Sommes de Gauss: Malo Cossec Et Léo Théodon Université de Rennes 1
Sommes de Gauss: Malo Cossec Et Léo Théodon Université de Rennes 1
Sommes de Gauss: Malo Cossec Et Léo Théodon Université de Rennes 1
Université de Rennes 1
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Table des matières
1 Rappels et Généralités 5
1.1 Les groupes finis et les groupes (Z/mZ)∗ et Fq . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.2 Le symbole de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.1 Symbole de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.2 Le critère d’Euler
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.3 Le symbole p2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3 La loi de réciprocité quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2 Sommes de Gauss 12
2.1 Historique et Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Caractères et définition générale des Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . 12
2.2.1 Caractères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2.2 Définition générale des Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3 Analyse et exemple de Sommes de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
k−1 2 /k
e2iπn
P
2.3.1 Sommes de la forme H = . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
n=0
p−1 2 /p
e2iπax
P
2.3.2 Sommes de la forme τ (a) = . . . . . . . . . . . . . . . . 17
x=0
Sommes de la forme G(χ, a) = χ(x)e2iπax/p . . . . . . . . . . . . 18
P
2.3.3
x∈F∗p
P x x
2.3.4 Sommes de la forme τ = p α . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
x∈Fp
3 Applications 21
3.1 Démonstration de la loi de réciprocité quadratique . . . . . . . . . . . . . . 21
3.2 Équations sur les corps finis et théorème de Chevalley . . . . . . . . . . . . 22
3.2.1 Théorème de Chevalley-Warning . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.2.2 Nombre de zéros d’une forme quadratique . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.2.3 Nombre de solutions d’équations du type a0 xn0 0 + ... + ar xnr r =0 . . 24
3.3 Constructibilité des polygones réguliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.1 Avant-propos et Théorème de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.2 Résultats préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.3.3 Démonstration du Théorème de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Références 31
2
Introduction
Introduction
Dans le cadre de notre Master de Mathématiques Fondamentales à l’université de
Rennes 1, un travail d’étude et de recherche nous a été demandé. Plusieurs thèmes nous
étaient proposés, et nous avons opté pour un sujet d’arithmétique sous la direction de
Christophe Mourougane : « Les Sommes de Gauss ».
Nous avons commencé nos recherches par l’étude d’un document fourni par notre tuteur,
puis nous nous sommes rapidement appuyés sur quelques livres consultés à la bibliothèque
universitaire de Beaulieu. Nous avons rencontré certaines difficultés à poser les limites
de notre étude et à concrétiser l’outil des Sommes de Gauss proprement dites. Après
plusieurs réflexions sur les méthodes et les démonstrations nous nous sommes familiarisé
avec notre sujet. Ensuite la recherche d’une application intéressante a fait l’objet de notre
préoccupation, car nous voulions trouver quelque chose de concret lié à la géométrie. En
mathématiques, et plus précisément en arithmétique modulaire, la somme de Gauss est
un nombre complexe. Elle utilise les outils de l’analyse harmonique sur un groupe abélien
fini sur le corps fini Z/pZ où p désigne un nombre premier impair et Z l’ensemble des
entiers relatifs. Elles sont introduites par le mathématicien Carl Friedrich Gauss, dont nous
feront une brève biographie, qui les utilise dans ses Disquisitiones Arithmeticae, parues en
1801. Ces sommes sont utilisées pour établir la théorie des polynômes cyclotomiques et
possèdent de nombreuses applications. On peut citer par exemple une démonstration de
la loi de réciprocité quadratique que nous détaillerons par la suite. Nous avons donc choisi
de commencer notre travail par certains rappels et résultats importants d’arithmétique
et de théorie des nombres, puis nous parlerons des sommes de Gauss en étudiant leurs
propriétés et les théorèmes les plus connus. Et nous terminerons par l’analyse de quelques
applications.
3
Biographie de Carl Friedrich Gauss
4
1 Rappels et Généralités
Dans cette partie, nous exposerons les résultats classiques d’arithmétiques, générale-
ment connu de tous, qui seront pour la plupart utiles dans la suite. Nous effectuerons en
particuliers quelques rappels sur les groupes finis et les groupes (Z/mZ)∗ ainsi que Fq que
nous définirons. Nous rappellerons également la définition du symbole de Legendre ainsi
que quelques propriétés élémentaires, conduisant à l’établissement de la loi de réciprocité
quadratique.
Remarque: La caractéristique d’un corps fini K est donc nécessairement un nombre pre-
mier.
Nous allons montrer maintenant quelques propriétés sur les corps fini à l’aide d’un
premier théorème. Pour cela, nous aurons besoin du lemme suivant.
5
étant algébriquement clos). Les éléments x ∈ Ω invariants par σ̃ forment donc un sous-
corps Fq de Ω. Ce corps a q éléments.
En effet, la dérivée du polynôme X q − X est
qX q−1 − 1 = p.pf −1 .X q−1 − 1 = −1
et ne s’annule donc pas. Il est résulte (puisque Ω est algébriquement clos) que X q − X a
q racines distinctes car il est alors séparable. On a donc bien Card(Fq ) = q.
Inversement, si K est un sous-corps de Ω à q éléments, le groupe multiplicatif K∗ des
éléments non-nuls de K a q − 1 éléments. On a donc xq−1 = 1 si x ∈K∗ , d’où xq = x si
x ∈K∗ , ce qui montre que K est contenu dans Kq . Puisque
Card(K) = Card(Fq )
on a K=Fq , et l’assertion 2. est bien vérifiée.
Enfin, l’assertion 3. résulte de 2. et du fait que tout corps à pf éléments peut être
plongé dans Ω puisque ce dernier est algébriquement clos.
Soit p un nombre premier, f ≥ 1 un entier et soit q = pf .
Théorème 1.2. Le groupe multiplicatif F∗q du corps fini Fq est cyclique d’ordre q − 1.
Démonstration. Si d est un entier supérieur ou égal à 1, on note ϕ(d) l’indicateur
d’Euler de d, c’est à dire le nombre d’entiers x, avec 1 ≤ x ≤ q, qui sont premiers à q,
autrement dit, dont l’image dans Z/dZ est un générateur de ce groupe.
Il est clair que le nombre des générateurs d’un groupe cyclique d’ordre q est égal à ϕ(d).
Il nous reste à présent à montrer que dans notre cas, ϕ(d) = q − 1. Pour cela, nous
allons faire appel à deux lemmes.
Lemme 1.2. Si n est un entier, n ≥ 1, alors on a n =
P
ϕ(d).
d|n
D’où le résultat.
Lemme 1.3. Soit H un groupe d’ordre fini noté n. On suppose que, pour tout diviseur d
de n, l’ensemble des x ∈ H tels que xd = 1 a au plus d éléments. Alors H est cyclique.
Preuve. Soit d un diviseur de n.
S’il existe x ∈ H d’ordre d, le sous-groupe (x) = {1, x, ..., xd−1 } engendré par x est d’ordre
d. par hypothèse, tout élément y ∈ H tel que y d = 1 appartient à (x). En particulier,
les seuls éléments de H d’ordre d sont les générateurs de (x), et ceux-ci sont en nombre
ϕ(d). Ainsi, le nombre d’éléments de H d’ordre d est 0 ou ϕ(d). Si cela était 0 pour une
P
certaine valeur de d, la formule n = ϕ(d) montrerait que le nombre d’éléments de H
d|n
est strictement inférieur à n, ce qui entre en contradiction avec l’hypothèse de départ. En
particulier, il existe un élément x ∈ H d’ordre n, et H coïncide avec le groupe cyclique
(x).
6
Le théorème résulte du dernier lemme, appliqué à H =F∗q et n = q − 1. Il est en effet
immédiat que l’équation xd = 1, de degré d, a au plus d solutions dans Fq .
2. Vérifions la congruence
n
≡ n mod 3.
3
Si 3 divise n, on a n3 = 0. Si n ≡ 1 mod 3, on a n3 = 1. Si n ≡ −1 mod 3,
7
1.2.2 Le critère d’Euler
Le critère d’Euler est une relation qui permet de calculer effectivement le symbole de
Legendre. De plus, il nous sera très utile dans la démonstration de la loi de réciprocité
quadratique faisant appel aux sommes de Gauss.
Théorème 1.3. Critère d’Euler Soit p un nombre premier impair. On a alors que pour
tout entier relatif n la relation suivante :
n
p−1
≡n 2 mod p (2)
p
Démonstration. Nous allons commencer par établir le lemme suivant :
Lemme 1.4. Soit p un nombre premier impair. L’ensemble des carrés de (Z/pZ)∗ est un
sous-groupe de (Z/pZ)∗ d’ordre p−1
2 .
Le théorème 1.3 se déduit comme suit. Soit n un entier relatif. La congruence (2) est
vraie si p divise n. Supposons que p ne divise pas n. on a np−1 ≡ 1 mod p. Puisque Z/pZest
un corps, on a donc
p−1
n 2 ≡ ±1 mod p. (3)
p−1
Par ailleurs, le polynôme X − 1 ∈Z/pZ[X] a au plus p−1
2
2 racines. On déduit du
p−1
lemme 1.4 que ses racines sont exactement les 2 carrées de (Z/pZ)∗ . On obtient l’équi-
valence
n
p−1
= 1 ⇐⇒ n 2 ≡ ±1 mod p.
p
La condition (3) permet alors de conclure.
Remarque 1.1. Soit p un nombre premier impair. Parmi les entiers compris entre 1 et
p − 1, il y en a exactement la moitié qui sont des résidus quadratiques modulo p, c’est à
dire qu’il y a autant de carrés que de non-carrés dans (Fp)∗ ) (voir lemme 1.4). On a donc
la formule
p−1
X k
= 0. (4)
k=1
p
Exemple 1.2. Le critère d’Euler permet de calculer np en utilisant le calcul « rapide »de
la puissance d’un entier. Par exemple, on obtient que
5
= −1
23
en écrivant que l’on a
3
11 = 23 + 2 + 1 puis 511 = 52 × 52 × 5 ≡ −1 mod 23.
8
Corollaire. Soit p un nombre premier. Quels que soient les entiers m et n, on a
mn m n
= . (5)
p p p
De plus, si n n’est pas divisible par p, on a
!
mn2 m
= (6)
p p
Proposition 1.2. Soit p un nombre premier impair. soit n le plus petit entier naturel qui
ne soit pas un résidu quadratique modulo p. On a
√
n<1+ p.
Preuve. Soit m le plus petit entier naturel tel que mn > p. Puisque p est premier, on a
donc n(m − 1) < p, c’est à dire que mn − p < n. D’après le caractère minimal de n, on a
donc d’après la formule (5) les égalités
mn − p mn m n m
1= = = =−
p p p p p
.
Par suite, on a m ≥ n. On obtient donc le résultat voulu puisque l’on a
On peut d’ailleurs à ce propos citer la conjecture suivante que l’on doit à Vinogradov :
Conjecture. Soit ε un nombre réel strictement positif. Pour tout nombre premier p assez
grand, le plus petit entier naturel qui ne soit pas un résidu quadratique modulo p est
inférieur à pε .
Par exemple, Hudson et Williams ont démontré en 1979 que si p est un nombre premier
impair non congru à 1 modulo 8 le plus petit entier naturel n qui ne soit pas un résidu
2 1 2
quadratique modulo p est inférieur à p 5 + 12p 5 + 33. On a ainsi n < 1, 54p 5 dès que p
(non congru à 1 modulo 8) est plus grand que 107 .
2
1.2.3 Le symbole p
2
Dans cette partie, nous allons étudier le cas particulier p .
9
Preuve. Posons
p−1
S = {1, ..., }.
2
Étant donné a ∈Z non divisible par p, pour tout s ∈ S, il existe un unique élément sa ∈ S,
tel que l’on ait
as ≡ es (a).sa mod p avec es (a) = ±1.
Nous allons maintenant avoir besoin du lemme suivant.
a
Y
= es (a).
p s∈S
Preuve. Vérifions que l’application f : S → S définie par f (s) = sa est une bijection de S.
Soient s et s0 des éléments de S tels que f (s) = f (s0 ). On obtient es (a)s = es0 (a)s0 mod p,
d’où s ≡ ±s0 mod p, ce qui implique s = s0 . Par suite, f est injective, donc bijective. il en
résulte que l’on a
p−1 Y Y Y Y
a 2 s= (as) ≡ es (a) sa mod p,
s∈S s∈S s∈S s∈S
d’où
p−1 Y Y Y
a 2 s≡ es (a) s mod p,
s∈S s∈S s∈S
puis la congruence
p−1 Y
a 2 ≡ es (a) mod p.
s∈S
2
= (−1)n(p) ,
p
où n(p) est le nombre d’entiers u tels que
p−1 p−1
<u< .
4 2
Supposons p ≡ ±1 mod 8. On a p = ±1 + 8k où k ∈N, et l’on vérifie que n(p) = 2k.
Si l’on a p = 3 + 8k où k ∈N, on obtient n(p) = 2k + 1. Si p = −3 + 8k où k ∈N, on a
n(p) = 2k − 1. Cela conduit à la formule (7), et achève la preuve de la proposition.
10
Exemple 1.3. Démontrons qu’il existe une infinité de nombres premiers congrus à 7
modulo 8. Supposons le contraire. Soit {p1 , ..., pn } l’ensemble des nombres premiers congrus
à 7 modulo 8. Posons
N = (4p1 ...pn )2 − 2.
Soit p un diviseur impair de N . On a 2 ≡ (4p1 ...pn )2 modp, donc 2 est un carré modulo
p. Ainsi, on a p ≡ ±1 mod 8 (d’après la propriété précédente). Compte tenu du fait que
N
= 8(p1 ...pn )2 − 1,
2
il existe donc un diviseur premier p de N qui est congru à −1 modulo 8. Ainsi, q est
l’un des pi , ce qui conduit à une contradiction. D’où le résultat.
Exemple 1.4. Soit p un nombre premier. Supposons que p soit de la forme
p = 1 + 4q avec q premier.
Vérifions que la classe de 2 est un générateur de (Z/pZ)∗ . Soit d l’ordre multiplicatif
de 2 modulo p. Puisque q est premier, on a d ∈ {1, 2, 4, q, 2q, 4q}. Oon a p 6= 3 et p 6= 5,
d’où q = q, 2q ou 4q. Supposons d 6= 4q. Dans ce cas, on obtient la congruence
p−1
2 2 ≡ 1 mod p.
D’après le critère d’Euleur, 2 est donc un résidu quadratique modulo p. Cela conduit
à une contradiction, étant donné que p est congru à 5 modulo 8.
p q
(p−1)(q−1)
= (−1) 4 .
q p
p q p q
Autrement dit, on a = si p ou q est congru à 1 modulo 4, =−
q p q p
sinon.
Nous verrons la démonstration plus tard, nous appuyant sur les propriétés du symbole
de Legendre, des sommes de Gauss.
Corollaire. Si p et q sont premiers impairs et ne sont pas de la forme 4n + 3, alors :
p q
= .
q p
Si p et q sont premiers impairs, et de la forme 4n + 3, alors :
p q
=−
q p
7 11 4
Exemple 1.5. On a par exemple : =− =− = −1.
11 7 7
Démonstration. Si p et q sont de la forme 4n + 3, l’exposant s’écrit
(4n + 2)(4m + 2)
= (2n + 1)(2m + 1).
4
Il est donc impair, ce qui justifie la relation. Dans les autres cas, sa valeur est paire.
11
2 Sommes de Gauss
2.1 Historique et Notes
Nous allons développer dans cette partie les origines des sommes de Gauss.
que nous appelons aujourd’hui Somme de Gauss quadratique. Cette somme est difficile
à évaluer, même dans le cas particulier où m = 1 et k √ un entier √positif impair. Dans ce
cas, Gauss montra que cette somme prenait la valeur ± k ou ±i k, selon si k est de la
forme 4u + 1 ou 4u + 3, respectivement. Gauss conjectura après l’étude d’exemples que le
signe devait être toujours positif. Le 30 Août 1805, Gauss écrit dans son journal qu’il était
capable de prouver sa conjecture sur le signe des ces sommes, et quelques années plus tard
il publiait une évaluation de sa somme quadratique dans le cas où k est un entier positif.
Dans son étude sur les nombres premiers dans les progressions arithmétiques, Dirichlet
introduit ce que l’on appellera le caractère multiplicatif χ modulo k et la somme
k−1
X
G(χ) = e2iπmn/k .
n=0
Ceci est également appelé somme de Gauss, puisqu’elle coïncide avec la somme qua-
dratique de Gauss ci-dessus pour χ d’ordre 2 et k un nombre premier qui ne divise pas
m.
Dans la section suivante, nous présenterons les sommes de Gauss à travers la théorie des
caractères sur les corps finis, pour ensuite nous concentrer sur le cas particulier qui nous
intéresse.
2.2.1 Caractères
Cas général pour un groupe fini abélien Soit G un groupe abélien fini multiplicatif
(respectivement additif).
Les caractères de G forment un groupe Hom(G,C∗ ) que l’on note Ĝ et que l’on appelle
le dual de G.
12
Exemple 2.1. Supposons que G soit cyclique d’ordre n, de générateur s. Si χ : G →C∗
est un caractère de G, l’élément x = χ(s) vérifie la relation xn = 1, c’est à dire que x
est une racine n-ième de l’unité. Inversement, toute racine n-ième de l’unité x défini un
caractère de G au moyen de sa 7→ xa . On voit ainsi que l’application χ 7→ χ(s) est un
isomorphisme de Ĝ sur le groupe Un des racines n-ièmes de l’unité. En particulier, Ĝ est
un groupe cyclique d’ordre n.
Proposition 2.1. Soit H un sous-groupe de G. Tout caractère de H peut être prolongé
en un caractère de G.
Preuve. On admet cette proposition, qui se démontre par récurrence sur l’indice (G : H)
de H dans G.
Remarque 2.2. L’opération de restriction définit un homomorphisme
ρ : Ĝ → Ĥ
et la proposition 2.1 affirme que ρ est surjectif. De plus, le noyau de ρ est formé des
caractères de G qui sont triviaux sur H. Il est donc isomorphe au groupe (G/H)ˆ dual de
G/H. On a alors une suite exacte :
13
Corollaire. Soit x ∈ G. On a :
X
χ(x) = n si x = 1,
χ∈Ĝ
X
χ(x) = 0 si x 6= 1.
χ∈Ĝ
Preuve. La seul point à prouver est le premier, qui vient du fait que si χ = 1,
alors 1(0) = 1.
λ : Fq → C
g k 7→ e2iπk/(q−1)
Notons que λ est un caractère d’ordre q − 1. C’est le générateur du groupe des carac-
tères de Fq .
p−1
Posons χ = λ n . Alors χ(g) = e2iπ/n . Maintenant, si a = g l , xn = a n’a pas de
solutions, alors n - l. Donc χ(a) = χ(g)l = e2iπn/l 6= 1.
Enfin, on a χn = λp−1 = 1.
On peut alors démontrer la proposition 2.4.
Montrons tout d’abord qu’il y a exactement n caractères d’ordre divisant n : comme la
valeur de χ(g) pour un tel caractère doit être une racine n-ième de l’unité, il y a au plus
p−1
n tels caractères. Si on prend, comme dans le lemme, χ = λ n , alors χ(g) = e2iπ/n et on
a n caractères distincts d’ordre n : 1, χ, χ2 , ..., χn−1 .
14
Appelons T cette somme. D’après le lemme, il existe un caractère ρ tel que ρ 6= 1 et
ρn = 1. Nous avons donc :
X X
ρ(a)T = ρ(a)χ(a) = (ρ − χ)(a) = T.
χn =1 χn =1
Dans toute la suite, on notera G(χ, ψ) = G1 (χ, ψ). Notons par ailleurs que :
– Ga (1, 1) = 0 avec a 6= 0.
– G0 (χ, ψ) = 0 avec χ 6= 0.
– G0 (1, ψ) = q.
– Ga (χ, ψ) = χ(a−1 )G(χ, ψ).
Montrons à présent une proposition importante des Sommes de Gauss.
√
Proposition 2.5. Si χ 6= 1, alors | G(χ, ψ) |= q
Preuve. Nous allons évaluer la somme
X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ)
a∈Fq
de deux façons différentes.
– si a 6= 0, alors G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = χ(a−1 )G(χ, ψ)χ(a−1 )Ga (χ, ψ). Or, χ(a) étant une
racine (q − 1)-ième de l’unité, on a que χ(a−1 ) = χ(a) et donc
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) =| G |2 .
Comme G0 (χ, ψ) = 0, on a :
X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = (q − 1) | G |2 .
a∈Fq
– D’un autre côté,
X X X
G(χ, ψ)Ga (χ, ψ) = χ(x)χ(y)ψ(ax)ψ(ay)
a∈Fq x∈Fq y∈Fq
χ(x)χ(y)−1 δx,y q
X X
=
x∈Fq y∈Fq
= (q − 1)q (8)
Ainsi, on obtient l’égalité (q − 1)q = (q − 1) | G(χ, ψ) |2 , d’où le résultat.
15
2.3 Analyse et exemple de Sommes de Gauss
Dans cette partie, nous développerons quelques cas particuliers de Sommes de Gauss.
De plus, nous verrons dans le paragraphe 2.3.4 la somme qui nous servira lors de la
démonstration de la loi de réciprocité quadratique.
k−1 2 /k
e2iπn
P
2.3.1 Sommes de la forme H =
n=0
Nous allons parler ici des premières sommes de Gauss, introduites en 1801, et nous
montrerons une évaluation de cette somme dans le cas où m = 1 et k est un entier positif,
généralisant ainsi le premier résultat de Gauss, où m = 1 mais k est seulement un entier
positif et impair.
donc
k−1 ∞ Z k !
X X 1 2iπx2 /k −2iπmx/k
H = e e dx e2iπmn/k
n=0 m=−∞
k 0
∞
! k−1
1 k 2iπx2 /k −2iπmx/k
X Z X
= e e dx e2iπmn/k (10)
m=−∞
k 0 n=0
Les relations de la propriété (2.3) du paragraphe 2.2.1 appliquées au groupe fini abélien
Z/kZnous donne
k−1
(
X k si k | m
e2iπmn/k =
n=0
0 si k - m
On peut aussi noter qu’il s’agit d’une somme d’unité ou de racines de l’unité.
16
Ainsi, l’équation (10) se simplifie alors pour donner
∞ Z k
2 /k
e−2iπmx/k dx
X
H = e2iπx
m=−∞ 0
∞ Z k
X 2 −kmx)/k
= e2iπ(x dx
m=−∞ 0
∞ Z 1−n/2
2 k/2 2
e−iπm
X
= N e2iπkv dv (11)
m=−∞ −n/2
x m
avec v = k − 2, et de plus,
(
−iπm2 k/2 1 si m est pair,
e =
i−k si m est impair
Puisque les racines impaires sont congrues à 1 modulo 4, alors la somme dans l’équation
(11) peut être coupée en deux sommes sur m = 2m0 + 1 et m = mm0 , donnant
∞ Z −m0 ∞ Z −m0 +1/2
2 2
e2iπkv dv + i−k
X X
H=N e2iπkv dv.
0 0
m0 =−∞ −m m0 =−∞ −m −1/2
Z ∞
−k 2
H = k(1 + i ) e2iπkv dv
−∞
√ Z ∞
2
= k(1 + i−k ) e2iπw dw (12)
−∞
√
avec w = v k. Pour calculer l’intégrale, on remarque que l’équation (12) est vraie pour
tout k, et en particulier pour k = 1. Quand k = 1, alors H = 1, d’après l’équation (9), et
donc
Z ∞
2 1
e2iπw dw = .
−∞ 1 + i−1
On obtient alors que
1 + i−k √
H= k,
1 + i−1
ce qui donne le résultat, selon les congruences, et termine la preuve du théorème.
p−1 2 /p
e2iπax
P
2.3.2 Sommes de la forme τ (a) =
x=0
Nous allons ici discuter du cas particulier des sommes de Gauss en prenant k = p un
nombre premier impair, et m premier avec p.
On remarque en particulier que e2iπa/p ne dépend que de a modulo p et garde un sens
pour a ∈Fp . Nous utiliserons les propriétés générales des caractères ainsi que la formule
suivant
X x X x
= = 0.
x∈Fp
p x∈F∗p
p
17
Cela résultant du fait qu’il y a autant de carrés que de non-carrés dans F∗p , comme
nous l’avons vu.
Définition 2.3. Soit p un nombre premier impair, et soit a ∈Fp . On appelle Somme
quadratique de Gauss la somme suivante :
p−1
X 2 /p
τ (a) = e2iπax .
x=0
p−1 p−1
X 2 /p X 2 /p X X
τ (a) + τ (b) = e2iπax + e2iπbx =2+2 e2iπu/p + 2 e2iπv/p = 0.
x=0 x=0 u∈aF∗2
p v∈bF∗2
p
En effet,
X X X
2 e2iπu/p + 2 e2iπv/p = 2 e2iπu/p = −2
u∈aF∗2
p v∈bF∗2
p uF∗p
Ainsi, on a τ (b) = −τ (1) et τ (a) = τ (1) puisque 1 est un résidu quadratique, d’où (1).
Maintenant, en appliquant la proposition 2.5 vue à la partie 2.2.2 à notre cas précis, on
en déduit immédiatement (2).
Enfin, on a que τ (1) = τ (−1) = −1 p τ (1), donc, en passant au conjugué, il vient que
−1 −1
τ (1)2 = p | τ (1) |2 = p p, d’où (3).
Nous analysons ici une généralisation de cas précédent des Sommes quadratiques de
Gauss (liées à un élément a ∈Fp ) avec k premier et a premier avec k, en considérant les
sommes de Gauss d’un caractère χ de F∗p que l’on prolonge à Fp en prenant χ(0) = 0.
Définition 2.4. Soit p un nombre premier impair, et soit a ∈Fp . On appelle Somme de
Gauss associée au caractère multiplicatif χ selon a la somme suivante :
X
G(χ, a) = χ(x)e2iπax/p .
x∈Fp
18
Preuve. Notons avant tout que χ(a−1 ) = χ(a)−1 = χ(a). Ainsi :
On en déduit alors (1). Les deux autres points découlent directement des propriétés des
Sommes de Gauss vues dans le cas général au chapitre 2.2.2.
P x x
2.3.4 Sommes de la forme τ = p α
x∈Fp
Nous introduisons ici un nouvel aspect des Sommes de Gauss qui nous sera fort utile
pour la démonstration de la loi de réciprocité quadratique que nous aborderons au chapitre
3.1.
Définition 2.5. Soient p et q deux nombres premiers impairs distincts, et α une racine
primitive p-ième de l’unité dans une extension de Fq . On a par ailleurs que α est racine
de l’équation :
Voici à présent une proposition qui nous servira lors de la démonstration de la loi de
réciprocité quadratique.
Proposition 2.8. Soit τ comme ci-dessus. Alors τ vérifient les égalités suivantes.
−1
1. τ 2 = p p.
q
2. τ q−1 = p .
Preuve. Calculons :
xy
X X
τ2 = αx+y = S(u)αu ,
x,y∈aFp
p u∈F p
P xy P x(u−x) P −x2
avec S(u) = x+y=u p = x∈Fp p . Pour u = 0, on a S(0) = x∈Fp p =
−1
p (p − 1). Pour u ∈F∗p , on a :
! !
X x(u − x) −x2 (1 − ux−1 ) −1 1 − ux−1 −1 X y
X X
S(u) = = = = { −1},
x∈F∗p
p x∈F∗p
p p x∈F∗p
p p y∈F∗
p
p
−1
donc S(u) = − p . Ainsi,
p−1
−1 −1
X
τ2 = (p − 1 − αu ) = p.
p u=1
p
Cela permet de prouver la première formule. En ce qui concerne la seconde, on écrit,
puisque la caractéristique de q est impaire :
19
X x q X x q qx
X
q
τq = αqx = αqx = αqx = τ.
x∈Fp
p x∈Fp
p p x∈Fp
p p
20
3 Applications
3.1 Démonstration de la loi de réciprocité quadratique
Grâce aux propriétés démontrées précédemment sur les Sommes de Gauss du type
P x x
τ= p α dans la partie 2.3.4, nous pouvons à présent démontrer la loi de réciprocité
x∈Fp
quadratique dont on rappelle l’énoncé ci-dessous.
Théorème (Gauss). Soient p et q deux nombres premiers impairs distincts. On a
p q
(p−1)(q−1)
= (−1) 4 .
q p
Démonstration (Loi de réciprocité quadratique). Soient p et q deux nombres premiers
impairs distincts.
Notons avant tout que si q ne divise pas a ∈Z, alors a(q−1)/2 ≡ aq mod q.
En effet, si q divise a, alors la formule est claire. Si q = b2 ∈F∗2
q , alors a
(q−1)/2 = bq−1 =
1 = a
q , modulo q, et enfin, si a
q = −1, en prenant g un générateur de F∗q , alors
m
g g
q = −1, et a = g m , avec m impair (sinon a serait un carré), donc aq = q = −1
modulo q, d’où le résultat.
En prenant maintenant a = p, on obtient les égalités suivantes modulo q :
(q−1)/2
p −1 2
(q−1)/2
=p = τ ,
q p
et ce d’après le point 1. de la propriété 2.8, puis que
(q−1)/2
−1 2
τ = (−1)(q−1)(p−1)/4 τ q−1 ,
p
d’après la définition du symbole de Legendre. Enfin, on a que
q
(−1)(q−1)(p−1)/4 τ q−1 = (−1)(q−1)(p−1)/4 ,
p
d’après le point 2. de la propriété 2.8. Ainsi, il vient que
p q
= (−1)(q−1)(p−1)/4
q p
ce qui termine la démonstration de la Loi de réciprocité quadratique.
Exemple 3.1. Nous allons voir ici un exemple montrant comment la Loi de réciprocité
quadratique permet de calculer des valeurs du symbole de Legendre.
1965 3 5 131
= ,
2311 2311 2311 2311
3 2311 1
= (−1)1155×1 = − = −1
2311 3 3
Car 2311 ≡ 1 mod 3.
5 2311 1
= (−1)1155×2 = =1
2311 5 5
21
Car 2311 ≡ 1 mod 5.
131 2311 84
= (−1)1155×65 = −
2311 131 131
Car 2311 ≡ 84 mod 1331.
84 4 3 7 3 7
− = − =−
131 131 131 131 131 131
131 65×1 131
= − (−1) (−1)65×3
3 7
2 5 7 2
3×2
= − = −(−1) (−1) = = −1
3 7 5 5
Donc
18151
= (−1)(+1)(−1) = 1.
2311
Preuve. Remarquons que, comme le polynôme "X 0 " est le polynôme constant, il est na-
turel de prendre ici la convention 00 = 1. Le calcul
xm xm
X X X X
xm = 1 mn
1 ...xn =
1
1
... xm
n
n
y ∈ Ky m = 0.
P
ce qui entraine
22
On en déduit que si Q ∈ K[x1 , ..., xn ] avec deg(Q) < (q −1)n, alors x ∈ Kn Q(x) = 0.
P
Soit maintenant P le même polynôme que celui de l’énoncé du Théorème. Nous allons
appliquer le résultat précédent au polynôme Q = 1 − P q−1 .
Observons que deg(Q) = (q − 1)deg(P ) < (q − 1)n, et que Q(x) = 1 si P (x) = 0, alors que
Q(x) = 0 si P (x) 6= 0 et x ∈ mathbbK n , donc on a l’égalité dans K :
X X
0= Q(x) = 1 = Card{x ∈ Kn |p(x) = 0}.1K
y∈Kn y∈Kn
P (x)=0
Théorème 3.2. Soit Q une forme quadratique en n variables, non dégénérée, à coefficients
dans Fp (où p 6= 2), alors :
n
Card{x ∈ Fnp | Q(x) = 0} = pn−1 + ε(p − 1)p 2 −1
avec
0 ! si n est impair
ε= (−1)n/2 D Q
si n est pair
p
Démonstration. On suppose que Q est diagonale, donc Q(x) = a1 x21 + ... + an x2n . Notons
Np le cardinal que nous voulons calculer. On a :
p−1
X X
pNp = e2iπaQ(x)/p
a=0 x∈Fn
p
p−1
X X
= pn + e2iπaQ(x)/p
a=1 x∈Fn
p
p−1
X X 2 2
= pn + e2iπa(a1 x1 +...+an xn )/p
a=1 x1 ,...,xn ∈Fp
p−1 n
2
e2iπaaj xj /p
XY X
n
= p +
a=1 j=1 xj ∈Fp
p−1
XY n
n
= p + τ (aaj )
a=1 j=1
p−1
X n
a1 ...an a
= pn + τ (1)n
p a=1
p
23
n
Or a1 ...an = DQ , et la somme p−1 a
vaut 0 (respectivement (p − 1)) si n est
P
a=1 p
impair (respectivement pair). On en déduit que Np = pn−1 si n est impair. Si n est pair,
on remarque que
n/2
−1
τ (1)n = (τ (1)2 )n/2 = pn/2
p
et on obtient bien la formule annoncée pour Np .
On définit p et f par :
p: Fr+1
q → Fr+1
q f =L◦p
ni
(xi )i=0,...,r 7→ (xi )i=1,....,r
Alors f ((xi )i ) = 0 si et seulement si u = p(xi )i ) ∈ L−1 (0). Ainsi,
Proposition 3.2. Soit χ un caractère sur Fq. On note di = Card{xxni = 0}. On peut
calculer N à l’aide des sommes de Gauss :
X X
N= χα0 (u0 )...χαr (ur ),
u∈ker(L) α∈X
où l’on note α le multi-indice (α0 , ..., αr ) ∈ [0; 1[r+1 et X est l’ensemble des α qui
vérifient α0 d0 ≡ 0[1], ..., αr dr ≡ 0[1].
24
Preuve. On utilise la proposition 3.1 précédente, ainsi que le résultat de la proposition
2.4 de la partie 2.2.1 que l’on applique à notre cas.
Pour u quelconque, et α = (0, ..., 0) on a :
r
Y r
Y r
Y
χαj (uj ) = χ0 (uj ) = 1 = 1.
j=0 j=0 j=0
Ainsi :
X X X
N = 1+ χα0 (u0 )...χαr (ur )
u∈ker(L) u∈ker(L) α∈X{(0,...,0)}
X X
= qr + χα0 (u0 )...χαr (ur )
α∈X\{(0,...,0)} u∈ker(L)
Le multi-indice (0, ..., 0) fait donc apparaitre un q r . Parmi les autres multi-indices,
beaucoup ne contribuent pas. en effet, on a le lemme suivant :
Lemme 3.2. Soit α ∈ X
{(0, ..., 0)} tel que αj = 0 pour un certain j ∈ {0, ..., r}. Alors
X
χα0 (u0 )...χαr (ur ) = 0.
u∈ker(L)
Preuve. Quitte à permuter les indices, on suppose qu’il existe s ∈ {1, ..., r} tel que αs =
αs+1 = ... = αr = 0 et les α0 , ..., αs−1 sont non-nuls. On a :
X
A = χα0 (u0 )...χαr (ur )
u∈ker(L)
X
= χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 ) × 1 × ... × 1
u∈ker(L)
X X
= χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 )
(us ,...,ur )∈Fr−s+1
q (u0 ,...,us−1 )∈Fsq
X
= q r−s+1 χα0 (u0 )...χαs−1 (us−1 )
(u0 ,...,us−1 )∈Fsq
s−1
Y X
= q r−s+1 χαi (ui )
i=0 ui ∈Fq
Or, comme α0 , ..., αs−1 sont tous nuls, chacun des facteurs, à savoir chaque somme
P
ui ∈Fq χαi (ui ), est nulle. Finalement, A est nul, ce qui termine la preuve du lemme.
Proposition 3.3. On a :
X
N = qr + χα0 (u0 )...χαr (ur ),
u,α
où u parcourt ker(L) et les α = (α0 , ..., αr ) vérifient αi di ≡ 0[1] et αi 6∈ Z (ce qui revient
à dire que χαi n’est pas le caractère trivial).
Notons qu’il existe des résultats sur le nombre de solutions de telles équations avec
second membre non-nul. Ces derniers font notamment intervenir les Sommes de Jacobi
(que nous évoquerons plus loin) mais nous ne développerons pas cet aspect.
25
3.3 Constructibilité des polygones réguliers
La question de savoir quels sont les figures et les nombres constructibles à la règle et
au compas date de l’Antiquité, étant alors au centre des recherches mathématiques. C’est
en un sens, un thème fondateur. Il a fallu pas moins de 2000 ans avant que ne soient
réalisés des progrès significatifs dans ce domaine, grâce notamment aux travaux de Gauss.
Pourquoi la règle et le compas ? Probablement parce que ces instruments à la fois simples
et relativement précis restent les seuls que nous possédons. Dès lors, une des questions les
plus simples à formuler dans ce domaine est la suivante : Quels sont les polygones réguliers
constructibles ? C’est d’ailleurs le quatrième grand problème qu’ont laissé derrière elles les
écoles de Mathématiques Grecques, avec les problèmes de la quadrature du cercle, de la
duplication du cube, et de la trisection de l’angle. C’est de ce problème que nous allons
parler ici.
Définition 3.1. Un nombre de Fermat est un nombre p tel qu’il existe un n ∈ N pour
n
lequel p = 22 + 1.
Théorème 3.3 (Gauss). Les polygones réguliers constructibles sont ceux dont le nombre
de côtés n est de la forme 2α , α ≥ 2 ou de la forme 2α p1 p2 ...pr avec α ∈ N et où les pi
sont des nombres premiers distincts qui sont des nombres de Fermat et r ∈ N∗ .
Remarque: Cette définition est équivalente à dire qu’un nombre est constructible s’il est
la mesure d’une longueur associée à deux points constructibles à la règle (non-graduée) et
au compas, à partir d’un repère constitué des trois points déterminés à l’avance.
On remarque également que [Ki : Ki−1 ] = 2, pour i ≤ m. On en déduit que [Kn : K] = n2 ,
et donc que si un nombre est constructible, alors son polynôme minimal a pour degré une
puissance de 2. Ce résultat est une conséquence du Théorème de Wantzel.
26
ˆ et 2π
– Si 2π ˆ
n m sont constructibles, alors, m et n étant premiers entre eux, d’après
Claude-Gaspard Bachet de Méziriac, il existe λ et µ dans Z tels que λn + µm = 1,
ˆ = λ 2π
2π ˆ ˆ
2π
d’où mn m + µ n . Il suffit alors de savoir construire la somme de deux angles
constructibles, ce qui se fait en construisant des représentants de ces angles avec un
côté adjacent.
n = pα1 1 ...pαk k ,
ˆα , ..., 2π
le polygone régulier à n côtés est constructible si et seulement si les angles p2π ˆ le
α
1
1 pk k
sont aussi.
Preuve. Ce lemme résulte immédiatement du lemme 3.3 précédent par récurrence sur k.
Dans toute la suite, on pose ζt = e2iπ/t , pour tout t. De plus, on notera ζ = ζp par
commodité d’écriture, p étant un nombre premier impair.
un nombre de Fermat.
Démonstration. Le premier point est immédiat, par récurrence sur α, dès lors que l’on
sait construire des bissectrices. Nous allons maintenant prouver le sens direct.
Supposons que p2π ˆ est constructible. Cela revient à dire que ζ α est constructible. Par
α p
soucis de commodité, posons q = pα . La partie réelle d’un nombre constructible étant
constructible, il vient que cos( 2π
a ) est constructible, et d’après Wantzel, on a :
2π
[Q(cos ) : Q] = 2m , m ∈ N. (13)
q
On a maintenant que ζq est racine du polynôme X q − 1. On a que le polynôme minimal
de ζq sur Q est donné par : P (X) = hk=1 (X − ζqk ), résultat admis (car preuve longue et
Q
hors de propos). Pour trouver le degré h de P (X), il suffit de connaitre le nombre d’entiers
k tels que 1 ≤ k ≤ q, et k premier avec q = pα .
On obtient h = pα−1 (p − 1). Nous avons donc :
27
Montrons à présent que m + 1 est une puissance de 2. A partir de la décomposition en
facteurs premiers, on obtient que m + 1 = λ2β , avec β ∈ N, et λ ∈ N∗ impair. Or, si λ est
impair, le polynôme X λ + 1 est divisible par X + 1.
β
On a de plus que p = 1 + 2m+1 = 1 + (22 )λ , donc il en résulte que p est divisible par
β
1 + 2(2 ) , mais comme p est premier, on a :
β
p = 1 + 22 .
Ceci termine donc la première partie de la preuve du sens direct. Le sens indirect va, quant
à lui nécessiter l’emploi des Sommes de Gauss, comme nous allons le voir dans la suite.
Maintenant, par commodité d’écriture, et par soucis de clarté, nous allons introduire
les Sommes Jacobi, fortement liées aux Sommes de Gauss comme nous l’allons voir tout
à l’heure à travers deux propriétés dont nous aurons besoin pour démontrer le théorème
de Gauss.
Dans toute la suite, on considère la Somme de Gauss définie comme suit pour un
caractère χ de Fp .
X
g(χ) = χ(x)ζ x
x inFp
Ainsi, on a g(χ) ∼
= G(χ, 1), somme définie au paragraphe 2.3.3, que l’on prolonge à Fp .
Nous allons maintenant voir comment les Sommes de Gauss et de Jacobi sont liées à travers
deux propositions.
g(χ)g(λ)
J(χ, λ) = .
g(χλ)
28
Preuve. On remarque que :
X X
g(χ)g(λ) = χ(x)ζ x λ(y)ζ y
x∈Fp y∈Fp
X
= χ(x)λ(y)ζ x+y
x,y∈Fp
X X
= χ(x)λ(y) ζ t . (16)
t∈Fp x+y=t
P P P
Si t = 0, alors x+y=0 χ(x)λ(y) = x∈Fp χ(x)λ(−x) = λ(−1) x∈Fp χλ(x) = 0, puisque
χλ 6= 0 par hypothèse.
Si t 6= 0, soit x0 et y 0 tels que x = tx0 et y = ty 0 . Si x + y = t, alors x0 + y 0 = 1. Ainsi,
Proposition 3.6. Supposons que p ≡ 1 (n) et que χ est un caractère d’ordre n > 2.
Alors :
Preuve. D’après le troisième point de la proposition précédente, nous avons que g(χ)2 =
J(χ, χ)g(χ2 ). En multipliant des deux côtés par g(χ), on obtient que g(χ)3 = J(χ, χ)J(χ, χ2 )g(χ3 ).
En continuant ainsi, on a que
Maintenant, nous allons pouvoir prouver le théorème de Gauss sur les polygones régu-
liers constructibles.
29
Pp−1
Démonstration. Soit g(χ) = t=0 χ(t)ζpt la Somme de Gauss associée à χ. Alors
X p−1
X X
g(χ) = χ(t) ζpt
χ∈Fˆ∗p t=0 χ∈Fˆ∗p
= 1 + (p − 1)ζp .
Ce théorème permet alors de montrer le sens indirect du théorème 3.4. Nous avons
alors tous les éléments pour prouver le Théorème de Gauss qui se déduit immédiatement
du Théorème 3.4 et des Lemmes qui le précèdent.
Anecdote Les cinq premiers nombres de Fermat sont : 3, 5, 17, 257, 65537, obtenus à
partir de la formule p = 1 + 2( 2β ) pour b = 0, 1, 2, 3, 4. Ces cinq nombres sont premiers, ce
qui fut vérifié en 1640 par Pierre de Fermat (1601-1665). Mais Fermat avait affirmé aussi
que tous les nombres de la forme 1 + 2( 2β ) sont des nombres premiers. C’est seulement
en 1732 que Léonard Euler (1707-1783) s’aperçut que pour β = 5 le nombre de Fermat
correspondant 4 294 967 297 n’était pas premier car divisible par 641. Bien que l’on ait
étudié les nombres de Fermat pour de nombreuses valeurs de β, les seuls nombres de Fer-
mat connus qui sont premiers sont les cinq nombres 3, 5, 17, 257, 65537. Le problème de
savoir s’il en existe d’autres est à l’heure actuelle un problème ouvert.
Pour n = 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 16, 17, 20 les polygones réguliers à n cotés sont construc-
tibles, pour n = 7, 9, 11, 13, 14, 18, 19 ils ne le sont pas. Euclide connaissait les constructions
pour n = 3, 4, 5, 15 et il savait bien sûr doubler le nombre de côtés d’un polygone construc-
tible. On ne sût rien faire de mieux jusqu’en 1796 où K.F. Gauss, alors âgé de 19 ans,
montra que le polygone régulier à 17 cotés était constructible.
30
Conclusion
Les Sommes de Gauss sont des objets mathématiques bien particuliers. Elles peuvent
en effet avoir des applications dans de nombreux domaines différents. Qui pourrait penser
qu’un somme de nombres complexes servirait à prouver si simplement un théorème d’arith-
métique tel que celui de la réciprocité quadratique, ou encore à déterminer quels polygones
réguliers sont constructibles, et même à connaitre le nombre de solutions d’équations dio-
phantiennes. Nous avons vu à travers ce rapport, que les sommes de Gauss se rapprochaient
également par certains aspects aux Séries de Fourier, et l’analogie n’est pas hors de propos.
Ces objets sont donc tout à fait exceptionnels tant par leur profondeur que par l’étendue
de leur champ d’application.
Nous tenons à remercier Mr. Mourougane qui nous aura encadré pendant toute la durée
de nos travaux et qui nous aura donné d’excellentes pistes de recherches.
Références
[1] E.M. Wright G.H. Hardy. An Introduction to the theory of numbers. Fifth Edition.
[2] Marc Hindry. Arithmétique. Calvage & Mounet.
[3] Graduate Texts in Mathematics. Théorie Algébrique des nombres. Springer.
[4] Michael Rosen Kenneth Ireland. A classical introduction to number theory. Hardcover.
[5] Paulo Ribenboim. L’arithmétique des corps. Hermann Paris.
[6] Pierre Samuel. Théorie Algébrique des nombres. Hermann.
[7] Jean-Pierre Serre. Cours d’Arithmétique. Presse Universitaire de France.
31