Cahier5 - Nova7 - Eco Prox - Production Locale
Cahier5 - Nova7 - Eco Prox - Production Locale
Cahier5 - Nova7 - Eco Prox - Production Locale
[Cahier n°5]
LE RESSORT
DE LA PRODUCTION LOCALE
Développer un nouveau modèle productif
et encourager les échanges locaux
SOMMAIRE
Présentation de l’étude .................................................................................................... 5
Contexte : Grand Lyon Vision Solidaire...........................................................................................................6
Objectif : face au chômage, explorer la dynamique de développement de l’économie de proximité ...........6
Une démarche d’étude en trois temps...........................................................................................................7
Méthode d’élaboration du cahier 5................................................................................................................8
Introduction ..................................................................................................................... 9
I. Etat des lieux : analyse du métabolisme économique de l’aire urbaine de Lyon........... 12
1. Analyser les impacts économiques d’une activité sur un territoire : présentation de l’outil
LOCAL FOOTPRINT®................................................................................................................. 13
2. Les secteurs d’activités qui ont l’effet d’entrainement le plus important sur l’économie
lyonnaise ................................................................................................................................ 16
2.1 Effet d’entrainement : distinguer impacts directs et impacts indirects..................................................16
2.2 Décomposition des retombées locales des secteurs d’activités de l’aire urbaine de Lyon ....................16
2.3 Les principaux secteurs d’activités constitutifs de l’économie lyonnaise...............................................21
2.4 Les secteurs d’activités présentant les multiplicateurs de production et d’emploi les plus élevés........23
3. Les secteurs d’activités qui génèrent les principaux flux d’importations ............................... 25
3.1 Les importations peuvent constituer une fuite de richesses..................................................................26
3.2 Les importations de l’aire urbaine de Lyon en 2013 : 38,2 milliards d’euros, représentant plus de
200 000 emplois ...........................................................................................................................................27
3.3 La géographie des importations lyonnaises............................................................................................28
3.4 Décomposition des importations de l’aire urbaine de Lyon par secteurs « acheteurs » et secteurs «
fournisseurs » ...............................................................................................................................................29
3.5 Synthèse : les secteurs d’activités contribuant le plus aux importations de l’aire urbaine de Lyon.......35
4. Les principales opportunités de relocalisation des échanges ................................................ 37
4.1 Précisions méthodologiques : identifier les nœuds d’échanges à fort enjeu de relocalisation ..............37
4.2 Les nœuds d’échange présentant les plus fortes opportunités de relocalisation ..................................39
Conclusion .............................................................................................................................. 41
II. L’enjeu de relocalisation de la production en perspective........................................... 42
1. L’autre facette de l’ouverture économique de la France : la montée des importations.......... 43
1.1 Sur la longue durée, les importations françaises se révèlent supérieures aux exportations..................43
1.2 A côté de l’énergie, le poids des importations de produits manufacturés .............................................44
1.3 La Chine, premier déficit commercial bilatérial de la France..................................................................47
1.4 La désindustrialisation de l’économie française résonne avec la montée des importations..................47
1.5 La contribution du commerce extérieur à la croissance se joue sur les deux plateaux de la balance :
exportations et importations........................................................................................................................53
PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE
INTRODUCTION
Le second cahier élaboré dans le cadre de cette étude – « Articuler économie exportatrice et
économie de proximité. Vers un renouvellement des politiques économiques des métropoles ? »1
– s’est intéressé à la manière avec laquelle la prise en compte de l’économie de proximité
réinterrogeait les politiques de développement économique déployées à l’échelle des
métropoles. Il montre que l’articulation entre économie exportatrice et économie de proximité
occupe une place essentielle dans le développement économique des territoires. Plus largement,
il a mis en évidence la nécessité d’envisager ce dernier de façon plus systémique, en considérant
que la captation de richesses à l’extérieur – par l’exportation de biens et de services, l’attraction
des capitaux ou encore l’accueil de touristes et de nouveaux habitants – était une condition
nécessaire mais non suffisante de la prospérité économique des territoires.
En effet, si injecter du « carburant » supplémentaire dans le « réservoir » permet de stimuler la
croissance économique, l’effet d’entrainement effectif de ces richesses sur l’économie locale (en
termes d’activité, d’emploi, de fiscalité, etc.) se révèle incertain (D.Vollet, 2012 ; J.‐F.Ruault,
2014 ; G.Marlier et alii, 2015). Un territoire n’est pas un récipient étanche duquel les revenus,
une fois introduits, n’auraient aucune possibilité de s’échapper (voir schéma page suivante). A
l’échelle d’une région métropolitaine, plusieurs catégories de « fuites » présentent un caractère
stratégique pour l’économie locale : évasion commerciale, importations, rémunération
d’investisseurs non résidents, etc. A cet égard, un certain nombre d’analyses provenant d’outre‐
Atlantique suggèrent qu’éviter la fuite d’un euro vers l’extérieur aurait le même impact que
capter un euro à l’extérieur du territoire : dans les deux cas, cet euro est « nouveau » pour le
territoire et rend possible un accroissement net de l’activité économique (C.Tiebout, 1962 ; G.
Erickcek et B.Watts, 2007 ; A.Markusen et G.Schrock, 2009 ; J.Kwon, 2009). Dès lors, la capacité
du territoire à limiter les fuites, c’est‐à‐dire à créer les conditions d’une circulation optimale des
richesses en son sein, apparait comme un autre enjeu crucial du développement économique
territorial (B.Ward et J.Lewis, 2002).
Captation et circulation locale des richesses forment ainsi les deux faces d’un même enjeu.
Poursuivre l’une en délaissant l’autre (et réciproquement) se révèlerait vain : se focaliser sur la
captation revient à verser de l’eau dans un seau sans voir que celui‐ci est percé ; réduire les fuites
sans se préoccuper des flux entrants permet simplement de ralentir un appauvrissement
inéluctable. Comme le résument les économistes Mario Polèse et Richard Sheamur (2009), la
« meilleure » situation, celle qui permet de bénéficier des avantages du commerce tout en ayant
une économie locale solide, est celle d’une région qui parvient à exporter sans trop importer. Il
convient ici de lever toute ambiguïté : de la même manière qu’aucun territoire ne peut viser à
capter à son profit l’ensemble de la demande et des revenus du reste du monde, aucun territoire
1
http://www.millenaire3.com/Developper‐l‐economie‐de‐proximite‐2‐Articuler‐e.122+M57810882c8a.0.html
ne saurait se donner pour objectif de colmater l’ensemble de ses fuites de richesses pour
parvenir à l’autarcie2.
Dans ce cadre, après avoir abordé la question de l’évasion commerciale et les moyens de
favoriser la consommation locale des ménages dans le précédent cahier– « Le ressort de la
consommation locale. Prendre le virage de la nouvelle révolution commerciale et mobiliser les
consommateurs » – nous nous interessons à présent aux fuites de richesses induites par les
importations du territoire. En effet, quand bien même les consommateurs se montreraient
fidèles à leur bassin de vie, leurs dépenses auront un effet d’entrainement des plus limité si elles
se traduisent avant tout par un accroissement des importations du territoire. On peut ainsi
s’interroger sur la provenance des produits manufacturés ou agro‐alimentaires commercialisés
par les enseignes présentes localement. De plus, ce questionnement ne vaut pas seulement pour
les activités relevant de l’économie de proximité mais concerne en définitive l’ensemble des
entreprises (au sens large : entreprises privées, administrations, associations, etc.) du territoire :
dans quelle mesure les biens et services consommés localement par l’ensemble des acteurs
économiques ont‐ils été produits, en tout ou partie, à proximité ? Le présent cahier s’interesse
ainsi au ressort de la production locale, c’est‐à‐dire la capacité d’un territoire à limiter les flux
d’importations en faisant en sorte que la demande des acteurs économiques locaux soit
davantage satisfaite par une production de proximité.
La première partie propose une analyse inédite de l’économie lyonnaise en éclairant les
retombées locales et les importations générées par les secteurs d’activités qui la composent. Elle
propose également une approche du potentiel de relocalisation de la production en région
lyonnaise.
2
Poursuivre un tel objectif supposerait en effet de se couper de la créativité et de l’efficacité des activités humaines
se déployant ailleurs dans le monde, de redéfinir de façon drastique les besoins locaux à satisfaire, de limiter la
mobilité des ménages, ou encore de se soustraire aux prélèvements obligatoires par lesquels s’exerce la solidarité
nationale. Plus largement, on peut songer ici à la situation de la Corée du Nord parait peu enviable…
Cette première partie vise à apporter des éléments de réponse à trois questions stratégiques :
Quels sont les secteurs d’activités qui génèrent les effets d’entrainement les plus
importants sur l’économie lyonnaise ?
Quels sont les secteurs d’activités qui induisent les flux d’importation les plus importants
en provenance de l’extérieur du territoire lyonnais ?
Quelles sont les principales opportunités de relocalisation de la production ?
Répondre à ces questions implique de se pencher sur les circuits d’échanges entre acteurs
économiques sur lesquels repose le fonctionnement de l’économie lyonnaise. L’analyse du
métabolisme économique de l’aire urbaine de Lyon comprend ainsi trois étapes :
Par ailleurs, le choix a été fait de mettre en perspective la situation de l’aire urbaine de Lyon avec
celles des aires urbaines de Toulouse et Nice. Ces territoires de comparaison ont été retenus en
raison de leurs profils économiques contrastés, la première apparaissant comme largement
tournée vers l’exportation au travers de la filière aéronautique, la seconde se caractérisant quant
à elle par une économie résidentielle et touristique particulièrement étoffée.
L’analyse du métabolisme économique de l’aire urbaine de Lyon proposée ici mobilise un outil
d’analyse économétrique novateur en France développé par notre partenaire Utopies. Construit
à partir du « tableau entrées‐sorties » de la comptabilité nationale et s’inspirant des outils de
monitoring et prévision économique utilisés depuis plus de 30 ans par de multiples collectivités
nord américaines, Local Footprint permet d’évaluer l’impact économique, social et
environnemental d’une activité sur un territoire donné.
Principes méthodologiques
Local Footprint repose sur trois principes méthodologiques fondamentaux, présentés en annexe
1:
Le tableau des entrées‐sorties (TES) de la comptabilité nationale française. Mis à jour
chaque année, le TES est une représentation synthétique de l'économie nationale. Il
rassemble dans un même cadre comptable l’ensemble des flux économiques
intervenant dans la formation (production) et l’emploi (consommation) du PIB au cours
d’une année. Il donne ainsi à voir les échanges entre les secteurs d’activités (pour leurs
approvisionnements comme pour leurs débouchés) composant l'économie nationale, et
les liens entre cette dernière et le reste du monde.
Cette matrice est calibrée à l’échelle du périmètre géographique auquel on souhaite
mesurer l’effet d’entrainement d’une activité, en prenant en compte les caractéristiques
économiques de ce territoire.
Les impacts économiques sont calculés par secteur d’activités avec un niveau de détail
distinguant 62 secteurs d’activité (Nomenclature statistique des activités économiques
dans la Communauté européenne – NACE)
Local Footprint permet d’approfondir l’analyse des impacts économiques d’une activité
en mettant au jour son effet d’entrainement sur le reste de l’économie. En effet, outre
les impacts directs (voir point précédent), il prend en effet en compte les :
‐ Impacts indirects : il s’agit de l’effet d’entrainement inter‐sectoriels des achats de
consommation intermédiaire (sous‐traitance, fournitures, services, etc.) de l’activité
concernée sur la chaine de fournisseurs. Celui‐ci concerne les fournisseurs de rang
1, mais aussi les inputs nécessaires à la production de ces produits intermédiaires,
et ainsi de suite jusqu’à épuisement de l’effet ricochet (fournisseurs de rang 2 et
suivants).
‐ Impacts induits : il s’agit de l’effet multiplicateur des revenus et de la fiscalité versés
par l’activité directe et indirecte. Ces revenus et cette fiscalité génèrent en effet une
nouvelle ronde de dépenses, comprenant les dépenses des ménages et celles des
administrations publiques.
Local Footprint permet une analyse des impacts économiques à différentes échelles
géographiques, permettant de distinguer effet d’entrainement local et fuites vers le
reste du pays ou le reste du monde.
Paramètres d’analyse
Concrètement, la mise en œuvre de Local Footprint implique de définir quatre grands
paramètres.
L’analyse du métabolisme économique de l’aire urbaine de Lyon permet tout d’abord de prendre
la mesure de l’effet d’entrainement local de chaque secteur d’activités (62 secteurs d’activités de
la Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne–
NACE). Autrement dit, cette première étape d’analyse vise à consolider l’identification des
secteurs qui jouent un rôle prépondérant dans l’économie locale et ainsi enrichir les éléments de
connaissance sur lesquels repose la politique économique du territoire (accompagnement
sectoriel, animation du tissu économique, soutien à l’entrepreneuriat, etc.).
Production cumulée
L’estimation de la valeur cumulée (impacts directs + indirects) de la production de chaque
secteur d’activités de l’économie lyonnaise pour l’année 2013 montre que les principaux moteurs
de création de valeur ne sont pas nécessairement ceux auxquels on peut s’attendre (voir
graphique ci‐dessous).
La construction et le commerce de gros supplantent largement les autres secteurs en
termes d’effet d’entrainement local ;
Plusieurs secteurs industriels (en bleu), composent le top 20 des secteurs d’activités
générant la production cumulée locale la plus importante, parmi lesquels figurent
plusieurs emblèmes de l’économie lyonnaise : chimie, raffinage, pharmacie, véhicules
automobiles. Toutefois, c’est la production et la distribution d’énergie (électricité, gaz,
etc.) qui apparait comme le premier secteur industriel de l’économie lyonnaise.
Pour le reste, on constate que l’essentiel des secteurs à plus fort effet d’entrainement
local se compose de services aux entreprises (en rouge : commerce de gros, services
juridiques et comptables, services administratifs, etc.), aux ménages (en orange :
services d’administration publique, commerce de détail, enseignement, santé, etc.) ou
mixtes (en violet :, services immobiliers, services financiers, etc.).
D’autre part, on remarque que plusieurs secteurs d’activités voient leur effet d’entrainement
progresser de plus de 30% lorsque l’on passe des impacts directs aux impacts cumulés : industrie
agroalimentaire, industrie automobile, commerce de détail, hébergement et restauration,
construction. Inversement, pour plusieurs secteurs à fortes retombées directes, cette progression
est inférieure à 15% : Cokéfaction et raffinage, Enseignement, Produits pharmaceutiques. Ceci
peut s’expliquer soit par un plus fort recours aux achats à l’extérieur du territoire, soit par un
poids des consommations intermédiaires dans la production plus faible que dans d’autres
secteurs (ou taux de valeur ajoutée plus élevé).
Si l’on compare l’aire urbaine de Lyon à celles de Toulouse et de Nice (voir graphiques en annexe
3), quelques différences significatives ressortent. Tout d’abord, la spécialisation de l’économie
toulousaine s’exprime très nettement dans la mesure où la production cumulée du secteur
« autre matériel de transport » (aéronautique…) domine très largement les autres secteurs.
Toutefois, à la différence de la région lyonnaise, aucun autre secteur industriel, à l’exception des
industries agroalimentaires, ne figure dans le Top 20 toulousain. Une autre spécificité
toulousaine comparativement à l’aire urbaine de Lyon réside dans la forte présence de services
aux entreprises spécialisés (services d'ingénierie, de contrôle et analyses techniques ; R&D ;
services informatiques) et du secteur de l’enseignement. Du côté de la Côte d’Azur, si le secteur
de la construction occupe également une place prédominante dans l’économie locale, la région
niçoise se distingue cependant par la contribution particulièrement significative du secteur des
services immobiliers. Autre particularité niçoise, sans doute liée à l’attracivité résidentielle et
touristique du territoire (notamment auprès des retraités), les secteurs du commerce, de la santé
et de l’hébergement‐restauration figurent dans les six premières place du Top 20. Enfin, par
contraste, on remarque que l’économie lyonnaise se distingue par le poids important des
services financiers.
Emplois cumulés
Lorsque l’on se penche sur le contenu en emploi de la production générée localement par chaque
secteur d’activités, la photographie n’est pas tout à fait la même (voir graphique ci‐dessous).
Si le trio de tête reste globalement le même, on ne retrouve pas les écarts de
performance constatés pour la valeur de la production.
A l’exception de l’industrie agroalimentaire (en bleu), les secteurs industriels
mentionnés plus haut disparaissent du classement. En revanche, y entrent l’industrie
des produits metalliques et celle des biens d’équipement.
Disparait également du classement le secteur de l’immobilier.
On retrouve les services aux entreprises (en rouge) présents dans le Top 20 précédent,
auxquels viennent s’ajouter les services liés à l’emploi et les services de logistique.
Surtout, on remarque que l’essentiel des dix premières place du classement est occupé
par des secteurs des services aux ménages (en orange), l’action sociale venant se joindre
aux secteurs déjà mentionnés dans le classement précédent. Ce qui vient conforter
l’idée que la problématique de l’emploi mérite d’être appréhendée à l’aune du
mouvement de servicialisation de l’économie et de la place particulière qu’y occupent
les activités de services aux ménages, principales composantes de l’économie de
proximité.
A nouveau, plusieurs secteurs d’activités présentent un effet d’entrainement en forte hausse
(>30%) quant on passe des impacts directs aux impacts cumulés : Industries agroalimentaires,
Services financiers, Construction, Machines et équipements.
La comparaison avec les aires urbaines de Toulouse et de Nice confirme les constats précédents
(voir graphiques en annexe 4) : forte spécialisation de la région toulousaine dans l’aéronautique
et, dans une moindre mesure, les services aux entreprises spécialisés ; sureprésentation des
services immobiliers et des secteurs de l’économie de proximité (commerce et services aux
ménages) au sein de l’aire urbaine de Nice ; poids plus important du tissu industriel et des
services financiers au sein de l’économie lyonnaise. Toutefois, d’autres caractéristiques
spécifiques de la région lyonnaise apparaissent : le commerce de gros et les services liés à
l’emploi se révèlent sensiblement plus prépondérants en région lyonnaise.
La comparaison avec les aires urbaines de Toulouse et Nice ne révèle pas de nouvelles
différences par rapport celles relevées précédemment.
Lecture : en 2013, la production cumulée du secteur de la construction de l’aire urbaine de Lyon s’élève à 13,9 milliards
d’euros, et ses emplois cumulés à 92 000.
Lecture : les 14 secteurs ci‐dessus sont classés dans le sens des aiguilles d’une montre en fonction du nombre d’emplois
cumulés généré. En 2013, le secteur du commerce de détail a généré 5,6 milliards d’euros de production cumulée, 69 120
emplois cumulés, 1,9 milliards d’euros de revenus d’activité cumulés et 0,6 milliard d’euros de fiscalité locale
Lecture : en 2013, lorsque l’industrie agroalimentaire lyonnaise produit 1 euro (impact direct), cela requiert la production
de 0,61 euro dans le reste de l’économie de l’aire urbaine de Lyon (impact indirect). Lorsque l’industrie du captage, du
traitement et de la distribution d'eau créé 1 emploi, cela requiert 1,43 emploi dans le reste de l’économie.
Si les différents secteurs d’activités composant l’économie lyonnaise génèrent des retombées
locales plus ou moins généreuses, ils engendrent par ailleurs des importations plus ou moins
élevées. En effet, l’ensemble des consommations intermédiaires (biens et services) achetées par
chaque secteur d’activités pour les besoins de sa production proviennent de fournisseurs qui ne
sont pas nécessairement localisés au sein de la région lyonnaise. Précisons que les importations
sont entendues ici au sens large, à savoir l’ensemble des importations en provenance de
l’extérieur de la région lyonnaise (du reste de la France ou du reste du monde).
Cette seconde étape d’analyse vise ainsi à mettre en évidence l’enjeu que représentent les flux
d’importations pour le développement économique du territoire.
Il convient tout d’abord d’expliciter en quoi les flux d’importations peuvent constituer
une fuite de richesses pour l’économie locale et donc justifier une attention particulière
en terme de stratégie de développement économique.
Il s’agit ensuite de donner à voir la valeur, le contenu en emplois et la géographie des
importations de l’économie lyonnaise prises dans leur ensemble : quelle est l’ampleur et
la provenance des importations de l’aire urbaine de Lyon ?
Enfin, la structure des flux d’importations de l’aire urbaine de Lyon est décrite de façon
plus précise en détaillant les secteurs « acheteurs » et les secteurs « fournisseurs », ainsi
que les contenus en emplois.
Précisons que l’analyse des importations proposée ci‐après concerne les achats des secteurs
d’activités de l’économie lyonnaise auprès de leurs fournisseurs de rang 1. De fait, l’impact
préjudiciable des importations pour l’économie locale se trouve sous‐estimé puisque l’ensemble
des impacts indirects au sein des chaines de fournisseurs n’est pas pris en compte.
Bien entendu, cette analyse mérite d’être nuancée. Un territoire comme la région lyonnaise a
necessairement besoin d’importer des biens et des services pour satisfaire une partie de sa
demande finale et intermédiaire. La raison la plus évidente est qu’il est impossible pour une
économie locale de produire l’ensemble du spectre de biens et de services disponibles à un
moment donné sur les marchés mondiaux. Cette impossibilité peut être physique (par exemple,
on ne peut produire de pétrole lorsqu’on ne dispose pas de ressources fossiles dans le sous‐sol),
humaine (lorsqu’on ne dispose pas des compétences nécessaires), technique (lorsqu’on ne
dispose pas des technologies nécessaires), financière (lorsqu’on ne dispose pas du capital
financier nécessaire), ou encore concurrentielle (lorsqu’on ne produit pas le pétrole à un niveau
de coût compétitif par rapport aux concurrents). Il serait donc excessif de considérer l’ensemble
des importations comme une fuite de richesses lorsqu’il n’existe pas d’alternatives locales pour
se substituer à elles.
Ce qui amène à se focaliser sur certaines fuites de richesses induites par les importations selon
plusieurs critères. On peut en effet s’intéresser prioritairement aux importations de produits
ou services vis‐à‐vis desquelles le territoire affiche une forte dépendance (à l’échelle du pays,
un exemple emblématique est bien entendu celui de la « facture pétrolière »). Par ailleurs, on
peut questionner en particulier les secteurs « fournisseurs » pour lesquels le territoire dispose
actuellement d’une capacité à produire, l’a détenue par le passé ou est en mesure de la
développer à l’avenir. Troisièmement, les importations répondant à des besoins de base du
territoire (agriculture, énergie, etc.) méritent sans doute une attention spécifique. Enfin,
certains flux d’importation peuvent être considérés comme une fuite de richesse dès lors que
leur provenance est jugée lointaine : par exemple, les importations provenant de l’étranger.
3.4 Décomposition des importations de l’aire urbaine de Lyon par secteurs « acheteurs
» et secteurs « fournisseurs »
L’analyse entrées‐sorties permet de préciser la nature des importations de l’aire urbaine de Lyon
en les décomposant par :
Secteurs d’activités « acheteurs » : quels sont les secteurs d’activités du territoire
lyonnais qui génèrent les principaux flux d’importations en valeur et en emplois ?
Secteurs d’activités « fournisseurs » : quels sont les secteurs d’activité situés à l’extérieur
de l’aire urbaine de Lyon qui fournissent les principaux flux d’importations en valeur et
en emplois ?
Dans les pages qui suivent, cette analyse porte sur l’ensemble des importations lyonnaises. Bien
entendu, elle pourrait être déclinée géographiquement : importations provenant du reste de la
région, du reste de la France ou encore de l’étranger.
Lecture : en 2013, les importations de l’industrie pharmaceutique lyonnaise sont estimées à 2,1 milliards d’euros, ce qui
représente environ 11 700 emplois.
Si l’on compare l’aire urbaine de Lyon à celles de Toulouse et de Nice (voir annexes 6 et 7),
plusieurs constats peuvent être établis. Du côté de la région toulousaine, si l’industrie est, ici
aussi, à l’origine de la moitié (49%) des importations, une différence notable réside dans le fait
que l’industrie aéronautique (autres matériels de transports) en génère à elle seule le 1/3 et
constitue ainsi de très loin le premier secteur importateur. Comme en région lyonnaise, on
retrouvent parmi les principaux secteurs importateurs toulousains plusieurs services aux
entreprises, avec une dominante des « services supérieurs » : Services architecture, ingénierie et
analyses techniques, R&D, Services informatiques. Du côté de l’aire urbaine de Nice, l’industrie
génère une partie beaucoup moins importante (environ 30%) des importations. La métropole
niçoise se caractérise également par le fait que la Construction constitue de loin le premier
secteur importateur. Enfin, les deux métropoles du Sud se distinguent par la présence de
plusieurs secteurs des services aux ménages (administration publique et de sécurité sociale,
santé, commerce de détail, hébergement et restauration) parmi les principaux secteurs
importateurs.
Six autres secteurs industriels figurent également parmi les principaux secteurs
« fournisseurs » : chimie ; produits métalliques ; agroalimentaire ; machines et
équipements ; caoutchouc et plastique ; produits informatiques, électroniques et
optiques. A l’exception des deux derniers, ces différents secteurs font écho à des points
forts de l’économie lyonnaise. Même s’il peut paraitre quelque peu paradoxal, ce
constat reflète sans doute le phénomène de globalisation des chaines de valeur
industrielles : par exemple, la quasi‐totalité des importations de machines et
équipements proviennent de l’étranger, près de 90% dans le cas de la chimie. Notons
enfin que, dans leur ensemble, les achats de produits industriels représentent un peu
plus de la moitié de l’ensemble des importations lyonnaises.
Un tiers de ces principaux secteurs « fournisseurs » relève des services aux entreprises
(en rouge). On remarque en particulier l’ampleur, tant en valeur qu’en emplois, des
importations de services juridiques et comptables, et de services administratifs,
d'enquête et autres services aux entreprises. D’une manière générale, les services aux
entreprises représentent près du quart des importations lyonnaises en valeur. Ce qui
témoigne de l’ampleur des échanges de services entre territoires.
Il convient également de souligner le contenu en emplois des importations relevant du
commerce de détail.
L’industrie et les services aux entreprises représentent également la moitié et le tiers des
importations en valeur des aires urbaines de Toulouse et de Nice (voir annexes 6 et 7). Ces
dernières présentent cependant plusieurs particularités. Tout d’abord, l’industrie extractive ne
figure pas parmi leur principaux postes d’importation, ce qui parait cohérent avec le fait que ces
3
Il s’agit des flux d’importation pris en compte par les comptables nationaux pour calculer la « facture
« énergétique » de la France (voir partie 2).
deux métropoles ne disposent pas de raffinerie sur leur territoire. D’autre part, les importations
industrielles toulousaines se distinguent par le poids important des secteurs : autres matériels de
transport (aéronautique) ; biens informatiques, électroniques et optiques ; réparation et
installation de machines et d'équipements. La métropole niçoise se distingue quant elle par le fait
que ses principaux postes d’importation sont constitués de secteurs industriels, à l’exception de
l’agriculture.
Lecture : en 2013, l’ensemble des secteurs d’activités de l’économie lyonnaise ont acheté pour 1 milliard d’euros environ
de services administratifs, d'enquête et autres services aux entreprises à l’extérieur de l’aire urbaine de Lyon, ce qui
Les secteurs situés dans le cadran en haut à gauche arrivent à satisfaire une large partie
de la demande locale qui leur est adressée mais plus de la moitié de leurs achats
donnent lieu à des importations. Ils soulèvent ainsi un enjeu de relocalisation de leur
approvisionnement.
Les secteurs situés dans le cadran en bas à droite combinent quant à eux un
approvisionnement majoritairement local mais laissent échapper la majeure partie de la
demande locale qui leur est adressée. L’enjeu pour eux est de mieux saisir les
opportunités de débouchés locaux qui s’offrent à eux.
Enfin, les secteurs situés dans le cadran en bas à gauche sont ceux dont les deux
indicateurs sont inférieurs à 50%. Autrement dit, il s’agit des secteurs d’activités qui
s’approvisionnement fortement en dehors de l’aire urbaine de Lyon et qui ne satisfont
qu’une part limitée de la demande locale s’adressant à eux. Ainsi, l’enjeu de
relocalisation est ici double : s’approvisionner davantage localement ; fournir davantage
le marché local.
Lecture : en tant qu’acheteur, l’industrie pharmaceutique lyonnaise réalise 17% de ses achats au sein de l’aire urbaine de
Lyon ; en tant que secteur fournisseur, elle satisfait pas 15% de la demande de l’aire urbaine de Lyon
Le graphique ci‐dessus met en évidence les secteurs d’activités identifiés précédemment comme
les principaux secteurs « acheteurs » et secteurs « fournisseurs » intervenant dans les
importations de l’économie lyonnaise. Ce qui permet de préciser les enjeux de relocalisation
propres à chacun d’eux. Plusieurs éléments peuvent être relevés :
Six de ces secteurs se positionnent dans la première catégorie rassemblant les secteurs à
fort ancrage local (cadran en haut à droite).
Huit secteurs présentent avant tout un enjeu d’approvisionnement local (cadran en haut
à gauche). Il s’agit d’une part de secteurs industriels – Cokéfaction et raffinage,
Réparation et installation de machines et équipements, Production et distribution
d’électricité, de gaz, de chaleur – et d’autre part de services aux entreprises – Services
Ce tableau permet ainsi de dresser une liste ressérée de secteurs d’activités en vue de
l’identification des opportunités de relocalisation. En effet, nous proposons de retenir les
secteurs figurant dans au moins trois des catégories suivantes :
principaux secteurs « acheteurs » en valeur absolue
principaux secteurs « fournisseurs » en valeur absolue
secteurs « acheteurs » s’approvisionnant principalement à l’extérieur de l’aire urbaine
de Lyon (taux d’ancrage inférieur à 50%)
secteurs « fournisseurs » satisfaisant moins de la moitié de la demande locale (taux
d’ancrage inférieur à 50%)
13 secteurs d’activités remplissent cette condition :
Industrie (8) : Chimie ; Pharmacie ; Machines et équipements ; Agroalimentaire ;
Automobile ; Produits métalliques ; Caoutchouc et plastique ; Equipements électriques.
Services aux entreprises (5) : Commerce de gros ; Services administratifs, d'enquête et
autres services aux entreprises ; Services de R&D ; Services architecture, ingénierie et
analyses techniques ; Logistique.
Au total, les différents éclairages proposés montrent que les importations de l’économie
lyonnaise prennent avant tout une dimension industrielle : elles sont très largement le fait de
l’industrie lyonnaise et elles portent pour l’essentiel sur l’achat de produits industriels. Avec des
enjeux en termes d’emploi qui sont loin d’être négligeables : les importations industrielles
représentent en effet environ 74 000 emplois.
Il convient également de souligner que, malgré son statut de seconde métropole française, Lyon
recourt fortement à d’autres territoires pour satisfaire ses besoins de services aux entreprises. Et
si les importations de services aux entreprises apparaissent deux fois moins élevées que les
importations industrielles en valeur, elles mettent cependant en jeu un volume d’emploi proche
(65 000 emplois environ).
4
Précisons que ces matrices peuvent être établies également pour les importations provenant du reste de la région,
du reste de la France hors région, ou encore de l’étranger.
…et faisant intervenir des secteurs fournisseurs pouvant être activés au sein de l’aire urbaine
Une fois identifiés les principaux nœuds d’échanges entre l’aire urbaine de Lyon et l’extérieur, se
pose ensuite la question de la capacité de la région lyonnaise à relocaliser une partie de ces
échanges. En première analyse, celle‐ci conduit à porter l’attention sur les secteurs
« fournisseurs » mis en jeu par les nœuds d’échanges qui viennent d’être identifiés, pour voir
dans quelle mesure ces secteurs sont présents au sein du pôle métropolitain. En effet, on fait ici
l’hypothèse que la capacité du territoire lyonnais à relocaliser ces nœuds d’échanges sera
d’autant plus forte que les secteurs « fournisseurs » concernés sont d’ores et déjà développés au
sein du tissu économique local. Il parait en effet difficile, au moins à court terme, d’envisager la
relocalisation d’un nœud d’échanges si le secteur d’activités « fournisseur » est inexistant
localement.
Concrètement, cette seconde étape de sélection des nœuds d’échanges à fort enjeu de
relocalisation consiste vérifier si les secteurs « fournisseurs » en question ont un poids significatif
dans l’emploi local et/ou s’ils sont surreprésentés au sein de l’aire urbaine de Lyon par rapport à
ce que l’on observe à l’échelle nationale (voir indice de spécificité des 62 secteurs d’activités de
l’économie lyonnaise en annexe 8).
4.2 Les nœuds d’échange présentant les plus fortes opportunités de relocalisation
Au total, cette démarche permet d’extraire 16 nœuds d’échanges à forte opportunité de
relocalisation. Le graphique ci‐dessous peut se lire de deux manières. D’une part, il constitue une
photographie des principaux nœuds d’échanges structurant les importations de l’aire urbaine de
Lyon. D’autre part, il donne à voir le potentiel d’échange local qui s’offre aux secteurs acheteurs
et fournisseurs mentionnés : par exemple, si le secteur Hébergement et restauration de la région
lyonnaise relocalisait la totalité de ses achats de produits agroalimentaires, cela permettrait de
générer 362 millions d’euros d’activité et 1 410 emplois au sein de l’industrie agroalimentaire
lyonnaise.
demande du secteur acheteur par le secteur fournisseur peut constituer une orientation
pertinente pour densifier ces nœuds d’échanges.
Une logique de services aux entreprises : plusieurs nœuds d’échanges mettent en
relation des activités de services aux entreprises (Services juridiques, comptables et
conseil de gestion, Services administratifs, d'enquête et autres services aux entreprises,
Services financiers). Ils témoignent semble‐t‐il d’une faiblesse en matière d’offre de
services aux entreprises : certains d’entre‐eux présentent un indice de spécificité
relativement peu élevé en région lyonnaise au regard en de son statut de seconde
métropole française.
Conclusion
Après avoir mis en évidence les principales opportunités de relocalisation des importations de
l’économie lyonnaise, il convient à présent de replacer l’enjeu de production locale dans un cadre
plus large. En effet, plusieurs évolutions globales sont de nature à renforcer l’importance de cet
enjeu pour la métropole lyonnaise et, plus largement, pour l’économie française. Trois éclairages
sont proposés en ce sens dans cette seconde partie.
Le premier propose une analyse du commerce extérieur de le France sur la longue
durée (1950‐2013). Celle‐ci permet tout d’abord de prendre la mesure de l’amplification
de l’ouverture économique du pays à partir de la fin des années 1960 et de souligner
l’expansion considérable des flux d’importations depuis lors, laquelle se traduit par un
déficit du solde extérieur à long terme. La forte dégradation de la balance commerciale
depuis une dizaine d’années et la structure des importations françaises sur la période
récente font également l’objet d’une attention particulière. Enfin, l’analyse met en
perspective le phénomène de désindustralisation de l’économie française à l’aune de
l’évolution du commerce extérieur.
Nous nous penchons ensuite sur une transformation plus récente du commerce
international, à savoir le développement de chaines de valeur mondiales. Depuis la fin
des années 1990, on assiste a une fragmentation croissante des processus productifs en
de multiples maillons répartis en différents lieux à l’échelle mondiale. Si ce processus est
favorable à une exploitation plus systématique des avantages comparatifs des pays et de
leurs territoires, il se révèle également sources de désavantages significatifs.
Enfin, parce que l’enjeu de relocalisation de la production concerne en premier lieu
l’industrie manufacturière, les conditions d’accès aux matières premières – et en
particulier aux énergies fossiles et aux métaux – constituent une question
incontournable. Or, tandis que la France dépend fortement des flux d’importations pour
ces matières premières, celles‐ci sont en voie de raréfaction à l’échelle mondiale.
Après un retrait brutal avec les deux guerres mondiales et la crise boursière de 1929, le
commerce mondial connait une nouvelle phase d’expansion à partir des années 1950 qui se
distingue par son intensité et sa régularité. Jusqu’à la crise de 2008, la progression des
exportations de marchandises s’est révélée nettement plus soutenue que celle du PIB mondial
(voir graphique ci‐dessous). A l’ère de l’économie mondialisée s’est donc imposée l’idée que la
prospérité des nations se jouait de plus en plus sur leur capacité à conquérir les marchés
mondiaux et à attirer les capitaux étrangers. Alors que la part de marché de la France dans le
commerce mondial connait le plus fort recul depuis 2000 parmi les principaux pays occidentaux
(Ministère du commerce extérieur, 2014), priorité semble devoir être donnée à la « politique de
l’offre » afin de restaurer la compétitivité économique nationale et assurer ainsi une croissance
plus soutenue des exportations. Certes de bon sens, cette approche semble toutefois insuffisante
dès lors que les importations connaissent par ailleurs une croissance effrénée. C’est cette
contradiction qui est explorée dans cette première partie sur la base des données du commerce
extérieur de la France.
Source : OMC
Pour autant, force est de constater que les importations ont connu une croissance tout aussi
vigoureuse, si bien que le solde des échanges extérieurs (biens et services) de la France pour
l’ensemble de la période 1970‐2013 se révèle déficitaire : ‐58 milliards d’euros (‐105 milliards à
prix constants). S’il peut paraitre modeste pour une durée aussi longue, ce déficit s’avère
nettement plus marqué si l’on se penche sur la période récente. On peut en effet distinguer trois
grandes périodes (voir graphique ci‐dessous) : déficit de 63 milliards entre 1970 et 1991,
excédent de 278,5 milliards entre 1992 et 2004, déficit de 273 milliards entre 2005 et 2013. On
constate de plus que cette dernière phase est aussi celle où le poids des importations par rapport
au PIB atteint un niveau inédit.
Ces constats peuvent paraitre quelque peu triviaux. Ils ont cependant le mérite de souligner que
l’équilibre à long terme du commerce extérieur, autrement dit sa soutenabilité5, ne dépend pas
seulement de la dynamique des exportations mais aussi de celle des importations.
5
Rappelons qu’un déficit récurrent du commerce extérieur tend à creuser la dette extérieure du pays dans la
mesure où son financement nécessite de recourir à l’emprunt auprès d’acteurs étrangers (M.Raffinot et B.Venet,
2003). Tant que le taux d’intérêt auquel emprunte le pays est inférieur à son taux de croissance, il est possible qu’il
conserve pendant des périodes très longues des déficits de sa balance courante. Toutefois, la crise des dettes
souveraines qui secouent l’Europe ces dernières années montre que le problème de la soutenabilité de la dette
extérieure n’est pas seulement théorique et qu’il peut déstabiliser profondément l’économie d’un pays.
Les deux‐tiers des importations françaises sont constitués de produits issus de l’industrie
manufacturière
Toutefois, si la facture énergétique pèse lourd, il est important de souligner que la dégradation
du solde extérieur de la France depuis le milieu des années 2000 ne doit pas seulement à la
montée des prix de l’énergie. En effet, si le solde de l’industrie manufacturière était
structurellement positif depuis l’après‐guerre, celui‐ci est devenu négatif depuis 2007, soit 118
milliards d’euros de déficit cumulé entre 2007 et 2013 (Insee, comptes nationaux). D’autre part,
on constate que, depuis le début des années 1970, les produits issus de l’industrie
manufacturière représentent en moyenne 65% des importations françaises annuelles. Sur la
dernière période (2005‐2013), ils en représentent plus des deux tiers (voir graphique ci‐dessous).
En revanche, les importations d’énergie ne représentent « que » 14% de l’ensemble des
importations françaises en 2013.
S’il l’on décompose les importations de produits manufacturés de la France (voir graphique de
gauche ci‐dessous), on s’aperçoit que quatre postes en représentent la moitié (en partant du plus
important) :
Matériels de transport
Produits informatiques, électroniques et optiques
Industrie chimique
Métallurgie et fabrication de produits métalliques, hors machines et équipements
Lorsque l’on se penche sur le solde extérieur, on constate cependant que certains de ces postes
sont néanmoins excédentaires grâce aux exportations (voir graphique de droite ci‐dessous). C’est
le cas du matériel de transport (grâce au secteur aéronautique principalement) et de l’industrie
chimique, qui figurent parmi les « fleurons » de l’exportation française.
Au total, outre la facture énergétique, l’économie française présente à première vue trois
« points faibles », c’est‐à‐dire trois postes pour lesquels les montants importés sont importants
et le solde extérieur fortement déficitaire :
Produits informatiques, électroniques et optiques
Métallurgie et fabrication de produits métalliques, hors machines et équipements
Textiles, industries de l'habillement, industrie du cuir et de la chaussure
6
Comme l’explique l’économiste El Mouhoub Mouhoud (E.‐M. Mouhoud, 2013), ce déploiement à l’étranger peut
s’accompagner d’une délocalisation dite absolue ou relative. La délocalisation est absolue lorsqu’une firme
supprime une unité de production ou d’assemblage dans un pays pour la transférer vers un autre pays ou la
remplacer par des opérations de sous‐traitance internationale. Elle est relative lorsque l’accroissement des
capacités de production est réalisé à l’étranger plutôt que dans le pays d’origine.
7
Certaines firmes déplacent leur production dans des pays où le coût des facteurs productifs est plus faible mais ne
répercutent pas la baisse du coût de production sur le prix du produit final dans les pays de consommation. Selon El
Mouhoub Mouhoud (2011), dans le cas français, les enseignes de la grande distribution ont joué un rôle dans
l’incitation généralisée à ce type de délocalisation. Ces stratégies de renforcement de la marge sont d’autant plus
préjudiciables pour les filières de production, l’emploi et les salaires en France que les gains obtenus ne sont pas
réinvestis dans l’activité mais distribués aux actionnaires. D’ailleurs ces stratégies de marge peuvent découler des
normes de rentabilité financière imposées par ces derniers (M.Coris et alii, 2010).
Source : CNUCED
Source : CNUCED
Source : OCDE
8
Ce que confirment avec constance les enquêtes menées par l’INSEE auprès des chefs d’entreprise (C.Sauviat et
C.Serfati, 2013).
Après avoir atteint un sommet au début des années 1970, le rythme de croissance de la valeur
ajoutée de l’industrie manufacturière française ne cesse de s’affaiblir depuis. De même, l’emploi
manufacturier est quasiment divisé par deux entre 1974 et 2013, ce recul se concentrant sur les
emplois d’ouvriers non qualifiés (N. Le Ru, 2011).
Trois secteurs manufacturiers voient leur solde extérieur se dégrader fortement avec la montée
du taux de pénétration du marché intérieur par les importations manufacturières (graphique ci‐
dessous). Deux d’entre‐eux combinent forte intensité en travail et faible intensité
technologique11 : industrie textile, habillement, cuir et chaussure ; industrie bois, papier et
imprimerie. Mais cette évolution concerne aussi une filière relevant des hautes technologies :
industrie informatique, électronique et optique. Toutefois, l’évolution de la valeur ajoutée de ces
secteurs ne se retourne pas immédiatement (voir graphique ci‐dessous). En revanche, leur
emploi cesse d’augmenter ou connait un recul acceléré à partir du milieu des années 1970 (voir
graphique ci‐dessous). La chute est particulièrement vertigineuse pour l’industrie de
l’équipement de la personne qui était le premier employeur manufacturier en début de période.
9
Rappelons ici que plusieurs études concordent pour estimer que plus de la moitié des pertes d’emplois industriels
relevées entre 1980 et les années 2000 sont liées à des évolutions structurelles des économies développées
(V.Hecquet, 2013 ; G.Ferrero, A.Gazaniol, G.Lalanne, 2014) : transferts d’activités de l’industrie vers les secteurs des
services en France, via l’externalisation ou la hausse de l’intérim ; déformation de la structure de la demande au
profit des services à mesure que le revenu des ménages s’accroit ; gains de productivité de l’industrie
structurellement supérieurs par rapport au reste de l’économie (la productivité du travail a quasiment quadruplé
dans l’industrie manufacturière entre 1970 et 2007 (L.Fontagné, P.Mohnenb et G.Wolff, 2014)).
10
Le taux de pénétration, calculé pour une économie, un secteur ou une branche (l'automobile, par exemple),
indique la part du marché intérieur qui est couverte par les importations : taux de pénétration = (importations /
marché intérieur) x 100. Le marché intérieur représente la production nationale augmentée des importations et
diminuée des exportations (P + I ‐ E).
11
L’OCDE répartit les industries en quatre catégories selon leur intensité de recherche et développement, laquelle
est appréhendée à travers les ratios des dépenses en R&D sur la valeur ajoutée et sur la production
Au regard des principales économies occidentales, la France apparait aujourd’hui comme l’une
des économies les plus désindustrialisées (voir graphiques ci‐dessous). Sur la période récente
(2000‐2012), notre pays a connu le plus fort recul de la part de l’industrie dans le PIB (à
l’exception du Royaume‐Uni) et est désormais l’une des nations où cette part est la plus faible
(en Europe, seuls le Luxembourg et la Grèce présentent une part de la valeur ajoutée de
l’industrie dans le PIB moins élevée). De plus, si le Royaume‐Uni, les Etats‐Unis et l’Espagne ont
connu un recul de l’emploi industriel plus fort que la France entre 2000 et 2012, notre pays
présente la plus faible part de l’industrie dans l’emploi total parmi les principales économies
occidentales.
Source : OCDE
12
Comme on l’a vu plus haut, les arbitrages réalisés par les entreprises dans un sens défavorable à la localisation
des activités sur le territoire national comprennent non seulement les délocalisations – transfert total ou partiel
d’une activité à l’étranger (soit auprès d’une filiale existante ou nouvelle, soit à travers une sous‐traitance auprès
de firmes non affiliées) et entrainant la fermeture ou la réduction forte de l’activité sur le territoire national – mais
également les « non‐localisations », c’est‐à‐dire la réalisation à l’étranger d’activités qui auraient pu l’être au sein
du territoire national, lesquelles sont nettement plus difficiles à mesurer et donc rarement prises en compte
(M.Coris et alii, 2010). Comme l’explique l’économiste Jacques Sapir, c’est par exemple le cas lorsqu’une entreprise
conçoit un nouveau produit en France mais en réalise l’industrialisation d’emblée dans un pays étranger. Il y a là un
« manque à employer » plus qu’une destruction directe d’emplois (J.Sapir, .
13
Selon l’ancien ministre du redressement productif, la bataille du « made in France » repose sur l’idée qu’« un
pays doit produire au maximum ce qu’il consomme, et préférer consommer ce qu’il produit »
2.1 Les chaines de valeur n’ont jamais été aussi éclatées à l’échelle mondiale
14
Rappelons que, entre les années 1930 et 2000, les coûts du fret maritime ont reculé de 80% et ceux des
transports aériens de 90%, et qu’entre 1947 et 1994, le niveau moyen des tarifs douaniers dans le monde a baissé
de 80 % (J.‐Y. Huwart et L.Verdier, 2012)
L’accroissement de la part des biens intermédiaires dans les importations des principaux
pays industralisés depuis le début des années 2000
L’amplification du contenu en importations des exportations des pays
Le poids croissant des pays du Sud dans la valeur ajoutée mondiale
Du point de vue des entreprises, leur spécialisation le long de la chaîne de valeur implique d’avoir
facilement accès aux importations de biens intermédiaires (M.Durand, 2013). En plaçant ces
dernières parmi les principaux facteurs de compétitivité, la globalisation des chaines de valeur
pousse ainsi à une libéralisation accrue des échanges internationaux.
Du point de vue des économies nationales, la montée du « commerce d’approvisionnement »
offre aux pays la possibilité d’exploiter leurs avantages comparatifs sans avoir à développer des
industries intégrées verticalement qui fournissent les biens intermédiaires nécessaires aux
producteurs de biens finis (Hoekman, 2013). Autrement dit, à l’heure de la globalisation des
processus productifs, il serait moins pertinent de viser une intégration sectorielle au sein d’un
pays ou d’une région que de chercher à spécialiser les savoir‐faire existants sur les segments à
forte valeur ajoutée et à les valoriser dans une diversité de branches sur les marchés mondiaux.
En corollaire, la substituabilité entre production domestique et importations aurait tendance à se
réduire puisque les importations correspondraient de plus en plus à des segments de production
délocalisés qui ne sont plus présents dans le pays (P.Artus, 2013).
15
En Chine, les salaires ont connu une accélération à partir de 2005. Alors que la progression annuelle était limitée
à moins de 5 % avant 2005, le cout salarial exprimé en euros connait depuis une progression à deux chiffres
comprise entre 12 et 18 % (E.‐M. Mouhoud, 2013).
mission dépasse la simple vente d’un bien ou d’un service : ce qui est en jeu désormais, c’est leur
aptitude à « rendre service » à leurs clients, c’est‐à‐dire à s’intéresser aux effets utiles qu’elles
sont suceptibles de leur apporter pour répondre à leurs besoins et attentes (P.Moati, 2011). On
peut ajouter que ces évolutions concernent également les échanges interentreprises (BtoB) où
bon nombre d’entreprises cherchent à échapper à l’intensification de la compétition par les prix
(et donc par les coûts) imposée par les économies émergentes en développant leur
« compétitivité hors prix » (ou « hors coût ») : la qualité, l'innovation, l’image de marque, les
services associés (logistique, SAV, etc.), les délais de livraison, le processus de vente, l'ergonomie,
le design, etc.
Dans ce contexte, produire à l’autre bout de la planète peut constituer un frein à l’adaptation et
la personnalisation de l’offre face à la variabilité de la demande. Est‐il pertinent de fabriquer en
Chine des séries courtes de produits dont le cycle de vie ne dépasse pas trois à quatre semaines
dans l’habillement par exemple ? La proximité de la production par rapport aux pôles de
demande devient ainsi un élément de compétitivité déterminant pour certains secteurs
(M.Gradeva, 2013). L’étude des stratégies de localisation des entreprises industrielles allemandes
montre ainsi que les entreprises qui sont leaders en matière de qualité et de réactivité, c’est‐à‐
dire qui se positionnent sur l’adaptation permanente de leurs produits aux attentes des clients,
sont celles qui délocalisent le plus rarement leur production à l’étranger (S.Kinkel et S.Maloca,
2010).
16
Ceci étant facilité par les investissements des économies émergentes dans la R&D et la formation de leur main
d’œuvre.
17
Certaines entreprises se déplacent là où sont les autres firmes uniquement parce qu’elles y sont. L’agglomération
constatée des activités économiques agit comme un signal positif dans les choix d’implantation (M.Coris et alii,
2010).
conception au centre (les pays développés) et la production à bas coûts dans les pays émergents,
est largement remis en cause : d’une part, la mise à distance de la production fragilise les
fonctions d’innovation qui tendent à être délocalisées elles aussi ; d’autre part, les économies
émergentes ne se cantonnent pas à un rôle d’atelier du monde et connaissent une montée en
puissance rapide de leur potentiel technologique (M.Coris et alii, 2010).
Dans ce contexte, la poursuite de la globalisation des chaines de valeur ne va plus
nécessairement de soi à l’avenir. D’un côté, on observe une tendance à la régionalisation (au sens
continental) des chaînes de valeur autour des principaux pôles de demande, c’est‐à‐dire le
couplage entre les aires de production et les aires de consommation (M.Gradeva, 2013 ; M.Coris
et alii, 2010). Celle‐ci se manifeste non seulement par l’amorce d’un mouvement de retour vers
leur pays d’origine d’activités de production délocalisées, mais également par une remise en
question de l’option de la délocalisation par les entreprises. D’autre part, la prise de conscience
du rôle crucial de la production industrielle pour la compétitivité de long terme des économies
nationales tend à remettre en cause les choix de politiques économiques de ces dernières
décennies, marqués en Europe par l’abandon des politiques industrielles nationales au profit de
la politique de la concurrence communautaire (C. Sauviat et C. Serfati, 2013 ; S. Guillou, 2014).
bas coût, avant que la relocalisation puisse être envisagée dans une étape de maturité
et d’approfondissement des positions de marché : logique de montée en gamme,
révision de la « chaîne de réactivité » (moindre taille des séries, capacité à personnaliser
les produits ou services, délais d’approvisionnement, etc.), innovations de produits et
organisationnelles, stratégie marketing autour du label « made in France »…
Un mouvement de relocalisation semble engagé, mais son impact en termes d’emplois reste
modeste
Plusieurs études rendent compte de l’existence aux Etats‐Unis d’un mouvement de relocalisation
(reshoring). Par exemple, selon la 3ème édition de l'étude "Made in America" du Boston
Consulting Group (BCG, 2014), enquête effectuée auprès de 252 cadres travaillant dans des
entreprises réalisant plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires, 54% des personnes
interrogées ont fait part de leur intérêt pour une relocalisation industrielle aux États‐Unis contre
37% lors de l’enquête 2012. D’autre part, 16% des personnes interrogées assurent préparer
effectivement la relocalisation alors qu'ils n'étaient encore que 7% en 2012. Lors de l’enquête de
2013, le BCG estimaient que ces intentions de relocalisations seraient en mesure de créer 2 à 3
millions d’emplois dont 400 000 à 750 000 emplois industriels au cours de la prochaine décennie.
En Allemagne, une enquête réalisée auprès de 7 000 entreprises industrielles allemandes a
montré qu’environ un tiers des délocalisations réalisées sur la période 2004‐2006 s’étaient
soldées par une relocalisation quatre à cinq ans plus tard (A.Rémond, 2013).
Qui qu’il en soit, ces opérations de localisation semblent n’avoir pour l’instant qu’un effet limité
en termes de création d’emplois. Aux Etats‐Unis, l’estimation, de la Reshoring Initiative évalue à
100 000 les créations d’emplois manufacturiers liées aux relocalisations entre 2010 et 2013. Or,
ces créations compensent tout juste les délocalisations intervenues sur la même période
(T.Bidet‐Mayer, P.Frocain, 2015). En France, les relocalisations industrielles sont d’autant moins
créatrices d’emplois qu’elles donnent souvent lieu à une automatisation plus ou moins poussées
de la production afin de faire face au coût du travail plus élevé en France : les emplois relocalisés
sont donc moins nombreux que ceux partis antérieurement (M.Gradeva, 2013).
Plus qu’un mouvement massif de relocalisation, la remise en question des chaines de valeur
mondiale conduit avant tout à réévaluer la pertinence de l’option de la délocalisation
Si un mouvement de relocalisation existe et pourrait prendre davantage d’ampleur à l’avenir, il
parait cependant illusoire, toutes choses égales par ailleurs, d’envisager un retour massif en
Europe des industries dominées par la compétitivité‐prix et intensives en main d’œuvre
faiblement qualifiées (textile, habillement, cuir, meubles, jouets, etc.). La localisation de ces
industries « low‐cost » devrait continuer à être guidée par la recherche des faibles coûts du
travail. Ainsi, elles s’orientent aujourd’hui vers des zones plus pauvres18 : les pays d’Asie où les
salaires sont encore très faibles (Vietnam, Cambodge, Philippines, Thailande, etc.), le Mexique et
certains pays d’Amérique centrale, et probablement l’Afrique subsaharienne dans un futur plus
lointain (T.Bidet‐Mayer, P.Frocain, 2015). De plus, l’augmentation soutenue des coûts de
production dans un pays comme la Chine tend à être contrebalancée par le fait que les
économies émergentes représentent une part croissante de la demande mondiale (M.Gradeva,
2013 ; T.Bidet‐Mayer, P.Frocain, 2015) : selon une étude du Trésor, les pays développés
représenteront moins de la moitié des personnes vivant avec plus de 30$ par jour dans le monde
en 2030 contre 80% en 2005 (A.Sode, 2014). Pour les firmes occidentales, la Chine est de moins
en moins une base de production pour l’exportation et de plus en plus un marché intérieur à
capter (F.Lemoine et D.Unal, 2015), et les entreprises qui délocalisent encore leur production
dans les économies émergentes le font moins pour des raisons de coûts que pour conquérir un
marché en forte expansion (S.Kinkel et S.Maloca, 2010 ; A.Sode, 2014).
Ces constats incitent à adopter une approche élargie de la notion de relocalisation (E.‐M.
Mouhoud, 2013). Au‐delà des mouvements de « retour au pays » d’unités productives,
d’assemblage ou de montage antérieurement délocalisées, la relocalisation peut se définir
comme le ralentissement du processus de délocalisation vers les pays à bas salaires, c’est‐à‐dire
18
Cette évolution pourrait toutefois se heurter au fait que les pays qui proposent des salaires bas ne disposent pas
de la taille, de l’efficacité et des chaînes d’approvisionnement de la Chine (M.Gradeva, Pipame, 2013b).
la remise en cause de l’option de la délocalisation pour motif de compétitivité par les coûts et la
préférence du pays d’origine pour l’implantation de nouvelles capacités de production. A cet
égard, la 3ème édition de l'étude "Made in America" du Boston Consulting Group (BCG, 2014)
révèle que les Etats‐Unis sont devenus la première localisation choisie par les grandes firmes
américaines pour implanter de nouvelles usines, dépassant ainsi la Chine et le Mexique. Cette
inflexion s’explique notamment par le fait que l’accès à une combinaison pertinente de
ressources (marchés, matières premières, approvisionnements, compétences, capacités
d’innovation) et la gestion efficace des risques paraissent aujourd’hui plus déterminants que le
seul critère des coûts salariaux (C.Bellego, 2014 ; Pipame, 2013).
19
« National Network for Manufacturing Innovation » aux Etats‐Unis ; 34 plans de la « Nouvelle France industrielle
» en France
20
« Total Cost of Ownership Estimator » proposé dans le cadre de la Reshoring Initiative aux Etats‐Unis ; « Colbert
2.0 » du Ministère du redressement production en France
21
Il s’agit de roches naturelles – telles que les argiles, la silice, le kaolin, le quartz, le talc, le mica, le feldspath,
l'andalousite et le sel – entrant dans les procédés de fabrication ou dans la composition de produits de
consommation courante (plastiques, papiers, peintures, céramiques, automobile, cosmétique, pharmacie,
agroalimentaire…) en raison de leurs propriétés physiques et chimiques spécifiques.
22
En 2010, à chaque tonne de matières premières importée/exportée de France (produits agricoles, sylvicoles,
minerais et minéraux bruts) est en moyenne associée 1 à 2 tonnes de flux de matières cachés (hors érosion des sols
agricoles). Ce ratio passe à 5 en moyenne pour les produits semi‐finis (produits agricoles ayant subi une première
transformation, bois découpé, métaux en lingots, barres, fils ou tôles…) et à 7 pour les produits finis (préparations
alimentaires, meubles, équipements industriels ou ménagers…).
Source: F.Krausmann et alii, 2009; Alpen Adria Universität, Institute of Social Ecology
23
Cité par F.Krausmann et alii, 2009
24
Rappelons par exemple que les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) représentent 74% de la consommation
d’énergie primaire de l’Union Européenne à 28 en 2013, dont 1/3 pour les produits pétroliers (Eurostat). La part des
produits pétroliers dans la consommation de certains secteurs s’avère également particulièrement élevée
(Eurostat) : 94% pour les transports, 93% pour la pêche, 82% pour l’industrie chimique, 54% pour l’agriculture, 45%
pour la construction. D’autres secteurs sont fortement dépendant du gaz pour leur consommation d’énergie
(Eurostat) : 48% pour l’industrie agroalimentaire et l’industrie textile.
25
Les métaux sont indispensables à la fabrication de la plupart des infrastructures, des constructions et des biens
manufacturés (biens d’équipement, véhicules de transports, électroménager, produits électroniques/informatiques,
etc.). Pour s’en convaincre, on peut constater le stock moyen de matières par personne dans les pays développés
pour les principaux métaux consommés (International Panel for Sustainable Resource Management, 2010) : fer =
7000 à 14000 kg ; acier = 7085 kg ; aluminum = 350 à 500 kg ; cuivre = 140 à 300 kg ; zinc = 80 à 200 kg ; plomb =
20 à 150 kg. Il convient également de noter que les nouvelles technologies ont fortement accru la diversité des
métaux utilisés (P.Bihouix, 2010, 2015). Jusqu’aux années 1980, l’industrie utilisait essentiellement les grands
métaux classiques comme le cuivre, le nickel, le chrome, l’étain, le plomb, l’acier ou encore l’aluminium. Mais
depuis elle utilise aussi massivement des dizaines de métaux de spécialité qui étaient jusque là réservés à des
usages très spécifiques (comme l’aéronautique) : lithium, cobalt, indium, gallium, etc. Même s’ils ne sont souvent
nécessaires qu’en infime quantité, ces métaux revêtent une importance de plus en plus grande dans la fabrication
de produits de haute technologie, compte tenu de l’augmentation du nombre de leurs fonctionnalités
(Communauté Européenne, 2008).
26
La dépendance de l’UE 28 aux importations en matière de consommation d’énergie est passée de 44% en 1990 à
53% en 2013, et de 80 à 87% pour les produits pétroliers (Eurostat). D’autre part, si l’Union Européenne est
autosuffisante en ce qui concerne les minéraux de construction (sable, gravier, pierre, etc.) et constitue le premier
ou le deuxième producteur mondial de certains minéraux industriels, elle dépend fortement en revanche
d’importations de minéraux métalliques (Communauté Européenne, 2008).
27
Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon, Australie, Nouvelle‐Zélande
28
Selon les données statistiques de l’ONU, les pays en développement (c’est‐à‐dire l’ensemble des pays moins les
pays occidentaux mentionnés plus haut) représentent 90% de la croissance de la population mondiale entre 1950
et 2005, et concentrent 81% de la population à cette dernière date.
29
Voir par exemple : UNEP – Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty
Eradication – 2011
30
Rappelons que la question de la consommation massive des ressources naturelles n’est qu’une facette de la
pression des activités humaines sur l’environnement. L’autre étant celle du bouleversement du fonctionnement
biophysique de la planète lié au rejets de déchets et de polluants (solides, liquides, gazeux) vers la nature
qu’impliquent l’extraction, la transformation et la consommation de ces ressources : changement climatique, recul
de la biodiversité, dégradations des écosystèmes, modification du cycle bio‐géochimique de l’azote, etc.
31
Ce qui parait plus pertinent pour évaluer l’empreinte écologique des modes de vie à l’ère industrielle.
plus que doublé, passant de 4,6 à 10,3 tonnes par habitant et par an entre 1900 et 2005 (voir
graphique de droite ci‐dessous). On remarque que l’augmentation a été particulirement
soutenue entre 1945 et le premier choc pétrolier, mais aussi depuis le début des années 2000.
32
Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon, Australie, Nouvelle‐Zélande
33
Si l’on décompose les consommations de matières, on constate que les pays industrialisés représentent encore
36% de la consommation mondiale d’énergies fossiles (A. Schaffartzik et alii, 2014)
importations de biens manufacturés en provenance des seconds, ce qui impliquent pour ces
derniers d’accroitre leurs importations de matières premières (OCDE, 2011).
L’accélération économique de la Chine depuis 15 ans est au coeur de ces mouvements de fond.
En même temps qu’elle accédait au statut d’« atelier du monde » (premier exportateur mondial
de marchandises depuis 2009), la Chine est devenue le premier importateur mondial de matières
premières (OCDE, 2015) : sa part dans les importations mondiales a quadruplé, passant d’un peu
moins de 4% en 2000 à près de 16% en 2012. Cette évolution est particulièrement spectaculaire
concernant les métaux, la Chine s’octoyant désormais 80% des importations mondiales de nickel,
65% des importations de plomb, 62% des importations de manganèse et 40% des importations
de cuivre en 2010 (OCDE, 2012). De même, la Chine est depuis le printemps 2015 le premier
importateur mondial de pétrole brut (L’usine nouvelle, 2015).
Au total, pour juger des « progrès » des pays occidentaux sur le plan de la consommation de
matières premières on ne peut se contenter de mesurer leur consommation apparente de
matières34. Il convient d’ajouter les importations de biens manufacturés ainsi que les
consommations cachées de matières premières que leur production implique dans le pays
exportateur (P.Roman, 2014). On s’aperçoit alors que l’empreinte matérielle globale des pays
occidentaux a suivi le rythme de l'augmentation de leur PIB, et donc qu’aucune amélioration de
la productivité des ressources n’a eu lieu au cours des dernières décennies (Wiedmann et alii,
2013). Ce constat apparait essentiel pour comprendre l’abscence quasi‐complète de progrès
significatif à l’échelle mondiale (G.Giraud, 2014).
La croissance économique dépend étroitement de celle de la consommation d’énergie
Le second argument concerne plus spécifiquement l’hypothèse d’un découplage énergétique
(réduction de la consommation énergétique par unité de PIB). Il convient tout d’abord de
rappeller le statut particulier des ressources énergétiques parmi les ressources naturelles.
Comme le soulignent de nombreux auteurs, l’énergie est la base de toute activité humaine dans
la mesure où elle constitue l’apport préalable et nécessaire à l’extraction, la transformation, au
transport et à l’utilisation de toutes les autres matières premières. Ainsi, la révolution industrielle
fut avant tout une révolution de l’énergie : c’est bien l’extraction de nouvelles formes d’énergie
(charbon d’abord puis pétrole et gaz) qui a permis le changement d’échelle de la production qui
caractérise l’ère industrielle.
34
Rappelons que la Consommation intérieure apparente de matières de chaque pays comprend les matières
premières extraites du territoire national, auxquelles sont ajoutées les importations physiques et retirées toutes les
exportations physiques.
Dans ces conditions, on peut s’interroger sur l’intensité de la relation entre la croissance
économique et celle de la consommation d’énergie à long terme. Sur ce plan, les travaux de
l’économiste Gaël Giraud (2014) montrent que le ratio de la richesse produite sur la quantité
d’énergie primaire utilisée est quasiment constant entre 1965 et 2011 à l’échelle mondiale (voir
graphique de gauche ci‐dessous). Si les pays étaient réellement parvenus, en moyenne, à
produire davantage de richesses avec de moins en moins d’énergie (découplage absolu), la droite
aurait pris une allure de plus en plus verticale. Or, comme le souligne Gaël Giraud, nous en
sommes très loin. Ses analyses montrent également que, pour plus d’une quarantaine de pays
(comprenant notamment l’ensemble des membres de l’OCDE), de 1970 à 2011, une
augmentation de 10% de la consommation d’énergie primaire par habitant a induit en moyenne
une augmentation d’environ 6% du PIB par habitant. En d’autre termes, le taux de dépendance
Evolution du PIB mondial (dollars constants de 2013) en Récessions économiques et prix du pétrole
fonction de la consommation mondiale d’énergie primaire (en
35
Cité par Pablo Servigne et Raphaël Stevens (2015)
36
Rappellons que le pétrole occupe la première place dans la consommation mondiale d’énergie primaire depuis le
début des années 1960.
Le concept du « peak oil » va trouver sa pleine reconnaissance lorsque l’histoire donnera raison à
son créateur. Hubbert avait prévu dès 1956 que la production de pétrole conventionnel des
Etats‐Unis atteindrait son niveau maximal autour de 1970, ce qui arriva effectivement en 1971
(U.Bardi, 2015). Le pic de production traduit lui‐même, avec un décalage dans le temps, le pic
mondial des découvertes de nouveaux gisements pétroliers. Celui‐ci a été atteint au début des
années 196037 et depuis 1981 nous consommons plus de pétrole que nous n’en découvrons et
l’écart n’a cessé de croitre depuis (C.Campbell, 2015). Aujourd’hui le monde consomme sept
barils pour chaque baril découvert, malgré une technologie de plus en plus performante
(P.Servigne et R.Stevens, 2015).
Selon l’Agence internationale de l’énegie, le pic de production de pétrole conventionnel38 a été
franchi en 2006 (AIE, 2010). Pablo Servigne et Raphaël Stevens (2015) précisent que selon les
stratistiques les plus récentes (BP Statistical Review of world energy 2014), la moitié des vingt
premiers pays producteurs, représentant plus des trois quarts de la production pétrolière
mondiale, ont déjà franchi leur pic de production de pétrole conventionnel, parmi lesquels les
Etats‐Unis, la Russie, l’Iran, l’Iraq, le Venezuela, le Mexique, la Norvège, l’Algérie et la Libye.
Notons que les pics de production de pétrole conventionnel évoqués ici (1971 et 2006) ont été
suivis de deux « chocs pétroliers ». D’une manière générale, comme en témoignent nombre
d’études de gouvernements, d’organisations internationales, de multinationales, un consensus
est en train de se former sur le fait que l’ère du pétrole abondant et bon marché est révolue
(P.Servigne et R.Stevens, 2015).
Par ailleurs, en dépit de la large place qu’il occupe dans les médias, le boom des hydrocarbures
non conventionnels s’apparente de plus en plus à un « feu de paille »39 (P.Servigne et R.Stevens,
2015). L’extraction de ces ressources se caractérise en effet par des pic de production beaucoup
plus précoces et des taux de déclin beaucoup plus rapides : aux Etats‐Unis, un article récent paru
dans la revue Nature avançait le chiffre de 60% de déclin de la production des nouveaux puits
rien que pour la première année (J.D.Hughes, 2013). Ainsi, pour compenser le déclin des puits
existants et continuer à augmenter leurs productions, les compagnies américaines doivent forer
toujours plus de puits et engager toujours plus de dettes. Ce qui conduit à une situation
financière pour le moins inquiétante : selon un rapport de l’administration américaine de
l’énergie, la trésorerie combinée de 127 compagnies qui exploitent le pétrole et le gaz de schiste
américain a accusée un déficit de 106 milliards de dollars pour l’année fiscale 2013‐2014 (US
Energy Information Administration, 2014). Au final, selon l’EIA, la production américaine
d’hydrocarbures non conventionnels devrait atteindre son plafond en 2016 avant de décliner à
partir de 2021 (US Energy Information Administration, 2014). Au total, selon le géologue Bernard
Durand40 (2013), le pic de la production pétrolière (conventionnelle et non conventionnelle)
devrait avoir lieu vers 2020 en l’abscence de toute contrainte autre que géologique.
37
Le pic des découvertes de gaz a quant à lui été atteint au début des années 1970 (4D, 2013)
38
Hydrocarbures conventionnels et non conventionnels sont de même type : il s'agit dans les deux cas de pétrole et
de gaz provenant de la transformation de matière organique contenue dans une roche (la roche mère). Ils se
distinguent par les conditions de leur extraction du sous‐sol. Classiquement, l'industrie pétrolière exploite les roches
réservoirs les plus perméables, au sein desquelles les hydrocarbures sont concentrés, en y forant des puits
Source parLaherrère, 2013
: Jean
lesquels les hydrocarbures remonteront (ou seront remontés) à la surface. Les techniques employées sont dites
"conventionnelles". Les hydrocarbures non conventionnels incluent, d’une part, les hydrocarbures piégés dans les
roches‐mères très peu perméables, dont l'extraction requiert la mise en œuvre de technologies spécifiques (dites
"non conventionnelles"), et d’autre part, les sables bitumineux, pétroles lourds et extra‐lourds dont la qualité très
visqueuse ne permet pas une exploitation "conventionnelle" (www.ifpenergiesnouvelles.fr)
39
Les références qui suivent sont citées P.Servigne et R.Stevens (2015)
40
Ancien directeur de la Division Géologie‐Géochimie de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles
(IFPEN)
Le principe de pic de production s’applique également aux autres combustibles fossiles. Des
analyses prospective montrent en effet que la probabilité est forte pour que la production
mondiale de gaz (conventionnelle et non conventionnelle) commence à décliner vers 2030 et
celle de charbon plafonne à partir de 2025‐2030 avant de décliner en 2070 (B.Durand, 2013 ;
J.Laherrère, 2013). Autrement dit, l’hypothèse d’un remplacement du pétrole par le gaz et le
charbon parait pour le moins fragile puisqu’elle contribuerait surtout à accélérer l’épuisement de
ces derniers (P.Servigne et R.Stevens, 2015).
Par ailleurs, le triplement du prix des métaux entre 2002 et 2008 (Commission Européenne,
2008) a rappelé que le principe de pic de production s’appliquait également à l’extraction de
minerais métalliques et a suscité une attention croissante de la part des institutions
internationales (Commission Européenne, UNEP, OCDE…) quant au risque de pénurie. Par
exemple, dans le cadre de l’initiative « matières premières » lancée en 2008 par la Commission
Européenne, un rapport d’experts, publié en 2010 et mis à jour en 2014 (Commission
Européenne, 2014), a établi une liste de 20 matières premières critiques en raison de leur
importance économique et du risque d’approvisionnement qu’elles soulèvent : antimoine,
béryllium, borate, chrome, charbon à coke, cobalt, gallium, germanium, graphite naturel, indium,
magnésite, magnésium, niobium, roche phosphatée, métaux du groupe platine, silicium, spath
fluor, terres rares lourdes, terres rares légères, tungstène.
L’énergie nette : frontière ultime de la consommation de ressources naturelles
Comme l’explique le chimiste italien Ugo Bardi, auteur d’un rapport pour le Club de Rome sur la
raréfaction des ressources naturelles, une erreur élementaire consiste à quantifier les ressources
non renouvelables en rapportant les réserves au niveau de production actuel sans prendre en
compte les ressources consommées pour les produire (U.Bardi, 2015). En effet, compter sur
l’exploitation intégrale des réserves restantes, qui restent encore très importantes une fois que
l’on a passé le pic, parait illusoire (P.Servigne et R.Stevens, 2015). L’histoire montre que
l’exploitation des gisements pétroliers s’arrête bien avant d’arriver au « dernier baril ».
Pour le comprendre, il faut tout d’abord rappeler que l’activité extractive est confrontée à des
rendements décroissants (D.meadow et alii, 2014 ; P.Bihouix, 2010, 2014 ; U.Bardi, 2015). En
effet, les ressources les plus accessibles et les plus concentrées ont été exploitées en premier. Au
fur et à mesure que celles‐ci s’épuisent, l’extraction se porte sur des gisements de moindre
qualité et de plus en plus difficile à exploiter, et ainsi de suite. Cette dégradation continue de la
qualité des gisements implique d’engager des moyens toujours plus importants – prospection,
études, machines, infrastructures, etc. – pour obtenir la même quantité de ressource. De plus, les
rendements décroissants peuvent se renforcer mutuellement. C’est ce qu’explique l’ingénieur
Philippe Bihouix (2014) s’agissant de l’intéraction entre extraction d’énergie et extraction de
métaux. D’un côté, l’exploitation d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) moins accessibles
entraine un besoin accru en métaux (par exemple, pour construire les plateformes deep
offshore) ; de l’autre, l’extraction de minerais de métal moins concentrés implique de mobiliser
davantage d’énergie (par exemple, pour faire fonctionner les énormes tombereaux utilisés dans
les mines à ciel ouvert). En résumé, les rendements décroissants entrainent une augmentation
des coûts d’extraction (et donc des prix) qui, au‐delà d’un certain seuil, entraine une baisse de la
demande, laquelle finit forcément par arrêter net l’augmentation de la production. En effet,
l’industrie ne se donnera jamais la peine d’extraire des ressources coûteuses au point de ne pas
pouvoir être vendues. Cela veut donc dire qu’il existe une limite à la faible teneur des ressources
que l’industrie peut exploiter (U.Bardi, 2015).
Ces constats sont au cœur de la notion de « taux de retour énergétique »41 (TRE). Introduite dès
les années 1970 par l’écologue Howard T. Odum et développée ensuite par son disciple Charles
A.S.Hall, le TRE permet de calculer l’énergie nette, c’est‐à‐dire la quantité d’énergie qui reste à la
société après soustraction de l’énergie utilisée pour la production de cette même énergie
(B.Thévard, 2013). Le TRE permet ainsi d’observer l’évolution dans le temps du rendement
énergétique de la « production » d’énergie, de façon globale et pour différentes sources
énergétique. Par exemple, le TRE de la production pétrolière des Etats‐Unis était de 100 pour 1
en 1930 (exprimé 100:1) : pour une unité d’énergie investie, on en récupérait 100.
41
Energy Return On Energy Invested (EROEI) ou Energy Return On Investment (EROI) en anglais
Largement ignoré par les politiques énergétiques nationales, le TRE constitue pourtant un
indicateur crucial pour anticiper les conséquences de la raréfaction des ressources non
renouvelables sur le fonctionnement des sociétés, c’est‐à‐dire les limites ultimes de ce que nous
sommes en mesure d’extraire et de produire (U.Bardi, 2015 ; P.Servigne et R.Stevens, 2015 ;
B.Thévard, 2013). Il est en effet essentiel de comprendre que la complexification des sociétés
(diversification et spécialisation des rôles sociaux, économiques et politiques, développement
des infrastructures et du contrôle sociopolitique, accroissement de l’économie des services…) est
étroitement liée à une consommation croissante d’énergie par habitant, comme l’a montré
l’anthropologue et historien américain Joseph Tainter dans un ouvrage de référence (1988).
Ainsi, le développement économique exceptionnel de l’Occident depuis la fin du 19ème siècle
repose en bonne partie sur l’augmentation de l’énergie nette permise par l’exploitation des
énergies (Y.Cochet, 2013). Aujourd’hui encore, un surplus énergétique conséquent est requis
pour être en mesure d’assurer l’ensemble des services actuellement offerts à la population
(J.Lambert et alii, 201242) :
pour pouvoir extraire, raffiner et transporter le pétrole jusqu’aux stations services, il faut
un TRE de = 1,5:1 ;
pour construire les infrastructures, les camions, les bateaux, les voitures, les avions et
tracteurs qui permettront d’utiliser le pétrole raffiné, TRE = 3:1 ;
pour produire l’alimentation, TRE = 5:1 ;
pour permettre à la population de vivre dans de bonnes conditions, d’avoir un habitat,
des meubles, des vêtements, TRE = 7:1 ;
pour maintenir un système éducatif primaire et secondaire, TRE = 10:1 ;
pour offrir un système de santé et d’enseignement supérieur TRE = 12:1
pour permettre l’accès aux arts et aux loisirs, TRE = 14:1
Se dessine ainsi un seuil en deça duquel la capacité des sociétés développées à soutenir
l’ensemble de leur organisation actuelle se trouve remise en question. Or, parce qu’il faut creuser
de plus en plus profond, aller de plus en plus loin en mer et utiliser des techniques et
infrastructures de production de plus en plus couteuses pour maintenir le niveau de production,
les surplus d’énergie offerts par les énergies fossiles connaissent une baisse continue et certains
se situent déjà en deça de 14:143. Par exemple, le TRE de la production pétrolière des Etats‐Unis
est passé de 100 pour 1 en 1930 à 35:1 en 1990 puis 11:1 aujourd’hui (C.Cleveland, 2005). A
l’échelle mondiale, selon C.Hall et alii (2014), le TRE moyen de la production de pétrole et de gaz
conventionnel se situe autour de 20:1 (voir grahique ci‐dessous). Celui de la production de
charbon apparait nettement supérieur, tandis que ceux des hydrocarbures non conventionnels
s’avèrent bien plus faibles : 2:1 pour les sables bitumeux (« Tar sands »), 5:1 pour pétrole de
schiste (« Oil shale »).
La baisse tendancielle du TRE de la production pétrolière amène plusieurs constats. Tout d’abord,
l’image de la courbe en « cloche » associée au peak oil, qui suggère que la redescente de l’autre
côté du pic serait tout aussi progressive que la montée, pourrait s’avérer pour le moins
trompeuse (P.Servigne et R.Stevens, 2015). La décroissance de la production d’énergie fossile
devrait être bien plus abrupte en raison des rendements décroissants. D’autre part, au vu du
caractère déterminant de l’énergie pour la réalisation et la croissance des activités humaines, la
baisse du TRE devrait impacter, outre l’extraction de matières premières, l’ensemble des activités
reposant fortement sur l’utilisation de ressources naturelles. Ce qui amène le spécialiste
américain du peak oil Richard Heinberg a envisager à l’avenir un « peak everything » (« pic de
tout »). In fine, le fait que l’on consomme de plus en plus d’énergie pour produire la même
quantité de biens et de services, va totalement à l’encontre du découplage (D.Meadows et alii,
2004 ; T.Caminel, 2014, 2015).
42
Cité par B.Thévard, 2013)
43
Les références qui suivent sont citées par Pablo Servigne et Raphael Stevens (2015)
Plus largement, l’éclairage apporté par le taux de retour énergétique incite à mieux appréhender
l’évolution de la productivité des ressources. A l’heure actuelle, les organismes statistiques
nationaux et internationaux mesurent celle‐ci en divisant le PIB par la consommation intérieure
de matières, laquelle correspond à la somme des flux de matières extraites du territoire ou
importées, réduite des flux de matières exportées. Or, cette approche présente plusieurs limites :
elle n’ajoute pas toujours aux matières brutes, les flux de produis semis‐finis ou finis ; les
consommations de matières brutes nécessaires à la production des produits semi‐finis ou finis
importés ne sont pas prises en compte ; le stock de capital productif accumulé (et les
consommations cachées de ressources qu’il implique) n’est pas intégré lui non plus au
raisonnement. D’autre part, on peut penser qu’une mesure plus pertinente de la productivité
dans un contexte de raréfaction des ressources devrait consister à comparer non pas une valeur
monétaire et une quantité physique, mais des quantités physiques entre elles. Concrètement, si
l’on prend l’exemple de l’agriculture, cela peut consister à rapporter la quantité d’énergie requise
pour produire une quantité donnée de nourriture. Or, de ce point de vue, l’agriculture
conventionnelle apparue après‐guerre – laquelle repose sur une forte consommation d’énergie
(machines, engrais, semences, etc.) – apparait de loin comme la forme de production alimentaire
la moins efficace jamais pratiquée (R.Heinberg, 2008). Selon l’ingénieur agronome Pablo Servigne
(2015), depuis 1940 l’efficacité énergétique de l’agriculture industrielle a été divisée par plus de
20 : en 1940, avec une calorie d’énergie, on produisait 2,3 calories de nourriture, tandis
qu’aujourd’hui il faut 7,3 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture. Dès lors, une
question s’impose : qu’en serait‐il si l’on appliquait cette approche aux différentes filières
industrielles ?
Les énergies renouvelables ne peuvent se susbtituer quantitativement et qualitativement
aux énergies fossiles
Poser la question des alternatives possibles aux énergies fossiles ne consiste pas simplement à
savoir si des solutions technologiques existent et fonctionnent, il s’agit d’évaluer si elles
permettraient de préserver le mode de vie des sociétés industralisées (B.Thévard, 2012).
Autrement dit, une question clé à se poser est de savoir si les énergies renouvelables peuvent se
substituer en quantité et en qualité aux usages actuels des énergies fossiles, et dans un temps
compatible avec la déplétion de ces dernières. Or, il semble que les conditions sont loin d’être
réunies pour que cela soit possible.
Tout d’abord, il faut avoir en tête les ordres de grandeur que représente l’ambition d’une
couverture de nos besoins énergétiques par les énergies renouvelables. Philippe Bihouix (2015a)
souligne par exemple que le plan Wind Water Sun proposé par le professeur Jacobson de
Stanford implique d’installer d’ici 2030 3,8 millions d’éoliennes de 5 MW et 89 000 centrales
solaires de 300 MW, soit installer en 15 ans 19 000 GW d’éoliennes (30 fois le rythme actuel de
40 GW au plus par an), et inaugurer quinze centrales solaires par jour. Autre exemple, toujours
de Philippe Bihouix (2014), pour produire les 22 000 TWh de la consommation électrique
mondiale (en 2011), il faudrait installer l’équivalent de 500 années de production actuelle de
panneaux solaires. Et s’il fallait couvrir l’ensemble de la consommation énergétique mondiale, il
faudrait au bas mot 2000 années de production de panneaux solaires.
Et si la marche à gravir est immense, les investissements énergétiques quant à eux sont loin de
donner la priorité aux énergies renouvelables (M.Klare, 2014). L’industrie de l’énergie continue
d’investir massivement dans les énergies fossiles et en particulier de plus en plus dans les
pétroles et gaz non conventionnels. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE),
l’investissement mondial cumulé dans l’extraction et la transformation de nouveaux
combustibles fossiles atteindra une somme estimée à 22 870 milliards de dollars entre 2012 et
2035, tandis que les investissements dans les énergies renouvelables, l’hydroélectricité et
l’énergie nucléaire s’élèveront à seulement 7 320 milliards de dollars. Durant cette période, les
investissements dans le pétrole seul, estimés à 10 320 milliards de dollars, devraient dépasser les
dépenses pour les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydraulique, nucléaire, les
biocarburants et toutes les autres formes d’énergies renouvelables combinées.
D’autre part, quand bien même les investissements massifs dans les énergies renouvelables
étaient au rendez‐vous, il y a de fortes chances pour que leur déploiement industriel bute sur la
question de la disponibilité des matières premières. D’une part, sa mise en œuvre opérationnelle
sera rendu plus difficile par la fin du pétrole abondant et bon marché. D’autre part, les
technologies mobilisées pour exploiter les énergies renouvelables font massivement appel aux
ressources métalliques, et des plus rares (P.Bihouix, 2014) : néodyme et dysprosium des aimants
permanents pour génératrices d’éoliennes ; gallium, indium, sélénium, cadmium ou tellure pour
certains panneaux photovoltaiques. Selon Philippe Bihouix (2015a), il faudrait ainsi multiplier par
15 la production annuelle de matières premières (acier, ciment, cuivre, terres rares, etc.) pour
assurer l’approvisionnement du plan Wind Water Sun. Mettre à disposition une telle quantité de
matières premières parait hors de portée, d’autant plus qu’il faudrait rééditer l’exploit au bout de
quelques décennies pour renouveler les capacités de production (P.Bihouix, 2014).
Enfin, force est de constater qu’aucune source d’énergie renouvelable ne présente les mêmes
qualité de densité énergétique44, de facilité de transport et de polyvalence45 que celles qu’offre le
pétrole (R.Heinberg, 2008). Plus largement, les énergies renouvelables qui connaissent
actuellement le plus fort développement – l’éolien et le photovoltaïque – présentent un taux de
retour énergétique46 (TRE) nettement plus faible que celui exigé par le fonctionnement des
sociétés développées. Une étude approfondie a démontré récemment que l’ensemble de la
filière photovoltaique en Espagne n’offre qu’un TRE de 2,5:1 en raison des multiples couts
énergétiques indirects qu’impliquent les énergies intermittentes : surveillance, assurances,
stockage de l’énergie produites, etc. (P.Prieto et C.Hall, 2013). Quant à l’éolien, en intégrant la
necessité de l’adosser à un système de stockage ou une centrale électrique thermique, son TRE
se situerait à 3,8:1 (D.Weißbach et alii, 2013). Les agrocarburants quant à eux présentent des TRE
inférieurs à 2:1 (D.Murphy et alii, 2010). Notons au passage que le TRE de l’énergie nucléaire
n’est pas plus encourageant : entre 5:1 et 15:1 (D.Murphy et alii, 2010). Seule l’hydroélectricité
affiche des performances confortables avec un TRE supérieur à 75:1 (C.Hall et alii, 2014).
Cependant, une étude récente a montré que les 3 700 projets hydroélectriques en cours ou
planifiés dans le monde n’augmenteraient la production électrique mondiale que de 2% (C.Zarfl
et alii, 2014).
En résumé, les énergies renouvelables ne semblent pas être en mesure de compenser le déclin
des énergies fossiles, et en particulier du pétrole, tant en terme de puissance que de diversité
d’usage (P.Servigne et R.Stevens, 2015 ; P.Bihouix, 2013 ; R.Heinberg, 2008).
En l’état actuel, le recyclage ne peut constituer qu’une réponse limitée
S’agissant des métaux, la problématique est quelque peu différente de celle des énergies fossiles.
A la différence de ces dernières, les métaux ne se transforment pas en gaz de combustion lors de
leur usage et ils peuvent donc être récupérés et recyclés. Selon Ugo Bardi (2015), si nous étions
capable de recycler 100% de nos déchets, nous n’aurions aucun problème de dépletion de nos
ressources et nous pourrions continuer éternellement à utiliser ce que nous avions extrait dans le
passé. Et au vu des taux de recyclage actuels, les marges de manœuvre paraissent énormes.
44
La densité énergétique d’une batterie électrique est de 100 à 150 fois inférieure à celle du pétrole (1kg de
batterie contient environ 80 Wh contre 11 500 Wh pour 1 kg de pétrole) (Thévard, 2012).
45
Le raffinage permet d’adapter le pétrole à une palette d’usages (transport, chauffage, fabrication de produits
chimiques, de médicaments, de textile, etc.).
46
Les références qui suivent sont citées par Pablo Servigne et Raphael Stevens (2015)
Cependant, comme l’explique Philippe Bihouix (2010, 2013, 2014, 2015) cette ambition parait
hors de portée dans le contexte socio‐économique actuel. Récupérer les matières métalliques
s’avère difficile, pour cinq raisons principales.
Certains métaux sont utilisées sous des formes dissipatives, c’est‐à‐dire comme additifs
chimiques dans les verres, les plastiques, les encres, les peintures, les cosmétiques, les
fongicides, les lubrifiants et bien d’autres produits industriels ou de la vie courante47. Par
définition, ces particules sont alors irrécupérables.
La diversité, la complexité et la miniaturisation croissantes des produits, des composants
(dizaines de métaux différents dans un téléphone portable ou un ordinateur) et des
matières (milliers d’alliages métalliques différents, mélange de plastiques et d’additifs,
matériaux composites) nous empêche d’identifier, de séparer et de récupérer
facilement les matières premières. Ceci empêche de recycler en conservant les qualités
de chaque matériau : comme on ne peut pas dissocier chacun d’eux facilement, on se
contente d’organiser quelques grandes filières de récupération dans lesquelles les
métaux de spécialité sont mélangés au reste et finissent dans des usages moins nobles
(comme les fers à béton du batiment par exemple). Autrement dit, ils ont bien été
recyclés, mais leurs qualités spécifiques (par exemple, la propriété anticorrosion du
nickel) seront définitivement perdues. Ainsi, les matériaux recyclés étant en principe de
moins bonne qualité, ils ne peuvent convenir qu’à des applications peu exigeantes.
Les nouvelles technologies ne font qu’aggraver ces difficultés. D’une part, elles
requièrent souvent des performances plus grandes, qui obligent à utiliser des métaux et
des alliages de grande pureté, rendant inutilisables les métaux « mélangés » issus du
recyclage. D’autre part, elles présentent généralement une complexité accrue qui
renforce les limites du recyclage que l’on vient d’évoquer.
Le recyclage est une activité consommatrice d’énergie, et ce d’autant plus que les filières
sont complexes.
Même si nous étions capables de mettre en œuvre des cycles de recyclage multiples, les
ressources initiales finissent par disparaitre irrémédiablement. Avec un métal recyclé à
50%, après seulement quatre cycles, presque 95% de la quantité de départ est déjà
perdue (U.Bardi, 2015).
Les économies de ressources peuvent être annulées par l’« effet rebond »
Dernier facteur présenté dans cette partie, l’« effet rebond » désigne le fait que les économies de
ressources (énergie, métaux, etc.) offerts par une nouvelle technologie peuvent être réduites,
voire annulées, dès lors qu’elles sont utilisées pour consommer davantage. En effet, lorsque
l’augmentation de la productivité des ressources se traduit par une baisse de leur prix, la
consommation totale a toutes les chances de ne pas baisser voire de s’accroitre en raison de
l’appel d’air que cette baisse de prix peut susciter (J.Schor, 2013). Les entreprises peuvent en
profiter pour augmenter la taille, la puissance, les performances ou encore les fonctionnalités des
produits (voiture plus lourde, ordinateur plus puissant, etc.). Les consommateurs quant à eux
auront tendance à acheter davantage d’un produit quand il coûte moins cher ou à utiliser les
économies réalisées avec celui‐ci pour accroitre leurs achats d’un autre produit. Ainsi, selon Juliet
Schor, c’est très précisément dans les secteurs où les économies d’énergie ont été les plus fortes
– le transport et le résidentiel – que la consommation croit le plus vite.
47
Selon Philippe Bihouix (2015), ces usages dispersifs concernent environ 5% du zinc, 10 à 15% du manganèse, du
plomb et de l’étain, 15 à 20% du cobalt et du cadmium, et, cas extrême, 95% du titane dont le dioxyde sert de
colorant blanc universel.
48
Le taux de croissance annuel du PIB/hab de l’Europe entre 1000 et 1819 se situe à 0,14% (A.Maddison, 2001, cité
par D.Demailly, 2013).
49
Comme l’explique Juliet Schor (2013), la croissance de la période industrielle apparait avant tout comme une
« croissance extensive », c’est‐à‐dire reposant sur la mise en œuvre d’une quantité croissante d’énergie et de
capital productif.
Des stratégies de préférence nationale qui peuvent accélérer le phénomène de raréfaction des
ressources
La perspective d’une pénurie croissante et systémique de certaines ressources naturelles non
renouvelables incite à renverser l’analyse traditionnelle des échanges économiques entre pays
occidentaux et pays du sud. Si l’on raisonne non plus en termes de valeur monétaire mais de flux
physiques, force est de constater que les premiers présentent une dépendance ancienne,
massive51 et croissante52 à l’égard des seconds. Comme on l’a vu, ce déséquilibre reflète à la fois
l’écart structurel entre le poids prépondérant des pays occidentaux dans la consommation
mondiale et leur dotation moins favorable en ressources naturelles (on pense en particulier aux
pays européens et au Japon), et une substitution accrue de la production manufacturière
intérieure par des importations en provenance des économies émergentes (et en particulier de
Chine). Alors que quelques pays du Sud, dont la Chine, détiennent une part significative des
stocks de ressources naturelles non renouvelables53, que certaines économies émergentes ont
acquis une capacité de production manufacturière de premier plan et disposent d’un marché
intérieur en pleine expansion, cette situation de dépendance des pays occidendaux, et en
particulier de l’Europe, pose question. La laisser perdurer, voire s’accentuer, à l’avenir reviendrait
50
Dont le faible taux de retour énergétique, la forte consommation de ressources qu’implique ses infrastructures,
et les coûts de production croissants ne permettent pas d’en faire une alternative crédible (P.Bihouix, 2015 ;
G.Magnin, 2014).
51
Selon Eurostat, en termes physiques et en intégrant les flux cachés, l’UE‐27 importe trois fois plus qu’elle
n’exporte en 2009 (S.Moll et C.Popescu, 2012). L’OCDE constate de son côté que, une fois pris en considération les
flux indirects, le déficit de la balance commerciale physique des pays du G8 passe de 800 Mt à plus de 2.4 Gt pour
2008 (OCDE, 2014).
52
Selon l’OCDE, la part de la consommation de matières des pays du G8 couverte par les importations est passée
de moins de 20 % en 1996 à près de 29 % en 2008 (OCDE, 2014).
53
Un rapport récent de l’IDDRI (D.Demailly et alii, 2013) soulignait que les réserves de pétroles sont très
inégalement réparties à la surface du globe, avec six pays (Venezuela, Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït et Émirats
arabes unis) détenant plus des deux tiers des réserves mondiales. Les réserves mondiales de gaz sont un peu mieux
réparties à la surface du globe, mais seuls dix pays se partagent deux tiers des réserves, dont la Russie (24 % des
ressources mondiales), l’Iran (16 %) et le Qatar (13,5 %). D’autre part, un rapport du CGSP (2013) constate le
caractère quasi monopolistique de la production pour un grand nombre de métaux de spécialité. Les terres rares,
l’antimoine, le béryllium, le magnésium, le niobium, les platinoïdes et le tungstène proviennent ainsi au moins à 75
% d’un seul pays. La Chine qui a par ailleurs entrepris de développer son industrie minière, apparaît comme un
acteur de premier plan : elle fait partie des trois premiers pays producteurs de treize matériaux stratégiques et
fournit plus de la moitié de la production mondiale de huit d’entre eux.
d’une certaine manière à faire le pari que les pays du sud continueront demain à être enclin et en
capacité de faire profiter d’autres pays du monde de leurs ressources naturelles et de leurs biens
manufacturés en plus de leur demande intérieure. Ce pari parait quelque peu risqué, pour au
moins deux raisons.
Tout d’abord, au fur et à mesure de leur développement économique et de la réduction de leurs
réserves de ressources naturelles, les pays exportateurs conserveront logiquement une part
croissante de leur production en vue de satisfaire leur propre consommation. En conséquence,
les quantités qui sont mises sur le marché devraient décliner avant le pic de la production
mondiale (P.Servigne et R.Stevens, 2015) : Bernard Durand (2013) constate par exemple que les
exportations mondiales de pétrole stagnent depuis 2004. D’ores et déjà, plusieurs institutions
internationales constatent que de plus en plus d’économies émergentes adoptent des stratégies
industrielles visant à protéger leurs ressources et à créer des situations favorables à leurs
industries situées en aval (Commission Européenne, 2008 ; OCDE, 2010…). Parmi ces mesures
figurent les taxes et les quotas d’exportation, les subventions, les ententes sur les prix, ainsi que
les dispositions restrictives en matière d’investissement étranger. Plus de 450 restrictions à
l’exportation concernant plus de 400 matières premières différentes ont été identifiées par la
Commission Européenne (2008). La Chine54, la Russie, l’Ukraine, l’Argentine, l’Afrique du Sud et
l’Inde figurent parmi les principaux pays appliquant de telles mesures.
Part de la Chine dans la production mondiale de métaux de spécialité
D’autre part, les pays émergents poursuivent des stratégies vis‐à‐vis des pays exportateurs de
ressources, dans le but apparent de se ménager un accès privilégié aux matières premières
(Commission Européenne, 2008). Par exemple, la Chine et l’Inde ont sensiblement accru leur
engagement économique en Afrique au cours des dernières années; dans le cas de la Chine, cette
stratégie comporte des projets d’infrastructure majeurs ainsi que la participation active à des
projets de prospection et d’extraction dans des pays tels que la Zambie (cuivre), la République
démocratique du Congo (cuivre, cobalt), l’Afrique du Sud (minerai de fer), le Zimbabwe (platine)
ainsi que le Gabon, la Guinée équatoriale et le Cameroun (bois).
Au total, les pays européens vont sans doute être soumis à un effet de ciseaux de plus en plus
marqué entre un recul des ressources disponibles sur les marchés mondiaux et une compétition
croissante entre pays importateurs pour se les procurer (B.Durand, 2013). Parce qu’elle soulève
un risque d’escalade dans la montée des prix mais aussi celui d’une rupture ponctuelle ou
durable d’approvisionnement (CGSP, 2013), cette situation augure à l’évidence des tensions
géopolitiques accrues. Plus largement, ces évolutions pourraient induire une inflexion historique
dans l’accés de l’Europe aux ressources naturelles. Jusqu’ici, la colonisation55 puis le principe de
libre‐échange – selon lequel les ressources de tout pays appartiennent au plus offrant
(C.Campbell, 2015) – lui ont permis de s’adjuger une part des ressources naturelles mondiales
bien supérieure à son poids démographique. Mais la dynamique soutenue de rattrapage
54
La mise en place de quotas d’exporation de terres rares par la Chine constitue un exemple emblématique de ce
type de stratégie
55
Rappelons que l’expansion industrielle des pays du Nord s’est faite au prix d’une exploitation acharnée des
ressources des territoires du Sud dans le cadre de la colonisation (C.Bonneuil et J.‐B. Fressoz, 2013 ; U.Bardi, 2015).
économique que connaissent un certain nombre de pays du Sud sur la dernière période tend à
relativiser la taille du marché européen et pourrait affaiblir le pouvoir de négociation de l’Europe
face aux pays exportateurs de ressources. A l’avenir, les pays européens pourraient être amenés
à devoir s’accomoder d’une part réduite d’un gâteau lui‐même rétréci.
56
Cité par P.Servigne et R.Stevens, 2015
57
Diversification et spécialisation des rôles sociaux, économiques et politiques, développement des infrastructures
et du contrôle sociopolitique, accroissement de l’économie des services…
58
Cité par D.Meadows et alii, 2004
59
Voir par exemple le Paquet «économie circulaire» adopté en décembre 2015 par la Commission Européenne,
l’intégration d’un volet « économie circulaire » à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte
adoptée par la France en aout 2015.
60
Rappelons ici que, chaque année dans l’Union Européenne, près de 15 tonnes de matières par personne sont
utilisées et chaque citoyen de l’Union génère en moyenne plus de 4,5 tonnes de déchets par an, dont près de la
moitié est mise en décharge (Commission Européenne, 2014).
faveur de l’économie circulaire proposent de transformer ce modèle dans le sens d’une réduction
de la consommation de ressources et des rejets de déchets en s’inspirant du fonctionnement des
écosystèmes. Toutefois, si les stratégies affichées s’efforcent de promouvoir un ensemble de
leviers d’action permettant de progresser vers une économie plus circulaire, cette dernière ne
semble pas faire l’objet d’une définition précise. Il parait pourtant essentiel d’avoir une vue claire
des marches à gravir afin d’être en mesure d’opérer des changements à la hauteur des enjeux.
Aussi, sont présentés ci‐dessous quelques éléments d’analyse sur les exigences soulevées par le
concept d’économie circulaire et les priorités d’action que l’on peut en déduire.
Source : http://www.institut‐economie‐circulaire.fr
Rompre avec le schéma linéaire traditionnel représente cependant un défi colossal dont il
convient de prendre la mesure, ce à quoi contribuent les travaux de l’ingénieur François Grosse
(F. Grosse, 2011, 2014). Disposant d’une longue expérience de la gestion des déchets au sein du
groupe Veolia Environnement, celui‐ci propose une analyse systémique du fonctionnement d’une
économie quasi‐circulaire du point de vue de la gestion des matières premières non
renouvelables. F.Grosse définit celle‐ci comme une économie satisfaisant la plus large partie de
ses consommations de matières premières par le recyclage de ses déchets. Pour y parvenir,
l’attention se focalise bien souvent sur la question de l’amélioration du recyclage : réduire au
minimum les déchets non valorisés dans un nouveau cycle de production‐consommation.
Toutefois, comme le démontre F. Grosse, si le recyclage est une condition indispensable pour
retarder les échéances de raréfaction des sources de matières premières, il s’avère totalement
insuffisant pour parvenir à une économie quasi‐circulaire. En effet, en l’état actuel des choses, les
volumes de matières recyclées que l’on est en mesure d’injecter dans le système s’avèrent
61
L’écart entre l’apport de matière vers les stocks (ce que l’on consomme) et le prélèvement de matière dans les
stocks (ce que l’on rejette vers les déchets) représente l’« addition nette aux stocks ». Il s’agit donc d’une valeur
absolue. F. Grosse explique également que l’on peut aussi calculer le « taux d’addition nette aux stocks » en
divisant l’addition nette aux stocks et la consommation totale de matière : c’est le pourcentage des consommations
qui s’ajoute effectivement aux stocks en cours d’usage.
62
Il s’agit des matières puisées dans les gisements naturels (F.Grosse, 2014).
… et de l’optimisation de la gestion des matières premières tout au long du cycle de vie des
produits dès leur conception
Si l’économie circulaire appelle une transformation pour le moins radicale des choix de
consommation, il parait en être de même s’agissant des processus productifs. En effet, les
stratégies d’économie circulaire qui se développent aujourd’hui mettent l’accent sur la nécessité
d’adopter une approche élargie de la production, intégrant l’ensemble du cyle de vie des
produits, depuis l’extraction des matières premières en amont jusqu’à leur recyclage en aval
(Ademe, 2014). Or, comme le souligne le Conseil Economique, Social et Environnemental, on
estime que 80% des impacts environnementaux et sociétaux d’un produit tout au long de son
cycle de vie sont déterminés au moment de sa conception (CESE, 2014).
Ce constat fait figure d’évidence dans le cas du recyclage. Chargé de boucler les flux en
transformant des déchets en ressources, l’activité de recyclage affronte en effet une double
complexité : celle découlant de la nature des flux de déchets (multiplicité des composants,
matériaux composites, alliages, etc.) ; complexité également des besoins des activités
demandeuses de matières premières (du fait notamment des matériaux à haute performance
exigés par les produits hi‐tech). Réussir l’interface entre ces deux complexités ne va pas de soi.
Dans un récent rapport, le Conseil Economique, Social et Environnemental souligne en effet que,
si la production française de matières recyclées a quasiment doublé depuis la fin des années
1990, le taux d’utilisation par les industries potentiellement consommatrices n’a cependant pas
absorbé les tonnages produits (CESE, 2014). En résumé, les performances techniques et
économiques du recyclage seraient beaucoup plus élevées si les produits étaient conçus en
amont de façon à être facilement recyclables et fabriqués à partir de matériaux recyclés. Mais
l’enjeu de la conception va bien au‐delà de la recyclabilité. Il concerne également la quantité et la
nature des matériaux mobilisés, l’efficacité des processus de fabrication, la durabilité et la
sobriété d’usage, la réparabilité, etc.
Partant du constat des limites intrinsèques du recyclage – en particulier les pertes quantitatives
et la dégradation des qualités fonctionnelles des matières à chaque cycle – certains auteurs, tels
que Philippe Bihouix (2013, 2014), Ugo Bardi (2015) ou Juliet Schor (2013), vont plus loin. Face à
l’ampleur du défi que constitue l’économie circulaire, ils proposent de repenser entièrement la
conception des produits à partir de la contrainte des ressources naturelles. Il s’agirait désormais
de donner la priorité à l’amélioration non pas de la valeur d’usage des produits (toujours plus de
puissance, d’espace, de fonctionnalités, de personnalisation, etc.) mais de leurs impacts
environnementaux. Autrement dit, cette approche consiste à définir une valeur d’usage
acceptable et à focaliser l’effort de conception sur l’amélioration de l’empreinte
environnementale du produit tout au long de son cycle de vie. Par exemple :
Au niveau de la production :
o Maximiser l’utilisation de ressources recyclées, ou à défaut renouvelables et de
proximité (comme la biomasse), et sans danger pour l’environnement ou les utilisateurs.
o Optimiser l’utilisation des ressources en quantité (utiliser juste ce qu’il faut de matières
pour chaque fonction requise) et en qualité (réserver les ressources les plus rares aux
biens les plus durables).
o Minimiser les impacts environnementaux (consommation de matières et d’énergie,
production de déchets…) lors des processus de fabrication (réduire le nombre de
matériaux, de composants, de fixations ; limiter les opérations d’assemblage…).
Au niveau de la distribution :
o Minimiser les besoins d’emballage des produits
o Optimiser la logistique
Au niveau de l’usage :
o Maximiser la durée de vie des produits (robustesse, fiabilité, etc.).
o Maximiser les possibilités de réparation, sur la base de savoir‐faire maitrisables
localement.
o Maximiser les possibilités d’amélioration des composants du produit sans changer le
produit lui‐même (upgrading).
Au niveau du recyclage :
o Maximiser les possibilités de réutilisation des pièces détachées.
o Maximiser les possibilités de recyclage des matières dans un nouveau cycle de
production.
o Minimiser la dégradation fonctionnelle des matières entre les cycles.
Cette approche soulève deux remarques. La première est qu’elle implique non pas moins mais
davantage d’innovation (B.Perret, 2015). A l’évidence, concevoir des produits répondant aux
différentes exigences (potentiellement contradictoires entre elles) évoquées plus haut constitue
un défi considérable pour les sciences et techniques. Mais encore faut‐il se donner les moyens de
le relever en faisant du développement durable le principe générique de l’effort d’innovation
(P.Bihouix, 2014 ; M.Aglietta et X.Ragot, 2015).
La seconde remarque est que cette approche volontariste de l’« éco‐conception63 » peut
nécessiter d’ajuster la valeur d’usage des produits aux conditions de sa soutenabilité
environnementale. En effet, selon Philippe Bihouix (2014), pour être radicalement moins
impactants pour l’environnement, les produits devront a priori être :
63
Notons que l’Ademe (2014) définit l’éco‐conception comme la « conception d’un produit, d’un bien ou d’un
service, qui prend en compte, afin de les réduire, ses effets négatifs sur l’environnement au cours de son cycle de
vie, en s’efforçant de préserver ses qualités ou ses performances ».
pourraient être réinventés sous cet angle : réfrigérateur, marchine à laver, automobile, etc. Or,
selon Max Blanchet, conseiller de directions générales de grands groupes industriels, les
ingénieurs français excellent justement dans l’optimisation des produits existants (M.Blanchet,
2014) : réduire les consommations de matières, d’énergie et, plus généralement, réduire le poids
et le volume des objets, faire moins cher, plus fonctionnel ou plus ergonomique, plus performant
à moindre coût.
Au total, au vu des analyses précédentes, l’adaptation aux contraintes du « monde fini » apparait
comme une condition de réussite incontournable du système productif de la métropole
lyonnaise. Autrement dit, le développement des chaines de valeur locales gagnerait à s’organiser
autour de l’enjeu des ressources naturelles.
Conclusion
Les différents éclairages proposés dans cette partie suggèrent que l’enjeu de relocalisation de la
production – en particulier industrielle – fait aujourd’hui pleinement sens pour la métropole
lyonnaise comme pour l’économie française.
Si l’ouverture économique croissante du pays aux échanges internationaux offre des
opportunités de croissance tout à fait significatives, les efforts en faveur de la politique de l’offre
ne peuvent être suffisants pour tirer bénéfice du commerce extérieur. En effet, à quoi bon
développer une offre fortement compétitive sur les marchés mondiaux si par ailleurs les
importations progressent plus rapidement que les exportations ? C’est bien la question que l’on
peut se poser lorsque l’on constate que, sur la durée, la France présente un solde du commerce
extérieur déficitaire, déficit qui a d’ailleurs explosé au cours des dix dernières d’années. La
contribution du commerce extérieur à la croissance se joue bien sur les deux plateaux de la
balance : exportations et importations. De ce point de vue, il convient de souligner que, si la
question de la facture énergétique est bien identifiée depuis les chocs pétroliers des années
1970, une inflexion majeure de la période récente réside dans le fait que le solde des échanges
de produits issus de l’industrie manufacturière a basculé dans le rouge en 2007 avec un déficit
cumulé de 118 milliards d’euros jusqu’en 2013. La problématique des importations
manufacturières mérite d’autant plus d’attention que celles‐ci constituent plus des 2/3 des
importations du pays. Enfin, on a vu que le phénomène de désindustrialisation de l’économie
française depuis plus de 40 ans coincide avec la montée du taux de pénétration du marché
intérieur par les importations manufacturières.
Mais l’ambition d’une réindustrialisation du pays, qu’appellent de leurs vœux nombre de
décideurs politiques ces dernières années, peut sembler à contre‐courant des tendances de la
mondialisation économique depuis le tournant des années 2000. De nombreux observateurs ont
mis en évidence un processus de fragmentation du processus de production en un grand nombre
de tâches effectuées dans des pays distincts pour tirer le meilleur parti des différences de
qualifications, de technologies, de disponibilités d'intrants et de prix des facteurs. Orchestrées
par le firmes multinationales, ces chaines de valeur mondialisées ont fortement contribué à
l’accélération du commerce mondial au cours des années 2000. Toutefois, cette dynamique
connait un réel essouflement ces toutes dernières années. Progressivement, les entreprises
comme les Etats font le constat d’un certain nombre de limites et d’effets pervers aux
délocalisations tous azimuts. Ce qui laisse augurer d’un mouvement de relocalisation de
capacités productives vers les principaux marchés de consommation, et a minima un recul des
projets de délocalisation.
Enfin, parce que l’industrie reste fondamentalement une activité de transformation de matières
physiques, envisager une réindustrialisation du pays pose inévitablement la question de l’accès
aux ressources naturelles. Or, les perspectives paraissent pour le moins difficiles. Alors que la
France affiche une forte dépendance aux importations pour les ressources stratégiques que sont
les énergies fossiles et les métaux, un recul de la disponibilité de ces ressources à l’échelle
mondiale se profile à un horizon proche, en raison : de leur caractère non renouvelables, des
rendements décroissants de leur extraction, de la montée des stratégies de préférences
nationales des pays riches en ressources et des fragilités inhérentes à l’organisation globalisée du
système économique. Ces constats incitent à rechercher les conditions permettant de rendre le
fonctionnement du système économique compatible avec les limites physiques de la planète. A
cet égard, si le concept d’économie circulaire ouvre une voie prometteuse, les exigences qu’il
soulève impliquent de refonder les produits et les chaines de valeur à partir de la contrainte des
ressources.
Les parties précédentes ont permis de mettre en lumière l’acuité de l’enjeu de la production
locale pour le développement économique de la métropole lyonnaise. Les importations peuvent
constituer en effet une fuites de richesses pour les territoires importateurs : outre la dépense
monétaire qu’ils impliquent, les flux d’importations représentent une production externalisée
dont l’effet d’entrainement en terme de valeur ajoutée, d’emploi, de revenu ou encore de
fiscalité échappe au territoire qui importe. En ce sens, l’enjeu de relocalisation de la production
consiste à convertir des flux d’importations en retombées locales, en faisant en sorte que chaque
activité composant le tissu économique lyonnais développent ses approvisionnements et ses
débouchés locaux.
Ce troisième et dernier volet du cahier vise à amorcer une réflexion stratégique sur les leviers
permettant à la métropole lyonnaise de favoriser cette relocalisation de la production. Deux
grands axes stratégiques sont ainsi proposés :
Un premier enjeu transversal consiste à renforcer la capacité du tissu économique local
à produire les biens et services consommés au sein de la métropole lyonnaise, en faisant
porter l’effort d’abord sur les principales importations actuelles (1.).
Il convient également de favoriser la rencontre entre l’offre et la demande au sein du
tissu économique lyonnais, car il ne suffit pas qu’acheteurs et fournisseurs soient
coprésents sur le territoire pour qu’ils « fassent affaire » (2.).
Dans la lignée des deux parties précédentes et compte tenu du caractère industriel de l’économie
lyonnaise, les pistes de réflexion et de travail proposées se focalisent sur l’enjeu de relocalisation
des importations concernant avant tout des échanges de matières premières, d’énergie et de
produits manufacturés.
Les importations comme révélateurs des marchés locaux à investir par les entreprises locales
S’appuyant sur une analyse historique des ressorts de l’expansion économique des villes, Jane
Jacobs explique qu’une localité ne devient une ville, puis une métropole, qu’à partir du moment
où elle connait des périodes de croissance rapide pendant lesquelles elle réussit à remplacer par
des produits locaux une part importante des biens et de services qu’elle avait coutume
d’importer d’autres localités de taille comparable (J. Jacobs, 2001, 1992). Elle montre que la
croissance économique provient du frottement entre les capacités productives locales et les flux
d’importation qui alimentent la consommation locale des entreprises et des habitants. Pour les
acteurs économiques locaux, les flux d’importations constituent en effet une incitation à
développer de nouvelles compétences, de nouveaux produits, de nouvelles activités pour in fine
se substituer à elles : les importations révèlent les marchés locaux qui s’offrent aux
entrepreneurs du territoire et incitent ses derniers à les investir.
biens et services qui sont le plus facile à produire, au fur et à mesure que la capacité de
production de la ville se diversifie et s’étend, celle‐ci peut s’attaquer à des produits importés de
plus en plus complexes (voir l’exemple de San Francisco ci‐dessous). Ce point est essentiel dans le
raisonnement de Jane Jacobs : la capacité à remplacer les importations n’est pas donnée, elle se
construit dans le temps sur la base des capacités productives accumulées localement ; en
d’autres termes, il ne suffit pas d’implanter une nouvelle usine hi‐tech dans une ville et de faire
venir le personnel qui va avec pour enclencher une dynamique de substitution d’importations.
La dynamique de substitution d’importations : l’exemple de San Francisco
Prenant l’exemple de San Francisco, Jane Jacobs explique que celle‐ci est devenue une ville de première
importance au moment de la ruée vers l’or lorsque des petites entreprises locales se sont tournées vers la
production de nombreux biens et services achetés par les chercheurs d’or, pour la plupart importés des
villes de l’Est. Ainsi, un épicier nommé Cutting, originaire de Boston s’est d’abord mis à importer des
confitures et compotes qu’il faisait venir d’un grossiste bostonien ; puis il a eu l’idée qu’il pouvait élargir son
créneau en devenant lui‐même producteurs de confitures destinées à la clientèle qui achetait déjà les
importations qu’il voulait imiter. Pour ce faire, Cutting a du convaindre des fermiers du coin de transformer
des champs de blé et de paturages en vergers. Puis il a dû modifier la nature de ses importations : il achetait
plus de sucre qu’avant et des bocaux vides. Il a réussi tant et si bien que des gens du coin l’ont imité, en
produisant d’autres aliments en bocaux et conserves. Et lorsque que ce marché est devenu assez important,
un entrepreneur s’est décidé à fabriquer des bocaux, tandis que d’autres importaient des plaques de fer
blanc pour fabriquer des boites de conserve. Et ainsi de suite. Jane Jacobs souligne que le remplacement des
importations de confiture, qui donna l’impulsion à toute une chaine de remplacement, n’est qu’un exemple
parmi beaucoup d’autres.
64
Argument repris plus récemments par des économistes tels que Ann Markusen, Joseph Cortright, Dominique
Vollet.
renouvellement des exportations peuvent également s’opérer dans les autres villes (voir schéma
ci‐dessous). Ainsi, l’expansion économique des villes résulte largement de ces relations
réciproques par lesquelles elles se stimulent les unes les autres (J.Jacobs, 2001, 1992) : d’un côté,
une ville en mesure de réorienter ses importations vers de nouveaux produits ne peut
effectivement le faire que si d’autres villes sont en capacité de proposer lesdits produits ; d’autre
part, les produits innovants offerts par telle ou telle ville trouveront plus facilement preneur
auprès d’autres villes engagées dans un processus de remplacement des importations (donc
solvables et ouvertes à la consommation de nouveaux produits). Jane Jacobs ajoute que ces
effets d’entrainement mutuels seront d’autant plus profitables qu’ils concernent des villes
présentant un faible écart de développement.
Les substitutions d’importation orchestrées par les villes comme condition de la prospérité des
nations
Jane Jacobs va tirer plusieurs enseignements majeurs de cette approche du développement
économique des villes :
Le processus de substitution d’importations est une fonction spécifique des villes et
celui‐ci est à la base de l’expansion économique car il génère un triple effet
d’entrainement : ancrage de la valeur économique contenue par les produits importés ;
diversification des activités et des savoir‐faire composant le tissu économique local ;
ouverture de nouvelles opportunités commerciales sur les marchés extérieurs.
La pensée macro‐économique dominante fait fausse route en considérant les économies
nationales comme des entités permettant de comprendre le fonctionnement et la
structure de la vie économique. Ce sont en effet les villes, et les échanges qu’elles
nouent entre elles, qui constituent le cœur de la dynamique économique des pays et des
échanges internationaux.
Le ralentissement de la croissance rencontré par un certain nombre de pays occidentaux
à partir des années 1970 reflète la prédominance de l’approche par les « avantages
comparatifs » (D.Ricardo), selon laquelle chaque nation a intérêt à se spécialiser dans les
productions pour lesquelles elle serait la plus compétitive à l’exportation. Les politiques
économiques nationales mises en œuvre dans ce cadre ignorent l’importance des
substitutions d’importations étrangères dans le renouvellement de la capacité
exportatrice du pays, ainsi que la nécessité de consacrer les gains à l’exportation non
pas à la spécialisation mais à la diversification économique. A fortiori, elles ignorent le
rôle central des villes dans ces mécanismes. Les logiques de spécialisation tendent ainsi
à affaiblir la capacité des villes à remplacer les importations et donc à renouveler leur
portefeuille d’exportation, ce qui réduit du même coup l’effet stimulant des échanges
entre elles (voir l’exemple de Detroit ci‐dessous). En résumé, le ralentissement
économique peut s’interpréter comme la conséquence de la mise à mal des dynamiques
urbaines de diversification économique par substitution d’importations.
La diversification sacrifié sur l’autel de la spécialisation : l’exemple de Détroit
Détroit s’est spécialisée au prix de sa diversité explique Jane Jacobs. Elle avait excellé en matière
d’exportation et de remplacement d’une multitude d’importations, jusqu’au jour où son secteur
d’exportation le plus florissant – l’automobile – domina l’économie de la ville. Vers le milieu des années
1920, la ville fit brusquement machine arrière. Les petits fournisseurs locaux avaient presque disparu, car les
grands fabricants d’automobiles en avaient intégré un bon nombre au sein de leurs sociétés et ne faisaient
plus appel aux autres. Les quelques fournisseurs restant se sont contentés de maintenir leur clientèle sans
l’élargir et n’ont pas développé de nouveaux secteurs ni de produits parallèles. De leur côté, les travailleurs
spécialisés se sont concentrés sur l’industrie automobile, négligeant de développer d’autres créneaux
économiques.
Une spécialisation initiale qui n’a pas impulsé sur une diversification économique : l’exemple de l’Uruguay
L’Uruguay est emblématique de ce que Jane Jacobs appelle les « régions ressources ». Spécialisé dans
l’élevage, ce pays fournissait en viande, laine et cuir des marchés lointains, en particulier européens. Il ne
produisait rien d’autre car il avait les moyens d’importer pour satisfaire l’ensemble de ses autres besoins.
Pendant les années 1940 et jusqu’au début des années 1950, l’Uruguay a connu un essor phénoménal, de
même que ses importations. Vers 1953, la situation commença à se dégrader car la production de viande et
de laine avait repris dans les économies affaiblies par la guerre. Les exportations de l’Uruguay vers ces
lointains marchés commencèrent à fléchir. Dès lors, le pays ne pouvait plus s’offrir autant de produits
d’importations. Or, n’ayant jamais substitué ses propres produits à la gamme de produits importés, la
capitale Montevideo ne disposait d’aucune assise pour établir la production diversifiée dont le pays avait
besoin à la fois pour satisfaire le marché intérieur et trouver de nouveaux créneaux d’exportation.
Au total, l’analyse de Jane Jacobs vient consolider une hypothèse centrale dans l’analyse
proposée dans ce cahier, à savoir le fait que la substitution d’importations constitue un levier de
développement économique de première importance pour les métropoles. Le remplacement des
importations par des productions locales apparait comme une voie de réindustrialisation des
territoires plus prometteuse que celle donnant la priorité à la spécialisation sur quelques activités
tournées vers les marchés d’exportation65. Cette approche fait d’autant plus sens dans le cas de
l’agglomération lyonnaise, réputée pour avoir conservée un tissu industriel important et
diversifié. Elle conduit in fine à souligner l’enjeu que constitue l’accompagnement des acteurs et
des initiatives économiques favorisant la diversification de l’économie lyonnaise par le
développement des substitutions d’importations. L’identification des marchés locaux non
satisfaits par une production locale constitue ici une première étape incontournable (voir partie
1.).
65
Notons au passage qu’un projet de recherche porté par l’université d’Harvard (« Observatory of economic
complexity ») tend à montrer que la « complexité économique » est un facteur durable de croissance économique
(R.Hausmann et alii, 2011, 2014). Un pays est dit « complexe » quand il peut exporter une grande variété de
produits que peu de pays dans le monde sont capables de produire. Or, les travaux de Jane Jacobs montrent que
cette variété se construit préalablement par une capacité à remplacer les importations, autrement dit par une
capacité à mieux satisfaire le marché domestique.
66
Ce qui fait particulièrement sens pour la France qui figure, comme on l’a vu, parmi les pays occidentaux les plus
désindustralisés.
67
L’étude combine deux méthodes. La première repose sur la construction d’une base de données statistiques sur
les mouvements de mobilité en Aquitaine des industries manufacturières et des services aux entreprises au cours
des années 2003 et 2008. L’autre volet méthodologique consiste en une enquête qualitative comprenant une
cinquantaine d’entretiens approfondis auprès de responsables d’entreprises issues des différents secteurs retenus
pour l’étude (une trentaine) et des experts sectoriels et des associations et organisations professionnelles ainsi que
des représentants des institutions et organismes en charge de la politique économique du territoire (une douzaine).
68
Ce qui rejoint des constats établis par l’étude du Pipame sur les relocaliations en France (E.‐M. Mouhoud,
Pipame, 2013)
Des entreprises plus ou moins exposées aux pressions actionnariales : grands groupes
exogènes vs PME régionales
L’étude montre également que la capacité des entreprises à privilégier une « stratégie qualité »
plutôt qu’une « stratégie coût », et donc leur sensibilité aux délocalisations, dépend largement
de leur structure actionnariale (M.Coris et alii, 2010). L’analyse statistique indique en effet que
les délocalisations concernent d’abord des entreprises dont le siège décisionnel est localisé en
dehors de la région (entreprises étrangères ou françaises hors Région), de taille importante
(supérieure à 500 salariés), qui ont des implantations internationales (multinationales) ou qui
appartiennent à des groupes. Ces constats sont confortés par l’enquête qualitative auprès des
entreprises qui montre que les établissements de grandes entreprises, malgré l’importance des
coûts irrécouvrables (importance du capital physique en particulier), présentent un potentiel de
mobilité bien supérieur à celui des PME indépendantes.
Les établissements de firmes multinationales subissent une pression plus importante sur la
réduction des coûts en raison du processus de financiarisation de l’économie. En d’autres termes,
l’objectif de réduction des coûts, qui constitue une motivation centrale d’un certain nombre de
délocalisations, ne reflète pas nécessairement une intensification de la pression des concurrents
mais peut découler d’une exigence de rentabilité financière élevée à plus ou moins court terme.
De plus, comme l’expliquent les auteurs, cette pression actionnariale sur les coûts se traduit par
une mise en concurrence entre les sites, nationaux ou étrangers à périmètre d’activités donnés :
les décisions de délocalisations ou fermetures par de grandes entreprises se font sans tenter de
réorienter l’activité mais plutôt en rationalisant l’existant. Autrement dit, la fragilité notée de
certains grands établissements en région résulte de leur défaut d’autonomie en matière de
décisions stratégiques. Enfin, l’étude met en évidence les effets en cascade de la pression sur les
coûts pour les fournisseurs et sous‐traitants locaux. Les donneurs d’ordre peuvent en effet exiger
de leurs partenaires une délocalisation de leur activité dans des zones low cost car le seul gain
jugé possible concerne le coût du travail : les auteurs parlent alors de « délocalisation par
procuration ». Autre cas de figure, la délocalisation du donneur d’ordre peut entrainer à sa suite
la délocalisation de ses fournisseurs et sous‐traitants qui sont contraints de suivre leur client.
A contrario, les témoignages émanant des PME indépendantes (propriété familiale, structure
coopérative, propriété détenue par les dirigeants et/ou les salariés) font état d’une pression sur
les coûts et d’une exigence de rentabilité moins fortes, laissant la possibilité de développer une
véritable stratégie industrielle à moyen‐long terme. L’ancrage de ces activités parait également
renforcé par l’attachement au territoire de leurs dirigeants.
69
Notons que l’intérêt de suivre les opérations de délocalisation réalisées par les entreprises locales parait bien réel
lorsque l’on sait que la grande majorité des entreprises qui relocalisent en France installent l’unité localisée sur un
site existant ou sur un nouveau site à proximité d’un site opérationnel de l’entreprise (C.Bellogo, 2014).
L’étude montre également que la réussite des opérations de délocalisation dépende aussi de la
nature des entreprises. La qualité de l’information mobilisée dans le processus de décision de
délocalisation sera meilleure dans le cas des grands groupes multinationaux du fait de leurs
ressources financières, de leurs retours d’expérience permis par leurs implantations
internationales existantes, etc. On retrouve cet écart une fois la délocalisation réalisée. Du fait de
leur faible taille et de leur manque d’expérience, les PME rencontrent de plus grandes difficultés
dans leurs relations avec leurs partenaires étrangers. Non seulement leur pouvoir de négociation
en matière de qualité et de délai est faible compte tenu de la taille limitée des séries
commandées (qui plus est face à celui des grandes entreprises et des multinationales), mais les
PME n’ont pas la capacité financière et juridique de s’opposer à la contrefaçon. Selon les auteurs,
ces constats signifient aussi que, à partir d’une masse critique d’implantations sur des marchés
offshore, le verrou de la distance culturelle et logistique peut s’estomper et devenir un
accélérateur des délocalisations.
Au final, parce que les comportements de mobilité des entreprises sont fortement liés à leur
autonomie de décision en matière de stratégie industrielle70, et donc à la structure de leur capital
et à leur taille, les politiques économiques territoriales font fausse route lorsqu’elles focalisent
leurs efforts sur l’attractivité et l’accompagnement de grandes firmes multinationales dont le
siège et/ou l’actionnariat se localisent à grande distance. Priorité devrait être donnée aux
entreprises à plus fort potentiel d’ancrage local, à savoir les entreprises :
originaires du territoire (siège social local) et/ou dont l’actionnariat n’est pas dominé par
des investisseurs distants.
dont la stratégie porte sur un marché proche (européen, national, local), compte tenu
de l’importance de la relation au marché dans les choix de localisation des entreprises.
L’étude amène également à distinguer au sein des entreprises locales les grandes firmes des
PME. Les premières présentent un intérêt particulier dans la mesure où elles peuvent constituer
des donneurs d’ordre importants pour le tissu de fournisseurs et sous‐traitants locaux. Les PME
justifient quant à elles une attention particulière pour plusieurs raisons :
Elles paraissent particulièrement exposées au risque de délocalisation ratée, ce qui
suppose un effort d’accompagnement afin de renforcer leur capacité de décision
stratégique.
Elles peuvent constituer des leviers d’ancrage des donneurs d’ordre présents sur le
territoire, dès lors qu’elles détiennent des savoir‐faire jugés stratégiques par ces
derniers.
Un modèle d’analyse des facteurs intervenant dans les choix de localisation des firmes
L’étude réalisée en Aquitaine repose sur un modèle d’analyse où la stratégie de la firme est
appréhendée à travers quatre relations fondamentales qu’elle entretient avec ses partenaires
70
Ce constat rejoint les analyses de Gilles Crague portant sur l’exploitation des résultats de l’enquête REPONSE de
l’Insee (G.Crague, 2014). Questionnant les directions d’établissement sur l’autonomie de gestion dont elles
disposent quant aux objectifs et aux moyens de production, cette enquête montre que les établissement
structurellement autonomes sur ces deux plans sont les entreprises monoétablissements, qui se distinguent par la
composition de leur capital : la famille, les particuliers, les salariés, l’Etat ou les collectivités territoriales constituent
l’actionnaire principal, ce qui favorise une personnalisation du rapport entre propriété et direction. En revanche,
seuls 1/3 des établissements faisant partie d’une entreprise multiétablissement et/ou d’un groupe déclarent être
autonomes concernant les décisions en matière de gestion des moyens de production (investissement, masse
salariale, emploi). De plus, une corrélation s’observe entre moindre autonomie de décision et les situations où
l’entreprise est côtée en bourse et/ou l’actionnariat comprend principalement des organismes financiers étrangers.
D’autre part, moins d’1/4 des établissements faisant partie d’une entreprise multiétablissement et/ou d’un groupe
déclarent être autonomes en matière de fixation des objectifs ; elle est négociée dans 36% des cas et imposée par
la direction générale de l’entreprise ou du groupe pour 37% des établissements. Une fois encore, l’imposition des
objectifs apparait correlé au fait que l’entreprise soit cotée en bourse. Au total, la moitié des établissements liés à
une entité extérieure est dépendante tant sur le plan des objectifs (codéterminés ou imposés) que des moyens
(dépendance sur au moins un plan : investissement, masse salariale, emploi). Et cette double dépendance a
d’autant plus de chance de se produire que l’entreprise ou le groupe est coté en bourse ou que le principal
actionnaire est un organisme financier étranger. Enfin, G.Crague explique que l’intégration d’un établissement
dans une organisation économique plus large entraine une intensification du turn over des dirigeants de
l’établissement.
71
Remarquons ici que les économistes Michel Aglietta et Xavier Ragot font de l’indépendance stratégique le facteur
fondamental de la capacité des entreprises allemandes à poursuivre des stratégies de long terme de montée en
gamme (M. Aglietta et X. Ragot, 2015).
72
Cette recherche de proximité à la demande aboutit parfois une réduction des aires de marché (M.Coris et alii,
2010).
73
On pense notamment au développement des living lab : sites de test « grandeur nature » visant à saisir comment
des prototypes de produits ou services sont appropriées ou non par les usagers dans un contexte proche de la
réalité quotidienne (G.Bing et N.Nova, 2015). On peut mentionner à Lyon la création en novembre 2014 du TUBA :
tube à expérimentations urbaines.
74
Ceci peut être facilité par le fait qu’un certain nombre de grandes entreprises (par exemple, La Poste, SNCF, EDF,
Areva, Carrefour, Vinci, Veolia, Michelin etc.) développent une fonction interne dédiée à la gestion des relations
avec les territoires d’implantation dans une logique transversale : innovation, RH, achats, etc.(Institut de
l’Entreprise, 2013 ; G.Crague, 2014).
dit, ce qui va ancrer une entreprise comme Airbus sur le territoire, ce sont les
compétences stratégiques qu’elle va y trouver. J’ajoute que cet effet d’ancrage est
d’autant plus puissant que ces compétences sont organisées à l’échelle du territoire.
C’est sur ce plan là que le territoire a une carte à jouer, en développant des
compétences indispensables aux grandes firmes. Il s’agit de bien comprendre de
quoi elles ont besoin pour répondre à la demande de leurs clients. C’est sur le plan
productif qu’il faut savoir se rendre indispensable ! » (interview de Gabriel Colletis,
juillet 2013, millenaire3.com).
Enfin, certains travaux incite à porter une attention particulière aux relations
d’approvisionnement concernant les fournisseurs de biens d’équipement75 (C.Sauviat et C.Serfati,
2013 ; M.Blanchet, 2014).
Zoom : l’importance des fournisseurs de biens d’équipement pour développer l’« usine du futur »
Si l’on redécouvre l’importance des capacités de production industrielle pour le devenir de l’économie
française, plusieurs observateurs soulignent quant à eux qu’un pays ne peut pas avoir une industrie forte
sans qu’il ne dispose d’une filière forte dans l’outil de production (C.Sauviat et C.Serfati, 2013 ; M.Blanchet,
2014). La corrélation entre ces deux éléments se vérifie nettement comme le montre l’exemple allemand.
Ceci parait d’autant plus vrai à l’heure où la révolution numérique appelle un fort renouvellement des
technologies de production. Comme l’explique Max Blanchet, conseiller de directions générales de grands
groupes industriels, cette nouvelle révolution industrielle repose sur l’interconnexion des machines de
production, des entrepôts et des systèmes de logistique et de contrôle des flux, afin de permettre aux
usines de « s’auto‐piloter », tous les éléments s’y contrôlant mutuellement : la machine A informe le chariot
B de prendre la pièce, récupérée par la machine C, etc. De cette façon, l’usine améliore ses stocks
intermédiaires et le taux d’utilisation de ses machines, tout en réduisant sa non‐qualité, de façon beaucoup
plus automatisée. On peut alors imaginer de placer toutes les stations de travail sur des plateaux mobiles
guidés par GPS pour créer une usine capable de se reconfigurer instantanément, au gré du type de produit
qu’elle a à faire ou des aléas des commandes. Fini le plan de production traditionnel si rigide, l’usine peut
ainsi fabriquer une diversité de produits beaucoup plus élevée en même temps. Cette révolution industrielle
s’étend aussi à la virtualisation d’usines et de procédés de fabrication, qui permettent de mettre au point
une chaîne de production virtuellement et de basculer l’ ensemble des logiciels dans les machines, réduisant
ainsi très significativement le temps d’industrialisation, de tests, de prélancements, etc. Une autre brique
très prometteuse concerne la technologie d’impression 3D, jusqu’à présent réservée à la fabrication de
petites pièces pour prototypes ou maquettes, mais qui va bientôt émerger pour fabriquer des pièces en
série, voire des objets beaucoup plus gros (une maison ou voire un véhicule). Enfin, les robots et automates
programmables évoluent aussi vers des machines qui peuvent travailler conjointement avec l’homme ‐ en
toute sécurité – pour lui faciliter sa tâche (on parle ici de « cobotique »). Ces nouvelles technologies
permettent des gains de coûts et de temps très importants, mais aussi de passer à la customisation de
masse, où la taille de série n’est plus une condition pour obtenir un coût bas.
Toutefois, pour parvenir à déployer l’« usine du futur76 », encore faut‐il disposer d’une offre compétititive
en matière d’outil de production, depuis la conception d’usines, les équipements industriels, les machines
de production et robots, jusqu’aux services associés (M.Blanchet, 2014). Or, dans ce domaine force est de
constater que la France a perdu pieds face aux Japonais, Allemands ou Suédois, voire aux Chinois, et s’avère
donc fortement dépendantes des fournisseurs étrangers. Catherine Sauviat et Claude Serfati constatent en
effet que la part de la production de biens d’équipement industriels dans l’ensemble de l’industrie
manufacturière en France est très faible (5 %) en comparaison de la moyenne européenne (9 %). Au sein des
biens d’équipement industriels, la situation de l’industrie française de la machine‐outil est encore plus
problématique : en 2011, elle occupait seulement la 8ème place en Europe, juste derrière la Turquie (Cecimo,
2011). La faiblesse de ce secteur reflète sans doute l’insuffisante tradition industrielle de la France, mais
également le « dualisme » de son système productif – l’écart croissant entre les grands groupes et les
entreprises de taille intermédiaire (ETI) et PME – qui n’incite pas les grands groupes industriels à établir des
relations de coopération et de partenariat avec les équipementiers industriels « mécaniciens » du niveau de
celles qui existent dans certains pays européens, en particulier en Allemagne (H.G. Vieweg, 2012). Catherine
Sauviat et Claude Serfati mettent en relation la situation difficile de cette industrie avec l’insuffisante
modernisation des équipements industriels : il y avait en France en 2011, 122 robots pour 10 000 emplois
industriels en France, contre 159 en Italie et 261 en Allemagne (J‐C. Uring, 2012).
75
Cette question fait particulièrement sens à Lyon où l’industrie des machines et équipements constitue une
spécificité de l’économie lyonnaise.
76
On parle aussi d’industrie 4.0, de « smart factories », etc.
L’étude réalisée en Aquitaine montre également que si les délocalisations portent avant tout sur
des activités plutôt standardisées et intenses en main d’œuvre, la crainte de perdre les
compétences détenues par les salariés de l’entreprise ainsi que leur productivité peuvent
constituer en revanche un frein aux délocalisations (M.Coris, 2010). La disponibilité et
l’adaptation de la main d’œuvre aux stratégies de montée en gamme des entreprises apparaisent
ainsi comme un facteur favorable à leur ancrage.
Ce constat rejoint une analyse plus large sur les difficultés rencontrées par l’industrie française à
pourvoir ses besoins de main d’œuvre. Si l’emploi industriel a fortement décru, il est loin d’avoir
disparu. Surtout, les besoins de main d’œuvre de l’industrie ont fortement évolué sur le plan des
métiers et des compétences, s’éloignant de plus en plus de la représentation traditionnelle d’une
forte concentration d’effectifs peu qualifiés dans de grandes installations productives (G. Le
Blanc, 2011 ). Tout d’abord, les ouvriers non qualifiés pèsent aujourd’hui moins lourds que les
cadres dans l’ensemble des emplois de l’industrie manufacturière en France. Ensuite, au sein des
emplois industriels, la part des métiers non industriels (transport, logistique, métiers
commerciaux, de gestion et d’administration, informaticiens) ne cesse de croitre. De plus, les
effectifs sont répartis dans des établissements de plus petite taille mais plus nombreux, ce qui
peut induire une augmentation de la mobilité des salariés entre unités productives. Enfin, la
problématique des ressources humaines parait d’autant plus prégnante que l’industrie française
se caractérise par une main d’œuvre relativement âgée et proche du départ à la retraite, et que
les métiers industriels connaissent une image dégradée auprès des jeunes.
Parce que ces constats concernent bon nombre d’autres pays industralisés77 et que plusieurs
observateurs anticipent des pénuries de main‐d’oeuvre industrielle qualifiée dans les années qui
viennent, la qualité de la main d’œuvre et du fonctionnement du marché du travail deviennent
un facteur de compétitivité majeur et une variable clé des choix d’investissement, de localisation
et d’organisation des firmes industrielles (G. Le Blanc, 2011 ; M.Gradeva, Pipame, 2013). Ainsi,
pour les territoires disposant d’une base productive industrielle comme la métropole lyonnaise,
cela soulève des enjeux décisifs d’anticipation des besoins d’emplois et de compétences, de
formation et de recrutement et de mutualisation. A cet égard, il parait opportun de porter une
attention particulière aux salariés de l’industrie les moins qualifiées, qui sont les plus exposés au
risque de délocalisation, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi.
77
Aux Etats‐Unis par exemple, une enquête de Deloitte et du Manufacturing Institute montre que 67% des
industriels américains indiquent subir un manque modéré ou sévère de travailleurs qualifiés. L’étude montre par
ailleurs que ces travailleurs qualifiés (techniciens, opérateurs, artisans, techniciens, etc.) sont précisément ceux qui
ont le plus d’impact sur la performance. Les industriels anticipent une aggravation de ce déficit de compétences
dans les prochaines années en raison du départ à la retraite de la génération des « baby boomers » américains. En
2020, les Etats‐Unis pourraient manquer de 875 000 machinistes, soudeurs, opérateurs et autres professionnels
hautement qualifiés. Une autre enquête de Deloitte et le Manufacturing Institute montre que l’absence de culture
industrielle constitue une entrave à la renaissance de l’industrie. L’industrie est considérée par la population
comme le secteur le plus important pour assurer la prospérité économique des Etats‐Unis. Elle est dans le même
temps perçue comme un secteur en stagnation ou en déclin, qui n’offre dès lors pas de carrières stables et
sécurisées. Ainsi, seulement 35% des Américains interrogés déclarent qu’ils encourageraient leurs enfants à
poursuivre une carrière dans l’industrie. (T.Bidet‐Mayer, P.Frocain, 2015).
78
Pour plusieurs raisons : les sociétés industrielles reposent sur une consommation massive et croissante de
ressources naturelles non renouvelables ; bon nombre de ces ressources sont en voie de raréraction et leurs coûts
d’extraction augmentent fortement à l’échelle mondiale ; l’Europe importe une très grande partie des énergies
fossiles et des métaux qu’elle consomme ; en dépit des progrès technologiques, le découplage absolu entre
croissance économique et consommation de ressources parait hors de portée.
nationales et des entreprises (J.Rifkin,2012). Dès lors, comme le suggère le concept d’économie
circulaire, le développement d’une industrie relocalisée dans la métropole lyonnaise suppose de
donner toute sa place à la question de la transformation des processus de production dans le
sens d’une réduction de la consommation de ressources et des rejets de déchets.
A cet égard, la relocalisation de la production apparait en soi comme une condition essentielle
d’une économie répondant aux défis du « monde fini ». Elle n’en constitue pas cependant une
condition suffisante. De multiples leviers d’action peuvent en effet être mobilisés dans les
territoires pour progresser vers une économie plus circulaire. Parmi ceux‐ci, l’éco‐conception
parait pouvoir jouer un rôle de premier plan dans le déploiement de chaine de valeur localisée.
Ce qui permet in fine de dessiner les contours d’une industrie relocalisée et circulaire, comme le
propose une équipe de chercheurs français.
79
Une pollution par exemple
territoire (alimentation, énergie, santé, logement, etc.) (R.Hopkins, 2010 ; D.Meadows et alii,
2004). La relocalisation de la production permettrait en effet de :
réduire l’exposition aux risques systémiques en atténuant la dépendance aux
importations ;
palier aux limites de la logique de spécialisation économique en favorisant une
diversification de l’économie locale pour satisfaire les besoins spécifiques du territoire ;
favoriser une meilleure appréhension des liens entre consommation, production et
pressions sur l’environnement en raccourcissant les circuits économiques.
S’agissant plus spécifiquement de la question de la consommation de ressources naturelles, le
concept de résilience incite les territoires à privilégier les ressources dont ils disposent à
proximité pour assurer la satisfaction de leurs besoins (R.Hopkins, 2010 ; D.Meadows et alii,
2004). Sur ce plan, la relocalisation de la production pourrait permettre de :
limiter les importations de biens manufacturés par le recours aux alternatives locales ;
limiter les importations de matières premières non renouvelables par une meilleure
optimisation de la productivité des ressources tout au long du cycle de vie du produit ;
limiter la consommation d’énergie liée aux flux d’importation ;
favoriser la valorisation des ressources disponibles à proximité ;
favoriser une gestion intégrée de l’utilisation des ressources tout au long du cycle de vie
des produits de l’amont vers l’aval.
Au total, la raréfaction des ressources apparait moins comme un obstacle à la relocalisation de la
production que comme une incitation forte à (re)développer localement les activités jugées
stratégiques pour satisfaire les besoins domestiques à long terme.
production,en boucle fermée (usage dans les mêmes produits) ou en boucle ouverte
(utilisation dans d’autres types de biens).
Toutefois, une faiblesse de cette présentation « en rateau » des leviers d’action serait de laisser
penser que chacun d’eux apporterait une contribution équivalente à la construction de
l’économie circulaire. Or, comme on l’a vu dans la seconde partie du cahier, la consommation et
l’éco‐conception ont semble‐t‐il un rôle plus déterminant à jouer et pourraient faire l’objet d’une
attention particulière au sein de la métropole lyonnaise.
Le débat autour du volume et de la nature de la consommation finale, qu’appelent de leurs vœux
de multiples acteurs, soulève des débats de grande ampleur80 qui pourraient avoir toute leur
place au sein de la métropole. En effet, la maitrise de la consommation apparait comme un levier
permettant de réduire les importations, et donc les fuites de richesses et la dépendance aux
ressources naturelles extérieures (l’enjeu de réduction des consommations énergétiques en
constitue un exemple emblématique).
L’éco‐conception concerne plus directement encore la problématique de relocalisation de la
production. Si elle apparait d’une manière générale comme un levier permettant aux entreprises
locales d’adapter leur offre à la contrainte de ressources, l’éco‐conception favorise concrètement
un élargissement des frontières de la production à l’ensemble du cycle de vie des produits. En
effet, l’efficacité des leviers d’action mis en évidence par l’Ademe dépend en réalité largement de
la conception initiale des produits. Autrement dit, l’éco‐conception permet de favoriser
notamment :
L’approvisionnement durable : des produits/process conçus pour favoriser la valorisation
des ressources de proximité (issues soit du recyclage soit de sources renouvelables
locales) ;
L’écologie industrielle et territoriale : des produits/process conçus pour faciliter la
réutilisation de résidus de production et déchets de certaines entreprises comme des
matières premières pour d’autres entreprises sur une base territoriale ;
L’économie de la fonctionnalité : des produits/process conçus pour assurer la viabilité de
modèles économiques axés sur une relation de service de proximité avec les usagers ;
La consommation responsable : des produits/process conçus pour encourager la
transition vers une consommation plus qualitative ;
L’allongement de la durée d’usage : des produits/process conçus pour optimiser les
activités de réemploi, réparation et réutilisation des produits ;
Le recyclage : des produits/process conçus pour optimiser les activités de valorisation
des produits en fin de vie en vu d’une nouvelle utilisation dans la production locale.
80
Sur les limites de la contribution de la production matérielle au bien‐être des personnes et de la société, la
hiérarchisation des besoins humains matériels, la définition de plafonds de consommation/rejet par personne, la
montée des inégalités de conditions de vie et de responsabilité dans les dommages causés à l’environnement, etc.
81
Signalons au passage la présence à Saint‐Etienne du Pôle Eco‐conception & Management du Cycle de Vie, centre
de ressources national sur les meilleures pratiques en développement de produits intégrant l’environnement, la
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et l’économie circulaire. http://www.eco‐conception.fr/
(…) La situation de l’emploi s’améliore nettement. Cette industrialisation circulaire a deux vertus : elle
consolide les emplois puisqu’ils sont des maillons de la même chaîne de valeur et elle crée des emplois
supplémentaires et locaux par sa nature servicielle. Elle appelle de nouveaux métiers à l’interface produits
et services : des métiers de suivi de la clientèle tout comme des métiers de recyclage et de remise à niveau
de produits. De nouvelles formations centrées sur la problématique de la circularité émergent. Les
questions de développement durable ne sont plus simplement le supplément d’âme des formations mais le
cadre et le coeur des formations d’ingénierie. Les bassins d’emploi proches des sites de production sont
gérés en commun par l’ensemble des acteurs sociaux.
En 2030, les entreprises vivent à la fois dans leur territoire et dans un réseau mondial où leurs savoir‐faire
sont appréciés et valorisés. »
82
Bien entendu, les nœuds d’échanges identifiés dans la première partie du cahier peuvent également contribuer à
renouveler d’autres volets des politiques de développement économique territorial : par exemple, la stratégie de
marketing territorial et de prospection économique pourrait enrichir son argumentaire auprès des entreprises
prospectées en valorisant les potentiels de marché et d’approvisionnement locaux.
83
Plus précisément, deux types de synergies sont distinguées par l’EIT (CTTEI, 2013 ; OREE, 2014). Les synergies de
mutualisation, d’une part, consistent à mutualiser entre entreprises des biens, des ressources ou des services (par
exemple : collecte et traitement mutualisés des déchets et effluents, mutualisation du transport), permettant ainsi
de réaliser des économies d’échelle et diminuer certains impacts environnementaux de l’activité économique. Les
synergie de substitution, d’autre part, consistent à substituer tout ou partie d’un flux entrant (matières ou énergie)
dans une entreprises par un flux sortant d’une autre entreprise qui est peu ou pas valorisé (par exemple : création
d’un réseau de chaleur à partir de l’énergie fatale (perdue ou inutilisée) d’une industrie, substitution d’un déchet en
sous produit), permettant ainsi de réduire, d’un côté, les coûts d’approvisionnement et la consommation de
ressources naturelles de l’une et, de l’autre, les coûts de traitement des déchets et les pollutions de l’autre.
84
Commissariat Général au Développement Durable – Écologie industrielle et territoriale : le guide pour agir dans
les territoires – Références, décembre 2014 / Centre de transfert technologique en écologie industrielle – Création
d’une symbiose industrielle – 2013 / Projet COMETHE : http://www.comethe.org/
85
Leïa Abitbol (Alderane), Florian Julien‐Saint‐Amand (CCI Montauban et Tarn‐et‐Garonne) et Arthur Bard (France
Barter).
Réflexion stratégique
Ce groupe pilote a vocation en premier lieu à impulser une réflexion stratégique sur les enjeux et
leviers de relocalisation des échanges pour la métropole lyonnaise. Cette démarche pourrait
consister notamment à :
Réaliser un état des lieux des effets d’entrainement, des importations et des nœuds
d’échanges à fort potentiel de relocalisation, tel que celui dressé dans la première partie
du cahier.
Sélectionner parmi les nœuds d’échanges identifiés ceux pour lesquels les conditions de
relocalisation paraissent les plus favorables au regard de la connaissance qu’a le groupe
des réalités économiques lyonnaises. Ces quelques nœuds d’échanges sélectionnés
peuvent ensuite faire l’objet d’une analyse entrée‐sortie approfondie (voir partie 1.).
Sur la base de ces premiers éléments, construire une vision partagée des enjeux de
relocalisation et des nœuds d’échanges à prioriser.
Etablir un premier recensement d’entreprises, d’intiatives, de réseaux, de partenariats
existants sur le territoire exemplaires en matière d’échange local.
Cette première étape peut permettre d’amorcer la construction d’un intérêt commun à agir en
faveur de la relocalisation des échanges. Par exemple, on peut considérer que développer les
échanges entre les entreprises locales peut permettre de :
amplifier les effets d’entrainement au sein du tissu économique local : un facteur de
pérennisation pour certaines entreprises fragiles (en particulier industrielles) et un
moteur de croissance pour d’autres.
favoriser la création ou le maintien de l’emploi local.
stimuler les coopérations inter‐entreprises et faire émerger des innovations (nouveaux
produits, nouveaux process, etc.).
renforcer les interdépendances au sein du tissu économique local et favoriser ainsi
l’ancrage des entreprises.
consolider les rentrées fiscales locales, ce qui peut permettre de renforcer les actions
visant à améliorer l’environnement des entreprises.
Premier atelier : amorcer une dynamique collective en faveur des échanges locaux
Ce premier atelier doit permettre aux entreprises de s’approprier la problématique de
relocalisation des échanges en favorisant l’expression de leurs constats, besoins et attentes.
L’animation de ce temps de discussion autour des freins et leviers aux
approvisionnements/débouchés locaux pourrait s’appuyer sur une enquête préalable auprès
d’un échantillon d’entreprises afin de connaitre leurs logiques d’achats et de débouchés (voir
2.3). Cet atelier vise également à amorcer une mise en mouvement des entreprises en suscitant
un climat de confiance et de convivialité ainsi que la conviction qu’il est possible de relocaliser à
travers la présentation d’intiatives locales exemplaires. Enfin, ce premier atelier peut être
l’occasion d’analyser le jeu d’acteur afin d’identifier les postures de chaque entreprise
participante (pouvoir, légitimité, intérêt), leurs relations existantes et d’éventuelles divergences
d’intérêt ou concurrences.
Cet atelier peut s’organiser par exemple autour des temps forts suivants :
Présentation de la démarche relocalisation des échanges
o Les enjeux stratégiques pour le territoire : notion de circuit économique local,
principaux résultat de l’étude des retombées/importations/nœuds d’échanges
à fort enjeu de relocalisation
o L’intérêt que peut trouver chaque entreprise à participer à la démarche
Présentation des principaux résultats de l’enquête auprès des entreprises
o Panorama de la géographie et des logiques des achats et débouchés des
entreprises
o Perception des freins et leviers aux échanges locaux
o Perception des enjeux et attentes des entreprises
o Pistes d’échange local repérées
Expression des constats, besoins et attentes des entreprises
o Echanges pour exemplifier les nœuds d’échanges sélectionnés : qui achète quoi
à l’extérieur de la région lyonnaise ?...
o Débat autour des raisons pouvant expliquer les fuites liées aux nœuds
d’échanges concernés : pourquoi ne s’approvisionne‐t‐on pas localement ?
pourquoi n’a‐t‐on pas des débouchés locaux plus importants ?...
o Débat autour des motivations/attentes des entreprises concernant le
développement de leurs achats/débouchés locaux.
Présentation d’exemples inspirants
o Témoignages d’entreprises et de collectivités locales exemplaires en matière
d’achat et de débouché locaux.
Second atelier : identifier des pistes d’échanges porteuses du point de vue des entreprises
Ce deuxième atelier vise à susciter les rapprochements entre entreprises sur la base d’une
approche pragmatique : une fois identifiés quelques nœuds d’échanges à fort enjeu de
relocalisation, ce sont avant tout les entreprises elles‐mêmes qui sont les mieux placées pour
repérer collectivement les meilleures opportunités d’échanges qui s’offrent à elles. Comme
l’explique Leïa Abitbol, cette conviction est au cœur des nouvelles démarches d’écologie
industrielle et territoriale développées en Grande‐Bretagne puis en France ces dernières années.
« Pour faire court, ces approches découlent principalement de la méthodologie
développée dans le cadre du programme NISP (National Industrial Symbiosis
Programme) lancée en Grande‐Bretagne il y a une dizaine d’année et déployée sur
86
Soulignons ici qu’une étude réalisée en 2011 par le Crédoc sur les attentes des consommateurs en matière de
Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) montre que, pour les consommateurs, l’emploi doit être la priorité de la
RSE (Van de Walle et Brice, 2012).
Evaluer les progrès : suivi de l’avancement des échanges, recueil des informations sur les
retours d’expérience, diffusion des résultats.
Valoriser les entreprises qui favorisent le business local : par exemple en créant un prix
récompensant les entreprises les plus vertueuses87.
Elargir la gouvernance en favorisant l’implication des entreprises au sein du groupe
pilote.
87
Voir par exemple le « Better Business Challenge » organisé par deux organisations à but non lucratif à
Charlotteville aux Etats‐Unis : une compétition « amicale » visant à aider les entreprises à gagner en efficacité et
soutenabilité au bénéfice de la communauté locale. http://cvillebetterbiz.org/
« Nous organisons depuis 2013 un salon des savoir‐faire de proximité. L’objectif est
de réunir les entreprises du territoire non pas sur la base d’une proximité de métier,
de client ou de technologie mais simplement sur base territoriale. En gros, le
message c’est « vous n’êtes pas très loin les uns des autres, venez présenter vos
savoir‐faire industriels et vos services à l’industrie dans un cadre professionnel,
votre voisin est peut‐être un potentiel client, fournisseur ou associé ». L’idée c’est
d’offrir un cadre pour valoriser la richesse des industries du territoire, faciliter les
rencontres entre décideurs et ainsi faire émerger des possibilités de sourcing local,
de coopération, par exemple pour partager des clients et construire des offres
élargies. Concrètement, le salon s’organise autour de stands, de séances de
business dating, des conférences métiers, etc. » (Interview de Florian Julien‐Saint‐
Amand, décembre 2015, millenaire3.com)
…et action individuelle auprès des entreprises. Celle‐ci s’appuie sur un travail continu de collecte
d’informations sur les besoins et les ressources des entreprises, permettant d’identifier des
opportunités d’échanges concrètes, et sur la base desquelles les entreprises sont ensuite
sollicitées individuellement (voir 2.3).
« Nous avons fait le choix de recentrer nos prises de contact avec les entreprises
autour des questions de compétitivité, d’optimisation de leurs coûts. Aujourd’hui, il
est rare que nous allions voir une entreprise directement sur le sujet de l’économie
circulaire. Cette approche nous permet d’être plus en phase avec les préoccupations
des entreprises. (…) Ce n’est qu’à partir du moment où nous identifions un lien
possible, grâce aux données collectées, que nous retournons vers les entreprises
pour évoquer avec elles la possibilité d’échanger avec d’autres entreprises.
Autrement dit, nous ne mobilisons maintenant nos interlocuteurs autour de
l’économie circulaire qu’après avoir identifié des flux pour lesquels nous sommes en
mesure de proposer des pistes de solutions. (…) Nous leur expliquons l’opportunité
que nous avons repéré : « savez‐vous que d’autres entreprises du territoire ont le
même problème que vous ? », « Il se trouve que telle entreprise pourrait avoir une
solution à votre besoin »… En fonction de l’intérêt et de la disponibilité de nos
interlocuteurs, nous leur proposons le cas échéant d’organiser leur mise en relation.
Ensuite, selon les cas, il peut y avoir besoin d’accompagner le début de la
collaboration, s’il y faut par exemple réaliser une pré‐expertise technique, de
rechercher un financement. Sinon, les entreprises peuvent être suffisamment
matures et volontaire pour voler d’emblée de leurs propres ailes. (Interview de
Florian Julien‐Saint‐Amand, décembre 2015, millenaire3.com)
Faire profiter les entreprises locales des grands projets de développement publics et privés : l’exemple
des Comités de maximisation des retombées économiques (COMAX) au Québec88
Les comités de maximisation des retombées économiques sont nés au début des années 2000 et ont
essaimé dans différents territoires du Québec sous l’impulsion des collectivités locales et de grands
donneurs d’ordre publics et privés. Leur objectif est de faire en sorte que les entreprises régionales puissent
profiter au maximum des retombées économiques des grands projets de développement publics et privés :
hydroélectricité, mines, routes, usines, centres de détention, etc. Pour ce faire, les COMAX développent
différentes actions : rencontres régulières avec les donneurs d’ordre pour discuter d’éléments stratégiques
liés aux contrats, aux appels d’offres et aux projets ; formalisation avec les donneurs d’ordre de protocoles
de collaboration officialisant la volonté de générer un maximum de retombées économiques régionales,
dans le respect des lois en vigueur ; facilitation des relations entre les grands donneurs d’ordre et les
entreprises locales (organisation de salons de la sous‐traitance, information des donneurs d’ordre sur les
entreprises pouvant se qualifier comme fournisseurs) ; diffusion auprès des entreprises de l’information sur
les projets et les appels d’offre (analyse des appels d’offres et recherche des entreprises pouvant répondre
aux critères) ; accompagnement des entreprises afin qu’elles répondent aux exigences des donneurs d’ordre
et deviennent autonomes dans la recherche et l’obtention de contrats.
Voir par exemple : http://www.comaxat.com/ et http://www.cldsaguenay.qc.ca/index.php/implications‐et‐
evenements/comite‐de‐maximisation‐cmax
88
http://www.comaxat.com/
2.3 Collecter, capitaliser et partager l’information sur les opportunités d’échange entre
entreprises
En complément de l’identification de quelques nœuds d’échanges à fort enjeu de relocalisation
et de la connaissance du terrain du groupe pilote, il parait opportun de mettre en place un
dispositif de collecte, de capitalisation et de partage de l’information sur les opportunutés
d’échange entre les entreprises. En effet, comme le suggèrent les démarches d’écologie
industrielle et territoriale, ce dispositif peut permettre d’identifier finement des opportunités
d’échange local et faciliter le rapprochement des entreprises concernées. Recueillies directement
auprès des entreprises, ces informations peuvent être compilées dans un outil informatique
dédié et mises à disposition des acteurs du développement économique et des entreprises elles‐
mêmes via une interface en ligne. La démarche économie circulaire de la CCI Montauban et Tarn‐
et‐Garonne ainsi que la plateforme France Barter constituent ici deux exemples particulièrement
inspirant.
Engager dans la durée un processus de collecte d’informations sur les achats et les débouchés
des entreprises locales
La réalisation de ce travail de collecte pourrait être pris en charge en priorité par les partenaires
constitutifs du groupe pilote – par exemple par le réseau des développeurs économiques du
Grand Lyon – en raison de l’antériorité de leurs relations avec les entreprises locales et donc de
leur légitimité à les mobiliser. Ce processus de collecte d’informations peut porter en particulier
sur les entreprises concernées par les nœuds d’échange à fort potentiel de relocalisation et ainsi
alimenter le premier atelier collectif décris plus haut. Il peut aussi s’intégrer aux visites
d’entreprises réalisées habituellement par les développeurs économiques, le recueil
d’information devenant systématique et formalisé. Comme l’explique Florian Julien‐Saint‐Amand,
la CCI Montauban et Tarn‐et‐Garonne a fait le choix de cette seconde approche.
« Nous avançons de manière résolument opportuniste pour le recueil
d’informations. Nous profitons des visites que réalisent habituellement les
conseillers de la CCI en réponse à telle ou telle demande des entreprises, pour
collecter des informations qui nous permettent de comprendre les besoins de
l’entreprise et voir comment on peut faire intervenir des voisins pour apporter une
réponse effective. Ce mode de recueil moins formalisé, ou plus masqué dirons‐nous,
nous permet de capter plus facilement les informations qui nous intéressent,
d’autant plus quand c’est l’entreprise qui sollicite au départ le rendez‐vous. »
(…) Nous avons toujours avec nous une petite fiche de détection d’opportunités que
nous remplissons au fur et à mesure de nos visites. D’une manière générale, on va
s’intéresser à ce que l’on appelle en comptabilité les « actifs dormants », c’est‐à‐
dire les ressources sous‐utilisées de l’entreprise : des sous‐produits dont on ne sait
pas quoi faire, une machine‐outil qui ne tourne que trois jours par semaine, un
entrepôt à moitié vide, un camion utilisé une fois par mois, des m² de bureaux
disponibles, un salarié employé à plein temps mais dont la charge réelle n’est que
de 75%, etc. Et inversement, on va chercher à identifier les besoins des entreprises.
Elles peuvent par exemple rencontrer des difficultés pour certains achats, parce
qu’ils grèvent leurs marges, comme l’énergie, ou pour lesquels elles n’ont pas une
masse critique suffisante pour obtenir des prix intéressants… » (Interview de Florian
Julien‐Saint‐Amand, décembre 2015, millenaire3.com)
En résumé, ce travail de recueil d’information consiste à conduire des entretiens plus ou moins
approfondis avec un ou plusieurs responsables de chaque entreprise afin de recueillir :
des informations factuelles sur :
o les achats de l’entreprise : quels sont les principaux postes d’achats (montants,
nomenclature produits, caractère stratégique ou non), la localisation (code
postal) des sous‐traitants89 et fournisseurs90 concernés ?
89
Rappelons que la sous‐traitance consiste, pour une entreprise dite « donneur d'ordres », à confier à une
entreprise, dite « sous‐traitant » (ou « preneur d'ordres »), la réalisation d’une partie de sa production, c’est‐à‐dire
une ou plusieurs opérations de conception, d'élaboration, de fabrication, de mise en œuvre ou de maintenance
d’un produit ou d’une tâche. Le sous‐traitant s'engage à exécuter un produit ou une tâche sur la base des
instructions de l'entreprise donneuse d'ordre qui conserve la haute main sur le produit et ses caractéristiques.
90
Un fournisseur reste quant à lui totalement responsable du produit ou service qu'il propose à son client et qu’il
peut produire ou importer.
une entreprise, nous sommes en mesure de repérer vers quelles entreprises celle‐ci
pourrait se tourner, soit pour mutualiser ses besoins, soit pour trouver une
ressource pertinente, ou encore pour trouver des partenaires pour construire une
offre commune. L’outil permet aussi de faire apparaitre du même coup les
ressources manquantes dans les chaînes de valeurs du territoire. » (Interview de
Florian Julien‐Saint‐Amand, décembre 2015, millenaire3.com)
L’outil « Act’if » est ainsi devenu un levier de premier plan pour soutenir et fédérer l’action
d’animation économique de la CCI.
« Je pense que le changement le plus visible à ce stade concerne les pratiques des
conseillers CCI. Comme toute organisation, nous avons tendance à fonctionner un
peu en silo. Chacun avec sa compétence, avec ses cibles, etc. Mettre en place cette
démarche de recueil, de capitalisation et de mobilisation des informations sur les
potentiels d’échange local a permis de créer des passerelles, de la transversalité
entre les services et les personnes. L’outil « Act’if » nous permet de partager nos
infos, de pointer des thématiques et des enjeux communs, de stimuler les échanges
entre nous. Cela nous permet de développer ensemble une vision plus étoffée de
l’économie de notre territoire. On gagne ainsi en agilité, en créativité dans notre
action d’animation économique. » (Interview de Florian Julien‐Saint‐Amand,
décembre 2015, millenaire3.com)
91
Le cas où les échanges interentreprises se font immédiatement et simultanément, avec une compensation égale
(échanges de biens et/ou services échangés de même valeur) représente un optimum du système, mais qui limite
considérablement les possibilités d’échanges au sein d’un réseau (Pipame, 2013).
Si le barter est aujourd’hui pratiqués dans le monde entier92, en particulier dans les pays anglo‐
saxons, il émerge seulement en France. Pourtant, une fois informées, deux entreprises sur trois
se déclarent intéressées par cette pratique qui, comme le souligne l’étude du Pipame, présente
pour elles plusieurs avantages :
Valoriser ses actifs non utilisés ou dépréciés
Le barter est un moyen de valoriser des machines sous‐employées ou devenues inutiles, de la
main‐d’oeuvre en sous‐charge ou des stocks dormants, contre des produits ou des services utiles
à l’entreprise et qui permettent eux‐mêmes de générer un surcroît d’activité et donc de recette
potentielle.
Préserver la trésorerie
Chaque fois qu’un achat est substitué par un échange, l’entreprise préserve sa trésorerie. Cette
liquidité supplémentaire peut faciliter le financement des achats courants ou d’un
investissement.
Se faire connaitre de nouveaux partenaires
La pratique des échanges interentreprises permet de nouer des relations avec des entreprises
qui, a priori, ne seraient entre elles ni fournisseurs, ni clientes, autour d’opérations « gagnant‐
gagnant » et de les faire dialoguer au sein d’un réseau, d’un territoire ou d’une communauté
d’intérêts.
Développer sa clientèle
Le barter permet à l’entreprise de se faire connaître et d’écouler ses produits ou ses services vers
de nouveaux clients en bénéficiant de l’équivalent d’une force commerciale supplémentaire via
l’accès à la plate‐forme d’échanges.
Elargir sa gamme de produits et/ou de services
Le réseau donne aussi l’opportunité de trouver des débouchés pour des produits qui n’auraient
pas reçu l’accueil attendu sur des réseaux commerciaux traditionnels, ou de tester de nouveaux
produits.
Depuis l’étude du Pipame (2013), le paysage des plateformes de barter en France a quelque peu
évolué, avec notamment le regroupement en 2014 de « b2b en trade » (Paris) et « e‐barter »
(Lyon) au sein de la SCIC « France Barter » qui devient ainsi le 1er réseau de barter online en
France pour les TPE/PME. Cofondateur de France Barter et responsable du bureau de Lyon,
Arthur Bard explique le fonctionnement du service.
« Nous proposons aux TPE/PME d’échanger entre elles au sein d’un réseau
collaboratif et via une monnaie virtuelle : le crédit Barter, selon le principe 1 B€ = 1
euro. Cette monnaie alternative est importante car elle permet de démultiplier les
possibilités d’échanges. Dans le troc pur, il faut arriver à réunir au même moment
deux entreprises dont les offres et les besoins se complètent – chacune répondant
aux besoins de l’autre – et représentent une valeur équivalente. Avec le B€, nous
permettons à chaque entreprise membre du réseau d’obtenir la contrepartie la plus
adaptée à ses besoins. Prenons un exemple. Une entreprise de transport cherche un
service d'expertise comptable, elle est mise en relation avec un expert‐comptable
qui lui vend pour 6000 B€ de prestation. L'expert‐comptable n'a pas besoin de
transport dans le cadre de l'échange, il peut chercher sur le réseau les services ou
produits qui vont l'intéresser le plus et contacter les membres. L'expert‐comptable
choisit de dépenser ses B€ pour acheter du matériel informatique et un
photocopieur auprès d'un membre du réseau. L'entreprise de transport quant à elle
fournit sa contrepartie en travaillant pour une société d'impression sur le réseau,
pour laquelle elle facture 6000 B€ de prestation. » (Interview d’Arthur Bard, janvier
2016, millenaire3.com)
92
En 2010, des biens et services d’une valeur équivalente à 11,5 milliards de dollars ont été échangés entre des
entreprises dans le monde. En Suisse, une PME sur cinq recourrait régulièrement aux échanges interentreprises au
sein du réseau fondé par la banque coopérative WIR (Pipame, 2013).
Arthur Bard précise également que les entreprises font l’objet d’une sélection à l’entrée afin de
s’assurer de leur complémentarité par rapport aux autres membres et de leur solidité financière.
« Les entreprises peuvent s’inscrire directement sur la plateforme. Toutefois, nous
opérons une sélection à l’entrée. Nous privilégions l’entrée d’entreprises
correspondant aux secteurs pour lesquels nous avons des besoins au sein du réseau.
Un second critère de sélection est la situation financière de l’entreprise. Pour ce
faire, nous avons recruté un analyste de crédit qui calcule un ensemble d’indicateurs
financiers pour chaque entreprise. Seules les entreprises saines peuvent commencer
à acheter dans le réseau à découvert (compte B€ en négatif). Les entreprises qui
nous paraissent un peu moins solides peuvent intégrer le réseau mais elles doivent
d’abord vendre aux autres membres afin de se constituer un crédit pour pouvoir
ensuite acheter. Cette sélection se justifie par le fait que l’enjeu prioritaire pour
nous est de faire la preuve de l’intérêt du concept de Barter. Cela suppose de
construire un réseau solide, qui donne satisfaction aux entreprise tout en offrant un
cadre d’échange sécurisé. » (Interview d’Arthur Bard, janvier 2016, millenaire3.com)
Arthur Bard précise également qu’une spécificité de France Barter est de combiner services
online et stimulation des échanges par des « animateurs réseau ».
« Les animateurs sont chargés d’accueillir les entreprises dans le réseau. Ils les
aident à élaborer leur fiche sur la plateforme, notamment à recenser et définir leurs
offres et leurs besoins pouvant faire l’objet d’un échange sous forme de barter.
Ensuite chaque animateur suit les entreprises qu’il a introduit dans le réseau et joue
un rôle de facilitateur des échanges. Grace aux informations dont il dispose en
temps réel sur les offres et les besoins du réseau, l’animateur peut détecter de façon
proactive des opportunités d’échanges. Pour rapprocher l’offre et la demande, il
peut alors proposer aux entreprises concernées une mise en relation : conférence
téléphonique, rencontre physique, etc. C’est l’occasion pour l’animateur de
s’assurer que les entreprises ont bien compris le principe du barter et négocient
dans de bonnes conditions. L’animation du réseau passe également par le mailing,
les newsletters, etc. La réalisation de premiers échanges et la construction d’une
relation de confiance avec les entreprises permettent ensuite à l’animateur
d’approfondir sa connaissance de leurs besoins pour développer des échanges à
plus forte valeur ajoutée. Enfin, en fonction des besoins, l’animateur peut chercher
des prestataires adéquats qui n'auraient pas encore intégré la plateforme.. »
(Interview d’Arthur Bard, janvier 2016, millenaire3.com)
D’autre part, si la plateforme France Barter se positionne à l’échelle nationale, il n’en reste pas
moins que les échanges interentreprises qu’elle suscite révèlent un certain ancrage territorial.
« C’est un point auquel nous sommes très attentifs. Nous constatons que 96%
d’échanges opérés via notre plateforme se font au sein d’une même région. Il faut
savoir que lorsqu’une entreprise propose une offre sur la plateforme elle lui donne
une portée géographique : ville, département, région, plusieurs régions, France, etc.
Par exemple, le traiteur dont je parlais peut vouloir chercher des clients uniquement
sur l’agglomération lyonnaise. En fonction de ce critère géographique, nous allons
faire remonter des clients potentiels situés à proximité. On a pas mal d’exemples
emblématiques où une entreprise découvre que l’imprimeur qu’elle recherchait est
à deux rues de chez elle. Autrement dit, le travail d’animation que nous réalisons au
quotidien contribue à développer des échanges qui, pour l’essentiel, se font dans la
proximité. » (Interview d’Arthur Bard, janvier 2016, millenaire3.com)
Ce qui soulève au final des perspectives de coopération avec les acteurs économiques des
territoires.
« Pour l’instant, nous concentrons nos efforts sur la montée en puissance de la
plateforme pour faire nos preuves. Cela dit, des partenariats sont tout à fait
envisageables. France Barter est constitué sous forme coopérative (SCIC), ce qui
laisse la possibilité à des collectivités de rentrer au capital. D’autre part, nous
sommes impliqués, avec d’autres acteurs comme « PME Centrale », dans un
partenariat avec la CCI de Lyon et le Grand Lyon autour d’un projet de guide destiné
aux entreprises pour mettre en avant des systèmes d’achat innovants.
Enfin, il y a une part de notre activité sur lequel on ne communique pas mais qui a
un lien avec votre question. Nous avons été sollicités par plusieurs clusters
d’entreprises qui souhaitaient mettre en place un système d’échange de type barter
en leur sein mais qui n’avaient pas les moyens de développer leurs propres outils.
Cela nous amène à développer une offre de plateforme clé en main comprenant la
technologie, le site web, le système de suivi des transactions, les méthodes
d’animation, etc. L’utilisation du dispositif est limitée à une zone géographique
définie contractuellement. A ce jour, nous avons vendu ce dispositif au cluster «
Orléans Val de Loire Technopole » ainsi qu’à « France Cluster » (organisme basé à
Lyon qui regroupe et accompagne l’ensemble des clusters français). « France Cluster
» souhaite dans un premier temps mettre notre plateforme d’échange à disposition
des cluster de Rhône‐Alpes, avant de la déployer éventuellement à l’échelle
nationale. Nous avons 3‐4 projets de ce type en cours. Ce que l’on envisage par la
suite c’est de connecter certains réseaux entre eux dès lors que l’efficacité des uns
peut profiter aux autres. » (Interview d’Arthur Bard, janvier 2016, millenaire3.com)
à son besoin seront, in fine, locales. Pour ce faire, il peut être tout à fait utile pour l'acheteur public de
connaître les types de production et les opérateurs de son environnement proche, de façon à pouvoir, dès
la définition de ses besoins, s'assurer que ceux‐ci pourront être satisfaits par des fournisseurs locaux.
L’objectif peut être atteint en décidant de favoriser, par exemple, une alimentation raisonnée et contrôlée,
et d’assurer un achat durable sur le plan tant écologique que social pour l’achat de denrées alimentaires.
o Allotir finement les marchés
L'article 10 du code des marchés publics pose le principe de l'obligation de la division des marchés en lots,
pour susciter la plus large concurrence entre les entreprises et leur permettre, quelle que soit leur taille,
d'accéder à la commande publique. L'acheteur de denrées alimentaires peut avoir intérêt à découper son
marché en lots très fins, ce qui permettra aux acteurs de taille réduite et spécialisés de participer à ces
marchés. Il est ainsi possible d’allotir par : type de denrées (légumes, volaille, fruits, …), secteur
géographique lorsque le marché concerne plusieurs sites, selon la nature des produits (fruits de saison,
légumes frais, …). Là encore, une connaissance préalable de l'environnement économique est de nature à
favoriser un découpage adapté.
o Définir des conditions d’exécution adaptées
L’article 14 du code des marchés publics rend possible l’insertion, dans le cahier des charges, de conditions
d'exécution du marché liées à son objet, qui prennent en compte l'impact de cette exécution sur
l'environnement. Il sera possible dans ce cadre, par exemple, de prévoir la réduction des déplacements des
véhicules de livraison, de manière à limiter la production des émissions de gaz à effet de serre.
Au stade de la publicité sur la commande publique
o Utiliser les seuils des marchés publics
L’acheteur doit se souvenir que, sous le seuil des 25 000 euros HT, sa liberté d’appréciation est quasi totale
(article 28 du code des marchés publics). Celui‐ci peut donc directement se tourner vers des fournisseurs
locaux, avec ou sans mise en concurrence, à même de répondre au mieux à ses besoins.
o S’assurer que les opérateurs locaux ont connaissance du marché
L'acheteur public peut à sa convenance prévoir une publicité qui aille au‐delà de ses obligations
réglementaires, permettant ainsi l'information d'opérateurs locaux qui n'accèdent pas aux publications
officielles telles que le Bulletin officiel des annonces de marchés publics.
Au stade de la sélection des candidats et des offres
o Ne pas évincer les petits candidats
L'article 52 du code des marchés publics impose à l'acheteur public de ne retenir que les offres des
candidats qui justifient des capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis
d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. L'acheteur public doit cependant
veiller à ce que les capacités exigées soient limitées au strict nécessaire, et non disproportionnées par
rapport à l'objet du marché de façon à ne pas évincer des candidats qui auraient pourtant été en mesure de
présenter des offres valables.
o Utiliser une pluralité de critères pour choisir les offres
L'article 53 du code des marchés publics prévoit une pluralité de critères sur lequel l'acheteur public peut se
fonder pour attribuer le marché au candidat ayant présenté la meilleure offre. La définition et le choix de la
pondération de ces critères fournissent alors l'occasion à l'acheteur public de prévoir des critères qui
valorisent indirectement les produits locaux, non pas du fait de leur origine, mais du fait de leurs autres
caractéristiques propres. Ainsi peuvent être mis en avant des critères environnementaux, ceux ayant trait à
la qualité, au goût et à la saisonnalité des produits, à des délais de livraison rapides, dès lors toutefois qu'ils
sont en adéquation avec l'objet du marché.
Surtout, depuis l'adoption du décret n° 2011‐1000 du 25 août 2011, « les performances en matière de
développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture » sont un critère qui peut être
pris en compte comme critère d'attribution des marchés publics. Ainsi, le producteur, groupement de
producteurs ou l'opérateur se fournissant auprès de ceux‐ci bénéficiera d'un avantage sur ses concurrents
et, à offre égale par ailleurs, sera regardé comme le « mieux‐disant » et devra être choisi.
o Utiliser la possibilité de négocier dans le cas de marché ressortant de procédures
adaptées
Lorsque le marché ressort d'une procédure adaptée, les articles 28 et 30 du code des marchés publics
autorisent les pouvoirs adjudicateurs à négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette
possibilité permet aux candidats d'adapter leurs offres aux besoins exacts de l'acheteur public. Pour la
personne publique, cette procédure permet de mettre effectivement en concurrence les entreprises
capables de satisfaire ses besoins et non les seules capables d’appréhender immédiatement l'ensemble de
ses besoins au regard des éléments contenus dans les mesures de publicité. Et là encore, les acteurs locaux
peuvent y trouver un avantage.
AGRILOCAL.FR est un concept créé et développé par le département de la Drôme en partenariat avec la
Chambre d’agriculture de la Drôme. C’est une plate‐forme internet de mise en relation gratuite, simple,
directe et instantanée entre producteurs locaux de fruits et légumes et acheteurs publics ayant une mission
de restauration collective (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite …). AGRILOCAL.FR est
destiné aux fournisseurs de produits agricoles, en majeure partie, des agriculteurs, ainsi qu’aux structures
de la restauration collective qui souhaitent s’approvisionner en tout ou partie auprès de producteurs locaux
et/ou bio dans le respect du code des marchés publics.
L’acheteur engage une consultation en définissant des critères d’achat (exemple : prix, fraîcheur,
maturité...). La plate‐forme génère automatiquement cette information, par mail, fax et sms, aux
fournisseurs susceptibles de répondre positivement à ses besoins. Les fournisseurs ont la possibilité de
répondre instantanément en proposant, sur la plate‐forme, un devis sur un ou plusieurs produits consultés.
Passé le délai de consultation, l’acheteur analyse la totalité des candidatures et procède à la confirmation de
sa commande en choisissant l’offre correspondant au mieux à ses critères.
Une soixantaine de fournisseurs ont participé au dispositif au cours de l’année scolaire 2011/2012. Ce
chiffre est en constante évolution. En effet, dans sa base données, AGRILOCAL.fr recense environ 7000
fournisseurs agricoles dromois.
Un « small business act » pour favoriser l’accès des PME à la commande publique
Une troisième voie pour amplifier l’effet d’entrainement de la commande publique sur le tissu
économique local peut consister à en simplifier l’accès pour les PME. Affirmant la nécessité
d’orienter prioritairement l’action des pouvoirs publics vers la petite entreprise, conçue comme
l’élément le plus dynamique de l’économie, le « Small Business Act » voté en 1953 par le Congrès
américain assure obligatoirement aux PME une part de tous les marchés publics, soit
directement, soit par l'intermédiaire des grandes entreprises (A.Villemeur, 2008). Rappelons
également que l’Union Européenne s’est dotée en 2008 d’une loi européenne pour les PME ou
Small Business Act (SBA) européen, dont l’un des axes stratégiques est de faciliter la participation
des PME aux marchés publics. Celle‐ci passe en Europe non pas par la réservation d’une partie de
la commande publique aux PME mais par la simplification des procédures : division des appels
d’offres en lots, réduction des formalités administratives, amélioration de l’accès aux
informations, etc. Au vu de leur poids dans la commande publique, les collectivités locales
paraissent directement concernées par cet enjeux de simplification de l’accès à la commande
publique.
Conclusion
RESSOURCES DOCUMENTAIRES
4D (Dossiers et débats pour le développement durable) – Etat des lieux des controverses sur les ressources
naturelles – 2013
Abitbol Leïa – Initier des coopérations inter‐organisationnelles dans les démarches d’écologie industrielle et
territoriale – EMLyon Business School et Université Lyon 3, 2012
Ademe – Guide méthodologique du développement des stratégies régionales d’économie circulaire en
France – 2014
Agence internationale de l’énergie – Wordl Energy Outlook 2010
Agence Nationale de la Recherche – FUTURPROD. Les systèmes de production du futur – Atelier de
Réflexion Prospective, rapport final, novembre 2013
Aglietta Michel et Ragot Xavier – « Érosion du tissu productif en France. Causes et remèdes », in Revue de
l'OFCE 2015/6 (N° 142)
Artus Patrick – Qui a mangé les parts de marché de la France ? – Natixis, Flash Economie, 29 octobre 2012,
n°739
Artus Patrick – Les nouvelles caractéristiques du commerce mondial – Natixis, Flash Economie, 8 février
2013 – N° 132
Bardi Ugo – Le grand pillage. Comment nous épuisons les ressources de la planète – Les petits matins,
Institut Veblen, 2015
Bellego Christophe – Les relocalisations : une démarche multiforme qui ne se réduit pas à la question du
coût de la main‐d’œuvre – Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, Le 4 pages
de la DGCIS, n° 30 ‐ Mars 2014
Berger Karine et Lefebvre Dominique – Dynamiser l’épargne financière des ménages pour financer
l’investissement et la compétitivité – rapport au premier ministre, avril 2013
Bidet‐Mayer Thibaut et Frocrain Philippe – Lʼindustrie américaine : simple rebond ou renaissance ? – La
fabrique de l’industrie, Paris, Presses des MINES, 2015
Bidet‐Mayer Thibaut et Toubal Louisa – A quoi servent les filières ? – La Fabrique de l’industrie, Document
de travail, mai 2013
Bihouix Philippe et de Guillebon Benoit – Quels futurs pour les métaux ? Raréfaction des métaux : un
nouveau défi pour la société – EDP Sciences, 2010
Bihouix Philippe – « Matérialité du productivisme » – in Penser la décroissance. Politiques de
l'Anthropocène – Presses de Sciences Po, 2013
Bihouix Philippe – L’âge des Low‐Tech. Vers une civilisation techniquement soutenable – Seuil, 2014
Bihouix Philippe – Notre soif de minerais et d’énergie va poser un énorme problème – Grand Lyon, interview
Millénaire3, juin 2015
Bihouix Philippe – « Du mythe de la croissance « verte » à un monde post‐croissance » – in Crime climatique
stop ! L'appel de la société civile, éditions du Seuil, 2015
Bing Geoffroy et Nova Nicolas – Etude des modèles d’innovation – Grand Lyon, millenaire3, 2015
Blanchet Max – « La nouvelle ère industrielle : une opportunité pour la France » ‐ in Géoéconomie, 2014/3
n° 70
Bonneuil Christophe, Fressoz Jean‐Baptiste – L'Evénement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous –
Paris : éditions du Seuil, 2013
Boston Consulting Group – Made in America again. U.S. manufacturing nears the tipping point – 2012
Boston Consulting Group – Majority of Large Manufacturers Are Now Planning or Considering ‘Reshoring’
from China to the U.S. ‐ Communiqué de presse, 24 septembre 2013
Boston Consulting Group – Made in America, Again: Third Annual Survey of U.S.‐Based Manufacturing
Executives – octobre 2014
Boccara Frédéric, Hecquet Vincent, D’Isanto Aurélien, Picard Tristan – L’internationalisation des entreprises
et l’économie française – in Les entreprises en France, édition 2013 – Insee Références, octobre 2013
Boccara Frédéric et Picard Tristan – Commerce extérieur et implantations de firmes multinationales : des
profils différents selon les pays – Insee Première, n° 1558, juin 2015
Boutaud Aurélien et Gondran Natacha – « Bienvenue dans l’Anthropocène ? » ‐ in La future métropole vue
par 50 contributeurs – Grand Lyon, DPDP, 2014
Bruckner, M., Giljum, S., Lutz, C., Wiebe, K.S. – « Materials embodied in international trade. Global material
extraction and consumption between 1995 and 2005 » – in Global Environmental Change, Volume 22, Issue
3, 2012
Caminel Thierry – Quelques notions de physiques pour commencer – in Produire plus, polluer moins :
l’impossible découplage ? – Les petits matins, Institut Veblen, 2014
Caminel Thierry – « L’impossible découplage entre énergie et croissance » – in Économie de l'après‐
croissance. Politiques de l'Anthropocène II – Presses de Sciences Po, 2015
Campbell Colin – « L’ère du pétrole » ‐ in Le grand pillage. Comment nous épuisons les ressources de la
planète – Les petits matins, Institut Veblen, 2015
Carrincazeaux Christophe et al. – « Délocalisations : les enseignements d'une analyse régionale » – in Revue
d’Économie Régionale & Urbaine 2014/3
Carton Hugo et alii – Freins et leviers des politiques de résilience locale en Europe – rapport pour le Groupe
des Verts/ALE au Parlement Européen, 2013
Cecimo, Study On Competitiveness Of The European Machine Tool Industry, December 2011
Centre de transfert technologique en écologie industrielle – Création d’une symbiose industrielle – 2013
Chabanel Boris – « Articuler économie exportatrice et économie de proximité : vers un renouvellement des
politiques économiques des métropoles ? », Développer l’économie de proximité, cahier n°2, Grand
Lyon/Direction de la prospective et du dialogue public, 2013
Chabanel Boris – « Le ressort de la consommation locale : prendre le virage de la nouvelle révolution
commerciale et mobiliser les consommateurs », Développer l’économie de proximité, cahier n°4, Grand
Lyon/Direction de la prospective et du dialogue public, 2014
Cleveland Cutler J. – Net Energy From the Extraction of Oil and Gas in the United States, 1954‐1997 – in
Energy, vol.30, 2005
Colletis Gabriel – L’urgence industrielle – Paris : Editions Le bord de l’eau, 2012
Colletis Gabriel – Les risques de la délocalisation de la production – Grand Lyon, interview Millénaire3, juin
2013
Colletis‐Wahl Kristian, Corpataux José., Crevoisier Oliver, Kebir Leila., Pecqueur Bernard., Peyrache‐Gadeau
Véronique – The territorial economy: a general approach in order to understand and deal with globalization
– in M‐J ARANGUREN, C. ITURRIOZ, J. R. WILSON (eds.), “Networks, Governance and Economic Development
: Bridging Disciplinary Frontiers”, Edward Elgar, Cheltenham, 2008
Commissariat Général au Développement Durable – Bilan énergétique de la France pour 2013 – Service de
l’observation et des statistiques, juillet 2014
Commissariat Général au Développement Durable – Écologie industrielle et territoriale : le guide pour agir
dans les territoires – Références, décembre 2014
Commissariat Général au Développement Durable – Le cycle des matières dans l’économie française –
Repères, septembre 2013
Commissariat Général au Développement Durable – La face cachée des matières mobilisées par l’économie
française – Le point sur, n°177, octobre 2013
Commissariat Général à la Stratégie et Prospective – Approvisionnements en métaux critiques. Un enjeu
pour la compétitivité des industries française et européenne – Document de travail, n°2013‐04, juillet 2013
Commission Européenne – Initiative «matières premières». Répondre à nos besoins fondamentaux pour
assurer la croissance et créer des emplois en Europe – Communication de la commission au parlement
européen et au conseil, 2008
Commission Européenne – Report on critical raw materials for the EU – Report of the Ad hoc Working Group
on defining critical raw materials, 2014
Commission Européenne – L’économie circulaire. Connecter, créer et conserver la valeur – 2014
Commission Européenne – Boucler la boucle: la Commission adopte un nouveau train de mesures ambitieux
sur l'économie circulaire en vue de renforcer la compétitivité, de créer des emplois et de générer une
croissance durable – Communiqué de presse, 2 décembre 2015
Conseil économique, social et environnemental – Transitions vers une industrie économe en matières
premières – Avis, janvier 2014
Coris M., Carrincazeaux C., Frigant V., Piveteau A. – Délocalisations, relocalisations : Mise en perspective et
enjeux pour la région Aquitaine – Rapport pour la DIRECCTE Aquitaine, 2010
Crague Gilles – Entreprise, management et territoire – Paris : Editions Hermann, 2014
Daly Herman E. – « Institutions for a steady‐State‐Economy » in Steady State Economics – Island Press, 1991
Daly Herman E. et Farley Joshua – Ecological Economics. Principles and Applications – Washington : Island
press, 2011
Dejardin Camille – « État stationnaire : de la hantise à l'urgence » ‐ in Le Débat, 2014/5, n° 182
Demailly, D., Chancel, L., Waisman, H., Guivarch, C. – Une société post‐croissance pour le 21ème siècle.
Peut‐on prospérer sans attendre le retour de la croissance ? – IDDRI, Studies n°08/13
Direction générale des douanes et droits indirects – La Chine, premier déficit commercial pour la France ‐
Etudes et éclairages, n°13, mai 2010
Direction générale des douanes et droits indirects – Exportations et implantations à l’étranger, deux aspects
de l’internationalisation ‐ Etudes et éclairages, n°29, mars 2012
Durand Martine – Un nouveau regard sur la mondialisation : mesurer les échanges en valeur ajoutée–
Problèmes économiques, numéro spécial, novembre 2013
Durand Bernard – Les combustibles fossiles, grands oubliés du Débat national sur la transition énergétique
(DNTE) – Conférence du 12 Décembre 2013 au Collège de France – ASPO France
Erickcek George et Watts Brad R., Market Gap Analysis for the Greater Grand Rapids Area, Report submitted
to People and Land (PAL), 2007 ;
FNAU – La crise, l’industrie et les territoires – Les dossiers FNAU, n° 30 avril 2014
Fontagné Lionel et D’Isanto Aurélien – Chaînes d’activité mondiales : Des délocalisations d’abord vers
l’Union européenne – Insee Première, n°1451, juin 2013
Fontagné Lionel et Toubal Farid – Commerce de biens intermédiaires et compétitivité – in mpétitivité
Bernard Angels, Rapport d ́informa on fait au nom de la déléga on sénatoriale à la prospec ve sur la
prospective du couple franco‐allemand, Sénat, 2011
Fontagné Lionel, Mohnen Pierre et Guntram Wolff – Pas d’industrie, pas d’avenir ? – CAE, Les notes du
conseil d’analyse économique, n° 13, juin 2014
Ferrero Guillaume, Gazaniol Alexandre, Lalanne Guy – L'industrie : quels défis pour l'économie française ? ‐
TRÉSOR‐ÉCO – n° 124 – Février 2014
Gazaniol Alexandre – Internationalisation, performances des entreprises et emploi – La Fabrique de
l’industrie, 2012
Giraud Pierre‐Noël – « Les ressorts d'une renaissance industrielle en France » ‐ in Le journal de l'école de
Paris du management, 2014/2, n° 106
Giraud Pierre‐Noël – « Ressources ou poubelles ? » ‐ Le Débat, 2014/5, n° 182
Giraud Gaël – Le découplage énergie‐PIB, ou le rôle (sous‐estimé) de l’énergie dans la croissance du PIB – in
Produire plus, polluer moins : l’impossible découplage ? – Les petits matins, Institut Veblen, 2014
Gooris Julien – Fragmenter sa production pour protéger ses activités internationales – le blog du Cepii, billet
du 18 septembre 2014
Gradeva Milena – Logiques sectorielles et geographiques de la mondialisation industrielle et impact sur les
choix de localisation – in Relocalisations d’activités industrielles en France : Revue de littérature – Pôle
interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (PIPAME), 2013
Graedel Thomas – Metal stock in society – United Nations Environment Programme (UNEP), 2010
Grosse François – Vers une écologie industrielle – Paris Tech Review, 2011
Grosse François – La croissance quasi‐circulaire. Une approche pragmatique de la gestion durable des
ressources matérielles non renouvelables – in Futuribles, n°403, novembre‐décembre 2014
Guillaud Hubert – Vers un nouvel écosystème artisanal – InternetActu, 24/10/2013
Guillou Sarah – « Convergence of EU and US Industrial Policy: “The obsession of Competitiveness” » – in
Revue d'économie industrielle, 145, 1er trimestre 2014
Hall C. et alii – EROI of different fuels and the implications for society – in Energy Policy, vol.64, 2014
Hall C. et Klitgaard K. – Energy and the Wealth of Nations. Understanding the Biophysical Economy – Berlin :
Springer, 2012
Hamilton James D. – Causes and Consequences of the Oil Shock of 2007–08 – Brookings Papers on Economic
Activity, Spring 2009
Hausmann, R., Hidalgo, C.A., Bustos, S., Coscia, M., Chung, S., Jimenez, J., Simoes, A., et Yildirim, M.A. – "The
Atlas of Economic Complexity : mapping paths to prosperity", observatory of economic complexity –
Harvard University, 2011, 2014
Hecquet Vincent, « Emploi et territoires de 1975 à 2009 : tertiarisation et rétrécissement de la sphère
productive », Économie et Statistique, n°462‐463, 2013
Heinberg Richard – Pétrole. La fête est finie. Avenir des sociétés industrielles après le pic pétrolier –
Plogastel Saint‐Germain : Editions Demi‐Lune, 2008
Heinberg Richard – La Fin de la croissance : s’adapter à notre nouvelle réalité économique – Plogastel Saint‐
Germain : Editions Demi‐Lune, 2012
Helbing Dirk – « Globally networked risks and how to respond » – in Nature, vol. 497, mai 2013
Hoekman Bernard – Ajouter de la valeur – FMI, Finances & Développement Décembre 2013
Hopkins Rob – Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale – Montréal : éditions
Ecosociété, 2010
Hughes David – A reality check on the shale revolution – Nature, 21 february 2013, Vol.494
Huwart Jean‐Yves et Verdier Loïc – La mondialisation économique. Origines et conséquences – OCDE, 2012
Institut de l’entreprise – Entreprises et territoires : pour en finir avec l’ignorance mutuelle – 2013
Institut de l’economie circulaire – L’economie circulaire, nouveau modele de prosperite – Table ronde «
economie circulaire », conference environnementale des 20 et 21 septembre 2013, contribution de l’Institut
de l’economie circulaire
International Panel for Sustainable Resource Management (Working Group on the Global Metal Flows) –
Metal stocks in society. Scientific Synthesis – United Nations Environment Programme (UNEP), 2010
Jacobs Jane – Les Villes et la Richesse des nations. Réflexions sur la vie économique – Montréal : éditions du
Boréal, 1992
Jacobs Jane – La nature des économies – Montréal : éditions du Boréal, 2001
Jean Sébastien – Le ralentissement du commerce mondial annonce un changement de tendance – la Lettre
du CEPII, n°356, septembre 2015
Kinkel Steffen et Maloca Spomenka – « Localisations industrielles : les entreprises redécouvrent les vertus
du made in Germany », in Regards sur l'économie allemande, n°95, 2010,
Klare Michael – « Le troisième âge du carbone » – in L'Économie politique, 2014/2 n° 62
Krausmann K et alii – « Growth in global materials use, GDP and population during 20th century » – in
Ecological Economics, vol. 68, n°10, 2009
Kwon Jinwoo – Import Substitution at the Regional Level : Application in the United States ‐ State University
of New Jersey, 2009
L’usine nouvelle – La Chine devient le premier importateur de brut devant les Etats‐Unis – 11 mai 2015
Laherrère Jean – Pic du pétrole et autres pics – ASPO France, 2013
Lambert J.G. et alii – Energy,EROI and quality of life – in Energy Policy, n°64, 2014
Lambert J.G. et alii – EROI of Global Energy Resources Preliminary, Status and Trends – State University of
New York, College of Environmental Science and Forestry, 2012
Le Blanc Gilles – « Les espaces de la dynamique industrielle. Etat des lieux et problématiques » – in
Territoires 2040, n°3, DATAR, 2012
Le Ru Nicolas – L’évolution des métiers en France depuis 25 ans – DARES ANALYSES, septembre 2011, n°066
Le Texier Thibault, « Sortir d’une crise économique. Le mode d’emploi de Paul Krugman », La Vie des idées,
2 juillet 2013.
Lemoine Françoise et Ünal Deniz – Le ralentissement du commerce mondial annonce un changement de
tendance – la Lettre du CEPII, n° 352, mars 2015
Locke Richard M. et Wellhausen Rachel L. – Production in the Innovation Economy – MIT Press, 2014
Maddison Angus – The World Economy. A millenial perspective – OECD, 2001
Magnin Gérard – comment faire de la facture énergétique un levier de développement de l’économie locale
? – Grand Lyon, interview Millénaire3, décembre 2014
Mairie de Toulouse – Small Business Act – in « àToulouse », Magasine d’information de la ville de Toulouse,
N°37, Février‐Mars 2015
Markusen Ann et Schrock Greg, « Consumption‐Driven Urban Development », Urban geography, 30 (4),
2009
Semal Luc et Szuba Mathilde – « Villes en transition : imaginer des relocalisations en urgence » ‐
Mouvements, 2010/3 n° 63
Sénat – La globalisation de l’économie et les délocalisations d’activité et d’emplois – 2005
Servigne Pablo et Stevens Raphaël – Comment tout peut s'effondrer. Petit manuel de collapsologie à l'usage
des générations présentes – Seuil, 2015
Servigne Pablo – Refonder la résilience de nos systèmes alimentaires – interview dans « Pour une région
lyonnaise résiliente. Quel dialogue urbain‐périurbain ? – Région Urbaine de Lyon (RUL), mars 2015
Servigne Pablo – La résilience, un concept‐clé des initiatives de transition – Barricade, décembre 2011
Sode Arthur – Demain, quelle mondialisation ? – Trésor Eco, n° 128, Mai 2014
Sturgeon Timothy J. et Memedovic Olga – Mapping Global Value Chains : Intermediate Goods Trade and
Structural Change in the World Economy – United Nations Industrial Development Organization (UNIDO),
working paper 05/2010
Tainter Joseph – L’effondrement des sociétés complexes – Aube : Le retour aux sources, 2013
Thévard Benoit – La diminution de l’énergie nette, frontière ultime de l’anthropocène – Institut Momentum,
2013
Thévard Benoit – L’Europe face au pic pétrolier – rapport pour le Groupe des Verts/ALE au Parlement
Européen, 2012
Tiebout Charles – The Community Economic Base Study – Supplementary Paper n°6, Committee for
Economic Development, 1962
Toubal Farid – Quels enseignements de l’analyse du commerce en valeur ajoutée ? – Problèmes
économiques, numéro spécial, novembre 2013
Uring J.‐C., Président du Syndicat des machines et technologies de production (SYMOP), Mission
d’information sur les coûts de production en France, Assemblée Nationale, 22 novembre 2012
US Energy Information Administration – As cash flow flattens, major energy companies increase debt, sell
assets – Today in Energy, 29 juillet 2014
US Energy Information Administration – Annual Energy Outlook 2014
Van de Walle Isabelle et Brice Lucie – Pour les consommateurs, l’emploi doit être la priorité de la
Responsabilité Sociale des Entreprises – Crédoc, note de synthèse n°6, 2012
Vieweg H.G. – An introduction to Mechanical Engineering: Study on the Competitiveness of the EU
Mechanical Engineering Industry – Munich, 01 February 2012
Villemeur Alain – « L'État américain « dope » ses PME » – in Constructif, n°20, juin 2008
Vollet Dominique – « Chasse et développement territorial. Vers un cadre d’analyse global » ‐ in Economie
rurale, n° 327‐328, 2012
Ward Bernie et Lewis Julie – Plugging the Leaks. Making the most of every pound that enters your local
economy – New Economics Foundation, 2002
Weißbach D., Ruprecht G., Huke A., Czerski K., Gottlieb S., Hussein A. – Energy intensities, EROIs (energy
returned on invested), and energy payback times of electricity generating power plants – in Energy, Volume
52, 2013
Wiedmann, T.O., Schandl, H., Lenzen, M., Moran, D., Suh, S., West, J., Kanemoto, K. – The material footprint
of nations – PNAS, 2013
Zarfl Christiane, Lumsdon Alexander E., Berlekamp Jurgen, Tydecks Laura, Tockner Klement – A global boom
in hydropower dam construction – in Aquatic Sciences, 2014
ANNEXES
La matrice des échanges intermédiaires : constituant la partie centrale du TES, elle prend
la forme d’un tableau à double entrée qui divise l'économie en secteurs, disposés de
haut en bas sur la première colonne de gauche et de gauche à droite sur la première
ligne. Chaque ligne donne les ventes du secteur mentionné à gauche à tous les secteurs
mentionnés en haut du tableau. Chaque colonne donne les inputs achetés par le secteur
mentionné en haut à chacun des secteurs mentionnés à gauche. La somme de chaque
ligne est l'output total du secteur; la somme de chaque colonne est l'ensemble des
achats du secteur.
La matrice de la valeur ajoutée : située sous cette matrice des échanges intermédiaires,
elle indique la valeur ajoutée générée par chacun des secteurs d’activité (en colonne)
93
LEONTIEF W. (1966), Input‐Output Economics, Oxford University Press, Oxford, 1966
selon ses différentes composantes (salaires, fiscalité, excédent brut d’exploitation, etc.).
En ajoutant les importations à l’ensemble de cette production on obtient l’offre totale
disponible au sein de l’économie concernée.
La matrice de la demande finale : située à droitre de la matrice des échanges
intermédiaires, elle indique par secteurs d’activité (en ligne) les dépenses de
consommation finale des ménages, des administrations publiques et des institutions
sans but lucratifs au service des ménages, la formation brute de capital, la variation des
stocks et les exportations.
Considérée dans sa totalité, chaque colonne décompose le processus de production du secteur
placé en tête de colonne. De façon similaire, chaque ligne décompose l’ensemble des emplois de
la production du secteur placé en tête de ligne entre emplois intermédiaires et finals.
Le principal objectif du TES est de permettre l’analyse des relations d’interdépendances existant
entre les différentes secteurs (ensemble des activités qui participent à l’élaboration d’un produit
donné) d’une économie pour leurs approvisionnements comme pour leurs débouchés, en
indiquant les biens et services qui sont entrés dans la production d’autres biens et services et les
utilisations finales des produits. Il permet également de décrire les liens entre l'économie
nationale et le reste du monde. En décrivant la structure des flux de produits au sein d'une
économie, le TES permet de calculer des coefficients techniques caractérisant l’intensité des
relations d’interdépendances entre secteurs. La matrice constituée par ces coefficients
techniques permet in fine de construire des modèles d’analyse input‐output de prévision
économique permettant d’estimer notamment :
‐ l’effet d’entraînement d’un secteur sur les autres ;
‐ les conséquences sur les secteurs d’une augmentation globale de la production, des
exportations, de la consommation des ménages… ;
‐ les conséquences de l’interdépendance des secteurs (goulets d’étranglement).
Aujourd’hui, le tableau input‐output et les modèles d’analyse qui en découlent constituent l’un
des outils les plus robustes de représentation et d’analyse du système économique à la
disposition des comptables nationaux.
94
FLEGG A. T., MASTRONARDI L. J. and ROMERO C. A. (2014) Empirical evidence on the use of the FLQ formula for
regionalizing national input‐output tables: the case of the province of Córdoba, Argentina, forthcoming working
paper, University of the West of England, Bristol. FLEGG A. T. and TOHMO T. (2013) Regional input‐output tables
and the FLQ formula: a case study of Finland, Regional Studies 47, 703‐721
1 Agriculture 1 003 453 1 456 1,45 12 531 2 552 15 083 1,20 186 101 287 1,55 172 39 210 1,22
4 Ind. extractives 117 65 182 1,55 421 406 827 1,96 18 17 35 1,92 13 6 19 1,47
5 Ind. agroalimentaires 3 269 2 009 5 278 1,61 12 735 16 061 28 796 2,26 412 534 946 2,30 163 220 383 2,35
6 Ind. textile 911 194 1 105 1,21 6 544 1 291 7 835 1,20 187 53 240 1,28 54 18 72 1,33
7 Ind. bois (hors meubles) 225 113 337 1,50 1 564 792 2 355 1,51 48 31 79 1,65 11 11 22 1,98
8 Ind. Papier et carton 425 249 674 1,59 1 582 1 500 3 082 1,95 65 63 128 1,97 21 23 43 2,10
Ind. impression et
9 366 149 515 1,41 2 917 916 3 833 1,31 101 39 140 1,38 23 14 37 1,58
reproduction
Ind. Cokéfaction et
10 4 537 307 4 844 1,07 812 1 786 2 598 3,20 75 79 154 2,05 170 29 199 1,17
raffinage
11 Ind. Chimiques 4 608 939 5 548 1,20 9 036 5 304 14 340 1,59 525 220 745 1,42 340 79 420 1,23
12 Ind. pharmaceutiques 3 576 519 4 095 1,15 9 163 3 240 12 404 1,35 457 140 597 1,31 230 47 277 1,20
Ind. caoutchouc et
13 1 160 387 1 547 1,33 6 772 2 377 9 149 1,35 253 99 353 1,39 65 34 100 1,53
plastique
Ind. autres produits
14 minéraux non 722 385 1 107 1,53 3 260 2 495 5 755 1,77 130 103 232 1,79 40 37 77 1,91
métalliques
15 Ind. métallurgiques 738 476 1 215 1,64 1 628 2 830 4 458 2,74 67 127 194 2,88 29 46 75 2,56
20 Ind. automobile 2 790 1 068 3 858 1,38 7 395 6 966 14 360 1,94 300 289 590 1,96 73 86 159 2,17
27 Construction 9 668 3 264 12 933 1,34 69 954 22 189 92 143 1,32 2 483 911 3 394 1,37 846 282 1 128 1,33
Commerce et réparation
28 d'automobiles et de 1 407 378 1 785 1,27 18 611 2 337 20 949 1,13 563 99 662 1,18 157 36 192 1,23
motocycles
Commerce de gros (hors
29 automobiles et 9 433 2 766 12 199 1,29 56 272 16 631 72 903 1,30 2 545 715 3 260 1,28 989 291 1 280 1,29
motocycles)
Commerce de détail
30 (hors automobiles et 4 124 1 488 5 612 1,36 60 241 8 878 69 119 1,15 1 508 385 1 894 1,26 487 154 641 1,32
motocycles)
31 Transports terrestres 3 728 975 4 703 1,26 35 459 5 331 40 790 1,15 1 245 230 1 475 1,18 404 90 493 1,22
32 Transport par eau 139 120 260 1,86 163 719 882 5,41 7 31 38 5,13 10 12 22 2,17
33 Transports aériens 351 196 547 1,56 1 243 1 230 2 474 1,99 84 53 137 1,63 33 18 51 1,54
Entreposage et services
34 3 099 487 3 586 1,16 14 785 3 147 17 932 1,21 728 134 862 1,18 312 49 360 1,16
auxiliaires des transports
35 Poste et courrier 480 87 567 1,18 8 809 551 9 360 1,06 285 24 308 1,08 35 9 44 1,25
Hébergement et
36 3 010 1 056 4 067 1,35 35 930 6 796 42 726 1,19 1 002 262 1 264 1,26 315 102 417 1,32
restauration
37 Édition 869 378 1 248 1,44 4 015 2 264 6 279 1,56 236 102 338 1,43 76 35 112 1,46
41 Services financiers 4 395 1 172 5 567 1,27 17 188 7 192 24 380 1,42 1 057 326 1 383 1,31 477 132 609 1,28
Services d'assurance et
42 de caisses de retraite 1 535 1 073 2 608 1,70 6 280 6 372 12 652 2,01 302 290 592 1,96 89 112 201 2,27
(hors séc. soc.)
Services auxiliaires aux
43 services financiers et aux 1 465 471 1 936 1,32 8 278 2 791 11 069 1,34 382 128 510 1,34 146 50 196 1,34
assurances
44 Services immobiliers 5 032 1 126 6 158 1,22 9 323 6 694 16 017 1,72 571 311 882 1,55 927 112 1 038 1,12
Services juridiques et
45 comptables; conseil de 5 088 1 262 6 350 1,25 25 960 7 678 33 639 1,30 1 725 324 2 049 1,19 495 135 629 1,27
gestion
Services architecture,
46 ingénierie, contrôle et 3 286 590 3 876 1,18 21 887 3 433 25 320 1,16 1 132 156 1 288 1,14 266 62 328 1,23
analyses tech.
47 Services de R&D 1 899 609 2 509 1,32 11 132 3 833 14 965 1,34 604 164 768 1,27 124 62 187 1,50
Services de publicité et
48 735 249 984 1,34 5 897 1 684 7 581 1,29 233 68 301 1,29 65 26 91 1,40
d'études de marché
Autres services
49 spécialisés, scientifiques 428 131 558 1,31 3 072 813 3 885 1,26 165 35 200 1,21 57 13 71 1,23
et techniques
50 Location et location‐bail 2 447 769 3 216 1,31 4 493 5 314 9 807 2,18 243 220 464 1,91 395 78 473 1,20
51 Services liés à l'emploi 1 365 130 1 495 1,09 30 802 820 31 622 1,03 994 35 1 030 1,04 104 13 117 1,12
55 Enseignement 4 829 669 5 498 1,14 64 115 4 459 68 575 1,07 2 970 173 3 143 1,06 530 65 595 1,12
56 Santé 4 503 847 5 351 1,19 52 709 5 615 58 324 1,11 1 884 231 2 116 1,12 678 85 763 1,13
57 Action sociale 2 017 321 2 338 1,16 52 917 2 321 55 238 1,04 1 289 89 1 377 1,07 202 33 235 1,16
Services créatifs,
artistiques, du spectacle
58 833 290 1 123 1,35 9 979 1 831 11 810 1,18 325 75 400 1,23 90 29 118 1,32
et autres services
culturels
Services sportifs,
59 598 263 861 1,44 5 614 1 622 7 235 1,29 188 65 253 1,34 66 25 90 1,38
récréatifs et de loisirs
Services fournis par des
60 organisations 526 189 715 1,36 9 838 1 268 11 105 1,13 245 51 297 1,21 41 19 60 1,47
associatives
Services de réparation de
61 biens personnels et 374 84 458 1,23 3 747 566 4 314 1,15 175 23 198 1,13 40 8 48 1,19
domestiques
Autres services
62 566 84 650 1,15 11 042 467 11 509 1,04 218 20 238 1,09 98 9 108 1,10
personnels
Annexe 5 : Les secteurs d’activités de l’aire urbaine de Lyon générant les revenus et la
fiscalité locale cumulés les plus importants
L’accroissement de la part des biens intermédiaires dans les importations des principaux pays
industralisés depuis le début des années 2000
On remarque que la France se distingue des autres principales économies de l’OCDE, certains
auteurs voyant ici une explication de l’écart de compétitivité avec l’Allemagne constaté
aujourd’hui (L.Fontagné et F.Toubal, 2011).
Source : OCDE
95
La mesure de la part de la valeur des exportations de chaque pays qui provient d’importations de biens et
services intermédiaires est une approche nouvelle. En effet, les mesures traditionnelles des échanges imputent la
totalité de la valeur commerciale des flux de biens et services au dernier pays d'origine à chaque franchissement de
frontière. Ce qui peut donner une image inexacte des échanges internationaux dès lors que les biens et services
incorporés dans la production de tout bien ou service exporté sont comptabilisés plusieurs fois. Ce constat a conduit
l’OMC et l’OCDE a développer une nouvelle méthodologie d’analyse des échanges internationaux (« Made in the
world initiative ») précisant la valeur ajoutée par chaque pays dans les chaines de valeurs internationales. Ce qui
offre une nouvelle lecture du commerce mondial. Par exemple, l’excédent commercial de la Chine avec les États‐
Unis en 2009, calculé en termes de valeur ajoutée, diminue de plus d’un tiers (M.Durand, 2013).
Cette tendance apparaît encore plus clairement lorsqu’on examine certains secteurs. Par
exemple, dans le secteur du matériel de transport, le contenu en produits étrangers des
exportations augment de 16% en France entre 2000 et 2009, et de 20% en Allemagne. Autre
exemple, dans le secteur du matériel électronique, cette part augmente de 54% pour le Japon et
de 135% pour les Etats‐Unis. Pour autant, le poids des inputs étrangers dans les exportations de
ces deux derniers pays reste nettement inférieur à celui observé pour l’Allemagne et la France.
1 82,9 0,5 0,0 0,0 432,4 5,2 0,0 0,0 0,0 0,0 2,3 0,0 11,5 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 26,6 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 0,1 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 1,3 3,7 0,6 0,0 0,1 0,4 0,1 0,0 0,0 0,0 568
chasse et ser vices annexes
Pr o d uit s sylvico les et ser vices
2 0,0 7,2 0,0 0,0 0,0 0,0 19,2 1,7 0,9 0,0 0,7 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 7,9 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,9 0,1 0,0 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 39
annexes
Pr o d uit s d e la p êche et d e
3 0,0 0,1 0,1 0,0 30,8 0,4 0,0 0,0 0,0 0,0 0,4 0,0 0,4 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 0,8 0,0 0,0 3,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 2,0 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,2 0,4 0,0 0,0 39
l' aq uacul t ur e; ser vices d e so ut ien à
4 Pr o d uit s d es ind ust r ies ext r act ives 0,5 0,0 0,0 1,4 7,4 1,6 0,1 1,6 0,7 2956,7 151,5 3,3 1,4 21,5 45,0 4,1 0,2 1,5 1,4 1,1 0,1 0,7 1,5 612,0 0,4 0,4 36,5 0,3 2,7 0,4 0,1 0,0 0,0 0,1 0,0 2,6 0,0 0,0 0,4 0,1 0,2 0,0 0,0 0,1 0,3 0,2 0,9 0,1 0,0 0,2 0,1 0,0 1,5 1,9 0,3 0,5 0,1 0,0 0,1 0,3 0,1 0,0 3866
19 M achines et éq ui p ement s n.c.a. 10,8 0,9 0,2 6,4 15,3 6,4 1,8 2,9 0,8 19,8 23,6 4,8 11,6 6,9 9,0 30,7 10,1 33,0 213,4 178,8 8,8 7,8 108,4 12,6 6,3 11,7 143,6 18,0 19,9 8,2 8,2 0,4 0,6 13,2 0,6 2,2 1,3 2,0 6,8 3,3 0,8 0,0 0,0 0,9 4,7 2,9 7,0 0,6 1,8 9,0 1,4 2,6 15,2 4,6 1,7 2,6 2,7 2,1 1,2 0,8 3,0 1,1 10 3 8
33 T r ansp o r t s aér iens 0,1 0,0 0,0 0,1 1,6 0,7 0,1 0,2 0,2 3,1 4,1 4,9 0,6 0,7 0,3 0,8 0,1 1,1 1,1 1,0 0,1 0,4 0,5 1,3 0,1 0,8 3,1 1,1 11,6 6,7 1,6 0,1 18,9 10,6 0,3 2,1 0,6 0,7 1,1 4,6 8,9 3,8 12,9 1,4 6,9 5,8 6,8 2,7 0,8 4,1 1,4 2,9 6,8 3,1 2,0 2,1 0,5 1,2 1,0 1,4 0,1 0,4 16 4
Pr o d uct io n d e f ilms
38 0,0 0,0 0,0 0,1 2,3 2,6 0,1 0,3 8,1 7,1 11,0 8,4 1,4 0,6 0,2 2,0 0,5 2,6 4,3 2,3 0,0 1,2 1,4 5,7 0,8 1,0 8,2 3,0 37,4 18,5 2,4 0,0 0,2 5,8 0,6 2,5 26,4 19,7 26,1 65,2 1,1 0,3 1,5 8,5 43,2 38,6 20,1 1,8 2,1 20,9 2,2 0,7 38,9 1,2 3,8 3,1 0,6 2,2 1,1 1,5 0,6 1,2 475
cinémat o g r ap hi q ues, d e vid éo s et d e
39 Services d e t éléco mmunicat i o ns 0,0 0,0 0,0 0,0 0,2 1,7 0,0 0,0 0,5 2,2 8,1 10,9 0,6 0,4 0,0 1,9 0,0 4,6 5,5 2,4 0,0 1,4 2,1 7,2 0,2 1,7 8,8 4,7 84,3 14,2 2,6 0,0 0,0 5,9 5,9 4,8 2,2 0,6 200,7 46,3 44,5 5,6 16,3 7,8 33,7 34,2 11,8 4,3 2,5 18,0 4,1 0,3 39,7 5,9 7,2 4,3 0,4 3,0 1,0 0,8 0,2 1,1 679
51 Services li és à l' emp lo i 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 6,1 0,0 0,0 1,5 1,9 31,9 32,9 10,5 3,3 0,0 15,8 0,0 23,5 34,2 15,2 0,0 6,7 18,6 6,8 1,3 7,0 63,8 2,3 33,6 6,1 26,2 0,0 0,0 27,5 2,6 3,8 0,2 0,0 1,6 7,0 17,9 1,2 3,3 2,2 8,0 7,5 2,6 1,4 0,8 5,5 3,6 0,5 13,5 5,8 6,2 2,4 1,0 1,3 0,2 0,2 0,7 0,7 478
56 Services d e sant é humaine 0,0 0,0 0,0 0,0 0,2 0,4 0,0 0,0 0,1 1,8 1,2 0,7 0,2 0,1 0,0 0,4 0,0 0,4 0,8 0,6 0,0 0,2 0,3 0,9 0,1 0,4 2,1 0,2 1,7 0,6 0,9 0,0 0,0 1,4 0,0 1,7 0,2 0,1 0,8 1,4 0,3 1,8 2,3 0,5 0,8 0,3 1,9 0,4 0,2 1,6 0,1 0,0 3,6 2,7 0,2 41,8 1,2 0,2 0,1 0,0 0,1 0,0 80
T OT A L 201 10 2 18 925 438 59 118 10 7 3880 2541 2 13 8 431 18 8 231 872 12 9 991 14 8 3 14 9 2 15 5 320 773 2093 67 324 2527 227 2298 476 765 19 56 805 57 655 19 0 12 2 722 804 8 11 264 359 588 10 8 8 936 623 16 0 87 452 92 73 10 3 9 578 379 474 90 13 4 77 70 84 58
Annexe 13 : Matrice des échanges intersectoriels entre l’aire urbaine de Lyon (secteurs « acheteurs ») et l’extérieur (secteurs « fournisseurs ») : contenu en emplois
Lecture en colonne : en 2013, les achats à l’extérieur de l’aire urbaine de Lyon du secteur industrie chimique (n°11) auprès du secteur machines et équipements représentent 107 emplois
Secteurs "acheteurs" (Aire urbaine de Lyon)
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 TOT A L
Secteurs "fournisseurs" (reste France et étranger
5 Ind . ag r o aliment air es 77 0 0 3 1075 59 1 13 1 19 439 202 9 3 4 11 1 11 15 14 0 11 12 8 1 12 43 13 110 55 8 0 7 16 3 1411 4 30 28 27 3 1 2 16 49 37 66 23 7 44 16 0 79 34 242 155 30 9 69 15 2 3 4659
6 Ind . t ext ile 9 0 0 1 17 1396 4 105 5 7 142 97 34 8 6 10 9 29 54 166 6 106 59 2 1 12 113 19 91 41 4 1 1 6 1 28 3 31 10 2 5 3 4 2 15 2 2 0 6 6 3 1 14 46 32 51 10 20 11 1 18 0 2884
8 Ind . Pap i er et car t o n 2 0 0 1 72 46 2 187 160 10 167 244 32 19 1 10 6 35 25 15 1 25 12 5 2 29 45 7 113 78 5 1 0 13 1 12 184 74 9 13 17 7 34 18 67 34 13 6 5 26 2 6 50 36 23 2 6 5 4 1 2 1 2029
11 Ind . chimiq ues 101 1 2 3 57 82 4 30 24 146 1664 557 387 18 19 69 5 84 64 66 3 36 32 239 4 6 136 10 7 9 2 0 0 3 1 7 17 11 5 7 0 0 1 2 4 6 19 2 5 9 3 0 21 6 5 20 1 5 3 4 2 0 4037
13 Ind . cao ut cho uc et p last i q ue 9 0 0 3 97 98 3 20 16 352 533 219 366 21 14 122 35 422 468 717 10 71 299 84 1 16 567 49 195 132 97 2 4 14 14 11 23 13 85 23 2 2 10 5 29 22 16 14 7 27 5 1 62 0 2 30 2 3 2 1 20 2 5491
19 Ind . machines et éq uip ement s 49 4 1 29 70 29 8 13 4 90 107 22 53 31 41 139 46 150 969 812 40 35 492 57 29 53 652 82 90 37 37 2 3 60 3 10 6 9 31 15 4 0 0 4 21 13 32 3 8 41 7 12 69 21 8 12 12 9 5 4 14 5 4 7 12
C o mmer ce et r ép ar at i o n
28 0 0 0 0 0 32 0 2 6 62 201 246 22 16 0 51 0 73 110 127 0 33 50 24 2 15 147 30 138 22 161 0 0 22 1 89 8 8 22 20 6 9 6 7 20 17 25 4 6 14 7 1 32 39 29 45 10 11 11 13 6 1 2057
d ' aut o mo b i les et d e mo t o cycles
C o mmer ce d e g r o s ( ho r s aut o mo b iles
29 8 1 0 1 40 97 4 4 12 274 673 998 59 22 9 156 5 244 392 366 3 102 162 83 5 31 357 35 1403 63 121 1 3 110 4 151 17 4 60 95 10 2 15 23 69 82 61 10 17 28 14 4 123 13 55 68 4 12 4 3 15 1 6808
et mo t o cycles)
C o mmer ce d e d ét ail ( ho r s
30 0 0 0 2 160 208 14 27 39 352 1292 1591 152 107 12 365 13 482 696 860 0 218 333 163 12 87 1082 102 352 105 179 0 0 96 10 685 56 40 134 111 28 8 27 30 104 88 134 24 39 79 25 7 183 93 173 366 33 35 49 15 40 5 117 2 0
aut o mo b iles et mo t o cycles)
31 T r ansp o r t s t er r est r es 7 1 0 1 34 67 2 5 9 168 533 342 47 19 4 56 2 86 129 131 1 36 57 206 3 31 185 59 1683 154 1667 0 1 119 3 91 13 10 48 43 17 6 19 17 49 52 79 13 8 23 12 4 68 98 228 43 9 16 6 28 5 2 6855
32 T r ansp o r t p ar eau 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 2 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0 0 0 1 0 0 2 0 0 0 0 6 0 10 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 34
35 Po st e et co ur r ier 0 0 0 0 2 11 0 1 6 15 186 52 4 4 0 10 0 15 28 16 0 8 11 50 2 33 48 38 480 134 28 0 1 34 281 36 25 25 452 264 145 11 80 33 257 198 78 25 17 113 31 10 214 287 80 33 11 25 16 26 2 10 4005
36 Héb er g ement et r est aur at io n 0 0 0 0 2 9 0 1 2 42 68 87 11 7 0 24 0 22 44 20 0 12 18 26 3 16 40 16 554 151 110 0 0 50 5 188 9 19 48 134 87 19 69 60 138 125 58 16 12 97 17 11 212 48 164 35 180 28 27 14 3 5 3 16 3
51 Ser vices li és à l' emp lo i 0 0 0 0 0 138 0 0 34 44 719 742 237 74 0 357 0 530 771 343 0 152 420 154 30 158 1439 52 758 138 591 0 0 619 58 85 6 1 36 158 403 27 73 49 181 169 59 31 17 124 81 12 305 131 139 54 22 28 5 4 15 15 10 7 9 0
57 A ct io n so ciale 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
TOTA L 13 8 8 60 6 76 7 8 18 2878 370 533 524 15 12 2 114 3 4 116 8 3 2030 972 733 4 3 10 6 16 5372 8446 7886 409 2 14 6 4332 6 6 10 337 15 9 2 ### 12 3 5 ### 2671 5065 50 15 2 4554 524 3834 937 635 3646 4629 4044 14 3 5 19 5 1 2693 5883 5621 3451 10 7 3 471 2581 647 5 14 6284 2638 2503 2 9 19 6 12 950 468 451 501 642
MILLENAIRE3.
COM
métropole de lyon
DIRECTION DE LA PROSPECTIVE
ET DU DIALOGUE PUBLIC
20 RUE DU LAC
CS 33569
69505 LYON CEDEX 03