Mon Memoire Final 1
Mon Memoire Final 1
Mon Memoire Final 1
MEMOIRE DE RECHERCHE
Jury :
Président du jury : Professeur ALLA Koffi Etienne, Agrégé des Facultés de Droit, Avocat
au Barreau de côte d’ivoire
Les opinions exprimées dans ce mémoire de recherche sont propres à son auteur.
L’institut Universitaire d’Abidjan n’entend donner aucune approbation à ces opinions.
2
DEDICACES
A mon père, M COULIBALY ISSOUF pour qui notre survie n’a pas de prix et qui m’a
donné le goût et les moyens d’apprendre, qui n’a jamais failli à ses devoirs et qui n’a cessé de
me démontrer sa confiance ;
A la famille COULIBALY pour le soutien sans faille à toutes les épreuves. Que vos
sacrifices trouvent ici leur aboutissement.
A tous mes frères et sœurs, mes tantes, oncles, cousines et cousins, amis, je témoigne toute
ma reconnaissance pour leur soutien. Que cette contribution soit pour vous tous un motif
supplémentaire de fierté et un exemple à dépasser, chacun dans son domaine car, le seul
chemin de la réussite est le travail.
Fin
3
MES REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont également à tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, ont rendu
possible la réalisation de ce modeste travail, même s'ils ne sont pas nommément désignés.
Qu’ils trouvent ici l’expression de ma parfaite reconnaissance.
A ALLAH,
4
SIGLES ET ABBREVIATIONS
Al. : Alinéa
Art. : Article
5
CA : Cour d’appel
D. : Recueil Dalloz
DP : Dalloz périodique
6
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CONCLUSION
7
Introduction
L’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) est une
organisation internationale de plein exercice, dotée d’une personnalité juridique
internationale. L’objectif de cette l’organisation est la facilitation des échanges et des
investissements, la garantie de la sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises.
Le droit de l’OHADA vise ainsi à propulser le développement économique et à créer un vaste
marché intégré au sein de la zone. Pour réaliser ces objectifs, l’OHADA1 s’est dotée d’un
système institutionnel structuré autour de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement,
du Conseil des ministres (organes politiques) et du Secrétariat permanent qui est l’organe
exécutif et administratif de l’Organisation, chargé d’assister le Conseil des ministres et de
coordonner la préparation et le suivi de la procédure relative à l’adoption des Actes
uniformes. En effet, l'entrée en vigueur le 1er janvier 1998 de l'Acte Uniforme de l'OHADA,
créé par le traité de port Louis et adopté par le conseil des ministres le 17 avril 1997, portant
sur le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique2 marque un
bouleversement dans l'histoire du droit des sociétés des pays africains membres de la zone
franc. Réviser en 2019, ce texte est venu mettre un terme, dans la plupart des pays concernés,
à plus d'un siècle d'application de la loi française du 24 juillet 1867 sur les sociétés par action.
La venue de l’OHADA a permis d’uniformiser différents types de sociétés que sont la société
en nom collectif (SNC), la société à responsabilité limitée (SARL), la société en commandite
simple (SCS) et la société anonyme.
Les sociétés anonymes influences différents type d’acteur en fonction de leur intérêt
convergent ou divergeant. En effet, la diversité des acteurs de la société assure une certaine
imitation nécessaire à son fonctionnement. D'une manière générale, ce sont les directeurs
sociaux, les salariés, mais surtout les associés, qui sont à l'origine de l'entreprise et de ce fait,
ils devraient jouir de droits patrimoniaux (regroupant tous les droits de nature économique ou
financière) et des droits politiques équitables. Mais force est de constater que tous les associés
ne disposent pas du droit de vote contrairement aux dispositions de l’article 53.4 de l’acte
uniforme OHADA3. En effet, les statuts d’une SA pourrait prévoit la possibilité d’émettre des
1
LegiGlobe, Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires ; Publié le 17 février 2014 ; p1
2
Le préambule de l’ACTE UNIFORME REVISE RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES
ET DU GROUPEMENT D’INTERET ECONOMIQUE ; adopté le 30/01/2014 à ouagadougou
3
1°) un droit sur les bénéfices réalisés par la société lorsque leur distribution a été décidée ;
8
actions dont les droits politiques sont amputés d’une de leurs composantes fondamentales,
c’est à- dire le droit de vote4. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de choisir notre sujet : LA
PROTECTION DES ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE DANS LES SOCIETES
ANONYMES DE DROIT OHADA. Il s’agira pour nous de définir certaines notions et
d’apporter certaines distinctions afin de mieux cerner notre sujet. D’abord, La notion
d’associé renvoie à une personne qui est unie à une ou plusieurs autres par une communauté
d’intérêts, c’est l’essence même du contrat de société5. Mais, cette notion n’a pas été
expressément définie par les différentes législations. Les législateurs ne donnent aucune
définition de l’associé. La seule mention du mot associé apparaît lorsqu’ils définissent la
société6. C’est à celui qui remplit les conditions posées dans ces articles que revient la qualité
d’associé7. Autrement dit, l’associé se définit par la mise en commun d’apports, la
participation aux résultats et la contribution aux pertes, dispose en contrepartie des parts
sociales. Et, surtout la volonté commune qui renvoie directement à la notion d’affectio
societatis8. Selon la doctrine, la définition que fait l’article 1832 est une définition par
emprunt car elle est insuffisante et classique du fait qu’il y a seulement une utilisation du
critère de la notion de société9. Ainsi, le mot associé est le terme qui sera le plus utilisé dans
2°) un droit sur les actifs nets de la société lors de leur répartition, à sa dissolution ou à l’occasion d’une
réduction de son capital ;
3°) le cas échéant, l’obligation de contribuer aux pertes sociales dans les conditions prévues pour chaque forme
de société ;
4°) le droit de participer aux votes des décisions collectives des associés, à moins que le présent acte uniforme en
dispose autrement pour certaines catégories de titres sociaux.
4
SA est l’abréviation de la Société Anonyme.
5
Dictionnaire Le Robert
6
E. C. MONTCHO AGBASSA, « Les droits fondamentaux de l’associé en droit OHADA », RTSJ, n°7,
janvier-Juin
2015, p.67.
7
Article 4 de l’AUSCGIE « La société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent
par un contrat, d’affecter …Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le
présent Acte uniforme », et Art. 1832 du Code civil « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat …Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »
8
Cass.com., 25 juillet 1949, JCP 1950.II.5798, note Bastian. « Il n’y a pas de contrat de société s’il n’y a pas
D’affectio societatis. Entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de
profiter de l'économie
9
La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une qui
pourra en résulter. Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule
personne. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
9
ce mémoire, il englobe et renvoie également à la notion d’actionnaire. Il s’agit de deux
notions désignant les mêmes acteurs. Les associés d’une société anonyme sont appelés
actionnaires et détiennent des parts de la société en fonction du nombre d’actions qu’ils
possèdent.
Cependant, il est important de noter que tous les actionnaires ne bénéficient pas
nécessairement du droit de vote. Certains associés peuvent être dépourvus de ce droit.
Ensuite, la détermination de la notion « vote » est d’autant plus essentielle pour mettre en
exergue l’importance du droit de vote et ses implications. Le vote, terme dérivé de l'anglais
vote, provenant du latin votum signifiant « voeu » est une méthode permettant à un groupe
une prise de décision commune10. En effet, le vote est la manifestation d'une opinion, d'une
volonté ou d'un choix lors d'une consultation au sein d'un corps politique, d'un collège
électoral, d'une assemblée délibérante, etc., en vue d'une élection, d'un référendum ou d'une
prise décision11. D'après l'article 1844, "tout associé a le droit de participer aux décisions
collectives". Cette règle, introduite par la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978, est issue du droit
commun des sociétés et concerne par conséquent toutes les formes sociales. En effet, le droit
de vote des associés fait partie des principes fondamentaux du droit des sociétés, C’est un
droit politique attaché à la qualité d’associé. Le droit de vote des associés implique une liberté
d’exercice, une liberté de disposer comme il le souhaite de son vote. Toutefois, il existe des
limites à l’exercice du droit de vote des associés. D’abord, lors de la création d’une société
par actions notamment la SA, les associés font des apports en contrepartie desquels ils
reçoivent des titres, ce sont des actions ordinaires. Le nombre d’actions ordinaires détenu est
proportionnel à leur apport. Ces actions leur confèrent des droits de vote lors des assemblées
générales et des droits de percevoir des dividendes. Au sein de cette société, peut également
être créée des actions de préférence. Ces actions de préférence tout comme le droit de
préférence dans la SARL sont des titres de capital qui confèrent à l’actionnaire qui les
détient12 des prérogatives particulières telles que des droits de vote double ou, un droit à des
dividendes prioritaires, un superdividende, etc.
En effet, les actions de préférence peuvent, dans certains cas, ne pas bien porter leur nom car
elles retirent des droits. Par exemple, une action de préférence peut ne pas comporter de droit
de vote. Cette forme d’actions va être surtout utile lors d’opérations de levée de fonds, et dont
10
Wikipédia : Etymologie du mot « vote » (consulté en ligne le 17/10/2023)
11
"Toupictionnaire" : Le dictionnaire de politique (consulté en ligne le 17/10/2023)
12
Samuel Goldstein « L’action de préférence » ; Dernière mise à jour le 21/09/2021
10
les acteurs seront les associés fondateurs et un fonds d’investissement. Les actions de
préférence pourront être accordées à l’une ou l’autre de ces parties afin de les différencier.
Ensuite, les actions sans droit de vote sont des actions qui ne donnent à son propriétaire pas
ou très peu de droit de vote ou de droit de regarder dans les affaires de l’entreprise dont il
détient les actions. L’action sans droit de vote permet à une entreprise d’augmenter son capital
sans modifier la structure du pouvoir de l’entreprise. En fait, elle coute un peu moins chère
qu’une action avec droit de vote, car son détenteur peut exercer une pression directe sur la
rentabilité de l’entreprise, mais ne peut décider de nommer une autre direction car ses actions
n’ont pas le droit de vote. Ce type d’action est utile afin de prévenir une crise de contrôle
hostile d’une entreprise. De ce fait, les associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes
ont des actions, mais ne peuvent pas non plus participer aux décisions importantes de la
société contrairement aux associés majoritaires. Ils ont le droit de recevoir une part des
bénéfices de la société et leur droit de céder leurs actions à d’autres personnes.
Cependant, ils ne peuvent prendre part aux décisions importantes dans la société.
Partant de cette classification du droit de vote, il revient de faire une distinction entre l’associé
majoritaire et l’associé minoritaire. L’actionnaire ou l’associé a une participation majoritaire
dans une entreprise lorsqu’il détient plus de 50 % des actions à droit de vote de l’entreprise,
lui donnant le pouvoir de décider dans les réunions d’actionnaires et de contrôler l’orientation
des activités. Les actions à droit de vote permettent aux actionnaires de participer, de
s’exprimer et de voter aux assemblées d’actionnaires. Contrairement à l’associé majoritaire, la
notion même de minorité comprend plusieurs sens. D’entrée de jeu, l’associé minoritaire est
perçu généralement comme celui qui détient un capital de moins de 50% dans une société à
deux associés ou celui qui détient un pourcentage très faible en parts sociales. Toutefois, le
sens à retenir est celui qui vise la minorité dans le cadre d’une collectivité des associés, celle
qui se définit comme étant « la masse des porteurs du capital liée par les décisions de la
majorité du capital présente ou représentée »13. Par sa faible participation au capital social,
l’associé minoritaire voit la gestion de la société aux mains de la majorité. Cela laisse à penser
qu’il est réduit uniquement au profit et dont la gestion ne serait sa principale motivation. La
place de l’associé minoritaire dans la société a valu plusieurs qualifications doctrinales dont
13
PERCEROU, par « minorité », il faut entendre les actionnaires qui ne font point partie du groupe dirigeant de
l’entreprise, Rapport présenté au congrès international de la Haye, Ann. D. Co., 1932.211, cité par Hélène
Guebidiang a Tchoyi-Doumbe, La cession des droits sociaux de l’associé minoritaire, Thèse Université
d’Auvergne Clermont-Ferrand, 2010, p.5.
11
certaines allaient dans la dévalorisation du statut du minoritaire et d’autres qualifiant leur
insignifiance dans la société. C’est le cas d’un auteur qui les appelait de « simples bailleurs de
fonds »14, qui sont dépourvus de tout contrôle de leur société et en générale ne forme pas un
groupe cohérent. Bien que tous les associés minoritaires ne sont pas dépourvus du droit de
vote, il convient de préciser que l’associé sans droit de vote est un associé minoritaire car ils
se définissent uniquement par le nombre d’actions ou parts sociales qu’ils procèdent, leur
permettant ou non de prendre part au vote dans la société. Par conséquent, l’associé sans droit
de vote est soumis aux mêmes règles que l’associé minoritaire. Une telle classification de
l’associé sans droit de vote soulève la question de la protection des intérêts de ce dernier du
fait qu’il n’impacte pas directement sur la gestion de la société. Par conséquent, les
législateurs peuvent craindre que les associés majoritaires ou dirigeants sociaux abusent de
leurs pouvoirs et que ces derniers dirigent la société dans leurs seuls intérêts. In facto, le
pouvoir de gérer une société appartient quasi exclusivement à la majorité du fait de leur
pourcentage de participation au capital. C’est pour cette raison que l’Acte uniforme OHADA
à entendu protéger l’associé sans droit de vote qui est classé au rang des associés minoritaires
en lui reconnaissant un certain nombre de droits spécifiques qui, pourront éviter que les
associés majoritaires abusent de leurs pouvoirs. L’étude de la protection des associés sans
droit de vote dans les sociétés anonymes de droit OHADA revêt une pertinence considérable
dans la mesure où elle permettra de répondre aux préoccupations légitimes des associés sans
droit de vote et de contribuer à l’établissement d’un cadre juridique et réglementaire
favorisant une répartition équitable du pouvoir et des droits au sein des sociétés anonymes.
Par conséquent, il est essentiel de mener une recherche approfondie sur la protection des
associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes de droit OHADA. De plus, la notion
d’associé sans droit de vote est intrigante dans la mesure où elle remet en cause l’élément
primordial et indispensable de la création d’une société : l'intention de s'associer ou L'affectio
societatis15 qui traduit la volonté des associés de collaborer ensemble à l'exploitation de
l'activité. En effet dire que l’associé n’a pas de droit de vote intrigue dans la mesure où celui-
14
F.-X LUCAS, Les actionnaires ont-ils la qualité d’associé ? Brefs propos discursifs au tour du thème de
l’associé et de l’investisseur.
15
‘’L’affectio societatis", est une locution d'origine latine utilisée pour désigner l'élément intentionnel
indispensable à la formation du lien qui unit les personnes qui ont décidé de participer au capital d'une société
qu'elle soit civile ou commerciale. L'existence de l'affectio societatis permet de distinguer la société, des
syndicats de copropriétaires ou de certains groupements ou même des indivisions qui se forment sans cette
volonté d'investir en commun et de partager les bénéfices ou les pertes de l'entreprise.
12
ci décide au même titre que les autres associés de mettre ses intérêts au bénéfice de la société
mais ne dispose pas des mêmes prérogatives que ces derniers sous prétexte qu’il ne dispose
pas de droit de vote qui sont ou qui devrait être en principe le moteur de tout associé. Quand
on connait l’importance même du droit de vote dans son entièreté qui est un droit des plus
fondamental et d’abord un droit humain, l’on ne devrait pas les soustraire à un tiers d’autant
plus qu’il est question de capitaux, d’investissements et de ses intérêts.
Alors, si l’associé sans droit de vote dans les sociétés anonymes de droit OHADA n’a pas de
pouvoir décisionnel alors comment le protéger et comment pourra-t-il
Veillé à l’intérêt de son investissement s’il ne peut participer au vote ? Es-ce que l’acte
uniforme OHADA a prévue des mécanismes de protection des associés sans droit de vote
dans les sociétés anonymes ?
A cette question, l’Acte uniforme énumère un ensemble de mesures permettant aux associés
sans droit de vote dit minoritaires de préserver leurs statuts dans la société sans qu’ils ne
subissent des pressions du groupe majoritaire. Des mesures tangibles ne pouvant pas être
remises en cause ni par le groupe majoritaire, ni par l’équipe dirigeante. Ces règles sont
justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant notamment en la protection
particulière des associés sans droit de vote et à une sécurité juridique de la société. La
protection des minoritaires par les législateurs tient également à ce qu’ils ne soient pas
contraints dans leurs fonctions d’associés16 ; qu’ils aient la pleine liberté dans l’implication de
la gestion sociale ; qu’ils adhèrent en leurs âmes et consciences aux règles et principes de la
société17. En effet, les associés sans droit de vote bénéficient des actions qui leurs permettent
de garantir et de protéger leurs intérêts et ceux de la société, puisqu’ils peuvent interroger les
dirigeants sociaux en exigeant de mettre à leur disposition des documents de la société. De
plus, par cette obligation d’information, ils ont la possibilité d’intenter des actions afin de
faire cesser certains agissements contraires aux l’idéologie commune. Les associés
minoritaires bénéficient d’une protection quel que soit l’ordre juridique auquel ils sont
soumis.
16
Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
adopté le 30/01/2014
17
Ulrich Moundounga Mapangou, La protection des associés minoritaires : étude comparée de droit français
etdroit OHADA ; Droit. Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2023.
13
L’AUSCGIE18 prévoient un panel de mécanismes permettant aux associés sans droit de vote
de faire valoir leurs droits et de pouvoir contrôler la gestion au sein de la société. Ces
mécanismes pourraient les emmener, non seulement à contrôler, mais également à prévenir ou
à faire sanctionner d’éventuels irrégularités commises par l’assemblée générale ou l’organe
dirigeante. Le terme de protection ne signifie pas que les législateurs ont privilégié le
minoritaire face aux majoritaires. Mais de savoir si les mécanismes mis en place pour protéger
les associés sans droit de vote sont suffisants et efficaces. En d’autres termes : Les associés
des sociétés anonymes bénéficient-ils d’une protection suffisante de leurs droits
lorsqu’ils sont eux-mêmes dépourvus du droit de vote ? Les mécanismes de protections
mis en place par l’acte uniforme garantissent les intérêts des associés sans droit de vote dans
les sociétés anonymes ? Une telle étude permettra d’identifier l’insuffisance du mécanisme de
protection des associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes de droit OHADA
(première partie) et de proposer des recommandations pour renforcer la protection de ces
associés (deuxième partie).
18
AUSCGI : Acte Uniforme relative aux Sociétés Commerciales et au Groupement d’intérêt économique, du 30
janvier 2014, qui se substitue au texte initial du 17 avril 1997.
14
PREMIERE PARTIE : L’INSUFFISANCE DES MOYENS DE PROTECTION DES
ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE DANS LES SOCIETES ANONYMES DE DROIT
OHADA
« L’institution d’un régime efficace de protection des actionnaires sans droit de vote n’est
pas une fin en soi, mais une garantie d’un bon fonctionnement. Pour cela, il n’est pas suffisant
de leur reconnaître le droit de participer à l’élaboration des décisions, mais il faut renforcer les
instruments de son exercice »19. C’est avec cette citation de la doctrine en droit des sociétés
commerciales, que nous entamons l’analyse sur la protection des actionnaires sans droit de
vote dans les sociétés commerciales en droit OHADA. Les actionnaires sans droit de vote
sont à certains égards moins bien protégés dans l’entreprise sociale et surtout dans les sociétés
anonymes en droit OHADA. La place donnée à l’associé sans droit de vote témoigne dans les
sociétés anonymes en droit OHADA, en effet du degré de prise en compte de certains
principes tels que la bonne gouvernance et l’égalité entre associés 20. Dans ces travaux, il sera
donc utile pour nous d’examiner le statut de l’associé sans droit de vote dans les sociétés
anonymes afin de déterminer si celui-ci favorise la mise en œuvre des principes de bonne
gouvernance et l’égalité des associés au sein des sociétés commerciales. Garantir une
information minimale à tout associé est en effet, la clé d’une parfaite transparence de la
gestion sociale in fine, la garantie d’une bonne gouvernance au sein de la société anonyme en
droit OHADA. Mais à la lecture de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales, plusieurs
insuffisances ont été observées sur le sort réservé à l’associé sans droit de vote dans les
sociétés commerciales et plus particulièrement les sociétés anonymes en droit OHADA. Il
existe donc une insuffisance des moyens de protection des associés sans droit de vote dans les
sociétés anonymes.
Pour aborder cette première partie, il s’impose d’analyser au regard de l’Acte Uniforme sur
les sociétés commerciales, la protection limitée des associés sans droit de vote par les
dirigeants sociaux (Chapitre1). Ainsi il en ressort que cette prétendue protection assurée par le
nouvel acte uniforme est fragilisée dans les sociétés anonymes sur le sort des associés sans
droit de vote (Chapitre 2).
19
A. LAMRINI, « Le pouvoir de la majorité dans la société anonyme en Droit Marocain. », Thèse 1996.p. 854
20
Sur la notion d’égalité entre associés en droit OHADA, V. Faye, L’égalité entre associés( actes uniformes sur
le droit des sociétés et GIE), Ohadata D-04-10 ou en revue Droit écrit, Droit Sénégalais, n°2, Universités des
sciences sociales de Toulouse
15
Chapitre 1 : LA PROTECTION DES ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE LIMITEE PAR
LES DIRIGEANTS SOCIAUX
Un associé sans droit de vote dans la société anonyme, n’est pas en principe un associé sans
droit. L’acte uniforme lui reconnait des droits, qui dans cette analyse seront décryptés tant en
théorie aussi bien qu’en pratique.
A la lecture des dispositions de l’acte uniforme, il en ressort que l’associé sans droit de vote
dans les sociétés anonymes disposent vis-à-vis des dirigeants sociaux, un droit de regard et de
contrôle sur la gestion sociale. En droit OHADA, comme en droit comparé, la société
anonyme est dirigée par ses organes de gestion. Les dirigeants sociaux disposent d’importants
pouvoirs juridiques économiques qui sont nécessaires à la poursuite quotidienne des intérêts
de l’entreprise. Mais à la réalité les associés sans droit de vote n’ont pas accès à un juste
équilibre des rôles entre les organes de direction et l’actionnariat dans les sociétés
commerciales. En effet, la protection des associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes en droit OHADA consiste à leurs octroyer des droits utiles à contrôler la gestion de
la société21. La gestion de la société anonyme est la compétence des dirigeants sociaux. Ce qui
signifie que les associés sans droit de vote sont a priori habilités à contrôler l’action que
mènent les dirigeants sociaux, notamment par l’obligation légale d’information que doivent
respecter ces dirigeants à l’égard des associés sans droit de vote. Toutefois, le droit des
sociétés et l’Acte uniforme laissent quelques zones d’ombres qui pourraient favoriser un
blocage de l’action de contrôle des associés sans droit de vote et dont les dirigeants pourraient
s’en servir. Le statut de minoritaire signifie que l’associé dispose d’un capital moins
important et donc n’a pas de manière personnelle d’impact ou d’influence considérable sur la
politique à élaborer dans la société. L’influence politique émane plus tôt du côté des
majoritaires. Ces raisons pourraient justifier la légitimité des insuffisances qui subsistent dans
les droits qui lui sont accordés. En droit OHADA, l’on remarque dans certaines hypothèses
que le contrôle de gestion des associés sans droit de vote est entravé par les dirigeants sociaux
(section 1) et que même le mécanisme de contrôle des associés sans droit de vote est peu
efficace (section 2).
21
FENEON (A), « Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l’espace OHADA
», Penant 2002, n°839, p.160.
16
Section 1 : Le contrôle de gestion des associés sans de vote entravé par les dirigeants
sociaux
Les associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes bénéficient de plusieurs actions
contre les dirigeants sociaux. Ces actions permettent à ces associés de contrôler la gestion de
la société par les organes dirigeants. La nécessité de contrôler leurs actions résulte du fait que
les associés sans droit de vote n’ont pas de pouvoirs décisionnels au sens strict, et donc la
possibilité de s’informer de la manière dont la société est gérée devient vital pour eux. L’outil
de prédilection de contrôle est le droit d’information qu’ils détiennent. Ce droit leurs permet
de déceler les incohérences ou des abus causés par ces organes de gestions. Sauf que certaines
réserves existent et pas des moindres, puisque les dirigeants sociaux bénéficient de la
possibilité d’émettre des réserves s’agissant de l’information qu’ils ont l’obligation de fournir
aux associés sans droit de vote22. De plus, d’autres outils de contrôle très puissants pour les
associés minoritaires souffrent également de petits écueils favorables aux dirigeants. Dans
ces circonstances, l’information sensible est inaccessible aux associés sans droit de vote
(Paragraphe 1) Ainsi donc, le processus d’information est très contraignant (paragraphe 2).
22
FAYE (A) « L’égalité entre associés (Actes uniforme sur le droit des sociétés et du GIE) », OHADA D-04-10
p2
17
Paragraphe1 : L'information sensible inaccessible à l'associé sans droit de vote
Si l’actionnaire majoritaire dispose d’un droit de vote, c’est en raison de sa plus grande part
dans le capital social de la société anonyme. Mais l’associé sans droit de vote est un
investisseur qui acquiert la qualité d’associé par l’achat des achats ; L’acte uniforme portant
droit des sociétés commerciales reconnait à un tel associé un droit à l’information.
Cependant, le droit à l’information prévu par les dispositions de l’acte uniforme à l’endroit de
l’associé sans droit de vote dans les sociétés anonymes est entaché d’imperfections. Les
dirigeants sociaux peuvent mettre en échec le contrôle exercé par les associés sans droit de
vote dans les sociétés anonymes concernant un certains types d’informations à contrôler. Ces
associés ne bénéficient pas d’un contrôle absolu et approfondi sur la gestion des dirigeants,
puisque ces derniers ont la légitimité de rendre inaccessible certaines informations jugées
sensibles (A). De plus, outre cette entrave, le législateur OHADA favorise une entrave à
l’accès à l’information dans sa globalité. L’inaccessibilité de l’information pour les associés
minoritaires pourrait résulter d’un procédé d’information trop contraignant en droit OHADA
(B).
Les décisions sociales sont par principe prises dans l’intérêt de la société et sont l’émanation
de la volonté majoritaire. De ce fait, les législateurs ont jugé utile de protéger les petits
porteurs de la gestion sociale majoritaire. Dès lors, l’efficacité de la protection des intérêts des
associés sans droit de vote est liée à la possibilité effective de contrôler le déroulement du
processus décisionnel, compte tenu du fait que son dysfonctionnement est à l’origine du
préjudice subi par ces associés sans de vote23. C’est pour cette raison, dans le souci de
protéger les minoritaires que les rédacteurs de l’Acte Uniforme OHADA ont renforcé le
droit d’information de l’associé sans droit de vote corollaire d’un contrôle de l’action des
dirigeants sociaux. Plusieurs possibilités lui sont offertes pour acquérir au mieux
l’information nécessaire à la bonne marche de l’entreprise. Cependant, ces différents outils
23
G. MUBERANKIKO, « La place des associés minoritaires dans la gouvernance des entreprises en droit
OHADA », Etudes africaines, p.209, n° 332
18
s’avèrent imparfaits et peu favorables d’accès à l’associé minoritaire24. L’inaccessibilité peut
être du fait des organes de direction ou des méconnaissances imputables aux associés
minoritaires. Si l’on s’en tient à l’analyse d’une auteure25 selon lequel dans le cas d’un
actionnariat dispersé, la société connait des conflits qui surviennent lorsque les dirigeants sont
tentés de poursuivre leur propre intérêt aux dépens de celui des associés. Les associés visent
le profit le plus élevé compatible avec un degré raisonnable de risque tandis que les dirigeants
s’attachent au prestige, au pouvoir et à la rémunération de leurs compétences et de leurs
efforts. A cet effet, l’exercice du contrôle est rendu complexe par l’asymétrie d’information
existant entre les dirigeants et associés. L’auteure poursuit en disant qu’il s’agit d’un système
fortement influencé par l’action des dirigeants alors même qu’elle est sensée éclairer les
associés minoritaires. L’information sensible nécessite l’information comptable et financière
qui constituent pour le dirigeant un super « pouvoir qu’il peut utiliser au détriment des
partenaires dans le cadre de la relation contractuelle ». En même temps, les minoritaires
peuvent se voir priver d’une information sensible par la simple volonté des dirigeants qui
pourraient dissimuler délibérément des informations utiles à la comptabilité et aux finances de
l’entreprise26. C’est la raison pour laquelle un auteur annonce qu’« à travers la politique
comptable, le dirigeant peut mettre en œuvre des stratégies d’instrumentalisation de
l’information comptable donnant une fausse réalité de l’entreprise ». Cette instrumentalisation
se justifie par le simple fait que les dirigeants et les associés sans droit de vote ne disposent
pas de la même information ou du moins l’information dont disposent les dirigeants ne sont
pas toujours portés à la connaissance des associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes. Ce qui engendre donc une incompréhension des règles techniques par l’associé
sans droit de vote dans les sociétés anonymes en droit OHADA.
24
S. SCHILLER et F. PATRIZIO, « Les minoritaires sacrifiés dans les entreprises de tailles intermédiaires »,
Recueil Dalloz du 12 décembre 2013, N° 43/7580, p. 2863.
25
E. GINGLINGER, « L’actionnaire comme contrôleur », Revue française de gestion, 2002/5, n° 141, p. 38.
26
G. MUBERANKIKO, op.cit., p. 210, n° 335
C. DJAMA, « Fraude à l’information comptable et financière : le rôle des autorités de régulation », p. 4,
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00522510
19
B- L'incompréhension des règles techniques par l'associé sans droit de vote
Les associés sont en principe tous égaux. En vertu de l’article 53 de l’AUSCGIE, tout associé
a le droit d’assister et, par là même de prendre connaissance de grande décision sur la gestion
de la société anonyme. Le droit à l’information est corollaire du droit de l’actionnaire dans les
sociétés anonymes. A défaut, les pouvoirs de l’associé sans droit de vote seraient sinon
théoriques, du moins fortement entravés. La régularité des comptes sociaux est le centre
d’inertie d’une gestion contrôlée par l’associé minoritaire. Il s’agit du domaine sensible par
excellence dans la gestion sociale et constitue le nerf de la guerre en cas d’irrégularité
constatée. Pour mener à bien ce contrôle, les associés doivent faire preuve de beaucoup de
connaissance juridique en la matière27. Or, l’associé minoritaire souffre d’une connaissance
imparfaite des règles juridiques qui l’échappe et fausse son pouvoir de contrôle vis-à-vis des
dirigeants qui sont pour la plupart des machines juridiques. Ce qui fait que « la complexité de
la gestion s’oppose à ce que les gens qui ne sont pas des professionnels des affaires puissent
prendre quelques décisions que ce soit »28. Un bon contrôle nécessite une parfaite
connaissance des règles juridiques, or l’associé sans droit de vote peut souvent en être démuni
de leur connaissance et cela donne un avantage considérable aux dirigeants sociaux. Cette
méconnaissance juridique entraine en échec le contrôle que peut exercer un associé
minoritaire sur la régularité des comptes sociaux qui est le principal contrôle de la gestion des
dirigeants sociaux29. Or, un vote éclairé nécessite une parfaite connaissance des informations,
et cela passe par une maitrise de quelque rudiments juridiques qui permettent de se prononcer
avec aisance en assemblée générale. En effet, le législateur OHADA ne limite pas le mandat
de représentation d’un associé le législateur fait preuve de discernement en laissant le choix à
l’associé30. Ce qui permet à l’associé minoritaire dans l’espace OHADA de remédier à cette
incompétence juridique car il dispose de la possibilité d’avoir recours à un tiers extérieur
maitrisant les rouages et les techniques juridiques nécessaires aux fins de l’aider à se
27
A. DUCROS, « Renforcement des pouvoirs des actionnaires », Journal des sociétés, n° 63, 2009, p. 42.
28
J. PAILLUSSEAU, « La société anonyme : technique d’organisation de l’entreprise, p. 239, Sirey, Paris, 1967
Art. 289 de L’AUSCGIE, « les associés non-gérants ont le droit de consulter, au siège social, deux fois par an,
tous les documents et pièces comptable ainsi que les procès-verbaux des délibérations et des décisions
collectives… », Cité par G. MUBERANKIKO, op.cit. p. 214
29
Art. 538 al. 1 de l’AUSCGIE « Tout actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix ».
30
M-D. POISSON, « La protection des actionnaires minoritaires dans les sociétés des capitaux en droit français
et en droit anglais comparés », Thèse, Clermont 1, 1984, p. 165. Cité par MUBERANKIKO, op.cit. p. 215
20
prononcer sur les décisions sociales. Cette possibilité d’avoir recours à un tiers vient aider
l’associé minoritaire qui est l’acteur social le plus défavorisé dans ce domaine. Comme
l’annonce un auteur, « une telle faculté est tout à fait dans l’intérêt des actionnaires
minoritaires, particulièrement lors des débats plus techniques que les autres où la présence
d’un spécialiste peut leur être d’un grand secours ». Cette restriction en droit OHADA
démunie fortement les associés minoritaires qui n’ont pas d’autres choix que, soit d’avoir eux-
mêmes des connaissances importantes leur permettant de se prononcer en connaissance de
cause et d’avoir un jugement fiable et éclairé, soit d’espérer que parmi les personnes aptes à
les représenter, figurent des connaisseurs en matière comptable et gestion financières31. La
jurisprudence vient confirmer la restriction législative en refusant l’accès à un avocat à
l’assemblée générale au motif qu’une assemblée générale n’est pas un organisme
juridictionnel ou disciplinaire, mais plutôt un organisme de gestion interne. Ainsi, d’après
MUBERANKIKO, « l’incompétence juridique ne permet pas aux associés et en particulier
aux minoritaires de bien contrôler la gestion et les comptes sociaux du fait que ceux-ci sont
dans l’incapacité ou dans l’impossibilité de cerner la portée des informations qui leur sont
livrées par les dirigeants sociaux ou qu’ils vont chercher au siège social »32. De même, la
méconnaissance juridique n’est pas le seul obstacle qui entrave le contrôle de gestion sociale
des minoritaires car ces derniers sont également dépourvus d’une réelle maitrise de
l’information comptable et financière qui leur est fournie. L’information comptable et
financière oblige d’être aguerri pour mieux la cerner car ses sources sont nombreuses et
diversifiées et augure un certain professionnalisme en la matière, en termes d’accessibilité, de
contenu, de qualité avec des données très techniques. Selon F. SAUVAGE, au-delà de la
question de sa fiabilité, il convient également de garder à l’esprit que l’information comptable
obéit à des conventions ou à des principes qui se réfèrent à un certain cadre conceptuel. Et
pour G. MUBERANKIKO, l’incompétence financière et comptable empêche les associés
minoritaires d’apprécier la bonne marche des affaires sociales et en même temps fragilise le
contrôle de la gestion sociale. L’information comptable nécessite également que les
dirigeants, après avoir établis et arrêtés les états financiers à chaque clôture d’exercice,
stockent ces informations sur un support fiable afin que les minoritaires puissent exploiter en
toute transparence. Il s’agit d’une obligation faite aux dirigeants sociaux permettant aux
31
Car ils ne peuvent donner mandat de représentation qu’à leur conjoint, un autre associé ou un partenaire lié par
un PASC
32
Cass. Com., 10 mai 2006, Bull. Joly 2006, § 239, p. 1154, note J-J. DAIGRE.
21
minoritaires un contrôle sincère sur l’information comptable et financière. Le contrôle des
minoritaires s’inscrit dans un souci de vérification de la régularité des comptes sociaux tel que
prévu par la loi33. Les minoritaires opèrent un contrôle dans le but de vérifier si la situation
comptable de la société est conforme au principe comptable car les comptes annuels doivent
être réguliers, sincères et présenter une image fidèle de la situation financière. En revanche, la
loi n’aide pas les minoritaires en ce sens que les règles comptables étant très complexes, ces
derniers n’ont pas souvent le recul nécessaire pour mieux assimiler ces informations qui leurs
sont fournies et donc ils encourent le risque de faire face à des termes qu’ils ne maitrisent pas
et dont des irrégularités pourraient fausser la lecture d’une meilleure compréhension en
omettant de détecter des informations pouvant être fatales à la survie de la société. Les
dirigeants sociaux pourraient en profiter de cette incompétence de la part des associés
minoritaires en particulier pour dissimuler des informations sensibles surtout que s’agissant
du droit OHADA qui par principe à comme moyen d’information le principe de quérabilité
très contraignant pour les minoritaires34.
S’il est reconnu à l’associé sans droit de vote le droit à l’information, il est à admettre que le
procédé d’information de l’acte uniforme est très différent (A). Ainsi donc l’acte uniforme
opte pour les sociétés anonymes un procédé d’information quérable et non portable (B).
33
F. SAUVAGE, « L’information comptable et financière et le risque de crédit aux entreprises », Revue
d’économie financière, n° 41, 1997, p. 69.
34
Article 3 de l’AUDC « la comptabilité doit satisfaire, dans le respect de la convention de prudence, aux
obligations de régularité, de sincérité et de transparence inhérente à la tenue, au contrôle, à la présentation et à la
communication des informations qu’elle a traitées ».
22
question que l’on se pose est de savoir si les associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes disposent de meilleurs canaux afin d’avoir accès à l’information fiable. Hors à la
lecture des dispositions relatives à l’information, il ressort que le statut et l’opportunité
réservée à l’associé sans droit de vote constitue en lui-même un obstacle à l’accès à
l’information. L’on observe donc que le législateur OHADA trace un sillon mais bloque
l’accès en parsemant l’accès au sillon d’embuches. L’associé sans droit de vote dans les
sociétés anonymes, devient un associé dont les droits sont classés dans les oubliettes. Cet
actionnaire dans les sociétés anonymes dans l’espace OHADA, qui en raison de sa capacité
financière achète une petite part de l’action se voir accorder un droit qui même théoriquement
souffre de contestations. C’est dire qu’en pratique le contenu de l’acte uniforme sur le droit à
l’information est contestable et mérite une révision en conformité aux droits de l’associé sans
droit de vote. Il n’est point à ignorer que l’associé sans droit de vote n’est pas un associé sans
droit. Le droit OHADA n’a donc pas faire preuve de modernisme en optant pour le principe
de quérabilité des documents sociaux malgré certaines admissions exceptionnelles de leur
portabilité. Le principe en droit comparé est la portabilité de l’information tandis que dans
l’espace OHADA, le législateur opte pour le principe de la quérabilité de l’information Ce qui
signifie que l’associé minoritaire en droit comparé bénéficie d’une information expédiée au
lieu de son choix de manière automatique ou sur simple demande. Ce procédé d’information
oblige à certaines sociétés d’adresser à tout associer qui en fait la demande les documents
dont il souhaite prendre connaissance. Ce procédé offre à l’associé minoritaire une
information à domicile, ce qui lui permet d’acquérir une information plus ou moins efficace.
Cette possibilité de recevoir une information à domicile n’est pas l’avantage que semble
retenir le législateur OHADA.
35
Art. 526 AUSC « Tout actionnaire peut, en outre, à toute époque prendre connaissance et copie : 1° des
documents sociaux visés à l’article précédent concernant les trois derniers exercices ; 2° des procès-verbaux et
des feuilles de présence des réunions du conseil d’administration ; 3° des procès-verbaux et des feuilles de
présence des assemblées tenues au cours de ces derniers exercices ; 4° des conventions réglementées conclues
par la société ; 5° de tous autres documents, si les statuts le prévoient. De même, tout actionnaires peut, deux fois
par exercice, poser des questions écrites au président-directeur général, au directeur général ou à l’administrateur
général sur tous faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse est communiquée au
commissaire aux comptes. ».
36
M. BALIMA, Les sociétés commerciales en Afrique de l’Ouest, Thèse, Dijon, 1979 ; p. 297, n° 315
37
Louis-Daniel MUKA TSHIBENDE, op.cit. N° 28
24
La règle de la mise à disposition des documents au siège de la société entrave l’attractivité
économique des sociétés au regard des investisseurs étrangers. En effet, la quérabilité pourrait
être pénalisante pour l’associé minoritaire se trouvant dans un autre Etat mais également pour
l’associé minoritaire non téméraire. Cette règle met en échec les principes de bonne
gouvernance des entreprises, entraine une régression du droit d’information de l’associé sans
droit de vote dont l’esprit actuel tant à leur modernisation tel que dans certains pays de
l’occident d’où s’applique le principe de la portabilité de l’information qui semble plus
favorable à l’associé minoritaire. Le choix du législateur OHADA de retenir ce procédé de
l’information quérable malgré le fait que certains pays membre de l’OHADA se dirigeait vers
l’adoption du principe de la portabilité de l’information, se justifie par les difficultés de mettre
en pratique les moyens de communications modernes et nécessaires qui ne sont pas assez
développés dans les Etats membres. L’on pourrait également dire que le législateur a préféré
mettre la charge financière sur les associés et préserver la société de toutes charges dues par la
portabilité de l’information. L’effectivité du droit d’information de l’associé minoritaire se
retrouve affectée par le principe de l’information quérable. Ce raisonnement handicape
l’associé minoritaire puisqu’il conditionne largement l’efficacité, la rapidité et la qualité de
transmission de l’information. Puis, le législateur, en dehors de l’admission d’une portabilité
occasionnelle, admet la portabilité au bon vouloir des dirigeants. Donc, c’est au dirigeant
social de déterminer laquelle information il souhaite adresser à l’associé. Ce qui entraine un
déséquilibre très risqué pour le minoritaire.
Tout comme le droit à l’information de l’associé sans droit de vote, les mécanismes de
contrôle des associés sans droit de vote est peu efficace.
25
Section 2 : Les mécanismes de contrôle des associés sans droit de vote peu efficaces à
l’action des dirigeants sociaux
Il est admis que les associés sans droit de vote opèrent des contrôles sur le gouvernement de
la société. L’information seule ne suffit pas aux associés sans droit de vote de pouvoir déceler
les problèmes que pourraient dissimuler les organes de direction. Cette raison justifie le fait
que les législateurs OHADA créer dans l’avantage des associés sans droit de vote d’autres
moyens de contrôler la gestion sociale. L’exemple de l’expertise de gestion qui est décidée
par les associés minoritaires dans les sociétés anonymes et nécessite une demande en référé
au tribunal. Mais bien avant la mise en œuvre de cette procédure, ils peuvent déclencher une
alerte en cas de doute sérieux de compromission de la société. Sauf que ces contrôles aussi
pertinents soient-ils, en l’état actuel, quelques écueils les affaiblissent et les rendent peu
efficaces. L’inefficacité s’observe par l’imperfection de l’expertise de gestion (Paragraphe 1)
et la faiblesse de l’alerte en droit OHADA (Paragraphe 2).
26
Paragraphe1 : L'imperfection de l'expertise de gestion
Le législateur OHADA met toute la charge sur l’associé minoritaire qui doit s’informer
suffisamment sur la gestion sociale. Il aurait été avantageux que le législateur OHADA puisse
permettre que l’expertise de gestion se fasse aussi à la demande des acteurs « salariés » qui
constituent la dimension sociale de l’entreprise afin de leur reconnaitre un véritable pouvoir
de contrôle38. Il s’impose alors d’analyser les restrictions de l’expertise de gestion dans
l’espace OHADA (A) et ensuite d’aborder le caractère contraignant de l’expertise en droit
OHADA (B).
Le législateur OHADA a alourdi la procédure qui s’avère déjà délicate pour l’associé sans
droit de vote. Le fait d’obliger l’associé minoritaire de poser des questions préalables permet
de faire prendre conscience au dirigeant de la connaissance de la part du minoritaire des zones
d’ombre dans certaines opérations de gestions et lui permettre de rectifier le tir et donc
d’éviter des éventuelles sanctions39. Cette obligation de poser des questions préalables
apparait critiquable car elle conditionne l’ouverture d’une expertise de gestion par une
réponse insatisfaisante dont le juge est le seul à donner son appréciation. Ensuite, l’expertise
de gestion n’est légitime que lorsqu’elle porte sur des opérations de gestion suspectes40. Reste
à savoir si un associé minoritaire à la capacité d’apporter la preuve que certaines opérations
sont suspectes ; la jurisprudence exige qu’il revienne à l’associé minoritaire d’apporter la
preuve du caractère suspect des opérations de gestion soit en démontrant le non-respect de la
procédure des conventions réglementées ou des conditions particulières de l’opération. Ce qui
signifie qu’un associé informé ne peut pas se prévaloir d’une expertise de gestion et encore
38
R.D. GNAHOUI, « Intérêt de l’entreprise et droit des salariés », RSDA, I, Janvier-juin 2003, in B. Y.
MEUKE, « L’information des actionnaires minoritaires dans l’OHADA : réflexion sur l’expertise de gestion ».
39
I. Urbain-Parléani, « L’expertise de gestion et l’expertise in futurum », Rev. Sociétés 2003 ; p. 223.
40
Cass. Com., 17 janvier 2006, n° 05-10167, Bull. IV, n° 12 ; D. 2006, AJ, p. 445, obs. A. Lienhard ; RTD com.
2006, p. 605, obs. C. Champaud et D. Danet.
Cass. Com., 10 décembre 2013, n° 12-24232, BJS 2014, p. 83 ; note J.-F. Barbieri.
27
moins apporter une démonstration du caractère suspect s’il n’est pas déjà suffisamment
informé lui-même. Cette notion représente un risque pour le minoritaire qui devra faire preuve
de diligence extrême et de discernement afin qu’on ne le qualifie d’être animé de mauvaises
intentions ou être condamné pour abus d’action en justice. En dehors du caractère suspect,
viens s’ajouter d’autres limites au déclenchement de l’expertise de gestion. Comme en dans
l’espace OHADA, les opérations de gestions concernées ne sont ni l’ensemble de la gestion,
ni la comptabilité qui relève de la compétence des commissaires aux comptes ; l’expertise ne
concerne que les opérations accomplies par les organes de gestion, ce qui exclut les opérations
émanant d’une assemblée d’actionnaires ou qui ne relèvent pas d’organes de gestion. Cette
solution est également applicable dans l’espace OHADA41. Le fait que les opérations
émanant des assemblées d’associés ne soient pas soumises à une expertise de gestion
défavorise les associés minoritaires en ce sens que les décisions sont prises à la majorité.
L’expertise de gestion aurait été la seule opportunité donnée aux minoritaires sans droit de
vote de pouvoir contrôler les décisions dont ils sont persuadés qu’elles seraient contraires à
l’intérêt social. De même, Dans les deux ordres juridiques, les législateurs n’ont pas apporté
une délimitation des opérations soumis à une expertise de gestion42. Ce qui laisse transparaitre
un flou qui est susceptible de brouiller l’action des minoritaires. Selon un auteur, « il apparait
clairement que des abus sont susceptibles d’être perpétrés si aucune action dans l’optique
d’une bonne précision des concepts n’est envisagés »43. De la même manière selon
G. MUBERANKIKO, « le législateur aurait au moins dû fixer les critères sur lesquels devront
se fonder les associés dans la mise en œuvre de ce droit qui leur est reconnu de s’adresser à la
Justice ». En droit OHADA ; L’associé minoritaire désireux de déclencher une expertise de
gestion ne peut pas s’attaquer à toutes les opérations de gestion. Le législateur admet que
l’expertise de gestion peut porter sur un ou plusieurs « opérations de gestion » sans définir le
contenu des opérations concernées44. Toutefois, l’expertise de gestion ne concerne pas toutes
41
CA Paris, 14ème Ch. B, 3 mai 1996, JCP éd. E 1996. I. 589, obs. A. Viandier et J.-J. caussain, n° 2.
42
Cass. Com., 7 décembre 1983, Rev. Sociétés 1985, p. 427, note M. d’Hérail de Brisis ; 14 février 2006, n° 05-
11822, D. 2006, AJ, p. 721, obs. A. Lienhard ; BJS 2006, p. 619 ; note L. Godon ; Rev. Sociétés 2006, p. 570,
note A. Cerati-Gauthier ;
Cass. Com. 25 mars 1974, somm. p.100 ; JCP 1974. II. 17853, note Y. Chartier, Rev. Sociétés 1975, p. 98, note
J. Hémard ;
43
Une cession effectuée par un actionnaire sans intervention de l’organe de gestion (CA Colmar, 23 janvier
1996, Rec. Jur. Est 1996, p. 113).
44
V. obs. A. Viandier, JCP éd. E 1996. I. 589, n° 2
Cass. Com., 12 janvier 1976, D. 1977, jur. p. 141, note Y. Chartier ; Rev. Sociétés 1976, p. 330 ; note M.
Roussaille.
28
les opérations de gestion encore moins la régularité des comptes sociaux. Cette notion
présente des contours flous ne favorisant pas l’associé minoritaire, ce qui laisse penser que le
législateur OHADA n’a pas pris en compte les critiques de la doctrine en la matière45. Même
la jurisprudence retient la position du législateur qui n’admet pas l’expertise de gestion sur
l’ensemble des opérations de gestion mais uniquement que sur des opérations bien
déterminées. L’expertise de gestion doit présenter un caractère sérieux, ce qui exclut des
demandes lorsque les questions posées tendent à une critique systématique de l’ensemble de
la gestion. Quoi qu’il en soit, le législateur français a quand même été sensible à la situation
des minoritaires dans la société anonyme vis-à-vis des opérations de gestion accomplies dans
les sociétés filiales contrairement à la jurisprudence antérieure. De cette manière, les
minoritaires peuvent demander une expertise de gestion des opérations de gestion accomplies
dans ces filiales. Cette demande trouve son fondement au regard de l’intérêt du groupe.
Cependant, le législateur OHADA n’a fait aucun effort de traitement de la question afin
d’admettre l’ouverture d’une expertise de gestion dans cette configuration de société. Ce qui
fragilise davantage le dynamisme du législateur d’apporter une meilleure information des
minoritaires sur les actes de gestion réalisés par les dirigeants des sociétés qu’ils contrôlent.
Pareillement, le législateurs OHADA, ont apporté des innovations en abaissant les seuils
requis en matière d’expertise de gestion. Cet effort peut se féliciter mais se trouve injustifié
par son existence. L’exigence d’un seuil met en échec le droit d’information de l’associé
minoritaire. L’expertise de gestion permet à l’associé minoritaire de pouvoir contrôler l’action
des dirigeants sociaux, cette possibilité devrait être offerte à tout associé même détenant une
seule part (action) puisqu’il s’agit de protéger l’intérêt social. Les législateurs auraient pu
s’aligner sur d’autres mécanismes dont le déclenchement n’’est pas fondé sur un seuil requis
tels que l’abus de majorité ou l’action sociale en responsabilité des dirigeants sociaux. Dans
l’espace OHADA, le législateur devrait songer à innover en conditionnant l’ouverture d’une
expertise de gestion à toute personne ayant la qualité d’associé, car cette mesure à une finalité
sociale. L’analyse des éléments contraignants de l’expertise de gestion permet de mettre en
lumière d’autres limites qui minent l’exercice du pouvoir de contrôle de l’associé minoritaire
telles que l’intrusion des tiers dans la société et l’absence de célérité de la procédure.
45
A. FOKO, « L’essor de l’expertise de gestion dans l’espace OHADA », Penant 867, p. 173 et s ; Y.
BERANGER MEUKE, « La notion d’opération de gestion au sens de l’article 159 de l’AUSCGIE de l’OHADA
: Réflexion à la lumière du droit français », OHADATA D-05-57
CA Dakar, 14 mars 2013, Bulletin des arrêts rendus en matière civile et commerciales, 2014, p. 248, arrêt n°
162.
29
B- Une expertise très contraignante en droit OHADA
46
CA Cotonou, arrêt n° 256/2000 du 17 août 2000 RG n°314/2000, affaires société continentale des Pétroles et
d’Investissements et autres c/ Etat béninois, in OHADA, Jurisprudence nationales, n°1- Décembre 2004, p.
81
47
V. I. Després, Les mesures d’instruction in futurum, Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, 2004.
48
Cass. 2ème civ. 15 janvier 2009, n° 08-10771, Procédures, mars 2009, p. 10, note R. Perrot ; BJS 2009, p. 355,
note O. Staes ; D. 2009, jur., p. 1455, note G. Mouy.
Art. 159 l’AUSC
30
contestation d’une décision qui en premier ressort rejetait l’expertise de gestion, la décision
du juge est intervenue finalement que le 2 janvier 2001 en infirmant la décision du premier
juge49. Ce qui emmène à conclure qu’en droit OHADA, l’expertise de gestion est une
procédure qui ne répond pas aux conditions de l’urgence alors même qu’en tant que procédure
de détection des difficultés, elle devrait être rapide. Le fait que le législateur n’est pas
expressément mentionné en des termes clairs la nature juridique qu’il entend donner à la
mention « bref délai » entraine des irrégularités dans les juges au point que certaines décisions
interviennent après mois d’introduction de la demande50. En droit comparé, lorsque des
irrégularités sont constatées par l’expert, des sanctions pénales peuvent s’ensuivent et surtout
contre les personnes qui feraient obstacle à l’aboutissement de la procédure d’expertise de
gestion. Or, tel n’est pas le cas en droit OHADA le législateur est resté, comme à son
habitude, muet sur la question. En ce sens que l’on se demande à quoi sert une expertise de
gestion si les fautifs ne sont pas sanctionnés pénalement. L’absence de sanctions pénales
pourraient pousser le vice des dirigeants à courir le risque de fraude sachant que s’ils leurs
manigances sont découvertes, ils n’encourent personnellement aucune pénalité. En définitive,
selon Laurent GODON, l’expertise de gestion « n’est qu’une mesure d’information et rien de
plus. De sorte, que la sanction effective des dirigeants suppose la mise en œuvre d’autres
actions en justice qui, en pratique, ne seront exercées qu’en présence d’associés minoritaires
particulièrement combatifs. De plus, l’information en cause n’est pas immédiatement portée à
la connaissance de la collectivité des associés puisqu’elle ne s’opère qu’à l’occasion de la
prochaine assemblée générale. Ce décalage est évidemment préjudiciable lorsque la gestion
de la société est tellement préoccupante qu’elle appelle une réaction rapide des associés ».
L’expertise de gestion n’est pas la seule mesure de contrôle à souffrir de faiblesse mettant en
échec le droit d’information de l’associé minoritaire, il en est de même pour l’alerte.
49
ohadata j-02-113,://www.ohada.com Tribunal régional de Niamey où la décision a été rendue le 22 octobre
2002 en faveur d’une demande introduite le 09 septembre 2002 ; CA d’Abidjan, arrêt n° 376 du 02 mars 2004,
affaire Matalock Procces-ci SARL c/ Tourreguitart Clussela, ohadata j-04-489, http://www.ohda;com.
50
Art. 159 de l’AUSCGIE.
Voir CA d’Abidjan 5ème Civ. arrêt n° 10 du 02 janvier 2001, affaire polyclinique Avicennes c/ bassit Assad,
31
Paragraphe2 : La faiblesse de l'alerte en droit OHADA
Dans le cadre du droit d’information que bénéficient les associés minoritaires, les dirigeants
sociaux sont soumis à répondre aux questions posées par les minoritaires qui émane de leur
pouvoir de contrôle sur la gestion sociale. Lorsque les minoritaires constatent des faits de
nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise sont en droit de recourir à
la procédure de d’alerte qui a pour finalité d’attirer la sonnette d’alarme sur une gestion
anormale aux dirigeants. Néanmoins, dans la pratique, les associés minoritaires se
heurteraient à certaines faiblesses de cette procédure notamment en ce qui concerne
l’information délivrée (A) et surtout le caractère facultatif (B) de la procédure qui le rend
moins efficace.
Les associés minoritaires qui interrogent les dirigeants sur la gestion anormale constatée, le
font sur l’exercice écoulé. Ce qui les emmène à être informé de manière rétrospective mais
avec des documents de gestion prévisionnelle n’étant pas suffisant pour apporter des réponses
claires aux minoritaires. Selon Marie RAKOTOVAHINY, « l’exercice du droit d’alerte
reconnu aux associés […] ne présente guère d’efficacité en raison de la nature de
l’information délivrée »51. Ce même auteur préconise que pour une efficacité du droit d’alerte
des minoritaires, ces derniers doivent avoir « accès à une information prospective comme les
documents de gestion prévisionnelle »52. Ce qui est curieux dans cette procédure est que seuls
les commissaires aux comptes et les comités d’entreprise qui ont accès à cette information
prévisionnelle. Or, les minoritaires qui ont leurs intérêts menacés et le risque de voir leurs
sociétés mise en procédure collective sont mis en marge de cette information nécessaire au
redressement de cette gestion anormale. En revanche, les législateurs permettent aux
minoritaires de prendre connaissance de cette information prévisionnelle « que lors de
51
Marie RAKOTOVAHINY, « L’information des associés d’une entreprise en difficulté », Sociétés et
entreprises en difficulté, Petites affiches n° 152. p. 24
52
M. RAKOTOVAHINY, op.cit.
COUTURIER G., Droit des sociétés et Droit des entreprises en difficultés. Haelh J.-P. (préf.). t. 2. 2013 LGDJL
extenso. Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté. p. 45, n° 33.
32
l’assemblée générale, à un moment où l’exercice est au moins partiellement écoulé, ce qui
remet en cause d’autant le caractère prospectif de l’information ». Aussi, l’absence de
sanction des dirigeants qui ne réagissent pas à l’alerte des minoritaires ne constitue-t-elle pas
à son inefficacité ?
53
P.-G. POUGOUE, (dir), Sociétés commerciales et GIE, Bruyant, Bruxelles, 2002. p. 163
33
opérée par les minoritaires54. Même si cette limitation ne s’impose que par associé et non
globalement fragilise tout de même le pouvoir de l’associé minoritaire dont certains n’ayant
pas encore épuisé leur quota pourraient subir des pressions ou des corruptions si jamais il
s’agissait d’une gestion anormale volontaire des dirigeants et majoritaires. Par ailleurs, en
droit OHADA, un autre avantage est encore donné aux commissaires aux comptes entrainant
une différence de régimes entre les deux grands acteurs du déclenchement de la procédure
d’alerte. Il s’agit notamment, pour l’associé sans droit de vote des sociétés anonymes de ne
pas pouvoir bénéficier de la saisine du conseil d’administration, de surveillance ou de
l’assemblée générale en cas de non-satisfaction des réponses dues aux questions qu’ils ont
posées par suite du doute d’une gestion anormale contrairement au pouvoir d’alerte des
commissaires aux comptes qui lui est plus exigeant55. Cette limitation législative constitue un
obstacle pour les minoritaires sachant que certaines sociétés sont dépourvues de commissaires
aux comptes chargés d’opérer ce contrôle. Cette défaillance devrait emmener les législateurs
à renforcer la procédure d’alerte afin de donner un véritable pouvoir de contrôle aux
minoritaires ou du moins étendre la procédure d’alerte telle qu’elle est connue pour les
commissaires aux comptes dans le but d’améliorer la gestion des difficultés de l’entreprise.
54
Art. 157 de l’AUSCGIE
55
A.S. ALGADI, « Procédure d’alerte », Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p. 1434, n°34.
34
Chapitre 2 : LA PROTECTION DES ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE
FRAGILISEE AU PRETEXTE DE L'INTERET DE LA SOCIETE
La protection des associés sans droit de vote ne se fait pas au détriment des intérêts de la
société. Tous les associés sont soumis à respecter les intérêts de la société qui est fondamental
étant donné que celle-ci doit avoir un intérêt propre indépendamment de celui de ses associés.
L’intérêt social conditionne les droits à accorder aux associés et cela implique que les organes
de direction prennent des décisions et agissent dans le respect de l’intérêt de la société. En
effet, toute décision doit être opportune, et la profitabilité à la société. C’est pour cette raison
que certaines situations vont légitimer la fragilisation de la protection des associés
minoritaires pour préserver l’intérêt de la société. L’intérêt de la société peut être une arme
puissante ou un « roc » pour les dirigeants sociaux car elle leur permet de justifier l’entrave au
contrôle des associés minoritaires (Section 1) ce qui se traduit parfois par des difficultés de
mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux par les associés minoritaires
(Section 2).
De la même manière la loi impose une obligation de transparence vis-à-vis des associés de la
part des dirigeants sociaux, elle permet aussi l’élaboration des règles de confidence. Les
informations confidentielles sont dans l’intérêt de la société anonyme. C’est la raison pour
laquelle les associés sans droit de vote exerçant leur pouvoir de contrôle de l’action des
dirigeants sociaux doivent le faire dans le respect de l’intérêt social. Ce qui signifie que les
dirigeants sociaux sont tenus de garantir l’intérêt de la société. Par conséquent, le respect de
l’intérêt social peut entraver le contrôle des minoritaires (Paragraphe 1) et en même temps la
coexistence des intérêts contraint le contrôle des minoritaires (Paragraphe 2).
35
Paragraphe 1 : Le contrôle des associés sans droit de vote entravé par le secret des
affaires
Le secret des affaires exige que certaines informations vitales de la société soient dans le plus
grand secret. La confidentialité des informations peut compromettre les associés sans droit de
vote dans les sociétés anonymes de prouver certaines irrégularités (A). L’intérêt de la société
légitime la confidentialité (B).
Le droit d’information est un droit fondamental reconnu à l’associé minoritaire dans l’espace
OHADA. C’est un droit politique très important qui lui permet d’exercer un contre-pouvoir en
contrôlant la gestion des dirigeants sociaux et de pouvoir participer en connaissance de cause
aux décisions collectives. Cependant, l’information est assurée dans le respect des règles en
matière de confidentialité, notamment au regard du secret des affaires. Ce qui signifie qu’il
faut informer les associés tout en se gardant de révéler certaines informations qui doivent
rester dans le secret pour protéger la société contre la concurrence56.
Malgré, le contrôle des minoritaires, les dirigeants peuvent dissimuler volontairement
certains documents confidentiels qui pourraient, s’ils sont portés à leur connaissance, porter
atteinte à l’intérêt de la société ou même l’affecter dans le déroulement normal de sa gestion.
Reste à savoir sur quels critères se fondent les dirigeants sociaux pour déterminer la
confidentialité d’une information. Car ils peuvent bien s’en servir comme prétexte pour
dissimuler leurs manigances de connivence avec les majoritaires avec qu’ils entretiennent
généralement des bons rapports contrairement aux minoritaires. Le secret des affaires vient
compromettre le droit d’information des associés minoritaires au motif que la « la mise en
œuvre du contrôle […] peut affecter la réputation ou le crédit de la société ». C’est-à-dire
porter préjudice à la « renommée commerciale de la société qui résulte de la bonne marche de
l’entreprise, de l’importance de ses capitaux et de son chiffre d’affaires ». Mais
malheureusement, de ces documents ou renseignements non accessibles à la communication
56
G.-J. VIRASSAMY, « Les limites à l’information sur les affaires d’une entreprise », RTD. Com., n° 2, avril-
juin 1988, p. 179 à 217, spéc. p. 183, n° 4
36
des minoritaires peuvent découler des irrégularités qui, s’ils ne sont pas détectés à temps,
pourraient entrainer les difficultés sérieuses et irrémédiables à la société. Il est tout à fait
normal que la réputation d’une société soit primordiale car elle spécifie sa bonne santé pour
des potentiels investisseurs ou partenaires. Aussi, en quoi le contrôle exercé par les
minoritaires serait-il néfaste à l’intérêt de la société quand bien même le but de ce contrôle
permet de savoir si la gestion des dirigeants sociaux est conforme à l’intérêt de la société57.
Tout ceci met en échec le principe de transparence des dirigeants sociaux à l’égard des
minoritaires. Les dirigeants sociaux peuvent décider ne pas mettre à la disposition des
associés en particulier des associés sans droit de vote des informations utiles qui normalement
devraient être portés à leur connaissance au motif de la protection de l’intérêt social. Ici,
l’intérêt de la société se distingue clairement de l’intérêt des associés.
En droit comparé l’entrave au droit d’information de l’associé est fondée sur un critère
jurisprudentiel qui est celui du « caractère légitime ou non » de l’information. Cette
jurisprudence vient lever le doute qui planait sur celui de savoir sur quels critères se fondent
les dirigeants sociaux pour déterminer la confidentialité d’une information. Pour les juges dès
lors qu’une information présente un caractère légitime, elle est considérée comme
confidentielle et donc les dirigeants sont légitimes à ne pas la communiquer pour préserver
l’intérêt de la société58. Le juge admet une exception au droit d’information des associés en
contrepartie de la sauvegarde de l’intérêt de la société. Cette exception accordée aux
dirigeants sociaux est justifiée par l’intérêt légitime de la société. Dans, l’espace OHADA
c’est le législateur qui s’est chargé d’apporter cette exception afin de protéger l’intérêt de la
société et par la même occasion entraver le droit d’information des associés minoritaires. Déjà
que ces derniers en droit OHADA souffrent déjà du principe de la quérabilité de
l’information, le législateur vient ajouter une contrainte supplémentaire à leur droit
d’information. Pour le législateur communautaire, « la société peut, sous sa propre
57
J. MESTRE et C. SEBASTIEN-BLANCHARD, Lamy Sociétés Commerciales, éd. Lamy SA, Paris, 2001, p.
306.
58
Arrêt Von Hannover, 24 juin 2004, Req. N° 59320/00, D. 2005. Jur. 340, note. J.-L. Halpérin, et 2004. Somm.
2538, obs.
M. DUPUIS, « Le droit à l’image face au droit d’informer, un effort de simplification », RLDC 2004/11, n°
37
responsabilité différer la publication d’une information privilégiée afin de ne pas porter
atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette limitation ne risque pas d’induire le
public en erreur et que la société soit en mesure d’assurer la confidentialité de ladite
information en contrôlant l’accès à cette dernière ». Malgré cette soumission des minoritaires
au secret des affaires, le respect de l’intérêt social est primordial dans les actions des
dirigeants et associés. Mais il est à noter que le dirigeant a un devoir de loyauté envers
l’associé sans droit de vote. Même si certaines informations sont censées être confidentielles,
le dirigeant doit veiller à ne pas aller à l’encontre du devoir de loyauté. La référence faite au
devoir de loyauté dans le cadre des sociétés, a été analysé en général par la doctrine comme
une obligation de bonne foi qui doit imprégner les relations entre les associés. Le dirigeant a
ainsi l’obligation avant la tenue de l’assemblée générale annuelle, de délivrer aux associés un
certain nombre de documents concernant l’exercice social écoulé59. Il s’agit entre autre, des
comptes annules (bilan, compte de résultat et annexe), du rapport de gestion, du rapport du
commissaire aux comptes s’il en existe un. Contrairement au droit des sociétés,
l’interprétation opérée par la jurisprudence de la notion de loyauté issue du droit boursier
semble plus orientée vers les tiers. Dans les sociétés cotées, cette approche fait de la loyauté
un principe tourné vers l’extérieur de la société. Ainsi, dans le règlement général, l’atteinte à
la loyauté en droit des sociétés commerciales s’entend « comme une entrave au libre jeu des
surenchères par le recours à des manœuvres ou moyens détournés mis en œuvre dans des
conditions illicites, occultes ou frauduleuses ». La question préalable qui peut se poser est
celle de savoir si dans la mise en œuvre de ce devoir de loyauté, la notion de dirigeant social
devrait être appréhendée de façon restrictive ou extensive60. En d’autres termes, outre les
dirigeants de droit, peut-on valablement exiger un devoir de loyauté aux autres types de
dirigeants en l’occurrence les dirigeants de fait, les dirigeants apparents, occultes ou
bénévoles ? A notre humble avis, du moment où il s’agit de protection qui peut s’avérer pour
le législateur comme un souci d’ordre public, le dirigeant, quel qu’il soit est astreint à un
devoir de loyauté. Monsieur Didier soulignait même déjà dans son ouvrage que, « la loi exige
des membres de la direction et des membres des conseils, comme de tous les mandataires
sociaux, diligence et loyauté».
59
J. GHESTIN, « Traité de droit civil, les obligations, le contrat, formation, », n° 487
60
Dirigeant de fait, c’est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et
indépendance,
38
Paragraphe 2 : La restriction du contrôle des associés sans droit de vote au respect de
l'intérêt Social
Le contrôle de la gestion sociale par les associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes
ne doit pas mettre en péril l’intérêt social à partir du moment où celui-ci est considéré comme
un standard ou un guide qui les oblige eux et les dirigeants à agir dans le respect des éléments
fondamentaux de la société61. C’est-à-dire que l’intérêt social est la référence de l’action de
tous les acteurs de l’activité sociale. Comme l’a dit à juste titre VIANDIER, « le respect de
l’intérêt social est une exigence permanente de la vie des sociétés » ce qui signifie que le
contrôle des minoritaires ne doit pas embarrasser l’action des dirigeants si l’intérêt de la
société est en jeu. En effet, le respect de l’intérêt social est un impératif qui pourrait
restreindre le pouvoir de contrôle des minoritaires sur la gestion. En revanche, l’intérêt social
souffre en droit de plusieurs controverses qui entrainent une complexité d’une notion aussi
centrale et gouvernant le droit moderne des sociétés. Cette notion pose un problème car le
législateur n’a pas cru utile de le définir, le considérant comme trop fluide et donc trop
difficile à codifier. Il s’impose alors de voir la justification (A), sans toutefois oublier
d’aborder l’intérêt de la société (B).
Dans l’espace OHADA, la notion d’intérêt social est omniprésente dans les dispositions
législatives en matière de droit de société. En revanche, dans ces dispositions législatives, les
législateurs ne donnent pas des définitions concrètes de l’intérêt social. Ils se cantonnent
uniquement à le contextualiser dans leurs dispositions respectives sans établir précisément le
contenu de cet intérêt social62. Ce flou législatif ordonne un étonnement de la part de la
doctrine à savoir comment le législateur peut se référer à une notion aussi sensible
qu’importante sans la définir. Aussi, l’on pourrait se demander si l’absence de détermination
de l’intérêt social ne serait-elle pas source d’abus au sein même de la société ; aussi bien par
61
EYANGO DJOMBI (A.D), « La contractualisation du droit des sociétés commerciales de l’OHADA »,
Penant, 2015, n° 893, p. 348
62
M. DEGUENON, « Le règlement judiciaire des litiges entre actionnaires dans le droit OHADA », Thèse,
Abomey-Calavi, 2015, p. 33, cité par G. MUBERANKIKO, op.cit., p. 235
39
les dirigeants que par les associés en l’occurrence les associés sans droit de vote. Comme le
dit à juste titre Gervais MUBERANKIKO qu’il est dommage que les législateurs ne se
saisissent pas de cette incertitude actuelle pour proposer une solution à cette discussion sur la
définition de la notion d’intérêt social. Par ailleurs, cette absence de définition de la notion de
l’intérêt social pèse sur le juge qui se retrouve malgré lui arbitre dans la détermination de
l’intérêt social. Une fois de plus, le législateur laisse rentrer dans la gestion sociale de
l’entreprise la présence d’un acteur externe qui est le juge. Selon Jacques MAISTRE, l’intérêt
social est différemment pris en compte par juge, notamment lorsque l’intérêt d’entreprise ou
celui des associés est en jeu. Les associés minoritaires lorsqu’ils exercent leur contrôle à
l’égard des dirigeants doivent se conformer au respect de l’intérêt social puisque la notion
d’abus de minorité suppose une violation de l’intérêt général de la société. L’incertitude
occasionnée par cette notion complexe et non définie entraine deux thèses opposées qui sont
déterminante pour les l’engagement des associés et aussi pour la survie de l’entreprise. Il y’a
la thèse qui fait estimer que l’intérêt de la société est celle des associés et l’autre thèse qui
considère que l’intérêt social est uniquement celui de la société, donc différente de celui des
associés. Cette thèse est une opportunité favorable à la protection des minoritaires puisqu’elle
défend et fond un en bloc l’intérêt de la société dans celui des associés. Ce qui signifie que les
dirigeants dont les pouvoirs sont de gouverner dans l’intérêt social, par ricochet le font
également pour l’intérêt des associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes. Ce qui est
une bonne nouvelle pour les minoritaires. Cette thèse découle directement des dispositions
législatives qui définissent la société comme un contrat de partage entre les contractants.
Pareillement, les législateurs français et OHADA affirment dans leurs dispositions respectives
que l’intérêt des associés doit être critère de validité de la constitution d’une société. Selon
Carole GHIBAUDO, le pouvoir appartiendrait aux actionnaires qui veilleraient à ce que les
décisions sociales soient rendues de telle manière que leur investissement soit rentabilisé. La
thèse contractuelle de la notion de la société est celle que retiennent également D. SCHMIDT
et A. COURET. Pour le D. SCHMIDT, « la société est constituée dans l’intérêt de la société »
et que « la société a pour objet la réalisation du plus important bénéfice social dans le seul
intérêt des associés »63. Cette vision doctrinale de SCHMIDT et COURET émane uniquement
des dispositions législatives du code civil dont ils estiment que celles-ci fondent l’intérêt
sociale dans celui des associés ; chaque associé retire un enrichissement individuel des
associés minoritaires lorsqu’ils exercent leur contrôle à l’égard des dirigeants doivent se
63
J.-B. BERTREL, « Liberté contractuelle et sociétés », RTD Com. 1996, p. 595
40
conformer au respect de l’intérêt social puisque la notion d’abus de minorité sans droit de
vote suppose une violation de l’intérêt général de la société. L’incertitude occasionnée par
cette notion complexe et non définie entraine deux thèses opposées qui sont déterminante
pour les l’engagement des associés et aussi pour la survie de l’entreprise. Il y’a la thèse qui
fait estimer que l’intérêt de la société est celle des associés et l’autre thèse qui considère que
l’intérêt social est uniquement celui de la société, donc différente de celui des associés64.
Cette thèse est une opportunité favorable à la protection des minoritaires puisqu’elle défend et
fond un en bloc l’intérêt de la société dans celui des associés. Ce qui signifie que les
dirigeants dont les pouvoirs sont de gouverner dans l’intérêt social, par ricochet le font
également pour l’intérêt des associés. Ce qui est une bonne nouvelle pour les minoritaires.
Cette thèse découle directement des dispositions législatives qui définissent la société comme
un contrat de partage entre les contractants. Pareillement, les législateurs OHADA affirment
dans leurs dispositions respectives que l’intérêt des associés doit être critère de validité de la
constitution d’une société65. Selon Carole GHIBAUDO, le pouvoir appartiendrait aux
actionnaires qui veilleraient à ce que les décisions sociales soient rendues de telle manière que
leur investissement soit rentabilisé.
Il s’agit d’une thèse majoritairement fondée sur la notion d’entreprise est plébiscité par la
doctrine mais aussi par les législateurs OHADA et la jurisprudence. Pour la doctrine, «
L’intérêt social n’est que l’intérêt de l’entreprise qui transcende celui des actionnaires et qui
constitue la limite des sacrifices des actionnaires ou des salariés, ou qui donne le fondement et
l’étendue de l’intervention du juge dans l’appréciation des décisions financières »66. Pour
Art. 4 al. 2 de l’AUSCGIE « La société commerciale doit être créée dans l’intérêt des associés ».
64
65
Art. 1833 Code civil « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt des associés » ;
66
D. SCHIMDT, « De l’intérêt commun des associés », JCP, 1994.I.3793 et Les conflits d’intérêts dans la
société anonyme, éd. Joly, 2004, n° 4.
J.-P. BERTREL, La position de la doctrine sur l’intérêt social, Droit et Patrimoine, Avril 1997, cité par P.
NGUIHE KANTE, « A propos de l’effectivité des codes ethniques : contribution à un changement de
perspectives des sources créatrices du droit privé », Revue ERSUMA, n° 2, Mars 2013, p. 26.
41
l’auteur, l’intérêt de la société est supérieur à celui des associés. Cette position doctrinale ne
fait pas le jeu des minoritaires et restreint leurs pouvoirs et renforçant en quelque sorte le
floue au tour de la notion d’intérêt social pour les minoritaires 67. Sachant que ces petits
porteurs souffrent d’une incompétence juridique s’ajoute une autre charge qui est de
déterminer si tel acte de gestion relève de l’intérêt de la société quand bien même ils seraient
lésés. Pareillement, J. PAILLUSSEAU, représentant de l’école de RENNES, a analysé
l’intérêt social comme l’intérêt de la société dont il précise qu’elle « ne serait rien d’autre que
l’intérêt de l’entreprise qui tendrait à assurer la prospérité et la continuité de celle-ci » ; et que
celui doit être « le commun dénominateur du respect et de la protection de l’ensemble des
intérêts». Pour La jurisprudence, le juge prend en compte l’intérêt social de manière
différenciée en fonction de l’intérêt qui est en jeu. Autrement dit, le juge dissocie les deux
intérêts dont celui de la société et celui des associés. Il retient l’intérêt en fonction des enjeux
en présences. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a reproché à la Cour d’appel
d’avoir déduit l’absence d’atteinte à l’intérêt social de la conclusion d’une caution par
l’accord unanime des associés. Car selon le juge, cette unanimité n’est pas suffisante si elle ne
permet pas de satisfaire l’intérêt de la société. Selon la jurisprudence, l’intérêt social sert à
protéger les intérêts de la société, les associés mais aussi des tiers contractant avec elle, c’est
pourquoi un associé unique est susceptible d’être poursuivi pour abus de biens sociaux. Selon
un auteur africain, « Au travers de l’infraction d’abus de biens sociaux par exemple, le
législateur OHADA […] prévoit la sanction pénale des dirigeants qui font usage des biens de
la société contraire à l’intérêt social, c’est-à-dire l’intérêt de la personne morale distincte de
ses associés68 ». Cette position législative permet de conclure que le droit OHADA reconnait
également que l’intérêt social se confond à celui de la société. Les législateurs sanctionnent
l’intérêt égoïste contraire à l’intérêt de la société. En outre, en l’absence d’une définition
claire et concrète de la notion d’intérêt social c’est-à dire savoir s’il faut prendre compte
l’intérêt de la société ou celui des associés, ce déséquilibre sera toujours un souci pour le juge
et le législateur. Une définition légale viendrait résoudre le problème et pourrait aider les
minoritaires dans leur action de contrôle des dirigeants car cette notion d’intérêt social est un
concept central du gouvernement d’entreprise.
67
M. DESPAX, « L’entreprise et le droit », Paris ; LGDJ, 1957. p. 203 et s.
68
J. PAILLUSSEAU, « Le fondement du droit moderne des sociétés », JCPE 1984, I, 3148
42
Le contrôle des minoritaires est parsemé d’embuches, en ce sens que même lorsqu’ils
détectent des irrégularités de la part des dirigeants sociaux, la mise en œuvre de la
responsabilité de ses dirigeants fautifs demeure une tâche difficile pour les minoritaires
fragilisant leur pouvoir d’action en justice.
43
Section 2 : Des difficultés liées à la mise en œuvre de la responsabilité des
dirigeants
Les associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes sont habilités à engager la
responsabilité des dirigeants sociaux, ils disposent des moyens d’action en justice afin de
lutter contre les dérives des organes de gestion. Cette prérogative est reconnue dans l’Acte
uniforme. Sauf qu’engager la responsabilité des dirigeants est un parcours difficile pour les
associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes. Les moyens judiciaires dont ils
disposent sont inefficaces contre l’action des dirigeants (Paragraphe 1) et surtout les
difficultés de mise en cause des dirigeants relèvent du parcours du combattant (paragraphe2).
Paragraphe 1 : L'inefficacité des moyens judiciaire mis à disposition des associés sans
droit de vote contre l'action des dirigeants
Les associés minoritaires bénéficient des actions en justice pour engager la responsabilité
civile des dirigeants sociaux. Pour que ces actions soient recevables, un certain nombre
d’obligations doivent être remplies par les minoritaires. Ces obligations apparaissent très
contraignantes pour les associés minoritaires au point où ces derniers sont le plus souvent
réticents à exercer ce droit d’actions en justice. Ce droit souffre, de la part des minoritaires,
des entraves liées à plusieurs moyens pratiques nécessaires à l’aboutissement d’une action en
justice contre les dirigeants sociaux. Les minoritaires sont hésitants car démunies de moyens
leur permettant d’avoir accès à la justice. Cette absence de moyens peut être de nature
financier et juridique. Plusieurs moyens mis à la disposition des associés minoritaires peuvent
paraitre dissuasifs (A) à leur égard entrainant une difficulté de mise en cause des dirigeants
sociaux (B).
44
A- Des moyens dissuasifs pour les associés sans droit de vote
Le statut d’associé minoritaire signifie que l’associé non seulement ne dispose que de très peu
d’actions dans la société, mais aussi qu’il est financièrement limité. Or, chaque action en
justice du minoritaire nécessite des dépens de sa part. Comme le dit à juste titre D.
SCHMIDT, « les voies d’action ont un coût ; le minoritaire, qui a perdu une partie de son
investissement, peine à débourser les sommes nécessaires pour exercer ces actions. L’effort
financier qu’il doit accomplir se mesure aux moyens infiniment plus puissants de la société,
laquelle est toujours partie au procès en annulation, en responsabilité ou en expertise »69. Le
coût de l’action constitue un frein pour le minoritaire et le rend hésitant d’autant plus que ces
procédures sont longues et le fait de devoir débourser des sommes d’argent ne le favorise pas
vis-à-vis des dirigeants sociaux qui sont parfaitement au courant de la situation. Les frais de
justice entrainent un découragement des minoritaires et les obligent à probablement suivre
une voie autre que celle de la justice. Le pire dans cette situation est qu’il s’agit parfois d’un
dommage causé à la société, donc plusieurs intérêts sont en jeu, mais c’est au minoritaire qui
attaque les dirigeants de supporter le coût de l’action en justice alors même qu’en cas de
victoire, les dommages-intérêts sont reversés à la société et profite à tous les acteurs de la
société. Le préjudice social dont les minoritaires entendent faire condamner les dirigeants
sociaux trouve une opposition par la société elle-même qui devra orchestrer ses moyens de
défense contre cette action en justice. Ce processus judiciaire tel qu’il est pensé en droit en
droit OHADA constitue un paradoxe dans l’action judiciaire des minoritaires. Ils se battent
contre les représentants légaux de la société dont ils estiment que ces derniers ont causé un
préjudice à la société et en retour ces représentants usent des moyens dont ils disposent de la
société pour se défendre contre les minoritaires. Engager des frais pour une telle action en
justice n’est nullement rentable pour les minoritaires car peu importe l’issue du procès, ils
seront quand même les grands perdants dans la mesure où ils auront en charge les frais de
justice et que les dommages-intérêts dus par les dirigeants seront versés dans la caisse sociale.
L’action en justice intentée par les associés sans droit de vote lors d’un préjudice social
profite à tous les acteurs de la société anonyme et à la société en particulier au point où la
doctrine se dit que la société ayant tout à gagner dans l’intervention des minoritaires, ne
serait-il pas logique qu’elle assume le coût des dépenses engagées pour son compte ? Ce
69
D. SCHMIDT, « Les associés minoritaires, un combat légitime ? », cahier de droit de l’entreprise, n° 5
septembre-octobre 2005, p.60.
45
questionnement relève de la logique car il est impensable et inadmissible que ce sont les
minoritaires qui supportent la charge des frais de justice et que l’issue du procès profitent à
tous les associés n’ayant pas participés et aussi aux dirigeants qui sont eux responsables de ses
agissements fautifs. C’est clair qu’une telle législation entrave le droit des minoritaires ester
en justice pour évoquer un préjudice social. De la nature du préjudice invoqué devait
dépendre la nature de la personne qui supporte les frais de justice. C’est-à-dire, s’il s’agit d’un
préjudice personnel, l’associé concerné devra lui-même en supporter les frais, mais en
présence d’un préjudice social, il parait très judicieux de que ça soit à la charge de la société
qui s’il on le souhaite pourrait engager une action récursoire sur les dirigeants sociaux afin de
pas préserver la caisse sociale. L’incitation des minoritaires à engager leur frais pour des
actions en justice de la sorte aurait pu se fonder sur une indemnisation des associés auteurs de
cette action en cas de victoire70. Mais cela nécessite toujours que le minoritaire soit en
présence des fautes manifestes dont il est certain de gagner le procès car si tel n’est pas le cas,
même avec une indemnisation potentielle, rien ne garantit une victoire face aux dirigeants qui
eux disposent de beaucoup de moyens. S’agissant de la charge des frais de justice en matière
de préjudice social dénoncé par les minoritaires, le législateur OHADA opte pour un
raisonnement contradictoire qui ne ménage pas les petits porteurs. D’abord, le législateur
OHADA va dans le même sens que la doctrine qui trouve logique que ce soit la société elle-
même de supporter les frais de justice concernant un préjudice qu’elle subit. Selon le
législateur OHADA, « Les frais et honoraires occasionnés par l’action sociale, lorsqu’elle est
intentée par un ou plusieurs associés, sont avancés par la société »71. Ici, le législateur souhaite
juste une avance sur frais de justice, ce qui laisse entendre que les minoritaires vont à la
longue devoir rembourser ces frais. Le législateur souhaite juste faciliter l’action en justice
afin qu’elle ne soit pas retardée ou empêchée pour défaut de frais de justice. Mais, si la société
doit avancer les frais, il est difficile de croire que les dirigeants en tant que représentants
légaux facilitent cette avance. Et, la question fondamentale est de savoir que se passerait-il si
jamais en cas de perte pour les minoritaires, ces derniers ne soient pas capables de rembourser
les frais avancés par la société ? Cette solution parait plus complexe pour les minoritaires et
non assumé par le législateur qui se dédouane et manque de courage. Car il serait plus
judicieux de mettre totalement à la charge de la société le coût de l’action intentée par le
minoritaire. En outre, le manque de courage du législateur OHADA s’est confirmé quand il
70
AKAM AKAM (A), « La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA », Revue
Internationale de droit économique 2007, p. 226.
71
Art. 741 al. 1 de l‘AUSCGIE
46
prévoit que les actionnaires peuvent intenter l’action sociale à leur frais. Là clairement, ces
deux possibilités offertes aux minoritaires ne viennent que compliquer davantage leur
action72. Car aucune obligation n’est faite à la société d’avancer les frais, ce qui emmènera les
dirigeants sociaux à renvoyer les minoritaires à l’alinéa 2, c’est-à-dire à engager les frais par
leur propre initiative ce qui constitue indéniablement que l’aspect financier est un obstacle à
l’exercice de l’action sociale des minoritaires en France et dans l’espace OHADA. Les frais
de justice ne sont pas les moyens entravant la mise en cause des dirigeants par les
minoritaires. La complexité de les mettre en cause par les minoritaires émane du fait que ces
derniers bénéficient de la représentation de la société. Autrement dit, ils bénéficient du statut
des représentations légales. Les dirigeants sociaux sont des représentants légaux de la
société, personne morale73. Les personnes morales sont responsables sur le plan civil, des
agissements dommageables commis en leur nom. Les agissements des dirigeants sociaux sont
couverts par la personne morale qu’ils représentent74. Une thèse confirmée par le juge qui
énonce qu’une personne morale « répond des fautes dont elle s’est rendue coupable par ses
organes et en doit réparation à la victime sans que celle-ci soit obligée de mettre en cause, sur
le fondement de l’article 1384. Il s’agit ici d’appliquer dans ce cadre les règles de droit civil
en matière de responsabilité de la personne morale des faits dommageables de ses préposés
car ayant une présomption d’agissement en son nom. Cette responsabilité imputée à la
personne morale de réparer les dommages causés par ses représentants a valeur
constitutionnelle en droit français. En outre, de la manière qu’un préposé est protégé par son
commettant, c’est ce même privilège qui profite aux dirigeants sociaux, car « ces derniers se
retrouvent par principe protégés de toute action en responsabilité engagée par des tiers ». Il
faut entendre par tiers toute personne distincte de la personne morale étant donné que la
personne morale et les associés ont des patrimoines sociaux distincts, les minoritaires sont
légitimes à intenter une action en responsabilité contre la société des faits dommageables
causés par les dirigeants sociaux. Ainsi, les dirigeants sociaux échappent de répondre des
préjudices qu’ils font subir aux minoritaires du fait de la protection de la personne morale.
Cette protection des dirigeants peut entraver l’élan des minoritaires d’ester en justice dans la
72
P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des sociétés, 8ème éd. LGDJ. p.314, n°444.
73
B. NJOYA NKAMGA, « Dirigeants sociaux », Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, p.705, n°434.
74
L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale, Son application au droit français, 2ème éd. 1924, t.2
LGDJ
47
mesure où c’est la société qui sera impactée et non les dirigeants75. En revanche, comme
toutes responsabilité faisant intervenir une personne morale du fait de ses représentants, le
principe de l’action récursoire peut également être utilisée par la société en cas de faute de
gestion imputable aux dirigeants et dont la jurisprudence estime que la société n’a pas à
établir l’existence d’une faute détachable comme exigée en droit administrative. Le leurre
serait de croire que les dirigeants sociaux mettent en application cette action récursoire
volontairement sachant que ce sont eux qui vont devoir rembourser la société.
L’accomplissement d’une telle action ne peut espérer se réaliser que l’action des minoritaires.
En outre, la responsabilité des dirigeants sociaux reste très difficile à engager pour les
minoritaires même en présence des fautes dont ils devraient répondre personnellement.
En droit OHADA ; dans l’Acte uniforme le législateur n’a pas entendu rendre plus complexe
la responsabilité des dirigeants vis-à-vis des minoritaires. Ainsi, les minoritaires qui estiment
avoir subi un préjudice des fautes commises par les dirigeants sociaux peuvent attaquer
directement les dirigeants sans qu’il n’ait écran de la personne morale. Pareillement, le
législateur OHADA n’a pas soumis la responsabilité des dirigeants sociaux à l’existence
d’une faute détachable ou séparable de ses fonctions. Ce qui signifie qu’une faute simple
suffit à mettre en cause la responsabilité du dirigeant. Ainsi, les associés sans droit de vote en
règles générale éprouvent des difficultés de réparation de leurs préjudices causés par les
dirigeants sociaux surtout quand la charge de la preuve les incombe. En droit comparé, la
véritable difficulté des associés sans droit de vote concerne la responsabilité des dirigeants
sociaux vis-à-vis des tiers, sachant qu’un associé est considéré comme un tiers dans le cadre
des rapports externes. Par ce fait, les dirigeants sociaux bénéficient d’une véritable immunité
de responsabilité civile dans le cadre des actions intentées des tiers sauf pour des fautes
incontestablement détachables comme les fautes pénales attestées par une condamnation ».
De plus, elle conduirait nécessairement à un laxisme des minoritaires qui auront du mal à
75
L. MICHOUD, op.cit., n° 275, p. 234, cité par G .MUBERANKIKO ; op.cit., p.255.
Cass. 1ère civ, 15 mai 2007, n°06-12317 « La responsabilité du dirigeant à l’égard de la société qu’il dirige n’est
pas subordonnée à la preuve d’une faute détachable de ses fonctions » : Dr. Sociétés 2007, n° 151, obs.
R. Mortier
48
démontrer le caractère intentionnel de la faute du dirigeant social. Cette position
jurisprudentielle vient tout simplement accentuer la méfiance des minoritaires et les castrer
dans leur élan de contrôle de la gestion sociale. Aussi, n’est-il pas méprisant ou anormal de
comparer les associés à des tiers quand bien même ils sont les premiers concernés par le
fonctionnement de la société76. A cette interrogation, la jurisprudence est venue assouplir sa
décision concernant les sociétés anonymes, dans laquelle les minoritaires peuvent mettre en
cause « la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l’égard des actionnaires
agissant en réparation du préjudice qu’ils ont personnellement subi (sans avoir à établir) que
les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d’une particulière gravité et
incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociale ». Cette solution parait plus
raisonnable et converge avec la volonté du législateur de renforcer le pouvoir de contrôle de
l’associé minoritaire, car il est plus facile pour le minoritaire d’établir une faute simple. C’est
cette simplicité que semble adopter le droit OHADA.
Une difficulté matérialisée par la complexité d’établir la preuve et le lien de causalité (A) avec
un délai de prescription peu favorable à l’action des minoritaires (B).
La mise en cause des dirigeants sociaux par les associés minoritaires obéit aux conditions
générales de la responsabilité. Ce qui signifie que c’est aux associés minoritaires de réaliser
l’exercice difficile d’établir la preuve de la culpabilité des dirigeants sociaux quand bien
même le lien de causalité parait complexe. En droit OHADA, par principe la charge de la
preuve incombe au demandeur en l’occurrence c’est au minoritaire d’apporter la preuve d’une
faute des dirigeants sociaux auquel cas aucune responsabilité n’est envisageable. Le
76
H. Le Nabasque ; Dr. société juin 2010. Comm.109. M.-L. Coquelet.
49
minoritaire doit démontrer que la faute reprochée au dirigeant lui a causé un préjudice
réparable. D’après la jurisprudence, le minoritaire doit prouver un dommage direct certain et
personnel. Or, il est clair que l’établissement de la preuve de la faute de la part du minoritaire
n’est pas toujours aisé compte tenu que des écrits rédigés par les dirigeants sociaux qui ne
sont pas tous communiqués aux minoritaires, dans le cadre de leur droit d’information. Le
minoritaire ne bénéficie pas d’une influence dans la société comme pourraient avoir les
majoritaires. Donc, il est difficile pour eux d’obtenir des informations dont ils ignorent
l’existence de la faute. Ils ne peuvent pas prouver une faute dont ils n’ont même pas
connaissance ou du moins ils ne pourront pas obtenir des éléments de preuve de la part des
dirigeants qui représentent dans ce cas la partie adverse. Toute réparation du minoritaire due
au préjudice subi personnellement ou à la société nécessite la preuve de l’existence d’une
faute de gestion des organes sociaux. Certains agissements des dirigeants sociaux nécessitent
une présomption simple de faute individuelle des administrateurs, c’est le cas en présence
d’une inexécution d’obligation telle que le refus de communication des documents
d’informations. Et, dans un autre cas, le manque de prudence, de diligence des organes
sociaux obligent l’associé sans droit de vote à prouver ses allégations en la matière77. Ce qui
est encore très contraignant ce de devoir apporter la preuve de chacun des dirigeants quand
plusieurs sont susceptibles d’être mis en cause. Selon la doctrine, « la réparation des
dommages subis par les minoritaires du fait des dirigeants sociaux exige que l’action réponde
au moins à deux conditions obligatoires. Il faut d’une part, que la décision des dirigeants
sociaux soit contraire à l’intérêt social, et d’autre part, qu’elle soit émise dans le seul dessein
de favoriser leurs intérêts ». Ce sont ces deux conditions que doivent prouver les minoritaires.
Mais, apporter cette preuve relève d’un exercice périlleux pour les minoritaires qui ne sont
pas toujours en bon termes avec les dirigeants sociaux et qu’il est logique qu’ils ne les
faciliteraient la réunion de ces éléments de preuve. Aussi, il ne suffit pas d’apporter une
preuve, faudrait-il que celle-ci soit ai un lien avec le préjudice subi. Ainsi, il n’a pas été
retenue la responsabilité d’un dirigeant par la jurisprudence où il été démontré que la
communication tardive de certaines informations aux actionnaires ne leur avait pas été
préjudiciable. La responsabilité des organes sociaux suppose l’existence d’un fait générateur
ayant entrainé un préjudice soit à la société, soit aux minoritaires. Il ne suffit pas à l’associé
sans droit de vote d’alléguer des insuffisances de gestion imputables aux dirigeants pour qu’il
y ait un préjudice à réparer mais faudra aussi qu’il y ait un lien entre la faute reprochée et le
77
CARTRON (A.M) et MARTOR (B), « L’associé minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA »,
Cahier de droit de l’entreprise, n° janvier-février 2010, Paris, p. 22.
50
préjudice subi. En effet, conformément au droit commun, la responsabilité des dirigeants
sociaux ne peut être retenue que si le demandeur prouve l’existence d’une causalité entre la
faute et le dommage78. C’est-à-dire que l’associé minoritaire doit démontrer l’existence d’une
relation de cause à effet entre la faute résultant des dirigeants sociaux et le préjudice subi.
Cette preuve représente une réelle difficulté pour l’associé minoritaire, car les faits reprochés
aux dirigeants peuvent être anciens, « à tel point qu’il est quasiment impossible d’identifier
l’élément prépondérant dans la production du résultat incriminé», ou mêlés à des facteurs
externes comme l’évolution de la conjoncture économique. La démonstration d’une faute et
d’un préjudice ne suffisent pas à obtenir réparation car il faut, comme pour toute
responsabilité civile, l’existence d’un rapport de causalité. L’appréciation du lien de causalité
est spécialement malaisée, pour le minoritaire lorsque les dirigeants ont commis une faute à
l’occasion de la diffusion des informations prévisionnelles, car celles-ci sont données à titre
de simples renseignements et que parfois les minoritaires peuvent se heurter à d’autres
difficultés rencontrées également lorsque le dommage provoqué par la faute des organes
sociaux a été aggravée par la négligence des commissaires aux comptes qui ne l’ont pas
découvert à temps79. Il appartient au juge d’apprécier souverainement les preuves produites
par l’associé minoritaire pour décider si le dommage est la conséquence du manquement du
dirigeant. En somme, au nom du principe de la gouvernance d’entreprise et du droit d’action
de l’associé, le juge devrait s’abstenir de qualifier la causalité entre la faute du dirigeant social
et le préjudice subi pour pouvoir mettre en cause la responsabilité civile du dirigeant80. Le fait
de chercher la causalité à tout prix entrave la réparation de l’associé minoritaire et par
conséquent entraine un découragement de ce dernier d’exercer son pouvoir de contrôle et
mettre en évidence des fautes dont il aura du mal à prouver une relation de cause à effet quand
bien même ces fautes pourraient nuire à la société ou à ses intérêts81. Et, surtout que le temps
n’est pas en sa faveur, puisqu’il a l’obligation d’agir en justice dans des délais courts ce qui
rend plus complexe son droit d’action.
78
V. MAGNIER, (dir.), La gouvernance des sociétés cotées face à la crise, op.cit., p.53.
79
B. Le BARS, op.cit. n°52
80
Benoit Le BARS, Responsabilité civile des dirigeants sociaux, Répertoire des sociétés, Avr. 2004
(Actualisation : Mai 2021), n°52
81
A. AKAM AKAM, « La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA », Revue Internationale
de droit économique 2007, p. 226
51
B- Le délai de prescription peu favorable à l'action des associés sans droit de vote
La prescription est le principe de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en
justice n’est plus recevable. Ce qui signifie que le minoritaire qui souhaite mettre en cause la
responsabilité d’un dirigeant social doit le faire dans un laps de temps déterminé au risque
l’action ne soit plus apte à être jugée. En droit comparé, la prescription fait l’objet de
plusieurs dispositions législatives en fonction de types de société même si finalement elles
optent pour des solutions identiques. En droit OHADA, l’action en responsabilité contre les
administrateurs, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait
dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié
crime, l’action se prescrit par dix ans. Le délai de prescription constitue une épreuve
inconfortable pour l’associé minoritaire. Il occupe une place marginale dans le
fonctionnement de la société, donc logiquement il est incapable de savoir exactement la date
de la commission de la faute. Il est à rappeler que le minoritaire ne prend connaissance des
irrégularités de gestion qu’au moment où il exerce son pouvoir de contrôle, donc ces fautes
peuvent à ce moment être déjà prescrites. Le délai de trois ans à compter du fait
dommageable est encore plus complexe voire inefficace pour l’associé minoritaire en droit
OHADA qui est soumis à la quérabilité de l’information. Les dirigeants sociaux savent
pertinemment que les associés ne se rendront pas tout le temps au siège pour prendre
connaissance des informations afin de déceler des fautes de gestion82. La prescription à
compter du fait dommageable est solution défavorable à l’associé minoritaire, en ce sens qu’il
est très court alors même que des enjeux importants peuvent être risqués. Les dirigeants ne
sont immunisés pour toute responsabilité contre des faits dommageables commis à plus de
trois ans. Il peut arriver que les fautes reprochées au dirigeant social se soient réalisées de
manière successive, la prescription ne commence qu’à partir du dernier évènement. Il s’agit
ici pour la jurisprudence de ne pas faire courir la prescription à l’égard de ceux dont
l’ignorance est légitime. Ainsi, selon un auteur, ce laps de prescription court a l’avantage,
pour les dirigeants, de se soustraire à une longue période d’incertitude dans laquelle ils
pourraient être exposés à une action de responsabilité introduite par la société ou les associés
en l’occurrence les minoritaires83.
82
Art. 164, 170 et 727 de l’AUSCGIE
83
A. CELY, Les fondements de la responsabilité civile des dirigeants. Etude franco-colombienne, Thèse,
Panthéon-Assas, 2010, n°535, p.250.
52
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
Cette première partie a mis en évidence l’insuffisance des moyens de protection pour les
associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes de droit OHADA. Ces lacunes
entrainent une marginalisation des associés et compromettent leur capacité à influencer les
décisions importantes de l’entreprise.
Par conséquent, il est donc essentiel de mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour
garantir une meilleure protection des intérêts de tous les associés, qu’ils aient ou non le droit
de vote.
Dans la prochaine partie, nous pourrons explorer des solutions potentielles à ces insuffisances
afin de leur garantir et assurer une meilleure protection.
53
DEUXIEME PARTIE :
54
En droit OHADA, tout comme dans le droit comparé, la société anonyme est dirigée par les
organes de gestion. Les dirigeants sociaux disposent d’important pouvoir juridique et
économiques qui sont nécessaire à la poursuite quotidienne des intérêts de la société. Par
rapport à ces derniers, le pouvoir des actionnaires est plus épisodique, mais réel y compris à
l’encontre des dirigeants eux même. « L’associé est un citoyen de cette cité qu’est la société
comme l’affirment certains auteurs84 ». Ces pouvoirs politiques lui confèrent le droit d’être
informés et de prendre part aux décisions stratégiques. L’associé sans droit de vote jouit de
ses droits au même titre que les associés majoritaires. Le droit OHADA met en place un
arsenal législatif et procédural visant à maintenir un juste équilibre des rôles entre les organes
de direction et l’actionnariat. Conformément à l’acte uniforme, les associés sans droit de vote
peuvent décider de soumettre certaines décisions à l’accord préalable du minoritaire par le
biais des clauses dites « de contrôle des dirigeants » ou clauses « d’information préalable ».
Ainsi donc le droit OHADA prévoit dans les sociétés anonymes le droit d’accès à
l’information pour tout associé sans distinction de l’associé sans droit de vote ou d’associé
majoritaire. Les actions émises par une société confèrent principalement deux types de droits
à leur titulaire, à savoir des droits patrimoniaux et des droits politiques. Les droits
patrimoniaux visent à, leur premier chef le droit aux dividendes, aux remboursements des
apports et au boni de liquidation, tandis que les droits politiques ont principalement pour objet
le droit de vote à l’assemblée générale, et les droits connexes tels que le droit de recevoir des
documents, celui de poser des questions aux administrateurs lors de l’assemblée générale ou
encore celui d’exiger la convocation d’une assemblée générale. Dans les sociétés anonymes
en droit OHADA, la possibilité existe d’émettre des actions sans possibilité du droit de vote.
L’action sans droit de vote constitue un moyen pour les sociétés d’augmenter leur capital
sans modifier la structure de l’actionnariat. Le mécanisme de protection des associés sans
droit de vote est perfectible en droit OHADA. Il y a d’une part une mise en œuvre des
moyens de protections garantissant les avantages financiers des associés sans droit de vote
dans les sociétés anonymes (chapitre1). Cette protection accordée se manifeste par
l’instauration d’un mécanisme de représentation des associés sans droit de vote dans le conseil
d’administration (chapitre2).
84
M. Cozian, A. Viandier, Droit des sociétés ; Paris, Litec, 22 éd
55
Chapitre 1 : MISE EN OEUVRE DE MOYENS DE PROTECTIONS GARANTISSANT
LES AVANTAGES FINANCIERS DES ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE DANS LES
SOCIETES ANONYMES
Le législateur OHADA, a prévu des mécanismes de protection des associés sans droit de vote
dans les sociétés anonymes dans l’espace OHADA. Même si une lecture minutieuse des
dispositions de l’Acte Uniforme laisse remarquer quelques manquements, il est important
d’apprécier l’arsenal juridique mis en place par ce droit communautaire OHADA en matière
commerciale, notamment dans les sociétés anonymes. Tout cet arsenal juridique vise à
accorder à l’associé sans droit de vote une protection juridique rassurante. Le point de chute
des différents mécanismes consiste pour les rédacteurs des actes uniformes OHADA portant
droit des sociétés commerciales une mise en œuvre des moyens de protection garantissant les
avantages financiers des associés sans droit de vote85. Par ailleurs le droit OHADA met en
place un arsenal législatif et procédural visant à maintenir un juste équilibre des rôles entre les
organes de direction et les associés sans droit de vote. L’objectif du droit OHADA est
d’assurer une bonne gouvernance au sein des sociétés en exigeant une parfaite transparence
des activités des informations relatives de la gestion sociale, et par la suite une meilleure
transmission aux associés des informations relatives au fonctionnement quotidien et à l’état de
santé de la société. Pour garantir le droit OHADA a pris conscience que l’associé sans droit de
vote devait bénéficier d’un accès complet à l’information sociale et disposer de véritables
moyens de contrôle de l’activité ses dirigeants de la société anonyme. L’associé sans droit de
vote dans les sociétés anonymes a accès à un environnement juridique sécurisé qui lui accorde
une protection de son droit patrimonial à défaut du droit politique qu’est le droit de vote dont
il a été amputé. Le cadre juridique mis en place par les rédacteurs de l’AUSCGIE démontre de
l’intérêt porté sur les associés sans droit de vote peu importe leur degré de participation dans
la prise des décisions sociales, et leur pouvoir financier.
La protection accordé aux associés sans droit de vote est perceptible travers une mise en
œuvre des droits financiers spécifiques (section 1) mais également une amélioration du
processus d’information et de vote (section 2).
85
BALIMA (M), les sociétés commerciales en Afrique de l’Ouest, Thèse, Dijon 1979 p. 297.
56
Section 1 : mise en œuvre de droit financiers spécifiques
Toute participation en qualité d’associé dans une société anonyme vise un objectif financier.
Toutefois dans les sociétés anonymes de droit OHADA, les associés majoritaires sont en
ballotage favorable. Pour éviter les effets négatifs du ballotage favorable des associés
majoritaire et protéger le droit des associés sans droit de vote, l’Acte uniforme OHADA a
pris des dispositions nécessaires. Dans la définition de la société proposée le code civil
Napoléonien de 1804 notamment dans ses articles 1832, il est dit que les associés décident de
se mettre ensemble dans le but de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Selon
l’article 4 de l’AUSCGIE. « La société commerciale est créé par deux ou plusieurs
personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une activité des biens en numéraires ou
en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en
résulter ». Le droit des sociétés étant un droit distributif86 et non commutatif, il est difficile
d’aborder la question d’une certaine égalité entre les associé mais plutôt il faut se rassurer que
les rédacteurs de l’AUSCGIE ont mis en place des mécanismes pouvant protéger l’associé
sans droit de vote sur le plan financier. Ainsi cette protection accordée aux associés sans droit
de vote se perçoit à travers le droit de participation aux bénéfices (paragraphe 1). Le droit
commercial étant fondé sur un principe de droit distributif, l’associé sans droit de vote a droit
aux dividendes préférentiels (paragraphe 2).
86
Droit distributif : un droit fondé sur les mérites
57
Paragraphe 1 : Droit de participation aux bénéfices
Selon l’AUSCGIE, l’associé sans droit de vote tout comme l’associé majoritaire dispose d’un
droit de participation aux bénéfices. Dans le fondement de la société commerciale, la
participation aux bénéfices est un élément primordial reconnu a tout associé peu importe son
rang et ses pouvoirs financiers. Ainsi, le droit de participation est en fonction de la
participation au capital social (A), mais à cela s’ajoute le droit de participation aux bénéfices
lors de la liquidation de la société (B).
Le contrat de société exige que les associés puissent participer aux bénéfices mais aussi aux
pertes87. La loi ne distingue pas les associés qui sont concernés, ce qui signifie que la
participation aux résultats d’exploitation, positif ou négatif concerne aussi les associés sans
droit de vote. Ces associés sans droit de vote ont vocation à partager les résultats
d’exploitation de la société ou de profiter de l’économie qui en résulte. C’est la participation
aux bénéfices et aux pertes qui distingue la société à d’autres formes d’organisations telles
que l’association. La loi interdit à tout associé de se soustraire de cette obligation. Cette
obligation légale régie par le droit français est également la règle dans le droit des sociétés
OHADA. Cette règle qui est la condition du contrat de société consiste pour tout associé de
partager soit les bénéfices ou économies, soit de contribuer aux pertes dans une répartition
bien établie. Il faut entendre par la “participation” le partage, qui est une obligation non
seulement légale mais aussi contractuelle. Il n’y a de contrat de société que si les associés
acceptent de partager les bénéfices et les économies qui pourront résulter de l’exploitation de
la société. En effet, c’est le code civil qui élabore cette notion de partage de bénéfice ou
d’économie. Cette notion suscite une interrogation celle de savoir qu’est-ce qu’un bénéfice ?
A cette interrogation, les juges apportent une définition à cette notion de bénéfice. Ils la
définissent comme étant un gain pécuniaire, mais aussi matériel qui s’ajoute aux apports des
87
Art. 1832 C.civ
Art. 1844-1 C.civ
58
associés88. Cela signifie que si les associés lors du partage des bénéficies, décident de les
distribuer entre eux, voient leurs parts sociales augmentées dans la société. C’est une
opération qui se réalise au cours de la vie sociale et la décision est prise collectivement lors
d’une Assemblée des associés89. Lors de cette AG, ils décident de l’affectation de ces
bénéfices, soit de les distribuer entre eux ou de les mettre en réserve afin que chacun puisse
toucher un dividende tout en préservant le capital social90. De même, la réforme du droit
OHADA vient « élargir la notion de société puisque les associés peuvent aujourd’hui avoir
pour but de profiter d’une économie». Toutefois, même lorsque la société est dans une
situation de liquidation judiciaire, la loi reconnait aux associés de pouvoir se partager le boni
de liquidation. De même, la participation au bénéfice pourrait s’apparenter lors de la plus-
value réalisée par la vente des parts d’un associé. A chaque fois que la société réalise des
bénéfices c’est indirectement la valeur des parts sociale des associés qui augmente. En effet,
le législateur OHADA n’est pas resté en marge de la notion de partage de bénéfice pour
chaque associé. Il en fait aussi l’une des conditions du contrat de société. Cette obligation est
applicable à tous les associés peu importe la forme sociale. De même, l’associé bénéficie des
dividendes qui représentent la part de bénéfice revenant à chaque action ou chaque part
sociale284. La détermination des bénéfices distribuables est prévue en assemblée générale
ordinaire après approbation des états financiers de synthèse et constatation de l’existence des
sommes distribuables, conditions à remplir afin que les associés puissent prétendre aux
dividendes. Le législateur considère comme dividendes fictifs, des dividendes distribués en
violation des règles énoncées. La distribution des bénéfices fait aussi l’objet d’une décision
collective prise en assemblée générale. La distribution des bénéfices réalisés par la société est
un droit de l’associé. C’est un droit qui lui est conféré par l’obtention des titres sociaux. Le
législateur Ohada reconnait aussi aux associés le droit de distribution entre eux du boni de
liquidation en cas de dissolution de la société. En outre, le droit OHADA et le droit Français
garantissent sur les mêmes fondements la participation des associés minoritaires aux bénéfices
et à l’économie de la société. Ainsi, les résultats d’exploitation d’une société ne se limites pas
qu’au profit, il peut arriver que les associés minoritaires comme tout autres associés soient
malheureusement obligés de supporter le risque d’exploitation.
88
LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, 29e éd. 2023, p.202, n°398.
89
Y. Guyon, « Les dispositions générales de la loi du 4 janvier 1978 », Rev. Sociétés. 1979. 1., cité par D.
90
Art. 1832 C.civ
59
B- Droit de participation aux bénéfices lors de la liquidation de la société
L’associé sans droit de vote dispose selon l’AUSCGIE du droit de participation aux bénéfices
lors de la liquidation de la société anonyme. Cette consécration du droit en faveur de l’associé
sans droit de vote révèle encore une fois, de la volonté du rédacteur des actes uniformes
d’accorder une protection particulière à l’associé sans droit de vote dans les sociétés
anonymes. La liquation de la société anonyme intervient en cas de faillite. La liquidation de la
société commerciale renvoie aux procédures collectives d’apurement du passif. Lorsque la
solution proposée par les experts choisis par la juridiction compétente dans la phase de
conciliation aussi bien que dans la phase de traitement, la juridiction peut prononcer la
liquidation de la société commerciale. Selon l’acte uniforme sur les procédures collectives
d’apurement du passif à son article 25, la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens est ouverte à tout débiteur en état de cessation des paiements. La
cessation des paiements est l’état ou le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à
son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations ou les réserves de
crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui
permettent de faire face a son passif exigible. Selon les règles du droit commun notamment le
code civil Napoléonien applicable en code d’ivoire, le créancier dont la dette est certaine
liquide et exigible, a droit au paiement91. Il est notoirement observé un bouleversement de
l’économie du contrat par le législateur OHADA, créant ainsi une crise du contrat dans les
procédures collectives. L’associé sans droit de vote a droit de bénéficier de la liquidation de la
société tout comme les autres acteurs. L’explication est simple : on ne décide de modifier,
d’anéantir des obligations que lorsqu’on n’a pas le choix, que lorsque la situation du débiteur
est grave. Or, si le droit des procédures collectives a cette particularité d’avoir comme but
essentiel de tenter d’assurer la survie, le redémarrage d’une entreprise, l’autre but qui est de
liquider le patrimoine d’un débiteur dont la situation est irrémédiablement compromise et
d’apurer son passif est commun à toute procédure d’insolvabilité, puisque c’est une issue que
peuvent immanquablement connaître tant des entreprises. Il reste que ces atteintes étant très
graves, plus graves d’ailleurs que celles portées à l’irrévocabilité du contrat, puisque ce sont
des obligations déjà nées qui peuvent disparaître, elles ne peuvent être décidées sans
conditions. Toutefois, même lorsque la société est dans une situation de liquidation judiciaire,
la loi reconnait aux associés sans droit de vote de pouvoir se partager le boni de liquidation.
91
Ces obligations naissant directement de la loi (par exemple, article 1382)
60
De même, la participation au bénéfice pourrait s’apparenter lors de la plus-value réalisée par
la vente des parts d’un associé. A chaque fois que la société réalise des bénéfices c’est
indirectement la valeur des parts sociale des associés qui augmente.
Le droit OHADA a renforcé le pouvoir des associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes. Il est reconnu aux associés sans droit de vote un droit aux dividendes préférentiels.
Cela s’explique en raison du statut particulier de l’associé sans droit de vote (A), et également
en raison de l’investissement initial (B).
L’objectif premier de toute société est la réalisation des bénéfices. C’est pourquoi les auteurs
ont pu dire que la société commerciale n’a pas d’âme, elle ne connait pas les sentiments
affectifs. Elle est guidée par un seul but, la recherche de bénéfices 92. L’associé sans droit de
vote tout comme les autres associés a droit à sa part de dividende en cas de réalisation de
bénéfices. L’associé sans droit de vote a un statut particulier parce qu’il est amputé des droits
politiques c'est-à-dire du droit de vote dans la société anonyme. Un dividende préférentiel est
une part rétributive qui revient à chaque associé en raison de sa participation dans une société
commerciale. D’après l’article 4 de l’AUSCGIE, la société commerciale est constituée pour
réaliser des bénéfices ou les économies. Le législateur s’assure à travers sa réglementation
que l’associé touche son dividende lorsque les bénéfices sont réalisés et que la société ne
souffre pas. C’est pourquoi, il conditionne la distribution des dividendes à l’existence d’un
bénéfice distribuable permettant de préserver le patrimoine de la société. Il fait des associés,
les principaux acteurs de la procédure leur permettant ainsi de garantir l’effectivité de leur
droit au dividende. A cet effet, ce sont eux qui décident de l’opportunité de la distribution,
des modalités ainsi que des formes du dividende. Seul un délai de paiement profitable aux
associés est imposé aux organes de direction. Tout le processus de la distribution doit être
régulier et se dérouler dans le respect de l’égalité entre les associés, ceux-ci pouvant donner à
l’égalité un contenu qu’ils souhaitent tout en évitant les clauses léonines. La violation de ces
92
FOKO (A), « L’essor de l’expertise de gestion dans l’espace OHADA », Penant 867, p. 173
61
exigences est réprimée par le délit de distribution des dividendes fictifs et l’abus de majorité.
Pour éviter les sanctions qui peuvent en découler, les associés disposent des moyens de
contrôle appuyés par celui du commissaire aux comptes pour veiller à la régularité de la
distribution des dividendes. Malgré la règlementation quelquefois non exhaustive, le
législateur parvient à assurer un compromis efficace entre la protection des intérêts des
associés et celui de la société.
Pour bénéficier de sa part de dividende, l’associé doit avoir au préalable souscrit à sa part
sociale par l’achat des actions. L’homme est toujours guidé par ce qui est avantageux pour lui.
Pour l’associé sans droit de vote, son intérêt est le fait d’avoir placé son argent dans une
société anonyme en vue d’en tirer des bénéfices. Selon la doctrine l’intérêt de l’associé sans
droit de vote est de retirer de l’enrichissement collectif, un enrichissement individuel. A la fin
de chaque exercice, le fonctionnement des sociétés commerciales se solde par un résultat.
Celui-ci est la conséquence de l’activité de l’entreprise et également de sa position. Il traduit
l’enrichissement ou l’appauvrissement résultant de ses éléments combinés93. Les éléments
pris en compte pour la détermination des résultats sont les produits et les charges. En effet,
l’associé sans droit de vote aura sa part de dividende au prorata de la quotité de son action
dans la société anonyme. La mise en œuvre du principal droit financier des associés qu’est le
droit aux dividendes est conditionné par la réalisation de bénéfices. Ceux-ci parfois inclus
dans les réserves ne seront pas attribué aux associés qu’à concurrence de la proportion du
montant distribuable. Cette exigence permet de protéger le capital social et par ricochet de
préserver l’intérêt social qui va au-delà des intérêts catégoriels qui existent dans la société en
assurant ainsi la pérennisation de cette dernière. Cependant la réalisation des bénéfices ne
suffit pas. Les associés doivent se réunir pour décider de leur affectation dans le cadre d’une
procédure bien déterminée. Pour les protéger et assurer la réalité du partage des bénéfices,
l’intérêt des associés est prioritaire dans les conditions procédurales de la distribution de
dividendes. L’intérêt de l’associé sans droit de vote est d’obtenir le rendement produit par
son apport. Pour pouvoir rentrer dans son dû, l’associé ne peut se servir personnellement sur
les bénéfices réalisés même s’il est le dirigeant de la société.
93
CARTRON (A.M) et MARTOR (B), « L’associé minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA »,
Cahier de droit de l’entreprise, n° janvier-février 2010, Paris, p. 22.
62
Section 2 : Amélioration du processus d’information et de vote des associés sans droit de
vote
Afin d’assurer la bonne gouvernance des entreprises, l’Acte uniforme a fait preuve
d’ingéniosité. Les législateurs ont introduit un arsenal de procédures permettant aux associés
minoritaires d’exercer une pression sur les dirigeants sociaux afin d’obtenir des informations
qu’ils jugeraient contraignantes. L’arsenal législatif a pour but de renforcer la consultation
directe des documents sociaux. Il s’agit de permettre aux associés minoritaires d’avoir accès à
une information sincère et transparente. Il existe donc en droit OHADA, une flexibilité du
procédé d’information (paragraphe 1), et une instauration de droit de vote sur les questions
spécifiques de la société (paragraphe 2).
Si la gestion sociale relève de la compétence des organes sociaux, son contrôle est l’apanage
des acteurs externes, les commissaires aux comptes, et les internes, les actionnaires et les
associés. Le législateur, tout en prônant la proportionnalité des droits de l’associé au montant
de ses apports, offre aux investisseurs en capital la possibilité de participer à la vie sociale au
moyen de leur droit à l’information. Le législateur OHADA met à la disposition de tout
associé sans droit de vote, des procédures lui permettant de faire respecter son droit à
l’information, de prévenir les difficultés de l’entreprise et les abus dans la gestion de l’affaire
sociale ; il s’agit de l’injonction de mettre à disposition l’information sollicitée, de l’expertise
63
de gestion et de la procédure d’alerte94. L’importance d’un tel droit source de contre-pouvoir
dans la société est liée au fait que l’information oriente les associés dans l’exercice de leur
droit, source de contre-pouvoir dans la société95. En raison de son investissement, il est tout à
fait logique que l’associé sans droit de vote puisse bénéficier d’un droit à l’information sur la
gestion de son apport ou de son action dans la société anonyme. Ce droit transparait dans les
dispositions éparses de l’Acte Uniforme notamment dans les articles 853-11 de l’AUSCGIE.
A cet effet, la lecture des articles 137 et suivants et des dispositions des articles 525 et 526 de
l’AUSCGIE concernant la société anonyme renseigne pertinemment sur la teneur du droit à
l’information accordé à l’associé sans droit de vote. Cependant certaines dispositions de l’acte
uniforme exigent que l’information soit portée à la connaissance des actionnaires ou associés.
C’est le cas notamment de l’avis préalable à la souscription d’une augmentation du capital en
vertu de l’article 598 de l’AUSCGIE, de celui requis en cas d’achat par la société de ses
propres actions en vue de les annuler aux fins de réduire son capital et des convocations aux
assemblées des sociétés anonymes. Selon la doctrine, le terme contrôle renvoie soit au
pouvoir de maîtrise et de direction exercé sur une chose ou une personne, soit à celui de
surveillance de cette chose ou personne. En dehors de l’information ponctuelle, d’autres
informations portant notamment sur la vie et la santé de la société anonyme sont accessibles à
l’associé sans droit de vote. Au terme de l’article 526 de l’acte uniforme de l’AUSCGIE, les
documents sociaux des trois derniers exercices ainsi que les procès-verbaux des assemblées
générales doivent être accessible à tous, à tout moment. Cette liste n’est d’ailleurs pas
limitative. L’article 526 de l’AUSCGIE prend soin de permettre la consultation « de tous
autres documents si les statuts le prévoient », l’associé sans droit de vote est libre au moment
de la rédaction des statuts de se garantir une information plus complète, et par conséquent
une meilleure visibilité b des actes de gestion sociale. Il peut notamment exiger la
communication des délibérations du conseil d’administration. Le fait d’obliger les associés
sans droit de vote à devoir se déplacer au siège social pour consulter les documents constitue
une véritable entrave à l’accès à l’information sociale. Si l’on constate que l’OHADA a su
prendre en compte « l’internationalisation de l’économie » qui exige au moins une
information minimale de l’associé sans droit de vote. Il convient de s’interroger sur
94
TSIBENDE, L.D., « l’information des actionnaires, source d’un contre-pouvoir dans les sociétés anonymes de
droit français et périmètre OHADA », Thèse de doctorat sous la direction de Jacques Mestre. Université Aix
Marseille.
95
Marcel Williams TSOPBEING, « l’information des associés, une exigence fondamentale du droit des sociétés
OHADA », Pratique professionnelle, Revue ERSUMA n°6, janvier 2016
64
l’efficacité des modalités d’exercice des droits à l’information par l’associé minoritaire96.
L’acte uniforme ne fait référence qu’aux documents prévus aux articles 525 et 526. Cela
montre bien la restriction de l’objet d’information que les dirigeants doivent rendre accessible
aux associés au risque d’être contraint par une injonction du juge. Il s’agit notamment de
l’inventaire, des états financiers de synthèse et de la liste des administrateurs, les rapports du
commissaire aux comptes et du conseil administration et, le cas échéant, du texte de l’exposé
des motifs, la liste des actionnaires … les montants des rémunérations versées aux dirigeants
sociaux et salariés les mieux rémunérés ; le rapport du liquidateur etc. Sans faire une
énumération, il convient de comprendre que le droit OHADA a son domaine d’information
faisant l’objet d’une information injonctive en cas de refus des dirigeants sociaux de les
communiquer aux associés qui en font la demande. Toutefois, dans l’ordre juridique OHADA
l’absence d’information entraine le juge à contraindre les dirigeants sociaux à fournir les
informations dont les associés souhaitent s’enquérir et dont ils sont tenus de communiquer.
L’analyse des textes de lois qui régissent la procédure d’injonction en droit comparé et dans
l’espace OHADA, laisse transparaitre que les deux ordres juridiques optent pour le prononcé
de l’injonction pour remédier au refus des dirigeants de communiquer les documents sociaux.
Toutefois, le législateur OHADA offre une alternative aux associés afin que leur soient
accessible les documents. En effet, l’alternative retenue dans la loi permet de sécuriser et de
garantir aux associés un accès quoi qu’il en soit aux documents sociaux97. Un vote éclairé
nécessite une information de qualité et une parfaite analyse des documents sociaux augure que
les associés possèdent ces documents dans un temps suffisant pour une meilleure étude. Or,
les dirigeants de mauvaise foi peuvent volontairement affecter ce temps nécessaire et le choix
qu’offre la loi aux associés peut permettre de remédier rapidement en optant pour la demande
de désignation d’un mandataire qui sera chargé de procéder à la communication des
documents. L’urgence et la qualité des rapports entre les associés et les dirigeants déterminent
96
Adamou Rabani, La nouvelle société par action simplifiée de l’OHADA, Bulletin de droit économique 2014
97
Voy Zeidenberg (S), Note sous C.A. Paris, 14ème Ch. A, 26 mars 2003, Bull. Joly sociétés, n° 7, 2003, pp.
816 s. « Il serait, nous semble-t-il, absolument inapproprié de dénier cette possibilité de choix aux actionnaires là
où le législateur l’admet expressément »
65
la formule utilisée par les associés98. De même, la possibilité de choix représente un réel
pouvoir de contrôle des associés minoritaires qui pourront toujours obtenir la communication
des documents qu’ils souhaitent consulter et leur permettre d’échapper aux manigances des
dirigeants sociaux ou des associés majoritaires. En outres, l’analyse des dispositions de l’acte
uniforme confirme le pouvoir des associés dans l’exercice de la procédure d’injonction
puisque c’est à ces derniers que revient la possibilité de choisir l’alternative qui leur convient
en fonction de l’urgence ou des rapports avec les dirigeants. L’associé demandeur a le choix
du roi que lui confère la loi, ce qui est tout à fait soutenu par la doctrine. En revanche,
l’alternative prévue en droit français ne saurait bénéficier aux associés minoritaires des pays
membres de l’OHADA.
Selon le rédacteur des actes uniformes, il s’impose d’instaurer un droit de vote sur des
questions spécifiques. Cela passe par l’adoption de politique internes (A), mais également par
l’élaboration de clauses spécifiques pour les associés sans droit de vote (B).
L’une des priorités du droit OHADA est de garantir le respect de l’intérêt social, entendu
comme l’intérêt des associés dans leur assemble, dont les associés sans droit de vote.
L’alinéa 2 de l’article 4 de l’AUSCGIE dispose ainsi que « la société doit être créée dans
l’intérêt commun des associés ». l’AUSCGIE fait d’ailleurs expressément et à plusieurs
reprises référence à l’égalité des associés notamment pour les décision de réduction du
capital social qui ne peuvent nuire à l’égalité des associés De même, le commissaire aux
compte se voit confier la mission de s’assurer que cette égalité est bien été respectée et «
notamment que toutes les actions d’un même catégorie bénéficient des mêmes droits ». pour
assurer au quotidien la représentation et la défense de cet intérêt social, le droit OHADA met
en place une série de dispositions garantissant l’autorité de décision de l’associé sans droit de
vote, et la possibilité de recourir au pouvoir judiciaire pour sanctionner un éventuel abus de
98
BADJI P.S.A, Réforme du droit des sociétés commerciales OHADA, CREDILA, Harmattan, 2016, p. 153
66
majorité. Par conséquent l’associé sans droit de vote n’aura pas automatiquement l’étiquette
de faible vis-à-vis des autres associés99. Bien au contraire, en disposant de plusieurs
opportunités pour agir en cas de difficulté, l’associé sans droit de vote pourra s’affirmer en
tant que véritable moteur de la société. Le maintien d’un principe de vote à la majorité est
nécessaire au bon fonctionnement et à la stabilité du gouvernement des associés. A première
vue, c’est donc la règle de la majorité qui prime en droit OHADA, comme en droit comparé
pour la prise décision au sein de la société anonyme. La règle de la majorité connait
néanmoins des nuances. D’une part, la poursuite de l’intérêt social doit toujours sous-tendre le
vote de la majorité. D’autre part, le droit OHADA impose la règle de l’unanimité pour
certaines décisions, notamment pour l’augmentation de capital par majoration du montant
nominal des actions. Surtout, il offre à l’associé sans droit de vote dans les sociétés anonymes
deux moyens essentiels d’assurer une place de choix au sein de la société : le droit de
participer aux assemblées générales et la possibilité d’obtenir le renforcement des règles de
majorité et de quorum, par le biais des pactes d’actionnaires et de statuts. Il convient de
rappeler qu’au nom de l’affectio societatis, tout associé bénéficie des droits politiques de
participation aux décisions collectives. Bien qu’aux termes de l’article 129 de l’AUSCGIE les
droits de vote soient proportionnels à la participation au capital social, l’OHADA garantit une
certaine séparation et répartition des pouvoirs. Par ailleurs aucune limitation de voix ne être
opposée à l’associé sans droit de vote pour la participation aux assemblées générales
extraordinaire. En revanche, pour les assemblées générales ordinaires, les statuts peuvent
exiger dans certaines limites un nombre minimal d’actions. Mais ce tempérament à la
présence des associés sans droit de vote aux assemblées générales est fortement encadré, le
nombre d’actions exigé ne pouvant dépasser dix. Par ailleurs, les associés sans droit de vote
ayant moins de dix actions peuvent se regrouper pour atteindre la limite mise en place par les
statuts et se faire représenter par l’un d’entre eux100.
99
B-Y. Meuke, De l’intérêt social dans l’AUSC de l’OHADA/ Ohadata D-06-42
100
A. Fénéon, Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales en droit OHADA , Penant
n°839, p153. L’abus de majorité dans les sociétés anonymes : les Afriques, n°5
67
B- Elaboration de clauses spécifiques pour les associés sans droit de vote
En pratique et afin de s’assurer une place de choix, l’associé sans droit de vote devra
participer activement à la construction du projet social et par là même à la rédaction du pacte
d’actionnaire et des statuts. Cette période est d’une importance capitale car ce qui s’y décide
déterminera l’exercice des droits politiques des associés sans droit de vote. Aussi est-il bon de
rappeler pour lui, l’utilité de se rendre à l’assemblée générale et d’essayer de faire en sorte
que le fonctionnement de la société ne soit pas défini d’une manière réduisant le rôle des
associés minoritaire à sa portion congrue. Le droit OHADA laisse en principe la liberté aux
associés de décider des modes d’adoption des décisions collectives. Dans la plupart des cas,
les partenaires peuvent ainsi décider conjointement dans les statuts d’augmenter ou renforcer
la majorité ainsi que le quorum. L’associé sans droit de vote peut notamment se réserver une
véritable une véritable autorité décisionnelle en exigeant l’unanimité pour certaines décisions
en assemblée générale : toute décision soumise à l’unanimité ne pourra être prise sans son
accord préalable. A ce titre les pactes extra statutaires et statutaires constitue un véritable
bouclier contre d’éventuels abus de la part des associés majoritaires. Par conséquent, l’associé
sans droit de vote est libre de tempérer la règle de la majorité pour se réserver une position de
force dans la prise des décisions sociales, voire même d’imposer dans certaines limites, une
autorité de blocage vis-à-vis de ses coassociés.
Les distorsions au sein de la société ne se limitent pas aux questions de bonne gestion des
dirigeants sociaux. Elles sont fréquemment liées aux décisions prises en assemblées
générales. Or quand les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la
défense de l’intérêt social et que les majoritaires tentent d’imposer leur choix politique
sociale, il est utile de pouvoir se retrouver vers l’autorité judiciaire. Conscient de cet enjeu, le
droit OHADA a fait preuve de modernisme en codifiant deux grands principes protecteurs de
l’intérêt social : l’abus de minorité et l’abus de majorité. Ainsi, dans l’optique de protéger les
associés sans droit de vote, l’OHADA innove en codifiant l’abus de majorité. L’article 130 de
l’AUSCGIE sanctionne l’abus de la majorité, qu’il définit expressément101. L’OHADA
apporte une innovation majeure en donnant une définition légale de l’abus de majorité. La
définition de l’article 130 de l’AUSCGIE caractérise l’abus de majorité par le recours à deux
101
Art 130 de l’AUSCGIE « il y’a abus de majorité lorsque les associés majoritaire ont voté une décision dans
leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être
justifiée par l’intérêt de la société »
68
critères cumulatifs de la façon suivante : il faut que les associés majoritaires aient voté une
décision qui soit d’abord contraire aux intérêts des minoritaires, mais ensuite contraire à
l’intérêt de la société. Cette exigence de vérifier la contradiction entre ces différents intérêts
peut rendre l’abus de majorité difficile à déterminer. En cas de litige devant le juge, celui-ci
devra déterminer l’intérêt de la société pour caractériser un éventuel abus de majorité102.
102
Sur les différentes conceptions de l’intérêt social, V.M Cozian, Droit des sociétés préc, p. 184-185.
69
Chapitre 2 : Instauration d’un mécanisme de représentation des associés sans droit de
vote dans le conseil d’administration
Ces mécanismes instaurés par le législateur OHADA, vise à accorder une meilleure protection
aux associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes. Il s’agit des droits qui
contribuent à la volonté des législateurs d’apporter une protection juridique aux associés sans
droit de vote. La garantie de ces droits permet d’encadrer les pouvoirs des associés au sein de
la société et de ne pas léser les minoritaires. Cet encadrement permet une protection qui elle
se justifie par le fait que les associés sans droit de vote ne contrôlent pas les sociétés et donc
peuvent craindre que les associés majoritaires ou les dirigeants sociaux abusent de leurs
pouvoirs et dirigent la société dans leurs seuls intérêts personnels. D’où le fait que les
législateurs français et OHADA autorise le renforcement de la démocratie interne (section 1),
cela passe par une représentation équitable des différents associés (section 2).
Pour la doctrine, l’intérêt qui s’attache au débat sur la situation des minoritaires dans la
société anonyme a été renouvelé par la démonstration que le droit positif et l’Acte uniforme
reconnaissent aux associés minoritaires un véritable pouvoir d’intervention dans la vie sociale
afin de favoriser la transparence dans la gouvernance interne (paragraphe 1). Dans des
domaines normalement réservés à l’exercice du pouvoir majoritaire, l’acte uniforme a prévu
un renforcement de la démocratie interne. En effet, c’est la reconnaissance, au profil de la
minorité, d’une véritable fonction, qui est une fonction de contrôle dans le déroulement de la
vie de la société par le renforcement du cadre juridique de leurs interventions103. Cela se
manifeste par un alignement des intérêts des associés sans droit de vote (paragraphe 2).
103
D. Schmidt, « Les droits de la minorité dans la société anonyme », Thèse, Strasbourg, 1969.
70
Paragraphe 1 : Favoriser la transparence dans la gouvernance
Le droit OHADA donne tous les moyens à l’associé sans droit de vote de se positionner
comme un acteur dynamique de la vie politique. Il s’agit en pratique de la possibilité de
divulgation proactive d’informations (A), et de la conformité aux réglementations et aux
normes (B).
Afin d’assurer la bonne gouvernance des entreprises, l’Acte uniforme a fait preuve
d’ingéniosité. Les législateurs ont introduit un arsenal de procédures permettant aux associés
minoritaires d’exercer une pression sur les dirigeants sociaux afin d’obtenir des informations
qu’ils jugeraient contraignantes. L’arsenal législatif a pour but de renforcer la consultation
directe des documents sociaux. Il s’agit de permettre aux associés sans droit de vote d’avoir
accès à une information sincère et transparente. La fiabilité de l’information facilite une
meilleure connaissance sur la gestion de la société, c’est la raison pour laquelle les législateurs
ont tenu de rendre accessible l’information obligatoire pour tous les associés y compris les
minoritaires. Cependant, il peut arriver que les associés minoritaires doutent de la sincérité de
l’information qui leur est fournie ou qu’ils n’aient pas accès à l’information demandée pour
quelques raisons que se soient. Ainsi, pour pallier ces difficultés les législateurs OHADA ont
instauré une série de procédures favorables aux associés minoritaires notamment l’alerte qui
est la procédure non judiciaire et deux autres procédures judiciaires à savoir l’injonction et
l’expertise de gestion. La procédure d’alerte peut être exercée dans toutes les sociétés.
Aucune société n’est exclue à l’initiative de cette procédure. En droit comparé, le législateur
français a entendu renforcer la possibilité pour un associé minoritaire de pouvoir déclencher
cette procédure en abaissant le seuil de pourcentage requis à 5% au lieu de 10%, comme
l’était avant, dans la loi du 15 mai 2001104. C’est ainsi que cette procédure est ouverte à tout
associé non- gérant possédant au moins 5% seul ou plusieurs associés représentant au moins
5% du capital social peuvent déclencher cette procédure. Ce qui permet aux associés
minoritaires de pouvoir questionner les dirigeants sociaux. L’abaissement du seuil et la
104
Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques
71
possibilité de se grouper montrent la volonté du législateur de faciliter aux associés
minoritaires la possibilité de contrôler la gestion sociale lorsqu’une situation inhabituelle est
constatée par ces derniers. Comme dit précédemment, cette procédure est ouverte à tous les
associés qui remplissent les conditions de seuil 5% individuellement ou 5% en groupe de
toutes les sociétés commerciales sans distinction. Toutefois, le questionnement s’oriente du
côté du législateur OHADA, à savoir si un associé minoritaire pouvait-il avoir accès au
déclenchement de la procédure d’alerte ? Tout comme le législateur français, le législateur
OHADA s’est aussi préoccupé de prévenir les difficultés de l’entreprise et de renforcer le
contrôle des petits porteurs en leur admettant la possibilité de déclencher une procédure
d’alerte en présence des faits inhabituelles sur la situation de la gestion sociale. Cette
procédure est pareillement consacrée et dirigée vers les dirigeants sociaux afin de rendre des
comptes à ces derniers. L’acte uniforme permet aux associés de déclencher cette procédure en
posant des questions aux dirigeants. Cependant, cette procédure manifestement calquée du
droit français connait une nette évolution très favorable aux associés minoritaires soumis à
l’acte uniforme105. L’Acte uniforme révisé ouvre le droit à tout associé non- gérant de pouvoir
déclencher une procédure d’alerte peu importe la nature de la société372. Ici, le législateur
Ohada ne soumet pas la possibilité pour un associé de déclencher une alerte à la détention
d’un seuil minimum ou à une obligation de se regrouper pour la déclencher. Le droit Ohada
facilite manifestement le contrôle opéré par les associés minoritaires sur la gestion sociale. Le
droit d’alerte est un droit attaché à la qualité d’associé puisqu’il ne nécessite pas un seuil
minimum requis comme en droit français.
Selon l’acte uniforme OHADA, l’associé sans droit de vote a vocation à incarner le point
d’équilibre au sein de la société en exerçant son pouvoir modérateur vis- a vis des associés et
des dirigeants sociaux. Il s’impose ainsi donc aux dirigeants sociaux de se conformer aux
exigences de l’acte uniforme en faveur de l’associé sans droit de vote. Dans la société
anonyme en droit OHADA, l’associé sans droit de vote n’est pas un associé sans droit. Au
détriment de sa participation faible en termes de capitaux, l’acte uniforme sur le droit des
105
Laurent GODON, « La protection des associés minoritaires dans la Loi relative aux nouvelles régulations
économiques », Bull. Joly Sociétés, n° 7, p. 728.
72
sociétés commerciales confère une certaine protection à l’associé sans droit de vote dans la
société anonyme. Plusieurs normes et règlementations assurent ce cadre de protection. Il
s’agit donc pour les associés majoritaires de se soumettre aux contenus du droit
communautaire en observant les exigences prescrites par le rédacteur de l’acte uniforme. Les
décisions prises doivent être dans l’intérêt des associés et doit se conformer également à
l’intérêt de la société anonyme comme l’exige l’acte uniforme. Le minimum légal laisse la
possibilité aux associés de prévoir dans les statuts une information beaucoup plus fréquente
aux associés minoritaires. Les documents dont les associés minoritaires peuvent exiger la
communication à tout moment sans qu’il ait besoin d’un évènement sont les comptes de
résultats, bilans et annexes de la société, l’inventaire, les rapports soumis aux assemblées et
les procès-verbaux de ces assemblées relatifs aux trois derniers exercices et tous autres
documents prévus par les statuts. Le droit de communication permanente est fortement
encadré de façon identique par les deux juridictions. En effet, pour que les associés
minoritaires puissent fournir une information nécessaire à la prise des décisions, certains
documents doivent leur parvenir dans un délai de quinze jours au moins avant la tenue de
l’assemblée106. Il pourrait s’agit notamment du rapport de gestion, de l’inventaire, des états
financiers de synthèse de l’exercice, du texte de résolutions proposées et le cas échéant du
rapport du commissaire aux comptes. En droit OHADA, c’est à l’article 289 de l’AUSCGIE
révisé qui prévoit que les associés non gérants ont le droit de consulter, au siège social, deux
fois par an, tous les documents et pièces comptables ainsi que les procès-verbaux des
délibérations et des décisions collectives et ont le droit d’en prendre copie à leur frais 107. Cette
disposition qui s’adresse aux sociétés en nom collectif s’applique bien à toutes les autres
formes de sociétés à l’exception de la société par actions simplifiées qui est laissée à la
discrétion des statuts108.
90 State ex Rel. Pillsbury v. Honeywell, Inc., Supreme Court of Minnesota, 191 N.W.2d 406 (1971)
107
Maître Joan DRAY, Blog: Que signifie “ le droit de communication permanente de l’associé” ? Publié
25/04/17
108
CA Paris, pôle 5, Ch. 9, 15 décembre 2016, n° 15/24772, M.H. c/ Mme K. épse G et SARL Gestion Sanitaire
et Sociale G2S; JuriData n° 2016-029443
73
Paragraphe 2 : Alignement des intérêts des associés sans droit de vote avec ceux de la
société
Dans le souci, d’accorder une protection à l’associé sans droit de vote dans les sociétés
anonymes, le législateur OHADA a prévu plusieurs mécanismes tant au niveau du droit à
l’information de même qu’au niveau de la participation au sein du conseil d’administration.
Ainsi donc, par ces mécanismes, l’associé sans droit de vote voit ses intérêts s’aligner sur
ceux de la société. Il s’agit dans cette perspective d’un moyen d’expression commun à tous
les associés (A), mais ce moyen d’expression est encadré par l’intérêt social (B).
La société anonyme selon l’article 385 de l’AUSCGIE, est une société dans laquelle les
actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’a concurrence de leurs apports et de
leurs droits représentés par des actions. La variété d’acteurs au sein d’une société assure une
certaine émulation nécessaire à son fonctionnement. En règle générale, s’y trouvent les
dirigeants sociaux, les salariés, mais surtout les associés qui sont à l’origine même de la
société. Puisqu’ils sont les parties au contrat de société, ils en tirent des pouvoirs tout au long
de la vie de la société issus notamment des droits à l’information et de voter, qui sont eux-
mêmes intimement liés, auxquels s’ajoutent d’autres droits inhérents à leur qualité. Le
législateur OHADA met à la disposition de l’associé sans droit de vote tout un arsenal
juridique et pratique afin de mieux s’exprimer et de constituer un contre-pouvoir en face des
dirigeants sociaux. Les procédés d’expression sont communs à tous les associés. Les
majoritaires et minoritaires bénéficient du même mode d’information afin de participer aux
assemblée générale. En effet, Ce droit commun à tous les associés apparait pour les associés
minoritaires comme une sorte de protection légale. Car, on aurait pu s’imaginer que le fait que
certains associés aient moins de pourcentage que d’autres pourrait les empêcher dans
l’exercice de leurs droits politiques. Or, Les associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes bénéficient d’un soutien considérable du législateur. Ils s’expriment au même titre
que les associés majoritaires en assemblée. La loi permet que les décisions collectives soient
prises par l’approbation de tous les associés bien évidemment avec les spécificités qui en
74
découlent de chaque type de société. C’est en ce sens que l’on arrive à conclure que la prise
des décisions collectives telle qu’établie par l’acte uniforme est une source de contre-pouvoir
des associés sans droit de vote. Ils ont le droit de participer aux assemblées générales tout en
ayant le droit d’exercer leur pouvoir décisionnel. De prime à bord, une information de qualité
entraine nécessairement un vote éclairé. Le corollaire de l’obligation faite aux dirigeants
sociaux d’informer les associés c’est pour que ces derniers puissent en connaissance de cause
s’exprimer en assemblée générale. Les décisions concernant la gouvernance de la société sont
prises en assemblée générale ordinaire (AGO) ou en assemblée générale extraordinaire
(AGE). Tous les associés se réunissent sur convocation pour décider des affaires de la société.
Les associés majoritaires et associés minoritaires décident ensemble de la gestion sociale et
financière de la société par le biais du vote. Le droit de vote est le droit politique attaché à la
qualité d’associé. Il est le moyen pour lui de manifester son opinion sur les décisions sociales.
Parmi les personnes disposant d’un droit de créance à l’égard de la société, il est le seul à
bénéficier de tel droit de regard sur la vie sociale de la société, à l’exception cependant des
créanciers obligataires. Par son vote, l’associé manifeste sa volonté de participer à la vie
sociale lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires109. Le principe du droit de
vote est fondateur de la vie de la société mais les modalités de son exercice sont variées.
Plusieurs techniques sont envisageables selon l’objectif que l’on souhaite atteindre. Il est tout
d’abord possible de calquer la démocratie sociétaire sur le système de démocratie politique et
donc d’accorder à chaque associé un droit de vote indépendamment du nombre de parts
sociales qu’il détient.
Le droit fondamental des associés qui est celui de participer au vote des décisions collectives
s’exerce librement mais ne relève pas d’un droit discrétionnaire. Les associés sont tenus de
l’exercer dans l’intérêt de la société qui ne devrait pas être confondu à l’intérêt commun des
associés. La société anonyme est soumise à la loi de la majorité pour toutes les décisions
sociales. Toutefois, les associés majoritaires ne sont pas autorisés à abuser de leur droit
fondamental sous peine d’être accusés d’abus de majorité. La doctrine a fait remarquer que
109
MERCADAL (B), Réforme du droit des contrats, Ed. F. Lefebvre, 2016. MESTRE (J)
75
l’intérêt commun des associés et l’intérêt social ne se situent pas sur le même plan110. Car
l’intérêt social est une affaire de circonstances et dépend des faits en cause, d’une politique
qui peut varier dans le temps, d’une appréciation d’opportunité, alors que l’intérêt commun
des associés est une règle de droit qui régit les relations au sein de toute société. Toutefois,
l’atteinte à l’intérêt social par les associés majoritaires oblige les associés minoritaires de
saisir les tribunaux pour abus de majorité. Par cette notion, les associés sans droit de vote
peuvent attaquer les décisions qu’ils jugeront contraires à l’intérêt social ou qui seront prises à
leur détriment. En effet, la reconnaissance de l’abus de majorité, qui est une notion à
l’origine jurisprudentielle codifié dans l’acte uniforme OHADA, est une véritable arme pour
les associés minoritaires. La protection de ces associés contre l’abus de majorité marque une
volonté des législateurs de bien vouloir sécuriser l’économie des entreprises. Car, l’abus de
majorité permet aux associés minoritaires d’exercer un contrôle a posteriori sur les décisions
dont ils n’ont pas pu peser contre lors de l’assemblée d’actionnaires. Plusieurs contextes
peuvent favoriser l’abus de majorité, il peut être commis à l’occasion de toute décision
ordinaire telle qu’une affectation des bénéfices ou extraordinaire à l’exemple d’une fusion ou
augmentation du capital, toutefois, la décision prise par un dirigeant social peut être attaquée
d’abus de majorité s’il est justifié que cette décision est le reflet de la volonté des majoritaires.
La reconnaissance de l’abus de majorité existe aussi bien en droit comparé que dans le droit
OHADA. Aussi, la question est celle de savoir si les critères d’établissement de l’abus de
majorité sont-ils identiques dans les deux ordres juridiques ?
En effet, les critères retenus pour caractériser l’abus de majorité sont énoncés par l’acte
uniforme. Contrairement au droit français, la notion d’abus de majorité apparaît dans l’espace
OHADA de manière codifiée et le législateur OHADA retient également deux critères à
savoir : Une décision non justifiée par l’intérêt social ; Une décision contraire aux intérêts des
associés minoritaires. Selon Alain Fénéon, il appartiendra aux tribunaux de l’espace OHADA
d’enrichir la jurisprudence sur cette notion d’abus de majorité. Cette notion est nouvellement
apparue dans le droit codifié de l’OHADA. L’abus de majorité est invoqué par les associés
minoritaires qui se sentent lésés par une décision majoritaire ou des dirigeants sociaux en
connivence avec les majoritaire. Les tribunaux ne peuvent retenir l’abus de majorité que
lorsqu’elle est prouvée.
110
D. Schmidt : Les conflits d’intérêts dans la société anonyme Joly 2004 n° 14 p. 22
76
Toute la réglementation prévue par les rédacteurs des actes uniformes relativement aux
sociétés commerciales et plus spécialement aux sociétés anonymes avait pour intérêt de
favoriser une représentation équitable de tous les associés de la société anonyme.
Le contrat de société présente une nature particulière, il s’agit d’un contrat par lequel les
associés organisent leur collaboration. Ce devoir de coopération est traditionnellement
dénommé affectio societatis. Il implique que apporteur de capital puisse participer à la vie
sociale. Dans ces conditions, cet affectio societatis commande une représentation équitable de
tous les associés de la société anonyme. La participation de tous associés voulue par le
rédacteur de l’AUSCGIE, oblige à garantir la participation et l’engagement de tous les acteurs
de la société (paragraphe 1). L’intérêt visé consiste pour le droit OHADA à diversifier les
perspectives et les compétences dans la société anonyme (paragraphe 2).
Selon l’acte uniforme portant droit commercial général, il importe de favoriser une culture
d’inclusion par la mise en place des mécanismes de création de comité (A). Une meilleure
protection accordée aux associés sans droit de vote passe également par l’établissement des
mécanismes (B).
A- Favoriser une culture d’inclusion par la mise en place des mécanismes de création de
Comité ou de groupe de travail
L’atteinte des objectifs comptables au sein de la société anonyme passe par la mise en place
d’une culture d’inclusion au sein de l’entreprise ou l’associé ne dispose pas de droit de vote.
A la lecture de l’acte uniforme, l’on peut qualifier une entreprise inclusive comme une
entreprise qui se consacre au respect de la législation en vigueur en matière sociale. Elle
promeut et encourage la mise en place des mécanismes de création de comité et groupe de
77
travail. Elle applique des politiques et des stratégies de gestion des talents qui assurent la
diversité et l’inclusion au sein de ses équipes de travail, et tous les processus menés par
l’entreprise en vue d’accorder une protection des droit des associés sans droit de vote.
L’associé sans droit de vote mérite un environnement social harmonieux, tant au niveau
législatif de même que le cadre de vie sociale entre partenaire et associés de la société
anonyme111. L’expression « corporate governance » issue du droit anglo-saxon est à l’origine
du principe d’inclusion dans l’ordre juridique de l’OHADA. Le principe d’inclusion est le
principe directeur de droit qui caractérise le mieux les sociétés anonymes en droit OHADA.
Ces sociétés sont soumises à des règles très strictes qui engagent la vie financière des associés
et celle de la société. L’exigence de transparence et de l’inclusion dans ces sociétés est
nécessaire et constitue pour les associés sans droit de vote « la qualité de ce qui laisse
apparaître la réalité toute entière, de ce qui exprime la vérité sans altérer ». Selon une
auteure, « à travers ce principe, le législateur a permis aux actionnaires minoritaires d’avoir
accès aux données qui, jusqu’alors, leur étaient inaccessibles, ensuite de restaurer la confiance
sur le marché ». Par la transparence, les législateurs OHADA exigent de la société de donner
une image d’elle qui est la projection fidèle de ce qu’elle représente. Au-delà de l’inclusion,
le principe de transparence dans une société cotée est bien entendu réserver à tous les
investisseurs c’est-à dire aux acheteurs et aux vendeurs. C’est la raison pour laquelle ce
principe renforce la protection des minoritaires qui pourront vendre leurs titres en
connaissance des règles et informations sur le cours du marché. Le droit des marchés
financiers non seulement exige une transparence vis-à-vis des règles du marché à l’égard des
investisseurs potentiels mais permet également aux minoritaires de saisir les autorités
chargées de réguler le marché financier. Ces autorités sont compétentes tout au long du
processus de cession. Le principe de transparence apporte un certain équilibre des minoritaires
face à l’action majoritaire ou des dirigeants sociaux.
B- Etablir des mécanismes de communication efficaces entre les associés par la mise en
place de plateformes en ligne ou des outils de collaboration
111
D. OHL « Droit des sociétés cotées », Litec 3e éd., 2008, p. 10 ; A.-C. MULLER « Droit des marchés
financiers et droit des contrats », Thèse, Paris II, 2001, p. 585.
78
par la doctrine comme l’ensemble des mécanismes par lesquels les apporteurs de capitaux
garantissent la rentabilité de l’action. L’associé sans droit de vote dans les sociétés anonymes
est un associé tout comme les autres. Il n’est pas un associé sans droit. Les actes uniformes
exigent qu’un certain nombre de documents soient communiqués à l’associé sans droit de
vote. La question que l’ose pose est de savoir par quel mécanisme le droit à l’information
peut-être qualitativement apprécié ? En effet, la mise en œuvre des mécanismes de
gouvernance a un impact sur le niveau de divulgation et de qualité de l’information financière
publiée, et même sur la pratique de la communication financière. Pour assurer le droit à
l’information donc est titulaire l’associé sans droit de vote dans la société anonyme, il
s’impose d’établir des mécanismes de communication efficaces entre les associés. Alors à la
lecture de la doctrine, l’on s’aperçoit que ces mécanismes de communication marquent leur
efficacité à travers les plateformes et outils de collaboration. Les plateformes en ligne et les
autres outils de communication sont un atout favorable en vue de corriger tous les
manquements relatifs au droit à l’information des associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes en droit OHADA112. La communication peut être sous formes de questions écrites
sur les différentes plateformes dédiées à cette fin. De la date de convocation à la date de tenue
de l’assemblée, l’actionnaire peut, s’il le souhaite, poser aux dirigeants des questions écrites
en rapport à l’ordre du jour. Les réponses sont portées sur les procès-verbaux de l’assemblée.
A la lecture de l’acte uniforme, l’on s’aperçoit que la communication entre les dirigeants
sociaux de la société anonyme et les associés sans droit de vote peut dans certaines
circonstances permettre d’éviter les débats en cas de procédure d’alerte.
Au-delà des mécanismes proposés par les rédacteurs des actes uniformes, il s’impose de
diversifier les perspectives et les compétences parmi les associés.
Les dirigeants sociaux et les associés majoritaires ont plus de connaissances dans la gestion
sociale que les associés sans droit de vote. Pour corriger ce déséquilibre, il est impérieux
d’offrir des opportunités de formation et de développement professionnel (A), et ainsi
accorder aux associés une certaine autonomie dans leurs domaines de responsabilité (B).
112
Alain FENEON, Droit des sociétés en Afrique, P.130
79
A- Offrir des opportunités de formation et de développement professionnel
Les sociétés anonymes ont la particularité de ne pas être une société intuitu personae comme
les sociétés de personnes. Cela dit l’associé sans droit de vote dans la société anonyme est
accepté juste en raison de son apport et non en fonction de sa connaissance des règles
juridiques ou comptables de la gestion de la société commerciale. Hors dans la première partie
de notre étude il a été démontré quelques irrégularités donc sont victimes les associés sans
droit de vote dans les sociétés anonymes en droit OHADA. Au nombre des désavantages
observés, il ressort que l’associé sans droit de vote dispose difficilement des connaissances
sur la gestion de la société, l’analyse des résultats comptables. Ainsi, dans l’optique de
protéger l’associé minoritaire dans la société anonyme, un volet formation doit être mis en
place. En quoi consiste donc cette formation, et quelle en est la consistance ? Il est reconnu
par la doctrine que l’associé sans droit de vote n’et pas un associé sans droit, même si une
partie de la doctrine considère l’associé sans droit de vote comme un simple investisseur113. A
cet effet, face au déséquilibre criant au regard du droit à l’information qui est généralement
méprisé à l’endroit des associés sans droit de vote, cette formation doit évidemment porter sur
la gestion sociale, notamment sur le positionnement de l’associé sans droit de vote sur la
gestion de l’entreprise. Cette formation est d’une grande opportunité en ce sens qu’elle offre à
l’associé sans droit de vote une connaissance variée sur les règles juridiques, la gestion
sociale, la lecture du bilan comptable. La consistance de formation permettra à l’associé sans
droit de vote d’avoir de plus amples informations sur le droit à l’information. Il sera donc à
mesure de connaitre à la période à laquelle, il pourra se rendre au siège social de la société
pour avoir des informations sur le bilan comptable de l’exercice précédent. Si l’associé est
considéré dans une approche de la doctrine comme celui qui promet d’apporter un bien à la
société et qui intervient dans la gestion sociale, cela suppose qu’un tel associé qu’il soit
majoritaire ou minoritaire a droit à une formation conséquente afin de mieux intervenir dans
la gestion sociale114. Depuis quelques années la doctrine fait une différence entre l’associé
réel et l’associé sans droit de vote qui est considéré comme un simple bailleur de fonds, qui
appréhende les droits sociaux comme un moyen de s’enrichir. Même si cette conception est
maintenue, les dirigeants sociaux sont dans l’obligation d’accorder plus de priorités a cet
113
P. Bezard « la connaissance de l’actionnariat », in stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions
114
MERCADAL, et JANAIN, Société commerciales, Lefebre 2000 n°114
80
associé sans droit de vote, bailleurs de fonds qui en échange de son apport a besoin
d’information et de formation fiable.
L’associé qu’il soit majoritaire, ou qu’il ne dispose pas de droit de vote, en sa qualité
d’apporteur de biens ou de capitaux a toujours la commune intention de faire des bénéfices,
de profiter de l’économie. Mais la matérialisation de l’intention de tous les associés passe par
la capacité de la structure sociale à reconnaitre et à accorder une certaine autonomie aux
associés, et plus particulièrement aux associés sans droit de vote dans les sociétés anonymes.
La recherche d’une bonne gestion de la société a conduit le législateur OHADA à garantir
aux associés sans droit de vote un certain poids dans la gestion sociale115. Afin de protéger
l’intérêt social, ces associés bénéficient d’un mécanisme contractuel de contrôle. Il s’agit du
pacte d’actionnaire qui est un document complémentaire aux statuts. Le pacte d’actionnaire
est une convention conclue entre deux ou plusieurs associés de la société afin de régler et
organiser leurs relations en dehors des statuts. La particularité du pacte d’actionnaire est de
rester secret, il n’est aucunement demandé qu’il soit enregistré au registre du commerce, c’est
un contrat extrastatutaire qui contient des clauses qui sont inconnues des tiers mais peut
également rester confidentiel et ne concerner que certains associés. Ce qui signifie que les
associés sans droit de vote peuvent signer un pacte dans le plus grand secret des majoritaires
ou des dirigeants. Le contenu de ce document est laissé à la liberté des contractants dans le
respect de la loi. Ce contrat crée des nouveaux droits et obligations. C’est un acte qui peut
faire l’objet des adaptations au cours de sa durée à condition que tous les signataires ou les
ayants droit aient donné leurs accords unanimes. En effet, le pacte d’actionnaire, étant un
contrat, celui-ci a une force juridique puisqu’il lie les signataires entre-deux. Cela étant, les
associés qui ne sont pas signataires ne sont pas concernés par les effets du pacte d’actionnaire.
La sanction de la violation d’une obligation du pacte donne souvent lieu à des dommages et
intérêts et non à l’exécution forcée de l’obligation de faire ou de ne pas faire. Ainsi, plusieurs
clauses peuvent figurer dans un pacte d’actionnaires. Cependant, il y a celles qui permettent
F. RIZZPO, Le principe d’intangibilité des engagements des associés, RDT com. 2000, p.27, cité par LE
115
CANNU, « Le contentieux de la SAS- I : la nullité des décisions d’associé(s) fondée sur l’article L222-7
81
aux associés minoritaires de s’imposer dans la société telles que : La clause de retrait, les
associés sans droit de vote peuvent imposer aux majoritaires de racheter leur participation lors
de la survenance d’évènements définis dans le pacte. Exemple la cession de contrôle qui
oblige de prévoir dans le pacte les modalités de détermination du prix de rachat des actions.
La clause de sortie conjointe, lorsque l’associé majoritaire trouve un acquéreur, il s’engage à
permettre aux associés minoritaires de céder leurs actions aux mêmes conditions obtenues
auprès de l’acquéreur. Cette clause impose ainsi au cédant de négocier, pour le compte des
associés minoritaires, leur sortie conjointe. La clause de non dilution, lors d’une augmentation
du capital ayant pour but d’adhésion d’un nouvel associé, il s’agit pour l’associé sans droit de
vote de pouvoir prétendre à un droit de souscription leur permettant de maintenir
proportionnellement leur niveau de participation. La clause d’agrément, qui nécessite
d’obtenir l’accord des autres associés afin d’autoriser l’entrée d’un nouvel investisseur dans le
capital. Les associés minoritaires ont la possibilité d’augmenter leur pouvoir de contrôle de la
gestion à travers le pacte d’actionnaires. Les pactes d’actionnaires sont par principe
inopposables aux tiers sauf en cas de préjudice occasionné à tiers par les dispositions du
pacte. En droit OHADA ; en effet, l’admission des pactes d’actionnaires dans l’espace Ohada
est assez récente. La validité de ces pactes fait leur apparition seulement le 05 mai 2014.
Avant cette date, seul le droit commun régissait la validité des pactes d’actionnaires. Cette
reconnaissance tardive montre la volonté du législateur à améliorer les outils de bonne
gouvernance d’entreprise dans l’espace Ohada et aussi promouvoir une sécurité juridique en
matière de validité de ces pactes116. Le législateur Ohada s’est vu plus ou moins obligé de
légiférer sur la validité de ces pactes car sa validité avait déjà été reconnue dans un Etat
membre cinq ans avant. Le législateur garantit aux associés la possibilité de conclure des
pactes d’actionnaires en vue notamment d’organiser les relations entre associés et la
composition des organes.
116
Art. 2-1 AUSC-R « Sous réserve du respect des dispositions du présent Acte uniforme auxquelles il ne peut
être dérogé et des clauses statutaires, les associés peuvent conclure des conventions extrastatutaires en vue
notamment d’organiser, selon les modalités qu’ils ont librement arrêtées : les relations entre associés ; La
composition des organes sociaux ; La conduite des affaires de la société ; l’accès au capital social ; la
transmission des titres sociaux. »
82
CONCLUSION GENERALE
La réflexion sur le thème de la protection des associés sans droit de vote dans les sociétés
anonymes en droit OHADA nous a permis dans un premier temps, de constater que l’associé
sans droit de vote n’est pas un associé sans droit, mais qu’il existe des irrégularités tant dans
les dispositions de l’acte uniforme que la pratique des sociétés commerciales à l’égard de
l’associé sans droit de vote. Dans un second temps, elle nous a permis de constater clairement
que la protection des droits sociaux de l’associé sans droit de vote est coulée dans le moule
des droits sociaux en général. Cette étude nous a permis de constater que le législateur
OHADA a la volonté de protéger les associés sans droit de vote en élaborant des mécanismes
auxquels l’utilisation par ces derniers permet de garantir les droits dans la société. Ainsi, en
droit OHADA, l’on remarque les rédacteurs de l’acte uniforme portant droit des sociétés
commerciales ont accordé aux associés sans droit de vote divers moyens leur permettant
d’œuvrer pour la bonne gestion des sociétés commerciales. Les minoritaires ne sont pas
dépourvus d’intérêts puisqu’ils ont la possibilité de contrôler l’action des dirigeants sociaux et
également celle des majoritaires. Plusieurs mécanismes permettent aux minoritaires d’agir et
d’interagir. Ce sont des véritables acteurs de la société commerciale car ils constituent les «
gendarmes » de la société. Les associés sans droit de vote représentent des forces vives de la
société par leurs pouvoirs de contrôle élargi. Cette protection accordée par les rédacteurs de
l’acte uniforme à l’associé sans droit de vote passe par le renforcement du principe de liberté
contractuelle, en reconnaissant l’égalité de traitement de tous les associés et en équilibrant la
gouvernance majoritaire en octroyant des droits spécifiques aux associés sans droit de vote. Il
peut s’agir de la minorité de blocage qui permet aux associés minoritaires de bloquer une
décision majoritaire en AG, la règle de l’unanimité qui redonnent une considération des
associés minoritaires vis-à-vis des majoritaires. Les législateurs ont le souci de faire participer
les associés sans droit de vote dans les décisions importantes à la survie de la société.
Toutefois, nous constatons aussi, que la protection des associés minoritaires souffre de
quelques insuffisances. Ces insuffisances sont de natures à fragiliser la protection des associés
minoritaires et même son pouvoir dans la société. Ces insuffisances sont constatées en droit
des sociétés et en droit OHADA. L’une des carences fragilisant les associés minoritaires en
droit OHADA serait celle de l’inefficacité du contrôle de gestion des dirigeants sociaux. Le
principe de quérabilité de l’information opté par le législateur OHADA est complètement
83
contraire à l’obligation d’information des minoritaires puisqu’il conditionne largement
l’efficacité, la rapidité et la qualité de la transmission de l’information. Ce principe constitue
une véritable entrave à l’accès à l’information sociale. L’une des principales limites de la
protection des associés minoritaires est la gouvernance par la loi de la majorité et la
subsidiarité des associés sans droit de vote. Nous pensons que la protection des associés
minoritaires est réelle dans les sociétés anonymes mais que dans certains domaines les
rédacteurs de l’acte uniforme font preuve d’inégalité de façon volontaire soit justifié par la
volonté des hommes politiques, soit par la pression des acteurs économiques puissants.
Puisqu’il est clair des deux côtés que les moyens d’actions ou que les garanties octroyées aux
associés sans droit de vote ne lui permettent pas véritablement de lutter efficacement les
mesures mises en œuvre sous l’impulsion des majoritaires. In fine, malgré le mimétisme du
droit OHADA, il existe des légères insuffisances. Il serait préférable pour le droit OHADA
de penser à une législation harmonisée du statut des associés sans droit dans toutes les formes
de sociétés commerciales sans distinguer les minoritaires des sociétés cotées qui bénéficient
des moyens de protection ultra renforcés et ceux des sociétés non cotées.
84
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n°1/2007, p. 38, Ohadata-J-08-72
89
TABLE DES MATIERES
Dédicace…………………………………………………………………………3
Remerciements…………………………………………………………………..4
Sigles et abréviations…………………………………………………………….5
Sommaire………………………………………………………………………...7
INTRODUCTION……………………………………………………………….8
90
Paragraphe2 : La faiblesse de l'alerte en droit OHADA……………………………………...32
Paragraphe1 : Le contrôle des associés sans droit de vote entravé par le secret des
affaires………………………………………………………………………………………...36
Paragraphe2 : La restriction du contrôle des associés sans droit de vote au respect de l'intérêt
Social………………………………………………………………………………………….39
Paragraphe1 : L'inefficacité des moyens judiciaire mis à disposition des associés sans droit de
vote contre l'action des dirigeants…………………………………………………………….44
Paragraphe2 : La difficulté d'établir la culpabilité des dirigeants sociaux par les associés sans
droit de vote…………………………………………………………………………………..49
91
DEUXIEME PARTIE : UN MECANISME DE PROTECTION PERFECTIBLE POUR
LES ASSOCIES SANS DROIT DE VOTE DANS LES SOCIETES ANONYMES DE
DROIT OHADA……………………………………………………………………………..54
92
Paragraphe1 : Favoriser la transparence dans la gouvernance………………………………71
Paragraphe2 : Alignement des intérêts des associés sans droit de vote avec ceux de la
société…………………………………………………………………………………………74
A- Favoriser une culture d’inclusion par la mise en place des mécanismes de création de
comité ou de groupe de travail………………………………………………………..77
B- Etablir des mécanismes de communication efficaces entre les associés par la mise en
place de plateformes en ligne ou des outils de collaboration…………………………78
CONCLUSION GENERALE………………………………………………………………...83
Bibliographie…………..……………………………………………………………………...85
93