2.2.2 Définition générale des Sommes de Gauss


Nous allons donner ici la définition générale de ce que l’on appelle communément
Somme de Gauss.
Définition 2.2. Soit α ∈F∗q , soit ψ un caractère du groupe additif (Fq , +) et soit χ un
caractère du groupe multiplicatif (F∗q , ×). On défini la Somme de Gauss des caractères ψ
etχ selon α comme suit :
X
Ga (χ, ψ) = χ(t)ψ(αt)
t∈Fq

Dans toute la suite, on notera G(χ, ψ) = G1 (χ, ψ). Notons par ailleurs que :
– Ga (1, 1) = 0 avec a 6= 0.
– G0 (χ, ψ) = 0 avec χ 6= 0.
– G0 (1, ψ) = q.
– Ga (χ, ψ) = χ(a−1 )G(χ, ψ).
Montrons à présent une proposition importante des Sommes de Gauss.

Proposition 2.5. Si χ 6= 1, alors | G(χ, ψ) |= q
Preuve. Nous allons évaluer la somme
X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ)
a∈Fq
de deux façons différentes.

– si a 6= 0, alors G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = χ(a−1 )G(χ, ψ)χ(a−1 )Ga (χ, ψ). Or, χ(a) étant une
racine (q − 1)-ième de l’unité, on a que χ(a−1 ) = χ(a) et donc
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) =| G |2 .
Comme G0 (χ, ψ) = 0, on a :
X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = (q − 1) | G |2 .
a∈Fq
– D’un autre côté,

X X X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = χ(x)χ(y)ψ(ax)ψ(ay)
a∈Fq x∈Fq y∈Fq

χ(x)χ(y)−1 ψ(a(x − y))


X X
=
x∈Fq y∈Fq

χ(x)χ(y)−1 δx,y q
X X
=
x∈Fq y∈Fq
= (q − 1)q (8)
Ainsi, on obtient l’égalité (q − 1)q = (q − 1) | G(χ, ψ) |2 , d’où le résultat.

15
2.3 Analyse et exemple de Sommes de Gauss
Dans cette partie, nous développerons quelques cas particuliers de Sommes de Gauss.
De plus, nous verrons dans le paragraphe 2.3.4 la somme qui nous servira lors de la
démonstration de la loi de réciprocité quadratique.

k−1 2 /k
e2iπn
P
2.3.1 Sommes de la forme H =
n=0

Nous allons parler ici des premières sommes de Gauss, introduites en 1801, et nous
montrerons une évaluation de cette somme dans le cas où m = 1 et k est un entier positif,
généralisant ainsi le premier résultat de Gauss, où m = 1 mais k est seulement un entier
positif et impair.

Théorème 2.1. Soit k un entier positif, et soit


k−1
X 2 /k
H= e2iπn (9)
n=0
Alors,
 √

 (1 +√i) k si k ≡0 (mod 4),


k si k ≡1 (mod 4),
H=



0
√ si k ≡2 (mod 4),
i k si k ≡3 (mod 4),


où k est positif.

Démonstration. La fonction {x 7→ e2iπmx/k }m∈Z est une famille orthogonale pour le


produit scalaire
Z k
1
< f, g >= f (t)g(t)dt.
k 0
2 /k
La série de Fourier de la fonction x 7→ e2iπx nous montre que
∞ Z k !
2iπn2 /k
X 1 2iπx2 /k −2iπmx/k
e = e e dx e2iπmn/k ,
m=−∞
k 0

donc

k−1 ∞ Z k !
X X 1 2iπx2 /k −2iπmx/k
H = e e dx e2iπmn/k
n=0 m=−∞
k 0

! k−1
1 k 2iπx2 /k −2iπmx/k
X Z X
= e e dx e2iπmn/k (10)
m=−∞
k 0 n=0

Les relations de la propriété (2.3) du paragraphe 2.2.1 appliquées au groupe fini abélien
Z/kZnous donne
k−1
(
X k si k | m
e2iπmn/k =
n=0
0 si k - m
On peut aussi noter qu’il s’agit d’une somme d’unité ou de racines de l’unité.

16
Ainsi, l’équation (10) se simplifie alors pour donner

∞ Z k
2 /k
e−2iπmx/k dx
X
H = e2iπx
m=−∞ 0
∞ Z k
X 2 −kmx)/k
= e2iπ(x dx
m=−∞ 0
∞ Z 1−n/2
2 k/2 2
e−iπm
X
= N e2iπkv dv (11)
m=−∞ −n/2

x m
avec v = k − 2, et de plus,
(
−iπm2 k/2 1 si m est pair,
e =
i−k si m est impair
Puisque les racines impaires sont congrues à 1 modulo 4, alors la somme dans l’équation
(11) peut être coupée en deux sommes sur m = 2m0 + 1 et m = mm0 , donnant
∞ Z −m0 ∞ Z −m0 +1/2
2 2
e2iπkv dv + i−k
X X
H=N e2iπkv dv.
0 0
m0 =−∞ −m m0 =−∞ −m −1/2

ce qui nous donne alors

Z ∞
−k 2
H = k(1 + i ) e2iπkv dv
−∞
√ Z ∞
2
= k(1 + i−k ) e2iπw dw (12)
−∞

avec w = v k. Pour calculer l’intégrale, on remarque que l’équation (12) est vraie pour
tout k, et en particulier pour k = 1. Quand k = 1, alors H = 1, d’après l’équation (9), et
donc
Z ∞
2 1
e2iπw dw = .
−∞ 1 + i−1
On obtient alors que

1 + i−k √
H= k,
1 + i−1
ce qui donne le résultat, selon les congruences, et termine la preuve du théorème.

p−1 2 /p
e2iπax
P
2.3.2 Sommes de la forme τ (a) =
x=0

Nous allons ici discuter du cas particulier des sommes de Gauss en prenant k = p un
nombre premier impair, et m premier avec p.
On remarque en particulier que e2iπa/p ne dépend que de a modulo p et garde un sens
pour a ∈Fp . Nous utiliserons les propriétés générales des caractères ainsi que la formule
suivant
X x X x
= = 0.
x∈Fp
p x∈F∗p
p

17
Cela résultant du fait qu’il y a autant de carrés que de non-carrés dans F∗p , comme
nous l’avons vu.

Définition 2.3. Soit p un nombre premier impair, et soit a ∈Fp . On appelle Somme
quadratique de Gauss la somme suivante :
p−1
X 2 /p
τ (a) = e2iπax .
x=0

Proposition 2.6. Les sommes τ (a) vérifient les formules suivantes :


 
a
1. τ (a) = p τ (1).
2. | τ (a) |2 = p.
 
−1
3. τ (1)2 = p p.

Preuve. Soit a un résidu quadratique et b un non-résidu quadratique modulo p.

p−1 p−1
X 2 /p X 2 /p X X
τ (a) + τ (b) = e2iπax + e2iπbx =2+2 e2iπu/p + 2 e2iπv/p = 0.
x=0 x=0 u∈aF∗2
p v∈bF∗2
p

En effet,
X X X
2 e2iπu/p + 2 e2iπv/p = 2 e2iπu/p = −2
u∈aF∗2
p v∈bF∗2
p uF∗p

Ainsi, on a τ (b) = −τ (1) et τ (a) = τ (1) puisque 1 est un résidu quadratique, d’où (1).
Maintenant, en appliquant la proposition 2.5 vue à la partie 2.2.2 à notre cas précis, on
en déduit immédiatement (2).  
Enfin, on a que τ (1) = τ (−1) = −1 p τ (1), donc, en passant au conjugué, il vient que
   
−1 −1
τ (1)2 = p | τ (1) |2 = p p, d’où (3).

Sommes de la forme G(χ, a) = χ(x)e2iπax/p


P
2.3.3
x∈F∗p

Nous analysons ici une généralisation de cas précédent des Sommes quadratiques de
Gauss (liées à un élément a ∈Fp ) avec k premier et a premier avec k, en considérant les
sommes de Gauss d’un caractère χ de F∗p que l’on prolonge à Fp en prenant χ(0) = 0.

Définition 2.4. Soit p un nombre premier impair, et soit a ∈Fp . On appelle Somme de
Gauss associée au caractère multiplicatif χ selon a la somme suivante :
X
G(χ, a) = χ(x)e2iπax/p .
x∈Fp

Proposition 2.7. Les sommes G(χ, a) vérifient les formules suivantes :


1. G(χ, a) = χ(a)G(χ, 1).
2. | G(χ, a) |2 = p.
3. G(χ, 1) = χ(−1)G(χ, a).

18
Preuve. Notons avant tout que χ(a−1 ) = χ(a)−1 = χ(a). Ainsi :

χ(x)e2iπax/p = χ(a−1 ) χ(ax)e2iπax/p = χ(a−1 )G(χ, 1).


X X
G(χ, a) =
x∈F∗p x∈F∗p

On en déduit alors (1). Les deux autres points découlent directement des propriétés des
Sommes de Gauss vues dans le cas général au chapitre 2.2.2.

P x x
2.3.4 Sommes de la forme τ = p α
x∈Fp

Nous introduisons ici un nouvel aspect des Sommes de Gauss qui nous sera fort utile
pour la démonstration de la loi de réciprocité quadratique que nous aborderons au chapitre
3.1.

Définition 2.5. Soient p et q deux nombres premiers impairs distincts, et α une racine
primitive p-ième de l’unité dans une extension de Fq . On a par ailleurs que α est racine
de l’équation :

αp−1 + αp−2 + ... + α + 1 = 0.


On appelle alors Somme de Gauss dans Fq (α) la somme suivante :
X x
τ= αx
x∈Fp
p

Voici à présent une proposition qui nous servira lors de la démonstration de la loi de
réciprocité quadratique.

Proposition 2.8. Soit τ comme ci-dessus. Alors τ vérifient les égalités suivantes.
 
−1
1. τ 2 = p p.
 
q
2. τ q−1 = p .

Preuve. Calculons :

xy
X   X
τ2 = αx+y = S(u)αu ,
x,y∈aFp
p u∈F p
     
P xy P x(u−x) P −x2
avec S(u) = x+y=u p = x∈Fp p . Pour u = 0, on a S(0) = x∈Fp p =
 
−1
p (p − 1). Pour u ∈F∗p , on a :

! !
X  x(u − x)  −x2 (1 − ux−1 ) −1 1 − ux−1 −1 X y
X   X    
S(u) = = = = { −1},
x∈F∗p
p x∈F∗p
p p x∈F∗p
p p y∈F∗
p
p

 
−1
donc S(u) = − p . Ainsi,
p−1
−1 −1
  X  
τ2 = (p − 1 − αu ) = p.
p u=1
p
Cela permet de prouver la première formule. En ce qui concerne la seconde, on écrit,
puisque la caractéristique de q est impaire :

19
X  x q X x q qx
  X  
q
 
τq = αqx = αqx = αqx = τ.
x∈Fp
p x∈Fp
p p x∈Fp
p p

Comme τ 6= 0, d’après la première formule, on obtient alors la seconde.

20
3 Applications
3.1 Démonstration de la loi de réciprocité quadratique
Grâce aux propriétés démontrées précédemment sur les Sommes de Gauss du type
P x x
τ= p α dans la partie 2.3.4, nous pouvons à présent démontrer la loi de réciprocité
x∈Fp
quadratique dont on rappelle l’énoncé ci-dessous.
Théorème (Gauss). Soient p et q deux nombres premiers impairs distincts. On a

p q
   
(p−1)(q−1)
= (−1) 4 .
q p
Démonstration (Loi de réciprocité quadratique). Soient p et q deux nombres premiers
impairs distincts.  
Notons avant tout que si q ne divise pas a ∈Z, alors a(q−1)/2 ≡ aq mod q.
En effet, si q divise a, alors la formule est claire. Si q = b2 ∈F∗2
q , alors a
(q−1)/2 = bq−1 =
   
1 = a
q , modulo q, et enfin, si a
q = −1, en prenant g un générateur de F∗q , alors
     m
g g
q = −1, et a = g m , avec m impair (sinon a serait un carré), donc aq = q = −1
modulo q, d’où le résultat.
En prenant maintenant a = p, on obtient les égalités suivantes modulo q :
(q−1)/2
p −1 2
  
(q−1)/2
=p = τ ,
q p
et ce d’après le point 1. de la propriété 2.8, puis que
(q−1)/2
−1 2

τ = (−1)(q−1)(p−1)/4 τ q−1 ,
p
d’après la définition du symbole de Legendre. Enfin, on a que

q
 
(−1)(q−1)(p−1)/4 τ q−1 = (−1)(q−1)(p−1)/4 ,
p
d’après le point 2. de la propriété 2.8. Ainsi, il vient que

p q
   
= (−1)(q−1)(p−1)/4
q p
ce qui termine la démonstration de la Loi de réciprocité quadratique.
Exemple 3.1. Nous allons voir ici un exemple montrant comment la Loi de réciprocité
quadratique permet de calculer des valeurs du symbole de Legendre.

1965 3 5 131
     
= ,
2311 2311 2311 2311
3 2311 1
     
= (−1)1155×1 = − = −1
2311 3 3
Car 2311 ≡ 1 mod 3.

5 2311 1
     
= (−1)1155×2 = =1
2311 5 5

21
Car 2311 ≡ 1 mod 5.

131 2311 84
     
= (−1)1155×65 = −
2311 131 131
Car 2311 ≡ 84 mod 1331.

84 4 3 7 3 7
        
− = − =−
131 131 131 131 131 131
131 65×1 131
   
= − (−1) (−1)65×3
3 7
2 5 7 2
      
3×2
= − = −(−1) (−1) = = −1
3 7 5 5
Donc

18151
 
= (−1)(+1)(−1) = 1.
2311

3.2 Équations sur les corps finis et théorème de Chevalley


Nous allons à présent donner une autre application des Sommes de Gauss, qui touche
cette fois à la connaissance du nombre de solutions d’équations.

3.2.1 Théorème de Chevalley-Warning


Théorème 3.1 (Chevalley-Warning). Soit K=Fq un corps fini de caractéristique p. Si
P ∈ K[x1 , ..., xn ], avec deg(P ) < n, alors

Card{x ∈ Kn |P (x) = 0} ≡ 0 mod p.


En particulier, si P est homogène de degré d < n, alors P possède un zéro non trivial
(c’est à dire distinct de 0).

Démonstration. On commence par calculer la somme des valeurs d’un monôme.

Lemme 3.1. Soit xm = xm mn un monôme, alors m est nul sauf si chaque


1
P
1 ...xn x∈Kn x
mi est non-nul et divisible par (q − 1). En particulier, cette somme est nulle dès que
m1 + ... + mn < (n − 1)q.

Preuve. Remarquons que, comme le polynôme "X 0 " est le polynôme constant, il est na-
turel de prendre ici la convention 00 = 1. Le calcul
   

xm xm
X X X X
xm = 1 mn
1 ...xn =

1
1
...  xm
n
n

x∈Kn (x1 ,...,xn )∈Kn x1 ∈K xn ∈K

permet de se ramener au cas d’une seule variable ; Si m = 0, alors y∈K y 0 = q.1K = 0.


P

Si m n’est pas divisible par q − 1, prenons y0 un générateur de K∗ , alors y0m 6= 1 et donc


X X X
ym = (y0 y)m = y0m ym
y∈K y∈K y∈K

y ∈ Ky m = 0.
P
ce qui entraine

22
On en déduit que si Q ∈ K[x1 , ..., xn ] avec deg(Q) < (q −1)n, alors x ∈ Kn Q(x) = 0.
P

Soit maintenant P le même polynôme que celui de l’énoncé du Théorème. Nous allons
appliquer le résultat précédent au polynôme Q = 1 − P q−1 .
Observons que deg(Q) = (q − 1)deg(P ) < (q − 1)n, et que Q(x) = 1 si P (x) = 0, alors que
Q(x) = 0 si P (x) 6= 0 et x ∈ mathbbK n , donc on a l’égalité dans K :
X X
0= Q(x) = 1 = Card{x ∈ Kn |p(x) = 0}.1K
y∈Kn y∈Kn
P (x)=0

ce qui achève la démonstration, car K est de caractéristique p et donc m.1K = 0


équivaut à m ≡ 0 mod p.

3.2.2 Nombre de zéros d’une forme quadratique


P
Si Q(x) = 1≤i,j≤n aij xi yj est une forme quadratique, on dit qu’elle est non dégénérée
si DQ = det(aij ) 6= 0.
Si la caractéristique de K est différente de 2 alors, on peut supposer que Q est diagonale
(on ne fera pas la démonstration ici).

Théorème 3.2. Soit Q une forme quadratique en n variables, non dégénérée, à coefficients
dans Fp (où p 6= 2), alors :
n
Card{x ∈ Fnp | Q(x) = 0} = pn−1 + ε(p − 1)p 2 −1
avec


 0 ! si n est impair
ε= (−1)n/2 D Q
 si n est pair

p

Démonstration. On suppose que Q est diagonale, donc Q(x) = a1 x21 + ... + an x2n . Notons
Np le cardinal que nous voulons calculer. On a :

p−1
X X
pNp = e2iπaQ(x)/p
a=0 x∈Fn
p

p−1
X X
= pn + e2iπaQ(x)/p
a=1 x∈Fn
p

p−1
X X 2 2
= pn + e2iπa(a1 x1 +...+an xn )/p
a=1 x1 ,...,xn ∈Fp
p−1 n
2
e2iπaaj xj /p
XY X
n
= p +
a=1 j=1 xj ∈Fp
p−1
XY n
n
= p + τ (aaj )
a=1 j=1
 p−1
X  n
a1 ...an a

= pn + τ (1)n
p a=1
p

23
 n
Or a1 ...an = DQ , et la somme p−1 a
vaut 0 (respectivement (p − 1)) si n est
P
a=1 p
impair (respectivement pair). On en déduit que Np = pn−1 si n est impair. Si n est pair,
on remarque que
n/2
−1

τ (1)n = (τ (1)2 )n/2 = pn/2
p
et on obtient bien la formule annoncée pour Np .

3.2.3 Nombre de solutions d’équations du type a0 xn0 0 + ... + ar xnr r = 0


Soit n un entier fixé, q un premier impair, et d = (n, q − 1) le pgcd de n et (q − 1).
Soit r ∈ N∗ , n0 , ..., nr ∈ N∗ , et a0 , ..., ar ∈ F∗q , et on cherche à compter les solutions d’équa-
tions du type

a0 xn0 0 + ... + ar xnr r = 0,


avec les xi dans le corps fini Fq . On note N le nombre de solutions de l’équation.

Partition de l’ensemble solution On note L :Fr+1


q → Fq la forme linéaire définie par
r
X
∀u = (u0 , ..., ur ) ∈ Fr+1
q , L(u) = ai ui .
i=0

On définit p et f par :

p: Fr+1
q → Fr+1
q f =L◦p
ni
(xi )i=0,...,r 7→ (xi )i=1,....,r
Alors f ((xi )i ) = 0 si et seulement si u = p(xi )i ) ∈ L−1 (0). Ainsi,

N = Card(f −1 (0)) = Card(p−1 (u)) =


X X
N0 (u0 )...Nr (ur ).
u∈L−1 (0) u∈ker(L)

On a donc la proposition suivante.


Pr ni
Proposition 3.1. Soit N le nombre de solutions de l’équation i=0 ai xi = 0, alors
X
N= N0 (u0 )...Nr (ur ),
u∈L−1 (0)

la somme portant sur les u ∈ Fr+1q appartenant au sous-espace vectoriel ker(L) de


dimension r (L est une forme linéaire non-nulle).

Utilisation des Sommes de Gauss

Proposition 3.2. Soit χ un caractère sur Fq. On note di = Card{xxni = 0}. On peut
calculer N à l’aide des sommes de Gauss :
X X
N= χα0 (u0 )...χαr (ur ),
u∈ker(L) α∈X

où l’on note α le multi-indice (α0 , ..., αr ) ∈ [0; 1[r+1 et X est l’ensemble des α qui
vérifient α0 d0 ≡ 0[1], ..., αr dr ≡ 0[1].

24
Preuve. On utilise la proposition 3.1 précédente, ainsi que le résultat de la proposition
2.4 de la partie 2.2.1 que l’on applique à notre cas.
Pour u quelconque, et α = (0, ..., 0) on a :
r
Y r
Y r
Y
χαj (uj ) = χ0 (uj ) = 1 = 1.
j=0 j=0 j=0

Ainsi :

X X X
N = 1+ χα0 (u0 )...χαr (ur )
u∈ker(L) u∈ker(L) α∈X{(0,...,0)}
X X
= qr + χα0 (u0 )...χαr (ur )
α∈X\{(0,...,0)} u∈ker(L)

Le multi-indice (0, ..., 0) fait donc apparaitre un q r . Parmi les autres multi-indices,
beaucoup ne contribuent pas. en effet, on a le lemme suivant :
Lemme 3.2. Soit α ∈ X
{(0, ..., 0)} tel que αj = 0 pour un certain j ∈ {0, ..., r}. Alors
X
χα0 (u0 )...χαr (ur ) = 0.
u∈ker(L)

Preuve. Quitte à permuter les indices, on suppose qu’il existe s ∈ {1, ..., r} tel que αs =
αs+1 = ... = αr = 0 et les α0 , ..., αs−1 sont non-nuls. On a :

X
A = χα0 (u0 )...χαr (ur )
u∈ker(L)
X
= χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 ) × 1 × ... × 1
u∈ker(L)
X X
= χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 )
(us ,...,ur )∈Fr−s+1
q (u0 ,...,us−1 )∈Fsq
X
= q r−s+1 χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 )
(u0 ,...,us−1 )∈Fsq
s−1
Y X
= q r−s+1 χαi (ui )
i=0 ui ∈Fq

Or, comme α0 , ..., αs−1 sont tous nuls, chacun des facteurs, à savoir chaque somme
P
ui ∈Fq χαi (ui ), est nulle. Finalement, A est nul, ce qui termine la preuve du lemme.

Proposition 3.3. On a :
X
N = qr + χα0 (u0 )...χαr (ur ),
u,α

où u parcourt ker(L) et les α = (α0 , ..., αr ) vérifient αi di ≡ 0[1] et αi 6∈ Z (ce qui revient
à dire que χαi n’est pas le caractère trivial).
Notons qu’il existe des résultats sur le nombre de solutions de telles équations avec
second membre non-nul. Ces derniers font notamment intervenir les Sommes de Jacobi
(que nous évoquerons plus loin) mais nous ne développerons pas cet aspect.

25
3.3 Constructibilité des polygones réguliers
La question de savoir quels sont les figures et les nombres constructibles à la règle et
au compas date de l’Antiquité, étant alors au centre des recherches mathématiques. C’est
en un sens, un thème fondateur. Il a fallu pas moins de 2000 ans avant que ne soient
réalisés des progrès significatifs dans ce domaine, grâce notamment aux travaux de Gauss.
Pourquoi la règle et le compas ? Probablement parce que ces instruments à la fois simples
et relativement précis restent les seuls que nous possédons. Dès lors, une des questions les
plus simples à formuler dans ce domaine est la suivante : Quels sont les polygones réguliers
constructibles ? C’est d’ailleurs le quatrième grand problème qu’ont laissé derrière elles les
écoles de Mathématiques Grecques, avec les problèmes de la quadrature du cercle, de la
duplication du cube, et de la trisection de l’angle. C’est de ce problème que nous allons
parler ici.

3.3.1 Avant-propos et Théorème de Gauss


Dans cette dernière partie, nous donnons la caractérisation des polygones réguliers
constructibles, qui résulte du théorème dit de Gauss, publié pour la première fois en 1801.
Nous aborderons une partie de la preuve qui met en application certaines des propriétés
que nous avons étudiés sur les Sommes de Gauss dans la partie 3.3.3.

Définition 3.1. Un nombre de Fermat est un nombre p tel qu’il existe un n ∈ N pour
n
lequel p = 22 + 1.

Théorème 3.3 (Gauss). Les polygones réguliers constructibles sont ceux dont le nombre
de côtés n est de la forme 2α , α ≥ 2 ou de la forme 2α p1 p2 ...pr avec α ∈ N et où les pi
sont des nombres premiers distincts qui sont des nombres de Fermat et r ∈ N∗ .

3.3.2 Résultats préliminaires


Définition 3.2. Un nombre α ∈ R est dit constructible si il existe des sous-corps de

R= K0 ⊂ K1 ⊂ K2 ⊂ ... ⊂ Kn , avec n ∈ N, tels que α ∈ Kn et Ki = Ki−1 ( αi−1 ) pour
tout αi ∈ Ki , i = 1, ..., n.

Remarque: Cette définition est équivalente à dire qu’un nombre est constructible s’il est
la mesure d’une longueur associée à deux points constructibles à la règle (non-graduée) et
au compas, à partir d’un repère constitué des trois points déterminés à l’avance.
On remarque également que [Ki : Ki−1 ] = 2, pour i ≤ m. On en déduit que [Kn : K] = n2 ,
et donc que si un nombre est constructible, alors son polynôme minimal a pour degré une
puissance de 2. Ce résultat est une conséquence du Théorème de Wantzel.

Nous proposons maintenant deux Lemmes nécessaires à la démonstration du théorème


de Gauss.
ˆ est constructible

Lemme 3.3. Si m et n sont premiers entre eux, l’angle de mesure mn
ˆ et 2π
si et seulement si 2π ˆ le sont.
n m

Preuve. Soient m et n premiers entre eux.


ˆ est constructible, alors 2π
2π ˆ et 2πˆ le sont aussi car 2π
ˆ = m 2π
ˆ ˆ
2π ˆ

– Si mn n 2 n mn et m = n mn , et
il est facile de construire à partir d’un angle un multiple de cet angle en reportant
avec le compas, autant de fois que nécessaire, la corde déterminée par cet angle sur
le cercle unité.

26
ˆ et 2π
– Si 2π ˆ
n m sont constructibles, alors, m et n étant premiers entre eux, d’après
Claude-Gaspard Bachet de Méziriac, il existe λ et µ dans Z tels que λn + µm = 1,
ˆ = λ 2π
2π ˆ ˆ

d’où mn m + µ n . Il suffit alors de savoir construire la somme de deux angles
constructibles, ce qui se fait en construisant des représentants de ces angles avec un
côté adjacent.

Lemme 3.4. Si n ≥ 3 se décompose en facteurs premiers de la façon suivante

n = pα1 1 ...pαk k ,

ˆα , ..., 2π
le polygone régulier à n côtés est constructible si et seulement si les angles p2π ˆ le
α
1
1 pk k
sont aussi.

Preuve. Ce lemme résulte immédiatement du lemme 3.3 précédent par récurrence sur k.

Dans toute la suite, on pose ζt = e2iπ/t , pour tout t. De plus, on notera ζ = ζp par
commodité d’écriture, p étant un nombre premier impair.

Théorème 3.4. Avec les notations précédentes, on a :


ˆ sont constructibles.
1. Les angles de la forme 2π 2α
ˆ est constructible si et seulement si α = 1 et p est
2. Si p est premier impair, alors p2π
α

un nombre de Fermat.

Démonstration. Le premier point est immédiat, par récurrence sur α, dès lors que l’on
sait construire des bissectrices. Nous allons maintenant prouver le sens direct.
Supposons que p2π ˆ est constructible. Cela revient à dire que ζ α est constructible. Par
α p
soucis de commodité, posons q = pα . La partie réelle d’un nombre constructible étant
constructible, il vient que cos( 2π
a ) est constructible, et d’après Wantzel, on a :


[Q(cos ) : Q] = 2m , m ∈ N. (13)
q
On a maintenant que ζq est racine du polynôme X q − 1. On a que le polynôme minimal
de ζq sur Q est donné par : P (X) = hk=1 (X − ζqk ), résultat admis (car preuve longue et
Q

hors de propos). Pour trouver le degré h de P (X), il suffit de connaitre le nombre d’entiers
k tels que 1 ≤ k ≤ q, et k premier avec q = pα .
On obtient h = pα−1 (p − 1). Nous avons donc :

[Q(ζq ) : Q] = pα−1 (p − 1). (14)


D’autre part, nous avons que ζq + ζq−1 = 2 cos p2πα , donc cos p2πα ∈ Q(ζq )
et ζq2 − 2ζq cos p2πα + 1 = 0. Ainsi, ζq est algébrique et de degré 2 sur Q(cos p2πα ), d’où :

[Q(ζq ) : Q(cos )] = 2. (15)

A partir des relations (13), (14) et (15), sachant que
2π 2π
[Q(ζq ) : Q] = [Q(ζq ) : Q(cos α
)] × [Q(cos α ) : Q],
p p
on obtient : pα−1 (p − 1) = 2m+1 . Comme p est premier impair, il en résulte que α = 1 et
p = 1 + 2m+1 .

27
Montrons à présent que m + 1 est une puissance de 2. A partir de la décomposition en
facteurs premiers, on obtient que m + 1 = λ2β , avec β ∈ N, et λ ∈ N∗ impair. Or, si λ est
impair, le polynôme X λ + 1 est divisible par X + 1.
β
On a de plus que p = 1 + 2m+1 = 1 + (22 )λ , donc il en résulte que p est divisible par
β
1 + 2(2 ) , mais comme p est premier, on a :
β
p = 1 + 22 .
Ceci termine donc la première partie de la preuve du sens direct. Le sens indirect va, quant
à lui nécessiter l’emploi des Sommes de Gauss, comme nous allons le voir dans la suite.

On rappelle le résultat du corollaire 2.2.1 de la partie 2.2.1 que l’on prolonge à Fp .

Proposition 3.4. Soit x ∈ Fp , p étant un nombre premier. On a :


X
χ(x) = 1 si x = 0,
χ∈Fˆ∗p
X
χ(x) = p − 1 si x = 1,
χ∈Fˆ∗p
X
χ(x) = 0 si x 6= 0, 1.
χ∈Fˆ∗p

Maintenant, par commodité d’écriture, et par soucis de clarté, nous allons introduire
les Sommes Jacobi, fortement liées aux Sommes de Gauss comme nous l’allons voir tout
à l’heure à travers deux propriétés dont nous aurons besoin pour démontrer le théorème
de Gauss.

Définition 3.3. Soient χ et λ des caractères sur Fp . On note


X
J(χ, λ) = χ(a)λ(b).
a+b=1

J(χ, λ) est appelée Somme de Jacobi de χ et de λ.

Dans toute la suite, on considère la Somme de Gauss définie comme suit pour un
caractère χ de Fp .
X
g(χ) = χ(x)ζ x
x inFp

Ainsi, on a g(χ) ∼
= G(χ, 1), somme définie au paragraphe 2.3.3, que l’on prolonge à Fp .
Nous allons maintenant voir comment les Sommes de Gauss et de Jacobi sont liées à travers
deux propositions.

Proposition 3.5. Soient χ et λ des caractères non-triviaux sur Fp . Si χλ 6= 1, alors :

g(χ)g(λ)
J(χ, λ) = .
g(χλ)

28
Preuve. On remarque que :
  
X X
g(χ)g(λ) =  χ(x)ζ x   λ(y)ζ y 
x∈Fp y∈Fp
X
= χ(x)λ(y)ζ x+y
x,y∈Fp
 
X X
=  χ(x)λ(y) ζ t . (16)
t∈Fp x+y=t

P P P
Si t = 0, alors x+y=0 χ(x)λ(y) = x∈Fp χ(x)λ(−x) = λ(−1) x∈Fp χλ(x) = 0, puisque
χλ 6= 0 par hypothèse.
Si t 6= 0, soit x0 et y 0 tels que x = tx0 et y = ty 0 . Si x + y = t, alors x0 + y 0 = 1. Ainsi,

χ(tx0 )λ(ty 0 ) = χλ(t)J(χ, λ).


X X
χ(x)λ(y) =
x+y=t x0 +y 0 =1

En remplaçant dans l’équation (16), on obtient


X
g(χ)g(λ) = χλ(t)J(χ, λ)ζ t = J(χ, λ)g(χλ).
t∈Fp

Proposition 3.6. Supposons que p ≡ 1 (n) et que χ est un caractère d’ordre n > 2.
Alors :

g(χ)n = χ(−1)pJ(χ, χ)J(χ, χ2 )...J(χ, χn−2 ).

Preuve. D’après le troisième point de la proposition précédente, nous avons que g(χ)2 =
J(χ, χ)g(χ2 ). En multipliant des deux côtés par g(χ), on obtient que g(χ)3 = J(χ, χ)J(χ, χ2 )g(χ3 ).
En continuant ainsi, on a que

g(χ)n−1 = J(χ, χ)J(χ, χ2 )...J(χ, χn−2 )g(χn−1 ). (17)


De plus, on a que χn−1 = χ−1 = χ. Ainsi, g(χ)g(χn−1 ) = g(χ)g(χ) = χ(−1)p, d’après
les propriétés sur les caractères. On obtient le résultat en multipliant par g(χ) les deux
membres de l’équation (17).

Maintenant, nous allons pouvoir prouver le théorème de Gauss sur les polygones régu-
liers constructibles.

3.3.3 Démonstration du Théorème de Gauss


Lemme 3.5. ζ2n est constructible pour tout n = 1, 2, ... .

Preuve. Il s’agit du premier point du théorème 3.4.

Théorème 3.5. Si p est un nombre de Fermat premier, alors ζp est constructible.


ˆ l’est.
Remarque: Dire que ζp est constructible revient à dire que l’angle 2π
p

29
Pp−1
Démonstration. Soit g(χ) = t=0 χ(t)ζpt la Somme de Gauss associée à χ. Alors

 
X p−1
X X
g(χ) = χ(t) ζpt
 

χ∈Fˆ∗p t=0 χ∈Fˆ∗p

= 1 + (p − 1)ζp .

Ainsi, ζp = (p − 1)−1 (−1 +


P
χ∈Fˆ∗p g(χ)) et alors ζp est constructible si chaque g(χ) l’est,
pour tout χ ∈ Fˆ∗ .
p

De plus, il existe n tel que p − 1 = 2n car p est un nombre de Fermat, et puisque


les caractères forment un groupe d’ordre (p − 1), il vient qu’il existe un m tel que χ soit
d’ordre 2m . Ensuite, d’après la proposition 3.6, on a que :

g(χ)2m = χ(−1)pJ(χ, χ)J(χ, χ2 )...J(χ, χl )


avec l = 2m − 2. Or, on a que J(χ, χj ) ∈ Z[ζ2n ], quel que soit j. En effet, si χ est un
caractère, alors χp−1 = 1, donc en particulier, χ(x) est une racine (p − 1)-ième de l’unité,
pour tout χ ∈ Fˆ∗p , et pour tout x ∈ Fp . Ainsi, d’après le résultat du Lemme 3.5 précédent,
m √
il vient que g(χ)2 est constructible. On en déduit que g(χ) est constructible, α étant
constructible pour tout α qui l’est, ce qui achève la démonstration.

Ce théorème permet alors de montrer le sens indirect du théorème 3.4. Nous avons
alors tous les éléments pour prouver le Théorème de Gauss qui se déduit immédiatement
du Théorème 3.4 et des Lemmes qui le précèdent.

Anecdote Les cinq premiers nombres de Fermat sont : 3, 5, 17, 257, 65537, obtenus à
partir de la formule p = 1 + 2( 2β ) pour b = 0, 1, 2, 3, 4. Ces cinq nombres sont premiers, ce
qui fut vérifié en 1640 par Pierre de Fermat (1601-1665). Mais Fermat avait affirmé aussi
que tous les nombres de la forme 1 + 2( 2β ) sont des nombres premiers. C’est seulement
en 1732 que Léonard Euler (1707-1783) s’aperçut que pour β = 5 le nombre de Fermat
correspondant 4 294 967 297 n’était pas premier car divisible par 641. Bien que l’on ait
étudié les nombres de Fermat pour de nombreuses valeurs de β, les seuls nombres de Fer-
mat connus qui sont premiers sont les cinq nombres 3, 5, 17, 257, 65537. Le problème de
savoir s’il en existe d’autres est à l’heure actuelle un problème ouvert.

Pour n = 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 16, 17, 20 les polygones réguliers à n cotés sont construc-
tibles, pour n = 7, 9, 11, 13, 14, 18, 19 ils ne le sont pas. Euclide connaissait les constructions
pour n = 3, 4, 5, 15 et il savait bien sûr doubler le nombre de côtés d’un polygone construc-
tible. On ne sût rien faire de mieux jusqu’en 1796 où K.F. Gauss, alors âgé de 19 ans,
montra que le polygone régulier à 17 cotés était constructible.

30
Conclusion
Les Sommes de Gauss sont des objets mathématiques bien particuliers. Elles peuvent
en effet avoir des applications dans de nombreux domaines différents. Qui pourrait penser
qu’un somme de nombres complexes servirait à prouver si simplement un théorème d’arith-
métique tel que celui de la réciprocité quadratique, ou encore à déterminer quels polygones
réguliers sont constructibles, et même à connaitre le nombre de solutions d’équations dio-
phantiennes. Nous avons vu à travers ce rapport, que les sommes de Gauss se rapprochaient
également par certains aspects aux Séries de Fourier, et l’analogie n’est pas hors de propos.
Ces objets sont donc tout à fait exceptionnels tant par leur profondeur que par l’étendue
de leur champ d’application.
Nous tenons à remercier Mr. Mourougane qui nous aura encadré pendant toute la durée
de nos travaux et qui nous aura donné d’excellentes pistes de recherches.

Références
[1] E.M. Wright G.H. Hardy. An Introduction to the theory of numbers. Fifth Edition.
[2] Marc Hindry. Arithmétique. Calvage & Mounet.
[3] Graduate Texts in Mathematics. Théorie Algébrique des nombres. Springer.
[4] Michael Rosen Kenneth Ireland. A classical introduction to number theory. Hardcover.
[5] Paulo Ribenboim. L’arithmétique des corps. Hermann Paris.
[6] Pierre Samuel. Théorie Algébrique des nombres. Hermann.
[7] Jean-Pierre Serre. Cours d’Arithmétique. Presse Universitaire de France.

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