Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Électrocardiogramme: Indications Et Interprétations: Objectifs

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 11

Item 229

RR

ÉLECTROCARDIOGRAMME :
INDICATIONS
ET INTERPRÉTATIONS
Dr Ghassan Moubarak1, Dr Jérôme Lacotte2, Pr Antoine Leenhardt1
1. Service de cardiologie, hôpital Lariboisière, 75010 Paris, France
2. Unité de rythmologie, institut de cardiologie, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France
antoine.leenhardt@lrb.aphp.fr

sont enregistrées lorsque l’on veut rechercher une ischémie myo-


cardique dans les territoires correspondants (tableau 1). En pré-
objectifs
sence d’un trouble du rythme ou de la conduction, il est souvent
ARGUMENTER les principales indications
utile d’obtenir un tracé prolongé (classiquement en DII : « DII long »)
de l’électrocardiogramme
afin de mieux analyser l’arythmie. L’inversion d’électrodes, si elle
et DISCUTER l’interprétation des résultats.
n’est pas détectée, peut être responsable d’erreurs d’interprétation.
L’analyse d’un tracé doit toujours comprendre les points successifs

L
e premier électrocardiogramme (ECG) chez l’homme a été suivants : fréquence cardiaque, nature du rythme cardiaque, onde
enregistré par le physio­logiste anglais Augustus Waller en P, espace PR, complexe QRS, segment ST, onde T et intervalle QT.
1887 à l’aide d’un électromètre capillaire. L’enregistre- La ligne isoélectrique, qui sert de référence à l’analyse de la dévia-
ment était de piètre qualité et ne comportait que deux déflections tion du PR et du ST, est habituellement celle du segment TP, soit
mal individualisées. Au même moment, le médecin hollandais entre la fin de l’onde T et le début de l’onde P du cycle suivant.
Willem Einthoven améliora la technique de recueil de l’activité
électrique cardiaque en utilisant un galvanomètre à corde. Il Fréquence cardiaque
inventa le terme « elektrokardiogramme » en 1895 et publia ses Lorsque la vitesse de déroulement du papier est bien de
résultats en 1901 et 1903. Il enregistra 5 potentiels successifs 25 mm/s, la fréquence cardiaque d’un rythme régulier s’obtient
pour chaque cycle cardiaque qu’il nomma P, Q, R, S et T. Ces en utilisant la « règle des 300 » : on divise 300 par le nombre de
travaux, qui lui valurent le prix Nobel de médecine en 1924, furent gros carreaux de 5 mm séparant 2 QRS consécutifs (fig. 1).
à l’origine de la description et de la compréhension des troubles En cas de rythme irrégulier (notamment fibrillation atriale), cette
du rythme cardiaque. règle ne s’applique plus, et il faut alors utiliser la « méthode des
De nos jours, le potentiel électrique recueilli par les électrodes 6 secondes » : on détermine le nombre de cycles par intervalle de
posées sur la peau est amplifié, filtré, puis numérisé par l’appareil 30 carreaux de 5 mm, soit 15 cm de tracé, et on multiplie ce
ECG. Le tracé est obtenu sur papier millimétré. Ses modalités de nombre par 10 pour avoir la fréquence cardiaque par minute.
lecture doivent être systématisées afin de détecter toutes les
anomalies.

Électrocardiogramme normal
La vitesse de déroulement du papier est, par défaut, 25 mm/s.
En abscisse, 1 mm (1 petit carreau) équivaut à 0,04 seconde.
L’amplitude du signal (en ordonnée) est de 1 mm pour 0,1 mV.
L’électrocardiogramme enregistre l’activité électrique du cœur
dans 12 dérivations : 6 dérivations périphériques ou frontales (DI,
Diviser 300 par le nombre de gros carreaux séparant 2 QRS.
DII, DIII, aVF, aVR et aVL) et 6 dérivations précordiales (V1 à V6).
Les dérivations basales (V7, V8 et V9) et droites (V3R et V4R) FIGURE 1 Calcul de la fréquence cardiaque.

Vol. 68 _ Septembre 2018 e289

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


RR Item 229 É L E CT R OC AR DIOGR AMME

La fréquence cardiaque (ventriculaire) de repos est comprise


entre 50 et 100 batt/min. En dessous, c’est une bradycardie,
au-dessus, c’est une tachycardie.

Rythme cardiaque normal


Il est sinusal et régulier. Le nœud sinusal, situé dans la partie
haute de la paroi de l’oreillette droite près de l’abouchement de
la veine cave supérieure, génère de façon automatique des
potentiels d’action qui vont entraîner des dépolarisations des
cellules atriales environnantes. Cette dépolarisation va emprun-
ter successivement le nœud auriculo-ventriculaire (nœud de
Tawara), le faisceau de His et ses branches droite et gauche et le
réseau des fibres de Purkinje pour enfin dépolariser le myocarde
ventriculaire.
Le rythme sinusal se définit ainsi : chaque onde P sinusale est FIGURE 2 Détermination de l’axe du cœur.
suivie d’un complexe QRS, lequel est précédé d’une onde P.
De façon physiologique, la fréquence cardiaque augmente en
fin d’inspiration et diminue au cours de l’expiration. Cette variation,
appelée arythmie sinusale respiratoire, se voit surtout chez l’enfant Complexe QRS
à partir de 3 ans. Il correspond à la dépolarisation des deux ventricules. Quatre
points doivent être analysés :
Onde P – la durée du QRS : mesurée sur la dérivation où elle est la plus
Du fait de la localisation anatomique du nœud sinusal, l’onde P longue. Elle est normalement < 100 ms ;
sinusale est la traduction d’une dépolarisation atriale qui pro- – l’axe du QRS : déterminé de façon simple à partir des dériva-
gresse de haut en bas et de la droite vers la gauche. Elle est donc tions DI, aVF et DII (fig. 2), il est compris entre – 30° et + 90° ;
positive en DII, DIII, aVF et en DI. Elle est souvent biphasique en – l’amplitude du QRS. Pour la recherche d’une hypertrophie
V1, avec une positivité suivie d’une négativité. Enfin, en DII sa ventriculaire gauche (HVG), on calculera l’indice de Sokolow
durée est < 120 ms et son amplitude < 0,25 mV. (SV1 + RV5 ou V6) et l’indice de Cornell (SV3 + RaVL), plus
L’activité des oreillettes est la mieux vue en DII et V1 : c’est dans sensible. Pour la recherche d’une hypertrophie ventriculaire
ces dérivations que l’on mettra le plus facilement en évidence droite (HVD), on évaluera les rapports R/S en V1-V2 et V5-V6 ;
une onde P anormale. – la morphologie du QRS : l’amplitude de l’onde R augmente
progressivement entre V1 et V6, tandis que celle de l’onde S
Espace PR diminue. La zone où les amplitudes de R et de S sont égales,
Il correspond à la dépolarisation du nœud auriculo-ventricu- appelée zone de transition, est normalement située entre V3 et
laire, du faisceau de His et du réseau de Purkinje. Il est mesuré V4. Enfin, la présence d’une onde Q doit être recherchée. Elle
du début de l’onde P jusqu’au début du complexe QRS (soit est physiologique en aVR et V5-V6, et peut l’être en DIII.
l’onde Q si elle existe, et on parle alors de l’espace PQ ; soit
l’onde R, et on parle alors de l’espace PR). Il est isoélectrique et Segment ST
dure entre 120 et 200 ms. Il correspond au début de la repolarisation ventriculaire et doit
être isoélectrique. Une variante de la normale consiste en un sus-dé-
calage particulier, appelé repolarisation précoce. Particulière-
ment visible dans les dérivations V3 à V5, le sus-décalage débute
par un crochetage au point J (point de jonction entre le QRS et le
TABLEAU 1

Territoires électrocardiographiques ST), est concave et rejoint des ondes T amples. Cette variante se
rencontre surtout chez les sujets sportifs ou de race noire.
z Antéro-septal : V1 à V3 z Inférieur : DII, DIII, VF Ondes T
z Apical : V3 à V5 z Basal, V7 à V9 Traduisant la fin de la repolarisation ventriculaire, elles ont
z Latéral bas : V5-V6 z Ventriculaire droit : généralement la même polarité que le complexe QRS (positives
V3R, V4R, VE si le rapport R/S est > 1). Les ondes T normales sont asymé-
z Latéral haut : DI-VL triques et peuvent être négatives de façon physio­logique, notam-
ment dans les dérivations précordiales droites chez l’enfant.

e290
290 Vol. 68 _ Septembre 2018

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


Anomalies des signaux
Hypertrophie Hypertrophie Anomalies de l’onde P
atriale gauche atriale droite
Les anomalies de l’onde P sont de 3 types.
Les modifications du site d’activation atriale initiale : dans certaines
DII conditions, ce n’est plus le nœud sinusal qui commande l’activité
électrique cardiaque mais un autre foyer de l’oreillette droite ou
provenant de l’oreillette gauche : soit parce qu’il y a une dysfonc-
tion sinusale ou un bloc sino-atrial, et on parle de rythme
d’échappement atrial, soit parce qu’il y a un foyer atrial actif et on
V1 parle de rythme atrial ectopique. Dans les deux cas, l’onde P de
ces rythmes atriaux a alors une morphologie différente de l’onde
P sinusale.
L’aspect d’hypertrophie atriale gauche : onde P large (>120 ms en
DII) en double bosse, diphasique en V1 avec une négativité pré-
FIGURE 3 Aspects électrocardiographiques d’hypertrophie atriale gauche et droite.
dominante. Le même aspect se voit en cas de bloc de conduc-
tion inter-atrial (fig. 3).
L’aspect d’hypertrophie atriale droite : onde P ample (> 0,25 mV en
Intervalle QT DII), diphasique en V1 avec positivité prédominante (fig. 3).
L’intervalle QT, mesuré du début du QRS à la fin de l’onde T, Dans ces deux cas, il n’y a pas, le plus souvent, de corrélation
correspond à la dépolarisation et la repolarisation de l’ensemble entre l’aspect électrique et la taille de l’oreillette.
des fibres myocardiques ventriculaires. Cet intervalle est dépen-
dant de la fréquence cardiaque : il se raccourcit avec l’accéléra- Anomalies de l’espace PR (ou PQ)
tion de la fréquence cardiaque. Plusieurs formules de correction Les anomalies sont de 3 types.
du QT (QTc) permettent d’ajuster le QT mesuré à la fréquence Sous-décalage : c’est un signe précoce et quasi pathognomo-
cardiaque. La plus fréquemment utilisée est la formule de nique de la péricardite. Les autres causes de sous-décalage de
Bazett, proposée en 1920 : QTc = QT/√RR (intervalle RR en l’espace PQ sont en effet beaucoup plus rares (infarctus atrial,
secondes). rupture de la paroi de l’oreillette…).
La durée du QTc varie entre 340 et 440 ms (450 ms chez la PR court (< 120 ms) : le plus souvent, il traduit l’existence d’une
femme). préexcitation ventriculaire par un faisceau de Kent.
PR long (> 200 ms) : il s’agit d’un bloc auriculo-ventriculaire du
Ondes U 1er ou 2e degré type Mobitz I (ou Luciani-Wenckebach).
Inconstantes, il s’agit de petites déflections suivant l’onde T.
Généralement positives et surtout visibles en V2-V4, elles corres- Anomalies du QRS
pondent à la repolarisation des cellules mid-myocardiques (entre 1. Allongement de la durée du QRS
l’épicarde et l’endocarde) et du système His-Purkinje. Les ondes Si un des ventricules est activé anormalement en retard, il s’agit alors
U proéminentes se voient chez le sportif et en cas d’hypokalié- d’un bloc de branche (tableau 2). Le bloc est incomplet si la durée
mie ou d’hypercalcémie. La mesure de l’intervalle QT ne doit pas du QRS est comprise entre 100 et 120 ms et complet si la durée
englober l’onde U. des QRS est O 120 ms. Les blocs de branche peuvent s’accom-
TABLEAU 2

Critères diagnostiques des blocs de branche

Bloc de branche droit Bloc de branche gauche


z Onde R large et crochetée (aspect rsr’, rsR’ ou rSR’) en V1-V2 z Onde R large et crochetée (aspect R exclusif) en V5-V6
z Onde S large et profonde en V5-V6 et habituellement en DI-VL
z Aspect rS en V1-V2
z Retard à la déflexion intrinsécoïde (délai entre le début du QRS
et le pic de la seconde dépolarisation) > 60 ms en V5-V6

Vol. 68 _ Septembre 2018 e291

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


RR Item 229 É L E CT R OC AR DIOGR AMME

pagner de troubles de la repolarisation (changements de ST et/


ou de T) non spécifiques.
Si un des ventricules est activé anormalement en avance, il s’agit le IDM antérieur en voie Péricardite Hyperkaliémie
de constitution aiguë
plus souvent d’un faisceau musculaire appelé faisceau de Kent
qui relie directement une oreillette à un ventricule. L’activité élec-
trique cheminant par ce faisceau n’est pas soumise au ralentis-
sement observé dans le nœud auriculoventriculaire : le ventricule
correspondant commence donc à être activé rapidement (PR V2 D2 V3

court), puis l’influx provenant du nœud auriculoventriculaire


dépolarise normalement l’autre ventricule. Le QRS résulte donc
de la fusion entre ces deux voies d’activation : il présente un
empâtement à son début (onde delta) et est anormalement large.
La préexcitation ainsi définie constitue le syndrome de Wolff-
Syndrome Hypertrophie Repolarisation
Parkinson-White. Plus rarement, l’aspect de PR court est attri- de Brugada ventriculaire gauche précoce
buable à des fibres de James (atrionodales).
2. Déviation axiale
Les principales causes (tableau 3) sont les hypertrophies ventri-
culaires (attraction de l’axe vers le côté hypertrophié), les V2 V2 V4
séquelles de nécrose (déviation de l’axe du côté opposé) et les
hémiblocs gauches. Devant une déviation axiale, le diagnostic
d’hémibloc gauche est un diagnostic d’élimination, après avoir
éliminé les autres causes responsables de déviation axiale.
3. Anomalies de l’amplitude des QRS
Critères diagnostiques d’une hypertrophie ventriculaire gauche :
– indice de Sokolow > 35 mm ;
– indice de Cornell > 28 mm chez l’homme et > 20 mm chez la FIGURE 4 Aspects électrocardiographiques des sus-décalages du segment ST.
femme ;
– dans les formes sévères, sous-décalage de ST et ondes T
négatives en V5-V6 ;
– déviation axiale gauche inconstante. Microvoltage : Il est défini par une amplitude des QRS < 5 mm
Critères diagnostiques d’une hypertrophie ventriculaire droite : dans les dérivations frontales ou < 10 mm dans les dérivations
– augmentation de l’amplitude de R en V1-V2 avec R/S > 1 ; précordiales. C’est la traduction soit de l’augmentation de la dis-
– augmentation de l’amplitude de SQ en V5-V6 avec R/S < 1 ; tance entre le cœur et la peau (par interposition d’air, de liquide,
– dans les formes sévères, aspect S1Q3 (onde S en DI, onde Q de graisse), soit de la diminution relative de la masse myocardique
en DIII) ; au sein de l’épaisseur pariétale (remplacée par de la fibrose au
– déviation axiale droite. cours des cardiomyopathies, infiltration amyloïde…) [tableau 4].
TABLEAU 3

Causes des déviations axiales

Axe droit (> 90 °) Axe gauche (< – 30 °)


z Hypertrophie ventriculaire droite z Hypertrophie ventriculaire gauche
z Infarctus latéral z Infarctus inférieur
z Hémibloc postérieur gauche z Hémibloc antérieur gauche
z Cœur vertical (BPCO, longiligne) z Cœur horizontal (bréviligne)
z Faisceau de Kent gauche z Faisceau de Kent droit
z Inversion des électrodes bras droit/bras gauche

e292
292 Vol. 68 _ Septembre 2018

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


– la variante de la normale (« repolarisation précoce ») ;
Électrocardiogramme – une myocardite ;
– un bloc de branche gauche et hypertrophie ventriculaire
POINTS FORTS À RETENIR gauche (localisé en V1-V2 ou V3) ;
– un syndrome de Brugada.
La lecture de l’électrocardiogramme doit être systématique Un sus-décalage de ST est un signe précoce de l’infarctus du
et tenir compte du contexte clinique. myocarde en voie de constitution. Dans cette situation, il est
convexe en haut et peut englober l’onde T pointue (aspect
Un électrocardiogramme normal n’élimine pas une
d’onde de Pardee). Sa localisation correspond à un territoire
cardiopathie, ni une arythmie qui peut n’être que paroxystique.
coronarien et il s’associe à un sous-décalage de ST dans le terri-
La connaissance des territoires électrocardiographiques toire anatomiquement opposé (miroir). La persistance d’un
est indispensable pour le diagnostic des ischémies sus-décalage trois semaines après l’infarctus peut témoigner de
et infarctus myocardiques. la constitution d’un anévrisme ventriculaire.
Le syndrome de Brugada associe un aspect de bloc de
Une tachycardie régulière à complexes larges branche droit avec un sus-décalage du segment ST convexe en
est une tachycardie ventriculaire jusqu’à preuve du contraire. dôme de V1 à V3. D’origine génétique avec une transmission
Il faut souvent un tracé long pour différencier tachycardie sur le mode autosomique dominant, il expose le patient à un
ventriculaire et tachycardie supraventriculaire avec aberration risque de mort subite par tachycardie ou fibrillation ventricu-
de conduction. laires.
Devant un sous-décalage du segment ST, on doit garder à l’esprit
Devant une tachycardie, les manœuvres vagales sont utiles
qu’il peut s’agir de l’image en miroir d’un sus-décalage dans un
pour tenter de mettre en évidence l’activité des oreillettes.
autre territoire au cours d’un infarctus. Il peut aussi témoigner
En cas de trouble de la conduction, le rythme d’une ischémie myocardique (surtout s’il est horizontal ou des-
d’échappement est d’autant plus rapide qu’il est haut situé. cendant dans des dérivations contiguës), d’un trouble secon-
daire de la repolarisation (hypertrophie ventriculaire…) ou de l’ef-
fet de la digoxine (« cupule digitalique »).

4. Anomalies de la morphologie du QRS


TABLEAU 4

Devant une grande onde R en V1-V2, il faut toujours garder à


Causes de microvoltage
l’esprit qu’elle peut être l’image en miroir d’une onde Q en V7-V9
et donc témoigner d’un infarctus basal constitué (tableau 5). Si
l’amplitude de l’onde R augmente peu ou pas entre V1 et V3, on z Épanchement péricardique z Hypothyroïdie
parle de rabotage de l’onde R, comme on peut l’observer dans la abondant (myxœdème)
séquelle d’infarctus antéro-septal ou encore le bloc de branche z Épanchement pleural z Cardiomyopathies
gauche. ou pneumothorax gauche (ischémique
L’onde Q est parfois physiologique. Le complexe QS (absence z Bronchopneumopathie ou non ischémique)
d’onde R) en est un équivalent. Cependant, la présence d’une chronique obstructive z Infiltration cardiaque :
onde Q ou d’un aspect QS doit toujours faire rechercher une z O bésité amylose, tumeur…
séquelle d’infarctus du myocarde. L’onde Q dite de nécrose
dure plus de 0,03 s et a une profondeur d’au moins 0,1 mV dans
deux dérivations contiguës. L’onde Q peut se voir dans d’autres
TABLEAU 5

circonstances pathologiques, notamment la cardiomyopathie Causes d’une grande onde R en V1-V2


hypertrophique.

Anomalies du segment ST z Hypertrophie ventriculaire z Déplacement du cœur


droite vers la droite du thorax
Un sus-décalage du segment ST (fig. 4) peut s’observer dans : z Infarctus basal (dextrocardie…)
– l’infarctus du myocarde ; z Bloc de branche droit z Mauvais placement
– le syndrome de Prinzmetal ou spasme coronarien ; des électrodes
z Faisceau de Kent (latéral
– la péricardite aiguë : sus-décalage diffus, concave en haut et ou postérieur gauche) z Variante de la normale
sans miroir ;

Vol. 68 _ Septembre 2018 e293

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


RR Item 229 É L E CT R OC AR DIOGR AMME

Anomalies de l’onde T
ONDES P
L’onde T ample, pointue, s’observe surtout très précocement au
cours de l’infarctus (symétrique) et de l’hyperkaliémie (asymé-
trique). Plus rarement, il s’agit d’une hypertrophie ventriculaire ou ABSENTES PRÉSENTES
d’un accident cérébrovasculaire. Elle peut aussi être physiolo- BSA III
Paralysie sinusale
gique. PoR POR
L’onde T négative se rencontre aussi chez le sujet sain. Sinon, il BSA II BAV II
peut s’agir : Bradycardie sinusale ou BAV III
– dans le cas d’ondes T négatives focalisées : une ischémie
FIGURE 5 Arbre diagnostique devant une bradycardie.
myocardique (aiguë ou post-infarctus), une hypertrophie
ventriculaire, un bloc de branche, une préexcitation, une car-
diopathie hypertrophique ;
– dans le cas d’ondes T négatives diffuses : une péricardite, une
hypokaliémie, un traitement digitalique, une ischémie myocar- Anomalies de l’intervalle QT
dique sévère (lésion du tronc commun ou atteinte tritroncu- Le QT peut être allongé de façon congénitale (syndrome du QT
laire), une hémorragie intracrânienne, un phénomène de long congénital) ou acquise. Dans ce dernier cas, il peut être en
mémoire transitoire (à l’arrêt d’une tachycardie notamment). rapport avec une bradycardie, un trouble métabolique (hypoka-
liémie, hypocalcémie) ou la prise de certains médicaments
(anti-arythmiques de classe Ia et III, macrolides, antipaludéens,
psychotropes… [liste complète sur www.qtdrugs.org]). Quelle
TABLEAU 6

Caractéristiques ECG des blocs qu’en soit la cause, cette anomalie favorise la survenue de tor-
sino-atriaux et auriculo-ventriculaires sades de pointes.
Le QT est plus rarement court, dans le cas d’une hyperkaliémie ou
Blocs Aspects électrocardiographiques d’une hypercalcémie, d’une fièvre, d’un traitement par digoxine
ou exceptionnellement de façon congénitale.
BSA II
Une onde P
absente Anomalies du rythme
Bradycardies
BSA III On parle de bradycardie lorsque la fréquence cardiaque est
Rythme inférieure à 50 batt/min.
d’échappement à
QRS fins à 50/min Les bradycardies s’observent dans 3 situations (tableau 6) :
– anomalie de l’automaticité du nœud sinusal (dysfonction, voire
paralysie sinusale) ;
BAV I – trouble de la conduction entre le nœud sinusal et l’oreillette
PR à 300 ms (bloc sino-atrial ou BSA) ;
– trouble de la conduction entre les oreillettes et les ventricules
(bloc auriculoventriculaire ou BAV).
BAV II Mobitz I Les troubles de conduction interatriaux ou intraventriculaires
Allongement du
PR jusqu’à une ne sont pas responsables de bradycardies. Les bloc sino-atrial
4e onde P bloquée et les blocs auriculoventriculaires sont étudiés plus en détail dans
la question 284 : Troubles de la conduction intracardiaque.
BAV II Mobitz II Pour préciser le mécanisme de la bradycardie, il faut comparer
Onde P bloquée le nombre d’oreillettes et le nombre de ventricules (fig. 5).
sans allongement
du PR Quel qu’il soit, la transmission défaillante de l’influx électrique
peut parfois donner lieu à un phénomène d’échappement dont
BAV III l’origine est située plus bas que le siège du bloc. En cas de dys-
Dissociation fonction sinusale ou de bloc sino-atrial, l’échappement peut
auriculo-ventriculaire
complète donc être atrial, jonctionnel (nodal ou hissien), ou ventriculaire
(provenant d’une des branches du His, du Purkinje ou du myo-
carde ventriculaire). En cas de bloc auriculoventriculaire,

e294
294 Vol. 68 _ Septembre 2018

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


l’échappement ne peut être que jonctionnel ou ventriculaire. La Bloc sino-atrial du premier degré : simple allongement de la
durée et la fréquence des QRS orientent vers le niveau de conduction entre le nœud sinusal et l’oreillette, il n’a pas de tra-
l’échappement. D’une manière générale, plus l’échappement duction sur l’électrocardiogramme et n’est pas responsable de
est bas situé, plus le rythme d’échappement est lent. Un QRS fin bradycardie.
correspond forcément à un échappement jonctionnel. Un QRS Bloc sino-atrial du deuxième degré : existence d’un blocage inter-
large correspond soit à un échappement jonctionnel avec aber- mittent de la conduction sino-atriale ; certaines ondes P sont
ration de la conduction vers les ventricules (l’influx emprunte une absentes. Si l’inter­valle PP encadrant l’onde P absente est égal à
seule des branches du faisceau de His), soit à un échappement 2 fois le cycle PP normal, on parle de bloc sino-atrial de type
ventriculaire. Mobitz II. Si cet intervalle est plus court que le double du cycle
1. Dysfonction sinusale PP, on parle de type Mobitz I.
L’activité électrique du nœud sinusal n’étant pas visible sur Bloc sino-atrial du troisième degré : existence d’un blocage com-
l’électrocardiogramme de surface, sa traduction est une brady- plet de la conduction sino-atriale ; il n’y a aucune onde P. Le
cardie sinusale, voire, à l’extrême, une paralysie sinusale. Elle rythme cardiaque est donc un rythme d’échappement. On parle
peut ne se manifester que par une accélération insuffisante de la de syndrome bradycardie-tachycardie ou de maladie rythmique
fréquence cardiaque à l’effort, et on parle alors d’insuffisance auriculaire lorsqu’un patient présente, sans relation de cause à
chronotrope. effet, une bradycardie supraventriculaire (bradycardie sinusale,
2. Blocs sino-atriaux paralysie sinusale, bloc sino-atrial) et une tachycardie d’origine
Ils sont de 3 types. atriale (fibrillation, flutter ou tachycardie atriale).
TABLEAU 7

Caractéristiques électrocardiographiques des tachycardies supraventriculaires

Aspects Auriculogrammes Conduction


électrocardiographiques auriculo-
Fréquence Morphologie ventriculaire

Fibrillation 350-600 Polymorphe, anarchique Variable, irrégulière


atriale batt/min

Flutter 250-350 Monomorphe, ondes F en dents Souvent régulière,


atrial batt/min de scie ou en toit d’usine, par ordre de fréquence
sans segment isoélectrique en 2/1 puis 4/1

Tachycardie 120-300 Monomorphe, aspect Régulière 1/1, 2/1…


atriale batt/min dépendant du site d’origine,
avec segment isoélectrique

Tachycardie 140-250 P rétrogrades collées Régulière 1/1


jonctionnelle batt/min au QRS (o 70 ms)
par réentrée
intranodale

Tachycardie 140-250 P rétrogrades, la distance Régulière 1/1


jonctionnelle batt/min au QRS dépend
orthodromique de la localisation
sur voie de la voie accessoire
accessoire

Vol. 68 _ Septembre 2018 e295

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


RR Item 229 É L E CT R OC AR DIOGR AMME

3. BAV
On en distingue 3 types.
Bloc auriculoventriculaire du premier degré : simple allongement fixe D1

de l’espace PR, il n’est pas responsable de bradycardie. Il n’y a


jamais d’onde P bloquée. D2

Bloc auriculoventriculaire du 2e degré : existence d’ondes P blo-


D3
quées de façon intermittente, soit précédées d’un allongement
progressif de l’espace PR (Mobitz I ou Luciani-Wenckebach)
soit pas (Mobitz II). En cas de BAV 2/1, il est donc impossible VR
de trancher entre un Mobitz I et un Mobitz II, puisqu’il est
impossible de déterminer s’il y a eu un allongement du PR avant VL
l’onde P bloquée. Compte tenu de ses propriétés électrophy-
siologiques (conduction décrémentielle), le nœud auriculo- VF
ventriculaire est quasi exclusivement le siège des blocs auricu-
loventriculaires de type Mobitz I. Dans le cadre du Mobitz II, il
s’agit en général d’une atteinte du tronc et/ou des branches du FIGURE 6 Torsade de pointes.
faisceau de His. Cependant, seule une exploration électrophy-
siologique endocavitaire peut préciser avec certitude le siège
anatomique du bloc grâce à l’enregistrement du potentiel his- Tachycardies
sien. On parle de tachycardie lorsque la fréquence cardiaque est
Bloc auriculoventriculaire du 3e degré : toutes les ondes P sont blo- supérieure à 100/min. Elles sont schématiquement classées en :
quées et l’activité ventriculaire est sous la dépendance d’un – tachycardies supraventriculaires (TSV), au sein desquelles on
rythme d’échappement. Les QRS sont donc régulièrement distingue les tachycardies atriales (fibrillation, flutter et tachy-
espacés, avec une dissociation auriculoventriculaire complète, cardie) et les tachycardies jonctionnelles ou rythme réciproque
et les oreillettes sont plus rapides que les ventricules. (soit par réentrée intranodale, soit sur une voie accessoire type
faisceau de Kent) ;
Extrasystoles – tachycardies ventriculaires (TV).
Une extrasystole est une dépolarisation survenant prématuré- 1. Tachycardies supraventriculaires (tableau 7)
ment par rapport à la dépolarisation prévue par le cycle car- La fibrillation atriale : c’est l’arythmie la plus fréquente chez
diaque normal. Elle peut provenir des oreillettes (extrasystole l’homme ; elle est due à la dépolarisation anarchique rapide des
auriculaire ou ESA), de la jonction auriculoventriculaire (extrasys- oreillettes (cf. question II-236 « Fibrillation auriculaire »). Cette
tole jonctionnelle ou ESJ) ou des ventricules (extrasystole ventri- dépolarisation peut résulter de la transmission à l’oreillette de
cualire ou ESV). l’activité de foyers ectopiques, souvent situés au niveau des
Extrasystoles auriculaires : leur morphologie dépend de leur foyer veines pulmonaires, et/ou de l’existence de multiples circuits de
d’origine et est différente de l’onde P sinusale. Selon leur préco- micro-réentrée au sein du tissu atrial. Le nœud auriculoventricu-
cité, elles sont conduites (aux ventricules) ou bloquées. laire filtre cette activité atriale extrêmement soutenue, mais la
Extrasystoles jonctionnelles : elles ne sont pas visibles sur l’électro- réponse ventriculaire reste rapide et surtout irrégulière.
cardiogramme de surface, qui ne montre que leurs éventuelles Le flutter atrial : dans sa forme typique, il s’agit d’un circuit de
conductions, rétrograde vers les oreillettes et/ou antérograde macro-réentrée tournant à 300/min dans l’oreillette droite. Le
vers les ventricules. circuit descend le long de la crista terminalis et de la paroi latérale
Extrasystoles ventricualires : ce sont des complexes ventriculaires de l’oreillette droite, passe par l’isthme cavo-tricuspide, remonte
larges prématurés, non précédés d’une onde P. Leur morpholo- le long du septum interatrial, parcourt le toit de l’oreillette droite
gie dépend de la région ventriculaire (droite ou gauche) dont elles avant de redescendre. La conduction auriculoventriculaire est le
proviennent. plus souvent régulière en 2/1.
Les extrasystoles peuvent être : La tachycardie atriale : elle correspond à la propagation de l’influx
– bigéminées (1 extrasystole pour 1 cycle normal) ou trigéminées électrique originaire d’un foyer atrial autre que le nœud sinusal.
(1 extrasystole pour 2 cycles normaux) ; Lorsqu’elle est relativement lente, le nœud auriculoventriculaire
– isolées, en doublet, en triplet ou en salve ; conduit en 1/1 aux ventricules.
– monomorphes ou polymorphes (au moins 3 morphologies La tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale : le nœud auricu-
différentes). loventriculaire comprend 2 voies ayant des propriétés électrophy-
Elles peuvent jouer un rôle important dans le déclenchement siologiques différentes. La voie dite rapide est celle normalement
de troubles du rythme (v. infra). empruntée par l’influx électrique, et sa période réfractaire est

e296
296 Vol. 68 _ Septembre 2018

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


longue. La voie dite lente a une période réfractaire courte. Si une
extrasystole atriale survient de façon suffisamment précoce, elle
peut trouver la voie rapide en période réfractaire et descendre uni- Complexe
quement par la voie lente. La voie rapide a alors le temps de sortir de capture
de sa période réfractaire et est dépolarisée par voie rétrograde.
L’influx peut à nouveau redescendre par la voie lente, perpétuant
un circuit de réentrée au sein du nœud auriculoventriculaire. L’oreil-
lette est donc activée par voie rétrograde (d’où une onde P’ néga- Complexe
de fusion
tive en DII-DIII-aVF) et le ventricule de façon antérograde habituelle.
La tachycardie jonctionnelle sur voie accessoire : la voie accessoire
est congénitale et relie le plus souvent une oreillette à un ventri-
cule (on parle alors de faisceau de Kent). En tachycardie, l’influx Dissociation
auriculoventriculaire
descend des oreillettes aux ventricules par la voie de conduction
normale (les QRS sont donc fins) puis remonte à l’oreillette par la
voie accessoire : c’est une tachycardie orthodromique. Les
ondes P rétrogrades sont d’autant plus proches du QRS que la FIGURE 8 Aspects pathognomoniques de tachycardie ventriculaire.
voie accessoire est située près de la voie de conduction normale.
Plus rarement, l’influx descend par la voie accessoire et remonte
par la voie de conduction normale : les QRS sont alors larges et 2. Tachycardies ventriculaires
la tachycardie est qualifiée d’antidromique. Ces tachycardies Ce sont des tachycardies :
sont bénignes, sauf dans le cas d’une fibrillation auriculaire qui se – constituées d’au moins 4 complexes ventriculaires ;
transmettrait rapidement aux ventricules par la voie accessoire, – régulières ;
avec un risque de fibrillation ventriculaire. – à QRS larges ;
– de fréquence comprise entre 100 et 250 batt/min (en dessous,
on parle de rythme idioventriculaire accéléré ou RIVA ; au-des-
sus, de flutter ventriculaire) ;
– soutenues (par convention, de durée > 30 secondes) ou non
FC L 100 batt/min soutenues ;
– monomorphes ou polymorphes.
QRS IRRÉGULIERS QRS RÉGULIERS En général, elles surviennent sur une cardiopathie sous-jacente
qui comporte le substrat nécessaire à leur déclenchement et leur
Fibrillation atriale
FINS LARGES
entretien : séquelle d’infarctus, cardiomyopathie dilatée, dyspla-
sie ventriculaire droite arythmogène (DVDA) ou encore des ano-
Tachycardie
supraventriculaire
malies des canaux ioniques cardiaques (syndromes de Brugada
et du QT long congénital). Certaines tachycardies ventriculaires
peuvent aussi survenir sur cœur apparemment sain : tachycar-
dies ventriculaires infundibulaires (naissant au niveau de l’infundi-
Présence de bulum pulmonaire, dans le ventricule droit) et tachycardies
➤d  issociation auriculoventriculaire ventriculaires fasciculaires (naissant au niveau du réseau de Pur-
➤ c omplexe de capture et de fusion
kinje gauche).
Tachycardie Les torsades de pointes constituent une forme particulière de
ventriculaire tachycardie ventriculaire polymorphe. Leur aspect électrocardio-
NON
graphique est caractéristique, rendant le diagnostic aisé : la
pointe des QRS est tantôt au-dessus, tantôt en dessous de la
Tenir compte de ligne isoélectrique (fig. 6). Rappelons qu’elles sont favorisées par
➤m
 orphologie des QRS
➤e
 ffet des manœuvres vagales
un allongement du QT quelle qu’en soit la cause.
(v. texte)
Tachycardie
Orientation diagnostique devant une tachycardie
ventriculaire régulière à QRS larges (fig. 7)
Tachycardie supraventriculaire
avec bloc de branche Il peut s’agir soit d’une tachycardie ventriculaire, soit d’une
tachycardie supraventriculaire avec bloc de branche (préexistant
FIGURE 7 Arbre diagnostique devant une tachycardie. ou induit par la tachycardie). On peut s’aider d’électrocardio-

Vol. 68 _ Septembre 2018 e297

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


RR Item 229 É L E CT R OC AR DIOGR AMME

grammes antérieurs retrouvant un bloc de branche préexistant tachycardie si elle est jonctionnelle ou la ralentir si elle est atriale,
ou des extrasystoles ventriculaires de même aspect que les permettant alors de voir l’activité des oreillettes entre deux QRS
complexes de la tachycardie. devenant plus espacés. La négativité de ces manœuvres ne per-
Une tachycardie régulière à QRS large, notamment en cas de met aucune conclusion diagnostique.
cardiopathie sous-jacente, est une tachycardie ventriculaire Le plus souvent, le diagnostic différentiel n’a pu être établi à ce
jusqu’à preuve du contraire. Le risque immédiat de la tachycar- stade, et on s’aide alors de critères morphologiques. Schémati-
die ventriculaire est sa transformation en fibrillation ventriculaire quement, plus la morphologie des QRS se rapproche d’un bloc
(activité rapide anarchique des ventricules) entraînant un arrêt de branche droit ou bloc de branche gauche classique, et plus la
cardio-circulatoire. probabilité qu’il s’agisse d’une tachycardie supraventriculaire
Il faut donc rechercher avec soin des éléments orientant vers avec aberration de conduction est grande. À l’inverse, plus la
une tachycardie ventriculaire en réalisant un tracé de longue morphologie des QRS est inhabituelle, et plus il risque de s’agir
durée (fig. 8) : d’une tachycardie ventriculaire. Certains critères simples
– dissociation auriculoventriculaire : les ondes P sont moins orientent vers une tachycardie ventriculaire :
nombreuses que les complexes QRS et elles sont à leur fré- – largeur des QRS > 140 ms (et encore plus si > 160 ms) ;
quence propre. Ceci est pathognomonique d’une tachycardie – largeur entre le début de l’onde R et le nadir de l’onde S >100 ms ;
ventriculaire ; – concordance des QRS (tous positifs ou tous négatifs) de V1
– complexes de capture : au milieu de la tachycardie, c’est un QRS à V6.
fin précédé d’une onde P sinusale (l’influx sinusal s’est immiscé
entre deux complexes de tachycardie, donnant un QRS fin) ; Indications de l’électrocardiogramme
– complexes de fusion : au milieu de la tachycardie survient un
QRS de morphologie intermédiaire entre le complexe QRS Parmi les indications communément admises pour la réalisation
sinusal (fin) et le complexe QRS de la tachycardie ventriculaire d’un électrocardiogramme, on peut retenir :
(large). Il témoigne de la dépolarisation des ventricules en partie – diagnostic positif de cardiopathie devant des symptômes
par la tachycardie ventriculaire et en partie par un influx sinusal (douleur thoracique, dyspnée, palpitations, lipothymie ou
intercalé. syncope) ou des signes physiques évocateurs (insuffisance
La présence de captures ou de fusions est pathognomonique cardiaque, souffle, tachycardie…) ;
d’une tachycardie ventriculaire. Leur absence n’a aucune valeur. – suivi d’une cardiopathie, surtout en cas de changement du
Les manœuvres vagales (massage sino-carotidien, manœuvre statut clinique ;
de Valsalva…) et l’injection d’adénosine ou Striadyne ralentissent – évaluation de l’effet d’un traitement (efficacité et/ou tolérance :
transitoirement la conduction auriculoventriculaire. En cas de par exemple pour les β-bloquants, fréquence cardiaque au
tachycardie supraventriculaire, elles peuvent interrompre la repos < 60 batt/min sans apparition de trouble conductif) ;

Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?


Un ECG peut vous être proposé dans – s’il s’agit d’un infarctus la suite de la prise en charge.
de nombreux dossiers de cardiologie du myocarde en état de choc, Dans un dossier, il est peu
ou de vasculaire. penser au bloc sino-auriculaire probable que vous ayez
Il est important d’analyser le tracé ou au bloc auriculoventriculaire un tracé très difficile.
de manière systématique, mais complet en cas de bradycardie L’électrocardiogramme proposé
en se demandant toujours quelles et à la tachycardie ventriculaire peut même être normal et alors servir
sont les hypothèses diagnostiques en cas de tachycardie ; à exclure un diagnostic.
évoquées par le contexte clinique, – s’il s’agit d’une douleur thoracique Enfin, on peut vous demander
par exemple : fébrile, rechercher les signes d’évaluer l’efficacité
– s’il s’agit d’un accident artériel de la péricardite, etc. ou la tolérance d’un médicament
embolique, la fibrillation auriculaire L’interprétation de l’électro- à travers son retentissement
est évoquée en priorité ; cardiogramme peut conditionner sur le rythme cardiaque.

e298
298 Vol. 68 _ Septembre 2018

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN


– dépistage de cardiopathie chez des sujets > 40 ans avec au Par exemple, une onde T négative peut se voir dans de multiples
moins 2 facteurs de risque cardiovasculaire ; circonstances, et parfois de façon physiologique : sa spécificité
– recherche d’hypertrophie ventriculaire gauche dans le bilan initial pour détecter une ischémie myocardique est faible ;
d’une hypertension artérielle (inclus dans le bilan de l’Organisa- – l’électrocardiogramme doit toujours être interprété en fonction
tion mondiale de la santé) ; de la clinique ;
– évaluation du retentissement cardiaque de maladies extra- – le mauvais placement ou l’inversion d’électrodes est une
cardiaques (insuffisance rénale, diabète, hypothermie…), de source fréquente d’erreurs ;
troubles électrolytiques ou de traitements potentiellement – personne n’est infaillible ! Ne pas hésiter à demander un avis
cardiotoxiques ; spécialisé en cas d’électrocardiogramme inhabituel, et ne pas
– un électrocardiogramme annuel est obligatoire chez les sportifs se fier aveuglément à l’interprétation automatisée du tracé telle
inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ; qu’elle peut être fournie par certains appareils.•
– bilan préopératoire : dans le cadre des références médicales
opposables, il n’y a pas lieu de faire un électrocardiogramme A. Leenhardt déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
G. Moubarak et J. Lacotte n’ont pas fourni de déclaration d’intérêts.
avant une chirurgie courante chez un homme avant 40 ans ou
une femme avant 50 ans, en l’absence d’antécédents patholo-
giques précis, de facteurs de risque ou d’anomalies de l’exa- 1509_rdp14_couv:rdp couv gab 16/09/08 12:36 Page 1509

men clinique. Dans le cas contraire, et notamment en cas de POUR LA REVUE DU


• 30 septembre 2008 • Tome 58 • N° 14 (1509-1624)

chirurgie lourde, l’électrocardiogramme est indispensable. EN SAVOIR PRATICIEN 3 0 S E P T E M B R E 2 0 0 8 / T O M E 5 8 N º 1 4

L’électrocardiogramme est un acte technique simple sans


IMONOGRAPHIEI
Monographies
Maladie des artères
coronaires
MALADIE DES ARTÈRES CORONAIRES

danger, indiqué, comme on l’a vu ci-dessus, dans de nombreuses Maladie


situations. Le corollaire de cette utilisation large est le risque des artères
coronaires
Biopsies alternatives du sein

d’erreur d’interprétation avec des diagnostics manqués ou portés


LES AVANCÉES DE LA PRISE EN CHARGE

OUVERTURES RÉFÉRENCES UNIVERSITAIRES

par excès. Pour réduire ce risque, il faut donc bien retenir les Rev Prat 2008;
La Revue du Praticien •

B Aspergillose pulmonaire Qualité de pratique et recertification B Méningites et méningo-encéphalites


B Biopsies alternatives du B Automédication B Prescrire un régime diététique B Crise d’angoisse aiguë
sein B Presse : Statines chez et attaque de panique B Troubles hydro-électrolytiques et acido-basiques
l’insuffisant rénal• Dyspepsie•
Diabète gestationnel DE MÉMOIRE DE MÉDECIN Aération contre miasmes hospitaliers

58(14):1519-72
www.larevuedupraticien.fr publicat ion bimensuelle de format ion médicale con t inue

quelques principes suivants :


– la lecture de l’électrocardiogramme doit être systématique, en
analysant les différents segments et ondes successivement ; Urgences
– l’électrocardiogramme n’a pas toujours une sensibilité parfaite. rythmiques
Deux exemples : 1) une anomalie peut n’être que transitoire ; Rev Prat 2004;
54(3):247-310
2) l’échographie est plus sensible que l’électrocardiogramme
pour détecter une hypertrophie ventriculaire gauche ;
– l’électrocardiogramme n’a pas toujours une spécificité parfaite.

mbal
Lo
gi

stic
e

no
Diag

Item 195
Ét
52 résultats Rendez-vous sur :
i o lo gie larevuedupraticien.fr/docdoc

B-DOC-DOC-ITEMS-180x59.indd 1 25/08/2017 11:31


Vol. 68 _ Septembre 2018 e299

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN

Vous aimerez peut-être aussi