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Rétrécissement Aortique Et Prise en Charge Péri-Opératoire

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RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE ET PRISE EN CHARGE

PÉRI-OPÉRATOIRE

Paola Mascitti, Ismahane Hamdaoui, Clarisse Berroëta, Pierre-François


Seince, Olivier Montandrau, Ivan Philip
Département d’Anesthésie, Institut Mutualiste Montsouris, 42 Boulevard
Jourdan, Paris 14ème. E-mail : ivan.philip@imm.fr

INTRODUCTION

Le rétrécissement aortique est la valvulopathie la plus fréquente, surtout chez


les patients âgés. Une prise en charge optimisée de ces patients pour de la chirurgie
non cardiaque nécessite une parfaite connaissance de la physiopathologie et des
recommandations actuelles, qui explique sans doute une moindre élévation du
risque cardiovasculaire chez ces patients dans les études récentes.

1. PHYSIOPATHOLOGIE, ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA STÉNOSE AORTIQUE


1.1. LE RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE (RA)
Il est de loin la valvulopathie acquise la plus fréquente dans les pays occiden-
taux, notamment chez les sujets âgés [1]. Son origine « dégénérative » représente
plus de 90 % des cas, les valvulopathies rhumatismales ayant quasiment disparu
dans ces pays. Le terme dégénératif est impropre car il laisse à penser qu’il s’agit
d’un phénomène passif ; au contraire il s’agit d’un processus actif associant deux
phénomènes distincts qui vont progressivement aboutir à un RA calcifié (RAC) [2, 3].
Le premier, assez proche de l’athérosclérose, débute par un épaississement des
feuillets valvulaires sans limitation d’ouverture (on parle de sclérose valvulaire) et
se caractérise par un infiltrat inflammatoi e et des dépôts lipidiques. Le second,
plus marqué que dans l’athérosclérose, est le fait d’une calcification majeure des
feuillets valvulaires, processus actif, responsable de l’obstruction. Ce remodelage
valvulaire peut survenir sur des valves tricuspide ou bicuspide. Néanmoins il est plus
précoce et plus marqué chez les patients ayant une anomalie préalable (bicuspidie).
Ceci explique que, malgré la faible prévalence de cette anomalie dans la population
globale (< 1 %), près de 50 % des patients opérés de RAC ont une bicuspidie.
En dehors de la bicuspidie, les facteurs de risque de RAC sont assez proches
de ceux de l’athérosclérose. Actuellement, il n’y a aucun traitement médical qui
prévienne la progression du processus ; l’efficacité des statines n’a pas été confi -
mée par les études prospectives récentes.
52 MAPAR 2017

1.2. PRÉVALENCE
La prévalence du RA dépend essentiellement de l’âge des patients : très basse
avant 65 ans (≤ 0,2 %), elle passe à 1,3 % entre 65 et 74 ans, 2,8 % après 75 ans
et plus de 10 % après 85 ans. Une conséquence importante de la prédominance
du RA chez le sujet âgé est la très fréquente association à des comorbidités. Ainsi,
dans l’étude « Euro Heart Survey », 36 % des patients ayant un RA avaient au moins
une comorbidité [4]. Ce point sera important à prendre en compte en préopératoire.

2. RETENTISSEMENT - IMPLICATIONS POUR LA PRISE EN CHARGE


2.1. LA STÉNOSE VALVULAIRE
Elle induit une surcharge chronique en pression. L’adaptation du VG à cette
surcharge barométrique se fait par développement d’une hypertrophie concentrique
de la paroi (HVG) qui normalise la contrainte pariétale et préserve sa fonction systo-
lique. On sait désormais, grâce aux progrès de l’imagerie, que malgré une fraction
d’éjection VG (FEVG) normale, la fonction systolique peut être altérée (étude du
« strain longitudinal »). Cette altération serait due à une fibrose sous-endocardique.
A un stade plus tardif, le VG va se dilater et la fonction systolique va être altérée
de façon marquée, le pronostic étant alors très mauvais.
2.2. CONSÉQUENCES DE L’HVG
2.2.1. baisse de la réserVe coronaire, sensibiliTé à l’ischéMie
Les mécanismes expliquant le risque d’ischémie myocardique en cas d’HGV,
indépendamment de toute sténose coronaire, sont multiples. L’augmentation de
la masse myocardique élève les besoins en O2 (MVO2) alors même que la distance
intercapillaire est accrue. La pression de perfusion coronaire peut être diminuée,
en particulier dans les couches sous-endocardiques, quand la pression intra
VG augmente ; ceci souligne l’importance du maintien de la pression artérielle,
notamment diastolique. Ainsi la réserve coronaire de ces patients est abaissée du
fait même de l’HVG.
Ce risque ischémique est d’autant plus marqué que des sténoses coronaires
significatives existent dans environ 50 % des cas. Ceci s’explique par des facteurs
de risque communs.
2.2.2. alTéraTion de la foncTion diasTolique
La dysfonction diastolique du VG liée à l’hypertrophie le rend très dépendant
des variations de précharge : baisse marquée du volume télédiastolique en cas
de diminution du retour veineux, risque d’œdème aigu du poumon en cas de
remplissage rapide et trop important. La contribution de la contraction auriculaire
au remplissage VG augmente (jusqu’à 40 %). Ceci explique la mauvaise tolérance
de la perte du rythme sinusal (rythme jonctionnel, fibrillation auriculaire) chez ces
patients.
Enfin l’élévation chronique des pressions VG induit de façon passive une aug-
mentation des pressions dans la circulation pulmonaire. Certains patients peuvent
développer ainsi des degrés plus ou moins marqués d’hypertension pulmonaire.
La dysfonction diastolique est une cause fréquente d’hypertension pulmonaire
(classe II) [5].
Cœur et hémodynamique 53

2.2.3. conséquences Pratiques Pour la Phase Péri-oPératoire


La sténose valvulaire diminue les capacités d’élévation du débit cardiaque, et
ce d’autant plus qu’elle est serrée. Comme le montre la Figure 1, la pente de la
relation gradient de pression VG-Aorte/débit est très variable en fonction du degré
de sténose : plus la surface aortique est réduite plus le gradient augmente vite alors
que l’élévation du débit est limitée [6]. Dès lors, face à une hypotension artérielle les
possibilités d’augmentation du volume d’éjection systolique sont limitées en cas de
RA serré, et la restauration rapide d’une pression artérielle assurant une perfusion
coronaire adéquate nécessite l’emploi de vasoconstricteurs. La phenyléphrine
(α pur) reste l’agent de choix dans ce contexte.
La figure illustre deux éléments essentiels : 1 - en cas de sténose serrée, le
débit ne peut que très peu augmenter ; 2 - en cas de sténose serrée, le gradient
de pression est très dépendant du débit, contrairement à ce qui se passe au
travers d'une valve normale, où il augmente très peu malgré une augmentation très
importante du débit. En cas de débit, le gradient peut apparaître « modérément »
élevé. (AS : aortic stenosis).

70

60
Mean pressure drop (mmHg)

50

40

30

20

10

0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Flow (ml/s)
Figure 1 : relation gradient de pression transvalvulaire aortique - débit, en fonction
de la surface aortique [6]
Toute hypovolémie étant délétère sur un VG hypertrophié, une précharge
adéquate doit être maintenue. Un passage en FA rapide et mal toléré peut néces-
siter une cardioversion électrique. Une fréquence cardiaque trop basse risque de
provoquer une baisse marquée du débit, le VES étant relativement fixé. A l’inverse,
une tachycardie risque de provoquer une ischémie myocardique.
Toutes ces conséquences sont rappelées dans le Tableau I. En pratique, les
précautions sont identiques qu’il s’agisse de chirurgie cardiaque ou non. Les
54 MAPAR 2017

anesthésistes rompus à la chirurgie cardiaque ont l’habitude de prendre en charge


ces patients, lors de l’induction de l’anesthésie comme dans la prise en charge
hémodynamique per et postopératoire. L’essor de l’échographie a représenté un
apport majeur dans la compréhension physiopathologique de l’état hémodynamique
et l’optimisation de la prise en charge de ces patients : pas d’inotropes (en dehors
de rares malades vus tard au stade de dysfonction systolique marquée), remplissage
adéquat, utilisation rapide de vasoconstricteurs, etc… [7].
Tableau I
Impératifs hémodynamiques
Physiopa- Conséquences
Pour la pratique
thologie hémodynamiques
* Optimisation précharge
Sensibilité à la précharge
mais risque d’OAP
Dysfonction
diastolique Importance de contraction
* Maintien Rythme sinusal
auriculaire
HVG ++
* Vasoconstricteurs ++
æ P. perfusion (hypoTA
Baisse de la
élévation PTDVG)
réserve coronaire * Eviter tachycardie
ä MVO2
* Eviter hypoTA
* Si hypoTA: optimiser
Obstacle
précharge et surtout VC
valvulaire ä VES limitée ä Qc limitée
* Eviter bradycardie (VES
sévère
limité)

3. LE DIAGNOSTIC – CRITÈRES D’ÉVALUATION – RECOMMANDATIONS


3.1. DIAGNOSTIC « CLINIQUE »
Le RA est le plus souvent diagnostiqué au stade asymptomatique devant la
découverte d’un souffle systolique au foyer aortique ; ceci s’explique par la longue
période d’adaptation VG avec latence fonctionnelle.
Typiquement, il s’agit d’un souffle éjectionnel, maximal au foyer aortique, de
maximum mésosystolique, irradiant vers les carotides (droite notamment). Son
intensité est dépendante du gradient de pression transvalvulaire et donc du VES :
en cas de bas débit, un souffle discret n’est pas incompatible avec un RA sévère.
De façon générale, l’intensité du souffle ne permet pas de prédire de manière
fiable la sévérité de la sténose aortique. A l’inverse, la diminution ou l’abolition du
deuxième bruit cardiaque est un signe très spécifique (bien que pas très sensible)
de RA sévère.
La découverte (ou la connaissance) d’un tel souffle doit faire rechercher de
façon très rigoureuse l’existence de symptômes : diminution de la tolérance à l’effort,
angor d’effort, syncope d’effort, dyspnée d’effort. L’apparition de symptômes est
un tournant évolutif : en l’absence de traitement curatif (remplacement valvulaire),
la mortalité à 2 ans est de 50 %. La diminution de la tolérance à l’effort peut être
difficile à évaluer du fait de l’âge, de l’arthrose et peut aussi masquer les autres
symptômes. Le test d’effort (échographie d’effort ou dobutamine) peut alors se
justifie .
Cœur et hémodynamique 55

3.2. DIAGNOSTIC ÉCHOGRAPHIQUE


L’échocardiographie transthoracique (ETT), couplée au Doppler, permet le
diagnostic positif, mais aussi l’évaluation de la sévérité, du retentissement VG, la
recherche d’une autre valvulopathie et l’estimation des pressions pulmonaires.
Le diagnostic repose sur la visualisation de calcifications valvulaires avec gêne
à la mobilité des sigmoïdes et d’autre part sur les conséquences hémodynamiques
(pic de vitesse et gradient de pression moyen transvalvulaires) et le calcul de la
surface valvulaire (SAo, par équation de continuité). La présence de calcifications
valvulaires, la localisation de l’accélération du sang liée à la sténose ainsi que l’aspect
des vélocités (en doigt de gant et non en lame de sabre) permettent la distinction
avec une sténose sous valvulaire ou un obstacle dynamique intra-VG.
L’ETT permet de faire une évaluation précise de la sévérité de l’obstacle aor-
tique en intégrant l’ensemble des paramètres hémodynamiques. Dans sa forme la
plus précoce, la sclérose valvulaire aortique, l’ETT montre un épaississement des
valves sans restriction d’ouverture ni obstacle dynamique. Les critères en faveur
d’un RAC sévère sont (quand la fonction systolique et le débit cardiaque sont
préservés) un pic de vélocité (Vmax) > 4 m.s-1, un gradient moyen > 40 mmHg
et/ou une Sao < 1,0 cm2 (ou indexée < 0,6 cm2.m-2). Selon les valeurs de ces
données hémodynamiques, la sténose sera dite modérée, moyennement sévère
ou sévère (Tableau II).
Tableau II
Critères de sévérité du rétrécissement aortique
RAC
RAC RAC
moyenne-
modéré sévère
ment serré

Pic vélocité (Vmax) transvalvulaire (m.s-1) <3 3à4 >4

Gradient moyen de pression


< 25 25 - 40 > 40
transvalvulaire (mmHg)
Surface valvulaire (cm2) > 1,5 1,5 - 1,0 < 1,0
Surface valvulaire indexée (cm m )2/ 2 < 0,6 a
a: à utiliser notamment en cas de petite surface corporelle; pas chez les

obèses (risque de surestimation de la sévérité du RAC).


Les valeurs de Vmax et de gradient de pression sont données pour un volume
d’éjection systolique normal.

Quand l’obstruction est sévère, les éléments pronostiques essentiels sont la


présence de symptomatologie et la fonction VG. Certains cas difficiles doivent faire
l’objet d’une évaluation à l’effort (en l’absence de symptomatologie) et/ou d’une
autre forme d’imagerie (IRM). Une classification des différentes étapes du RAC a
été proposée (Tableau III) [8].
56 MAPAR 2017

Tableau III
Différentes étapes de la sténose aortique
Sévérité et
Grade Anatomie et hémodynamique valvulaire
symptômes
A A risque de RA Sclérose aortique ou bicuspidie valvulaire
aortique
B Sténose peu sévère Modérée: valve anormale avec Vmax
2-2,9 m.s-1, GPm< 20 mmHg
Moyenne: valve anormale mobilité réduite
avec Vmax 3-3,9 m.s-1 et GPm 20-40 mmHg
C RA sévère Sigmoïdes calcifiées épaissies avec mobilité
Asymptomatique très réduite; Vmax ≥ 4 m.s-1 ou GPm ≥ 40
mmHg, SAo souvent < 1,0 cm2
C1 : fonction systolique VG normale
C2 : FEVG < 50 %
D RA sévère Sigmoïdes très calcifiées épaissies avec
Symptomatique mobilité très réduite ;
D1 : RA sévère avec gradient élevé Vmax
≥ 4 m.s-1 ou GPm ≥ 40 mmHg, (SAo souvent
< 1,0 cm2, mais pas nécessaire pour le Dg)
D2 : RA bas débit- bas gradient avec FEVG
< 50 % ; écho de stress++
D3 : RA bas débit- bas gradient avec FEVG
normale

Chez les patients ayant un RAC, la progression annuelle de l’obstruction est


en moyenne de 0,1 à 0,3 m.s-1 (pour la Vmax), 3 à 10 mmHg (pour le gradient
moyen) avec une baisse de 0,1 cm2/an pour la surface aortique. Certains facteurs
sont associés à une progression plus rapide : l’âge, le caractère très calcifié du
RA et surtout sa sévérité [9].
Les recommandations européennes et américaines pour la prise en charge
des patients ayant un RAC reposent sur ces éléments [10, 11]. Le seul traitement
qui améliore le pronostic en cas de RAC sévère est la levée de l’obstacle valvulaire,
par voie chirurgicale (remplacement valvulaire classique) ou implantation valvulaire
percutanée (TAVI). Les indications respectives ne seront pas abordées ici. En
pratique, la chirurgie est indiquée en cas de RAC sévère associé à des symptômes
clairement liés au RAC (classe I) ; beaucoup d’autres situations peuvent également
être des indications (souvent de classe IIa) mais elles ne seront pas développées
ici [10, 11]. Avant une chirurgie non cardiaque chez un patient ayant un RAC, si
l’on propose un geste cardiaque préalable, il faudra prendre en compte les risques
propres de ces procédures, ainsi que la nécessité éventuelle d’une anticoagulation
ou d’un traitement anti-aggrégant.

4. RA ET CHIRURGIE NON CARDIAQUE


Dans les premières études sur le risque cardiaque péri-opératoire, le RA était
un facteur pronostique majeur de morbi-mortalité péri-opératoire. Il y avait une
augmentation nette de la mortalité et du risque d’infarctus myocardique et/ou
d’insuffisance cardiaque. Si le RAC n’apparaissait pas comme un facteur de risque,
Cœur et hémodynamique 57

cela s’expliquait soit parce que les patients ayant un RA serré n’étaient pas assez
nombreux dans l’étude (par exemple pour le Revised Cardiac Risk Index, RCRI) [12],
soit parce que la chirurgie n’était pas suffisamment à risque
Quand le RAC était correctement colligé dans les données, il était toujours
retrouvé comme un élément prédictif majeur de complications cardiaques graves.
Ainsi, Kertai et al. rapportaient une augmentation indépendante du risque de décès
ou d’infarctus non létal d’un facteur 5 en cas de RA [13]. De plus, le risque de
complication était lié au caractère plus ou moins serré du RA (31 % vs 11 %). Le
rôle du type de chirurgie non cardiaque et des co-morbidités du patient était bien
mis en valeur : il fallait un score RCRI à 1 ou plus pour que la différence RA vs non
RA apparaisse.
Les études plus récentes rapportent dans leur ensemble une augmentation du
risque beaucoup moins marquée et surtout permettent, en mettant en valeur un
certain nombre de facteurs de risque, de proposer un arbre décisionnel guidant les
cliniciens [14-16]. La différence entre ces études (anciennes versus plus récentes)
est multifactorielle : meilleure évaluation de la sévérité du RAC, optimisation de la
prise en charge anesthésique et du monitorage, prise en charge hémodynamique
mieux adaptée, enfin chirurgie moins invasive. Ainsi, Argawal et al. rapportent une
augmentation de la mortalité modérée (2,1 % vs 1,0 %, p = 0,04) et de l’infarctus
postopératoire (3,0 % vs 1,1 %, p = 0,001) en cas de RA [14]. En analyse multivariée,
les éléments indépendants prédictifs de mortalité à J30 ou d’infarctus sont : la
chirurgie à haut risque, le RAC sévère (défini par une surface aortique < 1 cm2) et
symptomatique, l’existence d’une insuffisance mitrale > 2/4 et une coronaropathie
associée. Une autre étude récente, cas - contrôle, n’incluant que des RA serrés
(SA ≤ 1 cm2, GmP ≥ 40 mmHg, ou pic de vélocité ≥ 4 m.s-1) pour de la chirurgie
à risque intermédiaire ou élevé, rapporte une élévation non significative de la
mortalité à J30 (5,9 % vs 3,1 % p = 0,13) mais une élévation significative (x2) de la
morbidité (événements cardiaques majeurs : 18,8 % vs 10,5 % p = 0,01) [16]. De
façon très importante, les auteurs rapportent que chez ces patients ayant un RAC
sévère, le caractère symptomatique ou non joue un rôle majeur dans le pronostic
péri-opératoire. Ainsi les patients ayant un RA serré asymptomatique ont un
pronostic péri-opératoire identique aux patients sans RA (mortalité à J30 3,3 % vs
2,7 % ; p = 0,73 et MACE 12 % vs 12 %) à l’inverse des patients symptomatiques
(mortalité 9,4 % vs 3,8 % p = 0,097 ; et MACE 28,3 % vs 8,5 % p < 0,001).
Finalement, au vu des données récentes on peut retenir un certain nombre
d’éléments qui sont associés à un risque péri-opératoire accru en cas de chirurgie
non cardiaque à risque intermédiaire ou élevé (Tableau IV) et peuvent amener à
discuter un éventuel geste cardiaque préalable [17].
Tableau IV
RAC et facteurs pronostiques en chirurgie non cardiaque
• Gradient moyen > 45-50 mmHg et / ou SAo < 0,8 cm2
• RA symptomatique
• Dysfonction VG systolique
• IM importante associée
• Elévation du gradient moyen à l’exercice ≥ 18 mmHg
• Coronaropathie associée
58 MAPAR 2017

5. ELÉMENTS DE DÉCISION
5.1. IMPORTANCE DE LA CONSULTATION D’ANESTHÉSIE
Le rôle de l’anesthésiste est majeur dans l’évaluation du risque [18]. Soit le
RA est déjà connu et il faut réunir tous les éléments récents (en particulier ETT
< 6 mois-1 an) qui vont permettre de prendre la décision ; soit le RA est suspecté
devant la découverte d’un souffle méconnu et le premier temps sera de confirmer
(ou d’infirmer) le diagnostic par une ETT indispensable, la deuxième étape du
raisonnement étant ensuite identique au premier cas de figu e. Il faut rappeler la
forte prévalence du RAC chez l’octogénaire (> 10 %) pour souligner l’importance
de l’auscultation lors de la consultation d’anesthésie, ce d’autant que le RAC reste
longtemps asymptomatique. Les éléments à rassembler sont : l’abolition du B2, la
recherche (parfois difficile) de symptomatologie d’effort, les critères échographiques
de sévérité du RAC, l’existence d’une insuffisance mitrale significative associée,
d’une dysfonction VG systolique marquée (FE < 40 %). Enfin dans les cas où
l’évaluation à l’effort est impossible ou négative, l’échographie de stress peut être
indiquée.
Par ailleurs, la recherche de comorbidités associées ainsi que l’évaluation
précise du risque de la chirurgie non cardiaque complètent le bilan, permettant
d’optimiser la prise en charge. Dans certains cas, des solutions alternatives peuvent
être envisagées et discutées : autre solution thérapeutique non chirurgicale (par
exemple dans certains cancers, type prostate) voire, quand le remplacement
valvulaire est retenu, une chirurgie combinée quand elle réalisable.
5.2. DÉCISION COLLÉGIALE
Au terme de ce bilan, de façon multidisciplinaire, une solution doit être proposée
au patient et à sa famille, en prenant soin de donner les informations sur les risques
respectifs et les solutions proposées. De nombreux patients asymptomatiques
peuvent être opérés de leur chirurgie non cardiaque dans un premier temps pourvu
que la prise en charge soit optimisée (Figure 2) [11, 19, 20]. Les données récentes
de la littérature incitent à n’envisager de commencer par le traitement du RAC que
lorsqu’il est serré et symptomatique (l’indication aurait été posée même indépen-
damment de la chirurgie non cardiaque) éventuellement avec d’autres facteurs
de risque pronostiques péjoratifs (Tableau IV). Si le geste cardiaque est envisagé
en premier, il faut prendre en compte le délai (et le retard parfois préjudiciable en
cas de chirurgie carcinologique) nécessaire avant de pouvoir procéder au geste
non cardiaque. Le choix du type de prothèse doit prendre en compte la nécessité
d’anticoagulation (intensité et durée) ; de même après un TAVI, une double anti-
aggrégation plaquettaire est nécessaire. La Figure 2 résume les éléments de la
discussion et de la décision.
La chirurgie non cardiaque urgente est à très haut risque en cas de RAC serré ;
dans les situations les plus aiguës, on peut être amené à proposer une valvuloplastie
percutanée avant, voire après la chirurgie non cardiaque. L’objectif étant alors de
lever partiellement l’obstruction valvulaire. Il s’agit d’une solution temporaire, le
traitement définitif du RAC restant à envisager secondairement. Ceci souligne deux
points essentiels sur les malades les plus à risque :
• Ils doivent être pris en charge dans des structures adaptées permettant une
approche multidisciplinaire permanente.
• Leur parcours postopératoire doit être prévu en unités de soins continus ou en
réanimation.
Cœur et hémodynamique 59

Figure 2 : arbre décisionnel

5.3. L’ANESTHÉSIE - MONITORAGE


Le type d’anesthésie (générale versus locorégionale) importe moins que le
respect des impératifs hémodynamiques déjà rappelés (Tableau I) [21, 22]. Le
point essentiel reste d’éviter toute hypotension artérielle. Ainsi, chaque fois que
la chirurgie le permet, une anesthésie tronculaire ou locale sera préférée. Dans
les autres cas la plupart des auteurs recommandent une anesthésie générale ; le
choix de l’agent hypnotique et le mode d’administration (IVD vs AIVOC) restent à
discuter pour autant que le monitorage et le contrôle de la pression artérielle soient
stricts. Le monitorage de la profondeur de l’anesthésie permet une meilleure titration
des agents d’anesthésie. Dans les rares cas de préférence pour une anesthésie
périmédullaire, la sympatholyse doit être modérée et progressive ; là encore le
contrôle de la pression artérielle prime.
Le choix du monitorage hémodynamique est principalement guidé par le type
de chirurgie et la sévérité du RAC. Le même raisonnement s’applique au choix du
parcours postopératoire. L’indication du monitorage invasif de la pression artérielle
doit être large. Un cathéter veineux central peut se discuter, essentiellement pour
administrer un traitement vasopresseur en continu. L’échographie transœsopha-
gienne peut être utilisée, mais nécessite un praticien entraîné. Le cathéter artériel
pulmonaire n’est plus guère recommandé ; là encore il supposait une grande
expérience, tant pour la mise en place que pour l’interprétation (notamment des
pressions).

CONCLUSION
La réduction du risque opératoire observée récemment chez les patients
ayant un RAC n’a été possible que grâce à l’action multidisciplinaire des différents
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praticiens. La place de l’anesthésiste est essentielle dans l’évaluation puis dans la


prise en charge pratique. Le rôle de l’ETT dans le diagnostic et l’appréciation de la
sévérité du RA reste un élément clé dans l’amélioration du pronostic de ces malades.

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