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Rapport Définitif - Audit CMU - Mutuelles de Santé VF 2

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REPUBLIQUE DU SENEGAL

Un Peuple - Un But - Une Foi


*************
COUR DES COMPTES
******
CHAMBRE DES AFFAIRES
ADMINISTRATIVES
******

AUDIT DE PERFORMANCE
VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE/
PROGRAMME DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
RAPPORT D’ETUDE PRELIMINAIRE
GESTIONS 2015-2019

RAPPORT DEFINITIF

Equipe d’audit :
 Mme Zeynab MBENGUE WADE, Conseiller, Rapporteur
 Mme Aïta NDOYE, Assistante de vérification
 M. Malick DIENG, Assistant de vérification

Octobre 2021
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DELIBERE

Conformément aux dispositions de l’article 49 de la loi organique n°2012-23 du 27 décembre


2012 sur la Cour des Comptes, le présent rapport définitif portant sur l’audit de performance du
volet « développement des mutuelles de santé » du programme de la Couverture Maladie
universelle (CMU) pour la période 2015-2019 a été adopté par la Chambre des Affaires
administratives de la Cour des Comptes en sa séance du 21 octobre 2021 à la majorité de ses
membres, sur le contenu du rapport provisoire et au vu et compte tenu des réponses et
observations des responsables des entités responsables du programme audité.
Ont assisté à la séance :
- Monsieur Hamidou AGNE, Président de la CAA,
- Monsieur Mamadou THIAO, Conseiller référendaire,
- Madame Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseiller référendaire,
- Monsieur Pape Demba DIAO, Conseiller
- Madame Zeynab MBENGUE WADE, Conseiller, Rapporteur
- Monsieur Bayal NIANG, Conseiller
- Madame Nna Fatoumata DRAME, Conseiller
- Maître Issa GUEYE, Greffier en chef de la Cour remplaçant Maitre Ngoné DIOP SY,
Greffier de la chambre.

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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TABLE DES MATIERES


DELIBERE ............................................................................................................................................ 1
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 8
MISE EN CONTEXTE ......................................................................................................................... 9
PRESENTATION DE L’AUDIT ....................................................................................................... 14
PREMIERE PARTIE : LE CADRE STRATEGIQUE, LA COORDINATION ET LA
COMMUNICATION, LE SUIVI/EVALUATION DU DEVELOPPEMENT DE L’ASSURANCE
MALADIE A BASE COMMUNAUTAIRE ...................................................................................... 18
Chapitre 1 : Le maintien d’une stratégie inefficace et non viable au regard des paramètres
actuels de la CMU............................................................................................................................ 19
1.1. La stratégie d’extension de l’assurance maladie par les mutuelles de santé à base
communautaire, une efficacité limitée ....................................................................................... 19
1.2. Le défaut d’intégration des différents segments de l’assurance maladie et de
l’assistance médicale.................................................................................................................... 33
1.3. Des changements d’option et des nouvelles orientations problématiques adoptées en
cours de mise en œuvre ............................................................................................................... 37
Chapitre 2 : Des mécanismes de coordination défaillants et une communication inadaptée ... 48
2.2. Un leadership insuffisant dans la mobilisation et la coordination des actions
partenaires du système mutualiste ............................................................................................. 48
2.2. Une communication inadaptée aux cibles de la stratégie ............................................. 55
Chapitre 3 : Une reddition des comptes manquant de transparence malgré la mise en place
d’un système d’information de gestion avant-gardiste ................................................................ 61
3.1. Le SIGICMU, un outil performant et avant-gardiste dont l’utilisation optimale
pourrait être compromise ........................................................................................................... 61
3.2. Un cadre de suivi-évaluation ne permettant pas une reddition des comptes
transparente ................................................................................................................................. 66
DEUXIEME PARTIE : LE CADRE REGLEMENTAIRE, LE CONTROLE,
L’ENCADREMENT ET LES SUBVENTIONS DES ORGANISATIONS MUTUALISTES ..... 75
Chapitre 4 : Une application insuffisante des règlements de l’UEMOA et un contrôle encore
léger des organisations mutualistes................................................................................................ 76
4.1. L’application insuffisante de la réglementation communautaire ............................... 76
4.2. Les faiblesses du contrôle exercé sur les organisations mutualistes et l’absence de
sanctions ....................................................................................................................................... 85
Chapitre 5 : L’ACMU, un dispositif d’appui et d’encadrement à améliorer dans son
fonctionnement ................................................................................................................................ 89
5.1. Une organisation bien structurée mais avec quelques insuffisances dans le
fonctionnement ............................................................................................................................ 89
5.2. Les limites dans l’encadrement des organisations mutualistes ................................... 95
5.3. Une efficience limitée dans la gestion des ressources humaines .................................. 95
Chapitre 6 : Une gestion des subventions mal encadrée, peu efficace et efficiente ................... 98
6.1. Une gestion hasardeuse des subventions ....................................................................... 99

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6.2. Des subventions de plus en plus détournées de leurs objectifs .................................. 105
6.3. Des subventions encore peu efficaces et dont l’utilisation est faiblement contrôlée 110

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LISTE DES TABLEAUX


Tableau 1 : Portrait des régimes d’assurance maladie ................................................................................... 9
Tableau 2 : Rôles et responsabilités considérés par l’audit ........................................................................... 11
Tableau 3 : Budget annuel de l’ACMU par source........................................................................................ 13
Tableau 4 : Objectifs et critères de vérification de l’audit............................................................................... 16
Tableau 5 : Types de mutuelles de santé .................................................................................................... 19
Tableau 6 : Récapitulatif des résultats des différentes stratégies d’extension de l’assurance maladie ............... 20
Tableau 7 : Répartition des structures sanitaires par région .......................................................................... 32
Tableau 8 : Dépenses de santé supportées par l’Etat................................................................................... 34
Tableau 9 : Paramètres assurantiels des MS communautaires ..................................................................... 42
Tableau 10 : Partenaires techniques et financiers de la CMU ....................................................................... 50
Tableau 11 : Limites de la communication sur l’assurance maladie communautaire ........................................ 57
Tableau 12 : Financement des activités de communication........................................................................... 58
Tableau 13 : Extraits de registres de prestations de soins avec indications selon le genre ............................... 70
Tableau 14 : Liste de mutuelles de santé d’envergure nationale non agréées................................................. 79
Tableau 15 : Respect de la tenue des instances statutaires .......................................................................... 83
Tableau 16 : Cas de prestations illégalement facturées aux organisations mutualistes .................................... 84
Tableau 17 : Irrégularités dans les MS relevées par les missions de contrôles de l’ACMU ............................... 88
Tableau 18 : Répartition du personnel de l’ACMU entre le siège et les services régionaux en 2019.................. 93
Tableau 19 : Evolution des dépenses de personnel de 2015 à 2019 en FCFA................................................ 96
Tableau 20 : Budgétisation des subventions de 2015 à 2019 en FCFA .......................................................... 98
Tableau 21 : Subventions à titre de cotisation et répartition entre les UDMS et les MS .................................... 99
Tableau 22 : Réaménagement budgétaires des subventions à titre de cotisations par rapport aux gratuités ... 101
Tableau 23 : Exécution des comptes dédiés aux subventions à titre de cotisations en FCFA ......................... 102
Tableau 24 : Arrêts de prestations dans les organisations mutualistes visitées par la mission d’audit ............. 104
Tableau 25 : Répartition des APM et résultats obtenus par région d’avril à décembre 2019 ........................... 108
Tableau 26 : Dépenses des prestations de soins des bénéficiaires classiques et des bénéficiaires du PNBSF 111
Tableau 27 : Situation financière des MS à Fatick en FCFA........................................................................ 113

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LISTE DES GRAPHIQUES


Figure 1 : Comparaison des performances des UDAM et des MS communautaires ........................................ 23
Figure 2 : Schéma de l’assurance maladie communautaire restructurée au niveau départemental ................... 24
Figure 3 : Evolution des MS de 1995 à 2019 ............................................................................................... 27
Figure 4 : Taille des pools d’adhérents et de bénéficiaires classiques des MS ................................................ 29
Figure 5 : Taux de sinistralité des MS communautaires de 2017 à 2019 ........................................................ 29
Figure 6 : Répartition par année et par région du nombre de bénéficiaires à jour dans les MS par région ......... 30
Figure 7: Répartition des montants des factures des initiatives de gratuité réglés en 2019 par l’ACMU ............. 36
Figure 8 : Mécanismes de financement dans l’architecture du DECAM .......................................................... 38
Figure 9 : Répartition des bénéficiaires des MS par catégorie en 2019 .......................................................... 41
Figure 10 : Evolution des bénéficiaires classiques à jour de leurs cotisations vs BSF et CEC .......................... 43
Figure 11 : Part du financement des MS par les Collectivités territoriales ....................................................... 54
Figure 12 : Périmètre fonctionnel du système d’information de gestion intégré de la CMU (SIGICMU) .............. 62
Figure 13 : Nombre de personnes couvertes contre le risque maladie par les MS corrigé ................................ 67
Figure 14 : Couverture du risque maladie selon différentes sources de données ............................................ 71
Figure 15 : Organigramme de l’ACMU ........................................................................................................ 90
Figure 16 : Processus de traitement des demandes de subventions ............................................................ 103
Figure 17 : Evolution de la structure des dépenses courantes de santé selon les agents de financement ....... 112
Figure 18 : Dettes de prestation de santé et avoirs en banque .................................................................... 112
Figure 19 : Situation des ressources financières des organisations mutualistes ............................................ 113
Figure 20 : Prise en charge des prestations pour les Classiques et les BSF ................................................. 114

LISTE DES ENCADRES


Encadré 1 : Caractéristiques des MS communautaires................................................................................. 26
Encadré 2 : Evolution de l’assurance maladie en Côte d’Ivoire, au Ghana, Maroc et Rwanda .......................... 45

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LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES


ACMU Agence de la Couverture Maladie universelle
APM Agents de Promotion des Mutuelles de santé
BIT Bureau international du Travail
BM Banque Mondiale
BOM Bureau Organisation et Méthode
BSF (Bénéficiaire) Bourses de Sécurité familiale
CACMU Cellule d’Appui à la CMU
CAFSP Cellule d’Appui au Financement de la Santé et du Partenariat
CAMICS Cellule d’Appui aux Mutuelles de Santé, aux IPM et Comités de Santé
CAPSU Caisse autonome de Protection Sociale Universelle
CDS Comité départemental de Suivi
CEC (Bénéficiaire) Carte d’Egalité des Chances
CIM Comité d’Initiative mutualiste
CIS Comité interne de Suivi
CMU Couverture Maladie universelle
CNP Comité national de Pilotage
CREM Comité de Restructuration de Mutuelle de santé
CRES Consortium pour la Recherche économique et sociale
CRS Comité régional de Suivi
CS Centre de Santé
CT Collectivités territoriales
DAF Direction de l’Administration et des Finances
DAJP Direction des Affaires juridiques et du Partenariat
DECAM Projet de Décentralisation de l’Assurance Maladie
DGAS Direction générale de l’Action sociale
DGPSSN Délégation générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale
DO Direction des Opérations
DPRESE Direction de la Planification, de la Recherche, des Etudes et du Suivi-Evaluation
DSI Direction des Systèmes d’Information
ENABEL Agence de coopération au développement belge
EPS Etablissement public de Santé
FCAR Fondation canadienne pour l’Audit et la Responsabilisation
FDS Fonds départementaux de Solidarité Santé
FNGMS Fonds national de Garantie des Mutuelles de Santé
FNMS Fédération nationale des Mutuelles de santé
FNSS Fonds national de Solidarité Santé
GAFC Gestion administrative, financière et comptable
GESTAM Gestion de l’Assurance Maladie
INTOSAI Organisation internationale des Institutions supérieures de contrôle
IPM Institutions de Prévoyance Maladie
IPRES Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal
ISSAI Normes internationales d’Audit
JICA Agence japonaise de Coopération internationale
Lux Dev Agence de coopération au développement luxembourgeoise
MCS Mission conjointe de Supervision
MDCEST Ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale
MFB Ministère des Finances et du Budget
MS Mutuelles de Santé
MSAE Mutuelle de Santé des Agents de l’Etat

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MSAS Ministère de la Santé et de l’Action sociale


MTDSOPRI Ministère du Travail, du Dialogue social, des Organisations professionnelles et des
Relations avec les Institutions
OAMS Organe administratif de la Mutualité sociale
ODD Objectifs de Développement durable
OMS Organisation mondiale de la Santé
PAODES Projet d’Appui à l’Offre et à la Demande de Santé
PAPMUT Projet d’Appui à la Professionnalisation des Mutuelles communautaires
PNA Pharmacie nationale d’Approvisionnement
PNBSF Programme national de Bourses de Sécurité familiale
PNDS Plan national de Développement sanitaire
PS Poste de Santé
PSD-CMU Plan Stratégique de Développement de la Couverture Maladie Universelle 2013-2017
PSDMS Plan stratégique de Développement des Mutuelles de Santé
PTA Plan de Travail annuel
PTF Partenaires techniques et financiers
RAC Revue annuelle conjointe
RAF Responsable administratif et financier
RNI Registre national d’Immatriculation
RNU Registre national unifié
RUAMA Responsable d’Unité Assurance Maladie
RUAME Responsable d’Unité Assistance médicale
SNECRMS Stratégie nationale d’Extension de la Couverture du Risque Maladie des Sénégalais
SIGICMU Système d’information de Gestion intégrée de la CMU
SISMUT Système d’Immatriculation et de Suivi des Mutuelles de santé
SNEEG Stratégie nationale d’Equité et d’Egalité de Genre
SNFS Stratégie nationale de Financement de la Santé
SR Services régionaux
UAEL Union des Associations des Elus Locaux
UDAM Union départementale de l’Assurance Maladie
UDMS Union départementale des Mutuelles de Santé communautaires
UEMOA Union économique et monétaire de l’Ouest africain
UNAMUSC Union nationale des Mutuelles de Santé communautaires
URMS Union régionale des Mutuelles de Santé communautaires
USAID Agence de coopération internationale des Etats-Unis
UTG Unité technique de Gestion
VAD Visite à Domicile

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INTRODUCTION
Le présent rapport portant sur l’audit de performance du volet « développement des mutuelles
de santé » du programme de Couverture Maladie universelle (CMU) du Sénégal, gestions 2015-
2019, entre dans le cadre de l’exécution du programme de contrôle de la Cour des Comptes
pour l’année 2020 adopté par arrêté n°002 du Premier Président de la Cour en date du 14 janvier
2020. Il contribue à la mise en œuvre de l’entente de coopération entre la Cour et la Fondation
Canadienne pour l’Audit et la Responsabilisation (FCAR) concernant la réalisation d’un projet
spécial d’audit par un boursier du Programme international de formation en audit de
performance.
Il participe également à la concrétisation des engagements de la Cour de réaliser des audits sur
la mise en œuvre des Objectifs de Développement durable (ODD) dans les différents domaines
concernés particulièrement au regard de l’atteinte des objectifs en matière de santé et d’égalité
et d’équité de genre après avoir réalisé en 2019 un audit de performance sur l’état de préparation
du Sénégal à la mise en œuvre de ces ODD. Dans la même lancée, il se situe dans la série des
audits réalisés sur les dépenses de santé de l’Etat afin d’en évaluer l’efficacité.
En conformité avec ces engagements, le présent mandat a permis d’évaluer, à l’aide de critères
appropriés, l’efficacité et l’efficience du programme tout en vérifiant le niveau de prise en
compte des enjeux de développement durable et d’intégration du genre pour la formulation des
recommandations idoines.
Rappel des compétences de la Cour des Comptes du Sénégal
L’audit de performance du volet développement des mutuelles de santé du programme de la
CMU entre dans le cadre des missions dévolues à la Cour des Comptes, ainsi qu’il ressort des
dispositions de l’article 3 de la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des
Comptes aux termes desquelles : « La Cour des Comptes contribue, par son action permanente
de vérification, d'information et de conseil, à :
 la sauvegarde du patrimoine public ;
 la transparence et la sincérité de la gestion des finances publiques ;
 l’amélioration des méthodes et techniques de gestion des organismes publics et des
entreprises du secteur public ;
 l’évaluation des politiques et programmes publics ;
 la rationalisation de l'action administrative (...).
(…) Elle peut, en outre, dans le cadre de ses contrôles, établir des rapports publics sur des
entités, des thèmes particuliers ou des secteurs déterminés ».
Enfin, l’article 4 de la même loi organique prévoit que « Les contrôles dévolus à la Cour des
Comptes visent à (…) mesurer les performances réalisées dans la gestion des services et
organismes publics ».
Les travaux dont traite ce rapport ont été menés conformément aux procédures définies en vertu
de la loi organique relative à la Cour de la Cour des Comptes du Sénégal et aux Normes
internationales d’audit (ISSAI) définies par l’Organisation internationale des Institutions
supérieures de contrôle (INTOSAI).

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MISE EN CONTEXTE

 Aperçu sur l’assurance maladie au Sénégal


Au Sénégal, la maladie constitue le deuxième risque pouvant conduire à une situation d’extrême
vulnérabilité économique des ménages1. Toutefois, lors du lancement de la Couverture Maladie
Universelle (CMU) en 2013, 80% de la population ne bénéficiaient d’aucune forme d’assurance
maladie. En outre, comme le système de santé est basé sur le recouvrement direct des coûts, les
ménages ont assumé la même année près de 58% des dépenses totales de santé soit
226 368 492 040 F CFA dont 95% en paiements directs et 5% seulement en contributions aux
systèmes d’assurance maladie2.
En plus de la faiblesse de la couverture, le système d’assurance maladie est également
caractérisé par sa fragmentation à travers trois types de régimes distincts gérés par différentes
structures :
1. Régime non contributif qui concerne la prise en charge médicale obligatoire pour les
agents de l’Etat, les retraités et les étudiants ainsi que les initiatives de gratuité des soins
de santé découlant de la politique d’assistance médicale pour certains groupes
vulnérables (personnes âgées de plus de 60 ans avec le plan Sésame et les personnes très
pauvres (détenteurs d’un certificat d’indigence) ;
2. Régime contributif obligatoire qui concerne les travailleurs du secteur privé ;
3. Régime contributif volontaire qui concerne les adhérents aux assurances privées et aux
mutuelles de santé dont la majorité sont constituées de personnes ne pouvant pas
bénéficier d’un régime d’assurance maladie obligatoire.
Tableau 1 : Portrait des régimes d’assurance maladie3

1
Banque mondiale, Revue des dépenses de protection sociale du Sénégal 2010-2015, 2017, p.7
2 Ministère de la Santé et de l’Action sociale, Stratégie nationale de financement de la santé, 2017, p.22
3
Ce portrait contient des données de 2003 actualisées selon le taux de croissance de l’année 2007. En l’absence de
données plus récentes, il a servi de situation de référence au diagnostic du Plan stratégique de développement de la CMU
2013-2017. L’estimation de couverture de 20% de la population n’a jamais été corroborée par une enquête nationale.

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La couverture offerte par les différents régimes est partielle et n’est pas uniforme. En effet,
selon le type de régime, généralement entre 50% et 80% des coûts de soins de santé et de
médicaments sont pris en charge par la structure d’assurance maladie ; le reste, appelé « ticket
modérateur » est payé par le bénéficiaire directement à l’établissement de santé ou à la
pharmacie. De plus, les médicaments ne sont pas pris en charge dans certains régimes (ex :
imputations budgétaires et IPRES).
Depuis 2012, le régime non contributif a pris une place très importante grâce à l’assistance
médicale à travers des initiatives de gratuité de soins de santé qui ont démarré en 2005 avec le
Plan Sésame pour les personnes âgées de plus de 60 ans. En effet, ces dernières ont été étendues
à la prise en charge des soins pour les enfants de 0 à 5 ans, de la césarienne pour toutes les
femmes accouchant dans les structures publiques et de la dialyse pour les insuffisants rénaux.

 Le programme de Couverture Maladie universelle (CMU)


La CMU a été lancée en 2013, après des concertations nationales sur la santé et l’action sociale.
Avec ce programme, le gouvernement du Sénégal s’est conformé aux recommandations de
l’OMS (2011)4 et des Nations Unies (2012)5, demandant aux pays d’éviter de recourir au
paiement direct des soins par les usagers et de financer le système de santé par le biais de
mécanismes plus équitables et solidaires pour garantir à leur population l’accès à des services
de santé de qualité.
La mise en œuvre est adossée à un Plan Stratégique de Développement de la Couverture
Maladie universelle 2013-2017 (PSD-CMU ou Stratégie nationale) dont le but est d’améliorer
l’accessibilité aux soins de santé de qualité aux populations financièrement défavorisées des
secteurs informel et rural à travers l’extension de la couverture maladie universelle au moyen
des mutuelles de santé.
Cette stratégie repose sur deux piliers qui reflètent l’approche mixte de renforcement du régime
non contributif comme du régime contributif volontaire :
1. la gestion des initiatives de gratuité des soins de santé en faveur des groupes
vulnérables et,
2. la promotion des mutuelles de santé communautaires considérées comme le meilleur
levier d’extension de la couverture du risque maladie aux secteurs rural et informel.
L’objectif visé est la couverture du risque de maladie pour 75% de la population en 2017 à
travers tous les régimes confondus, dont 47% à travers les mutuelles de santé.

 L’Agence de la CMU
L’exécution du programme a d’abord été confiée à la Cellule d’Appui à la CMU (CACMU),
structure créée en 2012 et rattachée au cabinet du Ministre de la Santé et de l’Action sociale.
Celle-ci ne disposait toutefois, ni des capacités juridiques et techniques, ni des ressources
financières et humaines adéquates pour mener à bien la mission.
Pour pallier ces lacunes, l’Agence de la CMU (ACMU) a été mise en place par décret no 2015-
21 du 07 janvier 2015 portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement

4
OMS, 58ème Assemblée, WHA64.9 Structures durables de financement de la santé et couverture sanitaire universelle – 2011
5
NU, 67ème session des NU sur la santé mondiale et la politique étrangère - Résolution 67/81 du 12 décembre 2012

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de cette agence. Celle-ci est chargée de la mise en œuvre de la stratégie de développement de


la couverture maladie universelle et se veut un puissant outil institutionnel permettant aux
pouvoirs publics de mettre en place un système efficace de financement de la santé.
Jusqu’en avril 2019, l’Agence était sous la tutelle technique du Ministère de la Santé et de
l’Action sociale dirigé successivement par Madame Eva Marie COLL SECK (2015- septembre
2017) et Monsieur Abdoulaye Diouf SARR avant d’être rattachée au Ministère du
Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale dirigé par Monsieur Mansour
FAYE durant la période sous revue.
La tutelle financière a été assurée par le Ministère de l’Economie et des Finances jusqu’à la
création du Ministère des Finances et du Budget qui a pris le relais. Monsieur Amadou BA a
dirigé les deux ministères durant la période sous revue avant son remplacement par Monsieur
Abdoulaye Daouda DIALLO en avril 2019.
Le Directeur général actuel de l’Agence est le Docteur Bocar Mamadou DAFF, médecin de
santé publique et économiste de la santé, nommé en septembre 2017 et qui a succédé à Monsieur
Cheikh Seydi Aboubeckr MBENGUE, suite au décès de ce dernier. L’actuel Président du
Conseil de surveillance est le Professeur Mamadou BA, Conseiller spécial santé du Président
de la République, qui a remplacé le Professeur Seydou BADIANE à ce poste en 2018.
Les rôles et responsabilités, considérés dans le cadre de cet audit et présentés dans le tableau
suivant, ont été identifiés à partir des dispositions du décret n°2015-21 du 07 janvier 2015
portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Agence de la CMU
et de la pratique administrative.
Tableau 2 : Rôles et responsabilités considérés par l’audit

Acteurs Rôles et responsabilités


Agence de la CMU  Assurer la mise en œuvre de la stratégie nationale de
développement de la CMU.
 Assurer la tutelle des régimes de la CMU, à l’exclusion de ceux
relevant de l’assurance maladie obligatoire des travailleurs
salariés, et l’encadrement technique des organismes de
prévoyance qui les constituent.
 Assurer la promotion des mutuelles de santé dans le cadre de
l’extension de la couverture du risque maladie au secteur
informel et au monde rural. A ce titre,
o soutenir les initiatives de promotion des mutuelles de
santé au niveau national ;
o assurer le contrôle de la régularité de la constitution des
mutuelles de santé ou de leurs structures faîtières ;
o tenir le registre national d’immatriculation des mutuelles
de santé ;

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o contrôler le fonctionnement, la situation financière et la


solvabilité des mutuelles sociales.
 Assurer la promotion du financement de la politique de CMU en
collaboration avec les acteurs concernés.
 Développer des stratégies de communication pour la promotion
de la CMU.
 Pour le suivi / évaluation et la reddition de compte :
o mettre en place un système d’information et de gestion
de la CMU ;
o assurer le suivi et l’évaluation des différents régimes qui
relèvent de sa tutelle ;
o publier chaque année un rapport technique et financier
sur la CMU au Sénégal.
Conseil de surveillance  Assurer la supervision des activités de l’Agence en application
de l’Agence des orientations et de la politique de l’État définie en matière de
CMU.
 Approuver les budgets, plans d’actions, rapports d’activités,
rapports de performance, manuels de procédures, états
financiers, règlement intérieur, organigramme, grille de
rémunération, gratifications.
Ministre de la Santé et  Assurer la tutelle technique.
de l’Action sociale
 Communiquer les orientations du gouvernement
(jusqu’en avril 2019)
 Donner les ressources nécessaires à l’exercice de la mission.
Ministre du
développement  S’assurer que les actions correspondent et répondent aux
communautaire, de objectifs de la politique définie.
l’équité sociale et
territoriale (depuis avril
2019)
Ministre chargé des  Assurer la tutelle financière.
Finances
 S’assurer du respect des dispositions réglementaires en matière
de gestion des finances publiques.

Pour lui permettre d’assurer la mise en œuvre du PSD-CMU, l’Agence a été dotée de ressources
importantes : plus de 100 milliards de FCFA cumulativement octroyés de 2015 à 2019,
provenant principalement de l’État du Sénégal (près de 90%) et de plusieurs autres Partenaires
techniques et financiers (PTF) : Banque mondiale, Agence française de Développement (AFD),
Coopération belge, USAID, Coopération luxembourgeoise, Fonds des Nations Unies pour

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l’Enfance (UNICEF), Communauté économique pour l’Afrique (CEA), Union économique et


monétaire ouest africaine (UEMOA), Save the Children, etc.
Tableau 3 : Budget annuel de l’ACMU par source
2015 2016 2017 2018 2019
Sources
Montant Part Montant Part Montant Part Montant Part Montant Part
en % en % en % en % en %
Subvention 15 922 123 055 93% 19 241 514 211 89% 17 562 842 076 88% 13 818 964 078 88% 20 863 088 586 95%
Etat
Contributions 1 213 240 674 7% 2 270 339 225 11% 2 288 659 377 12% 1 934 506 200 12,% 1 143 818 221 5%
PTF

TOTAL 17 135 363 729 100% 21 511 853 436 100% 19 851 501 453 100% 15 753 470 278 100% 22 006 906 807 100%
Source : Budgets initiaux approuvés de l’ACMU

Il est à souligner que ces montants ne comprennent pas les ressources de certains PTF dont la
gestion n’a pas été confiée à l’Agence telles que celles de la Banque mondiale.

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PRESENTATION DE L’AUDIT

 Justification du thème de l’audit


La CMU est l’un des projets retenus dans le premier plan d’actions prioritaires (PAP 2014-
2018) du Plan Sénégal émergent (PSE) 2035 puisqu’elle doit concourir grandement à l’atteinte
des objectifs de l’axe 2 « capital humain, protection sociale et développement durable ». En
effet, elle constitue un élément essentiel dans la poursuite des objectifs de développement
durable (ODD) en raison de ses effets directs sur l’atteinte de l’ODD 3 (Permettre à tous de
vivre en bonne santé) dont la cible 3.8 vise à faire en sorte que chacun bénéficie d’une
couverture sanitaire universelle, comprenant une protection contre les risques financiers et
donnant accès à des services de santé essentiels de qualité et à des médicaments et vaccins
essentiels sûrs, efficaces, de qualité et d’un coût abordable. Elle a également des incidences
notables sur l’ODD 1 (Eliminer la pauvreté) en ce qui concerne la mise en place de socles de
protection sociale et l’amélioration de l’accès équitable aux services de base ainsi que sur
l’ODD 5 (Parvenir à l’égalité des sexes) s’agissant la cible visant un meilleur accès aux soins
de santé sexuelle et procréative.
Le présent audit porte sur le développement des mutuelles de santé dans le cadre de la mise en
œuvre de la stratégie d’extension de l’assurance maladie de la CMU. En effet, la stratégie mise
sur elles en tant que levier principal pour améliorer l’accès aux soins de santé de la majorité des
Sénégalais ainsi que le financement du système de santé tout en diminuant le poids des dépenses
de santé sur les ménages.
L’option d’auditer l’assurance maladie à base communautaire se justifie également par le fait
que malgré les ambitions affichées et les importantes ressources financières mobilisées, les
résultats attendus n’ont pas été atteints.
En effet, selon les rapports annuels de performance de l’Agence, à la fin de l’année cible 2017,
le taux de couverture du risque maladie par les mutuelles de santé est de seulement 19% bien
loin du taux de 47% attendu, tandis que la couverture par tous les régimes n’atteint que 49%
par rapport au taux de 75% prévu. En fin 2019, une régression est même constatée avec un taux
de couverture par les mutuelles de 17,4% et un taux de couverture globale de la population de
48%. Selon le Directeur général de l’ACMU, cette régression serait due à des travaux de
toilettage des bases de données engagés dans le cadre de l’établissement du rapport d’analyse
situationnelle des organisations mutualistes de 2017 à septembre 2019. La Cour relève qu’il
n’en demeure pas moins le défaut d’atteinte des objectifs.
Par ailleurs, la mise en œuvre du programme soulève des enjeux importants tels que :
 l’accès équitable de toutes les citoyennes et citoyens et sénégalais à une assurance
maladie et à des soins de santé moins couteux ;
 la viabilité financière du système de santé et la réduction de la dépendance aux
subventions de l’Etat ;
 la mise en cohérence des différents régimes d’assurance maladie ;
 l’amélioration de l’efficacité du programme.

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 Objectifs de l’audit et portée des travaux


L’audit couvre trois composantes qui permettent d’évaluer l’efficacité du programme à savoir
la stratégie d’extension de l’assurance maladie par les mutuelles de santé à base communautaire,
le cadre d’évolution des mutuelles de santé ainsi que les subventions publiques pour soutenir
les prestations des mutuelles de santé.
Avec une approche centrée sur l’examen des résultats, les objectifs de l’audit visent à s’assurer
que l’Agence de la CMU :
- a pris les mesures appropriées pour le développement efficace des mutuelles de santé en
vue de l’atteinte des objectifs fixés pour la couverture du risque maladie ;
- octroie les subventions de façon transparente et efficiente et contrôle les prestations des
mutuelles de santé en vue de garantir leur accès équitable ainsi que leur effectivité pour
tous les bénéficiaires.
Sept secteurs d’examen ont été, ainsi, retenus :
- le cadre stratégique de gestion du programme ;
- les mécanismes de coordination des acteurs et des partenaires et la
communication pour la promotion des mutuelles ;
- l’application de la réglementation et l’encadrement des mutuelles ;
- le système de collecte et de traitement des données ;
- le dispositif de suivi/évaluation ;
- la gestion des subventions ;
- la gestion des risques et les mécanismes de contrôles des prestations des
mutuelles.
La portée des travaux couvre les gestions de 2015 à 2019 bien que le rapport puisse faire
référence à des situations antérieures ou postérieures à cette période qui ont été analysées ou
qui donnent lieu à des constats.
Sont exclus du champ de l’audit : les initiatives de gratuité de la CMU, l’assurance maladie
obligatoire à travers les Institutions Prévoyance Maladie (IPM), les procédures d’octroi des
bourses de sécurité familiale ainsi que la gestion interne des organisations mutualistes. Bien
qu’intimement liées à notre sujet, ces domaines n’ont pas été audités, mais certains de leurs
aspects ont été examinés tenant compte de leurs impacts sur le développement de l’assurance
maladie à base communautaire.

 Méthodes de vérification et normes de contrôle


Par lettre n°0001/CC/CAA/SP du 05 février 2020, le Président de la Chambre des Affaires
administratives a informé le Ministre du Développement communautaire du lancement de la
mission d’audit. Les travaux réalisés au cours de l’audit ont fait appel aux méthodes de
vérification suivantes :
 Revue documentaire : textes règlementaires, documents de planification et de reddition
de comptes, manuel de procédures, études universitaires, rapports d’experts, etc. ;
 Entrevues avec des dirigeants et membres du personnel de l’Agence de la CMU, des
mutuelles de santé et de leurs structures faitières, des ministères chargés de la tutelle
ainsi que des partenaires techniques et financiers ;
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 Missions de terrain dans les régions de Fatick, Louga, Matam, Sédhiou et Thiès choisies
selon la méthode d’échantillonnage à choix raisonné ;
 Analyse qualitative et quantitative des informations et données recueillies ;
 Analyse de dossiers concernant les agréments, le contrôle des mutuelles, les octrois de
subventions, les conventions de partenariat, les registres des mutuelles, etc. ;
 Etudes de cas concernant la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Rwanda et le Maroc pour
comparer les facteurs de performance qui caractérisent ces pays par rapport à
l’expérience du Sénégal.
Dans le cadre des audits de performance, la responsabilité des auditeurs de la Cour des Comptes
consiste à fournir une conclusion sur les objectifs de vérification retenus. Pour ce faire, des
éléments probants suffisants et appropriés sont recueillis pour fonder les conclusions et obtenir
un niveau d’assurance raisonnable conformément aux normes ISSAI 300 et 3000. Dans cet
audit, notre évaluation est basée sur les critères jugés valables dans les circonstances actuelles
et qui sont exposés dans le tableau suivant.
Ces critères ont été identifiés à partir des exigences des règlements de l’UEMOA, du décret
portant création de l’Agence de la CMU et des autres textes réglementaires nationaux, du Plan
stratégique de développement de la couverture maladie universelle, des autres plans nationaux
de développement de la santé, de la Stratégie nationale d’Equité et d’Egalité de Genre (SNEEG)
ainsi que des bonnes pratiques de gestion.
Tableau 4 : Objectifs et critères de vérification de l’audit

Objectifs Critères de vérification

1. S’assurer que l’Agence de la 1.1. Les actions adéquates et conformes aux orientations de la stratégie nationale
CMU a pris les mesures de développement de la CMU sont planifiées et mises en œuvre en temps
appropriées pour le opportun en vue de l’atteinte des objectifs fixés d’extension de la couverture
maladie par les mutuelles de santé.
développement efficace des
mutuelles de santé en vue de 1.2. Des mécanismes de coordination des partenaires du système mutualiste et
l’atteinte des objectifs fixés de de communication à l’endroit des cibles sont mis en place pour assurer des
couverture du risque maladie. actions concertées efficaces ainsi qu’une bonne adhésion aux mutuelles.

1.3. Des directives et procédures appropriées sont mises en place pour encadrer
et contrôler adéquatement les activités des mutuelles conformément aux
règles et orientations définies.

1.4. Un système intégré de gestion informatisée permettant la collecte et


l’utilisation de données désagrégées et fiables est mis en place.

1.5. Un cadre de suivi et d’évaluation des interventions est en place et permet une
reddition des comptes transparente à l’aide d’indicateurs pertinents tenant
compte notamment de l’équité et de la dimension genre.

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2. S’assurer que l’Agence de 2.1. Des procédures transparentes pour l’accès aux subventions existent et sont
la CMU octroie les communiquées à toutes les mutuelles de santé.
subventions de façon 2.2. La programmation des ressources budgétaires et les paiements des
transparente et efficiente et subventions sont fondés sur des informations fiables et s’effectuent au
contrôle les prestations moment adéquat.
des mutuelles de santé en 2.3. Un dispositif de gestion des risques financiers est mis en place.
vue de garantir leur accès
2.4. Les contrôles des prestations des mutuelles sont planifiés, appliqués et
équitable et leur effectivité évalués.
pour tous les bénéficiaires.
2.5. Des actions efficaces sont menées pour obliger les mutuelles de santé à
appliquer les mesures correctives de manière diligente lorsque des
irrégularités sont constatées.

Le Ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale


(MDCEST), en tant que tutelle technique de l’ACMU, ainsi que le Directeur général de
l’Agence ont totalement souscrit aux recommandations formulées par la Cour dans le
présent rapport. Celles-ci, du reste, vont dans le même sens que les réformes envisagées
au regard des résultats préliminaires de l’évaluation externe globale du programme de la
CMU commanditée par le MDCEST et lancée le 14 février 2020.
A cet égard, le MDCEST s’est engagé à mettre en place un plan de suivi de la mise en
œuvre des recommandations qui lui sont adressées dans le cadre de ces réformes ainsi
qu’à veiller particulièrement à l’application de celles adressées au Conseil de surveillance
et à la Direction générale de l’Agence.
La Cour prend acte de ces engagements et exhorte le Ministre et le DG de l’ACMU à une
application diligente des recommandations.

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PREMIERE PARTIE : LE CADRE STRATEGIQUE, LA COORDINATION ET LA


COMMUNICATION, LE SUIVI/EVALUATION DU DEVELOPPEMENT DE
L’ASSURANCE MALADIE A BASE COMMUNAUTAIRE

La stratégie d’extension de la couverture maladie par les mutuelles dans le Plan stratégique de
Développement de la CMU (PSD-CMU) est basée sur le « Projet de Décentralisation de
l’Assurance Maladie » (DECAM), conçu en vue d’opérationnaliser une des orientations de la
stratégie d’extension de la prise en charge du risque maladie des Sénégalais (2008) qui l’a
précédé.
A partir des orientations du DECAM, la stratégie vise l’enrôlement massif des personnes non
bénéficiaires des régimes obligatoires, particulièrement celles du milieu rural et du secteur
informel, dans les mutuelles de santé à base communautaire (MS) à implanter dans toutes les
collectivités territoriales du Sénégal. Pour ce faire, elle postule une meilleure implication et
collaboration des différents partenaires pour assurer le succès grâce à un partenariat tripartite
Etat, Collectivités territoriales (à qui l’Etat a transféré des compétences en matière de santé et
d’action sociale depuis 1996) et Partenaires techniques et financiers (PTF).
La stratégie prévoit également : (i) la mise en place de mécanismes de financement à travers la
création d’une Caisse Autonome de Protection Sociale Universelle (CAPSU), d’un Fonds
National de Solidarité Santé (FNSS) et d’un Fonds National de Garantie des mutuelles de santé,
(ii) la détermination d’un Paquet minimum de services que doit offrir toute mutuelle et (iii) le
renforcement de la viabilité institutionnelle des mutuelles de santé notamment le renforcement
de la réglementation, du suivi et des capacités administratives de gestion technique et
financière. En outre, il est envisagé la mise en place d’un système d’informations intégré sur la
CMU ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie de communication.
Conformément aux critères de l’audit, nous avons examiné, dans cette partie, les orientations
de la stratégie ainsi que les actions menées par l’ACMU en vue d’une mise en œuvre efficace
et optimale de même que les mécanismes de coordination des acteurs et de communication
envers les populations. Par ailleurs, nous avons examiné le cadre mis en place pour le suivi et
l’évaluation de la mise en œuvre ainsi que la reddition des comptes.

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Chapitre 1 : Le maintien d’une stratégie inefficace et non viable au regard des


paramètres actuels de la CMU

Pour s’assurer que la politique d’extension de l’assurance maladie à travers les mutuelles de
santé était menée adéquatement et efficacement, l’audit a cherché à répondre à la question de
savoir si l’Agence de la CMU avait évalué, considéré et mis en œuvre les meilleures options
relevant des orientations du PSD-CMU concernant le développement de la couverture maladie
par les mutuelles de santé.
Il ressort des travaux de la Cour que, malgré la fin du PSD-CMU en 2017, l’ACMU n’a pas
procédé à son évaluation ni à l’élaboration d’une nouvelle stratégie capable de pallier les
nombreuses lacunes relevées.
Par conséquent, elle poursuit la mise en œuvre d’une stratégie largement inefficace à cause des
faiblesses intrinsèques aux MS communautaires et au défaut d’intégration des différents
segments de l’assurance maladie et de l’assistance médicale. De même, les changements
introduits durant la mise en œuvre ont fortement altéré le potentiel d’extension de l’assurance
maladie ; ceux-ci sont liés au défaut de mise en place des mécanismes de financement et à
l’introduction de nouvelles options sans maitrise de leurs conséquences et fondées sur des
paramètres assurantiels peu réalistes, particulièrement en ce qui concerne la prise en charge de
l’intégralité des bénéficiaires de BSF totalement subventionnés et dont le nombre croit de façon
exponentielle.
Dans l’état actuel des choses, le système mutualiste n’est viable ni économiquement, ni
financièrement.
1.1. La stratégie d’extension de l’assurance maladie par les mutuelles de santé à base
communautaire, une efficacité limitée
La stratégie d’extension de l’assurance maladie dans le PSD-CMU est fondée sur le
développement des MS à base communautaire sans prise en compte des autres types
d’assurance.
Tableau 5 : Types de mutuelles de santé

Type de mutuelles de santé Type d’adhérents


Mutuelles communautaires  Familles
 Individus appartenant à un même milieu géographique ou à un groupe
organisé (coopératives, groupements d’intérêt économique, groupements
féminins, etc.).
Mutuelles complémentaires  Bénéficiaires de l’assurance maladie obligatoire et agents de l’Etat (ex :
Mutuelles des Agents de l’Etat, Mutuelle des Douanes)

Mutuelles socioprofessionnelles  Individus appartenant aux mêmes secteurs d’activités ou catégories


professionnelles (ex : Mutuelle Transvie pour les transporteurs).

Mutuelles financières avec des offres  Sociétaires des institutions de micro finance (ex : PAMECAS)
d’assurance maladie6
Source : Equipe d’audit à partir des plans stratégiques sur l’assurance maladie

6
Ces types de mutuelles ne sont pas concernées par l’audit puisqu’elles sont régies par les règlements bancaires.
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L’option d’extension de l’assurance maladie à travers les MS communautaires n’est pas une
nouveauté apportée par le PSD-CMU ; plusieurs plans stratégiques ont été adoptés
antérieurement avec cette même orientation. Toutefois, aucune évaluation basée sur des
données vérifiables n’a jamais été effectuée pour supporter ce choix, qui n’a d’ailleurs jamais
permis d’atteindre les résultats escomptés.
Les travaux réalisés ont permis à la Cour de relever que la faiblesse des résultats obtenus avec
les mutuelles communautaires, largement en deçà des objectifs, s’explique, en grande partie,
par ce manque d’évaluation et de remise en cause de leur efficacité et par le fait qu’elles
comportent, par leur nature même, plusieurs faiblesses structurelles.
1.1.1. A la base, un manque d’évaluation et de remise en cause
1.1.1.1. L’absence de bilan des différentes stratégies d’extension de l’assurance
maladie
Malgré la faiblesse des performances des MS communautaires dans la contribution à
l’extension de l’assurance maladie, nous avons relevé que la stratégie actuelle a été adoptée
sans évaluation préalable pour s’assurer de son bien-fondé. D’ailleurs, aucun bilan n’a jamais
été établi pour aucun des plans précédents. Selon le DG de l’Agence, quelques programmes
issus de ces plans ont fait l’objet d’évaluations distinctes qui ont été capitalisées lors de
l’élaboration du PSD-CMU et complétées par les résultats des concertations nationales sur
la santé en 2012. Mais, il n’en demeure pas moins que l’efficacité globale des MS n’a pas été
évaluée.
Tableau 6 : Récapitulatif des résultats des différentes stratégies d’extension de l’assurance maladie
Intitulé Plan Période couverte Objectifs Cibles Résultats enregistrés
Plan Stratégique de 2004- ND Améliorer l’accessibilité financière aux Pas de cibles Pas de bilan.
Développement des soins de santé et la protection sociale Quelques retombées :
Mutuelles de Santé des ménages à travers l’extension des
mutuelles de santé.  Mise en place de la
Mutuelle des Agents de
l’Etat (MSAE)
Stratégie nationale 2008-2015 Couverture de 50 % de la population 2007 : 20% Pas de bilan.
d’extension de la couverture d’ici à 2015 2008 : 21% Taux estimé de couverture
du risque maladie des Augmenter le taux de couverture des par les mutuelles en 2013 :
Sénégalais (SNECRMS) 2009 : 41%
mutuelles de santé à 25% de la 3,8%
population à l’horizon 2015 2010 : 44%
Quelques retombées :
2011 : 51%
- Création de la Mutuelle
2012 : 51,5% pour les travailleurs du
secteur routier (Transvie)
- Elaboration du DECAM
Plan stratégique de 2013-2017 Améliorer l’accessibilité financière aux 100% des populations Pas de bilan.
développement de la soins de santé de qualité parmi les du secteur informel et du Taux de couverture par les
Couverture maladie populations des secteurs informels et monde rural à travers les mutuelles en 2017 : 19%
universelle ruraux mutuelles de santé à
l’horizon 2017 Nombre de MS : 676 mises
Etendre la couverture maladie à 65% en place dans les 552
des populations employées dans les 2013 : 27,70% communes du pays (96%
secteurs informels et ruraux à l’horizon 2014 : 46,32% fonctionnelles) et 45 Unions
2017 départementales des MS
2015 : 50,50%
(UDMS)
2016 : 60,30%
2017 : 65,5%
Source : Equipe d’audit à partir des plans stratégiques mentionnés dans le tableau et des rapports de l’ACMU

Ainsi, il apparait qu’à la fin de la mise en œuvre du PSD-CMU en 2017, alors qu’un nouveau
cycle de planification devait être engagé, il n’y a pas eu de bilan, ni d’évaluation pour s’assurer
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de l’atteinte des résultats, identifier les lacunes et formuler des recommandations pour
l’amélioration de la stratégie.
La Cour considère que cette démarche devait être menée pour enrichir l’élaboration d’une
nouvelle stratégie plus susceptible de mener efficacement vers l’extension de l’assurance
maladie pour la majorité des Sénégalais. Ceci était d’autant plus justifié que sur la même
période, le Gouvernement a adopté de nouveaux référentiels qui nécessitaient une adaptation,
notamment la deuxième Stratégie nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre (SNEEG 2016-
2026) et la Stratégie nationale de Financement de la Santé pour tendre vers la couverture
sanitaire universelle (SNFS 2017).
En effet, s’agissant de la SNEEG, elle poursuit des objectifs d’égalité entre les femmes et les
hommes qui doivent être atteints par une prise en compte du genre de manière transversale
durant la formulation et l’exécution des politiques sectorielles et des programmes et projets y
relatifs. A cet égard, elle préconise que chaque secteur réalise des analyses de risques tout au
long de l’exécution des activités et des séquences de revue de l’exécution et d’évaluation des
progrès attendus7. Cette démarche aurait pu contribuer à mieux cerner et prendre en
considération les enjeux liés au genre qui n’étaient pas pris en compte dans la stratégie
d’extension de l’assurance maladie du PSD-CMU.
Quant à la SNFS, après avoir diagnostiqué la fragmentation des régimes d’assurance maladie
et d’assistance médicale comme une faiblesse majeure, elle préconise une mise en commun des
risques. Celle-ci doit passer par le relèvement des défis communs aux différents régimes
notamment, l’extension de la couverture du risque maladie et la réduction de la fragmentation
des régimes de financement, la pérennisation du financement de la CMU, la définition d’un
paquet de services essentiels garantis, le développement de mécanismes d’adhésion obligatoire,
le renforcement du ciblage des bénéficiaires des régimes d’assistance médicale et le
renforcement du pilotage et de la coordination des différents régimes ; toutes choses qui sont
actuellement absentes de la stratégie opérationnalisée. Il en est de même de la prise en compte
des autres orientations de la SNFS que sont l’amélioration de la disponibilité des services de
santé de qualité et le renforcement des interventions multisectorielles à haut impact sur la santé.
En lieu et place d’une nouvelle stratégie, les responsables de la CMU se sont contentés
d’élaborer un plan stratégique de développement de l’agence pour la période 2017-2021 en
maintenant le statu quo tout en élargissant l’horizon de réalisation des objectifs à 2021. Le
Ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), chargée de la tutelle à cette période, n’a
pas remis en cause cette démarche puisqu’il a entériné le contrat de performance liant l’ACMU
à l’Etat et qui est basé sur ce plan stratégique.
Selon la Direction de la Planification, de la Recherche, des Etudes et du Suivi-Evaluation
(DPRESE) de l’Agence, des termes de référence ont été préparés en 2017 pour un état des lieux
sur la CMU en vue d’établir une base de références ; toutefois, la validation n’a pas été aisée
avec les PTF qui étaient plus sur une logique d’évaluation.
1.1.1.2. Les effets d’une « coalition de cause » pour la pérennisation des MS
communautaires au détriment d’une assurance maladie professionnalisée

Selon plusieurs spécialistes rencontrés tant du côté de l’ACMU, des PTF que des acteurs
mutualistes, l’approche d’extension de l’assurance maladie par les mutuelles de santé

7
SNEEG 2, p. 122
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communautaires a toujours été largement privilégiée au détriment des autres types


d’organisations d’assurance maladie certainement à cause de ce que des universitaires ont
appelé « une coalition de causes ».
Il s’agit d’acteurs collectifs poursuivant le but précis de faire en sorte que les activités étatiques
déployées dans un sous-système de politique publique obéissent aux principes, objectifs et
instruments véhiculés par le système de croyance qui leur est propre.»8. Dans le présent cas, ces
acteurs sont des responsables de l’assurance maladie au sein des différentes cellules mises en
place au ministère de la santé ainsi des partenaires techniques et financiers qui ont toujours pesé
de tout leur poids pour maintenir cette approche au niveau des différentes sphères de décision.
En effet, c’est en 1998, avec la création de la Cellule d’Appui aux Mutuelles de Santé, aux IPM
et Comités de Santé (CAMICS) au sein du Ministère chargé de la Santé et l’appui du projet Abt
Associates de l’USAID, que l’Etat a commencé à considérer les MS comme un levier pour
l’extension de l’assurance maladie à côté des régimes obligatoires existants. La CAMICS a été
remplacée par la Cellule d’Appui au Financement de la Santé et du Partenariat (CAFSP) en
2008 puis par la Cellule d’Appui à la CMU (CACMU) en 2012.
Ainsi, ces acteurs ont été à l’origine des trois (3) stratégies de développement de l’assurance
maladie par les mutuelles de santé à base communautaire dont aucun n’a produit les résultats
escomptés en termes de réalisation d’une large couverture du risque maladie pour les Sénégalais
ciblés.
L’obstination à poursuivre avec l’approche des MS communautaires n’est ainsi basée sur aucun
fait significatif, ni étude rigoureuse ayant démontré leur efficacité. D’ailleurs, il convient de
relever que plusieurs études universitaires ont démontré que, malgré l'intérêt que celles-ci
comportent pour les pays pauvres, à cause de leur ancrage dans l’économie solidaire, leur taux
de pénétration dans la population est resté obstinément bas dans ces pays, et en particulier en
Afrique subsaharienne9.
Au Sénégal, la seule étude de faisabilité d’envergure réalisée porte sur la synthèse des études
de faisabilité pour l’implantation/la restructuration des mutuelles de santé dans une
perspective de leur mise en réseau au niveau départemental dans les régions de Saint-Louis,
Kaolack, Louga et Kolda. Elle s’est basée sur des calculs à partir des projections de la
population au niveau de ces départements pour déterminer les paramètres actuels de la CMU
(cotisations, niveaux des subventions, paquets de prestation) sans tenir compte de l’absence de
mutualisation des MS et de leurs faibles capacités (voir point suivant). Les faibles résultats
obtenus aujourd’hui malgré les ressources publiques importantes et inédites injectées dans la
mise en œuvre ont fait dire à d’anciens adeptes des MS avec qui nous nous sommes entretenus,
qu’il existe à l’heure actuelle assez d’éléments fiables pour démontrer que l’extension de
l’assurance maladie par les MS communautaires n’est pas efficace.
Pourtant, une autre approche, basée sur l’assurance à grande échelle avec une gestion
professionnalisée, avait été proposée par la coopération belge au ministère de la santé à travers
la mise en place des Unions départementales de l’Assurance Maladie (UDAM). Cette
proposition a été précédée d’une étude de faisabilité qui, outre les caractéristiques
démographiques, de l’offre et de la demande de soins s’est aussi basée sur les résultats de

8
Céline Deville et al., Les mutuelles de santé subventionnées comme instruments de la CMU au Sénégal, 2018, p.3
9
Etudes citées (Appiah, 2012, De Allegri et al, 2009, Ndiaye et al, 2007, Odeyemi, 2014, Soors et al, 2010) Article Chemouni
B. The political path to universal health coverage : power, ideas and community-based health insurance in Rwanda. World
Dev 2018; 106:87–98
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l’application positive de la tarification forfaitaire implémentée par le Projet d’Appui à l’Offre


et à la Demande de Santé (PAODES) financé par la coopération belge dans les arrondissements
de Sokone et Koungheul10.
Les autorités du ministère de la santé n’ont autorisé l’expérimentation de cette approche que
dans les départements de Foundiougne et Koungueul, déjà terrains d’application du PAODES.
Aujourd’hui, elle fonctionne bien grâce à l’adhésion exclusivement familiale, qui permet une
meilleure mutualisation des risques au niveau de tout le département, et à la tarification
forfaitaire par épisode de maladie, incluant actes et médicaments qui favorise une meilleure
prise en charge de la maladie contrairement aux MS communautaires pour qui est appliquée la
tarification à l’acte plus onéreuse.
Ainsi, les UDAM présentent de meilleurs résultats par rapport à la moyenne nationale des MS
; grâce à leurs contributions importantes, les régions de Fatick et Kaffrine ont des niveaux de
performances plus élevées selon quelques indicateurs sur le niveau d’adhésion et de
fidélisation.11 De plus, elles sont devenues de véritables instruments de financement de la santé
ayant atteint leur équilibre financier en 2016 déjà12 et concourant à plus de 50% aux recettes des
structures sanitaires situées dans leur ressort territorial.

Figure 1 : Comparaison des performances des UDAM et des MS communautaires

Performances des UDAM vs MS communautaires en


2017

79%

65%
58%
46% 45%
33% 36%
31%
20%

NIVEAU DE PÉNÉTRATION DE LA POPULATION NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES CLASSIQUES NIVEAU DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS

Fatick Kaffrine Moyenne nationale des MS

Source : Données ACMU-Analyses de l’équipe d’audit


Malgré ces résultats remarquables, une attention particulière doit être prêtée aux coûts de
fonctionnement des UDAM encore élevés. En effet, presque 50% des recettes leur sont
consacrés, donc largement au-delà de la limite de 20% fixée par la réglementation de
l’UEMOA.
Sous ce rapport, le projet de restructuration du dispositif organisationnel de l’assurance maladie
à base communautaire préparé par l’ACMU doit être mis en œuvre avec précaution. En effet,

10
Paul Bossyns et al., Une assurance maladie à grande échelle pour le secteur informel en Afrique subsaharienne, p.51
11
Présentation PPT à Fatick de l’analyse situationnelle des organisations mutualistes de 2017 à sept 2019
12
Paul Bossyns et al., Ibidem, p.142
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ce projet vise à étendre le modèle des UDAM dans les autres départements du Sénégal avec
l’appui de la coopération luxembourgeoise, qui s’est substituée à la coopération belge.
Cependant, dans la nouvelle structuration prévue, la mutuelle de base, renforcée par un gérant
professionnel, est maintenue telle quelle dans le dispositif en lieu et place des annexes des
UDAM ; l’UDMS doit également être dotée d’une direction technique de l’assurance maladie
avec plusieurs postes. Ce nouveau dispositif alourdit significativement le système sans raison
explicite et augmente les coûts financiers de l’assurance maladie à base communautaire sans
proposer un nouveau modèle de financement.

Figure 2 : Schéma de l’assurance maladie communautaire restructurée au niveau départemental

Source : Document du projet de restructuration du dispositif organisationnel de l’assurance maladie à base


communautaire, p.20

La Cour a constaté que le projet était déjà en cours d’implantation dans les régions de Fatick et
Matam avec l’assentiment des présidents d’UDMS même si certains gestionnaires de MS ont
manifesté quelques inquiétudes quant à leur avenir. Toutefois, les PCA de plusieurs UDMS
rencontrés par la Cour à Dakar, Thiès, Tivaouane, Louga, Lingère Sédhiou, Bounkiling et
Goudomp ont exprimé leur avis divergent par rapport au projet de départementalisation. De
plus, lors d’une réunion nationale de concertation des présidents de MS et d’UDMS tenue à
Kaolack le 30 mars 2019, ces derniers ont émis beaucoup de réserves sur le projet de
départementalisation et ont proposé les recommandations suivantes : une évaluation exhaustive
du système en cours ; une étude de faisabilité du nouveau système ; un démarrage par une phase
test.

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Au regard de ce qui précède, et en l’absence de garanties sérieuses sur la disponibilité des


ressources financières pour la gestion du dispositif, particulièrement, pour le fonctionnement
de la direction technique professionnalisée, la Cour considère que l’empressement noté dans la
mise en œuvre de ce projet pourrait encore être préjudiciable au système de l’assurance maladie
à base communautaire.
En effet, celle-ci aurait dû être précédée par certains préalables tels que l’évaluation de la
viabilité financière, des concertations avec toutes les organisations mutualistes pour créer un
consensus, de même que l’approbation par les autorités de tutelle.
En réponse, le Directeur général de l’ACMU souligne que les UDAM ont atteint en 2016
déjà le seuil de viabilité prévu par leur modèle financier à l’horizon 2019 avec un taux de
pénétration de 25%. Le pourcentage élevé des charges de fonctionnement s’explique par le
fait que celui-ci reflète le rapport entre les charges totales et les cotisations propres reçues
ainsi que les subventions attendues de l’Etat dans l’année. Si ces dernières sont payées en
retard, l’UDAM puise dans ses réserves pour faire face à ses engagements. Il souligne qu’en
2019, les charges de fonctionnement ont représenté 15% des recettes.
S’agissant de l’absence de concertations avec les organisations mutualistes et d’approbation
des autorités de tutelle avant la mise en œuvre du projet, il informe que ces formalités ont été
respectées. Ceci, à travers, d’une part, l’organisation d’un atelier national de partage du
document portant restructuration des organisations mutualistes suivi par des requêtes de
plusieurs PCA d’UDMS (Diourbel, Gouridy, Kaolack, Koupentoum, Kolda, Matam, Saint-
Louis) pour s’engager dans ce modèle conformément à la réglementation sur les MS et
d’autre part, à travers la présentation du projet au Conseil de Surveillance en sa session du
09 janvier 2019. Il argue également que ce projet, dans un processus de recherche-action,
doit être soutenu par la coopération luxembourgeoise et la Banque mondiale dans le cadre
respectivement du 4ème Programme indicatif de Coopération (PIC) avec le Sénégal et le projet
ISMEA dont la bonne utilisation des ressources nécessite une restructuration des
organisations mutualistes.
Toutefois, la Cour maintient son constat compte tenu du fait qu’en 2019, les UDAM ont reçu
des montants importants de subventions contrairement aux autres unions départementales (voir
chapitre 6) en vue de pouvoir minimiser les lourdes charges de fonctionnement qui ont été
longtemps prises en charge par la coopération belge avant son retrait.
Elle prend acte des initiatives de concertation avec les acteurs mais souligne le manque
d’approbation par les autorités, au regard des faits précédemment exposés et en considération
des réserves expressément soulevées par les membres du CA dans le procès-verbal de la session
évoquée. Ledit PV informe d’ailleurs, que c’est le projet d’intégration des gratuités dans le
système assurantiel qui a été présenté avec un glissement sur la départementalisation. Les
réserves ont porté sur le manque de définition des modalités de gestion financière et les
réticences des mutualistes, ce qui a amené le Président du conseil à demander de mener d’abord
une phase pilote avant un passage à l’échelle ; aucune résolution n’a donc été prise dans le sens
de donner une autorisation ou approbation.

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1.1.2. Les faiblesses structurelles des mutuelles de santé à base communautaire


renforcées par la stratégie du DECAM
Les MS communautaires, par leur nature même, comportent plusieurs faiblesses structurelles
qui ont plombé jusque-là tous les efforts d’extension de l’assurance maladie.

Encadré 1 : Caractéristiques des MS communautaires13

Les MS communautaires ont généralement les caractéristiques suivantes :


(i) La communauté joue un rôle central dans leur implantation et leur gestion ;
(ii) Ce sont des mécanismes de prépaiement avec la mise en commun des ressources pour faire face, dans
la mesure du possible, au risque de santé au niveau d’une communauté ou d’un groupe de personnes qui
partagent des caractéristiques communes (professionnels ou géographiques) ;
(iii) Le niveau de contribution est le plus souvent calculé sans tenir compte du risque santé que présente
l’individu souhaitant adhérer amenant à l’application d’une tarification (cotisation) commune pour
l’ensemble des adhérents ;
(iv) L’éligibilité à la couverture santé est conditionnée au paiement de la contribution ;
(v) L’adhésion est volontaire ;
(vi) Elles sont à but non-lucratif.

La Cour a relevé que la mise en œuvre du DECAM n’a fait qu’aggraver ces faiblesses en
l’absence de mesures d’atténuation. Celles-ci ont trait essentiellement aux capacités de
massification des adhérents, de mise en commun des risques, de fidélisation des adhérents, à la
portabilité du risque maladie ainsi qu’au bénévolat qui entrave leur professionnalisation.
1.1.2.1. La faible capacité de massification des adhérents
A cause de leur ancrage communautaire, les MS n’ont jamais été capables d’avoir une large
base d’adhésion. Les premières à être mises en place ont été souvent constituées par un seul
groupe homogène (village, groupe ethnique ou professionnel) et les tentatives d’élargissement
ont été souvent vouées à l’échec ou ont fait l’objet de plusieurs réticences.
Pour rappel, la mutuelle de Fandène, première MS à base communautaire créée au Sénégal dans
la région de Thiès en 1988 et qui a été une réussite14, a connu une scission dès lors que les
premiers adhérents ont refusé d’accepter les autres communautés qui avaient souhaité la
rejoindre. Une autre MS a été créée pour accueillir les autres catégories sociales de la localité.
Cette expérience est loin d’être isolée.
Cette incapacité à s’élargir au-delà de leurs bassins naturels fait que les MS ne peuvent
constituer une véritable panacée pour la popularisation de l’assurance maladie. Ainsi, même si
l’ancrage communautaire facilite l’appropriation de la population et son implication dans la
gestion des MS, il est devenu un véritable frein.
Par conséquent, même s’il est constaté une progression continue du nombre des MS à base
communautaire, qui passent de 19 en 1997 à 129 en 2007, le taux de pénétration quant à lui

13
OMS, l’assurance maladie à base communautaire : comment peut-elle contribuer au progrès vers la
couverture universelle en santé ?2017, p.1
14
Plan stratégique de développement des mutuelles de santé, MSAS/CAMICS, 2004, p.11
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demeure très faible, reflet de leurs capacités médiocres à faire adhérer massivement les
populations. En 2008, parmi les 20% de Sénégalais qui disposent d’une assurance maladie,
seule une frange estimée à 3,8% est enrôlée dans les MS (cf. tableau 1). En 2013, ce taux n’avait
guère évolué.
La stratégie nationale, à travers l’approche DECAM, a accentué cette faiblesse à travers
l’éclatement des organisations mutualistes. Faisant suite à la politique de communalisation
intégrale de l’Acte III de la décentralisation, elle a adopté le slogan « Une collectivité locale,
au moins une MS ». A cet effet, et tenant compte de la grande variabilité de la taille de la
population des communes (de 5.000 habitants dans les petites communautés rurales à plus de
200.000 habitants dans les chefs-lieux des départements), elle préconise même la création de
MS subdivisées en sections dans les communes de petite taille et la création de plusieurs MS
dans les zones à créer dans les communes très peuplées15.
Dans la pratique, on constate la multiplication de très faibles MS dont la viabilité est
compromise dès leur naissance parce que ne reposant sur aucun paramètre économique
(proportion de la population en capacité de cotiser, offre de soins disponible, etc.).

Figure 3 : Evolution des MS de 1995 à 2019

Evolution du nombre de MS
800
671 676
700
600
500
400 306
300 200
200 129
100 19
0
1995 2000 2005 2010 2015 2020

Source : ACMU

Pourtant, c’est l’Agence, elle-même, allant au-delà de son rôle d’encadrement, qui s’est
fortement impliquée pour leur mise en place. De 2015 à 2016, elle a incité les populations à
participer au mouvement en octroyant 500 000 FCFA par commune pour la mise en œuvre de
leur plan d’actions, soit près de 400 millions en 2015 pour organiser 295 comités d’initiative
mutualiste (CIM) en vue de la création de nouvelles MS et 93 comités de restructuration
(CREM)16 consacrés à la redynamisation des anciennes MS non fonctionnelles. Selon certains
anciens mutualistes, cette manne financière a fait venir dans la mutualité des « chasseurs de
primes » ayant favorisé l’émiettement des MS.

15
Etude de faisabilité du DECAM, p.26
16Les CIM et CREM débutent le processus d’implantation des MS. Les membres viennent des structures communautaires,
des collectivités locales et des représentants de la santé. Après leur formation, ils conduisent le processus de sensibilisation
de la population de la localité puis de recrutement des adhérents et bénéficiaires. La tenue de l’assemblée générale
constitutive, durant laquelle est mise en place le bureau, représente l’étape ultime de création de la MS.
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Par ailleurs, dans certaines communes, il a été relevé que des réalités sociologiques ont été
mises en avant pour créer plusieurs MS dans le seul but de ne pas remettre en question la
structuration sociale et politique ou pour ne pas obliger des MS existantes à s’élargir comme
nous l’ont indiqué certains responsables mutualistes.
Ainsi, la fragmentation est particulièrement remarquable actuellement dans les régions avec
une tradition mutualiste où les nouvelles MS mises en place par l’ACMU se sont ajoutées à
celles existantes comme à Dakar (86 MS pour 52 communes), Diourbel (70 MS pour 40
communes), Thiès (90 MS pour 49 communes) et Saint-Louis (48 MS pour 38 communes)17.
Dans la commune de Grand-Yoff, trois (3) MS épousant la stratification sociale ont été
installées (Grand-Yoff traditionnel, Khar Yallah et Cités nouvelles), 4 MS à la Médina et 13
MS à Touba.
Cette fragmentation pose des défis en termes de coordination et de contrôle des MS surtout dans
un contexte de subvention des bénéficiaires. Des possibilités d’en faire des outils de fraude pour
la captation des subventions existent clairement comme le souligne un expert rencontré.
L’approche DECAM révèle ainsi des limites qu’il faudra corriger avec l’adoption de critères
de mise en place d’organisations mutualistes plus conformes aux paramètres économiques de
l’assurance maladie.
1.1.2.2. La faible capacité de mise en commun des risques
Le risque correspond à l’éventualité qu’un événement futur, bon ou mauvais, se produise. Par
extension, le terme « risque » désigne un événement indésirable contre la survenue duquel une
assurance est souscrite. L’assurance est un instrument qui permet à plusieurs personnes de
partager des risques. Les contributions des assurés sont mises en commun et servent à couvrir
les dépenses des seules personnes affectées par la survenue de ces risques ou sinistres.
La mutualisation des risques est définie comme le fait d’avoir, à travers une large base
d’adhérents et de bénéficiaires, une absence ou une faible présence des sinistres de certains
assurés (bons risques) qui compense la présence fréquente ou intense des sinistres des autres
assurés (mauvais risques). Ainsi, la structure d’assurance doit diversifier le plus largement ses
risques afin d’avoir un équilibre entre les bons et les mauvais. Selon les estimations effectuées
lors du démarrage de la CMU, une MS devrait compter au moins 4000 adhérents et bénéficiaires
(pool)18afin d’assurer une bonne mutualisation des risques pour sa viabilité financière.
Or, la majeure partie des MS ont de petites tailles de pools qui atteignent difficilement 1000
personnes ; 70% compte moins de 400 personnes. En 2003, 5 MS seulement sur 81, soit 6%,
ont un pool de plus de 1000 personnes. En 2019, si les bénéficiaires issus des programmes
sociaux directement enrôlés par l’Etat sont retranchés, il apparait que 49% des MS n’ont
toujours pas atteint un pool de 1000 adhérents et bénéficiaires classiques et 90% n’ont pas
atteint les 4000 requis pour être viables19.

17
Liste 676 MS au niveau national
18
Entretien avec MM. Daff, DG/ACMU, Ly, DAJP/ACMU et Diagne, DG Transvie
19
Analyses Equipe d’audit selon données ACMU
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Figure 4 : Taille des pools d’adhérents et de bénéficiaires classiques des MS

Taille des pools d'adhérents et de bénéficiaires classiques


des MS communautaires en 2019

49%
41%

10%

Moins de 1000 adhérents & bénéficiaires Entre 1000 et 4000 adhérents & Plus de 4000 adhérents & bénéficiaires
classiques bénéficiaires classiques classiques

Source : Equipe d’audit à partir des données de la CMU


Cette situation découle de la démultiplication des MS par commune évoquée supra qui n’a pas
tenu compte du fait que plus le nombre de mutuelles est élevé dans une région, plus ces
dernières ont tendance à compter moins de 500 bénéficiaires20.
De ce fait, les MS ont des ressources financières très limitées très vite consommées par le
paiement des prestations des bénéficiaires ; ce qui constitue, dès lors, des risques pour leur
viabilité économique et la prise en charge constante des besoins sanitaires de leurs adhérents.
A cet égard, l’évolution du taux de sinistralité, qui permet de mesurer la capacité de la mutuelle
de santé à faire face aux dépenses de prestations avec les recettes issues des cotisations, est
assez illustratif.

Figure 5 : Taux de sinistralité des MS communautaires de 2017 à 2019

Source : ACMU, Rapport d’analyses des organisations mutualistes de 2017 à sept.2019, p.62

Par ailleurs, cette situation induit une faible capacité de négociation pour une contractualisation
avantageuse avec les prestataires de soins. En effet, avec leurs moyens financiers limités, les
MS n’arrivent pas à obtenir les meilleurs tarifs auprès des prestataires de soins vis-à-vis de qui
également, elles contractent souvent des dettes les exposant à des ruptures unilatérales de

20
Rapport sur l’analyse situationnelle des organisations mutualistes
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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services et donc des arrêts de prestations à leurs niveaux, particulièrement en cas de retard des
subventions.
Pour pallier ces faiblesses, il faudrait envisager la mise en place d’organisations mutualistes
plus fortes soutenues par des mécanismes financiers appropriés tels que Fonds national de
garantie et le Fonds national de Solidarité Santé.
1.1.2.3. La faible capacité de fidélisation des adhérents
La fidélisation des adhérents peut s’apprécier à travers la régularité de paiement des cotisations
qui donnent droit aux prestations de santé. Avant la mise en œuvre du PSD-CMU, 58% des
mutuelles ont des taux de cotisation qui n’excèdent pas 200 FCFA par personne et par mois,
soit 2400 FCFA par an. Malgré la faiblesse de ces montants, les taux de recouvrement ne
dépassaient pas souvent 60% sauf pour les MS associées à des systèmes de microfinance21.
Avec une cotisation fixée à 3500F par personne et par an par le PSD-CMU, la situation du
recouvrement des cotisations s’est dégradée durant la période sous revue.
De 2017 à 2019, les bénéficiaires classiques à jour de leurs cotisations22 ne dépassent guère 10
à 12% sauf à Fatick, Kaffrine et Thiès où des taux de 14 à 18% ont été atteints. Dans les régions
de Matam et Saint-Louis, les taux ne dépassent pas 5% alors qu’à Kédougou, Kolda, Sédhiou,
Tambacounda et Ziguinchor, ils varient de 1 à 3%.
Figure 6 : Répartition par année et par région du nombre de bénéficiaires à jour dans les MS par région

Source : ACMU, Rapport d’analyses des organisations mutualistes de 2017 à sept.2019, p.39

Cette faiblesse dans le recouvrement des cotisations démontre l’absence de capacités pour
fidéliser les adhérents. Pourtant, l’augmentation régulière de la consommation de soins de santé
des ménages illustre le grand besoin de couverture contre le risque maladie.
En effet, les dépenses de santé par tête d’habitant sont estimées à 58.000 FCFA en 201423 et les
dépenses courantes de santé des ménages ont, quant à elles, régulièrement augmenté jusqu’à
représenter 53,8% de leurs dépenses courantes en 2016.

21
Plan stratégique de développement des mutuelles de santé, MSAS/CAMICS, 2004, p.15
22
Il s’agit des bénéficiaires à jour de leurs cotisations de l’année par rapport à l’ensemble des bénéficiaires enregistrés
depuis le début dans la mutuelle
23
https://www.who.int/countries/sen/fr/
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Elles sont constituées à 95% de paiements directs aux structures sanitaires et pharmaceutiques.
En volume, elles sont passées de 226,8 milliards en 2014 à 246 milliards et 258,6 milliards
respectivement en 2015 et 2016 induisant une croissance annuelle de 19,2 milliards en 2015,
soit 7,2% et 12,6 milliards en 2016, soit 4,4%. En comparaison, elles représentent 146% en
2014 et 161% des dépenses courantes du ministère de la santé qui s’établissent à 155,6 milliards
en 2014 et 160,4 milliards en 2016 soit une progression de 4,8 milliards en valeur absolue et
3,08% en valeur relative24.
L’obligation d’adhésion avec des modalités d’application appropriées pour les populations
ciblées serait l’une des solutions pour rediriger ces montants importants dans l’assurance
maladie.
1.1.2.4. La faible portabilité de la couverture du risque maladie
La portabilité fait référence à la possibilité de bénéficier de prestations de santé en dehors du
territoire d’implantation de la MS d’appartenance. Malgré les efforts consentis par l’ACMU
pour rendre attractives les prestations offertes par les MS, la faible portabilité du risque maladie
est restée un des freins à l’adhésion massive des populations.
En effet, avec l’avènement de l’Agence, un paquet minimum de services de base garantis, prévu
par le PSD-CMU, est mis en place et améliore largement l’offre de services des MS. Désormais,
celles-ci prennent en charge un paquet de base constitué par les soins de santé au niveau des
postes et centres de santé à un taux de 80% au lieu de 50 à 75% auparavant. S’y ajoute, la prise
en charge des soins et hospitalisations au niveau des hôpitaux à travers le paquet
complémentaire géré par les UDMS ainsi que les médicaments dans les officines privées à
hauteur de 50%. Toutefois, conformément au système de référencement adossé à la pyramide
sanitaire, les prestations ne peuvent être reçues que dans les structures du district sanitaire pour
le paquet de base et dans les hôpitaux de la région d’implantation de la MS concernant le paquet
complémentaire.
Ainsi, à cause des inégalités dans la répartition des structures sanitaires et de leur qualité de
service, l’absence d’élargissement de la portabilité est un motif de non adhésion aux MS.
En effet, quand il n’y a pas de structure sanitaire à proximité ou quand la qualité des soins
offerts par les structures sanitaires de proximité est jugée non satisfaisante, les populations ont
des réticences pour adhérer à la MS ou y rester et préfèrent garder leur libre choix. De ce fait,
dans plusieurs MS et UDMS visitées, notamment à Fatick, Louga et Sédhiou, les
administrateurs ont dû signer avec des centres de santé considérés plus performants mais situés
en dehors de leur ressort territorial afin de fidéliser leurs adhérents.
Sur un autre plan, la portabilité limitée renforce l’iniquité entre bénéficiaires de l’assurance
maladie communautaire au regard de leur accès inégal aux structures de santé comme il ressort
de la situation présentée par le tableau suivant.

24
Rapport des comptes de la santé (2014-2016), p.38
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Tableau 7 : Répartition des structures sanitaires par région

Ainsi, avec la même cotisation, un adhérent d’une MS à Yoff, dans le département de Dakar a
accès à presque dix (10) établissements publics de santé (EPS) de niveau 3, deux (2) centres de
santé avec un plateau relevé à savoir Philippe Maguilène Senghor et Nabil Choucair et plusieurs
postes de santé alors que celui de Bounkiling n’a accès qu’à un EPS de niveau 1, un centre de
santé avec un plateau médiocre et souvent un poste de santé.
Par ailleurs, l’absence de portabilité peut inhiber les efforts de développement des MS
professionnelles dans la mesure où les membres d’une profession dispersés sur le plan territorial
ne peuvent dépendre d’une même MS. C’est ainsi que les MS des « Jakartamen » dans les
régions de Thiès et Louga ou celle des acteurs culturels n’ont jamais pu fonctionner.
Tenant compte de cette réalité, l’élargissement de la portabilité de la couverture du risque
maladie doit être envisagée, de même qu’une certaine modulation des cotisations en fonction
de l’offre de santé disponible afin de garantir l’équité entre les adhérents. Plus largement,
l’objectif d’extension de l’assurance maladie doit être intégrée à une politique globale de santé
visant l’amélioration de l’accessibilité de l’offre de santé.
1.1.2.5. Le bénévolat et le manque de professionnalisation des gestionnaires de
MS
Afin de permettre la participation et le contrôle de la communauté dont elles sont issues, les
MS à base communautaire fonctionnent suivant le modèle des associations avec des organes
élus tels que le conseil d’administration et le bureau exécutif dont les membres sont bénévoles.
Ce bénévolat est à la base du manque d’engagement et d’assiduité des gestionnaires pour le bon
fonctionnement de la mutuelle. Mais plus encore, ces derniers ont, le plus souvent, très peu de
compétences dans le domaine de la gestion administrative et financière et de l’assurance
maladie qui nécessite le recours à des techniques et outils de gestion rigoureux et spécifiques.
Par ailleurs, bien que 87 % des MS au niveau national disposent de gérants permanents, les
faibles niveaux de rémunération pratiqués, entre 25 000 et 50 000 FCFA, ne favorisent ni la
venue de réelles compétences dans la mutualité ni la pleine implication des recrues. À Fatick,
la Cour a constaté que dans certaines MS, les gérants ne venaient au siège qu’en cas de besoin
de lettres de garantie exprimé par les bénéficiaires et après avoir vaqué à d’autres occupations.
A Kanel, des présidents de MS nous ont fait part des changements fréquents de gérants.
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Pour pallier cette difficulté, l’ACMU a mis en place, depuis 2017, des Unités techniques de
Gestion (UTG) au niveau des UDMS, tel que prévu dans le PSD-CMU, pour appuyer les
organisations mutualistes dans leur fonctionnement. L’UTG est composée d’un Responsable
administratif et financier (RAF) et d’un chargé de suivi/évaluation dont les salaires sont pris en
charge par l’Agence à travers des subventions aux UDMS ; ce qui pèse lourdement sur son
budget. De plus, pendant six (6) mois (juillet-décembre 2019), les salaires des gérants de MS
ont été pris en charge par l’ACMU à raison de 75 000 FCFA par mois. Toutefois, cette mesure
a beaucoup chamboulé les MS qui ont dû, à son arrêt, se séparer de leurs gérants qu’ils ne
pouvaient payer à la même hauteur ou augmenter leurs émoluments malgré leurs moyens
limités.
Par conséquent, malgré le soutien apporté par l’UTG, qui, elle-même, souffre de plusieurs
contraintes (équipe réduite, difficultés de déplacement, etc.), il est constaté des problèmes dans
la gouvernance des MS (irrégularité dans la tenue des instances) et la gestion administrative et
financière (gestion des prestations, des adhésions et des cotisations, tenue des outils de gestion).
Toutefois, au lieu de mettre en place un programme continu de formation tenant compte du
renouvellement des administrateurs et gérants, l’ACMU n’a organisé que deux sessions de
formation en 2016 et 2017 en gestion administrative, financière et comptable (GAFC). En
l’absence de renouvellement de ces sessions, les administrateurs élus et gérants recrutés après
cette période n’ont reçu aucune formation et ont été le plus souvent initiés par leurs collègues
ou prédécesseurs.
Face à cette situation, la mise en place d’un système professionnalisé de gestion d’une assurance
maladie universelle devient la solution la plus indiquée.
1.2. Le défaut d’intégration des différents segments de l’assurance maladie et de
l’assistance médicale
L’assurance maladie au Sénégal est marquée par son caractère extrêmement fragmenté avec
différents mécanismes qui se superposent et ne communiquent pas. Cette situation ne favorise
pas l’instauration de mécanismes intégrés de solidarité pour le bénéfice des différentes
populations cibles.
Avec le pari exclusif fait sur les MS communautaires, la stratégie du DECAM a ignoré les
possibilités de renforcer ces dernières par une mutualisation avec les autres segments de
l’assurance maladie. Il en est ainsi des mutuelles d’envergure nationale (mutuelles
complémentaires et professionnelles), des institutions de prévoyance maladie (IPM) et des
institutions de microfinance offrant des produits de micro-assurance santé. Par ailleurs, la
stratégie d’adhésion par famille ou par groupe est mise à risque par les initiatives de gratuité
qui ciblent séparément les enfants, les femmes et les personnes âgées.
Avec la CMU, cette fragmentation pèse lourdement sur les finances publiques puisque l’Etat a
supporté de 2015 à 2018 plus de 85 milliards de FCFA au titre de la prise en charge du régime
des imputations budgétaires, des évacuations sanitaires, des médicaments pour les forces
armées ainsi que des régimes d’assurance médicale de base et d’assistance médicale gérés par
l’ACMU. Ce montant ne concerne que les dépenses de soins de santé et de subventions et
n’inclut pas les dépenses de fonctionnement et d’investissement des services concernés par la
gestion des différents régimes.

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Tableau 8 : Dépenses de santé supportées par l’Etat

Composantes Sous composantes 2015 2016 2017 2018 TOTAL PERIODE


Hospitalisations et soins médicaux Hôpitaux 6 222 656 441 7 556 871 595 7 200 075 259 7 318 723 284 28 298 326 579

Cliniques privées agréées 855 615 020 1 035 702 445 1 037 412 429 2 026 602 660 4 955 332 554

Evacuations sanitaires 522 907 612 405 764 283 247 626 385 201 971 774 1 378 270 054
Dépenses pharmaceutiques (pour les 6 568 491 188 2 560 604 229 2 561 376 388 1 528 442 331 13 218 914 136
militaires)
Assurance maladie Subventions générales MS 236 324 502 328 008 008 621 819 300 2 225 297 302 3 411 449 112
Subventions ciblées MS 371 237 000 1 650 846 475 653 820 375 1 326 871 700 4 002 775 550
Assistance médicale (Gratuités) 6 784 408 715 7 190 819 645 8 202 163 410 8 202 163 410 30 379 555 180
TOTAL PAR ANNEE 21 561 642 493 20 728 618 696 20 524 295 563 22 830 074 479 85 644 623 165

Source : Equipe d’audit à partir des données de la direction de la Solde, du centre médico-social de la fonction
publique, du ministère des forces armées et de l’ACMU

1.2.1. Le potentiel ignoré des mutuelles de santé d’envergure nationale, des IPM
et du partenariat avec les institutions de microfinance
Les mutuelles de santé d’envergure nationale, qui sont environ une trentaine agréée, comptent
316 210 bénéficiaires en 2017 selon les chiffres de l’ACMU qui ne sont toutefois pas à jour.
Elles sont pour la plupart des mutuelles complémentaires, destinées aux agents des
administrations publiques en activité ou retraités, ou bien des mutuelles professionnelles.
Elles ont été complètement ignorées par le PSD-CMU alors que, dans les stratégies qui l’ont
précédé, une attention particulière leur était accordée car elles ont un potentiel de
développement très important par leur offre ciblant les besoins et les capacités de groupes
spécifiques contrairement aux MS communautaires.
C’est ainsi que sont nées en 2003, la Mutuelle de Santé des Agents de l’Etat (MSAE) prévue
dans le PSDMS et en 2008, la mutuelle des travailleurs du secteur routier (Transvie) prévue
dans la SNERCMS. Elles sont toutes les deux aujourd’hui, des structures d’assurance
professionnalisées, bien implantées sur le territoire national grâce à leurs antennes
déconcentrées, économiquement indépendantes et fortes avec une large base d’adhésion en
progression continue.
Toutefois, les entrevues avec les responsables de la Mutuelle de Santé des Agents de l’Etat
(MSAE) et de la mutuelle Transvie ont permis à la Cour de constater que l’ACMU n’avait
construit aucun mécanisme de collaboration avec elles afin de pouvoir apprendre de leurs
succès et les intégrer dans la stratégie d’extension de l’assurance maladie de la CMU. Du reste,
elles auraient pu contribuer à la mise en commun des risques avec leurs moyens financiers
importants ; à elles deux, elles injectent près de deux (2) milliards de francs FCFA par an dans
le système sanitaire très loin du demi-million des 676 MS communautaires (voir Tableau 25).
L’engouement pour les MS complémentaires s’explique en grande partie, par le fait que le
paquet de soins est beaucoup plus attractif que les imputations budgétaires car contrairement à
celles-ci, il permet une prise en charge de proximité dans les postes et centres de santé, l’accès
à un réseau large de prestataires privés et inclut également les médicaments même dans les
officines privées.
Parmi les mutuelles complémentaires, la MSAE est la plus emblématique et la plus importante
mais on compte également d’autres fortes mutuelles comme celles des Forces armées et des
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administrations spécialisées comme l’Education nationale, les Douanes, les Impôts et


Domaines, le Trésor, etc.
La MSAE a été créée par les agents du secteur public avec l’appui et une subvention de
23 millions de FCFA du Ministère de la Fonction publique ; elle compte 37 500 adhérents et
141 000 bénéficiaires en 2019 contre 14 994 adhérents et 64 924 bénéficiaires en 2014, soit une
progression respectivement de 77% et de 73%. Dans son plan stratégique 2020-2024, la MSAE
prévoit d’enrôler 50 000 agents de l’Etat.
Grâce à sa bonne santé financière, la MSAE a également investi dans l’offre de santé en créant
des cabinets dentaires et prévoit l’ouverture de centres de santé en collaboration avec des
partenaires étrangers, ce qui lui permettra à terme de maitriser certains tarifs et d’élargir les
sources de recettes. Sa situation permet de constater que les agents publics peuvent contribuer
financièrement pour bénéficier de prestations de santé plus larges.
Transvie, quant à elle, a été mise en place en 2008, après une étude de faisabilité et une
subvention de 18 000 000 FCFA du programme Stratégies et Techniques contre l’Exclusion
sociale et la Pauvreté (STEP) financé par le Bureau international du Travail (BIT) pour
l’opérationnalisation d’un des axes de la SECRMS et en accompagnement des réformes du
secteur routier, notamment la création de l’Association de Financement du Transport urbain
(AFTU). Elle constituait une expérimentation du BIT qui n’était plus convaincu par le modèle
des MS communautaires après de longues années d’engagement pour leur développement.
Grace à l’expérience acquise avec le secteur routier où elle a développé un modèle économique
et des stratégies de cotisations adaptés au secteur informel, Transvie a pu mettre sur le marché
des produits d’assurance plus appropriés aux besoins de la famille africaine élargie (prise en
charge des ascendants) et de ses capacités de paiement.
Ayant également obtenu un agrément d’IPM, elle assure aujourd’hui beaucoup d’entreprises
dans tous les secteurs, notamment du public (établissements et agences publics, sociétés
nationales) et emploie plus de 80 personnes à travers 21 agences et bureaux de représentations
à travers le Sénégal, selon les informations qui nous ont été communiquées.
S’agissant des IPM, elles sont régies par le décret 2012-832 du 7 août 2012 portant organisation
et fonctionnement des IPM qui dispose que leur création est obligatoire pour toute entreprise
comptant au moins 300 travailleurs ; les entreprises de moins de 300 travailleurs doivent
adhérer à une IPM inter- entreprises ou à une IPM déjà autorisée. Les garanties offertes portent
sur une prise en charge partielle des frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pour
les travailleurs salariés et les membres de leurs familles à des taux variables d’une IPM à une
autre sur une fourchette réglementaire de 50 % à 80% fixée par arrêté interministériel.
L’ICAMO (institution de coordination de l’assurance maladie obligatoire) a été mise en place
pour une meilleure coordination de l’assurance maladie obligatoire en vue d’améliorer
l’efficacité du système et contribuer à la couverture maladie universelle dans le monde du
travail.
Par ailleurs, les modalités d’intervention du Fonds de garantie, créé par le décret 2012-832 du
7 août 2012, ont été précisées par le décret 2019-29 du 4 janvier 2019 fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement du fonds de garantie des IPM.
Malgré le fait qu’elles couvrent les travailleurs du secteur formel, les IPM sont confrontées
quasiment aux mêmes contraintes que les MS communautaires notamment le manque de
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coordination et de mise en commun des risques, la faiblesse des capacités techniques, l’évasion
sociale des employeurs (non-respect de l’inscription et des cotisations de leurs employés), la
faiblesse de la tutelle et de la régulation, etc.
Ces difficultés nous amènent à considérer que l’assurance maladie obligatoire des travailleurs
du privé pourrait être intégrée dans un système plus global pour une meilleure efficacité.
S’agissant de la microfinance, le partenariat des MS avec des institutions de microfinance (IMF)
a montré, lors d’expériences antérieures que celles-ci étaient plus performantes dans la
fidélisation et le recouvrement des cotisations avec la corrélation de celui-ci aux remboursement
des prêts accordés à leurs sociétaires. Dans le PSDMS, il est indiqué que la capacité de
recouvrement des cotisations des MS ne dépassait pas 60% sauf avec la combinaison de la
microfinance ou des activités génératrices de revenus (AGR).
Dans le département de Gossas, les responsables de la MS de Patar Lia, rencontrés par la
mission, ont fait part de l’expérience concluante vécue grâce au partenariat noué avec un
Groupement d’Epargne et de Crédit (GEC). Alors que la MS peinait à avoir 150 bénéficiaires
classiques par an, le GEC lui a permis d’enrôler près de 900 femmes affiliées à des groupements
féminins. La cotisation est collectée par semaine (125 FCFA pendant 7 mois) en même temps
que celle du GEC par un de ses agents de recouvrement contre une rémunération 10% sur les
sommes collectées. Face à ce succès, des relais communautaires sont en train d’être formés
pour permettre à cinq autres MS d’aller à l’assaut des groupements féminins de leur ressort
territorial.
Ces expériences devraient être capitalisées et mises à l’échelle pour permettre aux MS de mieux
assurer leur attractivité et leur viabilité financière.
1.2.2. Le chevauchement des cibles des initiatives de gratuité et des MS
communautaires
Dans le cadre du volet assistance médicale, l’ACMU assume la gestion des initiatives de
gratuité des soins de santé de certaines catégories sociales jugées vulnérables. En 2019,
2 026 149 cas ont bénéficié de ces initiatives comme suit :
- Enfants de 0-5 ans : 1 965 881 cas
- Femmes ayant subi une césarienne : 18 996 cas
- Hommes et femmes souffrant d’insuffisance rénale : 688 cas
- Personnes âgées de plus de 60 ans : 40 584 cas.
Le graphique suivant montre les montants versés au profit des structures de santé en 2019 qui
s’élèvent globalement à 7 748 742 369 FCFA.
Figure 7: Répartition des montants des factures des initiatives de gratuité réglés en 2019 par l’ACMU

Source : Rapport de performance ACMU 2019


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Hormis la prise en charge de la dialyse, qui est un traitement spécifique pour les personnes
souffrant d’insuffisance rénale, les autres cibles visées par les gratuités découragent l’adhésion
par famille préconisée par le DECAM car meilleur gage de cotisations significatives pour les
MS.
En effet, les personnes ont tendance à adhérer ou à renouveler leurs cotisations à une mutuelle
quand elles encourent des risques sanitaires sérieux ou pressants (grossesse, période hivernale,
maladies chroniques diagnostiquées, etc.) ; ce qui est d’ailleurs à l’origine de la sélection
adverse25. Cependant, selon les mutualistes interrogés, le fait pour les familles d’avoir, à travers
l’assistance médicale, une possibilité de couverture maladie pour les personnes les plus à risque
comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, constitue un facteur de non
engagement ou de désengagement de la MS.
Or, une intégration de ces gratuités dans les MS permettrait d’alléger le lourd et couteux circuit
de traitement des factures et de rediriger la manne financière considérable que leur consacre
l’ACMU au développement d’organisations mutualistes plus fortes.
A cet effet, l’Agence a conçu un projet qui est en cours d’expérimentation à Kaffrine. Toutefois,
nous avons noté dans le document de projet une reconduction des lourdeurs procédurales et
administratives décriées dans le traitement actuel des factures découlant de la prise en charge
des initiatives de gratuités. Ces lourdeurs ont trait à la superposition des opérations liées au
ciblage des différents bénéficiaires, la gestion de l’affiliation ou de l’enrôlement, les paramètres
de prise en charge ainsi que les mécanismes d’achat26.
La Cour estime que l’intégration des initiatives de gratuité doit être un facteur incitatif à
l’adhésion familiale et de promotion des MS. A cet effet, un régime déclaratif des personnes
concernées par les gratuités avec les pièces justificatives pourrait être institué au profit des
membres des familles déjà enrôlées dans les MS.

1.3. Des changements d’option et des nouvelles orientations problématiques adoptées


en cours de mise en œuvre
L’ACMU est chargée expressément de mettre en œuvre le PSD-CMU conformément aux
actions identifiées et à la priorisation prévue. L’analyse des actions menées sur la période sous
revue montre que la politique de l’assurance maladie a été largement modifiée par l’abandon
d’actions essentielles et l’adoption de nouvelles options mal engagées. En effet, l’absence de
mise en place des mécanismes de financement qui auraient pu mitiger les lacunes des MS de
même que la primauté accordée à la prise en charge des couches vulnérables ont eu des effets
négatifs sur la politique de la CMU.
1.3.1. Le défaut de mise en place des mécanismes de financement
Compte tenu de l’importance des mécanismes financiers prévus, leur création avait été priorisée
dans le plan d’actions du PSD-CMU et devait s’effectuer en 2013. Jusqu’à présent, aucun
d’entre eux n’a été mis en place.

25
La sélection adverse ou antisélection désigne les dysfonctionnements des marchés d'assurance qui résultent de l’asymétrie
d’informations entre l’assuré et l’assureur (l'information cachée dont les assurés peuvent disposer sur leurs propres risques
et qui n'est pas accessible aux assureurs). Encyclopédie Universalis
26
Voir le document de l’ACMU sur l’intégration des initiatives de gratuité
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Or, ces instruments étaient absolument nécessaires pour réaliser pleinement la stratégie
d’extension de l’assurance maladie communautaire. En effet, l’innovation majeure du PSD-
CMU se trouve dans la conception d’un système de financement cohérent destiné à créer une
synergie entre les mécanismes de financement public et la contribution des ménages afin de
mitiger les faiblesses structurelles des MS précédemment exposées ainsi que les risques
financiers afférents à leur activité.
Le système repose sur la mise en place du Fonds national de Garantie des MS (FNGMS) et du
Fonds national de Solidarité Santé (FNSS) ainsi que de la Caisse autonome de protection sociale
universelle (CAPSU) qui devait recevoir et gérer toutes les ressources des programmes de
protection sociale.
Figure 8 : Mécanismes de financement dans l’architecture du DECAM

Source : PSD-CMU, p.22

Le FNGMS est un organe prévu par le règlement n°07/2009/CM/UEMOA. Au terme de


l’article 63 dudit règlement, le FNGMS, auquel doivent adhérer toutes les MS, Unions et
fédérations de MS, est destiné à préserver les droits de leurs membres participants et de leurs
ayants droit. Il doit être une personne morale de droit public géré par un conseil paritaire de
gestion composé de deux (2) représentants de l’Etat et de trois (3) représentants des mutuelles
sociales, sous le contrôle d’un conseil paritaire de surveillance composé de douze (12) membres
dont quatre (4) représentant l’Etat et huit (8) siégeant pour le compte des mutuelles sociales.

Il a pour objet de prévenir autant que possible les défaillances éventuelles des mutuelles et de
garantir leurs engagements contractuels vis-à-vis de leurs membres participants. Le Fonds de
garantie intervient sous forme de prêt aux mutuelles qui le sollicitent. Il s’agit d’avances de
trésorerie mises en jeu uniquement lorsque la mutuelle est en état de cessation de paiement et
ne peut plus maintenir ses prestations en faveur de ses bénéficiaires.

Selon la réglementation de l’UEMOA, ce mécanisme doit être alimenté par les mutuelles, les
unions et fédérations de mutuelles adhérentes dont les contributions sont fixées par arrêté du
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Ministre en charge de la mutualité sociale, les sommes versées par les autorités étatiques et
communautaires et les produits financiers de ses placements.27

Seul le Mali a déjà créé un tel organe à travers une loi, les autres pays invoquant des difficultés
d’opérationnalisation pour justifier leur carence en la matière. Un projet de décret de création
de cet organe avait été élaboré en 2012 avant la création de l’Agence de la CMU mais n’a jamais
été adopté.
Au regard des difficultés financières que traversent la plupart des mutuelles de santé, la mise
en place d’un tel dispositif se présente comme une nécessité. Par ailleurs, il constituerait
également un mécanisme permettant de garantir aux adhérents des MS une continuité des
prestations à travers un suivi régulier de la situation financières des mutuelles de santé. En ce
sens, il sera un moyen de prévention des situations financières critiques car les mutuelles
membres du Fonds de garantie devront toutes se doter d’un système de gestion rigoureux et
normalisé pour pouvoir avoir accès à ses prêts. Elles devront également fournir toutes les
informations nécessaires au suivi.28
En l’absence d’un tel dispositif et pour pallier les difficultés financières entrainant souvent des
arrêts de prestations, des initiatives ont été prises dans certaines localités par les organisations
mutualistes consistant à instituer un système de solidarité sous forme de prêt entres elles. Elles
se sont, donc, en quelque sorte, substituées au Fonds de garantie.
Sur le terrain, la Cour a constaté que ce sont les UDMS dans des départements comme Thiès,
Goudomp, Louga, Matam, Gossas qui essayent de jouer son rôle à travers divers mécanismes
de solidarité : substitution aux MS défaillantes pour le paiement des prestataires, prêts aux MS
en difficultés de trésorerie, garantie pour les prêts entre MS, etc. Les remboursements s’opèrent
à la réception des subventions accordées par l’ACMU aux organismes mutualistes.
Toutefois, ce système n’est pas formalisé et se fait selon le bon vouloir des responsables
mutualistes. Ainsi la mise en place du Fonds de garantie comporterait moins de risques pour
les organisations mutualistes et leurs adhérents.
S’agissant du FNSS, il constitue un instrument de mise en commun des ressources provenant
de l’Etat destinées aux subventions générales au profit des bénéficiaires classiques des MS et
aux subventions ciblées pour les indigents. Pour ceux-ci particulièrement, des Fonds
départementaux de Solidarité Santé (FDSS) sont prévus dans le but de recueillir les
contributions des collectivités territoriales. Le FNSS devait être associé à la CAPSU.
S’agissant de cette dernière, un début de concrétisation a été constaté avec la prise de l’arrêté
primatoral n°18408 du 25 novembre 2013 portant création, organisation et fonctionnement du
Comité technique d’Appui à la mise en place de la CAPSU. Cet arrêté confie le secrétariat
technique du comité au directeur de la CMU et des mutuelles sociales de la Délégation générale
à la Protection sociale et à la Solidarité nationale (DGPSSN). Ce faisant, il a créé un conflit de
compétence entre la DGPSSN et la Cellule d’Appui à la Mise en œuvre de la CMU (CACMU)
du MSAS, qui avait déjà dans son budget de 2013 une inscription de 10 milliards en transferts
en capital au titre de la CAPSU29. Pourtant le décret ayant créé la DGPSSN30 indique que celle-

27
Article 22 du Règlement n° 03/2011/COM/UEMOA relatif aux règles prudentielles portant sur les risques courts, aux
mécanismes de garantie et au contrôle du fonctionnement des mutuelles sociales et de leurs structures faîtières
28
Guide de gestion des mutuelles de santé en Afrique, p 214
29
Voir budget MSAS 2014
30
Décret no 2012-1311 du 16 novembre 2012
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ci coordonne la mise en place d’un dispositif fonctionnel de la CAPSU et tous les projets et
programmes en matière de protection sociale et de solidarité nationale.
Le blocage né de ce conflit s’est poursuivi jusqu’à l’arbitrage des autorités matérialisé par la
création de l’ACMU en 2015 et son rattachement au MSAS. Toutefois, les crédits destinés à la
mise en place de la CAPSU n’ont plus été reconduits alors qu’ils auraient permis d’assurer une
meilleure cohérence dans le schéma de financement de la protection sociale.
Depuis sa création, l’ACMU n’a mené aucune démarche concrète pour l’érection des différents
fonds de financement et s’est complètement détourné de cet objectif. Alors qu’il était prévu
dans le PSD-CMU que l’organisme administratif à mettre en place gère de façon transitoire les
subventions de l’Etat en attendant l’effectivité des mécanismes financiers, l’ACMU considère
désormais cette fonction de gestion des subventions comme étant une de ses missions
essentielles. Or, aux termes de l’article 5 de son décret de création, elle doit promouvoir le
financement de la santé […] par le développement de mécanismes de financement pour l’appui
aux MS.
Ses responsables arguent qu’elle est en mesure de remplacer les fonds prévus puisqu’elle reçoit
et redistribue les subventions de l’Etat. Pour eux, il faudrait la création d’une Caisse nationale
d’assurance maladie dans une phase transitoire avant la mise en place de la CAPSU pour régler
le problème du financement de l’assurance maladie de façon globale, mais aucune proposition
concrète n’a été faite à cet effet.
Les arguments avancés par l’ACMU ne sont pas recevables au regard des nombreuses
irrégularités et incohérences constatées dans la gestion des subventions (voir chapitre 6) ; sans
oublier l’absence de réceptacle à l’heure actuelle des contributions attendues des collectivités
territoriales à qui on devrait exiger d’inscrire parmi leurs dépenses obligatoires la contribution
à la CMU. Cette exigence est une forte attente des MS rencontrées qui ont toutes déploré le
soutien faible ou inexistant des collectivités territoriales (voir chapitre 2).
Concernant le FNGMS, l’ACMU assure avoir organisé, du 18 au 20 septembre 2019, un atelier
de réflexion sur les paramètres et modalités de mise en place de ce fonds au Sénégal avec la
participation de la Commission de l’UEMOA. Les paramètres et modalités de mise en place
seraient stabilisés et les projets de textes en cours de validation.
En tout état de cause, cette dynamique devrait être poursuivie surtout dans le cadre d’une
démarche de mise en place d’une politique d’assurance maladie universelle.
1.3.2. La primauté accordée à la prise en charge des couches vulnérables dans les
MS
L’assurance maladie est une composante majeure de la protection sociale, notamment des
couches les plus vulnérables de la société. Toutefois, elle doit être conçue dans une dynamique
inclusive et holistique permettant la participation et le bénéfice équitables des différentes
catégories sociales.
Dans la pratique actuelle, la politique d’assurance maladie communautaire a été travestie en
politique d’assistance médicale pour les groupes vulnérables.
En effet, même si l’intégration des bénéficiaires de BSF et des titulaires de CEC constitue une
avancée vers plus d’équité dans l’assurance maladie, la situation actuelle démontre le caractère
insoutenable d’une telle politique, particulièrement à cause des ménages BSF qui ont un taux
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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de dépendance élevé faisant augmenter continuellement les effectifs31. Elle accentue également
les risques liés au modèle d’assurance communautaire dominé par les plus pauvres32 et expose
le système à une dépendance totale aux subventions étatiques.
Il convient de souligner que dans la synthèse des études de faisabilité pour la mise en œuvre du
DECAM, les hypothèses ne considéraient que 65 000 indigents provenant des quatre (4) régions
d’expérimentation à prendre en charge avec l’appui des collectivités territoriales. Le modèle
d’intégration des indigents dans les organisations mutualistes prévoyait une proportion ne
dépassant pas 10% des effectifs des MS33 afin de pallier la faiblesse de l’assistance sanitaire
accordée aux indigents à travers la loi n°62-29 du 26 mars 1962 portant sur les certificats
d’indigence.
Toutefois, en l’absence d’encadrement adéquat, on constate aujourd’hui une augmentation
continue des effectifs de populations vulnérables causant une charge financière devenue
intenable. Aujourd’hui, les acteurs parlent de mutuelles BSF puisque les bénéficiaires de la
bourse constituent 51% des bénéficiaires des MS.
De 2015 à 2019, les cohortes sont passées de 100 000 ménages BSF, soit près de 800 000
personnes, 9000 CEC à 1 301 394 BSF représentant les trois premières générations (la
quatrième constituée de 866.668 est en phase d’enrôlement) et 23 123 CEC.
Ainsi, malgré 5 417 638 707 FCFA de subventions ciblées versées aux MS en fin 2019,
l’ACMU n’a pas encore fini de payer les cotisations de l’année 2017 et reste devoir des reliquats
à certaines UDMS sans compter les montants dus au titre de 2018, 2019 et 2020. Il faut
souligner que dans le Plan stratégique de l’ACMU, plus de 40 milliards étaient prévus pour les
subventions et selon le Directeur de l’Administration et des Finances de l’Agence, il faudrait
7 milliards FCFA par an pour prendre en charge les BSF et CEC alors que l’Agence n’est en
mesure actuellement que d’en décaisser trois (3) par an, ce qui n’est d’ailleurs même pas effectif
(voir chapitre 6).
Figure 9 : Répartition des bénéficiaires des MS par catégorie en 2019

Source : ACMU, Rapport d’analyse des organisations mutualistes de 2017 à sept. 2019

31
Quand il y a beaucoup de personnes à charge (enfants et personnes âgées) qui coûtent plus qu’elles ne contribuent, par
rapport à la population d’âge actif qui, généralement, contribue plus qu’elle ne coûte
32
Manuel d’assurance maladie de l’USAID, 2010, p.18 : Risques de protection sociale limitée pour les membres, taille
réduite de la mise en commun des risques réduisant la viabilité du modèle (faillites courantes), exclusion des plus pauvres
s’il n’y a pas de subventions, effets limités sur les prestations de santé ;
33
Stratégie d’extension de l’assurance maladie, p.5
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Par ailleurs, la présence grandissante des personnes vulnérables dans les MS est à l’origine d’un
effet d’éviction que plusieurs acteurs mutualistes ont mentionné. Plus il y a de catégories
vulnérables, particulièrement les BSF, plus les bénéficiaires classiques ont tendance à quitter la
mutuelle.
La première raison évoquée par les mutualistes est le fait que les classiques considèrent que les
BSF bénéficient d’un régime de prise en charge estimé beaucoup plus avantageux selon les
paramètres du tableau suivant qui permet de constater qu’avec 0 FCFA de contribution, les BSF
profitent de 100% de prise en charge pour les soins médicaux.
Ce sentiment d’injustice est renforcé par les problèmes notés dans le ciblage des BSF jugé non
objectif selon certaines populations et ne répondant pas toujours aux critères d’extrême
pauvreté. En conséquence, les classiques ne renouvellent pas leur adhésion parce qu’ils se
considèrent lésés ou bien parce qu’ils espèrent être enrôlés et profiter du régime des BSF.
Tableau 9 : Paramètres assurantiels des MS communautaires

Paramètres CMU Adhérent volontaire Bénéficiaire d’un programme Elève


social (BSF ou CEC)
Cotisation à la charge 3 500 FCFA/an 0 FCFA 1000 FCFA/an
de l’adhérent + +
Frais d’inscription (1000 FCFA) Frais d’inscription (1000 FCFA)
Subvention de l’Etat 3 500 FCFA/an 7 000 FCFA/an 3 500 F/an
Soit 50% Soit 100% Soit 78%
+
Frais d’inscription
+
Un forfait de 2000 FCFA/an
représentant le ticket modérateur

Délai de carence 1 mois Néant Néant


Prestations offertes Mutuelle d’adhésion Mutuelle d’adhésion Mutuelle d’adhésion
 80% du coût du paquet de soins de  100% du paquet de soins de base  80% du coût du paquet de soins de
base dispensés par les postes et dispensés par les postes et centres base dispensés par les postes et
centres de santé de santé centres de santé
 80% du coût des médicaments  100% du coût des médicaments  80% du coût des médicaments
génériques prescrits et vendus génériques prescrits et vendus génériques prescrits et vendus
dans les postes et centres de santé dans les postes et centres de santé dans les postes et centres de santé
 50% du coût des médicaments  50% du coût des médicaments  50% du coût des médicaments
prescrits dans les postes et centres prescrits dans les postes et centres prescrits dans les postes et centres
de santé et vendus dans les de santé et vendus dans les de santé et vendus dans les
pharmacies privées pharmacies privées pharmacies privées
Union départementale de Union départementale de Union départementale de
mutuelles mutuelles mutuelles
 80% du coût du paquet de soins  100% du coût du paquet de soins  80% du coût des frais d’un paquet
complémentaires dispensés par les complémentaires dispensés par les de soins complémentaires
hôpitaux hôpitaux dispensés par les hôpitaux
 80% des coût des médicaments  100% du coût des médicaments  80% des coût des médicaments
prescrits et vendus dans les vendus dans les établissements de prescrits et vendus dans les
hôpitaux santé ou les pharmacies privées hôpitaux
 50% du coût des médicaments  50% du coût des médicaments  50% du coût des médicaments
prescrits dans les hôpitaux et prescrits dans les hôpitaux et prescrits dans les hôpitaux et
vendus dans les pharmacies vendus dans les pharmacies vendus dans les pharmacies
privées privées privées
Source : Equipe d’audit à partir du PSD-CMU et des documents de l’ACMU

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La deuxième raison tient au fait que les retards de subventions par l’ACMU causant des tensions
de trésorerie et des ruptures de prestations, les classiques ont le sentiment que leurs cotisations
servent à couvrir les frais de santé des groupes vulnérables ou que les BSF les empêchent de
jouir d’une correcte prise en charge. Pour y remédier, plusieurs mutualistes rencontrés sur le
terrain déclarent avoir arrêté les prestations des BSF pour préserver leurs adhérents classiques.
Le graphique ci-dessous illustre la tendance constatée qui pourrait se poursuivre en l’absence
de mesures de correction notamment le paiement régulier des subventions qui doit être le
corollaire d’une telle politique pour permettre une prise en charge équitable de tous les
bénéficiaires de l’assurance maladie à base communautaire.

Figure 10 : Evolution des bénéficiaires classiques à jour de leurs cotisations vs BSF et CEC

Evolution des bénéficiaires classiques à jour par rapport aux


BSF & CEC
1 318 544
1 222 030 1 253 409

485 940
414 495
353 778

2017 2018 2019

BSF & CEC Classiques à jour

Source : Equipe d’audit à partir des données de l’ACMU

En définitive, la politique mise en œuvre actuellement par l’ACMU, basée sur les MS, a montré
ses nombreuses limites et appelle à un changement de trajectoire pour relever le défi de
construction d’un système de santé performant, accessible, équitable et viable financièrement.
Il convient de relever, en effet, que les principales études sur l’assurance maladie
communautaire ont conclu qu’une approche strictement basée sur la participation
communautaire et le volontariat ne peut pas réussir34. L’OMS, dans une note sur la politique de
financement de la santé publiée en 2017, indique : « en termes de protection financière et
d’accès aux soins de santé pour leurs membres, les résultats et l’impact obtenus par l’assurance
maladie communautaire restent modestes ». A ce titre, elle conclue que « bien que les MS
communautaires soient une voie pour organiser les initiatives communautaires, tant la théorie
que la pratique suggèrent qu’un modèle d’assurance maladie à base communautaire construit
sur des petits fonds à petite échelle autour du principe d’adhésion volontaire, et avec peu ou
sans subventionnement pour faciliter l’adhésion des populations pauvres et/ou vulnérables, ne
peut jouer qu’un rôle marginal dans les progrès que souhaite réaliser un pays vers la CMU ».
Aussi, considère-t-elle comme plus prometteurs « les mécanismes de protection financière

34
Chemouni B. The political path to universal health coverage: power, ideas and community-based health insurance in
Rwanda. World Dev 2018; 106:87–98
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construits sur une base de mutualisation élargie, avec adhésion obligatoire ou automatique,
financée par l’impôt, quel que soit sa forme, pour ceux qui ne sont pas en mesure de cotiser ».35
D’ailleurs, les leçons apprises des autres pays africains comparables (Côte d’Ivoire, Maroc,
Rwanda, Ghana) et dont les performances ont été significativement améliorées ces dernières
années montrent que le modèle des MS communautaires tel que mis en œuvre au Sénégal est
devenu dépassé compte tenu de ses limites et des résultats faibles en matière d’extension de
l’assurance maladie. Ci-dessous, un aperçu des réformes profondes que ces pays ont réalisées
afin d’arriver aux performances souhaitées en matière d’assurance maladie (voir Encadré n°2).

35
OMS, l’assurance maladie à base communautaire : comment peut-elle contribuer au progrès vers la couverture
universelle en santé ? 2017, p.6
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Encadré 2 : Evolution de l’assurance maladie en Côte d’Ivoire, au Ghana, Maroc et Rwanda

Les pays examinés ont la particularité d’être passés d’un système d’assurance maladie communautaire avec ses nombreuses limites comme au Sénégal à un
système national d’assurance maladie permettant une mise en commun des risques plus élevée, la participation de tous notamment les agents de l’Etat et les
indigents grâce aux subventions publiques, une gestion professionnelle et une régulation par des autorités de l’assurance maladie, un financement par des
subventions croisées, des économies d’échelle, une couverture des risques plus large (accès aux soins partout dans le pays) et des mécanismes d’achat plus variés
favorisant un meilleur financement du système de santé.

Système AM avant réforme Système AM après réforme Fonctionnement & Financement

Côte d’ivoire (Réforme en 2014 – Démarrage en 2019)

- Mutuelles sociales : assurance maladie Institution par la loi n° 2014-131 de la CMU, - Pilotage et Régulation par l’Institution Prévoyance Sociale-Caisse nationale de
des travailleurs du secteur privé formel système national obligatoire de couverture l’Assurance Maladie (IPS-CNAM) créée par la loi sur la CMU : délégation d’une partie
dont la plus importante la MUGEF-CI mise contre le risque maladie au profit des de ses fonctions aux Organismes de Gestion Déléguée (OGD) pour la gestion des
en place en 1973 suite à la suppression du populations résidant en Côte d’Ivoire avec 2 adhérents, cotisations et des prestations (organismes de sécurité sociale, mutuelles,
régime de prise en charge gratuite des régimes : assurances commerciales, établissements de santé, etc.)
fonctionnaires et agents de l’Etat  Régime contributif, dénommé Régime - Enrôlement dans des centres disséminés sur le territoire national
(consultations, soins médicaux et général de base (RGB) financé par les - Financement par les cotisations (1000F CFA /mois/personne) payables par mobile
dentaires dans les formations sanitaires money ou via banques partenaires pour étudiants et secteur informel, prélèvements
cotisations des assurés, incluant les MS
publiques et médicaments) via Caisse nationale de Prévoyance sociale pour les travailleurs et retraités du privé
 Régime non contributif,
- Pas de régime pour le secteur informel (moitié payée par les employeurs), prélèvements à la source pour les agents de l’Etat
dénommé Régime d'assistance
- Assurances privées en activité (moitié payée par l’Etat) et retraités, subventions publiques pour le
médicale (RAM), qui vise les personnes
paiement des cotisations et du ticket modérateur des indigents
démunies et dans lequel l'Etat se
substitue aux assurés. - Panier de prestations (consultations, examens médicaux, actes chirurgicaux,
hospitalisations et médicaments) pris en charge à 70%
Autres assurances devenues toutes des
complémentaires avec la CMU

Ghana (Réforme en 2003 – Démarrage en 2004)

- Mutuelles sociales : assurance Adoption de la loi 650 de 2003 sur l’assurance - Régulation par l’Autorité nationale de l’assurance maladie, créée par la loi sur la
communautaire avec différents types santé (National Health Insurance Scheme) CMU et chargée de l’accréditation des prestataires et de la gestion du Fonds
(Mutuelles de districts, de villages, des révisée en 2012 avec 3 régimes : national de l’assurance maladie (National Health Insurance Fund/NHIF)
syndicats, des femmes, des étudiants,  Mutuelles de district (DMHIS) - Enrôlement par les mutuelles
etc.) - Financement par le NHIF, fonds unique et intégré, par les cotisations des adhérents
 Mutuelles privées (MHO non
- Assistance médicale pour les femmes, les du secteur informel (environ 2500 à 15 000 FCFA/personne/an selon la taille et les
subventionnées)
enfants < 5 ans, les personnes âgées et les revenus de la famille) ; 2.5% des revenus de la sécurité sociale affectés au
 Assurances privées commerciales
indigents NHIF (travailleurs) ; 2.5% de la TVA majorée pour le NHIF (personnes exemptées
- Assurances privées Enfant de < 18 ans, Retraités, personnes âgées de > 70 ans ; Femmes enceintes et
indigents) ; Part sur des taxes diverses (véhicules, alcool, etc.) ; Dons et Bailleurs
- Panier de prestations concernant 95% des maladies répertoriées (consultations
générales et spécialistes, soins ambulatoires, examens médicaux, hospitalisation,
chirurgie) pris en charge à 100%

Maroc (Réforme en 2002 – Démarrage en 2005)

- Sociétés mutualistes professionnelles Adoption de la loi n°65-00 de 2002 portant - Régulation par l’Agence nationale de l’Assurance (ANAM) créée par le Code et
regroupées au sein de la Caisse nationale Code de la couverture médicale de base, chargée de la gestion du RAMED ; Gestion de l’AMO du secteur privé par la Caisse
des Organismes de Prévoyance sociale système obligatoire pour l’extension de nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la CNOPS chargée de l’AMO du secteur
(CNOPS) l’assurance à toutes les catégories sociales public et des étudiants ; en 2018, transfert de la gestion des régimes public et
- Assurances privées avec 2 régimes : privé de l’AMO à la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM)
 Assurance maladie obligatoire de - Enrôlement par les différentes caisses
base (AMO) : personnes exerçant une - Financement par des contributions patronales et salariales (cotisation de 2,26 % sur
activité lucrative, titulaires de pension, l'ensemble des salaires à la charge des employeurs, y compris ceux qui assurent une
anciens résistants et membres de couverture médicale à titre facultatif à leurs employés avec une minoration d’un point
l’armée de libération et étudiants des charges patronales), cotisations des membres du secteur informel sur la base du
revenu forfaitaire applicable à la catégorie (fixée par décret), subventions étatiques
 Régime d’assistance médicale
pour les étudiants et au titre du RAMED
(RAMED) : population démunie
- Panier de prestations (couverture des risques et frais de soins de santé inhérents à
Assurances privées la maladie ou l’accident, à la maternité et à la réhabilitation physique et fonctionnelle)
pris en charge par paiement direct ou remboursement selon des taux fixés par
voie réglementaire

Rwanda (Réforme progressive de 2007 à 2015)

- Mutuelles communautaires de district Adoption de la loi n°04/2015 modifiant et - Régulation par le Conseil Rwandais de l’Assurance maladie et gestion des différents
(mise en place par les municipalités et complétant la loi n°45/2010 du 14/10/2010 régimes par le RSSB
gestion par des fonctionnaires ; obligation ayant créé l’Office rwandais de sécurité - Enrôlement uniquement familial par le RSSB selon les régimes
d’affiliation adoptée en 2006) sociale (RSSB) ; 6 régimes créés : - Financement diversifié par les cotisations des travailleurs du public (15% du salaire
- Assurances privées  Régime de pensions de base dont 50% payés par l’employeur), des militaires (20,5% du salaire de base
dont 17,5% payés par l’employeur), des travailleurs des compagnies privées (selon
 Régime des risques professionnels
les plans choisis : or, argent, bronze), des ménages (environ 1500 FCFA pour les
 Régime de prestations de congé de
indigents (catégorie I) à 3500 FCFA (catégorie IV)/personne/an ; Subventions des
maternité
donateurs et du gouvernement pour les indigents + des crédits du gouvernement
 Régime d’assurance médicale
d’environ 3,3 milliards/an + engagement à combler le déficit ; subvention de la
(communément appelé «RAMA»)
branche RAMA (10%) et des assurances privées (5%) ; Parts de diverses
 Régime d'assurance maladie à base contributions, taxes et amendes (télécoms, frais d’enregistrement, sécurité routière,
communautaire (mutuelles jeux de hasard, etc.)
communautaires) - Panier de prestations (prestations médicales et médicaments au niveau des postes,
 EjoHeza (Régime de retraite pour les centres de santé et hôpitaux ; respect d’un système de référencement strict) avec
salariés et non-salariés) paiement d’un ticket modérateur d’environ 50 FCFA au niveau poste et centre
Assurances privées de santé et 10% de la totalité de la facture en hôpital.

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Avec le rattachement de l’ACMU au Ministère du Développement communautaire et de


l’Equité sociale et territoriale, ce dernier a commandité une évaluation externe à cause
principalement des énormes dettes dues par l’Agence aux structures hospitalières et aux
organisations mutualistes.
Toutefois, l’objectif de l’évaluation va au-delà et vise à apprécier la performance, l’efficacité
et la soutenabilité du programme de la CMU en analysant l’ensemble des politiques inscrites
qu’il contient ; en premier lieu, l’assurance maladie de base à travers les MS. Il conviendrait,
donc, de tirer tous les enseignements utiles de cette évaluation en vue de la construction d’un
système d’assurance maladie universelle.
A ce propos, le MDCEST indique dans sa réponse qu’il a déjà procédé à la pré-validation
des onze (11) rapports issus de l’étude dont ceux portant sur la CMU de base à travers les
MS, la viabilité financière des MS, les dispositifs de ciblage dans le cadre des politiques de
gratuités des soins du programme de la CMU ainsi que sur les autres régimes de couverture
du risque maladie au Sénégal et leur articulation avec la CMU. Un atelier national
d’approfondissement et de consolidation des conclusions est prévu en novembre 2021 sur la
base d’un rapport synthétique en vue d’élaborer toutes les recommandations à soumettre aux
autorités en décembre de la même année.
Par ailleurs, il souscrit totalement aux recommandations de la Cour et informe qu’une
nouvelle stratégie sera élaborée sur la base également des recommandations de l’évaluation
externe et en conformité avec les engagements souscrits dans le cadre du programme d’appui
à la Couverture sanitaire universelle (CSU)-Phase 2 qui doit être financé par un appui
budgétaire du gouvernement japonais pour la période 2022-2024. Cette stratégie tiendra
compte de la prise en charge des personnes vulnérables du secteur informel et du monde
rural, de l’articulation des différents régimes existants et proposera un schéma de
financement viable.
S’agissant de l’adhésion obligatoire des citoyens à une assurance maladie universelle, il
confirme que c’est une recommandation forte des experts de la CSU et de l’évaluation
externe et que des concertations avec les parties prenantes vont être engagées pour la
préparation d’une loi y afférente. En attendant, les discussions ont été reprises avec le MEN
pour la systématisation de l’adhésion des élèves aux MS à travers les frais d’inscription ainsi
qu’avec d’autres ministères pour intégrer certains corps de métiers grâce à un couplage de
l’adhésion au bénéfice du service.
Pour finir, il précise qu’un projet de décret portant sur le FNGMS, qui règle en partie la
question du FNSS, a été déjà élaboré à la suite des rencontres tenues avec la commission de
l’UEMOA les 29,30 septembre et 1er octobre 2021. Il sera introduit en octobre 2021 dans le
circuit de validation. En ce qui concerne la CAPSU, elle sera prise en charge dans une loi
unique de protection sociale qui sera proposée à la suite de la mise en œuvre de toutes les
réformes préconisées par l’évaluation externe.
La Cour prend acte de ces réponses et exhorte à l’adoption diligente et à la mise en œuvre des
mesures et réformes préconisées pour la mise en place d’un véritable système d’assurance
maladie universelle.

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Recommandation n°1 : La Cour recommande au Ministre du développement


communautaire, de l’équité territoriale et sociale de :
 veiller à l’adoption d’une nouvelle stratégie pour l’assurance maladie
universelle, plus intégrée en vue de la défragmentation des régimes et plus
efficiente en ce qui concerne l’inclusion des personnes vulnérables, afin
d’assurer une meilleure couverture du risque maladie pour tous les citoyens
sénégalais ainsi qu’une meilleure contribution au financement de la santé ;
 proposer un projet de loi prescrivant l’adhésion obligatoire des citoyens à une
assurance maladie universelle, la gestion mutualisée des risques et la
coordination des régimes selon des modalités adaptées aux spécificités des
populations cibles ;
 prendre les mesures nécessaires pour mettre en place et rendre fonctionnels le
Fonds national de Garantie ainsi que les mécanismes financiers
d’accompagnement d’une politique d’assurance maladie universelle tels que
la Caisse de Protection sociale universelle et le Fonds national de Sécurité
santé en vue d’une meilleure optimisation des cotisations des adhérents et des
ressources publiques provenant de l’Etat, des collectivités territoriales et des
PTF.

Recommandation n°2 : La Cour recommande au Président du Conseil de Surveillance de


l’ACMU de :
 veiller à la suspension et à l’évaluation préalable, notamment financière, du
projet d’extension des UDAM en vue de s’assurer de sa viabilité économique
et financière.

Recommandation n°3 : La Cour recommande au Directeur général de l’ACMU de :


 étudier la possibilité d’adapter les paramètres assurantiels (cotisations,
paquets de soins, etc.) aux moyens des adhérents et à l’offre de services de
santé disponible ainsi que d’étendre l’accès aux soins et les réseaux de
prestataires des organisations mutualistes ;
 surseoir au projet d’’extension des UDAM en attendant de procéder à une
évaluation préalable, notamment financière et de recueillir à l’avenir
l’approbation des autorités de tutelle avant la mise en œuvre de tout projet.

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Chapitre 2 : Des mécanismes de coordination défaillants et une communication


inadaptée
La faible implication des collectivités territoriales dans le développement des mutuelles de
santé communautaires de même que le peu de coordination des interventions en appui aux
mutuelles ont été soulignées dans les stratégies ayant précédé le PSD-CMU comme une limite
majeure à leur essor. Il en est de même de la communication envers les cibles des mutuelles,
jugée très en deçà des attentes pour favoriser leur réel intérêt.
Pour apporter des solutions idoines, la stratégie du DECAM, reprise par le PSD-CMU, repose
sur un partenariat effectif entre l’Etat, les collectivités territoriales et les PTF. Elle préconise
également un renforcement de la communication pour en faire un véritable levier de
massification de l’adhésion.
L’audit a permis de vérifier si des mécanismes de coordination des partenaires du système
mutualiste et de communication à l’endroit des cibles sont mis en place pour assurer des actions
concertées efficaces ainsi qu’une bonne adhésion aux mutuelles.
Il a été relevé que l’Agence de la CMU n’a pas fait preuve de leadership pour assurer
l’engagement et les actions coordonnées des parties prenantes, notamment les collectivités
territoriales et les partenaires techniques et financiers. De plus, la communication inappropriée
n’a pas favorisé l’adhésion des populations cibles.
2.2. Un leadership insuffisant dans la mobilisation et la coordination des actions
partenaires du système mutualiste
Après deux ans de mise en œuvre, l’ACMU a identifié, dans son PSD, l’amélioration de la
coordination des interventions des acteurs comme un défi majeur à relever pour réussir sa
mission. En effet, aucun mécanisme formel de coordination n’a été mis en place par l’ACMU
pour permettre une orientation commune et une harmonisation des interventions au niveau
central comme au niveau local.
Ce dernier état de fait est à l’origine de la faible implication des collectivités territoriales qui a
constitué une lacune majeure puisque ces dernières sont considérées comme un pilier de la
stratégie d’extension de l’assurance maladie à base communautaire.
1.1.1. L’absence de mécanismes de coordination au niveau central
Dans l’analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités, menaces) figurant dans le plan
stratégique de l’ACMU en 2017, la non fonctionnalité du comité interministériel de pilotage a
été relevée comme une menace susceptible d’entraver l’atteinte des objectifs fixés à l’agence.
D’ailleurs, le PSD-CMU soulignant l’absence de procédures formelles dans les domaines de la
coordination et du suivi comme une faiblesse, avait prévu la mise en place des cadres
multisectoriels de suivi suivants : un comité national de pilotage (CNP), un comité régional de
suivi (CRS) et un comité départemental de suivi (CDS).36.
En effet, la politique mutualiste est caractérisée par la présence d’acteurs multiples aux
domaines d’intervention souvent très divers (Etat, offreurs de soins, organisations mutualistes,
partenaires techniques et financiers, collectivités locales, société civile, etc.).

36
PSD-CMU, p.56
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C’est pourquoi, avant et après le lancement du programme de la CMU, le 20 septembre 2013,


deux comités interministériels ont été organisés sous la présidence du Premier Ministre,
respectivement en avril 2013 pour fixer les orientations du programme et en janvier 2014 sur
l’état de mise en œuvre. Par la suite, selon le Directeur des Opérations de l’ACMU, un comité
interministériel de pilotage avait été installé le 23 octobre 2014 avant la création de l’agence
mais faute d’animation, ce cadre n’a jamais été fonctionnel37.
Nous avons constaté qu’une telle instance, malgré son importance, n’a jamais été formalisée.
Aucun texte réglementaire permettant d’attester son existence n’a été pris. Selon le Ministre de
la Santé et de l’Action sociale, un projet d’arrêté portant création et organisation du comité
national interministériel de pilotage du PSD-CMU a été préparé et transmis au Premier
Ministre en 2017 mais il n’a pas été signé. Devant cette situation, une note de service a été
signée dans ce sens.
La mise en place d’un tel cadre aurait permis à l’agence de partager et de créer des consensus
sur les orientations stratégiques de la politique de la CMU, de mobiliser les acteurs et ressources
nécessaires à l’atteinte des objectifs assignés et de réorienter les actions à la suite d’évaluation
des résultats intermédiaires.
En l’absence de ce mécanisme institutionnel, il était nécessaire que l’ACMU mette en place un
cadre de coordination des acteurs de l’assurance maladie qui lui soit propre.
Dans son plan stratégique, l’option a été prise d’assurer la collaboration intersectorielle à travers
les instances actuelles de coordination du Plan national de Développement sanitaire (PNDS)
comme le CIS (Comité interne de Suivi), la RAC (Revue annuelle Conjointe) ou la MCS
(Mission conjointe de Supervision), d’autre part à travers les rencontres d’échange et de partage
avec la plateforme des partenaires38.Toutefois, ces instances ne servent pas uniquement aux
discussions sur la CMU ; toutes les problématiques de la santé y sont évoquées
Au niveau interne, l’ACMU ne tient plus de réunions de coordination depuis 2018 alors que
celles-ci avaient l’avantage de permettre des échanges tous les trimestres entre le niveau central
et les chefs de service régional en vue d’une meilleure harmonisation et prise en charge des
interventions, notamment des PTF. Seule la tenue d’un atelier de planification du plan de travail
annuel (PTA) a été signalée comme un moment de partage des résultats atteints et des actions
prévues avec les services régionaux et les PTF.
Quant aux organisations mutualistes, hormis des ateliers et séminaires tenus sur des points
précis de temps à autre, il n’existe pas un cadre de concertations régulier avec elles.
Paradoxalement, alors que l’Agence n’a que peu de relations avec les mutuelles d’envergure
nationale, c’est le Président de la Fédération nationale des Mutuelles de Santé qui les regroupe
qui siège au Conseil de Surveillance de l’Agence. Le Président de l’Union nationale des
Mutuelles de Santé communautaires (UNAMUSC) assure sa suppléance ; ce fait constitue un
motif d’insatisfaction pour les MS communautaires qui considèrent que leurs préoccupations
ne sont assez prises en charge au sein de l’organe délibérant de l’Agence.
Au plan organisationnel, la création d’une Direction des Affaires juridiques et du Partenariat
(DAJP), censée gérer les relations contractuelles avec les partenaires, n’a pas été une véritable

37
ACMU, Présentation sur les orientations stratégiques, réalisations et perspectives (mars 2019)
38
PSD-ACMU, p.17
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panacée. L’absence d’attributions claires dans ce domaine l’empêche d’assumer la coordination


des partenaires, toujours effectuée par la DPRESE.
Cette situation est particulièrement préjudiciable à la bonne coordination des PTF qui jouent un
rôle important dans le financement et la promotion de la CMU. En effet, l’Agence a noué des
partenariats avec plusieurs bailleurs (BM, USAID, Lux Dev, JICA, OMS, ENABEL, etc.) aux
visions et approches souvent très différentes.
Les interventions des partenaires portent sur des domaines variés tels que : les appuis aux
missions de supervision des mutuelles de santé, la sensibilisation, le plaidoyer, l’équipement
des organisations mutualistes, la formation en Gestion administrative et financière (GAF) des
MS, la tenue d’ateliers d’élaboration des plans d’action annuels des UDMS, l’enrôlement
d’élèves et d’indigents autres que les bénéficiaires du PNBSF, l’appui à la tenue des réunions
des instances des organisations mutualistes (MS et UDMS), etc.
Malgré l’absence de cadre de coordination de ces partenaires, l’Agence n’élabore pas un plan
d’actions conjoint lui permettant, tout au moins, d’harmoniser les interventions ; chaque
partenaire gère ses propres actions avec des risques de doublon car chacun a son document de
coopération technique avec des objectifs à atteindre dans les zones de concentration choisies.
La seule plateforme d’échanges des partenaires existante, le G50, dépasse le cadre de la CMU
car elle réunit l’ensemble des PTF du Sénégal. Elle compte un groupe thématique regroupant
les PTF qui viennent en appui au secteur de la santé, lui-même subdivisé en sous-groupes
thématiques dont celui chargé de la protection sociale.
L’existence d’un mécanisme de coordination de ces partenaires aurait permis une définition
claire des rôles et des responsabilités de chaque partenaire préalablement à la mise en œuvre
des actions identifiées en vue d’une meilleure optimisation. Elle aurait également permis une
meilleure concertation afin que les interventions ne portent pas sur les mêmes cibles et zones.
Il a été relevé, en effet, une concentration de partenaires dans certaines régions comme Dakar,
Thiès ou Ziguinchor au détriment d’autres régions comme Sédhiou où la CMU ne compte aucun
partenaire.
Tableau 10 : Partenaires techniques et financiers de la CMU

Partenaires Objet Domaines d'intervention Zones d'intervention


BANQUE Accroître l'utilisation et la - Elargissement de la couverture des services de nutrition Niveau central
MONDIALE/PFSN qualité des services de santé et de la santé maternelle : Appui à la mise en œuvre de la Régions de :
maternelle, néonatale et CMU ; Dakar, Kaffrine, Kédougou,
infantile et de nutrition en - Assurance maladie ; Kolda, Sédhiou*,
particulier chez les ménages - Système d'information, Tambacounda et Ziguinchor
les plus pauvres des zones - Etudes.
ciblées
BANQUE Investir dans la Santé de Mère, - Appui des réformes pour l’équité et la soutenabilité ; Niveau central
MONDIALE/ISMEA** de l'Enfant et de l'Adolescent - Amélioration du pilotage et de la gestion de la CMU ; Régions de :
pour améliorer les dispositifs de - Amélioration de la couverture du risque maladie au Dakar, Kaffrine, Kédougou,
protection contre le risque Sénégal à travers les mutuelles de santé́ Kolda, Sédhiou, Tambacounda
financier en santé communautaires. et Ziguinchor

AFD Améliorer l'accès aux soins de -Contribution à la prise en charge de la gratuité; National
santé des enfants au Sénégal à -Renforcement des capacités de gestion de la gratuité;
travers la CMU -Appui aux études;
-Assistance technique;
-Appui à la mise en œuvre du plan de communication sur la
CMU;
-Appui à la gestion du projet.

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LUX-DEV PIC-III Contribution à la mise en Renforcement de la couverture du risque maladie. Niveau central
œuvre du Programme CMU Régions de :
Louga, Matam et Saint-Louis
LUX-DEV PIC-IV Contribution à la réduction de la Contribution à la professionnalisation de la gestion des Niveau central
pauvreté par le renforcement organisations mutualistes et à la protection sociale Régions de :
du système de santé et de globalement. Diourbel, Fatick, Kaffrine,
protection sociale Kaolack, Louga, Matam et
Saint-Louis

PAODES Appui à l'Offre et à la Demande -Communication; Niveau central


des soins de santé -Renforcement des capacités; Régions de :
-Prise en charge des frais généraux; Diourbel, Fatick, Kaffrine,
-Mise en place des Unité départementale de l'Assurance Kaolack et Thiès
maladie;
-Equipements.
USAID/RSS+ Contribution à la mise en -Renforcement des capacités; National
œuvre du Programme CMU -Planification, Suivi et Evaluation;
-Sensibilisation;
-Etudes.

USAID/SHOPS+ Contribution à la mise en -Renforcement des capacités; Niveau central


œuvre du Programme CMU -Etudes. Régions de :
Dakar, Kaolack et Thiès
USAID/Financement Contribution à la mise en -Renforcement des capacités; Niveau central
direct/GoTAP œuvre du Programme CMU -Planification, Suivi et Evaluation; Régions de :
-Sensibilisation; Kaffrine et Ziguinchor
-Equipements.

JICA Contribution au financement du Prise en charge des soins des personnes démunies, des National
Programme CMU enfants âgés de moins de 5 ans et de la césarienne à
travers les mutuelles de santé

JICA/DOOLEEL Renforcer les capacités du -Promotion de l'adhésion aux mutuelles de santé; Niveau central
CMU système d'assurance maladie -Renforcement des capacités opérationnelles et Régions de :
communautaire et des institutionnelles; Diourbel, Tambacounda et
initiatives de gratuité -Renforcement des initiatives de gratuité des soins des Thiès
enfants âgés de moins de 5 ans et des femmes enceintes
en particulier.
UEMOA Appui à l'extension de la Coordination et pilotage Niveau central
Couverture du Risque Maladie

UNICEF Appui au Programme de la -Etudes; Niveau central


CMU -Pilotage.

OMS Appui au Programme de la Coordination Niveau central


CMU
COOPERATION Appui au Programme de la -Appui à la réalisation des études dans le cadre de la CMU; Niveau central
BELGE/ENABEL CMU -Appui au suivi et à l'évaluation Régions de :
-Appui à la communication; Fatick, Kaffrine et Kaolack
-Appui au financement pour la prise en charge des soins de
santé des groupes vulnérables à travers les mutuelles de
santé.
Source : DPRESE/ACMU
*Le PFSN intervient à Sédhiou dans le domaine de la nutrition
**Le projet ISMEA de la Banque Mondiale n’avait pas encore de convention de financement au moment de l’audit

Par suite du rattachement de l’ACMU au MDCEST, la possibilité de coordination des actions


de ces différents partenaires devient encore plus complexe en raison du fait que la plupart de
ces PTF sont des partenaires du ministère de la santé qui n’assure plus la tutelle de l’ACMU ;
d’où l’absolue nécessité de mettre en place un mécanisme national de pilotage et de
coordination de l’assurance maladie communautaire.

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Dans ses réponses à la Cour, le MDCEST informe qu’un tel mécanisme (avec un comité de
pilotage présidé par le ministre et un comité technique par le DG de l’ACMU) sera créé par
arrêté au plus tard en décembre 2021 pour l’élaboration de la nouvelle stratégie ainsi que
pour le plaidoyer en vue de l’adoption de mesures durables de financement de la stratégie.
La Cour prend acte de cette information.
1.1.2. La non fonctionnalité des instances de coordination au plan local
Des cadres de coordination au plan local et opérationnel ont été prévus pour assurer le suivi et
la supervision des interventions des différents acteurs sur le terrain notamment les Comités
régionaux de Suivi (CRS) et les Comités départementaux de Suivi (CDS) placés sous la
direction des gouverneurs et des préfets.
Ces instances de coordination doivent se réunir une fois tous les trimestres. Toutefois, il a été
constaté l’absence de mise en place ou leur tenue irrégulière alors que, de manière générale,
leur fonctionnalité aurait permis une meilleure efficacité dans la gestion des opérations et
l’évaluation de la mise en œuvre du programme
En effet, au niveau des régions, les arrêtés devant mettre en place les CRS ne sont pas pris.
Ainsi, dans les régions visitées par l’équipe d’audit, les acteurs que nous avons interrogés ont
affirmé que les CRS ne se sont jamais tenus.
S’agissant des CDS, les acteurs mutualistes rencontrés sur le terrain ont fait part de l’absence
de leur formalisation et de leur tenue irrégulière, une ou deux fois ces dernières années. La
plupart du temps, ils se sont tenus lors de la mise en place des Comités d’Initiative mutualiste
(CIM) pour la création ou la restructuration des MS, dans le cadre du lancement de la CMU
Elèves ou encore pour des questions ponctuelles. Le manque de moyens dédiés à l’organisation
de ces CDS a été également largement évoqué comme un facteur bloquant dans la mesure où
au niveau local les acteurs ne se mobilisent pas en l’absence de remboursements des frais de
transport ou autres dépenses liées à leur participation.
Au demeurant, la mise en œuvre de la CMU Elèves constitue un cas d’école s’agissant du
manque de coordination des acteurs. Alors que ce produit présente un grand potentiel de
massification des adhérents du système mutualiste à travers les 3 500 000 élèves que compte le
Sénégal, le déficit de mécanismes de coordination constitue son principal frein. En effet, malgré
l’existence de l’arrêté interministériel n°1448 du 26 janvier 2017 portant création et fixant les
règles d’organisation et de fonctionnement d’un régime d’assurance maladie pour élèves, les
modalités de mise en œuvre de cette composante ne sont pas bien précisées.
En effet, ces dernières devaient être déterminées par le comité de coordination, prévu à l’article
14 de l’arrêté précité et placé sous la présidence du Ministre de l’Education nationale secondé
par le Directeur de cabinet du ministre de la santé. Cependant, il ne s’est jamais réuni créant
ainsi en amont un problème de compréhension même du fonctionnement de la CMU Elèves.
Au niveau local également, les comités de suivi prévus dans les régions sous la présidence des
gouverneurs de région n’ont pas été réunis. Compte tenu de ce fait, les acteurs de l’éducation
(Inspecteur de l’éducation et de la formation, proviseurs et censeurs de lycées, principaux de
collèges et directeurs d’école) et les acteurs mutualistes ont beaucoup de mal à s’accorder sur
la manière de procéder pour l’inscription des élèves dans les MS. Il faut souligner que l’arrêté
interministériel précité s’est contenté d’indiquer que l’affiliation de l’élève devait se faire au
niveau de la MS la plus proche à la diligence de l’établissement scolaire sans prévoir les
différentes procédures y afférentes.
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Dans les différents départements visités, malgré l’implication des préfets qui avait permis de
lancer et de trouver des terrains d’entente pour le démarrage de la mise en œuvre de la CMU-
Elèves, les acteurs mutualistes rencontrés ont relevé des difficultés résumées comme suit :
- Refus des chefs d’établissement scolaire d’inclure les droits d’adhésion à une MS
dans les droits d’inscription sous prétexte d’augmentation illégale des montants fixés
(Départements de Goudomp, Louga, Linguère, Matam) ;
- Refus de reversement aux MS des montants collectés par les chefs d’établissement
scolaire durant les inscriptions malgré l’entente passée avec les acteurs mutualistes
(Départements de Goudomp et Sédhiou)39 ;
- Demande de contrepartie financière pour les opérations d’enrôlement des élèves dans
les MS jugées chronophages (Départements de Tivaouane et Matam) ;
- Non implication des chefs d’établissement scolaire pour le renouvellement des
adhésions favorisées par des mécènes (Sos Village, World Vision, Premier Ministre
du Sénégal, Directeur des opérations de l’ACMU) malgré le fait d’avoir accepté
précédemment d’inclure la contrepartie demandée dans les droits d’inscription des
élèves (Région de Fatick).
Le cas de la CMU-Elèves nous permet de relever que les instances de coordination auraient pu
constituer des cadres de médiation en vue d’apporter des solutions aux relations souvent
heurtées entre les acteurs du système mutualiste et d’autres acteurs impliqués notamment les
structures de santé. En effet, dans certaines localités visitées, les MS ont déploré les cas de
surfacturations et les arrêts de prestation souvent décidés de manière unilatérale par les
prestataires sans possibilité de négociation. Pour pallier ces difficultés à Foundiougne, le Préfet
a pris un arrêté en date du 1er septembre 2020 portant création d’un comité départemental de
régulation de la tarification forfaitaire et de la mutualité. Cette initiative devrait être reprise dans
les autres départements.
En l’absence de mécanisme institutionnel de coordination au niveau local, le Service régional
de l’ACMU tente de coordonner les activités avec les unions départementales au cours de
réunions trimestrielles comme relevé à Thiès, Fatick et Matam. Cependant, la complexité de
l’assurance maladie à base communautaire commande une coordination plus large des acteurs
sur le terrain qui proviennent d’horizons divers.
A ce propos, le MDCEST informe de la mise en place de cadres de concertations avec le
ministère de l’éducation pour l’intégration de frais d’adhésion CMU-élèves dans les droits
d’inscription durant l’année scolaire 2021-2022 ainsi qu’avec le ministère de la santé pour
divers sujets concernant une meilleure harmonisation de l’offre et de la demande de soins.
La Cour prend acte de ces développements et encourage le renforcement des cadres de
collaboration interministérielle.
1.1.3. La faible implication des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales constituent des partenaires clés de l’assurance maladie


communautaire, particulièrement pour la prise en charge des indigents et des groupes

39
A Médina Wandifa, après recouvrement des droits d'adhésion, le proviseur a décidé de construire une case de santé au
sein du lycée avec l'argent collecté au lieu de le verser à la MS. D'autres établissements scolaires ont préféré contracter
directement avec les Infirmiers Chefs de Poste (ICP) pour la prise en charge sanitaire de leurs élèves.
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vulnérables. C’est pourquoi, la stratégie DECAM a prévu l’élaboration d’une convention cadre
entre elles et les MS pour la prise en charge de ces catégories de population.
De plus, le processus de mise en place des mutuelles de santé a suivi celui de la
communalisation intégrale à travers l’implantation d’au moins une MS dans chaque commune.
Ceci, afin de permettre leur contribution au financement des MS à travers les Fonds
départementaux de Solidarité Santé (FDSS) qui étaient prévus en tant que démembrements
locaux du FNSS, chargés de recueillir les contributions financières au niveau local.
L’implication des collectivités territoriales dans le développement des mutuelles est
extrêmement importante car la santé est un domaine de compétence qui leur a été transférée
depuis 1996. Par ailleurs, aux termes des dispositions des articles 306 et 307 de la loi n° 2013-
10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités territoriales, les départements
et communes doivent participer à la CMU. A travers elles, la participation des populations
locales est facilitée. Plus encore, elles permettent d’apporter des ressources financières
supplémentaires, indispensables au bon fonctionnement des MS.
Toutefois, jusqu’à présent, il n’existe aucun mécanisme de collaboration mis en place pour
favoriser leur pleine implication dans le développement de l’assurance maladie communautaire
et aucune convention-cadre avec les élus locaux n’a été signée comme prévu. De ce fait, il est
noté un faible engagement de leur part à accompagner les MS par la mise à disposition de
soutiens techniques, financiers et matériels ainsi que par l’identification et la prise en charge
des indigents.
En effet, la contribution des collectivités territoriales au financement des MS n’a guère dépassé
4% par an40 De 2017 à 2019.
Dans les départements visités, seule l’UDMS de Linguère a informé la Cour d’un appui régulier
du Conseil départemental à hauteur de 500 000 FCFA par an. Les autres appuis financiers
relevés sont circonstanciels et concernent la prise en charge d’indigents (2 millions de FCFA
reçus par la MS La Linguère de la commune éponyme en 2018 mais non renouvelés) ou
l’inscription d’élèves (MS de Sinthiou Bamambé).
Figure 11 : Part du financement des MS par les Collectivités territoriales

Source : Rapport d’analyse situationnelles des organisations mutualistes, p. 45

40
Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes de 2017 à sept. 2019, p.44
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Pour justifier la faiblesse de leur contribution financière, les mutualistes affirment que plusieurs
CT avancent l’absence de ligne dédiée à la CMU dans leur nomenclature budgétaire ainsi que
la faiblesse des transferts de l’Etat qui ne leur permettent pas de prendre en charge
adéquatement toutes les compétences transférées ; d’autres considèrent que les appuis aux
structures sanitaires contribuent à la CMU puisqu’ils permettent de garantir l’accès à des soins
de santé de proximité. Ces arguments ne tiennent pas compte, cependant, des possibilités
offertes par la réorientation des ressources dédiées à l’action sociale souvent dépensées en
subventions directes aux personnes inscrites comme indigentes.
En termes d’appuis techniques et matériels, seuls 3% des gérants de MS sont mis à disposition
ou motivés par les CT41 ; néanmoins, elles mettent souvent à disposition des locaux pour les
MS. En effet, 76% des sièges des mutuelles de santé sont prêtés pour la plupart, soit par les
collectivités territoriales, soit par les structures de santé42.
La Cour a constaté effectivement que dans les départements de Fatick, Gossas, Louga,
Linguère, Kanel et Tivaouane, les MS ou leurs unions ont des locaux prêtés ou pris en charge
par les CT (commune ou département).
S’agissant de l’identification des indigents, la mise en place des comités locaux prévus n’est
pas effective compte tenu des attributions de la DGPSSN chargée de cette tâche. Or, les CT
auraient dû jouer un rôle de premier plan dans l’identification des cibles d’indigents des MS
puisque chargées de délivrer des certificats d’indigence aux potentiels adhérents aux MS.
Selon le Directeur des opérations, l’ACMU avait prévu de tenir en 2017, un forum national
avec les élus locaux et les partenaires en vue de favoriser leur meilleur engagement au
développement et au financement de la CMU. Mais, en raison du décès brusque du DG de
l’Agence, très impliqué dans la préparation de l’activité, celle-ci a été reportée sine die.
Ainsi, il est préconisé qu’une telle activité soit menée afin de fixer les paramètres de
contribution des CT à une assurance maladie universelle.
Le MDCEST informe qu’un forum national avec les élus locaux est prévu en 2022 et qu’un
atelier de préparation s’est déjà tenu en 2021 à Thiès avec leur participation. De plus, une
note est en cours d’élaboration pour la responsabilisation des élus locaux dans la CMU en
application des articles 306 et suivants du Code général des collectivités territoriales.
La Cour prend acte et invite à la tenue diligente de cette rencontre.
2.2. Une communication inadaptée aux cibles de la stratégie
Comme le souligne le PSD-CMU, parmi les plus importants freins à l’adhésion des populations
aux MS, figure le déficit de connaissances, d’information et de sensibilisation des populations
sur l’assurance maladie en général et les mutuelles de santé en particulier.
Pour redresser cette situation, la stratégie prévoit la réalisation d’importantes actions de
sensibilisation en vue de faire porter l’initiative mutualiste aux acteurs et leaders
communautaires, mais aussi pour promouvoir l’acceptabilité du projet de MS par les
populations ainsi que leur adhésion.

41
Idem, p.20
42
Ibidem, p.19
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Malgré l’existence de plans nationaux d’information, de communication et de marketing sur la


CMU, les résultats sont mitigés en raison des incohérences dans les actions menées qui ont
favorisé la visibilité de l’ACMU au détriment de la promotion des MS ainsi que des produits
proposés.
Ainsi, la nouvelle stratégie de marketing social, en cours de validation par l’ACMU lors du
présent audit, indique dans la partie diagnostic : « Il y a eu une forte confusion dans la
communication, qui ne fut qu’institutionnelle en réalité, autour de la CMU. Autant ce terme
désigne l’agence pour certains, pour d’autres la politique du Président, autant elle renvoie aux
services génériques de couverture maladie quand il s’agit des bénéficiaires, mais sans
connaissance profonde. L’identité des différents produits ne se perçoit pas à travers des codes
visuels différenciés ; les sites pourvoyant les services ou produits (Mutuelles, Prestataires,
Partenaires) »43.
2.2.1. La prépondérance de la communication institutionnelle sur la promotion
des mutuelles de santé
Compte tenu de son importance pour la réalisation des objectifs d’adhésion de la population à
la CMU, la communication a toujours fait l’objet de plans stratégiques distincts. Ainsi, en 2014,
la CACMU a élaboré un plan national d’information et de communication. En 2017, L’Agence
a adopté un plan national de communication et de marketing pour la période 2017-2020.
Actuellement, une nouvelle stratégie de marketing social pour la mise en œuvre effective de la
CMU a été élaborée et est en cours de validation. Celle-ci a pour objectif l’augmentation du
nombre d’adhésion dans les MS au regard de la lenteur des adhésions jusqu’à présent.
Il convient de souligner, en effet, que malgré le rôle de premier plan reconnu au MS pour
l’élargissement de l’assurance maladie aux populations, elles n’ont pas été privilégiées dans la
communication de l’ACMU qui a toujours été très institutionnelle et centrée sur sa propre
image. Cette option lui a permis d’avoir une identité remarquable dans le dispositif étatique et
de faire connaitre la politique de la CMU auprès du grand public sans que, toutefois, les
éléments précis constitutifs de cette politique ne soient bien maitrisés.
Or, les attentes et besoins en informations des populations sur les MS, recensés par le premier
plan de communication de l’agence, tournaient principalement autour des modalités pratiques
d’adhésion : localisation, conditions d’adhésion, critères d’éligibilité, fonctionnement,
procédures pour bénéficier des prestations de la MS, etc. Parmi les causes du déficit
d’informations des populations, le document souligne l’insuffisance des campagnes
d’information, de communication et de sensibilisation sur la nécessité de souscrire à une MS
ainsi que le manque de personnes formées dans l’animation des MS qui pourraient constituer
de véritables leviers pour l’information de futurs adhérents44.
Ce diagnostic rejoint celui du premier plan élaboré par la CACMU qui avait relevé un faible
niveau d’informations et de connaissance des cibles bénéficiaires et des personnels de santé sur
la CMU ainsi que les produits y associés. S’agissant spécifiquement des MS, le diagnostic avait
révélé que 86% des personnes enquêtées ont déclaré n’avoir aucune information sur l’existence
des mutuelles de santé, tandis que 12% des enquêtés ont entendu parler de l’existence des
mutuelles mais n’ont jamais effectué des démarches pour une souscription. Seuls 2% des cibles

43
P.26 du document cité
44
Plan national de communication sur la CMU 2014, p.15-16
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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interrogées affirment avoir adhéré à une MS ; cependant, le mode de gestion et la qualité des
prestations des mutuelles ne les rassurent pas.
En 2017, le diagnostic dressé par le plan de communication de l’ACMU montre que la situation
n’a guère évolué sur le plan de la connaissance des avantages et des modalités d’adhésion aux
MS. Et en 2020, la nouvelle stratégie de marketing social souligne les insuffisances persistantes
de la communication de l’ACMU pour la bonne promotion des MS.
Tableau 11 : Limites de la communication sur l’assurance maladie communautaire

Synthèse de la revue documentaire Synthèse de l’analyse formative (résultats focus group)

 La difficile perception des produits et des avantages des  Faible impact des campagnes de communication sur la
mutuelles communautaires par les bénéficiaires potentiels ; connaissance de la CMU et ses avantages ;
 Le fort taux d'abandons des adhérents du fait de facteurs liés  Equipe de promotion insuffisamment encadrée ;
au manque de culture en ce qui concerne l'assurance maladie,  La faible implication des agents de la DCMS et des autres
la non portabilité des soins ; acteurs de la communauté éducative dans la mise en œuvre
 La forte demande exprimée par les acteurs des mutuelles en des activités de sensibilisation pour une forte adhésion des
services de communication de masse et de proximité, mais élèves dans le dispositif prévu pour eux ;
également de promotion de leurs produits auprès des  Les agents des structures sont faiblement formés et impliqués
bénéficiaires potentiels. dans le dispositif de la CMU ;
 Fort taux d'abandon des adhérents d'une année à une autre,
notamment auprès de personnes ayant bénéficié d'enrôlement
de masse.

Source : Equipe d’audit à partir de la stratégie de marketing social pour la CMU, 2020, pp.14-15

Cette situation s’explique par le fait que les actions menées ont plus ciblé, à travers des sessions
de formations et des ateliers d’informations, les acteurs du système sanitaire quoique de façon
insuffisante (ces derniers sont largement réfractaires à la CMU à cause des dettes et retards de
paiement), les mutualistes et des journalistes organisés dans le réseau santé et population. De
plus, les informations destinées au grand public ont plus été transmises via la couverture
médiatique des activités de l’agence (installation des comités d’initiative mutualiste,
séminaires, ateliers, etc.) ou des spots télévisés.
Par ailleurs, selon beaucoup d’acteurs mutualistes rencontrés, les messages délivrés ont un
caractère trop général et ne mettent pas suffisamment l’accent sur les informations précises
attendues par les populations liées aux avantages des MS et aux modalités d’adhésion. En outre,
ces messages s’appesantissent sur le bénéfice individuel lié à la réduction des coûts des soins
de santé au lieu de faire écho aux valeurs et pratiques nationales de solidarité en mettant en
exergue le système solidaire de prévoyance maladie ou la tontine de prise en charge maladie
que constitue l’assurance maladie à base communautaire. Par exemple, le spot le plus diffusé
de l’ACMU, tourné avec des comédiens reconnus, montre une personne déjà malade que le
personnel médical incite à s’inscrire dans une MS pour bénéficier immédiatement de soins
moins onéreux. Cependant, une telle situation ne peut se poser dans la réalité, sauf exception, à
cause du délai de carence d’un mois obligeant les adhérents à patienter avant de pouvoir
bénéficier des prestations.
Tout compte fait, ces manquements auraient pu être évités si l’ACMU avait davantage mené
une communication de proximité et des actions de marketing social au lieu de s’investir autant
dans la communication institutionnelle.
Le tableau ci-dessous permet de relever le financement important dédié à cette forme de
communication avec des sommes importantes engagées dans la prise en charge des conventions
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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et contrats de diffusion avec des médias de grande audience au détriment de l’appui aux MS
pour une véritable communication de proximité.
Compte tenu des besoins de communication élevés au niveau local, nous estimons qu’une
réorientation des ressources devrait être effectuée pour permettre aux acteurs locaux d’assurer
une véritable communication de proximité qui bénéficie pour le moment d’un faible appui.
Tableau 12 : Financement des activités de communication

Types d’activités Coût


2015 2016 2017 2018 2019
(prévisions)

Activités institutionnelles (séminaires, couverture médiatique 19 511 318 240 591 702 116 416 756 130 793 802 180 675 344
activités de l’ACMU, participation à des foires, événements
religieux, supports de communication)
Charges de publicité et relations publiques /radio et TV 42 903 466 78 110 036 55 437 670 193 798 980 196 542 200
TOTAL 62 414 784 318 701 738 171 854 426 324 592 782 377 217 544
Source : Equipe d’audit à partir des rapports annuels d’exécution budgétaire de l’ACMU

Néanmoins, il faut souligner que des efforts ont été faits pour élargir les modes de
communication et mieux associer le niveau local à travers l’augmentation des visites à domicile
(VAD), causeries, activités de plaidoyer auprès de personnes influentes et caravanes. De plus,
la communication digitale à travers les réseaux sociaux a été renforcée tandis que le site Internet
de l’ACMU (www.agencecmu.sn) est devenu fonctionnel, le 31 octobre 2016. En 2017, le
Centre d’appels de l’Agence est créé avec un numéro opérationnel, le 1222.
Normalement, la mise en œuvre de ces activités de marketing social devrait induire un
changement de comportement chez les populations cibles des MS. Cependant, les rapports
d’activités sur la communication de l’agence ne font état que du nombre d’activités tenues mais
ne renseignent pas sur l’impact de ces activités sur le développement des MS en termes
d’adhésion, de fidélisation et de maintien des populations cibles dans les MS.
Cette situation peut être mise en lien avec l’absence d’indicateurs clairs permettant de suivre et
d’évaluer les effets des activités de communication sur le comportement des cibles dans le plan
de communication de l’Agence qui n’a prévu que des indicateurs d’activités. Pourtant, le plan
de communication de l’ACMU avait retenu des indicateurs de résultats tels que : « la croissance
exponentielle du taux d’adhésion aux mutuelles de santé pendant les campagnes d’information
et de communication » ou « le niveau du rapport information/résultats par rapport à la
campagne d’information et de communication ».
Le suivi de tels indicateurs aurait permis de mesurer l’efficacité des actions menées, d’évaluer
l’adéquation des contenus des campagnes de communication et de les réajuster au besoin ou
d’identifier des canaux de diffusion plus appropriés.
2.2.2. L’appui à la communication de proximité, entre faiblesse et incohérence
Compte tenu du fait que le premier motif de non adhésion des populations aux MS est le manque
d’informations, une bonne décentralisation des activités de communication aurait dû être opérée
afin de mieux répondre aux préoccupations des populations cibles sur les avantages et modalités
d’adhésion à une MS.

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Au niveau des UDMS, des plans de communication trimestriels sont élaborés en tant que
synthèse des activités prévues par les MS. En cela, elles sont aidées par le Responsable de
l’Unité Assurance Maladie (RUAMA) du service régional. Mais, aucune aide financière n’est
donnée aux MS. De plus, l’Agence a supprimé le poste de chargé de communication, qui avec
une bonne organisation et des moyens dédiés auraient apporter un appui conséquent aux MS
pour l’organisation de leurs activités. Cette suppression fait suite à des propositions de réforme
du BOM qui a diagnostiqué un doublon de cette fonction avec celle du RUAMA.
Au niveau des régions visitées par la mission d’audit, les acteurs mutualistes interrogés ont
déploré la faible disponibilité de moyens pour la communication hormis les appuis de quelques
bailleurs (projet RSS+ financé par l’USAID à Louga et Matam, Save the Children et Lux-Dev
à Fatick). Les appuis très modiques de l’ordre de 75 000 à 150 000 FCFA par MS permettent
d’organiser des VAD, des causeries et autres caravanes.
L’Agence, quant à elle, apporte un appui matériel mais assez limité pour la réalisation des
activités de communication des MS. En effet, chaque année elle remet à chaque service régional
un lot de supports de communication (T-shirts, flyers, casquettes, banderoles, etc.) qui est
ensuite mis à la disposition des MS sur demande et en fonction des stocks disponibles. Il en est
de même du véhicule du service régional et du matériel de sonorisation acquis en 2018 ; ils
peuvent être prêtés sur requête adressée au chef de service régional. Toutefois, il semble que
les UDMS en profitent plus généralement que les MS puisqu’au niveau de celles-ci, les
gestionnaires rencontrés ont informé n’avoir jamais ou rarement fait appel aux moyens du
service régional. En cause, l’absence de personnels qualifiés ou leur indisponibilité due au
bénévolat pour l’animation de campagnes de communication ainsi que l’absence de budget
dédié à la prise en charge de ces activités.
En plus de la situation ci-dessus décrite, nous avons constaté des incohérences dans l’action de
l’ACMU au niveau local qui relèvent d’un manque de maitrise des objectifs poursuivis :
 L’absence de partenariats avec les médias locaux : dans toutes les régions visitées,
aucun partenariat n’a été mis en place par l’ACMU avec les radios communautaires
durant la période sous revue alors qu’ils sont des vecteurs importants d’information
et de changement de comportement au niveau des localités. A Foundiougne et
Gossas où les radios communautaires ont été sollicités ces dernières années avec
l’appui de bailleurs, une très bonne appréciation a été faite de leur apport.

 Mise à disposition d’Agents de Promotion des Mutuelles (APM) : à travers le Projet


d’Appui à la Professionnalisation des Mutuelles communautaires (PAPMUT) mis
en œuvre en partenariat avec l’Union nationale des Mutuelles de Santé
communautaires (UNAMUSC), des APM dont le salaire est pris en charge par
l’ACMU ont été recrutés et affectés au niveau des MS (plus de détails au chapitre
6). Toutefois, l’efficacité de ces APM est faiblement appréciée par les mutualistes
qui considèrent, pour la plupart, qu’ils ne peuvent pas remplacer les acteurs
communautaires (gérants, relais communautaires, badienou goxx, etc.) qu’ils jugent
unanimement plus aptes et efficaces dans la sensibilisation des populations mais à
qui ils faut octroyer les moyens idoines.

 Octroi d’importantes subventions de communication sans justification : alors que


tous les acteurs mutualistes ont déploré le faible appui de l’ACMU dans la
communication, d’importantes subventions de plusieurs dizaines de millions
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destinées aux activités de communication ont été octroyées à certaines UDAM et


UDMS sans justification motivée du choix de leurs localités (voir infra chapitre 6)
et avec des montants prévus largement supérieurs à ceux habituellement engagés
pour tenir de telles activités ; selon les rapports examinés, avec 75 000 FCFA reçus
du projet RSS+, les MS parviennent à faire généralement plus de 500 VAD, 30
causeries et 20 visites de plaidoyer.

Sur les moyens limités dédiés à la communication de proximité ainsi que la faiblesse du
recours aux médias locaux pour l’information et la sensibilisation des populations, le
Directeur général signale dans ses réponses que l’Agence a revu son approche de la
communication de proximité avec la création d’une division du marketing social.
La communication de proximité étant du ressort des mutuelles, l’ACMU ne fait qu’appuyer
le processus de mise en œuvre opérationnel avec la mise à disposition des APM dont la
mission diffère de celle des acteurs communautaires, plus centrée sur la promotion de la
santé de la reproduction. Toutefois, ceux-ci sont mis à contribution dans le cadre des activités
de communication de proximité. Il rappelle, pour finir, que 10% des subventions sont
destinés aux frais de fonctionnement des organisations mutualistes y compris la
communication de proximité.
La Cour prend acte de ces explications et invite à un renforcement et à une optimisation des
moyens dédiés à la communication de proximité dans le respect des attributions de chaque
entité.

Recommandation n°4 : La Cour recommande au Ministre du Développement


communautaire, de l’Equité sociale et territoriale de :
 mettre en place un dispositif institutionnel multisectoriel d’orientation, de
coordination et de suivi de l’assurance maladie universelle intégré aux cadres
nationaux de concertation sociale ;
 mener des actions en faveur de l’engagement des collectivités territoriales à
contribuer significativement à l’assurance maladie universelle.
Recommandation n°5 : La Cour recommande au DG de l’ACMU de :
 créer et rendre fonctionnels, le cas échéant, des cadres de concertation et de
coordination de l’assurance maladie universelle au niveau technique et local ;
 mettre en œuvre une stratégie de communication de proximité tenant compte
des besoins d’informations des populations sur les avantages et modalités
d’adhésion à l’assurance maladie universelle favorisant l’implication des
acteurs mutualistes, sanitaires et communautaires ainsi que des médias
locaux ;
 veiller au renforcement des ressources dédiées à la communication de
proximité et à leur utilisation efficiente.

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Chapitre 3 : Une reddition des comptes manquant de transparence malgré la mise en


place d’un système d’information de gestion avant-gardiste
Aux termes de l’article 7 du décret n°2015-21 portant création et fixant les règles d’organisation
et de fonctionnement de l’ACMU, celle-ci est chargée de :
- mettre en place un système d’information et de gestion de la CMU ;
- assurer le suivi et l’évaluation des différents régimes qui relèvent de sa tutelle ;
- publier, chaque année, un rapport technique et financier sur la CMU.
A ce titre, la Cour a vérifié si l’ACMU avait mis en place un système intégré d’information et
de gestion permettant la collecte et l’utilisation de données désagrégées fiables ainsi qu’un
cadre de suivi et d’évaluation des interventions permettant une reddition des comptes
transparente à l’aide d’indicateurs pertinents tenant compte notamment de l’équité et de la
dimension genre.
Le constat fait à la suite des travaux est que malgré l’existence d’un système d’informations
moderne, le SIGICMU, les informations de gestion produites par l’Agence manquent
d’exhaustivité et de fiabilité à cause des difficultés d’utilisation du système ainsi que des
insuffisances du mécanisme de collecte et de traitement des données. Par ailleurs, la reddition
des comptes sur le programme est insuffisante et n’est pas transparente en l’absence
d’indicateurs appropriés. Ainsi, les résultats du programme ne sont pas suivis ni évalués
adéquatement, notamment, en prenant en compte la dimension genre, alors que cela aurait
permis une amélioration continue de la mise en œuvre.
3.1. Le SIGICMU, un outil performant et avant-gardiste dont l’utilisation optimale
pourrait être compromise

A travers la Direction des Systèmes d’Information (DSI), l’Agence a mis en place un système
intégré d’information de gestion sur la CMU dénommé SIGICMU qui permet une gestion
défragmentée des différents régimes d’assurance maladie et d’assistance médicale : imputations
budgétaires, assurance maladie par les assurances privées comme par les MS communautaires,
IPM, gratuités. Le périmètre fonctionnel de SIGICMU comprend six modules répondant aux
besoins de gestion et d’information de ces différents régimes :

- SIBIO : système d’identification biométrique permettant la lecture des cartes


d’identité nationale biométriques pour l’authentification des bénéficiaires et la lutte
contre les fraudes ;
- SUNUCMU : portail internet et centre de traitement monétique de souscription
(adhésion et paiement des cotisations) ;
- SAMACMU : application mobile de l’assuré (identification et localisation de tous les
points de prestation de santé publics et privés disponibles avec indication des coûts) ;
- SITFAC : système informatisé de traitement des factures qui permet de s’assurer de
l’effectivité des prestations et de lutter aussi contre la fraude ;
- GESTAM : gestion de l’assurance maladie (Imputations budgétaires, IPM et
assurances privées) et des mutuelles de santé ;
- Datawarehouse : entrepôt de données des régimes de l’assurance maladie.
Le coût global du SIGICMU est estimé à 3 407 002 650 FCFA. Il est financé majoritairement
par la Banque Mondiale pour 2 182 000 000 FCFA et par l’Etat du Sénégal pour 1 181 763 150
FCFA dont 666 763 150 ont été mis à disposition en 2020 ; les autres bailleurs participant au
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financement sont la JICA (416 000 000 FCFA), le Groupe de Recherche Action sur les
Initiatives Mutualistes/GRAIM (1 739 500 FCFA), l’AFD (90 000 000 FCFA), le Lux-Dev (30
000 000 FCFA), l’USAID (12 500 000 FCFA), le BTC (38 000 000 FCFA) et le FDSUT (67
000 000 FCFA).
Figure 12 : Périmètre fonctionnel du système d’information de gestion intégré de la CMU (SIGICMU)

Source : DSI/ACMU

Après deux ans de développement, toutes les applications sont aujourd’hui fonctionnelles et un
plan de déploiement est en cours d’exécution, commençant par l’installation des équipements
acquis (1250 tablettes et 550 kits destinés à 1250 postes de santé, 200 centres de santé et 37
établissements publics qui peuvent compter plusieurs points de facturation).
Malgré les capacités technologiques impressionnantes de traitement de l’information et de
gestion intégrée du SIGICMU, son utilisation optimale pourrait être compromise par des
difficultés d’ordre réglementaire, technique et sociologique.
3.1.1. L’absence d’un cadre réglementaire adéquat pour le déploiement et
l’utilisation du SIGICMU
De l’avis de la plupart des PTF et acteurs mutualistes interrogés, le SIGICMU est en avance sur
le système actuel et préfigure les réformes à mener pour une assurance maladie universelle
performante. En effet, il est prévu son utilisation aussi bien par les acteurs du système
assuranciel que par les prestataires de santé : 2000 PS, 200 CS, 37 hôpitaux, plus de 2000
pharmacies, plus de 2000 structures privées (cliniques et cabinets).
Toutefois, au stade actuel de son développement, aucun texte réglementaire ne régit son
fonctionnement et son utilisation. Cette situation pourrait compromettre son déploiement
efficace, son appropriation par les acteurs concernés et son utilisation en tant que guichet unique
de l’assurance maladie. Car, il faut noter que les différents régimes d’assurance maladie et
d’assistance médicale, très fragmentés, sont chacun régis par des textes spécifiques et des
centres de responsabilités distincts dont la collaboration n’est pas des meilleures. Il s’y ajoute
la réglementation financière à considérer puisque la plateforme est en mesure de collecter des
cotisations.

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De ce fait, en l’absence de règles définies, la réussite du SIGICMU dépendra uniquement de


l’adhésion et de la volonté des différents responsables pour la concrétisation du guichet unique
virtuel.
Pour illustration, il a été constaté lors du passage de l’équipe de la Cour que l’installation des
équipements dans les structures de prestations sanitaires a été stoppée à cause du changement
de tutelle de l’ACMU qui fait que l’autorisation du MSAS est désormais nécessaire.
Par ailleurs, le seul texte préparé, qui était en cours d’adoption, a trait à la gestion de l’entrepôt
de données inter-régimes qui sera le réceptacle unique de toutes les données de l’assurance
maladie. Il s’agit d’un arrêté interministériel des ministres chargés du développement
communautaire, des finances et du travail. Il prévoit la délégation de la gestion à l’ACMU et
des conventions entre celle-ci et les structures gérant les différents régimes concernant la
collecte et la gestion des données, des dispositions pour se conformer à la réglementation
relative aux données à caractère personnel ainsi que la mise en place d’un comité de pilotage
chargé de la supervision de l’Entrepôt de données.
Compte tenu des enjeux soulignés supra, il est impératif de doter le SIGICMU, préalablement
à son déploiement intégral, d’un cadre réglementaire adéquat précisant les rôles et
responsabilités des différents acteurs et allant au-delà de la gestion de l’entrepôt de données.
En réponse, le MDCEST informe de la prise de l’arrêté conjoint avec le Ministre chargé de
la santé n°028799 du 31 décembre 2020 relatif au déploiement du SIGICMU dans les
établissements sanitaires. S’agissant de l’entrepôt de données, un projet de décret a
finalement été élaboré et attend l’avis de la Commission des données personnelles pour être
proposé en vue de son adoption. Il sera revu dans le but d’intégrer les modalités de
financement et une meilleure définition des rôles et responsabilités.
La Cour prend acte des actions engagées en vue de doter le SIGICMU d’un cadre réglementaire
adéquat pour son déploiement et invite à prendre toutes mesures permettant sa pleine
fonctionnalité et son utilisation optimale en tant que guichet unique virtuelle de l’assurance
maladie universelle.
3.1.2. Le défi de la mise à niveau technique des organisations et acteurs
mutualistes
A l’heure actuelle, il existe un gap important en termes d’appui en équipement et en
renforcement de compétences qu’il faudra combler pour mettre à niveau les organisations et
acteurs mutualistes en vue d’une bonne utilisation du système.
Selon le DSI, il n’est pas nécessaire d’avoir un équipement informatique très sophistiqué pour
accéder aux différents modules du SIGICMU hormis les équipements nécessaires à
l’identification biométrique des bénéficiaires au niveau des points de prestation. Cependant, il
faut un accès régulier à l’électricité, une connexion à Internet ainsi qu’une bonne formation sur
l’utilisation. C’est pourquoi, au niveau des points de prestation de santé publics, les
équipements informatiques ont été accompagnés de panneaux solaires, de modems domino 5
GO pour la connexion, de sessions de renforcement de capacité des utilisateurs, du recrutement
de 100 techniciens pour accompagner le déploiement du système à raison d’un technicien par
district, EPS et région médicale.
Par contre, au niveau des organisations mutualistes, le seul accompagnement prévu consiste en
des sessions de renforcement de capacités. Une formation a été ainsi donnée en 2019 aux
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membres des UTG et gérants de deux MS choisies par département lors de sessions groupées
tenues au niveau des chefs lieu de région. Quelques rares UDMS dont celles de Sédhiou ont
reçu du matériel informatique mais qui n’était toujours pas déballé lors du passage de l’équipe
d’audit de la Cour.
Ainsi, il a été constaté qu’aucune organisation mutualiste n’utilise encore le module GESTAM
ni aucune autre application de gestion hormis l’UDAM de Foundiougne qui utilise son propre
logiciel « Magestion » depuis 2014. En effet, la majorité des MS, même si elles disposent
d’ordinateurs souvent obsolètes d’ailleurs, n’ont pas d’accès à Internet et n’ont pas reçu de
formation dans ce domaine.
L’ACMU devrait ainsi, prévoir dans le plan financement du SIGICMU le renforcement de la
prise en charge de la mise à niveau technique des organisations mutualistes, qui pour le moment
est effectuée de façon sommaire.
3.1.3. Les fortes résistances au changement des acteurs
3.1.3.1. Les résistances au sein de l’Agence
Malgré de nombreux avantages, les résistances à l’utilisation du système sont très fortes au sein
même de l’Agence et au niveau des autres acteurs de la CMU. En cause, le risque de suppression
d’emplois qui dorénavant ne seront plus très utiles, mais surtout la transparence des données
qui ne permettra plus de fraude ni sur les résultats atteints, ni sur le calcul des montants dus au
titre de subventions ou de paiements de facture.
S’exprimant en juillet 2019 sur l’encours de la dette de l’ACMU estimée à 19 milliards FCFA,
le Ministre de tutelle déclare que celle-ci s’explique par plusieurs facteurs "surtout la
surfacturation dans les hôpitaux, l’insuffisance du contrôle dans les officines de santé mais aussi
auprès des 676 mutuelles de santé existant sur toute l’étendue du territoire national"45.
En effet, le SIGICMU, bien utilisé, garantit :
- un bon ciblage des bénéficiaires ;
- une identification des zones de risques de fraude dans l’effectivité des prestations ;
- une facilitation du contrôle médical avec un traitement à temps réel des opérations ;
- une optimisation du processus de traitement des factures des points de prestation et
permettre par conséquent une économie non négligeable sur les ressources financières
dédiées à l’assistance médicale ;
- un contrôle de toute la procédure de gestion des subventions qui devient plus
transparente.
En cogestion avec le MSAS, le déploiement du système sera aussi une occasion d’apporter des
solutions à d’autres difficultés identifiées dans le fonctionnement du système sanitaire à travers
l’installation d’autres applications du MSAS sur les tablettes utilisées. Il en est ainsi du
problème de la traçabilité des médicaments de la Pharmacie nationale d’Approvisionnement
(PNA). Le dispositif une fois déployé, permettra d’avoir une situation en temps réel des stocks
au niveau national. Il permettra également de vérifier la complétude du paquet de services offert
aux enfants bénéficiant des gratuités de 0 à 5 ans notamment l’offre de médicaments. De même,

45
http://www.aps.sn/actualites/societe/social/article/mansour-faye-pour-une-evaluation-des-programmes-de-gratuite-de-
la-cmu article actuellement disponible sur le site de l’ACMU (.www.agencecmu.sn)
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il facilitera l’obtention des données routinières quotidiennes pour le MSAS, ce qui constituerait
une avancée majeure.
En outre, contrairement à la situation que nous décrivons au point suivant montrant le manque
de fiabilité et de sincérité des données de l’ACMU, le module GESTAM permet d’avoir une
information exhaustive et transparente sur les nombres d’adhérents, les cotisations collectées,
les montants de subventions ou autres appuis reçus, les dépenses de fonctionnement et de
prestations des MS, etc. Ces informations sont utiles pour s’assurer du bon fonctionnement et
du respect des ratios et critères établis par ces dernières.
Une phase intermédiaire de déploiement du système a montré des cas de fraudes sur les
montants dus par l’Agence et des biais dans le calcul de la performance (voir point suivant). En
effet, l’utilisation démarrée en 2017 du Système d’Immatriculation et de Suivi des Mutuelles
de Santé (SISMUT), application de collecte et de traitement de données des MS intégrée
désormais dans le module GESTAM, n’a pas pu prospérer. Malgré des efforts considérables
déployés pour la saisie des données des années précédentes par une équipe dédiée au sein de
l’Agence et par les membres des UTG, les différentes directions de l’Agence, particulièrement
la Direction des Opérations, n’ont pas voulu l’utiliser et continuent encore la collecte et le
traitement des données à travers des fichiers Excel.
3.1.3.2. Les résistances de la DGPSSN et les risques sur la protection des données
à caractère personnel
A l’extérieur de l’Agence, une forte résistance a été notée du côté de la DGPSSN pour favoriser
l’utilisation et l’intégration dans le SIGICMU de la base de données du Registre national unifié
(RNU) où sont enregistrés les BSF. Pourtant, en juin 2016, un protocole de communication des
données à caractère personnel des ménages vulnérables a été signé entre la DGPSSN et
l’ACMU en vue de déterminer les conditions d’utilisation de ces données en conformité avec
les dispositions de la loi 2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère
personnel.
Toutefois, ce sont des fichiers Excel sans codage et sans code d’identification des personnes
qui sont transmises par la DGPSSN et ventilées ensuite par l’ACMU aux différentes UDAM,
UDMS et MS via des mails ou transmission par clé USB. Ces fichiers contiennent des
informations extrêmement sensibles (identité des chefs de ménage et de toutes les personnes à
charge, numéros d’identification nationale, localisation, etc.) qui pourraient être utilisées à
d’autres fins malintentionnées.
Aucune mesure de protection et d’information des concernés sur l’utilisation de leurs
informations personnelles n’est cependant prise au niveau de l’Agence et de ses
démembrements. Cette situation constitue une violation des dispositions de la loi précitée sur
la protection des données à caractère personnel.
3.1.3.3. La problématique de la promotion du SIGICMU
Hormis la grande médiatisation de la cérémonie de lancement de la plateforme qui a eu lieu en
avril 2019 sous la présidence du Premier Ministre d’alors, la communication sur la plateforme
n’est pas encore bien visible. De plus, la stratégie de communication de l’Agence en cours de
validation n’a pas bien intégré le système et ses différents modules parmi les produits à
promouvoir.

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Eu égard aux nombreuses fonctionnalités de SIGICMU touchant à la fois, la population à


travers SAMACMU et SUNUCMU, les assurances, IPM et MS à travers GESTAM et SIBIO,
les prestataires de santé publics comme privés à travers SITFAT et SIBIO, une large
communication devrait être menée à l’échelle nationale pour vulgariser l’information auprès
des usagers et du grand public.
A cet effet, en sus du cadre réglementaire à mettre en place, une grande campagne de
communication et de sensibilisation doit être menée auprès de toutes les autorités, acteurs et
bénéficiaires concernés pour une appropriation et une effectivité du SIGICMU.
3.2. Un cadre de suivi-évaluation ne permettant pas une reddition des comptes
transparente
L’absence d’un système d’information et de données a été relevée comme une lacune majeure
dans les différentes stratégies ayant précédé le PSD-CMU. Dans son plan stratégique de
développement (2017-2021), l’Agence a également souligné le développement d’un système
d’information robuste, performant et intégré comme un enjeu de taille dans le cadre de
l’amélioration de sa gouvernance46.
Pour y remédier, un document portant sur la définition du cadre de suivi et évaluation de la
CMU a été élaboré par la DPRESE en août 2017 dans le prolongement du plan stratégique de
l’Agence et dans l’optique d’alléger la batterie d’indicateurs du PSD-CMU basée sur une
théorie du changement assez élaborée. Le document définit également le système de gestion
des données ainsi que de coordination du suivi et de l’évaluation de la CMU.
Cependant, la pratique de suivi de l’ACMU révèle un suivi superficiel à l’aide d’indicateurs
peu pertinents et non désagrégés, notamment par sexe, pour permettre une mesure fiable des
progrès et une bonne appréciation des résultats. La correction des chiffres et paramètres utilisés
pour calculer la performance des MS nous amène à considérer que la population réellement
couverte par les MS se situerait de 2017 à 2019 à 1%, 1,2 et 1,4% au lieu des chiffres déclarés
respectivement de 18,9%, 19,1% et 17,4%.
Par ailleurs, l’ACMU ne dispose pas d’un véritable cadre de gestion des résultats car utilisant
un système simple de collecte, de remontée et de traitement de données de routine qui ne
permettent pas une évaluation approfondie pour une meilleure utilisation des résultats et
correction des lacunes. De la sorte et en l’absence de la publication du rapport technique et
financier annuel prévu par le décret sur l’Agence, la reddition des comptes est peu transparente.
3.2.1. Une faible performance masquée par des indicateurs peu pertinents
La massification et la fidélisation des adhérents doivent constituer la mesure réelle de la
performance de l’assurance maladie communautaire. Malgré une hausse continue des adhérents
et bénéficiaires des MS qui témoignent d’une certaine performance dans ce domaine selon les
chiffres présentés par l’ACMU dans ses rapports annuels de performance et dans sa
communication, la situation est moins satisfaisante quand on applique les éléments appropriés
pour le renseignement des indicateurs utilisés.
Dans leur format actuel, ces indicateurs ne permettent pas d’apprécier adéquatement la
performance de l’Agence et du système mutualiste ainsi que les effets du programme sur les
Sénégalaises et les Sénégalais.

46
PSD-ACMU, p.17
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3.2.1.1. Des indicateurs de performance non fiables


Les deux principaux indicateurs de performance sur l’assurance maladie à base communautaire
utilisés par l’Agence sont le taux de couverture du risque maladie par les MS et le taux de
pénétration de la population. Ils constituent des indicateurs du PSD-ACMU et ont été également
retenus dans le contrat de performance signé avec l’Etat.
Cependant, à cause des informations utilisées et de leur mode de calcul, ces indicateurs ne
donnent pas une information fiable sur la couverture réelle des populations contre le risque
maladie par les MS, particulièrement les cibles du monde rural et du secteur informel.
En ce qui concerne le taux de couverture, il est calculé selon la formule suivante :
Taux de couverture = Nombre de bénéficiaires des mutuelles de santé / Population totale
Le problème de cet indicateur tient au fait que le numérateur est calculé par l’Agence en faisant
le cumul de l’ensemble des adhérents et bénéficiaires des MS depuis leur création et en ajoutant
systématiquement les BSF et CEC dès leur enrôlement administratif. C’est ainsi que de 2015 à
2019, le nombre de bénéficiaires des MS a augmenté de façon exponentielle passant de 756 606
à 2 500 197 dont 1 301 394 bénéficiaires du PNBSF enrôlés en 2019, correspondant à 195.896
ménages.
Or, dans la réalité, les seules personnes couvertes contre le risque maladie, donc pouvant
bénéficier de prestations de soins de santé sont les adhérents et bénéficiaires à jour de leurs
cotisations. En effet, si les cotisations ne sont pas payées ou renouvelées, la garantie de
prestations devient caduque. Dans le guide de gestion des mutuelles de santé en Afrique, produit
par le BIT, il est indiqué que le nombre d’adhérents et de bénéficiaires en fin de période est
obtenu en additionnant les entrées et en soustrayant les sorties pour la période considérée au
nombre en fin de période précédente47.
Sous ce rapport, le nombre de bénéficiaires des MS devrait se présenter comme il suit pour les
années 2017 à 2019 si on appliquait les taux de cotisations qui se situent en moyenne à 7% de
l’ensemble des bénéficiaires recensés.
Figure 13 : Nombre de personnes couvertes contre le risque maladie par les MS corrigé

Source : Equipe d’audit à partir des données de l’ACMU de 2017 à 2019

47
Guide de gestion des mutuelles de santé en Afrique BIT/STEP, 2003, p.76
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Par ailleurs, l’écart entre les chiffres de l’Agence et le nombre réel de personnes couvertes peut
également être relevé dans différentes études menées sur le sujet de la CMU. Dans un article
paru en 2018, le Centre Population et Développement48 soulignait qu’une étude universitaire
avait conclu que la couverture effective globale de la CMU était d’environ 19% en 2017
(assurance maladie et assistance médicale) au lieu de 47% en considérant la qualité et la
disponibilité des services de santé au profit des enfants et des femmes. Dans le rapport de
l’Enquête démographique et de santé de 2017, l’ANSD indique que les mutuelles de santé
communautaires constituent le type d’assurance maladie le plus utilisé avec 3% de la population
couverte49.
En réponse, le DG de l’ACMU indique que les BSF et CEC n’ont pas été considérés par la
Cour et que le nombre de personnes à jour des cotisations est plus important que ce les
travaux de la Cour révèle tenant des montants effectivement versés pour les personnes
vulnérables qui s’élèvent à 653 820 375 FCFA en 2017, 1 326 871 709 FCFA en 2018 et 3
086 518 657 FCFA en 2019.
La Cour constate que ces montants divisés par la cotisation de 7000 FCFA pour les BSF et CEC
donnent un nombre de personnes couvertes parmi cette catégorie de respectivement 93 403 en
2017, 189 553 en 2018 et 440 931 en 2019, ce qui est encore loin des nombres communiqués.
Par ailleurs, elle maintient ses constats au regard des dysfonctionnements relevés au niveau du
chapitre 6 infra qui induisent des décalages entre l’année de versement de la subvention et
l’année de prise en charge.
S’agissant de l’indicateur sur le taux de pénétration, il est calculé avec la formule suivante :
Taux de pénétration = Nombre de bénéficiaires des mutuelles de santé / Population cible des
mutuelles de santé
Cet indicateur pose un double problème au niveau du numérateur comme évoqué plus haut et
du dénominateur utilisé à savoir la population cible des MS. En effet, la taille approximative de
cette population est calculée en faisant intervenir plusieurs variables elles-mêmes estimées ainsi
qu’il suit :
Population cible des mutuelles de santé = Population générale (projection ANSD) - Nombre
de personnes couvertes par les régimes obligatoires (11% de la population estimée à partir
des données de 200350 multipliées par le taux de croissance démographique) - Nombre
d’enfants de 0-5 ans et Nombre de personnes de +60 ans (auxquels sont retranchés les 11%
couverts par des régimes obligatoires)51
Sachant que le nombre de personnes couvertes par des régimes d’assurance et d’assistance
maladie (20% de la population générale) provient d’estimations faites à partir d’études
sommaires qui n’ont jamais été confirmées par une enquête, il est aisé de souligner le manque
de fiabilité de la population cible retenue par l’Agence.
L’approximation devient encore plus problématique avec l’application des formules au niveau
régional en ajustant les variables avec le poids démographique alors qu’initialement celles-ci
n’avaient pas été désagrégées (exemple des personnes couvertes par un régime obligatoire).

48
Centre Population et Développement (CEPED), la couverture universelle en santé au Sahel : la situation au Mali et au
Sénégal en 2018, working paper n°40, octobre 2018, p.29
49
ANSD, EDS 2017, p.18
50
Voir Données du tableau n°1 supra
51
Cadre de performance ACMU 2017
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De plus, ces indicateurs ne donnent aucune information sur le niveau de prise en charge des
populations du monde rural et informel, cibles principales de l’assurance maladie
communautaire puisque l’indicateur du PSD-CMU était libellé ainsi : Etendre la couverture
maladie à 65% des populations employées dans les secteurs informels et ruraux à l’horizon
2017.
Pourtant, l’ACMU avait prévu, dans son plan stratégique, un indicateur de satisfaction des
bénéficiaires des MS à travers le taux de fidélisation qui aurait pu donner une idée plus précise
de la couverture réelle et de la performance des MS. Il est calculé comme suit :
Taux de fidélisation = Nombre de bénéficiaires à l'année N -1 ayant renouvelé leur cotisation
à l'année N / Nombre total de bénéficiaires à l'année N-1
Malgré l’existence des données de base, l’ACMU ne renseigne pas cet indicateur qui ne figure
dans aucun de ses rapports de performance. Seule une mention est faite dans le rapport de
performance de 2019 concernant le nombre de classiques à jour (503 428 sur 1 175 681
bénéficiaires soit 43% des classiques et 20% rapporté à l’ensemble des bénéficiaires des MS).
Par ailleurs, plusieurs indicateurs de résultats prévus par le PSD-CMU tels que le taux
d’utilisation des services de santé et l’évolution des dépenses directes de santé n’ont pas été
suivis par l’Agence afin de déterminer les effets du programme sur l’amélioration de la
protection financière des Sénégalais contre les dépenses catastrophiques de santé ainsi que le
renforcement du système de santé.
La Cour considère que cette façon de procéder découle d’une volonté de ne pas rendre compte
des performances réelles du programme.
Le MDCEST indique que l’évaluation externe a également mis en exergue la nécessité de
revoir la méthode de calcul des indicateurs de performance et d’impact du programme et
qu’au surplus, il a déjà procédé à des discussions sur ce sujet avec l’Agence. A ce titre, il
veillera à la définition de nouveaux indicateurs de performance tout comme le Directeur
général de l’Agence ; il s’engage, en outre, à l’adoption d’indicateurs pertinents et fiables
dans le cadre de la nouvelle stratégie.
La Cour prend acte et invite à l’adoption dans les meilleurs délais d’indicateurs de performance
appropriés pour une reddition des comptes transparente.
3.2.1.2. Le défaut d’utilisation d’indicateurs sexospécifiques
Alors qu’au niveau des MS, tous les registres (adhésions, cotisations et prestations) sont remplis
en respectant les indications de genre et transmis comme tels aux UDMS et services régionaux,
aucun rapport de performance de l’Agence ne donne des informations sur les résultats
différenciés entre les hommes et les femmes.
Or, même si la stratégie n’a pas pris en compte les spécificités de genre dans ses orientations,
un bon suivi à l’aide d’indicateurs sexospécifiques auraient permis d’orienter le programme
vers une meilleure prise en charge de ces questions, notamment celles liées à la santé de la
reproduction. En effet, dans ce domaine, plusieurs défis doivent encore être relevés : fécondité
élevée (5 enfants par femme), maternité des jeunes femmes de moins de 19 ans (67,8% des
naissances vivantes), faible accès aux méthodes de contraception (22% des femmes en union)
pour espacer les naissances ou les limiter au besoin (EDSC, 2014). Une telle situation montre
que les filles en âge d’être scolarisées et les femmes ont un plus grand besoin de prise en charge
sanitaire pour éviter les complications découlant de leur maternité si une assistance adéquate

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ne leur est pas offerte. Par ailleurs, de par leur rôle sociologique au sein des familles, les femmes
sont plus appelées à prendre en charge les besoins sanitaires des membres de la famille.
Ces particularités sont très remarquables à l’examen des registres des MS qui montrent que le
nombre de femmes est toujours largement supérieur s’agissant des adhérents, des cotisants et
plus particulièrement des bénéficiaires des prestations. De fait, les femmes, même si elles sont
minoritaires dans la gouvernance des MS, sont plus impliquées dans leur fonctionnement avec
une consommation de soins bien plus importante, tournée principalement vers les soins de santé
de la reproduction comme on peut le constater dans les extraits de registre ci-dessous.
Tableau 13 : Extraits de registres de prestations de soins avec indications selon le genre
MS Aar sa djaboot Fatick MS de Djibanar

MS de Oyofal padj de Dahra Djoloff MS de Kanel

3.2.2. Un système de collecte et de remontée de données peu fiable


L’ACMU consacre une grande part de ses activités à la collecte et au traitement des données
routinières. Toutefois, le système de collecte et de remontée de données, dépassé du reste et
partiel, est peu fiable à cause de plusieurs facteurs. Il ne garantit pas une information complète
et crédible sur l’assurance maladie à base communautaire. Plus grave, il peut favoriser des
risques d’abus sur les données personnelles recueillies et de fraudes notamment pour l’octroi
des subventions.
Pour illustration, les données recueillies par l’agence en 2019 auprès de 637 MS, 2 UDAM et
43 unions départementales à partir de l’exploitation de leurs outils de gestion de 2017 à 2019
révèlent des écarts importants entre les chiffres constatés sur le terrain et ceux avancés dans les
rapports de performance de 2017 à 2019. Le graphique suivant permet de visualiser les
différences de résultats selon les données considérées.

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Figure 14 : Couverture du risque maladie selon différentes sources de données

Source : Equipe d’audit à partir des données de l’ACMU

La collecte des données est effectuée tous les trimestres auprès des MS à base communautaire,
de leurs unions et des UDAM concernant les adhésions, les cotisations, la tenue des réunions
d’instance, les charges de prestations pour les classiques et les indigents (BSF, CEC, etc.), de
fonctionnement, les dettes de prestations, les montants de subvention, les montants en caisse et
en banque, etc.
Elle fait intervenir les gérants des MS qui renseignent les outils (Fiches en papier à remplir ou
simples tableaux sur Excel sans masque de saisie) et les transmettent aux UTG. Il peut arriver
que ce soit le responsable du suivi évaluation de l’UTG qui fasse le tour des MS pour renseigner
les outils de collecte avec les informations consignées dans les registres. Après agrégation au
niveau départemental, les informations sont transmises au service régional, qui à son tour les
agrège au niveau régional avant transmission au siège de l’Agence, précisément à la Direction
des opérations (DO) alors que c’est la Direction de Planification, de la Recherche, des Etudes
et du Suivi-évaluation qui a la prérogative du suivi et du traitement des données.
Plusieurs lacunes ont été notées dans ces pratiques :
- Le système de collecte est trop réducteur pour permettre un suivi de tout le système
mutualiste dans la mesure où l’Agence ne collecte pas d’informations auprès des autres
types de mutuelles, complémentaires comme professionnelles, qui sont complètement
ignorées. Ainsi, elle ne détient aucune information à jour sur les adhérents,
bénéficiaires, cotisants de ces mutuelles, encore moins sur des éléments concernant leur
fonctionnement et finances. Le chiffre de 316 210 adhérents de ces mutuelles date d’un
recensement de 2017 et n’a pas fait l’objet de mise à jour. En outre, le système n’inclut
pas les structures sanitaires afin de recueillir des informations permettant d’apprécier
les effets réels du programme sur celles-ci et sur les bénéficiaires des MS en termes de
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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financement, d’utilisation des services et de soins délivrés. Les seules informations


disponibles sont partielles et collectées lors de missions de contrôle dans des localités
définies. Elles sont plus focalisées sur la vérification de la dette de l’Agence auprès de
ces structures.
- Le remplissage des outils de collecte et leur transmission sont effectués sans aucun
contrôle du service régional et mesure de sauvegarde de l’intégrité des données ; avec
le remplissage manuel des fiches ou fichiers, plusieurs manipulations des chiffres par
les différents utilisateurs sont possibles alors que l’utilisation du SISMUT aurait permis
d’éviter ces risques.
- Les registres des MS, très souvent, ne sont pas tenus à jour par les gérants pour cause
d’indisponibilité (départs fréquents, absences), d’inexpérience ou d’absence de
registres. Dans ces conditions, des écarts de chiffres sont constatés et des missions
appelées formatives sont menées par le SR ou l’UTG auprès des MS pour corriger la
situation. Par exemple, il est noté que l’écart entre les bénéficiaires classiques et ceux à
jour de leurs cotisations, noté supra, peut s’expliquer par une non mise à jour
systématique de la base de données des bénéficiaires qui doit être effectuée au moins
tous les deux ans52.
- Une donnée essentielle à savoir la catégorie socioprofessionnelle n’est pas collectée afin
de s’assurer de la prise en charge des cibles dans les MS. A travers les entretiens avec
les responsables mutualistes, nous avons constaté une prédominance parmi eux d’agents
de l’Etat, majoritairement des enseignants alors qu’ils ne constituent pas du tout les
cibles du programme. Ce constat, associé aux problèmes de l’indicateur sur la
couverture du risque maladie soulignés supra, confirme la faible fiabilité des résultats
obtenus par l’ACMU par rapport à l’atteinte des cibles définis.
- Très peu d’informations contextuelles complémentaires sont recueillies pour permettre
des analyses plus poussées dans la mesure où l’assurance maladie est tributaire de
plusieurs aléas. Les rapports trimestriels et annuels des services régionaux ne font pas
bien ressortir des éléments permettant d’être édifié sur la situation économique, social
et sanitaire des localités couvertes pouvant avoir une incidence sur le programme. De
même, très peu d’analyses approfondies sont effectuées sur les conditions de
performance des organisations mutualistes.
- La transmission des informations directement à la DO met cette dernière dans une
situation de « monopole sur les données » pouvant induire des risques de manipulations
dans la mesure où elle reçoit également les informations lors des demandes de
subventions qu’elle est chargée de calculer. En vertu de ce rôle, elle ne devait pas être
l’instance de validation des chiffres pour éviter tout risque de fraude. En l’absence
d’utilisation du GESTAM, la DPRESE devrait être l’instance de validation des données
pour atténuer les risques.

Le Directeur général informe que le GESTAM n’a été réceptionné qu’en 2020, c’est-à-
dire après la période auditée. Déjà, des activités de formation des formateurs et des
gestionnaires des MS ont été tenues permettant ainsi la mise à niveau de 372 MS sur les
633 ciblées. Le déploiement du GESTAM a été retardée par la pandémie Covid 19 et les
mesures restrictives y afférentes.

52
Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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La Cour prend acte de ces explications mais rappelle que le module SISMUT intégré au
GESTAM était déjà tout à fait programmé pour assurer un recueil et un traitement fiables
des données de gestion issues des MS.

3.2.3. L’absence de publication du rapport technique et financier annuel de la


CMU
Chaque année, l’Agence prépare un rapport annuel de performance destiné à rendre compte des
résultats atteints auprès de son conseil de surveillance et des autorités de tutelle. Ce rapport
n’est pas publié alors que les dispositions de l’article 7 du décret n°2015-21 obligent l’Agence
à publier, chaque année, un rapport technique et financier sur la CMU.
Sur le site Internet de l’agence, les informations publiées indiquent uniquement l’évolution des
principaux indicateurs dans une perspective de faire ressortir une performance positive de
l’ACMU.
Ainsi, la publication du rapport annuel, notamment sur les sites Internet de l’Agence et du
ministère assurant la tutelle technique ainsi que sa présentation lors d’un événement officiel
permettrait une meilleure transparence dans la communication des résultats en plus de susciter
un intérêt plus poussé sur la CMU, particulièrement sur l’assurance maladie communautaire.
Aussi, un système de reddition des comptes plus transparent devra-t-il être mis en place pour
favoriser un suivi et une évaluation inclusifs de l’assurance maladie en vue d’opérer de façon
consensuelle les réorientations qui s’imposent.
A ce titre, le MDCEST s’est engagé à veiller auprès de l’Agence à la publication du rapport
annuel technique et financier de la CMU.
La Cour prend acte de cet engagement.

Recommandation n°6 : La Cour recommande au Ministre du Développement


communautaire, de l’Equité sociale et territoriale de :
 proposer ou prendre un acte réglementaire régissant l’organisation et le
fonctionnement du SIGICMU indiquant expressément les modalités de
financement et les rôles et responsabilités de tous les acteurs concernés,
particulièrement le ministère chargé de la santé, les organismes d’assurance
maladie et l’Agence de l’informatique de l’Etat ;
 faire établir des indicateurs pertinents, fiables et vérifiables pour une
meilleure mesure de la couverture contre le risque maladie des Sénégalais ;
 veiller à la publication du rapport technique et financier annuel sur la CMU
telle que prévue par l’article 7 du décret n°2015-21 portant création et fixant
les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Agence.
Recommandation n°7 : La Cour recommande au DG de l’ACMU de :
 prendre les dispositions nécessaires pour le déploiement efficace, le bon
fonctionnement et l’utilisation optimale du SIGICMU et de ses applications
particulièrement par une formation et un soutien approprié des acteurs
concernés ainsi qu’une bonne sensibilisation des différents usagers ;

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 utiliser le GESTAM pour la collecte et le traitement des données des


organisations mutualistes en lieu et place des fichiers Excel ;
 mettre en place, en rapport avec la DGPSSN, des mécanismes et procédures
appropriées de protection effective des données personnelles des adhérents et
bénéficiaires des MS par les différents utilisateurs du système mutualiste
conformément aux dispositions de la loi 2008-12 sur la protection des données
à caractère personnel et à ses textes d’application ;
 adopter un cadre de gestion des résultats de la CMU, prenant en compte toutes
les catégories de l’assurance maladie de base et comprenant des indicateurs
pertinents et suffisamment désagrégés par sexe et par localité pour une
meilleure utilisation des résultats ;
 veiller à séparer au sein de l’Agence les fonctions de traitement et d’utilisation
des données pour éviter toute manipulation ou risque de fraude notamment
en désignant une structure de validation des données ;
 déterminer une situation de référence fiable de l’assurance maladie par le
biais notamment d’une enquête nationale, en rapport avec les structures
nationales indiquées telles que l’Agence nationale de la Statistique et de la
Démographie ;
 publier le rapport technique et financier annuel sur la CMU tel que prévu par
l’article 7 du décret n°2015-21 portant création et fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement de l’Agence.

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DEUXIEME PARTIE : LE CADRE REGLEMENTAIRE, LE CONTROLE,


L’ENCADREMENT ET LES SUBVENTIONS DES ORGANISATIONS
MUTUALISTES
En vue d’impulser l’extension de l’assurance maladie par les MS à base communautaire, l’une
des lignes d’actions identifiées par le PSD-CMU, en sus de la mise en place des mécanismes
de financement traitée au chapitre 1, est la mise en place d’un cadre réglementaire renforcé pour
protéger les adhérents sur la base des dispositions de la réglementation mise en place par l'Union
économique et monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA).
En effet, considérant la nécessité de donner un cadre juridique formel aux organisations
mutualistes, qui se sont souvent développées en dehors d'un cadre légal approprié alors qu’elles
jouent un rôle important dans l’amélioration de la santé des populations surtout vulnérables,
l’UEMOA a adopté une série de règlements sur la mutualité sociale. Ceux-ci viennent préciser
le statut des mutuelles sociales et réglementer leurs activités pour un développement sain de
leurs activités et une meilleure protection de leurs adhérents.
Le règlement n°07/CM/UEMOA du 26 juin 2009 portant réglementation de la mutualité sociale
au sein de l’UEMOA prévoit la création d’un Office national de la Mutualité sociale chargé de
la réglementation, de l’encadrement et du contrôle des mutuelles sociales ainsi que la mise en
place d’un registre national d’immatriculation des mutuelles sociales.
Aux termes de l’article 3 du décret n°2015-21 du 07 janvier 2015 instituant l’ACMU, celle-ci
est chargée d’assurer la promotion et le contrôle de la régularité de la constitution des mutuelles
de santé et autres mutuelles sociales, de tenir le registre national d’immatriculation et de
contrôler le fonctionnement, la situation financière et la solvabilité des mutuelles sociales.
Au regard de ce qui précède, le présent audit s’est intéressé, dans cette seconde partie, à
l’application de la réglementation ainsi qu’aux contrôles sur les MS exercés par l’Agence.
En outre, la Cour vérifié si l’Agence, en tant que tutelle et dispositif d’encadrement des
organisations mutualistes, avait mis en place l’organisation appropriée et les ressources
adéquates pour la mise en œuvre de la stratégie de développement des MS.
Enfin, la gestion des subventions a été examinée en vue de s’assurer que l’Agence octroie les
subventions de façon transparente et efficiente et contrôle les prestations des mutuelles de santé
en vue de garantir leur accès équitable et leur effectivité pour tous les bénéficiaires.

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Chapitre 4 : Une application insuffisante des règlements de l’UEMOA et un contrôle


encore léger des organisations mutualistes

Face au développement du mouvement mutualiste dans les années 90, le Sénégal a très tôt
adopté une réglementation en vue de mieux l’encadrer. C’est ainsi que la loi n° 2003-14 du 04
juin 2003 relative aux mutuelles de santé a été adoptée et complétée plus tard par le décret
d’application n° 2009-423 du 27 avril 2009.

Ce dispositif juridique a été remplacé par les règlements communautaires de l’UEMOA sur la
mutualité sociale qui ont une portée générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments et
directement applicables dans tout État membre53. Il s’agit du :
- Règlement n°007/2009/CM/UEMOA du 26 juin 2009 portant réglementation de la
mutualité sociale au sein de l’UEMOA, en vigueur depuis le 1er juillet 2011 ;
- Règlement d’Exécution n°002/2011/COM/UEMOA du 31 août 2011précisant les
modalités et procédures de constitution, d’agrément et d’immatriculation des mutuelles
sociales et de leurs structures faîtières en application de certaines dispositions du
Règlement n°07/2009/CM/UEMOA, en vigueur depuis le 1er septembre 2011 ;
- Règlement d’Exécution n°003/2011/COM/UEMOA du 31 août 2011 définissant les
règles prudentielles, mécanismes de garantie et le contrôle devant encadrer la gestion
des ressources financières des mutuelles sociales et de leurs structures faîtières, en
vigueur depuis le 1er septembre 2011 ; et
- Règlement n°03/2012/CM/UEMOA du 10 mai 2012 adoptant le Plan Comptable des
Mutuelles Sociales (PCMS), en vigueur depuis sa date de signature54.
Ces textes régissent désormais tous les aspects liés au statut, à la constitution, à l’agrément, au
fonctionnement, au financement, à la viabilité financière, au contrôle et aux sanctions des
organisations mutualistes.
La Cour a ainsi vérifié si l’ACMU avait mis en place des règles et procédures appropriées pour
encadrer et contrôler adéquatement les activités des mutuelles conformément aux principes et
orientations définis. De même, il a été vérifié si les contrôles des prestations des mutuelles sont
planifiés, appliqués et évalués et si des actions efficaces sont menées pour obliger les mutuelles
de santé à appliquer les mesures correctives de manière diligente lorsque des irrégularités sont
constatées.
Nous avons constaté que le cadre réglementaire est marqué par une application insuffisante des
textes communautaires renforcée par un léger contrôle des organisations mutualistes par
l’ACMU ne donnant pas lieu à des sanctions ou mesures correctrices. Du reste, l’ACMU
n’accorde pas la même attention aux différents types de mutuelles, ne favorisant pas ainsi un
développement harmonisé du système mutualiste.
4.1. L’application insuffisante de la réglementation communautaire
Alors que les règlements de l’UEMOA doivent s’appliquer dans toutes leurs dispositions au
Sénégal, certaines d’entre elles, parmi les plus importantes n’ont pas été respectées au motif
souvent de l’exigence de célérité dans la mise en œuvre de la stratégie de l’assurance maladie

53 Cf. article 43 du Traité de l’UEMOA


54 Détails des règlements en annexe 3
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communautaire. Cette situation de non-conformité à la réglementation communautaire


s’apprécie au niveau du fonctionnement de l’agence et des organisations mutualistes.
4.1.1. Le défaut de mise en place des instruments institutionnels
L’UEMOA a prévu la mise en place, dans chaque état membre, d’un organe administratif de la
mutualité sociale (OAMS), d’un Fonds national de Garantie des MS (FNGMS) et d’un registre
national d’immatriculation des MS.
Au Sénégal, le FNGMS n’a toujours pas été mis en place (voir supra chapitre 1), de même que
l’OAMS puisque l’ACMU n’est pas conforme à cet organe au regard de ses attributions et de
son fonctionnement. Quant au registre national d’immatriculation, il n’est tout simplement pas
tenu.
4.1.1.1. L’Agence de la CMU, non conforme à l’organe administratif de la mutualité
sociale
Les responsables de l’Agence de la CMU font prévaloir, tout comme le Ministre de la santé qui
assurait sa tutelle, qu’elle représente l’organe administratif de la mutualité au Sénégal, mais
l’UEMOA ne la considère toujours pas comme tel. Dans le mémorandum de la revue technique
annuelle au Sénégal de la Commission tenue en octobre 2019 et dans le rapport final de la 9ème
réunion annuelle du Comité consultatif de la Mutualité sociale de l’UEMOA tenue en décembre
2019 à Bamako, les instances de l’UEMOA indiquent que le Sénégal n’a toujours pas mis en
place cet instrument et réitère leur recommandation pour sa mise en place.
Selon les responsables de l’ACMU, l’organe administratif n’a pas été mis en place dans un
souci de rationalisation des ressources publiques, car les missions de cette entité telles que
définies par les textes de l’UEMOA sont similaires à celles déjà dévolues à l’ACMU. Toutefois,
le champ de compétence défini par les textes de l’UEMOA pour ce dispositif ne recoupe pas
exactement les attributions de l’ACMU.
Prévu par l’article 23 du règlement n°07/2009/CM/UEMOA portant règlementation de la
mutualité sociale au sein de l’Union, l’organe administratif de la mutualité sociale est un
établissement public ou une entité de droit public dotée de la personnalité juridique, de
l’autonomie financière et de gestion placé sous la tutelle du ministère en charge de la mutualité
sociale.
La mission dévolue à cette entité est définie par l’article 25 du règlement
n°003/2011/COM/UEMOA relatif aux règles prudentielles qui dispose que : « l’organe
administratif de la mutualité contrôle le fonctionnement des mutuelles sociales ou des structures
faitières et surveille leur situation financière ainsi que leur solvabilité ». Il instruit les demandes
d’agrément, de sanctions administratives ou de retrait d’agrément et tient le registre national
d’immatriculation des mutuelles sociales. Il prend toutes mesures conservatoires nécessaires à
la sauvegarde des intérêts des membres des mutuelles ou des tiers concernés et peut recourir au
FNGMS lorsqu’il estime qu'une mutuelle sociale ou une structure faîtière n'est plus en mesure
de faire face à ses engagements.
En Côte d’Ivoire, l’Agence ivoirienne de Régulation de la Mutualité sociale qui poursuit les
missions ci-dessus énoncées a été mise en place en 2012 et placée sous la tutelle du ministère
de l’emploi et de la protection sociale. Il s’agit du premier organe administratif de la mutualité
sociale mis en place dans l’espace UEMOA et qui répond aux critères fixés par le règlement
n°7 de l’Union. Elle suit les activités de plus d’une quarantaine de mutuelles agréées et a aidé
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à la sélection de certaines comme organismes de gestion déléguée de la couverture sanitaire


universelle par la Caisse nationale d’assurance maladie (IPS-CNAM) chargée de la régulation
de la CMU et de la gestion des différents régimes du système d’assurance maladie55.
Cette option ivoirienne de dissocier l’assurance maladie et la gestion de la mutualité sociale se
justifie par le fait que l’organe administratif doit avoir pour mission exclusive la question de la
régulation de la mutualité sociale56.
Même si le statut juridique de l’agence de la CMU et les missions qui lui sont attribuées à
l’article 3 de son décret de création se rapprochent des critères définis par l’UEMOA pour
l’organe administratif de la mutualité, plusieurs des fonctions qu’elle assume ne lui permettent
pas de jouer pleinement le rôle de régulateur dévolu à l’OAMS. En effet, à cause de son
implication directe dans le fonctionnement de la mutualité à travers les subventions et
cotisations ainsi que son rôle d’acheteur de soins avec l’assistance médicale, l’Agence est elle-
même opérateur de l’assurance maladie.
En outre, elle ne dispose pas de la capacité de mobiliser des ressources propres pouvant lui
permettre d’assurer pleinement la régulation du système mutualiste Son budget est fortement
tributaire des subventions de l’Etat et de l’appui de ses bailleurs. Il s’y ajoute la non mise en
place du FNGMS ainsi que le manque de tenue du registre national d’immatriculation des MS
(voir au point suivant) qui devraient être sous la responsabilité de l’OAMS.
Sur un autre plan, l’Agence ne s’investit pas pour le développement des mutuelles sociales.
Pour le moment, elle ne s’intéresse qu’aux MS communautaires qu’elle a contribué à mettre en
place, et ne les encouragent pas à diversifier leurs activités pour devenir de véritables mutuelles
sociales. Pourtant, certaines parmi elles développement des expériences intéressantes qu’il
conviendrait de soutenir. Nous citons à titre d’exemple, l’opération de ventes de moutons lors
de la Tabaski par l’UDMS de Kanel, la vente de moustiquaires imprégnés par la MS La
Linguère. En effet, aux termes de l’article 13 du Règlement n°003/2009/CM/UEMOA, les
mutuelles sociales ont pour objet, à titre principal, la prévention des risques sociaux liés à la
personne et à la réparation de leurs conséquences tels que la maladie, la retraite, les obsèques,
etc. A titre accessoire, les mutuelles sociales peuvent exercer toute activité ayant pour objet
l’amélioration des conditions de vie et l’épanouissement de leurs membres, notamment la
création d’établissements ou de services à caractère sanitaire, médico-social ou culturel ou la
gestion d’activités économiques en vue d’améliorer les prestations servies à leurs membres dans
le strict respect de la réglementation en vigueur.
Au regard de ce qui précède, une réflexion plus approfondie doit être menée pour permettre à
l’Agence ou à un autre organisme d’assurer pleinement les fonctions dévolues à l’OAMS. Dans
le cas du maintien de l’ACMU dans ce rôle, ses fonctions de prestataire en assurance maladie
et d’acheteur de soins à travers les initiatives de gratuité devront être endossées par un autre
organisme.

55
Décret n°2014-395 du 25 juin 2014 portant création de l’IPS CNAM / Réglementation et régulation : exemple de l’agence
ivoirienne de régulation de la mutualité sociale en Côte d’Ivoire, Revue de la société francophone de médecine tropicale et
santé internationale, DOI : 10.48327/mtsimagazine.n1.2021.95 -
56
Mise en œuvre de la CMU dans le contexte du règlement communautaire de la mutualité de l’UEMOA, mémoire de
master 2 professionnel présenté par Monsieur SORO Mamadou, Université de Versailles ST-Quentin-En-Yvelines, 2014-2015
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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A ce propos, le MDCEST informe que des discussions tenues avec la commission de


l’UEMOA ont permis d’arriver à un consensus qui a donné lieu à l’élaboration des projets
de décrets relatifs au FNGMS et à l’OAMS déjà introduits dans le circuit de validation.
Toutefois, il signale que, dans le contexte de mise en œuvre des recommandations, une revue
des missions de l’ACMU sera effectuée afin d’en extraire celles dévolues à l’OAMS telles
que l’agrément et le contrôle des mutuelles.
La Cour prend acte et invite le Ministre à veiller à une mise en place diligente de ces organes.
4.1.1.2. Le défaut de tenue du registre national d’immatriculation
Conformément à la réglementation de l’UEMOA, un registre national d’immatriculation (RNI)
des mutuelles sociales dûment agréées par le ministère de tutelle doit être tenu par l’organe
administratif formellement créé afin de pouvoir assurer leur suivi et leur contrôle réguliers. Au
surplus, l’agrément ne prend effet qu’à compter de l’inscription de la mutuelle sociale, de
l’union de mutuelles ou de la fédération au registre national d’immatriculation des mutuelles
sociales57.
Le RNI doit contenir toutes les informations d’immatriculation et d’identification des mutuelles
agréées, les informations d’identification des membres des organes de gestion et de contrôle et
des dirigeants salariés des mutuelles agréées, ainsi que toutes les informations sur les
changements affectant le fonctionnement ou la vie des mutuelles sociales.
Nous avons constaté qu’il n’existe pas de RNI au niveau de l’ACMU. Tout d’abord, parce
qu’aucun acte réglementaire n’a été pris pour sa mise en place alors que la réglementation de
l’UEMOA prévoit qu’un acte soit signé dans ce sens par le ministre chargé de la mutualité
sociale.
Ensuite, les responsables de la Direction des Opérations chargée de tenir le RNI, n’ont pas été
en mesure de présenter un document physique ou numérique respectant les prescriptions
concernant le RNI ; le seul document présenté comme tel, un fichier Excel, dresse la liste des
MS communautaires agréées. Celle-ci n’inclue pas les autres types de mutuelles comme les
mutuelles d’envergure nationale qui sont listées dans un autre fichier. De plus, plusieurs grandes
mutuelles professionnelles répertoriées n’ont pas reçu d’agrément alors qu’elles exercent
depuis longtemps. Il s’agit des mutuelles suivantes :
Tableau 14 : Liste de mutuelles de santé d’envergure nationale non agréées

MUTUELLES SITUATION
Mutuelle de santé des Impôts et Domaines Non agréée
Mutuelle de santé du Trésor Non agréée
Mutuelle de santé des Forces armées Non agréée
Mutuelle de santé de la PAMECAS Non agréée
Mutuelle de santé des enseignants du SUDES (créée en 2002) En cours d’agrément
Source : Liste des MS d’envergure nationale

Dans la forme, la liste présentée ne répond pas aux exigences fixées en termes de codification
par le Règlement d'exécution n°002/2011/COM/UEMOA. Les MS sont identifiées avec le
numéro de l’arrêté ministériel qui leur accorde l’agrément et non pas avec le code constituant
le numéro national d’immatriculation. Celui-ci, conformément aux dispositions du règlement

57
Dernier alinéa, article 22 du Règlement n°07/2009/CM/UEMOA
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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précité, rappelées dans le manuel de procédure de l’ACMU, doit être composé de six (6)
rubriques comme il suit :
- Chiffre d’identification de type d’organisation (mutuelle 1, union de mutuelle 2,
fédération 3)
- Domaine d’activité : Domaine Sociale (DS)
- Numéro d’ordre (numéro chronologique d’inscription)
- Initiales de la région du siège (DK, DL, FK, KL, KD, KG, ZG, LG, SL, TH…)
- Numéro du département du siège (1, 2, 3, 4) 6. Code pays (SN)
- Code du pays (SN)58
En outre, les informations concernant les responsables et instances de gestion sont consignées
dans d’autres fichiers d’où sont absentes encore les mutuelles d’envergure nationale.
Pourtant, les fonctionnalités du SIGICMU auraient dû permettre de mettre en place et de
renseigner le RNI de façon fiable. Selon le DG de l’Agence, le RNI est contenu dans le
SISMUT intégré désormais dans le GESTAM et toutes les informations relatives aux MS y
ont été versées.
Si tel est le cas, la Cour souligne la nécessité de mettre à jour les données du SISMUT et de
partager l’information avec tous les agents devant contribuer à la bonne tenue du RNI.
4.1.2. La non-conformité des MS aux règlements communautaires

Les différents règlements de l’UEMOA fixent les conditions d’exercice des MS depuis la
délivrance de l’agrément aux mutuelles sociales dans le respect des formes prescrites jusqu’au
retrait de celui-ci particulièrement quand les règles prudentielles visant la viabilité financière
ne sont pas respectées.
Le constat est que les MS à base communautaires ne se conforment pas à cette réglementation
en ce qui concerne le respect des conditions d’agrément et de leurs obligations réglementaires.
4.1.2.1. Le non-respect des conditions de délivrance de l’agrément
L’article 22 du règlement n° 07/2009/CM/UEMOA dispose qu’aucune mutuelle sociale ne peut
fonctionner avant d’avoir été préalablement agréée par le ministère chargé de la mutualité
sociale. Alors que leur création ainsi que celle des unions et fédérations peut s’effectuer
librement, c’est l’agrément qui leur confère la personnalité juridique et la qualité de mutuelles
sociales.
L’agrément est subordonné à la production d’une étude de faisabilité permettant d’apprécier la
pertinence, la cohérence, la viabilité et la pérennité des mutuelles sociales à agréer. Cette
disposition a été reprise dans le manuel de procédure de l’ANACMU qui indique la procédure
de la demande d’agrément et fixe la composition du dossier qui doit comporter les pièces
suivantes :
- La demande contenant les renseignements suivants : la dénomination, l'objet et le
siège de la mutuelle sociale, ainsi que les noms et adresses des premiers membres
du Conseil d'administration et de l'organe de contrôle ;
- Un exemplaire du procès-verbal de l'Assemblée générale constitutive comportant
les signatures ou les empreintes digitales des membres du bureau de séance ;

58
Voir Manuel de procédure de procédures de l’ACMU
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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- Un extrait du casier judiciaire datant de moins de trois mois de chacun des membres
dirigeants et des membres de l'organe de contrôle de la mutuelle sociale ;
- Un rapport d'étude de faisabilité sur la base du modèle fourni par l’Agence de la
CMU pour les mutuelles de santé communautaires ;
- Un original et deux copies certifiées conformes des statuts ;
- Un original et deux copies certifiées conformes du règlement intérieur
- La nature, l'objet et le montant annuel prévisible des prestations fournies par la
mutuelle au titre de ses autres activités.59
L’examen d’un échantillon de dossiers d’agrément au niveau de la Direction des opérations de
l’ACMU a permis de déceler plusieurs manquements au respect de ces dispositions :
 Toutes les MS n’ont pas déposé de dossiers de demande : sur un échantillon de 71
dossiers demandés, 40 seulement ont été remis à la Cour ;
 Les agréments ont été délivrés alors que toutes les pièces requises n’étaient pas
déposées : tous les dossiers examinés sont incomplets et la plupart ne comportaient
qu’une simple lettre de demande sans les mentions obligatoires et non accompagnée
des exemplaires de procès-verbal de l’assemblée générale constitutive, de statut et de
règlement intérieur qui sont des documents-types proposés par l’ACMU. Les casiers
judiciaires des membres dirigeants sont rarement ajoutés au dossier ou bien de façon
incomplète causant ainsi le risque de laisser les MS aux mains de personnes dont la
bonne moralité n’est pas attestée ;
 Aucune étude de faisabilité n’a été réalisée pour les MS dont les dossiers ont été
examinés : même le budget prévisionnel, quand il est joint, se résume à un simple
tableau de prévisions des rubriques de dépenses et de recettes sans explication des
hypothèses et paramètres considérés.
Sur ce dernier point, le Directeur des opérations déclare que l’Agence était dans l’impossibilité
de réaliser une telle étude pour l’ensemble des mutuelles de santé qui ont été mises en place par
l’ACMU au Sénégal. La mise en œuvre diligente de la politique commandait que toutes les MS
mises en place reçoivent l’agrément leur permettant d’exercer légalement. A la fin de l’année
2019, seules 6% de MS ne disposent toujours pas d’agrément, particulièrement dans les régions
de Dakar, Fatick, Matam et Thiès qui compte le plus grand nombre de MS non agréées soit 14
au total60.
Le résultat de ce manque de rigueur se mesure au fait que le Sénégal compte une pléthore de
MS : pour une population de 16 millions d’individus, on dénombre 677 MS contre une
quarantaine en Côte d’ivoire où la population est supérieure à 26 millions. Ces MS, non viables,
ne parviennent ni à exercer correctement ni à satisfaire les besoins des populations malgré leur
agrément (voir supra chapitre 1). Dans tous les départements visités par la mission de
vérification, des MS non fonctionnelles nous ont été signalées particulièrement dans les
départements de Bounkiling, Kanel et Tivaouane.
4.1.2.2. Le non-respect des obligations réglementaires
L’article 28 du Règlement n°07/2009/CM/UEMOA fixe les obligations des organisations
mutualistes qui se déclinent comme suit :
- Avoir leur siège social sur le territoire de l’Etat où elles sont immatriculées ;
59
Manuel de procédures de l’ACMU
60
Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes, p.18
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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- Respecter la législation en vigueur ainsi que leurs textes statutaires ;


- Se conformer aux normes de gestion établies (règles prudentielles, comptabilité et
production d’états financiers…) ;
- Veiller à la qualité des prestations fournies ;
- Produire et communiquer les rapports annuels (technique, moral et financier) à
l’organe administratif de la mutualité sociale et aux membres ;
- Se soumettre au contrôle de l’organe administratif de la mutualité sociale et, le cas
échéant, au contrôle d’autres organismes prévus à cet effet ;
- Mentionner dans les documents officiels et dans leurs publicités, leur nature
mutualiste et la législation qui les régit ;
- Adhérer au fonds national de garantie destiné à préserver les droits de leurs membres
participants et leurs ayants droit, ainsi que ceux de leurs membres honoraires.
En plus de ces obligations, les structures faitières ont des obligations d’information,
d’assistance et de représentation de leurs membres affiliés ainsi que de veille sur le respect des
normes de gestion et de transmission des rapports à l’organe administratif de la mutualité.
L’examen de certains aspects du fonctionnement des organisations mutualistes laisse apparaitre
que ces dernières ne respectent pas la plupart de ces obligations. Cette situation est la résultante
de la faible tutelle exercée par l’ACMU sur elles.
 Siège social souvent emprunté
Même si l’Agence relève que 92% des MS ont un siège, il reste que 76% d’entre elles utilisent
un local prêté souvent par les CT ou les structures sanitaires, ce qui les rend souvent vulnérables.
Seules 7% sont propriétaires et 8% louent ; les autres souvent sont sans local61.
Parmi les MS n’ayant pas de siège, on peut citer celle de la commune de Médina Wandifa dont
le PCA et le gérant, que l’équipe d’audit de la Cour a rencontrés, se déplacent avec leurs
documents administratifs en sacoche au gré des besoins ; cette situation n’offre aucune garantie
de prise en charge adéquate des bénéficiaires.
 Méconnaissance de la législation en vigueur et des textes statutaires
Pour appliquer la réglementation en vigueur, il faudrait bien la connaitre. Mais sur ce point, il
faut souligner le peu de connaissance que les administrateurs des MS ont de la réglementation
applicable. Même s’ils connaissent le règlement n°7 de l’UEMOA, ils considèrent souvent qu’il
ne s’applique qu’aux mutuelles sociales et non pas aux de mutuelles de santé et citent plus
volontiers comme réglementation applicable, la loi n° 2003-14 du 04 juin 2003 relative aux
mutuelles de santé. Tout comme certains responsables de l’ACMU, ils ignorent que celle-ci est
pourtant caduque à cause du fait que les règlements de l’UEMOA produisent des effets
juridiques dans le droit interne des Etats membres sans qu’il ne soit nécessaire de les
internaliser.
Par ailleurs, la tenue irrégulière des instances statutaires telles que l’assemblée générale, le
conseil d’administration, le bureau exécutif et la commission de contrôle est une illustration du
manque d’application des textes statutaires. Le tableau suivant montre, la situation de la tenue
des instances statutaires au niveau national de 2017 à 2019.

61
Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes, p.18
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Tableau 15 : Respect de la tenue des instances statutaires


Instance Norme de 2017 2018 2019
réunions 0 réunion Entre 1 et Respect de 0 réunion Entre 1 et Respect de 0 réunion Entre 1 et Respect de
norme la norme norme la norme norme la norme
Assemblée 1 par an 61% - 39% 62% - 38% 78% - 22%
générale
Conseil 4 par an 35% 46% 19% 32% 52% 16% 35% 57% 8%
d’Administration
Bureau exécutif 12 par an 38% 52% 10% 32% 60% 8% 30% 66% 4

Commission de 2 et + par an 76% 11% 13% 76% 13% 12% 79% 14% 6%
contrôle
Source : Equipe d’audit à partir des données du rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes,
pp 21-25

Il convient de souligner que la commission de contrôle n’est presque jamais fonctionnelle alors
qu’elle doit garantir la transparence vis-à-vis des adhérents par le contrôle de la gestion
technique, administrative et financière de la mutuelle sociale selon les règles prudentielles, la
vérification de la régularité des opérations comptables et la tenue régulière des livres
comptables de la mutuelle sociale ainsi que l’élaboration d’un rapport de contrôle directement
transmis à l’assemblée générale62.
 Non-respect des normes de gestion
La faible connaissance de la réglementation applicable est également à l’origine de la non
application des règles de gestion qui n’étaient pas définies dans la loi de 2003 telles que le
respect des normes prudentielles, la tenue de comptabilité et la production des états financiers
selon le plan comptable des MS de l’UEMOA, etc.
Par conséquent, en matière de gestion financière dans les MS, ce sont de simples relevés de
dépenses et de recettes qui sont tenus dans des registres ou cahiers et les bilans se présentent
sous forme d’opérations arithmétiques à la place de la tenue d’une comptabilité régulière. Dans
les UDMS, malgré l’existence d’une équipe technique avec l’UTG, des tableaux de bilan annuel
sont produits à la place des états financiers requis. Le tout est complété par des journaux de
banques et de caisse, quand ils sont tenus, et des pièces justificatives d’encaissement et de
décaissement (pièces de caisse, factures, factures de prestations, de fonctionnement) souvent
non exhaustifs63.
 Non effectivité du contrôle des prestations
Le contrôle des prestations constitue l’une des obligations les plus importantes des
organisations mutualistes car devant garantir l’effectivité et la qualité des soins prodigués à
leurs bénéficiaires. Toutefois, les mutualistes soulignent les limites objectives qui ne leur
permettent pas d’y procéder : manque de personnel et de qualifications dans ce domaine,
particulièrement en l’absence de médecins-conseils pouvant assurer le contrôle médical.
Ainsi, plusieurs d’entre eux ont déploré leur faible maitrise des éléments de facturation des
structures de prestations qui fait qu’ils ne sont pas en capacité de remettre en question les
montants des factures même s’il arrive qu’ils suspectent ou décèlent des cas de fraudes comme
cela s’est produit dans certaines localités. Il en est ainsi d’un cas signalé à Matam où l’Infirmier
Chef de Poste (ICP) de la zone a réussi à soutirer à la MS plus de deux (2) millions avant

62
Alinéa 1 de l’article 54 du Règlement n° 7 de l’UEMOA sur la mutualité sociale
63
Voir rapports de missions de vérification de la cellule d’audit et du contrôle interne de l’ACMU
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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l’intervention d’une mission de contrôle médical diligentée par le SR qui a découvert les fraudes
effectuées. Dans le tableau suivant, l’analyse des rapports des quelques missions de contrôle
médical sur site, effectuées par les services de l’Agence au profit de quelques structures
mutualistes, fait ressortir les principaux cas de prestations illégalement facturées par les
prestataires.
Tableau 16 : Cas de prestations illégalement facturées aux organisations mutualistes

Structure Région/Département Prestataire Prestations irrégulières Période contrôlée


MS Nafaa Kédougou PS de Dalaba Médicaments non délivrés (20/21 patients) Avril-juin 2019
Pharmacie privée Demande de remboursement de produits Juin 2019
exclus
MS Niokhondema de Kédougou CS Kédougou Doublons de factures Avril-Juin 2019
Bandafassi Médicaments/Analyses non précisés
MS de Djokere endam Kédougou Pharmacie Keneya Abus de prescriptions Octobre 2018
de Dindefelo Demande de remboursement de produits Mars 2019
exclus
MS Niokhondema de Kédougou Pharmacie privée Demande de remboursement de produits Mai-Juillet 2019
Bandafassi exclus
MS Sante Yalla Thiès/Mbour PS de Château Consultations non effectuées Oct.-Novembre 2019
d’eau Nord
MS Fagaru de Yarakh Dakar CS Tarification élevée Avril 2018
UDMS Rufisque Dakar/Rufisque Hôpital d’enfants de Tarification élevée Avril 2018
Diamniadio
MS Aar sa jaboot Fatick Pharmacie privée Abus de prescriptions Mai-Juin 2018
Demande de remboursement de produits
exclus
Médicaments délivrés (plus chers) non
conformes à l’ordonnance
Absence d’ordonnance pour certaines factures
MS Niakhar Fatick Pharmacie privée Factures d’enfants de 0-5 ans Avril-Juin 2018
Médicaments délivrés (plus chers) non conformes à
l’ordonnance
Abus de prescriptions
Demande de remboursement de produits exclus
MS de Kahene Tambacounda PS Kanouma Surfacturation des médicaments (Ecart entre Oct.-Décembre 2018
les prix affichés et ceux facturés ; Facturation
des médicaments à 80% au lieu de 50%)
MS de Kouthiaba Tambacounda PS de Kouthiaba Médicaments facturés sans bon de commande Mars 2018
Wolof Wolof Médicaments facturés non retracés dans le
registre de sortie
MS du département de Tambacounda/ PS et CS District Consultations non effectuées 2018-2019
Koupentoum Koupentoum sanitaire de Médicaments facturés non retracés dans le
Koupentoum registre de sortie
UDAM Foundiougne Fatick/Foundiougne PS de Passy Prestations non effectuées (hospitalisations Sept.-Octobre 2018
facturées au lieu de consultations ; accouchements
non assistés facturés ; factures concernant des
bénéficiaires non enregistrés ; etc.)
MS de Bignona Ziguinchor/Bignona PS de Badiancoto Demande de remboursement de produits Mars 2018
exclus
Discordance âge/prescription
MS de Orefondé Matam PS de Orefondé Surfacturation des médicaments (Ecart entre les prix Janvier-Juin 2019
affichés et ceux facturés)
Demande de remboursement de produits exclus
Doublons de factures
MS de Sara Ndiougary Kaolack PS de Sara Abus de prescriptions Octobre 2017
Ndiougary Médicaments facturés (plus chers) non
conformes à ceux délivrés
Source : Rapports des Unités d’Assistance médicale des services régionaux et de la Direction du contrôle médical de l’ACMU

Toutefois, de manière générale, l’intervention du SR est assez rare alors qu’il serait souhaitable
d’étendre ses missions à l’appui des MS pour le contrôle médical. La création de la Direction
du contrôle médical et les nouvelles orientations déclinées dans le projet de note d’orientation

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sur le contrôle médical semblent aller dans ce sens64. Par ailleurs, le redéploiement des
médecins-conseils de l’Agence dans les services régionaux devraient permettre de matérialiser
cette option si leurs prérogatives sont élargies au-delà de l’assistance médicale.
 Absence de transmission des rapports annuels à l’ACMU
S’agissant du rapportage de leurs activités, la transmission obligatoire des rapports annuels
(technique, moral et financier) à l’ACMU n’est pas effective. Les organisations mutualistes
communautaires ne transmettent que les outils de collecte de données trimestriels remplis ainsi
que la liste de leurs bénéficiaires et des prestations lors des demandes de subventions. Elles ne
produisent pas de rapports détaillés avec des analyses sur leur situation et l’ACMU ne le leur
réclame pas.
Quant aux mutuelles d’envergure nationale, elles n’effectuent aucune reddition des comptes
auprès de l’Agence.
Cette situation associée à la faiblesse du contrôle et des sanctions de l’Agence (point suivant)
est à l’origine du laisser-aller dans le secteur mutualiste préjudiciable à sa professionnalisation
et à sa capacité de contribuer massivement à la réalisation de la CMU.
4.2. Les faiblesses du contrôle exercé sur les organisations mutualistes et l’absence de
sanctions
Aux termes du dernier alinéa de l’article 3 du décret 2015-21 du 07 janvier 2015 portant création
et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’ACMU, cette dernière est chargée
de contrôler le fonctionnement, la situation financière et la solvabilité des mutuelles sociales.
Cet audit a porté sur la vérification des contrôles des prestations des mutuelles pour s’assurer
qu’ils sont planifiés, appliqués et évalués. Il a été également vérifié si des actions efficaces sont
menées pour obliger les MS à appliquer les mesures correctives de manière diligente lorsque
des irrégularités sont constatées.
A l’examen, le contrôle exercé sur les MS se révèle être assez faible et ne donne pas lieu à des
sanctions ou mesures correctrices malgré les nombreuses irrégularités constatées. Ainsi, les
intérêts des adhérents continuent de ne pas être assez protégés.

4.2.1. Les faiblesses du contrôle des organisations mutualistes

La faiblesse des contrôles exercés sur les MS par l’ACMU s’explique par une mauvaise
organisation due à l’éclatement de la fonction de contrôle entre plusieurs services (voir infra
chapitre 5) et à une gestion des risques insuffisante.

4.2.1.1. L’éclatement inefficace de la fonction de contrôle

En l’absence d’un service responsable bien identifié, les missions de contrôle sont jusqu’ici
menées de façon conjointe par l’auditeur interne, la direction du contrôle médical qui a
remplacé la cellule qui était en place et la direction des opérations. Sont également associés aux
missions de contrôle : les autres directions, les SR, les UDMS ainsi que les agents de la région
médicale visitée.

64
Note d’orientation issue des travaux de l’atelier d’orientation sur le contrôle médical et d’élaboration du cadre de mise
en œuvre et des outils de la vérification sur site de l’effectivité des prestations, tenu du 07 au 10 mai 2019
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Cette façon de procéder engendre des coûts élevés pour une mission en termes de prise en
charge des frais de déplacement et de perdiems. De ce fait, elle ne permet pas de multiplier les
missions sur tout le territoire national afin de couvrir le plus grand nombre de MS.

De 2016 à 2019, seules quelques missions de contrôles des organisations mutualistes ont été
organisées. Celles-ci ont porté sur la vérification de la répartition et de l’utilisation des
subventions (URMS Dakar, 2016), de l’application des paramètres de la CMU (MS
Département de Saint-Louis, 2016), de la gestion administrative, financière et comptable
(UDMS, Région de Thiès, 2018/MS Département de Salémata, 2019/UDMS de Fatick, 2019).

En revanche, la DO organise de manière périodique et conjointement avec les services


régionaux et les unités techniques de gestion des UDMS des missions appelées « supervision
formative ». Ces missions portent essentiellement sur la bonne tenue des outils de gestions par
les administrateurs de mutuelles et ne débouchent généralement que sur des recommandations
visant à améliorer la gestion.

Pour éviter cette dispersion, réduire les coûts et couvrir le plus grand nombre d’organisations
mutualistes, des innovations sont en train d’être apportées, selon la direction du contrôle
médical, à travers l’organisation de missions de longue durée (10 jours par exemple), par pôle
géographique et en mettant à contribution les ressources humaines trouvées au niveau local.

Mais, qu’il s’agisse des contrôles ou des supervisions, il reste constant que les mutuelles
couvertes sont encore peu nombreuses et celles d’envergure nationale ne sont jamais
concernées.

4.2.1.2. Les insuffisances dans la gestion des risques et l’utilisation des


outils de contrôle

La cartographie et la gestion des risques sont des exercices essentiels dans le management d’une
organisation et de ses activités. Elle permet d’identifier les domaines vulnérables mais à fort
impact sur le fonctionnement de l’entité ou l’atteinte des résultats attendus afin de pouvoir
toujours mettre en œuvre des mesures de mitigation. Elle doit guider la planification de toute
mission de contrôle.
Au niveau de l’ACMU, la préparation des missions de contrôle n’est pas assujettie à
l’identification des risques et il n’existe pas de cartographie des risques selon les responsables
interrogés. Cette situation ajoute à l’inefficacité des contrôles effectués.
Cependant, selon l’auditeur interne, pour la programmation des missions, ils se basent très
souvent sur les feedbacks des services régionaux lorsque ces derniers suspectent des pratiques
irrégulières au niveau des organisations mutualistes. La planification des missions et
l’identification des foyers de risques se fait sur la base d’un échantillonnage effectué par leurs
soins. De plus, selon le Directeur général, il est tenu compte du volume financier global des
subventions attribuées durant une période déterminée par l’audit.
Par ailleurs, même si des termes de référence sont préparés pour orienter l’équipe de la mission,
ceux-ci ne comportent pas un tableau d’analyse des risques. Ainsi, les contrôles sont souvent
fastidieux puisque tous les aspects sont examinés (gouvernance, gestion des adhérents et des
prestations, gestion administrative, comptable et financière).
Il s’y ajoute que lors de l’exécution des contrôles, des outils tels que des guides de contrôle ne
sont pas utilisés. Ainsi, les pratiques ne sont pas harmonisées afin de pouvoir déceler les
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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principales défaillances selon des normes applicables. La Direction du Contrôle médical a


signalé qu’elle est en train d’élaborer ces outils dans le cadre de ses nouvelles orientations pour
l’extension du contrôle médical au profit des organisations mutualistes. De même, la Division
du Contrôle administratif et financier des organisations mutualistes indique travailler sur un
projet de guide de contrôle bien que la direction privilégie les missions de supervision
formative.
Toutefois, dans ses réponses apportées à la Cour, le Directeur général indique que des outils
de contrôle sont déjà utilisés comme les questionnaires de contrôle interne, les feuilles de
révélations et d’analyse des problèmes (FRAP), l’outil de mesure du respect des paramètres
de la CMU, etc. Il ajoute par ailleurs, que compte tenu du faible niveau d’organisation des
organisations mutualistes, la quasi-totalité des cycles de gestion sont étudiées ; les tests
réalisés sur le respect des procédures de gestion, la gouvernance, la gestion administrative et
financière, qui sont pour l’essentiel reliées entre elles, nécessitent des vérifications
approfondies sur pièces et sur place pour pouvoir donner une opinion raisonnable et
raisonnée.
La Cour prend acte de l’existence d’outils de contrôle et des paramètres guidant la conduite des
missions. Elle invite à une meilleure diffusion et utilisation de ces outils par toutes les entités
impliquées dans le contrôle des MS.
4.2.2. L’absence de sanctions et de mesures correctrices malgré les irrégularités
constatées
Plus que les insuffisances dans la planification et l’exécution des contrôles, c’est la non
application de sanctions et de mesures correctrices qui rend inopérant le contrôle effectué par
l’ACMU sur les organisations mutualistes. Les recommandations émises, qui n’ont aucun
caractère injonctif, n’ont généralement pas de suite formalisée à travers des correspondances
officielles permettant d’apprécier la volonté de l’Agence de s’assurer de la mise en œuvre de
celles-ci.
Les responsables de l’Agence avancent qu’ils privilégient la dimension « formative » en ayant
une démarche pédagogique pour la correction sur place des lacunes constatées au lieu de la
répression qui les obligerait à suspendre ou retirer l’agrément à la majeure partie des MS et
organisations faitières ; ce qui serait préjudiciable à la politique de massification des
adhérents65. En effet, le règlement n°07/2009/CM/UEMOA sur la mutualité sociale prévoit les
sanctions suivantes en cas de manquements :
 Avertissement, injonction de régularisation, suspension des dirigeants et suspension
provisoire de l’agrément : non production des états financiers et documents
comptables ; non tenue des instances statutaires ; non-respect des règles comptables et
prudentielles durant un exercice ; communication volontaire de fausses informations ;
défaut d’adhésion ou l’absence de versement au fonds national de garantie de la
cotisation appelée
 Retrait de l’agrément : pratique d’activité contraire à l’objet de la mutualité sociale ou
de la structure faitière ; non démarrage des activités dans l’année qui suit l’octroi de
l’agrément ; cessation pendant un an ; fusion ou scission intervenue en violation des
dispositions du règlement n°07 de l’UEMOA ; non-respect des règles prudentielles sur

65
Le retrait de l’agrément emporte en plein droit la dissolution de la mutuelle ou de l’organisation faitière (cf. article 84 du
Règlement n° 7/2009/CM/UEMOA)
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deux exercices ; non production pendant deux années consécutives des états financiers ;
faillite constatée.
Compte tenu des irrégularités relevées lors des missions effectuées précédemment et notées
dans le tableau suivant, les sanctions prévues auraient dû être appliquées en guise
d’avertissement aux autres MS puisque lesdites irrégularités ont tendance à se généraliser.
Tableau 17 : Irrégularités dans les MS relevées par les missions de contrôles de l’ACMU

Domaine Type d’irrégularité Recommandations


Gestion administrative  Absence d’agrément  Appuyer la constitution des dossiers d’agrément
 Absence de siège et élaborer le budget prévisionnel
 Non-respect de la tenue des instances  Coopter des personnes parmi les relais et acteurs
statutaires (absence des membres) de développement (ex : Badienou Gokh) pour
 Absence de PV de réunions suppléer les administrateurs non actifs
 Absence de gérant  Appuyer la tenue des AG et CA
 Renforcer les capacités des membres des CA
 Promouvoir le recrutement de gérants

Gestion financière  Non remplissage des registres de gestion  Plaidoyer pour le recrutement de gérants
financière  Formation des gestionnaires pour l’utilisation des
 Non mise à jour des journaux de caisse et journaux de caisse et de banque
de banque  Elaboration de tickets de reçu pour chaque
 Absence de pièces justificatives de produit (adhésion, cotisation, etc.)
dépenses  Conservation, classement par ordre
 Non reversement de sommes collectées chronologique et archivage des pièces
 Dépenses non justifiées justificatives
 Détournement de fonds  Mise en place d’un dispositif d’assistance
 Dépassement du ratio de dépenses de technique
fonctionnement (20% des ressources)

Gestion comptable  Non-conformité au manuel de procédures


 Systématiser la participation du RAF du service
 Non production d’états financiers régional aux arrêtés de caisse trimestriels et
annuels
 Procéder à la formation des RAF pour un suivi
régulier des opérations comptables
Source : Rapports de contrôle des organisations mutualistes par les services de l’ACMU

Recommandation n°8 : La Cour demande au Ministre du Développement communautaire,


de l’Equité sociale et territoriale à :
 prendre les dispositions nécessaires pour permettre au Sénégal de se conformer au
règlement n°7/2009/CM/UEMOA sur la mutualité sociale notamment, par la mise en
place de l’organe administratif de la mutualité sociale.
Recommandation n°9 : La Cour demande au DG de l’ACMU de :
 tenir le Registre national d’immatriculation des mutuelles sociales conformément
aux normes communautaires ;
 prendre les dispositions nécessaires pour assurer la conformité des organisations
mutualistes à la réglementation communautaire et leur contrôle régulier dans une
approche de gestion des risques ;
 appliquer les sanctions prévues par la réglementation en vigueur en cas
d’irrégularités relevées auprès des organisations mutualistes pour la préservation des
intérêts des adhérents et bénéficiaires.
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Chapitre 5 : L’ACMU, un dispositif d’appui et d’encadrement à améliorer dans son


fonctionnement
L’Agence a été mise en place suite au constat des limites sur le plan institutionnel, financier et
technique de la Cellule d’Appui à la CMU (CACMU) créée en 2013 au niveau du cabinet du
ministre de la santé et de l’action sociale pour la mise en œuvre du programme de la CMU.
Dans l’étude d’opportunité et d’impact qui a été produite préalablement à sa création
conformément à la loi d’orientation n°2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution, il
est indiqué que la CACMU, ne bénéficiant pas de l’autonomie de gestion et souffrant de
l’insuffisance des ressources humaines et financières, n’avait pas pu accompagner le processus
de réalisation des objectifs fixés au niveau opérationnel pour la multiplication des MS.
Par conséquent, l’ACMU a été dotée des capacités propres à lui permettre de pallier les
faiblesses institutionnelles de la CACMU à travers notamment, l’autonomie juridique et
financière, la capacité à se doter des ressources humaines en nombre et en qualité pour remplir
adéquatement ses missions ainsi que la possibilité de déployer ses services au niveau
déconcentré.
A cet égard, la Cour a vérifié si elle avait mis en place l’organisation appropriée et les ressources
adéquates pour la mise en œuvre de la stratégie de développement de l’assurance maladie à
base communautaire.
Les travaux réalisés permettent de conclure que l’ACMU, en tant que dispositif d’appui et
d’encadrement du système mutualiste, manque encore d’efficacité et d’efficience et doit mieux
définir les missions dévolues à ses services, renforcer ses interventions particulièrement au
niveau local ainsi qu’optimiser la gestion de ses ressources humaines pour une meilleure prise
en charge de ses missions.
5.1. Une organisation bien structurée mais avec quelques insuffisances dans le
fonctionnement
En juin 2018, une réorganisation des services est proposée par le BOM à la suite d’un audit
organisationnel commandité par la direction générale en vue de remédier aux
dysfonctionnements notés et inscrire l’Agence dans une dynamique de performance.
La réforme organisationnelle qui a suivi s’est traduite par l’adoption d’un nouvel organigramme
représenté par la figure n°4 ci-dessous.
Toutefois, quelques insuffisances relevées dans l’attribution des compétences au niveau central
et la faiblesse des moyens d’intervention au niveau déconcentré pourraient entraver la bonne
mise en œuvre de ses missions.

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Figure 15 : Organigramme de l’ACMU

Auditeur interne

Directeur général Contrôleur de gestion

Chargés de Mission

Cellule de passation des


marchés
Secrétaire général Conseillers
Bureau du Courier

Archives et documentation

Direction des opérations Direction du contrôle Direction des affaires DAF DPERSE DSI Agence comptable
- Contrôle AF des org. mut. médical juridiques et des partenariats - Budget et finances - Planification - Etudes et
- Appui aux mutuelles - Médecine - Réglementation et - Administration - Etudes - Dépenses
développement
- Groupes vulnérables et PI - Pharmacie et analyses contentieux - Ressources - Suivi-évaluation - Réseaux et - Comptabilité
- Marketing social - Qualité des soins - Contractualisation et humaines support
- Traitement des factures partenariats

Source : ACMU

5.1.1. Au niveau central, des chevauchements de compétences entre les services


La réforme organisationnelle s’est traduite principalement par :

- la création de la Direction des Opérations issue de la fusion de la Direction de


l’Assurance Maladie (DAMA) et de la Direction de l’Assistance médicale (DAME) ;
- la création de la Direction du contrôle médical et de la Direction des Services
informatiques à la place des cellules qui existaient ;
- la création de la Direction des Affaires juridiques et du Partenariat à la place de la
fonction de Conseiller juridique du DG;
- la création de la Cellule de l’Audit et du contrôle qui a remplacé la Cellule du contrôle
général ;
- la suppression de la Direction de la Communication et du Marketing dont les missions
ont été éclatées entre la division du marketing social rattachée au DO et les Conseillers
techniques chargés de la communication institutionnelle et des relations publiques.

Toutefois, cette réforme organisationnelle n’a pas été accompagnée d’une clarification des
missions dévolues aux nouvelles structures dans la mesure où seul le schéma de
l’organigramme a été adopté. Aucun acte réglementaire n’a été expressément pris pour fixer les
attributions et aucune lettre de mission n’a été délivrée. De plus, le manuel d’organisation et
celui relatif aux procédures administratives, financières et comptables adoptés en 2018 n’ont
pas été mis à jour.
De la sorte, la mise en place de ces nouvelles entités laisse apparaître des cas de chevauchements
dans les attributions qui affectent particulièrement l’exercice des fonctions de contrôle et de
communication. Du reste, il a été déjà souligné le manque de clarification par rapport à la
responsabilité de la gestion des partenaires de l’Agence toujours sous la responsabilité de la
DPRESE alors que revendiquée par la Direction des Affaires juridiques et du Partenariat (voir
supra chapitre 2).

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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S’agissant de la fonction de contrôle, elle est éclatée entre trois services ainsi qu’il suit :

- La Direction des Opérations à travers la Division du contrôle administratif et


financier des organisations mutualistes chargée de contrôler le fonctionnement, la
situation financière et la solvabilité des mutuelles ;
- La Direction du Contrôle médical chargée, entre autres, du contrôle de la régularité
des factures et du respect des tarifs et du contrôle de la qualité des prestations
fournies par les structures sanitaires ;
- La Cellule de l’Audit et du Contrôle qui abrite deux fonctions ayant des points
communs mais aux finalités différentes et incompatibles : le contrôleur de gestion,
qui en est le coordonnateur, a pour mission de conseiller et d’aider la direction
générale à prendre des décisions ainsi qu’à contrôler les activités. Quant à l’auditeur
interne, il est chargé de s’assurer de la conformité et de l’efficacité du système de
contrôle et d’audit de l’Agence mis en œuvre pour couvrir les risques encourus par
l’organisation. Il est à, cet effet, chargé d’assurer la vérification administrative,
financière et comptable des services déconcentrés de l’Agence, des mutuelles de
santé et autres organisations mutualistes. Au regard des normes internationales
d’audit, l’auditeur interne doit avoir un positionnement dans l’organisation
permettant de garantir son indépendance, son objectivité et le respect des principes
déontologiques concernant la conduite des missions66. La situation de la cellule est
donc anormale et a été signalée par le BOM qui avait préconisé la séparation des
fonctions de contrôle de gestion et d’auditeur interne ; la recommandation n’a pas
été appliquée bien que matérialisée sur le schéma du nouvel organigramme.
Concernant la fonction de communication, son éclatement entre plusieurs personnes et services
fragilise son positionnement institutionnel, l’allocation de ressources appropriées et la mise en
œuvre efficace de cette mission essentielle attribuée à l’ACMU par l’article 6 du décret 2015-
21 qui indique qu’elle est chargée de « développer des stratégies de communication pour la
promotion de la CMU ».

La Cour a constaté que chaque service avait élaboré une note interne pour déterminer son
mandat rendant ainsi urgent l’adoption de mesures adéquates pour la définition des missions
des structures par la direction de l’Agence.

5.1.2. Les SR, une belle vitrine de la CMU avec de faibles capacités d’intervention
et d’encadrement
Les services régionaux constituent les structures opérationnelles chargées de la mise en œuvre,
de l’accompagnement et du suivi des politiques et stratégies définies pour la CMU.
A ce titre, ils sont chargés :
- d’appuyer le développement et la promotion des mutuelles, en collaboration avec les
autorités locales au niveau de chaque collectivité locale ;
- d’appuyer les mutuelles dans la constitution des demandes d’agrément ;
- de former les acteurs, rendre professionnelles les mutuelles et mettre en œuvre un
programme d'actions de communication et de sensibilisation en direction des
populations cibles ;

66
Voir les Normes internationales pour la pratique professionnelle de l’audit interne, Edition 2017, Institute of Internal
Auditors (Association mondiale des professionnels de l’audit interne)
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- de mise en place d’un partenariat effectif entre les mutuelles de santé


communautaires, les services techniques déconcentrés, les collectivités locales et les
partenaires ;
- de faire des supervisions régulières auprès des structures mutualistes, des structures
de prestations de soins et assurer la planification au niveau opérationnel ;
- d’assurer le suivi et l’évaluation de la CMU ;
- d’appuyer la mise en place des unions départementales et régionales des mutuelles
de santé et appuyer l’élaboration et à la mise en place de conventions-cadres pour
harmoniser les pratiques contractuelles entre les mutuelles et les structures
prestataires de soins ;
- de contrôler et suivre la facturation des prestataires de soins ;
- d’appuyer la collecte, l’analyse, la pré validation et la remontée des données au
niveau central ;
- de participer au processus d’identification et d’enrôlement des personnes indigentes
ou vulnérables.
Mis en place en 2016, les SR de l’ACMU ont joué un rôle important dans l’extension et le
renforcement du système mutualiste et sont aujourd’hui bien implantés et installés. Dans les
régions que la mission d’audit a visitées (Fatick, Louga, Matam, Sédhiou et Thiès), ils sont
parmi les services administratifs les mieux lotis car situés dans des bâtiments souvent modernes
et spacieux et bien équipés en matériels bureautiques. Pourtant, leur efficacité réelle est sujet à
caution au regard de leurs moyens d’intervention limités sur le plan humain, matériel et
financier.
Cette situation est à l’origine d’une appréciation négative quasi généralisée de l’utilité des SR
par les responsables mutualistes. Les reproches les plus fréquents sont l’absence
d’encadrement, l’absence d’appui financier et logistique pour la réalisation des activités, les
relations distantes avec les MS qui ne sont rencontrées que lors des missions de supervision
formative initiées par le niveau central.
5.1.2.1. La faiblesse des ressources humaines des SR
Les SR sont animés par les chefs de services assistés par les responsables de quatre unités
(assurance maladie, assistance médicale, communication et marketing, administration et
finances), chacune rattachée sur le plan fonctionnel à une direction au niveau central. Dans les
faits, les unités susmentionnées ne sont occupées que par le seul responsable désigné. Un agent
de service et un chauffeur complètent souvent l’effectif sauf à Dakar où celui-ci est beaucoup
plus important (16 agents) car organisé en deux pôles (Dakar-Guédiawaye et Pikine-Rufisque).
En dehors de Dakar, il n’est pas tenu compte des besoins spécifiques des régions pour
l’affectation du personnel.
Ces dernières années, des notes de service ont été prises par le DG pour affecter à d’autres
postes plusieurs agents des SR, ce qui a contribué à dégarnir quelque peu les effectifs.
Également, tous les responsables d’unité assistance médicale (RUAME) ont été rappelés au
niveau central dans le cadre de la mise en place de la Direction du contrôle médical alors que
leurs interventions au niveau local devraient même être étendues à l’appui aux organisations
mutualistes en tant que médecins-conseils. Toutefois, la Cour a constaté qu’en octobre 2020 et
suite à un mouvement d’humeur des médecins qui occupaient ces fonctions précédemment, une
nouvelle note de service a été prise pour les nommer au niveau régional dans des unités dites
du contrôle médical.
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Ainsi, alors qu’en tant qu’agence d’exécution, l’ACMU devait renforcer ses unités
opérationnelles, il est constaté qu’elle concentre au niveau central 114 agents sur 203 soit 56%
de l’effectif alors que les 14 SR se partagent 89 agents, soit 44% de l’effectif.
Tableau 18 : Répartition du personnel de l’ACMU entre le siège et les services régionaux en 2019
Lieux d’affectation Effectifs
CMU siège 114
Dakar 16
Thiès 6
Saint Louis 8
Diourbel 6
Kaolack 5
Ziguinchor 5
Kédougou 6
Kaffrine 4
Matam 6
Tambacounda 7
Louga 5
Kolda 5
Fatick 5
Sédhiou 5
Total 203
Source : Direction de l’Administration et des Finances – ACMU

Pourtant, l’analyse de la structure du personnel montre une forte présence d’agents d’appui et
de service au niveau du siège dont l’utilisation aurait pu être beaucoup plus efficiente au niveau
opérationnel des SR. Il est également noté l’emploi de plusieurs stagiaires rémunérés par une
ligne budgétaire dotée de près de 20 millions.
A ce sujet, le DG de l’Agence signale que les moyens humains ainsi que leur répartition entre
le siège et les SR sont prévus par l’organigramme et le plan de recrutement adoptés en 2016
par le Conseil de surveillance.
Cependant, la Cour relève que ces instruments de gestion n’excluent pas adaptation au contexte.
Par ailleurs, la faiblesse des ressources humaines dans les SR ne s’apprécie pas seulement au
regard du nombre d’agents mais également au regard des limites de leurs qualifications dans le
domaine de l’assurance maladie en particulier.
Le cas des RUAMA est plus préoccupant car l’exigence qui est faite dans le manuel
d’organisation d’avoir une expérience d’au moins 3 ans dans le domaine de la santé
communautaire et des connaissances de l’environnement et de la réglementation sur les
mutuelles sociales n’est souvent pas respectée alors que ces agents sont chargés dans la pratique
d’assurer toutes les taches concernant l’encadrement et le contrôle des organisations
mutualistes.
5.1.2.2. La faiblesse des ressources financières des SR
La gestion des ressources financières est centralisée au niveau de la Direction de
l’Administration et des Finances qui met à la disposition des SR les fournitures et matériels
nécessaires à leur fonctionnement. Les quelques activités menées, souvent avec une mission
venant du siège (formation, supervision formative, etc.), sont financées directement par la DAF
à travers un montant libéré par chèque remis aux responsables administratifs et financiers
(RAF), chargés de l’exécution des dépenses.
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Pour le fonctionnement au quotidien, les SR ne disposent que d’une caisse d’avance d’un
plafond de 500 000 FCFA destinée à prendre en charge de menues dépenses (eau, électricité,
menus travaux, réparations, restauration, etc.) et dont les montants unitaires ne peuvent excéder
50 000 F CFA.
Les RAF, gestionnaires des caisses, peuvent demander leur réapprovisionnement lorsqu’ils
atteignent le seuil de 50 000 francs et après justification des dépenses effectuées. Selon le
niveau du réapprovisionnement, les SR disposent durant l’année entre 800 000 et 1 000 000
FCFA.
Ils ne peuvent donc compter sur aucun moyen financier, hormis les quelques appuis des PTF,
pour mener à bien les activités inscrites dans leurs PTA ni apporter un soutien conséquent aux
organisations mutualistes. Le seul appui qu’ils peuvent apporter à ces dernières est d’ordre
matériel à travers la mise à disposition occasionnelle du véhicule pick up du service et un
matériel de sonorisation pour des activités de communication de proximité supra (voir supra
chapitre 2). Il faut noter que le véhicule sert au chef de service et aux agents pour toutes leurs
activités, ce qui constitue déjà une limite dans son utilisation.
Devant ce manque de moyens surtout dans les régions couvrant une grande superficie et avec
des difficultés d’accès comme Louga (24 889 km2) et Matam (29 445 km2), le personnel des
SR est désœuvré et démotivé et ressent beaucoup de frustrations, particulièrement les RUAMA
et les chargés de communication, pour ceux qui sont encore en poste.
En définitive, comme souligné par le BOM dans son rapport d’audit, « l’option de couvrir le
territoire national au moyen de services régionaux… exige en contrepartie une claire définition
des rôles et responsabilités entre la périphérie et le centre, et la mise à disposition de moyens
adéquats à tous les niveaux ».
Au regard de cette situation et de la nécessité de renforcer les interventions sur le terrain, nous
considérons que cette recommandation du BOM devrait être mise en œuvre. Par ailleurs, en
conformité avec les orientations de la Charte de la déconcentration67, notamment la
rationalisation et la mutualisation des services déconcentrés une meilleure collaboration
pourrait être établie avec les services déconcentrés des ministères chargés de la santé et du
développement communautaire, particulièrement, de la Direction générale de l’Action sociale
(DGAS) et de la DGPSSN, en vue d’optimiser les moyens avec ces services qui poursuivent
des missions voisines à celles de l’ACMU.
A ce sujet, le MDCEST informe de la mise en place d’un comité conjoint avec le ministère
de la santé et de l’action sociale présidé par les deux secrétaires généraux des ministères.
Plusieurs discussions ont déjà eu lieu portant sur différents sujets. Les concertations seront
renforcées et un arrêté interministériel sera pris au plus vite pour formaliser le partenariat
entre l’offre de soins (MSAS) et la demande de soins des populations (MDCEST). Il en est
de même avec la DGPSSN.
Par ailleurs, dans le cadre du décret portant organisation du ministère, il a été mis en place
des directions régionales qui assurent, entre autres, la coordination entre les services relevant
de sa tutelle. Il est également envisagé la mise en place de plateformes sur la protection
sociale qui seront élargies aux autres acteurs.
La Cour prend acte.

67
Décret n° 2020-1784 portant Charte de la déconcentration
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5.2. Les limites dans l’encadrement des organisations mutualistes


Dans le cadre de sa mission de promotion des MS, l’ACMU doit assurer l’encadrement des
acteurs et organisations mutualistes. Cependant, nous avons constaté quelques insuffisances
dans ce domaine, s’agissant notamment de l’accompagnement à travers l’utilisation de
procédures normalisés.
Ainsi, s’agissant de l’application du plan comptable des MS édicté par l’UEMOA, l’Agence a
produit un plan comptable simplifié en tenant compte des faibles capacités de gestion des MS
communautaires, de même qu’un manuel de procédures administratives et financières des
organisations mutualistes. Cependant, ces documents sont peu connus et utilisés ; ce qui appelle
une meilleure vulgarisation et appropriation.
Sur un autre plan, elle a élaboré des conventions-types afin d’une part, de faciliter la
contractualisation des organisations mutualistes avec les structures de prestation de soin de
santé et d’autre part, permettre une bonne prise en charge des intérêts des mutualistes et de leurs
bénéficiaires. Ces conventions, qui ont un caractère très générique en vue de permettre leur
adaptation, sont très utilisées. Toutefois, elles ne sont pas très explicites par rapport à la prise
en charge de questions essentielles telles que les tarifs à pratiquer, les modalités de délivrance
des paquets de services y compris les médicaments ainsi que les exclusions en l’absence d’une
tarification forfaitaire comme pratiquée au niveau des UDAM.
Ces questions constituent souvent les principales causes de mésentente entre les organisations
mutualistes et les prestataires et ont également, une incidence importante sur la qualité de la
prise en charge des adhérents ainsi que sur les montants des factures adressées aux organisations
mutualistes à cause des abus et fraudes. Elles devraient, donc, donner lieu à des orientations
plus claires en vue de leur bonne prise en charge dans la procédure de contractualisation.
Par ailleurs, au niveau local, la Cour a relevé plusieurs pratiques disparates des SR ; d’un service
à l’autre, les façons de faire et les normes applicables peuvent changer.

A titre d’illustration, dans une des régions visitées, une tutelle excessive est exercée sur les
organisations mutualistes par le chef de service. Il considère, par exemple, qu’il lui faut assister
à la tenue des AG des organisations mutualistes pour éviter des irrégularités comme l’élection
des élus locaux dans les bureaux exécutifs. Cette attitude n’est en rien conforme à la
règlementation qui confère la personnalité juridique et l’autonomie de gestion aux MS et
n’interdit pas aux élus locaux d’en être membres ni d’y exercer des responsabilités.
Dans d’autres SR, ce sont des injonctions non justifiées qui sont faites aux mutualistes sur
différentes questions comme les modalités d’enrôlement des BSF, de perception des cotisations
ou de prise en charge des bénéficiaires.
5.3. Une efficience limitée dans la gestion des ressources humaines
L’ACMU a démarré ses activités au milieu de l’année 2015 avec la mise en place de son budget.
Dès lors, la Direction générale s’est attelée à se doter de ressources humaines qualifiées compte
tenu de la complexité de la mission et du délai court fixé en 2017 pour atteindre la cible de 75%
de la population couverte contre le risque maladie.
Dans un premier temps, c’est une équipe restreinte de fonctionnaires provenant en grande partie
de l’ancienne CACMU qui a été mise en place. Avec l’adoption des plans de recrutement en
2016 et 2017 par le Conseil de surveillance, la majeure partie du personnel était en place à la
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fin de l’année 2017, mais celui-ci n’a pas cessé d’augmenter depuis lors. Cependant, il n’a
jamais été procédé à un appel à candidatures pour recruter les membres du personnel. Comme
le relève le BOM dans son rapport et confirmé par nos travaux, « le personnel de l’Agence n’a
pas été recruté sur la base de procédures formalisées »68.
Ainsi, bien qu’on note un grand nombre de spécialistes de la santé (médecins et diplômés en
management de la santé), du développement communautaire, de la communication, de la
planification etc., l’Agence ne compte pas de spécialistes dans certains domaines de l’assurance
maladie, qui requièrent des compétences particulières tels que les finances et l’actuariat. Aussi,
ces domaines devraient-ils être mieux pris en charge à travers la formation des agents.
Pourtant, les niveaux de rémunération élevés auraient pu lui permettre de se doter de ces
spécialistes. En effet, avec une moyenne des salaires de 1 038 000 F CFA, elle consacre des
ressources conséquentes et en constante progression à ses ressources humaines, ce qui a amené
les membres du conseil de surveillance à demander à plusieurs reprises une rationalisation des
charges de personnel.
Tableau 19 : Evolution des dépenses de personnel de 2015 à 2019 en FCFA

Rubriques 2015 2016 2017 2018 2019


Budget général (hors PTF) 15 922 123 055 19 241 514 211 17 562 842 076 13 818 964 078 20 863 088 586
Budget de fonctionnement hors 2 290 158 077 4 116 416 429 4 128 262 467 3 715 236 437 4 732 267 124
subventions
Charges de personnel 1 423 297 403 1 958 380 006 2 560 106 315 2 442 486 437 2 761 161 249
Ratio charges de personnel sur 8,94% 10,18% 14,58% 17,67% 13,23%
budget général
Ratio charges de personnel sur 62,15% 47,57% 62,01% 65,74% 58,35%
budget de fonctionnement
Source : Budgets approuvés de l’ACMU

Par ailleurs, l’Agence ne s’est pas dotée d’une grille salariale détaillée. Les salaires sont basés
sur les fonctions et non les emplois et sont formulés en salaire global ; cela ne permet pas de
distinguer le salaire de base selon la catégorie professionnelle des autres éléments de
rémunération (indemnité, primes, etc.) et de prévoir une évolution des carrières au sein de
l’agence69, excepté les promotions à des fonctions supérieures. Ainsi, le conseil de surveillance
a demandé à la direction générale de préparer une grille salariale selon les normes lors de
l’approbation de l’accord d’établissement.
Il conviendrait, cependant, de l’associer à une politique plus globale de gestion des ressources
humaines (RH) incluant plan de gestion des carrières et renforcement des capacités.
Le DG de l’Agence, tout en soulignant que l’accord d’établissement contient déjà des
dispositions importantes sur la politique RH notamment la mobilité, le traitement des
indemnités, l’évaluation du personnel, le traitement des départs à la retraite, le traitement
des agents de la fonction publique, le recrutement, la formation, les départs négociés, etc.,
abonde dans le même sens que la Cour.
A ce titre, la Cour encourage l’ACMU à poursuivre les réformes en vue de l’adoption d’une
politique efficiente de gestion des ressources humaines.

68
BOM, Ibidem, p.26
69
Ibidem, p.31
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Recommandation n°10 : La Cour invite le Ministre du développement communautaire, de


l’Equité sociale et territoriale à :
 prendre en rapport avec le Ministre de la Santé et de l’Action sociale, les mesures
appropriées en vue de favoriser une meilleure coordination des interventions des
services régionaux de l’ACMU, de la DGPSSN et de la DGAS.
Recommandation n°11 : La Cour recommande au Président du Conseil de surveillance de
l’ACMU de :
 veiller au renforcement des ressources allouées aux services régionaux pour
améliorer l’efficacité de leurs interventions.
 veiller à la mise à jour des documents de normalisation des pratiques de gestion
tels que le manuel d’organisation et le manuel de procédures administratives,
financières et comptables en accordant une attention particulière à la clarification
des attributions des services et à la séparation des fonctions de contrôle de gestion
et d’audit interne.
Recommandation n°12 : La Cour recommande au DG de l’ACMU de :
 prendre les mesures nécessaires pour renforcer les moyens humains, financiers et
matériels des SR et mieux encadrer sur le plan réglementaire leurs interventions ;
 renforcer le dispositif d’encadrement des activités des organisations mutualistes
particulièrement dans le domaine de la contractualisation ;
 adopter une politique de gestion des ressources humaines prenant en compte la
mobilité et le renforcement de capacités.

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Chapitre 6 : Une gestion des subventions mal encadrée, peu efficace et efficiente
Les ressources budgétaires de l’Agence de la CMU s’élèvent à près de vingt (20) milliards
FCFA par an et représentent plus de 10% du budget de l’Etat alloué au secteur de la santé,
traduisant un effort important du gouvernement pour une mise en œuvre effective de la CMU.
En effet, pour la même mission, la CACMU avait bénéficié d’un budget de fonctionnement de
87 551 000 FCFA en 2013 et 2014.
Les montants dédiés aux initiatives de gratuité et aux subventions représentent plus de 85% des
ressources ; les subventions seules représentent plus de 35% des ressources comme indiqué ci-
dessous :
Tableau 20 : Budgétisation des subventions de 2015 à 2019 en FCFA
Rubriques 2015 2016 2017 2018 2019 Total période
Budget général (hors PTF) 15 922 123 055 19 241 514 211 17 562 842 076 13 818 964 078 20 863 088 586 87 408 532 006

Ratio Subventions sur budget total 22,62% 41,83% 35,17% 37,52% 31,45% 34%
Subventions aux MS 3 601 000 000 8 048 083 160 6 177 280 787 5 184 280 787 6 562 470 933 29 573 115 667
Dont :
Subventions des cotisations des bénéficiaires 1 500 000 000 3 255 007 666 3 057 556 088 2 514 876 256 2 800 000 000
des MS (à hauteur de 50%) 13 127 440 010

Subventions aux MS pour la prise en charge 2 050 000 000 4 081 822 494 1 354 904 531 1 391 904 531 2 500 000 000 11 378 631 556
des ménages bénéficiaires du PNBSF (à
hauteur de 100%)
Subventions aux MS pour la prise en charge 51 000 000 51 000 000 70 000 000 70 000 000 70 000 000 312 000 000
des indigents autres que les bénéficiaires du
PNBSF (à hauteur de 100%)

Subventions aux MS (Unité technique de 0 264 000 000 817 500 000 1 017 500 000 1 012 470 933 3 111 470 933
gestion et AG) ou subventions de
fonctionnement
Subventions aux autres institutions 0 364 253 000 100 000 000 120 000 000 110 000 000 694 253 000

Autres subventions 0 50 000 000 70 000 000 70 000 000 70 000 000
260 000 000

Source : Budgets initiaux approuvés de l’ACMU

La Cour s’est intéressé aux subventions versées aux organisations mutualistes en excluant les
subventions aux autres institutions (accordées en particulier au Ministère du Travail, du
Dialogue social, des Organisations professionnelles et des Relations avec les Institutions) et les
autres types de subvention (Bénéficiaires divers autres que les MS). Ainsi, il a été vérifié si
l’Agence de la CMU octroie les subventions de façon transparente et efficiente et contrôle les
prestations des mutuelles de santé en vue de garantir leur accès équitable et leur effectivité pour
tous les bénéficiaires.
L’examen de la gestion des subventions durant la période sous revue laisse apparaitre plusieurs
dysfonctionnements de nature à entraver leur efficacité et leur efficience.
Le constat est que l’octroi des subventions aux mutuelles n’est ni transparent, ni équitable en
raison du manque de critères clairement établis et communiqués aux acteurs et que le processus
hasardeux de gestion des subventions à titre de cotisations a pour conséquence une mise à
disposition tardive entravant la viabilité des MS ainsi que les prestations de santé au profit des
bénéficiaires. De surcroît, au niveau des MS, il est constaté une utilisation abusive des
subventions pour le fonctionnement et des irrégularités dans la gestion qui rendent souvent ces
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prestations ineffectives ; une telle situation étant favorisée par le peu de contrôle exercé par
l’Agence pour s’assurer de la bonne utilisation de ces montants.
6.1. Une gestion hasardeuse des subventions
Dans le PSD-CMU, il est indiqué que « l’Etat impulse l’extension de la couverture du risque
maladie dans le secteur informel et rural à travers des interventions dans le financement de la
couverture maladie universelle de base à travers la CAPSU : subvention partielle des cotisations
pour les rendre abordables à la majorité de la population évoluant dans le secteur informel et le
monde rural ; subvention totale de la prise en charge des indigents et des groupes vulnérables
pour garantir l’inclusion des populations les plus démunies70.
A ce titre et en l’absence de la CAPSU, l’ACMU verse aux MS, pour chaque bénéficiaire, les
montants de cotisation retenue qui sont répartis entre les UDMS et les MS selon les modalités
décrites par le tableau suivant.
Tableau 21 : Subventions à titre de cotisation et répartition entre les UDMS et les MS

Catégories Subventions versées par an Répartition


Bénéficiaires UDMS MS
Classiques 50% cotisation soit 3500 FCFA 10% - Fonctionnement 30% - Paquet de base
60% - Paquet complémentaire
BSF et CEC 100% cotisation soit 7000 FCFA 35% - 10% Fonctionnement 65% - Paquet de base
90% Paquet complémentaire
Ticket modérateur de 2000 FCFA 50% - Fonctionnement 50% - Fonctionnement
Droits d’adhésion de 1000 FCFA 100% - Fonctionnement
Photos 500 FCFA passé à 250 FCFA 100% - Dépenses photos
CMU Elèves 78% soit 3500 CFA 5% - Fonctionnement 90% - Paquet de base
5% - Paquet complémentaire
Source : Equipe d’audit à partir des documents de l’ACMU

Ces subventions constituent donc, en réalité, des cotisations dues et doivent être calculées et
versées avant le début des prestations conformément aux pratiques assurantielles en vue de
permettre aux MS d’assurer une prise en charge financière adéquate de celles-ci.
Par ailleurs, des subventions dites de fonctionnement sont prévues en vue d’appuyer les unions
faitières dans l’organisation de leurs assemblées générales et d’assurer la professionnalisation
des MS au niveau départemental à travers la prise en charge des UTG.
Toutefois, bien que les subventions constituent des engagements au regard de ce qui précède et
des ressources publiques conséquentes inscrites dans le budget de l’ACMU, leur gestion est
entachée de plusieurs dysfonctionnements qui ont un effet négatif sur leur efficacité ; ceux-ci
sont liés à l’insuffisance du cadre réglementaire et à l’absence de rigueur dans l’exécution
budgétaire.
6.1.1. Un cadre réglementaire limité pour l’attribution des subventions
L’ACMU attribue les différentes catégories de subventions sans des critères et règles bien
définis indiquant les modalités d’attribution approuvées dans les normes et bien communiquées
aux acteurs mutualistes.

70
PSD-CMU, p.29
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Cette insuffisance du cadre réglementaire ouvre la voie à plusieurs risques de mauvaise gestion
et d’iniquité dans le traitement et la satisfaction des demandes de subventions.
En effet, les subventions n’ont jamais fait l’objet d’un acte réglementaire tel qu’un arrêté des
ministres de tutelle ou une résolution du Conseil de surveillance visant à indiquer les conditions
d’octroi et de contrôle. Cette situation rend difficile une approbation et un suivi en toute
connaissance de cause par les autorités de tutelle.
Selon les ministres qui ont successivement assuré la tutelle de l’Agence, les conventions
prévues entre cette dernière et les organisations mutualistes ainsi que le manuel de
procédures devait permettre d’encadrer la gestion des subventions. Cependant, la Cour a
relevé que ces conventions ne régissaient que les modalités de transfert et d’utilisation des
subventions ciblées et qu’elles n’avaient pas été signées plusieurs UDMS. Ainsi, les seules
règles existantes sont contenues dans le manuel de procédures administratives, financières et
comptables et ont trait aux procédures de dépôt et d’instruction des demandes des organisations
mutualistes. Il s’y ajoute quelques circulaires du DG de l’ACMU, prises à différents moments
pour préciser certaines modalités, notamment l’application de la clé de répartition des
subventions entre les UDMS et les MS, membres de leur union.
Certes, lors du vote du budget de l’Agence qui est ensuite transmis aux ministres de tutelle,
pour approbation, les grandes masses de montants sont présentées au Conseil de surveillance.
Toutefois, le format de présentation du budget ne permet pas de s’assurer de leur allocation
selon des critères de sélection approuvés particulièrement en ce qui concerne les subventions
de fonctionnement. C’est pourquoi, à plusieurs reprises, certains membres du Conseil ont eu à
demander des informations et précisions sur les modalités d’attribution.
Par ailleurs, en plus d’être insuffisantes, les règles d’attribution sont méconnues par la majeure
partie des gestionnaires de MS rencontrées et mal maitrisées par les responsables d’unions.
Plusieurs d’entre eux ont fait part du peu d’informations qu’ils ont concernant les critères
guidant l’instruction des dossiers de demandes surtout devant le constat des différences de
traitement aussi bien pour le versement des subventions à titre de cotisations que pour l’octroi
des subventions dites de fonctionnement. Les gestionnaires des MS, quant à eux, n’ont aucun
moyen de s’assurer de la conformité des montants reçus avec ceux attendus.
Dans ses réponses, le MDCEST s’engage à remédier à cette situation dans le cadre global de
la mise en œuvre des réformes à venir. En attendant, il indique que les conventions de
partenariat entre l’ACMU et les organisations mutualistes doivent être revues en vue de
permettre une application stricte des règlements de l’UEMOA ainsi que pour lui permettre,
en tant que ministère de tutelle, de veiller à l’attribution équitable des subventions de
cotisations pour les bénéficiaires du programme de la CMU.
La Cour salue cette démarche et exhorte à la révision diligente des conventions en attendant
l’adoption d’un cadre réglementaire approprié.
6.1.2. Une absence de rigueur dans la programmation et l’exécution budgétaire
des subventions à titre de cotisations induisant des retards de mise à
disposition
Depuis la mise en place de l’Agence, les subventions dues au titre de cotisations n’ont jamais
été versées à temps causant beaucoup de préjudices aux organisations mutualistes dont la
majeure partie a été confrontée à des ruptures de prestations.

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Cette situation est due à un manque de rigueur dans la programmation et l’exécution budgétaires
des subventions et aux lenteurs dans l’instruction des demandes de subventions qui sont traitées
en réalité comme des demandes de remboursement à cause de l’option prise par l’Agence de
payer les subventions après service fait, donc en année N+1, en contradiction totale avec les
principes assurantiels.
6.1.2.1. Une programmation et une exécution budgétaires non rigoureuse
des subventions à titre de cotisations
Des retards de plus de deux ans sont constatés entre la période de cotisation concernée et la
période de versement par l’Agence des subventions à titre de cotisations.
Pour illustration, ce n’est qu’en 2016 que plusieurs UDMS dont Goudomp, Matam et Saint-
Louis ont reçu les premières subventions partielles au titre des gestions 2014 et 2015. S’agissant
des subventions pour les BSF, leur versement a commencé timidement en 2015 mais beaucoup
parmi les MS déjà fonctionnelles tel qu’à Dakar, Kédougou, Matam, Saint-Louis, Sédhiou et
Tambacounda ont reçu leurs premiers versements en 2016 au titre de 2015. En 2019, la plupart
des UDMS particulièrement dans les régions de Fatick, Thiès, Kaffrine, Louga, Matam,
Sédhiou et Ziguinchor attendaient encore le reliquat de l’année 2017.
Pourtant, chaque année, l’Agence programme dans son budget des montants conséquents mais
ces derniers sont presque systématiquement réaménagés à la baisse pour, souvent, abonder les
comptes dédiés à la prise en charge des gratuités comme cela apparait au tableau suivant. Ces
pratiques sont contradictoires avec l’option annoncée de développer l’assurance maladie à base
communautaire pour limiter les gratuités.
Tableau 22 : Réaménagement budgétaires des subventions à titre de cotisations par rapport aux
gratuités en FCFA
Rubriques Budget 2015 Budget 2016 Budget 2017 Budget 2018 Budget 2019
Initial Réaménagé Initial Réaménagé Initial Réaménagé Initial Réaménagé Initial Réaménagé

Prise en 1 463 426 197 3 541 995 776 3 159 227 448 3 159 227 448 1 444 766 573 3 379 766 573 1 871 753 300 2 271 753 300 2 991 168 750 -
charge 0 - 5
ans
Prise en 1 156 448 565 1 156 448 565 1 121 000 000 1 121 000 000 1 250 000 000 1 488 000 000 650 000 000 750 000 000 1 500 000 000 -
charge
Césariennes
Prise en 3 845 124 490 3 845 124 490 1 650 000 000 1 650 000 000 2 500 000 2 445 000 000 966 639 756 1 216 639 756 2 000 000 -
charge Plan 000 000
Sésame
Prise en 3 324 480 000 2524480000 1 704 000 000 2 229 000 000 2 123 656 474 2 573 656 474 1 198 179 548 1 198 179 548 4 000 000 -
charge 000
Dialyse
Ecart + 1 278 569 579 + 525 000 000 + 2 568 000 000 + 750 000 000 -
Gratuités
Subventions 1 500 000 000 - 3 255 007 666 1 430 007 666 3 057 556 088 707 320 168 3 764 876 256 2 514 876 256 2 800 000 1 800 000 000
partielles des 000
cotisants
(50%)
Subventions 2 050 000 000 - 4 081 822 494 2 681 822 494 1 354 904 531 932 589 341 1 354 904 531 1 391 904 531 2 500 000 4 450 000 000
totales des 000
BSF (100%)

Ecart - 821 322 602 - 3 225 000 000 - 2 772 551 110 - 1 213 000 000 + 950 000 000
Subventions

Source : Equipe d’audit à partir des budgets initiaux et réaménagés de l’ACMU

Par ailleurs, non seulement, les comptes de subventions sont réaménagés mais en plus, ils
enregistrent une faible mobilisation, comme en atteste le tableau suivant qui fait état des taux
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d’exécution budgétaire et comptable selon les chiffres publiés dans les rapports annuels
d’exécution et selon la totalisation des montants mandatés71. En 2018, un effort particulier a été
fait pour la résorption des dettes particulièrement celles relatives aux cotisations des BSF allant
jusqu’à utiliser les comptes dédiés aux subventions générales (50%) pour payer les subventions
ciblées (100%) en violation des règles comptables, notamment le respect de l’imputation de la
dépense.

En effet, un montant global de 828 358 313 FCFA a été payé au profit des BSF sur le compte
65825 consacré aux cotisations des classiques.
Tableau 23 : Exécution des comptes dédiés aux subventions à titre de cotisations en FCFA72

2015 2016 2017 2018 2019

Rubriques Taux Taux Taux Taux Taux Taux Taux Taux Taux
Budget d'exécution d'exécution Budget d'exécution d'exécution Budget d'exécution d'exécution Budget d'exécution d'exécution Budget d'exécution
initial (Rapport) (Mandat) réaménagé (Rapport) (Mandat) réaménagé (Rapport) (Mandat) réaménagé (Rapport) (Mandat) réaménagé (Mandat)
Subventions des
cotisations des 1 500 000 1 430 007 707 320 2 514 876 1 800 000
classiques (à 000 15,75% - 666 22,94% 22,94% 168 88% 65% 256 99% 88% 000 17%
hauteur de 50%)
Subventions aux 2 050 000 2 681 822 932 589 1 391 904 4 450 000
MS pour les BSF 000 18,11% - 494 67,40% 74,22% 341 70% 0% 531 100% 95% 000 32%
(à hauteur de
100%)
Source : Budgets approuvés, rapports annuels d’exécution budgétaire et mandats de paiements

Pourtant, si les importants montants budgétisés depuis 2015 étaient bien employés à travers le
paiement régulier des cotisations au fur et à mesure des adhésions des classiques et de
l’enrôlement des BSF dont le nombre était encore raisonnable, la constitution des arriérés de
cotisation aurait pu être évitée. Mais en retardant les paiements, l’Agence a jeté les jalons d’un
cycle de retards renforcés par le manque de ressources, notamment pour la prise en charge des
BSF qui augmentent de manière exponentielle.
Par ailleurs, il convient de signaler que l’Agence a dû faire face à plusieurs aléas du point de
vue de la programmation et de l’exécution budgétaires qui ont également contribué à aggraver
les retards de paiement. Il en est ainsi :
 du transfert d’un montant de 2,2 milliards de FCFA au MSAS en 2017 en guise de
« prêt » au titre du paiement des salaires des agents de santé nouvellement recrutés
(2 milliards) et la prise en charge de la radiothérapie des malades du cancer (200
millions) ; bien qu’effectué à la demande du Ministère des Finances et du Budget
(MFB) selon les responsables de l’ACMU, ce transfert contrevient aux règles de
gestion des finances publiques et doit être régularisé au plan budgétaire par une loi
de finances ainsi qu’au plan comptable et financier.
Toutefois, le DG de l’ACMU informe dans ses réponses à la Cour que le Conseil
de surveillance a autorisé la direction générale à passer ce montant en pertes et
profits lors de sa session du 14 avril 2021 ; ce qui sera constaté dans les états
financiers de 2021.
La Cour prend acte.

71
Compte tenu des différences significatives entre ces montants, auxquelles nous n’avons pas trouvé d’explications, nous
avons préféré présenter les différents taux ensemble.
72
Le rapport d’exécution budgétaire de 2019 n’ayant pas été reçu, seules des informations partielles ont été traitées.
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 des difficultés de mobilisation des ressources promises par l’Etat dans le contrat de
performance le liant à l’Agence pour la période 2017-2019 :
 Défaut de budgétisation du montant annuel de 31 992 468 000 FCFA prévu
dans le contrat ; l’ACMU n’a reçu sur la période qu’environ la moitié de ce
montant par année ;
 Défaut de versement des montants attendus de l’appui budgétaire du
gouvernement japonais à travers la JICA ; lors de sa session du 18 mai 2016,
le DG annonce au conseil de surveillance la négociation en cours avec la
JICA d’un prêt concessionnel de 42 milliards qui permettrait de résorber le
gap de financement de 2016 et 2017 ainsi que de payer les dettes dues aux
structures hospitalières et aux MS. Malgré la signature de la convention entre
le MFB et la JICA, l’appui budgétaire n’a pas été spécifiquement dirigé vers
l’ACMU mais a plutôt servi au financement global de la santé. En raison de
la seconde phase en cours de négociation, il pourrait être procéder à une
allocation de ressources plus importantes à la CMU ;
 des difficultés de mobilisation des crédits inscrits au budget du ministère de tutelle
et une ponction de 7 milliards de FCFA du MFB en 2019 dans le cadre de la
régulation budgétaire. Cependant, ce dernier avait autorisé l’Agence, en fin 2018, à
contracter un prêt de 7 milliards de FCFA auprès de la Diamond Bank pour résorber
ses dettes.
Ainsi, si l’Agence a manqué d’efficacité dans la mobilisation des ressources dédiées aux
subventions, les promesses non tenues du MFB n’ont pas contribué à lui faciliter la tâche.
6.1.2.2. Un processus d’instruction des demandes long et sans plus-value
L’attribution des subventions s’effectue à la suite des demandes des MS transmises par les
UDMS, après centralisation. Le processus d’instruction s’effectue à travers différentes phases
de contrôle a priori. Elles sont schématisées ainsi qu’il suit :

Figure 16 : Processus de traitement des demandes de subventions

NIVEAU LOCAL NIVEAU CENTRAL (SIEGE ACMU)

MS/UTG UDMS RUAMA/SR DO Contrôle DAF/DG/ACP


Préparation Centralisation Vérification des Vérification des gestion/SG Décision de
dossier de des demandes, dossiers, des dossiers, des Vérification versement,
demande vérification de la données, retour données, calculs calculs DO et certificat
subvention complétude des UDMS pour des montants et requête de administratif,
année N-1 avec dossiers et correction ou requête de financement, ordonnancement
appui transmission transmission financement ou Mandat de
visa
UTG/UDMS retour paiement

Source : Equipe d’audit à partir des documents de l’ACMU

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Lors de ces différentes phases, les vérifications sont effectuées sans le recours à un outil dédié
et portent plus sur des contrôles arithmétiques. Ce sont donc, souvent, des erreurs minimales de
calcul qui sont décelées mais qui donnent lieu à des retours auprès des UDMS et MS.
Par conséquent, malgré la longueur du parcours et les moyens humains importants dédiés, le
processus d’instruction des demandes de subvention ne fait qu’allonger inutilement les délais
de mise à disposition des subventions à cause des redondances constatées. Il s’y ajoute un autre
long processus de mise à disposition au niveau local qui passe par des réunions « de
répartition » sous la supervision des SR démontrant encore le peu de rigueur dans l’instruction
puisque des calculs simples au niveau de l’Agence auraient permis de déterminer les montants
à transférer à chaque UDMS et MS.
De plus, contrairement au contrôle minutieux effectué sur les chiffres, il a été constaté que le
contrôle administratif des pièces afin de s’assurer que les MS sont en règle pour recevoir les
subventions n’est pas aussi strict ; ainsi, des MS non agréées ou non fonctionnelles ainsi que
des unions qui n’ont pas signé de conventions avec l’Agence, comme le prévoit le manuel de
procédures, ont pu recevoir des subventions sur la période ; ces faits ont été également relevés
dans les rapports de l’auditeur interne sans suite73.
Nous considérons qu’une meilleure utilisation du SIGICMU (voir supra chapitre 3) aurait
permis d’éviter ces lenteurs et erreurs, de même qu’un contrôle régulier du fonctionnement des
organisations mutualistes.
6.1.2.3. Des retards de mise à disposition des subventions, à la base des
arrêts de prestations
La situation ci-dessus décrite est fortement préjudiciable au bon fonctionnement des
organisations mutualistes, obligées de fonctionner toute l’année avec seulement la moitié des
cotisations des classiques (38% des ressources) et de préfinancer le paiement des prestations.
Pour ne rien arranger, les prestataires, structures de santé publiques comme pharmacies privées
exigent de plus en plus des paiements en avance à travers un système de cautions d’où la
nécessité de recevoir en amont les cotisations.
En 2018, face à leurs difficultés financières résultant des retards de subventions, les mutualistes
ont unanimement décrété l’arrêt des prestations pour les BSF compte tenu de l’obligation qui
leur était faite d’assurer la prise en charge de cette catégorie jugée trop couteuse et qui leur a
occasionné à plusieurs reprises des arrêts de prestations. Ceux-ci remettent en cause la fidélité
des adhérents classiques, donc la viabilité financière des MS. Ainsi, si le mot d’ordre a été plus
tard suspendu, plusieurs MS ont continué à ne plus assurer la prise en charge des BSF.

Tableau 24 : Arrêts de prestations dans les organisations mutualistes visitées par la mission d’audit

Situation relevée UDMS MS


Pas de prestations pour les BSF  Thiès  Djibanar (Goudomp)
 Tivaouane  Fandene (Thiès)
 Louga  Sante Yallah (Louga)
 Linguère  La Linguère (Linguère)
 Safar Sogui (Ourossogui)
 Ndendory (Kanel)

73
Rapports de vérification à Saint-Louis, Fatick, Salémata et Thiès
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Prise en charge uniquement du paquet  Matam


complémentaire des BSF  Kanel
Arrêts de prestations périodiques  Fatick  Patar Lia et Ouadiour (Fatick)
pour tous les bénéficiaires  Sédhiou (niveau pharmacie)  Djendé (Sédhiou)
 Bounkiling  Médina Wandifa (Bounkiling)
 Goudomp (niveau hôpital)  Fandène (Thiès)
 Thiès  La Lumière (Tivaouane)
 Louga (plus de prestations  Sante Yallah (Louga)
pharmacie privée depuis 2017)  Woyofal Pathie Darah (Linguère)
 Sinthiou Bamambé (Kanel)
Source : Equipe d’audit à partir des entretiens avec les mutualistes dans les régions de Fatick, Matam, Louga,
Sédhiou et Thiès

Selon le DG de l’Agence, les retards de paiement des subventions sont dus au fait que celles-
ci sont assujetties au versement effectif de la cotisation équivalente de 3500 FCFA par les
bénéficiaires et que le temps de collecte peut être assez long et dépend souvent des résultats
des récoltes. Il s’y ajoute que les mutualistes tardent à transmettre les informations y
afférentes pour permettre à l’Agence d’instruire les demandes selon les effectifs à jour de
leurs cotisations. Par ailleurs, il souligne que les subventions sont payées en fonction de la
disponibilité des ressources budgétaires. Mais en dernier lieu, il reconnait que l’Agence
devrait créer les conditions pour que le versement des subventions soit dès le début de l’année
et que la prochaine stratégie devrait prendre en charge cette question.
La Cour salue cette attitude et invite l’ACMU à procéder à une programmation prévisionnelle
plus rigoureuse des subventions ainsi qu’à l’amélioration du processus d’instruction en vue de
remédier aux aléas constatés, particulièrement pour la cotisation des BSF et CEC qui est
totalement due.
6.2. Des subventions de plus en plus détournées de leurs objectifs
L’examen de la gestion des subventions durant la période sous revue fait apparaitre plusieurs
irrégularités qui sont révélatrices d’une tendance à détourner les subventions de leur destination
d’origine dans un contexte où les ressources financières sont jugées insuffisantes.
La Cour a relevé principalement l’attribution irrégulière de subventions massives à l’Union
nationale des Mutuelles de Santé communautaires (UNAMUSC) dans le cadre du Projet
d’Appui à la Professionnalisation des Mutuelles de Santé communautaires (PAPMUT) ainsi
qu’une attribution discriminatoire et inéquitable des subventions.
6.2.1. Le PAPMUT, un projet irrégulier, budgétivore et inefficace
L’examen de ce projet, réalisé en partenariat avec l’Union nationale des Mutuelles de Santé
communautaires (UNAMUSC), révèle plusieurs irrégularités au plan réglementaire et des
incohérences au plan de l’exécution technique qui démontrent le caractère budgétivore et
inefficace du projet.
En effet, à compter du 1er avril 2018, l’ACMU a commencé à financer l’UNAMUSC pour la
mise en œuvre du PAPMUT. Cependant, la convention de partenariat entre l’Agence et
l’UNAMUSC a été signée le 11 avril 2018 et le document de projet décrivant les objectifs et
les modalités d’intervention n’a été établi qu’en mars 2019 soit après un an d’exécution. Donc,
aucune évaluation préalable n’a été réalisée avant le démarrage pour estimer la valeur ajoutée
attendue du projet.

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Le projet devait être exécuté en deux phases allant du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 et du 1er
avril 2019 au 31 mars 2020 mais plusieurs avenants ont été signés pour étendre la durée si bien
que le projet est toujours en cours. Le DG évoque la pandémie Covid 19 qui a empêché une
évaluation et un arrêt du projet compte tenu de la demande des autorités de préserver les
emplois durant cette période. La Cour rappelle que les objectifs déclarés du projet et le
dispositif mis en place développés ci-dessous ne font pas de l’Agence un employeur soumis
aux dispositions exceptionnelles prises par les autorités pour la préservation des emplois au
sens du Code du travail.
S’agissant du coût financier, l’ACMU avait versé à la fin de l’année 2019, un montant de
748 767 500 FCFA à l’UNAMUSC et continue les versements avec la poursuite du projet en
2021 dans un contexte de déficit de ressources pour la prise en charge des subventions à titre
de cotisations. Fin 2020, les dépenses s’élevaient à 63 309 740 FCFA mensuels en salaires
(61 454 740 FCFA) et indemnités (1 855 000 FCFA) soit 759 716 880 FCFA.
L’objectif général déclaré du projet est de « renforcer intensivement la contribution des
mutuelles de santé communautaires dans la mise en place effective et rapide du programme de
CMU au Sénégal ». Malgré trois domaines d’action identifiés (communication, gestion et
partenariat), le projet n’a consisté en réalité qu’à recruter des Agents de Promotion des
Mutuelles (APM) mis à la disposition des organisations mutualistes et à prendre en charge des
campagnes de communication non justifiées.
Au plan réglementaire, il a été constaté que malgré l’importance des fonds engagés, le
PAPMUT n’a pas été adopté et approuvé dans les règles ni par l’Agence ni par l’UNAMUSC.
D’abord, le DG de l’Agence n’a pas demandé une autorisation expresse au Conseil de
surveillance comme l’exigeait la réglementation en vigueur74 concernant les dépenses des
agences d’exécution et comme il en a été pour la prise en charge des salaires des gérants des
MS en 201875. Il a profité d’une demande de réaménagement budgétaire lors de la session du
conseil tenue le 02 novembre 2018 pour informer sommairement les membres sur l’appui qu’il
comptait apporter aux MS avec le recrutement d’agents de terrain chargés de mener des activités
de sensibilisation. Par la suite, malgré des demandes d’informations récurrentes des membres
du conseil au regard des montants engagés et des salaires payés, il n’a pas été présenté. Le DG
fait valoir qu’en votant la ligne 65828 « Autres subventions aux mutuelles » dotée d’un
montant de 817 500 000 FCFA, le Conseil a donné son autorisation.
Nous soulignons à ce propos que cette ligne est destinée à la prise en charge des UTG, prévue
par le PSD-CMU, et des autres appuis aux MS comme la prise en charge des gérants durant
cette année 2018 respectivement dotée de 180 000 000 FCFA et de 303 750 000 FCFA ; le
montant de 243 000 000 FCFA destiné à l’appui de la mise en œuvre des activités des MS n’est
pas explicitement dédié au PAPMUT. D’ailleurs, les premiers virements à l’UNAMUSC pour
le projet ont été effectués à partir du compte dédié aux indigents autres que les BSF, ce qui
constitue une irrégularité puisque dans le projet de budget, cette inscription est destinée à la
prise en charge des 17 192 indigents détenteurs de la carte d’égalité des chances autres que les
BSF. Ainsi, l’imputation budgétaire et la disponibilité des crédits n’ont pas été respectés.
Par ailleurs, le projet n’émane pas d’un besoin exprimé par les mutualistes mais procède de la
seule volonté du DG de l’Agence. Dans le PV du conseil d’administration extraordinaire tenu

74
Article 84 du Décret n°2011-1880 du 24 novembre 2011 relatif au Règlement général sur la comptabilité publique et
article ; article 9 du décret 2015-07 du 21 janvier portant création de l’ACMU.
75 Résolution du CS en janvier 2018
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le 14 avril 2018 par l’UNAMUSC, le Président fait le compte rendu d’un entretien avec ce
dernier en ces termes : « le DG, qui se préoccupe de la nécessité de la professionnalisation des
mutuelles mais aussi d’une meilleure implication des mutualistes dans la gestion de la CMU,
[a] réaménagé son budget pour la mise en place d’un projet cogéré avec l’UNAMUSC ». Un
projet de convention de partenariat est également présenté mais sans détails par rapport aux
préoccupations soulignées par les membres concernant la place et le rôle des mutualistes, le
budget, les modalités de fonctionnement et le recrutement des agents de promotion. Toutefois,
les membres présents du CA ont autorisé le PCA à signer la convention tout en lui demandant
de préserver les intérêts des mutualistes.
Sur le plan de l’exécution technique, plusieurs aspects sur l’incohérence du projet sont à
relever :
 Les coûts engendrés par le projet sont extrêmement élevés par rapport aux résultats
atteints causant un préjudice aux dépenses régulières et démontrant l’inefficience du
projet. En 2019, c’est au moins 520 824 220 FCFA dépensés pour 258 131
personnes touchées, 15 370 adhésions avec 28 534 bénéficiaires, 12 000 élèves
enrôlés et 92 662 503 F CFA collectés qui s’ajoutent à 54 321 750 F CFA collectés
précédemment. Selon le DG de l’Agence, les résultats des APM s’apprécient mieux
sur la période subséquente en raison du fait que les personnes touchées ne sont
pas toujours en mesure d’adhérer ou de cotiser dans l’immédiat. Cependant, aucun
chiffre n’est avancé pour soutenir ce postulat.
 L’Agence a profité du projet pour recruter du personnel en contournant les
procédures habituelles. Elle a directement recruté les 146 premiers APM, sans appel
à candidature comme ce fut le cas avec les UTG. Mais elle a fait signer les contrats
de prestation de service à l’UNAMUSC. Face au tollé des mutualistes, elle a
demandé à ces derniers de proposer des candidatures pour le recrutement d’une
deuxième vague de deux (2) APM supplémentaires par UDMS. Par la suite, elle a
poursuivi ses propres recrutements qui ont porté le nombre d’APM à 365 en fin 2019
soit 265 agents supplémentaires. Mais à présent, informe le DG, les contrats de
prestation des APM sont signés par les UDMS. La Cour souligne que cette pratique
ajoute à la confusion et aux irrégularités du projet puisque la convention est signée
avec l’UNAMUSC et les subventions versées à celle-ci.
 Les APM ont un statut problématique au regard de leur manque de spécialisation et
de l’éclatement des responsabilités dans leur gestion. Aucun profil n’a été dégagé
avant leur recrutement et aucune formation n’a été organisée. Ainsi, les APM n’ont
aucune compétence particulière en matière de marketing social. Par ailleurs, la
responsabilité de leur gestion n’est pas bien identifiée puisqu’ils sont mis à la
disposition des UDMS qui doivent les affecter aux MS mais certains sont aussi
préposés à diverses autres tâches (contrôle médical dans les SR, saisie informatique
au siège, etc.). A cet égard, beaucoup de présidents d’UDMS ont avoué la difficulté
de suivre leurs interventions. Les chefs de SR, censés contrôler l’effectivité de leur
travail en visant leur rapport mensuel, n’ont pas été impliqués en amont et n’ont
souvent aucune information sur leurs activités. Quant aux gestionnaires des MS
auxquels ils sont affectés, certains ne les connaissent pas du tout ou s’ils les
connaissent, n’en disposent pas ; d’autres les reçoivent un ou deux jours dans la
semaine.
 Une administration parallèle a été mise en place pour la gestion du projet donnant
lieu à des procédures ad hoc et un déficit notoire de suivi. Une unité de gestion est
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créée avec un Secrétaire exécutif et ses collaborateurs recrutés (comptable,


assistante, chargé de suivi) ; elle travaille selon un manuel de procédures spécifique.
Les directeurs techniques de l’ACMU sont cantonnés à la supervision dans le comité
de coordination mis en place à cet effet sauf le Directeur des Affaires juridiques et
du Partenariat qui assure en le secrétariat et de ce fait, assume des fonctions
éloignées de ses attributions. Le Président, le Vice-président et le Trésorier de
l’UNAMUSC jouent respectivement les rôles de responsable, responsable délégué
au suivi et gestionnaire du projet et reçoivent des indemnités allant de 500.000 à
285.000 FCFA.
 Des activités de parrainage ont été prises en charge à la place des parrains annoncés.
Dans le cadre de la campagne SUNUCMU pour « 1 million d’enfants et de femmes
dans les mutuelles », des leaders d’opinion tels que des chanteurs et des lutteurs ont
annoncé le parrainage de l’enrôlement de personnes dans leurs communautés
respectives. Mais, au final c’est le projet qui prend en charge les frais liés aux
enrôlements et à la communication. Le DG invoque, dans le cadre du
développement du parrainage, un partenariat innovant en termes de marketing
social permettant à l’Agence d’utiliser l’image et l’exemple de ces leaders
d’opinion et en contrepartie de les rémunérer par la prise en charge financière de
l’enrôlement dans les MS des personnes qu’ils parrainent. Nous rappelons la
nécessité de procéder par des arrangements transparents et autorisés par le Conseil
de surveillance.
 Le déploiement et l’efficacité des APM sont faiblement appréciés par les
mutualistes. La plupart des présidents d’UDMS que nous avons rencontrés se sont
interrogés sur le bien-fondé du projet et sur ses modalités de fonctionnement. Le
déploiement des APM ne s’est pas fait sur la base de critères partagés tels que le
nombre de MS par département, le poids géographique ou le taux de pénétration (cf.
Tableau 22). En outre, les salaires de 150 000 FCFA versés directement aux APM
et sans retard pour peu d’efficacité sont jugés injustes et ont poussé certains à se
désengager ; il faut souligner que les UTG, dont l’utilité est unanimement reconnue,
reçoivent leurs salaires à travers les UDMS et, connaissent des retards de paiement
récurrents de 3 à 5 mois. L’arrivée des APM a cassé la dynamique du bénévolat des
acteurs mutualistes et communautaires ; des PCA et gérants de MS ont démissionné
pour être recrutés comme APM. Selon le DG, cette situation a été corrigée avec
l’intégration des APM dans les UTG, facilitant ainsi leur acceptation par les PCA
d’UDMS, dont plusieurs ont demandé la reconduction de leurs contrats à
l’annonce de l’arrêt du projet en fin 2020. Pour la Cour, la reconduction continue
de ce projet va à l’encontre des principes énoncés concernant la réorientation de la
communication au sein de l’Agence (voir chapitre 3).
Tableau 25 : Répartition des APM et résultats obtenus par région d’avril à décembre 2019

Région Nombre Nombre Nombre Personnes Adhésion Bénéficiaires Montant de


d'agents de pers d'adhésion à charge CMU obtenus cotisations/
touchées élèves adhésions
DAKAR 73 80 681 8 413 20 929 5 094 33 320 46 954 750
KAFFRINE 1 21 330 148 664 0 2 042 2 309 250
LOUGA 4 8 155 627 150 4 413 5 190 5 416 750
ZIGUINCHOR 1 3 057 715 1 527 291 2 533 7 121 500
KAOLACK 6 29 497 754 832 153 2 316 4 386 000
THIES 10 2 387 216 238 176 630 1 402 500
KOLDA 2 1 553 420 897 0 1 084 2 095 250
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MATAM 44 67 693 1 027 491 463 2 085 6 888 753


DIOURBEL 5 9 774 721 473 1 004 2 198 2 755 750
SAINT LOUIS 1 3 412 448 510 232 1 190 2 927 000
SEDHIOU 1 581 41 60 0 101 303 500
TAMBACOUNDA 4 7 230 380 208 0 588 2 079 500
KEDOUGOU 1 1 112 137 146 125 2 169 1 338 500
FATICK 8 21 669 1 323 1 409 49 2 781 6 683 500
TOTAL 161 258 131 15 370 28 534 12 000 58 227 92 662 503
Source : Rapport d’activités consolidé UNAMUSC-PAPMUT, avril-décembre 2019, p.40

6.2.2. Une attribution inéquitable des subventions


Si au début, l’Agence procédait à des paiements quasi simultanés des subventions aux unions,
nous avons constaté une tendance de plus en plus marquée à attribuer les subventions de façon
discriminatoire et inéquitable alors que les organisations mutualistes doivent être considérés
comme « d’égale dignité ».
A l’appui de ce constat, nous avons relevé que les UDAM sont privilégiées par rapport aux
autres organisations mutualistes afin de favoriser leur modèle et masquer leurs frais de
fonctionnement importants (plus de 50% des ressources). Elles reçoivent le plus souvent en
N+1, la totalité ou la moitié des subventions de l’année N contrairement aux autres UDMS qui
les reçoivent en retard et par petites portions.
En effet, en 2018, l’UDAM de Foundiougne a reçu dès le début de l’année 319 630 500 FCFA
soit la totalité des subventions ciblées pour les BSF de 2017 et celle de Koungueul 80 149 500
FCFA soit 75% du montant dû tandis que les autres UDMS ont reçu bien plus tard 25% de leurs
subventions. En 2019, les UDAM ont reçu respectivement 356 517 000 FCFA pour
Foundiougne et 153 162 000 FCFA pour Koungueul au titre des subventions ciblées de 2018
alors que les autres en étaient à recevoir les reliquats pour 2017.
Cette manière de procéder est particulièrement inéquitable pour les UDMS qui ne perçoivent
pas de cotisations (sauf celles des MS membres, du reste, modiques et rarement versées) ; elles
fonctionnent uniquement avec les subventions versées par l’Agence.
D’autre part, des subventions pour équipements d’un montant de 40 millions de FCFA pour
Koungheul et 5 millions FCFA pour Foundiougne ont été versés en 2018 alors que les UDMS
n’avaient reçus que 2 millions pour leur équipement en 2017 en accompagnement des UTG. En
2019, d’importantes subventions pour des campagnes de communication ont été octroyées (71
et 40 millions à Foundiougne et 89 721 500 FCFA à Koungheul) alors que les UDMS qui ont
des performances bien moindres en auraient eu plus besoin. Pour justifier cette situation, le
DG de l’Agence indique qu’il n’y a pas de parti pris pour les UDAM mais plutôt une volonté
de les appuyer suite au retrait de la coopération belge en juin 2017 tenant compte de la
nécessité de maintenir leurs performances. La Cour rappelle que les organisations mutualistes
sont d’égale dignité et doivent recevoir un traitement équitable et de manière transparente.
Par ailleurs, entre les autres organisations mutualistes, il existe des traitements discriminatoires
qui ne sont fondés sur aucun critère et dont certaines pourraient relever de pratiques
frauduleuses. Nous avons fait les constats suivants :
 Des différences marquées dans les délais de mise à disposition : quand certaines
UDMS reçoivent les subventions à titre de cotisations pour une année N, d’autres en
sont à recevoir les subventions de l’année N-1 ou N-2 ;
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 Un contournement des procédures de mise à disposition : des MS reçoivent


directement des subventions sans passer par les UDMS en bénéficiant de procédures
dérogatoires tel que nous l’avons constaté à Kanel pour la MS de Ndendory ; 4 000 000
FCFA ont été octroyés en 2018 par chèque pour l’enrôlement des élèves de la
commune et présentés comme étant une contribution du DG de l’Agence ;
 Des subventions de communication données à certaines UDMS au détriment des
autres : sans justification particulière, 150 200 000 FCFA ont été attribuées en 2019
aux unions départementales de la région de Louga mais, les montants effectivement
versés étaient de 113 950 000 FCFA soit 47 050 000 FCFA pour Linguère et
33 450 000 FCFA pour Louga et Kébémer respectivement. Paradoxalement, lors du
passage de l’équipe d’audit dans les différentes régions, ni les chefs du service
régional, ni les RUAMA, ni les gestionnaires de MS, n’étaient au courant de tels
appuis ; de plus, aucune activité récente de communication de masse n’a été signalée
dans ces départements. Par ailleurs, aucune hausse significative du taux d’adhésion ou
de cotisations dans les MS n’a été notée comme corollaire. Cette situation pourrait être
caractéristique d’un détournement d’objectifs des montants décaissés. Pour le DG,
Louga a bénéficié de ces montants puisque les requêtes adressées ABT/USAID n’ont
pas été satisfaites. Il souligne qu’une autre tranche de 93 470 833 FCFA a été versée
au premier semestre 2020, ce qui a permis une augmentation du nombre de
bénéficiaires qui est passé de 152 220 en 2019 à 199 974 en 2020. La Cour rappelle
qu’ABT/USAID n’octroie que des appuis de 75 000 FCA par MS à travers le projet
RSS+, ce qui correspondrait à un appui de 4 425 000 FCFA pour 59 MS répertoriées
dans la région. Par ailleurs, l’explication donnée ne justifie en rien l’exclusion des
autres régions telles que Sédhiou qui ne compte aucun PTF, ni l’absence de justificatifs
aux activités déroulées.
 Un soutien inégal des unions faitières : la FNMS regroupant les MS d’envergure et
celles communautaires n’a reçu qu’une seule fois une subvention de 2 millions FCFA
en 2016 contrairement aux Unions régionales et départementales de MS et à
l’UNAMUSC qui sont soutenues annuellement. Le DG informe qu’en 2020, une
subvention de 10 millions a été octroyée à la FNMS pour corriger cette situation.

6.3. Des subventions encore peu efficaces et dont l’utilisation est faiblement contrôlée
Malgré l’importance des ressources consacrées aux subventions durant la période sous revue,
nous avons constaté que les montants consacrés aux prestations de santé par les MS sont
largement inférieurs, particulièrement pour les BSF. Cela indique une utilisation peu efficiente
des subventions pour la couverture effective des bénéficiaires contre le risque maladie
accentuée par un contrôle insuffisant de l’ACMU malgré les irrégularités déjà notées au niveau
des organisations mutualistes.
6.3.1. Une faible utilisation des subventions pour la prise en charge des
prestations de santé
Le rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes fait ressortir que de 2017 à
2019, les prestations de santé prises en charge par ces dernières ne sont que de 1 631 337 625
FCFA, bien en deçà des 6 856 312 459 FCFA versés par l’Agence sur la période pour les
subventions à titre de cotisations. De 2015 à 2019, le total des subventions versées s’élève à

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12 603 936 159 FCFA76. Cet écart important appelle à un audit financier approfondi pour
s’assurer de la réception et de la bonne utilisation des montants versés.
Tableau 26 : Dépenses des prestations de soins des bénéficiaires classiques et des bénéficiaires du
PNBSF de 2017 à 2019 en FCFA

REGION 2017 2018 2019 TOTAL PERIODE


Classiques BSF et CEC Classiques BSF et CEC Classiques BSF et CEC
et Elèves et Elèves et Elèves
Dakar 10 999 462 1 084 765 15 853 621 4 115 857 10 496 094 5 373 438 47 923 237
Diourbel 39 454 322 15 269 455 44 601 147 5 407 012 35 683 619 7 122 817 147 538 372
Fatick 33 297 842 22 972 961 63 482 450 28 035 327 41 269 942 11 532 623 200 591 145
Kaffrine 79 078 472 24 485 892 116 050 328 36 346 260 79 059 777 15 634 969 350 655 698
Kaolack 80 371 505 24 525 090 69 122 399 8 051 905 45 149 207 4 088 381 231 308 487
Kédougou 783 934 45 520 4 656 973 2 914 145 2 374 355 1 300 908 12 075 835
Kolda 15 021 587 12 347 288 23 008 267 3 284 694 12 608 184 5 500 764 71 770 784
Louga 26 286 780 2 652 381 14 610 749 1 776 770 16 046 611 1 832 858 63 206 149
Matam 7 104 213 2 616 759 20 243 806 5 642 648 28 184 800 3 684 925 67 477 151
Saint Louis 43 628 093 5 868 792 33 665 491 2 644 181 21 712 058 1 042 544 108 561 159
Sédhiou 9 935 139 15 355 870 12 822 849 7 595 061 5 481 510 5 816 689 57 007 118
Tambacounda 1 304 475 73 640 6 265 644 107 137 2 486 744 1 499 060 11 736 700
Thiès 73 622 669 9 848 064 62 327 477 3 708 205 68 456 160 391 124 218 353 699
Ziguinchor 5 528 408 15 250 780 5 676 767 8 406 257 3 852 597 4 417 283 43 132 092
NATIONAL 426 416 900 152 397 257 492 387 968 118 035 459 372 861 657 69 238 384 1 631 337 625
Source : Equipe d’audit à partir des données du rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes de
2017à Sept 2019
Hormis l’ineffectivité de la couverture maladie pour une grande partie des bénéficiaires, cette
situation révèle également des écarts préoccupants au regard des résultats attendus en matière
d’extension de l’assurance maladie communautaire et de renforcement de la contribution au
financement du système de santé. En en considérant la situation suivante présentée par les
comptes de la santé pour la période 2014-2016, on peut relever le faible apport des organisations
mutualistes :

- Les paiements directs des ménages constituent le régime le plus contributif au


financement de la santé avec plus de la moitié des dépenses courantes ; ils ont
augmenté, passant de 216,1 milliards en 2014 à 233,8 milliards en 2016. Ces
montants représentent 95% du volume des dépenses de santé des ménages qui a
atteint 245,6 milliards de FCFA en 2016, et qui représentent 53,8% des dépenses
totales en santé qui s’élevaient elles à 480,8 milliards de FCFA ;
- les dépenses effectuées à travers les cotisations d’assurance sociale et les
prépaiements volontaires (assurance commerciale et assurance communautaire)
représentent en moyenne 7,4% du total des dépenses. Celles-ci ont évolué de 28,1
milliards FCFA en 2014 à 29,4 milliards en 2015 et 30,1 milliards en 2016 77.

76
Ces montants comprennent uniquement les subventions accordées aux MS au titre de cotisations et pour le
fonctionnement.
77
ANSD, Comptes de la santé 2014 - 2016
RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Figure 17 : Evolution de la structure des dépenses courantes selon les agents de financement

Source : Comptes de la santé, 2014-2016, p.26

Ainsi, la mission de vérification a pu constater, en examinant des registres, que les organisations
mutualistes payent des montants dérisoires pour la prise en charge des prestations de santé, la
majeure partie de leurs ressources étant consacrée aux dépenses de fonctionnement.
En effet, très peu d’organisations mutualistes respectent le ratio des dépenses de
fonctionnement sur les dépenses de prestations de santé qui doit être inférieur ou égal à 15%.
Le rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes relève qu’en 2017, c’est
seulement dans 16 départements sur 45 où l’on retrouve des mutuelles de santé qui ont respecté
la norme. En 2018, cette proportion est passée à 18 départements avant de redescendre à 16 en
2019. Dans les régions de Dakar, Sédhiou et Kolda, aucune MS n’a respecté le ratio,
contrairement à la région de Thiès où on retrouve des MS aux normes dans tous les
départements.
Par ailleurs, il est constaté une rétention des montants versés au lieu de les consacrer à la prise
en charge des prestations. Ainsi, paradoxalement, les avoirs en banque des organisations
mutualistes sont largement supérieurs à leurs dettes de prestation comme le démontre le
graphique ci-dessous qui présente la situation au niveau national.
Figure 18 : Dettes de prestation de santé et avoirs en banque

846 226 537


717 528 307
673 838 432

343 921 093


199 264 714 166 415 778

Dettes de Avoirs en caisse et Dettes de Avoirs en caisse et Dettes de Avoirs en caisse et


prestations en banque prestations en banque prestations en banque
2017 2018 2019
Source : Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes de 2017- Sept 2019

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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La situation de la région de Fatick au 4ème trimestre 2019, ci-dessous, illustre davantage cette
pratique.
Tableau 27 : Situation financière des MS à Fatick en FCFA

DÉPARTE Dépenses de santé Dépenses de santé Charges de Dettes de Montant en Total en Banque
MENTS des bénéficiaires des bénéficiaires fonctionnement prestations caisse
classiques indigents
Fatick 8 763 261 2 208 969 3 300 961 2 571 851 951 685 32 082 081
Gossas 30 747 654 10 202 632 1 751 425 13 452 881 1 030 178 12 517 225
Foundiougne 1 578 100 817 500 16 450 395 0 240 224 84 712 918
TOTAL 41 089 015 13 229 101 21 502 781 16 024 732 2 222 087 129 312 224
ème
Source : Rapport SR-ACMU Fatick, 4 trimestre 2019

6.3.2. Des irrégularités dans l’utilisation des subventions mais un contrôle


insuffisant
L’importance des subventions accordées aux organisations mutualistes fait que ces dernières
sont devenues aujourd’hui largement tributaires de l’ACMU pour leur bon fonctionnement ; les
subventions à titre de cotisations ont représenté près de 57% de leurs ressources de 2017 à 2019
et la plus grande partie est destinée à la prise en charge des BSF ; ce qui doit se traduire par un
statut de « prestataires de service public » des organisations mutualistes78 et, par conséquent,
un contrôle accru de l’utilisation des montants.
Figure 19 : Situation des ressources financières des organisations mutualistes

Source : Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes de 2017- Sept 2019, p.45

Toutefois, seules quelques missions de vérification ayant porté sur l’utilisation des subventions
ont été effectuées à Dakar (2016), Thiès (2018), Fatick) et Salémata (2019). Les constats font
ressortir des irrégularités qui ont trait souvent à l’utilisation de montants importants sans
justification par des pièces comptables régulières, des pratiques de fraudes sur le calcul des
subventions réclamées ou des problèmes de respect de la clé de répartition. Ainsi, outre
l’utilisation abusive des subventions pour le fonctionnement, les pratiques de certaines

78
Voir Céline Deville et al., Les mutuelles de santé subventionnées comme instruments de la CMU au Sénégal, 2018, p.8
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organisations mutualistes font apparaitre des risques de mauvaise gestion et de détournements


de fonds publics.
Néanmoins, au niveau de l’Agence, aucune stratégie de contrôle n’est mise en place pour
prévenir et corriger, le cas échéant, les irrégularités dans la gestion des subventions. D’ailleurs,
aucune suite n’a été réservée aux recommandations des missions de vérification déjà menées.
Mais la pratique que nous considérons comme la plus à risque par rapport aux objectifs du
programme est relative à l’exclusion des BSF des prestations alors même que des subventions
importantes sont versées pour leur compte ; il en est de même des CEC, qui à plusieurs reprises
dans la presse ont informé sur le manque d’effectivité de leur prise en charge au niveau des MS,
ce qui a été également confirmé par la DGAS. Par exclusion, il faut comprendre diverses
modalités mises en place par les organisations mutualistes pour décourager ces catégories
vulnérables à profiter des prestations. Malgré leur nombre (près de la moitié des bénéficiaires
des MS), cette catégorie est celle qui profite le moins des prestations de santé nonobstant les
dénégations de plusieurs mutualistes parmi ceux qui déclarent la continuité de leur prise en
charge.
A cet égard, une attention particulière doit être accordée au traitement des arriérés qui ne
doivent être pris en charge que dans la mesure où les bénéficiaires concernés ont pu bénéficier
de prestations de santé effectives.
Figure 20 : Prise en charge des prestations pour les Classiques et les BSF

Source : Rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes de 2017- Sept 2019, p.47

Au demeurant, le système de paiement après service fait des subventions aggrave toute cette
situation. En année N, certains bénéficiaires, particulièrement les BSF, CEC et élèves ne sont
pas pris en charge faute de subventions et en année N+1, alors que les subventions sont
réclamées et payées en leur nom, ils ne sont plus ou ne se considèrent plus comme des adhérents.
De manière générale, il conviendrait, pour plus d’efficacité, d’assurer un versement en amont
des subventions qui devraient être conséquemment budgétisées ainsi que de renforcer le
contrôle a posteriori des prestations.

RAPPORT DEFINITIF - AUDIT DE PERFORMANCE VOLET DEVELOPPEMENT DES MUTUELLES DE SANTE PROGRAMME CMU COUR DES COMPTES /CAA
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Recommandation n°13 : La Cour recommande au Ministre du Développement


communautaire, de l’Equité sociale et territoriale de :
 prendre les mesures nécessaires pour mieux encadrer l’attribution, la gestion et le
contrôle de l’utilisation des subventions en veillant à leur rationalisation et à leur
accès équitable par tous les bénéficiaires ciblés.
Recommandation n°14 : La Cour recommande au Ministre des Finances et du Budget de :
 prendre les mesures nécessaires pour la mise à disposition à temps des ressources
attendues par l’ACMU pour le paiement des cotisations dans les délais et pour le
développement de l’assurance maladie.
Recommandation n°15 : La Cour demande au Président du Conseil de surveillance de
l’ACMU à :
 veiller à une mise à disposition en amont des subventions à titre de cotisations ainsi
qu’à adopter une résolution portant sur les modalités d’octroi des subventions de
fonctionnement ;
 s’assurer de l’arrêt sans délai du PAPMUT, demander un audit de l’utilisation des
montants versés et suivre la mise en œuvre des recommandations.
Recommandation n°16 : La Cour demande au DG de l’ACMU de :
 mettre en place un dispositif permettant d’assurer un accès égal et équitable de toutes
les organisations mutualistes aux subventions ;
 simplifier le processus de mise à disposition des subventions en privilégiant le
paiement des subventions à titre de cotisations en amont des prestations et en
renforçant le contrôle a posteriori sur leur utilisation et l’effectivité des prestations
de santé au profit des bénéficiaires ;
 arrêter sans délai le PAPMUT et rendre compte au Conseil de surveillance des
montants versés.

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