Rétrécissement Aortique Et Prise en Charge Péri-Opératoire
Rétrécissement Aortique Et Prise en Charge Péri-Opératoire
Rétrécissement Aortique Et Prise en Charge Péri-Opératoire
PÉRI-OPÉRATOIRE
INTRODUCTION
1.2. PRÉVALENCE
La prévalence du RA dépend essentiellement de l’âge des patients : très basse
avant 65 ans (≤ 0,2 %), elle passe à 1,3 % entre 65 et 74 ans, 2,8 % après 75 ans
et plus de 10 % après 85 ans. Une conséquence importante de la prédominance
du RA chez le sujet âgé est la très fréquente association à des comorbidités. Ainsi,
dans l’étude « Euro Heart Survey », 36 % des patients ayant un RA avaient au moins
une comorbidité [4]. Ce point sera important à prendre en compte en préopératoire.
70
60
Mean pressure drop (mmHg)
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20
10
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Flow (ml/s)
Figure 1 : relation gradient de pression transvalvulaire aortique - débit, en fonction
de la surface aortique [6]
Toute hypovolémie étant délétère sur un VG hypertrophié, une précharge
adéquate doit être maintenue. Un passage en FA rapide et mal toléré peut néces-
siter une cardioversion électrique. Une fréquence cardiaque trop basse risque de
provoquer une baisse marquée du débit, le VES étant relativement fixé. A l’inverse,
une tachycardie risque de provoquer une ischémie myocardique.
Toutes ces conséquences sont rappelées dans le Tableau I. En pratique, les
précautions sont identiques qu’il s’agisse de chirurgie cardiaque ou non. Les
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Tableau III
Différentes étapes de la sténose aortique
Sévérité et
Grade Anatomie et hémodynamique valvulaire
symptômes
A A risque de RA Sclérose aortique ou bicuspidie valvulaire
aortique
B Sténose peu sévère Modérée: valve anormale avec Vmax
2-2,9 m.s-1, GPm< 20 mmHg
Moyenne: valve anormale mobilité réduite
avec Vmax 3-3,9 m.s-1 et GPm 20-40 mmHg
C RA sévère Sigmoïdes calcifiées épaissies avec mobilité
Asymptomatique très réduite; Vmax ≥ 4 m.s-1 ou GPm ≥ 40
mmHg, SAo souvent < 1,0 cm2
C1 : fonction systolique VG normale
C2 : FEVG < 50 %
D RA sévère Sigmoïdes très calcifiées épaissies avec
Symptomatique mobilité très réduite ;
D1 : RA sévère avec gradient élevé Vmax
≥ 4 m.s-1 ou GPm ≥ 40 mmHg, (SAo souvent
< 1,0 cm2, mais pas nécessaire pour le Dg)
D2 : RA bas débit- bas gradient avec FEVG
< 50 % ; écho de stress++
D3 : RA bas débit- bas gradient avec FEVG
normale
cela s’expliquait soit parce que les patients ayant un RA serré n’étaient pas assez
nombreux dans l’étude (par exemple pour le Revised Cardiac Risk Index, RCRI) [12],
soit parce que la chirurgie n’était pas suffisamment à risque
Quand le RAC était correctement colligé dans les données, il était toujours
retrouvé comme un élément prédictif majeur de complications cardiaques graves.
Ainsi, Kertai et al. rapportaient une augmentation indépendante du risque de décès
ou d’infarctus non létal d’un facteur 5 en cas de RA [13]. De plus, le risque de
complication était lié au caractère plus ou moins serré du RA (31 % vs 11 %). Le
rôle du type de chirurgie non cardiaque et des co-morbidités du patient était bien
mis en valeur : il fallait un score RCRI à 1 ou plus pour que la différence RA vs non
RA apparaisse.
Les études plus récentes rapportent dans leur ensemble une augmentation du
risque beaucoup moins marquée et surtout permettent, en mettant en valeur un
certain nombre de facteurs de risque, de proposer un arbre décisionnel guidant les
cliniciens [14-16]. La différence entre ces études (anciennes versus plus récentes)
est multifactorielle : meilleure évaluation de la sévérité du RAC, optimisation de la
prise en charge anesthésique et du monitorage, prise en charge hémodynamique
mieux adaptée, enfin chirurgie moins invasive. Ainsi, Argawal et al. rapportent une
augmentation de la mortalité modérée (2,1 % vs 1,0 %, p = 0,04) et de l’infarctus
postopératoire (3,0 % vs 1,1 %, p = 0,001) en cas de RA [14]. En analyse multivariée,
les éléments indépendants prédictifs de mortalité à J30 ou d’infarctus sont : la
chirurgie à haut risque, le RAC sévère (défini par une surface aortique < 1 cm2) et
symptomatique, l’existence d’une insuffisance mitrale > 2/4 et une coronaropathie
associée. Une autre étude récente, cas - contrôle, n’incluant que des RA serrés
(SA ≤ 1 cm2, GmP ≥ 40 mmHg, ou pic de vélocité ≥ 4 m.s-1) pour de la chirurgie
à risque intermédiaire ou élevé, rapporte une élévation non significative de la
mortalité à J30 (5,9 % vs 3,1 % p = 0,13) mais une élévation significative (x2) de la
morbidité (événements cardiaques majeurs : 18,8 % vs 10,5 % p = 0,01) [16]. De
façon très importante, les auteurs rapportent que chez ces patients ayant un RAC
sévère, le caractère symptomatique ou non joue un rôle majeur dans le pronostic
péri-opératoire. Ainsi les patients ayant un RA serré asymptomatique ont un
pronostic péri-opératoire identique aux patients sans RA (mortalité à J30 3,3 % vs
2,7 % ; p = 0,73 et MACE 12 % vs 12 %) à l’inverse des patients symptomatiques
(mortalité 9,4 % vs 3,8 % p = 0,097 ; et MACE 28,3 % vs 8,5 % p < 0,001).
Finalement, au vu des données récentes on peut retenir un certain nombre
d’éléments qui sont associés à un risque péri-opératoire accru en cas de chirurgie
non cardiaque à risque intermédiaire ou élevé (Tableau IV) et peuvent amener à
discuter un éventuel geste cardiaque préalable [17].
Tableau IV
RAC et facteurs pronostiques en chirurgie non cardiaque
• Gradient moyen > 45-50 mmHg et / ou SAo < 0,8 cm2
• RA symptomatique
• Dysfonction VG systolique
• IM importante associée
• Elévation du gradient moyen à l’exercice ≥ 18 mmHg
• Coronaropathie associée
58 MAPAR 2017
5. ELÉMENTS DE DÉCISION
5.1. IMPORTANCE DE LA CONSULTATION D’ANESTHÉSIE
Le rôle de l’anesthésiste est majeur dans l’évaluation du risque [18]. Soit le
RA est déjà connu et il faut réunir tous les éléments récents (en particulier ETT
< 6 mois-1 an) qui vont permettre de prendre la décision ; soit le RA est suspecté
devant la découverte d’un souffle méconnu et le premier temps sera de confirmer
(ou d’infirmer) le diagnostic par une ETT indispensable, la deuxième étape du
raisonnement étant ensuite identique au premier cas de figu e. Il faut rappeler la
forte prévalence du RAC chez l’octogénaire (> 10 %) pour souligner l’importance
de l’auscultation lors de la consultation d’anesthésie, ce d’autant que le RAC reste
longtemps asymptomatique. Les éléments à rassembler sont : l’abolition du B2, la
recherche (parfois difficile) de symptomatologie d’effort, les critères échographiques
de sévérité du RAC, l’existence d’une insuffisance mitrale significative associée,
d’une dysfonction VG systolique marquée (FE < 40 %). Enfin dans les cas où
l’évaluation à l’effort est impossible ou négative, l’échographie de stress peut être
indiquée.
Par ailleurs, la recherche de comorbidités associées ainsi que l’évaluation
précise du risque de la chirurgie non cardiaque complètent le bilan, permettant
d’optimiser la prise en charge. Dans certains cas, des solutions alternatives peuvent
être envisagées et discutées : autre solution thérapeutique non chirurgicale (par
exemple dans certains cancers, type prostate) voire, quand le remplacement
valvulaire est retenu, une chirurgie combinée quand elle réalisable.
5.2. DÉCISION COLLÉGIALE
Au terme de ce bilan, de façon multidisciplinaire, une solution doit être proposée
au patient et à sa famille, en prenant soin de donner les informations sur les risques
respectifs et les solutions proposées. De nombreux patients asymptomatiques
peuvent être opérés de leur chirurgie non cardiaque dans un premier temps pourvu
que la prise en charge soit optimisée (Figure 2) [11, 19, 20]. Les données récentes
de la littérature incitent à n’envisager de commencer par le traitement du RAC que
lorsqu’il est serré et symptomatique (l’indication aurait été posée même indépen-
damment de la chirurgie non cardiaque) éventuellement avec d’autres facteurs
de risque pronostiques péjoratifs (Tableau IV). Si le geste cardiaque est envisagé
en premier, il faut prendre en compte le délai (et le retard parfois préjudiciable en
cas de chirurgie carcinologique) nécessaire avant de pouvoir procéder au geste
non cardiaque. Le choix du type de prothèse doit prendre en compte la nécessité
d’anticoagulation (intensité et durée) ; de même après un TAVI, une double anti-
aggrégation plaquettaire est nécessaire. La Figure 2 résume les éléments de la
discussion et de la décision.
La chirurgie non cardiaque urgente est à très haut risque en cas de RAC serré ;
dans les situations les plus aiguës, on peut être amené à proposer une valvuloplastie
percutanée avant, voire après la chirurgie non cardiaque. L’objectif étant alors de
lever partiellement l’obstruction valvulaire. Il s’agit d’une solution temporaire, le
traitement définitif du RAC restant à envisager secondairement. Ceci souligne deux
points essentiels sur les malades les plus à risque :
• Ils doivent être pris en charge dans des structures adaptées permettant une
approche multidisciplinaire permanente.
• Leur parcours postopératoire doit être prévu en unités de soins continus ou en
réanimation.
Cœur et hémodynamique 59
CONCLUSION
La réduction du risque opératoire observée récemment chez les patients
ayant un RAC n’a été possible que grâce à l’action multidisciplinaire des différents
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