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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

(U.C.A.O)

UNITE UNIVERSITAIRE D’ABIDJAN (U.U.A)


Décembre 2009

FACULTE DE DROIT

MEMOIRE POUR L’OBTENTION DU


DIPLOME DE DEA EN DROIT PRIVE FONDAMENTAL

THEME :
LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES
MINORITAIRES DES SOCIETES ANONYMES DANS
L’ESPACE OHADA

Présenté par : Sous la direction du :

SENIADJA ADJO FLAVIE Professeur DIEUNEDORT


STEPHANIE NZOUABETH ; agrégé de
droit privé et sciences
criminelles.

Abidjan, décembre 2009


1
DEDICACE

A DIEU tout puissant

A mes parents

A mes frères, Loïc, Marielle et Christopher

A mes amis (es)

2
REMERCIEMENTS

Avant de présenter ce mémoire, je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui
ont participé à la réalisation de ce mémoire tant par leurs conseils que par leurs
sollicitudes.
Je tiens ainsi à dire :
 merci vivement à mon directeur de mémoire, le Professeur
DIEUNEDORT NZOUABETH, pour avoir su me guider et me diriger
dès le début et pour sa confiance et sa disponibilité tout au long de ce
travail.
 mes vifs remerciements et ma profonde gratitude spécialement à mes
parents Mr et Mme SENIADJA qui ont su m'encourager et me soutenir
lors de mes études, notamment lors de la recherche pour réaliser ce
travail.

 merci à l’UCAO pour son soutien et son engagement auprès des


étudiants.
 merci plus particulièrement au cabinet d’avocats OBENG-KOFI FIAN
et, notamment à Me DJEDOU pour sa précieuse contribution à la
correction de ce mémoire.

Enfin, je tiens à adresser mes remerciements à ma famille, à tous mes amis et à


tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce travail ; je
vous adresse ma profonde reconnaissance.

3
TABLE DES ABREVIATIONS

Al. Alinéa
Art. Article
AUSCGIE Acte Uniforme relative aux Sociétés
Commerciales et au Groupement
D’Intérêt Economique
Bull. Bulletin
CA. Cour d’appel
Cass. Cour de cassation
C. civil. Code civil
Ch. Chambre
Chr. Chronique
Cf Confère
Civ. Civile
Coll. Collection
Com. Commerciale
c/ Contre
Gaz.Pal. Gazette du palais
D. Dalloz
Doctr. Doctrine
Ed. Editions
JCP. Jurisclasseur périodique
LGDJ Librairie Générale de Droit et de

4
Jurisprudence
n° Numéro
P. Page
Obs. Observations
OHADA. Organisation pour l’Harmonisation
en Afrique du Droit des Affaires
Op. cit. Cité plus haut
Ref. Référence
RJDA Revue Juridique de Droit
Administratif
RTD. Revue trimestrielle de droit
Somm. Sommaire
t. tome
Trib. Tribunal
TRHC Tribunal Régional Hors Classe
Vol Volume

5
SOMMAIRE

INTRODUCTION …………………………………………………………….1

TITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES…………………………..9

CHAPITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES ACTIONNAIRES


MINORITAIRES CONTRE LES DIRIGEANTS
SOCIAUX…………………………………………………...10
SECTION I : LA PROTECTION PAR L’INFORMATION………………..10
SECTION II : LA PROTECTION PAR L’EXPERTISE……………………22

CHAPITRE II : LES MOYENS DE PROTECTION DES ACTIONNAIRES


MINORITAIRES CONTRE LES
MAJORITAIRES…………………………..........................30
SECTION I : LA NOTION D’ABUS DE MAJORITE…………………….30
SECTION II : LES ELEMENTS CARACTERISTIQUES DE L’ABUS DE
MAJORITE…………………………………………………..39

TITRE II : LES SANCTIONS AUX ATTEINTES DES DROITS DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES………………………...48

CHAPITRE I : LES SANCTIONS DE PRINCIPE………………………....49


SECTION I : L’ANNULATION DES ACTES PREJUDICIABLES AUX
ACTIONNAIRES MINORITAIRES………………………….49
SECTION II : LA RESPONSABILITE DES FAUTIFS……………………..54

CHAPITRE II : LES SANCTIONS D’EXCEPTION……………………….61


SECTION I: L’INTERVENTION D’UN TIERS…………………………...61
SECTION II : LA DISSOLUTION ANTICIPEE DE LA SOCIETE……….68

CONCLUSION……………………………………………………………...74

6
INTRODUCTION

Durant ces dernières années, la mondialisation de l’économie a entraîné


un vaste mouvement de rapprochement des législations nationales, dans la
quête d’une plus grande compétitivité. A l’image des Etats européens,
regroupés dans une union européenne forte, l’Afrique a entrepris le
rapprochement des législations afin de conforter son intégration
économique1. Cette initiative qui passe nécessairement par une véritable
intégration juridique, constitue un vecteur essentiel de la sécurisation des
agents économiques et de la création d’emplois. L’organisation pour
l’harmonisation en Afrique du droit des affaires 2 constitue, de nos jours, le
meilleur outil d’expression des entreprises africaines.
En effet, l’entrée en vigueur le 1 er janvier 1998 de l’Acte Uniforme de
l’OHADA, créé par le traité de port Louis et adopté par le conseil des
ministres le 17 avril 19973, portant sur le droit des sociétés commerciales et
du groupement d’intérêt économique marque un bouleversement dans
l’histoire du droit des sociétés des pays africains membres de la zone franc.
Ce texte, en effet, est venu mettre un terme, dans la plupart des pays
concernés, à plus d’un siècle d’application de la loi française du 24 juillet
1867 sur les sociétés par action.
De toute évidence, l’ancienne législation héritée de la colonisation
n’était plus adaptée à la situation économique du continent 4. Elle constituait
même, à certains égards, un frein au développement des entreprises. Il fallait
donc simplifier, adapter et sécuriser le droit des sociétés car l’existence de

1
Keba MBAYE ; L’histoire et les objectifs de l’OHADA ; Petites affiches, n°205, 13 octobre 2004 ; P.4
2
OHADA
3
Pour une présentation générale de l’OHADA, V. Gérard POUGOUE, Présentation générale et procédure en
OHADA, PUA, 1998
4
Jean PAILLUSSEAU, L’acte uniforme sur le droit des sociétés; Petites affiches, n°205, 13 octobre 2004 ;
P.19

7
règles identifiables et claires à la création et au fonctionnement des
entreprises est un préalable indispensable au développement économique 5.
Afin de satisfaire aux exigences de l’économie contemporaine, la reforme
de l’OHADA devait donc relever le double défi de la modernisation du droit
des sociétés commerciales et surtout celui de la sécurisation des associés.

De facto, les acteurs de la réforme ont adopté une conception assez


moderne du droit des sociétés commerciales en donnant une définition plus
moderne et plus dynamique de la société commerciale et en simplifiant le
fonctionnement de la société anonyme6. L’Acte Uniforme abandonne la
conception basée sur le contrat de société retenue par l’article 1832 du code
civil français de 18047 qui était encore en vigueur dans certains pays
signataires du traité8 pour suivre l’exemple du droit français où la loi du 4
janvier 1978 avait modifié l’article 1832 du code civil. Désormais, l’alinéa
1er de l’article 4 de l’AUSCGIE dispose que : « la société commerciale est
créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat,
d’affecter à une activité des biens en numéraires ou en nature, dans le but de
partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les
associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par
le présent Acte uniforme »9. L’alinéa 2 du même article précise quant à lui
que « la société doit être créée dans l’intérêt commun des associés » et
enfin, l’article 5 pose les principes de création de la société commerciale par

5
Benoît LE BARS et Boris MATOR, Management et financement de la société anonyme de droit OHADA, La
semaine juridique n°5, 28 octobre 2004 ; P12
6
Les rédacteurs de l’Acte Uniforme se sont inspirés du droit français tout en gardant des solutions avant-
gardistes
7
Jean PAILLUSSEAU, L’acte uniforme sur le droit des sociétés ; op. cit. ; P.20
8
La Côte d’Ivoire et le Cameroun
9
C’est une convention qui doit remplir toutes les conditions de validité prévues par les dispositions relatives au
droit commun des contrats. Mais, en raison de son caractère particulier, cette convention nécessite
l’intervention d’éléments spécifiques également exigés à peine de nullité.

8
une seule personne « associé unique »10 à l’instar de la loi française du 11
juillet 1985.

Cependant, les rédacteurs de l’AUSCGIE ont maintenu le principe du


gouvernement majoritaire dans les sociétés anonymes 11, car indispensable
au bon fonctionnement et à la stabilité des sociétés commerciales.
Traditionnellement, le pouvoir de décision est concentré entre les mains de
la majorité. Ce n’est d’ailleurs pas là un droit propre aux sociétés
commerciales : « les régimes politiques sont tributaires du même principe»12.
Le fonctionnement de la société anonyme, domaine par excellence des
innovations les plus importantes et les plus modernes de l’AUSCGIE, dans
le droit OHADA, est donc dominé par la règle de la majorité dans les
organes de gestion et les organes délibérants, selon laquelle toutes les
décisions sont prises à la majorité simple ou qualifiée 13. Seulement, ce qui
attire l’attention dans le nouveau dispositif, ce sont les aménagements
apportés dans le cadre de cette loi de la majorité à la situation des
minoritaires. Il est nécessaire ici pour mieux comprendre le sujet de préciser
ces notions de majorité et minorité14 ?
Pour la notion de majorité, il convient tout d’abord d’observer que
la majorité dans les sociétés anonymes peut être comprise différemment
selon que l’on prend pour cas le conseil d’administration ou l’assemblée
générale.
Au sein du conseil d’administration, les délibérations ne sont valables
que si la moitié au moins de ses membres est présente, les décisions étant

10
Jean PAILLUSSEAU, L’acte uniforme sur le droit des sociétés; op. cit. ; P.23
11
Dans le cadre de l’OHADA, la société anonyme joue un rôle économique de premier plan, elle apparaît
comme la forme sociétaire la plus importante. Aussi, elle est la seule forme de société de capitaux.
12
Yves Guyon, Droit des affaires : droit commercial général et sociétés, 8 ème édition Paris, Economica, 2003,
P.402
13
Le principe de la majorité se manifeste à travers plusieurs articles de l’AUSCGIE.L’article 545 par exemple
dispose que « les décisions sont prises à la majorité des membres présents ou représentés à moins qu’un statut
ne prévoit une majorité plus forte ».
14
Pour plus de précision sur la notion de majorité, voir infra 1ère partie, chapitre 2, p.30

9
prises à la majorité des membres présents ou représentés. Ici, la majorité est
égale à 50% plus une voix. Les minoritaires sont donc l’ensemble des voix
restantes.
Dans les assemblées générales, le quorum est fixé par l’article 548 de
l’AUSCGIE, les majoritaires représentent au moins le quart des actionnaires
ayant le droit de vote. A la deuxième convocation, la majorité est calculée
selon les voix exprimées.
Pour ce qui est de l’assemblée générale ordinaire, l’article 549 de
l’AUSCGIE dispose que : «L’assemblée générale ordinaire statue à la
majorité des voix exprimées. Dans les cas où il est procédé à un scrutin, il
n’est pas tenu compte des bulletins blancs dont disposent les actionnaires
présents ou représentés ». En d’autres termes, elle statue à la majorité des
voix exprimées, les abstentions et les votes blancs étant considérés comme
des votes contre15.
Quant à l’assemblée générale extraordinaire, elle statue suivant les
dispositions de l’article 554 de l’AUSCGIE, à la majorité des deux tiers des
voix exprimées.

A l’inverse, « la minorité réunit ceux qui pour des raisons diverses n’ont
pas votées les résolutions adoptées par les majoritaires »16.
Autrement dit, l’actionnaire minoritaire est un actionnaire qui de part sa
faible participation dans la société, ne joue pas un rôle décisionnel important
durant les assemblées générales. La minorité réunit ceux qui n'ont pas voté
les résolutions des majoritaires.
Cette règle de la majorité domine ainsi la participation et le vote des
décisions collectives des actionnaires ainsi que celle des organes dirigeants.
Notons cependant qu’au cours d’une assemblée ceux qui ont une forte
15
Alain FENEON, « Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l’espace
OHADA », PENANT, n.839, p. 156
16
GUYON Y., op. cit.P.408

10
participation dans la société peuvent être mis en minorité au cours d’un
vote.

Comme on peut le constater, les notions de majorité et de minorité sont


le plus souvent fluctuantes.
Ainsi, le pouvoir de décision qui appartient à la majorité lui est-il confié
non pas dans un intérêt personnel, mais, afin de réaliser l’objet social 17.
Cependant, les sociétés anonymes, comprennent souvent des actionnaires 18
nombreux et qui se connaissent mal. Ces actionnaires sont souvent animés
par des intérêts divergents ; ce qui naturellement fait de la société un terreau
fertile pour les conflits. Les actionnaires minoritaires se sentent parfois pris
en otage par la majorité. Notamment, ils reprochent fréquemment aux
majoritaires d’abuser de leurs droits et de gérer les sociétés, non pas dans
l’intérêt social mais dans leurs intérêts personnels. MANDEVILLE, dans la
fable des abeilles met en garde quand il affirme que « la recherche de
l’intérêt individuel fonde les hommes dans toutes les actions même les plus
vertueuses ». L’égoïsme, l’amour de soi, constituent le ressort de l’action
humaine.

Dans ce contexte, les intérêts des actionnaires minoritaires, c'est-à-dire


ceux qui ne détiennent pas une fraction de capital suffisante pour contre
balancer le pouvoir des majoritaires se trouvent parfois sacrifiés. Il n’est
donc pas rare dans le cadre du fonctionnement de la société anonyme
d’assister à la prise de décisions contraires, non seulement à l’intérêt des
minoritaires, mais également à l’intérêt social adopté par les actionnaires
majoritaires dans l’unique dessein de satisfaire les membres de la majorité
au détriment des autres actionnaires.

17
La majorité ne saurait pourtant faire mauvais usage de son pouvoir car elle violerait l’alinéa 2 de l’article 4
de l’AUSCGIE qui prévoit que la société est constituée dans un intérêt commun.
18
La notion d’actionnaire renvoie aux sociétés de capitaux, notamment la société anonyme.

11
Cette tendance à l’écrasement des minoritaires entraîne des conflits, sinon
des oppositions entre actionnaires conduisant à la constitution de blocs
antagonistes dont l’attitude peut provoquer la fin prématurée de la société.
Alors, quelle solution le législateur OHADA apporte-il à cet épineux
problème ? En d’autres termes, la protection mise en place par le législateur
africain en faveur des actionnaires minoritaires est-elle efficace ?

Le législateur OHADA, même s’il opte pour la proportionnalité des


droits au montant des apports n’hésite pas à voler au secours des actionnaires
minoritaires dans la mesure où dans toute société, les intérêts des associés,
même s’ils détiennent la majorité du capital sont essentiellement transcendés
par l’intérêt social. On sent encore plus qu’il leur vient à la rescousse lorsqu’il
renforce les droits des associés en améliorant leur information et en instituant à
la surprise générale et à la grande joie des associés minoritaires, l’expertise de
gestion.
Cependant, convient-il de préciser que la protection communautaire
dont jouissent les actionnaires minoritaires n’est pas une protection arbitraire,
préjudiciable aux actionnaires majoritaires. Elle est plutôt tournée vers
l’égalité des actionnaires19. Ces mesures, scrutées ou regardées de près
conduisent à observer qu’elles sont des mécanismes de salut public ; en ce sens
qu’une entreprise contrainte de fermer pour mésintelligence entre actionnaires,
au delà des intérêts partisans, affecte gravement l’ordre public économique et
social.

L’intérêt de notre sujet apparaît alors manifeste, notamment en Afrique


subsaharienne où les mouvements politiques des années 90 ont été
accompagnés des mouvements économiques et financiers 20. En effet, les
19
Le législateur OHADA sanctionne également l’abus de minorité. V. art. 131 de l’AUSCGIE.
20
Keba MBAYE ; L’histoire et les objectifs de l’OHADA ; op. cit. ;P. 4

12
Programmes d’Ajustement Structurels ont mis à la charge des pays
bénéficiaires, l’obligation de privatiser les sociétés d’Etat.
Ainsi, plusieurs multinationales ont pris le contrôle d’importantes
compagnies en s’octroyant la majorité des actions ; l’Etat et les travailleurs des
dites sociétés ne détenant que des parts minoritaires.

Protéger les actionnaires minoritaires revient des fois à la protection non


seulement de l’Etat, mais surtout des petits actionnaires face à ces géantes
multinationales. De ce fait, l’OHADA, à travers ses dispositions en la matière,
évite l’éviction des actionnaires nationaux. Leur présence est capitale pour la
surveillance des mouvements de fonds, surtout leurs rapatriements illégaux
vers leurs pays d’origine. Les fuites de capitaux irréguliers impactent
négativement la balance de paiement des pays en développement comme ceux
de la zone OHADA21. La protection qu’offre l’OHADA arrive à point nommé,
vu les différents déséquilibres aux plans économique, social et politique.

C’est pourquoi, conscient des dangers divers encourus par les pays
africains, l’OHADA, dans ses dispositions sur la protection des actionnaires
minoritaires se présente donc comme une réponse aux problèmes liés au
développement économique des pays visés.

Voilà pourquoi nous devons nous pencher sur la recherche constante


d’une protection efficace des actionnaires minoritaires. Cette recherche
étendue dans le droit français, existe aussi dans le droit OHADA.

A défaut de jurisprudence constante et connue sur cette question, l’Acte


uniforme organise dans ses dispositions éparses un système de protection des
21
En effet, les fuites de capitaux et les problèmes sous-jacents, notamment, les fermetures d’entreprises avec
leurs corollaires comme le chômage sont à la base de beaucoup de remous sociaux, facteur d’instabilité
politique.

13
actionnaires minoritaires qu’il serait judicieux d’appréhender à travers les
moyens de protection prévues par le législateur (Titre I) et à travers les
sanctions en cas d’atteintes de leurs droits (Titre II).

TITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES
14
La société commerciale en général, et singulièrement la société
anonyme, occupent une place de choix dans la survie de tous les systèmes
économiques. Les actionnaires, notamment les minoritaires, qui ne participent
pas à son administration et à sa gestion y sont dépourvus de la maîtrise de leur
investissement. Les majoritaires, qui sont également le plus souvent les
dirigeants sociaux, se trouvent alors tentés d'abuser de ce rapport de force
fortement déséquilibré en leur faveur. Le risque est que les fonds sociaux
soient utilisés à des fins qui ne servent pas l'intérêt de la communauté des
actionnaires et que les intérêts des minoritaires soient bafoués. La protection
juridique de ces derniers devient, alors, un impératif.
Le législateur OHADA, conscient du rôle capital des sociétés dans
l’équilibre des Etats, a établi des règles pour le dynamisme des dites sociétés.
Au nombre de ces règles figurent celles qui visent la protection des
actionnaires, notamment des minoritaires. Ces règles peuvent s’appréhender
aussi bien par la protection des actionnaires minoritaires contre les dirigeants
sociaux (Chapitre I) que par la protection des actionnaires minoritaires contre
les actionnaires majoritaires (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES
15
CONTRE LES DIRIGEANTS SOCIAUX

L’information (Section I) et l’expertise de gestion (Section II) sont des


moyens efficaces, mis en place par le législateur communautaire, à la
disposition des actionnaires minoritaires, pour se protéger contre les dirigeants
sociaux.

SECTION I : LA PROTECTION PAR L’INFORMATION

L’information est d’une importance capitale pour les


actionnaires car c’est grâce à elle qu’ils jugeront de l’opportunité d’user
d’autres droits dont ils disposent.
Aussi, prenant conscience que l’inégalité dans l’information peut nuire à
certains actionnaires, le législateur africain a imposé aux dirigeants sociaux
d’informer les actionnaires sur la marche de la société22.

Le droit à l’information peut être analysé à deux niveaux qui sont :


l’information préalable (Paragraphe I) et l’information renforcée (paragraphe
II).

PARAGRAPHE I : L’INFORMATION PREALABLE

22
POUGOUE (G.) (Sous la direction de) ; sociétés commerciales et du groupement d’intérêts économique,
http://www.ohada.com/faq.php?cat=3; P. 44

16
Elle s’effectue à travers les assemblées générales (A) et la procédure
d’alerte (B).
A/L’INFORMATION AVANT LES ASSEMBLEES GENERALES

L'assemblée des actionnaires est l'organe de décision le plus important de


la société anonyme. L’assemblée est le lieu où s’exprime et s’élabore la
volonté sociale. En effet, il lui incombe la désignation de tous les autres
organes de pouvoirs de l'entreprise. Elle peut mettre fin à leurs fonctions et elle
prend toutes les décisions stratégiques et politiques.
De même, l’assemblée générale est le lieu d’exercice du pouvoir suprême 23. En
effet, la société anonyme étant considérée comme une démocratie, le pouvoir
suprême appartient aux actionnaires réunis en assemblée générale souveraine 24.
Tous les actionnaires ont donc le droit d’être présents aux assemblées pour
exercer leurs droits.

Pour que la présence des actionnaires soit effective, ils doivent être
valablement convoqués, admis, et ils doivent valablement participer aux
assemblées générales.

1/ LA CONVOCATION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES

23
Yves Guyon, L’évolution récente des assemblées d’actionnaires, in mélanges Guy Flattet, 1985
diffus.Payot, Lausanne, P.40. V. Crim. 8 mai 1981, Bull. Joly1981, P.41
24
L'assemblée d'actionnaires est dirigée par un bureau composé du président, de deux scrutateurs et d'un
secrétaire. Le président est selon les cas, le Président du Conseil d'Administration (PCA), le Président
Directeur Général (PDG) ou l'Administrateur Général (AG). En cas d'empêchement du président, l'assemblée
est présidée par l'actionnaire ayant ou représentant le plus grand nombre d'actions, sauf dispositions statutaires
contraires. En cas d'égalité d'actions, le législateur OHADA a préféré le doyen d'âge des actionnaires (art. 529
AUSCGIE).

17
L’assemblée est convoquée en principe, soit par le Conseil
d’Administration, soit par l’Administrateur Général selon le mode de gestion
de la société25.
Cependant, il peut arriver que l’organe habilité, pour des raisons
diverses, ne parvienne pas à le convoquer. C’est pour cela que l’Acte uniforme
a prévu que le commissaire aux comptes, un mandataire 26 désigné ou un
liquidateur pourrait également convoqué l’assemblée générale27.
La convocation aux assemblées générales doit toucher tous les
actionnaires quelque soit le nombre d’actions qu’ils possèdent.
La convocation se fait par avis de convocation au journal d’annonces
légales lorsque la société a émis des actions au porteur. Cela est parfaitement
compréhensible puisque la société ignore l’identité de ses actionnaires. En
revanche, si toutes les actions sont nominatives, la convocation se fait par lettre
au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception aux frais de la société.
Dans tous les cas, il doit s’écouler un délai entre la convocation et la
tenue de l’assemblée car il faut permettre à l’actionnaire de préparer sa
réunion. Le législateur africain a fixé ce délai à quinze jours au moins lorsqu’il
s’agit de la première convocation et à six jours au moins pour les convocations
suivantes lorsque l’assemblée n’a pas pu se tenir sur première convocation 28.
L’AUSCGIE donne compétence au juge pour fixer un délai différent lorsque
l’assemblée est convoquée par un mandataire de justice29.
L’acte portant convocation de l’assemblée doit porter un certain nombre
de mentions que l’AUSCGIE énumère en son article 519 ainsi que l’ordre du
jour qui est essentiel pour la tenue de l’assemblée. L’ordre du jour fixe la liste

25
Il existe deux modes de gestion de la société Anonyme.
26
TRHC Dakar, réf. n°1729, 31-12-2002 : Rong Yin PDG Sociétés SENEGAL ARMEMENT et SENEGAL
PECHE c/ Alioune DIANE et LIU SHEN LI, www.ohada.com, Ohadata J-03-182.
27
Cf. art. 516 AUSCGIE
28
Cf. art. 518 al. 4 AUSCGIE
29
Cf. art. 518 al. 5 AUSCGIE

18
des questions sur lesquelles les actionnaires seront appelés à délibérer et à
voter.
L’ordre du jour présente une double utilité.
D’une part, il permet aux actionnaires, notamment les minoritaires, de
connaître à l’avance les questions qui seraient débattues lors des assemblées et
de se préparer à y participer efficacement30.
D’autre part, il serait antidémocratique et dangereux pour les
actionnaires absents ou minoritaires qu’une assemblée convoquée avec un
ordre du jour, et donc ne réunissant que peu de participants, puissent
inopinément se saisir d’une question importante qui n’avait pas été inscrite et
émettre, dans les conditions précipitées, un vote capital pour l’avenir de la
société31.

Il résulte de ce qui précède que le législateur africain a instauré une


réglementation très détaillée afin que tous les actionnaires, sans exception
puissent être touchés par la convocation. Sa violation est sanctionnée 32. Ainsi,
par exemple, toute assemblée irrégulièrement convoquée, c'est-à-dire celle qui
n’a pas été faite dans les délais requis, peut être annulée 33. Mais il s’agit d’une
nullité relative. Elle est donc couverte lorsque tous les actionnaires sont
présents ou représentés.
Le droit d’être convoqué apparaît à juste titre comme une véritable
protection par les éléments contenus dans l’ordre du jour de l’assemblée
générale.
2/ L’ADMISSION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES

Tout actionnaire a également le droit de participer aux assemblées


générales. C’est aux assemblées générales en effet, qu’il va exercer ses
30
Cependant, il peut y avoir des incidences de séance.
31
Com. 6 mai 1974 ; JCP, 1974, II, 17859, note Burst
32
Infra deuxième partie, chapitre I, section I, p. 47
33
Cf. art. 519 al. 4 AUSCGIE

19
prérogatives de contrôle et de haute gestion. Cependant, l’alinéa 2 de l’article
548 de l’AUSCGIE apporte une exception à ce principe qui prend en compte
l’intérêt des actionnaires en énonçant que : « les statuts peuvent exiger un
minimum d’actions, sans que cela ne puisse être supérieur à dix, pour ouvrir le
droit de participer aux assemblées générales ordinaires ».
La restriction qu’on peut trouver dans ce texte nous paraît
compréhensible, car en effet, dans les sociétés anonymes qui comportent
beaucoup d’actionnaires, la réunion de tous les actionnaires est une chose
impossible.
En tout état de cause, cette mesure ne saurait aboutir à priver
l’actionnaire minoritaire de son droit de participer aux assemblées générales.
C’est ainsi que lorsque cette réserve existe, les actionnaires peuvent se réunir
pour atteindre ce minimum et se faire représenter par l’un d’entre eux.
Cette mesure ne porte donc pas atteinte au droit d’intervention de
l’associé dans les affaires sociales ; celui-ci dispose toujours de son droit de
voter dans les assemblées.
Il convient de préciser que les assemblées générales extraordinaires ne
sont pas concernées par cette règle. En effet, le droit de participation de
l’actionnaire à l’assemblée générale extraordinaire ne peut être limité. Toute
clause contraire sera réputée nulle34.

Par ailleurs, le droit de participer à l’assemblée n’implique pas la


participation personnelle de l’actionnaire. L’acte uniforme admet de manière
libérale que l’actionnaire puisse se faire représenter par un mandataire de son
choix35. La nomination d’un mandataire n’est en principe valable, en vertu du
principe de la spécialité du mandat de voter, que pour une seule assemblée.

34
POUGOUE (G.) (Sous la direction de) ; OHADA, sociétés commerciales et du groupement d’intérêts
économique, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, P.318
35
L'actionnaire exerce son droit à l'information lui-même ou par le mandataire qu'il a nommément désigné
pour le représenter aux assemblées. Ce représentant peut être un autre actionnaire ou son conjoint. Il peut
également se faire assister par un expert.

20
Elle peut cependant être autorisée, par exception, pour deux assemblées lorsque
celles-ci sont une assemblée générale ordinaire et une assemblée générale
extraordinaire tenues le même jour ou au cours d’une même période de sept
jours ; la procuration donnée par un actionnaire est aussi valable pour les
assemblée successives tenues sur la base du même ordre de jour 36. On
appliquera alors entre les parties le droit commun du contrat de mandat 37.
Mais à côté du droit à l’information qui permet de sauvegarder l’intérêt
des actionnaires minoritaires, l’Acte Uniforme prévoit un autre mécanisme de
protection qui est la procédure d’alerte.

B/ L’ALERTE PAR LES ACTIONNAIRES

L’alerte est une procédure élaborée pour faire réagir la direction d’une
société lorsque la continuité de l’exploitation est compromise. Elle tend à
prévenir les difficultés dans la société.

Elle peut être initiée soit par le commissaire au compte, soit par
l’actionnaire.
Le commissaire aux comptes est celui qui chargé de contrôler la
comptabilité de la société, de la certifier et plus généralement, de vérifier que la
vie sociale se déroule dans les conditions régulières.
Cependant, dans le cadre de notre mémoire, nous ne traiterons que de la
procédure d’alerte initiée par les actionnaires eux-mêmes, plus généralement
par les actionnaires minoritaires.
5Ainsi, aux termes de l’article 158 alinéa 1er AUSCGIE : « dans une
société anonyme, tout actionnaire peut deux fois par exercice poser des
questions au président du Conseil d’Administration, au président directeur
général ou à l’administrateur général, selon le cas, sur tout fait de nature à
36
Cf. art.538 AUSCGIE
37
Yves Guyon, op. cit ; p. 497

21
compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse est communiquée au
commissaire aux comptes. »

Cette disposition de l’AUSCGIE a été manifestement calquée sur les


dispositions des articles 225 et suivants du Code de Commerce français avant
leur nouvelle rédaction résultant de la loi du 15 mai 2001, à la seule différence
que ce texte français prévoyait que les actionnaires de la société anonyme
devaient représenter au moins 1/10 du capital de la société.

L’AUSCGIE est allé plus loin, puisqu’il n’a fixé à ce titre aucune limite.
Il n’a pas défini non plus la notion de « faits de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation », et il appartiendra donc à la jurisprudence de
l’espace OHADA de préciser cette notion.
Pour notre part, la mise en évidence de critères défavorables à la
continuité de l’exploitation pourra résulter en effet à la fois des comptes
annuels de l’exercice et des exercices précédents, mais aussi d’évènements
postérieurs à la clôture ou à l’arrêté des comptes, tels que :

- la décision d’une société mère de supprimer son soutien à sa filiale ;


- un carnet de commandes notoirement insuffisant,
- des conflits sociaux graves et répétés ;
- une importante procédure judiciaire ;
- ou encore le constat d’un désaccord grave entre actionnaires.

Ces questions devront obligatoirement être posées par écrit dans la limite
de deux fois au cours d’un même exercice social.

Le dirigeant questionné est tenu d’y répondre par écrit, dans un délai
d’un mois. Le texte ne précise pas si la réponse doit être adressée

22
personnellement à l’actionnaire, ou être consultable directement au siège
social ; de même, il n’est pas précisé de qui doit émaner cette réponse.
En tout état de cause, l’actionnaire minoritaire qui a initié la procédure
d’alerte doit, dans le même délai d’un mois, adresser une copie de la question
ou de la réponse au commissaire aux comptes.

Ainsi, la procédure d’alerte consacre l’émergence d’un véritable droit


des actionnaires minoritaires et leur confère une protection efficace.
Seulement, il serait judicieux que les textes futurs indiquent clairement que la
réponse devrait être mise à la disposition de l’actionnaire qui a posé la
question pour qu’il soit juge de la pertinence des réponses.

En somme, l’information préalable protège l’actionnaire minoritaire.


Mais, elle ne suffit pas elle seule à protéger l’actionnaire minoritaire. C’est
pour cela qu’en plus de l’information préalable, le législateur africain a
renforcé l’information.

PARAGRAPHE II : L’INFORMATION RENFORCEE

Pour mieux exprimer leurs avis sur les affaires sociales, les actionnaires
minoritaires bénéficient d’un droit d’information plus renforcé. Cette
information renforcée se fait à travers le contrôle par l’information (A) et aussi,
par l’information en cas de restructuration de la société (B).

23
A/LE CONTROLE PAR L’INFORMATION

Le contrôle de la société anonyme est l’une des prérogatives reconnues


aux actionnaires ; bien qu’il soit souvent renforcé par l’intervention d’organes
extérieurs indépendants.
Les actionnaires, notamment les minoritaires, jouissent d’un droit
général d’avis, de conseil, de surveillance et de contrôle des affaires de la
société38. La gérance a l’obligation de leur rendre compte chaque fois qu’ils le
demandent.
Pour exercer ces prérogatives, ils ont un droit de contrôle de tous les
documents et pièces comptables, ainsi que les procès verbaux des délibérations
et des décisions collectives. Ce droit se matérialise par une communication des
documents et par les questions écrites que l’actionnaire minoritaire peut poser
aux dirigeants sociaux.

Le droit d’obtenir communication de documents peut s’exercer de deux


manières.
Il peut se faire soit de manière permanente, soit de manière ponctuelle.

En ce qui concerne l’exercice du droit de communication de manière


permanente, il est prévu que tout actionnaire peut, à toute époque de l’année
prendre connaissance et copie au siège social des documents sociaux mis à la
dispositions des actionnaires avant l’assemblée générale extraordinaire
concernant les trois derniers exercices, des procès verbaux et feuilles de
présence des assemblées tenues au cours de ces trois derniers exercices, de tous
autres documents prévus par les statuts.

38
POUGOUE (G.) (Sous la direction de) ; sociétés commerciales et du groupement d’intérêts économique, op.
cit. ; P. 94

24
En ce qui concerne l’exercice du droit de communication de manière
ponctuelle, l’actionnaire a le droit de prendre connaissance au siège social
quinze jours avant la tenue de l’assemblée générale extraordinaire de
l’inventaire , des états financiers et de la liste des administrateurs, des rapports
du commissaire au compte et du conseil d’administration ou de
l’administration générale selon les cas, du texte de l’exposé des motifs, des
résolutions proposées ainsi que des renseignements concernant les candidats au
conseil d’administration ou au poste d’administrateur général ; de la liste des
actionnaires, du montant global certifié conformes par les commissaires aux
comptes des rémunérations versées aux dix ou cinq dirigeants sociaux les
mieux rémunérés selon que l’effectif de la société excède ou non deux cents
salariés.

Excepté l’inventaire39, le droit de prendre connaissance comprend celui


de prendre copie. La copie est faite aux frais de l’actionnaire. L’actionnaire
minoritaire peut avoir recours à un expert ou un spécialiste pour mieux
comprendre le document mis à sa disposition. Sa protection sera ainsi mieux
assurée.

Si la société refuse de communiquer les documents requis en totalité ou


en partie, l’actionnaire peut saisir par voie de référé le président de la
juridiction compétente. Ce dernier pourra ordonner cette communication, le cas
échéant, sous astreinte40.

Le droit de poser des questions écrites aux dirigeants sociaux est tout à
fait nouveau. Il améliore le contrôle interne exercé par les actionnaires sur la
gestion de la société. C’est un mécanisme plus efficace que les questions
posées oralement au cours de l’assemblée, car les dirigeants habiles peuvent
39
L’inventaire est exclu de la copie à cause de son volume et des risques d’espionnage industriel.
40
Cf. art. 528 AUSCGIE

25
s’arranger pour ne leur apporter que des réponses insuffisantes. Les
dirigeants sociaux qui opposeraient un refus non justifié à cette demande
d’information engageraient leur responsabilité et pourraient être condamnés à
des dommages et intérêts ; ils pourraient être également poursuivis
pénalement41.

L’information des actionnaires minoritaires doit être également due en


cas de restructuration de la société anonyme.

B/L’INFORMATION EN CAS DE RESTRUCTURATION DE LA


SOCIETE

Le droit pour l’actionnaire, en l’occurrence le minoritaire, de faire partie


de la société est lié à l'existence de la société et sa forme anonyme. Ce droit
peut disparaître si la société est restructurée.

La restructuration est la réorganisation de la société. Il peut s’agir d’une


fusion ou d’une scission ou encore d’une cession partielle d’actifs.

La fusion est définie de manière générale par l’AUSCGIE comme


l’opération par laquelle deux sociétés se réunissent pour n’en former qu’une
seule, soit par la création d’une nouvelle société, soit par l’absorption de l’une
par l’autre42.

La scission, quant à elle, se définit comme une opération par laquelle le


patrimoine d’une société est partagé entre plusieurs sociétés existantes ou
nouvelles43.

41
L’article 892 de l’AUSCGIE sanctionnant le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une Assemblée
Générale. Infra deuxième partie, chap I, p.48
42
Cf art 189 AUSCGIE
43
Cf art 190 AUSCGIE

26
Ces opérations de restructuration peuvent être caractérisées par un conflit
d’intérêt44. La société initiale peut disparaître au détriment des actionnaires
minoritaires. C’est pour cela que le législateur africain n’est pas resté
insensible à la situation des plus faibles, notamment, des actionnaires
minoritaires. En effet, il soumet le projet de restructuration à une procédure
minutieuse45. Particulièrement, il rend obligatoire l’intervention du
commissaire aux comptes. Il est également rigoureux sur l’information. En
effet, placés dans une telle situation d'asymétrie d'information, les actionnaires
minoritaires tentent alors d’obtenir des éclaircissements au sujet du rapport
rédigé par les commissaires aux comptes.

Les actionnaires minoritaires peuvent aussi s’adresser au commissaire


aux comptes et lui présenter des observations qu’il pourra utiliser et tenir
compte dans son rapport46.

L’opération de restructuration doit respecter la procédure mise en place


par le législateur, sinon elle sera irrégulière et son irrégularité peut être
sanctionnée par la nullité.

Il en est ainsi par exemple si une société anonyme ordinaire est absorbée
par une société anonyme au capital variable dont les statuts autorisent
l'exclusion des actionnaires, la délibération qui décide l'opération de la fusion
encourt la nullité parce qu'elle porte atteinte au droit des actionnaires de faire
partie de la société.

Aussi, le législateur OHADA a-t-il prévu un autre palliatif pour protéger les
actionnaires minoritaires quand l’information s’avère insuffisante : l’expertise.

44
SCHMIDT D., Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éditions JOLY, 1999, P170, P.172
45
Formalité de dépôt et d’information, consultation des salariés, rapport du conseil d’administration,
intervention du commissaire aux comptes…
46
SCHMIDT D., Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op.cit. , P 177

27
SECTION II : LA PROTECTION PAR L’EXPERTISE

L’actionnaire minoritaire peut se prévaloir de deux sortes d’expertise qui


sont l’expertise de gestion (Paragraphe I) prévue par l’AUSCGIE et l’expertise
in futurum (Paragraphe II) réglementée par le code de procédure civile.

PARAGRAPHE I : L’EXPERTISE DE GESTION

Cette expertise est destinée à prolonger le contrôle des


commissaires aux comptes, auxquels toute immixtion dans la gestion
est interdite. L’intérêt de cette expertise est l’obtention d’informations sur la
gestion de la société, qui permettront à l’actionnaire minoritaire d’apprécier
l’opportunité de certains actes de gestion. Elle pourra donc être de nature à
justifier l’exercice ultérieur d’actions contre les dirigeants sociaux.

L'expertise de gestion est réglementée par les articles 159 et 160 de


l'AUSCGIE qui précisent les conditions (A) et les effets (B).

A/ LES CONDITIONS DE L’EXPERTISE DE GESTION

Aux termes de l'article 159 AUSCGIE : « un ou plusieurs associés


représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit
individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander
au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation
d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou
plusieurs opérations de gestion »47.

47
La qualité d’associé est nécessaire pour demander une expertise.

28
Comme son homologue français, le législateur africain ne donne aucune
définition de l’opération de gestion, sans doute parce qu’il ne faut pas enfermer
une notion aussi fluide dans une définition devant rendre son utilisation
difficile dans la pratique, mais aussi certainement parce qu’il s’agit d’une
notion de fait.

Cependant, à la différence de la législation française qui donne qualité


pour agir à d’autres requérants comme le ministère public, le comité
d’entreprise ou encore la commission des opérations de bourse, le législateur
africain a estimé qu’il fallait réserver cette prérogative aux seuls associés
minoritaires48.
De même, à la différence de ce qui est prévu en droit français en ce qui
concerne les sociétés anonymes, la demande d'expertise de gestion n'est pas
subordonnée à l'accomplissement de la formalité préalable de question écrite
aux dirigeants sur l'opération concernée49.

Par ailleurs, si l’institution de l’expertise de gestion est l’une des


innovations majeures de l’AUSCGIE, on peut regretter que les rédacteurs du
texte soient restés muets sur les critères de recevabilité 50 d’une telle procédure
et sur le contenu à donner à la notion d’opération de gestion. Des précisions
devront être apportées sur ce point par la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage. On pourrait néanmoins imaginer que le critère formel de la

48
La procédure d'expertise de gestion n'est pas expressément réservée aux associés minoritaires, tous les
associés peuvent demander une expertise de gestion sur des opérations de gestion déterminées. En pratique,
les associés majoritaires étant le plus souvent les dirigeants de la société, on voit mal comment ils pourraient
demander une expertise sur leur propre gestion.
49
En effet, en droit français, le demandeur doit avoir préalablement posé une question écrite au dirigeant de la
société. Ce n’est qu’à défaut de réponse dans un délai d’un mois, ou à défaut de communication d’éléments de
réponse satisfaisants que les actionnaires minoritaires peuvent alors demander la désignation d’un expert.

50
L’actionnaire minoritaire doit-il par exemple apporter la preuve d'une présomption d'irrégularité ou peut-il se
contenter de l'alléguer?

29
nomination de l’expert est concrètement la présence d’indices graves
d’irrégularité dans la gestion sociale.

En outre, il est important de noter que cette expertise de gestion


doit concerner une ou plusieurs opérations particulières. C'est-à-dire qu’il
doit s’agir au sens strict d’opérations de gestion, et non pas d’opérations qui
relèveraient de la compétence exclusive de l’Assemblée Générale ou d’un
organe de la société51.
C’est ainsi que la régularité de la tenue d’une Assemblée Générale ou celle
d’une décision d’augmentation de capital ne saurait à notre avis entrer dans le
cadre de cette expertise de gestion ; il en serait différemment d’une opération
déterminée d’investissement, ou encore d’une convention conclue entre
sociétés affiliées52.

Peuvent faire l'objet d'une procédure d'expertise de gestion toutes les


opérations de gestion autres que les décisions prises en assemblée générale.
Sans autre précision légale, il peut s'agir de toute décision relevant de la
compétence du conseil d'administration, du président directeur général ou du
directeur général et de l'administrateur général selon le cas. Une expertise de
gestion peut être demandée sur les conventions autorisées par le conseil
d'administration, les cautions, avals et garanties souscrits par la société pour
des engagements pris par des tiers, les contrats signés au nom de la société par
les dirigeants.
Il convient à cet effet de préciser qu'une convention réglementée
autorisée par le conseil d'administration, bien que ratifiée par l'assemblée
générale, peut faire l'objet d'une procédure d'expertise de gestion. En effet, le
contrôle effectué par l'assemblée générale n'exclut pas la possibilité pour les

51
L’expertise de gestion ne peut porter ni sur l'ensemble de la gestion, ni sur la régularité des comptes sociaux
qui sont approuvés par l'assemblée générale à la fin de chaque exercice.
52
Convention réglementée

30
actionnaires minoritaires ayant voté contre, de demander une expertise de
gestion sur la convention concernée. Cela est d'autant plus vrai que les
dirigeants de la société sont les actionnaires majoritaires. Par ailleurs, le fait
que les opérations critiquées n’aient pas été ignorées des actionnaires à
l’approbation desquelles elles ont été soumises ne peut, à notre avis, suffire à
faire rejeter une demande d’expertise de certains actionnaires qui n’auraient
pas pris part au vote, manifestant ainsi leur désaccord53.
Les conditions de l’expertise de gestions ayant étés examinées, qu’en
est-il de ses effets ?

B/ LES EFFETS DE L’EXPERTISE DE GESTION

S’il est fait droit à cette demande, le Juge détermine l’étendue de la


mission et les pouvoirs des experts dont les frais sont supportés par la société.
Quant à la mission confiée à l’expert, elle doit être relativement générale
puisqu’elle peut comporter l’examen d’un point de droit. Cependant, celle-ci
paraît assez étroite ce qui n’est ici que la conséquence de son caractère
complémentaire par rapport aux autres moyens d’information et de contrôle
dont dispose l’actionnaire.

L’expert de gestion doit être doté de pouvoirs déterminés par le


président du Tribunal du siège social, statuant dans ses fonctions de juge de
référés. Sa mission ne devant pas faire double emploi avec celle d’autres
organes chargés eux aussi d’informer les actionnaires. Même si on peut penser
qu’il peut se voir confier une mission d’ordre comptable, alors même que les
comptes ont déjà été contrôlés par le commissaire aux comptes.

53
Voir sur ce point la jurisprudence française Compagnie Minière de l’Ogoué Socomilog c/ Maaldrift – RJDA,
7/97 n°916

31
La procédure étant consécutive le plus souvent à des dissensions entre
actionnaires et susceptible de paralyser le bon fonctionnement de la société. Il
appartient alors aux actionnaires minoritaires de donner la suite qu’ils veulent à
cette investigation, en engageant par exemple la responsabilité des dirigeants 54.

Le législateur africain ne précise pas la suite réservée au rapport de


l’expert. Il serait souhaitable que celui-ci soit communiqué en priorité au
demandeur, même si les personnes n’ayant pas sollicitées la procédure peuvent
néanmoins en avoir connaissance. C’est ainsi qu’il serait judicieux que le
ministère public, les différentes bourses régionales des valeurs mobilières et
même les salariés puissent recevoir ce rapport.
De toutes les façons, les acteurs du jeu économique africain disposent
toujours de l’expertise préventive dite in futurum dont la mise en œuvre est
parfois plus souple, même s’il s’agit là surtout d’un moyen de preuve en cas de
litige à venir.

PARAGRAPHE II : L’EXPERTISE IN FUTURUM

L’expertise in futurum est une expertise préventive dont peuvent se


prévaloir les actionnaires minoritaires lorsqu’ils ne peuvent pas utiliser
l’expertise de gestion pour protéger leurs droits. Ils pourront très bien solliciter
une expertise préventive aux fins d'établir des faits qui, par suite, leur
permettront par exemple d'obtenir l'annulation d'une délibération sociale pour
abus de majorité ou l'engagement de la responsabilité des dirigeants sociaux.
54
Cette institution telle qu’elle est prévue par le législateur africain, informe et ne va pas au-delà. Si les
actionnaires maintiennent leur confiance aux dirigeants, elle ne produira aucun effet. Ce ne sera qu’au terme
d’autres procédures que le demandeur à l’expertise de gestion pourra obtenir éventuellement réparation du
préjudice qu’il aura subi. ;Voir aussi infra 2ème partie, chap. I, Paragraphe II, P.52

32
Elle est prévue par l’article l'article 232 du code de procédure civile,
commerciale et administrative qui dispose que : « toute requête non prévue par
un texte particulier ou une disposition spéciale, lorsqu’elle tend à voir ordonner
toutes mesures propres à sauvegarder les droits et intérêts, qu’il n’est permis de
laisser sans protection, est présentée au président du tribunal de première
instance ou à son délégué, ou juge de section de tribunal qui y répond à charge
de lui en référer, en cas de difficulté »
Aussi, verrons-nous successivement les conditions (A) et les effets (B) de cette
expertise.

A/ LES CONDITIONS DE L’EXPERTISE IN FUTURUM

Lorsque le seuil de 20% exigé par l’AUSCGIE n'est pas atteint,


l'expertise préventive semble être la seule voie adaptée pour obtenir
l'information nécessaire.
L'expertise préventive se distingue de l'expertise de gestion en ce que ses
conditions de recevabilité sont plus souples55.
L'esprit de l'expertise préventive est quelque peu différent de celui de
l'expertise de gestion.
L'expertise de gestion relève du droit des sociétés et est orientée vers la
protection de l'intérêt social par l'intermédiaire de l'action des minoritaires.
L'information obtenue par le biais de cette expertise est logiquement destinée à
toutes les composantes de la société.
De son côté, l'expertise préventive est une technique procédural, dont les
destinataires sont seulement le demandeur et le juge si "les circonstances
exigent qu'elle ne soit pas prise contradictoirement" ; sinon on doit y ajouter le
défendeur.

55
Notamment, l'accès à une telle procédure n'est pas subordonné à une détention minimale d'actions ou de
parts sociales.

33
Si la jurisprudence n'admet encore qu'assez difficilement la désignation d'un
expert de gestion, et si notamment la demande est rejetée chaque fois que le
minoritaire n'invoque que des griefs imprécis, qui tendent à remettre en cause
la gestion en général au contraire, l'expertise préventive, est admise de manière
beaucoup plus libérale.
Il suffit que le demandeur justifie du motif légitime qu'il a de vouloir
conserver ou établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre
la solution d'un litige. Notamment, le demandeur n'a pas besoin de préciser la
nature et le fondement du litige qui l'oppose ou est susceptible de l'opposer à la
société. Il suffit que les faits qu'il veut éventuellement prouver soient
susceptibles d'exercer une influence sur la solution du litige, c'est à dire soient
pertinents et utiles.
Après avoir traité des conditions de l’expertise in futurum, il nous importe, à
présent, de souligner ses effets.

B/ LES EFFETS DE L’EXPERTISE IN FUTURUM

Les effets produits par cette autre forme d’expertise montre bien qu’elle
peut jouer un rôle important aux côtés de l’expertise de gestion dans la
recherche de la transparence sociétaire. Les actionnaires ne remplissant pas les
conditions de l’expertise de gestion peuvent toujours y trouver un moyen de
contrôle très efficace, sauf pour le juge africain d’insister sur son caractère
purement probatoire.
Elle sert en effet, à conserver ou établir avant tout procès la preuve ;
c'est-à-dire, rassembler et conserver des preuves en vue d’une action en justice.
Peu importe, au demeurant, que les demandeurs à l'expertise n'indiquent pas
dès à présent s'ils engageront un procès et qu'ils n'énoncent pas précisément la
nature et le fondement juridique de celui-ci.

34
Ainsi, les actionnaires minoritaires disposent de l’information et de
l’expertise de pour se protéger contre les dirigeants sociaux. Mais, de quels
moyens disposent-ils pour se protéger contre les actionnaires majoritaires ?

CHAPITRE II : LES MOYENS DE PROTECTION DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES
CONTRE LES ACTIONNAIRES
MAJORITAIRES

La compréhension de la protection des actionnaires minoritaires contre


les actionnaires majoritaires dépend d’une part de la précision de la notion

35
d’abus de majorité (Section I) et d’autre part de la détermination des éléments
caractéristiques de cet abus (section II).

SECTION I : LA NOTION D’ABUS DE MAJORITE

A l’instar de la notion d’abus de minorité, la notion d’abus de majorité


est également difficile à cerner. Nous allons tenter de la définir (paragraphe I)
avant de rechercher comment s’opère le vote à la majorité (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA DEFINITION DE L’ABUS DE MAJORITE

Alors qu'en droit français l'abus de droit est une création purement
jurisprudentielle dans l'optique de sanctionner tout comportement abusif lié à
l'exercice du droit de vote des majoritaires, l'AUSCGIE a le mérite de préciser
les contours de cette notion en posant de façon explicite : « Il y a abus de
majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette
décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société »56.
Mais comment cerner les notions d’actionnaire majoritaire 57 (A) et
d’abus de majorité (B)?

A/ LA NOTION D’ACTIONNAIRE MAJORITAIRE

La majorité est le plus grand nombre de suffrage dans un vote.


Cependant, l’actionnaire majoritaire peut être défini de deux manières.
Premièrement, on désigne par actionnaire majoritaire, l’actionnaire qui
détient le plus grand nombre d’action dans une société.

56
Cf. Art. 130 AUSCGIE
57
Voir aussi supra introduction, P.3

36
Deuxièmement, on désigne l’actionnaire majoritaire par rapport au vote.
L'abus de majorité peut se manifester au sein de l'assemblée générale comme
au sein du conseil d'administration.

Ainsi, la majorité est parfois constituée de plusieurs personnes dont les


votes convergent à un moment donné pour l’adoption d’une résolution même si
la société est dominée par un actionnaire majoritaire unique facilement
identifiable.

Pris dans ce sens, cette notion se montre très fluctuante et par


conséquent, il est parfois difficile d’identifier les auteurs de l’abus de
majorité58.
C’est cette seconde définition qui est retenue.

En outre, la composition de la majorité peut varier selon que celle-ci doit


être simple, absolue59 ou qualifiée.

En somme, l’actionnaire majoritaire est un actionnaire détenant la


majorité des droits de vote mais pas obligatoirement la majorité du capital. De
même, des actionnaires qui étaient majoritaires au cours d’un vote peuvent se
retrouver minoritaires dans un autre vote sans que cela ne soit en relation avec
leurs actions dans la société.

La notion d’actionnaire majoritaire étant définie, que faut-il alors


entendre par abus de majorité ?

B/ LA NOTION D’ABUS DE MAJORITE

58
V. Schmidt, Les droits de la minorité dans la S.A. Sirey 1970, P. 112
59
A l’intérieur d’une même société, il se peut qu’existent plusieurs minorités ou plusieurs majorités dont la
composition varie en fonction des décisions soumises au vote.

37
L’abus de majorité est distinct de l’abus de droit et du détournement du
pouvoir.
En effet, pendant longtemps, une partie de la doctrine française avait
assimilée l’abus de majorité à l’abus de droit issu des règles de la
responsabilité délictuelle.
La notion d’abus de droit a fait l’objet d’une vive controverse60.
A l’instar de Planiol, Ripert61, tout en admettant le principe de l’abus de
droit, en adoptait une conception restrictive. Selon lui, l’exercice d’un droit est
abusif, non s’il cause un dommage à autrui, mais si son auteur a été animé par
l’intention de nuire ou, à tout le moins, par la conscience de causer un
préjudice. De nombreux auteurs modernes voient d'ailleurs dans l’abus de droit
la faute commise dans l’exercice d’un droit62.
La question qui se pose est donc de savoir si ces conceptions sont
adaptées à l’exercice du droit de vote dans les sociétés.

Il s’agit d’éliminer d’emblée les théories de Planiol et de Ripert. En effet,


certes l’actionnaire est inspiré par des motifs blâmables, mais il émet quand
même un vote. Par conséquent, son acte est conforme au droit, mais il en est
également contraire puisque les motifs qui l’inspirent sont illicites.

Reste à savoir si le vote répréhensible émis par l’associé est une faute
commise dans l’exercice d’un droit. Une réponse négative s’impose63.

60
Sur cette controverse, J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil.
Introduction générale, 4ème éd., LGDJ, 1994 ; n° 763 et s.
61
M. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, II, LGDJ, 1900, n° 871. et G. RIPERT, La règle morale dans
les obligations civiles, 4° éd., LGDJ, 1949, n° 90 et s.
62
TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., n° 711 et s.

63
En premier lieu, si l’on fait référence à la faute, il faut déterminer a contrario ce qu’est un usage non fautif
du droit de vote. Or, cette appréciation s’avère difficile, sauf à considérer que l’associé doit seulement avaliser
les projets présentés par les dirigeants. Cela conduirait à nier le principe de la liberté du vote.
En second lieu, en matière de responsabilité civile, la faute peut également prendre la forme d’une abstention
ou d’une imprudence. Or, en matière de sociétés, si l’abstention peut être répréhensible.
En troisième lieu, le vote de l’associé, s'il est indéniablement un droit, est aussi une fonction, qui lui permet de
participer au gouvernement de la société. Non seulement en votant l’associé concourt à la formation de la
volonté sociale, mais il ne peut profiter en aucune façon de sa prérogative. Dès lors, si l’on assimile le vote à
une fonction, l’exercice fautif ne pourrait être chose qu’un détournement du pouvoir de sa finalité.

38
On le voit, le vote émis en méconnaissance de l’intérêt social et dans
l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble
des autres associés ne peut être une forme d’abus de droit. Pourtant, la Cour de
cassation vise fréquemment dans ses arrêts l’article 1382 du Code civil 64. Ce
visa laisse quelque peu perplexe, d’autant plus que l’abus du droit de vote est
celui d’un droit contractuel.

Le deuxième fondement classiquement proposé, après l'abus de droit,


n'emporte pas davantage l'adhésion. Il s'agit du détournement de pouvoirs.

Une conception extensive de l’abus de droit considère que tous les droits
sont accordés en vue de la satisfaction d’une finalité. Ils sont octroyés non en
vue d’intérêts égoïstes mais dans ceux de la collectivité toute entière. Dans ces
conditions, l’abus de droit sera caractérisé chaque fois que le droit sera
détourné de son objet. Il s’agit de « l’acte contraire au but de l’institution, à
son esprit, à sa finalité »65.

Cette conception finaliste de l’abus de droit s’apparente à la notion


publiciste du détournement de pouvoirs. Cette dernière se définit comme le
fait, pour un agent administratif, d’exercer sa compétence dans un but autre que
l’intérêt général ou, à tout le moins, dans un but différent de celui en vue
duquel il lui a été conféré66.
Dès lors, la tentation est grande de considérer que l’usage répréhensible
du droit de vote était une forme de détournement de pouvoirs au sens du droit
administratif.
Arguant de son caractère social, les partisans de cette assimilation ont
considéré que, de même qu’un agent public ne pouvait user de ses prérogatives
à des fins personnelles, de même l’actionnaire majoritaire ne peut user de son

64
L. CADIET et Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité, Paris, D. 1996, n° 3156
65
D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, Sirey 1970, P. 210
66
,R. CHAPUS, Droit administratif général, t. 1, 11° éd.,

39
droit de suffrage dans un but autre que l’intérêt social, sous peine de commettre
un détournement de pouvoirs67. Certains d’entre eux ont vu dans l’exercice
illicite du droit de vote « un détournement flagrant de l’intérêt collectif de la
société au profit des intérêts particuliers et illégitimes des dirigeants ou d’un
groupe d’actionnaires ».68
Selon ces auteurs, la majorité ne dispose de son pouvoir qu’autant
qu’elle l’exerce dans l’intérêt social. Autrement dit, le propre du pouvoir étant
d’être finalisé, celui des associés prépondérants ne trouve sa légitimité que
dans le respect de cet intérêt supérieur69. Si ce dernier est méconnu alors le
groupe majoritaire méconnaît la finalité de son pouvoir, ce qui caractérise
précisément un détournement de pouvoirs70.
En définitive, tant la théorie de l’abus de droit que celle du détournement
de pouvoirs sont inadaptées au fonctionnement de la société, en ce qu’elles
occultent sa base contractuelle. Dès lors, seule la méconnaissance de
l'obligation de bonne foi est susceptible de fonder la théorie du vote abusif en
prenant en compte la dimension conventionnelle de la société.

En réalité, il ne faut pas accorder à ce rapprochement avec la doctrine


publiciste plus d’importance qu’il n’en a en réalité 71. Il ne peut avoir la valeur
que d’un « simple argument d’analogie »72.
En effet, en droit administratif, l’agent doit utiliser sa compétence dans
la seule fin que la loi lui a assignée. En d’autres termes, il ne doit jamais
prendre en compte ses intérêts personnels, quand bien même ceux-ci ne
seraient pas contraires à l’intérêt général73.
67
R. DAVID, Le caractère social du droit de vote, Journ. soc., 1929, p. 401 et s
68
A. PEYTEL et G. HEYMANN, De l’abus de droit dans les sociétés commerciales, Gaz. Pal. 1951, 1, doctr.
p. 50.
69
E. GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, thèse Paris I, Economica, 1985 n° 214.
70
D. SCHMIDT, Les conflits d'intérêts dans la société anonyme, op. cit., n° 259 ; A. CONSTANTIN, Les
rapports de pouvoir entre actionnaires, thèse Paris I, 1998, n° 486 et s.
71
D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op. cit., n° 234 ; du même auteur, Les
conflits d'intérêts dans la société anonyme, op. cit., n° 273
72
J. du GARREAU DE LA MECHENIE, Les droits propres de l’actionnaire, thèse Poitiers, 1937, n° 209.
73
M. LONG, P. WEIL et G. BRAIBANT, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 11° éd., Dalloz,
1996, n° 4, p. 26 et s. Si l’acte a pour résultat de favoriser un intérêt privé, il ne sera entaché de détournement

40
Or, la jurisprudence n’exige pas de l’associé qu’il émette un suffrage
contraire à ses intérêts74. Certes, ce vote est une composante de la volonté
sociale. Néanmoins, c’est également un moyen qui lui permet de défendre ses
intérêts au sein de la société. Contrairement à l’agent administratif, ou même à
certains titulaires de droits-fonctions75, l’actionnaire peut et doit tenir compte
de ses intérêts lorsqu’il émet un suffrage. Comme le souligne M. le Professeur
Schmidt, « la majorité dispose de son pouvoir pour satisfaire non seulement
les intérêts des autres associés, mais aussi les siens propres »76. Cependant, il
ne peut s’agir que de ses intérêts dans la société, car ils vont dans le même sens
de ceux de ses coassociés. S’il tient compte de ses intérêts externes, alors il
risque de mésuser de son droit de vote.
Aussi, rares sont-ils les arrêts à faire expressément référence au
détournement de pouvoirs77.

Ainsi, pour qu’il y ait abus de majorité, la résolution litigieuse doit avoir
été prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de favoriser
les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité 78.
D'ailleurs, cette solution est la seule qui s'impose.

PARAGRAPHE II : LE VOTE A LA MAJORITE

de pouvoir. Ce qui caractérise celui-ci, c’est que l’agent a entendu poursuivre une fin étrangère à l’intérêt
général, quand bien même ce but ne lui serait pas directement contraire.
74
CA Paris 26 juin 1990, JCP 1990 II n° 21589
75
Il faut distinguer les « droits-pouvoirs », établis avant tout dans l’intérêt propre de certains individus qui en
sont les titulaires des « droits-fonctions », reconnus à des individus moins dans leur intérêt personnel que dans
l’intérêt d’autres personnes .
76
D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op. cit., n° 234 ; du même auteur, Les
conflits d'intérêts dans la société anonyme, op. cit., n° 273 ; L. DUBOUIS, La théorie de l’abus de droit et la
jurisprudence administrative, LGDJ, 1962, p. 327.
77
CA Pau 24 déc. 1935, S. 1936, 2, p. 55 ; CA Paris 24 nov. 1954, D. 1955 p. 236, note G. RIPERT, qui font
référence au détournement de pouvoirs ; CA Grenoble 6 mai 1964, qui retient à la fois l’abus de droit et le
détournement de pouvoir.
78
Art 130 AUSCGIE ; voir aussi Com. 10 avril 1961 : D., 1961, P. 661

41
Les sociétés anonymes ne sont viables que si les décisions sont prises à
la majorité. Ainsi, la société fonctionne selon le principe majoritaire et
l’AUSCGIE s’en accommode lorsqu’il précise par exemple à l’article 454 que
« les décisions du conseil d’administration sont prises à la majorité des
membres présents ou représentés, à moins que les statuts ne prévoient une
majorité plus forte (…) ».
La majorité s’avère être le mode le plus juste de prise de décisions
comme l’illustre bien la démocratie (A). Cependant, les actionnaires
majoritaires sont interdits de détourner leurs pouvoirs (B).

A/ LE PROCESSUS DECISIONNEL : LA DEMOCRATIE

Le régime des sociétés anonymes a été pensé, en instaurant la démocratie


universelle comme principe de base. Ainsi, les actionnaires tiendraient le rôle
du peuple souverain qui désigne ses représentants au gouvernement de la
société. La prise de pouvoir réalisée n’est que la conséquence de l’acquisition
de la majorité des droits de vote.

Cependant, le concept de démocratie lui même a été sujet à critiques 79.


Ainsi, par exemple, certains y voient la démocratie comme la dictature
de la majorité. L'idéologie que l'on retrouve comme instrument de pouvoir dans
certaine forme de gouvernement s'appelant démocratie est une pensée de
groupe, le discours, la vision, et la logique s'adresse au groupe les soutenant et
à la totalité de la société afin d'y faire adhérer le plus de monde. Autrement dit,
l'idéologie est un moyen pour un groupe d'accroître son pouvoir par
l'accumulation de force politique, de soutiens, au sein de la société. L'idéologie

79
http://fr.wikipedia.org/wiki/Democratie

42
est pourtant une vision tout à fait partiale qui peut se tromper lourdement 80.
Cependant ce qui la définit c'est qu'elle cherche à devenir majoritaire, et par la
même elle s'impose suivant un énoncé81 et avec une logique comme structure la
soutenant82. C'est la dictature de la majorité, mais cette majorité dans
l'idéologie est une force majoritaire instrumentalisée : pourtant là ou il y a
influence d'un groupe sur un autre ou sur la politique de la société, il ne s'agit
donc pas à proprement parler de démocratie, mais d'un autre type de
gouvernement.

Mais malgré toutes ces critiques, la démocratie reste et demeure le


meilleur moyen de diriger car elle garantit l’égalité et élimine ainsi la
discrimination, que ce soit dans un Etat ou dans une société. Cependant, une
meilleure démocratie doit tenir compte de l’intérêt des minoritaires 83. Ainsi,
même si les décisions sont prises à la majorité, par le biais de la démocratie, il
est toutefois interdit aux actionnaires majoritaires de détourner les pouvoirs qui
leurs sont conférés.

B/ INTERDICTION DE DETOURNEMENT DU POUVOIR

Le pouvoir majoritaire n’est pas un pouvoir absolu. Il y a donc une limite


à l’exercice du pouvoir majoritaire. L’actionnaire majoritaire est le mandataire
de l'assemblée générale dans son ensemble, et non celui d'un groupe particulier
d'actionnaires. Il va de soi qu'il existe des affinités entre les actionnaires d'une
société et le conseil d'administration.
80
Voir le nazisme
81
Discours d'une personne et de son groupe
82
Voir Totalitarisme
83
Afin de ne pas favoriser des abus

43
Les décisions du conseil d'administration ne peuvent cependant pas
devenir l'instrument d'un abus de majorité. C'est aux administrateurs qu'il
appartient d'apprécier l'opportunité des décisions à prendre dans l'intérêt de la
société, et le juge ne peut contrôler leur pertinence que de manière marginale.

Par contre, toutes les résolutions votées en assemblée générale


ainsi que les décisions prises par consultation écrite, dans la mesure
où elles portent atteinte aux intérêts des actionnaires minoritaires et de
la société, peuvent faire l'objet d'un recours pour abus de majorité.
Ainsi donc, bien que le vote à la majorité soit le processus décisionnel,
l’actionnaire majoritaire ne saurait faire mauvais usage de ses pouvoirs et
bafouer les intérêts des minoritaires, sinon il violerait la loi et ses engagements
envers la société.

La définition de l’abus de majorité ne suffit pas à elle seule pour bien


cerner cette notion. Encore, faut-il connaître ses éléments caractéristiques.

SECTION II : LES ELEMENTS CARACTERISTIQUES DE


L’ABUS

Une décision majoritaire n’est pas abusive du seul fait qu’elle déplaît aux
minoritaires. L’alinéa 2 de l’article 130 AUSCGIE retient deux critères
cumulatifs pour reconnaître l’abus de majorité : l’abus de majorité est
caractérisé lorsqu’une décision adoptée par le ou les actionnaires majoritaires

44
au cours d’une assemblée générale ordinaire, extraordinaire ou encore au cours
d’un conseil d’administration, apparaît à la fois contraire à l’intérêt social, et
comme ayant été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la
majorité au détriment des autres actionnaires.
En d’autres termes, les éléments caractéristiques de l’abus de majorité
sont l’atteinte à l’intérêt social (Paragraphe I) et la rupture d’égalité
(Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L’ATTEINTE A L’INTERET SOCIAL

Le droit de vote doit être exercé dans l’intérêt social. Cette assertion a
été renchérie par la cour de cassation qui a affirmé que : « le droit de vote est
conféré à l'associé pour qu'il l'utilise dans l'intérêt commun et non pas à des
fins égoïstes (...) et qu'ainsi, aucune délibération d'un organe sociétaire n'est à
l'abri de la qualification d'abus de majorité »84.

On retrouve la notion d’intérêt social dans diverses dispositions de


l’AUSCGIE85, mais, le législateur OHADA ne définit pas explicitement
l’intérêt social.

Aussi, comment appréhender la notion d’intérêt social (A) et quel rôle


l’intérêt social peut il bien jouer au sein d’une société (B) ?

A/ LES CONTROVERSES DOCTRINALES RELATIVES A LA


NOTION D’INTERET SOCIAL

84
Cass. Com. arrêt N° 322 du 24/09/1999 Revue Juridique Tchadienne, 2002 ; p.3
85
Cf Articles 130, 131 AUSCGIE

45
Faute de définition légale, plusieurs conceptions s’affrontent pour définir
l’intérêt social86.
La première conception envisage l’intérêt social comme l’intérêt de la société.
C’est l’intérêt de la personne morale ayant une certaine autonomie, distincte des
associés ou des dirigeants. C’est ainsi que les professeurs Cozian, Viandier et
Deboissy affirment que : « l’intérêt social ne se confond pas nécessairement avec
l’intérêt des associés, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires ; la société a un intérêt
social propre qui transcende celui des associés»87.
Dans cette optique, L’intérêt propre à la personne morale transcende celui des
actionnaires88. C’est la limite aux pouvoirs des dirigeants et des actionnaires. La
distinction réside alors dans le principe selon lequel « la société est une personne
morale indépendante de la masse des personnes physiques qui la composent »89.
L’intérêt de la personne morale prend sa source dans la conception institutionnelle de
la société, qui doit poursuivre un intérêt qui lui est propre et disposer d’une
organisation juridique et autonome par rapport aux associés.

La seconde conception voit dans l’intérêt social, l’intérêt des associés 90.
Elle se fonde sur l’analyse contractuelle de la société. Pour les partisans de
cette thèse91, la société naît d’un contrat dont la cause est le partage des
bénéfices. D’après l’article 4 AUSCGIE, «La société commerciale est créée par
deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une
activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice
ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent à

86
MEUKE B. ; De l’intérêt social dans l’AUSCGIE de l’OHADA, www.ohada.com; OHADATA D-06-24,
P.2.
87
COZIAN M., VIANDER A. et DEBOISSY F. ; Droit des sociétés 14ème édition, Paris, Litec, 2001, P175
88
COZIAN M., VIANDER A. et DEBOISSY F. ; idem
89
J-M. VERDIER in M-C. MONSALLIER « L’aménagement contractuel du fonctionnement
de la société anonyme »; LGDJ 1998, n° 762.
90
Art. 4 al. 2 AUSCGIE
91
D. SCHMIDT, Les conflits d'intérêts dans la société anonyme, op. cit., P. 11 et du même auteur, De l’intérêt
social, JCP éd. E 1995 I n° 488 ; Y. GUYON, La société anonyme, une démocratie parfaite !, in Mélanges
Christian Gavalda, Propos impertinents de droit des affaires, Dalloz, 2001, p. 133, n° 13.

46
contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme.
La société commerciale doit être créée dans l'intérêt commun des associés. ».
Il ressort de ce texte, d’une part, que le but de la société ne peut être que
la satisfaction de l’intérêt des associés et d’autre part qu’il doit exister une
communauté d’intérêts entre les associés, qui s’oppose à l’octroi d’avantages à
certains d’entre eux seulement. En d'autres termes, l'intérêt social ne peut être
que celui des associés.
Dans ces conditions, ce dernier dicte la recherche du profit maximal qui
doit être opérée, non en dehors de toute activité sociale, mais à travers la
réalisation de l’objet. L’intérêt commun a été envisagé à ce moment-là comme
l’obligation de chacun de respecter l’intérêt de ses coassociés 92. C'est d'ailleurs
cette approche de l'intérêt social que retient le législateur OHADA.

La troisième conception voit l’intérêt social comme l’intérêt de


l’entreprise ; Les tenants de la doctrine de l’entreprise, partisans d’une analyse
institutionnelle de la société93 voient dans l’intérêt social celui de l’entreprise
elle-même. Dès lors, loin de se limiter au seul intérêt commun des associés,
l’intérêt social serait également celui des salariés, des partenaires économiques
et de l’Etat94. Dans ces conditions, c’est aux dirigeants qu’il appartient de le
déterminer, tandis qu’en adoptant une conception contractuelle de la notion,
seule l’assemblée des associés peut l’apprécier.
Cette approche offre plus de flexibilité puisqu’elle permet une réelle
protection de la société en assurant son fonctionnement et sa pérennité. Ces

92
On sait que les actionnaires- investisseurs (le plus souvent minoritaires) préfèrent généralement maximiser leurs profits
à court terme plutôt que d’assurer la pérennité de l’entreprise dans laquelle ils investissent. L’intérêt social pour eux
relève exclusivement de la seule recherche de profit. A contrario, pour les actionnaires entrepreneurs (traditionnellement
majoritaires), l’intérêt social repose aussi et surtout sur la croissance de la société à long terme.
Mieux, l’intérêt commun des associés suppose une égalité de traitement entre les associés, se traduisant par une
prise en compte des attentes légitimes des actionnaires investisseurs qui représentent généralement la minorité
dans le capital social.
93
La doctrine de l’entreprise est en réalité une analyse fonctionnelle de la société, celle-ci n’étant qu’un moyen
au service d’une finalité, et se borne donc à consacrer l’approche institutionnelle, née au début du XX° siècle –
sur cette approche,
94
J. PAILLUSSEAU, La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise, Sirey, 1967, p. 196

47
auteurs estiment que l’entreprise doit être entendue comme un ensemble de
moyen en capital et en travail destiné à assurer la production de biens et de
services. Il s’agit de l’intérêt d’un organisme économique, point de rencontre de
multiples intérêts.
Pour le Professeur J. PAILLUSSEAU, « la société est une structure
d’accueil de l’entreprise : ou bien la société a été spécialement constituée pour
recevoir une entreprise individuelle qui existe et qui fonctionne, et elle est la
structure d’accueil, l’organisation juridique de cette entreprise ; ou bien la
société est créée pour exercer une activité économique, et une entreprise naît et
se développe, la société est l’organisation juridique de cette entreprise »95.
Cette protection par l’AUSCGIE des intérêts catégoriels suppose que la
société soit indépendante et autonome de chacun de ces intérêts particuliers.

Il en découle que l’intérêt de l’entreprise ne protège pas seulement les


intérêts catégoriels mais également la société elle-même par sa pérennité, sa
stabilité, son fonctionnement ; ce qui semble logique puisque la protection des
intérêts catégoriels nécessite la protection de la source de ces différents intérêts.
Il semblerait alors qu’il faille concevoir dans le cadre de l’AUSCGIE, l’intérêt
social comme l’intérêt de l’entreprise.
Cependant, quel est le rôle de l’intérêt social ?
B/ LE ROLE DE L’INTERET SOCIAL

L’intérêt social est un moyen efficace de protection de la société.


Il permet de régler les conflits d’intérêts dans la société et de contrôler
également la gestion de la société.

95
J. PAILLUSSEAU « La modernisation du droit des sociétés commerciales »; D 1996, Chr. 289 /
Voir aussi dans le même sens, J. PAILLUSSEAU « L’efficacité des entreprises et la légitimité du pouvoir »;
Petites affiches 19 juin 1996, n° 74. 23

48
Généralement, le mauvais fonctionnement de la société prend sa source
dans les conflits d’intérêts entre actionnaires. Or ces derniers disposent d’un
pouvoir de décision qu’ils doivent utiliser conformément à l’intérêt social 96.
L’abus de majorité tire généralement son origine dans les conflits
d’intérêts entre actionnaires97, lors de la répartition ou de la mise en réserve des
bénéfices. Pour résoudre le conflit d’intérêt lié à l’abus de majorité par
exemple, l’article 130 impose de tenir compte de l’intérêt de la société. Ainsi, il
ne fait aucun doute qu’il s’agit bien là de la volonté du législateur OHADA de
protéger le fonctionnement de la société et garantir sa pérennité par l’intérêt
social sous le couvert de l’abus de majorité.

L’intérêt social permet également une meilleure gestion de la société.


Aux termes de l’article 159 de l’AUSCGIE, les associés qui s’estiment peu
éclairés sur la gestion sociale, en dépit de l’ensemble des informations qu’ils
auraient reçus, peuvent demander au Tribunal une expertise de gestion afin que
la lumière soit faite sur les opérations de gestion qu’ils croient obscures 98.

L’intérêt social permet aussi d’assurer la pérennité de la société. C’est


dans cette optique qu’est nommé un administrateur provisoire lorsque le
fonctionnement de la société est en péril99.

L’atteinte à l’intérêt social n’est pas le seul élément caractéristique de


l’abus de majorité. La rupture d’égalité caractérise également l’abus de
majorité.

96
Ce n’est plus un secret pour personne, la société fonctionne selon le principe majoritaire et l’AUSCGIE s’en
accommode lorsqu’il précise à l’article 454 que « les décisions du conseil d’administration sont prises à la
majorité des membres présents ou représentés, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte (…)
» Ce qui ne sous entend pas que les minoritaires sont complètement démunis, ils disposent de droit notamment
lorsque la majorité commet des abus, il ne faut pas tout simplement qu’ils en abusent à leur tour.
97
Voir supra section 1ère, P. 30
98
Voir supra 1ère partie, chapitre 1 ; P. 12
99
Voir infra 2ème partie, chapitre 2, P. 61

49
PARAGRAPHE II : LA RUPTURE D’EGALITE

Du fait de cette exigence inhérente au contrat de société qu'est l'affectio


societatis100, il semble que le contrat de société soit la terre d’élection de
l’égalité entre contractants101.

En effet, en plus de la contrariété du vote à l’intérêt de la société, l’abus


du droit de vote suppose l’existence d’une rupture d’égalité entre les
actionnaires. Il s’agit en fait pour chaque actionnaire de privilégier son intérêt
propre.

De la formule traditionnellement employée par la jurisprudence, il


ressort que la rupture d’égalité suppose la réunion de deux conditions : d’une
part, un avantage personnel retiré par certains actionnaires (A) et d’autre part
un dommage subi par les autres (B).

A/ LA POURSUITE DE l’INTERET PERSONNEL

L’actionnaire accepte de subordonner ses intérêts personnels à l’intérêt


social dès lors qu’il entre dans la société. C’est en cela que le pouvoir conféré à
la majorité n’est non pas dans son intérêt personnel, mais dans le but de réaliser
l’objet social.

100
C’est la volonté de collaborer à une entreprise commune de manière active, intéressée et égalitaire.
101
FAYE A. ; L’égalité entre associés, www.ohada.com; OHADATA D-04-10, P.2

50
En cas d’abus du droit de vote par les majoritaires, le rôle du juge est de
contrôler la validité de la résolution adoptée au regard de l’intérêt social et de
ceux des membres de la minorité.
Dès lors, on peut se poser la question de savoir en quoi réside la
recherche d’un avantage personnel.
Le majoritaire doit suivre l'intérêt de la société et ne peut rechercher son
intérêt personnel lorsqu'il prend une décision. En matière d’abus de majorité,
cette notion ne suscite pas de difficultés particulières. Ainsi, en matière de
constitutions de réserves, il pourra s’agir de l’octroi aux majoritaires de
substantielles rémunérations.
De même, la Cour de cassation a sanctionné un apport partiel d’actif à
une société créée à cette occasion, en retenant que l’avantage du majoritaire
résidait dans l’octroi d’un poste de gérant dans la deuxième société102.

B/ LE PREJUDICE CAUSE AUX MINORITAIRES

La rupture d’égalité suppose également un dommage subi par l’ensemble


des associés103.
Lorsque les actionnaires majoritaires commettent des abus, les
actionnaires minoritaires peuvent subir des préjudices. Le préjudice peut
résider dans le seul fait pour les actionnaires minoritaires de ne pas profiter des
avantages retirés par les majoritaires104.
Cependant, la démonstration d’un préjudice est indispensable, dont la
preuve incombe aux minoritaires, conformément au principe de bonne foi qui
régit les relations contractuelles105.

102
Cass. com .24 janv. 1995, Defrénois 1995 p. 690, note J. HONORAT
103
D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op. cit. , n° 210.
104
CA Aix en Provence 30 juin 2000, Bull. Joly 2001 p. 168
105
Infra 2ème partie ; chap. I ; P.47

51
Bien que la Cour Commune de Justice de l’OHADA n'ait pas encore eu
l'occasion de se prononcer sur ce point, peuvent notamment faire l'objet d'un
recours pour abus de majorité, à l’instar de la jurisprudence française 106 sur ce
sujet et au regard de la définition donnée par l’Acte Uniforme, le fait pour les
actionnaires majoritaires:

- de voter une résolution accordant aux administrateurs des indemnités


de fonction excessives ou d'accorder au gérant de la société une rémunération
excessive;
- de décider de la prise en charge du passif d'une filiale dans laquelle ils
auraient des intérêts ;
-de décider de la prise en charge du passif d’une société filiale dans
laquelle ils auraient également des intérêts,
-d'autoriser la signature d'une convention avec une société dans
laquelle ils auraient des intérêts, à des conditions désavantageuses pour la
société ;
- de décider d'une opération coup d'accordéon excluant les minoritaires
de la société, si celle-ci n'est pas justifiée par la nécessaire survie de la société ;
-d’approuver le contrat par lequel la société aurait donné en location gérance
son unique fonds de commerce à une autre société dans laquelle ils sont
intéressés,
-ou encore d’affecter les bénéfices à la réserve extraordinaire et de
refuser leur distribution ou de reporter ceux-ci d’un exercice à l’autre en
l’affectant aux réserves, et ce là encore au détriment des actionnaires
minoritaires qui étaient bien fondés à attendre cette répartition des bénéfices.

106
Pour l’abus de majorité, voir l’arrêt de principe Cass. Com. 18 avril 1961 : JCP Ed.G.1961, 2, 12164, qui
vise les résolutions prises « contrairement à l’intérêt général et dans l’unique dessein de favoriser les membres
de la majorité au détriment de la minorité ».

52
Les moyens mis à la disposition des actionnaires minoritaires permettent
une bonne protection de ceux-ci. Ainsi, les dirigeants sociaux doivent
s’acquitter loyalement de leurs devoirs envers les actionnaires minoritaires et
les actionnaires majoritaires sont interdits de prendre des décisions allant à
l’encontre de l’intérêt social et portant préjudice aux actionnaires minoritaires.
Les actionnaires minoritaires bénéficient de tous ces moyens pour être
mieux éclairés et pour affirmer leurs droits dans la société.

En plus, toujours dans le cadre de la protection des actionnaires


minoritaires, des sanctions sont prévues par le législateur communautaire afin
de punir ceux qui commettent les abus contre les actionnaires minoritaires.

TITRE II : LES SANCTIONS AUX ATTEINTES DES


DROITS DES ACTIONNAIRES
MINORITAIRES

L’AUSCGIE sanctionne les comportements abusifs à l’encontre des


actionnaires minoritaires pour mieux les protéger.

53
En effet, la sanction est nécessaire car elle permet de prévenir les fautes et les
abus contre des minoritaires et elle dissuade ainsi les dirigeants sociaux et les
actionnaires majoritaires.
Elle permet également de renforcer la protection des actionnaires minoritaires
et d’établir surtout une sécurité juridique des affaires.

Les sanctions aux atteintes des droits des actionnaires minoritaires


peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les sanctions de principe
(Chapitre I) et les sanctions d’exception (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES SANCTIONS DE PRINCIPE

Les sanctions principales sont doubles : l’annulation des actes


préjudiciables aux actionnaires minoritaires d’une part (Section I) et la
responsabilité de ceux qui portent atteinte aux droits des actionnaires
minoritaires d’autre part (Section II).

54
SECTION I: L’ANNULATION DES ACTES
PREJUDICIABLES AUX ACTIONNAIRES
MINORITAIRES

En vertu des articles 242 et suivants de l’AUSCGIE107, les actionnaires


minoritaires108 mécontents peuvent demander l’annulation d’une délibération
prise par les dirigeants sociaux (Paragraphe I) ou par les actionnaires
majoritaires (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L’ANNULATION DES DECISIONS PRISES PAR


LES DIRIGEANTS SOCIAUX

Les décisions prises par les dirigeants sociaux et faisant grief, sont ceux
portant atteinte aux intérêts des actionnaires minoritaires directement ou
indirectement. Si l’atteinte directe est celle qui préjudicie les intérêts
personnels ou individuels des actionnaires minoritaires, l’atteinte indirecte est
celle qui entraîne un préjudice de moindre portée à l’actionnaire minoritaire.
C’est le cas de l’atteinte aux intérêts directs de la société 109.
Nous examinerons successivement le régime de l’annulation des
décisions prises par les dirigeants sociaux (A) et les effets de cette annulation
(B).

A / LE REGIME DE L’ANNULATION

107
Cela est en conformité avec la règle « pas de nullités sans textes ».
108
Cass. Com. 17 janv. 1989, Bull. Joly 1989, P. 247, nte P. Le Cannu
109
NGOUE J. ; La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux, www.ohada.com; OHADATA
D-05-52, P.10

55
L’actionnaire minoritaire doit prouver que l’acte mis en cause lui a causé
un préjudice110.
Une fois le préjudice prouvé, le juge pourra procéder, à la diligence des
parties, à l’annulation des actes préjudiciables.
L’annulation peut, par exemple, porter sur les délibérations des assemblées
dont les conditions relatives à leur tenue n’ont pas été respectées : défaut de
convocation, atteinte au droit de communication des actionnaires, inexactitude
ou irrégularité de l’établissement de la feuille de présence, méconnaissance des
règles de compétence, du quorum et de la majorité, défaut d’accomplissement
111
des formalités de publicité, etc. .
Toutefois, l’action en nullité des délibérations n’est pas recevable
lorsqu’elle est intentée par des associés qui avaient été présents ou représentés
à cette assemblée générale lorsqu’il s’agit d’une convocation régulière de
l’assemblée112.

Malheureusement pour les actionnaires minoritaires, il s’agit d’une


nullité facultative que le juge est libre de prononcer ou non. Aussi, l’acte doit
être considérée comme valable jusqu’à la décision du juge. Celui-ci devra,
avant de prononcer la nullité de l’acte, constater le caractère dommageable de
celle-ci pour la société.
Par ailleurs, le délai de prescription de l’action en nullité est de trois ans
à compter du jour où la nullité est encourue113.

L’acte annulé entraînera obligatoirement des effets.

B/ LES EFFETS DE L’ANNULATION

110
La mise en œuvre de cette sanction requiert seulement la démonstration de l’avantage personnel tiré par les
dirigeants ou par d’autres actionnaires.
111
NGOUE J., idem, P. 11
112
Trib. 1ère instance d’Abidjan n° 1245 du 21 juin 2001, Michel Jacob et autres c/ Société Scierie Bandema-
Etablissements Jacob et autres, Ecodroit, juillet 2001, p. 49.
113
V. Art. 251 de l’AUDSC-GIE.

56
L’intérêt social se trouve également méconnu lorsqu’un acte ou une
décision des dirigeants sociaux satisfait l’intérêt personnel de ceux-ci ou de
celui des autres actionnaires au détriment de la société ou des actionnaires
minoritaires114. L’annulation frappe alors un acte irrégulièrement pris émanant
des dirigeants sociaux.

A l’égard des dirigeants, l’annulation des actes est la preuve même de


leur responsabilité115. Aussi, en prenant des actes faisant grief aux actionnaires
minoritaires, ces derniers enfreignent-ils à leur devoir de loyauté 116 qu’ils ont
envers la société et les actionnaires117. Ils se doivent alors de réparer le
préjudice que les actionnaires minoritaires auront subi.

En droit OHADA, l’annulation des actes faisant grief est la conséquence


de la mauvaise foi des dirigeants et peut même être une cause de révocation de
ces derniers.

PARAGRAPHE II : L’ANNULATION DES DECISIONS PRISES PAR


LES ACTIONNAIRES MAJORITAIRES

L’annulation de la décision abusive est la sanction principale de l’abus de


majorité. Aussi, verrons-nous le régime (A) et les effets de cette annulation
(B).
114
Smidt D. ; les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op. cit. ; P. 280
115
Voir infra section II, P.
116
Voir arrêt du 24 février 1998 ; JCP E 1998, n° 17, P. 637, Bull. Joly 1998, P.815
117
Ce devoir est fondé en effet sur la nécessité pragmatique de protéger la confiance des actionnaires dans les
dirigeants sociaux. Il est imposé au bénéfice des actionnaires. Voir en ce sens Cass. Com. 27 février 1996, D.
affaires 1996, J. 518, JCP, éd. 1996. II. N° 838, P.168

57
A/ LE REGIME DE L’ANNULATION

Les actionnaires minoritaires peuvent demander la nullité des délibérations


lorsqu’ils s’estiment lésés. Si l’abus de majorité est caractérisé 118, le juge
prononce la nullité de la délibération prise contrairement à l’intérêt de la
société et dans le seul but de favoriser la majorité au détriment de la minorité.

La question est ici de savoir qui peut agir en nullité. La jurisprudence


donne plusieurs réponses différentes.

Jusqu’en 1997, les juges réservaient à la minorité la qualité pour agir en


nullité des résolutions abusives adoptées par la majorité. Cela est facilement
compréhensible puisse que les minoritaires ont la qualité et l’intérêt pour agir
grâce au statut d’actionnaires qu’ils ont.

Par ailleurs, la jurisprudence a admis que l’action puisse être intentée par
la société elle-même. Cependant on doit reconnaître au représentant légal la
qualité pour agir en annulation de la décision contestée.

Tout comme l’annulation des actes faisant griefs aux actionnaires


minoritaires pris par les dirigeants sociaux, l’annulation des actes et
délibérations abusifs des actionnaires majoritaires est soumise au pouvoir
d’appréciation du juge qui sera libre ou pas de prononcer la nullité119.

Le délai de prescription de l’action en nullité est le même que celui de


l’action en nullité des actes préjudiciables des dirigeants sociaux.

118
Les actionnaires minoritaires doivent également dans ce cas rapporter la preuve que l’acte pris par les
actionnaires minoritaires constitue un abus de majorité.
119
L’art 130 AUSCGIE énonce que : « Les décisions collectives peuvent être annulées pour abus de
majorité… »

58
B/ LES EFFETS DE L’ANNULATION

En matière d’abus de majorité, l’annulation remettra les majoritaires fautifs


et minoritaires victimes dans leur situation antérieure à la délibération
litigieuse. Celle-ci sera par conséquent privée d’effet et les majoritaires verront
leur comportement répréhensible neutralisé. L’égalité sera rétablie et le
préjudice souffert par les minoritaires, injustement frustrés d’un avantage,
réparé.

Cependant, l’alinéa 2 de l’article 254 de l’AUDSCGIE prévoit qu’une


décision judiciaire prononçant l’annulation d’une fusion ou d’une scission est
sans effet sur les obligations nées à la charge ou au profit des sociétés
auxquelles le ou les patrimoines sont transmis entre la date à laquelle prend
effet la fusion ou la scission et celle de la publication de la décision prononçant
la nullité. Les effets juridiques de ces opérations sont donc maintenus 120.
En outre, la nullité, comme sanction des actes abusifs pris par les
majoritaires, a beaucoup d’avantages dans les sociétés anonymes. En effet, elle
est une sanction naturelle du détournement du pouvoir121. En plus, elle permet
de réduire l’immixtion du juge dans le fonctionnement de la société 122. Enfin,
elle contourne la difficulté posée par la détermination des membres de la
majorité123.

Notons que la nullité dont il s’agit est une nullité absolue124.

120
NZOUABETH D. ; Les litiges entre associés, thèse d’Etat, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005,
P.361
121
L’abus de majorité consiste en un détournement de pouvoir par les membres de la majorité du but qui le
légitime, lequel engendre principalement un problème de validité de l’acte.
122
Ce dernier n’aura qu’à prononcer simplement la nullité.
123
Voir infra section II, P. 54
124
Toutefois, cette nullité ne saurait avoir d’effet qu’entre les actionnaires, mais non à l’égard des tiers dès lors
que ceux-ci sont de bonne foi.

59
A l’instar de l’ annulation des actes portant griefs aux actionnaires
minoritaires pris par les dirigeants sociaux, l’annulation des actes abusifs des
majoritaires constitue une preuve indéniable pour engager leur responsabilité.

SECTION II: LA RESPONSABILITE DES FAUTIFS

La responsabilité est également une sanction prise contre les actionnaires


majoritaires qui abusent du droit de vote et les dirigeants sociaux qui
commettent des fautes envers les minoritaires. Aussi, allons-nous analyser cette
responsabilité à deux niveaux : la responsabilité civile (paragraphe I) et la
responsabilité pénale (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS


SOCIAUX ET DES ACTIONNAIRES
MAJORITAIRES

Les actionnaires majoritaires et les dirigeants sociaux engagent leur


responsabilité civile du fait de leur vote abusif ou des fautes commises dans
l’exercice de leurs fonctions.
Aussi, analyserons-nous d’abord la responsabilité civile des dirigeants
sociaux (A) avant d’analyser celle des actionnaires majoritaires (B).

A/ LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS SOCIAUX

L’Acte uniforme organise un régime sévère de responsabilité civile des


dirigeants sociaux, réglementé par les articles 161 à 172.
Sur le plan civil, les hypothèses où leur responsabilité personnelle peut
être engagée sont nombreuses. Il en sera ainsi pour les fautes et infractions

60
commises dans l’exercice de leurs fonctions. Cette faute peut par exemple être
prouvée par les actes préjudiciables pris par les dirigeants sociaux.
Cette responsabilité civile peut être recherchée par la voie d’une action
sociale et ou d’une action individuelle
L'action individuelle est l'action en réparation d'un dommage subi par un
actionnaire, lorsque celui-ci subit un dommage distinct de celui que pourrait
subir la société du fait de la faute commise individuellement ou collectivement
par les dirigeants sociaux dans l'exercice de leurs fonctions.
Bien entendu cette action en responsabilité, pour être recevable, doit
remplir les conditions de droit commun de la responsabilité125:
- il faut qu'il y ait une faute commise par un dirigeant;
- qu'il y ait un dommage subi par un associé ;
- que l'on puisse établir un lien entre la faute du dirigeant et le dommage subi
par l'associé.
Il appartiendra à l'actionnaire qui prétend avoir subi un dommage d'en
rapporter la preuve.

Toutefois, l'exercice de l'action individuelle ne s'oppose pas à ce qu'une


action sociale soit exercée par le même actionnaire en réparation du préjudice
que la société pourrait subir, et vice versa.
L’action sociale est l'action en réparation du dommage subi par la société
du fait de la faute commise par le ou les dirigeants sociaux dans l'exercice de
leurs fonctions126.
Notons également que l'action sociale est conditionnée par une formalité
préalable: la mise en demeure des organes compétents. Ce n'est qu'après un
délai de trente jours que l'action sociale peut être intentée.
Les délais de prescription de l'action sociale sont les mêmes que ceux de
l'action individuelle.
125
Voir art. 1382 du Code Civil
126
L’actionnaire minoritaire subit ici un préjudice par ricochet.

61
Les dommages intérêts sont une sanction inéluctable lorsque les
conditions sont réunies127. D’après la jurisprudence, la réparation est faite au
prorata du préjudice subi128.
Malheureusement, elle est fréquemment sans intérêt parce que, souvent,
un dirigeant est personnellement moins solvable qu’une société.
La responsabilité civile des dirigeants sociaux étant analysée, qu’en est il
de celle des actionnaires majoritaires ?

B/ LA RESPONSABILITE CIVILE DES ACTIONNAIRES


MAJORITAIRES

La responsabilité civile des actionnaires majoritaires a également pour


fondement l’article 1382 du code civil. Il s’agit d’une responsabilité civile
délictuelle. Elle se concrétise donc par l’allocation des dommages et intérêts
aux actionnaires victimes de l’abus129.

A l’instar de la responsabilité civile des dirigeants sociaux, la


responsabilité civile des actionnaires majoritaires suppose un fait
dommageable, c'est-à-dire un fait ayant porté préjudice.
En l’espèce, l’actionnaire minoritaire doit démontrer une faute,
l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Le préjudice peut être financier. Il ne doit pas être hypothétique, mais
avéré. Ainsi donc, si au moment où le juge statue, le dommage n’est pas encore
survenu, l’actionnaire ne sera pas condamné à verser des dommages et intérêts.

127
cass. Com. 6 juin 1990. 606 n.Chartier ; Lyon, 20 décembre1984 : D.1986, P.506, note Y. Reinhard ; trib.
com. Slon-de-provence, 29 juin 1990, bull. joly1991, p.306, note D. Bompoint
128
Cass. Req. 16 février 1937, G.P. 1937.1.807.
129
cass. Com. 6 juin 1990 précité

62
L’action peut être intentée par les actionnaires minoritaires 130. Elle ne
peut en revanche être dirigée contre la société.
Cependant, une difficulté peut surgir, s’agissant de la détermination des
personnes responsables. Les actionnaires minoritaires doivent-ils poursuivre
l’ensemble du groupe majoritaire ou seulement les instigateurs de l’abus ?
A notre connaissance, la jurisprudence ne s’est jamais expressément
prononcée sur la question. Il semble néanmoins que la deuxième option soit
conforme aux principes de la responsabilité civile131.
Toutefois, du fait du caractère fluctuant des notions de majorité et de minorité,
il est parfois difficile d’identifier les auteurs de l’abus 132. Malgré le fait que
plusieurs sociétés anonymes soient dominées par un actionnaire majoritaire
unique133 facilement identifiable, la majorité est parfois constituée de plusieurs
personnes dont les votes convergent à un moment donné pour l’adoption d’une
résolution134.

Si elle aboutit, l’action en responsabilité débouche sur l’octroi de


dommages et intérêts aux minoritaires victimes par les majoritaires fautifs.

PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE PENALE DES


DIRIGEANTS SOCIAUX ET ACTIONNAIRES
MAJORITAIRES

Les personnes encourant une responsabilité pénale doivent être


préalablement déterminées (A). Cependant, il a été constaté qu’une absence de

130
cass com 18 avr. 1961, précité ; cass com 6 juin 1990, précité
131
com nov. 1991, n° spécial, La loi de la majorité, p. 138 ; D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la
société anonyme, op. cit., n° 251. En faveur de cette solution, on pourrait également invoquer l’arrêt précité du
6 juin 1990. La Chambre commerciale entend sanctionner les majoritaires « qui avaient commis l’abus ». Par
conséquent, elle laisse entendre que les autres majoritaires n’encourent aucune sanction.
132
V. Schmidt, Les droits de la minorité dans la S.A. Sirey 1970, n° 6 ; Boquet, La minorité dans les sociétés
de capitaux, Rev. Juris. Com.1983, P. 121.
133
Société anonyme unipersonnelle
134
NZOUABETH (D.) ; Les litiges entre associés, op. cit., P.36

63
sanctions pénale (B) peut freiner l’élan du législateur OHADA quant à la
protection des actionnaires minoritaires.

A/ LES PERSONNES PENALEMENT RESPONSABLES

Concernant la responsabilité pénale des actionnaires majoritaires,


l’AUSCGIE ne désigne pas les actionnaires minoritaires ou majoritaires qui
commettent des abus135. On peut expliquer ceci par le fait que les actionnaires
ont conclu un contrat de société et qu’en conséquence, ils sont des contractuels
qui échappent ainsi à la loi pénale.

La responsabilité pénale ne s’applique alors qu’aux dirigeants sociaux.


Elle est édictée par les articles 889 à 891 de l’AUSCGIE.
Notons que à l’inverse du domaine de la responsabilité civile qui admet
qu’une responsabilité puisse être engagée pour le fait d’autrui, le droit pénal
exclut la responsabilité pénale pour la faute d’autrui. Cela signifie que la
société n’est pas responsable des infractions pénales commises par le dirigeant.
C’est plutôt le dirigeant social qui est pénalement responsable.
Ainsi, le dirigeant d’une société anonyme répond spécialement des
infractions qui se commettent dans son entreprise en raison de l'autorité qu'il
exerce sur les hommes et sur les choses, ainsi rassemblées, qui constituent son
industrie.
Ces infractions peuvent être une faute de gestion, des agissements
contraires à l’intérêt social de la société ou encore le défaut de convocation aux
assemblées générales136.
Cependant, les incriminations et les personnes pénalement responsables
étant déterminées, qu’en est-il des sanctions pénales ?

135
Voir les articles 886 à 905 de l’AUSCGIE
136
NGOUE J. ; La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux, op. cit. ; P. 15

64
B/ LE DEFAUT DE SANCTION DANS L’ACTE UNIFORME

Selon l’alinéa 2 de l’article 5 du traité relatif à l’Harmonisation du Droit


des Affaires en Afrique : « Les actes uniformes peuvent inclure des
dispositions d'incrimination pénale. Les Etats Parties s'engagent à déterminer
les sanctions pénales encourues ».
En effet, le législateur africain a la possibilité d’inclure des dispositions
pénales dans les actes uniformes137. Cependant, force est de constater qu’il y a
bel et bien des incriminations pénales dans l’AUSCGIE, mais, il n’existe pas
de sanction dans l’AUSCGIE. La technique de contrôle utilisée par le
législateur communautaire place la détermination des infractions d’affaires au
niveau communautaire et l’appréciation des sanctions au niveau national. En
d’autres termes, il y a une décomposition de l’élément légal de l’infraction.

Le code pénal Ivoirien, quant à lui, au contraire des lois sénégalaises et


camerounaises138, n’édicte pas également des règles sanctionnant directement
les abus du droit de vote et les infractions d’affaires. L’Etat ivoirien n’a donc
pas prévu de sanctions pour réprimer toutes les infractions d’affaires issues du
droit OHADA.
Comme on peut le constater, cette technique d’harmonisation consistant au
renvoi législatif soulève malheureusement certains inconvénients dont :
 une imposition du droit supra national ne garantissant pas le respect du principe
des droits fondamentaux du droit pénal, en l’occurrence, le principe de la
légalité.
 un conflit de lois pénales dans le temps.

137
Jean PAILLUSSEAU ; L’acte uniforme sur le droit des sociétés ; op. cit. ; P. 28
138
La loi camerounaise numéro 2003/008 du 10 juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues
dans certains actes uniformes OHADA.

65
 une pluralité de sanction pour une même infraction communautaire à cause de
la différence du système pénal de chaque Etat membre et l’absence d’une
politique criminelle cohérente dans l’espace OHADA
 un paradis pénal.

Ce défaut de sanctions pénales freine la cadence du législateur


communautaire dans la protection des actionnaires minoritaires. Les
actionnaires minoritaires verront donc leur protection au niveau pénal
inachevée. Il faut alors que le législateur OHADA puisse s’inspirer, par
exemple, du code CIMA ou d’autres organisations à titre d’illustration pour
adopter des sanctions réelles aux incriminations ; ou encore, essayer d’unifier
en harmonisant les sanctions des différents Etats membres pour trouver une
sanction pénale propre à l’OHADA.
De toutes les façons, la mise en place d’un droit pénal uniforme est en
cours et nous espérons qu’elle trouvera des solutions pour pallier cette
insuffisance.

En plus des sanctions principales, il existe des sanctions exceptionnelles


pour protéger encore mieux les actionnaires minoritaires.

CHAPITRE II : LES SANCTIONS D’EXCEPTION

Les sanctions exceptionnelles montrent encore une fois de plus que le


pouvoir majoritaire n’est pas absolu. Les actionnaires minoritaires auront
recours au juge soit pour faire intervenir un tiers pour la gestion de la société
(Section I), soit pour prononcer la dissolution de la société (Section II) lorsque
tous les voies et moyens du rétablissement de l’ordre dans la société ont été
déjà épuisés.

66
SECTION I : L’INTERVENTION D’UN TIERS

L’AUSCGIE prévoit la possibilité pour le juge de nommer un


mandataire de justice (Paragraphe I). Mais à côté de cette possibilité, le juge
jouit de la latitude de nommer soit un séquestre, soit un arbitre (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LA NOMINATION D’UN MANDATAIRE


PROVISOIRE

L’administrateur provisoire est un mandataire indépendant nommé par


un juge en cas de crise grave affectant le fonctionnement normal de la société.
La désignation d'un administrateur provisoire par le juge est une mesure
exceptionnelle fondée sur l’article 147 AUSCGIE 139. Nous étudierons les
conditions de la désignation de l’administrateur dans un premier temps, et la
mission de l’administrateur provisoire dans un second temps.

A/ LES CONDITIONS DE NOMINATION

La désignation d’un mandataire provisoire est faite par le juge des


référés. C’est à tort qu’un juge des référés s’est déclaré incompétent d’ordonner
la cessation de troubles causés à un associé dans l’exercice de ses droits 140.

139
Cotonou n°256-2000, 17 août 200, affaire Société Continentale des Pétroles et d’Investissements
Fagbohoun, Sonacop, Cyr R.Koty c/ Etat Béninois
140
CA Abidjan, 5ème ch., n° 28, 13-1-2004, C.O c/ C.A, www.ohada.com, Ohadata J-06-24

67
La désignation d’un administrateur provisoire peut être demandée par les
actionnaires minoritaires grâce à leur lien de droit avec la société 141. L'action
est intentée devant le tribunal de première instance142.

Pour que le juge des référés143 soit compétent, il suffit que le demandeur
invoque l'urgence de son intervention. Si le magistrat ne reconnaît pas
l'existence de cette urgence, il ne pourra se déclarer incompétent, mais devra
dire qu'il n'y a lieu à référé et déclarer la demande non fondée144.

Le caractère provisoire de l'intervention du juge des référés constitue une


des conditions traditionnelles de sa capacité à agir, puisqu'on ne peut en
principe lui demander que des mesures provisoires ne portant pas préjudice au
fond du droit, lequel reste de la compétence des juridictions statuant selon les
règles ordinaires. Ne décidant pas au fond, et n'arbitrant pas définitivement le
bien fondé des thèses en présence, on conçoit que le juge des référés, statuant
le plus souvent d'une manière rapide, puisse se contenter de constater une
apparence du droit dont on lui demande la sanction145.

Il est arrivé qu'en un certain nombre de circonstances, le Président du


Tribunal soit sollicité pour intervenir afin d'éviter qu'une majorité abuse de ses
droits ou que les organes dont elle a veillé à la désignation, détournent les
pouvoirs qui leur ont été conférés 146. Il demeure qu'on relève un certain nombre
d'hypothèses où le comportement de l'actionnaire majoritaire a entraîné, à la

141
Cf. MERLE (Ph.), op. cit., p. 687
142
En fait, il s'agit le plus souvent d'une action en référé introduite devant le président du tribunal, et la société
doit être mise en cause
143
On rappellera que l'intervention du juge des référés dans la vie des sociétés, est soumise à quatre conditions
par la loi : l'urgence, le provisoire, une apparence de droit, et l'absence d'immixtion du juge ; dans la mesure où
la société continue à être gouvernée par le principe d'autonomie de volontés exprimées à la majorité.

144
Abidjan n°258, 25 février 2000, Société Négoce Afrique Côte d’Ivoire dite NACI c/ Société WIN.
145
Cotonou n°178-99. 30.09.1999, affaire Dame Karamatou Ibukunlé c : Société CODA Bénin
146
Supra 1ère partie ; chap II, Section I, P. 31

68
demande de l'actionnaire minoritaire, la désignation d'un administrateur
provisoire.

Les circonstances où ce genre de désignations interviennent présentent


cependant des caractéristiques souvent exceptionnelles : cas de dissentiments
graves entre deux groupes d'actionnaires rendant impossible la tenue des
assemblées, ou d'opposition entre les organes de gestion et les actionnaires, ou
de conflits entre deux organes rivaux d'administration147.

La société peut être paralysée par la défaillance des organes de gestion :


les actionnaires minoritaires et majoritaires se heurtent, à un point tel qu'ils
compromettent les intérêts sociaux. Il faut que l'entrave soit telle qu'elle
empêche le fonctionnement régulier de la société et compromette les intérêts.

La décision qui nomme l'administrateur fixe sa rémunération, qui est en


principe, à la charge de la société.

L'administrateur provisoire est désigné pour accomplir des missions précises.

B/ LA MISSION DU MANDATAIRE PROVISOIRE

Il appartient à la décision qui nomme l'administrateur provisoire de


délimiter l'étendue de ses pouvoirs. En principe, sa nomination dessaisit
provisoirement les mandataires sociaux. L’administrateur récupère tous les
pouvoirs et toutes les responsabilités des mandataires sociaux. Cette
substitution oblige à informer les tiers puisque le mandataire représente la
société également à l’égard des tiers148.

147
RIPERT (Georges) et ROBLOT (René), Traité de droit commercial, T.1, vol.2, Paris, LGDJ, 18ème éd.,
2002, p.119.
148
GUYON Y., Droit des affaires : droit commercial général et sociétés, op. cit. P 467

69
La convocation d'une assemblée générale, l'inventaire des biens, des
investigations et des mesures de sauvegarde relatives à la structure du capital
social ou à la répartition des actions entre les actionnaires, un pouvoir
d'autorisation préalable ou un droit de veto réservé au mandataire de Justice,
constituent autant de missions limitées dans le temps dont il paraît opportun de
recommander le libellé lorsque les circonstances l'imposent.

Il est également chargé d’agir comme un conciliateur entre les


antagonistes afin de résoudre la crise qui perturbe la vie sociale. En d’autres
termes, il est avant tout chargé de dénouer une crise, et n'est qu'un dirigeant
provisoire. C'est pourquoi il doit être particulièrement prudent s'il a à effectuer
des actes de disposition engageant de façon irrémédiable la société, d'autant
que souvent il connaît encore mal l'entreprise à la tête de laquelle il a été
nommé.

Lorsqu'une clause d'agrément figure dans les statuts, il n'appartient pas à


l'administrateur provisoire de se substituer au conseil d'administration pour
exercer le droit d'agréer de nouveaux actionnaires. Et lorsqu'il s'agit de
procéder au dépôt de bilan de la société, sa responsabilité pourrait être engagée
s'il ne s'assurait pas d'un minimum de précautions (audition des anciens
dirigeants, consultation des actionnaires, absence de précipitation ...) 149.

L'ordonnance de référés déterminera avec précision la durée de la


mission de l'administrateur provisoire, le cas échéant en se réservant le droit,
dans le dispositif de son ordonnance, de proroger cette désignation.

Précisons que l'administrateur provisoire encourt les mêmes


responsabilités qu'un dirigeant social, à l'égard de la société, des actionnaires
ou des tiers. Il se doit alors d’être de bonne foi dans l’exercice de ses fonctions.

149
Cf. MERLE (Ph.), op. cit., p.689

70
En pratique, le caractère provisoire de sa fonction lui évite de commettre des
fautes. En effet, sa nomination est de courte durée et la probabilité pour lui de
commettre des fautes est très faible.

Il s’infère de tout ce qui précède que la nomination d’un mandataire


provisoire permet d’organiser les situations en cas de blocages des organes
sociaux. En outre, elle a un effet conciliateur et apaise un litige brûlant entre
actionnaires. Aussi, la protection des actionnaires minoritaires résultant de la
désignation d’un administrateur provisoire est-elle généralement efficace
puisqu’elle équivaut, sinon à la révocation judiciaire des dirigeants sociaux au
moins à une suspension de ceux-ci.

Cependant, la nomination d’un administrateur provisoire n’est pas la


seule mesure où intervient un tiers pour régler une situation en cas d’abus des
droits des minoritaires. D’autres mesures sont prévues pour la protection des
actionnaires minoritaires.

PARAGRAPHE II : LES AUTRES MESURES DE PROTECTION

En dehors de la nomination d’un mandataire, le séquestre judiciaire (A)


et l’arbitre (B) peuvent également défendre les intérêts des actionnaires
minoritaires.

A/ LE SEQUESTRE JUDICIAIRE

71
Le séquestre judiciaire consiste en un dépôt d'une chose litigieuse entre
les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre après la contestation terminée à la
personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
Le séquestre judiciaire est ordonné par une juridiction saisie d'une contestation
quant à la propriété d'une chose. La mission du séquestre est fixée dans l’acte
de désignation.

Les mesures de séquestre judiciaire peuvent concerner des droits


sociaux, à la condition qu’il existe un litige sérieux 150. Il peut s’agir d’un
différend grave opposant les membres du conseil d'administration. La mission
du dirigeant social serait alors de convoquer l'assemblée générale pour
l'élection de nouveaux membres du conseil d'administration. Ainsi, l’assemblée
générale aura lieu et les droits des actionnaires minoritaires seraient protégés.
Toutefois, les titres objet du séquestre ne peuvent donc donner droit au
vote dans les assemblées pendant la durée de la mesure.

La question qui peut se poser est de savoir si le séquestre ainsi nommé


peut voter aux assemblées ?

La réponse est négative « car plus qu’un simple acte d’administration,


le droit de vote appartient par principe à l’associé et ne peut être exercé par
un tiers à la société 151».

Le séquestre se chargera donc de régler les conflits afin d’améliorer les


situations sociales dans la société et de permettre ainsi une meilleure
collaboration entre tous les actionnaires.

Le séquestre protège ainsi les droits des actionnaires minoritaires.

B/ L’ARBITRAGE
150
Voir Dieunedort Nzouabeth, Les litiges entre actionnaire, op. cit ; P.475
151
Voir Dieunedort Nzouabeth ; idem

72
La condition essentielle pour qu'il y ait arbitrage est l'existence d'une
convention d'arbitrage. C'est cette exigence que traduit l'article 21 du Traité
OHADA : « En application d'une clause compromissoire ou d'un compromis
d'arbitrage, toute partie à un contrat, ... peut soumettre un différend d'ordre
contractuel à la procédure d'arbitrage prévue par le présent titre ».

Le Traité limite le domaine de la convention d'arbitrage au « différend


d'ordre contractuel » et l'Acte Uniforme152 autorise les personnes physiques et
morales à recourir à l'arbitrage mais uniquement « sur les droits dont elles ont
la libre disposition »153.

Les arbitres tranchent le litige au moyen d’une décision appelée sentence


arbitrale qui est définitive et rendue en dernier ressort.
Les parties s’engagent à l’exécuter sans délai et renoncent aux voies de recours
par la soumission de leur différend à l’arbitrage154.
L’arbitrage, utilisé comme mode alternatif des règlements de conflits a
beaucoup d’avantages. Ainsi, l’arbitrage permet aux parties de choisir l’arbitre
chargé de les départager en raison de sa personnalité, ou de sa compétence
spéciale. Il évite la publicité des débats devant les tribunaux et favorise la
réconciliation en fin de procédure. Il supprime les conflits de juridiction et
permet de se passer de la procédure classique ou de la simplifier.

Il réserve aussi aux parties la faculté de renoncer aux voies de recours


qui peuvent être formées contre la décision qui les départage. Il assure
également aux parties la célérité et la confidentialité du litige.

152
Voir art 148 AUSCGIE
153
V.art.2 al.2 du traité OHADA
154
Philippe FOUCHARD ; Le système d’arbitrage de l’OHADA, Petites affiches, n°205, 13 octobre 2004 ; P.
54

73
Le législateur OHADA permet également aux actionnaires de recourir à la
dissolution de la société lorsque la situation devient irrémédiable 155.

SECTION II : LA DISSOLUTION ANTICIPEE DE LA


SOCIETE

La dissolution anticipée a un double fondement légal et statutaire bien


qu’elle soit prononcée par décision de justice. C’est une mesure très
exceptionnelle, et même rare. Mais, elle n’est pas à exclure.
L’analyse des causes de la dissolution (Paragraphe I) précèdera celle de
ses effets (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LES CAUSES DE LA DISSOLUTION

La volonté de s’associer est le support des relations sociales. Si cet


élément disparaît chez certains actionnaires, la société ne doit pas continuer à
exister.
L’abus de majorité est, on l’a vu, un manquement à l’affectio societatis, à la
bonne foi qui doit présider aux relations sociales. Or, l’article 200 AUSCGIE
dans son alinéa 5 prévoit que « la société prend fin par la dissolution anticipée
prononcée par la juridiction compétente à la demande d’un associé pour justes
motifs en cas de [...] mésentente entre associés empêchant le fonctionnement
de la société ».

155
Le CANNU P., note sous Cass. Comm. 18 mai 1982, Rev. Soc. 1982, p. 804.

74
Nous examinerons donc successivement la mésintelligence entre
actionnaires (Paragraphe I) et la paralysie de l’activité sociale (Paragraphe II).

A/ LA MESINTELLIGENCE ENTRE ACTIONNAIRES

Le droit d’agir en dissolution appartient à tout actionnaire minoritaire qui


se prévaut d’un intérêt légitime, et donc un juste motif. Autrement dit, la
mésintelligence est un intérêt suffisamment légitime pour engager une
procédure en dissolution de la société.

Aussi c’est en considération de l’intensité de l’affectio societatis que le


Juge appréciera la gravité de la mésentente, en rejetant notamment la demande
lorsque celle-ci émane de l’auteur de la mésentente proprement dite.
Mais là encore, en l’absence de dispositions légales ou statutaires, le
Juge ne pourra obliger l’associé qui demande la dissolution à céder ses parts à
la société ou aux autres associés qui offrent de les racheter156.

Cependant, la mésintelligence entre actionnaire ne suffit pas à elle seule


pour dissoudre la société anonyme. Cette mésintelligence doit provoquer la
paralysie de la société.

B/ LA PARALYSIE DE L’ACTIVITE SOCIALE

Pour qu’il y ait dissolution anticipée de la société anonyme en cas d’abus


des droits des actionnaires minoritaires, la mésintelligence entre actionnaire
doit entraîner la paralysie de la société. Ainsi, les tribunaux refuseraient
valablement de prononcer la dissolution lorsque, malgré les dissensions, la vie
sociale n’est ni désespérée, ni paralysée, ni même gravement compromise.

156
Voir sur ce point la jurisprudence française Cass. Com. 12 mars 1996, Nolet c/ Salon, Evolution
jurisprudentielle 1996 Droit des Affaires, p. 64 ; Revue des Sociétés 1996, p.554, note Bureau

75
La disparition de l’affectio societatis n’est une cause de dissolution que dans le
cas où elle paralyse la vie sociétaire. A l’inverse, les juges refusent de
prononcer cette sanction si, en dépit du conflit, les affaires sociales ne sont pas
compromises.

En plus de ces deux conditions, le demandeur ne doit pas être lui-même


à l'origine du trouble social157.

La dissolution a un caractère subsidiaire. Elle ne doit pas être prononcée


lorsqu’il existe d’autres moyens permettant la reprise de la vie sociale normale.

PARAGRAPHE II : L’ACTION EN DISSOLUTION

L’action en dissolution qui obéit à une rigoureuse procédure (A) produit


certains effets (B).

A/ LA SAISINE DU JUGE

Le droit de demander la dissolution judiciaire pour justes motifs est une


prérogative d’ordre public qui ne peut être restreinte par les statuts158.
Le tribunal de commerce a compétence exclusive pour connaître de la
dissolution judiciaire, à l’exclusion du juge des référés 159, même en cas de
dissolution d’une société de fait160.
En effet, en application de l’article 200, alinéa 7 AUSCGIE, la
dissolution anticipée d’une société pour justes motifs ne peut être prononcée
que par un jugement sur le fond et non par une ordonnance de référé.

157
Com. 16 juin 1992, Bull. Joly 1992, p. 944n n° 305, P. Le Cannu.

158
Cass. com. 23-1- 1950 : D. 1950 p. 300 ; Cass. com. 12-6 1960 : Gaz. Pal. 1961 II p. 176
159
CA Paris 5-7-1988 : Bull. Joly 1988 p. 674
160
Cass. com. 8-7- 1970 : Rev. sociétés 1971 p. 154

76
Aussi, la saisie conservatoire pratiquée sur les biens de la société avant
sa dissolution et suivie d’une conversion en saisie vente, doit-elle être déclarée
bonne et valable161.

Si un actionnaire peut demander la dissolution anticipée de la société au


tribunal compétent, il n’a pas le pouvoir d’agir au nom et pour le compte de la
société, lequel est exercé exclusivement par les dirigeants sociaux, seuls
habilités à cet effet puisque seule la société a intérêt à agir et non les
actionnaires162.

La dissolution pour justes motifs nécessite que la preuve de ces motifs


soit rapportée163.
En ce qui concerne la charge de la preuve, elle appartient au demandeur.
Cependant, la demande de dissolution formée par l’actionnaire minoritaire doit
être accueillie, par application de l’article 200 AUSCGIE, si les faits de la
cause démontrent une mésentente entre les actionnaires. Il s’ensuit que le
tribunal doit nommer un liquidateur et un juge-commissaire pour les besoins de
la liquidation164.

B/LES EFFETS DE LA DECISION JUDICIAIRE

La dissolution de la société anonyme entraîne nécessairement sa


liquidation. Celle-ci consiste à payer les créanciers de la société, faire
reprendre aux actionnaires leurs apports ou leur rembourser le montant de
ceux-ci, puis enfin, engager le boni de liquidation.
161
CA Abidjan, 5e civ. & com., n°86, 16-1-2001 : Agence CARACTERE c/ Sté BAZAFRIQUE,
www.ohada.com, Ohadata J-02-117 ; ECODROIT, n° 11, mai 2002, p. 61, www.ohada.com, Ohadata J-02-
189, obs. J. ISSA-SAYEGH.
162
Jugement n° 631 du 12-O6- 2002 , Kinda J.P. c/ Truchet F.
163
CA Abidjan, n°1048, 20-7-2001 : SIFLOR Tropiques c/ Jean-Luc DELAUNEY, Ecodroit, n° 13-14, juillet-
août 2002, p. 61, www.ohada.com, Ohadata-J-02-173.
164
TGI Ouagadougou, n° 303, 14-4-1999 : Ilboudo Ambroise c/ Vandamme Raphaël, www.ohada.com,
Ohadata J-02-47 ; voir note sous articles 328, 329 et 371 de l’AUSCGIE.

77
La demande de dissolution formée par l’associé gérant doit être
accueillie, par application de l’article 200 AUSCGIE, si les faits de la cause
démontrent une mésentente entre les associés. Le tribunal doit nommer par la
suite un liquidateur et un juge-commissaire pour les besoins de la liquidation 165.
L’appréciation des faits constitutifs de la mésentente doit être effectuée
au moment de la décision de justice166 et elle est souveraine167.
Comme nous l’avons précédemment noté, cette procédure est tout à fait
exceptionnelle. Elle ne peut être utilisée que quand les abus subis par les
actionnaires minoritaires ne peuvent être réglés par d'autres moyens.

Il s’infère de tout ce qui précède que la sanction effective des dirigeants


sociaux et des actionnaires majoritaires protège indéniablement les actionnaires
minoritaires.
En effet, les dirigeants sociaux s’abstiendront de mettre en œuvre toute
politique malveillante pouvant porter préjudice aux actionnaires minoritaires et
mettre la société en péril. De même, les actionnaires majoritaires n’abuseront
plus des droits des actionnaires minoritaires.

165
TGI Ouagadougou, idem
166
Cass. com. 4-12- 1968 : JCP 1969 IV p. 23
167
Cass. com . 25-2- 1964 : Bull. civ. III ° 98

78
CONCLUSION

Aux termes de notre étude, il apparaît que le législateur OHADA a mis


en place un dispositif adéquat pour mieux protéger les actionnaires minoritaires
dans les sociétés anonymes. En effet, les dispositions que nous venons de vous
exposer démontrent clairement le souci pour le législateur communautaire
de compatir à leur faiblesse. Ces derniers disposent désormais de plusieurs
armes pour remettre en cause les décisions prises par les majoritaires et pour
sanctionner les fautes commises par les dirigeants sociaux dans
l'exercice de leurs fonctions.

79
C'est là une heureuse initiative, étant donné qu'elle s'inscrit dans l'optique
de la sécurité juridique des investissements que réalisent les actionnaires car le
droit des sociétés est au cœur de la mondialisation.

Parce que la société est avant tout un contrat de collaboration des


actionnaires, les principes de la primauté de l’intérêt social et de l’égalité dans
les rapports entre les actionnaires doivent exister au sein de la société. La
solution essentielle permettant d'éviter de bafouer les droits des actionnaires
minoritaires est d'abord le respect de l'intérêt social, qui doit transcender les
intérêts individuels des actionnaires et qui doit guider toute prise de décision. A
cet effet, le législateur OHADA se doit de redéfinir l’intérêt social en prenant
en compte l’intérêt social comme étant celui de l’entreprise 168.

En outre, le respect du droit à l'information des actionnaires tel que


prévu par l'AUSCGIE pourra permettre d'éviter les contestations des
actionnaires minoritaires et leur permettra certainement de mieux comprendre
la portée des décisions qui sont prises.
Toutefois, le législateur OHADA doit songer à pallier le défaut de peines
applicables aux incriminations dans certains Etats membres. Il peut leur
imposer d’ériger des règles dans un certain délai ou encore il peut essayer
d’harmoniser les sanctions pénales de chaque Etat membre, comme il a bien pu
le faire dans d’autres matières ; ce qui permettra de sanctionner efficacement
ceux qui portent atteinte aux droits des actionnaires minoritaires.

Les fondements de la protection des actionnaires minoritaires sont


multiples.

En premier lieu, nous avons des fondements juridiques et judiciaires.

168
Infra P.40

80
Il est louable qu’il faille pérenniser la sécurité juridique, condition de la
qualité du droit169. Cela se fait par le maintien de la stabilité dans la société.
L'insécurité judiciaire découle de la dégradation de la façon dont est rendue la
justice, tant en droit qu'en matière de déontologie, notamment en raison d'un
manque de moyens matériels, d'une formation insuffisante des magistrats et des
auxiliaires de justice.

En second lieu, ce sont des fondements socio-économiques. En effet, à


une époque où le monde entrepreneurial occidental accélère sa mutation vers
des standards de gestion et de compétitivité anglo-saxons, les milieux d'affaires
africains doivent prendre le train de la modernité et de la flexibilité dans
l'application du droit de la société anonyme de l'OHADA.

Par ailleurs, il est indéniable que l’insécurité juridique est une entrave au
fonctionnement économique d’une société et même d’un Etat.

Il est donc important de poursuivre les réflexions sur les perspectives de


la protection des actionnaires minoritaires dans l'espace OHADA. Sur ce point,
c'est à la doctrine et à la jurisprudence qu'il reviendra de peaufiner l'œuvre
entamée et de nouvelles réformes viendront combler les failles constatées.

Enfin, notons que l’efficacité de cette protection tiendra bien


évidemment à l’effectivité de la mise en œuvre des dispositions de l’AUSCGIE
et aussi par la connaissance qu’en auront les praticiens.

169
Parce qu’elle démontre son aptitude à permettre une réalisation effective et durable des projets des sujets de
droit

81
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-unidroit.org
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-oboulo.com
-wikipedia.com

92
TABLE DES MATIERES

Dédicace…………………………………………………………………………...II
Remerciements………………………………………………………………….III
Liste des abréviations…………………………………………………………...IV
Sommaire……………………………………………………………………......V
Introduction………………………….…………………………………………..1

TITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES ACTIONNAIRES


MINORITAIRES…………………………………………….…....9
93
CHAPITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DES ACTIONNAIRES
MINORITAIRES CONTRE LES DIRIGEANTS
SOCIAUX………………………………………………......10
SECTION I : LA PROTECTION PAR L’INFORMATION………....…...10
PARAGRAPHE I : L’INFORMATION PREALABLE……………….........10
A/L’INFORMATION LIEES AUX ASSEMBLEES
GENERALES……………………………………………………………...11
1/LA CONVOCATION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES……………………..11
2/L’ADMISSION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES………………………….....13
B/ L’ALERTE PAR LES ACTIONNAIRES……………………………..…15
PARAGRAPHE II : L’INFORMATION RENFORCEE…………………....17
A/LE CONTROLE PAR L’INFORMATION………………………………18
B/L’INFORMATION EN CAS DE RESTRUCTURATION DE LA
SOCIETE…………………………………………………………………..20

SECTION II : LA PROTECTION PAR L’EXPERTISE……………………22


PARAGRAPHE I : L’EXPERTISE DE GESTION………………………..…23
A/ LES CONDITIONS DE L’EXPERTISE DE GESTION……………….....23
B/ LES EFFETS DE L’EXPERTISE DE GESTION………………………....25
PARAGRAPHE II : L’EXPERTISE IN FUTURUM……………………….27
A/ LES CONDITIONS DE L’EXPERTISE IN FUTURUM………………....27
B/ LES EFFETS DE L’EXPERTISE IN FUTURUM………………………..28

CHAPITRE II : LES MOYENS DE PROTECTION DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES CONTRE LES
MAJORITAIRES…………………………………………30
SECTION I : LA NOTION D’ABUS DE MAJORITE…………………….30

94
PARAGRAPHE I : LE DEFINITION DE L’ABUS DE
MAJORITE……………………………………………..30
A/ LA NOTION D’ACTIONNAIRE MAJORITAIRE…………………….31
B/ LA NOTION D’ABUS DE MAJORITE………………………………......32
PARAGRAPHE II : LE VOTE A LA MAJORITE…………………….…..36
A/ LE PROCESSUS DECISIONEL : LA DEMOCRATIE……………..........36
B/ L’INTERDICTION DE DETOURNEMENT DU POUVOIR…………….38
SECTION II : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’ABUS…………....39
PARAGRAPHE I : L’ATTEINTE A L’INTERET SOCIAL………………...39
A/ LES CONTROVERSES DOCTRINALES RELATIVES A LA NOTION
D’INTERET SOCIAL……………………………………………………40
B/ LE ROLE DE L’INTERET SOCIAL……………………………………..43
PARAGRAPHE II : LA RUPTURE D’EGALITE……………………. …….44
A/L’INTENTION DE NUIRE……………………………………………...45
B/ LE PREJUDICE CAUSE AUX MINORITAIRES ……………………..45

TITRE II : LES SANCTIONS AUX ATTEINTES DES DROITS DES


ACTIONNAIRES MINORITAIRES………………………….48
CHAPITRE I : LES SANCTIONS PRIMAIRES…………………………….49

SECTION I : L’ANNULATION DES ACTES PREJUDICIABLES AUX


ACTIONNAIRES MINORITAIRES……………………........49
PARAGRAPHE I : L’ANNULATION DES DECISIONS PRISES PAR LES
DIRIGEANTS SOCIAUX ………………………….....49
A/ LE REGIME DE L’ANNULATION……………………………….……50
B/ LES EFFETS DE L’ANNULATION……………………………………51
PARAGRAPHE II : L’ANNULATION DES DECISIONS PRISES PAR

95
LES ACTIONNAIRES MAJORITAIRES………….52
A/ LE REGIME DE L’ANNULATION………………………………….…52
B/ LES EFFETS DE L’ANNULATION…………………………………….53
SECTION II : LA RESPONSABILITE DES FAUTIFS…………………......54
PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE CIVILE …………………......54
A/ LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS SOCIAUX …….55
B/ LA RESPONSABILITE CIVILE DES ACTIONNAIRES
MAJORITAIRES………………………………………………………. ..56
PARAGRAPHE II : LA RESPONSABILITE PENALE ………………...…58
A/ LES PERSONNES PENALEMENT RESPONSABLES………………..58
B/ LE DEFAUT DE SANCTION DANS L’ACTE UNIFORME………..…59

CHAPITRE II : LES SANCTIONS D’EXCEPTION……………….………61


SECTION I : L’INTERVENTION D’UN TIERS…………………….….....61
PARAGRAPHE I : LA NOMINATION D’UN MANDATAIRE DE
JUSTICE………………..……………………..………61
A/ LES CONDITION DE NOMINATION……………………………........62
B/ LA MISSION DU MANDATAIRE……………………………………..63
PARAGRAPHE II : LES AUTRES MESURES DE PROTECTION…..……65
A/ LE SEQUESTRE JUDICIAIRE…………………………………………...66
B/ L’ARBITRAGE…………………………………………………………....67
SECTION II: LA DISSOLUTION ANTICIPEE DE LA
SOCIETE………………………………………………….....68
PARAGRAPHE I : LES CAUSES DE LA
DISSOLUTION……..………………..………………68
A/ LA MESINTELLIGENCE ENTRE ACTIONNAIRES…………………68
B/ LA PARALYSIE DE L’ACTIVITE SOCIALE…………………...…….69
PARAGRAPHE II : L’ACTION EN DISSOLUTION………………….…..71
A/LA SAISINE DU JUGE…………………………………………………..71

96
B/LES EFFETS DE LA DECISION JUDICIAIRE………………………....72

Conclusion………………………………………………………………………74
Bibliographie…………………………………………………………………....77
Table des matières………………………………………………...…………….VI

97

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