Kafando Adama 2019
Kafando Adama 2019
Kafando Adama 2019
DOCTEUR DE
L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX
Sur le thème :
MEMBRES DU JURY :
i
ii
RESUME
iii
iv
DEDICACE
Á mon épouse,
Á mes enfants.
v
vi
REMERCIEMENTS
Merci aux collègues des États membres de l’UEMOA qui ont bien voulu m’aider
dans la collecte des informations et des textes juridiques ;
Merci à mes collègues du Burkina Faso qui ont bien voulu m’accorder un
entretien dans le cadre de cette étude.
Merci à mon épouse et aux enfants pour leur patience en acceptant mes
nombreuses absences.
vii
viii
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
I.Institutions juridictionnelles
ix
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
ONU Organisation des Nations unies
ONUDC Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime
OUA Organisation de l’unité africaine
UA Union africaine
UE Union Européenne
UEMOA Union économique et monétaire ouest – africaine
UMOA Union monétaire ouest africaine
x
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
RTDE Revue trimestrielle de droit européen
IV.Textes Juridiques
V. Abréviations générales
xii
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT ...................................................................................................... I
RESUME ................................................................................................................... III
DEDICACE ................................................................................................................. V
REMERCIEMENTS .................................................................................................. VII
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ............................................................ IX
SOMMAIRE ............................................................................................................. XIII
INTRODUCTION GÉNÉRALE.................................................................................... 1
PARTIE I : LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN
MATIÈRE DE BLANCHIMENT ................................................................................. 25
TITRE 1 : L’ÉLARGISSEMENT DE LA TERRITORIALITÉ EN FAVEUR DE
L’ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT ............................. 29
Chapitre 1 : La transmission des poursuites en matière de blanchiment ........... 33
Section 1 : L’évolution du mécanisme de la transmission des poursuites ...... 34
Section 2 : le régime juridique de la transmission des poursuites ................... 50
Chapitre 2 : l’exécution extraterritoriale des décisions pénales se rapportant au
blanchiment........................................................................................................ 73
Section 1 : L’assouplissement du principe de la territorialité des jugements
répressifs ........................................................................................................ 74
Section 2 : L’abandon du principe de la territorialité de la répression par la
consécration du principe de reconnaissance mutuelle ................................. 100
TITRE 2 : L’ASSOUPLISSEMENT DES MECANISMES TRADITIONNELS DE
L’EXTRADITION EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT. ......................................... 123
Chapitre 1 : L’allègement des conditions de fond de l’extradition en matière de
blanchiment...................................................................................................... 125
Section1 : L’allègement des conditions liées à la personne extradable ........ 125
Section 2 : L’allègement des conditions liées aux faits de blanchiment objet de
l’extradition.................................................................................................... 146
Chapitre 2 : L’admission d’une procédure simplifiée d’extradition en matière de
blanchiment...................................................................................................... 169
Section 1 : Les conditions de mise en œuvre de la procédure simplifiée
d’extradition .................................................................................................. 171
Section 2 : Les effets de la mise en œuvre de la procédure simplifiée ......... 189
PARTIE II : LES IMPERFECTIONS DE LA COOPERATION JUDICIARE EN
MATIERE DE BLANCHIMENT ............................................................................... 211
TITRE 1 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE PROCEDURAL DE LA
COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE DE BLANCHIMENT...................... 213
Chapitre 1 : L’adaptation nécessaire du mécanisme de fonctionnement des
commissions rogatoires internationales en matière de blanchiment ................ 215
xiii
Section 1 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre juridiques aux
CRI................................................................................................................ 216
Section 2 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre pratique à
l’exécution des CRI ....................................................................................... 239
Chapitre 2 : L’amélioration de la confiance mutuelle en matière de lutte contre
blanchiment des capitaux................................................................................. 261
Section1 : La nécessité d’une consécration aboutie du principe de
reconnaissance mutuelle des décisions répressives .................................... 261
Section 2 : La nécessité de l’élargissement du champ d’application du principe
de la reconnaissance mutuelle aux décisions pré-sentencielles ................... 271
TITRE 2 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE STRUCTUREL DE LA
COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT...................... 300
Chapitre 1 : Les acteurs non juridictionnels ..................................................... 302
Section 1 : La prise en considération des organismes supranationaux ........ 302
Section 2 : La création d’un organe intégré de centralisation de la coopération
judiciaire........................................................................................................ 320
Chapitre 2 : Les acteurs juridictionnels ............................................................ 353
Section 1 : Le renforcement des capacités intégratives de la Cour de justice de
l’UEMOA ............................................................................................................. 353
Section 2 : Le renforcement des capacités des juridictions nationales en faveur de
l’application effective et uniforme du droit communautaire. ................................. 373
CONCLUSION GENERALE ................................................................................... 395
ANNEXES .............................................................................................................. 399
ANNEXE 1 : LOI UNIFORME RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME DANS LES ETATS
MEMBRES DE L'UNION MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UMOA) ................... 400
ANNEXE 2 : CONVENTION D’EXTRADITION CEDEAO....................................... 417
ANNEXE 3 : CONVENTION DE LA CEDEAO RELATIVE À L’ENTRAIDE
JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE ...................................................................... 431
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 447
INDEX DE JURISPRUDENCE ............................................................................... 459
INDEX ALPHABETIQUE ........................................................................................ 469
TABLE DES MATIERES......................................................................................... 473
xiv
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 Avant-propos de Kofi A. Anan sur le texte de la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée et les protocoles s’y rapportant du 15 novembre 2000 [en ligne], [consulté la
dernière fois le 12 Août 2018], unodc.org.
2 Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite de Palerme, où elle
a été signée et adoptée à New York le 15 déc. 2000, JO L 261 du 6 Aoùt 2004, p. 70-115. RF 13 sept
2003.
1
Afin de justifier de ses revenus aussi suspects que gigantesques, ils ont eu l’idée
d’acquérir une chaine de laveries. L’argent liquide du trafic fût alors mélangé à celui
des ménagères et ainsi « blanchi », « lavé » de tout soupçon. En dehors de
l’expression italienne riciclaggio, qui insiste sur le réinvestissement de l’argent blanchi,
toutes les autres langues conservent l’idée de nettoyage pour désigner le
blanchiment : Money laundering aux États-Unis, Gelduwäsche en Allemagne,
Blanqueo en Espagne, lavado en Amérique du Sud et blanchissage en Suisse3. Selon
le dictionnaire Le Petit Robert, « le blanchiment est une opération qui consiste à donner
une existence légale à des fonds dont l’origine est frauduleuse ou illicite ». Monsieur
Jeffrey Robinson résume mieux le processus du blanchiment d’argent en expliquant
que « …c’est un tour de passe-passe capable de générer des fortunes (…). Force
vitale des trafiquants de drogues, des escrocs, des contrebandiers, des preneurs
d’otages, des marchands d’armes, des terroristes, des raquetteurs et autres fraudeurs
(…). Si le blanchiment est ainsi nommé, c’est parce que ce terme décrit parfaitement
le processus mis en œuvre : on fait subir à une certaine somme d’argent illégal, donc
″sale″, un cycle de transactions visant à le rendre légal, c'est-à-dire à le ″laver″. En
d’autres termes, il s’agit d’obscurcir l’origine de fonds obtenus illégalement à travers
une succession d’opérations financières, jusqu’au moment où ces fonds pourront
finalement réapparaitre sous forme de revenus légitimes »4. Sur le plan juridique, le
blanchiment se définit, selon la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes, ci-après désigné Convention de Vienne,
comme la « conversion ou le transfert de biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils
proviennent d’une infraction de trafic de stupéfiants ou d’une participation à une
commission dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou
d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’une de ces infractions
à s’échapper aux conséquences juridiques de ces actes ». Le blanchiment est aussi
la « dissimulation ou le déguisement de la nature ; de l’origine, de l’emplacement ; de
la disposition, du mouvement ou de la propriété réels des biens ou de droits y relatifs
dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’une infraction de trafics de stupéfiants ». La
Convention de Vienne limite ainsi l'infraction au trafic de stupéfiants en distinguant
deux catégories de comportements punissables.
3 VERNIER, E., Techniques de blanchiment et moyens de lutte, Dunod, 4e édition, 2017, p. 49.
4 JEFFREY R., Les blanchisseurs, éditions Presses de la Cité, septembre 1995.
2
La première catégorie vise la conversion ou le transfert d'un bien afin d'en cacher
l'origine illicite ou d'aider les auteurs de l'infraction antérieure à échapper aux
poursuites judiciaires ; la seconde, la dissimulation ou le déguisement de la nature d'un
bien ou de droits y afférents, ou encore la dissimulation de son origine, de son
emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réelle de ce bien.
Ces deux hypothèses sont reprises dans l’article 6.1, a de la Convention du Conseil
de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime du 08 novembre 1990, dite convention de Strasbourg5 et dans celle
de Palerme.
5 STE 141.
3
of it are long gone and the stone itself may be impossible to find. Thats’exactly what happens to
laundered money.6
La deuxième phase est celle de la conversion ou empilage. Elle consiste à faire
disparaitre la trace de l’origine de l’argent « sale » en le faisant circuler à travers de
nombreuses et complexes opérations financières et en brouillant la véritable identité
des opérateurs. Dans cette étape, les blanchisseurs multiplieront les conversions,
spécialement internationales, par transferts de fonds télégraphiques ou mieux
électroniques (comme le réseau SWIFT 7 ) qui, par leur multiplicité assurent
pratiquement l’anonymat. Ils utiliseront aussi méthodiquement une ou plusieurs
sociétés dites « d’interposition » et les centres dits « offshore » en jouant à la fois sur
le laxisme réglementaire, la confidentialité bancaire et le secret professionnel pour
cacher les identités des personnes en cause.
6 “C’est comme lorsque vous jetez un caillou dans une mare. Les éclaboussures produites permettent
de voir distinctement l’endroit où il a percuté la surface. Quand il commence à couler, l’eau nodule et,
pendant quelques instants, vous pouvez encore trouver l’impact de la pierre. Mais quand le caillou
s’enfonce plus profondément, les ridules s’estompent. Lorsque la pierre touche le fond, toute trace a
disparu à la surface et la pierre elle-même est impossible à trouver. C’est exactement ce qui se passe
avec le blanchiment. “ Cité par VERNIER E., Techniques de blanchiments et moyens de lutte, 4e éd.
Dunod, 2017, p. 52.
7 Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication ou compagnie de télécommunication
l’UEMOA que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le
Togo et le Sénégal auxquels s’ajoutent le Nigéria, le Ghana, la Sierra Leone, le Liberia, le Cap Vert, la
Guinée et Sao Tomé et Principe.
4
l’Ouest, publié en février 20189, les différentes infractions qui génèrent d’importants
revenus illicites aux criminels dans cette partie du continent sont le Trafic de drogue,
l’enlèvement contre rançon, la piraterie maritime, la cybercriminalité, le trafic de
migrants, la traite des personnes, le commerce illicite de biens « normalement licites »,
le trafic de médicaments contrefaits ou de qualité inférieure, la contrebande de tabacs,
le trafic illicite des armes à feu, la commercialisation de marchandises illicites
(véhicules automobiles et autres articles contrefaits ou de qualité inférieure),
l’extraction illicite de ressources naturelles, le détournement de pétrole, le
détournement des ressources extractives et les revenus dérivés, la pêche et
l’exploitation forestière illégale, le braconnage d’espèces sauvages, le déversement
de déchets toxiques, et le commerce illicite en produits chimiques dangereux dans la
couche d’ozone.
9 «Les économies criminelles et les flux financiers illicites en Afrique de l'Ouest », in Flux financiers
illicites : L'économie du commerce illicite en Afrique de l'Ouest, OECD Publishing, Paris, 2018, [en
ligne], [Consulté la dernière fois le 04 janvier 2018], https://doi.org/10.1787/9789264285095-7-fr.
10 Rapport sur le financement du terrorisme en Afrique de l’ouest, 2013 FATF/OECD, 2013 GIABA.
Est de Virginie. L'organisation de trafic de drogue de Joumaa transporte, distribue et vend des
expéditions de plusieurs tonnes de cocaïne sud-américaine en vrac qui passent par l'Afrique de l’Ouest.
Joumaa et son organisation opèrent au Liban, en Afrique de l’Ouest, au Panama et en Colombie, et
blanchissent le produit de leurs activités illicites, à hauteur de 200 millions de dollars par mois, par divers
moyens, y compris les opérations de contrebande massive d'espèces et des bureaux de change
libanais. L'organisation de Joumaa utilise, entre autres, les courriers du Hezbollah à [sic] transporter et
blanchir le produit de la vente de stupéfiants. L'organisation paie des frais au Hezbollah pour faciliter le
transport et le blanchiment du produit de la vente de stupéfiants », in Rapport sur le financement du
terrorisme en Afrique de l’ouest, 2013 FATF/OECD, 2013 GIABA, [en ligne], [Consulté la dernière fois
le 04 janvier 2018], disponible sur fatf-gafi.org.
5
du trafic d’armes et d’autres trafics représentent environ 1.5 pour cent du produit
intérieur brut (PIB) mondial. Dans l’ensemble, les revenus d’origine criminelle dans la
région ouest-africaine représenteraient 3,6 pour cent du PIB. Pour blanchir aisément
les fonds récoltés, les criminels ont créé dans certains États ouest - africains, des
sociétés - écrans ayant pour couverture l’import-export (de véhicules d’occasion
notamment), la pisciculture, la pêche 12 , le tourisme, la construction (l’immobilier)
donnant l’impression de véritables entrepreneurs aux autorités locales. Le cas ci-
dessous extrait du rapport du GIABA sur le financement du terrorisme précité est très
illustratif de l’existence des sociétés fictives en Afrique de l’Ouest. Monsieur M. est un
citoyen canadien d'origine somalienne résidant à Dakar. Il a créé une société
immobilière, la société A, en liaison avec monsieur D, un sénégalais. Un compte a été
ouvert au nom de la société A dans une banque au Sénégal. Peu de temps après, ce
compte a reçu un virement d'environ 106 000 USD d’un monsieur S., un somalien
établi aux États-Unis. Une institution financière basée à Dubaï a exécuté le transfert.
Se fondant sur les circonstances suspectes de la transaction, y compris le pays
d'origine des fonds, le manque d'informations adéquates pour documenter l'identité du
nouveau client, et la destination des fonds, la banque sénégalaise, APLHA, a déposé
une déclaration de soupçon (DS) auprès de la Cellule nationale de traitement des
informations financières (CENTIF) 13 qui est la Cellule de renseignement financière
(CRF) sénégalaise. Au cours de l'enquête ultérieure de la CRF, il a été révélé que la
société A n'avait pas de statut juridique au Sénégal, et qu’elle avait été créée
spécifiquement pour le blanchiment de fonds illicites grâce à la vente des
marchandises importées. Face à ces données, la lutte contre le blanchiment de
capitaux est devenue pour les Etats ouest-africains « …un axe majeur des politiques
de régulation financière… »14.
12 Selon un rapport de l’OCDE sur les flux illicites en Afrique, les pertes mondiales résultant de la pêche
illicite s’élevaient en 2012 entre 10 et 23.5 milliars de Dollars US par an soit entre 11 et 26 millions de
tonnes de poissons vendus.
13 Sur la création, la composition des CENTIF v. infra § 379 et 380.
14 CARPENTIER J.- B. , Directeur du Service TRACFIN, in préface du livre Blanchiment de capitaux et
Sur le plan financier, les blanchisseurs peuvent entamer la crédibilité des banques et
les établissements financiers, voire provoquer leur déstabilisation, et entrainer à la
longue des crises systémiques. C’est le cas lorsqu’un État décide de privatiser
certaines de ses entreprises nationales. Les criminels ayant les moyens financiers
suffisants se porteront acquéreurs si nécessaire en passant par la corruption. Et s’il
s’agit d’une banque, ils pourront y injecter de grosses sommes d’argent blanchies puis
les faire disparaître soudainement grâce à des virements télégraphiques motivés par
des facteurs qui n’ont rien à voir avec la situation économique du pays. Une situation
qui pourrait poser des problèmes de liquidité et des ruées sur les banques. Dans
l’ensemble, le blanchiment d’argent constitue un phénomène très préoccupant pour
les Etats du monde.
L’Office des Nations Unies contre le Crime et la Drogue, ci-après désigné ONUDC, a
indiqué, lors du lancement d’une nouvelle campagne de sensibilisation sur le coût et
l’ampleur de la criminalité transnationale organisée le 16 juillet 2012, que celle-ci
enregistre un chiffre d’affaires annuel de 870 milliards de dollars dans le monde, soit
1,5% du PIB mondial. Ce chiffre se décompose comme suit : 320 milliards de dollars
pour le trafic de drogue, 250 milliards de dollars pour la contrefaçon, 32 milliards de
dollars pour la traite des êtres humains, 170 à 320 millions de dollars pour le commerce
illicite d’armes à feu, 75 millions de dollars pour les atteintes à l’environnement et aux
trafics de l’ivoire provenant des défenses d’éléphant ou des cornes de rhinocéros. La
diversité de ses manifestations est la preuve qu’elle n’épargne aucune partie du
monde.
15 BEREGOVOY P., in préface du livre, La lutte contre le blanchiment de capitaux, rapport demandé
par les Chefs d'État lors du Sommet de l'Arche, dirigé par SAMUEL-LAJEUNESSE D., éd. La
Documentation française, 1990.
16 Le 20 décembre 1988 à vienne l’ONU adoptait une convention dite « convention de vienne » qui traite
recommandation relative aux dispositions contre le transfert et la dissimulation des fonds d’origine
illicite.
18 LEBAILLY B., « La répression du blanchiment des profits illicites dans l’ordre juridique international »
in, Le blanchiment des profits illicites, CUTAJAR C.(dir.) Presses universitaires de Strasbourg, 2000,
p.177.
9
ont adopté la convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et de
substances psychotropes du 20 décembre 1988, dite convention de Vienne 19 .
Complétant les précédentes conventions du 30 mars 1961 sur les stupéfiants 20 et du
21 février 1971 sur les substances psychotropes21, cette convention avait pour but de
combler les lacunes dans le dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants. L’un de
ces objectifs était de définir le blanchiment de capitaux provenant du trafic illicite des
stupéfiants et d’en organiser la répression. Même si à aucun moment la convention
n’emploie le mot blanchiment, elle a le mérite de fournir la première définition juridique
à travers son article 3. En effet, la Convention incrimine le blanchiment et le recel des
biens acquis ou détenus avec la connaissance de leur origine illicite. Elle vise toutes
les personnes ayant connaissance de l’origine frauduleuse des biens, c'est-à-dire les
trafiquants eux-mêmes, mais aussi tous les intermédiaires. En outre, elle est
considérée comme le premier instrument juridique international en matière de gel et
de confiscation des produits du crime22. À travers son article 5, elle s’est fixée comme
objectif de « priver ceux qui se livrent au trafic illicite du fruit de leurs activités
criminelles »23. Chaque État partie est invité dans cette disposition à prendre toutes
les mesures qui se révèlent nécessaires pour permettre la confiscation des produits
tirés d’infractions sur le trafic des stupéfiants ainsi que des mesures nécessaires pour
permettre à ses autorités compétentes d’identifier, de détecter et de geler ou saisir les
produits, les biens, les instruments ou toutes autres choses issues de l’infraction aux
législations sur les stupéfiants. Il convient de souligner que de 1982 à 1984, des
groupes d’experts avaient déjà envisagé l’idée d’introduire dans les conventions des
Nations Unies sur les stupéfiants de 1961 et sur les substances psychotropes de 1971
de nouvelles dispositions concernant notamment la saisie et la confiscation des profits
illicites provenant de la drogue24. Comme indiqué dans cette disposition, le champ
d’application de la convention de Vienne est limité au trafic de stupéfiants. L’adoption
19 Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du
20 décembre 1988, Nations Unies, collection des traités, [en ligne], www. Treaties.un.org, consulté la
dernière fois le 04.03.2019.
20 Convention unique sur les stupéfiants de 1961, Nations Unies, collection des traités, [en ligne],
1971, Nations Unies, collection des traités, [en ligne], [consulté la dernière fois le 04.03.2019].
www. Treaties.un.org, consulté la dernière fois le 04.03.2019.
22 MASSE. M., « L’évolution du droit en matière de gel et de confiscation », RSC, 2006, p. 15.
23 Préambule de la Convention de Vienne de 1988.
24 LABORDE, J-P., « État de droit et crime organisé », Dalloz, 2005, p. 124.
10
de plusieurs conventions postérieures s’est avérée nécessaire pour élargir les
infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux.
a été signée et adoptée à New York le 15 déc. 2000, JORF 13 sept 2003.
11
efficace pour lutter contre le blanchiment dans la mesure où elle ne prenait en compte
que les produits issus du trafic illicite des stupéfiants. Il était plus que nécessaire de
mettre en place un texte plus global ayant pour but de lutter contre la criminalité
organisée en général et de manière spécifique le blanchiment des capitaux issu de
toute infraction. Il était plus que nécessaire d’élaborer, dans le cadre des Nations
Unies, un texte « qui peut embrasser toutes les formes d’activités de crime organisé
dans ses aspects les plus sophistiqués »34. L’idée d’adopter une telle convention a
germé en 1984 lors de la conférence ministérielle mondiale sur la criminalité, à Naples,
mais ce n’est que le 15 novembre 2000 qu’elle a été adoptée par la 50 e session de
l’assemblée générale de l’ONU. A ce jour, cent quatre-dix Etats sont parties à la
Convention dont l’ensemble des Etats membres de l’UEMOA à l’exception de la Côte
d’Ivoire qui l’a signé, mais n’a pu la ratifier en raison certainement de la crise socio
politique qu’elle a connue durant la période concernée35. La convention des Nations
unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC) invite les États parties à
prendre « les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère
d’infraction » au blanchiment du produit issu de tout crime 36. Elle comble ainsi les
lacunes de la convention de Vienne de 1988 sur les stupéfiants et les substances
psychotropes en élargissant l’éventail des infractions sous-jacentes37.
Chaque État partie est en outre invité à adopter des mesures destinées à lutter contre
le blanchiment. Ces mesures qui prennent en compte les recommandations du GAFI
consistent pour chaque État partie à instituer un régime de contrôle et de
réglementation des banques et institutions financières ainsi que des autres entités
exposées au blanchiment d’argent. Cette mesure vise à détecter toutes formes de
blanchiment en exigeant l’identification des clients et la déclaration des opérations
suspectes auprès d’un service de renseignement financier chargé de collecter,
d’analyser et de diffuser les informations concernant d’éventuelles opérations de
blanchiment d’argent. Il est également fait obligation aux États parties de mettre en
œuvre des mesures permettant la détection et la surveillance du mouvement
34 LABORDE J.- P., « État de droit et crime organisé », Dalloz, 2005, p. 140.
35 . Information disponible sur le site de l’ONU. www.un.org/fr/law.
36 Article 6§1 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite de
Palerme, où elle a été signée et adoptée à New York le 15 déc. 2000, JORF 13 sept. 2003.
37 Ces infractions couvrent toutes les infractions graves, définies comme étant celles passibles d’une
peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans ou d’une peine plus
lourde, les infractions relatives à la participation à un groupe criminel organisé, à la corruption et à
l’entrave au bon fonctionnement de la justice, enfin les infractions liées à des groupes criminels
organisés. Article 6 § 2. a.
12
transfrontalier d’espèces et de titres négociables appropriés. Ordre peut être donné
aux particuliers et aux entreprises de signaler les transferts transfrontaliers de
quantités importantes d’espèces et de titre négociables appropriés. Les États parties
doivent s’efforcer de développer et de promouvoir la coopération internationale,
régionale et bilatérale entre les autorités judicaires, les services de détection et de
répression et les autorités de réglementation financière en vue de l’éradication du
phénomène du blanchiment. Enfin, la convention enjoint aux États parties d’établir la
responsabilité pénale des personnes morales toutes les fois qu’il sera prouvé qu’elles
participent à des infractions graves dont le blanchiment.
51 Traité modifié de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) du 29 janvier 2003, [en
ligne], [consulté pour la dernière fois le 23/11/2018], disponible sur http : www.uemoa.int.
52 Lire dans ce sens, IBRIGA L.M, « L’UEMOA, une nouvelle approche de l’intégration régionale en
Afrique de l’Ouest », Annuaire africain de droit international, vol. 6, 1998, pp. 23-64.
15
plan normatif, la CCEG adopte les traités et accords, les actes additionnels et les
protocoles, le Conseil des ministres édicte les règlements, les directives et les
décisions. Les règlements sont contraignants et directement applicables dans chaque
Etat membre ; les directives doivent être transposées dans le droit et la pratique des
États membres pour avoir force de loi ; les décisions sont contraignantes pour les
personnes ou États membres auxquels elles s’adressent.
53 L’article 4 du traité de l’UEMOA dispose que « sans préjudice des objectifs définis dans le traité de
l’UMOA, l’Union poursuit, dans les conditions établies par le présent traité, la réalisation des objectifs
ci-après : a) renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des États membres
dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et
harmonisé ; b) Assurer la convergence des performances et des politiques économiques des États
membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ; c) créer entre États membres
un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux
et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur
un tarif extérieur commun et une politique commerciale ; d) instituer une coordination des politiques
sectorielles nationales par la mise en œuvre d’actions communes notamment dans les domaines
suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, agriculture, énergie, industrie, mines,
transports, infrastructures et télécommunications ; e) Harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché commun, les législations des États membres et particulièrement le régime
de la fiscalité. ».
54 Article 3 du traité de l’UMOA.
16
des Etats membres. Elle identifie les domaines prioritaires dans lesquels,
conformément aux dispositions du présent Traité, un rapprochement des législations
des États membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union… ». L’article
34 55 du traité UMOA cite le blanchiment comme faisant partie des domaines
prioritaires mentionnés par l’article 60 précité. Ainsi, le conseil des ministres de
l’UEMOA a adopté la directive n°07/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relative
à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats membres 56 . Ce texte
communautaire de droit dérivé, invite les États membres de l’Union à édicter en
interne, dans un délai de six mois, les textes législatifs et réglementaires se rapportant
à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT).
Une nouvelle directive a été adoptée en 201557 afin d’intégrer les aspects liés à la lutte
contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive afin d’en faire
une loi commune à ces trois domaines. En application, de l’article 34 du traité de
l’UMOA, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a proposé pour
adoption, au conseil des ministres de l’UMOA, un projet de loi uniforme, ci-après
désigné Lu, portant lutte contre le blanchiment des capitaux. Ce projet de loi uniforme
a été adopté par décision nº 26/CM/UMOA du 02 juillet 2015 du Conseil des ministres
de l’UEMOA.
55 L’article 34 du traité de l’UMOA dispose que « les gouvernements des États membres de l’UEMOA
conviennent d’adopter une réglementation uniforme dont les dispositions sont arrêtées par le Conseil
des ministres, en vue de permettre la pleine application des principes définis ci- dessus. Cette
réglementation uniforme concerne notamment: - l’exécution et le contrôle de leurs relations financières
avec les États n’appartenant pas à l’UEMOA, - Les règles générales d’exercice de la profession
bancaire et financière ainsi que des activités s’y rattachant, - les systèmes de paiement, - la répression
du blanchiment de capitaux…».
56 Directive n°07/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relative à la lutte contre le blanchiment de
et le financement du terrorisme dans les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA).
58 La directive lie les États membres quant au résultat à atteindre mais leur laisse le choix de la forme
et des moyens à adopter. Il leur appartient d’adapter leur droit national. Les règlements ont une portée
générale, ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout État
membre, les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu’elles
désignent, les recommandations et les avis n’ont pas de force exécutoire (Article 43 du traité modifié de
l’UEMOA en date du 29 janvier 2003).
17
d’un texte qui à l’instar des lois-types permet aux législateurs nationaux d’adopter des
textes juridiques qui répondent aux standards internationaux et conservent une
certaine uniformité. L’intitulé, projet de « loi uniforme », est la preuve qu’il ne s’agit pas
d’une loi définitive et la Lu ne devient de ce fait obligatoire pour un EÉtat que si elle
est adoptée par le parlement de cet État. Conformément à l’article 60 du traité de
l’UMOA précité, la pratique des lois uniformes a été généralisée au sein de l’UEMOA.
Ainsi des matières comme la réglementation bancaire, les instruments de paiement,
la répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et d’autres
instruments et procédés électroniques de paiement 59 sont concernées par les Lu.
Cette pratique de Lu permet d’obtenir une loi identique sur les matières concernées
dans tous les Etats membres de l’UMOA. Cependant, certains États ont des pratiques
tendant à remettre en cause le contenu des lois uniformes faussant ainsi leur caractère
uniforme. Il en est ainsi au Sénégal où la CENTIF a relevé dans son rapport 2010 que
sept dossiers transmis au parquet ont fait l’objet d’un classement sans suite en
méconnaissance des dispositions de l’article 29 de la loi uniforme sur le blanchiment60.
De même, l’État Sénégalais a entrepris la modification du décret nº 2007-545 du 25
avril 2007 portant code des marchés publics61, adopté en application d’une directive
communautaire. La modification opérée a pour effet de soustraire la présidence de la
République et les ministères dits de souveraineté du champ d’application du décret.
Cette réforme a été qualifiée par les intervenants du secteur des marchés publics ainsi
que par des organisations de la société civile de violation flagrante du droit
communautaire. Afin d’éviter la violation de la Lu sur le blanchiment ou sa non-
transposition par les Etats membres, le Conseil des ministres de l’UEMOA a procédé
à son adoption par le biais d’une décision. Celle-ci prévoit en son article 2 que « dans
un délai de six mois à compter de la date de la présente décision, les États membres
de l’Union Monétaire Ouest Africaine prennent les dispositions nécessaires en vue de
l’insertion de la loi uniforme visée à l’article premier dans leur ordre juridique interne ».
En procédant ainsi, les Etats membres de l’UEMOA confèrent à la Lu un caractère
59 Loi uniforme relative à la répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et
d’autres instruments et procédés électroniques de paiement.
60V. rapport d’activités annuel 2010, [en ligne], [consulté pour la dernière fois le 20/07/2019], disponible
pp. 2901-2938.
18
communautaire avec tous les effets juridiques d’une norme communautaire,
notamment l’invocabilité62 et la primauté.
62 L’invocabilité des décisions adressées aux États est conditionnée par le caractère précis, clair
et inconditionnel des dispositions concernées : CJCE, 12 décembre 1990, Keffer et Procacci c/État
français, Aff. C-100 et 101/89, REC, p.I-4647. La décision portant adoption de la Lu revêt ce caractère
précis clair et inconditionnel des articles qui composent la Lu annexée à la décision.
63 JORCI n° 8 du 26/01/2017.
64 JORM n° spécial n° 1 du 01/06/2016.
65 JORN n° 08 du 22 mars 2017.
66 JORT n° 07 du 4/05/2018.
67 Sur les notions de coopération judiciaire, d’entraide judiciaire et leurs implications en droit pénal
international, se référer aux ouvrages suivants ; DONNEDIEU DE VABRES H., Les Principes modernes
du droit pénal international, Recueil Sirey, 1928 p. 220 et ss. ; LOMBOIS C., Droit pénal international,
2e édition, Dalloz, 1979 p.535 et ss. ; WEYEMBERGH A., L’harmonisation des législations : condition
de l’espace pénal européen et révélateur de ses tensions, éd. de l’Université de Bruxelles, 2004, § 3 et
ss ; HUET A., KOERING-JOULIN R., Droit pénal international, PUF, septembre 2005 § 137 ; BARBE
E., L’espace judiciaire européen, éd. La documentation française, Paris, 2007, pp. 111 et ss. ; PRADEL
J., Droit pénal comparé, 4e édition, Dalloz, 2016 ; PRADEL J., CORTENS G., VERMEULEN G., Droit
pénal européen, Dalloz, 3e édition, 2009 ; ZIMMERMANN R., La coopération judiciaire internationale en
matière pénale, 3e édition, Berne, Bruxelles, 2009, pp. 5 et ss. ; MOREILLON L., WILLI-JAYET A., La
coopération judiciaire pénale dans l’Union européenne, éditions Helbing et Lichtenhahn,
Bruylant/L.G.D.J. paris, 2005 pp. 176 ss. ; BOT S., Le mandat d’arrêt européen, Editions Larcier, 2009 ;
REBUT D., Droit pénal international, 2e édition, Dalloz, Paris, 2015.
19
pénale 68 . Souvent appelée coopération opérationnelle 69 , elle se distingue de la
coopération non opérationnelle qui est une forme d’entraide entre les autorités de
police des différents États pour les investigations préliminaires se caractérisant par les
échanges d’informations.
68 MOREILLON L., WILLI-JAYET A., La coopération judiciaire pénale dans l’Union européenne, op. cit.
p. 176.
69 GOUROUZA M., Z., Le traitement de la criminalité économique et financière dans l’espace UEMOA :
étude comparative avec le dispositif de l’Union européenne, thèse de doctorat, Université de Toulouse,
p 198.
70 REBUT D., Droit pénal international, 2e édition, DALLOZ, 2014 p. 135.
71 Elle peut être définie comme la procédure par laquelle un État, appelé État requis, accepte de livrer
une personne qui se trouve sur son territoire à un autre État, appelé État requérant, lequel la réclame
pour la juger pour la commission d’un crime ou d’un délit ou pour lui faire exécuter une peine prononcée
pour la commission d’un crime ou d’un délit.
72 WEYEMBERGH A., L’harmonisation des législations : condition de l’espace pénal européen et
74 Le mandat d’arrêt est réglementé par une Décision-cadre du Conseil européen du 13 juin 2002
relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres. En France, c’est
l’article 17 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui
a transposé cette décision-cadre. Il se définit comme une décision judicaire émise par une autorité d’un
État membre de l’Union européenne, adressée à l’autorité judiciaire d’un autre État membre, tendant à
l’arrestation et à la remise d’une personne recherchée, objet de poursuite, d’une condamnation pénale
ou d’une mesure de sureté privative de liberté.
75 V. infra § 420 et svts.
22
24. L’apport de la Lu à la coopération judiciaire classique. La Lu assouplit
les conditions de l’entraide judicaire et de l’extradition afin d’obtenir plus d’efficacité
dans la répression du blanchiment d’argent, qui a pour caractéristique d’être
transnationale. Ainsi, l’UEMOA a adopté la même approche que l’Union européenne
en vue de rendre plus efficace la coopération judiciaire en matière de lutte contre le
blanchiment des capitaux. Elle a opté pour l’approche fondée sur l’harmonisation des
législations nationales et la reconnaissance mutuelle des décisions dans le cadre de
la lutte contre l’infraction de blanchiment en se fondant sur les dispositions des articles
34 du traité de l’UMOA et 60 du traité modifié de l’UEMOA précités. Ainsi,
l’harmonisation concerne les législations nationales en matière d’incrimination et de
sanctions de l’infraction de blanchiment76, la procédure pénale à travers la compétence
des juridictions des États membres qui se trouve élargie à l’ensemble de l’espace
UEMOA77. En la matière, une sorte de compétence universelle est accordée à chaque
État membre qui se voit obligé d’engager des poursuites contre toute personne auteur
d’infraction de blanchiment même si un national n’est pas concerné et même si
l’infraction a été commise hors de son territoire. En ce qui concerne la reconnaissance
mutuelle, elle apparaît dans la directive n° 07/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002
relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux à travers l’article 6578. Le but de
l’ensemble de ces mesures est de prévenir les conflits de compétences entre les Etats
membres, accélérer la coopération internationale et la rendre plus efficace, faciliter
l’extradition, assurer la compatibilité des règles applicables dans les États membres
de l’UEMOA. Contrairement à la reconnaissance mutuelle au sein de l’Union
européenne, celle qui existe dans l’espace UEMOA a une portée très limitée, car ne
concernant que les décisions de confiscation. Cela constitue une faiblesse dans le
dispositif normatif de la coopération judiciaire dans l’Union.
76 Article 7 de la Lu.
77 Article 46 de la Lu.
78 L’article 67 de la Lu dispose que « dans la mesure compatible avec la législation en vigueur, l’autorité
compétente donne effet à toute décision de justice définitive de saisie ou de confiscation des produits
des infractions visées dans la présente loi émanant d’une juridiction d’un État membre de l’UEMOA…».
23
d’interêt. Cette étude se propose un double objectif : d’une part, tenter de mesurer et
d’évaluer l’efficacité du dispositif de coopération judiciaire existant au sein de
l’UEMOA, d’autre part, en s’appuyant sur l’exemple de la coopération judiciaire entre
les Etats membres de l’Union Européenne, montrer comment ce dispositif peut être
amélioré pour plus d’efficacité dans la lutte contre le blanchiment des capitaux. Cette
perspective exige au préalable qu’on se penche sur une série d’interrogations dont les
principales se résument comme suit : que renferme la notion de coopération judicaire
internationale et quel en est l’état des lieux au sein de l’UEMOA ? Comment se conçoit-
elle dans cet espace communautaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment
des capitaux ? Dans quelle mesure la coopération judiciaire tel qu’elle existe et se
pratique entre les États membres de l’Union européenne pourrait-elle servir d’exemple
à ceux de l’UEMOA ?
26. Méthodologie. Le premier axe de recherche sur le sujet est orienté sur la
nécessité pour les États membres de l’UEMOA d’avoir au sein de leur espace
commun, du point de vue normatif, des instruments juridiques de coopération judiciaire
solide afin de faire face au phénomène du blanchiment. Notre approche sera à la fois
descriptive et analytique du dispositif juridique en vigueur au sein de l’espace UEMOA
dans le domaine de la coopération judiciaire. Il s’agira de faire l’état des lieux de la
coopération judiciaire telle qu’elle existe au sein des États membres tout en mettant
en exergue l’impact qu’elle peut avoir sur la lutte contre le blanchiment. Le deuxième
axe de recherche porte sur les solutions envisageables pour parvenir à un niveau de
coopération judiciaire plus efficace. A cet effet, il sera fait appel au dispositif existant
au sein de l’UE (qui poursuit les mêmes objectifs que l’UEMOA) comme modèle
d’inspiration.
27. Plan du sujet. Il ressort des éléments d’analyse ci-dessus que les États
membres de l’UEMOA ont pris des dispositions tendant au renforcement de la
coopération judiciaire en matière de blanchiment (Partie 1). Nonobstant les efforts
entrepris, il subsiste dans le dispositif de lutte contre le blanchiment des imperfections
dans la coopération judiciaire en matière de blanchiment (Partie 2).
24
PARTIE I : LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN
MATIÈRE DE BLANCHIMENT
79États-Unis d’Amérique c. Cotroni à consulter sur le site de lexum (principale source publique des
décisions de la Cour suprême du Canada) ; https://scc.csc.lexum.com consulté pour la dernière fois le
14/01/2015.
25
Dans cette entreprise d’élaboration des normes, plusieurs textes internationaux ont
été adoptés pour lutter contre le blanchiment d’argent. Il existe ainsi des traités
internationaux, des directives communautaires et des recommandations d’organismes
internationaux. Les principaux textes internationaux portant sur le blanchiment sont la
Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes signé à Vienne le 20 décembre 198880, la Convention du Conseil de
l’Europe du 08 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à
la confiscation des produits du crime81, la Convention relative à l’entraide judiciaire en
matière pénale entre les États membres de l’Union européenne du 29 mai 200082, la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dite
Convention de Palerme du 15 novembre 200083 ainsi que les trois protocoles qui s’y
rapportant84, la Convention des Nations Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption,
dite Convention de Mérida 85 . Pour le droit communautaire de l’UE, les principaux
textes sont la Décision - cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment
d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des
instruments et des produits du crime86, le Protocole à la Convention relative à l’entraide
judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne87. Dans
l’espace CEDEAO, les principaux textes juridiques sont le mécanisme de prévention,
de gestion, de résolution des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la
CEDEAO, adopté le 10 décembre 1999 à Lomé au Togo88 et le cadre de prévention
des conflits de la CEDEAO (2008). Au titre des recommandations, il convient de
80 RGDIP, 1989, nº 3, p. 720. Pour une analyse de la Convention voir AUBERT B., MASSE M., «
Stupéfiants », Répertoire de droit international, 2005, actualisé en février 2018.
81 RGDIP, 1991, p. 782.
82 JOCE, 2000/C197/01 du 12/07/2000.
83 JORF, 13 septembre 2003. Pour une analyse de la convention voir AUBERT B., MASSE M., Idem.
84 Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et
des enfants ; le Protocole contre le traffic illicite de migrants par terre, air et mer ; le Protocole contre la
fabrication et le traffic illicite d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions.
85 JORF, 6 septembre 2006. Pour une brève analyse de la Convention voir RUEDA I., note sous Loi nº
2005-104 du 11 février 2005 autorisant la ratification de la Convention pénale sur la corruption, Revue
de Jurisprudence Commmerciale (RJC), 1, Page(s) 40-41. 2007.
86 Décision-cadre du Conseil 2001/500/JAI du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent
de l'Union européenne, établi par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne,
JOUE n° 326 du 21/11/2001 p. 0002-0008.
88 L’article 49 du mécanisme est intitulé lutte contre le blanchiment d’argent et dispose que « Le
secrétariat exécutif de la CEDEAO et les États membres adoptent des strategies pour combattre le
blanchiment d’argent en élargissant la définition de ce crime. Ils aident à confisquer les produits du
blanchiment et les fonds illicites, et à atténuer la rigueur des lois sur le secret bancaire, au sein et à
l’extérieur de la sous région ».
26
mentionner les quarante recommandations du GAFI. Elles sont considérées comme «
un élément essentiel de la mise en œuvre des mesures pratiques de lutte contre le
blanchiment et le financement du terrorisme »89.
30. La coopération judiciaire, une obligation pour les États. Quelles que
soient leurs origines, l’ensemble des textes suscités fait de la coopération judiciaire
une obligation 90 . Dans l’espace ouest-africain, le mécanisme de prévention, de
gestion, de résolution des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la
CEDEAO réaffirme en son article 46, l’obligation de coopération judiciaire dans le
domaine du blanchiment.91. Dans l’espace UEMOA, le législateur communautaire ne
s’est pas soustrait à cette obligation. S’inscrivant dans le processus de dépassement92
des frontières entamé sous les auspices de la CEDEAO 93 , il a consacré une
territorialité qui va au delà des frontières physiques94 de l’Union, qui dépasse celle des
États dans le domaine pénal, notamment dans la lutte contre le blanchiment95. Á ce
propos, les textes juridiques en la matière que sont la directive anti-blanchiment et la
Lu ont une portée extraterritoriale et consacrent l’étendue de la compétence ratione
loci des juridictions pénales.
L’extraterritorialité n’est pas présente dans les conventions du conseil de l’Europe, les
directives CE, le protocole UE et les conventions des Nations Unies. Dans les textes
européens, il est seulement stipulé que les États doivent incriminer ce type de fait sans
autres précisions quant à la compétence rationae loci, ce qui signifie que chaque État
doit se référer à sa loi nationale pour ce qui est de la compétence extraterritoriale.
89 Le Groupe d’action financière internationale (GAFI) ou en anglais Financial Action Task Force (FATF)
créé par les Etats membres du G7.
90 Pour en savoir davantage sur le contexte dans lequel toutes ces conditions ont été élaborées, lire
« Aperçu des conventions des Nations Unies et des normes internationales en matière de législation
contre le blanchiment de l’argent », Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Groupe de la
lutte contre le blanchiment d’argent/Programme mondial contre le blanchiment de l’argent, Vienne,
février 2004 consultable sur www.imolin.org.
91 L’article 46 du mécanisme de prévention, de gestion, de résolution des conflits, de maintien de la paix
et de la sécurité de la CEDEAO dispose que « les États membre créeront au sein de leurs ministères
chargés de la justice, de la défense et de la sécurité des services spécialisés dotés de personnel qualifié
et d’équipements de communication pour assurer la coordination et la centralisation des questions de
coopération, notamment l’assistance mutuelle en matière pénale et les demandes d’extradition’’.
92 Lire dans le même sens, GOURDON S., L’entraide répressive entre les États de l’Union européenne,
comme l’acte unique européen (1986) dans le contexte de l’Union européenne, le traité de la CEDEAO
a pour objectif de parvenir à la libre circulation des personnes par la disparition des contrôles techniques
et physiques aux frontières, (Article 3. 2. d-iii). En rappel, les États membres de l’UEMOA sont tous
membres de la CEDEAO, l’espace UEMOA se retrouve donc à l’intérieur de l’espace CEDEAO.
94 Lire dans ce sens GOURDON (S.), op.cit, p.198.
95 Lire à ce sujet DAVID E., Eléments de droit pénal international et européen, ed. Bruylant, 2009.
27
Dans les conventions des Nations Unies, l’obligation de poursuivre les auteurs d’une
infraction de blanchiment est limitée aux cas où l’infraction a été commise soit : - sur
le territoire de l’Etat partie96 ; - à bord d’un navire ou d’un aéronef immatriculé dans cet
Etat97 ; - par un national de cet État et que celui-ci refuse de l’extrader98. Cette attitude
du législateur communautaire UEMOA consistant à l’élargissement de la territorialité
(Titre 1) dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent vise à faciliter
l’entraide judiciaire. En matière d’extradition, le droit communautaire applicable dans
l’espace UEMOA prévoit l’assouplissement de ses conditions (Titre 2).
28
TITRE 1 : L’ÉLARGISSEMENT DE LA TERRITORIALITÉ EN FAVEUR DE
L’ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT
99 Lire à ce propos HUET A., KOERING-JOULIN R., Droit pénal international, PUF, septembre 2005, §
137 ; LOMBOIS C., Droit pénal international, § 293 ss.
100 V. infra § 167.
101 LUDWICZAK M., La délégation internationale de la compétence pénale, § 109.
102 SWART in Cassese, Delmas-Marty M., p. 575 cité par LUDWICZAK (M.) dans délégation
LOMBOIS C., Droit pénal international, op. cit. § 316 ss. Ce critère est reconnu par les États membres
de l’UEMOA qui y font recours notamment dans les infractions liées à la monnaie commune et en cas
d’atteinte à la sureté de l’État.
104 Voir HUET A. / KOERING-JOULIN R., Droit pénal international, op. cit., § 139.
105 Lire sur ce principe, TEZCAN D., Territorialité et conflits de juridictions en droit pénal international,
Ankara, 1963 ; DONNEDIEU DE VABRES H., Les principes modernes du Droit pénal international, op.
p.11 et ss.
29
32. Le caractère nécessaire et suffisant du principe de la territorialité . Le
critère de la territorialité ou principe de la territorialité 106 est qualifié de « critère de
base » ou de compétence principale par certains auteurs107. Il conduit à appliquer la
loi pénale de l’État à toutes les infractions commises sur son territoire sans condition.
Le seul critère attributif de compétence retenu est le lieu de commission de l’infraction
sans égard à la nature de l’intérêt lésé ni à la nationalité du coupable ou de la victime.
Le domicile ou la résidence habituelle de ceux-ci ou encore le lieu d’arrestation
ultérieur de participants importent peu108. À titre de droit comparé, en France, cette
conception du principe de la territorialité tire son origine des dispositions du Code pénal
notamment de l’article 113-2109. Elle a été reprise par la jurisprudence française à
travers quelques décisions de la Cour de cassation110. Dans le Code de procédure
pénale des États membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine
(UEMOA), largement inspiré du code de procédure pénale français de 1958111, les
règles en matière de compétence territoriale figurent dans un titre intitulé « des crimes
et délits commis à l’étranger »112 qu’on retrouve dans le livre IV intitulé de quelques
procédures particulières. Ces dispositions renvoient aux critères de la territorialité tout
territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors
qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ».
110 Elle souligne de manière implicite que la loi française, étant d’application territoriale, s’applique à
toute infraction commise sur le territoire national, même par un étranger non résident en France, Cass.
crim. 29 mars 2000, n° 97-80.916. Elle ajoute « qu’il est indifférent que l’infraction soit ou non réprimée
dans la législation pénale de l’État d’origine de son auteur », Cass. crim. 1er mars 2000, n° 98-86. 353:
Bull. crim. 2000, n° 101; Rev. sc. crim. 2000, p. 814, obs. Bouloc B. Á partir de ces décisions, l’on peut
retenir que la localisation d’un fait délictuel, à l’intérieur de la République constitue donc la condition
nécessaire et suffisante à l’exercice de la répression par les juridictions françaises.
111 Ces codes sont toujours en vigueur dans les États membres de l’UEMOA. Il s’agit de l’Ordonnance
n° 68-7 du 21 février 1968, portant institution d’un CPP pour le Burkina Faso, de la loi n° 60-366 du 14
novembre 1960 portant CPP pour la République de Côte d’Ivoire, de la loi de base n° 65-61 du 21 juillet
1965 portant CPP pour la République sénégalaise, etc. Certains États comme le Burkina Faso ont
procédé à la réecriture de leur code de procédure pénale (Loi nº040-2019/AN du 29 mai 2019 portant
CPP, JO) tout en conservant les grands principes de la procédure pénale.
112 C’est le titre X dans le CPP ivoirien, titre VI du CPP, titre XII du livre IV du CPP sénégalais pour ne
113 Sur la notion de compétence extraterritoriale, voir DAVID E., Eléments de droit pénal international et
européen, éd. Bruylant, 2009, pp. 169 à 355.
114 LUDWICZAK M., La délégation internationale de la compétence pénale op.cit. p.65.
115 Article 65 de la Lu.
116 La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes
de 1988 en son article 5.4.a- ii, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée en son article 13.1.b, de la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 en
ses articles 54 et 55.
31
32
Chapitre 1 : La transmission des poursuites en matière de blanchiment
117 ALT-MAES F., « La délégation de compétence dans les conventions européennes », Mélanges
offerts à Georges Levasseur, droit pénal droit européen, Gazette du Palais, édition Litec, 1992. pp. 373
à 392.
118 Infra § 51.
119 ALT-MAES F., idem.
33
délégation « comme l’abandon définitif et volontaire fait par un État requérant d’un des
attributs de son pouvoir souverain de juger à un État requis ». Partant de ces deux
conceptions elle aboutit à la conclusion que « si l’entraide se définit comme la
collaboration à un processus pénal qui se déroule dans l’État requérant, la délégation
présente un double aspect, c’est à la fois l’abandon par l’État requérant du processus
entamé et sa reprise volontairement acceptée par l’État requis ». Aussi, il nous semble
nécessaire d’approfondir les recherches sur le contenu de la transmission des
poursuites à travers son évolution (section 1) et son régime juridique (section 2).
120De même, la Convention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
prévoit la dénonciation des poursuites pour les États qui refusent d’extrader leurs nationaux, article 10
§ 2.
121 Loi citée par F. Hélie, in rapport sous Cass.crim., 22 mars 1862, S. 1862. 1.541, spéc. 543.
122 V. P. Fiore, Traité de droit pénal international et de l’extradition, T. I, Pedone, 1880, spéc. n° 69.
123 AUBERT B., « Entraide judiciaire (matière pénale) », Répertoire de droit international, Janvier 2005.
34
relever de l’entraide judiciaire. Elle estime « qu’il n’y a entraide judiciaire véritable que
lorsque l’Etat requis, ne possédant initialement aucune compétence pour intervenir,
procède aux poursuites en lieu et place de l’État requérant »124. Mais cet avis ne
résiste pas à l’analyse dans la mesure où il donne à notre sens une définition de la
délégation de compétence dans le cadre d’une transmission de poursuite et non une
dénonciation aux fins de poursuite qui nécessite une coopération judiciaire entre l’État
qui dénonce une infraction et l’État requis dès que celui-ci accepte de faire droit à la
demande de poursuite. La dénonciation des poursuites est prévue par les dispositions
nationales des États membres de l’Union en ce qui concerne les infractions commises
hors du territoire national contre les particuliers. Elle est également prévue par les
conventions internationales de coopération judiciaire à travers le principe « aut dedere,
aut judicare » (A). Elle est soumise à un régime juridique bien défini (B).
124 THOMAS F., « Les conventions européennes d’entraide judiciaire en matière pénale – possibilités
et limites », in Revue de droit pénal et de criminologie, 1978, n°5, p. 477.
125 Le droit luxembourgeois (article 5 al 2 du Code d’instruction criminelle luxembourgeois du 17
novembre 1808 consulté au 16 décembre 2014), le droit belge (article 7 § 2 du code d’instruction
criminelle belge), le droit français (article 113-8 du code pénal français).
126 L’État membre qui le souhaite peut y avoir recours dans le cadre d’une affaire de blanchiment
35
l’initiative du ministère public pour éviter que l’action de la victime fondée sur un fait
sans gravité devienne l’instrument d’une vengeance particulière128.
Les textes concernés sont l’article 555 du code de procédure pénale du Bénin, l’article
672 du code de procédure pénale du Burkina Faso, l’article 660 du code de procédure
pénale de Côte d’Ivoire qui disposent en des termes identiques qu’ « en cas de délit
commis contre un particulier, la poursuite ne peut être intentée qu’à la requête du
ministère public, elle doit être précédée d’une plainte de la partie offensée ou d’une
dénonciation officielle de l’autorité burkinabè (ou béninoise) par l’autorité du pays où
le fait a été commis ».
128 DONNEDIEU DE VABRES H., Les principes modernes du droit pénal international, Recueil Sirey,
1928, p.72.
129 FOUMDJEM C., Blanchiment de capitaux et Fraude fiscale, l’harmattan, 2011, p. 366.
130 DELMAS-MARTY M., Criminalité économique et atteinte à la dignité de la personne, vol 1 Europe,
ed. de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1997, p.43 cité par FOUMDJEM C., op cit.
131 Ainsi un togolais qui commet une infraction de blanchiment au Sénégal et qui trouve refuge dans son
pays d’origine pourra être poursuivi par les autorités judiciaires togolaises pour blanchiment si l’État du
Sénégal procède à une dénonciation officielle de poursuite.
132 Malgré l’absence de statistiques sur cette donne, nous pouvons dire que dans la majorité des
133 En dehors de cette convention de la CEDEAO, on peut mentionner également plusieurs textes
internationaux applicables dans l’espace UEMOA. Il s’agit de la Convention relative au trafic de
stupéfiants du 19 septembre 1988 et celle contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre
2000.
134 Ce principe a été forgé afin d’imposer aux États l’obligation de poursuivre ou d’extrader.
Etymologiquement, l’expression aut dedere aut judicare prend sa source dans le verbe « judicare » qui
implique de « dire le droit, porter un jugement définitif » et du verbe « dedere » qui signifie « mettre à la
disposition, remettre, livrer ».
Pour la doctrine, « l’expression “aut dedere aut judicare” est l’adaptation moderne d’une expression
utilisée par Grotius : “aut dedere aut punire” (extrader ou punir) ». Aux fins de son application actuelle,
une expression moins catégorique pour le second terme de l’alternative (poursuivre/judicare au lieu de
punir/punire) a été préférée. En effet, l’expression moderne est moins catégorique, en ce sens qu’elle
admet que l’auteur présumé d’une infraction peut ne pas être déclaré coupable car considéré comme «
suspect » et non comme « coupable ». Cette expression tranche avec la vision restrictive du principe
prôné par GROTIUS qui impliquait que l’individu soit directement sanctionné et non jugé, sans avoir
l’opportunité de faire entendre sa voix dans l’État sur le territoire duquel il se trouvait appréhendé. Ce
qui aujourd’hui à l’heure du contradictoire et du procès équitable semble tout à fait récusable.
Etroitement liée au droit de l’extradition, l’expression « extrader ou poursuivre » est communément
utilisée pour désigner l’obligation alternative à l’égard de l’auteur présumé d’une violation, « qui est
énoncée dans un certain nombre de traités multilatéraux visant à assurer la coopération internationale
aux fins de la répression de certains types de comportement criminel ». Un État qui ne souhaite pas
extrader l’auteur d’une infraction pour quelques raisons devra le poursuivre et une dénonciation de
poursuite pourrait y concourir.
37
L’État requis fait connaitre la suite donnée à cette dénonciation et transmet, s’il y a
lieu, copie de la décision intervenue ». Qu’elle soit prévue par les législations
nationales ou par les conventions internationales, la dénonciation aux fins de
poursuites obéit pratiquement aux mêmes conditions et produit les mêmes effets.
43. Les conditions de la dénonciation aux fins de poursuite. Pour ce qui est
des conditions, elles se rapportent à la double incrimination, à la règle non bis in idem,
à la forme que doit revêtir la demande de poursuite et au mode de transmission.
45. Le principe non bis in idem. En ce qui concerne le principe non bis in idem,
elle est une condition nécessaire de la dénonciation aux fins de poursuite dans les
ordres juridiques internes s’y rapportant136. Ce principe est également consacré dans
la Lu137, dans les conventions universelles se rapportant au blanchiment et dans le
pacte international des Nations Unies relatifs aux droits civils et politiques 138 à l’article
14 § 7 aux termes duquel « nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction
pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif
conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ». De toute évidence,
tendre à son respect peut contribuer à une sécurité juridique dans la mesure où la
pluralité des poursuites est préjudiciable aux droits et intérêts des personnes. En outre,
il y a le risque que les procédures fassent double-emploi avec l’inconvénient de devoir
citer à comparaitre ou convoquer en vue de leur audition devant les juridictions de
plusieurs pays les personnes mises en cause dans une procédure pénale ainsi que
les victimes et les témoins. Il faut cependant relever que cette règle n’a pas en toute
circonstance et en tout lieu un caractère absolu car elle peut s’effacer devant la
compétence territoriale. La jurisprudence française est assez éloquente à sujet139.
135 Cette attitude des États membres de l’UEMOA est conforme à la recommandation 37 al.2 du GAFI
qui stipule que « lorsque la double incrimination est exigée pour l’entraide judiciaire, cette obligation
devrait être considérée comme remplie, que les deux pays classent ou non l’infraction dans la même
catégorie d’infractions ou qu’ils utilisent ou non la même terminologie pour la désigner, dès lors que les
deux pays incriminent l’acte qui est à la base de l’infraction ».
136 A titre d’illustration, l’on peut citer les dispositions du CPP du Bénin, notamment son article 556 qui
correspond à l’article 673 du code du CPP du Burkina Faso et qui dispose qu’« … aucune poursuite n’a
lieu si l’inculpé justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger et, en cas de condamnation, qu’il a subi
ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce ».
137 On retrouve ce principe à l’article 48 de la Lu à propos de la transmission des poursuites. Il est
libellée comme suit : « l’autorité judiciaire compétente ne peut donner suite à la demande de transfert
des poursuites si….une action dirigée contre la personne concernée a déjà abouti à une décision
définitive.» V. § 49.
138 Ratifié par l’ensemble des États membres de l’UEMOA.
139 Il s’agit d’une affaire qui impliquait une personne de nationalité Turque condamnée en septembre
2000 par contumace pour assassinat commis à Mulhouse à la réclusion criminelle à perpétuité par la
Cour d’assises du Haut-Rhin. S’étant enfui en Turquie, le ministre français de la justice dénonce, en
2002, les faits criminels aux autorités Turques aux fins de poursuite, en application de l’article 21 de la
convention européenne d’entraide judiciaire du 20 avril 1959. Suite à cette dénonciation, la personne
impliquée se réfugie en Allemagne, d’où elle est extradée vers la France en décembre 2004. Le juge
39
Elle peut aussi connaitre une application relative en cas de dénonciation officielle aux
fins de poursuite. En effet, dans un arrêt prononcé le 23 octobre 2013 140, la Chambre
criminelle de la Cour de cassation française a décidé de la relativité du principe non
bis in idem dans sa dimension transnationale en droit français141. Commentant cette
décision, Monsieur Thomas HERRAN 142 estime que cette solution de la Cour de
cassation n'est pas à première vue nouvelle en ce sens qu’il est connu que la
dénonciation officielle aux fins de poursuite n'emporte pas renonciation d'exercer
l'action publique. Il la trouve d’ailleurs décevante sur ce point car la règle non bis in
idem reste fictive encore aujourd'hui dans un contexte international. Il se réjouit
cependant du fait que la solution admet tout de même la prise en compte de la peine
prononcée par le jugement étranger, ce qui est nouveau. Pour lui, en consacrant le
principe de l'imputation de la peine exécutée à l'étranger sur celle susceptible d'être
prononcée par les juridictions françaises, la haute juridiction accepte, finalement, pour
la première fois, d'appliquer la règle non bis in idem dans sa forme relative, ce qui est
une avancée certaine. Toutefois, déplore-t-il, la solution n'en reste pas moins
insuffisante dans le contexte particulier d'une condamnation étrangère rendue suite à
une dénonciation officielle aux fins de poursuites. Cette attitude de la jurisprudence
française ne correspond pas au droit positif en vigueur dans l’espace UEMOA sur la
des libertés et de la détention de Colmar ordonne son placement en détention provisoire et en mai 2005,
la Cour d’assises d’Unyie (Turquie) le condamne pour les faits commis sur le territoire français à dix-
sept ans de réclusion criminelle. Elle demande alors sa mise en liberté, arguant notamment de la
violation des règles et principes gouvernant l’autorité de la chose jugée. La chambre de l’instruction,
puis la Cour de cassation vont rejeter ses arguments. En effet, selon la chambre criminelle, la
dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l’article 21 de la convention précitée, « n’emporte pas
renonciation de la part de l’État requérant à l’exercice de son droit de poursuite ». Elle ajoute que
l’exception de la chose jugée à l’étranger prévue aux articles 113-9 du code pénal et 692 du CPP « ne
saurait faire obstacle à l’exercice de poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale
française », Cass. crim, 08/06/2005, Bull.crim. n° 174.
140 Cass. crim. 23/10/2013, D. 2013 p. 2950.
141 En l'espèce, un individu avait été jugé et condamné à une peine d'emprisonnement de 5 ans par les
juridictions algériennes pour coups mortels commis sur le territoire français, à la suite d'une dénonciation
officielle aux fins de poursuites émanant des autorités françaises. Une fois sa peine exécutée, il est
poursuivi en France pour meurtre. La chambre de l'instruction française, infirmant l'ordonnance du juge
d'instruction, rejette l'exception de chose jugée. Saisie de l'affaire, la Chambre criminelle rejette le
pourvoi considérant que la dénonciation par la France aux fins de poursuites n'emporte pas renonciation
à l'exercice de son droit de poursuites et précise que les décisions des juridictions répressives
étrangères n'ont pas, en France, l'autorité de la chose jugée lorsqu'elles concernent des faits commis
sur le territoire national. Cependant, la Cour apporte une précision importante. Elle admet la déduction
de la détention subie à l'étranger de la peine qui pourrait être prononcée par la juridiction nationale. Elle
avait déjà fait triompher la compétence territoriale française sur le principe de l’autorité de la chose jugée
à l’étranger à travers un arrêt dans lequel elle avait estimé que les décisions rendues par des juridictions
étrangères n’ont l’autorité de la chose jugée que lorsqu’elles concernent des faits commis en dehors du
territoire de la République, Cass. crim. 3 dec. 1998, n° 97-82.424, Bull. crim. n° 331.
142 HERRAN T., « L’application de la règle non bis in idem suite à une dénonciation aux fins de
poursuites : une prise en compte modérée du droit de ne pas être jugé deux fois pour la même
infraction », AJ pénal, 2014. § 127.
40
question de la règle non bis in idem et c’est tant mieux pour l’intégration pénale143 dans
l’espace.
143 Reprendre les poursuites au motif de la compétence territoriale est une entorse à la confiance
mutuelle entre les Etats, facteur déterminant de l’intégration.
144 Eu égard à la pertinence de cette formule, certaines organisations communautaires comme l’UE l’ont
également prévue. C’est ce qui ressort de l’acte du conseil du 29 mai 2000 établissant conformément à
l’article 34 du traité sur l’Union européenne la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière
pénale entre les États membres de l’Union européenne. L’article 6 § 1 al 1 stipule que « les demandes
d’entraide et les échanges spontanés d’information visés à l’article 7 sont faits par écrit ou par tout
moyen permettant d’en obtenir une trace écrite dans des conditions permettant à l’Etat membre
destinataire d’en vérifier l’authenticité… ».
145 Article 42.
146 Article 21.
147 Ces deux conventions descendent déjà d’un cran en ce qui concerne les échelles de transmission
par rapport à la convention de la CEDEAO et constituent déjà une évolution dans l’allègement de la
procédure de transmission des demandes de poursuite.
41
communication par voie directe entre les autorités judiciaires compétentes ». Avec
cette disposition, l’on observe une véritable évolution dans la simplification de la
transmission de la demande de poursuite. Cette formule est envisageable dans
l’espace UEMOA148 si les États membres prennent la mesure de l’urgence qu’il faut
adopter dans certaines procédures, notamment celles liées à la criminalité organisée.
D’ailleurs, pour plus d’efficacité dans la répression des infractions, notamment en
matière de blanchiment, il serait judicieux d’exploiter la flexibilité qu’offre la convention
de la CEDEAO en multipliant les accords bilatéraux afin d’adopter la voie de
transmission d’autorités judiciaires à autorités judiciaires. L’intérêt de la coopération
judiciaire commande une simplification du processus de dénonciation des poursuites.
Les autorités françaises, pour avoir compris cette exigence, ont adopté, bien avant la
convention d’entraide judiciaire entre les États membres de l’Union européenne de
2000, une circulaire en date du 25 octobre 1996149 en vue de renforcer la coopération
judiciaire franco-néerlandaise en matière de lutte contre la drogue. Cette circulaire
concerne les ressortissants français poursuivis pour une infraction à la législation sur
les stupéfiants commise aux Pays-Bas. La télécopie, qui présente l’avantage de la
rapidité, a été prévue comme moyen de transmissions de la dénonciation aux fins de
poursuites par la circulaire.
148 Aucun obstacle juridique n’existe à ce sujet. La possibilité de conclure des accords bilatéraux étant
prévue par la convention de la CEDEAO.
149 Circulaire CRIM 96-24, F5, bulletin officiel du Ministère de la justice n°64 du 31/12/1996.
150 Dans la limite du respect de la règle « non bis in idem » lorsqu’il y a donné suite.
42
obligatoire de poursuite pour l’État destinataire alors même qu’il est compétent pour la
juger. Ce sont les règles internes de l’État requis qui régissent le déclenchement des
poursuites comme s’il s’agissait d’une infraction commise sur son territoire. Si elles
décident de donner suite à la dénonciation officielle aux fins de poursuite, les autorités
judiciaires saisies doivent s’assurer qu’elles sont effectivement compétentes pour
poursuivre et juger les faits dénoncés et leurs auteurs, communiquer leur accord à
l’autorité requérante, engager des poursuites conformément aux règles de droit pénal
et de procédure pénale nationale, informer l’autorité requérante qu’elle accepte la
procédure. Sur ce dernier point, il faut dire qu’aucune obligation ne pèse sur les
autorités de l’Etat requis. En d’autres termes, l’Etat dénonciateur ne tire aucun droit
par le simple fait de la dénonciation 151 . Pour soutenir cette idée, Madame Maria
LUDWICZAK fait le parallèle avec le droit interne qui prévoit que, contrairement à la
plainte qui confère des droits à un plaignant, le dénonciateur d’une infraction à l’autorité
compétente n’en dispose pas. A l’analyse, cette situation est déplorable pour la
coopération judiciaire dans la mesure où elle peut consacrer momentanément ou
définitivement l’impunité par le fait de l’État requis notamment. L’impunité peut
intervenir également par le fait de l’État dénonciateur qui sachant que l’État requis
n’engagera pas de poursuite procède tout de même à une dénonciation.
151 LUDWICZAK M., La délégation internationale de compétence en matière pénale op.cit., § 168.
152 La Convention européenne sur la transmission des procédures répressives du 15 mai 1972, Conseil
de l’Europe, STE nº 73. Cette convention est l’aboutissement d’un processus en deux étapes. Les tats
se sont d’abord intéressés à une question pratique en décidant d’intensifier leur coopération dans le
domaine de la répression des infractions routières. Par la suite, ils ont élaboré la Convention
européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, qui règlemente une transmission
particulière, celle de l’exécution d’une décision répressive avant l’adoption d’un texte général sur la
transmission des procédures répressives.
153 Article 8 de la Convention des Nations Unies de Vienne du 20 décembre 1988 contre le trafic illicite
des stupéfiants et de substances psychotropes, ratifiée par l’ensemble des États membres de l’UEMOA
qui prévoit le transfert des procédures répressives « dans les cas où ce transfert est nécessaire dans
l’intérêt d’une bonne administration de la justice ». L’article 21 de la Convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 prévoit également le transfert des
procédures répressives.
43
dans la convention d’entraide judiciaire conclue entre les États membres de la
CEDEAO qui consacre le chapitre IV de son dispositif au transfert des poursuites
pénales154. Pour des raisons évidentes155, le législateur UEMOA a tenu à ce qu’il soit
consacré dans la Lu, le procédé de la transmission des poursuites 156 malgré
l’existence de ces conventions internationales157.
distinction entre délégation de poursuite et délégation de compétence. Elle soutient l’idée que « le mode
de coopération qu’est la délégation de poursuite peut intervenir vers un État délégataire qui est
compétent ou qui ne l’est pas. Dans ce dernier cas de figure, la délégation de poursuite sera
accompagnée d’une délégation de compétence ».
159 LUDWICZAK M., La délégation internationale de la compétence pénale op.cit. § 201.
160 Lorsque plusieurs États sont compétents. Tel que libellé, l’article 46 de Lu créé les conditions
d’existence des conflits positifs. Il dispose en effet que « les juridictions nationales sont compétentes
pour connaitre des infractions prévues par la présente loi, commises par toute personne physique ou
morale, quelle que soit sa nationalité ou la localisation de son siège, même en dehors du territoire
national, dès lors que le lieu de commission est situé dans l’un des États membres de l’UEMOA… ».
161 Lorsqu’aucun des États ne souhaite poursuivre une infraction alors qu’ils sont tous compétents.
162 Un État peut ne pas être compétent selon sa législation pour connaitre d’une infraction mais parvenir
par le procédé de la transmission des poursuites à engager des poursuites contre l’auteur de cette
infraction (article 2 §1 et §2 de la convention européenne sur les transmissions des procédures
répressives de 1972.
44
Dans tous les cas, l’objectif principal visé est l’intérêt de la justice qui se manifeste à
travers la bonne administration de la justice (A) 163 et le « meilleur reclassement
social » du délinquant (B).
163 Dans son interprétation de la notion d’« intérêt de la justice » figurant à l’article 53 du statut de la
Cour pénale internationale163, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)163estime que
cette expression peut être interprétée de « trois manières suivantes comme faisant référence
alternativement aux :
- intérêts de l’institution judiciaire au sens d’une bonne administration de la justice 163,
- droits de la défense, l’intérêt de la justice est invoqué comme exception aux poursuites en cas de
violation de ces droits,
- procès équitable : l’exception est justifiée par une règle du droit international des droits de l’homme ou
à défaut en droit comparé ».
164 Il en est de même du libellé des articles 8 de la Convention de Vienne du 20 décembre 1988 précitée
45
plutôt que les éléments de preuve 166. Deuxièmement, la présence de la personne
poursuivie à l’audience participe de la bonne administration de la justice. Il serait
judicieux que ce soit l’Etat qui abrite la personne soupçonnée qui procède à son
jugement. Ainsi, il sera fait l’économie de quelques difficultés liées aux droits
fondamentaux (droits de la défense) et celles qui se rapportent à l’exécution effective
de la condamnation si la juridiction saisie parvenait à une telle décision. Le respect
des droits de la défense doit guider l’autorité requérante dans sa décision de
transmission des poursuites. En effet, si l’autorité requérante se rend compte dès le
départ qu’elle n’est pas en mesure de faire comparaitre le prévenu à l’audience, il est
préférable qu’elle se dessaisisse et transmette le dossier à l’autorité de l’Etat requis.
Celle-ci est à mesure de faire comparaitre le prévenu à l’audience afin qu’il puisse faire
valoir de manière équitable et contradictoire ses moyens de défense 167. En ce qui
concerne l’assurance d’une exécution effective de la décision, l’autorité requérante doit
anticiper le fait que même si ses poursuites aboutissaient à une condamnation, il lui
serait impossible de faire exécuter la condamnation même en ayant recours à
l’extradition168. Pour éviter d’être dans la situation où sa décision de condamnation ne
166 Dans le cadre de la coopération entre la Suisse et l’Italie, un exemple de transmission de poursuite
illustre très bien cette situation. Il s’agit d’une affaire de vol, recel, faux dans les titres, appropriation de
découvertes et exportation d’objets appartenant au patrimoine culturel national italien, l’Italie a formulé
des demandes d’entraide à la Suisse où une procédure pour recel dans la même affaire était en cours.
L’Etat Suisse a suspendu sa procédure dans l’attente du résultat de la procédure italienne. Au vu du fait
que la personne avait la nationalité italienne et était domiciliée en Italie, l’extradition n’était ni possible,
ni souhaitable. Vu l’ampleur des infractions commises et le nombre de pièces qu’il aurait fallu faire venir
en Suisse, et malgré le fait que la Suisse aussi détenait un nombre important de moyens de preuve,
celle-ci a en effet décidé par la voie du procureur général genevois en charge de l’affaire que le « centre
de gravité de l’affaire se trouvait en Italie ». Ce qui a débouché sur une transmission de poursuite de la
Suisse vers l’Italie permettant l’envoi à l’Italie des pièces requises qui auparavant ne pouvait qu’être
consulté sur place. Exemple cité par LUDWICZAK M., La délégation internationale de compétence,
op.cit., § 403.
167 L’on évite ainsi les jugements par défaut ou par contumace selon que l’infraction est un délit ou un
crime. Sur cette notion de jugement par défaut, le droit pénal français a connu une évolution. Depuis la
loi n° 2004-204 du 09 mars 2004 portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité, dite
« loi Perben II », on ne parle plus de contumace pour le jugement des accusés absents. Cette loi a
conduit à un rapprochement des procédures correctionnelles et criminelles in abstentia, désormais
identiquement dénommées procédures par défaut. Pour plus de détails lire MEAUD L., « Jugement par
défaut » in répertoire de droit pénal international, 2009 (dernière mise à jour : janvier 2014).
168 Et cela en raison du fait que l’extradition pose très souvent problème soit parce qu’il est parfois
impossible d’extrader soit parce que l’extradition est inopportune. L’impossibilité d’extrader peut
s’expliquer par plusieurs raisons. Par exemple, un État requis peut refuser d’extrader une personne
lorsque les faits ont été commis sur son territoire. Dans ce cas, il est généralement compétent pour
poursuivre et un jugement pourra intervenir en présence de la personne concernée. L’extradition peut
être également refusée du fait de la nationalité de la personne dans un souci de protection de ses
ressortissants par certains États notamment ceux de la tradition romano germanique, ZIMMERMANN
R., La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 3e édition. Berne, Bruxelles 2009. Le refus
de l’extradition peut s’expliquer également par un risque de violation des droits fondamentaux lors de la
procédure dans l’État requérant. Quant à l’inopportunité d’extrader, elle signifie que l’extradition est
possible mais pas forcément souhaitable. C’est pourquoi dans ce cas de figure, la délégation de
poursuite peut également garantir une meilleure administration de la justice. C’est le cas où la procédure
46
peut être exécutée, il doit opter pour la transmission des poursuites dans la mesure où
l’autorité de l’Etat requis est à mesure de le faire169.
B. L’intérêt du délinquant
d’extradition est considérée comme trop lourde mais qu’une coopération reste nécessaire pour éviter
l’impunité.
169 Il convient de souligner que conformément aux législations pénales internes des États membres,
l’autorité de poursuite est celle qui veille également à l’exécution des condamnations.
170 Par réinsertion sociale, on entend l’appui donné aux délinquants au moment de leur retour à la
société après une période d’incarcération. Cela étant, une définition un peu moins étroite porterait sur
la période commençant dès le début des poursuites judiciaires, et ce, jusqu’à la sortie de prison, et aussi
sur l’appui post-pénitentiaire.
171 CERE J.P., « Peine », Répertoire de droit international, 2008 (dernières mises à jour Octobre 2014).
L’auteur explique que cette fonction rétributive de la peine procède de l’idée selon laquelle le malfaiteur
doit subir une souffrance censée répondre au trouble causé. Elle est surtout guidée par un souci de
justice et par la volonté de rétablir l’équilibre rompu par l’infraction. À cette vision de la peine doit se
substituer une vision plus humaniste afin de relever les défis qui se posent au monde carcéral telle la
surpopulation carcérale, la réinsertion sociale des délinquants.
172 CERE J.P., idem. L’auteur parle plutôt de fonction intimidatrice de la peine qu’il dit orientée vers
l’avenir. Dans ce sens, la peine doit dissuader le délinquant de récidiver (intimidation spéciale) et
susciter une crainte suffisante aux yeux des autres individus, afin de les détourner du chemin de la
délinquance (intimidation générale). Ce qui se résume dans cette citation de Montaigne : « on ne corrige
pas celui qu’on prend, on corrige les autres par lui » (Essais, livre II, chap. VII).
173 Que ce soit dans l’espace UEMOA ou au sein de l’Union européenne notamment en France, les
législations et les orientations de politique pénale encouragent le recours aux peines alternatives à
l’emprisonnement. Dans l’espace UEMOA, le législateur interne a prévu de nombreuses mesures
alternatives à l’emprisonnement parmi lesquelles il existe le travail d’intérêt général, la semi-liberté, les
peines d’amende, les mesures de confiscation, le sursis simple total ou partiel, le contrôle judiciaire…
En plus de ces mesures, le législateur français a prévu d’autres types de mesures non encore
envisagées dans l’espace UEMOA en raison de leur technicité et de leur coût, il s’agit de l’assignation
à résidence sous surveillance électronique, les jours-amendes, le sursis avec mise à l’épreuve, le
placement sous surveillance électronique ou « bracelet électronique ». Le législateur français a
également prévu la contrainte pénale à travers la loi n° 2014-896 relative à l’individualisation des peines
et renforçant l’efficacité des sanctions pénales en date du 15 août 2014, JORF n° 0189 du 17 août 2014,
page 13647. La contrainte pénale consiste en « l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge
de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans, à des mesures de
contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la
récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société ». Toutes ces mesures doivent
non seulement contribuer à la réduction de la population carcérale mais surtout faciliter la réinsertion
sociale des délinquants.
47
Les questions principales au centre de cette préoccupation sont celles de savoir le
contenu que l’on peut donner à la notion d’intérêt du délinquant ainsi que la manière
dont la transmission des poursuites peut contribuer à atteindre cet objectif.
174 « Mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, réinsertion sociale, compilation d’outils
d’évaluation de la justice pénale », Nations Unies, New York, 2008, [en ligne], [consulté la dernière fois
le 19 aoùt 2019..], www.unodc.org/documents/justice-and-prison.
175 À l’échelle des Etats, les textes concernés sont la Constitution, le Code pénal, le Code de procédure
pénale ou des textes spécifiques. Au Burkina Faso, par exemple, le titre V de la loi n°010-2017/AN du
10 avril 2017 portant régime pénitentiaire au Burkina Faso prévoit les modalités de réinsertion sociale
des délinquants.
176 Au niveau de l’Organisation des Nations Unies, l’on peut citer la Déclaration universelle des droits
de l’homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, la Convention
relative aux droits de l’enfant de 1989, la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes de 1988, la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux
victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, l’Ensemble de principes pour la protection
de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement de 1988,
l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de 1955, les Règles minima des Nations
Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté de 1990 (Règles de Tokyo), l’Ensemble
de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs de 1985
(Règles de Beijing), les Principes fondamentaux concernant le recours à des programmes de justice
réparatrice en matière pénale de 2002, les Règles pour la protection des mineurs privés de liberté de
1990, les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration
des soins de santé mentale de 1991, les Principes directeurs de l’Assemblée générale des Nations
Unies sur la réduction de la demande de drogues de 1998, le Manuel sur les peines de substitution à
l’emprisonnement, ONUDC de 2006, le Manuel sur la justice réparatrice, ONUDC de 2006.
Au niveau régional et sous régional, on peut citer la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples de 1981, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990, la Convention
américaine relative aux droits de l’homme de 1978, la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, la Recommandation n° R (92) 16 du Comité des
ministres du Conseil de l’Europe relative aux Règles européennes sur les sanctions et mesures
appliquées dans la communauté de 1992, la Recommandation n° R (2000) 22 du Comité des ministres
du Conseil de l’Europe concernant l’amélioration de la mise en œuvre des Règles européennes sur les
sanctions et mesures appliquées dans la communauté de 2000, la Recommandation n° R (99) 22 du
Comité des ministres du Conseil de l’Europe concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation
carcérale, 1999, la Recommandation Rec. (2006) 2 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur
48
Au plan international, par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques dispose que le but essentiel du régime pénitentiaire est l’amendement et le
reclassement social des condamnés177. De même, l’ensemble des règles minima pour
le traitement des détenus (ERM)178 précise très clairement que le but et la raison d’être
des peines et mesures privatives de liberté sont en définitive la protection de la société
contre le crime et qu’un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté
est mise à profit pour obtenir, dans toute la mesure du possible, que le délinquant, une
fois libéré, soit non seulement désireux, mais aussi capable, de vivre en respectant la
loi et de subvenir à ses besoins 179. Les principes directeurs sont énoncés dans la
deuxième partie de l’ERM180 et portent sur les questions de sécurité, de classement,
de soins et de réadaptation.
les règles pénitentiaires européennes de 2006, la Recommandation Rec. (2003) 22 du Comité des
ministres du Conseil de l’Europe concernant la libération conditionnelle de 2003, la Recommandation
No. R (82) 16 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le congé pénitentiaire, 1982.
177 Article 10.3.
178 L’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus (ERM) a été adopté par le premier
Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, à Genève en
1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C ( XXIV) du « & juillet
1957 et 2076(LXII) du 13 mai 1977.
179 ERM, Règles 58.
180 ERM, Règles 56 à 64.
181
LUDWICZAK M., La délégation internationale de la compétence pénale, L.G.D.J, Schulthess,
collection Génévoise, 2013, p.79.
182Le travail d’intérêt général est une peine prononcée par une juridiction correctionnelle en accord avec
le prévenu qui a pour objet un intérêt social pour la communauté. Il devra être adapté au prévenu et
favoriser sa réinsertion sociale. Au Burkina Faso par exemple, c’est la loi 007-2004/AN du 06 avril 2004
qui règlemente l’administration du travail d’intérêt général, Journal officiel, 2004-06-03, n° 23, 4 p.
49
peines d’emprisonnement pourront se voir accorder un régime de semi - liberté183
pendant l’exécution de leurs peines. La délégation de compétence telle qu’effectuée
dans le cadre de la transmission des poursuites va lui garantir une meilleure
réadaptation. La deuxième condition est la nécessaire existence d’un lien entre
l’individu et l’État requis. En effet, une réinsertion sociale est difficile, voire vouée à
l’échec, si le délinquant n’a aucun lien avec le lieu d’exécution de la peine. Ainsi la
réinsertion peut avoir lieu si l’Etat requis est l’État d’origine du prévenu où s’il y possède
sa résidence habituelle. En effet, la resocialisation du délinquant est plus efficace si la
poursuite est assurée par les autorités du pays dans lequel l’individu est enraciné. La
raison se trouve dans le fait que la famille des délinquants, leurs proches et la
collectivité tout entière ont un rôle fondamental à jouer pour aider le retour dans la
société et pour aider les anciens délinquants à reconstruire leur vie. La pratique indique
que l’aide de la famille constitue l’un des principaux facteurs de réussite de la
réinsertion, parallèlement à l’obtention d’un travail stable. Or ce n’est que dans l’État
d’origine du délinquant ou dans l’État dans lequel il a plus d’attache que se trouvent
les membres de sa famille et ses proches. Dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment des capitaux, l’essentiel consiste non pas à la répression corporelle de
l’auteur du blanchiment mais dans la confiscation des avoirs acquis illicitement.
Néanmoins les condamnations à des peines d’emprisonnement pourraient être
prononcées auquel cas il serait judicieux pour chaque État membre de transférer les
procédures à l’autre État membre le mieux placé pour exécuter les peines dans le sens
de l’intérêt du délinquant ci-dessus décrit.
183« Le régime de semi-liberté consiste dans le placement individuel d’un détenu à l’extérieur et sans
surveillance continue avec l’obligation de réintégrer l’établissement pénitentiaire chaque soir et d’y
passer les jours fériés et chômés. Toutefois la périodicité de la réintégration peut être autrement fixée
par la commission de l’application des peines » (article 28 de la loi définissant le régime pénitentiaire
au Burkina Faso). Dans l’interprétation de cette disposition, les juges de l’application des peines au
Burkina Faso procèdent à la libération des délinquants qui ont un comportement exemplaire au sein
des maisons d’arrêt et de correction et qui auront exécuté au moins la moitié de leur peine. Cette
décision est prise au cours d’une session de la Commission de l’application des peines présidée par le
juge de l’application des peines. Les bénéficiaires ont tout de même l’obligation de se présenter selon
une périodicité déterminée au moment de leur libération devant le juge de l’application pour un contrôle
judiciaire.
d’un Etat tiers à condition que la loi interne de cet État l’y autorise. Á ce propos, l’article 46 de la Lu
stipule que les dispositions relatives à la transmission des poursuites s’appliquent « également, lorsque
la demande émane d’une autorité d’un État tiers, et que les règles en vigueur dans cet État autorisent
l’autorité de poursuite nationale à introduire une demande tendant aux même fins ».
189 Article 47 alinéa 2 de la Lu.
190 Voir supra p.12 note 27.
51
demande, la Lu prévoit la voie diplomatique mais liberté est offerte aux États de faire
usage de la voie la mieux indiquée191. A l’égard de l’État requis, il doit s’assurer dès
qu’il reçoit la demande que l’action publique n’est pas éteinte 192 et qu’une action
dirigée contre la personne mise en cause n’a pas abouti à une décision définitive193. Il
doit en outre aviser celle-ci de la demande qu’il a reçue pour provoquer sa réaction
afin d’en tenir compte dans sa prise de décision définitive. En ce qui concerne le délai
durant lequel l’État requis doit répondre, la Lu est muette sur ce point de même que
les conventions internationales auxquelles les États membres sont parties194.
procédure d’entraide surtout si le prévenu est en détention préventive car on se trouve dans le registre
de la protection de droits fondamentaux. En Europe, l’article 1 chiffre 1 de la Convention du Conseil de
l’Europe sur l’entraide judiciaire en matière pénale, et en droit suisse à l’article 17- a EIMP le prévoit.
De même, la Cour européenne des droits de l’homme, dans une optique de protection des droits de
l’homme précise que ce principe doit s’analyser « à la lumière des circonstances de la cause » sous
trois aspects : la complexité de l’affaire, le comportement des personnes concernées et celui des
autorités en charge, CEDH, Buchholz c/ Allemagne, 6 mai 1981, [en ligne], [consulté la dernière fois le
27/12/2014], hudoc.echr.coe.int. Dans l’affaire Garkavyy, la CEDH a condamné la République Nationale
Ukrainienne (UNR) pour avoir excessivement prolongé une procédure concernant le sieur Garkavyy en
formulant diverses demandes de coopération qui ne se justifiaient pas et violé ainsi l’article 5 § 1 de la
Convention européenne des droits de l’homme, CEDH, Garkavyy c/Ukraine, [en ligne], [consulté le
27/12/2014], hudoc.echr.coe.int.
195 Il convient de préciser que la délégation de compétence renferme deux aspects. La délégation de
compétence peut consister en un abandon par un État de son pouvoir souverain de poursuivre, de juger,
de condamner et de faire exécuter la peine au profit d’un autre État. Elle a lieu dans ce cas dans le
cadre d’une transmission de poursuite, GOURDON S., L’entraide répressive entre les États de l’Union
européenne op.cit , p.177, ou d’une délégation de poursuite, LUDWICZAK M., La délégation
internationale de compétence, L.G.D.J, Schulthess, collection Génévoise, 2013, p.67. Elle peut
consister aussi en un renoncement par un État de son pouvoir de faire exécuter la peine qu’une de ses
juridictions vient de prononcer. C’est la délégation aux fins d’exécution. Lire à ce propos, ALT-MAES F.,
52
un autre. Pour qu’elle puisse exister, il est important que l’État qui transfère les
poursuites dispose d’une compétence originaire qu’il accepte volontairement ou
automatiquement de transférer (A) et que cette offre de transfert soit acceptée par
l’État qui en est requis (B).
répressives du 06 novembre 1990 née dans le cadre des accords de la CEE en son article 2.
53
produit des infractions à la législation sur les stupéfiants. Mais avec la réforme
introduite grâce à la directive sur le blanchiment de l’UEMOA, l’incrimination a été
étendue au blanchiment de produits issus de n’importe quelle infraction.
54
pas de décisions de condamnations pour blanchiment de produit issu du trafic de
drogue jusqu’à ce jour. Il existe cependant de nombreuses décisions de condamnation
pour trafic de stupéfiants.
204 MARIN J.-C « Les infractions transfrontières : le blanchiment de capitaux provenant du trafic de
drogue », in DELMAS-MARTY M. (sous la direction.), Quelle politique pénale pour l’Europe ? Paris,
Economica, 1993, p. 110.
205 DREYER E., Droit pénal spécial, 3 e éd. 2016, § 1265 p. 582.
206 THONY J.- F. et LABORDE J.-P, « Criminalité organisée et blanchiment » in Revue Internationale
la corruption de 2003 ont été ratifiés par tous les États membres de l’UEMOA à l’exception de la Côte
d’Ivoire qui les a seulement signés.
208 Les premiers États à adopter un texte de loi anti-blanchiment pour se conformer à la directive de
209 A ce propos, le rapport annuel 2010 du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment
d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) mentionne à la page 21 qu’au cours de l’année 2010, les actes
de corruption dans la fonction publique et chez les politiciens ont augmenté au Burkina Faso. Que les
rapports annuels des départements de la fonction publique tels que l’Autorité supérieure de contrôle
d’État et la Cour des comptes illustrent des cas patents de mauvaise gestion, de non - respect des
règles fondamentales de bonne gestion, et de détournement de grande envergure. Le rapport conclu
ce sujet en relevant que de tels cas n’ont toujours pas fait l’objet de sanction, malgré la fermeté promise
par les autorités publiques. Cette situation n’a pas évolué dans la mesure où les rapports annuels 2011,
2012 et 2013 du GIABA sur la situation de la lutte contre le blanchiment indiquent que la corruption
demeure et fait partie des infractions sous -jacentes les plus répandues dans ce pays.
210 Toujours selon le rapport du GIABA, le détournement de déniers publics est une infraction
fréquemment commise au Burkina Faso. Ce qui est selon le rapport l’une des raisons pour lesquelles
la bulle immobilière dans la zone de Ouaga 2000, un quartier huppé de la capitale où certaines maisons
ne reflètent pas le véritable niveau de revenus des propriétaires, dont la plupart sont des fonctionnaires
de l’État.
211 Tous les États Ouest-Africains sont concernés par cette infraction sous- jacente. Pour prendre
l’exemple du Bénin, il est considéré comme « un centre d’activité de traite des êtres humains, un lieu
d’origine, de transit et de destination pour les femmes et les enfants victimes de trafic sexuel ». Le Cap
vert est considéré comme un pays dans lequel les jeunes filles victimes de traite viennent se prostituer.
Voir pour ces deux exemples le rapport annuel 2013 du GIABA,[en ligne], [consulté la dernière fois le
31/12/2014], www.giaba.org.
212 En 2009, le Bureau du Vérificateur Général du Mali a mentionné dans son rapport annuel qu’entre
2006 et 2008, l’État malien a perdu 19,32 milliards de Francs CFA à cause de la fraude, information
relayée dans le rapport annuel 2013 du GIABA op.cit.
213 Cette infraction existe essentiellement en République de Côte d’Ivoire en raison de la guerre qui a
comme initiée dès le début de la procédure préliminaire qui comprend « l’investigation policière » et l’«
instruction conduite par le ministère public » et ce depuis l’entrée en vigueur au 01 janvier 2011 du
nouveau code de procédure fédérale (CPP, RS 312.0).
56
se dessaisir du dossier s’il se rend compte qu’un autre État est mieux placé pour en
connaitre et cela dans le souci d’une bonne administration de la justice.
216 ALT-MAES F., « La délégation de compétence dans les conventions européennes », Mélanges
offerts à Georges Levasseur, droit pénal droit européen, Gazette du Palais, édition Litec, 1992. p 378.
217 Cette forme de dessaisissement est prévue expressément dans les premières conventions du
Conseil de l’Europe notamment dans la Convention de la CEE sur la transmission des procédures
répressives de 1972 (article 2) et dans la Convention entre les États membres des communautés
européennes sur l’exécution des condamnations pénales étrangères du 13 Novembre 1991(article 2).
218 Cette possibilité existe en droit européen avec l’article 13 de la Convention du Conseil de l’Europe
57
seulement de recevoir la procédure de l’État requérant qui s’en dessaisit, mais sans
que ce dernier ne soit obligé de formuler une demande 221 . Le second cas de
dessaisissement imposé intervient lorsqu’en cas de pluralité de procédures
répressives, un des États poursuivants renonce à sa propre poursuite. En agissant
ainsi, il transmet la procédure à l’autre État222.
221 A la différence de la procédure de dénonciation aux fins de poursuites qui nait du refus de l’État
requis d’extrader son national. Dans cette procédure, l’obligation pour l’État requis d’engager les
poursuites est subordonnée à une demande expressément formulée par l’État requérant, article 10-2
de la Convention A/P1/8/94 du 06/08/1994 sur l’extradition de la CEDEAO.
222 Cette situation est prévue par l’article 32 de la convention A/P.1/7/92 relative à l’entraide judiciaire
entre les États membres de l’UEMOA. L’article 32 dispose que « Lorsque des poursuites pénales seront
pendantes dans deux ou plusieurs États membres contre le même suspect et pour la même infraction,
les États membres intéressés se concerteront pour désigner celui auquel ils entendent entre eux confier
le soin exclusif de poursuivre l’action pénale. La décision issue de ces consultations sera assimilée à
une demande de transfert de poursuites ».
223Dans le même sens, voir GOURDON S., L’entraide répressive entre les États de l’Union européenne,
224 LODEWIJK H., HULSMAN C., « Transmission des poursuites pénales à l’État de séjour et exécution
des décisions pénales étrangères », in droit pénal international, recueil d’études en hommage à. VAN
BEMMELEN J. M, ed. Leiden E. J. Brill, 1965. p.130.
225 La Convention CEDEAO sur l’entraide judiciaire emploie les termes de « double caractère pénal ».
226 ZIMMERMAN R., La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 3e éd., Bruylant, 2009,
p.530, § 575.
227 V. l’article 6 du traité-type de l’ONU sur le transfert des poursuites qui dispose que « Il ne peut être
fait droit à une demande de transfert des poursuites que dans le cas où l’acte motivant la demande de
transfert constituerait une infraction s’il avait été commis sur le territoire de l’État requis ». Le traité-type
peut être consulté dans Recueil des règles et normes de l’Organisation des Nations Unies en matière
de prévention du crime et de justice pénale, [en ligne], [consulté la dernière fois le 31/10/2014],
https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/F_Ebook.pdf.
60
d’appliquer le droit pénal de l’État requérant. Cette situation pose la question de
l’étendue de l’application par l’État requis de la compétence de l’État requérant. La
question de l’application par les juridictions d’un État donné de la loi d’un autre État a
fait l’objet de controverses au sein de la doctrine. Certains auteurs228 soutiennent l’idée
que les tribunaux d’un État ne peuvent appliquer d’autres lois que les lois de cet État,
qu’en droit pénal, la compétence judiciaire et la compétence législative se confondent.
Défendant cette position, un auteur écrivait qu’ « en droit pénal international, le juge
n’applique jamais que sa propre loi, et il l’applique toujours comme loi normalement
applicable au rapport de droit (…) Le juge d’un État quelconque ne sera jamais saisi
de la répression du fait incriminé que si ce fait constitue un délit au regard de l’État au
nom duquel il punit, et au regard de la loi qu’il a pour mission d’appliquer dans ces
conditions, il ne frappera jamais son auteur que des peines que cette loi y attache »229.
Monsieur Hulsman fait sienne cette position quand il affirme qu’« à l’opposé du droit
privé, en matière pénale le juge compétent et le droit applicable coïncident presque
complètement ».230
228 LODEWIJK, H. HULSMAN C., « Transmission des poursuites pénales à l’État de séjour et exécution
des décisions pénales étrangères », op.cit. p. 130. Cet auteur soutient que « Á l’opposé du droit privé,
en matière pénale le juge compétent et le droit applicable coïncident presque complètement ».
229 BARTIN E., Études de droit international privé, Edition A. Chévalier-Marescp, paris 1899, p. 214.
230 LODEWIJK H., HULSMAN C. op.cit., p.130.
231 V. la Convention européenne pour la répression des infractions routières conclue à Strasbourg le
30/11/1964, LOMBOIS C., Droit pénal international § 498 sur cette convention et les types de
coopération qu’elle prévoit. La Convention européenne sur la transmission des poursuites de 1972 (
article 25, 2e phrase ) , la Convention de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits du crime conclue à Strasbourg le 08 novembre 1990, STE 141 ( article 13
chapitre 2 ) et la Convention de 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
61
rapportant à la lutte contre la criminalité organisée rendent compétent l’État requis du
seul fait de la demande de transmission de poursuite même s’il ne l’était pas
originairement. A titre d’iilustration, l’article 2 § 1 de la Convention européenne de 1972
sur la transmission des poursuites dispose qu’« en vue de l’application de la présente
convention, tout État contractant a compétence pour poursuivre selon sa propre loi
pénale toute infraction à laquelle est applicable la loi pénale d’un autre État
contractant ». Ainsi, l’article 2 de la convention européenne sur la transmission des
poursuites admet la compétence de l’État requis pour les infractions prévues par la
législation de l’État réquérant en cas de transmision de poursuite faite par l’Etat
réquérant232.
77. Les effets de la prise en compte de la loi étrangère par le juge national.
L’État destinataire de la poursuite se retrouve compétent pour poursuivre une
infraction à laquelle s’appliquait initialement la loi pénale d’un autre État. C’est une
compétence originale, empruntée à la convention et issue d’une demande de
poursuite. Par la demande, l’État requérant manifeste son souhait d’abandonner son
droit de poursuite pour que la loi de l’État requis puisse s’appliquer. La compétence de
l’État requis nait ainsi du seul fait de la demande de transmission. Il s’agit ici d’un
système de transfert de poursuite en deux temps. Dans un premier temps, la
convention attribue à l’État requis la compétence nécessaire. Dans un second temps,
la requête de transmission de poursuite permettra à cet État d’exercer sa compétence
déléguée, tout en empêchant l’État réquérant d’exercer sa compétence originaire. Il
s’agit ainsi de la consécration d’une compétence extraterritoriale indépendante des
législations nationales des États et fondée sur la demande expresse de reprise des
poursuites de l’État réquérant à l’État requis.
Lorsque la transmission des poursuites aboutie, elle produit des effets non seulement
sur la compétence des deux États concernés mais également sur le sort des actes
posés dans chaque État.
confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme conclue à Varsovie le 16 mai 2005,
STCE 198 ( article 23 chapitre 1 et 2 ).
232 Article 2 § 2 de la Convention européenne de 1972 sur la transmission des poursuites ;
62
transmission des poursuites est celle de savoir ce qu’il adviendra lorsque l’État requis
va accepter la demande de transmission.
233 ALT-MAES F., « La délégation de compétence dans les conventions européennes », Mélanges
offerts à Georges Levasseur, droit pénal droit européen, Gazette du Palais, édition Litec, 1992 p.389.
63
partenaire. Est-ce après l’acceptation de la demande de transfert de poursuite ou dès
la formulation de la demande de transmission des poursuites. Cette question a un
intérêt dans la mesure où elle pose la question de confiance entre les États
partenaires. L’on pourrait à juste raison se demander pourquoi l’État requérant
continuerait de traiter le dossier alors qu’il vient de demander à un partenaire de s’en
occuper.
Si l’option des États membres de la CEDEAO semblent claire avec l’article 29, à savoir
que la compétence de l’Etat requérant s’éteint à partir du moment où l’État requis a
accepté la demande de transfert de poursuite, nous estimons qu’il ne faut pas exclure
la possibilité d’envisager une extinction de la compétence de l’État requérant dès
l’introduction de la demande de transfert de poursuite, quitte à ce que l’État requérant
décide de fixer un délai raisonnable à l’État requis pour éviter une lenteur au niveau
de la procédure qui pourrait être préjudiciable au délinquant. Cette option cadre mieux
avec le contexte de coopération rapprochée 234 en vigueur au sein de l’espace
UEMOA. En effet, les États membres de l’UEMOA forment un groupement à part
entière au sein de la CEDEAO.
C’est d’ailleurs l’option choisie par les États membres du conseil de l’Europe. En effet,
l’article 21 §1 de la convention européenne sur la transmission des procédures
répressives stipule que « dès que l’État requérant a présenté la demande de poursuite,
il ne peut plus poursuivre le prévenu pour le fait qui a motivé cette demande, ni
exécuter une décision qu’il a prononcée antérieurement pour ce fait contre le
prévenu ».
Tout comme la saisie236, le gel est une mesure qui permet provisoirement de porter un
coup d’arrêt à l’activité illicite d’une personne soupçonnée de blanchiment d’argent.
Ces mesures sont généralement adoptées pour faciliter une future mesure de
confiscation.
Par ailleurs, il faut ajouter que l’État requérant peut parfois récupérer son droit de
poursuite en fonction de l’attitude de l’État sollicité qui ne donne pas suite à la
demande, refuse la demande ou la révoque après l’avoir acceptée. Il peut également
reprendre ses droits de poursuites si l’État requis ne remplit pas les conditions posées
dans le cadre de l’accord entre les deux États partenaires. Par exemple, s’il ne
transmet pas le dossier aux autorités de poursuite, ou s’il ne se conforme pas aux
règles régissant la poursuite déléguée qui recommande l’application de la lex mitior237.
l’application de la peine du droit de l’État requérant si elle est plus favorable que celle du droit
délégataire. Le principe dit de la lex mitior s’applique lorsque la transmission des poursuites implique
une délégation c’est-à-dire que l’État requis emprunte sa compétence de la convention qui prescrit la
65
L’application de la lex mitior se justifie par le fait que la transmission des poursuites ne
peut avoir pour conséquences d’empirer la situation du délinquant ou encore ne
respecte pas les droits fondamentaux du délinquant238.
transmission des poursuites c’est-à-dire une compétence déléguée qui fait qu’il applique la loi de l’État
requérant.
238 Il s’agit essentiellement de son droit à un procès juste et équitable, le droit de ne pas être victime de
l'État requérant, la demande de poursuite conforme au présent titre a pour effet de prolonger de six
mois le délai de prescription de l'action publique ». Il est prolongé de 06 mois pour les États membres
du Conseil de l’Europe (article 22 de la Convention européenne sur la transmission des poursuites). La
Convention sur l’entraide judiciaire entre les États membres est muet sur cette question mais le délai
de 06 mois nous semble raisonnable et pourrait servir les États membres de l’UEMOA.
240 La lex fori (français la "loi du for") est une notion d'origine latine, propre au droit international privé,
qui signifie “la loi (lex) applicable au lieu où se trouve installé le tribunal (for) devant lequel l'affaire a été
portée". Lorsqu'un juge est saisi d'une affaire qui présente un caractère international, il doit s'interroger
sur la loi applicable à cette affaire. Dans certaines hypothèses, ce sera la lex fori qui s'appliquera, c'est
à dire la loi qui est en vigueur dans l'État où est implanté le tribunal saisi. Mais il peut y avoir des
exceptions. Si les parties, au lieu de s'adresser à une juridiction étatique, ont convenu de confier le
règlement de leur différend à des arbitres, c'est à la juridiction arbitrale qu'à défaut d'une entente
expresse des parties, il appartient de déterminer la loi de fond applicable dite "loi de rattachement ",
notamment en interprétant la volonté de ces derniers ou en se déterminant en fonction de la localisation
du rapport contractuel qui a donné lieu au litige. A lire sur www.glossaire-int.com consulté le 13/01/2015.
241 ALT MAES F., « La délégation de compétence dans les conventions européennes », op.cit., p.389.
66
De même, il lui appartient de déterminer sur la base de sa loi nationale la procédure
applicable, la peine242 et ses modalités d’exécution. Il peut également prendre des
mesures provisoires conformément à l’article 31 de la convention de la CEDEAO qui
stipule que « … L’État membre requis pourra à la demande expresse de l’État membre
requérant prendre toutes les mesures conservatoires, y compris de détention
provisoire et de saisie qui seraient applicables en vertu de sa propre législation si
l’infraction donnant lieu à la demande de transfert de poursuite avait été commise sur
son territoire ».
242 Sur la peine, il devra prendre en compte la peine applicable dans l’Etat requérant s’il agit en vertu
d’une compétence autonome c’est-à-dire empruntée de la convention et non originaire, voir article 30
§1 de la Convention de la CEDEAO sur l’entraide judiciaire.
243 Article 5 du traité-type sur le transfert des poursuites pénales.
244 Pour les États membres de l’UEMOA, ce sera en vertu de la Convention de la CEDEAO sur l’entraide
judiciaire et la Lu.
245 Tous les États membres de l’UEMOA connaissent le principe de l’opportunité des poursuites. A titre
de droit comparé, la France applique également le principe de l’opportunité des poursuites, lire à ce
sujet PRADEL J., Droit pénal comparé, Dalloz, 2016, p. 434-452.
246 Sur la légalité des poursuites, voir PRADEL J., Droit pénal comparé, Dalloz, 2016, p. 434-452 ;
PRADEL J., « Opportunité ou légalité de la poursuite ? Aspects sur quelques législations d’Europe »,
RID pénal. 1991, p. 9 et svts.
247Cependant, le déclenchement des poursuites n’est pas aussi systématique qu’il y parait. Souvent
dans les pays légalistes, le législateur prévoit que le Ministère public pour être éclairé sur la consistance
des preuves peut ordonner une enquête préliminaire. Les actes d’investigations effectués au cours de
cette enquête servent à éclairer le Ministère public sur la réalité du délit et à fonder une poursuite qui
est alors obligatoire si cette réalité apparait.
67
prendre les dispositions législatives nécessaires pour satisfaire les demandes de
transfert de poursuites venant des autres États membres248. Toutefois, elle leur offre
la possibilité de prendre la décision qu’il juge appropriée249, y compris celle de refuser
la demande de transfert.
Dans tous les cas, le principe de l’opportunité et le principe de la légalité ont peu
d’influence sur le succès des procédures de transmission des poursuites. En effet, si
l’on considère les Etats qui appliquent le principe de la légalité des poursuites250, l’on
se rend compte que, généralement, ils ont des réticences à conclure des accords
internationaux portant sur la transmission des poursuites. Selon leur compréhension,
l’acceptation de ces accords les obligerait à poursuivre toutes les infractions qui feront
l’objet de demande. Quant aux États connaissant l’opportunité des poursuites, ils ne
veulent pas être contraints par une convention à devoir poursuivre sans pouvoir statuer
en opportunité.
Espagne, en Grèce, dans un grand nombre de cantons suisses et dans les pays marxistes ». MM.
MERLE et VITU, Traité de droit criminel, T.II, 4e éd., p.331 n°278, éd. Cujas, Paris 1989.
68
général qui est soumis à la hiérarchie du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux,
membre du gouvernement et homme politique donc Personne Politiquement Exposé
(PPE) 251 . Laisser donc le Procureur de la République apprécier l’opportunité des
poursuites quand il reçoit un rapport de la Cellule des renseignements financiers 252
faisant état de faits susceptibles de constituer une infraction de blanchiment peut être
une aubaine pour les hommes politiques les plus exposés au blanchiment d’entraver
certaines poursuites. Cette disposition apparait comme un verrou à toutes formes de
blocage aux poursuites dans le cadre d’une procédure de blanchiment. Deuxièment,
cette disposition tranche avec ce qui est prévu dans les différents Codes de procédure
pénale253 des Etats membres qui dispose que le procureur de la république dispose
de l’opportunité de poursuite. Il convient d’harmoniser ces deux lois de procédure
pénale pour éviter que certains États peu enclins à respecter la Lu soient tentés de la
réviser dans le sens de la suppression de l’article 27. Une crainte justifiée par l’attitude
du Ministère public de certains Etats membres. En effet, certains parquetiers des Etats
membres de l’UEMOA, se fondant sur le principe de l’opportunité des poursuites qui
caractérise le parquet dans leur système juridique, résistent à poursuivre sur la seule
base des rapports transmis par les Centif254. Enfin, cette disposition de la Lu est un
atout pour la transmission des poursuites. Aucun État membre de l’Union ne peut
arguer de l’opportunité de poursuite pour refuser une demande de transfert des
251 L’expression PPE nationales désigne les personnes physiques qui exercent ou ont exercé
d'importantes fonctions publiques dans le pays, par exemple, les chefs d'État et de gouvernement, les
politiciens de haut rang, les hauts responsables au sein des pouvoirs publics, les magistrats et militaires
de haut rang, les dirigeants d'entreprise publique et les hauts responsables de partis politiques.
Les personnes qui exercent ou ont exercé d’importantes fonctions au sein de ou pour le compte d’une
organisation internationale désigne les membres de la haute direction, c’est-à dire les directeurs, les
directeurs adjoints et les membres du conseil d’administration et toutes les personnes exerçant des
fonctions équivalentes. La notion de PPE ne couvre pas les personnes de rang moyen ou inférieur
relevant des catégories ci-dessus. Lire Glossaire des Recommandations du GAFI, [en ligne], [consulté
la derniére fois le 30/01/2015], www.fatf-gafi.org/fr.
252 La Lu prévoit en son article 16 (Titre IV, chapitre I) l’institution par décret d’une Cellule Nationale de
Traitement des Informations Financières (CENTIF). La CENTIF est un service administratif doté de
l’autonomie financière placée sous la tutelle du Ministre chargé des Finances. Elle a pour mission
d’assurer la collecte et le traitement des informations relatives à la lutte contre le blanchiment de
capitaux, notamment celles issues des déclarations de soupçon de blanchiment transmises par les
assujettis. A ce jour, chacun des États membres de l’Union dispose d’une CENTIF fonctionnelle.
253 Au Burkina Faso par exemple, c’est l’article 39 dudit code.
254 DIAKHATE S., La lutte contre la délinquance économique et financière dans l’Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des
Affaires en Afrique (OHADA) : état des lieux et perspectives, thèse de doctorat, droit privé et sciences
criminelles, Université Panthéon-Sorbonne- Paris I, 2017, p.111.
69
poursuites nonobstant l’article 24 255 de la convention de la CEDEAO sur l’entraide
judiciaire.256
255 L’artcle 24 dispose que « Les autorités compétentes de l’État membre requis examineront les
mesures à prendre au sujet de la demande de transfert des poursuites afin d’y donner suite dans toute
la mesure du possible, conformément à leur propre législation et informeront sans retard l’État membre
requérant de leur décision ».
256 Il faut tout de même souligner une difficulté juridique à ce niveau. Conformément à la Constitution
des différents États membres de l’UEMOA, les instruments juridiques internationaux régulièrement
ratifiés ont une force supérieure aux normes internes. Or la Lu malgré son appellation a la valeur d’un
texte juridique interne donc inférieur à la convention de la CEDEAO sur l’entraide judiciaire. A propos
de la supériorité des normes internationales sur les normes internes, lire DEHAUSSY J., « La supériorité
des normes internationales sur les normes internes : à propos de l’arrêt du Conseil d’État du
20/10/1989 », Journal du droit international, édition Marchal et Godde, pp. 5-33.
257 Le principe d’assimilation ou d’équivalence développé par ALT-MAES F. dans « La délégation de
compétence dans les conventions européennes » Mélanges offerts à LEVASSEUR G., droit pénal droit
européen, Gazette du Palais, édition Litec, 1992 p.384.
70
poursuites prévaut ainsi dans l’espace UEMOA au détriment de la règle de la reprise
des poursuites. Cette solution a l’avantage d’alléger les procédures car une reprise
des enquêtes et des poursuites alourdirait la procédure et serait préjudiciable au
délinquant et même aux éventuelles victimes. Ainsi, les actes d’enquête et de
poursuites qui ont été effectués dans l’État requérant auront la même valeur que s’ils
avaient eu lieu dans l’État qui reprend l’action. A titre illustratif, les preuves
administrées valablement dans l’État requérant seront acceptées par l’État requis, les
auditions effectuées ou les perquisitions effectuées auront des effets en dehors du
territoire sur lequel ils ont été faits. Cette option peut avoir une portée importante sur
la liberté d’un prévenu, par exemple. La durée de détention provisoire devrait être
imputée sur la peine prononcée par l’État comme c’est le cas en droit interne.
* *
*
87. Conclusion du chapitre 1. L’analyse sur la transmission des poursuites en
tant que modalité d’entraide judiciaire permet de conclure qu’elle est nécessaire dans
la lutte contre le blanchiment d’argent. En effet, dans le cadre des affaires
transnationales multilatérales comme celles concernant le blanchiment, il est important
que les États impliqués se concertent pour accroître l’efficacité des poursuites tout en
garatissant une bonne adminsitration de la justice. Ainsi l’État le mieux placé pour
diligenter les poursuites de manière efficace devra être priviligié en dehors de toutes
considérations souverainistes.
259 Sur la notion de confiance mutuelle et son apport à la coopération judiciaire lire MALABAT V.,
« Confiance mutuelle et mise en œuvre du mandat d’arrêt européen » in Mélanges GUINCHARD S.,
Justices et droit du procès, du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Dalloz, pp. 975 à 983 ;
FLORE D., « La notion de confiance mutuelle : l’ « alpha » ou l’ « oméga » d’une justice pénale
européenne ? », in DE KERCHOVE G. et WEYEMBERGH A. (dir.), La confiance mutuelle dans l’espace
pénal européen, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, coll. « Etudes européennes », 2005, p.
18. ; DE LAMY B., « La confiance mutuelle comme fondement du mandat d’arrêt européen, Un peu,
mais pas trop… pour l’instant » in Mélanges dédiés à BOULOC B., les droits et le droit, Dalloz, 2007, p.
559 à 572.
260 Comme l’extradition, le transfèrement de personnes condamnées, l’exécution de commission
rogatoire.
261 CORSTENS G., « Vers une justice pénale européenne », in mélanges offerts à PRADEL J., Le droit
pénal à l’aube du troisième millénaire, éd. Cujas, 2006 pp. 1033 à 1045.
72
Chapitre 2 : l’exécution extraterritoriale des décisions pénales se rapportant au
blanchiment
89. Les problèmes liés à l’efficacité extra territoriale d’un jugement pénal
étranger. En prônant « la suppression entre les États membres des obstacles à la
libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux
droits de résidence et d’établissement »262, le traité instituant la CEDEAO crée des
conditions favorables aux déplacements des individus, y compris des délinquants, d’un
État à un autre au sein de la communauté. L’hypothèse d’un individu jugé et condamné
pour blanchiment d’argent et qui parvient à prendre la fuite de l’État de condamnation
pour trouver refuge dans un autre État membre soulève plusieurs questions sur le
traitement que l’État de refuge doit réserver à ce dernier. En effet, dans une telle
hypothèse, l’on est en droit de se demander si cette décision de condamnation qui
émane d'un organe pénal étranger statuant sur l’action publique est exécutoire sur le
territoire de l’État de refuge du délinquant. De même, l’on peut se poser la question de
savoir si l’autorité de la chose jugée d’une telle décision peut être reconnue dans l’État
de refuge. Par exemple, s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement qui a été prononcée,
peut- elle être subie dans l’État de refuge ? Les incapacités et déchéances attachées
à un tel jugement étranger de condamnation suivent-elles le délinquant qui se trouve
dans l’État de refuge ? Est-il possible qu'un tribunal de l’État de refuge prenne en
considération cette décision de condamnation pour appliquer à cet individu les règles
de cet État relatives à la récidive ? Dans le même sens, s’il s’agit d’une décision de
non-lieu, de relaxe ou de condamnation, fait-elle obstacle à ce que les faits déjà
examinés soient à nouveau poursuivis dans l’État de refuge ? Toutes ces questions
renvoient en général à l’éfficacité extraterritoriale d’un jugement pénal étranger. Dans
l’expression « efficacité extraterritoriale », le terme « efficacité » se rapporte à « effet »
qui correspond aux « conséquences juridiques » que peuvent produire les décisions
de justice263. Il s’agit, en d’autres termes, de la valeur d’un jugement pénal une fois
franchi les frontières extérieures du territoire sur lequel il a été rendu.
En s’appuyant, en outre, sur les instruments juridiques de l’ONU266, les États membres
de la CEDEAO ont procédé à ce que certains auteurs ont appelé « l’érosion de la
territorialité des jugements répressifs »267. Ainsi, les Etats membres de l’UEMOA qui
font partie de l’espace CEDEAO ont entrepris, à travers la loi uniforme, d’abandonner
le principe de la territorialité des jugements répressifs en consacrant le principe de la
reconnaissance mutuelle « à toute décision de justice définitive de saisie ou
confiscations des produits des infractions (de blanchiment) » 268 . Le droit
communautaire UEMOA introduit ainsi une profonde réforme en matière d’exécution
des décisions étrangères. Cette réforme a été précédée d’un aménagement de la
territorialité des jugements répressifs étrangers (section 1) qu’il convient d’exposer
pour mieux appréhender l’importance de la reforme introduite avec la reconnaissance
mutuelle (section 2).
264 Sur le contenu du principe de reconnaissance mutuelle voir infra § 124 et svts.
265 Les conclusions de la présidence sont disponibles au lien suivant : www.consilium.europa.eu
consulté la dernière fois le 08/12/2015.
266 Article 5 de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes du 20 décembre 1988 (dite convention de Vienne), Nations Unies, collection des traités
au lien suivant [ en ligne], [consulté la dernière fois le 08/12/2015], http : //treaties.un.org.
267 LEVASSEUR G. et DECOQ A. in Répertoire Dalloz, Droit international, « jugement étranger (en
matière pénale) », n°24 cité par S. GOURDON, L’entraide répressive entre les États de l’Union
européenne, thèse en droit de l’Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2003, p 201.
268 Article 150 alinéa 1 de la Lu.
74
concernant l’efficacité extraterritoriale des décisions répressives étrangères, à savoir,
par exemple, si une sanction pénale prononcée par une décision définitive au Sénégal
peut être exécutée en Côte d’Ivoire. Par exemple, une peine privative de liberté infligée
par un tribunal répressif sénégalais est-elle susceptible d'être subie dans un
établissement pénitentiaire ivoirien ? Une amende prononcée au Sénégal peut-elle
être recouvrée en Côte d’ivoire ? En principe, la réponse à ces interrogations est
négative si l’on se réfère au droit pénal international classique en général et au droit
pénal en vigueur dans les États membres de l’UEMOA en particulier. En effet, il n’est
nullement envisagé dans les législations des États membres la possibilité d’exécuter
des jugements répressifs étrangers. Les États ont ainsi fait le choix de la territorialité
des jugements répressifs à laquelle ils ont néanmoins apporté des aménagements.
Ces aménagements se vérifient, d’une part, par le fait que certaines législations
autorisent la prise en considération (§1) des décisions répressives étrangères par les
juridictions nationales lorsque cela s’avère nécessaire dans les jugements qu’elles
rendent. À titre d’illustration, la législation ivoirienne prévoit expressément la prise en
considération des jugements répressifs étrangers par les juridictions nationales,
notamment pour apprécier la récidive et le sursis269. Des dérogations existent à travers
la ratification et l’application de conventions internationales par les États membres qui
prescrivent l’exécution des décisions répressives étrangères d’autre part (§2).
93. Les généralités sur les effets des décisions répressives. Dans les
rapports de droit interne, les décisions répressives ont l’autorité négative de la chose
jugée, c’est-à-dire qu’une fois la décision rendue, il est fait obstacle à ce que l’action
publique puisse être engagée une seconde fois pour les mêmes faits contre la même
droit européen, Mélanges offerts à LEVASSEUR G., Paris, Gazette du Palais et Litec, 1992, p.140.
273 DONNEDIEU DE VABRES H. Les Principes modernes du droit pénal international, recueil Sirey,
1928, p. 304.
274 LOMBOIS C., droit pénal international op.cit. § 396, pp 504, 505.
275 GIDEL G. cité par REBUT D., Droit pénal international, p.396.
76
donner effets aux jugements répressifs étrangers qui ont pour seul but de protéger
l’ordre social étranger.
Pour le professeur Georges LEVASSEUR, un État n’a pas à s’immiscer dans la façon
dont son voisin a rendu la justice. Pour cet auteur, attribuer un certain effet aux
sentences pénales étrangères, ce serait limiter indirectement la liberté d’action de
l’État qui consentirait à reconnaitre un tel effet sur son territoire.
276 DONNEDIEU DE VABRES H., principes modernes de droit pénal international, recueil Sirey, 1928,
p.304.
277 HUET A. et KOERING-JOULIN R., « Effets en France des décisions répressives étrangères »,
77
l’indépendance des États, dès lors qu’elle nécessite leur assentiment279. Ils dénoncent
en général la territorialité des jugements répressifs étrangers au motif qu’elle est
inadaptée aux exigences du droit pénal moderne et, plus particulièrement, aux
exigences d’individualisation des peines 280 . Ils réfutent l’argument de l’absence
d’intérêt pour un État d’appliquer un jugement étranger et opposent à cet argument la
nécessaire solidarité répressive des États. Dans cette dynamique, le professeur Henri
Donnedieu de VABRES développe l’idée que « cet acte de collaboration leur est
imposé par leur intérêt même, le plus direct et le plus évident. L’État qui s’y refuse
s’expose à rencontrer, le jour où il voudra, pour assurer l’exécution de ses propres
sentences, faire appel au concours des autres, une mauvaise volonté réciproque, une
inertie semblable. Bien plus, il ne tardera pas à devenir le refuge de bandits,
condamnés à l’étranger, assurés de trouver sur son territoire un asile, et qui bientôt
mettront en péril sa propre sécurité. Dans ces conditions, l’appui donné à l’autorité
étrangère est tout autre chose qu’une concession gracieuse ou qu’un acte de
courtoisie. L’intérêt, lorsqu’il est certain, lorsqu’il est commun à tous les États, lorsqu’il
est conforme à la justice, est le fondement d’un devoir, le devoir d’assistance juridique,
de collaboration internationale »281 . Poursuivant dans le même sens, le professeur
Henri Donnedieu de Vabres soutient que « la solidarité qui existe aujourd’hui entre les
États, dans l’œuvre répressive, les oblige à faire une part à l’application de leurs lois
respectives, à collaborer dans la recherche et l’arrestation des malfaiteurs. Comment
cette entraide juridique serait-elle efficace si les mêmes États tiennent pour nulles les
sentences prononcées par leurs tribunaux répressifs »282. Pour les opposants à la
thèse territorialiste, l’extraterritorialité des jugements répressifs est une nécessité
vitale283.
96. L’option de la territorialité faite par les États membres de l’UEMOA. Les
arguments en faveur de la territorialité ont trouvé un écho favorable au niveau des
États aussi bien à travers leur jurisprudence qu’à travers leur législation. Les États
ouest africains n’ont pas opté pour l’exécution des décisions répressives étrangères.
Dans les dispositions des différents codes de procédure pénale se rapportant à
326.
282 DONNEDIEU DE VABRES H., Droit pénal international, les principes modernes, op.cit. p 303.
283 HUET A., KOERING-JOULIN R., « Effets en France des décisions répressives étrangères »,
284 Titre premier du livre 5 du code de procédure pénale du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire
et du Sénégal, Livre IV du code de procédure pénale du Togo, Titre XII du code de procédure pénale
du Mali.
285 Lorsqu’il évoque l’état du droit français sur l’efficacité des jugements répressifs étrangers, le
Professeur LOMBOIS C. écrit qu’« un jugement répressif étranger n’a jamais d’effets actifs, il n’a pas à
proprement parlé, d’effets positifs ».
286 DUFFOURC M., GOGORZA A., GUERIN M.-C., HERRAN T., DE JACOBET DE NOMBEL C.,
MALABAT V., La dimension internationale de la justice pénale, Rapport scientifique d’une recherche
réalisée avec le soutien du GIP mission de recherche Droit et Justice, novembre 2011.
287 Cass.crim., 30 avril 1885, S.1886.1.132.
288 Saint-Denis de la Réunion, 4 mars 1990, note FOURNIER A., Rev. crit. DIP, avril/mai 1991, p. 366 ;
note J. CHAPPEZ, JDI, 1992, p. 402 et s. Cette décision insiste également sur le caractère exceptionnel
de l’exécution d’une décision de condamnation étrangère, rappelant qu’elle ne peut avoir lieu qu’à la
condition qu’il existe une convention internationale entre les États.
79
selon le professeur Donnedieu de Vabres, par le fait que, contrairement à la loi, « le
jugement est une œuvre particulière et qui, sur le territoire même où il a été rendu,
n’est sanctionné par la force qu’en vertu d’un ordre du gouvernement local ». Lorsque
le jugement franchit la frontière, son exécution rencontre des obstacles dans la mesure
où, poursuit-il, « cet ordre du pouvoir exécutif ne peut dépasser, dans ses effets, les
limites du territoire où ce pouvoir s’exerce réellement »289. La méthode de la prise en
considération vise à remédier à cet obstacle dans la coopération judiciaire. Son champ
d’application se limite pour certains États à l’espace communautaire. En France, par
exemple, la jurisprudence ne tient aucun compte de l'existence d'une décision
étrangère de condamnation. Tout se passe comme si le délinquant n'avait jamais été
condamné et comme s'il était un délinquant primaire. C’est ainsi qu’une condamnation
étrangère ne fait pas obstacle à l'octroi d'un sursis simple lors du prononcé d'une peine
sanctionnant une nouvelle infraction 290 . Il en est de même pour une décision
répressive étrangère qui ne constitue pas le premier terme de la récidive et ne peut
donc pas servir de base à l'application en France d'une aggravation de la peine pour
cause de récidive291. La méthode de prise en considération de la décision étrangère
pour la récidive et le sursis n’est admise en France que pour les décisions émises par
un Etat membre de l’Union européenne292. Tout comme en France, les États membres
de l’UEMOA n’admettent la méthode de la prise en considération que pour les
décisions émanant des autres États membres293, à l’exclusion de la Côte d’Ivoire dont
la législation autorise la méthode de la prise en considération même pour les décisions
émanant d’États non membres. En effet, le code pénal ivoirien dispose que « les
sentences pénales étrangères peuvent être prises en considération pour l'octroi et la
révocation du sursis, la récidive, l'application des mesures de sûreté, les incapacités
et déchéance, la réhabilitation, les réparations, restitutions ou autres effets civils ainsi
que pour toutes les autres conséquences juridiques prévues par le présent Code. »294.
Le législateur ivoirien permet ainsi aux tribunaux ivoiriens, lors du prononcé d’un
jugement, de prendre en considération une condamnation prononcée antérieurement
289 DONNEDIEU DE VABRES H., Principes modernes de droit pénal international, recueil Sirey 1928,
p 325.
290 Cass. crim., 24 nov. 1910: Bull. crim. 1910, n° 578.
291 Cass. crim., 27 nov. 1828 : S. 1829, 1, p. 193 ; dans cette décision, la Cour de Cassation se fonde
sur "la considération que les limites du territoire sont les limites de la souveraineté". Voir également,
Cass. crim., 7 nov. 1968 : Bull. crim. 1968, n° 290 ; D. 1969, p. 220. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation
affirme que "seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des
termes de la récidive".
292 Article 132-23-1 et 132-23-2 du code pénal français.
293 Article 20 de la convention d’entraide judiciaire de la CEDEAO de 1992.
294 Article 18 al 1 du code pénal Ivoirien, disponible sur www.loidici.com .
80
en raison d’une autre infraction en vue d’attacher aux jugements étrangers les
déchéances et incapacités, les réparations qui, selon la loi, découlent des jugements
nationaux. Mais l’on est tenté de se demander ce que renferme la notion de prise en
considération et la véritable motivation de son adoption au sein de l’Union.
Sur la notion d’ « étranger », l’on peut se fier à la définition donnée en droit français
par la Cour de cassation. La haute juridiction française qualifie d’étrangère une
décision prononcée par une autorité étrangère297ou par une instance supranationale
peu importe le lieu où la décision a été rendue. Ce qui est important ici c’est
l'allégeance nationale de l'autorité qui a rendu la décision, à l'exclusion de son assise
295 La Convention de Vienne de 1988, la convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée (2000) et la convention des Nations Unies contre la corruption dite convention
de Mérida.
296 DE KERCHOVE G., « La reconnaissance mutuelle des décisions pré-sentencielles en général »,
dans la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires pénales dans l’Union européenne, édition de
l’université de Bruxelles, 2001.
297 Cass. crim., 7 Nov. 1968: Bull. crim. 1968, n° 290; D. 1969, p. 702. Dans cette décision, la Cour de
cassation relève qu’une décision rendue par les autorités judiciaires algériennes en 1964 doit être
considérée comme une décision étrangère dans la mesure où, aux termes d’une déclaration en date du
3 juillet 1962, le gouvernement français reconnaissait l’indépendance de l’Algérie.
81
territoriale298. Les décisions rendues par une autorité étrangère alors même que ladite
autorité serait installée en France sont qualifiées d’étrangères 299. Lorsque l’on prend
en compte cette définition, il est évident qu’une décision rendue par les juridictions
sénégalaises délocalisées au Burkina Faso ne serait pas qualifiée d’étrangères pour
l’État du Sénégal, par exemple. Par contre, serait étrangère aux autorités sénégalaises
une décision rendue par une juridiction burkinabè siégeant au Sénégal.
298 HUET A., KOERING-JOULIN R., « Effets en France des décisions répressives étrangères : autorité
de la chose jugée » ; J-Cl. Droit international, Fasc. 404-10 et 404-20. Les auteurs soulignent le fait qu’
« ainsi est française la décision qui émane d'une autorité française, même si celle-ci siège à l'étranger ».
299 Cass. crim., 28 oct. 1943: Bull. crim. 1943, n° 107, jugement rendu en France par les autorités
allemandes d'occupation.
300 LEVASSEUR G. et DECOQ A., « Jugement étranger [matière pénale] », n° 8 in Répertoire de droit
p.156 cité par TAUPIAC NOUVEL G., Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions
répressives dans l’Union européenne op.cit. p 138.
302 Huet A. et KOERING-JOULIN, R., JurisClasseur, « Droit international », 22 Mai 2013 ; Fasc. 404-
10 « Effets en France des décisions répressives étrangères. - autorité de la chose jugée », p 22.
82
édictées par la loi nationale ou ne pas tenir pour un délinquant primaire un individu
poursuivi sur le territoire national pour y avoir commis une infraction après avoir été
condamné à l'étranger pour une autre infraction. Il s’agit donc pour une juridiction
nationale de se fonder sur un jugement répressif étranger pour prendre des mesures
prévues par sa législation nationale à l’encontre d’un délinquant. Ainsi la prise en
considération est caractérisée quand l’énoncé de la décision étrangère vient
« conditionner l’effet juridique posé par une règle matérielle d’un autre système
juridique » 303 . Autrement dit, le contenu de la décision étrangère va conditionner
l’application du droit du for. Ici, le juge national tire profit des motifs à savoir les faits
qui ont motivé la condamnation afin d’appliquer la loi nationale ou loi du for. En France,
par exemple, pour faciliter cette utilisation, le code de procédure pénale prévoit le
classement au casier judiciaire des avis provenant des autorités étrangères
concernant les français condamnés par des juridictions étrangères et dont les autorités
françaises sont informées en application d’une convention internationale304.
303 NIBOYET M.L. et GEOUFFRE DE LA PRADELLE G., Droit international privé, 2 éd., 2009, LGDJ
cité par TAUPIAC NOUVEL G., Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans
l’union européenne, p.156.
304 Article 768 du CPP.
305 HUET A. et KOERING-JOULIN R., « Effets en France des décisions répressives étrangères », Jscl.
306 DAVID F., « De la reconnaissance des sentences pénales étrangères en France au point de vue de
la récidive et du sursis », RIDP, 1938, p.321 et svts.
307 REBUT D., Droit pénal international, 2e édition, Dalloz 2015, § 746, p. 448.
308 Civ., 7 décembre. 1936, S.1937.1.9.
84
aux États membres de l’UEMOA de déroger au principe de la territorialité des
jugements répressifs afin d’apporter une réponse efficace à la grande criminalité. En
conséquence, les décisions de condamnations à des peines privatives de liberté (A)
ainsi que les décisions de nature pécuniaire et de confiscation (B) émanant d’un État
membre sont reconnues et exécutées dans n’importe quel autre État membre. Il
appartient néanmoins à la législation de l’État d’exécution d’apprécier les conditions
d’exécution des décisions étrangères limitant ainsi la portée de la dérogation de la
territorialité.
a. La délégation de l’exécution
85
l’UEMOA ont signé des conventions bilatérales 309 qui prévoient la procédure de
délégation de l’exécution.
309 Les conventions générales de coopération judiciaire entre : - le Mali et le Burkina Faso du 23
novembre 1963 ; - le Mali et le Niger en date du 22 avril 1964 ; - le Mali et la République de Côte d’Ivoire
en date du 11 novembre 1964 ; - le Mali et le Sénégal en date du 08 avril 1965.
310 V. sur cette notion supra § 40 et svts.
311 L’accord du 24 avril 1961 de coopération en matière de justice avec la Côte d’Ivoire, article 63 à 65 ;
l’accord du 24 avril 1961 de coopération en matière de justice avec la Haute Volta (actuelle Burkina
Faso), article 63 à 65 ; accord du 24 avril 1961 de coopération en matière de justice avec le Niger, art.
63 à 65.
86
107. La délégation de l’exécution des peines dans les conventions
multilatérales entre États membres. Il existe également des conventions
multilatérales à vocation sous régionale et africaine qui prévoient la procédure de
transmission de l’exécution des peines d’emprisonnement. L’on peut citer la
convention générale de coopération en matière de justice conclue entre certains États
membres de l’UEMOA et d’autres États africains 312 , la convention relative à la
coopération en matière judiciaire entre les États membres de l’accord de non-
agression et d’assistance en matière de défense (ANAD) 313 , la convention de
coopération et d’entraide en matière de justice entre les États membres du conseil de
l’entente314 qui regroupe cinq État membres de l’UEMOA que sont le Benin, le Burkina
Faso, la Cote d’ivoire, le Niger et le Togo. Plus spécifiquement pour les infractions de
blanchiment, la Lu prévoit en son article 152 315la possibilité pour les États membres
de déléguer l’exécution des peines de confiscations, d’amendes et de déchéances
prononcées à l’encontre d’une personne jugée pour cette infraction aux autorités
compétentes d’un autre État membre.
il regroupe le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le
Togo. Conclu à Nouakchott le 21 avril 1987, il vise à engager les États à ne pas recourir à la menace,
à ne pas utiliser la force et l'agression ou à tout autre moyen contraires aux chartes de l'ONU et de l'UA.
314 Article 59 de cette convention qui regroupe cinq État membres de l’UEMOA que sont le Bénin, le
des déchéances prononcées pour les infractions visées par la présente loi, par une décision définitive
émanant d’une juridiction d’un État membre de l’UEMOA, peuvent être exécutées sur le territoire
national, à la demande des autorités compétentes de cet État ».
87
bilatérales et multilatérales précitées316. En effet, les dispositions de ces conventions
prescrivent aux États l’exécution dans leur centre pénitentiaire des personnes
condamnées par des juridictions étrangères quel que soit leur nationalité. Ainsi, la
reprise de l’exécution des peines est implicitement prévue dans les différentes
conventions suscitées. Elle permet de compenser les cas de refus d’extrader les
nationaux qui trouvent son fondement légal dans la convention CEDEAO sur
l’extradition317. Elle est l’apanage de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe
comme le soutient Monsieur le professeur Didier REBUT 318 . A ce propos, l’auteur
affirme que « la reprise de l’exécution d’une condamnation prononcée à l’étranger est
une stipulation propre aux États européens, puisqu’elle s’applique seulement dans le
cadre de l’Union européenne et du conseil de l’Europe ». Par ailleurs, il explique que
« La reprise de l’exécution dans l’Union européenne se justifie par la proximité
politique de ces États, laquelle autorise l’exécution directe d’une condamnation
prononcée à l’étranger. C’est pourquoi elle ne se retrouve pas dans les relations avec
les autres États. ». Les mêmes raisons peuvent être invoquées pour justifier
l’existence de la procédure de reprise de l’exécution dans l’espace UEMOA. En effet,
les États membres ont non seulement une proximité politique en raison d’un passé
colonial commun mais également une intégration pénale avancée en raison de la lutte
commune qu’ils ont engagés contre la criminalité organisée en général et le
blanchiment des capitaux en particulier. L’illustration est faite par la Lu uniforme qui
autorise l’exécution directe d’une condamnation prononcée par un État membre dans
un autre Etat membre319.
88
d’établissements pénitentiaires à la suite d’un accord conclu entre ces deux États. De
tels accords existent entre la France et Monaco320. De même, la France a conclu un
accord avec les juridictions pénales internationales pour exécuter les décisions de
condamnation que celles-ci prononcent dans la mesure où elle ne dispose pas
d’établissements pénitentiaires. Le transfèrement des condamnés vise aujourd’hui à
permettre à un condamné étranger d’exécuter sa peine dans son État d’origine dans
un but humanitaire et de réinsertion. En France, par exemple, le législateur prévoit une
procédure de transfèrement des personnes condamnées en vertu d’une convention
ou d’un accord international321. Cette procédure est prévue par la loi n° 2013-711 du 5
août 2013322 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice
en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de
la France et la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004323 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité.
29 de l’accord du 24 avril 1961 de coopération en matière de justice avec la côte d’Ivoire ; article 29 de
l’accord de coopération en matière de justice avec la Haute volta( actuel Burkina Faso) ; article 30 de
l’accord du 09 mars 1962 avec le Mali ; article 29 de l’accord du 24 avril 1961 de coopération en matière
de justice avec le Niger ; article 42 de la convention de coopération judiciaire avec le Sénégal du 29
mars 1974 ; article XXIX de la convention de coopération judiciaire avec le Togo du 23 mars 1976
www.justice.gouv.fr.
89
110. Les conditions de fond pour le transfèrement des condamnés selon
les conventions applicables aux États membres. Aux termes de l’article 61 de la
convention de l’Accord de Non-agression et d’Assistance (ANAD), on relève deux
conditions de fond que sont :
328 La Suède étend la notion de « ressortissant » aux étrangers domiciliés sur son sol et le Danemark
l’étend aux condamnés ayant une résidence permanente sur son sol selon une déclaration des deux
États adressées au Secrétariat général du Conseil de l’Europe.
329 L’article 61 de la Convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961
conclue par plusieurs États africains dont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger et le
Sénégal, tous membres de l’UEMOA dispose que « Tout ressortissant de l’État de l’une des Hautes
parties contractantes condamné à une peine d’emprisonnement doit, à la demande de l’un ou de l’autre
Gouvernement et avec le consentement exprès du condamné, être remis aux autorités de l’État où la
peine est exécutée, sur avis de l’Etat dont relève la juridiction de condamnation ».
330 Article 7 § 1 de la Convention du Conseil de l’Europe.
331 Article 3 § 1- d de la Convention du Conseil de l’Europe.
91
- le jugement doit être définitif, c’est-à-dire que seuls les jugements revêtus de l’autorité
de la chose jugée dans l’État de condamnation peuvent donner lieu à une procédure
de transfèrement. Il s’agit à travers cette condition de respecter la souveraineté de
l’État de condamnation qui n’autorisera une procédure de transfèrement qu’après que
ses juridictions aient définitivement jugé l’infraction poursuivie par ses autorités de
poursuites.
- la peine restant à purger doit être relativement importante332, il n’est pas opportun
d’engager une procédure de transfèrement pour une personne qui doit exécuter un
mois d’emprisonnement. Pour les peines de courte durée, l’objectif recherché à travers
le transfèrement qui est la réinsertion ne sera pas atteint. En outre, compte tenu du
coût élevé de la procédure, le transfèrement est également inopportun pour ce type
de peines.
- les faits doivent être incriminés dans l’État d’exécution. En matière de blanchiment,
la double incrimination ne saurait être un obstacle pour les États membres de l’UEMOA
dans leur coopération en matière de blanchiment en raison de la Lu qui harmonise
l’incrimination de cette infraction333. Par conséquent, cette condition est remplie pour
les personnes condamnées pour blanchiment dans un État membre.
332 La Convention du Conseil de l’Europe a adopté le seuil de 06 mois au moins, article 3 § 1.c.
333 Supra § 74.
334 Article 5 et 6.
92
ressortissant à travers la production d’un certificat de nationalité ou tout autre
document en tenant lieu ; une copie des dispositions légales indiquant que l’infraction
reprochée au condamné est réprimée dans l’Etat d’exécution ; une attestation
indiquant quelle procédure l’État d’exécution suivra, le choix lui étant donné entre une
exécution pure et simple et une conversion de la condamnation prononcée. Quant à
l’État de condamnation, il doit fournir à l’État d’exécution certaines pièces telles que :
une copie du jugement et des dispositions légales appliquées ; l’indication de la
condamnation déjà subie avec des précisions sur une éventuelle détention préventive,
une remise de peine ou tout autre acte intéressant l’exécution de la condamnation ;
une déclaration constatant le consentement au transfèrement du condamné ; le cas
échéant, enfin, tout rapport médical ou social sur le condamné et toute
recommandation pour la suite du traitement dans l’État d’exécution.
93
la République Malgache, la République Islamique de Mauritanie, la République du
Niger, la République du Sénégal, la République du Tchad 335 ; l’Accord de Non-
agression et d’Assistance du 21 avril 1987 336 ; la Convention de coopération et
d’entraide en matière de justice entre les Etats membres du Conseil de l’entente qui
regroupent cinq Etats membres de l’UEMOA que sont le Benin, le Burkina Faso, la
Côte d’ivoire, le Niger 337 . En raison des liens particuliers 338 unissant la France et
certains États membres de l’UEMOA, quelques conventions de coopération judiciaires
autorisant l’exécution extraterritoriale des peines d’amendes existent339. L’ensemble
des conventions précitées prévoient les modalités suivant lesquelles les décisions de
condamnation aux amendes doivent être transmises et exécutées.
date du 24 avril 1961, article 33 et l’Accord de coopération entre la France et la Côte d’Ivoire du 24 avril
1961, article 33.
340 L’article 749 du CPP français dans sa rédaction issue de la loi du 09 mars 2004 portant adaptation
de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, a remplacé la contrainte par corps par la
94
sont prévues par le code de procédure pénale341. Pour le recouvrement des amendes,
un délai de trois mois à compter du jour où la décision est devenue définitive est donné
au condamné pour s’acquitter de sa dette entre les mains du trésorier-payeur ou de
l’un de ces comptables subordonnés342. S’il ne le fait pas, la contrainte par corps est
exercée à son encontre sans commandement préalable à la diligence du procureur de
la République ou du procureur général, lesquels adressent les réquisitions
d’incarcération aux agents de la force publique. Le code de procédure pénale prévoit
la durée de la contrainte par corps343 et indique qu’elle est subie dans une maison
d’arrêt ou dans une prison. Elle ne peut être prononcée ni contre des individus âgés
de moins de 18 ans accomplis à l’époque des faits ni contre ceux qui ont commencé
leur soixantième année au moment de la condamnation344. Il convient d’indiquer que
la contrainte par corps ne s’applique que pour les infractions ayant un caractère
politique et celles emportant une peine perpétuelle.
contrainte judiciaire. L’article 749 dispose que « En cas d’inexécution volontaire d’une ou plusieurs
condamnations à une peine d’amende prononcées en matière criminelle ou en matière correctionnelle
pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement, y compris en cas d’inexécution volontaire de
condamnations à des amendes fiscales ou douanières, le juge de l’application des peines peut
ordonner, dans les conditions prévues par le présent titre, une contrainte judiciaire consistant en un
emprisonnement dont la durée est fixée par ce magistrat dans la limite d’un maximum fixé par la loi en
fonction du montant de l’amende ou de leur montant cumulé ».
341 Articles 820 à 839 du CPP du Bénin, articles 698 à 718 du CPP du Burkina Faso, articles 523 à
article 536 du CPP du Togo, articles 709 à 720 du CPP du Sénégal, Articles 699 à 718 du CPP de Côte
d’Ivoire.
342 Article 827 du CPP du Bénin, article 705 CPP du Burkina Faso, article 524 du CPP du Togo, article
Togo, article 710 du CPP du Sénégal, article 700 du CPP de Côte d’Ivoire.
344 Article 821 du CPP du Bénin, article 526 du CPP du Togo, article 701 du CPP du Burkina Faso,
Sur ce point, l’exemple français pourrait inspirer les législateurs des États membres
de l’union. En effet, la procédure française est similaire à celle définie pour l’exécution
des décisions de confiscation transmises au sein de l’Union Européenne. Elle se fait
conformément aux articles 713-36 et suivants du Code de procédure pénale351 qui
régissent le domaine de l’exécution des décisions de confiscations prononcées par les
345 Article 5 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et substances
psychotropes de 1988, article 13-1-a de la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée de 2000 et l’article 31 de la Convention des Nations Unies contre la corruption
de 2003.
346 Article 105 de la la Loi n° 004-2015/CNT du 03 mars 2015 portant prévention et répression de la
corruption au Burkina Faso, Article 147 et suivants de la loi n°2011-20 du 12 Octobre 2011 portant lutte
contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin.
347 Article 153 de la Lu.
348 Article 105 de la Loi n° 004-2015/CNT du 03 mars 2015 portant prévention et répression de la
249.
350 Titre 1 du Livre 5 du CPP du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Sénégal, le livre IV du CPP du
juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, JORF n°0158 du 10 juillet
2010, p. 12753, texte n° 1.
96
autorités judiciaires étrangères. Elle se présente ainsi : la demande doit être transmise,
généralement par la voie diplomatique, au procureur de la République territorialement
compétente pour « l’un des biens objet de la demande ou, à défaut, au procureur de
la République de Paris ». L’exécution de la décision de confiscation est autorisée par
le tribunal correctionnel du lieu de l’un des biens objet de la demande ou, à défaut, le
tribunal correctionnel de Paris 352 sur requête du procureur de la République. Le
tribunal compétent ordonne l’exécution de la décision étrangère à condition qu’elle soit
définitive et exécutoire selon la loi de l’État requérant et si les biens en cause sont
susceptibles d’être confisqués dans des circonstances analogues par la loi. Elle pourra
être refusée si l’un des motifs de refus suivants apparait : - si les faits à l’origine de la
demande ne sont pas constitutifs d’une infraction selon la loi française ; - si les biens
sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une confiscation selon
la loi française ; - si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions
n’offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés
individuelles et des droits de la défense ; - s’il existe des raisons de croire qu’elle s’est
fondée sur des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinion
politique ; - si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites
pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction
étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires
françaises ou par celles d’un État autre que l’État demandeur, à condition, en cas de
condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d’exécution ou ne puisse
plus être ramenée à exécution selon les lois de l’État de condamnation ; si elle porte
sur une infraction politique.
Elle ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits reconnus aux tiers en
application de la loi française sur les biens en cause. Toutefois, si cette décision
contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s’impose aux juridictions
françaises à moins que les tiers n’aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits
devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la
loi française 353 . Le refus d’autoriser l’exécution de la décision de confiscation
prononcée par la juridiction étrangère emporte de plein droit mainlevée de la saisie. Il
en est de même lorsque les poursuites engagées à l’étranger ont pris fin ou n’ont pas
abouti à la confiscation des biens visés par la saisie.
Lorsque la demande de saisie présentée par une autorité judiciaire étrangère est
acceptée, son exécution en France, en application d’une convention internationale, est
ordonnée par le juge d’instruction sur requête du procureur de la République, dès lors
98
que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse.
La compétence du juge d’instruction résulte de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010
précitée qui a confié au juge d’instruction le pouvoir de saisir des biens, que cette
saisie soit opérée dans une procédure pénale à des fins de preuve ou qu’elle soit
destinée à prendre des mesures conservatoires sur un bien à des fins ultérieures de
confiscation. La loi du 9 juillet 2010 transfère ainsi les compétences du juge de la
liberté et de la détention en matière de gel des biens en vue de leur confiscation
ultérieure prévue auparavant par la loi n° 2005-750 du 04 juillet 2005 portant diverses
adaptations au droit communautaire dans le domaine de la justice transposant la
décision-cadre 2003/577/JAI du conseil de l’Union européenne du 22 juillet 2003,
relative à l’exécution dans ladite Union européenne des décisions de gel de biens ou
d’éléments de preuves357. Ces nouvelles dispositions sont applicables à toutes les
mesures conservatoires demandées en application d’une convention internationale,
en particulier des conventions de Vienne, de Strasbourg 358 , de Palerme 359 , de
Mérida360 etc.
99
Section 2 : L’abandon du principe de la territorialité de la répression par la
consécration du principe de reconnaissance mutuelle
363 CORNU G., Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 2014, p.108.
101
un obstacle à toute nouvelle poursuite contre la même personne et sur les mêmes faits
dans un autre État membre de l’UEMOA.
364 TAUPIAC- NOUVEL G., Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans
l’Union Européenne, Contribution à l’étude d’un modèle de libre circulation des décisions de justice,
thèse de doctorat, droit pénal, Université de Toulouse, 2010, p. 158 et ss.
365 LELIEUR-FISCHER J., La règle ne bis in idem. Du principe de l’autorité de la chose jugée au principe
d’unicité d’action répressive, Etude à la lumière des droits français, allemand, et européen, thèse dactyl.,
Paris I, 2005, spé. p 56, p 57 et svt.
366 LELIEUR-FISCHER J., idem p. 241.
367 PRADEL J., Cortens G., Vermeulen G., Droit pénal européen, 3e éd., Dalloz, 2009, p 665, spé. note
4.
102
Ainsi, le fait pour un État de reconnaitre et d’accorder des effets à un jugement étranger
sur son territoire constitue pour les autorités judiciaires de cet État une fin de non-
recevoir de l’action publique portant sur les mêmes faits et contre la même personne.
Le fait pour l’État d’accorder une autorité à la décision étrangère justifie son refus
d’accepter une nouvelle procédure pénale à propos de la même affaire. Du fait des
conventions les liant ou de leur degré d’intégration politique, économique voire pénale,
il nait une confiance mutuelle entre les États de sorte qu’ils acceptent le droit pénal
des autres États. A ce propos, la Cour de Justice des Communautés Européennes
statuant à titre préjudiciel sur l’interprétation des conventions de l’union européenne,
en application de l’article 35 du traité sur l’Union européenne, soutient que le principe
ne bis in idem « implique nécessairement qu’il existe une confiance mutuelle des États
membres dans leurs systèmes respectifs de justice pénale et que chacun de ceux-ci
accepte l’application du droit pénal en vigueur dans les autres États membres, quand
bien même la mise en œuvre de son propre droit national conduirait à une solution
différente »368.
368 CJCE, 11 février 2003, affaires jointes C-187/01 et C-385/01, Rec. 2003, p.I-1345, affaires Gözütok
et Brügge.
369 Article 6 du CPP du Sénégal, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Niger et de l’article
8 du CPP du Mali.
370 Article 348 du CPP du Mali, article 342 du CPP du Sénégal.
371 En Europe, le Protocole n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales dispose en son article 4§1 que « nul ne peut être poursuivi ou
puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été
103
126. Les implications juridiques du principe non bis in idem. Dans les
législations internes, le principe non bis in idem est toujours abordé sous l’angle de
l’autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel. Cette assertion signifie que le
principe non bis in idem ne vaut qu’entre juridictions répressives. En effet, il est
constamment admis que ce principe interdit de poursuivre pénalement à raison des
mêmes faits uniquement celui qui a déjà fait l’objet d’une décision répressive
irrévocable. Par conséquent, une décision d’une autorité disciplinaire, administrative
ou fiscale0 sur les mêmes faits ne fait donc jamais obstacle à des poursuites pénales,
de même qu’une condamnation pénale n’interdit pas le prononcé en sus de sanctions
fiscales ou disciplinaires372. Les seules décisions susceptibles d’être prises en compte
pour faire obstacle à de nouvelles poursuites sont celles pénales irrévocables statuant
sur le fond. Il faudra donc un acte juridictionnel définitif portant sur le fond, ce qui exclut
les classements sans suite opérés par le ministère public comme l’a si bien décidé à
maintes reprises la Cour de cassation française373. Sur ce point, il ne faut pas perdre
de vue la position de la CJUE s’agissant des décisions du ministère public de type
transactionnel qui diffèrent bien entendu des classements sans suite. Dans une
décision qu’elle a rendue suite à une question préjudicielle d’une juridiction
néerlandaise, la CJUE a retenu, en vertu de l’article 54 de la CAAS, l’ensemble des
mesures alternatives aux poursuites, sans distinction, au titre des décisions pouvant
faire obstacle à une nouvelle procédure dans un autre État membre pour les mêmes
faits. La Cour de Justice estime ainsi qu’une simple décision du parquet, suivie de
l’exécution de ses modalités par l’auteur des faits constitue une décision qui a
« définitivement jugée » une affaire374. S’agissant des ordonnances de non-lieu des
juges d’instruction, on pourrait distinguer selon que le non-lieu est motivé en fait ou en
droit. Seules les ordonnances de non-lieu pour motif juridique, telle la prescription,
l’amnistie ou le fait justificatif, auront une autorité comparable aux décisions des
acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet
État ».
372 Cass. crim. 20 juin 1996, Bull. n° 268, D. 1997, 249, note TIXIER G.et LAMULLE T., il ressort de cet
arrêt de la Cour de cassation que des poursuites pénales pour fraude fiscale ont un objet différent de
celles opérées par l’administration dans le cadre du contrôle fiscal tendant au recouvrement des
impositions éludées.
373 Cass.crim., 6 juin 1952, Bull.crim., n°142 sur le refus d’intégrer le classement sans suite dans le
principe ne bis in idem, Cass. Crim., 5 décembre 1972, Bull.crim., n° 375 ; Cass. Crim., 6 décembre
2005, n° 04-86.378, Jurisdata n° 2005-031595 ; Cass. Crim., 12 mai 2009, jurisdata n° 07-85875.
374 CJCE, 11 février 2003, affaires jointes C-187/01 et C-385/01, Rec. 2003, p. I-1345. Affaires Gözütok
et Brügge.
104
juridictions de jugement, les faits ne pouvant alors faire en principe l’objet de nouvelles
poursuites375.
Il convient de retenir qu’en vertu du principe non bis in idem, une personne qui a fait
l’objet d’une décision définitive de relaxe, d’acquittement ou de condamnation ne peut
plus être poursuivie à nouveau à raison des mêmes faits. Le bien-fondé de ce principe
réside dans le fait qu’il répond à un besoin impérieux de sécurité juridique. Il en va de
l’intérêt général : l’irrévocabilité des décisions pénales permet de rassurer les citoyens
sur le bon fonctionnement de la justice et, partant, participe à son efficacité. Ce qui est
en jeu ici c’est la crédibilité de l’institution judiciaire, l’incontestabilité des décisions
judiciaires qui serait mise à mal si elles pouvaient sans cesse être remises en cause.
Il en va également de l’intérêt individuel : les justiciables doivent savoir à quoi s’en
tenir, ne pas voir leur sort remis en cause indéfiniment376. Le principe ne bis in idem
est considéré dans ce dernier cas comme un principe d’équité, empêchant une
injustice car une fois qu’une personne a expié sa faute, il faut penser à sa réinsertion
dans la société. A ces raisons qui justifient le principe ne bis in idem, on pourrait y
ajouter, de l’avis de certains auteurs, le fait qu’il permet de régler de façon simplifiée
des conflits de juridiction puisque l’on donne systématiquement la préférence au
tribunal qui a statué en premier377.
375 LOMBOIS C., Droit pénal international : Dalloz, 2e éd. 1979, n° 398, p. 507 ; note 398 dans laquelle
l’auteur invoque la décision suivante : CA Nancy, 29 juill. 1905, Cl.,07.725.
376 DESESSARD L., « France, les compétences criminelles concurrentes nationales et internationales
et le principe ne bis in idem », Revue internationale de droit pénal 2002/3 (Vol. 73), p. 913-940.
377 PRADEL J., CORTENS G., VERMEULEN G., Droit pénal européen, Dalloz, 2009, p. 666.
378 MERLE R. et VITU A., Traité de droit criminel, TII, Procédure pénale, CUJAS 2001, n° 891 et Svts ;
Tous les États membres de l’UEMOA ayant repris l’expression « les mêmes faits » au
lieu « du même fait », à travers les dispositions de leurs différents codes de procédure
pénale consacrées au jugement des personnes accusées de crime 384 , il serait
judicieux qu’ils adoptent l’interprétation donnée par la CJCE et suivie par certains États
européens comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.
GAZIN F., HUBIN J.B., commentaire de l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du
9 mars 2006.
384 L’ensemble des dispositions concernées dans chaque État membre sont citées dans la note 102.
107
Mais compte tenu de la bonne organisation des organisations criminelles, les objectifs
ainsi visés seront vains s’il n’existe pas une véritable solidarité des États afin de donner
effets à ces décisions de confiscation en dehors du territoire de l’État qui les a
prononcées. Comme le soutient certains auteurs, une décision rendue dans un État
n’est vraiment efficace qui si les autres États lui donnent effets sur leur territoire385.
D’où la nécessité pour les États membres de l’UEMOA d’accorder une autorité de la
chose jugée aux décisions prises par les autres États membres en matière de
blanchiment.
« Reconnaître l'autorité positive de chose jugée à une décision pénale étrangère, c'est
lui attacher les effets juridiques que lui attribue la loi étrangère… »386. En principe la
territorialité des jugements répressifs s’oppose a priori à ce que les conséquences
répressives puissent résulter d’une condamnation prononcée par une juridiction
étrangère. Il existe cependant des dérogations qui autorisent à reconnaitre leur
existence pour leur faire produire les mêmes effets que les jugements nationaux. Le
contenu de l’article 40 de la Lu est assez éloquent à ce propos en disposant que « ...
L’État membre requis donnera effet à toute décision définitive de saisie ou de
confiscation des fruits d’activités criminelles émanant d’une juridiction de l’État
membre requérant … ». La difficulté réside dans la compréhension de l’expression
« donnera effets ». Cette expression ne renvoie pas nécessairement à l’exécution des
décisions étrangères mais à leur assimilation aux jugements nationaux.
385 HUET A., KOERING-JOULIN R., Droit pénal international, éd. PUF, 2005, § 222.
386 KOERING-JOULIN R. et HUET A., « Effets en France des décisions répressives étrangères –
Autorité de chose jugée, Juris-Classeur, Droit international », Fasc. 404-10, 1997, § 71.
387 Le principe de reconnaissance mutuelle sera par la suite intégré dans le traité de Lisbonne en ces
termes :« l’Union (européenne) œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité…par la reconnaissance
mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des
législations pénales ».
108
tenir compte des décisions pénales définitives rendues dans les autres États membres
pour apprécier le passé pénal du délinquant, pour retenir la récidive et pour déterminer
la nature des peines et les modalités d'exécution susceptibles d'être mises en œuvre"
388. Dans le cadre de l’exécution de ce Programme, le Conseil européen a adopté, le
24 juillet 2008, une décision-cadre qui fait obligation à tout État membre de l'Union
européenne de prendre en compte les condamnations pénales prononcées dans un
autre État membre en leur faisant produire les mêmes effets, "de fait ou de droit", que
ceux qu'ils attachent à leurs propres condamnations pénales389. Cette décision-cadre
de l’Union européenne remet ainsi en cause le refus classique de prendre en compte
les condamnations pénales préalablement prononcées à l’étranger. Ainsi les États
membres de l’Union européenne comme la France ont adopté des lois de transposition
de la décision cadre 390 qui assimile les condamnations pénales des autres États
membres aux condamnations nationales en leur attachant les mêmes effets juridiques.
diverses dispositions de procédure pénale publié au Journal Officiel du 11 Mars 2010 et repris dans le
code pénal à travers les articles 132-23-1 et 132-23-2.
391 Article 132-23-1 du Code pénal.
392 Article 735-1 du code de procédure pénale.
109
antérieurement octroyé par un tribunal français peut être révoqué. Il est également
possible en vertu de l’article 132-23-2 du code pénal de prendre en compte les
condamnations postérieures aux condamnations françaises. Ainsi donc, une
condamnation prononcée dans un État membre de l’union européenne peut entrainer
la révocation de la libération conditionnelle accordée pour une peine prononcée
préalablement par les juridictions pénales françaises393.
formulé contre une décision de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris, 6e section, en
date du 27 septembre 2012, qui a déclaré irrecevable la requête en confusion de peines d’un individu
qui avait successivement été condamné à sept ans d'emprisonnement pour vol à main armée en réunion
par le tribunal régional de Francfort en 2003, à huit ans d'emprisonnement pour vol aggravé et
association de malfaiteurs par un tribunal correctionnel belge en 2005 et à neuf ans d'emprisonnement
pour vol en bande organisée avec arme (entre autres) par arrêt de la cour d'assises de Paris en 2006.
La Cour justifie sa décision en estimant que certes l’article 123-23-1 prévoit la prise en compte de
condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre mais n'a pas « pour effet ni d'influer
sur ces condamnations antérieures ou toute décision relative à leur exécution dans l'État membre où
se déroule la nouvelle procédure ni de les révoquer ni de les réexaminer ».
397 Cass.Crim, 2 novembre 2017, n° 17-80.833.
110
France prétend bénéficier de la réhabilitation de plein droit prévue par le droit
français398. Aux termes de l'article 133-16-1 du Code pénal, si une personne a été
condamnée par une juridiction pénale d'un État membre de l'Union européenne, la
réhabilitation ne peut produire ses effets sur les condamnations françaises antérieures
qu'"à partir de l'effacement de cette condamnation" ou de l'écoulement d'un délai qui
est respectivement de 3, 10, 40 ou 5 ans à compter du prononcé de la condamnation
selon que la peine infligée est une sanction pécuniaire, un emprisonnement supérieur
à un an, un emprisonnement supérieur à dix ans ou une peine autre que les
précédentes. L’objectif étant qu’« il faut éviter que cette réhabilitation ne soit accordée
trop facilement à un condamné qui prend la précaution de poursuivre son activité
malfaisante à l'étranger »399.
398 DREYER E., Droit pénal général, 3e édition, Lexis Nexis, 2014, n° 1946.
399 E. Dreyer, idem.
111
l’occasion s’inspirer de la décision-cadre n°2006/783/JAI de l’Union Européenne
relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de
confiscation du 26/ 02/2009 400 qui prévoit que les modalités de mise en œuvre de la
reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation relèvent de la législation
interne de l’État d’exécution (B)
112
dans la mesure où il peut exister une incertitude sur la situation du bien objet de la
confiscation. La décision-cadre n°2006/783/JAI de l’Union Européenne y apporte
quelques précisions : l’État d’émission choisit l’État d’exécution en fonction de la
possibilité de ce dernier d’assurer l’exécution de la confiscation. S’il s’agit d’une
demande portant sur une somme d’argent, l’État qui sera choisi sera celui où la
personne physique ou morale, à l’encontre de laquelle la mesure a été prononcée, est
supposée posséder des biens ou des revenus ; mais si la confiscation porte sur des
biens déterminés, il s’agira de l’État où ces biens sont supposés se trouver. Lorsque
ces informations font totalement défaut, la décision peut être adressée à l’État dans
lequel la personne concernée a sa résidence habituelle ou son siège statutaire403.
Dans le principe, la décision de confiscation ne peut être transmise qu’à un État
d’exécution à la fois404. Quelquefois, elle peut être transmise simultanément à deux ou
plusieurs États. Il s’agit des cas dans lesquels soit l’autorité compétente qui a pris la
décision est fondée à croire que les différents biens recherchés se trouvent dans
différents pays, soit la confiscation d’un bien spécifique « implique d’agir dans
plusieurs États d’exécution » soit ce bien est supposé se trouver dans l’un des États
indiqués405. En application de cette disposition, le législateur français prévoit à travers
les dispositions de l’article 713-6 du code de procédure pénale la possibilité pour le
ministère public d’adresser la décision de confiscation à plusieurs États membres s’il
a raison de croire que la confiscation d’un bien spécifique implique d’agir dans
plusieurs États, ou qu’un ou plusieurs biens visés par la décision de confiscation se
trouvent dans différents États. Lorsque la demande porte sur des sommes d’argent, la
décision pourra être transmise à plusieurs États lorsque l’autorité d’émission « estime
nécessaire de le faire pour une raison particulière ». Par exemple, lorsque « la valeur
du bien qui peut être confisqué dans l’État d’émission et dans tout État d’exécution
risque de n’être pas suffisante pour exécuter le montant total visé par la décision de
confiscation »406 ou lorsque le bien concerné n’a pas fait l’objet d’une mesure de gel
en vertu de la décision-cadre 2003/577/JAI du 22 juillet 2003.407. Si la demande de
européenne des Décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, JOUE, L196/45 du 02/08/2003.
113
confiscation porte sur un bien déterminé et que leurs législations prévoient cette
possibilité, les autorités compétentes des deux États concernés peuvent convenir de
procéder à la confiscation sous la forme d’une obligation de paiement d’une somme
d’argent correspondant à la valeur du bien408 . Si elle porte sur une somme qui ne peut
être recouvrée, la demande de confiscation pourra être exécutée en confisquant tout
bien disponible.409
114
cette formulation, on pourrait imaginer plusieurs formes de transmission des
demandes y compris la voie électronique qui est d’ailleurs envisagée dans certaines
juridictions d’intégration en Afrique telle la Cour commune de justice et d’arbitrage crée
par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)
notamment pour la mise en état des dossiers en instance devant la Cour.
115
dans des conditions analogues à celles prévues par la loi de l’État requis416. Il est mis
fin à l’exécution d’une décision de confiscation par l’État requis s’il est établi qu’en
raison d’une décision ou d’un acte de procédure émanant de l’État qui a prononcé la
sanction celle-ci a perdu son caractère exécutoire417. A ce propos, la décision-cadre
de l’UE indique que l’État d’émission doit informer l’État d’exécution de toute raison de
cessation du caractère exécutoire de la décision418. Elle recommande ou prescrit, en
outre, la concertation entre les autorités compétentes de l’État d’émission et celles de
l’État d’exécution afin d’éviter autant que possible les cas de refus.
143. Le sort des biens confisqués. La Lu règle également le sort des biens
saisis en ces termes « L'État (requis) bénéfice des biens confisqués sur son territoire
à la demande d’autorités étrangères, à moins qu’un accord conclu avec l'État
requérant n’en décide autrement »419. Cette formulation est vague et imprécise car elle
ne permet pas de savoir avec précision si l’exécution d’une décision émanant d’un État
membre dans un autre État membre transfert à ce dernier la propriété des biens
confisqués ou s’il doit être procédé à un partage de ces biens lorsqu’il n’existe pas de
conventions entre les deux États. Sur ce point, la décision-cadre de l’Union
européenne est plus précise et complète420 en ce qu’elle fait la différence entre les
biens en numéraires et les autres biens et indique la manière dont les biens saisis
doivent être disposés. Ainsi, si la confiscation porte sur une somme d’argent, elle sera
entièrement attribuée à l’État d’exécution lorsque le montant recouvré est inférieur à
10000 euros ; 50 % de la somme lui seront réservés si le montant est supérieur.
Lorsque la confiscation porte sur des biens autres que des sommes d’argent, l’État
d’exécution décidera s’ils doivent être vendus ou transférés. Si l’option de la vente est
retenue, le produit de la vente est reparti selon les règles prévues pour les sommes
d’argent. Il faut souligner que s’agissant des biens culturels relevant du patrimoine
national de l’État requis, la décision-cadre de l’UE précitée prévoit que l’État
d’exécution n’est pas tenu de les transférer ou de les vendre. Si aucune de ces deux
hypothèses ne peut être réalisée, l’État d’exécution disposera des biens conformément
à sa législation.
118
Conformément à la Décision-cadre n°2006/783/JAI, le droit français prévoit des cas
de refus. Deux cas de refus feront l’objet d’une attention particulière en raison de leur
effet sur l’avenir du principe de reconnaissance mutuelle dans l’Union européenne. Le
premier cas de refus est prévu à l’article 713-22 du code de procédure pénale qui
dispose que « l’exécution d’une décision de confiscation peut être refusée si elle est
fondée sur une procédure pénale relative à des infractions commises en tout ou partie
sur le territoire de la république ». Ce cas de refus est la traduction de l’attachement
de la France au principe de la territorialité qui à notre avis ne devait plus être évoqué
à ce niveau de coopération entre les États membres de l’Union européenne marquée
par l’existence du principe de reconnaissance mutuelle. le deuxième cas de refus est
prévu à l’article 713-20-5 qui prescrit aux autorités compétentes françaises de refuser
l’exécution d’une décision de confiscation émanant d’un autre État membre de l’Union
européenne « si la confiscation est fondée sur des faits qui ne constituent pas des
infractions permettant, selon la loi française, d’ordonner une telle mesure »425. Cette
disposition maintient le principe de la double incrimination. Les deux dispositions du
code pénal français, conformes à la décision-cadre n°2006/783/JAI sont préjudiciables
à notre avis à l’avenir du principe de reconnaissance mutuelle. En effet, elles révèlent
la fragilité de la confiance mutuelle existant entre les États de l’union européenne
considérée pourtant comme le corollaire du principe de la reconnaissance mutuelle426.
Comme le souligne si bien Monsieur le professeur Daniel FLORE, en amont comme
en aval de l’exécution de la décision judiciaire, par le biais de la reconnaissance
mutuelle, l’autorité qui procédera à cette exécution le fera d’autant plus volontiers
qu’elle pensera pouvoir avoir confiance dans le fait que le système du pays qui
demande sa coopération fournit aux personnes concernées par la procédure des
garanties équivalentes à celles prévues par son propre droit 427 . Or en refusant
d’exécuter une décision sous prétexte que l’infraction qui a donné lieu à cette décision
a été commise en France, les autorités judiciaires françaises traduisent de ce fait leur
méfiance vis-à-vis des décisions émanant des autres Etats membres.
* *
425 L’article 713-21 apporte une exception à ce cas de refus en ces termes « nonobstant les dispositions
du 5° point de l’article 713-20, l’exécution de la décision de confiscation ne peut, en matière de taxes
ou d’impôts, de douane et de change, être refusée au motif que la loi française ne prévoit pas le même
type de taxes ou d’impôts ou le même type de réglementation en matière de taxes ou d’impôts, de
douane et de change que la loi de l’État d’émission ».
426 FLORE D., Droit pénal européen, les enjeux d’une justice pénale européenne, éd. Larcier, 2014, §
119
*
147. Conclusion du chapitre 2. Aux termes de l’analyse sur l’extraterritorialité
des décisions étrangères, le constat qui se dégage est que dans le principe, les États
membres de l’UEMOA n’accordent aucune valeur aux décisions répressives
étrangères. Cependant, ils ont prévu des aménagements au principe de la territorialité
des décisions répressives soit par la méthode de la prise en considération soit en
adoptant des conventions régionales et sous régionales dans lesquelles les États
membres s’engagent à reconnaître l’efficacité des décisions étrangères.
* *
*
149. Conclusion du titre 1. Afin de faciliter l’entraide judiciaire pénale dans
l’espace communautaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux,
les États membres de l’UEMOA ont procédé à un élargissement de la territorialité de
leurs juridictions nationales. Cela se manifeste à travers le mécanisme de la
transmission des poursuites et la reconnaissance des décisions repressives
étrangères se rapportant au blanchiment d’argent. L’extension de la territorialité ainsi
opérée par les États membres de l’UEMOA dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment des capitaux s’apparente à une reconnaissance de la compétence
universelle conférée à leurs juridicitions internes en cette matière. L’extraterritorialité
dans ce cas d’espèce correspond à « une implication croissante des tribunaux
répressifs nationaux dans la poursuite et le jugement des infractions commises hors
120
de leurs frontières… » 428 ainsi qu’à « la volonté et la nécessité de s’unir contre
l’impunité d’actes gravement attentatoires à la dignité humaine »429 même si cela doit
« naturellement ébranler le principe de souveraineté nationale » 430 . En permettant
donc aux juridictions repressives internes de connaître des infractions de blanchiment
commises hors du territoire par des individus non nationaux, les États membres de
l’UEMOA acceptent l’amoindrissement de leur souveraineté au profit de la lutte contre
l’impunité des auteurs des infractions de blanchiment.
428
GOGORZA, A. « Répression universelle et concurrence des compétences pénales », P.A, 11
juillet 2007, n° 138, p.3.
429 idem
430 Ibid.
121
122
TITRE 2 : L’ASSOUPLISSEMENT DES MECANISMES TRADITIONNELS DE
L’EXTRADITION EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT.
431 MEOUCHY TORBEY M.-D., L’internationalisation de droit pénal, le Liban dans le monde arabe,
L.G.D.J, Paris, 2007, p. 337.
432 MBONGO P., HERVOUËT F., SANTULLI C., Dictionnaire encyclopédique de l’Etat, LEVRAULT B.,
433 Article 6 de la Convention de Vienne sur les substances psychotropes, Nations Unies, RGDIP, 1989,
n 3, p. 720.
434 Article 16 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite de
Palerme, où elle a été signée et adoptée à New York le 15 déc. 2000, JORF 13 sept 2003.
435 Article 44 de la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003, Dalloz nº
et au Togo.
124
Chapitre 1 : L’allègement des conditions de fond de l’extradition en matière de
blanchiment
439 Article 6 § 5 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et de
substances psychotropes de 1988, RGDIP, 1989, n 3, p. 720.
440 Article 16 § 7 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée de
Cons. d’Et., Ass., Bereciartua-Echarri, 01 avril 1988, JCP, 1988, II, 21071, concl. Vigouroux ; Dalloz,
442
443 L’article 6 de la convention d’extradition dispose que « l’État requis pourra refuser l’extradition si
celle-ci est incompatible avec des considerations humanitaires relatives a l’age ou a l’etat de sante de
l’individu dont l’extradition est requise » .
444 BRACH-THIEL D., « Extradition », Répertoire Dalloz pénal et procédure pénale, n° 55. Octobre 2018
127
du 02 avril 1927 est toujours applicable au Burkina Faso, au Niger, au Togo, à la Côte
d’Ivoire et au Benin. Il convient de préciser qu’elle est identique dans tous les États
membres qui l’appliquent en dehors du nom du pays qui change dans les articles où
le nom de l’État doit être cité. En revanche, le Mali447 et le Sénégal448 ont adopté une
nouvelle loi sur l’extradition qui abroge la loi du 10 mars 1927 mais en conserve le
contenu. La loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition des étrangers est évocatrice
sur le fait que son champ d’application ne prend pas en compte l’extradition des
nationaux. L’article 3 point 1 dispose que l’extradition n’est pas accordée lorsque
l’individu, objet de la demande, est un national et que la qualité de national s’apprécie
à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise. Ainsi, seules les
personnes de nationalité étrangère peuvent faire l’objet d’extradition. Le choix de ne
pas extrader les nationaux n’est pas remise en cause par les conventions bilatérales
et multilatérales auxquelles sont parties les États membres de l’UEMOA. En effet, les
dispositions de ces conventions prescrivent que les États parties ont la possibilité
d’extrader ou non leurs nationaux. L’extradition des nationaux est donc une faculté
offerte aux États et non une obligation. Or en l’absence de stipulation contraire des
traités ou conventions, la loi interne s’applique449. L’extradition ou non des nationaux
soulève une kyrielle de questions tout aussi importantes les unes que les autres. En
effet, l’on est enclin à s’interroger sur le contenu qu’il faut donner au mot national dans
la mesure où certains États membres utilisent parfois le terme « citoyen »450 tandis
que d’autre emploi le terme « ressortissant » ou « protégé de l’État »451. Il en est de
même de la question de la détermination du moment de l’appréciation de la nationalité
ainsi que celle de la juridiction compétente pour statuer sur l’exception de nationalité
lorsque l’individu, dont l’extradition est demandée, la soumet à la juridiction qui statue.
Toutes ces interrogations pourraient trouver leurs réponses dans une analyse du
contenu qui est donné au principe de la non-extradition des nationaux (A) et aux
raisons qui fondent son existence (B).
128
stipule que « l’extradition d’un national de l’État requis sera laissé à l’appréciation de
cet État ». Formulé ainsi, le principe de non-extradition devient une simple faculté pour
les États membres de la CEDEAO. Il appartient à chacun d’eux de choisir s’il adopte
le principe ou s’il entend extrader ses nationaux. Inspirée de la convention européenne
d’extradition du 13 mars 1957 452 , cette formulation de la convention CEDEAO
s’explique par la présence au sein de cette organisation de quelques États de tradition
juridique Common Law 453 qui traditionnellement extradent leurs nationaux 454
452 Convention européenne d’extradition du 13 mars 1957, l’article 6-a stipule que « toute partie
contractante aura la faculté de refuser l’extradition de ses ressortissants ».
453 La CEDAO regroupe en son sein outre les États francophones que sont le Bénin, le Burkina Faso,
la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Togo, le Sénégal (États membres de l’UEMOA), la Guinée, des
États lusophones que sont la Guinée Bissau, le Cap vert et des États anglophones que sont la Gambie,
le Ghana, le Libéria, la Sierra Léone et le Nigéria.
454 Cette position des pays de Common Law a été affirmée par l’arrêt de la Cour suprême du Canada
129
prédécesseur, le capitaine Thomas SANKARA tué le 15 octobre 1987 à la suite d’un
coup d’État. Ce mandat d’arrêt qui a été suivi d’une demande d’extradition en bonne
et due forme connait un refus d’exécution de la part des autorités ivoiriennes pour des
raisons encore ignorées. La presse révèle plus tard que les autorités ivoiriennes ont
accordé à Blaise Compaoré la nationalité ivoirienne dont l’épouse est d’origine
ivoirienne en novembre 2017456. Certains analystes expliquent qu’en procédant ainsi,
les autorités ivoiriennes entendent faire de Blaise COMPAORE un national ivoirien afin
de le soustraire d’une extradition vers son pays d’origine sur la base du principe de la
non-extradition des nationaux. Cette affaire nous interroge sur la notion de national et
sur le moment d’appréciation de la nationalité.
456 Décret de naturalisation n° 2014-701 du 17 novembre 2014 publié au J.O de la République de Côte
d’Ivoire du 18/01/2016.
457 Dictionnaire du vocabulaire juridique 2014, sous la direction de Rémy CABRILLAC, 5e éd.,
Suivant le critère du droit de sol, la qualité de national est liée à la naissance sur le
territoire de l’État. Ainsi toute personne née sur le territoire d’un État qui a fait le choix
de ce critère acquière automatiquement la nationalité de cet État. Le lien de nationalité
dans ce cas-ci peut être plus le fruit du hasard que la volonté d’adhérer à une
nationalité. Suivant le critère du droit du sang, la qualité de national dépendra alors du
lien de filiation de l’individu. Sera ainsi considéré comme national, celui qui sera né
d’un père et d’une mère déjà titulaire de cette nationalité. L’accent est mis dans ce cas
précis sur la population naturelle d’un État, qui s’analyse, en quelque sorte, comme
une famille, dont tous les éléments seraient étroitement liés entre eux.
460 Articles 140, 143 et 144 du code des personnes et de la famille du Burkina Faso ; Articles 224 et 225
de la Loi N°2011 – 087 du 30 décembre 2011 portant Code des personnes et de la famille du Mali.
461 Deux conceptions de la nation ont été développées au XIXème siècle à l’époque où se sont fixées
les règles concernant l’extradabilité des nationaux. Il s’agit premièrement de la conception germanique,
« ethnique » de la nation. Celle-ci est alors « considérée comme un organisme vivant, une totalité
historique identifiée par tout ce qui constitue une culture : langues, croyances, religions, système
juridiques ». Cette conception développée par théodore MONNSEN, au lendemain de la guerre de 1870
a justifié « l’annexion par la germanité ethnique, linguistique et culturelle de l’Alsace, quelle que fut la
volonté provisoire de ses habitants ». Il s’agit ensuite de la conception française, « élective » de la
nation. Celle-ci est alors fondée sur l’« idée de volonté, d’adhésion librement consentie, en somme de
contrat social ». Ernest RENANT, partisan de cette conception s’exprimant lors d’une conférence faite
en Sorbonne le 11 mars 1882 affirmait qu’« une nation est une âme, un principe spirituel ». Elle ne peut
résulter seulement d’une race, d’une langue, d’une religion ou d’une particularité géographique. Une
nation est le fruit de « deux choses, qui, à vrai dire, n’en font qu’une. L’une est dans le passé, l’autre
131
nationalité peut se définir comme l’appartenance à un groupe humain, dont les
membres ont entre eux certains points communs qui sont culturels, linguistiques ou
autres. Certains auteurs parlent dans ce cas-ci de « nationalité de fait » par opposition
à la « nationalité de droit »462 qui correspond à la conception de la nationalité dans
l’approche précédente. Avec la seconde approche, l’attribution de la nationalité repose
sur l’existence d’une collectivité humaine dont les membres ont des traits communs.
dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le
consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a
reçu indivis ». En résumé, « avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le
présent ; avoir fait de grandes choses ensembles, vouloir en faire encore, voilà les conditions
essentielles pour être un peuple »
462 BATIFFOL H. et LAGARDE P., cité par DESESSARD L. in Extradition des nationaux, thèse de
133
judiciaires, le jugement et l’exécution de la peine s’effectuent dans le pays auquel
« appartient » le délinquant ( et dans lequel il se sent » chez lui »), car c’est là qu’il est
le mieux à même de préparer et d’organiser sa défense ; c’est là qu’il est le plus facile
de rechercher et d’apprécier ses antécédents, ses origines sociales, ses autres
circonstances personnelles ainsi que ses mobiles ; enfin, c’est son pays qui lui offre,
en principe, les meilleures chances et les meilleures possibilités de se réadapter et
d’accepter les règles établies de comportement social. Par conséquent, il est dans
l’ensemble souhaitable que le verdict soit prononcé dans ce pays »468 .
membre de l’UEMOA en ces termes « … La loi pénale s’applique également aux infractions commises
par un national ou contre un national hors du territoire national lorsque les faits sont punis par la
législation du pays où ils ont été commis. La poursuite dans ce cas doit être précédée par une plainte
de la victime ou une dénonciation officielle de l’autorité du pays où les faits ont été commis » (article 4
du code pénal du Burkina Faso. En France, l’article 113-7 du code pénal le prescrit également en ces
termes «la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement,
commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de
nationalité française au moment de l’infraction ».
134
règle de non-extradition des nationaux en jugeant à la demande de l’État qui sollicite
l’extradition du national et assure la plénitude de mise en œuvre du principe aut punire
aut dedere. En effet, les conventions internationales relatives à l’extradition prévoient
que l’État requis doit poursuivre l’affaire ayant fait l’objet de la demande d’extradition
rejetée. Ainsi la demande de poursuite formulée par l’État requérant est impérative et
l’État requis est obligé de juger son national. Cette demande qui est en réalité une
dénonciation de poursuite avec force obligatoire semble substituer selon monsieur le
professeur Didier REBUT, la légalité des poursuites à l’opportunité des poursuites
puisqu’elle prive le parquet de l’État requis de son pouvoir d’appréciation 471 . Une
interprétation des textes conventionnels sur l’extradition qui n’est pas partagée par les
auteurs André HUET et Renée Koering-Joulin qui estiment que l’adage aut punire au
dedere ne dérogent pas au principe de l’opportunité des poursuites dans la mesure où
rien n’oblige l’État destinataire de la dénonciation à engager une poursuite pénale
devant ses tribunaux répressifs. Les arguments avancés par ces deux auteurs portent
sur les conditions prévues par la plupart des conventions d’extradition en ce qui
concerne l’exécution de la dénonciation des poursuites. En effet, ces conventions
indiquent que l’État auteur de la dénonciation a pour obligation de transmettre à l’État
requis les dossiers, informations et objets relatifs à l’infraction qui sont en sa
possession et la seule obligation qui pèse sur l’État requis est de faire connaitre « la
suite donnée à cette dénonciation » et « transmettre s’il y a lieu copie de la décision
intervenue ». Ce qui laisse supposer que si l’infraction dénoncée n’entre pas dans les
cas de compétence de l’État requis, il n’y donnera aucune suite472. Les deux auteurs
concluent, par ce raisonnement, que l’adage aut dedere aut punire est loin d’être un
principe coutumier et par conséquent sans aucune valeur de principe du droit
international. Pour notre part, nous estimons que si dans le cadre général d’une
dénonciation de poursuite telle que régit par les différentes conventions d’entraide,
l’opportunité des poursuites est aisément concevable, elle se conçoit difficilement
lorsqu’elle intervient dans le cadre d’un refus d’extrader en raison de la nationalité car
ce serait pour l’État qui refuse un cautionnement ou une prime à l’impunité vis-à-vis de
ses nationaux. L’attitude du législateur français nous conforte dans cette manière de
percevoir l’adage aut dedere aut punire en cas de mise en œuvre du principe de la
non-extradition des nationaux. En effet, le Code de procédure pénale française est
applicable aux infractions commises hors du territoire par les français ou les étrangers.
471 REBUT D., droit pénal international, 2e édition, Dalloz, 2014, p. 152.
472 HUET, A. KOERING-JOULIN R., Droit pénal international, PUF, 2005, § 206.
135
En effet, l’article 113-6 dispose que « la loi pénale française est applicable à tout crime
commis par un français hors du territoire. Elle est applicable aux délits commis par des
français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du
pays où ils ont été commis ». De même l’article 113-8-1 du code pénal introduit par la
loi Perben II du 09 mars 2004 prévoit une compétence pénale française
complémentaire lorsque la France refuse l’extradition d’un étranger ayant commis tout
crime et tout délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis à l’étranger.
Les raisons qui peuvent motiver le refus d’extrader dans ce cas-ci sont : - Le fait à
raison duquel l’extradition avait été demandée est puni d’une peine ou d’une mesure
de sureté contraire à l’ordre public français ; la personne réclamée aurait été jugée
dans ledit État par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales de
procédure et de protection des droits de la défense ; - le fait considéré revêt le
caractère d’infraction politique.
L’article 113-6 du code pénal français est la preuve que le législateur français fait ainsi
de l’adage aut dedere aut punire une règle de droit positif en cas de refus d’extrader
un national. Cette option du législateur français n’a rien d’étonnant dans la mesure où
la plupart des conventions conclues par la France avec des États africains excluent
l’extradition des nationaux de l’État requis tout en précisant que « toutefois la partie
requise s’engage, dans la mesure où elle a compétence pour les juger, à poursuivre (
ou faire poursuivre) ses propres ressortissants qui auront commis, sur le territoire de
l’autre État, des infractions punies comme crimes ou délits dans les deux États lorsque
l’autre Partie lui adressera… une demande de poursuite, accompagnée des dossiers,
documents, objets et informations en sa possession. La Partie requérante sera tenue
informée de la suite donnée à sa demande ». Cette disposition fait donc de la poursuite
une obligation pour l’État qui s’opposerait à la remise d’un national dans le cadre de
ces conventions473.
473Les conventions d’entraide judiciaire en matière pénale conclues par la France avec les États
suivants : Bénin, 27 février 1975, JO, 10 janvier 1978 ; Niger, 19 février 1977, JO, 26 avril 1980 ;
Sénégal, 29 mars 1974, JO du 30 avril 1978.
136
compétente pour apprécier toute question préjudicielle liée à la possession ou non de
la nationalité. S’agissant du moment d’appréciation de la nationalité, deux choix
existent ; celui du moment de la commission de l’infraction ou celui du moment de la
décision sur l’extradition. Les États membres de l’union ont fait le choix du moment de
la commission de l’infraction. Ce choix se perçoit à travers l’article 5474 de la loi du 10
mars 1927 sur l’extradition des étrangers et de l’article 10 §1 al2 de la convention
d’extradition de la CEDEAO475. Dans l’affaire Blaise COMPAORE évoqué plus haut,
l’Etat ivoirien ne saurait se prévaloir de la nationalité ivoirienne de ce dernier pour
s’opposer à son extradition. En effet, conformément au droit de l’extradition en vigueur
en Côte d’Ivoire (loi du 12 mars 1927 et convention d’extradition en vigueur entre les
Etats membres de la CEDEAO), le juge ivoirien est tenu de considérer le moment de
la commission des faits en l’espèce l’assassinat du président SANKARA pour
apprécier la nationalité de Blaise COMPAORE. Á l’époque, le président Blaise
COMPAORE était burkinabé et non ivoirien.
474 « …lorsque l'individu, objet de la demande, est un citoyen ou un protégé burkinabé, la qualité de
citoyen ou de protégé étant appréciée à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise… »
475 « La qualité de national s’apprécie à l’époque de la commission de l’infraction pour laquelle
des conventions bilatérales que la France a conclu avec les États africains : Bénin, Burkina Faso, Côte
d’Ivoire, Niger, Mali, Togo, Sénégal ainsi que celle conclue avec l’Inde en date du 24 Janvier 2003
(JORF du 04 novembre 2005) prévoient que l’appréciation de la nationalité se fait au moment de la
commission des faits.
478 Cass. crim. 27 mars 2001, Bull. Crim., n° 81.
137
169. La juridiction compétente pour statuer à titre préjudiciel en cas de
revendication de la nationalité par la personne dont l’extradition est réclamée.
La revendication de la nationalité par la personne dont l’extradition est demandée
devant la chambre d’accusation compétente en matière d’extradition doit conduire
cette juridiction à sursoir à statuer. Une décision de la chambre criminelle de la Cour
de cassation française est orientée dans ce sens. En effet, par décision en date du 02
octobre 1987, elle a estimé que lorsque la personne extradable revendique
l’acquisition de la nationalité française à sa majorité devant la chambre d’accusation479,
celle-ci est obligée de sursoir à statuer parce qu’il s’agit d’une question préjudicielle
qui n’entre pas dans son champ de compétence 480 . Cette décision de la cour de
cassation est conforme aux dispositions de l'article 29 du Code civil français qui
dispose que les questions de nationalité relèvent de la compétence de la juridiction
civile de droit commun et qu'elles sont préjudicielles devant toutes les autres
juridictions à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. Dans
les Etats membres de l’UEMOA, la juridiction civile de droit commun est le Tribunal de
Grande Instance dans le ressort duquel se trouve le domicile ou la résidence du
fugitif481.
479 Les États membres de l’UEMOA conservent toujours dans leur organisation judiciaire interne
l’appellation chambre d’accusation.
480 Cass. crim. 02/10/1987, Bull. crim. n° 329.
481 Article 74,75 et 76 de la loi n° 65-17 du 23 juin 1965 portant Code de la nationalité béninoise publiée
personne qui fait l’objet de la demande d’extradition est un ressortissant de l’État membre requis au
sens de l’article 6 de la convention européenne d’extradition ».
138
§2 : La renonciation au principe de la non-extradition
483 Le decret de 1811 signé par le monarque prévoit expressément l’hypothèse de l’extradition des
nationaux en ces termes : “ toute demande en extradition, faite par un gouvernement étranger, contre
un de nos sujets prévenu d’avoir commis un crime contre des étrangers sur le territoire de ce
gouvernement, nous sera soumise par notre grand-juge ministre de la justice, pour y être par nous
statué ainsi qu’il appatiendra”. A l’examen, cette disposition signifie très clairement que l’extradition d’un
national n’était pas inenvisageable à condition que des justifications “gaves et légitimes” soient réunies.
484 TRAVERS M., Le droit pénal international et sa mise en oeuvre en temps de paix et en temps de
guerre. Extradition (suite et fin). Action civile., Paris, Librairie de la Société du Recueil Sirey, 1920,
vol.Tome V, p. 12.
139
comment plaider pour une intégration soutenue entre les États membres et continuer
à admettre cette manifestation de méfiance que représente la clause de non-
extradition des nationaux 485 . La montée de la criminalité et spécialement de la
criminalité transnationale organisée ne commande-t-elle pas une coopération
judiciaire débarrassée de méfiance et de revendication souverainiste est-on tenté de
se demander ? A ce propos, Monsieur le Professeur Jean Pradel suggère qu’un
rapprochement entre voisins, à travers des normes communes, soit fait dans un esprit
de confiance mutuelle afin de faire face à l’ampleur de la criminalité transnationale
organisée. 486 Un appel qui semble avoir été entendu par les États membres de
l’UEMOA qui ont renoncé au principe de la non-extradition des nationaux dans la Lu.
Une renonciation justifiée par leur niveau d’intégration (A) et très avantageuse dans
l’évolution du droit de l’extradition (B) au sein de l’UEMOA.
485 HUET A., KOERING-JOULIN R., Droit pénal international op. cit., p 357.
486 PRADEL J., « Le MAE, un premier pas vers une révolution copernicienne dans le droit français de
l’extradition », Dalloz, 2004, p 1392.
487 Article 3 al.1 de la loi du 10 mars 1927.
140
l’extradition est possible en faisant référence à leur nationalité. Il en ressort que seules
les personnes étrangères peuvent faire l’objet d’extradition.
174. Les voies détournées d’extradition des nationaux empruntées par les
États membres avant l’adoption de la Lu. Certains États membres extradaient leurs
nationaux en usant des voies détournées consacrant ainsi des fraudes à l’extradition.
L’État béninois en donne l’illustration parfaite dans l’affaire HAMA Hamani TIDJANI du
nom de l’homme d’affaires Béninois livré aux autorités nigérianes ainsi que onze (11)
autres personnes de nationalité béninoise au mépris du droit d’extradition488. Saisie
par des organisations de défense des droits de l’homme et par les proches des
personnes extradées, la Cour constitutionnelle du Bénin relève que « les douze
détenus impliqués dans l’affaire Hamani TIDJANI ont été extraits des prisons civiles
de Cotonou et de Porto-Novo et transférés en République Fédérale du Nigeria sans
l’autorisation des autorités judiciaires compétentes ; qu’à supposer que ce
transfèrement ait été fait en application de la convention A/P1/7/92 de la CEDEAO
relative à l’entraide judiciaire en matière pénale, l’autorisation des autorités judiciaires
compétentes est , même dans ce cas indispensable… ». Puis conclue qu’« en
agissant comme il l’a fait au mépris des prérogatives des autorités judiciaires, le
gouvernement a violé la constitution en son préambule et en son article 125 alinéa 1 ».
488Pour en savoir davantage sur cette affaire voy.. DOSSA E.C, L’extradition passive au Bénin, textes
et pratiques à l’épreuve du temps, Star Editions., Cotonou (Bénin), 2008, pp. 45 à 65.
141
une moindre mesure à l’uniformisation de l’entraide répressive dans le domaine du
blanchiment.
491 DESESSARD L., « L’extradition des nationaux », Revue pénitentiaire et de droit pénal, 10 janvier 1999,
vol. 3, p. 317-327 ; MASSE M., « L’extradition des nationaux », Revue de science criminelle, 1994, no 4,
p. 798.
492 W EYEMBERGH A., L’harmonisation des législations : condition de l’espace pénal européen et
révélateur de ses tensions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, coll.« Collection études
européennes », 2004, p. 34.
143
européenne avait d’ailleurs donné le ton en développant une politique de coopération
judiciaire renforcée s’appliquant à un nombre limité d’États. Les textes élaborés dans
ce cadre notamment la convention du 10 mars 1995 relative à la procédure simplifiée
d’extradition entre les États de l’Union européenne 493 et la convention du 27
septembre 1996 relative à l’extradition entre les États membres de l’Union
européenne494 sont favorables à l’extradition des nationaux. La deuxième convention
en fait même un principe en ce sens qu’elle prévoit que sauf réserve exprimée par tout
État membre, l'extradition ne peut pas être en principe refusée au motif que la
personne qui fait l'objet de la demande d'extradition est un ressortissant de l'État
membre requis495.
496 Les deux exemples ont été relatés par DESESSARD L., L’extradition des nationaux, thèse de doctorat,
droit privé et sciences criminelles, Poitiers, 1999, p. 40, 41.
497 Appel de Genève, lancé le 01 octobre 1996, par Bernard BERTOSSA, Edmondo BRUTI LIBERATI,
Gherardo COLOMBO, Benoit DEJEMEPPE, Baltasar GARZON REAL, Carlos JIMENEZ VILLAJERO
145
Le second exemple est encore plus éloquent sur les inconvénients que soulève en
pratique la non-extradition des nationaux : un Français a commis un assassinat dans
la République argentine, avec laquelle la France a un traité d’extradition. Le coupable
prend la fuite et débarque quelques semaines plus tard à Dunkerque (une commune
française située dans la région du Nord-Pas-de-calais, Picardie). Immédiatement
arrêté, il ne peut être livré puisqu’il est français. La justice française entreprend donc
son procès devant la Cour d’assises de Douai. La procédure suivie sur les lieux en
Argentine est transférée en France. Heureusement, elle était très complète. Mais les
juges se trouvent fort embarrassés en présence de pièces écrites dans une langue
qu’ils ignorent. Une traduction officielle est établie tout d’abord. Elle ne pouvait suffire,
les dépositions devant les Cours d’assises en France devant être faites oralement. Le
gouvernement français fait une demande au gouvernement argentin de citer les
principaux témoins. Quelques-uns, et non des moindres, refusent ce long voyage en
Europe. D’autres acceptent avec empressement cette excursion payée par la
république française. Mais à Douai, petite ville de province, ils ne peuvent se faire
comprendre de personne. Il est fait appel à un interprète de Paris. Malgré toutes ces
difficultés, le coupable est enfin convaincu de son crime et condamné.
Malheureusement, l’arrêt est cassé par la Cour de cassation pour un vice de forme.
Tout est à refaire, les témoins ont été priés de demeurer en France, toujours aux frais
de la République, jusqu’au nouveau procès qui se termina par une seconde
condamnation. Cette affaire met en exergue de nombreux inconvénients liés à un refus
d’extrader un national dont le risque d’erreur judiciaire qui en l’espèce est plus élevé
en France qu’en Argentine. En outre, elle révèle l’importance du coût financier. Quand
on connait les difficultés financières que rencontrent les juridictions dans les États
membres de l’UEMOA, il est évident qu’en pareille situation, l’extradition est
préférable.
147
d’extradition. Telle est la substance des dispositions de l’article 3 de la convention
CEDEAO sur l’extradition de 1994 et l’article 5§4 de la loi du 10 mars 1927. Aux termes
de ces dispositions, l’application du principe ne bis in idem est cependant subordonnée
à la condition que le jugement précédent ait été rendu par les juridictions de l’État
requis. Les jugements rendus par un État tiers en sont exclus. A ce propos, la chambre
criminelle de la Cour de cassation française a émis un avis défavorable à une demande
d’extradition, au motif que les faits avaient été jugés par les juridictions d’un État
tiers501. Cette limitation du principe aux jugements rendus par l’État requis se justifie
par le fait que la résolution des conflits de lois n’entre pas dans les techniques du droit
pénal international502. Or les juridictions de l’État requis résolvent un conflit de loi si
elles prennent en compte le jugement rendu par l’État tiers pour refuser l’extradition
puisqu’elles écartent ainsi la compétence de l’État requérant au profit de celle de l’État
tiers. Il convient cependant de préciser que certaines conventions bilatérales 503
prévoient néanmoins la possibilité de prendre en compte les jugements rendus par un
État tiers dans l’application du principe ne bis in idem. Une attitude qui rencontre notre
assentiment dans la mesure où il faut éviter qu’un individu qui a été déjà jugé par une
juridiction (qu’importe l’endroit où ce procès a eu lieu) ne se retrouve devant des
juridictions pour être jugé une seconde fois pour les mêmes faits. Le faire constituerait
une remise en cause à notre sens du contenu du principe ne bis in idem dans son
essence même.
501 Cass.crim. 8 juillet 1997, Bull. crim. n° 267, RG proc. 1998. 108, obs. REBUT D.
502 AUDIT B., Droit international privé, 4e éd., 2006, Economica, n° 114.
503 L’ensemble des conventions de coopération judiciaire entre la France et ses anciennes colonies
prévoient ainsi de manière facultative la prise en compte des décisions rendues dans les États tiers
dans l’application du principe non bis in idem : Niger (article 31 al 2) ; Sénégal (article 65 al 2) ; Bénin
(article 59 al 2) ; Burkina Faso (article 51 al 2) ; Mali (article 47 al 2) ; Togo (article 51 al 2 ) ; Côte d’Ivoire
(article 51 al 2). Quelques conventions de coopération judiciaire multilatérales conclues entre les États
africains après les indépendances en font de même. Il s’agit de la Convention générale de coopération
en matière de justice signée à Tananarive le 12 septembre 1961 (article 48 al 2) ; l’Accord de Non -
agression et d’Assistance en matière de Défense (article 46 al 2).
504 Article 15 de la Convention CEDEAO sur l’extradition.
505 Article 5§5 de la loi du 10 mars 1927.
148
demeurent punissables sur son territoire. Lorsqu’elles seront saisies pour apprécier
une demande d’extradition, les juridictions de l’État requis devront donc s’assurer
également que les faits ne sont pas prescrits. Cette exigence s’explique par le fait que
l’État requis considère qu’il est contraire à son ordre public de contribuer à une
répression qu’il estime prescrite. La Lu est muette sur la prescription dans l’État requis.
La prescription dans l’État requis se defend cependant difficilement en raison de
l’incompétence de l’État requis, lequel ne peut légalement soumettre les faits objet de
la demande d’extradition à sa prescription alors qu’il n’a pas compétence pour les
juger. En Europe, la prescription dans l’État requis est écartée entre États membres
de l’Union européenne. La convention de Dublin du 27 septembre 1996 dispose, dans
son article 8, que « l’extradition ne peut être refusée au motif qu’il y a prescription de
l’action ou de la peine selon la législation de l’État membre requis ». Une disposition
qui s’inscrit dans la dynamique de l’article 62,1 de la convention de Schengen du 19
juin 1990, qui prévoit que l’interruption de la prescription s’apprécie, entre États
membres, selon la seule législation de l’État requérant. Elle a été appliquée par le
conseil d’État français qui par le détour d’une décision en date du 22 septembre 1997
a rappelé le fait que la prescription doit être vérifiée conformément à la loi de l’État
requérant506. Il serait souhaitable que cette option de l’Union européenne soit suivie
par les États membres de l’UEMOA aux fins d’« affaiblissement de la conception
nationale de la criminalité prise en compte dans l’extradition au profit d’une conception
multinationale ». Fort heureusement, la question de la prescription ne saurait
constituer un obstacle à une demande d’extradition pour blanchiment dans la mesure
où dans tous les États membres les délais de prescription sont identiques dans tous
les États membres.
184. Les conditions liées à l’amnistie des faits. S’agissant de l’amnistie des
faits, l’article 16 de la convention d’extradition de la CEDEAO dispose
que « l’extradition ne sera pas accordée pour une infraction couverte par l'amnistie
dans l'État requis, si celui-ci avait compétence pour poursuivre cette infraction selon
sa propre loi pénale ». Ainsi les États membres admettent l’amnistie comme obstacles
à l’extradition à la condition que l’infraction objet de la demande d’extradition relève de
celles que l’État requis admet de poursuivre alors même qu’elles sont commises à
l’étranger par un étranger. Il s’agit des situations dans lesquelles l’État requis met en
150
présente des limites dans la mesure il a pour inconvénient d’entrainer un
rétrécissement des faits infractionnels pouvant faire l’objet d’extradition. Ces limites
justifient sans doute l’aménagement du seuil des infractions passibles d’extradition
dans les conventions européennes et sa suppression en ce qui concerne les
infractions de blanchiment dans la Lu (B)
507 La Convention du 30 septembre 1876 qui est encore applicable dans les relations entre la France et
la Nouvelle-Zélande.
508 DONNEDIEU DE VABRES H., Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1928,
p. 271, 39.
151
punies d’une peine d’emprisonnement supérieur ou égal à 2 ans peuvent faire l’objet
d’une détention préventive d’au moins 6 mois. C’est pourquoi il ne sert à rien d’extrader
une personne mise en cause si elle ne peut être détenue préventivement dans le pays
où a eu lieu la poursuite. Ce chiffre a été revu à la baisse au sein de l’UE avec la
convention de septembre 1996509.
188. L’effet néfaste de la fixation d’un seuil de gravité par l’État requérant
sur l’extradition. La seconde limite concerne la loi de référence. En effet, selon qu’il
s’agit d’une extradition aux fins de poursuite ou d’une extradition aux fins d’exécution
d’une condamnation, la loi de référence peut varier. Ainsi, en ce qui concerne
l’extradition aux fins d’exécution d’une condamnation, seules la loi de l’État requérant
et la condamnation en cause sont prises en considération pour l’appréciation de la
gravité. Mais lorsqu’il s’agit de l’extradition aux fins de poursuites, il y a variation de la
loi de référence selon la loi ou la convention considérée. Certaines conventions et lois
internes prévoient la prise en considération de la loi de l’État requérant et de celle de
l’Etat requis pour apprécier la gravité de la peine encourue. Il en est ainsi de la
convention d’extradition de la CEDEAO dont l’article 3-1 dispose que « donneront sous
certaines conditions lieu à extradition les faits punis par les lois de l’État requérant et
de l’État requis d’une peine privative de liberté d’un minimum de deux ans ».
L’interprétation que l’on peut avoir de cette disposition est que pour qu’une infraction
puisse faire l’objet d’extradition, il faut qu’elle soit punie d’au moins deux ans dans les
deux États partenaires. Cette condition est très stricte et surtout restrictive car
limitatives des infractions extraditionnelles. Que faire des infractions punies d’au moins
deux ans dans l’État requérant et qui ne le sont pas dans l’État requis surtout lorsqu’on
considère que l’État requérant est l’État le mieux placé pour connaitre de cette
infraction. Pour d’autres conventions, seule la loi de l’État requis doit être prise en
considération. C’est le cas de la convention générale de coopération en matière de
justice signée à Tananarive le 12 septembre 1961510 dont l’article 43-1 prescrit que
« Seront sujets à extradition les individus qui seront poursuivis pour des crimes ou
délits punis par les lois de l’État requis d’une peine d’au moins deux ans
509 Article 2 de la convention du 27 septembre 1996 relative à l’extradition entre les États membres de
l’Union européenne, J.O.U.E du 23 Octobre 1996, n° C. 313/11. Aux termes de cette disposition,
« Donnent lieu à extradition les faits punis par la loi de l’État membre requérant d’une peine privative de
liberté ou d’une mesure de sureté privative d’un maximum d’au moins douze mois et par la loi de l’Etat
membre requis d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sureté privative de liberté d’un
maximum d’au moins six mois ».
510 Cinq États membres de l’UEMOA sont parties à la Convention générale de coopération : Il s’agit du
511 LISZT V., strafrechtliche Aufsätze, Berlin, 1905, t. I, p. 90, cité par DONNEDIEU DE VABRES H., Les
principes modernes du droit pénal international, op. cit., p. 274, note 44.
512 En France, cette disposition a été reprise dans le CPP à l’article 696-3 (2).
513 TRAVERS M., Droit Pénal International et sa mise en œuvre en temps de paix et en temps de guerre,
Mise en œuvre de la loi pénale. - actes à accomplir hors du territoire - coopération internationale: remise
de bulletins et casiers ; mesures d’instruction ; significations ; extradition., Librairie de la Société du
Recueil Sirey, 1921, vol.Tome IV, p. 641 note 2145.
153
permettre aux juridictions de l’État requérant d’exercer leur compétence, et non pour
permettre à l’État requis d’appliquer ses lois à un étranger ». Bien que pertinents, ces
arguments n’effacent pas l’effet néfaste sur l’extradition que constitue la fixation d’un
seuil de gravité par l’État requérant.
516Pour en savoir davantage sur le régime de ces infractions voir REBUT D., Droit pénal international,
2e édition., Paris, Dalloz, coll. « Précis Dalloz », 2014, p. 164, 165.
157
matériellement et moralement une infraction aussi bien dans la loi de l’État qui sollicite
l’extradition que dans celle de l’État qui en est requis.
ayant été commises hors du territoire de l’Etat requérant par un étranger à cet Etat, la législation de
l’Etat requis n’autorise pas la poursuite des mêmes infractions commises hors de son territoire par un
étranger ».
522 Article 18, 1, f de la convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie
et à la confiscation des produits du crime, STCE n° 141, entrée en vigueur le 1 septembre 1993.
158
prend également en compte des éléments objectifs lui permettant d’apprécier le
caractère punissable de l’auteur, en particulier les faits justificatifs.
523L’article 6 § 2.e. de la convention de Palerme autorise certains États à ne pas incriminer l’auto-
blanchiment.
159
l’UEMOA répriment l’autoblanchiment en vertu de l’alinéa 2 de l’article 7 qui dispose
qu’« il y a blanchiment, même si cet acte est commis par l’auteur de l’infraction ayant
procuré les biens à blanchir ». La Lu consacre également un titre à la définition des
sanctions susceptibles de s’appliquer aux auteurs du blanchiment 524 et aux peines
encourues 525 . La Lu définit enfin la procédure pénale applicable lorsque des faits
caractérisant un délit de blanchiment sont constatés526. En la matière, le droit UEMOA
connait une avancée par rapport au droit européen. En effet, dans l’Union européenne,
le blanchiment fait partie d’une liste de trente-deux infractions incluses dans de
nombreux instruments juridiques 527 pour lesquelles le contrôle de la double
incrimination est supprimé. Ces infractions étant considérées comme les plus graves,
le législateur européen a posé comme postulat leur incrimination dans tous les États
membres. Partant donc de ce postulat la double incrimination n’est plus maintenue
pour l’infraction de blanchiment. La limite de ce procédé européen est qu’il ne précise
pas les éléments constitutifs des infractions énumérées, lesquels peuvent varier en
fonction des législations pénales des États membres. A titre d’illustration,
l’autoblanchiment peut ne pas être puni dans tous les États membres. Alors que des
États comme l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et l’Italie ne punissent pas cet acte,
dès lors que l'activité de blanchiment est simplement considérée comme le
prolongement de l'infraction principale et absorbée par cette dernière, d'autres États
comme la Belgique528, la France529, l’Espagne530, la Grèce et le Portugal531 en font un
acte punissable. Tout comme les États de système Common Law, ces États estiment
que le bien lésé par l'infraction de blanchiment – identifié comme l'intégrité du système
économique et financier légal – est toujours différent du bien lésé par l'infraction
principale et que, pour cette raison, les deux comportements infractionnels doivent
disposer chacun de leur propre autonomie au niveau pénal. S’agissant des peines
applicables, la plupart des textes européens notamment les directives et autres
décision-cadres énoncent seulement que les infractions visées doivent faire l’objet de
L. 190 du 18 juillet 2002, pp. 1-18, la décision-cadre relative à l’exécution dans l’Union européenne des
décisions de gel ou d’éléments de preuve, J.O.U.E., L 196 du 2 août 2003, pp. 45-55, ou bien encore
la décision-cadre relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions
pécuniaires, JOUE., L 76 du 22 mars 2005.
528 Article 505, § 2 du code pénal.
529 Article 324-1 du code pénal.
530 Article 301 du code pénal.
531 Article 368 du code pénal portugais.
160
sanctions effectives, proportionnées et dissuasives susceptibles de donner lieu à
extradition. Le quantum des peines peut également varier d’un pays à un autre pour
la même infraction dans la mesure où la seule obligation qui pèse sur les États
membres de l’UE, c’est de prévoir des peines privatives dont la peine maximale ne
peut être inférieur à un nombre d’années d’emprisonnement déterminé. Il s’agit d’une
« harmonisation à minima »532 qui s’explique par le choix de l’Union européenne de
« respecter les traditions et systèmes judiciaires des États membres et de ne les
affecter que dans une mesure minime »533. Mais cette option laisse subsister ne serait-
ce que de façon résiduaire le principe de la double incrimination pour les infractions
qui figurent sur la liste y compris en matière de blanchiment.
532 BOT S., Le mandat d’arrêt européen, Bruxelles, Larcier, coll. « Collection de la Faculté de droit,
d’économie et de finance de l’Université du Luxembourg », 2009, p. 104.
533 VERNIMMEN G., « le rapprochement du droit pénal et la reconnaissance mutuelle » dans Quelle
justice pour l’Europe ? : la Charte européenne des droits fondamentaux et la convention pour l’avenir
de l’Europe, Bruxelles, Bruylant, coll. « UAE symposium », 2004, p. 137- 144 spéc. p. 140.
534 L’article 4 paragraphe 1 de la Convention d’extradition de la CEDEAO dispose que « l’extradition ne
sera pas accordée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée comme une infraction
politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction. ».
535 TRAVERS M., Droit Pénal International et sa mise en œuvre en temps de paix et en temps de guerre,
Mise en œuvre de la loi pénale. - actes à accomplir hors du territoire - coopération internationale : remise
de bulletins et casiers ; mesures d’instruction ; significations ; extradition., op. cit., p. 543, 544 ;
DONNEDIEU DE VABRES H., Les principes modernes du droit pénal international, op. cit., p. 262.
161
deux critères d’appréciation ont été admis pour définir l’infraction politique. L’un est dit
objectif et l’autre est dit subjectif.
538 CA de Grenoble, 13 janvier 1947, J.C.P, 1947, II, 3664, note Magnol ; CA de Douai, 29 nov. 1983,
JCP 1985. II. 20353, note CHAMBON P.
539 CA Paris, 3 juill. 1967, JCP 1967. II. 15274, note A. P.
540 CA Paris, 4 déc. 1967, JCP 1968. II. 15387, note A. P., RSC 1968.845, obs. A. Légal.
541 Article 2 paragraphe 1 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 25/01/1977,
STE 90.
542 Article 2 paragraphe 2 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 25/01/1977,
STE 90.
163
l'État membre requis comme une infraction politique, un fait connexe à une telle
infraction ou une infraction inspirée par des motifs politiques » 543 . Une option qui
s’explique sans doute par le processus de construction européenne dans lequel les
États membres sont engagés et qui témoigne, à cet égard, de leur rapprochement
politique, lequel donne lieu à l'exclusion de la qualification d'infraction politique dans le
cadre de leur coopération pénale internationale 544 . Dans cette même veine, la
décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen ne porte pas atteinte au principe selon
lequel l’État doit refuser la remise lorsqu’elle est demandée dans un but politique, mais
elle ne prévoit pas la possibilité de refuser l’exécution du mandat lorsque celui-ci porte
sur une infraction à caractère politique. Par conséquent, elle n’assure pas le respect
du principe fondamental reconnu par les lois de la République, dégagé par le Conseil
d’État545, selon lequel l’État doit se réserver le droit de refuser l’extradition pour les
infractions qu’il considère comme des infractions à caractère politique.
543 Article 5 § 1 de la Convention établie sur la base de l’article K3 du traiteé sur l’Union européenne,
relative à l’extradition entre les États membres de l’Union européenne du 26 septembre 1996, JOUE,
C313/12 du 23 /10/1996.
544 REBUT D., « Extradition », Répertoire de droit international.
545 C.E, Ass. 3 juillet 1996, KONE.
546 Article 9 de la Lu.
164
d’extradition avant d’y faire droit. L’objectif à travers cette règle est d’éviter de l’avis
des professeurs André HUET et Renée KORING-JOULIN, « un véritable
détournement de procédure » 547 auquel pourrait se livrer l’État requérant. En
procédant à l’appréciation du mobile de la demande, l’État requis pourra ainsi déjouer
les plans de ce dernier en lui opposant un refus s’il s’avère que la demande faite pour
une infraction de droit commun vise en réalité à réclamer un réfugié politique. Appelée
« clause française »,548 parce qu’à l’initiative de la France, cette règle a été érigée au
rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil
d’État français d’abord par un avis rendu le 09 novembre 1995549 puis par une décision
un an plus tard. Dans cette décision d’assemblée en date du 3 juillet 1996550, le conseil
d’Etat a dégagé un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui
interdit de satisfaire une demande d’extradition présentée dans un but politique.
547 HUET A., Droit pénal international, [3e édition mise à jour]., Paris, Presses universitaires de France,
coll. « Thémis », 2005, p. 351.
548 Elle a été insérée pour la première fois dans la convention d’extradition de 1909 entre la France et
* *
*
205. La réduction importante des cas de refus d’extrader en matiere de
blanchiment. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, les conditions de fond
liées à la personne extradable ont été reformées dont notamment la renonciation au
principe de la non-extradition des nationaux. De même, s’agissant des conditions de
fond liées à l’infraction de blanchiment, la Lu supprime plusieurs conditions comme le
166
seuil d’extradition, la double incrimination et l’exception de l’infraction politique. Par
conséquent, les arguments de refus d’extrader un individu coupable de blanchiment
de capitaux ont été considérablement réduits. Cette attitude du législateur
communautaire UEMOA traduit sa prise de conscience de la nécessité de renforcer
la confiance mutuelle entre les États membres dans un contexte de lutte contre la
criminalité transnationale organisée en général et de blanchiment des capitaux en
particulier.
167
168
Chapitre 2 : L’admission d’une procédure simplifiée d’extradition en matière de
blanchiment
552 LEVASSEUR G., « Les avatars du droit de la pratique de l’extradition », RFDA 1985. 145 spéc. p.
151.
553 Article 16 § 8 de la convention de Palerme et l’article 6 § 7 de la convention de vienne.
169
en Europe qu’en Afrique de l’ouest grâce aux organisations d’intégration. En Europe,
la signature le 10 mars 1995 à Bruxelles de la convention relative à la procédure
simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne 554 en est
l’illustration. Celle-ci est l’aboutissement d’une déclaration des ministres de la justice
des différents États membres de l’union européenne élaborée à Limelette (Belgique)
le 28 septembre 1993 par laquelle ils se sont engagés à rechercher les moyens
d’améliorer entre eux l’extradition. Les statistiques disponibles à cette date en Europe
sur l’extradition montrent que sur les « 700 demandes d’extradition formulées en 1992
entre les États (…) membres, la personne faisant l’objet de la demande (consentait) à
son extradition dans plus de 30 % des cas ». Or, malgré ce consentement, « la durée
de la procédure [restait] assez longue (et [pouvait] aller jusqu’à plusieurs mois) même
dans les cas où la personne faisant l'objet de la demande n'est pas poursuivie ou
détenue pour une autre cause dans l'État requis. »555. Adoptée sur la base de l’article
K.3 § 2 c) du traité sur l’union européenne, cette convention du 10 mars 1995 a pour
objet d’accélérer la remise des individus recherchés entre les États membres, dès lors
que ceux-ci consentent à être livrés à l’État qui les convoite.
Au sein des États membres de l’UEMOA, l’on peut dire que la simplification de la
procédure d’extradition remonte à la loi du 10 mars 1927 qui prévoit que lorsque
l’individu dont l’extradition est réclamée renonce à la procédure classique d’extradition
en consentant à son extradition, l’État requis accélère sa remise à l’État requérant556.
Cette dynamique a été confirmée après leur accession à l’indépendance à travers la
convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961
conclue entre douze États africains dont cinq État membres de l’UEMOA. Cette
convention simplifie la procédure557 en supprimant la voie diplomatique. Ce qui permet
ainsi la transmission de la demande d’extradition directement au procureur général
compétent de l’État requis558. Avec la Lu, la simplification de la procédure d’extradition
554 Convention établie sur la base de l’article K3 du traité sur l’Union européenne, relative a la procedure
simplifiée d’extradition entre les États membres de l’Union européenne, JOUE, C78/2 du 30/03/1995.
555 Rapport explicatif JOCE du 12 décembre 1996, n° C. 375, p. 4.
556 L’article 15 alinéa 1 de la loi du 10 mars 1927 dispose que « Si lors de sa comparution, l’intéressé
déclare renoncer au bénéfice de la présente loi et consent formellement à être livré aux autorités du
pays requérant, il est donné acte par la Cour de cette déclaration. Copie de cette décision est transmise
sans retard par les soins du procureur général au Ministre de la justice, pour toutes fins utiles ».
557 Le titre III de la Convention est consacré à l’extradition et est intitulé « l’extradition simplifiée » de la
Convention générale de coopération en matière de justice conclue entre 12 États africains dont 5 États
membres de l’UEMOA que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Sénégal.
[Convention disponible en ligne], [Consulté la dernière fois le 4/4/2019], www. track.unodc.org.
558 Article 49 de la Convention générale de coopération en matière de justice conclue entre 12 États
africains dont 5 États membres de l’UEMOA que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’ivoire, le Niger
170
a été élargie à tous les États membres de l’espace UEMOA. Celle-ci prévoit la
procédure simplifiée concernant la remise des auteurs de blanchiment par la
suppression de la transmission par la voie diplomatique des demandes d’extradition
aux articles 157 et suivants. La mise en œuvre de la procédure simplifiée d’extradition
est soumise à des conditions (Section 1) avec comme effets l’accélération de la
procédure d’extradition (section 2).
559
CE, 30 avril 1982. D. 1982. 580, note P. Mayer et JULIEN-LAFERRIERE F.
Article 11 de la convention d’extradition A/P1/8/94 de la Convention d’extradition du 06 août 1994,
560
173
B. Les conditions procédurales au sens strict
564 PRADEL J., Droit pénal européen, 3e éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis Dalloz », 2009 n° 132.
174
définitive. L’article 9 de la convention européenne d’extradition prévoit les mêmes
dispositions ainsi que les mêmes cas de figure et indique que le seul fait qu’une
décision au fond soit devenue définitive exclut automatiquement l’extradition. A propos
du mot « définitivement » contenu dans ce texte, le rapport explicatif 565 de la
convention européenne d’extradition souligne que ce terme signifie que tous les
moyens de recours doivent être épuisés. Il ressort également de ce rapport qu'un
jugement rendu par défaut n'a pas un caractère définitif et qu’un jugement
d'incompétence ne rentre pas dans le cadre des dispositions de l’article 9 suscité.
L’exclusion du jugement rendu par défaut de la liste des décisions définitives est liée
à la nécessité de respecter les droits de la défense. Le respect des droits de la défense
est garanti par la charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui prescrit
que chaque personne a droit à ce que sa cause soit entendue, y compris celui de se
faire assister par un défenseur de son choix566. Or dans les jugements par défaut, la
décision a été rendue sans que le condamné ait comparu en personne à l’audience et
donc sans qu’il ait pu assurer sa défense. C’est pourquoi, l’article 5 de la convention
d’extradition indique que « l’extradition ne sera pas accordée si l’individu dont
l’extradition est demandée…n’a pas bénéficié au cours des procédures pénales, des
garanties minimales, prévues par l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme
et des peuples ». En France, le Conseil d’État a érigé cette exigence de respect des
droits de la défense en principe général du droit de l’extradition567 de sorte qu’elle
s’applique même si les conventions internationales ne la prévoient pas.
Jeandidier ; 28 juillet 1989, RFDA 1990, RFDA 1990. 558, concl. R. Abraham.
175
requis doit opposer une fin de non-recevoir à la demande d’extradition si après
vérification les juges établissent qu’il s’agit des mêmes faits.
176
Bernard AUDIT par le fait que la résolution des conflits de lois n’entre pas dans les
techniques du droit pénal international 570 . Or les juridictions de l’État requis vont
résoudre un conflit de loi si elles prennent en compte le jugement rendu par l’État tiers
pour refuser l’extradition puisqu’elles écartent ainsi la compétence de l’État requérant
au profit de celle de l’État tiers. Cependant, certaines conventions bilatérales 571
prévoient la possibilité de prendre en compte les jugements rendus par un État tiers
dans l’application du principe ne bis in idem. Ces conventions bilatérales accordent
une grande liberté d’appréciation à l’État requis de sorte qu’il peut refuser de
considérer comme un vrai jugement (la qualification dépend de lui) une décision qu’elle
juge partiale. Dans cette configuration, la règle non bis in idem « pourtant frappée au
coin du bon sens devient une règle d’opportunité, ce qui réduit singulièrement sa
portée »572. Une situation dénoncée par certains auteurs qui estiment que l’État requis
pourrait soit se rendre « complice d’acquittement de complaisance » 573 soit se voir
conférer « un pouvoir arbitraire ». Bien qu’approximative cette solution adoptée par les
États signataires de ces conventions bilatérales rencontre notre assentiment dans la
mesure où il faut éviter qu’un individu qui a été déjà jugé par une juridiction (qu’importe
l’endroit où ce procès a eu lieu) ne se retrouve devant des juridictions pour être jugé
une seconde fois pour les mêmes faits. Le faire constituerait une remise en cause à
notre sens du contenu du principe non bis in idem dans son essence même.
a. La prescription
570 AUDIT B., Droit international privé, 7e édition refondue., Paris, Economica, coll.« Corpus », 2013,
p. 114.
571 L’ensemble des conventions de coopération judiciaire entre la France et ses anciennes colonies
prévoient ainsi de manière facultative la prise en compte des décisions rendues dans les Etats tiers
dans l’application du principe non bis in idem : Niger (article 31 al 2) ; Sénégal (article 65 al 2) ; Benin
(article 59 al 2) ; Burkina Faso (article 51 al 2) ; Mali (article 47 al 2) ; Togo (article 51 al 2 ) ; Côte d’Ivoire
(article 51 al 2). Quelques conventions de coopération judiciaire multilatérales conclues entre les Etats
africains après les indépendances en font de même : La convention générale de coopération en matière
de justice signée à Tananarive le 12 septembre 1961 (article 48 al 2) ; l’Accord de Non - agression et
d’Assistance en matière de Défense (article 46 al 2).
572 PRADEL J., Droit pénal européen, op. cit. n°132.
573 LOMBOIS C., Droit pénal international, 2 éd., Paris, Dalloz, coll. « Précis Dalloz », 1979 n° 454.
177
221. La prescription comme obstacle à l’extradition. En tant qu’obstacle
à la poursuite et à l’exécution des peines en droit interne, la prescription est considérée
par l’ensemble des conventions d’extradition574 et par la loi du 10 mars 1927575 comme
un motif de rejet d’une demande d’extradition qu’elle soit intervenue dans l’État requis
ou dans l’État requérant. Elle concerne aussi la prescription des faits pour l’extradition
aux fins de poursuite que la prescription des peines pour l’extradition aux fins
d’exécution. S’agissant de la prescription de l’action publique, deux éléments méritent
d’être précisés. Il s’agit premièrement de la date à laquelle il faut se placer pour
apprécier la prescription des faits et deuxièmement du choix de la loi de référence.
178
d’extradition, les juridictions de l’État requis devront donc s’assurer également que les
faits ne sont pas prescrits. Cette exigence s’explique par le fait que l’État requis
considère qu’il est contraire à son ordre public de contribuer à la répression de faits
qu’il estime prescrits. L’exigence de la prescription de l’action publique dans l’État
requis est critiquée par la doctrine qui évoque l’incompétence de l’État requis, lequel
ne peut légalement soumettre les faits objet de la demande d’extradition à sa
prescription alors qu’il n’a pas compétence pour les juger. En Europe, la prescription
dans l’État requis a été écartée entre États membres de l’Union européenne. La
convention de Dublin du 27 septembre 1996 dispose, dans son article 8, que
« l’extradition ne peut être refusée au motif qu’il y a prescription de l’action ou de la
peine selon la législation de l’État membre requis ». Une disposition qui s’inscrit dans
la dynamique de l’article 62, 1 de la convention de Schengen du 19 juin 1990, qui
prévoit que l’interruption de la prescription s’apprécie, entre États membres, selon la
seule législation de l’État requérant. Elle a été appliquée par le conseil d’État français
qui par le détour d’une décision en date du 22 septembre 1997 a rappelé le fait que la
prescription doit être vérifiée conformément à la loi de l’État requérant577. Cette option
de l’Union européenne pourrait être suivie par les États membres de l’UEMOA aux fins
d’affaiblissement de la conception nationale de la criminalité prise en compte dans
l’extradition au profit d’une conception multinationale. Dans la zone UEMOA, les délais
de prescription de l’action publique sont sensiblement identiques pour toutes les
infractions y compris en matière de blanchiment, réduisant de ce fait les possibilités
de rejet des demandes d’extradition en raison de la prescription des faits dans l’État
requis.
b. L’amnistie
180
la peine qu’il a écopée. S’il se rend compte que son État de refuge a reçu une demande
d’extradition pour le remettre à l’État de l’infraction, il va à nouveau se déplacer vers
un autre État. Pour éviter qu’il s’ensuive « un véritable jeu de piste internationale
consistant pour le fugitif à tenir successivement en échec les autorités requises des
divers États de séjour successifs »578, les États ont perçu la nécessité d’instaurer la
procédure de l’arrestation provisoire. Prévue depuis la loi du 10 mars 1927 579, elle a
été reprise par la Lu en ces termes : « en cas d’urgence, l’autorité compétente de l'État
requérant peut demander l’arrestation provisoire de l’individu recherché, en attendant
la présentation d’une demande d’extradition. Il est statué sur cette demande,
conformément à la législation en vigueur… »580. Elle ne doit pas être confondue avec
l’arrestation « préliminaire » ou l’arrestation « préventive »581. Celle-ci permet avant
toute demande judiciaire d’arrestation provisoire de faire procéder par la police à la
recherche, à l’appréhension et à une brève garde à vue du suspect dont l’arrestation
provisoire sera ultérieurement demandée. Elle est une mesure de localisation et de
« fixation » du mis en cause qui intervient à la suite d’une procédure mise sur pied par
l’O.I.P.C/Interpol 582 qui se présente ainsi : l’autorité judiciaire demanderesse de
l’extradition établit une note de recherche qu’elle adresse au Bureau central national
(BCN) de son pays. Celui-ci établit une demande de diffusion en vue de l’extradition
qu’il adresse au secrétariat général d’Interpol qui, à son tour, l’adresse aux divers BCN
des pays susceptibles d’abriter le suspect. Cette transmission effectuée par Interpol à
ces BCN constitue le titre permettant de rechercher et d’arrêter pour quelques heures
équivalant à la durée de la garde à vue de l’intéressé. Une fois que l’arrestation
préventive est effectuée, le BCN du pays de refuge informe Interpol qui à son tour,
informe le BCN du pays demandeur. Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’intervient
en une demande d’arrestation provisoire suivie en principe d’une demande
d’extradition. L’arrestation provisoire obéit à des conditions de forme (1) et prévoient
des garanties pour la personne arrêtée (2).
578 BRACH-THIEL D., « Extradition », Répertoire Dalloz pénal et procédure pénale, septembre 2012 n°
239.
579 Article 19 de la Loi du 10 mars 1927 sur l’extradition qui dispose que « En cas d’urgence et sur
demande directe des autorités judiciaires du pays requerant, les procureurs de la République peuvent
sur un simple avis…ordonner l’arrestation provisoire de l’etranger » .
580 Article 159 de la Lu.
581 Voir sur la notion d’arrestation préventive LOMBOIS C., Droit pénal international, op. cit. n°502 ;
PRADEL J., Droit pénal européen, op. cit. n° 139 ; HUET A., Droit pénal international, op. cit. n° 274.
582 V, infra paragraphe 355.
181
228. La transmission par l’État requérant d’une demande d’arrestation.
L’urgence est la première condition de l’arrestation provisoire. Il s’agit de remédier à
la lenteur de la procédure classique de l’extradition qui fait intervenir la voie
diplomatique. Pour éviter que le délinquant ne prenne la fuite après avoir pris
connaissance de la procédure d’extradition qui est engagée contre lui, les autorités
judiciaires de l’État requis sont autorisées à procéder à son arrestation à partir d’une
simple demande d’arrestation transmise directement par les autorités judiciaires de
l’État requérant. Selon l’article 159 de la Lu, cette demande peut être faite d’autorités
judiciaires compétentes à autorités judiciaires compétentes en l’occurrence les
procureurs généraux qui représentent le parquet près la Juridiction compétente en
matière d’extradition à savoir la chambre d’accusation. Elle est transmise soit par
« voie diplomatique, soit directement par voie postale ou télégraphique, soit par
l’Organisation Internationale de Police Criminelle (OIPC/Interpol), soit par tout autre
moyen laissant une trace écrite ou admise par la législation en vigueur de l'État »583.
Lorsqu’elle est transmise par les voies autres que diplomatiques, « un avis régulier de
la demande devra être transmis ou en même temps par voie diplomatique par la poste,
par le télégraphe ou par tout mode de transmission laissant une trace écrite au
Ministère des affaires étrangères »584. La Cour de cassation française soutient que
cette formalité n’est pas prescrite à peine de nullité. En effet, par décision en date du
22 mai 2001585, elle a relevé qu’ « il n’importe que les autorités sud-africaines omettent
d’aviser le ministère des affaires étrangères de la demande d’arrestation provisoire
qu’elles ont adressée aux autorités judiciaires françaises, dès lors que cette formalité,
prévue par le deuxième alinéa de l’article 19 de la loi du 19 mars 1927, applicable en
la cause en l’absence de convention d’extradition entre la France et l’Afrique du sud,
n’est pas prescrite à peine de nullité ».
182
prescrites par la loi de l'État requérant et portant l’indication précise du temps, du lieu
et des circonstances des faits constitutifs de l’infraction et de leur qualification. Ensuite,
la demande doit comporter une copie certifiée conforme des dispositions légales
applicables avec l’indication de la peine encourue. Enfin, l’État requérant doit joindre
à la demande d’arrestation un document comportant un signalement aussi précis que
possible de l’individu réclamé ainsi que tous autres renseignements de nature à
déterminer son identité, sa nationalité et l’endroit où il se trouve. La question de
l’exigence de la présence effective de ces pièces dans la demande d’arrestation a été
posée à la cour de cassation française qui a indiqué qu’il n’est pas nécessaire que
l’une de ces pièces accompagne matériellement la demande d’arrestation. Qu’« il
suffit, en effet, pour satisfaire aux prescriptions de l’article 19 de la loi du 10 mars
1927587 que soit établie, par un simple avis, dont la transmission doit cependant laisser
une trace écrite, l’existence d’une des pièces indiquées par l’article 9 de la loi dont
s’agit, sans que soit exigée la présence matérielle de cette pièce »588.
587 En droit français cette disposition a été remplacée par l’article 696-23 du CPP.
588 Crim., 23 juillet 1984, Bull. n° 264.
589 Article 19 la 3 de la loi du 10 mars 1927.
183
dans le cadre d’une procédure pénale que sont le droit à l’information (a) et le droit de
ne pas être détenu au-delà d’un certain délai (b).
a. Le droit à l’information
590 Crim. 15 septembre 2004, Bulletin criminel n° 209, D. 2004. IR 2691 ; JCP 2004. IV 3197.
591 L’article 696-10 alinéa 1 du CPP dispose que « Toute personne appréhendée à la suite d'une
demande d'extradition doit être conduite dans les quarante-huit heures devant le procureur général
territorialement compétent… ».
592 Dans le même sens, lire Cass. crim. 12 mai 2010, n° 10-81.249. Dans cette décision, la Cour de
cassation décide que « Le délai de quarante-huit heures prévues par l'article 696-10 du Code de
procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 12 mai 2009, n'est pas applicable lorsque la
personne réclamée a fait l'objet d'une arrestation provisoire, conformément aux dispositions de l'article
696-23 du même code ».
184
provisoire prend fin si, dans le délai de vingt jours, l’autorité compétente n’a pas été
saisie de la demande d’extradition et des pièces mentionnées à l’article 157593. La loi
du 10 mars 1927 prévoit le même délai de 20 jours pour permettre à l’État requérant
d’adresser une demande formelle d’extradition à l’État requis après qu’il ait été informé
de l’arrestation provisoire de la personne réclamée. A l’issu de ce délai, s’il ne
s’exécute pas l’individu arrêté devra être libéré. Mais l’alinéa 6 de l’article 157 de la Lu
précise que la mise en liberté provisoire ne fait pas obstacle à une nouvelle arrestation
et à l’extradition, si l’État requérant régularise la procédure en transmettant sa
demande d’extradition ultérieurement. En dehors de l’inertie de l’État requérant qui est
sanctionnée par la mise en liberté de la personne arrêtée, un autre cas de figure existe,
il s’agit d’une éventuelle demande de liberté provisoire de la personne arrêtée.
Lorsqu’elle intervient, la Lu indique que la mise en liberté provisoire est possible, à tout
moment, sauf pour l’autorité compétente à prendre toute mesure qu’elle estimera
nécessaire en vue d’éviter la fuite de la personne poursuivie. Aux termes de l’alinéa 3
de l’article 20 de la Loi du 10 mars 1927, la mise en liberté est prononcée sur requête
adressée à la chambre de l’instruction qui statue sans recours dans un délai de huit
jours. L’exclusion de toute voie de recours a une explication. En effet, la demande de
mise en liberté en cas d’arrestation provisoire pose nécessairement un problème
d’appréciation du respect des conditions fixées par l’article 9 de la loi du 10 mars 1927,
conditions légales d’extradition.
593 Les pièces exigées sont : 1. l’original ou l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation
exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes
prescrites par la loi de l'État requérant et portant l’indication précise du temps, du lieu et des
circonstances des faits constitutifs de l’infraction et de leur qualification ; 2. une copie certifiée conforme
des dispositions légales applicables avec l’indication de la peine encourue ; 3. un document comportant
un signalement aussi précis que possible de l’individu réclamé ainsi que tous autres renseignements
de nature à déterminer son identité, sa nationalité et l’endroit où il se trouve.
594 L’article 16 dispose que « dans le cas contraire, la chambre des mises en accusation, statuant sans
595 JEANDIDIER W., « Le contentieux de la mise en liberté dans la procédure d’extradition passive »,
Dalloz, chronique, 1981, p. 182.
596 Cass. crim. 7 févr. 1995, no 94-85.248, Bull. crim. no 52.
186
deuxième porte sur la nature du consentement et le troisième problème est relatif aux
conditions dans lesquelles le consentement doit être donné.
597 Article 696-33 du CPP français dispose que « Les dispositions des articles 696-26 à 696-32 sont
applicables si la personne dont l'arrestation provisoire a été demandée fait l'objet d'une demande
d'extradition et consent à être extradée plus de dix jours après son arrestation et au plus tard le jour de
sa première comparution devant la chambre de l'instruction, saisie dans les conditions énoncées à la
section 2 du présent chapitre, ou si la personne dont l'extradition est demandée consent à être extradée
au plus tard le jour de sa première comparution devant la chambre de l'instruction, saisie dans les
mêmes conditions ».
598 V. dans le même sens l’article 696-26 al 2 du CPP français.
599 Cass. crim., 23 novembre 1972, Bull. crim. 1972, n° 356, p. 906; Cass. crim., 11 octobre 1988,
600 CE, 13 février 1948, Louarn, Lebon, p. 79 ; 14 février 1968, Bosquier, Lebon, p. 117.
601 CE, 13 octobre 1961, Madame Weitzdorfer, Lebon, p. 564.
602 La Loi nº 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,
605 Déclaration commune CIJ, affaire relative à des questions d’interprétation et d’application de la
Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie, Jamahiriya arabe libyenne
c/ États-unis d’Amérique, demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril
1992, Rec. CIJ 1992, p. 136, § 2.
606 TRAVERS M., Le droit pénal international et sa mise en oeuvre en temps de paix et en temps de
190
également écarté l’usage de la voie diplomatique entre eux. L’article 13. 1 de la
convention de Dublin du 27 septembre 1996 stipule que les États membres doivent
désigner une autorité centrale chargée de recevoir les demandes d’extradition et les
documents requis à l’appui de ces demandes. En France, la direction des affaires
criminelles et des grâces du ministère de la justice a été désignée pour recevoir les
demandes d’extradition. L’abrogation de la voie diplomatique dans la procédure
simplifiée s’inscrit sans doute dans cette dynamique. En effet, lorsque la demande
d’arrestation provisoire est suivie du consentement de la personne réclamée, il n’est
plus nécessaire pour l’État requérant de faire suivre une demande d’extradition. Cette
demande d’arrestation provisoire aux fins d’extradition constitue l’unique acte de ce
fait de la demande d’extradition. Comme nous l’avons exposé supra, elle est adressée
par l’autorité de l’État requérant à l’autorité compétente de l’État requis. Dans le cadre
de l’extradition d’un auteur de blanchiment, elle se fera de procureur général
compétent à procureur général compétent. Selon la Loi du 10 mars 1927 sur
l’extradition des étrangers, le comportement que doit avoir le procureur général dès
qu’il reçoit la demande d’arrestation provisoire aux fins d’extradition est similaire à celui
qu’il adopte dans le cadre d’une procédure de droit commun. En effet, il doit faire
interpeller la personne recherchée par les soins du Procureur de la République. Dans
les 24 heures qui suivent son interpellation par la police judiciaire, le fugitif doit être
présenté devant le procureur de la République qui procède à la vérification de son
identité, en dresse procès-verbal608 et transmet dans un nouveau délai de 24 heures,
les pièces produites à l’appui de la demande au procureur général. Ce dernier procède
immédiatement à un interrogatoire de celui-ci, dresse également un procès-verbal et
notifie sur le champ les pièces motivant son arrestation. Cette notification doit avoir
lieu dans la langue officielle qu’est le français dans les États membres de l’UEMOA et
traduite dans la langue comprise par la personne recherchée si celle-ci ne comprend
pas le français. L’article 14 de la loi du 10 mars 1927 indique qu’à l’issue de cet acte,
le procureur général saisit sur le champ la chambre d’accusation avec les procès-
verbaux qu’il détient et tous autres documents. A ce stade, la convention sur la
procédure simplifiée d’extradition au sein de l’union européenne exige du procureur
général qu’il avise la personne dont l’extradition est réclamée qu'elle peut consentir à
son extradition devant la chambre de l'instruction selon la procédure simplifiée609. Il
610 Article 9 de l’Acte du Conseil, du 10 mars 1995, établissant la Convention relative à la procédure
simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne.
611 Article 14 de la Loi relative à l'extradition des étrangers du 10 mars 1927.
612 Article 696-27 du code de proécdure pénale.
192
public et de la personne réclamée assistée de son conseil et, s'il y a lieu, d'un
interprète. A ce stade, la procédure française ajoute un élément qui nous parait
essentiel. Il s’agit de l’obligation qui pèse sur le président de chambre d’instruction et
qui consiste à demander à la personne réclamée de confirmer qu'elle consent à son
extradition et de l'informer des conséquences juridiques de ce consentement. Et en
cas de réitération de ce consentement, il lui demande si elle accepte de renoncer à la
règle de spécialité, après l'avoir informée des conséquences juridiques de cette
renonciation 613 . Le consentement à l'extradition et, le cas échéant, celui à la
renonciation à la règle de spécialité sont recueillis par procès-verbal établi à l'audience.
La personne réclamée doit signer le procès-verbal. Si le comparant consent à son
extradition, la chambre d’accusation lui donne acte de sa déclaration et rend un arrêt
par lequel elle donne acte à la personne réclamée de son consentement formel à être
extradée et accorde l'extradition. L’article 15 de la loi du 10 mars 1927 ne fixe certes
pas un délai à la chambre d’accusation pour rendre sa décision, mais l’on peut
aisément se dire qu’elle le fera dans un délai raisonnable d’autant plus qu’elle ne fait
que consacrer dans son avis l’accord donné par le comparant à son extradition. Le
législateur français accorde un délai de sept jours à compter de la date de comparution
de la personne réclamée à la chambre de l’instruction pour rendre son arrêt de donné
acte614. L’option de fixer un délai à la chambre d’accusation nous semble également
pertinente à ce niveau pour éviter tout laxisme du juge qui pourrait compromettre
l’esprit de la procédure simplifiée. Une copie de l’arrêt de donné acte est transmise
sans retard au ministre de la justice par les soins du procureur général pour toutes fins
utiles615. Le terme « toutes fins utiles » n’est pas précis, mais l’on convient qu’il s’agit
simplement pour le ministre de la justice de prendre attache avec les autorités de l’État
requérant pour convenir du jour de la remise.
193
distinguait très nettement l'extradition « volontaire » de l'extradition « non volontaire ».
Dans ce dernier cas, la décision devait prendre la forme d'un décret du président de la
République. Par contre dans le premier cas, la circulaire s'exprimait ainsi : « Lorsque
l'individu arrêté déclare qu'il consent à être livré sans aucune formalité au
gouvernement qui le réclame, le magistrat du parquet se borne à dresser procès-verbal
de cette déclaration en double original. L'un de ces originaux est remis à l'autorité
administrative qui se charge de transférer l'intéressé à la frontière et de le remettre aux
autorités du pays étranger ; l'autre est adressée au ministre de la Justice par la voie
hiérarchique »616. Ainsi dans l'hypothèse de l’extradition volontaire, la circulaire ne
prévoyait aucune décision en bonne et due forme, puisque l'extradition était
considérée comme la conséquence automatique du consentement de l'intéressé. Il
s’agit en quelque sorte d’un acte matériel, qui n'avait à être précédé d'aucun acte
juridique de nature décisionnelle. Cette procédure a été perpétuée sous l’empire de la
loi du 10 mars 1927. En effet, si le ministre de la Justice estimait qu'il y avait lieu
d'extrader, il notifiait à l'État requérant le consentement de la personne recherchée et
la remise était effectuée sans qu'un décret d'extradition fût pris, puisque l'art. 15 de la
loi du 10 mars 1927 ne prévoyait pas expressément l’obligation pour le ministre de la
justice de soumettre un décret d’extradition à la signature du premier ministre617.
Plus tard le Conseil d’État français avait remis en cause cette pratique à la faveur de
l’arrêt Mme Angelika Voss du nom de cette dame de nationalité allemande et italienne
réclamée par l'Italie à la France pour l'exécution d'un jugement du Tribunal
correctionnel de Lodi (une ville italienne) l'ayant condamnée par défaut à quatorze ans
de réclusion pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Elle avait interjeté appel
contre ce jugement devant la Cour d'appel de Milan qui attendait, pour statuer, que
l'intéressée ait été extradée et pût comparaître devant elle. A la date de la demande
d'extradition, Mme Voss était détenue à la maison d'arrêt d’Epinal, en vertu d'un mandat
d'arrêt décerné contre elle, également pour infraction à la législation sur les
stupéfiants. Le Tribunal correctionnel d'Epinal prononça contre elle, par jugement du
23 mars 1993, une peine de cinq ans d'emprisonnement pour ces faits. Le jour même
du prononcé de ce jugement, le procureur de la République a décidé de la placer sous
écrou extraditionnel, de sorte qu'elle était, à compter de cette date, détenue à un
double titre. Le 1e avril 1993 Mme Voss comparait devant la chambre d'accusation de
616 Recueil officiel des circulaires et instructions du Ministre de la justice, t. III, p. 390.
617 En france, le decret d’extradition n’est plus signé par le président mais par le chef du gouvernement.
194
la Cour d'appel de Nancy. Le président de la chambre d’accusation lui demande, dans
les termes de l'art. 15 de la loi du 10 mars 1927, si elle consentait à son extradition.
Pensant probablement que, si elle acceptait, elle serait immédiatement remise aux
autorités italiennes, elle déclare consentir, ce dont la chambre d'accusation lui a donné
acte. Elle sera malgré tout maintenue en détention à la fois pour purger sa peine et en
vertu de l'écrou extraditionnel. L'exécution de sa peine s'achevant le 12 janvier 1995,
Mme Voss fut informée verbalement, quelques jours avant cette date, qu'elle serait
remise aux autorités italiennes dès qu'elle aurait purgé sa peine, la remise devant avoir
lieu le 16 janvier. Madame Voss forma le 12 janvier 1995 un recours contre cette
décision verbale du garde des Sceaux, ministre de la Justice, non datée, décidant sa
remise aux autorités italiennes au motif que la procédure est irrégulière dans la mesure
où son extradition ne pouvait se faire que par décret signé par le premier ministre. Le
conseil d’État devait donc se prononcer sur le régime juridique de l’extradition
intervenue suite au consentement de la personne recherchée. Plus précisément, il
devait décider si dans la situation de madame Voss la prise d’un décret d’extradition
s’imposait. Une question assez délicate dans la mesure où l’article 15 se borne à
indiquer que l'arrêt de la chambre d'accusation est transmis au garde des Sceaux «
pour toutes fins utiles ». L’obligation pour l’administration de prendre un décret
d’extradition n'apparaît qu'à l'article 18 de la loi qui ne concerne que l'hypothèse dans
laquelle, l'intéressé n'ayant pas consenti à être extradé, la chambre d'accusation a
donné un avis favorable à l'extradition. Malgré tout, le Conseil d’État décida qu’en dépit
d’une rédaction différente des articles 15, al. 2, et 18 de la loi de 1927, il y a identité
de formes et de compétences de l’autorisation d’extrader. Qu’importe que l’intéressé
ait consenti ou non, si la chambre d’accusation est favorable à l’extradition, le ministre
de la justice est tenu de proposer au Premier ministre la signature d’un décret
d’extradition.
618
REBUT D., Droit pénal international, 2e édition, Dalloz 2015, p. 210 n° 331.
619
Les articles 696-25 à 696-33 fixent le champ d'application et déterminent les conditions de mise en
œuvre de la procédure simplifiée d’extradition.
195
donné acte, prend les mesures nécessaires afin que l’intéressé soit remis aux autorités
de l’État requérant au plus tard dans les vingt jours suivant la date à laquelle la décision
d’extradition leur a été notifiée. Mais si pour des raisons de force majeure, la personne
réclamée ne peut être remise dans le délai indiqué, le ministre de la justice informe
immédiatement les autorités compétentes de l’État requérant et convient avec celles-
ci d’une nouvelle date de remise. Un nouveau délai de vingt jours est fixé à partir de
cette date pour la remise de l’intéressé. Si à l’expiration de ce délai, la personne
réclamée est toujours sur le territoire français, il est mis en liberté620. Comme l’on peut
le constater, la décision de la chambre d’accusation est suffisante pour extrader
l’individu recherché. Il n’est point besoin de prendre un décret d’extradition comme
c’est le cas dans la procédure de droit commun qui a pour inconvénient de retarder
davantage la remise de la personne recherchée. Il suffit à la France en tant qu’État
requis, de procéder à la diligence du Garde des sceaux, à la notification de l’arrêt de
la chambre de l’instruction et de convenir avec celles-ci des modalités de remise de
l’intéressé. La procédure de remise est ainsi accélérée sauf si la personne réclamée
renonce à son extradition alors que la chambre d’accusation a déjà donné acte de son
consentement à l’extradition. Est considéré comme une renonciation à son
consentement à l’extradition, le fait pour l’individu réclamé de formuler un recours en
cassation contre l’arrêt de donné acte621. En effet, le législateur français autorise des
pourvois contre les arrêts de la chambre de l’instruction malgré l’article 7 § 4 de la
convention européenne sur la procédure simplifiée qui stipule que le consentement est
irrévocable622. Une dérogation qui a été possible en raison de la possibilité que la
convention offrait aux États signataires de formuler une réserve qui leur permettait
d’admettre le retrait du consentement à l’extradition.
625 Article 11 de l’Acte du Conseil, du 10 mars 1995, établissant la Convention relative à la procédure
simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne.
626 V. infra § 139.
198
247. Le régime juridique des biens saisis entre les mains des
personnes objet d’extradition. L’article 160 de la Lu détermine le régime juridique
des objets susceptibles de servir de pièces à conviction ou provenant des infractions
de blanchiment de capitaux et trouvés en la possession de l’individu réclamé, au
moment de son arrestation ou découverts ultérieurement. Ce régime ne diffère pas
fondamentalement des objets saisis des mains d’un auteur d’une infraction
quelconque définie à l’article 26 de la convention d’extradition de la CEDEAO 627. Il est
prévu que la partie requise remette l’ensemble de ces biens à la partie requérante sous
réserve de trois exceptions. En effet, certains biens ne peuvent faire l’objet de
conservation notamment les produits périssables ou les produits toxiques et nuisibles
pour la santé. Les lois internes des États membres prévoient la destruction ou la vente
de ces objets. En outre, l’État requis est autorisé à garder temporairement les pièces
saisies lorsqu’une procédure pénale est en cours sur son sol contre le délinquant qui
les détient. Il peut également en les transmettant, se réserver la faculté d’en demander
le retour pour le même motif, en s'obligeant à les renvoyer dès que faire se peut. Enfin,
l’État requis doit tenir compte des droits des tiers sur les objets saisis. Il doit réserver
les droits que les tiers auraient acquis sur lesdits objets qui devront, si de tels droits
existent, être rendus le plus tôt possible et sans frais à l'État requis, à l’issue des
procédures exercées dans l'État requérant. Il faut souligner que la remise des objets
peut être effectuée même si l’extradition ne peut s’accomplir par suite de l’évasion ou
de la mort de l’individu réclamé.
628 LOMBOIS C., Droit pénal international, op. cit., p. 591 n° 474 ; BOULOC B., « Le principe de la spécialité
en droit pénal international », Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, 1990, p. 7-24, 1990 p. 10.
629 DONNEDIEU DE VABRES H., Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1928,
p. 293.
200
remise ne soit jugée pour d’autres faits que ceux pour lesquels il l’a extradée. Ainsi
l’État requis est assuré que son assistance porte sur les seules infractions pour
lesquelles il a accepté de prendre part à la répression ; - En règle générale, la remise
d’un délinquant suite à une demande d’extradition se fait sur la base de faits dont se
trouve saisie une juridiction et non pas pour des faits indéterminés. Il est donc
impérieux que l’État requérant se contente donc des faits connus et pour lesquels l’État
requis a accepté de coopérer ; - La règle de la spécialité renferme un principe
d’humanité qui conduit à admettre que la personne doit être informée dans les
meilleurs délais des causes de l’accusation portée contre elle. Ce principe ne serait
pas respecté si postérieurement à la livraison, pour un motif déterminé, d’autres griefs
étaient formulés contre l’intéressé, et ayant leur source dans des faits antérieurs à sa
livraison ; - dès lors que la présence de l’individu sur le territoire de l’État requérant a
été possible par le moyen de l’extradition, cette présence ne peut être considérée
comme un simple fait dont celui-ci pourrait tirer à son gré toutes conséquences. L’État
requérant doit plutôt s’en tenir aux raisons qui ont motivé l’État requis à faire droit à sa
demande d’extradition.
201
aux faits qui ont suscité la demande d’extradition ». De même l’article 20-1 de la
convention de la CEDEAO indique qu’en cas de modification de la qualification en
cours de procédure, la personne extradée ne sera poursuivie ou jugée que dans la
mesure où les éléments constitutifs de l’infraction nouvellement qualifiée permettraient
l’extradition. Par conséquent, si la demande d’extradition a été faite sur la qualification
faite par l’État requis, un changement de qualification est possible. Ainsi, la substitution
de l’escroquerie à un faux (ou l’inverse) est possible tandis qu’est prohibée une
modification aboutissant à une qualification de l’infraction en infraction politique ou
fiscale. En France la Cour de cassation a admis qu’une demande d’extradition pour
diverses escroqueries commises par l’émission frauduleuse de chèques dont les
formules étaient extraites de chéquiers volés, autorisait la condamnation de l’extradé
pour recel et falsifications de chèques, les éléments constitutifs de ces délits étant
compris parmi les faits au vu desquels les autorités de l’État requis (belges en l’espèce)
avaient pris leur décision, alors que les juridictions françaises d’instructions et de
jugement avaient usé de leur pouvoir de qualifier les faits qui avaient motivé la
demande d’extradition630. Dans la mesure où « la règle de la spécialité n’interdit pas
aux juridictions de l’État requérant de restituer leur exacte qualification aux faits à
raison desquelles l’extradition a été consentie par l’État requis » et « dès lors que cette
décision n’a pas pour conséquence d’étendre leur saisine à des faits distincts,
antérieurs à la remise de la personne extradée »631, la requalification peut s’opérer non
seulement par l’admission de circonstances aggravantes mais également par la
suppression des circonstances aggravantes. En ce qui concerne l’aggravation, la Cour
de cassation française l’a admise depuis fort longtemps à travers une décision en date
de 1898 dans laquelle elle a justifié qu’une extradition pour meurtre simple peut donner
lieu à une condamnation pour meurtre aggravé au motif que « le meurtre quelque
soient les circonstances aggravantes, n’en est pas moins un meurtre »632. Dans le
même élan, elle a jugé qu’une personne extradée pour un délit de vol pouvait être
renvoyée devant une Cour d’assises pour vol qualifié, car ce sont toujours les mêmes
faits qui sont considérés633. Toujours dans la même position, la Cour de cassation
admet la requalification par l’admission de circonstance aggravante nouvelle 634 ,
202
réelle635, ou personnelle636. Pour ce qui est de la requalification par suppression des
circonstances aggravantes, la Cour de cassation française l’admet dans la mesure où
les faits ne sont pas modifiés. Elle a jugé en effet à propos de faits de recel, de vol,
dont la Cour d’assise avait écarté les circonstances aggravantes de nuit, de maison
habitée et d’escalade 637 . Outre ces deux modes de requalifications, la Cour de
cassation française admet également la possibilité de requalification portant sur le
mode de participation à l’infraction de sorte que des personnes extradées pour
complicité puissent être condamnées en qualité de coauteurs638. Dans tous ces cas
de figure, deux conditions sont essentielles pour éviter tout contournement de la règle
de la spécialité. Il s’agit d’exiger que dans le fond, les composantes de l’infraction
nouvellement qualifiée ou de la cause d’aggravation retenue soient déduites des
éléments de fait au vu desquels l’extradition a été accordée639. La deuxième condition
est de forme et est une exigence d’information à temps de la personne extradée de la
modification de la qualification surtout lorsqu’elle aggrave la situation de celle-ci afin
de respecter les droits de la défense.
203
posé le principe de la spécialité, elle stipule qu’« il en est autrement, en cas d’un
consentement spécial donné dans les conditions ci-après par le gouvernement
requis »641. Ainsi, lorsque l’État requis consent à une extension de l’objet initial de la
demande d’extradition ou de remise, il peut être dérogé à la règle de la spécialité.
Cette dérogation s’explique par le fait que l’État requis peut autoriser l’État requérant
à juger la personne extradée pour des faits distincts de ceux qui sont à l’origine de la
demande d’extradition et qui ont été visés par la décision d’extradition. Il est tout à fait
compréhensible de permettre à l’État requis d’autoriser a posteriori des poursuites qu’il
aurait acceptées a priori si les faits concernés lui avaient été soumis. Une question
demeure cependant, celle de savoir si n’importe quelle infraction peut être concernée
par cette autorisation a posteriori. L’article 21 de la loi de 1927 répond par l’affirmative
à cette question en indiquant que le consentement de l’État requis peut être donné
même pour les infractions nouvelles ne présentant pas l’ensemble des caractères
requis pour être extraditionnelles. En conséquence, la demande d’extension émanant
de l’État requérant peut concerner des infractions qui ne présentent pas les critères
légaux de gravité exigés pour être extraditionnelles ou qui ne sont pas punies par la
loi de l’État requis. Pour Monsieur le professeur Didier Rebut, cette possibilité
s’explique par le fait que « la demande d’extension ne peut, par hypothèse, donner
lieu à une privation de liberté de la personne réclamée, puisque celle-ci est sur le
territoire de l’État requérant »642. Pour notre part, nous estimons que cette disposition
est maladroite et ne correspond pas à l’esprit qui guide la dérogation à la règle de la
spécialité par le consentement de l’État requis. Il ne faut pas voir dans le consentement
de l’État requis à la dérogation de la règle de spécialité un désintérêt de l’État requis
vis-à-vis des infractions dont l’extension est demandée, mais plutôt une volonté de
renonciation à sa souveraineté pour la réussite de la coopération. Il ne s’agit donc pas
pour lui de dire qu’à partir du moment où la personne extradée n’est plus présente sur
son territoire, l’État requérant peut le juger sur n’importe quelle infraction y compris
celles qui n’auraient pas motivé une extradition. Notre perception est confortée par la
convention de la CEDEAO sur l’extradition qui remet en cause la dérogation de la règle
de la spécialité à n’importe quelle infraction, même celle non extradable. En effet,
l’article 20-a de la convention CEDEAO dispose que « Lorsque l’État qui l’a livré y
consent. Une demande sera présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues
à l’article 18 et d’un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l’extradé.
641 Article 21 al 2.
642 REBUT D., Droit pénal international, 2e éd., Dalloz, 2014, p. 217.
204
Ce consentement sera donné lorsque l’infraction pour laquelle il est demandé entraine
elle-même l’obligation d’extrader aux termes de la présente convention ». Cette
disposition conventionnelle contredit l’article 21 de la loi du 10 mars 1927 sus évoquée.
Conformément au principe applicable dans tous les États membres de l’UEMOA selon
lequel les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord
ou traité, de son application par l’autre partie, l’on peut considérer que dans l’espace
UEMOA, les Etats requis ne peuvent consentir à la dérogation de la règle de spécialité
que pour les infractions susceptibles d’extradition. Sont donc exclues les infractions
qui ne remplissent pas les conditions d’extradition prévues par l’article 3 de la
convention CEDEAO.
205
se décline dans les écrits de Monsieur A. Billot en ces termes : « en cas d’extradition
volontaire, il n’y a ni négociation, ni contrat, ni acte d’extradition. Par conséquent, pas
d’obligations imposées ni reconnues par le pays requérant… en réalité, ce n’est pas
le gouvernement du pays de refuge qui livre l’inculpé, c’est l’inculpé qui se livre lui-
même »647. Dans le même sens, Monsieur Frantz DESPARGNET affirme que « seul
un État peut limiter la portée de l’extradition qu’il accorde dans ses rapports avec l’État
requérant : une pareille convention est inadmissible entre un particulier et la justice
d’un pays »648. Mais la loi du 10 mars 1927 sur l’extradition des étrangers ne prévoit
pas la renonciation de l’extradé à la règle de la spécialité sans doute parce qu’une telle
renonciation pourrait être obtenue sous des formes ne garantissant pas les droits de
ce dernier. Comme le souligne BRACH TIEL, une telle renonciation pourrait être
« supposée, inspirée, voire arrachée »649. La Lu ne prévoit pas non plus la renonciation
en cas d’extradition d’un auteur de blanchiment. Or elle pourrait servir la cause de la
lutte contre le blanchiment dans la mesure où elle permettrait d’évacuer toutes les
infractions de blanchiments reprochées à l’intéressé y compris celles qui ne sont pas
concernées par l’extradition. Une renonciation de l’auteur au principe de spécialité
permettrait à l’État requérant de faire l’économie d’une longue procédure d’obtention
de la renonciation de l’État requis. Une réécriture de la Lu pourrait l’intégrer en
s’inspirant de la règlementation faite par les États membres de l’Union européenne qui
l’ont prévu dans leur rapport d’extradition. Il convient de préciser que l’Union
européenne ne l’a prévue que dans le cadre de la procédure simplifiée d’extradition
c’est-à-dire en cas de consentement à l’extradition et de manière générale.
647 BILLOT A., Traité de l’extradition : suivi d’un recueil de documents étrangers et des conventions
d’extradition conclues par la France et actuellement en vigueur, Paris, éd., Plon, 1874, p. 373.
648 DESPAGNET F., Cours de droit international public, 4e édition complètement revue, augmentée et mise
239.
206
consentement donné par l’extradé à la renonciation650. Le formalisme est identique
aussi bien au niveau de l’État requis qu’au niveau de l’État requérant. Tous les deux
États partenaires doivent s’assurer dans les mêmes conditions de la volonté réelle de
la personne extradée à renoncer à la règle de la spécialité. Enfin, seule la chambre de
l’instruction de l’État requis puis de l’État requérant est habilitée à recevoir cette
renonciation en dehors des notifications faites d’emblée par le procureur général651.
Le délinquant doit être assisté d’un avocat652, la chambre a l’obligation de lui exposer
les conséquences juridiques de sa renonciation sur sa situation pénale et le caractère
irrévocable de cette situation 653 . Si après ces précisions, l’intéressé maintien sa
décision de renonciation, la chambre de l’instruction lui en donne acte par arrêt. Cet
arrêt de la chambre de l'instruction précise les faits pour lesquels la renonciation est
intervenue.
207
le tribunal correctionnel de Nice pour escroqueries, banqueroute simple et
frauduleuse. Sur son opposition à ce jugement, il été condamné à quatre ans
d’emprisonnement, dont deux avec sursis et mise à l’épreuve pendant cinq ans. Par
ordonnance du juge de l’application des peines, il a été admis, le 15 mars 1985, au
bénéfice de la libération conditionnelle assortie de mesures d’assistance et de contrôle
jusqu’au 30 décembre 1986. Interpellé et gardé à vue du 01 au 05 décembre 1986 en
vertu d’une commission rogatoire délivrée dans le cadre d’une information pour
infractions à la législation sur les stupéfiants, il était inculpé et placé sous mandat de
dépôt le 05 décembre 1986. Pour la Cour de cassation, CANAVAGIO n’ayant pas été
définitivement élargi avant le 30 décembre 1986, date d’expiration de la libération
conditionnelle assortie de mesures d’assistance et de contrôle, c’est à compter de ce
jour que courait le délai de trente jours prévus par l’article 26 de la loi du 10 mars 1927.
Elle en conclut que, les faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants étant
antérieur à l’extradition et différents de ceux qui avaient motivé cette mesure, tous les
actes de poursuite exécutés dans le cadre de ces infractions avant le 30 janvier 1987
étaient nuls et qu’il appartenait à la chambre d’accusation pour se prononcer sur la
validité des « actes exécutés par les policiers entre le 1 et le 5 décembre 1986 de
rechercher si CANAVAGGIO n’avait pas été l’objet d’une contrainte à leur occasion
alors qu’il n’avait pas encore été élargi définitivement »654.
* *
*
258. Conclusion du chapitre 2. L’analyse du contenu de la procédure
simplifiée d’extradition permet de conclure qu’elle est un mécanisme d’extradition à
mi-chemin entre la procédure classique d’extradition et la procédure judiciaire
d’extradition applicable en Europe 655 . En effet, avec le mécanisme simplifié la
procedure d’extradition devient essentiellement judiciaire à condition que la personne
dont l’extradition est souhaitée y consente. En outre, en supprimant la phase
administrative elle tranche avec la procédure classique d’extradition. La procédure
simplifiée d’extradition existe aussi bien dans la loi de 1927 sur l’extradition des
étrangers que dans les conventions d’extradition en vigeur entre les États membres
de l’UEMOA. En la reprenant dans la Lu, le législateur UEMOA réaffirme non
seulement son souhait de célérité dans les procédures liées aux affaires de
654 Cass. crim., 8 décembre 1987, Bull. n° 449 ; D., 1989, somm., 139, obs. Waquet et Julien-Laferrière.
655 Voir infra § 356 et svts.
208
blanchiment mais également d’aboutir à long terme à une judiciairisation de la
procédure d’extradition à l’image du Mandat d’arrêt européen.
* *
*
259. Conclusion du titre 2. En resumé, la Lu introduit des réformes sur la
législation portant reglémentation de l’extradition classique notamment sur les
conditions de fond de l’extradition. Avec la Lu, la condition de la double incrimination
devient inopérante en raison de l’uniformisation de la législation en matière de
blanchiment. De même, la supression du seuil d’extradition ainsi que le refus
d’extrader pour des raisons politiques allègent considérablement la procédure
d’extradition. En outre, en prévoyant la procédure simplifiée d’extradition, le législateur
communautaire UEMOA fait évoluer la procédure classique d’extradition vers une
procédure essentiellement judiciaire donc moins lourde.
* *
*
260. Conclusion de la première partie. Les attentats contre les tours jumelles
aux États-Unis en septembre 2001 constituent un tournant décisif dans la lutte contre
le blanchiment des capitaux. L’accent a été mis sur la coopération judiciaire
internationale afin de faire face de manière efficace contre la criminalité organisée. En
Afrique de l’ouest, l’adoption de la Lu adoptée par le conseil des ministres des États
membres de l’UEMOA a permis de renforcer la coopération judiciaire. Le dispositif
juridique mis en place à travers cette loi a permis non seulement d’élargir la territorialité
en vue de faciliter l’entraide judiciaire, mais également d’assouplir les conditions de
l’extradition afin de faciliter et d’accélérer la remise des délinquants entre États
membres. S’agissant de l’élargissement de la territorialité, la Lu fait du territoire de
l’ensemble des États membres de l’UEMOA un territoire unique pour son application
de sorte que tout auteur de blanchiment peut être poursuivi par n’importe quel État
membre s’il est établi que l’infraction a été commise dans au moins un État membre.
Chaque État membre est prié de se dessaisir au profit de l’État membre le mieux placé
pour connaitre de l’affaire. Il doit à l’occasion fournir toutes les informations et éléments
de preuve dont ils disposent pour permettre à l’État membre requérant de mener à
bien la procédure entamée. De même, en ce qui concerne l’assouplissement des
conditions de l’extradition, il s’est agi pour les États membres de faire appel à la
procédure simplifiée d’extradition. Cette procédure qui permet à l’État requis de
209
prendre acte du consentement de la personne dont l’extradition est réclamée et de le
livrer dans des délais très brefs a pour avantage de passer outre les lourdeurs de la
procédure d’extradition de droit commun. En effet, la procédure simplifiée permet le
contournement de la voie diplomatique et la suppression de la phase administrative
de la procédure d’extradition constatée par l’absence d’obligation de prendre un décret
d’extradition pour la remise du fugitif. En conséquence la procédure simplifiée permet
de livrer en moins de quarante jours la personne dont l’extradition est réclamée au lieu
de six mois, voire plus requis dans le cadre de la procédure d’extradition de droit
commun. Á la Lu, s’ajoute au plan interne la loi du 10 mars 1927 sur l’extradition des
étrangers, les différents codes de procédure pénale, au plan régional, la convention
d’entraide judiciaire de la CEDEAO de 1992, la Convention d’extradition de la
CEDEAO de 1994 et au plan international, la Convention de Palerme de 2000 sur la
criminalité organisée, la Convention de Vienne de 1988 sur les substances
psychotropes, la Convention de Mérida sur la corruption de 2003. L’ensemble de ces
instruments juridiques se complète et forme un corpus juridique solide en faveur de la
coopération judiciaire en matière de blanchiment.
210
PARTIE II : LES IMPERFECTIONS DE LA COOPERATION JUDICIARE EN
MATIERE DE BLANCHIMENT
211
procédure d’entraide. En outre, les outils prévus pour la coopération judiciaire ne sont
pas toujours adaptés et se révèlent parfois inefficaces. Les obstacles sont donc à la
fois d’ordre juridiques et pratiques. Au plan juridique, les instruments juridiques de la
coopération judiciaire en vigueur ne réglementent pas de manière exhaustive les
conditions et la procédure de l’entraide mineure ou se contente de reprendre la
convention CEDEAO sur l’entraide mineure qui connait elle-même des lacunes. En ce
qui concerne l’extradition, la réglementation prévue par la Lu et la loi du 10 mars 1927
connait également des lacunes dans la mesure où la réglementation prévue ne permet
pas de prendre en compte le besoin d’accélération de la procédure d’extradition.
212
TITRE 1 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE PROCEDURAL DE LA COOPERATION
JUDICIAIRE EN MATIERE DE BLANCHIMENT
657 DELMAS-MARTY M., Criminalité économique et atteintes à la dignité de la personne. IV, Institutions
internationales, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 1996.
658 HUET A., Droit pénal international, [3e édition mise à jour]., Paris, Presses universitaires de France,
215
Section 1 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre juridiques aux
CRI
268. Les entraves à l’exécution des CRI. Les difficultés d’ordre juridique
liées à la Commission rogatoire internationale (CRI) en tant qu’opération d’entraide
répressive sont multiples. Le constat général qui se dégage est que la CRI telle qu’elle
se pratique aujourd’hui ne répond plus à l’exigence de coopération imposée par les
conventions internationales notamment celle portant sur la délinquance financière.
Leur succès est tributaire à la fois du degré de confiance existant entre les États
concernés et l’existence de mécanisme d’entraide efficace entre eux. Ainsi, les CRI
sont tantôt exécutées après de longs délais d’attente, tantôt partiellement exécutées,
voire jamais exécutées. En Europe, « Certains États de l’Union ne donnent pas suite
aux demandes ou comme le Luxembourg, instaurent un grand nombre de recours
possibles entravant ainsi l’entraide. La Grande-Bretagne fait également partie des
États les moins coopératifs surtout pour ce qui concerne les délits financiers. A titre
d’illustration, de janvier 1996 à juin 1999, la France a envoyé au Royaume-Uni 100
demandes d’entraide relative à des infractions financières et de blanchiment. 53 % des
dossiers financiers et 76% des demandes relatives au blanchiment sont restés sans
réponse ».661 . De même au parquet de Milan, 18 CRI ont été envoyées en 1992, 186
en 1983, 140 en 1994 et 36 en 1995. Le nombre de réponses obtenues au total s’élève
à 64 soit un pourcentage de 16,84 %662. Au sein de l’UEMOA, les causes des difficultés
que rencontrent les magistrats dans l’exécution des CRI sont à rechercher dans les
textes les régissant notamment les dispositions se rapportant à leurs conditions
d’établissement (§1) et à leur mode d’exécution (§2).
661 RANCE P. et DE BAYNAST O., « L’Europe judiciaire : enjeux et perspectives » ; Paris, Dalloz, 2001,
p. 97.
662 COLOMBO G., « Les enquêtes judiciaires internationales du parquet de Milan », dans « vers un
espace judiciaire européen pour les enquêtes criminelles ; Petites affiches, 16 juin 1997, n° 72, p. 11.
216
rogatoire internationale » est remplacée dans les conventions internationales par celle
de « demande d’entraide ». Il en est ainsi dans les conventions adoptées récemment
sous l’égide des Nations Unies que sont la Convention de Palerme663, la Convention
de Merida664. L’expression « demande d’entraide » a pour avantage d’être générale et
de s’appliquer, à ce titre, à l’ensemble des demandes faites dans le cadre de l’entraide
judiciaire, y compris les CRI665.
663 Article 18 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite de
Palerme, où elle a été signée et adoptée à New York le 15 déc. 2000, JO L 261 du 6 Aoùt 2004, p. 70-
115. RF 13 sept 2003.
664 Article 46 de la Convention des Nations Unies du 31 Octobre 2003 contre la corruption dite
217
271. Le mobile politique comme obstacle à l’exécution des CRI en
matière de blanchiment. Fort heureusement, l’article 140 de la Lu exclut des cas de
refus d’exécution d’une demande d’entraide le caractère politique de l’infraction car le
blanchiment ne peut être considéré comme une infraction politique666. En se limitant à
ces éléments d’appréciation, l’on peut aisément conclure que la condition tenant à la
nature politique de l’infraction ne constitue pas une difficulté dans l’exécution des
commissions rogatoires portant sur le blanchiment. Mais une telle conclusion serait
trop hâtive. En effet, l’article 4§1- c de la Convention d’entraide judiciaire de la
CEDEAO dipose que s’il existe des raisons de croire que la demande d’entraide est
motivée par des considérations liées aux opinions politiques de la personne mise en
cause dans l’infraction ou que sa situation personnelle pourrait être compromise pour
cette raison, cette demande peut être rejetée. Cette disposition qui fait référence à « la
clause française »667 laisse le soin à l’État requis l’appréciation du mobile politique qui
pourrait se cacher derrière une demande d’entraide. Cette possibilité offerte aux États
peut constituer un obstacle sérieux dans le cadre de l’exécution des commissions
rogatoires. C’est pourquoi, l’intervention du législateur UEMOA en vue de la
suppression de cet obstacle s’impose afin de faciliter l’exécution des commissions
rogatoires émises dans une affaire de blanchiment. Une modification de la Lu ou
l’adoption d’une directive spéciale sur l’établissement et l’exécution des commissions
rogatoires en matière de blanchiment dans l’espace UEMOA s’avère nécessaire. Un
passage obligé que l’Union européenne a déjà emprunté à travers le Protocole à la
Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres
de l'Union européenne adopté par l’Acte du conseil du 16 octobre 2001668. L’article 9 §
1 dudit protocole établit conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne,
stipule qu’« aux fins de l'entraide judiciaire entre les États membres, aucune infraction
ne peut être considérée par l'État membre requis comme une infraction politique, une
infraction liée à une infraction politique ou une infraction inspirée par des intérêts
politiques ». Pour aller plus loin dans la reforme, le législateur UEMOA pourrait faire
l’économie de la réserve prévue au sein de l’Union européenne dans le § 2 de l’article
de l'Union européenne, établi par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne,
JOUE n° 326 du 21/11/2001 p. 0002-0008.
218
9 du protocole précité qui permet aux États membres de ne pas se voir appliquer le §
1 de l’article 9.
272. Les catégories d’actes concernés par les CRI. Aux termes de
l’article 138 de la Lu, la commission rogatoire internationale peut porter sur deux
catégories d’actes que sont les actes d’instructions et la communication de pièces à
conviction, de documents ou de dossiers. Á ces actes d’instructions, l’on pourrait
adjoindre d’autres actes d’instruction comme les notifications d’inculpation et
interrogatoires d’inculpé, les confrontations etc. Si pour les autres actes d’instructions,
il n’existe pas de difficultés particulières, il en est autrement avec les actes de
perquisitions et de saisies.
273. Les difficultés d’exécution des CRI portant sur les actes de
perquisition en droit comparé. Les difficultés d’exécution des commissions
rogatoires concernant des actes de perquisitions et de saisies restent entières au sein
de l’UE même si quelques évolutions récentes ont été constatées. En effet, l’Union
européenne a tenté d’améliorer son dispositif juridique à ce sujet sans toutefois
parvenir à lever tous les obstacles. L’un des obstacles qui perdure reste l’article 5 de
la Convention européenne d’entraide judiciaire qui dispose que des réserves pourront
être faites « pour soumettre l’exécution des commissions rogatoires aux fins de
perquisition ou saisie d’objets à une ou plusieurs des conditions suivantes : a)
l’infraction motivant la commission rogatoire doit être punissable selon la loi de la partie
requérante et de la partie requise ; b) l’infraction motivant la commission rogatoire doit
être susceptible de donner lieu à extradition dans le pays requis ; c) l’infraction
motivant la commission rogatoire doit être compatible avec la loi de la partie requise ».
Certains États membres de l’Union européenne ont, à travers des réserves, choisi
parmi ces conditions celles qui leur semblaient importantes à maintenir comme
conditions. C’est ainsi que l’Allemagne exige que l’infraction soit punissable également
au regard de sa propre législation tandis que la Belgique, le Luxembourg ou encore
l’Espagne n’autorisaient l’exécution des perquisitions et saisies sur leur territoire que
si l’infraction peut donner lieu à extradition. Prenant en compte l’importance des
mesures de perquisitions et de saisies, notamment en ce qui concerne les comptes
bancaires, les États membres de l’Union européenne ont voulu réduire les effets
paralysants occasionnés par les réserves accompagnant les instruments du Conseil
219
de l’Europe. Pour ce faire, le protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en
matière pénale entre les États membres de l'Union européenne 669 prévoit en son
article 8 § 2 que lorsqu’un État subordonne l’exécution d’une demande de perquisition
ou de saisie au fait que l’infraction soit punissable également dans sa législation, cette
condition doit être considérée comme remplie dès lors que l’infraction correspond à
une infraction de même nature dans l’État requis. Ce protocole marque une avancée
dans la levée des obstacles à l’exécution des mesures de perquisitions et de saisies
établies en vertu d’une CRI mais reste muet sur les réserves émises par les États
quant à l’application de l’article 5 de la convention européenne d’entraide judiciaire.
Ce qui fait dire à Madame SANDRINE GOURDON que « cette carence est bien
dommageable, mais elle caractérise l’hypocrisie des États. Ils annoncent des réformes
mais toutes les règles qui leur ôtent une parcelle de pouvoir sont anéanties »670.
274. Les difficultés d’exécution des CRI portant sur les actes de
perquisition en droit communautaire UEMOA. Dans l’espace UEMOA, des
obstacles existent également lors de l’exécution des commissions rogatoires
internationales portant sur les perquisitions. En effet, l’article 147 de la Lu dispose que
« lorsque la demande d’entraide a pour objet l’exécution de mesures de perquisitions
et de saisies pour recueillir des pièces à conviction, l’autorité compétente y donne droit,
dans une mesure compatible avec la législation en vigueur et à condition que les
mesures sollicitées ne portent pas atteinte aux droits des tiers de bonne foi. ». Deux
conditions sont ainsi posées, le respect des droits des tiers et le respect de la
législation de l’État requis. Si la première condition ne pose fondamentalement aucun
problème, il n’en est pas de même de la seconde condition dans la mesure où il ressort
de tous les codes de procédure pénale des États membres de l’union que les
perquisitions doivent se faire d’une part en présence de la personne concernée
lorsque la perquisition a lieu à son domicile et d’autre part à des heures légalement
encadrées 671 . S’agissant de la première condition, la loi indique que lorsqu’il est
impossible d’obtenir la présence de la personne concernée par la perquisition, l'officier
de police judiciaire aura l'obligation de l’inviter à désigner un représentant de son choix,
669 Protocole à la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres
de l'Union européenne, établi par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne,
JOCE C 326/2 du 21 novembre 2001.
670 GOURDON S., L’entraide répressive entre les États de l’Union européenne, thèse de doctorat, droit,
En somme, une réforme de la Lu tendant à mieux réglementer les CRI portant sur les
perquisitions et les saisies est souhaitable afin de remédier aux obstacles de leur
exécution. L’on ferait ainsi l’économie du renvoie aux législations nationales. De telles
réformes ont déjà été entreprises au niveau des conditions de forme de la commission
rogatoire.
277. L’exigence d’un écrit pour les demandes d’entraide judiciaire. Aux
termes de la convention CEDEAO sur l’entraide judiciaire678, toute demande d’entraide
judiciaire doit se faire par écrit. En outre, il doit comporter le nom de l’autorité
compétente et de l’autorité chargée de l’enquête ou de la procédure judiciaire á
laquelle se rapporte la demande ; l’indication de l’objet de la demande et une brève
description de l’aide demandée ; un exposé des faits allégués qui constitueraient une
infraction, des dispositions législatives applicables ou l’indication de ces dispositions ;
l’identité, la nationalité et l’adresse de la personne à qui doit être signifiée une
assignation, le cas échéant ; les raisons et un exposé détaillé de toute procédure ou
demande particulière que l’État membre requérant souhaite voir suivre ou exécuter,
ainsi qu’une pièce indiquant si les témoins ou autres personnes doivent déposer
solennellement ou sous serment ; l’indication du délai dans lequel l’État membre
souhaiterait qu’il soit donné suite à sa demande ; toute autre information nécessaire
pour la bonne exécution de la demande. Par cette dernière formulation, le législateur
CEDEAO entendait sans doute prendre certains éléments qu’il n’a pu relever mais qui
pourraient faciliter la bonne exécution de la demande. Mais cette formule qui est
générale et vague n’est pas appropriée dans un domaine aussi sensible que l’entraide
677 La Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union
européenne du 29 mai 2000, JOCE C197/01 du 12/07/2000. L’article 6 § 1 de la convention dispose
que « … Les demandes sont transmises directement entre les autorités judiciaires territorialement
compétentes pour les présenter et les exécuter et il y est répondu par la même voie, sauf disposition
contraire du présent article ».
678 L’article 5 § 1 de la Convention de la CEDEAO sur l’entraide judiciaire dispose que « Toute demande
judiciaire sera faite par écrit et comportera : a. le nom de l’autorité compétente et de l’autorité chargée
de l’enquête ou de la procédure judiciaire auxquelles se rapporte la demande ; b. l’indication de l’objet
de la demande et une brève description de l’aide demandée… »
223
pénale. Dans le domaine de la coopération, l’on ne peut faire l’économie de certaines
précisions telle l’indication de l’identité de l’autorité requérante et de l’autorité requise.
De même, des précisions doivent être apportées dans la demande d’entraide sur les
biens à propos desquels la coopération doit être faite pour tenir compte du caractère
particulier des investigations en matière de blanchiment.
679Bobo Dioulasso est la capitale économique du Burkina Faso. Elle abrite la deuxième Cour d’appel
du Burkina Faso sur les trois que compte le pays.
224
aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière pénale680 va plus loin dans la
reforme en prévoyant ainsi que lors de l’introduction d’une demande, l’autorité
requérante peut fournir à l’autorité requise le nom et les coordonnées, y compris le
numéro de téléphone et de télécopieur, de ladite autorité et plus précisément de la
personne qui a été chargée d’émettre cette demande. De la même manière, ce
document préconise d’indiquer sur les demandes les numéros et les adresses
téléphoniques des autorités et des personnes qui doivent exécuter la demande.
L’objectif est de faciliter les contacts directs entre ces personnes en cas de difficultés.
Il est souhaitable que le législateur UEMOA poursuive les réformes dans ce sens en
vue de l’amélioration du contenu des CR. L’une de ses réformes pourrait consister à
dépasser le caractère écrit de la CR pour aller vers l’usage de « tout moyen permettant
d’en obtenir une trace écrite » 681 ainsi que l’usage de la télécopie et du courrier
électronique. De même, le recours aux technologies informatiques pour la rédaction
des demandes d’entraide est nécessaire dans la mesure où elle permettra de mettre
au point un formulaire type pour les demandes d’entraide. Pour atteindre ces objectifs
en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, il serait souhaitable que le législateur
UEMOA procède également procéder à d’autres réformes en ce qui concerne le mode
de transmission de la commission rogatoire.
680 Action commune du 29 juin 1998 relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière
pénale ; JOCE n° L 191, 7 juillet 1998, p.1.
681 Article 6 de la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres
683 Ducouloux-Favard C., Urgence pour une coopération judiciaire en matière pénale cité par FOUMDJEM
C., Blanchiment de capitaux et fraude fiscale, Paris, Harmattan, coll.« Finances publiques », 2011,
p. 384.
684 L’article 15 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, du 20/04/1959,
STE, 30 dispose que « Les commissions rogatoires prévues aux articles 3, 4 et 5 ainsi que les
demandes prévues à l'article 11 seront adressées par le ministère de la Justice de la partie requérante
au ministère de la Justice de la partie requise et renvoyées par la même voie ».
685 GHICA-LEMARCHAND C., « La commission rogatoire internationale en droit pénal », Revue de
226
aussi bien au plan national qu’international, deuxièmement les besoins d’efficacité de
l’entraide commandent un effacement de la souveraineté.
281. L’option d’une voie mixte comme mode de transmission des CRI. Le
plus souvent, les États adoptent dans les conventions d’entraide qui les lient un
système mixte ou optionnel. Ce système mixte prévoit un mode de transmission
centralisée, interétatique (voie diplomatique ou voie de ministère de la justice) avec la
possibilité d’une transmission directe d’autorité judiciaire à autorité judiciaire en cas
d’urgence. Telle est l’option faite par le législateur UEMOA dans le cadre de la lutte
contre le blanchiment. L’article 132 de la Lu stipule que « Les demandes adressées
par les autorités compétentes étrangères, aux fins d'établir les faits de blanchiment de
capitaux et de financement du terrorisme, d'exécuter ou de prononcer des mesures
conservatoires ou une confiscation, ou aux fins d'extradition sont transmises par voie
diplomatique. En cas d'urgence, elles peuvent faire l'objet d'une communication par
l'intermédiaire de l'Organisation Internationale de Police Criminelle (OIPC/Interpol) ou
de communication directe par les autorités étrangères aux autorités judiciaires
nationales… ». Il en est de même en Europe où l’article 15 § 2 de la CEEJ admet la
transmission directe en cas d’urgence et sous la double réserve qu’une copie de la
demande soit transmise par le ministère de la justice et que le retour des pièces
d’exécution soit effectué par le même canal. Toujours en Europe, la transmission
directe a été ensuite admise pour des actes n’impliquant pas des mesures coercitives
par l’article 24 § 5687 de la convention de Strasbourg. La convention d’application des
accords de Schengen688 a été le premier texte multilatéral affirmant la généralité de la
transmission directe des demandes d’entraide judiciaire, mais il ne s’agissait que d’une
faculté et non d’un principe général.
689 FOUMDJEM C., Blanchiment de capitaux et fraude fiscale, Paris, Harmattan, coll. « Finances publiques
», 2011, p. 385.
690 L’Article 6 § 1 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États
membres de l’Union européenne du 29 mai 2000, JOCE C197/01 du 12/07/2000 dispose que « Les
demandes d’entraide et les échanges spontanés d’informations visés à l’article 7 sont faits par écrit, ou
par tout moyen permettant d’en obtenir une trace écrite dans des conditions permettant à l’État membre
destinataire d’en vérifier l’authenticité. Les demandes sont transmises directement entre les autorités
judiciaires territorialement compétentes pour les présenter et les exécuter et il y est répondu par la
même voie, sauf disposition contraire du présent article. »
691 Décret n°81-19 du 8 janvier 1981, JORF, 13 janvier 1981, p. 234.
228
1996 692 . Les conventions bilatérales sucitées qui avaient été adoptées en vue de
l’amélioration de la CEEJ ont été maintenues. Plusieurs éléments ont contribué au
choix de la transmission directe comme l’unique mode de transmission des
commissions rogatoires au sein de l’Union européenne. Aux nombres de ces
éléments, l’on pourrait évoquer les exigences de rapidité et de mobilité pour répondre
efficacement à la délinquance actuelle, l’appel de Genève693. Celui-ci a été une tribune
par laquelle des magistrats ont non seulement dénoncé le filtre administratif du
ministère de la justice qui s’apparente selon eux à une possibilité d’apprécier
l’opportunité des CRI mais ont également recommandé l’application systématique de
la transmission directe des demandes d’entraide.
692 Décret n° 2000-452 du 22 mai 2000 portant publication de l’accord entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse en vue de compléter la Convention européenne
d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, JORF n°123 du 27 mai 2000 page 8002 , texte
n° 26.
693 L’appel de Genève (7 magistrats), Le monde 2 octobre 1996, L’appel de Bruxelles (200 magistrats),
694 PRADEL J., CORTENS G., VERMEULEN G., Droit pénal européen, 3éd, Dalloz, 2009, p. 148 n°
159.
695 Action commune du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur
l’Union européenne relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière pénale (98/427/JAI),
JOCE, L 191/1 du 07/07/1998.
696 L’article 1§3, 3, c de l’Action commune du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l’article
K.3 du traité sur l’Union européenne relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière
pénale (98/427/JAI) prescrit aux États membres de « donner la priorité, pour autant que cela ne soit pas
contraire au droit de l’État membre requis, aux demandes assorties clairement de la mention « urgent
» par les autorités requérantes. ».
230
son efficacité. Outre le maintien de la mention urgente, l’action commune du 29 juin
1998 relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière pénale 697
préconisait également que la demande indique un délai pour son exécution de sorte
qu’elle soit avertie par l’État requis au cas où sa demande d’entraide ne sera pas
exécutée dans le délai qu’il a fixé698. Par ailleurs, la convention concernant l’entraide
judiciaire a été amendéE pour intégrer dans son article 4 699 des règles strictes
d’exécution de la commission rogatoire par l’État requis. L’une de ces règles concerne
l’obligation pour l’État requis d’exécuter la demande d’entraide dès que possible en
prenant en compte les échéances indiquées par l’État requérant. En cas de retard ou
de son impossibilité à exécuter la CRI dans son intégralité, l’État requis a l’obligation
d’avertir son partenaire et lui indiquer le temps nécessaire pour l’exécution de celle-ci.
286. La nécessité de la détermination d’un délai pour l’exécution des
CRI. Ces différentes prescriptions prises dans le cadre de l’UE contribuent sans doute
à réduire les délais de traitement des CRI mais la réflexion pourrait être poussée plus
loin en prescrivant des délais d’exécution des CRI dans les différents instruments
juridiques. Cette option aura pour avantage d’interpeller les États connus pour leur
non-respect des délais impartis pour les CRI. Ainsi à l’image du procédé d’identification
des juridictions à haut risque et non coopératives faites par le GAFI 700 , les États
membres de l’UE pourront contraindre les États peu enclin à la coopération à changer
de comportement.
697 Action commune du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur
l’Union européenne relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière pénale (98/427/JAI),
op.cit.
698 L’article 1§3, 3, e de l’Action commune du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l’article
K.3 du traité sur l’Union européenne relative aux bonnes pratiques d’entraide judiciaire en matière
pénale (98/427/JAI) dispose que « lorsqu’il est prévisible que l’aide ne pourra être fournie dans le délai
fixé par l’État membre requérant, ou ne pourra l’être entièrement, et que cela gênera le déroulement
des procédures dans l’État membre requérant, adresser rapidement aux autorités de cet État un rapport
écrit ou oral, et tout rapport supplémentaire demandé par elles, expliquant quand l’aide demandée est
susceptible d’être fournie. »
699 L’article § 4 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États
membres de l’Union européenne JOCE, 2000/C 197/01 du 29 mai 2000 dispose que « s’il est prévisible
que le délai fixé par l’Etat membre requérant pour exécuter sa demande ne pourra pas être respecté et
si les raisons visées au paragraphe 2, deuxième phrase, montrent concrètement que tout retard gênera
considérablement la procédure menée dans l’État membre requérant, les autorités de l’État membre
requis indiquent sans délai le temps estimé nécessaire à l’exécution de la demande. Les autorités de
l’État membre requérant indiquent sans délai si la demande est néanmoins maintenue. Les autorités de
l’État membre requérant et de l’État membre requis peuvent ensuite s’accorder sur la suite à réserver à
la demande ».
700 V. infra § 366.
231
287. La définition de la clause d’ordre public. Les instruments juridiques
relatifs à l’entraide prévoient certes une obligation d’entraide pour les Etats membres
mais contiennent des obstacles susceptibles d’entraver l’exécution des demandes
d’entraide. Le plus important de ces obstacles demeure la « clause d’ordre public ».
En effet, l’article 4 §1 (a) de la convention CEDEAO d’entraide judiciaire dispose que
l’entraide pourra être refusée « si la Partie requise estime que l’exécution de la
demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à l’ordre
public ». Cette disposition est reprise dans la Lu en son article 140-2701. Certaines
législations ajoutent à cette énumération la notion d’ « autres intérêts essentiels de
son pays » 702 . Cette clause confère aux autorités politiques le droit de décider en
dernier ressort si une CRI va être exécutée ou non. En France par exemple, l’article
694-4 du code de procédure pénale prévoit que l’autorité judiciaire saisie d’une
demande dont l’exécution est de nature à porter atteinte à la sécurité, à l’ordre public
ou à d’autres intérêts essentiels du pays prend les mesures nécessaires « pour
permettre aux autorités compétentes d’apprécier la suite à lui réserver ». Une circulaire
du ministère de la justice française 703 est d’ailleurs intervenue dans ce sens pour
enjoindre aux autorités judiciaires saisies d’une commission rogatoire d’informer le
ministère de la justice à qui il revient de prendre la décision finale.
701 L’article 140-2 de la Lu dispose que « La demande d’entraide judiciaire ne peut être refusée que si
…son exécution risque de porter atteinte à l’ordre public, à la souveraineté, à la sécurité ou aux principes
fondamentaux du droit… »
702 Article 2(b) de la Convention européenne d’entraide judiciaire de 1959.
703 Circulaire CRIM 99-15 F du 29 décembre 1999 relative à l’entraide judiciaire internationale, bulletin
232
soucieux de la lutte contre la criminalité financière dans leur pays ou qui profitent des
retombées de cette délinquance financière.
1. Les insuffisances liées aux recours contre les actes irréguliers accomplis lors
de l’exécution des CRI
290. Le sort des actes posés dans le cadre de l’exécution d’une CRI.
Aux termes de l’article 140 al 3 de la Lu, « Le ministère public peut interjeter appel de
la décision de refus d’exécution rendue par une juridiction dans les (préciser le nombre
de jours : dix, quinze jours, etc.) jours qui suivent cette décision.705 ». La Lu admet
ainsi le principe d’un recours dirigé contre les décisions d’exécution des CRI mais
705Les États membres de l’UEMOA n’ont pas harmonisé le délai imparti au ministère public pour faire
appel en cas de refus d’exécuter. Ainsi, en Côte d’Ivoire ce délai est de 20 jours (article 140 de la Lu),
15 jours au Burkina Faso, au Togo et au Mali ; de 10 jours au Sénégal, (article 140 de la Lu).
233
uniquement lorsqu’il s’agit d’une décision de refus. Elle reste muette sur la possibilité
d’un recours contre les actes posés en exécution d’une CRI. La convention d’entraide
de la CEDEAO de 1992 est également muette sur la question. Dans le cadre d’une
procédure d’information interne, lorsqu’un juge d’instruction accomplit un acte
d’instruction jugé irrégulier par l’une des parties au dossier d’instruction, un recours en
annulation est possible contre ledit acte devant la chambre d’accusation 706 . Mais
lorsqu’un juge d’instruction burkinabé exécute une CRI émise par son collègue ivoirien,
il s’appuie sur le droit burkinabè. S’il exécute la CRI en méconnaissance de ce droit,
l’on est en droit de se demander si la même chambre d’accusation est toujours
compétente pour apprécier la régularité de cet acte alors que celui-ci n’est pas censé
produire ses effets au Burkina Faso mais en terre ivoirienne. De même en cas de
recours, quelles seront les règles applicables dans la mesure où pour les actes
d’entraide la loi est silencieuse et enfin comment identifie-t-on les parties dans pareil
cas de figure ? En outre, l’on est en droit de se demander ce qu’il adviendrait lorsque
l’acte objet de la CRI pris selon le droit de l’État de Côte d’Ivoire (État requérant) n’est
pas conforme au droit burkinabè (État requis) alors que le droit burkinabe doit servir
de base à l’exécution de la CRI des autorités judiciaires ivoiriennes. La non-prise en
compte de ces questions dans la Lu est une insuffisance qu’il convient de combler. La
manière dont la question a été résolue en France pourrait constituer une piste de
réflexion pour le législateur UEMOA dans la mesure où les difficultés soulevées ne
sont pas dénuées d’intérêt. En France, l’idée selon laquelle les juridictions françaises
étaient incompétentes pour examiner des actes destinés à produire des effets dans
une procédure étrangère a prévalu à un moment donné. Mais dans un arrêt en date
du 24 juin 1997707, la Cour de cassation a remis en cause cette idée en admettant que
les juridictions françaises peuvent apprécier la régularité des actes d’exécution d’une
demande d’entraide, dès lors que cette exécution doit intervenir conformément à la loi
française en tant qu’État requis. Ainsi lorsqu’une demande d’entraide étrangère a été
exécutée de manière irrégulière en France, elle peut être soumise à la sanction des
juridictions françaises, ce qui fait naturellement obstacle à la transmission des actes
706 Article 171 du CPP de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso qui dispose que « S'il apparaît au juge
d'instruction qu'un acte de l'information peut être frappé de nullité, il communique le dossier au procureur
[du Faso] et, sur réquisitions de ce dernier, rend une ordonnance de transmission à la chambre
d'accusation pour être statué sur la nullité. Si c'est le procureur [du Faso] qui estime qu'une nullité a pu
être commise, il requiert du juge d'instruction communication de la procédure en vue de sa transmission
à la chambre d'accusation et présente requête aux fins d'annulation à cette chambre ; l'ordonnance de
refus est susceptible d'appel de la part du ministère public. »
707 Cass. crim. 24 juin 1997, Bull. crim., n° 252 ; Dintilhac.
234
en cause aux autorités de l’État requérant. Cette décision de la Cour de cassation qui
a été précédée par une ordonnance du président de la chambre criminelle708 allant
dans le même sens n’a certes aucune base légale (le code de procédure pénale est
muet sur cette question) mais elle n’est pas dépourvue de « justifications théoriques ».
Pour Madame le Professeur Claudia GHICA-LEMARCHAND, celles-ci sont doubles ;
« d’une part le principe de souveraineté justifie que la France se réserve le droit de
vérifier la légalité des actes d’investigations accomplis sur son territoire. D’autre part,
la personne concernée ne doit pas être privée de tout recours par un conflit négatif de
compétences entre les deux États »709. Statuant dans ce sens, la Cour de cassation a
jugé conforme à la procédure pénale française l’audition d’une personne dans les
formes et assistée d’un avocat710.
291. Les personnes habilitées à former un recours contre les actes pris
dans le cadre de l’exécution d’une CRI. En France, la loi711 prévoit que les parties
sont habilitées à faire un recours en annulation contre les actes qu’elles jugent
irréguliers devant la chambre de l’instruction. Une difficulté se pose sur la
détermination de la qualité de partie alors que la demande d’entraide implique en
principe des États. La Cour de cassation française apprécie la qualité à agir des parties
autres que l’État selon leur qualité dans la procédure. Partant de ce procédé, la haute
juridiction française a progressivement élargi dans ce domaine son pouvoir de
contrôle. Alors qu’en 1995, elle a jugé irrecevable la requête du tiers saisi712, en 1999,
elle a admis que la personne au domicile de laquelle une perquisition a été effectuée
est fondée à formuler une requête en annulation de cette perquisition713.
235
parties peuvent contester le bien-fondé ou les modalités de la commission rogatoire
elle-même lorsque la France est État requérant devant les juridictions françaises. C’est
ce que l’on pourrait déduire de la formulation générale de la Cour de cassation 715.
D’autre part, elle estime que la requête en nullité doit parvenir à la chambre
d’instruction avant que le juge d’instruction ne retourne les pièces à l’autorité
requérante de sorte que tout retard de la requête en nullité est sanctionné par une
irrecevabilité. Enfin, la « clause d’ordre public constitue un obstacle au contrôle
juridictionnel des actes d’entraide. Il en est ainsi en cas d’atteinte à la sécurité, à l’ordre
public ou aux intérêts essentiels de la nation ».
293. Le sort des actes pris à l’étranger en exécution d’une CRI émise
par les juridictions francaises. Le droit français s’en remet en principe au droit
étranger. En effet, les autorités judiciaires étrangères ayant agi sur leur territoire en
application de leur loi, leur action échappe à la compétence des juridictions françaises.
Cela même lorsque ces actes affectent d’autres actes appelés à produire des effets
dans des procédures poursuivies en France. La Cour de cassation admet néanmoins
la possibilité d’un recours devant les juridictions françaises contre des actes pris à
l’étranger lorsqu’il y a atteinte aux droits de la défense ou à un principe général de
droit716. Monsieur le Professeur Didier REBUT en déduit que cette « solution de la
Cour de cassation témoigne de la force prise par la protection des droits de la défense,
laquelle tend à devenir un principe général du droit pénal international »717.
236
sages du conseil constitutionnel ont considéré que la possibilité reconnue au procureur
de la Cour pénale internationale de réaliser des actes d’enquête en France hors la
présence des autorités judiciaires françaises compétentes est de nature à porter
atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale 720 .
Conformément à la législation interne des États membres de l’UEMOA, il appartient
au procureur de la République, aux officiers et agents de police judiciaire requis par
ce dernier d’exécuter les CRI. Les juges d’instructions exécutent également les CRI
lorsqu’elles nécessitent des actes de procédure qui ne peuvent être ordonnés ou
exécutés qu’au cours de l’instruction préparatoire. Il en est ainsi des notifications de
charges encore appelé interrogatoire de première comparution, des perquisitions et
saisies lorsque la procédure n’est pas une procédure de flagrance. Dans la pratique,
l’exécution des CRI connait des retards dus à l’engorgement des cabinets d’instruction
et des parquets. L’autorité judiciaire de l’État requis étant elle-même préoccupé par le
volume très élevé de ces dossiers se préoccupe peu de l’exécution des CRI. En dehors
des lenteurs liées au mode de transmission des demandes d’entraide, les autorités
judiciaires de l’État requis ne parviennent pas à exécuter les CRI faute de temps. Il
serait judicieux en ce moment que l’autorité judiciaire requérante puisse suivre son
dossier en se déplaçant dans l’État requérant et procéder avec la bienveillante
collaboration de l’autorité judiciaire requise à l’accomplissement des actes qu’il a
demandés. Certains juges d’instruction appartenant aussi bien à l’État requis qu’à
l’État requérant souhaitent qu’il soit procédé ainsi afin d’entrer rapidement en
possession des actes demandés mais ils se heurtent à des obstacles juridiques. La
convention d’entraide judiciaire de la CEDEAO ne prévoit que la présence passive des
agents de l’État requérant lors de l’exécution de la demande d’entraide. Il s’agit pour
l’État requérant de demander à être informé de la date et du lieu d’exécution de sa
demande d’entraide et solliciter en outre que ses agents assistent à l’exécution 721. En
cas d’accord de l’État requis, les agents de l’État requérant s’y rendent et participent
de manière passive à l’exécution de la CRI. L’exécution matérielle des actes d’entraide
demeure le seul fait des agents de l’État requis. Cette participation est néanmoins utile
dans la mesure où elle permet aux agents de l’État requérant de préciser sur place
dans les détails la demande d’entraide et de disposer immédiatement d’une copie des
République française et le Gouvernement du Canada, signée à Paris le 15 décembre 1989 dispose que
« Si la partie requise y consent, les autorités et personnes mises en cause de l’État requérant pourront
assister à l’audition des témoins et, le cas échéant, à l’exécution d’autres demandes et pourront, dans
la mesure ou la législation de l’État requis le permet, interroger les témoins ou les faire interroger. »
724 L’article 142 al 3 de la Lu dispose que « S’il y a lieu, les autorités judiciaires ou policières nationales
peuvent accomplir, en collaboration avec les autorités d’autres États membres, des actes d’enquête ou
d’instruction ».
238
déplacement des autorités requérantes dans l’État requis et surtout les lenteurs
engendrées par la procédure classique de coopération. La question de la logistique
pourra trouver solution par la suite.
296. Les solutions envisageables pour l’adaptation des CRI aux exigences
de la lutte contre le BC. L’une des réformes importantes à laquelle pourrait s’attaquer
le législateur UEMOA afin d’adapter la CRI aux exigences de la lutte contre le
blanchiment des capitaux est celle du renforcement des instruments juridiques. Ces
reformes devraient tendre à lever les obstacles se rapportant aux conditions
d’établissement de la CRI ainsi qu’aux modalités de son exécution. Les reformes à
entreprendre dans les conditions de l’établissement de la CRI doivent se focaliser sur
les conditions de fond et de forme. Ainsi dans le fond, il serait nécessaire de procéder
à l’adoption d’une directive spéciale sur l’établissement et l’exécution de la CRI en
matière de blanchiment afin de lever l’obstacle lié au mobile politique, au respect
inconsidéré de certains droits accordés aux délinquants. Dans la forme, il serait
nécessaire de créer les conditions pour faciliter les échanges directs entre acteurs de
la coopération judiciaire afin de prendre en compte les exigences de rapidité et de
mobilité pour répondre efficacement à la délinquance actuelle. En ce qui concerne les
modalités d’exécution de la CRI, des réformes pourraient être entrprises en vue de
supprimer les obstacles liés à la nature de l’infraction. Ainsi, l’on pourrait réduire les
délais d’exécution des CRI en impartissant des délais d’exécution mais surtout en
prévoyant des mécanismes pour épingler les États dont les retards répétés dans
l’exécution des CRI frisent le refus de coopérer. Il serait également nécessaire de
procéder à l’abolition de la clause de sauvegarde ou clause d’ordre public et enfin de
faciliter la participation active des acteurs de l’État requérant à l’exécution des CRI.
239
298. Les difficultés liées aux échanges d’information. Le succès de la
lutte contre la criminalité organisée en général et le blanchiment des capitaux en
particulier passe par les échanges d’informations. Ceux-ci se font soit de manière
spontanée entre les différents services de répression des États même en l’absence
d’une demande d’entraide 725 soit par le procédé classique de communication
d’informations intervenant dans le cadre d’une demande d’entraide. Or la
communication spontanée d’informations qui concerne essentiellement les CRF se fait
difficilement compte tenu de la différence de nature des différentes CRF. En effet, d’un
État membre à un autre les différentes CRF n’ont pas le même niveau d’efficacité. En
outre, le casier judiciaire qui est censé renseigner les autorités judiciaires sur les
personnes physiques impliquées dans la commission d’infraction connait des
difficultés du fait de sa tenue anarchique.
725 Voy. Les articles 70 et 75 de la Lu. L’article 75 de la Lu dispose que « La CENTIF échange avec les
autorités de contrôle, les ordres professionnels et les instances représentatives nationales, toute
information utile à l'accomplissement de leurs missions respectives pour l'application des dispositions
du présent chapitre. Lorsque, dans l'accomplissement de leur mission, les autorités de contrôle et les
ordres professionnels découvrent des faits susceptibles d'être liés au blanchiment de capitaux ou au
financement du terrorisme, ils en informent la CENTIF qui, le cas échéant, les traite comme en matière
de déclaration d'opérations suspectes ».
240
d’échanges existants. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, les échanges
d’informations se font aussi bien par le biais des cellules de renseignements financiers
(A) que par le biais du casier judiciaire (B). Dans les deux cas des difficultés existent.
A. Les difficultés liées aux échanges d’information par le biais des CENTIF
303. Le contenu des informations objet d’échanges entre les CRF. Les
CRF des États membres de l’UEMOA sont communément appelés Cellule Nationale
de traitement des informations financières en abrégé CENTIF. Aux termes de l’article
76 précité, les différentes CENTIFs sont « tenue(s) de communiquer, (…) dans le
cadre d’une enquête, toutes informations et données relatives aux investigations
Á l’égard de la CRF de l’État requérant : Chaque demande qu’elle transmet doit être
accompagnée d'un bref exposé des faits pertinents qu’elle connait. La CRF précise,
dans la demande, la manière dont les informations demandées seront utilisées734.
de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange d'informations, JOCE L
271 du 24.01.2000, p. 4.
734 L’article 4 § 1 de la décision du Conseil du 17 octobre 2000 relative aux modalités de coopération
entre les cellules de renseignement financier des États membres en ce qui concerne l'échange
d'informations, JOCE L 271 du 24.01.2000, p. 4 dispose que « Chaque demande faite au titre de la
présente décision est accompagnée d'un bref exposé des faits pertinents connus de la CRF requérante.
la CRF précise, dans la demande, la manière dont les informations demandées seront utilisées ».
243
Dans le cas d’une demande d’information sur des comptes bancaires, la CRF de l’État
requérant doit convaincre celle de l’État requis sur l’importance de l’information
demandée en motivant sa requête. Il doit également fournir les informations qui lui font
supposer l’existence de ces comptes bancaires dans l’État requis, indiquer les
banques et les comptes qui pourraient être concernées, et fournir toute information
susceptible de faciliter l’exécution de la demande.
Dans le cas d’une demande d’information sur des comptes bancaires déterminés et
les opérations bancaires effectuées dans une certaine période, sur le(s) compte(s)
spécifié dans la demande, ainsi que sur les comptes émetteurs ou récepteurs de ces
opérations. Cette demande qui vise à retracer les virements effectués d’un compte à
l’autre devra indiquer les raisons pour lesquelles la CRF considère que les informations
demandées sont pertinentes aux fins de l’enquête pénale portant sur l’infraction 735.
Dans le cas des demandes de suivi des opérations financières, la CRF de l’État
requérant doit indiquer dans sa demande la pertinence des informations demandées
aux fins de l’enquête pénale portant sur l’infraction.
- Les informations ou documents obtenus dans le cadre des échanges entre CRF
sont destinés à être utilisés uniquement aux fins visées dans la demande.
- La CRF de l’État requérant doit prendre toutes les mesures nécessaires, y compris
en matière de sécurité, pour garantir qu'aucune autre autorité, organisme ou
service n'ait accès aux informations transmises conformément aux règles
prescrites en matière d’échanges entre CRF dans le cadre d’une enquête pénale
pour blanchiment.
Ces échanges ne peuvent intervenir que sous réserve de réciprocité. Il s’agit ici pour
le législateur UEMOA de marquer la différence avec les échanges qui existent entre
les échanges qui peuvent exister entre les CRF des États membres de l’UEMOA et
les CRF qui peuvent intervenir entre une CRF d’un État membre et une CRF d’un État
non membre de l’UEMOA. Dans le premier cas, les CRF ont une obligation de
coopération sans restriction. La volonté du législateur UEMOA est sans ambiguïté, la
lutte contre le blanchiment est commune et aucun obstacle ne doit exister dans la
traque de la délinquance au col blanc. Par contre dans le second cas, le législateur
intègre la possibilité pour les CRF étrangères de refuser des échanges avec une CRF
d’un État membre d’où la réserve de réciprocité.
246
ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, conformément à la
réglementation en vigueur. La communication des informations visées à l'alinéa
premier de l’article 78 ne peut avoir lieu lorsqu’une procédure pénale a été engagée
au sein de l’État de la CRF de l’État membre concerné. De même, la communication
de telles informations ne peut avoir lieu si elles peuvent porter atteinte à la
souveraineté de l'État ou aux intérêts nationaux ainsi qu'à la sécurité et à l'ordre public.
En outre, les CENTIFs ne peuvent conclure d’accords avec des CRF homologues
étrangères sans informer au préalable le Ministre chargé des Finances qui est l’autorité
de tutelle des CENTIFs dans tous les États membres738.
738Article 78 al 3 de la Lu.
739Pour mieux s’imprégner du contenu de chaque type de CRF, voir LOPES DE LIMA J.A.F., « La
perspective d’une agence européenne anti-blanchiment », Archives de politique criminelle, janvier 2007,
no 29, pp. 271-289.
247
des listes exhaustives délimitant avec plus de précisions les infractions considérées
comme préalables au blanchiment. D’autres différences importantes existent tel le fait
de savoir si l’évasion fiscale doit être considérée comme une infraction préalable au
blanchiment d’argent ou non.
Un troisième facteur pourrait être les limites des moyens matériels des CRF. Tandis
que certaines d’entre elles sont très bien dotées de moyens humains et matériels de
travail, d’autres par la faute au manque de volonté politique sont démunies et
incapables de fonctionner comme il se doit. En pareil cas les échanges d’informations
deviennent difficiles dans la mesure où la CRF défaillante pourrait entériner le manque
d’enthousiasme des autres CRF lorsque celle-ci sera demandeur. Et si toutes les deux
sont démunies, les requêtes demeureront lettre morte.
311. Les fondements juridiques des échanges par le biais des casiers
judiciaires dans l’espace UEMOA. La Convention générale de coopération en
matière de justice en date de 1961 741 , la Convention relative à la coopération en
740 Ibid.
741 Articles 21, 22, 23.
248
matière judiciaire entre les États membres de l’accord de non-agression et
d’assistance en matière de défense en date de 1987 742 et la Convention de
coopération et d’entraide en matière de justice entre les États membres du Conseil de
l’Entente en date de 1997 743 disposent en substance que la partie requise
communique, dans la mesure du possible, les extraits de casier judiciaire et tous les
renseignements relatifs à la personne poursuivie qui lui sont demandés par les
autorités judiciaires d’un État partie requérant. Les États membres de l’UEMOA qui
sont tous parties à ces conventions se sont ainsi engagés à communiquer les
informations sur les personnes recherchées ou poursuivies contenues dans les casiers
judiciaires. Les échanges d’information par le biais du casier judiciaire sont donc un
acquis en théorie. Cependant dans la pratique, sa mise en œuvre connait de multiples
difficultés (1) auxquelles il convient de trouver des solutions (2) afin de faire face
efficacement au blanchiment et aux autres formes de criminalité transnationale.
1. Les difficultés dans la mise en œuvre des échanges d’information par le biais
du casier judiciaire
250
Pour ce qui est de la mise à jour, elle est inexistante également dans la mesure où
même si l’État de condamnation fait parvenir à l’État de nationalité du condamné
l’information de sa condamnation, elle n’est pas conservée en l’état par les services
de ce dernier car la condamnation est gérée dans l’État de nationalité selon le droit de
cet État. Par conséquent, même si une condamnation est effacée du casier judiciaire
de l’État de condamnation, par voie d’amnistie par exemple ou d’effacement au bout
d’un certain temps, elle peut ne pas l’être dans le casier judiciaire de l’État de
nationalité. La mise à jour n’est pas automatique. De même, si une condamnation est
effacée dans le droit de l’État de nationalité du condamné pour les mêmes raisons,
elle peut ne pas l’être dans l’État de condamnation.
En fin s’agissant du délai, l’absence d’un délai imparti à l’État requis pour fournir les
informations sollicitées rend longue la satisfaction des demandes. Des réformes
s’imposent donc à ce niveau afin de rendre aux échanges d’information par le biais du
casier judiciaire toute son utilité. D’ailleurs les attentats du 11 septembre 2001 aux
USA et du 11 mars 2004 à Madrid ont fait apparaitre l’urgence de telles réformes.
251
casier judiciaire entre les États membres en date du 30 mai 2008744. Elle a pour objet
de fixer les conditions selon lesquelles un État membre de condamnation transmet les
informations relatives à cette condamnation à l’État membre de nationalité de la
personne condamnée et de définir les obligations de conservation de ces informations
qui incombent à l’État membre de nationalité et de préciser les modalités que ce
dernier doit respecter quand il répond à une demande de casier judiciaire 745.
Certes, cette décision-cadre ne prévoit pas la création d’un casier judiciaire européen
mais elles prévoient l’institution d’un comité d’experts des États membres qui assistera
la commission en établissant des recommandations concernant notamment les
standards de collecte et de conservation des informations contenues dans les casiers
judiciaires nationaux. En outre, elle donne des solutions aux problèmes pratiques
concernant les échanges d’information par le biais du casier judiciaire. En effet, dans
son contenu, elle prévoit une série de mesures pour résoudre que chaque État
membre désigne une autorité centrale pour assurer la gestion des condamnations
devant figurer au casier judiciaire746. Rien n’interdit à un État membre de désigner
plusieurs autorités centrales. Chaque État informe les instances de la commission de
la ou des autorités centrales désignées. En France par exemple, l’autorité centrale du
casier judiciaire est le service national du casier judiciaire se trouvant à Nantes. Cette
prescription est une étape obligatoire dans le processus de réseautage du casier
judiciaire. La décision-cadre prévoit également que l’État de condamnation est tenu
d’indiquer la nationalité de la personne si celle-ci est un ressortissant d’un autre État
membre. Puis il adresse aussitôt que possible un avis de la condamnation à l’autorité
centrale de l’État de nationalité747. La mention de la nationalité du condamné dans la
décision permettra d’assurer l’effectivité de la transmission de l’information à son État
de nationalité pour la mise à jour du casier judiciaire. De même il est prévu dans la
décision – cadre que l’autorité centrale de l’État de nationalité est tenue de conserver
toutes les informations qui lui ont été transmises par l’autorité centrale de l’État de
condamnation. Elle doit en outre modifier ou supprimer le casier de son national en
extrait du casier judiciaire entre les États membres en date du 30 mai 2008.
746 Article 3 de la Décision-cadre relative à l’organisation et au contenu des échanges d’informations
extrait du casier judiciaire entre les États membres en date du 30 mai 2008.
747 Article 4 de la Décision-cadre relative à l’organisation et au contenu des échanges d’informations
extrait du casier judiciaire entre les États membres en date du 30 mai 2008.
252
fonction des données qui lui ont été fournies par l’État de condamnation748. De sorte
qu’en cas de demande d’information extraites su casier judiciaire, il puisse donner les
informations exactes et mise à jour qui trouve ainsi sa solution. Enfin, la décision-cadre
indique que l’autorité centrale de l’État requérant est tenue de répondre à la demande
« immédiatement » et en tout état de cause, elle ne peut dépasser un délai de dix (10)
jours ouvrables à compter du jour de la réception de la demande749. Cette mesure
résout la question de la lenteur des demandes.
319. Le faible ratio magistrat par population dans les États membres
de l’UEMOA. « S’agissant des ressources humaines, l’état des lieux fait ressortir que
l’effectif actuel des magistrats en activité est de trois cent soixante (360) pour une
extrait du casier judiciaire entre les États membres en date du 30 mai 2008.
253
population estimée à 15 millions d’habitants, soit un ratio d’un magistrat pour 41 667
habitants alors que la norme des Nations Unies est d’un magistrat pour 20 000
habitants. Les agents des services judiciaires sont au nombre de deux cent cinq (205)
soit 0,6 agent pour un magistrat alors que la norme des Nations Unies est de trois (3)
agents pour un magistrat »750.Cet extrait du rapport général des travaux sur les États
généraux de la justice au Niger tenue à Niamey du 26 au 30 Novembre 2012 est
révélateur de la tendance générale du ratio magistrats par habitant dans l’ensemble
des États membres. Au Burkina Faso par exemple, l’on relève qu’en 2013, le nombre
total de magistrats était de 450 dont seulement 358 siégeant en juridiction, soit un ratio
d’environ 1 magistrat pour 42.000 justiciables (pour une population estimée à un peu
plus de 15.000.000 d’habitants) contre en 2007, un ratio d’un magistrat pour 45704
habitants. Tout comme celui du Niger, ce ratio est faible car il reste en deçà de la
norme internationalement préconisée qui est d’un magistrat pour 7000 habitants. A ce
déficit du personnel magistrat, il faut relever le déficit du reste du personnel non
magistrats. Au Burkina Faso par exemple en 2015 le nombre total de greffiers en chef
était de 100 dont 79 en juridictions, 169 greffiers dont 146 en juridiction soit 0.6 agent
pour un magistrat alors que la norme des nations unies est 03 agents pour un
magistrat. Ce déficit en nombre du personnel judiciaire handicape doublement
l’efficacité de la coopération judiciaire. Premièrement, le nombre de personnes à
affecter spécifiquement aux tâches de coopération judiciaire sera très limité et l’élan
de spécialisation du personnel à la lutte contre la criminalité économique et financière
sera réduit pour ne pas délaisser les autres aspects de la délinquance en général tout
aussi préoccupant que la délinquance économique.
750Rapport général sur les états généraux de la justice au Niger, [en ligne], [consulté la dernière fois le
13/03/2019], www.justice.gouv.ne.
254
1. La spécialisation des acteurs judiciaires à la lutte contre le blanchiment des
capitaux
751 N’Gouda FALL KANE, message du Président dans le Rapport d’activités annuel 2010, Celllule
Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) du Sénégal, l’etat de la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. [en ligne], [consulté la dernière fois le
13/03/2019] ,www.centif.sn.
255
les membres de la CENTIF, les services de répressions notamment agents et officiers
de police, de gendarmerie et de douane.
En ce qui concerne les professionnels assujettis, la cible privilégiée reste les acteurs
du milieu bancaire et financier. En rappel il faut souligner que la Lu sur le blanchiment
fait obligation aux organismes financiers d’élaborer des programmes harmonisés de
prévention du BC/FT qui doivent inclure la formation continue du personnel. Il
appartient en vertu de cette disposition aux organismes financiers d’organiser des
sessions de formation à l’intention de leur personnel afin de mieux les armer face aux
blanchisseurs qui utilisent leurs services pour décrédibiliser les institutions bancaires
en particulier et gangrener les économies nationales en général. Le constat est qu’au
sein de l’espace UEMOA, cette obligation légale n’est pas respectée. Il n’y a que les
CENTIFs de certains Etats qui ont organisé des sessions de formations à l’intention
de leurs professionnels malheureusement limitées aux banquiers sans prendre en
compte les acteurs des services financiers des postes, des caisses de dépôts, les
acteurs du secteur de l’assurance, ceux des institutions mutualistes ainsi que
l’ensemble des intermédiaires financiers. Ainsi la CENTIF du Sénégal a crée avec
l’aide de l’ONUDC, un centre de formation et de documentation sur le BC/FT qui forme
des stagiaires sur les méthodes et les enjeux liés à la LBC/FT. A titre illustratif, pour
l’année 2010, cent soixante-cinq stagiaires en provenance des banques et
établissements financiers, des systèmes financiers décentralisés et de leur tutelle ont
été formés dans ce centre. En outre, la CENTIF du Sénégal a organisé des fora et
séminaires de sensibilisation à l’intention des banquiers.
En ce qui concerne les membres de la CENTIF, la formation doit les concernés dans
la mesure où cette structure est jeune dans la plupart des États de l’Union et que les
membres qui y ont été nommés ne sont pas tous rompus aux questions de BC/FT.
Dans la mesure où ils sont membres d’une structure qui se veut la « sentinelle et
garante permanente et attentive vis-à-vis du phénomène de la criminalité financière »,
il est important de mieux les outiller.
En ce qui concerne les services de répressions parmi lesquels on peut loger les
magistrats et les agents ainsi que les officiers de police, de gendarmerie et de douane,
leur spécialisation est d’autant plus importante qu’ils sont pratiquement à
l’aboutissement du processus de LBC/FT. S’ils ne sont pas formés, ils pourraient
laisser en liberté des délinquants que les premiers acteurs auront démasqués après
256
d’énormes efforts. Ce qui contribuerait malheureusement à saper leur moral et
entraver la lutte contre le blanchiment.
752L’ex Directeur général de la douane du Burkina Faso est poursuivi par la justice burkinabè pour
corruption active et blanchiment d’argent suite à la découverte d’une forte somme d’argent (l’équivalent
d’1.5 million d’euros) à son domicile. L’affaire rapportée par le journal San Finna est intervenue suite au
scandal né du dossier du Directeur général de la douane. Pour le journal l’attitude de la ministre
s’explique par le fait qu’elle voulait éviter une pareille situation.
257
devenu encombrant parce que de sources sans doute illicites. Cette situation
démontre le manque de formation des deux agents de cette banque. Des agents
sensibilisés sur les questions de blanchiment auraient permis à la dame d’effectuer
l’opération et vu que le montant est hors du profil de la cliente, ils auraient pu ensuite
informer le correspondant de la CENTIF dans la banque s’il existe ou leur supérieur
hiérarchique qui à son tour saisira la CENTIF par une déclaration de soupçon. Pour
les membres de la CENTIF, l’accent pourrait être mis sur le traitement des déclarations
de soupçon, la collaboration au niveau international notamment avec les autres
Cellules de renseignements etc. Pour les services de répression, les formations
pourraient s’orienter sur les pratiques bancaires et financières, les techniques
d’investigations, le commentaire des lois uniformes en mettant l’accent sur les
éléments caractéristiques de l’infraction, les sanctions notamment la confiscation et
bien d’autres questions juridiques que soulève la matière.
258
* *
*
326. Conclusion du chapitre 1. Comme mécanisme d’entraide judiciaire, la
CRI telle que conçue et exécutée connait des entraves d’ordre juridiques et pratiques.
Les entraves d’ordre juridique identifiées se rapportent au mobile politique, au régime
juridique des perquisitions, au mode de transmission, aux délais d’exécution des CRI,
à la clause d’ordre public. Les entraves d’ordre pratiques concernent les échanges
d’information, les ressources humaines chargées de conduire la coopération judiciaire.
Pour atteindre les résultats escomptés avec la CRI conçue comme moyen de
coopération judicaire, quelques reformes sont souhaitables surtout dans le contexte
de lutte contre le blanchiment.
259
260
Chapitre 2 : L’amélioration de la confiance mutuelle en matière de lutte contre
blanchiment des capitaux
261
§1 : Le contenu du principe de la reconnaissance mutuelle
262
Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes756,
la Convention d’entraide judiciaire de la CEDEAO757 et la Lu sur le blanchiment758. Á
titre de droit comparé, l’énoncé du principe de reconnaissance mutuelle dans les textes
européens vise également « les jugements et décisions de nature judiciaire »759. Ainsi
« la décision de justice répressive sans aucune limitation, est présentée comme l’objet
de la reconnaissance mutuelle soulignant que la libre circulation est bien celle des
décisions de justice rendues par les autorités nationales »760. Mais que renferme la
notion de décisions de justice. Il s’agit d’une expression large, d’un terme générique
qui s’applique à tout jugement à savoir les décisions pré-sentencielles, sentencielles,
et post-sentencielles. C’est le cas au sein de l’Union européenne, à titre illustratif le
mandat d’arrêt européen applique le principe de reconnaissance mutuelle aux
mandats d’arrêts émis par les autorités judiciaires compétentes au niveau national et
aux jugements de condamnation 761 , la décision-cadre de 2005 concerne, elle, les
jugements de condamnation à des sanctions pécuniaires762, et la décision-cadre de
2008 prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions nationales de probation et des
peines de substitution763.
756 Article 5. 4.a) ii) de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes conclue à vienne le 20 décembre 1988.
757 Article 20 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale adopée par la CEDEAO
le 29 juillet 1992.
758 Article 150 de la Lu.
759 § 3.1.1 du Programme de stockholm- une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens sur
www.eur-lex.europa.eu/legal-content.
760 TAUPIAC-NOUVEL G., La reconnaissance mutuelle : un modèle « auto – suffisant » de coopération
judiciaire dans l’Union Européenne ?, in Juge national, européen, international et droit pénal, sous la
direction de Valérie MALABAT, actes de la journée d’études organisée le 24 juin 2011 par l’institut de
sciences criminelles et de la justice de l’université de Bordeaux.
761 Décision-cadre n°2002/584/JAI, 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures
reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de surveillance des
mesures de probation et des peines de substitution.
764 Dans ce sens voir TAUPIAC-NOUVEL G., La reconnaissance mutuelle des décicions répressives
263
par la réunion de trois critères traditionnels que sont un critère organique - l’acte est
pris par une juridiction-, un critère procédural- l’acte est pris à la suite d’une procédure
organisée-, un critère matériel- l’acte tranche une contestation.
766 HERON J. et LE BARS T., Droit judiciaire privé, 4e ed., Montchrestien, 2010, p. 260 et s. cité par
TAUPIAC-NOUVEL G., Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union
européenne, L.G.D.J, 2011, p. 189.
767 La difficulté dans cette procédure concerne les biens immeubles dont l’appréhension physique est
impossible. Pour ces biens immobiliers, le juge burkinabè se contente de notifier au receveur du
domaine dans lequel est situé l’immeuble son ordonnance afin d’en empêcher toute transaction. La
pratique de son homologue français qui obéit certes à une procédure très formaliste, lourde et
contraignante nous semble plus efficace car elle prévoit une inscription provisoire d’une hypothèque sur
le bien immeuble au profit de l’Etat. En effet l’article 706- 103 du CPP français permet au juge des
libertés et de la détention (JLD) sur requête du procureur de la République, et dans le cadre d’une
information judiciaire ouverte du chef de l’une des infractions de criminalité organisée prévues aux
articles 706-73 et 706-74 du CPP de prendre des mesures conservatoires sur les biens de la personne
mise en examen.
Lorsque de telles mesures doivent être prises en droit français, il est fait application des procédures
civiles d’exécution.
264
manifestation de la vérité comme c’est le cas dans les infractions de droit commun
mais est élargi à tous biens appartenant à l’inculpé et à toute autre personne impliquée
dans la commission de l’infraction pourvu qu’il s’agisse de « biens en relation avec
l’infraction » qu’ils soient meubles ou immeubles, divis ou indivis. Leur appliquer donc
le principe de reconnaissance mutuelle renforce les moyens de lutte contre le
blanchiment.
768 La reconnaissance mutuelle peut porter sur une décision de placement en détention provisoire
conformément à la Décision-cadre du Conseil du 23 Octobre 2009 concernant l’application entre les
États membres de l’Union européenne du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives
à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire, JOUE, L 294 du 11 novembre
2009.
769 Article 4 bis de la Décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux
770 Institut de sciences criminelles et de la justice, La dimension internationale de la justice pénale, Paris,
Mission de recherche Droit et justice, Rapport scientifique d’une recherche réalisée avec le soutien du
GIP mission de recherche Droit et Justice, novembre 2011, p. 176.
771 Décision-cadre du 26 février 2009 portant modification des Décisions-cadres 2002/584/JAI,
0001-0390.
266
concerner des décisions dont l’objet porte aussi sur la remise d’une personne775, que
l’obtention d’un élément de preuve776, la confiscation d’un bien777 ou encore l’exécution
d’une sanction pécuniaire 778. La reconnaissance mutuelle en tant que méthode de
coopération judiciaire se distingue ainsi des méthodes classiques qui posent en
général des exclusions pour un certain nombre d’infractions notamment celles
politiques, militaires, douanières ou en matière fiscale. S’agissant des exclusions
fondées sur la double incrimination, la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen
indique que « …toutefois, en matière de tâxes, d’impôts, de douane et de change,
l’exécution du mandat d’arrêt européen ne pourra être refusée pour le motif que la
législation de l’État membre d’exécution n’impose pas le même type de réglementation
en matière de taxes, d’impôts, de douane et de change que la législation de l’État
membre d’émission. »779. Le contenu du principe de reconnaissance mutuelle ainsi
exposé est prévu par le législateur UEMOA mais très limité dans sa consécration aussi
bien dans la Lu que dans la convention d’entraide de la CEDEAO.
775 Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures
de remise entre État, JOUE L 190 du 18.7.2002, p.1.
776 Décision-cadre du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécution dans l’Union européenne des
aux sanctions pécuniaires, 2005/214/JAI, modifiée par la décision-cadre du conseil du 26 février 2009,
2009/299/JAI.
779 Article 4 § 1 de la Décision-cadre du conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et
les États membres de l’Union européenne » in La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires
pénales dans l’Union européenne = Mutual recognition of judicial decisions in the penal field within the
European Union, op. cit., p. 25‑ 63 spéc.p. 26.
267
toute décision de justice définitive de saisie ou de confiscation des produits des
infractions visées dans la présente loi émanant d’une juridiction d’un État membre ».
Ainsi dans le principe, le législateur UEMOA consacre la reconnaissance mutuelle
s’agissant des décisions portant sur les infractions de blanchiment. Il affirme ainsi sa
volonté d’empêcher que les États membres ne servent de « refuges juridiques » aux
auteurs de blanchiment. Mais contrairement au législateur de l’Union européenne, il
limite le champ d’application du principe de reconnaissance mutuelle. En effet, les
dispositions de l’article 150 précité imposent une double restriction au champ
d’application de la reconnaissance mutuelle. Ces restrictions portent d’une part sur la
nature des décisions pour ne concerner que les décisions définitives et d’autre part sur
l’objet de ces décisions pour ne prendre en compte que les décisions concernant les
saisies, la confiscation des biens issus du blanchiment. En visant les décisions portant
sur la confiscation et les saisies, le législateur UEMOA met l’accent sur le fait qu’il est
plus efficace de sanctionner l’auteur du blanchiment en ciblant les biens qu’il a acquis
illicitement plutôt que sur la privation de sa liberté. Á cet effet, la Lu permet en effet au
juge national d’ordonner « la confiscation au profit du trésor public des produits tirés
de l’infraction, des biens mobiliers ou immobiliers dans lesquels ces produits sont
transformés ou convertis et, à concurrence de leur valeur, des biens en lesquels ils
sont transformés ou investis ou des biens auxquels ils sont mêlés à quelque personne
que ces produits et ces biens appartiennent, à moins que leur propriétaire n’établisse
qu’il ignore leur origine frauduleuse »781.
269
compétente de l’État étranger dans des conditions analogues à celles prévues par la
loi en vigueur786.
La Lu est muette sur le sort des confiscations en valeur provenant des juridictions
étrangères. En l’absence d’une réglementation en la matière et en attendant que la
modification de la Lu en cours comble ce vide, les États membres pourraient s’inspirer
de la législation française.
270
Section 2 : La nécessité de l’élargissement du champ d’application du principe
de la reconnaissance mutuelle aux décisions pré-sentencielles
789 Le programme de la Haye : Renforcer la liberté, la sécurité et la Justice dans l’Union européenne,
JOUE C53/1 du 03 mai 2005.
790 Programme de la Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, JOUE.,
1. La notion d’harmonisation
274
et de l’union économique. Ainsi, le traité prévoit en son préambule « la nécessité de
favoriser le développement économique et social des États membres grâce à
l’harmonisation de leurs législations, à l’unification de leurs marchés intérieurs et à la
mise en œuvre de politiques sectorielles communes dans les secteurs de leur
économie ». De même, le Titre premier du traité prévoit qu’il vise « à harmoniser, dans
la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les législations des
États membres et, particulièrement la fiscalité ». Enfin, l’article 60 du traité relatif au
chapitre réservé à l’harmonisation des législations dispose que « ...la Conférence des
chefs d’État et de Gouvernement établit les principes directeurs pour l’harmonisation
des législations des États membres. Elle identifie les domaines prioritaires dans
lesquels, conformément aux dispositions du présent traité, un rapprochement des
législations des États membres est nécessaire pour atteindre les objectifs de
l’union… ».
2. L’étendue de l’harmonisation
275
matériel (a) que dans le droit pénal de forme (b) à savoir dans les lois de procédures
pénales.
794 Article 298 et 299 du code pénal : « Sont considérés comme blanchiment de l'argent :
a) la conversion ou le transfert de biens, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite des
dits biens ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’infraction principale à
échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; b) la dissimulation ou le déguisement de la nature,
de l'origine, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels des biens ; c)
l’acquisition, la détention ou l'utilisation de biens par une personne qui sait que lesdits biens constituent
un produit du crime. ».
795 Article 163 bis du code pénal sénégalais et 160 du code pénal burkinabè.
276
347. La solution aux divergences de législations en matière de
blanchiment à travers les textes communautaires. Eu égard aux différences
d’incriminations et de sanctions, les textes communautaires recommandent aux États
d’adopter des textes en vue de l’harmonisation de leurs législations dans certains
domaines qui exigent un minimum de coopération. Pour ce faire, les textes adoptés
dans le sens de l’incrimination ont cherché à rapprocher les éléments constitutifs des
infractions et ont fixé des minima en préservant la liberté des États membres d’aller
au-delà de ce qui est prévu en définissant plus largement les infractions. Tel est le cas
des différentes directives au niveau de l’UEMOA portant sur le blanchiment et le
terrorisme qui ont donné naissance à la Lu sur le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme. S’agissant de l’incrimination du blanchiment, la directive
recommande aux États membres en son article 7 de prendre les mesures législatives
internes pour incriminer certains agissements de blanchiment à savoir :
a) la conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir
que ces biens proviennent d'un crime ou délit ou d'une participation à un crime ou délit,
dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens, ou d'aider toute
personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de
ses actes ;
b) la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement de
la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou des droits y relatifs,
par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d'un crime
ou délit ou d'une participation à un crime ou délit ;
c) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens, dont celui qui s'y livre, sait ou aurait
dû savoir, au moment où il les réceptionne que ces biens proviennent d'un crime ou
délit ou d'une participation à un crime ou délit ;
d) la participation à l'un des actes visés aux points a), b) et c), le fait de s'associer pour
le commettre, de tenter de le commettre, d'aider ou d'inciter quelqu'un à le commettre
ou de le conseiller, à cet effet, ou de faciliter l'exécution d'un tel acte.
277
d’argent 796 ou la convention sur la corruption 797 corrobore cette volonté de
rapprochement au sein du Conseil européen. Au sein de l’Union européenne, la
Décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre
la criminalité organisée798 définit, dans son article 1er, ce que signifie « organisation
criminelle ». Elle recommande aux États membres dans son article 2 de punir certains
comportements et leur recommande d’infliger des sanctions dont le quantum de la
peine doit être compris entre 02 et 05 ans. La Directive (UE) 2017/451 du parlement
européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme 799 et
remplaçant la Décision-cadre du Conseil relative au terrorisme du 13 juin 2002800 et
modifiant la Décision 2005/671/JAI du Conseil 801 recourt, pour définir l’infraction
terroriste, à un élément intentionnel ainsi qu’à un élément matériel constitué d’une liste
d’infractions qu’elle énumère tout en renvoyant au droit interne de chaque État pour
leur définition802.
européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne du 26 mai 1997, JOCE,
C 195 du 25 juin 1997, pp. 2-11.
798 Décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité
pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, JOCE., L 328 du 05 septembre
2002, pp. 1-3.
801 Décision 2005/671/JAI du Conseil du 20 septembre 2005 relative à l’échange d’informations et à la
septembre 1995. L’OHADA regroupe actuellement 17 États membres (Bénin, Burkina Faso, Cameroun,
Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali,
Niger, RDC, Sénégal, Tchad, Togo).
278
infraction805. En pratique, lorsque l’infraction est fixée dans ses éléments constitutifs,
l’Acte uniforme laisse le soin au droit pénal en vigueur dans les États de déterminer
les peines encourues par les infracteurs visées par les prévisions légales 806 . La
situation est identique au niveau de l’UEMOA. En effet, la directive n°
02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme dans les États membres de l'UEMOA en date du 02 Juillet
2015 dispose en son article 17 que les États membres veillent à ce que des sanctions
efficaces, proportionnées et dissuasives s'appliquent aux auteurs de violation des
dispositions visées aux articles 12 à 16 de la présente directive. Ainsi, le soin est laissé
aux législateurs nationaux de déterminer chacun en ce qui le concerne, la sanction
qu’il estime la plus appropriée. En Europe, depuis le traité d’Amsterdam, la plupart des
textes prévoient que les infractions visées doivent faire l’objet de sanctions effectives,
proportionnées et dissuasives, le cas échéant, de donner lieu à extradition. De même,
ces textes prévoient l’obligation pour les États de prévoir des peines privatives de
liberté dont la peine maximale ne peut être inférieure à un nombre d’années
d’emprisonnement. Toujours dans l’espace Européen, le conseil justice et affaires
intérieures des 25 et 26 avril 2002 prévoit, dans ses orientations, qu’il importe
uniquement de stipuler, dans certains cas, que les États membres assurent un niveau
de répression effectif, proportionné et dissuasif tout en laissant le choix de fixer le
niveau des peines selon une échelle commune de sanctions pénales. Cette échelle
prévoit quatre niveaux définis par une fourchette de temps fixe d’emprisonnement
dans laquelle leur maximum doit s’inscrire : le premier niveau concerne les peines dont
le maximum est d’au moins 1 à 3 ans ; le deuxième niveau porte sur les peines dont
le maximum est d’au moins de 2 à 5 ans ; le troisième couvre les peines dont le
maximum est d’au moins 5 à 10 ans ; le quatrième concerne les peines dont le
maximum est d’au moins 10 ans807.
805 V. Titre V de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif,
JO OHADA, n° 7, 01/07/98, p. 1 et s.
806 V. les articles 226 et s. de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
révélateur de ses tensions », Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2004, spéc. p. 61.
279
même composition compte tenu du fait qu’il partage le même systéme juridique,
héritage colonial. Cependant dans la pratique la procédure pénale connaît des
entorses surtout dans le domaine des droits de l’homme.
808 L’article 14, 3, d) dispose que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine
égalité, au moins aux garanties suivantes : A être présentée au procés et à se défendre elle-même ou
à avoir l’assistance d’un défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que
l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens
de le rémunérer. ».
280
ont sensiblement les mêmes lois de procédures pénales mais dans la pratique ils n’ont
pas la même rigueur dans le respect des principes prévus dans leurs textes de lois. Il
convient d’indiquer que cette situation n’est pas propre aux États membres de
l’UEMOA. En Europe, la commission européenne, dans son livre vert sur les garanties
procédurales accordées aux personnes mises en cause dans les procédures pénales
dans l’union européenne, relève que la convention est appliquée à des degrés divers
dans les États membres et que les violations de cette dernière sont nombreuses809.
Pour revenir à l’espace UEMOA, quelques exemples de discordances dans
l’application de la procédure pénale entre les États sont édifiants. Entre le Bénin et le
Togo par exemple, des différences existent s’agissant des droits de la défense. Dans
le premier État, l’avocat est admis durant la phase de l’enquête préliminaire de sorte
que les officiers de police judiciaire sont contraints au respect de la durée de la garde
à vue telle que prévue par les textes en vigueur. Dans le second État, c’est tout le
contraire, l’avocat n’a pas accès à son client durant la phase d’enquête avec pour
conséquences des excès en matière de garde à vue occasionnant des détentions
arbitraires et des sévices corporels810. Les cas les plus emblématiques dans ce pays
restent celui de Me AMAH-POYODE qui a été accusé de complicité dans une affaire
de détournement de fonds publics et qui a passé en 2004, six (06) mois de garde à
vue alors que celle-ci ne peut excéder 96 heures. Le cas de l’ancien président de
l’assemblée nationale et ancien premier ministre M. AGBEYOME Kodjo illustre
également les violations des droits de l’homme découlant de l’absence de l’avocat à
la phase de l’enquête préliminaire. Cet ancien dignitaire du parti au pouvoir au temps
de Feu Général EYADEMA Gnassingbé811, a été arrêté et emprisonné pour avoir sorti
un pamphlet contre le régime d’alors. Durant sa détention, il a été soumis à un
traitement humiliant et dégradant812. Cette situation a valu à l’État togolais une mise
en garde du Comité des droits de l’homme en ces termes « le comité constate avec
809 Livre vert de la Commission- Garanties procédurales accordées aux suspects et personnes mises
en causes dans des procédures pénales dans l’union européenne, COM (2003) 75 final du 19 février
2003.
810 Face à ces dérives, le législateur UEMOA a érigé en obligation la présence de l’avocat durant la
phase d’enquête mais l’application de ce règlement rencontre des difficultés au sein des États membres.
Les acteurs judiciaires n’arrivent pas à s’accorder sur les modalités de son application, les officiers de
police judiciaire sont réticents pour son application et certains analystes trouvent que le règlement est
illégal en raison du fait qu’il s’attaque à la procédure pénale alors que celle-ci est l’apanage des
législateurs internes.
811 EYADEMA Gnassingbé fût Président de la République du Togo de 1967 à 2005.
812 Pour en savoir davantage sur ces deux cas de violations de droits de l’homme, v. le Rapport de
l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) sur le Togo, 1e éd., 2006, [en ligne], [consulté le
20/01/2018], www.omct.org.
281
préoccupation, d’une part, que les dispositions du Code de procédure pénale relatives
à la garde à vue ne prévoient ni la notification des droits, ni la présence d’un avocat,
ni le droit de la personne gardée à vue d’informer un membre de sa famille, d’autre
part, que l’examen médical de la personne gardée à vue n’est possible que sur sa
demande ou la demande d’un membre de sa famille, après accord du parquet. Par
ailleurs, le délai de 48 heures pour la garde à vue serait peu respecté en pratique, et
certaines personnes seraient détenues sans inculpation ou en attente de jugement
pendant plusieurs années. (…) l’État partie devrait réformer les dispositions du code
de procédure pénale en matière de garde à vue, de façon à assurer une prévention
efficace des atteintes à l’intégrité physique et mentale des personnes gardées à vue,
et à protéger leurs droits de défense, en application des articles 7, 9 et 14 du Pacte. Il
devrait également faire en sorte que justice soit rendue dans un délai raisonnable,
conformément à l’article 14 ».
282
loi du 9 mars 2004 portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,
dite loi Perben II publiée dans le Journal Officiel le 10 mars 2004. Avec cette loi, l’article
696-4, 7° du code de procédure pénale dispose que l’extradition n’est pas accordée
« lorsque la personne réclamée serait jugée dans l’État requérant par un tribunal
n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits
de la défense ». Cette disposition consacre une solution jurisprudentielle selon laquelle
l’extradition est subordonnée à la condition que la procédure applicable dans l’État
requérant soit respectueuse des droits et libertés fondamentaux de la personne
humaine. Cette exigence a même été considérée par le conseil d’État comme un
principe général du droit de l’extradition813.
La Cour de cassation française encadre néanmoins cette exigence en décidant que
l’avis défavorable doit être motivé. C’est ainsi que la chambre criminelle casse et
annule l’arrêt d’une chambre de l’instruction qui a rendu un avis défavorable à une
demande d’extradition émise par le gouvernement albanais. Pour rendre l’avis
défavorable, la chambre de l’instruction a estimé que les difficultés des autorités
judiciaires albanaises à faire prévaloir les règles assurant les garanties fondamentales
de procédure et la protection des droits de la défense étaient démontrées. Pour la Cour
de cassation, cette décision de la chambre de l’instruction manque de base légale et
l’arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale.
Elle précise que la chambre de l’instruction aurait dû ordonner un complément
d’information aux fins de rechercher si, en l’espèce, la personne réclamée bénéficiera
des garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense814.
Il convient d’ajouter que suivant la jurisprudence, l’exigence de respect des droits
fondamentaux s’applique également à l’extradition aux fins d’exécution des
peines. Certes, le législateur français a omis de le préciser dans la loi Perben II mais
la jurisprudence a comblé ce vide à travers une décision du Conseil d’État815. Dans
cette décision, la haute juridiction administrative énonce que « le système judiciaire
espagnol respecte les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine ainsi
que l’exigent les principes généraux du droit de l’extradition ».
354. La nécesité d’intégrer le non respect des droits de l’homme dans les
cas de refus de coopérer. Pour le renforcement de la confiance mutuelle entre les
813 CE 26 septembre 1984, Lujambio Galdeano, JCP 1985. II. 20346, concl. B. Genevois, note W.
Jeandidier ; 28 juill. 1989, RFDA 1990. 558, concl. R. Abraham.
814 Crim. 21 octobre 2014, n° 14-85.257, D. 2014.2176.
815 CE 26 septembre 1984, Lujambio Galdeano, JCP, 1985, II, 20346, concl. Abraham.
283
États membres, il est important pour les autorités judiciaires des États membres d’avoir
conscience que le non-respect par eux des droits fondamentaux dans la procédure
pénale qu’ils appliquent peut-être un obstacle à la reconnaissance de leurs décisions
par leurs collègues à l’étranger. C’est pourquoi, il est souhaitable que le législateur
UEMOA fasse du non-respect des droits fondamentaux un refus d’extradition en le
consacrant expressément dans la Lu. Ainsi, les décisions des États membres
bénéficieront de la présomption d’une décision respectueuse des garanties
fondamentales de la procédure et des droits de la défense.
819 La Décision-cadre du Conseil relative au terrorisme du 13 juin 2002 remplacée plus tard par la
Directive (UE) 2017/451 du parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre
le terrorisme.
820 La Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures
822 Rachida Ramda est un ressortissant algérien accusé d’avoir assuré pour le compte du Groupe
Islamique Algérien (GIA) le financement des attentats du métro parisien en 1995 dont celui de la station
de métro de Saint-Michel ayant occasionné 08 morts et 150 blessés, et de ceux des stations Musée
d’Orsay et Maison-Blanche qui avaient fait des dizaines de blessés. Il a été arrété le 4 novembre 1995
en Grande-Bretagne où il résidait en vertu de mandats d’arrêts français puis extradé vers la France le
01 décembre 2005 au terme d’une dizaine d’année de bataille de procédure. En mars 2006, Il fût déclaré
coupable au correctionel d’association de malfaiteurs dans le cadre d’une entreprise terroriste par le
tribunal correctionnel de Paris qui le condamna à une peine de dix ans de prison et une interdiction
définitive du territoire français. Par la suite, la Cour d’appel confirma ce jugement en décembre 2006
par un arrêt devenu définitif et la Cour de cassation rejeta son pourvoi. Dans le volet criminel, la Cour
d’assises de Paris spécialement composé de magistrats professionnels le condamna en 2007 à la
réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une sûreté de vingt-deux ans pour complicité de crime et
destruction et dégradation des biens appartenant à autrui. Cette décision a été confirmée par la Cour
d’assises d’appel spécialement composée, celle-ci confirma la condamnation et prononça son
interdiction définitive du territoire français. Le pourvoi en cassation fut égelement rejeté. Saisie à son
tour, la Cour europénne des droits de l’homme (CEDH) juge que les condamnations successives,
correctionnelles et criminelles de Ramda sont conformes à la Convention au regard des articles 6. §
1(droit à un procès équitable) et 4 (droit à ne pas être jugé ou puni deux fois) du protocole nº 7.
823 M. MASSE, Actualité de la coopération judiciaire internationale, RSC 2001 P.445. Sid Ahmed
REZALA rebaptisé « le tueur des trains », a été mis en examen en France pour le meurtre de trois
jeunes femmes entre octobre et décembre 1999. Refugié au Portugal le 27 décembre 1999, il y est
arrêté le 11 janvier 2000. Les autorités judiciaires françaises demandent son extradition au Portugal.
Mais se fondant sur le fait que le mis en cause pourrait être condamné à la peine d’emprisonnement à
perpétuité, le Portugal refuse de collaborer avec la justice française. Le 28 juin 2000, Sid Ahmed
REZALA se suicide par asphyxie en mettant le feu à sa cellule, à l'aide de son matelas.
824 J. PRADEL, « le mandat d’arrêt européen. Un premier pas vers une révolution copernicienne dans
286
des changements opérés dans la procédure d’extradition dans ces considérants en
ces termes : « aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre
États, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires
en matières pénales, tant présentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de
sécurité et de justice »826. Ainsi en plus de la libre circulation des personnes prévue
par le traité instituant l’UE, l’on y ajoute la libre circulation des décisions de justice tant
présentencielles que définitives. Une véritable révolution car il se trouve qu’avec cette
décision-cadre, les décisions émanant des États membres de l’UE seront exécutoires
dans tout autre membre de l’UE. En conséquence, le MAE qui est une décision
présentencielle devra s’exécuter d’office dans tous les États membres de l’UE pourvu
qu’il émane des autorités judiciaires d’un autre État membre. Pour y arriver, le
législateur européen introduit plusieurs innovations. D’abord, pour l’institution du
mandat d’arrêt, il est fait recours à la technique de la décision-cadre au détriment des
autres actes communautaires (directives, règlements) et aux traités et conventions.
Ensuite pour faciliter son exécution, il est fait recours à la notion de la reconnaissance
mutuelle qui permet l’abolition du principe de la non-extradition des nationaux chère
aux États de tradition juridique romano-germaniques ainsi que la suppression du
principe de la double incrimination. Mais les innovations majeures concernent la
judiciarisation de la procédure d’extradition (1) et la simplification maximale des
formalités de remise (2).
827 Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union
européenne du 29 mai 2000, JOCE, C 197 du 12 juillet 2000, pp. 1-23.
828 FLORE D., « Le mandat d’arrêt européen ou la première concrétisation de l’espace judiciaire
aux procédures de remise entre États membres, JOCE. L 190 du 18 juillet 2000.
830 Article 6 de la Décision-cadre 2002/584/JAI, idem.
288
rôle de premier plan dans le cadre de la coopération judiciaire internationale en matière
pénale. Il lui appartient, et seulement à lui, de décider d’exécuter ou non un MAE. La
seule obligation qui s’impose à lui est de veiller à la garantie des droits fondamentaux
tels qu’issus de l’ordre juridique de l’Union européenne, d’une part, et de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme d’autre part. Ce rôle majeur du juge
pénal est incontestable nonobstant les dispositions de l’article 7 de la décision-cadre
instituant le MAE qui stipule que « Chaque État membre peut désigner une autorité
centrale ou, lorsque son ordre juridique le prévoit, plusieurs autorités centrales, pour
assister les autorités judiciaires compétentes ». Cette possibilité offerte aux États
membres de désigner une autorité centrale pour assister les autorités judiciaires ne
saurait remettre en cause la légitimité reconnue à l’autorité judiciaire comme unique
décideur de l’exécution du MAE. Cette autorité si elle est désignée (il s’agit d’une
faculté) par un État membre ne se voit conférer qu’un rôle d’enregistrement et de suivi
de la procédure. Un simple rôle d’assistance qui ne lui permet pas de prendre la
décision d’exécuter ou non un mandat d’arrêt européen.
831Article 9.2 de la Décision-cadre du Conseil en date du 13 Juin 2002 relative au MAE et aux
procédures de remise entre États membres, op.cit.
289
criminelle (INTERPOL)832. Ces trois modes de transmission valent une authentification
du mandat à l’égard des États membres de l’UE. D’ailleurs le signalement dans le
système d’information Schengen vaut MAE dès lors qu’il est accompagné des
informations nécessaires au titre de l’article 695-13 du Code de procédure pénale
français. Selon la Cour de cassation, l’établissement d’un MAE ne doit pas être
nécessairement établi avant l’inscription du signalement 833 . En dehors de ces
différents modes de transmission, le MAE peut être transmis par « tout moyen sûr
permettant d’en obtenir une trace écrite dans des conditions permettant à l’État
membre d’exécution d’en vérifier l’authenticité »834 . Avec le MAE, il n’est plus exigé
de l’État d’émission la production d’un certificat en complément du mandat d’arrêt
comme cela est prescrit dans le cadre de la procédure classique d’extradition. Il suffit
que l’État qui émet le MAE annexe un formulaire qui comporte un certain nombre
d’informations relatives à l’identité de la personne recherchée, au titre judiciaire en
vertu duquel celle-ci est recherchée, à la sanction encourue ou prononcée ainsi qu’à
la date et au lieu de commission des faits.835 En France, la jurisprudence est moins
formaliste s’agissant des informations contenues dans le formulaire à joindre. En effet,
la chambre criminelle de la Cour de cassation française a admis que les
renseignements relatifs aux dates et lieu de commission de l’infraction reprochée à la
personne recherchée pouvaient figurer dans le signalement sans être repris dans le
mandat lui-même 836 . En outre, elle a jugé que les précisions exigées par la loi
pouvaient résulter des indications figurant dans un document rédigé par le juge
mandant postérieurement au MAE lui-même et joint au dossier, ainsi que des éléments
que la chambre de l’instruction pouvait tirer de la procédure837.
832 Article 10.3 de la décision-cadre du conseil en date du 13 juin relative au MAE et aux procédures de
remise entre États membres, idem.
833 Cass. crim., 05 Octobre 2004, Bull.crim. 2004, n°232, p. 833, pourvoi n° 04-85.385 ; Cass.crim., 01
290
362. L’abréviation des délais dans le cadre du MAE : Elle est
substantielle dans la simplification des formalités. En effet, la décision-cadre pose le
principe que le MAE est à traiter et à exécuter d’urgence. Elle indique également que
lorsque la personne recherchée consent à sa remise, la décision définitive sur
l’exécution du MAE devrait être prise dans les dix jours suivant ledit consentement.
Dans les autres cas, la décision définitive sur l’exécution du MAE devrait être prise
dans un délai de 60 jours à compter de l’arrestation de la personne recherchée. Le
législateur français dans la transposition de la décision-cadre a mis en exergue
l’assouplissement des délais lorsqu’il s’agit d’un MAE en comparaison avec la
procédure classique d’extradition. De l’arrestation à la remise de la personne
réclamée, le législateur français est moins exigeant sur les conditions de délais
prévues dans la procédure classique. Ainsi, au stade de l’arrestation, la personne
appréhendée en vertu d’un MAE doit être conduite devant le procureur général dans
un délai de quarante- huit heures838. A l’issu de ce délai, la personne appréhendée
devra être libérée si elle n’est pas présentée devant le PG. De même, le délai de six
jours ouvrables après l’arrestation, prévu par l’article 695-26 du CPP pour la réception
par le PG de l’original ou de la copie conforme du MAE, n’est pas prescrit à peine de
nullité839
291
La chambre de l’instruction dispose d’un délai de sept jours à compter de la
comparution de la personne réclamée pour statuer sur la remise de l’intéressé si celui-
ci consent à sa remise et dans un délai de vingt (20) jours dans le cas contraire844. Le
non- respect de ce délai conduit à la mise en liberté de la personne réclamée. La
décision de la chambre est susceptible de recours en cassation dans un délai de trois
jours francs845.
Enfin, dans la phase de remise, l’article 695-37 prévoit que la personne est remise à
l’autorité d’émission du MAE dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle
la décision est devenue définitive, ce délai étant prolongé de dix jours en cas de force
majeure et l’intéressé détenu étant libéré en cas de dépassement de ces délais.
846Circulaire nºCRIM 98-7 F5/31-07-98 du 31 juillet 2008 relative å la transmission des demandes
d’arrestation provisoire par le canal de d’interpol.
293
366. Le bilan du MAE après une decennie de mise en oeuvre. Les
résultats positifs qu’offre la mise en œuvre du MAE sur le point de vue de la
coopération judiciaire en Europe mérite que les États membres de l’UEMOA s’en
inspire. En effet, le bilan dressé par la Commission européenne sur l’application du
MAE révèle un succès réel dans les résultats obtenus par ce nouveau mécanisme
d’extradition. L’article 34 de la décision-cadre instaurant le MAE prévoit que la
Commission peut sur la base des informations transmises par le secrétariat du Conseil
soumettre au Parlement européen et au Conseil un rapport portant sur l’application de
la Décision-cadre. C’est ainsi que le premier bilan a été dressé quatre ans après la
mise en œuvre du MAE dans les relations entre les États membres de l’Union
européenne soit en 2007. À cette date, la Commission européenne a considéré que
l’impact positif du (MAE) se confirme quotidiennement, tant en terme de judiciarisation,
d’efficacité, que de célérité, le tout dans le respect des droits fondamentaux. En 2017,
soit dix ans après ce premier bilan, les résultats se sont améliorés. En effet, le bilan
2017 de la Commission sur la mise en œuvre du MAE donne raison aux États
membres de l’Union européenne sur l’option du mécanisme du MAE au détriment de
la procédure classique de remise malgré les insuffisances que comporte le MAE. Le
bilan établit par la Commission européenne se présente sous plusieurs angles.
847V. Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en oeuvre, depuis
2007, de la decision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux
procédures de remise entre les États membres, Bruxelles, 2001, COM (2011) 175 final, [en ligne],
[consulté la dernière fois le 16/10/2019, www.eur-lex.europa.eu/legal.
294
368. Le bilan en termes de volume de MAE exécutés. Depuis sa mise en
œuvre concrète en 2005, 116600 MAE ont été émis entre 2005 et 2014 dont 40050
ont été exécutés848. Ce succès du MAE peut s’expliquer par la réduction des motifs de
refus et par l’extradition des nationaux. Avec le MAE, le principe renvoie à l’acceptation
des demandes d’extradition, les motifs de refus sont encadrés. Ainsi un État ne peut
refuser de remettre la personne réclamée que si l’un des motifs de refus obligatoires
ou facultatifs s’applique : Au titre des motifs obligatoires, l’article 3 de la décision-cadre
prévoit :
La personne recherchée a déjà été jugée pour la même infraction, c’est le
principe ne bis in idem ;
La personne recherchée est un mineur parce que n’ayant pas atteint l’âge de la
responsabilité pénale fixé dans le pays où elle a été arrêtée ;
L’infraction pour laquelle son auteur est recherché est couverte par une
amnistie dans le pays qui doit exécuter le MAE ;
Au titre des motifs facultatifs, la décision-cadre en son article 4 prévoit un
nombre limité dont :
- L’absence de double incrimination de l’infraction, laquelle ne figure pas parmi les
32 infractions mentionnées par l’article 2.2 de la décision-cadre portant sur le MAE
;
- La compétence territoriale de l’État qui doit exécuter le mandat : le principe de la
territorialité ;
- L’existence d’une procédure pénale en cours dans le pays d’exécution ;
- La prescription des faits dans le pays d’exécution.
848
Conseil 9005/5/06 COPEN 52; 11371/5/07 COPEN 106 ; 10330/2/08 COPEN 116 ; 9743/4/09
COPEN 87 ; 7551/7/10 COPEN 64 ; e-justice.europa.eu.
295
exergue les avantages liés au MAE par rapport à la procédure classique dans le cadre
de l’extradition.
* *
*
369. conclusion du chapitre second. Le principe de reconnaissance mutuelle est
un mécanisme adapté à la lutte contre la criminalité organisée. Dans l’espace UEMOA,
les États l’ont consacré dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
Malheureusement, il s’agit d’une consécration en demi-teinte et préjudiciable à
l’efficacité de l’extradition et de l’exécution des décisions répressives étrangères
notamment celles présentencielles. L’expérience de l’UE et le succès constaté dans
l’exécution du MAE devraient inspirer les États membres de l’UEMOA afin de leur
permettre de concevoir un mandat d’arrêt unique susceptible d’être exécuté dans les
8 États membres de l’UEMOA. Pour ce faire, il convient de renfocer la confiance
mutuelle entre les États membres par l’harmonisation des procédures pénales.
297
* *
*
370. Conclusion du titre 1. Les mécanismes procéduraux de coopération
judiciaire prévus dans l’espace UEMOA sont les CRI et le principe de reconnaissance
mutuelle. L’étude des CRI a montré que celles-ci connaissent dans leur exécution des
entraves d’ordre juridiques et pratiques qu’il convient de supprimer afin d’atteindre les
objectifs de coopération recherchés. De même, il serait souhaitable que des reformes
soient faites dans le sens d’une application effective du principe de reconnaissance
mutuelle à l’instar de ce qui est pratiqué au sein de l’UE avec la mise en oeuvre du
mandat d’arrêt européen. Les reformes sur les mécanismes procéduraux pourront être
suivies d’autres reformes pour pallier les insffisances d’ordre structurel de la
coopération judiciaire.
298
299
TITRE 2 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE STRUCTUREL DE LA COOPERATION
JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT
849 Les réseaux Interpol ou Europol sont des organes policiers. Ils contribuent certes à la coopération
judiciaire mais ne peuvent être considérés comme des acteurs judiciaires mais plutôt des acteurs de la
coopération policière.
300
301
Chapitre 1 : Les acteurs non juridictionnels
302
A. Le GAFI : Acteur d’impulsion de la coopération judiciaire internationale en
matière de blanchiment
850GAFI [2012], Recommandations du GAFI, Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, [en ligne] [consulté la derniére fois le
26/08/2019], www.fatf-gafi.org/fr.
303
l’on peut souligner que le GAFI constitue un organisme efficace de promotion de la
coopération judiciaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment (1) mais la nature
des textes qu’il édicte en fait un organisme limité (2).
305
des normes internationales d’un pays en étudiant de manière détaillée son système
de lutte contre le blanchiment. Le GAFI a déjà procédé à plusieurs cycles d’évaluation.
Les rapports d’évaluation mutuelle sont des documents publics, publiés sur les sites
internet du GAFI856 et des organismes régionaux. Ces rapports sont examinés par
d’autres pays et organisations internationales souhaitant prendre connaissance des
risques et des mesures prises pour lutter contre le blanchiment par ses pouvoirs
publics et par son secteur financier. Ils sont également étudiés de près par les
représentants du secteur financier pour apprécier les risques liés à d’éventuelles
transactions avec le pays concerné. Ces rapports ont pour effet également d’inciter les
États à se conformer aux normes du GAFI afin de ne pas être perçu comme une
juridiction à haut risque et non coopératif. En effet, le GAFI suit la mise en œuvre de
ses normes dans le monde entier et identifie les juridictions dont les régimes de
LAB/CFT présentent des faiblesses stratégiques. Ce procédé lui permet de travailler
donc avec ces juridictions pour intensifier leurs efforts en vue de remédier aux lacunes
qui ne sont pas encore comblées. En outre, les faiblesses identifiées sont portées à
l’attention du réseau mondial pour qu’une approche axée sur le risque soit appliquée
en ce qui concerne les interactions financières avec ces pays. Ce second objectif a
conduit le GAFI, en 2007, à établir un Groupe dénommé l’International Co-operation
Review Group (ICRG) qui a pour mission d’analyser les juridictions à haut risque et de
recommander des actions spécifiques à prendre pour traiter les risques qu’elles
représentent. Cette structure du GAFI qu’est l’ICRG intervient sur la base des
conclusions des évaluations mutuelles des pays concernés. Un plan d’action est
ensuite élaboré en coopération avec la juridiction en question et un engagement
politique à haut niveau est exigé pour mettre en œuvre
ses actions dans le délai imparti. Le GAFI procède à la publication des noms des
juridictions non coopératives sur son site857. Un procédé qui n’honore pas les États qui
y figurent car donnant l’image d’États en marge de la lutte contre le blanchiment. Le
fait d’être dans la liste des Juridictions à Haut Risque Non Coopératif (JHRNC) place
le pays concerné sous surveillance par les autorités du GAFI conduisant ainsi ces
856 387 évaluations mutuelles sont actuellement disponibles sur le site du GIABA dont celle du Burkina
Faso, État membre de l’UEMOA, [en ligne ], [Consulté la dernière fois le 26/08/2019], http://www.fatf-
gafi.org.
857 Les États à hauts risques et juridictions sous surveillance mentionnés sur le site du GAFI à la date
858 Membre associé du GAFI, Moneyval est un organe permanent de suivi du Conseil de l’Europe, une
organisation internationale pan-européenne qui regroupe 47 pays membres. MONEYVAL relève
directement de son organe principal, le Comité des Minsitres et a pour mission d’évaluer, dans les États
et territoires concernés, la conformité avec les principales normes internationales en matière de lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et d’apprécier l’efficacité de
l’application de ces normes, ainsi que de formuler des recommandations à l’intention des autorités
nationales sur les améliorations nécessaires à leur système respectif.
859 Résolution 1617(2005) adoptee par le Conseil de sécurité à sa 5244e séance le 29 juillet 2005. Le
Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies “ Engage vivement
tous les États membres à appliquer les norms internationals détaillées que constituent les 40
recommandations du GAFI et les neuf recommandations spéciales du GAFI sur le financement du
terrorisme”.
860 Dans le cadre de l’UE ce sont : - Directive 2005/60/CE du parlement européen et du Conseil du 26
octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de
capitaux et du financement du terrorisme ; - directive 2001/97/CE du parlement européen et du conseil
du 04 décembre 2001 modifiant la directive 91/308/CEE du Conseil relative à la prévention de
l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ; - Directive 91/308/CEE du
Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux. Pour l’UEMOA : Directive n° 02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les États membres de l'Union économique
et monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
861Le 9° point de la directive N° 02/2015/CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme dans les États membres de l'Union economique et monetaire Ouest
Africaine (UEMOA) mentionne: « Soucieux de mettre en œuvre les recommandations internationales
relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, notamment celles
découlant de la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1999 pour la répression du financement
du terrorisme, les normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et de la prolifération du Groupe d’Action Financière (GAFI) ainsi que les normes et
307
UEMOA mentionne expressément le souhait des États membres de prendre à leur
compte les normes édictées par le GAFI. Au bénéfice de tous ces éléments, l’on peut
aisément affirmer que le GAFI se présente comme l’organisme mondial par excellence
de la lutte contre le blanchiment. De ce fait, les États membres de l’UEMOA devraient
maintenir la dynamique de respect des normes du GAFI. Ils devraient pour ce faire
tenir compte des limites objectives du GAFI afin de trouver des mécanismes palliatifs.
308
rechercher l’explication dans les ressorts mêmes de l’intégration financière qui incite
les acteurs à se comporter en partenaires fiables d’un système qui les dépasse. Les
États qui sont réticents ont compris qu’ils ont plus à gagner à jouer le jeu du système
pour attirer la confiance des investisseurs qu’à jouer le rôle de « moutons noirs » de la
finance internationale863.
380. La nature des sanctions du GAFI : une faiblesse du GAFI. L’une des
faiblesses du GAFI réside dans son système de représailles contre les États non
conformes qui consiste à demander aux États membres d’appliquer à leur encontre
des contre-mesures. Celles-ci consistent pour les États membres à la mise sous
condition ou restrictions des transactions financières avec ces pays ou territoires non
coopératifs désignés comme tels par le GAFI. Le succès d’un tel mode de sanction est
tributaire de la volonté des États. Or dans la pratique, il est peu probable que les États
acceptent d’appliquer des contre-mesures à l’encontre de pays politiquement proches
tels que l’Egypte avec qui les échanges commerciaux sont bien plus développés
qu’avec les philippines ou les îles Nauru. En général les États préfèrent le dialogue à
la sanction, la coopération technique à la rupture diplomatique. Le mode de décision
au sein du GAFI est également une faiblesse pour l’organisme. En effet, les décisions
se prennent à l’unanimité et l’opposition d’un État membre est un frein à la prise de
décision au sein de l’organisme. C’est ainsi que pendant longtemps, aucune
dépendance de la couronne britannique n’est mentionnée dans la liste des JRHNC.
Pour l’économiste Thierry Godefroy864 l’explication tient premièrement au fait que la
grande Bretagne a fait pression sur le comité exécutif du GAFI pour que les îles anglo-
normandes n’apparaissent pas sur cette liste865. Alors qu’il est de notoriété publique
que 60 % des investissements effectués dans la seule île de jersey reviennent à la city
Bank866. De même, l’auteur soutient que Monaco et le Liechtenstein sont protégés par
la France qui entretient avec eux des rapports financiers étroits. Il en est de même
pour le Luxembourg protégé par les États-Unis parce qu’étant la véritable porte
d’entrée de la finance américaine en Europe. C’est ainsi que par ce jeu trouble de
309
rapports de force, certains États non respectueux des normes du GAFI parviennent à
ne pas figurer sur la liste « Name and shama » ou liste noire des Etats non coopératifs.
B. Le groupe EGMONT
310
pour atteindre les objectifs d’éradication du blanchiment. Il est parvenu ainsi à
construire depuis sa création un réseau international d’échange d’informations d’une
dimension considérable. Les objectifs recherchés par le groupe Egmont incitent les
différentes CRF à intégrer l’organisme en se rendant conforme aux standards de CRF
qu’il a définis.
867 A la date du 14/04/2019, seule la Guinée Bissau parmi les États membres de l’UEMOA n’était pas
inscrite sur la liste des Etats membres du group EGMONT, www.egmontgroup.org/en.
868 Le Burkina Faso a adhéré officiellement au Group Egmont le 03/07/2013, la Côte d’Ivoire le
311
personnel administratif. Elle compte également des correspondants au sein des divers
services de l’État ainsi qu’au niveau des organismes financiers et non financiers. Dans
ses attributions, la CENTIF constitue à la fois une centrale du renseignement financier
et un service d’expertise anti-blanchiment. A cet effet, elle s’est vue confiée deux
missions principales à savoir recueillir et traiter le renseignement financier sur les
circuits de BC/FT871. A ce titre, elle est chargée, notamment de recevoir, d’analyser et
de traiter les renseignements propres à établir l’origine des transactions ou la nature
des opérations faisant l’objet de déclarations de soupçons auxquelles sont astreintes
les personnes assujetties. Elle reçoit également toutes autres informations utiles,
nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment celles communiquées par
les autorités de contrôle ainsi que les officiers de police judicaire, elle peut demander
la communication, par les assujettis ainsi que par toute personne physique ou morale,
d’informations détenues par eux et susceptibles de permettre d’enrichir les
déclarations de soupçons, effectue ou fait réaliser des études périodiques sur
l’évolution des techniques utilisées aux fins de blanchiment de capitaux au niveau du
territoire national. Il convient cependant de préciser que la CENTIF n’est pas un service
d’enquête judiciaire et ne saurait être considérée comme une composante de la police
judiciaire. Ces membres n’ont pas la qualité d’agents ou d’officiers de police judiciaire.
Elle intervient avant toute procédure judiciaire, la rendant ainsi conforme à la définition
de la CRF telle que la conçoit le groupe EGMONT. En outre, lorsque la CENTIF reçoit
une déclaration de soupçon, elle dispose en vertu de l’article 36 de la Lu sur le
blanchiment un droit de communication. Ce droit lui permet de demander à tout
organisme financier ainsi qu’à toute personne physique ou morale communication de
toutes pièces et documents relatifs à une opération ou toute autre information en leur
possession et qui peuvent permettre d’enrichir ladite déclaration. Elle peut également
s’adresser aux officiers de police judiciaire pour obtenir des informations utiles à cette
fin. Il s’agit d’un véritable travail d’investigation qui va permettre à la CENTIF de
comprendre les transactions suspectes qui lui ont été déclarées afin de décider s’il y a
lieu de transmettre le dossier au procureur de la République ou de l’ignorer. Lorsqu’elle
estime qu’il y a lieu de saisir le ministère public, elle décide de manière autonome de
le faire sans s’en référer au ministre chargé des finances qui est son autorité de tutelle.
Elle rédige un rapport à cet effet. Cette autonomie de décision de la CENTIF sur les
matières relevant de sa compétence vise sans doute à lui permettre de faire ses
Elle émet des avis sur la mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de lutte
contre le BC/FT. Á ce titre, elle propose toutes réformes nécessaires au renforcement
de l’efficacité de la LBC/FT.
872 Voir rapport d’activités des CENTIF des États membres relatives à la formation disponible sur les
sites internet de celles-ci.
873 Activités des CENTIF sur la déclaration de soupçon.
874 Le rapport du GIABA de 2014 indique que le dipositif de LBC/FT de ce pays connait de nombreuses
lacunes que sont notamment l’absence d’autorité designée pour la mise en oeuvre effective de
l’obligation de gel prévue par la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies ( CSNU), la
nécessité d’améliorer les cadres réglementaires internes sur l’obligation de vigilance envers la clientèle
(CDD), notamment les clients à haut risque, la déclaration des opérations suspectes (DOS), la tenue
de dossiers, la faiblesse de la repression, la faible capacité des autorités d’enquête et de poursuite
pénale, l’insuffiisance de la supervision et le faible taux de condamnation. Sur l’indice anti-blanchiment,
le pays a été classé 5e pays le plus vulnérable sur 162 pays. Le rapport du GIABA peut être consulté
sur le site du GIABA, www.giaba.org.
313
386. La nature juridique du groupe EGMONT comme limite à son
efficacité. A l’instar du GAFI, le groupe EGMONT ne peut contraindre les CRF des
États membres à coopérer. A ce niveau, les États membres de l’UEMOA devraient se
servir du canal de facilitation de la coopération qu’offre le Group Egmont pour imposer
au moyen de leur législation nationale une obligation d’échanges d’informations à la
demande d’une cellule de renseignement financier d’un Etat non membre. La Lu
impose déjà cette obligation entre États membres de l’UEMOA 875 . Dans un souci
d’efficacité de la coopération judiciaire au sein de l’UEMOA, une réforme de la Lu est
souhaitable pour permettre de prendre en compte cette exigence de coopération avec
les États non membres. Les insuffisances du groupe EGMONT ci-dessus évoqués
existaient au sein du mécanisme de coopération entre les cellules de renseignement
financier instauré par l’UE à travers la Décision 2000/642/JAI 876 . Cette décision a
donné lieu à la création du réseau FIU.NET qui permet un échange sécurisé
d’informations entre les cellules de renseignements. Il a fallu la sagacité de la Cour de
Justice de l’UE pour résoudre ces insuffisances. En effet, dans un arrêt en date du 25
avril 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a donné la portée des obligations
de coopération prévues par la décision de l’UE suscitée. Ainsi dans l’arrêt Jyske Bank,
la Cour reconnaît dans un premier temps que le mécanisme de coopération entre les
cellules de renseignement financier instauré par la décision 2000/642 prévoit
d’importantes dérogations à l’obligation de la CRF requise de transmettre à la CRF
requérante les informations demandées 877 et parce que la Décision 2000/642/JAI
suscitée ne prévoit pas de délai de transmission des informations par la CRF requise,
ni de sanctions en cas d’inexécution ou de refus injustifié878. Sur ce fondement, la Cour
juge qu’« une réglementation d’un État membre d’accueil (…) satisfait à l’exigence de
proportionnalité dans la mesure où elle n’exige des établissements de crédit se
trouvant dans un autre État membre, de transmettre, en ce qui concerne les opérations
réalisées en libre prestation de services, les informations nécessaires pour la lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme directement à la
875 L’article 76 de la Lu dispose que “ la CENTIF est tenue de: 1. Communiquer, à la demande dûment
motivée d’une CENTIF d’un État membre de l’UEMOA, dans le cadre d’une enquête, toutes informations
et données relatives aux investigations entreprises à la suite d’une declaration de soupçon au niveau
national ; 2. Transmettre les rapports périodiques (trimestriels et annuels) détaillés sur ses activités à la
BCEAO. Les CENTIF mettent en place un mécanisme de coopération et de partage de bonnes
pratiques entre elles”.
876 Décision du Conseil, 17 oct. 2000, relative aux modalités de coopération entre les cellules de
renseignement financier des États membres en ce qui concerne l’échange d’informations, JOCE, nº
L.271, 24 oct. p. 4.
877 CJUE, 25 avr. 2013, Jyske Bank Gibraltar Ltd c/Administration del Estato, pt 74.
878 CJUE, 25 avr. 2013, Jyske Bank Gibraltar Ltd c/Administration del Estato, pt 76.
314
CRF de l’État d’accueil qu’en l’absence de mécanismes efficaces garantissant une
coopération pleine et entière des CRF et permettant de lutter de manière tout aussi
efficace contre le blanchiment des capitaux »879. La Cour justifie ainsi une dérogation
à la libre prestation de service en se fondant sur l’efficacité de la lutte contre le
blanchiment d’argent qui constitue une priorité pour l’UE. Dans la même dynamique
que la Cour, un auteur880 propose que les registres centraux de bénéficiaires effectifs
tenus par les autorités nationales puissent être mis à la disposition des cellules de
renseignement financier des autres États membres afin de faciliter la coopération
européenne en matière de lutte contre le blanchiment. Il prend pour exemple la
Directive nº 2012/17/EU sur l’interconnexion des registres commerciaux 881 qui
préconise la création d’un registre européen du commerce. Ce registre rendrait
accessible en ligne les informations relatives aux sociétés commerciales enregistrées
dans les différents États membres. Cela offrirait aux entités soumises à obligation un
accès direct aux registres des bénéficiaires effectifs de tous les États membres. Il
suggère qu’une approche semblable pourrait être retenue en matière de lutte contre
le blanchiment afin d’aboutir à la création d’un registre européen de bénéficiaires
effectifs. Dans l’espace UEMOA, la création d’un registre du genre serait souhaitable.
879 CJUE, 25 avr. 2013, Jyske Bank Gibraltar Ltd c/Administration del Estato, pt 81.
880 MET-DOMESTICI A., « L’action de l’Union européenne dans la lutte contre le crime économique »,
Revue de l’Union européenne 2015, p. 217.
881 Directive. nº 2012/17/EU du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’interconnexion
des registres centraux, du commerce et des sociétés, JOUE, Nº L. 156 16 juin 2012, 1.
882 Décision A/Dec./12/99 du 10 décembre 1999.
315
régional de type GAFI (ORTG)883 par le GAFI. Il fonctionne par le truchement de quatre
organismes constitués d’un comité ministériel comprenant les trois (03) ministres
chargés des finances, de la justice et de l’intérieur/sécurité de chaque État membre.
Le secrétariat du GIABA se trouve à Dakar au Sénégal, la commission technique
d’experts provient des ministères des États membres. Il existe également un réseau
de correspondants nationaux. Par le truchement de son mandat, le GIABA apparaît
comme un organe de veille de la coopération judiciaire en matière de blanchiment en
Afrique de l’Ouest (A) mais à l’instar des organismes regionnaux de type GAFI, le
GIABA connaît des limites dans sa mission de renforcement de la coopération
judiciaire au sein des Etats membres (B).
883 Les ORTG sont au nombre de 9 et jouent un rôle essentiel pour s’assurer que leurs États membres
mettent en ouevre les Recommandations du GAFI. Les 9 ORTG sont le groupe Asie/Pacifique sur le
blanchiment de capitaux (GAP), le Groupe anti-blanchiment en Afrique Orientale et Australe (GABAOA),
le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme( MONEYVAL), le Groupe d’action financière des Caraïbes (GAFIC), le
Groupe d’action financiére du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord (GAFIMOAN), le Groupe d’action
financière d’Amérique Latine (GAFILAT), le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment
d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), le Groupe Eurasie (EAG) et le Groupe d’action financière
(GAFI).
316
coopération judiciaire. En effet, le premier axe d’intervention permet au GIABA
d’identifier avec le concours des États membres des domaines prioritaires d’assistance
technique. Les principaux domaines identifiés varient d’un État membre à un autre.
Ainsi pour l’année 2017, le Burkina Faso a identifié les domaines de la formation pour
la CENTIF, la justice, les EPNFD et la formation à la coopération judiciaire884 tandis
que la Guinée Bissau885 a identifié comme domaines prioritaires la formation pour la
CENTIF, les institutions de supervision et de réglementation et les institutions
financières. L’assistance que fournie le GIABA permet aux instituions des États
membres bénéficiaires de renforcer leurs capacités dans le sens du respect des
normes du GAFI. Ainsi l’assitance technique apportée par le GIABA au Burkina Faso
à travers la formation du personnel judiciaire vise à outiller les magistrats burkinabè
en vue d’une meilleure coopération avec les magistrats des autres États membres. De
même, la CENTIF du Burkina Faso pourrait à l’issu de la formation améliorer sa
coopération avec les autres CENTIFs ou avec des CRF étrangères.
884 Lire GIABA, rapport annuel 2017, p. 19 [en ligne], [consulté la dernière fois le 26/08/2019], www.
Giaba.org.
885 Idem, p. 27.
886 Infra § 870.
887 Ibidem, p. 65.
317
contenues dans leurs rapports d’évaluation Mutuelle (REM) pour remédier aux
faiblesses ainsi identifiées dans leur régime de LBC/FT. Dans le cadre du processus
de suivi, les pays évalués sont tenus de fournir un rapport sur les progrès qu’ils ont
réalisés pour remediér aux déficiences identifiées dans leurs systèmes de LBC/FT.
Avec le processus de suivi, le GIABA assure un suivi régulier des progrès réalisés par
les États membres des recommandations du GAFI et le cas contraire, à prendre des
mesures à l’encontre de tout pays qui ne parvient pas à combler les lacunes identifiées
dans son dispositif de LBC/FT. Ainsi, un État membre peut respectueux de la
recommandation 36 du GIABA relative à la coopération judiciaire pourrait être declarée
non conforme ou partiellement conforme à cette recommandation et invité par
conséquent à s’y conformer.
giaba.org.
318
392. Les sanctions administratives peu dissuasives vis-à-vis des États.
Les objectifs assignés au GIABA lui permettent de : « Protéger les économies
nationales et le système financier de ses États membres contre les produits de la
criminalité ; améliorer et intensifier la lutte contre le blanchiment des produits du crime ;
combattre le financement du terrorisme ; renforcer la coopération entre ses États
membres. » 891 . Pour atteindre ses objectifs, le GIABA procède par l’assistance
technique aux États membres et par le mécanisme des évaluations mutuelles892. La
préoccupation qui se pose est celle de savoir si le GIABA dispose de moyens de
contraintes juridiques à l’encontre des États qui ne prennent pas en compte les
recommandations formulées suite aux rapports d’évaluations mutuelles. Le statut du
GIABA repond à cette préoccupation car elle dispose que lorsqu’un État membre
manque à ses obligations de conformité aux normes internationales, il peut écoper de
sanctions allant de la suspension à la radiation du GIABA893. Ainsi tout État défaillant
peut être suspendu de toutes les formes d’assistance technique et financière et du
droit de vote. Il peut perdre également le recrutement de ses citoyens aux postes
internationaux au sein du secrétariat administratif du GIABA. En cas de persistance
dans son manquement aux recommandations du GIABA, l’État concerné peut être
exclu du groupe. Ainsi les statuts du GIABA prévoient des sanctions adminitratives à
l’encontre des États peu respectueux des recommandations formulées par les experts
du GIABA. Une autre préoccupation se déduit de la réponse du GIABA à savoir l’effet
dissuasif de ces sanctions. Sans doute, l’exclusion d’un État membre du GIABA est
une mauvaise plublicité pour cet État qui pourrait figurer plus tard parmi les JHRNC du
GAFI. A priori ces sanctions en apparence contraignantes pour les États le sont moins
dans la pratique. Elles ne dissuadent pas véritablement les États. Dans son rapport
2017, le GIABA évoque l’attitude de l’État togolais vis à vis des recommandations du
GIABA traduisant ainsi l’impuissance de l’organisme face aux États qui ne respectent
pas leurs devoirs de conformité aux normes du blanchiment et qui n’honorent pas leurs
engagements de prendre en compte les engagements du GIABA. Dans le cas
d’espèce, le rapport indique que nonobstant une mission de haut niveau de
sensibilisation sur la necessité de renforcer le cadre juridique du pays en matière de
LBC/FT, « Aucun progrès n’a été accompli en ce qui concerne les lacunes identifiées
891 Article 2 du statut revisé du GIABA, [en ligne], [consulté la dernière fois le 26/08/2019],
www.giaba.org.
892 V. supra 390.
893 Article 6 du statut du GIABA.
319
dans les recommandtions R5, RS. II et RS.III. Les projets de loi élaborées depuis
octobre 2013 sont encore à l’état d’ébauche et le pays n’a pas encore intégré la
nouvelle directive de l’UEMOA sur la LBC/FT, la directive nº02/CM/UEMOA du 02
juillet 2015 ».894 Le rapport clonclu sur ce point en ces termes : « Malgré le maintien
du Togo dans le dispositif de suivi renforcé et les missisons de plaidoyer entreprises
par le GIABA, le pays n’a pas encore promulgué les lois necessaires. » 895 .
Manifestement, les sanctions prèvues à l’article 5 du statut ne sont pas dissuasives
pour les États.
L’éradication de ces fléaux a été mise en avant comme l’un des huit domaines
prioritaires d’action de la Déclaration de Bamako sur l’impunité, la justice et les droits
de l’homme et son cadre stratégique. En effet, dans le cadre du 10e anniversaire du
Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne Gouvernance896, il s’est tenu
à Bamako du 02 au 04 décembre 2011, une conférence régionale sur l’impunité, la
justice et les droits de l’homme. L’objectif de la conférence était de soutenir les efforts
de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et des
pays de la sous-région à promouvoir la justice et les droits de l’homme et à lutter contre
l’impunité. Elle a permis aux participants d’adopter ce qu’il convient d’appeler « la
déclaration de Bamako »897. Au nombre des principales recommandations issues de
ladite Déclaration, figurent entre autres : - l’état des lieux des ratifications et de
l’application des conventions régionales d’entraide judiciaire et d’extradition ; - la
promotion des réseaux d’entraide judiciaire liant les magistrats de différents États ; -
898Infra 396.
899Les États du Burkina Faso, du Mali, du Niger connaissent en 2019 des attentats djihadistes
occasionnant de nombreuses pertes en vies humaines auusi bien parmi les populations civiles que
parmi les forces de défenses et de sécurité de ces États.
321
de l’économie pastorale traditionnelle, la corruption et la présence d’armes. C’est
pourquoi, l'appui au renforcement des capacités des pays de la région pour faire face
aux défis liés au terrorisme, à la criminalité organisée au Sahel est plus que nécessaire
afin d’assurer la sécurité et partant le développement des États concernés.
322
matériel élargi. Ainsi, ils peuvent être mis à contribution par les acteurs physiques
quelque soit l’infraction en cause.
1. Le réseau WACAP
900Conférence régionale sur l’impunité, la Justice et les droits de l’homme, Déclaration de Bamako du
04 décembre 2011, [en ligne], [consulté la dernière fois le 14/04/2019], www.unowa.unmissions.org.
323
Les missions assignées au WACAP font de lui un outil efficace de la coopération
judiciaire dans l’espace UEMOA (a) mais il reste handicapé par son caractère informel
(b).
901 L’ex-président de la Gambie, Yaya JAMMEH vit en exil actuellement en Guinée Equatoriale après
avoir été obligé (par la CEDEAO) de quitter le pouvoir suites à des elections contestées.
902 L’article 18 § 12 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée,
dite de Palerme du 15 déc. 2000, JO L 261 du 6 Aoùt 2004, p. 70-115 dispose que « chaque État Partie
désigne une autorité centrale qui a la responsabilité et le pouvoir de recevoir les demandes d’entraide
judiciaire et, soit de les exécuter, soit de les transmettre aux autorités compétentes pour exécution… »
326
désignation de l’autorité centrale n’est pas respectée dans certains États et dans
d’autres États bien que désignée, elle n’a pas nécessairement la structure ou les
ressources lui permettant de jouer effectivement son rôle de coordination et d’assurer
sa fonction de conseil. Grâce au WACAP, non seulement l’autorité centrale est
désignée mais l’un des points focaux du réseau WACAP émane de cette autorité
centrale. Celui-ci étant bien formé grâce au programme formation du WACAP est
mieux aguerri pour traiter les demandes d’entraide. Il arrive aisément à examiner les
demandes qu’il est chargé de transmettre, veiller à ce que celles-ci soient présentées
à l’État requis sous une forme utilisable et qu’elles contiennent tous les
renseignements nécessaires pour permettre leur exécution dans l’État étranger. S’il
l’estime nécessaire, il peut également trier les demandes afin que celles qui sont les
plus urgentes ou les plus importantes soient transmises dans les meilleurs délais.
Aussi, le WACAP a-t-il pu permettre de surmonter plusieurs autres obstacles qui
freinaient depuis longtemps certains cas d'extradition grâce au contact direct entre les
membres.
a. Objectifs et fonctionnement
904 SAWADOGO T., Directeur des affaires pénales et du sceau du ministère de la Justice du Burkina
Faso, La contribution de la PCJP dans l’amélioration de la coopération judiciaire au sein de l’espace
UEMOA, [Entretien], Ouagadougou, le 02 mars 2017.
905 Radio France Internationale (RFI), « Burkina Faso : une gendarmerie attaquée près de la frontière
Dans le domaine du renforcement des capacités des différents acteurs impliqués dans
la coopération judiciaire, des outils sur mesure ont été conçus à l’usage des praticiens
pour les aider à tirer partie des mécanismes de coopération internationale en matière
pénale.
907 Pour en savoir advantage lire, Trafic de bébés : une Burkinabè arretée à Cotonou, [en ligne], publié
le 21 juillet 2014, [consulté le 18 septembre 2019], netafrique.net.
908 Loi n° 004-2015 CNT du 03 mars 2015, portant prévention et répression de la corruption au Burkina
Faso.
331
407. La génèse de la création du réseau ARIN-WA. A l’instar des États
des autres régions du monde, l’Afrique de l’Ouest est en proie aux nombreuses
infractions sous-jacente à l’infraction de blanchiment que sont les diverses formes de
trafics et la corruption. Les résultats des efforts déployés pour atténuer ces
phénomènes criminels, notamment en termes de condamnations et de recouvrement
des avoirs blanchis sont très limités. En cause, l’inefficacité des systèmes ouest-
africains de saisie, de confiscation, et de gestion des produits blanchis des activités
criminelles. En effet, ces systèmes sont compromis par un certain nombre de facteurs
comme le déficit de capacités opérationnelles et de la coordination entre organisations,
l’insuffisance ou l’inexistence de l’enregistrement des données, etc. Autre cause de
l’insuffisance des résultats dans la lutte contre le phénomène criminel, la sophistication
grandissante des réseaux criminels, et des ressources humaines et financières
insuffisantes. Pour répondre à ces défis et pour offrir une réponse efficace en matière
d'enquêtes et de coopération régionale, le Programme mondial contre le blanchiment
d'argent, le financement du terrorisme et le produit du crime de l'ONUDC (GPML) a
tenu du 24 au 27 Novembre 2014, à Accra au Ghana, un atelier régional lors duquel a
été créé le Réseau Inter-Agences en matière de recouvrement des avoirs pour
l'Afrique de l'Ouest (ARIN-WA). Lors de la réunion, les participants ont eu l'opportunité
de partager des exemples de bonnes pratiques concernant la coordination nationale
ainsi que l'identification, la saisie, la confiscation et la gestion des avoirs criminels. Les
débats se sont concentrés sur la problématique de la coordination nationale en vue
d'améliorer l'efficacité de la gestion des avoirs saisis et confisqués. Lors des
discussions de groupe, les participants ont identifié une série de recommandations
visant à améliorer l'efficacité des mécanismes de coordination, tant au niveau régional
que national, avec un éclairage particulier sur le rôle des points focaux du réseau
ARIN-WA ainsi que sur l'interaction avec d'autres réseaux existants. Il convient de
noter que cette réunion fait suite à une étude de faisabilité conduite en 2013 et le suivi
réalisé lors du premier atelier régional sur les saisies, confiscations et gestion des
avoirs du crime organisé au Sénégal en mars 2014. A l'issue de la réunion, le
règlement du réseau ARIN-WA a été approuvé et la présidence a été confiée au Ghana
et le secrétariat à la Côte d'Ivoire.
332
réseau CARIN (Camden Asset Recovery Interagency Network)909 créé en Septembre
2004 par l'ONUDC et regroupant essentiellement les Etats Européens, le Réseau de
Recouvrement des Avoirs en Afrique Australe (ARINSA) 910 , le Réseau de
recouvrement des avoirs appelé Red de la Récupération de Activos de GAFISUD
(RRAG)911, le Réseau ARIN d’Asie-Pacifique (ARIN-A)912. Il convient de relever que la
création des réseaux ARIN répond à une approche orientée vers le recouvrement des
avoirs criminels à travers un encouragement des acteurs judiciaires et policiers à se
concentrer sur la recherche de ces profits générés par les activités illégales. Une
approche insufflée à travers le Programme global contre le blanchiment d'argent, les
recettes du crime et le financement du terrorisme, qui fut créé en 1997 en réponse au
mandat attribué à l'ONUDC par la Convention des Nations unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. L'unité d'application de la loi,
de la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment d'argent de l'ONUDC,
responsable du Programme global contre le blanchiment d'argent, les recettes du
crime et le financement du terrorisme a vu son mandat renforcé en 1998 par la
déclaration politique et les mesures de lutte contre le blanchiment d'argent adoptées
par l'Assemblée générale lors de sa vingtième session spéciale, qui étendit ce mandat
à toutes les formes de criminalité grave, et non plus seulement les infractions liées à
la drogue. L'objectif élargi du Programme global est de renforcer la capacité des États
membres à mettre en œuvre des mesures contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme, et de les assister dans la détection, la saisie et la
confiscation des recettes illicites, comme le requièrent les instruments des Nations
Unies ainsi que d'autres standards internationalement reconnus, en leur fournissant,
sur demande, une assistance technique pertinente et appropriée. Les objectifs fixés
au réseau ARIN-WA fait de lui un outil efficace de la coopération judiciaire en matière
de blanchiment (1) mais un outil qui connaît des insuffisances pouvant impacter
négativement sur son efficacité dans la lutte contre le blanchiment (2).
909 Les membres actuels du CARIN sont l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la République
tchèque, le Danemark, l’Estonie, la France, l’Allemagne, Gibraltar, la Grèce, Guernesey, la Hongrie,
l’Irlande, l’Ile de Man, l’Italie, Jersey, la Lettonie, le Liechtentein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte,
l’Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis.
910 Les pays actuellement membres du réseau ARINSA sont le Bostwana, le Lesotho, le Malawi, l’Ile
913 Discours de Kadiatou Sangaré-Ly, Agent Judiciaire du Trésor public ivoirien à l’occasion de
l’ouverture à Abidjan le 29 Novembre de la troisième Assemblée Générale du Réseau inter-agences de
recouvrement des avoirs en Afrique de l’Ouest (ARINWA) lors d’une rencontre régionale sur le
recouvrement des avoirs criminels.
334
2. Un outil de coopération perfectible
915 Article 1er : « chaque État met en place ou désigne un bureau national de recouvrement des avoirs
aux fins de faciliter le dépistage et l’identifiaction des produits du crime et des autres biens en rapport
avec le crime… »
916 Article 2 : « Les États membres veillent à ce que leurs bureaux de recouvrement des avoirs coopèrent
les uns avec les autres aux fins énoncées à l’article 1 paragraphe 1, en échangeant des informations et
des bonnes pratiques, sur demande ou de manière spontanée ».
917 Á propos des besoins de centralisation des procédures de coopération judiciaire, v. not. N.L.C.
THWAITES, « Eurojust: autre brique dans l’edifice de la coopération judiciaire en matière pénale ou
solide mortier ? » RSC, janv. /mars 2003, p. 45 et s. spéc. p. 48.
336
1. L’ineffectivité de la désignation d’une autorité centrale dans tous les Etats
membres
337
l’autorité centrale une obligation 918 . Eu égard à l’importance de son rôle dans la
procédure de la coopération judiciaire, le traité type d’entraide judiciaire en matière
pénale des Nations Unies 919 et la Convention sur les stupéfiants contiennent une
disposition prévoyant l’instauration d’une ou plusieurs autorités centrales désignées
pour recevoir et transmettre les demandes d’entraide.
Dans le cadre d’un processus d’intégration très avancé, l’on pourrait croire que les
autorités centrales sont plutôt indésirables eu égard à la judiciarisation des procédures
qui encourage la communication d’autorités judiciaires à autorités judiciaires. Mais
cette perception est erronée dans la mesure où les autorités centrales jouent un rôle
d’« appui pratique et administratif »920. C’est ainsi qu’en France par exemple, la mise
en œuvre du MAE fait intervenir la direction des affaires criminelles et des grâces pour
une diffusion dans le système d’Information Schengen (SIS), ou encore le Bureau
national Interpol pour une diffusion via Interpol. En somme, même dans un système
intégré, la création des autorités centrales est nécessaire du point de vue administratif.
918 Le traité-type d’entraide judiciaire en matière pénale prévoit en son article 3 que « chaque partie
désignera et indiquera à l’autre partie une autorité ou des autorités centrales par l’intermediaire de qui
seront faites ou reçues les demandes d’entraide judiciaireaux fins du présent traité ».
919 Le traité-type d’entraide judiciaire en matière pénale a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU
dans sa résolution 45/117 du 14 décembre 1990 puis modifiée par elle dans sa résolution 53/112 du
9/12/1998, [en ligne], [consulté la derniére fois le 27/08/2019], www.unodc.org.
920 Article 7 de la decision-cadre sur le MAE.
921 Au Burkina Faso, la direction des affaires pénales et du sceau (DAPS) est désignée comme autorité
centrale.
338
la procédure législative qui est lourde, onéreuse et stricte. Le défi au niveau des États
membres de l’UEMOA reste non seulement la formation des fonctionnaires désignés
pour jouer le rôle d’autorités centrales mais également leur dotation en moyens
matériels adéquats et suffisants pour jouer leur rôle.
339
d’investigation spécialisés avec 50 enquêteurs et d’une brigade de lutte contre la
criminalité transfrontalière922. D’autres Etats n’en disposent pas encore, il en est ainsi
de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Bénin, du Sénégal et de la Guinnée Bissau923. Le
Burkina Faso a entrepris des reformes dans leurs organisations judiciaires afin
d’intégrer un pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre la CTO. Le législateur
burkinabè a adopté le 19 janvier 2017 une loi portant création, organisation et
fonctionnement des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions
économiques et financières et la criminalité organisée 924 . Contrairement au pôle
spécialisé du Mali qui connaît à la fois des infractions financière et économiques et
des infractions de terrorisme, celui du Burkina est dédié spécialement à la délinquance
financière et économique. Un autre pôle dédié à la lutte contre le terrorisme a été crée
par le législateur burkinabè à travers la loi portant création, organisation, et
fonctionnement d’un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de
terrorisme 925 . Dans les deux cas, il existe un intermédiaire pour la coopération
judiciaire dans le domaine du blanchiment.
La mise en place des pôles spécialisés a un double intérêt dans la lutte contre le
blanchiment des capitaux. Elle permet dans un premier temps de relever le défi de la
célérité dans le traitement des dossiers liés au blanchiment. En effet, le pôle judiciaire
spécialisé permettra de renforcer les capacités globales de la justice, le
professionnalisme des personnels judiciaires. Les magistrats affectés dans ces pôles
n’auront d’autres tâches que le traitement de ces dossiers. En outre, ils seront formés
dans le traitement de ce type de dossier.
922 Dans son bilan de l’année 2017, le procureur du pôle judiciaire specialisé du Mali dit avoir reçu au
cours de la période allant de janvier à Octobre 79 Procés Verbaux d’affaires criminelles entrant dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent, le traffic international de drogue.
923 L’Etat sénégalais dispose de la Cour de Repression de l’enrichissement Illicite (CREI) crée par la Loi
nº 81-54 du 10 juillet 1981, JORS, nº 716 du 24 juillet 1981. La CREI est compétente pour connaitre
des infractions d’enrichissement illicite, de tout délit de corruption ou de recel connexe. Sa compétence
étant limitée à l’enrichissement illicite, elle ne peut connaitre des faits de blanchiment qui relève de la
compétence des juridictions de droit commun.
924 Loi nº 005-2017/AN du 19 janvier 2017 portant création, organisation et fonctionnement des pôles
judiciaire spécialisé dans la repression des actes de terrorisme. La loi peut être téléchargée sur le site
www.justice.gov.bf.
340
maillon important dans la mise en place à l’échelle communautaire de l’organe de
coordination de la coopération judiciaire. Il appartiendra aux instances
communautaires de prendre les dispositions qui s’imposent pour faire de la création
de ces pôles judiciaires spécialisés une obligation pour tous les États membres.
926 Elle a été adoptée par decret prise en Conseil des ministres conformément à la loi nº 2016-21 du 16
juin 2016 modifiant et complétant la loi nº 33 du 14 Aout 1961, portant institution d’un code de procédure
pénale.
341
matière pénale927. Elle est dirigée par un magistrat de l’ordre judiciaire et composée
de 11 agents provenant des ministères de la Justice, de l’Intérieur et du Budget. Elle
a pour rôle d’améliorer le traitement judiciaire des saisies et des confiscations en
matière pénale. A ce titre, elle a principalement pour mission l’appui conseil, l’aide et
l’orientation des magistrats en matière de saisies et de confiscations 928 . En outre,
l’AGRASC centralise les saisies telles les numéraires, les comptes bancaires,
d’immeubles, etc. Dans les articles 706-159 à 706-164 du code de procédure pénale
relatifs à l’AGRASC, le législateur français veille à ce que l’Agence centralise de très
nombreuses saisies et qu’elle s’assure tant de la bonne gestion de ces biens saisis
que, une fois ces biens confisqués par décision définitive, du versement du produit de
leur vente au budget général de l’État ou, dans le cas de condamnation pour infractions
à la législation sur les stupéfiants, au fonds de concours «stupéfiants » géré par la
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). La
mission de l’Agence se décline dans les objectifs suivants :
- Assurer la gestion centralisée, sur un compte qu’elle a ouvert à la caisse de
dépôt et consignations, de toutes les sommes saisies lors de procédures
pénales en France ;
- Procéder à l’ensemble des ventes avant jugement de biens meubles saisis,
décidées par les magistrats lorsque ces biens meubles ne sont plus utiles à la
manifestation de la vérité et qu’ils sont susceptibles de dépréciation. La somme
obtenue de la vente est consignée sur le compte tenu à la CDC de l’agence, et
est restituée au propriétaire du bien si celui-ci bénéficie d’un acquittement, d’un
non-lieu ou d’une relaxe ou si le bien ne lui est pas confisqué929 ;
- Procéder à l’ensemble des publications, auprès des bureaux de conservation
des hypothèques, des saisies pénales immobilières930, de la publication des
confiscations immobilières prononcées par les juridictions931 ;
- Gérer, sur mandat de justice, tous les biens complexes qui lui sont confiés, c’est
à dire tous les biens qui nécessitent, pour leur conservation ou leur valorisation,
927 Loi nº 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, JORF
nº 0158 du 10 juillet 2010, p. 12753.
928 Article 706-161 al. 1 du Code de procédure pénale.
929 Article 41-5, 99-2 et 706-160 4º du CPP.
930 Article 706-151 du CPP.
931 Article 701 du CPP.
342
des actes d’administration932. Procéder à l’aliénation ou à la destruction des
biens qu’elle a géré si la juridiction compétente décide de leur confiscation933 ;
- Assurer la gestion des biens saisis, de procéder à leur vente et à la répartition
de son produit en exécution de toute demande d’entraide internationale ou de
coopération émanant d’une autorité judiciaire étrangère 934 . En vue de lui
permettre d’accomplir cette tâche, elle a été désignée comme bureau de
recouvrement des avoirs conformément aux prescriptions de la décision du
conseil de l’Union européenne nº 2007/845/JAI du 06 décembre 2007 relative
à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États
membres en matière de dépistage et d’identification des produits du crime ou
des autres biens en rapport avec le crime935 ;
- Veiller le cas échéant, à l’information préalable des créanciers (créanciers publics ou
victimes) avant exécution de toute décision judiciaire de restitution 936 et à
l’indemnisation prioritaire des parties civiles sur les biens confisqués à la personne
condamnée937.
nationaux de recouvrement des avoirs (article premier) et de l’obligation de coopération entre eux
(article 2).
936 Article 706-161 al. 4 du CPP.
937 Article 706-164 du CPP.
343
de création d’EUROJUST. L’expérience d’EUROJUST (1) peut servir d’étape pour les
États membres de l’UEMOA vers la mise en place d’un organe intégré de poursuite
dans la lutte contre le blanchiment à l’image du parquet européen (2) en gestation au
sein de l’UE.
938 Conseil européen de Tampere, les 15 et 16 octobre 1999, conclusions de la présidence, [en ligne],
[consulté la dernière fois le 12/03/2019], http://www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr.htm.
939 Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust et modifiant
la décision 2002/187/JAI instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de
criminalité, JOUE L 138/14 du 04/06/2009.
940 Considérant 1, idem.
941 Considérant 2, ibid.
344
l'analyse effectuée par Europol942. Il a compétence dans les 28 Etats membres de
l’UE et intervient lorsque les crimes commis impliquent au moins deux États
membres de l’Union européenne, ou un État membre et des pays tiers. Les
missions assignées à Eurojust s’articulent autour de trois grands axes. Le premier
axe porte sur la promotion et l’amélioration de la coordination des enquêtes et des
poursuites ente les autorités compétentes des États membres. Le deuxième axe
concerne l’amélioration de la coopération entre les autorités judiciaires des États
membres en facilitant notamment la mise en œuvre de l’entraide judiciaire
internationale et l’exécution des demandes d’extradition. Enfin, le troisième axe
porte sur le soutien à apporter aux autorités nationales des États membres afin de
renforcer l’efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites. Eurojust apparait
ainsi comme une courroie de transmission entre les autorités répressives
nationales. Ce faisant, elle facilite l’exécution des demandes de coopération en
évitant certains blocages pratiques susceptibles de se poser. Pour atteindre ses
objectifs, EUROJUST est amené à coopérer étroitement avec le Réseau judiciaire
européen en matière pénale (RJE) 943 afin, notamment, de simplifier l'exécution
des commissions rogatoires. La création d’un organe semblable à EUROJUST
dans l’espace UEMOA se justifie amplement.
942 Règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif à l'Agence
de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et remplaçant et abrogeant
les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI,
JOUE, L 135/53 du 24/05/2016.
943 Décision 2008/976/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 concernant le Réseau judiciaire européen,
http://eurojust.europa.eu.
345
réel lors des journées d’opération communes facilitant ainsi la coordination et le suivi
immédiat des saisies, arrestations, perquisitions de domiciles ou de locaux
d’entreprises, décisions de gel et interrogatoires de témoins.
S’agissant du réseau faisant appel aux magistrats de liaison, il a été mis en place à
l’initiative de la France puis enteriné au sein de l’UE à travers une Action commune en
date du 22 avril 1996948, adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur
l'Union européenne. L’Action commune « créé un cadre pour l'envoi ou l'échange de
traité sur l'Union européenne, concernant un cadre d'échange de magistrats de liaison visant à
l'amélioration de la coopération judiciaire entre les États membres de l'Union européenne, JOCE, L
105/001-003 du 24.04.1996.
346
magistrats ou de fonctionnaires particulièrement experts en procédures de coopération
judiciaire, dénommés « magistrats de liaison » entre États membres, sur la base
d'arrangements bilatéraux ou multilatéraux » 949 . L’objectif visé par la création du
réseau d'échange de magistrats de liaison est l’accroissement de la rapidité et de
l'efficacité de la coopération judiciaire ainsi que la création d’un cadre d’échanges
d'informations sur les systèmes juridiques et judiciaires des États membres et leur
fonctionnement950. Les magistrats jouent un rôle important dans l’amélioration de la
coopération. En matière pénale, ils tendent à faire disparaitre les malentendus créés
par les différences réelles ou supposées entre les systèmes judiciaires dans le
domaine propre à la coopération judiciaire bilatérale. Ils sont de véritables facilitateurs
juridiques entre des systèmes différents, en étant consultés par les autorités judiciaires
de leurs pays d’accueils et en facilitant les procédures951.
949 Article 1 paragraphe 1de l’Action commune du 22 avril 1996 concernant les magistrats de liaison.
950 Article 1 paragraphe 3 idem.
951JAOUAD I.Q., « La coopération judiciaire euro-marocaine : Le magistrat de liaison », L’année du
Maghreb, IX, 2013, 251-261CNRS éditions, p. 251-261, [en ligne], [consulté la derniè fois le 12-03-
2019].
952 Décision 2008/976/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 concernant le Réseau judiciaire européen,
Enfin, l’une des raisons justifiant la duplication d’EUROJUST dans l’espace UEMOA
est relative au niveau d’intégration des États membres de l’UEMOA qui s’approche de
celle des États membres de l’UE. Un niveau d’intégration favorable à la naissance d’un
parquet européen.
348
heureuses pour un renforcement des instruments de la coopération judiciaire au sein
de l’UEMOA.
Les craintes relatives à la création d’un parquet communautaire ont également existé
en Europe. Les réticences de certains États membres de l’UE tiennent pour la plupart,
dans la crainte de céder certaines prérogatives nationales à l'Union européenne. Ils
considèrent que permettre à une instance européenne d'agir directement dans le
champ juridique national constitue un pas conséquent vers une Europe plus fédérale
contraire à leur vision de l’intégration européenne. Ainsi l’idée d’un parquet européen
né en 1996 n’a été concrétisée que vingt ans plus tard soit en 2017. Vingt (20) États
membres de l’UE953 ont convenu par le biais de la coopération renforcée d’adopter la
création d’un parquet européen. « L'objectif du Parquet est de contribuer au
renforcement de la protection des intérêts financiers de l'Union et à la poursuite du
développement de l'espace de justice, tout en respectant l'ensemble des droits
fondamentaux consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne. Plus spécifiquement, elle vise à mettre en place un système européen
cohérent pour l'instruction et la poursuite des infractions »954.
Le règlement du Conseil qui crée la Parquet européen955 prévoit qu’il sera un organe
de l’UE 956 doté de la personnalité juridique 957 avec des compétences judiciaires
propres. Il aura pour mission de diriger des enquêtes et mener des poursuites pénales
contre la fraude aux intérêts financiers de l'UE958. Il exercera l'action publique devant
les juridictions des États membres, c’est-à-dire qu'il pourra engager des poursuites
directement au niveau national puisque le règlement ne prévoit pas la création d'un
tribunal européen. Le Parquet européen sera organisé à deux niveaux : un niveau
centralisé avec les procureurs européens organisés en collège et en chambres
permanentes, et un niveau décentralisé avec les procureurs européens délégués, qui
953 L’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, l'Estonie, la Finlande,
la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Portugal, la
Roumanie, la Slovaquie, l'Espagne et la Slovénie.
954 MANACORDA S., « Le droit pénal de l'Union à l'heure de la Charte et du Parquet européen », RSC,
2013, p.927.
955 Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération
en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de
l’Union qui sont prévues par la directive (UE) 2017/1371 et déterminées par le présent règlement. A cet
égard, le Parquet européen diligente des enquêtes, effectue des actes de poursuite et exerce l’action
publique devant les juridictions compétentes des États membres jusqu’à ce que l’affaire ait été
définitivement jugée. »
349
exerceront dans leurs pays respectifs959. Au sein du Parquet, chaque État membre
disposera d'un procureur européen, choisi par le Conseil européen parmi trois
candidatures soumises par chaque État membre. Le Procureur assurera la
surveillance des enquêtes et des poursuites dont les procureurs européens délégués
sont responsables. Il représentera l'intérêt général de la société civile européenne et
pourra donc engager des poursuites au niveau national.
959 Article 8 du Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une
coopération renforcée concernant la création du Parquet européen op. cit.
960 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (version consolidée) du 13 décembre 2007,
351
352
Chapitre 2 : Les acteurs juridictionnels
961 V. CJCE, arrêt du 23 avril 1986, les verts c. Parlement européen, aff. 294/83, Rec., p. 1339, pt 23 ;
CJUE, arrêt du 29 juin 2010, Procédure pénale contre E. et F., aff. C-550/09, Rec. 2010 I-6213, Pt 44.
962 Article 10 de l’Acte additionnel nº 10/96 portant statut de la Cour de Justice de l’UEMOA.
963 Article 2 du Protocole additionnel nº 1.
353
ou juridictionnelle. En outre, ils ne peuvent être relevés de leur fonction que par suite
d’une décision des autres membres réunis en séance plénière. Le président de la Cour
est désigné par ses pairs pour un mandat de trois ans. Aux termes de l’article 1 er du
Protocole additionnel nº1, « la Cour de justice veille au respect du droit quant à
l’interprétation et à l’application du traité ». Elle doit dans le cadre de cette mission
protéger l'esprit du Traité, s’assurer de sa bonne application, construire et promouvoir
le droit communautaire de l'UEMOA, instaurer au plan économique un véritable état
de droit dans l'espace UEMOA. Pour l’exécution de sa mission, elle assume deux
fonctions essentielles : l’une est contentieuse tandis que l’autre est consultative. A
travers ses deux fonctions, la Cour a rendu d’importantes décisions allant dans le sens
d’assurer non seulement la primauté du droit communautaire sur le droit national mais
également l’unité de l’application du droit communautaire dans tous les Etats
membres. Elle joue ainsi un rôle intégratif de premier plan (§ 1) lui permettant de
garantir l’efficacité de la procédure de reconnaissance mutuelle. Cependant la
CJUEMOA connaît des insuffisances qu’il faut combler afin de renforcer la libre
circulation des décisions répressives au sein des Etats membres (§ 2).
354
juges »964 préjudiciable à la démocratie. Une majorité des Etats s’est opposé à l’effet
direct des traités dégagé par la CJCE 965 dans l’arrêt Van Gend Loos 966 . Ceux-ci
s’appuyaient sur la lettre du traité de Rome qui prévoyait uniquement l’effet direct des
règlements. Certains États soutiennent que la Cour a imposé sa conception du droit à
des gouvernements hostiles par l’interprétation du traité de Rome en fonction de son
propre système général et de ses finalités. Ils concluent que de ce fait, la CJUE s’est
éloigné fortement de la volonté exprimée par les parties au traité au moment de la
signature967.
964 L’expression « gouvernement des juges » fut pour la première fois employée en 1921 par l’éminent
comparatiste français Edouard Lambert dans son livre intitulé, Le gouvernement des juges et la lutte
contre la législation sociale aux États-Unis. En France, le discours sur le « gouvernement des juges »
exprime le refus du pouvoir politique, né de la Révolution et avant lui de la monarchie, de voir le pouvoir
judiciaire empiéter sur ses prérogatives. Pour une meilleure compréhension de son contenu, voir
Montes (J.), « Le retour du « gouvernement des juges », Analyse comparée de la juridicisation de la vie
politique dans la France et l’Espagne contemporaines », RSC [en ligne], 2002, p.293 [consulté le
01/11/2018], www.dalloz.fr.
965 SAURAUGGER S., TERPAN F., « La Cour de Justice au cœur de la gouvernance européenne »,
Revue Pouvoirs, février 2014, p.59, [en ligne], [consulté la dernière fois le 01 novembre 2018].
966 Van Gend et Loos, 5 février 1963, Rec., 1963, p. 1.
967 SAURAUGGER (S.), TERPAN (F.), « La Cour de Justice au cœur de la gouvernance européenne »
op.cit.
968 JOCE, L 169, 29 Juin 1987, l’Acte unique européen (AUE) a été signé le 28 février 1986 à
Luxembourg, et est entré en vigueur le 01 juillet 1987. L’AUE introduisit le vote à la majorité pour toutes
les décisions concernant le marché unique et créa les conditions de son achèvement effectif. L’AUE
marque l’adhésion de l’Espagne et du Portugal portant la CE à 12 États.
969 JOCE, C 191, 29/07/1992, le traité de Maastricht a été signé le 7 février 1992 et est caractérisé par
le fait qu’il dépasse l'objectif économique initial de la Communauté européenne (réaliser un marché
commun) et lui donne une vocation politique. Entré en vigueur le 1er novembre 1993, le traité de
Maastricht rassemble trois champs d’action, ou "piliers", regroupés sous un "chapeau" commun, dont
l'intitulé officiel est pour la première fois "l’Union européenne". Les trois piliers sont : 1- la Communauté
européenne (qui remplace la CEE) avec des compétences supranationales étendues, à laquelle
s’ajoutent les deux autres Communautés (CECA et Communauté Euratom) ; 2- la coopération en
matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ; 3- la coopération en matière de justice
et d'affaires intérieures (JAI). Le premier pilier relève de l’action communautaire, les deux autres de la
coopération intergouvernementale.
970 Article K.7 du Traité d’Amsterdam modifiant le Traité de l’Union européenne, les traités instituant les
communautés européennes et certains actes connexes signés à Amsterdam le 02 Octobre 1997, JOCE,
97/C 340/01 du 10 novembre 1997. L’article K.7 dispose que « La Cour de justice des Communautés
européennes est compétente, sous réserve des conditions définies au présent article, pour statuer à
titre préjudiciel sur la validité et l'interprétation des décisions-cadres et des décisions, sur l'interprétation
355
Lisbonne971, signés en 1997 et 2007 ont ramené les questions relevant de la JAI sous
le contrôle de la Cour mais avec des limitations972. En effet, des faibles pouvoirs ont
été accordés à la CJCE. Le traité d’Amsterdam introduit sur la base de l’article 35 TUE,
une compétence de la Cour pour contrôler la légalité des décisions-cadre et des
décisions émanant du Conseil ainsi que le renvoi préjudiciel à l’exclusion du recours
en manquement. Sur l’absence de ce recours en matière pénale, Monsieur le
Professeur Simon estime qu’il « empêche la commission de jouer son rôle de
gardienne des traités dans ce secteur comme elle le fait en droit communautaire et
entrave sérieusement l’application effective et uniforme des instruments du troisième
pilier »973. De ce fait, seul le renvoi préjudiciel permet à la Cour de garantir « l’uniformité
d’interprétation et d’application des règles communautaires sur l’ensemble du territoire
de la Communauté »974. Or à ce niveau, la compétence de la Cour est subordonnée à
l’acceptation, par déclaration expresse des Etats membres en raison de la clause «
opting in » ou clause d’acceptation expresse prévue par l’article 35 (K7) du traité
d’Amsterdam975. En effet, le paragraphe 2 de l’article 35 dispose que « tout Etat peut
accepter la compétence de la Cour » en matière préjudicielle au moyen d’une
déclaration faite lors de la signature du Traité, soit postérieurement à celle-ci. En outre,
lors de cette déclaration de compétence, l’Etat membre doit indiquer si cette faculté
est réservée aux juridictions statuant en dernier ressort ou si elle est ouverte à
l’ensemble des juridictions nationales. Le choix du législateur européen de l’époque
est regrettable dans la mesure où un risque de rupture d’égalité existe entre les
des conventions établies en vertu du présent titre, ainsi que sur la validité et l'interprétation de leurs
mesures d'application ».
971 JO C 306 du 17.12.2007, p. 1–271, le Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne
sécurité et justice”, Revue trimestrielle de droit européen, vol. 42, nº 42, nº 1, 2006, pp. 1-46.
973 WEYEMBERGH A. et RICCI V., « Le traité de Lisbonne et le contrôle juridictionnel sur le droit pénal
976 Voir dans ce sens, Sophie BOT., Le mandat d’arrêt européen, Bruxelles, Larcier, coll. « Collection
de la Faculté de droit, d’économie et de finance de l’Université du Luxembourg », 2009. P. 279
977 Parmi les Etats membres qui n’ont pas reconnu la compétence de la Cour, se trouvent le Royaume
-uni, le Danemark, la République d’Irlande, l’Estonie, Chypre, La Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne,
la Slovénie, la Slovaquie, pour en savoir davantage.
978 L’Espagne, voir à ce sujet l’information relative à la date d’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam,
JOCE L 114 du 01 mai 1999, p. 56, et JOCE, C. 120 du 01 mai 1999, p. 24. Il y figure l’état des
déclarations d’acceptation de la compétence de la Cour de justice pour statuer à titre préjudiciel sur la
validité et l’interprétation des actes visés à l’article 35 du traité su l’UE.
979 Parmi les États qui ont reconnu la compétence de la Cour pour l’ensemble de leur juridiction, il y a
dialogue des juges, Mélanges GENEVOIS B., Dalloz, 2009, p. 591 et s. spéc. p. 599.
982 WEYEMBERGH A. et RICCI V., Le traité de Lisbonne et le contrôle juridictionnel sur le droit pénal
la Commission ou de tout Etat membre, des manquements des Etats membres aux obligations qui leur
incombent en vertu du Traité de l'Union. »
987 Article 12 du Protocole additionnel nº 1, qui dispose que « La Cour de Justice statue à titre pré
juridictionnel sur l'interprétation du Traité de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes pris par
les organes de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du
Conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en
connaître à l'occasion d'un litige. Les juridictions nationales statuant en dernier ressort sont tenues de
saisir la Cour de Justice. La saisine de la Cour de Justice par les autres juridictions nationales ou les
autorités à fonction juridictionnelle est facultative. ».
988 Les textes communautaires UEMOA ne précisent pas ce qu’il faut entendre par fonction
juridictionnelle.
358
interroger le juge communautaire quant à l’interprétation ou l’appréciation de validité
d’une norme communautaire qui régit le litige dont elle est saisie. Le recours préjudiciel
est soumis à des conditions de recevabilité selon lesquelles « la question préjudicielle
doit émaner d’une juridiction nationale, porter sur une norme de droit de l’union, être
utile pour la solution du litige pendant devant cette juridiction et ne pas porter atteinte
au système de voies de droit institué par le traité » 989 . La CJUEMOA peut être
également saisie par la voie du contentieux en annulation 990 qui est ouvert aux
particuliers et qui repose sur l’aménagement d’un recours objectif en annulation des
actes du Conseil et de la Commission dans le délai de deux mois. Le contentieux de
l’éviction comprend : - la possibilité de soulever, lors d’un litige, l’exception
d’illégalité991 ; - l’existence d’un recours préjudiciel en appréciation de la validité d’un
acte émanant des instances de l’union 992 . Le recours préjudiciel et le recours en
manquement constituent les moyens les plus efficaces par lesquels la Cour contribue
en général au renforcement de l’intégration entre les Etats membres de l’UEMOA et
en particulier à l’harmonisation de l’application des principes de la coopération
judiciaire. Evoquant sur ce point la situation de la CJUE, le Professeur Henri LABAYLE
affirme que ces deux moyens font de celle-ci la gardienne « tout à la fois de la
transposition du droit de l’Union et de son application »993. Fort de cet environnement
juridictionnel sur l'interprétation du Traité de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes pris par
les organes de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du
Conseil, quand une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en
connaître à l'occasion d'un litige.
993 LABAYLE H., « Le juge de l’espace de liberté, de sécurité et justice de l’Union Européenne », in Le
994 Pour prendre connaissance des références de l’ensemble de ces décisions voir : P.J.B. BAKO,
« l’influence de la jurisprudence de la CJUE sur l’interprétation juridictionnelle du droit communautaire
ouest-africain (CEDEAO-UEMOA) », Geneva Jean Monnet Workings Papers, Centre d’Études
Juridiques Européennes, Université de Genève, 07/2016. [En ligne], [consulté la dernière fois le 24 juillet
2018], www.ceje.ch.
995 Les décisions de la CJUEMOA ne sont pas disponibles en ligne mais peuvent être consultées sur
demande par le service chargé de la documentation auprès de la juridiction. Les décisions de la CAE
sont disponibles sur www.eacj.org; les décisions des autres juridictions d’intégration peuvent être
consultées sur www.worldcourts.com.
996 Quelques exemples d’avis de la Cour suivis: - l’avis nº 003/2000 du 27 juin 2000 sur l’interprétation
des articles 88, 89 et 90 du traité sur les relations entre la commission de l’UEMOA et les autorités
nationales charges de la concurrence qui a servi de fondement à l’élaboration de la législation
communautaire de la concurrence; - l’avis nº 002/2000 du 02 février 2000 sur l’interprétation de l’article
84 du traité qui a permis à la commission d’affirmer sa compétence exclusive en matière de négociation
pour la conclusion d’accords commerciaux; - l’avis nº001/2003 du 18 mars 2003 indique à l’Etat malien
qu’elle a l’obligation de modifier sa constitution pour respecter la directive nº 02/2000 de l’UEMOA qui
enjoignait les Etats membres de créer des Cours des Comptes autonomes dans leur organisation
judiciaire au plus tard le 31 décembre 2002 et ce en application de l’article 68 du traité.
997 CJCE, 13 décembre 1984, Meyer épouse HANSER c/Comité Economique et Social, 14/84, Rec., p.
4317.
998 SALL A., La justice de l’intégration. Réflexions sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de
l’UEMOA, Éd. CREDILA, p. 19. L’auteur emploie l’expression pour caractériser la pratique consistant,
pour une juridiction donnée, à faire référence aux décisions rendues par un de ses homologues au sein
du même ordre juridique étranger.
360
CJUEMOA s’est inscrit à travers ce procédé dans un « dialogue unilatéral »999 avec la
CJUE. Une attitude jugée peu honorable pour la CJUEMOA. Si cette attitude du juge
communautaire UEMOA peut paraître inhabituelle 1000 , elle n’est pas cependant
inexplicable. En effet, L’UEMOA en tant qu’organisation d’intégration s’inspire elle-
même de l’intégration européenne par le mimétisme institutionnel qui la caractérise et
par les principes de primauté et d’effet direct qui qualifient le droit qu’elle génère sur
l’ensemble du territoire des États membres. De même, la création de la CJUEMOA
s’inspire du modèle de la CJUE. Il n’est donc pas étonnant que le juge communautaire
UEMOA fasse recours à la jurisprudence de son collègue de la CJUE pourvu que cette
« importation jurisprudentielle » serve avant tout une politique jurisprudentielle propre
à la Cour de justice de l’UEMOA et une interprétation autonome du droit
communautaire ouest-africain1001.
999 Pour en savoir davantage sur le dialogue des juges, voir ZONGO R. L. M., « Le dialogue unilatéral
entre la Cour de justice de l’UE et la Cour de justice de l’UEMOA », Université de Genève- Centre
d’études juridiques européennes, CH-1211 Genève 4, 2016.
1000 Le fait de se référer à la jurisprudence d’autres juridictions similaires n’est pas l’apanage de la seule
CJUEMO. Il arrive parfois que la Cour Pénale Internationale cite en note de bas de page de ces
décisions la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux. Il en est ainsi dans l’affaire Le Procureur
c. Thomas Lubanga Dylo, ICC-01/04-01/06 ou la chambre de première Instance I fait référence à une
décision du TPIR, Le Procureur c. Nahimana et autres, affaire n° ICTR-99-52-A, Chambre d’appel, Arrêt,
28 novembre 2007, par. 721.
1001 Dans ce sens, lire ZONGO R. L. M., « Le dialogue unilatéral entre la Cour de justice de l’UE et la
Cour de justice de l’UEMOA », Université de Genève- Centre d’études juridiques européennes, CH-
1211 Genève 4, 2016, [en ligne], [Consulté la dernière fois le 24 juillet 2019], www.ceje.ch.
1002 SAURUGGER S., TERPAN F., « La Cour de justice au Cœur de la gouvernance européenne »,
361
juridictions nationales. La CJUE a œuvré pour que la nature constitutionnelle des
traités soit officiellement reconnue en présentant ceux-ci comme la « Charte
constitutionnelle de base » de la communauté européenne1005. En dehors de ces deux
principes qui ont donné une forme constitutionnelle à l’UE, la CJUE a rendu de
nombreux arrêts octroyant une forme constitutionnelle à l’Union Européenne soit pour
assurer l’équilibre entre les institutions soit pour faire la répartition des compétences
entre l’Union et les Etats membres. Ces arrêts ont eu pour fondement les traditions
constitutionnelles nationales et la convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, des principes qui ont donné à la
communauté la forme d’une communauté de droit selon l’expression de Jörg
Gerkrath.1006.
où il n’existe pas de normes obligeant le juge à innover sous peine d’un déni de justice.
1008 Cassis de Dijon de 1979, c-120/78, Rewe-Zentral AK, 1979.
1009 L’accord, signé le 29 janvier 1966 à Luxembourg, accorde des concessions à la France dans le
domaine du droit de vote. Elles sont formulées ainsi que suit : « Lorsque, dans les cas de décisions
susceptibles d'être prises à la majorité sur proposition de la Commission, des intérêts très importants
d'un ou plusieurs partenaires sont en jeu, les membres du Conseil s'efforceront, dans un délai
raisonnable, d'arriver à des solutions qui pourront être adoptées par tous les membres du Conseil, dans
le respect de leurs intérêts mutuels et de ceux de la Communauté. […] La délégation française estime
que, lorsqu'il s'agit d'intérêts très importants, la discussion devra se poursuivre jusqu'à ce que l'on soit
parvenu à un accord unanime. Les six délégations constatent qu'une divergence subsiste sur ce qui
devrait être fait au cas où la conciliation n'aboutirait pas complètement ».
362
travers des actes accordant la primauté au droit communautaire Ouest Africain. Il en
est ainsi de l’avis de la Cour du 18 mars 2003 relatif à la création d’une Cour des
Comptes au Mali. Cet avis a été demandé à la Cour par le Président de la Commission
de l’UEMOA afin de trancher la question de la contrariété entre la Constitution
malienne et une directive communautaire UEMOA. En l’espèce, le Conseil des
Ministres de l’UEMOA a adopté conformément à l’article 68 du traité 1010, la directive
nº02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 1011 demandant à chaque Etat membre de
créer une Cour des comptes autonome au plus tard le 31 décembre 2002. Or l’article
83 de la Constitution malienne1012 institue une Cour suprême comprenant une Section
Judiciaire, une Section Administrative et une Section des Comptes. Celle-ci joue le
rôle dévolu aux Cours des comptes à savoir le contrôle de la régularité des comptes
publics. Dans son avis, la Cour estime que « La primauté bénéficie à toutes les normes
communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et
s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives,
juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire
l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ». La Cour conclut
dans son avis qu’il appartient à l’Etat malien de prendre toutes les dispositions
nécessaires à l’application de la directive en la transposant dans son droit positif
interne. En d’autres termes, la Cour est d’avis que l’Etat malien devrait modifier la
Constitution malienne afin de se conformer à la directive et créer pour ce faire une
Cour des comptes en lieu et place de la Section des Comptes de la Cour suprême de
la République malienne.
1010 L’article 68 du traité de l’UEMOA dispose en son article 68 que « 1) afin d’assurer la fiabilité des
données budgétaires nécessaires à l’organisation de la surveillance multilatérale des politiques
budgétaires, chaque État membre, au besoin, les dispositions nécessaires pour qu’au plus tard un an
après l’entrée en vigueur du présent traité, l’ensemble de ces comptes puisse être contrôlé selon les
procédures offrant les garanties de transparence et d’indépendance requises. Ces procédures doivent
notamment permettre de certifier la fiabilité des données figurant dans les lois de Finances initiales et
rectificatives, ainsi que dans les lois de règlement. 2) Les procédures ouvertes à cet effet au choix de
chaque Etat membres sont les suivantes : - recourir au contrôle de la Cour des Comptes de l’Union ; -
instituer une Cour des Comptes nationale qui pourra, le cas échéant, faire appel à un système d’audit
externe. Cette Cour transmettra ses observations à la Cour des comptes de l’Union…”.
1011 Directive nº 02/200/CM/UEMOA du 29 juin 2000, portant adoption du Code de transparence dans
1992.
363
UEMOA sont obligatoires en vertu des articles 201013 du Protocole additionnel nº1 et
57 du règlement nº 01/96 portant règlement de procédure 1014 sans formalité
d’exequatur. Ainsi les arrêts rendus par la Cour ne nécessitent pas une procédure de
reconnaissance de la part de l’autorité judiciaire nationale compétente 1015 . La
CJUEMOA se présente ainsi comme la garante du respect par les Etats membres des
actes communautaires dont la directive sur le blanchiment qui prévoit le principe de
reconnaissance mutuelle des décisions répressives. La Cour fait cependant face à des
obstacles dans cette fonction d’intégration.
1013 Aux termes de l’article 20 du Protocole additionnel nº1 :« Les arrêts de la Cour de Justice ont force
exécutoire, conformément aux dispositions de son règlement de procédures. Ils sont publiés au Bulletin
official ”
1014 Aux termes de l’article 57 du règlement nº 01/96 portant règlement de procédure, « l’arrêt a force
1016 Les restrictions quantitatives et mesures d’effets équivalents existent surtout en matière
commerciale. Pour la CJCE, Il s’agit de « toute règlementation commerciale des États membres
susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce
intracommunautaire …” CJCE, 22 octobre 1998, commission C/France, aff. C-184/96, REC 1998, p. I-
6197.
1017 Article 5 du Protocole additionnel nº1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA.
1018 PECHEUL A., Droit communautaire général, Ellipses 2002, p. 199.
365
ce que pour les obligations communautaires relevant de la violation des droits de
l’homme en application du principe de reconnaissance mutuelle.
1019 Voir infra (la page concernant le respect des droits de l’homme comme condition du respect des
décisions des autres Etats).
1020 Voir sur ce point le mouvement de recul amorcé dans les affaires concernant l’inscription de
personnes privées sur les listes noires de terroristes, LABAYLE H., « Architecte ou spectatrice ? La
Cour de Justice de l’Union dans l’Espace de liberté, sécurité et justice”, Revue trimestrielle de droit
européen, vol. 42, nº 42, nº 1, 2006, pp. 1-46.
1021 Protocole Additionnel A/SP. 1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole
KANE T., La Cour de justice de la CEDEAO à l’épreuve de la protection des Droits de l’homme, mémoire
de maîtrise, Maitrises en sciences juridiques 2012, Université Gaston Berger de Saint-Louis Sénégal.
366
l’amoncèlement des blocages pratiques rencontrés par la coopération judiciaire 1023 et
notamment le principe de reconnaissance mutuelle. Certains auteurs ne la trouvent
pas suffisamment convaincante même si « elle révèle cependant l’imminence d’un
contentieux très dense dans le domaine pénal »1024. Pour notre part, son avènement
apparaît comme une nécessité pour les besoins de la coopération judiciaire. En
attendant l’avènement des reformes dans ce sens, la CJUEMOA pourrait à l’occasion
d’une affaire portée devant elle affirmer la primauté des droits fondamentaux. En
europe, la Cour de justice de l’UE et le tribunal l’ont fait à l’occasion de plusieurs
affaires qu’ils ont jugées1025.
1023 LAVOSWSKI A., « Towards the reform of the preliminary ruling procédure in JHA Area », in Le
contrôle juridictionnel dans l’espace pénal européen, S. BRAUM et A. WEYWMBERGH (éd.), Université
de Bruxelles, IEE, 2009, p. 226.
1024 TAUPIAC-NOUVEL G., Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans
367
ratification du traité instituant l’UEMOA ainsi que du protocole mettant en place la Cour,
il n’est pas rare de constater que les Chefs d’Etats ont hélas transposé au niveau de
l’ordre juridique communautaire les mauvaises habitudes qu’ils ont dans l’ordre
juridique interne. Ils adoptent ainsi à l’égard de la Cour une attitude de défiance se
caractérisant parfois par le refus d’appliquer certaines décisions.
1026 CJUEMOA, 27 avril 2005, Eugène Yaï c/ Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de
l’UEMOA, Penant nº 859, note ZOGLEMOU T.
1027 Acte additionnel nº 01/2003 en date du 29 janvier 2003 portant nomination des membres de la
Commission de l’UEMOA.
1028 Acte Additionnel nº 4/2006 portant nomination de Monsieur Jérôme BRO GREBE en qualité de
recours en appréciation de la légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires : les
règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le Conseil et la Commission ».
Dans la lettre, cette disposition laisse supposer que seuls les règlements, les directives ainsi que les
décisions individuelles prises par le Conseil et la Commission sont compris dans la catégorie des actes
attaquables en annulation. Mais pour la CJUEMOA, il convient d’aller au-delà de cette interprétation
pour étendre la justiciabilité des actes communautaires aux actes additionnels, catégorie normative
prévue à l’article 19 du traité qui dispose que « La Conférence des chefs d’Etat prend, en tant que de
besoin, des actes additionnels au Traité de l’Union. Les actes additionnels sont annexés au traité, Ils
complètent celui-ci sans toutefois le modifier. Leur respect s’impose aux organes de l’Union ainsi qu’aux
autorités des États membres ». Pour justifier sa décision, La CJUEMOA énonce que « le recours en
annulation tend à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité. Il serait donc
contraire à cet objectif d’interpréter restrictivement les conditions de recevabilité du recours en limitant
sa portée aux seules catégories d’actes visés par l’article 15-2 (de son) règlement de procédure”. Ainsi
la CJUEMOA met en avant l’esprit du texte plutôt que la lettre de cette disposition. Cette interprétation
de la CJUEMOA est semblable à celle adoptée par la CJCE dans l’affaire Parti écologiste « Les verts”
c/Parlement européen, CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste « Les verts” c/Parlement européen, Aff.
294/83, Rec. 1986 p. 1339, pt 23.
368
d’Etats et de Gouvernement a pris un deuxième acte additionnel1030 avec le même
objet et entaché des mêmes vices de procédures. Ce deuxième acte connaitra devant
la CJUEMOA, le même sort que le premier1031. Pour une troisième fois, la Conférence
des Chefs d’Etat prend un nouvel acte additionnel1032 qui sera à son tour déféré devant
le juge de l’UEMOA. Cette fois-ci, le juge UEMOA a été obligé de se plier aux «
ordres » de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement en refusant
d’examiner la requête sous la motivation que « le recours en annulation contre une
décision d’une institution communautaire n’est pas recevable, dès lors qu’une décision
antérieure avait donné satisfaction au requérant »1033. Cette décision de la CJUEMOA
s’appuie sur la jurisprudence Meyer épouse HANSER contre Comité Economique et
Social de la CJCE du 13 décembre 19841034. Si cette décision a permis à la CJUEMOA
de mettre fin à cet épisode de passe d’arme malheureux entre la CCEG et la
CJUEMOA, elle révèle le peu de courage de celle-ci face à la défiance des chefs d’Etat
à son égard. En effet, la référence à la décision de la CJCE n’est pas pertinente si l’on
s’en tient aux faits en cause dans les deux affaires. Dans l’affaire Meyer épouse
HANSER c/Comité Economique et Social de la CJCE, Madame Meyer a formulé un
recours en annulation contre une décision par laquelle le Comité économique et social
(CES) avait prononcé sa mutation, en sa qualité d’assistante de secrétaire adjointe,
sur un nouveau poste « B4/4 secrétariat », alors qu’elle prétendait au grade
d’assistante adjointe B classique. Pendant que l’affaire était pendante devant la CJCE,
le secrétaire général du CES avait pris une autre décision afin de régulariser la
situation de la requérante. C’est ainsi que, statuant sur ladite affaire et constatant la
décision de régularisation, la CJCE a déclaré l’irrecevabilité du recours en affirmant
qu’« il convient, pour (elle), de prendre acte (des) déclarations (du CES) et de constater
que, de ce fait, l’intervention de la décision du 24 mai 1984, a eu pour effet de donner
entière satisfaction à la requérante. Dans ces conditions, les conclusions de la requête
tendant à l’annulation de la décision (de mutation du CES) du 01 juillet 1983 sont
devenues sans objet ». Contrairement à la CJUEMOA, la CJCE ne fait pas référence
1030 Acte additionnel nº1/2005, en date du 11 mai 2005, portant nomination de Monsieur Jérôme BRO
GREBE, en qualité de membre de la Commission de l’UEMOA.
1031 CJUEMOA, 05 avril 2006, Eugène Yaï c/Conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA, Rec., pp. 571-
578.
1032 Acte additionnel nº 04/2006, en date du 11 mai 2006 portant nomination de Monsieur Jérôme BRO
1035 L’Article 27 al 2 du traité modifié de l’UEMOA stipule que « le mandat des membres de la
Commission est de quatre (4) ans, renouvelable. Durant leur mandat, les membres de la Commission
sont irrévocables, sauf en cas de faute lourde ou d’incapacité. ».
1036 Demba. Sy, « l’activité de la Cour de justice de l’UEMOA », les droits communautaires africains,
de surveillance multilatérale des politiques économiques de l’UEMOA dont les modalités sont fixées aux
articles 64 à 75 du traité de l’UEMOA. Elles ne concernent pas les violations des dispositions relatives
aux autres matières couvertes par le droit communautaire notamment la dimension justice de la
coopération.
370
semble s’agir d’un choix délibéré des auteurs du traité de l’UEMOA. Un choix différent
de celui des Etats membres de l’UE.
1039 Arrêt de la Cour du 14 avril 2011, Commission/Espagne (C-343/10), non publié, ECLI : EU: C : 2011
: 260 .
1040 Arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne(C-205/17), ECLI : EU : C : 2018 : 606.
371
constatant que l’Espagne a manqué à son obligation d’exécuter l’arrêt de 2011 dans
la mesure où, à l’expiration du délai fixé (31 juillet 2013) fixé par la commission pour
l’exécution de l’arrêt, 17 des 43 agglomérations n’étaient toujours pas équipées de
systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires. L’Espagne a été
ainsi condamné à verser au budget de l’Union une somme forfaitaire de 12 millions
d’euros ainsi qu’une astreinte de 10 950 000 euros par semestre de retard dans
l’application des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de 2011.
2005, Compagnie Air France c/ Syndicat des Agents de Voyage et de Tourisme du Sénégal, Rec. pp.
518-534 ; CJUEMOA, 30 AVRIL 2014, TRAORE Thierry Michel c/ SALIFOU Mohamed, CJUEMOA, 30
372
du contentieux en particulier méritent d’être mieux connues et que les campagnes de
sensibilisation devraient s’intensifier.
avril 2014, TRAORE Thierry Michel c/SYB Léwa Sansan Dieudonné, CJUEMOA, 30 AVRIL 2014, la
BOAD c/SOUMAHORO Youssouf, CJUEMOA, 30 avril 2014, TRAORE Lassina c/ La BOAD.
1045 CJCE 27 janv. 2005, Nordsee, JCP 2005. II. 10079, note Chabot.
1046 CJCE 30 Juin 1966, Vaassens Göbbels, aff. 61/65, Rec. CJCE 377.
1047 CJCE, ord., 14 mai 2008, Pilato, aff. C- 109/07, Rec. CJCE-I 3503.
1048 CJCE, 12 déc. 1990, Kaefer et Proaci, aff. Jointes C- 100/89 et C-101/89, Rec. CJCE-I 4647.
1049 CJCE 12 décembre 1996, Procédures pénales c/ X , aff. Jointes C-74/95 et C-129/95, Rec. CJCE-
I 6609.
373
effective est une condition nécessaire de succès de celle-ci. Les juridictions nationales
jouent un rôle important pour garantir le respect du droit communautaire notamment
par le biais du mécanisme du renvoi préjudiciel (§1). Elles sont confrontées cependant
à de nombreuses contraintes (§ 2).
1050 L’article 12 al 1 du protocole stipule que « La Cour de Justice statue à titre préjudicionnel sur
l'interprétation du Traité de l'Union, sur la légalité et l'interprétation des actes pris par les organes de
l'Union, sur la légalité et l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, quand
une juridiction nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en connaître à l'occasion
d'un litige ».
374
Lecourt 1051 . En effet, les arrêts Van Gend en Loos 1052 et Costa Enel 1053 ont posé
respectivement le principe de l’applicabilité immédiate et directe du droit
communautaire et le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit interne
des Etats.
1051 LECOURT R., L’Europe des juges, Bruxelles, Bruylant, 1976, p. CANIVET G., « Le droit
communautaire et l’office du juge national », Revue Droit et société, nº 20-21, p. 134, [en ligne], 1992,
nº 20-21, p. 134. [Consulté le 25/09/2018], www. Persee.fr.
1052 Van Gend et Loos, 5 février 1963, Rec., 1963, p. 1.
1053 Costa/Enel, 15 juillet 1964, Rec. 1964, 1143.
1054 LECOURT R., l’Europe des juges, op. cit. p. 248
1055 Aff. Molkerei, 03 avril 1968, Rec., 1968, p. 212.
1056 Article 43 al 2 du traité UEMOA libellé en ces termes : « Les directives lient tout État membre quant
nécessaires pour que les infractions définies aux articles 7 et 8 de la présente Directive soient
applicables à toute personne physique ou morale, et à toute organisation justiciable, sans tenir compte
du lieu où l’acte a été commis”.
376
telle divergence dans l’application du droit communautaire au sein des Etats conduirait
à mettre en péril la réalisation du but des traités et provoquer une discrimination
pourtant interdite par le droit primaire de la communauté. Dans un tel cas de figure, le
principe de la primauté oblige ainsi le juge national à écarter son propre droit national
au profit du droit communautaire quand celui-ci contrarie le droit communautaire. Telle
est la position de la CJUEMOA selon laquelle, « l’ordre juridique communautaire
l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux »1059 La question qui
se pose est celle de savoir comment le juge va s’y prendre pour appliquer le droit
communautaire et de quelle manière son action peut influer sur le processus de
coopération judiciaire en général et spécifiquement sur le principe de reconnaissance
mutuelle. Le juge national procède par interprétation de la loi en fonction du traité.
Dans cet exercice, Il peut se retrouver face à trois situations : soit la CJUEMOA a déjà
statué sur la disposition examinée soit la juridiction nationale se trouve en face d’une
situation dont l’application correcte du droit communautaire s’impose avec évidence
soit elle se trouve en face d’une affaire qui expose une incompatibilité entre le droit
communautaire et le droit interne.
1059 Cour de justice UEMOA, avis nº 01/2003, Recueil des textes fondamentaux de la Cour, p. 471.
1060 CJCE, 6 Octobre, 1982, Cilfit, aff. 283/81, Rec. CJCE 3415, pt. 3.
1061 idem.
377
communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du
risque de divergences à l’intérieur de la Communauté »1062.
S’agissant des procédures, le législateur interne des États ne doit pas légiférer de
sorte de créer des règles de procédures (recevabilité, délais de recours ou régime de
1062 Ibidem.
1063 LOTARSKI J. et MOLINIER J., Droit du contentieux européen, 2e édition, Paris, LGDJ, p. 81.
378
preuve) qui pourrait rendre impossible voire excessivement difficile l’exercice de telles
actions.
1064 CJCE, ord. 26 janvier 1990, Falciola, affaire C-286/88, Rec., p. 191.
379
463. Le contenu de l’encadrement offert au juge national. Sur la notion
d’encadrement ou d’assistance, il convient de préciser qu’il ne s’agit pas de créer un
rapport hiérarchique entre les juridictions nationales et la Cour de justice. Celle-ci n’est
pas une juridiction supérieure des juridictions nationales nonobstant l’existence d’une
hiérarchie entre normes communautaires et droit national. Elle ne contrôle pas les
juridictions nationales comme l’auraient fait une juridiction supérieure sur les décisions
rendues par une juridiction d’instance. Dans le cadre du renvoi préjudiciel, l’office de
la Cour de justice est circonscrit dans les limites strictes d’une réponse à donner à une
question relativement au sens et à la portée d’une disposition de droit communautaire.
Il s’agit dans ce cas de figure pour la Cour d’apporter son concours aux différentes
juridictions nationales confrontées à des questions de droit communautaire, de façon
à éviter des divergences pouvant entamer le caractère uniforme de ce droit. Il ne lui
appartient pas de déborder sur une quelconque interprétation du droit national ou de
décider de la solution à donner au litige porté devant lui.
380
nullement du caractère obligatoire ou non de l’acte communautaire en question mais
plutôt de l’incidence qu’une telle interprétation pourrait avoir sur la décision du juge
national 1065 . Le critère le plus déterminant se situe au niveau de l’influence de la
décision du juge communautaire sur la procédure pendante devant le juge national.
Les dispositions statutaires de la Cour de justice de l’UEMOA n’interdit pas un recours
en interprétation contre les dits actes. A ce silence des textes communautaires,
s’ajoute le fait que les actes ci-dessus visés bien que non contraignants peuvent avoir
une influence sur la législation nationale. Les Etats étant soucieux d’être en adéquation
parfaite avec leurs obligations communautaires.
Le juge communautaire UEMOA n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la
question contrairement à son homologue de la CJCE qui a définitivement tranché la
question dans l’arrêt Grimaldi1066, en affirmant sa pleine compétence pour statuer à
titre préjudiciel sur l’interprétation de tout acte d’une institution communautaire.
1065 Dans le même sens, lire SOW I., La protection de l’ordre juridique sous-régional par les Cours de
justice : Contribution à l’étude de la fonction judiciaire dans les organisations ouest-africaines
d’intégration, thèse de doctorat, droit public, Université de Bordeaux, p. 50.
1066 CJCE, 13 décembre 1989, Grimaldi, affaire nº C-322/88.
1067 CJCE 18 Octobre 1990, Ozodi, aff. C-197/89, Rec. CJCE-I 3763, CJUE 10 décembre 2009,
1068 CJCE 6 mars 2003, Kaba, aff. C-466/00, rec. CJCE-I 2219.
1069 CJCE 30 septembre, 2003, köbler, aff. C-224/01, Rec. CJCE-I 10239, pts 34 et 35.
1070 CJCE, ord., 5 mars 1986, Wünsche c/Allemagne, aff. 69/85, Rec. CJCE 947.
382
national est habilité à exercer son contrôle sur un tel acte1071 cependant par le biais de
l’interprétation qu’elle va donner au droit communautaire, la Cour peut indiquer ainsi
les conséquences que devra en tirer le juge national dans l’application du droit national
et l’appréciation de la validité de tel ou tel acte de droit interne.
Lorsque le juge national est confronté à un problème de validité d’un acte de l’union,
le renvoi préjudiciel est obligatoire, car il n’a pas le pouvoir d’invalider un tel acte. S’il
estime qu’une validité d’un acte communautaire se pose à lui, il est tenu de saisir la
Cour de justice1072 qui est seule compétente pour procéder à une invalidation. La
CJCE justifie cette obligation par le fait que « le renvoi préjudiciel en interprétation de
validité constitue au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle
de légalité des actes des institutions européennes »1073. Contrairement au renvoi en
interprétation, le juge national ne peut invoquer l’existence d’une jurisprudence de la
Cour dans un cas similaire pour s’abstenir de faire un renvoi préjudiciel en invalidité.
Celui-ci est obligatoire dans tous les cas où un acte communautaire serait susceptible
d’être invalidé. En effet, il n’est pas exclu que les éléments d’appréciation factuels ou
juridiques soient différents, et le juge national ne peut pas raisonner par assimilation
pour se dispenser d’un renvoi préjudiciel en validité1074.
1071 CJCE 17 Juin 1999, Piaggio, aff. C-295/97, Rec. CJCE-I 3735.
1072 CJCE 22 octobre 1987, Fotofrost, aff. 314/85, Rec. CJCE 4199.
1073 Idem.
1074 CJCE, 6 décembre 2005, Schul Douane, aff. C-461/03, Rec. CJCE-I 10513.
383
l’arrêt préjudiciel en interprétation n’est donc pas limité à l’instance au cours de laquelle
la question préjudicielle a été posée.
474. L’autorité à l’égard des autres juridictions des États membres. Aux
termes de l’article 13 du protocole additionnel précité, l’arrêt d’interprétation rendu par
la Cour, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel produit également effet à
l’égard des autres juridictions1076. Le mécanisme préjudiciel revêt ainsi un caractère
multilatéral traduisant la volonté des États membres de l’organisation d’asseoir l’unité
du droit communautaire par l’uniformisation des interprétations dont il fait l’objet. Le
caractère multilatéral du mécanisme de renvoi préjudiciel pourrait être étendu à la
procédure d’instruction des demandes en interprétation formulées par les juridictions
nationales afin de permettre aux autorités administratives et organes juridictionnels
des Etats membres d’être informés de toute décision rendue en la matière et que
l’opportunité leur soit offerte de pouvoir intervenir dans le débat. Le règlement nº
1/96/CM portant règlement des procédures de la CJUEMOA énonce de manière
sommaire en son article 86 qu’en matière de renvoi préjudiciel « les décisions des
juridictions nationales sont communiquées aux Etats membres dans la version
1075 MEGRET C., « La portée juridique et les effets de droit de la déclaration d’invalidité d’un acte
communautaire prononcée par la CJCE dans le cadre de la procédure instituée par l’article 177 CEE »,
in Mélanges offerts à Pierre Henri Teitgen, Paris, Pedone, 1984.
1076 L’article 13 dispose que “ les interprétations formulées par la Cour de justice dans le cadre de la
1077Lire dans ce sens et à titre d’illustration, l’Arrêt de la CJCE du 28 avril 1998 dans l’affaire C-120/95,
Nicolas Decker/Caisse de maladie des employés privés. Cette décision fait suite à une question
préjudicielle soulevée dans le cadre d’un litige opposant M. Decker, ressortissant luxembourgeois, à la
caisse de maladie des employés privés au sujet d’une demande de remboursement d’une paire de
lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d’un opticien établi à Arlon (Belgique) sur ordonnance
d’un ophtamologiste établi à Luxembourg. La Cour a jugé que le droit communautaire s’oppose à ce
que un organisme de sécurité sociale d’un État membre refuse à un assuré le remboursement forfaitaire
d’une paire de lunettes avec verres correcteurs achetée auprès d’un opticien établi dans un autre État
membre. Au cours de la procédure préjudicielle, les gouvernements Luxembourgeois, belge, français,
allemand, espagnol, néerlandais et du Royaume-Uni ont soumis des observations à la Cour dans le
sens opposé aux observations de la Commission et de M. DECKER qui partagent la même analyse.
1078 L’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne emploie l’expression
Cour de justice de l’UEMOA, 5 avril 2006, Eugène Yaï C/ Conférence des Chefs d’Etat et
1080
1081 KAMTO M., Pouvoir et droit en Afrique, Essai sur les fondements du constitutionnalisme en Afrique
noire francophone, Paris L.G.D.J., Bibliothèque africaine et Malgache, 1987, p. 41.
1082 Maurice KAMTO, idem p. 443.
388
481. Les solutions envisageables pour combler l’ignorance des citoyens sur
le droit communautaire. Face à l’ignorance des populations, la sensibilisation et
l’information au droit en général et au droit communautaire en particulier deviennent
une préoccupation pour les Etats africains. Le recours aux voies de communications
habituelles (radios, télévisions, presse écrite) ne saurait suffire, il convient de recourir
également aux moyens de sensibilisations utilisées par la société civile, plus
rapprochées des populations moins instruites. La sensibilisation doit mettre l’accent
sur l’explication des mécanismes juridictionnels de l’Etat de droit, les questions de
procédures. De même, il est important de vanter les mérites de la construction d’un
espace communautaire, surtout à l’endroit des citoyens alphabétisés mais qui ne
perçoivent pas l’utilité des textes communautaires. La CJUEMOA doit se rapprocher
non seulement des professionnels du droit mais également des populations d’où
qu’elles se viennent. A l’intention des professionnels du droit, la Cour doit nouer des
relations avec les juridictions nationales, les universités, les barreaux, les écoles de
formation des magistrats en organisant à leur intention des visites d’études et des
rencontres à caractère thématique pour que le droit communautaire ne leur paraisse
plus comme un simple concept ou une idée abstraite. A l’intention des citoyens, la
CJUEMOA devrait organiser des audiences hors de son siège afin de mieux faire
connaître la juridiction et le droit communautaire. De même, elle doit organiser des
activités de sensibilisation comme les journées portes ouvertes. Sur ce dernier point,
la CJUEMOA a organisé les premières journées portes ouvertes du 16 au 17 Octobre
2018 en prélude à la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire qui a eu lieu le 18
Octobre 2018. Ces journées portes ouvertes ont permis à des étudiants venus
nombreux de découvrir la CJUEMOA à travers son organisation, ses missions et son
fonctionnement et de recevoir des notions élémentaires sur le droit communautaire.
1083Rapport A6-00224/2008 sur le rôle du juge national dans le système judiciaire européen
(2007/2027(INI) du 04/06/2008.
390
UE-
27
Danemark
Autriche
Suède
Allemagne
Finlande
République
tchèque
Roumanie
Pologne
Bulgarie
Slovénie
Portugal
Lituanie
France
Belgique
0 20 40 60 80 100
% % % % % %
Très bonne Bonne Mauvaise
connaissance
connaissan connaissan
Source : Rapport A6-00224/2008 sur le rôle du juge national dans le
système judiciaire européen (2007/2027(INI) du 04/06/2008.
1084Lire à ce sujet : Catalogue de formation continue 2018, [en ligne], [consulté pour la dernière fois le
24/10/2018], www. enm.justice.fr.
391
Justice, voire de quinze jours dans les institutions communautaires de Bruxelles, sont
également organisés par l’Ecole. Au cours de ces stages, les magistrats assistent aux
audiences des juridictions et conférences données par des juristes de l’institution.
**
*
486. Conclusion du second chapitre. Les acteurs judiciaires pouvant influer
positivement sur la coopération judiciaire sont donc la CJ-UEMOA et les juridictions
répressives internes. La première agit positivement sur la coopération judiciaire grâce
à son rôle de garant de l’application effective et uniforme du droit communautaire.
Ainsi, la Cour peut garantir l’application effective des actes communautaires dont la
directive sur le blanchiment qui prévoit le principe de reconnaissance mutuelle des
décisions répressives. Les juridictions répressives internes contribuent, quant à elle, à
l’amélioration de la coopération judiciaire en raison du rôle central qu’elles jouent dans
l’application du droit communautaire ainsi que dans la protection des droits individuels
conférés par le droit communautaire. Pour permettre aux juridictions citées d’assurer
efficacement leur mission, il est important de renforcer leurs capacités en ressources
humaines et matérielles afin de lever les multiples insuffisances constatées.
**
*
487. Conclusion du titre 2. Les Etats membres devraient évoluer vers des
structures plus formelles. Les réseaux informels ont certes montré leur capacité à
392
résoudre certaines affaires judiciaires mais dans la durée ils peuvent s’avérer
inefficaces suivant les circonstances. Les reformes en la matière pourraient se faire
aux profits des acteurs non judiciaires que judiciaires. S’agissant des acteurs non
judiciaires, les Etats membres de l’UEMOA pourraient capitaliser les acquis des
organismes d’envergure mondial comme le GAFI, le groupe Egmont, le réseau CARIN
afin de créer des organismes de coordination de la coopération judiciaire à l’image
d’EUROJUST en europe. En ce qui concerne les acteurs judiciaires, les capacités
intégratives de la Cour de Justice de l’UEMOA pourrait être renforcées afin que celle-
ci joue son role de garant de l’application uniforme et effective du droit communautaire
afin que les textes relatifs au blanchiment et à la coopération judiciaire connaissent
une application effective par tous les Etats membres de l’UEMOA.
**
*
488. Conclusion de la deuxième partie. Le renforcement de la
coopération judiciaire effectué à l’occasion de l’adoption de la Lu n’a pu occulter
totalement les limites de la coopération judiciaire telle qu’elle est règlementée et se
pratique au sein de l’UEMOA. Dans son volet coopération judiciaire, les insuffisances
du dispositif juridique de lutte contre le blanchiment des capitaux concernent non
seulement les mécanismes procéduraux mais églement les structures de coopération.
En effet, au niveau des mécanismes procéduraux, les outils de coopération existants
ne sont pas suffisamment adaptés pour faire face à la lutte contre le blanchiment des
capitaux dans l’espace communautaire UEMOA.
393
394
CONCLUSION GENERALE
395
490. La prise de conscience des États membres de l’UEMOA de la
nécessité d’améliorer la coopération dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment. La réflexion engagée dans le cadre de la présente étude a permis de
faire l’etat des lieux de la coopération judiciaire en vigeur dans l’espace UEMOA d’une
part et de déterminer les perspectives de son amélioration d’autre part. L’étude a
permis de se rendre compte de la prise de conscience par les Etats membres de
l’UEMOA de la nécessité pour eux de renforcer la coopération judiciaire. Des réformes
ont été engagées tant dans le droit pénal matériel que procédural avec l’adoption de
la Lu. Celle-ci contient des dispositions visant à amoindrir la souveraineté des Etats
membres en vue d’une coopération judiciaire plus dynamique. L’amoindrissement de
la souveraineté des Etats membres se manifeste à travers l’élargissement de la
territorialité en faveur de l’entraide judiciaire, notamment par la détermination de
l’espace UEMOA comme un seul territoire dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment. Une option qui permet aux juridictions pénales de tout Etat membre de
l’UEMOA de se trouver compétentes pour connaître d’une infraction de blanchiment
quelque soit le territoire du pays membre sur lequel cette infraction est commise. Une
véritable remise en cause du principe de la territorialité, qui a pour avantage de ne
laisser aucun repit aux délinquants quel que soit le pays membre sur le territoire duquel
ils se retrouvent. L’amoindrissement de la souverainté permet également aux Etats
membres d’assouplir considérablement les mécanismes de l’extradition à travers la
judiciairisation de la procédure de remise des délinquants. Le choix de la procédure
simplifiée permet de contourner la voie diplomatique et de supprimer la phase
administrative de la procédure d’extradition par la suppression de l’obligation de prise
d’un décret d’extradition pour la remise de la personne dont l’extradition est
reclammée. Nonobstant ces textes, la coopération judiciaire connaît des imperfections
dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
396
coopération, elles sont quasi inexistantes dans le cadre communautaire UEMOA. Avec
l’appui de l’ONUDC, quelques Etats membres de l’UEMOA en accord avec des Etats
ouest-africains non membres de l’UEMOA ont mis en place des structures de
coopération qui agissent cependant de manière informelle avec des limites certaines.
1085
WEYEMBERGH A. et KHABIRPOUR S., « Quelle confiance mutuelle ailleurs ? », In La confiance
mutuelle dans l’espace penal européen, DE KERCHOVE G. et WEYEMBERGH A., Université de
Bruxelles, IEE, 2005, p. 266.
397
398
ANNEXES
ANNEXES
399
ANNEXE 1 : LOI UNIFORME RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LE
BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME DANS
LES ETATS MEMBRES DE L'UNION MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UMOA)
Article 2 : Objet
Pour l'application de la présente loi, l'origine de capitaux ou de biens est illicite lorsque
ceux-ci proviennent de la commission de l'une des infractions mentionnées au point
16 de l'article premier ci-dessus ou de tous crimes ou délits.
Les infractions définies aux articles 7 et 8 de la présente loi peuvent être applicables
à toute personne physique ou morale, et à toute organisation justiciable au...... (Citer
le nom de l'Etat membre concerné), sans tenir compte du lieu où l'acte a été commis.
Les dispositions de la présente loi, en particulier celles de ses titres II et III, sont
applicables aux personnes physiques ou morales mentionnées ci-après :
1) le Trésor Public ;
2) la BCEAO ;
3) les institutions financières ;
4) les prestataires de services aux sociétés et fiducies ;
400
5) les sociétés immobilières et les agents immobiliers, y compris les agents de location
;
6) les autres personnes physiques ou morales négociant des biens, seulement dans
la mesure où les paiements sont effectués ou reçus en espèces pour un montant de
cinq millions de francs CFA au moins, que la transaction soit exécutée en une fois ou
sous la forme d'opérations fractionnées apparemment liées ;
7) les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;
8) les agents sportifs et les promoteurs d’événements sportifs ;
9) les prestataires de jeux d'argent et de hasard, notamment les propriétaires, les
directeurs et gérants de casinos et d'établissements de jeux, y compris les loteries
nationales ;
10) les apporteurs d’affaires aux institutions financières ;
11) les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de
pierres précieuses, de métaux précieux, d'antiquités et d’œuvres d'art ;
12) les transporteurs de fonds ;
13) les sociétés de gardiennage ;
14) les agences de voyage ;
15) les hôtels ;
16) les organismes à but non lucratif ;
17) toute autre personne physique ou morale désignée par l'autorité compétente.
Aux fins de la présente loi, sont considérés comme blanchiment de capitaux, les
agissements énumérés, ci-après, commis intentionnellement :
a) la conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir
que ces biens proviennent d'un crime ou délit ou d'une participation à un crime ou délit,
dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens, ou d'aider toute
personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de
ses actes ;
b) la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement de
la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou des droits y relatifs,
par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d'un crime
ou délit ou d'une participation à un crime ou délit ;
c) l'acquisition, la détention ou l'utilisation de biens, dont celui qui s'y livre, sait ou aurait
dû savoir, au moment où il les réceptionne que ces biens proviennent d'un crime ou
délit ou d'une participation à un crime ou délit ;
d) la participation à l'un des actes visés aux points a), b) et c), le fait de s'associer pour
le commettre, de tenter de le commettre, d'aider ou d'inciter quelqu'un à le commettre
ou de le conseiller, à cet effet, ou de faciliter l'exécution d'un tel acte.
Il y a blanchiment de capitaux, même si cet acte est commis par l'auteur de l'infraction
ayant procuré les biens à blanchir.
Il y a également blanchiment de capitaux, même si les activités qui sont à l'origine des
biens à blanchir sont exercées sur le territoire d'un autre Etat membre ou celui d'un
Etat tiers.
La connaissance ou l'intention, en tant qu'éléments des activités susmentionnées,
peuvent être déduites de circonstances factuelles objectives.
Les juridictions nationales sont compétentes pour connaître des infractions prévues
par la présente loi, commises par toute personne physique ou morale, quelle que soit
403
sa nationalité ou la localisation de son siège, même en dehors du territoire national,
dès lors que le lieu de commission est situé dans l’un des Etats membres.
Elles peuvent également connaître des mêmes infractions commises dans un Etat
tiers, dès lors qu’une convention internationale leur donne compétence.
Lorsque l'autorité de poursuite d'un autre Etat membre estime, pour quelque cause
que ce soit, que l’exercice des poursuites ou la continuation des poursuites qu’elle a
déjà entamées se heurte à des obstacles majeurs et qu’une procédure pénale
adéquate est possible sur le territoire national, elle peut demander à l’autorité judiciaire
compétente d’accomplir les actes nécessaires contre l’auteur présumé.
Les dispositions de l’alinéa premier ci-dessus, s’appliquent également, lorsque la
demande émane d’une autorité d’un Etat tiers, et que les règles en vigueur dans cet
Etat autorisent l’autorité de poursuite nationale à introduire une demande tendant aux
mêmes fins.
La demande de transfert de poursuite est accompagnée des documents, pièces,
dossiers, objets et informations en possession de l’autorité de poursuite de l'Etat
requérant.
Les demandes adressées par les autorités compétentes étrangères, aux fins d'établir
les faits de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, d'exécuter ou de
prononcer des mesures conservatoires ou une confiscation, ou aux fins d'extradition
sont transmises par voie diplomatique. En cas d'urgence, elles peuvent faire l'objet
d'une communication par l'intermédiaire de l'Organisation Internationale de Police
Criminelle (OIPC/Interpol) ou de communication directe par les autorités étrangères
aux autorités judiciaires nationales, par tout moyen de transmission rapide, laissant
une trace écrite ou matériellement équivalente.
Les demandes et leurs annexes doivent être accompagnées d'une traduction dans la
langue officielle de ......... (indiquer la dénomination de l'Etat membre qui adopte la loi).
Article 134 : Sort des actes accomplis dans l'Etat requérant avant le transfert des
poursuites
Pour autant qu’il soit compatible avec la législation en vigueur, tout acte régulièrement
accompli sur le territoire de l'Etat requérant, aux fins de poursuites ou pour les besoins
de la procédure, aura la même valeur que s’il avait été accompli sur le territoire
national.
A la requête d’un Etat membre, les demandes d’entraide se rapportant aux infractions
prévues aux articles 7 et 8 de la présente loi sont exécutées conformément aux
principes définis par les articles 139 à 155.
Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables aux demandes émanant d’un
Etat tiers, lorsque la législation de cet Etat fait obligation à celui-ci de donner suite aux
demandes de même nature émanant de l’autorité compétente.
L’entraide peut, notamment inclure :
405
1. le recueil de témoignages ou de dépositions ;
2. la fourniture d’une aide pour la mise à la disposition des autorités judiciaires de
l'Etat requérant de personnes détenues ou d’autres personnes, aux fins de
témoignage ou d’aide dans la conduite de l’enquête ;
1. la remise de documents judiciaires ;
2. les perquisitions et les saisies ;
3. l’examen d’objets et de lieux ;
4. la fourniture de renseignements et de pièces à conviction ;
5. la fourniture des originaux ou de copies certifiées conformes de dossiers et
documents pertinents, y compris de relevés bancaires, pièces comptables et
registres montrant le fonctionnement d’une entreprise ou ses activités
commerciales.
Toute demande d’entraide judiciaire adressée à l’autorité compétente est faite par
écrit. Elle comporte :
1. le nom de l’autorité qui sollicite la mesure ;
2. le nom de l’autorité compétente et de l’autorité chargée de l’enquête ou de la
procédure auxquelles se rapporte la demande ;
1. l’indication de la mesure sollicitée ;
2. un exposé des faits constitutifs de l’infraction et des dispositions législatives
applicables, sauf si la demande a pour seul objet la remise d’actes de procédure
ou de décisions judiciaires ;
3. tous éléments connus permettant l’identification de la ou des personnes
concernéeset, notamment l’état civil, la nationalité, l’adresse et la profession ;
4. tous renseignements nécessaires pour localiser les instruments, ressources ou
biens visés ;
5. un exposé détaillé de toute procédure ou demande particulière que l'Etat
requérant souhaite voir suivre ou exécuter ;
6. l’indication du délai dans lequel l'Etat requérant souhaite voir exécuter la
demande ;
7. toute autre information nécessaire pour la bonne exécution de la demande.
406
1. elle n’émane pas d’une autorité compétente selon la législation de l'Etat
requérant ou elle n’a pas été transmise régulièrement ;
2. son exécution risque de porter atteinte à l’ordre public, à la souveraineté, à la
sécurité ou aux principes fondamentaux du droit ;
3. les faits sur lesquels elle porte font l’objet de poursuites pénales ou ont déjà fait
l’objet d’une décision de justice définitive sur le territoire national ;
4. des mesures sollicitées ou toutes autres mesures ayant des effets analogues,
ne sont pas autorisées ou ne sont pas applicables à l’infraction visée dans la
demande, en vertu de la législation en vigueur ;
5. les mesures demandées ne peuvent être prononcées ou exécutées pour cause
deprescription de l’infraction de blanchiment de capitaux ou de financement du
terrorisme, en vertu de la législation en vigueur ou de la loi de l'Etat requérant ;
1. la décision dont l’exécution est demandée n’est pas exécutoire selon la
législation en vigueur;
2. la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n’offrant pas de
garanties suffisantes au regard des droits de la défense ;
3. de sérieuses raisons permettent de penser que les mesures demandées ou la
décision sollicitée ne visent la personne concernée qu’en raison de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique, de ses opinions
politiques, de son sexe ou de son statut.
Le secret professionnel ne peut être invoqué pour refuser d’exécuter la demande.
Le ministère public peut interjeter appel de la décision de refus d’exécution rendue par
une juridiction dans les (préciser le nombre de jours : dix, quinze jours, etc.) jours qui
suivent cette décision.
Le gouvernement de (indiquer la dénomination de l'Etat membre qui adopte la loi)
communique sans délai à l'Etat requérant les motifs du refus d’exécution de sa
demande.
Lorsque dans une poursuite exercée du chef des infractions visées dans la présente
loi, la comparution personnelle d’un témoin résidant sur le territoire national est jugée
nécessaire par les autorités judiciaires d’un Etat étranger, l’autorité compétente, saisie
408
d’une demande transmise par la voie diplomatique, engage le témoin à se rendre à
l’invitation qui lui est adressée.
La demande tendant à obtenir la comparution du témoin comporte, outre les
indications prévues par l’article 139 ci-dessus, les éléments de son identification.
Néanmoins, la demande n’est reçue et transmise qu’à la double condition que le
témoin ne sera ni poursuivi ni détenu pour des faits ou des condamnations antérieurs
à sa comparution et qu’il ne sera pas obligé, sans son consentement, de témoigner
dans une procédure ou de prêter son concours à une enquête sans rapport avec la
demande d’entraide.
Aucune sanction, ni mesure de contrainte ne peuvent être appliquées au témoin qui
refuse de déférer à une demande tendant à obtenir sa comparution.
Lorsque, dans une poursuite exercée du chef de l’une des infractions visées dans la
présente loi, la comparution personnelle d’un témoin détenu sur le territoire national
est jugée nécessaire, l’autorité compétente, saisie d’une demande adressée
directement au parquet compétent, procédera au transfert de l’intéressé.
Néanmoins, il ne sera donné suite à la demande que si l’autorité compétente de l'Etat
requérant s’engage à maintenir en détention la personne transférée aussi longtemps
que la peine qui lui a été infligée par les juridictions nationales compétentes ne sera
pas entièrement purgée et à la renvoyer en état de détention à l’issue de la procédure
ou plus tôt, si sa présence cesse d’être nécessaire.
Lorsque des poursuites sont exercées par une juridiction d’un Etat membre du chef de
l’une des infractions visées par la présente loi, le parquet de ladite juridiction peut
obtenir directement des autorités compétentes nationales, un extrait du casier
judiciaire et tous renseignements relatifs à la personne poursuivie.
Les dispositions de l’alinéa premier ci-dessus, sont applicables lorsque les poursuites
sont exercées par une juridiction d’un Etat tiers et que cet Etat réserve le même
traitement aux demandes de même nature émanant des juridictions nationales
compétentes.
409
Lorsque la demande d’entraide a pour objet l’exécution de mesures de perquisitions
et de saisies pour recueillir des pièces à conviction, l’autorité compétente y donne droit,
dans une mesure compatible avec la législation en vigueur et à condition que les
mesures sollicitées ne portent pas atteinte aux droits des tiers de bonne foi.
Lorsque la demande d’entraide judiciaire a pour objet une décision ordonnant une
confiscation, la juridiction compétente statue, sur saisine de l’autorité compétente de
l'Etat requérant.
La décision de confiscation doit viser un bien constituant le produit ou l’instrument de
l’une des infractions visées par la présente loi et se trouvant sur le territoire national,
ou consister en l’obligation de payer une somme d’argent correspondant à la valeur
de ce bien.
Il ne peut être donné suite à une demande tendant à obtenir une décision de
confiscation, si une telle décision a pour effet de porter atteinte aux droits légalement
constitués au profit des tiers sur les biens visés, en application de la loi.
410
infractions se trouvent sur son territoire ainsi que les renseignements permettant de
les localiser.
L'Etat bénéfice des biens confisqués sur son territoire à la demande d’autorités
étrangères, à moins qu’un accord conclu avec l'Etat requérant n’en décide autrement.
Article 152 : Demande d’exécution des décisions rendues à l’étranger
411
Il est mis fin à l’exécution de la décision rendue à l'étranger lorsqu’en raison d’une
décision ou d’un acte de procédure émanant de l'Etat qui a prononcé la sanction, celle-
ci perd son caractère exécutoire.
Chapitre IV : Extradition
Lorsque la demande d’extradition concerne une personne ayant commis l’une des
infractions prévues par la présente loi, elle est adressée directement au Procureur
Général compétent de l'Etat requis, avec ampliation, pour information, au Ministre
chargé de la Justice.
La demande visée à l'alinéa premier ci-dessus est accompagnée :
1. de l’original ou de l’expédition authentique soit d’une décision de condamnation
exécutoire, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force,
délivré dans les formes prescrites par la loi de l'Etat requérant et portant
l’indication précise du temps, du lieu et des circonstances des faits constitutifs
de l’infraction et de leur qualification ;
2. d’une copie certifiée conforme des dispositions légales applicables avec
l’indication de la peine encourue ;
3. d’un document comportant un signalement aussi précis que possible de
l’individu réclamé ainsi que tous autres renseignements de nature à déterminer
son identité, sa nationalité et l’endroit où il se trouve.
412
Article 158 : Complément d’informations
En cas de refus de l'extradition, l'affaire est déférée devant les juridictions nationales
Compétentes afin que des poursuites puissent être engagées contre l'intéressé pour
l'infraction ayant motivé la demande.
Après concertation, des textes des autorités de contrôle, chacune dans les limites de
ses attributions, déterminent, en tant que de besoin, les modalités d'application de la
présente loi.
414
la loi uniforme relative à la lutte contre le financement du terrorisme dans l'Etat membre
concerné)
415
416
ANNEXE 2 : Convention d’extradition CEDEAO
PREAMBULE
Convaincus que la sécurité ne peut être que mieux assurée, s’il est possible
d’empêcher les malfaiteurs de trouver un refuge qui les soustrait à l’action de la justice
ou à l’exécution d’une peine ;
Article 1 : Définitions
1. Donneront sous certaines conditions lieu à extradition les faits punis par les lois de
l’Etat requérant et de l’Etat requis d’une peine privative de liberté d’un minimum de
deux ans. Lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue sur le territoire de
l’Etat requérant, l’extradition ne sera accordée que si la durée de la peine restant à
purger est d’au moins six mois.
2. Si la demande d’extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par la loi de
l’Etat requérant et de l’Etat requis d’une peine privative de liberté mais dont certains
ne remplissent pas les conditions de la peine stipulée au paragraphe 1 du présent
418
article, l’Etat requis aura la faculté d’accorder l’extradition pour ces derniers à condition
que l’individu intéressé soit extradé pour au moins un fait donnant lieu à extradition.
1. L’extradition ne sera pas accordée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est
considérée comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une
telle infraction.
3. L’application du présent article n’affectera pas les obligations que les Etats auront
assumées ou assumeront aux termes de la Convention de Genève du 12 août 1949
et de ses protocoles additionnels ainsi que de toute autre convention internationale à
caractère multilatéral.
L’extradition ne sera pas accordée si l’individu dont l’extradition est demandée a été
ou serait soumis dans l’Etat requérant à des tortures et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. Il en sera de même lorsque l’individu n’a pas
bénéficié ou est susceptible de ne pas bénéficier au cours des procédures pénales,
des garanties minimales, prévues par l’article 7 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples.
En matière de taxes, d’impôt et de douane, l’extradition sera accordée entre les Etats
conformément aux dispositions de la présente Convention, pour les faits qui
correspondent selon la loi de la partie requise, à une infraction de même nature, même
si la législation de cet Etat ne contient pas le même type de réglementation en matière
de taxes, d’impôt et de douane.
1. L’extradition d’un national de l’Etat requis sera laissée à la discrétion de cet Etat.
2. La qualité de national s’apprécie à l’époque de la commission de l’infraction pour
laquelle l’extradition est demandée.
3. L’Etat requis qui n’extrade pas son national devra, sur la demande de l’Etat
requérant, soumettre l’affaire aux autorités compétentes afin que des poursuites
judiciaires puissent être exercées s’il y a lieu. A cet effet, les dossiers, informations et
objets relatifs à l’infraction seront transmis gratuitement soit par la voie diplomatique
soit par toute autre voie qui sera convenue entre les Etats concernés. L’Etat requérant
sera informé de la suite qui aura été donnée à sa demande.
1. L’Etat requis pourra refuser d’extrader l’individu réclamé en raison d’une infraction
qui, selon sa législation a été commise en tout ou en partie sur son territoire ou en un
lieu assimilé à son territoire.
2. Lorsque l’infraction motivant la demande d’extradition aura été commise hors du
territoire de l’Etat requérant l’Etat requis n’autorise pas la poursuite pour une infraction
du même genre commise hors de son territoire, ou n’autorise pas l’extradition pour
l’infraction faisant l’objet de la demande.
420
Un Etat requis pourra refuser d’extrader un individu réclamé si cet individu fait l’objet
de sa part de poursuites pour le ou les faits en raison desquels l’extradition est
demandée.
1. Lorsqu’un Etat demande à un autre Etat, l’extradition d’une personne aux fins
d’exécution d’une peine prononcée par une décision rendue par défaut à son encontre,
l’Etat requis peut refuser d’extrader à cette fin, si à son avis, la procédure de jugement
n’a pas satisfait aux droits minimums de la défense reconnus à toute personne
accusée d’une infraction. Toutefois, l’extradition sera accordée si l’Etat requérant
donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne dont l’extradition
est demandée le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits
de la défense. Cette décision autorise l’Etat requérant soit à exécuter le jugement en
question si le condamné ne fait pas opposition soit à poursuivre l’extradé le cas
contraire.
Article 15 : Prescription
421
1. L’extradition ne sera pas accordée si la prescription de l’action ou de la peine est
acquise d’après la législation soit de l’Etat requérant soit de l’Etat requis lors de la
réception de la demande par l’Etat requis.
Article 16 : Amnistie
L’extradition ne sera pas accordée pour une infraction couverte par l’amnistie dans
l’Etat requis, si celui-ci avait compétence pour poursuivre cette infraction selon sa
propre loi pénale.
Si le fait à raison duquel l’extradition est demandée est puni de la peine capitale par la
loi de l’Etat requérant et que, dans ce cas cette peine n’est pas prévue par la législation
de l’Etat requis, l’extradition ne pourra être accordée.
1. La requête sera formulée par écrit et adressée par le Ministère de la Justice de l’Etat
requérant au Ministère de la Justice de l’Etat requis ; toutefois, la voie diplomatique
n’est pas exclue. Une autre voie pourra être convenue par arrangement direct entre
deux ou plusieurs Etats.
422
3. Une copie certifiée conforme des dispositions légales applicables avec
l’indication de la peine encourue pour l’infraction, ainsi que le signalement aussi
précis que possible de l’individu réclamé, tous autres renseignements de nature
à déterminer son identité, sa nationalité et l’endroit où il se trouve.
1. L’individu qui aura été livré ne sera ni poursuivi, ni jugé, ni détenu en vue de
l’exécution d’une peine, ni soumis à toute autre restriction de sa liberté individuelle,
pour un fait quelconque antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l’extradition,
sauf dans les cas suivants:
1. Lorsque l’Etat qui l’a livré y consent, une demande sera présentée à cet effet,
accompagnée des pièces prévues à l’article 18 et d’un procès verbal judiciaire
consignant les déclarations de l’extradé. Ce consentement sera donné lorsque
l’infraction pour laquelle il est demandé entraîne elle-même l’obligation d’extrader aux
termes de la présente Convention.
2. Lorsqu’ayant eu la possibilité de le faire, l’individu extradé n’a pas quitté dans les
quarante-cinq jours (45) qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l’Etat
auquel il a été livré ou s’il y est retourné après l’avoir quitté.
Sauf dans le cas prévu au paragraphe 1 alinéa (b) de l’article 20, l’assentiment de
l’Etat requis sera nécessaire pour permettre à l’Etat requérant de livrer à un autre Etat
ou à un Etat tiers l’individu qui lui aura été remis et qui serait recherché par l’autre Etat
423
ou par l’Etat tiers pour des infractions antérieures à la remise. L’Etat requis pourra
exiger la production des pièces prévues au paragraphe 2 de l’article 18.
4. L’arrestation provisoire devra prendre fin si, dans le délai de vingt (20) jours après
l’arrestation, l’Etat requis n’a pas été saisi de la demande d’extradition et des pièces
mentionnées à l’article 18. Toutefois la mise en liberté provisoire est possible à tout
moment, sauf pour l’Etat requis à prendre toute mesure qu’il estimera nécessaire en
vue d’éviter la fuite de l’individu réclamé.
6. La période de détention subie par un individu sur le territoire de l’Etat requis ou d’un
Etat de transit exclusivement aux fins d’extradition sera prise en considération lors de
l’exécution de la peine privative de liberté qu’il aura éventuellement à subir en raison
de l’infraction donnant lieu à extradition.
424
Article 23 : Concours de requêtes
Si l’extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, soit pour le même
fait, soit pour des faits différents, l’Etat requis statuera compte tenu de toutes
circonstances et notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates
respectives des demandes, de la nationalité de l’individu réclamé et de la possibilité
d’une extradition ultérieure à un autre Etat.
1. L’Etat requis fera connaître rapidement à l’Etat requérant par la voie prévue au
paragraphe 1 de l’article 18, sa décision sur l’extradition.
1. L’Etat requis pourra, après avoir statué sur la demande d’extradition, ajourner la
remise de l’individu réclamé pour qu’il puisse être poursuivi par lui ou, s’il a déjà été
condamné, pour qu’il puisse purger sur son territoire, une peine encourue en raison
d’un fait autre que celui pour lequel l’extradition est demandée.
425
2. Au lieu d’ajourner la remise, l’Etat requis pourra remettre temporairement à l’Etat
requérant l’individu réclamé dans des conditions à déterminer d’un commun accord
entre les Etats.
3. La remise des objets visés au paragraphe 1 du présent article sera effectuée même
dans le cas où l’extradition déjà accordée ne pourrait avoir lieu par suite de la mort ou
de l’évasion de l’individu réclamé.
5. Sont toutefois réservés les droits que l’Etat requis ou des tiers auraient acquis sur
ces objets. Si de tels droits existent les objets seront, le procès terminé, restitués le
plus tôt possible et sans frais à l’Etat requis.
Article 27 : Transit
1. Le transit à travers le territoire de l’un des Etats sera accordé sur demande adressée
par la voie prévue au paragraphe 1 de l’article 18 à la condition qu’il ne s’agisse pas
d’une infraction considérée par l’Etat membre requis du transit, comme revêtant un
caractère politique ou militaire compte tenu des articles 4 et 7 de la présente
Convention.
426
4. Dans le cas où la voie aérienne sera utilisée, il sera fait application des dispositions
suivantes :
1. lorsqu’aucun atterrissage ne sera prévu, l’Etat requérant avertira l’Etat dont le
territoire sera survolé, et attestera l’existence d’une des pièces prévues au
paragraphe 2, alinéa (a) de l’article 18. Dans le cas d’atterrissage fortuit, cette
notification produira les effets de la demande d’arrestation provisoire visée à
l’article 22 et l’Etat requérant adressera une demande régulière de transit.
2. lorsqu’un atterrissage sera prévu, l’Etat requérant adressera une demande
régulière de transit.
Article 28 : Procédure
2. Les Etats assureront à la personne dont l’extradition est demandée, le droit d’être
entendu par une autorité judiciaire et d’avoir recours à un avocat de son choix et
soumettront à l’appréciation d’une autorité judiciaire le contrôle de sa détention à titre
extraditionnel et des conditions de l’extradition.
Les pièces à produire seront rédigées soit dans la langue de l’Etat requérant, soit dans
celle de l’Etat requis. Ce dernier pourra réclamer une traduction dans la langue
officielle de la CEDEAO qu’il choisira.
Article 30 : Frais
427
1. Les frais occasionnés par l’extradition sur le territoire de l’Etat requis seront à la
charge de cet Etat.
2. Les frais occasionnés par le transport du territoire de l’Etat requis seront à la charge
de l’Etat requérant.
3. Les frais occasionnés par le transit à travers le territoire de l’Etat requis du transit
seront à la charge de l’Etat requérant.
Article 31 : Réserves
2. Tout Etat qui aura formulé une réserve la retirera aussitôt que les circonstances le
permettront. Le retrait des réserves sera fait par notification adressée au Secrétaire
exécutif de la CEDEAO.
3. Un Etat qui aura formulé une réserve au sujet d’une disposition de la Convention ne
pourra prétendre à l’application de cette disposition par un autre Etat que dans la
mesure où il l’aura lui-même acceptée.
2. Les Etats pourront conclure entre eux des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs
aux questions réglées par la présente Convention, aux fins de compléter ou renforcer
les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l’application des principes qu’elle consacre.
Article 33 : Adhésion
428
2. Lorsqu’un Etat non membre de la Communauté sollicite son adhésion à la présente
Convention, il adressera à cette fin une requête au Secrétaire exécutif qui la notifiera
immédiatement à tous les autres Etats.
2. Toutes les propositions sont transmises au Secrétaire exécutif qui les communique
aux Etats dans les trente (30) jours suivant leur réception. Les propositions
d’amendements ou de révision sont examinées par la Conférence à l’expiration du
délai de préavis de trente (30) jours accordé aux Etats.
Article 35 : Dénonciation
1. La présente Convention entre en vigueur dès ratification par au moins neuf (9) Etats
signataires, conformément aux procédures constitutionnelles de chaque Etat
signataire.
429
En foi de quoi, nous, Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, avons signé la présente Convention.
430
ANNEXE 3 : Convention de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire en matière
pénale
PREAMBULE
CHAPITRE I DEFINITIONS
431
« Etat membre » ou « Etats membres », un Etat membre ou des Etats membres de la
Communauté;
« Etat membre requérant », un Etat membre qui a déposé une demande d’entraide
judiciaire aux termes de la présente Convention;
« Etat membre requis », un Etat membre auquel est adressée une demande d’entraide
judiciaire aux termes de la présente Convention;
432
2. L’entraide judiciaire prévue aux termes des dispositions de la présente Convention
vise :
433
3. l’Etat membre requis estime qu’il y a de sérieuses raisons de croire que la
demande d’entraide judiciaire est motivée par des considérations de race, de
sexe, de religion, de nationalité, d’origine ethnique ou d’opinions politiques ou
que la situation de la personne concernée pourrait être compromise pour l’une
ou l’autre de ces considérations ;
434
2. L’indication de l’objet de la demande et une brève description de l’aide
demandée ;
3. Sauf dans le cas d’une demande de remise d’actes de procédure et de
décisions judiciaires, un exposé des faits allégués qui constitueraient une
infraction, des dispositions législatives applicables ou l’indication de ces
dispositions;
4. l’identité, la nationalité et l’adresse de la personne à qui doit être signifiée une
assignation, le cas échéant ;
3. Si l’Etat membre requis estime que les renseignements contenus dans la demande
d’entraide judiciaire sont insuffisants pour lui permettre d’y donner suite, il pourra
demander un complément d’information.
1. La demande d’entraide judiciaire sera exécutée avec diligence et dans les formes
prévues par la législation et la pratique de l’Etat membre requis. Dans la mesure où
cela est compatible avec sa législation et sa pratique, l’Etat membre requis exécutera
la demande de la façon demandée par l’Etat membre requérant.
435
Article 7 : Restitution d’objets, dossiers ou documents à l’Etat membre requis
Les objets, ainsi que les originaux des dossiers et documents fournis à l’Etat membre
requérant en application de la présente Convention seront renvoyés à l’Etat membre
requis dès que possible, à moins que ce dernier ne renonce à ce droit.
a) L’Etat membre requis maintiendra le secret sur la demande d’entraide judiciaire, sur
sa teneur et les pièces à l’appui et sur le fait même de l’entraide. S’il n’est pas possible
d’exécuter la demande sans rompre le secret, l’Etat membre requis en informera l’Etat
membre requérant, qui décidera, en ce cas, s’il maintient sa demande.
2. Aussi longtemps que la peine qui lui a été infligée dans l’Etat membre requis n’est
pas purgée, la personne transférée sera maintenue en détention sur le territoire de
l’Etat membre requérant, qui devra la renvoyer en état de détention à l’Etat membre
requis à l’issue de la procédure dans le cadre de laquelle son transfert avait été
demandé ou plus tôt si sa présence a cessé d’être nécessaire.
3. Si l’Etat membre requis informe l’Etat membre requérant que l’état de détention de
la personne transférée a pris fin, cette personne sera remise en liberté et dans ce cas,
elle tombe dans le champ d’application de l’article 14 de la présente Convention.
1. L’Etat membre requérant peut solliciter l’aide de l’Etat membre requis pour inviter
une personne :
1. à comparaître dans une procédure pénale dans l’Etat membre requérant, sauf
s’il s’agit de la personne inculpée ; ou
2. à prêter son concours à une enquête relative à une affaire pénale dans l’Etat
membre requérant.
2. L’Etat membre requis devra inviter la personne à comparaître en qualité de témoin
ou d’expert dans une procédure pénale ou à prêter son concours pour l’enquête. Le
cas échéant, l’Etat membre requis s’assurera que des dispositions ont été prises pour
garantir la sécurité de la personne en cause.
4. Si la demande lui en est faite, l’Etat membre requis peut accorder à la personne,
une avance qui lui sera remboursée par l’Etat membre requérant.
Article 15 : Sauf-conduit
438
1. Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 du présent article, quand une
personne se trouve sur le territoire de l’Etat membre requérant par suite d’une
demande faite en application des dispositions des articles 13 et 14 :
1. Cette personne ne sera ni détenue, ni poursuivie, ni punie, ni soumise à quelque
autre restriction de liberté personnelle que ce soit sur le territoire de l’Etat
membre requérant, pour quelque acte, omission ou condamnation que ce soit
antérieur à son départ du territoire de l’Etat membre requis ;
2. Cette personne ne pourra être détenue, sans son consentement, de témoigner
dans quelque procédure ou de prêter son concours à quelque enquête que ce
soit, hormis la procédure ou l’enquête à laquelle se rapporte la demande
d’entraide judiciaire.
3. Une personne qui ne défère pas à une demande faite en application des dispositions
de l’article 13 ou à une invitation faite en application des dispositions de l’article 14 ne
pourra être soumise, alors que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune
sanction ou mesure de contrainte, à moins qu’elle ne se rende par la suite de son plein
gré dans l’Etat membre requérant et qu’elle n’y soit régulièrement citée à nouveau.
1. L’Etat membre requis fournira des copies des documents et dossiers accessibles
en tant qu’actes publics ou autres pièces ou titres accessibles au public.
2. L’Etat membre requis fournira des copies ou des extraits de tous autres documents
ou dossiers officiels aux mêmes conditions que ces documents, extraits ou dossiers
peuvent être fournis à ses propres autorités répressives ou judiciaires.
Dans une mesure compatible avec sa propre législation et à condition que les droits
des tierces parties de bonne foi soient protégés, l’Etat membre requis procèdera aux
439
perquisitions, saisies et livraisons d’objets que l’Etat membre requérant lui aura
demandé d’effectuer afin de recueillir des pièces à conviction.
Si l’Etat membre requérant lui en fait la demande, l’Etat membre requis s’efforcera
d’établir si les fruits de l’activité criminelle alléguée se trouvent sur son territoire et
avisera l’Etat membre requérant des résultats de ses investigations. En présentant sa
demande, l’Etat membre requérant fera connaître à l’Etat membre requis les raisons
qui le portent à croire que les fruits de l’activité criminelle alléguée peuvent se trouver
sur le territoire de l’Etat membre requis.
1. A la suite d’une demande faite par l’Etat membre requérant en application des
dispositions de l’article 18 de la présente Convention, l’Etat membre requis s’efforcera
de remonter à la source des avoirs, d’enquêter sur les opérations financières
appropriées et de recueillir tous autres renseignements ou témoignages de nature à
faciliter la récupération des fruits de l’activité criminelle.
1. Dans la mesure compatible avec sa législation, l’Etat membre requis donnera effet
à toute décision définitive de saisie ou de confiscation des fruits d’activités criminelles
émanant d’une juridiction de l’Etat membre requérant, ou autorisera l’application de
cette décision ou, en réponse à une demande émanant de l’Etat membre requérant,
prendra toute autre mesure appropriée pour mettre ces fruits en sûreté ;
2. Les Etats membres veilleront à ce que les droits des tiers de bonne foi et ceux des
victimes soient respectés.
440
Article 21 : Champ d’application
1. Toute demande de transfert des poursuites sera faite par écrit et renfermera ou sera
accompagnée par les renseignements suivants :
3. Si l’Etat membre requis estime que les renseignements contenus dans la demande
d’entraide judiciaire sont insuffisants pour lui permettre d’y donner suite, il pourra
demander un complément d’information.
441
Article 24 : Décision au sujet de la demande
Il ne pourra être donné suite à une demande de transfert des poursuites que dans le
cas où l’acte motivant la demande de transfert constituerait une infraction s’il avait été
commis sur le territoire de l’Etat membre requis.
Si l’Etat membre requis refuse de donner suite à une demande de transfert des
poursuites, il communiquera les raisons de son refus à l’Etat membre requérant. Le
refus pourra se justifier si:
a. Le suspect n’est ni ressortissant ni résident ordinaire de l’Etat membre requis ;
2. L’acte en question est une infraction tombant sous le coup du code de justice
militaire sans constituer pour autant une infraction au regard du droit commun ;
3. l’infraction en question est considérée par l’Etat membre requis comme une
infraction politique.
1. Le suspect peut faire connaître à l’un ou l’autre des Etats membres son intérêt pour
le transfert des poursuites. Les représentants autorisés ou un proche parent du
suspect peuvent aussi exprimer le même vœu.
2. Avant qu’une demande de transfert des poursuites ne soit faite, l’Etat membre
requérant devra permettra au suspect, dans la mesure du possible, de faire connaître
son opinion sur l’infraction qu’il est présumé avoir commis et sur le transfert envisagé,
à moins que le suspect n’ait pris la fuite ou n’ait, par d’autres moyens, empêché la
justice de suivre son cours.
L’Etat membre requérant et l’Etat membre requis veilleront à ce que le transfert des
poursuites ne compromette pas les droits de la victime de l’infraction, notamment son
droit à restitution ou à réparation. Si la demande de la victime n’a pas été réglée avant
442
le transfert, l’Etat membre requis devra autoriser la présentation de la demande dans
le cadre des poursuites transférées, si son droit national prévoit cette possibilité. En
cas de décès de la victime, la présente disposition s’appliquera à ses ayants droit.
Une fois que l’Etat membre requis aura accepté d’intenter des poursuites contre le
suspect, l’Etat membre requérant suspendra ses poursuites, sans préjudice des
enquêtes qui se révéleraient nécessaires et de l’assistance judiciaire à fournir à l’Etat
membre requis, jusqu’à ce que l’Etat membre requis fasse savoir à l’Etat membre
requérant que l’affaire a été définitivement tranchée. A partir de cette date, l’Etat
membre requérant classera définitivement les poursuites à l’égard de l’infraction
considérée.
2. Pour autant qu’il soit compatible avec la législation de l’Etat membre requis, tout
acte accompli sur le territoire de l’Etat membre requérant aux fins de poursuite ou pour
les besoins de la procédure conformément à sa législation aura la même valeur sur le
territoire de l’Etat membre requis que si l’acte avait été accompli dans cet Etat ou par
les autorités de cet Etat membre.
Lorsque l’Etat membre requérant annonce son intention de présenter une demande
de transfert de poursuites, l’Etat membre requis pourra, à la demande expresse de
443
l’Etat membre requérant, prendre toutes mesures conservatoires, y compris de
détention provisoire et de saisie, qui seraient applicables en vertu de sa propre
législation si l’infraction donnant lieu à la demande de transfert de poursuites avait été
commise sur son territoire.
Lorsque des poursuites pénales seront pendantes dans deux ou plusieurs Etats
membres contre le même suspect et pour la même infraction, les Etats membres
intéressés se concerteront pour désigner celui auquel ils entendent entre eux confier
le soin exclusif de poursuivre l’action pénale. La décision issue de ces consultations
sera assimilée à une demande de transfert de poursuites.
Une demande d’entraide judiciaire, les pièces justificatives y relatives ainsi que les
documents et autres moyens de preuves présentés en réponse à cette demande,
n’exigent aux termes de la présente Convention ni authentification ni certification.
2. Les Etats membres pourront conclure entre eux des accords bilatéraux ou
multilatéraux relatifs aux questions réglées par la présente Convention, aux fins de
444
compléter 445ur enforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l’application des
principes qu’elle consacre.
Article 36 : Adhésion
2. Toutes les propositions sont transmises au Secrétariat exécutif qui les communique
aux Etats membres dans les trente (30) jours suivant leur réception.
446
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2000, p. 814, obs. Bernard. Bouloc.
Cass. crim, 15 juin 1893, Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, 1893, n°152, p
234
459
Section 2 : Le régime juridique de la transmission des poursuites
Juridictions du fond
CJCE, 11 février 2003, affaires jointes C-187/01 et C-385/01, Rec., 2003, p. I-1345,
Affaires Gözütok et Brügge ;
460
CJCE, 9 mars 2006, aff. C-434/06, VAN ESBROECK, Europe 2006, comm. 147 obs.
F.KAUFF-GAZIN ; J. B. HUBIN
CE, Ass., Bereciartua-Echarri, 01 avril 1988, JCP, 1988, II, 21071, concl. Vigouroux ;
Dalloz, 1988, pp. 413 - 418, note H. LABAYLE.
Cass. crim., 21 septembre 1984, JCP, 1985, II, note Jeandidier ; RSC, 1984, 807, obs.
C. LOMBOIS.
Cass. crim. 27 mars 2001, Bull. crim nº 81.
Cass. crim. 02/10/1987, Bull. crim. nº 329 ;
461
Section 2 : L’allègement des conditions liées aux faits de blanchiment objets de
l’extradition
Cass. crim. 08 juillet 1997, Bull. crim. nº 267, RG proc. 1998. 108, obs. D. REBUT
Juridictions du fond
462
Cour de Cassation – Chambre Criminelle
Cass. crim. 08 Juillet 1997, Bull. Crim. nº 267, RG proc. 1998. Obs. D. REBUT.
Cass. crim. 22 mai 2001, Bull.Crim nº 130
Cass. crim., 23 juillet 1984 Bull. nº 254
Cass. crim. 15 septembre 2004, Bull. crim nº 209 ;
Cass.crim 7 février 1995, nº 94-85.248, Bull. Crim. nº 52
Cass.crim, 23 novembre 1972, Bull. Crim 1972, nº 356, p. 906 ;
Cass.crim., 11 octobre 1998, Arriagada, Bull. Crim., nº 342 ;
Cass. crim. 12 mai 2010, no 10-81.249.
Conseil d’Etat
CE, 13 Février 1948, Louarn, Lebon, p. 79 ; 14 février 1968, Bosquier, Lebon, p. 117 ;
CE, 13 Octobre 1961, Madame Weitzdorfer, Lebon, p. 564
463
CHAPITRE 1: L’ADAPTATION NECESSAIRE DU MECANISME DE
FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS ROGATOIRES INTERNATIONALES EN
MATIERE DE BLANCHIMENT
Section 1 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre juridiques aux CRI
Juridiction du fond
464
Cass.crim., 19 avril 2005, Bull.crim. 2005, n° 136, p. 489, pourvoi n° 05-81. 677.
Cass.crim., 08 juin 2005, Bull.crim. 2005, n° 176, p. 626, pourvoi n° 05-84.575.
Cass.crim., 28 juin 2005, pourvoi n° 05-83.393.
Cass.crim., 14 septembre 2005, Bull.crim. 2005, n° 228, p. 811, pourvoi n° 05-84551.
Cass.crim., 21 juillet 2005, pourvoi n°05-84.058.
CJUE, 25 avr. 2013, Jyske Bank Gibraltar Ltd c/Administration del Estato
CJCE, arrêt du 23 avril 1986, les verst c. Parlement européen, aff. 294/83, Rec. 1986,
p. 1339.
CJUE arrêt du 29 juin 2010, Procédure pénale contre E. et F., aff. C-550/09, rEC, 2010
I-6213,
CJUE, Van gend et Loos, 5 février 1963, p. 1.
CJUE, 14 avril 2011, Commission/Espagne (C-343/10), non publié, ECLI: EU: C : 2011
: 260 .
CJUE, 25 juillet 2018, Commission/Espagne(C-205/17), ECLI : EU : C : 2018 : 606.
465
Juridictions internationales
CJUEMOA, 12 Janvier 2005, Compagnie Air France c/ Syndicat des Agents de Voyage
et de Tourisme du Sénégal, Rec. pp. 518-534 ;
CJUEMOA, 30 AVRIL 2014, TRAORE Thierry Michel c/ SALIFOU Mohamed,
CJUEMOA, 30 avril 2014, TRAORE Thierry Michel c/SYB Léwa Sansan Dieudonné,
CJUEMOA, 30 AVRIL 2014, la BOAD c/SOUMAHORO Youssouf,
CJUEMOA, 30 avril 2014, TRAORE Lassina c/ La BOAD.
CJCE 27 janv. 2005, Nordsee, JCP 2005. II. 10079, note Chabot.
CJCE 30 Juin 1966, Vaassens Göbbels, aff. 61/65, Rec. CJCE 377.
CJCE, ord., 14 mai 2008, Pilato, aff. C- 109/07, Rec. CJCE-I 3503.
CJCE, 12 déc. 1990, Kaefer et Proaci, aff. Jointes C- 100/89 et C-101/89, Rec. CJCE-
I 4647.
CJCE 12 décembre 1996, Procédures pénales c/ X, aff. Jointes C-74/95 et C-129/95,
Rec. CJCE-I 6609.
466
CJCE Aff. Molkerei, 03 avril 1968, Rec., 1968
CJCE, 6 OCTOBRE 1982, Cilfit, aff. 283/81, Rec.
CJCE, ord. 26 janvier 1990, Falciola, affaire C-286/88, Rec., P. 191
CJCE, 13 décembre 1989, Grimaldi, affaire nº C-322/88.
CJCE 18 Octobre 1990, Ozodi, aff. C-197/89, Rec. CJCE-I 3763,
CJUE 10 décembre 2009, Rodriguez Mayor et a., aff. C-323/08, Rec. CJCE-I 11621.
CJCE 6 mars 2003, Kaba, aff. C-466/00, rec. CJCE-I 2219.
CJCE 30 septembre, 2003, köbler, aff. C-224/01, Rec. CJCE-I 10239, pts 34 et 35.
CJCE, ord., 5 mars 1986, Wünsche c/Allemagne, aff. 69/85, Rec. CJCE 947.
CJCE 17 Juin 1999, Piaggio, aff. C-295/97, Rec. CJCE-I 3735.
CJCE 22 octobre 1987, Fotofrost, aff. 314/85, Rec. CJCE 4199.
CJCE, 6 décembre 2005, Schul Douane, aff. C-461/03, Rec. CJCE-I 10513.
CJCE du 28 avril 1998, aff. C-120/95, Nicolas Decker/Caisse de maladie des employés
privés
CJCE, 25 mars, Bidar, arrêt nºC-209/03
467
468
INDEX ALPHABETIQUE
B
A
BEAC, 342
Accès à la justice,479, 480
BCEAO, 16 ,17
Acte juridictionnel, 330, 331
Action
Blanchiment, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 38,
commune, 421 62, 63, 64, 65, 66, 67
469
Confiance mutuelle, 88, 120, 124,
172, 339, 340, Droits fondamentaux, 308, 351, 354
Coopération judiciaire, 20, 21, 22, Effet direct, 429, 433, 434, 454
23, 30, 260, 261
Entraide judiciaire, 267, 277
Cour de Justice de l'UE, 386, 433
Etat requérant, 60, 80, 81, 68, 69
Cour de Justice de l’UEMOA, 426,
427 Etat requis, 56, 61, 83, 84, 212
ONUDC, 395
internationaux, 29
L
Financiers, 322
Légalité des poursuites, 84 ,85
Peines
Mandat d’arrêt européen, 356, 357,
358, 359, 360, 361, 362 Accessoires, 93
Nationalité, 157, 161, 162, 168, 169 Peine de mort, 280, 351, 355,
Non bis in idem, 45, 124, 126, 127, Perquisitions, 230, 265, 272, 273,
219 274, 275, 294, 421,
471
Principe de la territorialité, 32, 94, Sanctions pécuniaires, 115, 116,
95, 96, 97, 98 ,102, 338, 445, 446
U
Rapprochement des législations,
341, 343, 344
UEMOA, 16, 17, 18,
Recours en annulation, 428, 431,
432 UMOA, 17, 24, 342,
Recours en manquement, 428, 432, Union européenne, 15, 22, 24, 25, 26,
440, 439, 446 48
472
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT ...................................................................................................... I
RESUME ................................................................................................................... III
DEDICACE ................................................................................................................. V
REMERCIEMENTS .................................................................................................. VII
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ............................................................ IX
SOMMAIRE ............................................................................................................. XIII
INTRODUCTION GÉNÉRALE.................................................................................... 1
PARTIE I : LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN
MATIÈRE DE BLANCHIMENT ................................................................................. 25
TITRE 1 : L’ÉLARGISSEMENT DE LA TERRITORIALITÉ EN FAVEUR DE
L’ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT ............................. 29
Chapitre 1 : La transmission des poursuites en matière de blanchiment ........... 33
Section 1 : L’évolution du mécanisme de la transmission des poursuites ...... 34
§1 : Les origines de la transmission des poursuites : la dénonciation aux fins
de poursuite ................................................................................................. 34
A. Le cadre légal de la dénonciation aux fins de poursuite ...................... 35
B- Le régime juridique de la dénonciation aux fins de poursuites ............ 38
§2 : La consécration de la transmission des poursuites .............................. 43
A. La bonne administration de la justice ................................................... 45
B. L’intérêt du délinquant.......................................................................... 47
Section 2 : le régime juridique de la transmission des poursuites ................... 50
§1 : Les conditions de la transmission des poursuites................................. 51
A. La condition liée à la compétence de l’État requérant.......................... 53
1. L’État requérant attributaire d’une compétence originaire ................. 53
a. L’infraction spéciale de blanchiment .............................................. 54
b. La loi générale de blanchiment ...................................................... 55
2. Dessaisissement par l’État requérant de cette compétence originaire
.............................................................................................................. 57
B. La condition liée à la compétence de l’État requis ............................... 59
1. L’acceptation par l’État requis de l’offre de transfert de poursuite ..... 59
2. La consécration d’une compétence extraterritoriale indépendante de
la législation nationale de l’État requis .................................................. 60
§2 : Les effets de la transmission des poursuites ........................................ 62
A. Les effets de la transmission des poursuites sur la compétence des
deux États coopérants.............................................................................. 63
473
1. L’effet extinctif de la compétence de l’État requérant ........................ 63
2. L’effet créateur de la compétence de l’Etat requis ............................ 66
B. Le sort des actes de procédure accomplis par l’État requérant avant la
transmission des poursuites ..................................................................... 70
Chapitre 2 : l’exécution extraterritoriale des décisions pénales se rapportant au
blanchiment........................................................................................................ 73
Section 1 : L’assouplissement du principe de la territorialité des jugements
répressifs ........................................................................................................ 74
§1 : L’atténuation du principe de la territorialité des décisions répressives
étrangères par la méthode de prise en considération. ................................. 75
A. Le contenu du principe de la territorialité de la répression ................... 75
B. La prise en considération de la décision étrangère .............................. 79
§2 : L’atténuation du principe de la territorialité résultant de l’application des
conventions internationales ......................................................................... 84
A. L’exécution des peines privatives de liberté ......................................... 85
1. La procédure de transmission de l’exécution des peines privatives de
liberté .................................................................................................... 85
a. La délégation de l’exécution .......................................................... 85
b. La reprise de l’exécution des peines.............................................. 87
2. Le transfèrement des personnes condamnées par des décisions
étrangères ............................................................................................. 88
a. Les conditions de fond ................................................................... 89
b. Les conditions de forme................................................................. 92
B. L’exécution des peines de nature pécuniaire, des décisions étrangères
de confiscation et de saisie ...................................................................... 93
1. Les peines de nature pécuniaire ....................................................... 93
2. La confiscation et la saisie des biens ................................................ 95
Section 2 : L’abandon du principe de la territorialité de la répression par la
consécration du principe de reconnaissance mutuelle ................................. 100
§1 : L’autorité de la chose jugée conférée aux décisions étrangères de
confiscation et de saisies émanant des États membres ............................ 101
A. L’autorité négative de la chose jugée................................................. 102
B. L’autorité positive de la chose jugée .................................................. 107
§2 : L’exécution des décisions étrangères de confiscations et de saisies . 111
A. Le dispositif de mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle
des décisions de confiscation ................................................................. 112
B. Les modalités d’exécution des décisions de confiscation .................. 117
474
TITRE 2 : L’ASSOUPLISSEMENT DES MECANISMES TRADITIONNELS DE
L’EXTRADITION EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT. ......................................... 123
Chapitre 1 : L’allègement des conditions de fond de l’extradition en matière de
blanchiment...................................................................................................... 125
Section1 : L’allègement des conditions liées à la personne extradable ........ 125
§ 1 : La condition relative à la nationalité étrangère de la personne visée par
la demande d'extradition............................................................................ 127
A. Le principe de la non-extradition des nationaux ................................. 128
B. Les fondements du principe de la non-extradition des nationaux ...... 133
§2 : La renonciation au principe de la non-extradition ............................... 139
A. Les justifications de la renonciation au principe de la non-extradition 140
B. L’apport de la renonciation à la règle de la non-extradition des
nationaux au droit de l’extradition ........................................................... 144
Section 2 : L’allègement des conditions liées aux faits de blanchiment objet de
l’extradition.................................................................................................... 146
§1 : La remise en cause des conditions liées à la gravité des faits ........... 150
A. Les limites du critère de la gravité de la peine ................................... 151
B. La suppression d’un seuil d’extradition .............................................. 154
§2 : La suppression des autres conditions : le contrôle de la double
incrimination et la nature politique de l’infraction ....................................... 156
A. L’abandon du principe de la double incrimination par l’effet
d’harmonisation des incriminations ........................................................ 157
B. Le caractère inopérant de l’exception de l’infraction politique en matière
de blanchiment ....................................................................................... 161
Chapitre 2 : L’admission d’une procédure simplifiée d’extradition en matière de
blanchiment...................................................................................................... 169
Section 1 : Les conditions de mise en œuvre de la procédure simplifiée
d’extradition .................................................................................................. 171
§ 1 : Les conditions générales ................................................................... 171
A. Les conditions procédurales liées à la compétence ........................... 172
B. Les conditions procédurales au sens strict ........................................ 174
1. L’autorité de la chose jugée ou le principe ne bis in idem ............... 174
2. Les causes d’extinction de l’action publique ................................... 177
a. La prescription ............................................................................. 177
b. L’amnistie .................................................................................... 180
§2 : Les conditions spécifiques à la procédure simplifiée d’extradition ...... 180
A. La demande judiciaire d’arrestation provisoire ................................... 180
475
1. Les conditions de forme .................................................................. 181
2. Les garanties en faveur de la personne arrêtée.............................. 183
a. Le droit à l’information ................................................................. 184
b. Le droit de ne pas rester en détention au-delà d’un certain délai 184
B. Une déclaration de consentement à l’extradition de l’individu réclamé
............................................................................................................... 186
Section 2 : Les effets de la mise en œuvre de la procédure simplifiée ......... 189
§1 : Les effets propres à la procédure simplifiée ....................................... 189
A. La simplification dans la formulation de la requête ............................ 189
B. La simplification dans la prise de la décision de remise..................... 192
§ 2 : Les effets communs à la procédure d’extradition de droit commun ... 196
A. Les obligations de l’État requis .......................................................... 197
1. La remise de la personne dont l’extradition est réclamée ............... 197
2. La remise des objets saisis ............................................................. 198
B. Les obligations de l’État requérant : le respect du principe de la
spécialité ................................................................................................ 199
1. Le contenu du principe de la spécialité ........................................... 200
2. Les dérogations au principe de la spécialité ................................... 203
a. Le consentement de l’État requis................................................. 203
b. La renonciation de la personne extradée ..................................... 205
PARTIE II : LES IMPERFECTIONS DE LA COOPERATION JUDICIARE EN
MATIERE DE BLANCHIMENT ............................................................................... 211
TITRE 1 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE PROCEDURAL DE LA
COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIERE DE BLANCHIMENT...................... 213
Chapitre 1 : L’adaptation nécessaire du mécanisme de fonctionnement des
commissions rogatoires internationales en matière de blanchiment ................ 215
Section 1 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre juridiques aux
CRI................................................................................................................ 216
§1 : Les insuffisances liées à l’établissement de la commission rogatoire 216
A. Les conditions de fond ....................................................................... 217
1. Les conditions liées à l’infraction ..................................................... 217
2. Les conditions liées à l’acte ............................................................ 219
B. Les conditions de forme ..................................................................... 222
1. L’amélioration du contenu de la commission rogatoire internationale
............................................................................................................ 223
2. La nécessaire simplification de la transmission de la commission
rogatoire .............................................................................................. 225
476
§2 : Les insuffisances liées au mode d’exécution des CR ......................... 229
A. Les insuffisances liées à la mise en œuvre du principe d’exécution des
CRI ......................................................................................................... 229
1. L’absence de précision sur les délais d’exécution des CRI ............ 230
2. L’existence d’obstacles à l’exécution des CRI ................................ 231
B. Les insuffisances liées aux modalités d’exécution des commissions
rogatoires ............................................................................................... 233
1. Les insuffisances liées aux recours contre les actes irréguliers
accomplis lors de l’exécution des CRI ................................................ 233
2. Les insuffisances liées à la non-participation active de l’autorité
requérante à l’exécution de la CRI ...................................................... 236
Section 2 : Une suppression nécessaire des entraves d’ordre pratique à
l’exécution des CRI ....................................................................................... 239
§1 : Les insuffisances liées aux échanges d’informations ......................... 240
A. Les difficultés liées aux échanges d’information par le biais des CENTIF
............................................................................................................... 241
1. Les échanges d’informations entre cellules de renseignements
financiers............................................................................................. 241
a. Les échanges d’informations entre CRF de l’UEMOA ................. 241
b. Les échanges entre CENTIF et CRF étrangères ......................... 246
2. Les entraves aux échanges d’informations entre CRF ................... 247
B. Les échanges par le biais des casiers judiciaires .............................. 248
1. Les difficultés dans la mise en œuvre des échanges d’information par
le biais du casier judiciaire .................................................................. 249
2. Les réformes nécessaires ............................................................... 251
§2 : Les insuffisances liées aux ressources humaines .............................. 253
A. Les insuffisances liées au nombre ..................................................... 253
B. Les insuffisances liées aux performances des ressources humaines
qualifiées ................................................................................................ 254
1. La spécialisation des acteurs judiciaires à la lutte contre le
blanchiment des capitaux ................................................................... 255
2. La formation sur l’entraide pénale internationale dans la lutte contre la
délinquance économique et financière ................................................ 258
Chapitre 2 : L’amélioration de la confiance mutuelle en matière de lutte contre
blanchiment des capitaux................................................................................. 261
Section1 : La nécessité d’une consécration aboutie du principe de
reconnaissance mutuelle des décisions répressives .................................... 261
§1 : Le contenu du principe de la reconnaissance mutuelle ...................... 262
477
A. L’exigence d’une décision de justice .................................................. 262
B. Le domaine d’application illimité de la reconnaissance mutuelle ....... 266
§2 : Une mise en œuvre limitée à l’exécution des décisions étrangères de
confiscation des biens et de nature pécuniaire .......................................... 267
Section 2 : La nécessité de l’élargissement du champ d’application du principe
de la reconnaissance mutuelle aux décisions pré-sentencielles ................... 271
§1 : La nécessité de la confiance mutuelle comme moyen d’assurer la
reconnaissance mutuelle ........................................................................... 271
A. Le rapprochement des législations comme moyen d’assurer la
confiance mutuelle ................................................................................. 273
1. La notion d’harmonisation ............................................................... 273
2. L’étendue de l’harmonisation .......................................................... 275
a. L’harmonisation dans le droit pénal matériel ............................... 276
b- L’harmonisation de la procédure pénale...................................... 279
B. Le respect des droits fondamentaux .................................................. 280
1. L’obstacle se rapportant à la procédure pénale applicable dans les
États membres de l’UEMOA ............................................................... 280
2. L’obstacle lié à la peine ................................................................... 284
§2 : Les mécanismes de fonctionnement du MAE..................................... 285
A. Les innovations introduites par le mandat d’arrêt européen .............. 286
1. La judiciarisation de la procédure de remise ................................... 287
2. La simplification maximale des formalités procédurales ................. 289
B. La nécessite de l’adoption d’un mandat d’arrêt unique propre aux Etats
membres de l’UEMOA............................................................................ 292
1. Les limites du système OIPC-INTERPOL ....................................... 292
2. Les résultats positifs du MAE sur la coopération judiciaire ............. 293
TITRE 2 : LES INSUFFISANCES D’ORDRE STRUCTUREL DE LA
COOPERATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE DE BLANCHIMENT...................... 300
Chapitre 1 : Les acteurs non juridictionnels ..................................................... 302
Section 1 : La prise en considération des organismes supranationaux ........ 302
§ 1 : Les organismes d’envergure mondial ................................................ 302
A. Le GAFI : Acteur d’impulsion de la coopération judiciaire internationale
en matière de blanchiment ..................................................................... 303
1. Un organisme de promotion de la coopération judiciaire en matière de
blanchiment......................................................................................... 304
2. Les limites du GAFI en tant qu’organisme de coopération judiciaire en
matière de lutte contre le blanchiment ................................................ 308
478
B. Le groupe EGMONT .......................................................................... 310
1. Un organisme de promotion de la coopération judiciaire ................ 310
2. Les limites du Groupe EGMONT .................................................... 313
§ 2 : Les organismes d’envergure sous régionale ..................................... 315
A. Le GIABA : Organe de veille de la coopération judiciaire en matière de
blanchiment en Afrique de l’Ouest. ........................................................ 316
B. Les limites du GIABA ......................................................................... 318
Section 2 : La création d’un organe intégré de centralisation de la coopération
judiciaire........................................................................................................ 320
§ 1 : Les prémices d’un organe intégré ..................................................... 321
A. Les outils de coopération judiciaire à compétence élargie ................. 322
1. Le réseau WACAP .......................................................................... 323
a. Un outil efficace de la coopération judiciaire ................................ 324
b. Un outil de coopération limité ...................................................... 327
2. La Plateforme de Coopération Judiciaire ........................................ 328
a. Objectifs et fonctionnement ......................................................... 328
b. Les acquis et les limites de la PCJP ............................................ 330
B. Les outils de coopération judiciaire consacrés exclusivement à la
Coopération judiciaire contre le blanchiment .......................................... 331
1. Un outil de facilitation de la coopération judiciaire entre les États
membres.......................................................................................... 334
2. Un outil de coopération perfectible .............................................. 335
§ 2 : La nécessite de la création d’un organe de coordination propre à
l’UEMOA .................................................................................................... 336
A. Le préalable à la mise en place d’un organe intégré.......................... 336
1. L’ineffectivité de la désignation d’une autorité centrale dans tous les
Etats membres .................................................................................... 337
2. La création des pôles de juridictions spécialisés dans la lutte contre la
criminalité économique et de l’Agence de recouvrement et de gestion
des avoirs d’origine criminelle ............................................................. 339
a. La création de pôles judiciaires spécialisés ................................. 339
b. La création d’un organe de recouvrement et de gestion des avoirs
issus du crime .................................................................................. 341
B. Le contenu envisageable de l’organe intégré .................................... 343
1. L’exemple de l’institution communautaire européen chargé de la
coordination de la coopération judiciaire : EUROJUST....................... 344
2. La création d’un véritable parquet communautaire ......................... 348
479
Chapitre 2 : Les acteurs juridictionnels ............................................................ 353
Section 1 : Le renforcement des capacités intégratives de la Cour de justice de
l’UEMOA ............................................................................................................. 353
§1 : La CJUEMOA : Garant de la libre circulation des décisions répressives
.................................................................................................................. 354
A. Un environnement juridique favorable ............................................... 354
B. Un activisme jurisprudentiel remarquable dans le sens du renforcement
de l’intégration communautaire .............................................................. 360
§ 2 : Les limites de la CJUEMOA sur l’efficacité de la reconnaissance
mutuelle des décisions répressives ........................................................... 364
A. Les contraintes juridiques .................................................................. 364
B. Les contraintes d’ordre politico-opérationnelles ................................. 367
1. Les contraintes d’ordre politique ..................................................... 367
2. Les contraintes d’ordre opérationnel ............................................... 372
Section 2 : Le renforcement des capacités des juridictions nationales en faveur de
l’application effective et uniforme du droit communautaire. ................................. 373
§ 1 : L’apport des juridictions nationales dans l’application effective et
uniforme du droit communautaire : le mécanisme du renvoi préjudiciel. ... 374
A. Les juridictions nationales, premier juge communautaire .................. 374
B. Le régime juridique du renvoi préjudiciel ............................................ 379
1. les conditions d’exercice du renvoi préjudiciel ................................ 380
2. Les effets du renvoi préjudiciel et son impact sur l’application uniforme
du droit communautaire ...................................................................... 383
§2 : Les contraintes rencontrées par les juridictions nationales dans
l’application du droit communautaire ......................................................... 387
A. L’ineffectivité du droit communautaire du fait de son ignorance par les
citoyens des Etats membres de l’UEMOA .............................................. 388
B. Le déficit de connaissance du droit communautaire par les juges
nationaux................................................................................................ 389
CONCLUSION GENERALE ................................................................................... 395
ANNEXES .............................................................................................................. 399
ANNEXE 1 : LOI UNIFORME RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME DANS LES ETATS
MEMBRES DE L'UNION MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UMOA) ................... 400
ANNEXE 2 : CONVENTION D’EXTRADITION CEDEAO....................................... 417
ANNEXE 3 : CONVENTION DE LA CEDEAO RELATIVE À L’ENTRAIDE
JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE ...................................................................... 431
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 447
480
INDEX DE JURISPRUDENCE ............................................................................... 459
INDEX ALPHABETIQUE ........................................................................................ 469
TABLE DES MATIERES......................................................................................... 473
481