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migration de résidence
Sara Benjelloun
Dans Afrique(s) en mouvement 2019/1 (N° 1), pages 95 à 97
Éditions Université Internationale de Rabat
ISSN 2820-7378
ISBN 9789920963817
DOI 10.3917/aem.001.0095
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Sara Benjelloun
Doctorante en science politique à l’université de Grenoble-Alpes
Le ton est donné dans le titre même. L’ouvrage l’organisation du quotidien des migrants, leur
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conteste un matériel scientifique précieux pour apparaît de plus en plus comme un choix « faute
la recherche en la matière. En effet, celle-ci se de mieux » ou de « second best », une sorte de
trouve très souvent confrontée au manque de destination « substituable » aux pays de l’Europe.
données et au silence des institutions qui en Même les personnes qui se disent déçues ou peu
détiennent. satisfaites de leur séjour au Maroc n’envisagent
pas de le quitter pour autant, espérant que leur
L’enquête de terrain a été conduite entre la fin
situation, le plus souvent précaire, va s’améliorer
de 2015 et le début de 2016, soit à la suite de
à l’avenir.
la campagne de régularisation des étrangers en
situation administrative irrégulière de 2014, qui L’un des enseignements importants que l’on
a bénéficié à plus de 23 000 personnes (1), dont retire de cette étude est que la recherche d’un
plus de 70 % sont issues des pays se situant au sud niveau de vie meilleur constitue la motivation
du Sahara (2). L’ouvrage prend soin de comparer principale des migrants, loin derrière les guerres
ses résultats avec ceux d’une autre étude qui a ou les troubles politiques. Certains chiffres
été menée en 2007 par l’Association marocaine parlent d’eux-mêmes et méritent à cet égard
d’études et de recherche sur les migrations (AMERM) d’être mentionnés. La majorité des migrants
sur un échantillon de 1 000 personnes (3). Cette sont des hommes (74 %), urbains (91%) en âge
dernière s’inscrivait dans un tout autre contexte de travailler (96 % des enquêtés ont entre 15 et
profondément empreint d’une logique sécuritaire. 54 ans et une moyenne d’âge de 27,80 ans), d’un
En effet, elle a été conduite après l’adoption de la certain niveau d’éducation (37 % ont le niveau
loi 02-03 et le renforcement des frontières de Ceuta secondaire et 49 % ont le niveau supérieur) et
et Melilla à la suite des tragiques événements de appartiennent aux milieux relativement aisés
2005. Ces mesures avaient pour but de limiter de leurs société d’origine, étant donné le coût
considérablement l’émigration irrégulière important de l’émigration. Le phénomène
depuis le Maroc. La comparaison permet de faire migratoire s’inscrit donc dans la continuité d’une
ressortir certaines tendances qui sont apparues logique de recherche et d’accession à un emploi.
avec le temps entre 2007 et 2015 (la féminisation La levée du principe de préférence nationale pour
progressive des flux ou encore la diminution de les migrants régularisés en 2014 et l’atout que
la part des célibataires, par exemple). Un travail représente le niveau d’éducation des migrants
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nouvelle politique migratoire, l’intégration n’est L’ouvrage nous interpelle également sur une
possible qu’à travers l’intensification des relations question qui mérite d’être posée. Si l’acquisition
avec la société. de la nationalité marocaine est aujourd’hui
particulièrement restrictive, le débat sur son
Les auteurs de l’ouvrage ont vu juste au sujet
extension se posera à coup sûr dans les années à
de « l’inévitable réitération des campagnes de
venir, dès lors que plusieurs centaines voire des
régularisation » (page 13). Seulement douze jours
milliers de personnes nées sur le sol marocain de
après la parution de l’étude, un communiqué de parents étrangers y seront éduquées et socialisées.
la commission en charge de la régularisation In fine, la dynamique de reformulation de l’octroi
des étrangers annonce le « lancement, dans de la nationalité marocaine débouchera sur des
l’immédiat, de la deuxième phase d’intégration des débats plus larges, portant par exemple sur la
personnes en situation irrégulière (4) » à la suite redéfinition de l’identité nationale.
d’instructions royales. Bien que le communiqué
précise que celle-ci « était déjà prévu[e] pour La nouvelle politique migratoire constitue un
fin 2016 (5) », cette information n’a pour le support de la stratégie que mène le Maroc en
moins jamais été communiquée publiquement, Afrique. Elle confirme également la dynamique de
et rien ne le laissait penser. Avant l’annonce, la pénétration de la culture des droits de l’homme
certains hauts fonctionnaires excluaient et de l’État de droit que connaît le Royaume.
catégoriquement toute nouvelle opération Pourtant, les propos tenus en février 2017 par le
de ce type dans le moyen terme, estimant la ministre de l’Agriculture, Aziz Akhenouch (7), et le
première comme étant « exceptionnelle ». Leur franchissement de la frontière de Ceuta quelques
argument consistait à dire que le renforcement jours plus tard par plusieurs centaines de
des frontières marocaines est à même de limiter Subsahariens (le plus important depuis plus d’une
décennie) remettent sur le tapis les accusations
considérablement les flux entrants irréguliers et
espagnoles datant du début des années 2000,
donc le nombre de nouveaux candidats potentiels
selon lesquelles le Maroc commanderait les
à la régularisation (6). Cette vision illusoire, que la
vannes de la migration irrégulière en les ouvrant
nouvelle campagne de régularisation contredit,
ou les fermant à sa guise en fonction de ses seuls
est également fausse à plusieurs égards. D’abord,
intérêts (8)…
la politique migratoire menée par le Maroc
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