Électrocardiogramme: Indications Et Interprétations: Objectifs
Électrocardiogramme: Indications Et Interprétations: Objectifs
Électrocardiogramme: Indications Et Interprétations: Objectifs
RR
ÉLECTROCARDIOGRAMME :
INDICATIONS
ET INTERPRÉTATIONS
Dr Ghassan Moubarak1, Dr Jérôme Lacotte2, Pr Antoine Leenhardt1
1. Service de cardiologie, hôpital Lariboisière, 75010 Paris, France
2. Unité de rythmologie, institut de cardiologie, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France
antoine.leenhardt@lrb.aphp.fr
L
e premier électrocardiogramme (ECG) chez l’homme a été suivants : fréquence cardiaque, nature du rythme cardiaque, onde
enregistré par le physiologiste anglais Augustus Waller en P, espace PR, complexe QRS, segment ST, onde T et intervalle QT.
1887 à l’aide d’un électromètre capillaire. L’enregistre- La ligne isoélectrique, qui sert de référence à l’analyse de la dévia-
ment était de piètre qualité et ne comportait que deux déflections tion du PR et du ST, est habituellement celle du segment TP, soit
mal individualisées. Au même moment, le médecin hollandais entre la fin de l’onde T et le début de l’onde P du cycle suivant.
Willem Einthoven améliora la technique de recueil de l’activité
électrique cardiaque en utilisant un galvanomètre à corde. Il Fréquence cardiaque
inventa le terme « elektrokardiogramme » en 1895 et publia ses Lorsque la vitesse de déroulement du papier est bien de
résultats en 1901 et 1903. Il enregistra 5 potentiels successifs 25 mm/s, la fréquence cardiaque d’un rythme régulier s’obtient
pour chaque cycle cardiaque qu’il nomma P, Q, R, S et T. Ces en utilisant la « règle des 300 » : on divise 300 par le nombre de
travaux, qui lui valurent le prix Nobel de médecine en 1924, furent gros carreaux de 5 mm séparant 2 QRS consécutifs (fig. 1).
à l’origine de la description et de la compréhension des troubles En cas de rythme irrégulier (notamment fibrillation atriale), cette
du rythme cardiaque. règle ne s’applique plus, et il faut alors utiliser la « méthode des
De nos jours, le potentiel électrique recueilli par les électrodes 6 secondes » : on détermine le nombre de cycles par intervalle de
posées sur la peau est amplifié, filtré, puis numérisé par l’appareil 30 carreaux de 5 mm, soit 15 cm de tracé, et on multiplie ce
ECG. Le tracé est obtenu sur papier millimétré. Ses modalités de nombre par 10 pour avoir la fréquence cardiaque par minute.
lecture doivent être systématisées afin de détecter toutes les
anomalies.
Électrocardiogramme normal
La vitesse de déroulement du papier est, par défaut, 25 mm/s.
En abscisse, 1 mm (1 petit carreau) équivaut à 0,04 seconde.
L’amplitude du signal (en ordonnée) est de 1 mm pour 0,1 mV.
L’électrocardiogramme enregistre l’activité électrique du cœur
dans 12 dérivations : 6 dérivations périphériques ou frontales (DI,
Diviser 300 par le nombre de gros carreaux séparant 2 QRS.
DII, DIII, aVF, aVR et aVL) et 6 dérivations précordiales (V1 à V6).
Les dérivations basales (V7, V8 et V9) et droites (V3R et V4R) FIGURE 1 Calcul de la fréquence cardiaque.
Territoires électrocardiographiques ST), est concave et rejoint des ondes T amples. Cette variante se
rencontre surtout chez les sujets sportifs ou de race noire.
z Antéro-septal : V1 à V3 z Inférieur : DII, DIII, VF Ondes T
z Apical : V3 à V5 z Basal, V7 à V9 Traduisant la fin de la repolarisation ventriculaire, elles ont
z Latéral bas : V5-V6 z Ventriculaire droit : généralement la même polarité que le complexe QRS (positives
V3R, V4R, VE si le rapport R/S est > 1). Les ondes T normales sont asymé-
z Latéral haut : DI-VL triques et peuvent être négatives de façon physiologique, notam-
ment dans les dérivations précordiales droites chez l’enfant.
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Anomalies de l’onde T
ONDES P
L’onde T ample, pointue, s’observe surtout très précocement au
cours de l’infarctus (symétrique) et de l’hyperkaliémie (asymé-
trique). Plus rarement, il s’agit d’une hypertrophie ventriculaire ou ABSENTES PRÉSENTES
d’un accident cérébrovasculaire. Elle peut aussi être physiolo- BSA III
Paralysie sinusale
gique. PoR POR
L’onde T négative se rencontre aussi chez le sujet sain. Sinon, il BSA II BAV II
peut s’agir : Bradycardie sinusale ou BAV III
– dans le cas d’ondes T négatives focalisées : une ischémie
FIGURE 5 Arbre diagnostique devant une bradycardie.
myocardique (aiguë ou post-infarctus), une hypertrophie
ventriculaire, un bloc de branche, une préexcitation, une car-
diopathie hypertrophique ;
– dans le cas d’ondes T négatives diffuses : une péricardite, une
hypokaliémie, un traitement digitalique, une ischémie myocar- Anomalies de l’intervalle QT
dique sévère (lésion du tronc commun ou atteinte tritroncu- Le QT peut être allongé de façon congénitale (syndrome du QT
laire), une hémorragie intracrânienne, un phénomène de long congénital) ou acquise. Dans ce dernier cas, il peut être en
mémoire transitoire (à l’arrêt d’une tachycardie notamment). rapport avec une bradycardie, un trouble métabolique (hypoka-
liémie, hypocalcémie) ou la prise de certains médicaments
(anti-arythmiques de classe Ia et III, macrolides, antipaludéens,
psychotropes… [liste complète sur www.qtdrugs.org]). Quelle
TABLEAU 6
Caractéristiques ECG des blocs qu’en soit la cause, cette anomalie favorise la survenue de tor-
sino-atriaux et auriculo-ventriculaires sades de pointes.
Le QT est plus rarement court, dans le cas d’une hyperkaliémie ou
Blocs Aspects électrocardiographiques d’une hypercalcémie, d’une fièvre, d’un traitement par digoxine
ou exceptionnellement de façon congénitale.
BSA II
Une onde P
absente Anomalies du rythme
Bradycardies
BSA III On parle de bradycardie lorsque la fréquence cardiaque est
Rythme inférieure à 50 batt/min.
d’échappement à
QRS fins à 50/min Les bradycardies s’observent dans 3 situations (tableau 6) :
– anomalie de l’automaticité du nœud sinusal (dysfonction, voire
paralysie sinusale) ;
BAV I – trouble de la conduction entre le nœud sinusal et l’oreillette
PR à 300 ms (bloc sino-atrial ou BSA) ;
– trouble de la conduction entre les oreillettes et les ventricules
(bloc auriculoventriculaire ou BAV).
BAV II Mobitz I Les troubles de conduction interatriaux ou intraventriculaires
Allongement du
PR jusqu’à une ne sont pas responsables de bradycardies. Les bloc sino-atrial
4e onde P bloquée et les blocs auriculoventriculaires sont étudiés plus en détail dans
la question 284 : Troubles de la conduction intracardiaque.
BAV II Mobitz II Pour préciser le mécanisme de la bradycardie, il faut comparer
Onde P bloquée le nombre d’oreillettes et le nombre de ventricules (fig. 5).
sans allongement
du PR Quel qu’il soit, la transmission défaillante de l’influx électrique
peut parfois donner lieu à un phénomène d’échappement dont
BAV III l’origine est située plus bas que le siège du bloc. En cas de dys-
Dissociation fonction sinusale ou de bloc sino-atrial, l’échappement peut
auriculo-ventriculaire
complète donc être atrial, jonctionnel (nodal ou hissien), ou ventriculaire
(provenant d’une des branches du His, du Purkinje ou du myo-
carde ventriculaire). En cas de bloc auriculoventriculaire,
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3. BAV
On en distingue 3 types.
Bloc auriculoventriculaire du premier degré : simple allongement fixe D1
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grammes antérieurs retrouvant un bloc de branche préexistant tachycardie si elle est jonctionnelle ou la ralentir si elle est atriale,
ou des extrasystoles ventriculaires de même aspect que les permettant alors de voir l’activité des oreillettes entre deux QRS
complexes de la tachycardie. devenant plus espacés. La négativité de ces manœuvres ne per-
Une tachycardie régulière à QRS large, notamment en cas de met aucune conclusion diagnostique.
cardiopathie sous-jacente, est une tachycardie ventriculaire Le plus souvent, le diagnostic différentiel n’a pu être établi à ce
jusqu’à preuve du contraire. Le risque immédiat de la tachycar- stade, et on s’aide alors de critères morphologiques. Schémati-
die ventriculaire est sa transformation en fibrillation ventriculaire quement, plus la morphologie des QRS se rapproche d’un bloc
(activité rapide anarchique des ventricules) entraînant un arrêt de branche droit ou bloc de branche gauche classique, et plus la
cardio-circulatoire. probabilité qu’il s’agisse d’une tachycardie supraventriculaire
Il faut donc rechercher avec soin des éléments orientant vers avec aberration de conduction est grande. À l’inverse, plus la
une tachycardie ventriculaire en réalisant un tracé de longue morphologie des QRS est inhabituelle, et plus il risque de s’agir
durée (fig. 8) : d’une tachycardie ventriculaire. Certains critères simples
– dissociation auriculoventriculaire : les ondes P sont moins orientent vers une tachycardie ventriculaire :
nombreuses que les complexes QRS et elles sont à leur fré- – largeur des QRS > 140 ms (et encore plus si > 160 ms) ;
quence propre. Ceci est pathognomonique d’une tachycardie – largeur entre le début de l’onde R et le nadir de l’onde S >100 ms ;
ventriculaire ; – concordance des QRS (tous positifs ou tous négatifs) de V1
– complexes de capture : au milieu de la tachycardie, c’est un QRS à V6.
fin précédé d’une onde P sinusale (l’influx sinusal s’est immiscé
entre deux complexes de tachycardie, donnant un QRS fin) ; Indications de l’électrocardiogramme
– complexes de fusion : au milieu de la tachycardie survient un
QRS de morphologie intermédiaire entre le complexe QRS Parmi les indications communément admises pour la réalisation
sinusal (fin) et le complexe QRS de la tachycardie ventriculaire d’un électrocardiogramme, on peut retenir :
(large). Il témoigne de la dépolarisation des ventricules en partie – diagnostic positif de cardiopathie devant des symptômes
par la tachycardie ventriculaire et en partie par un influx sinusal (douleur thoracique, dyspnée, palpitations, lipothymie ou
intercalé. syncope) ou des signes physiques évocateurs (insuffisance
La présence de captures ou de fusions est pathognomonique cardiaque, souffle, tachycardie…) ;
d’une tachycardie ventriculaire. Leur absence n’a aucune valeur. – suivi d’une cardiopathie, surtout en cas de changement du
Les manœuvres vagales (massage sino-carotidien, manœuvre statut clinique ;
de Valsalva…) et l’injection d’adénosine ou Striadyne ralentissent – évaluation de l’effet d’un traitement (efficacité et/ou tolérance :
transitoirement la conduction auriculoventriculaire. En cas de par exemple pour les β-bloquants, fréquence cardiaque au
tachycardie supraventriculaire, elles peuvent interrompre la repos < 60 batt/min sans apparition de trouble conductif) ;
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par excès. Pour réduire ce risque, il faut donc bien retenir les Rev Prat 2008;
La Revue du Praticien •
58(14):1519-72
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