Yakpo, Kofi. 1996. La meilleure musique du monde. In Thomas Dorn (ed.),
Houn-noukoun: tambours et visages, 206–209. Paris: Florent-Massot.
Thomas Dorn e n c o llaboration avec Ayoko Me n sah
ÉDITIONS
FLORENT - MASSOT
•
Kofi Yakpo
amel eure
musi ue du mon e
La musique africaine n'est pas plus
rebelle III plus révolutionnaire que la musique
occidentale. Si la musique populaire peut sembler
bruyante, spectacu laire ou Inconvenante. elle ne
cherche pas pour autant à provoquer des
bouleversements radicaux. O n peut dire plutôt
qu'elle est une conséquence de ceux-cI et qu'elle
tradUit souvent d'une manière très aigue les
preoccupations et aspirations de chaque socleté.
Les paroles illustrent les conditions de vie et la
culture de ch"que artiste . Ceci s'applique tout
spccl,llcment ,j l'Afrique, où les musIciens sont
confrontes beaucoup plus directement aux
Ic,llltcs de 1.1 vie des masses que les musIciens
occidcntaux SI les musIciens africains peuvent
.1Ccedcr parfOIS à une certaine nchesse, Ils ne
peuvent se soustraire alsement au l'eseau
complexe des rclations sociales qui prevaut en
Afrique Les s.lnctions sociales seraient alors
impl.lcables. Toute Sil Vie, le musiCien africain
reste donc une partie integrante de son
-quartier». Par sa musique, par sa langue, par son
appartenance au peuple et par la façon qU'II a de
se présenter. il est solidement enraCiné dans la
culture locale. En même temps, par sa mobilité
(beaucoup de musiciens vivent partiellement en
Europe) et par son aisance dans le mal1lement
des symboles de la culture occidentale, il fait
éclater son cadre local et deVient un citoyen du
monde.
Le caractère naturel et le sens du rythme sont les
deux termes récurrents dont le monde occidental se
sert pour décrire les cultures mUSicales afncalnes. 1/
va de SOI qu 'lI n'y a nen de «naturel., dans la
musique afncalne. Ce n'est pas par quelque obscure
pUissance archalque qu'el/e sédUit tous ceux qUi
entrent en contact avec el/e. Pour un regard un tant
SOIt peu objectif, les gestICulations des stars du rock
dans les Vidéo-clips, ne sont pas plus laides que les
subtiles rotations pelViennes executees lors de leurs
shows par les gUitarIStes zalrOls. En fOit. Il n'est pas
étonnant que par le biaiS de l'Aménque, tous les
rythmes de la musique pop OCCidentale se salent
développés sur la base d'une infime partie du
répertOire quasI ,I/,m,té des rythmes afncalns Ceux
qUi cherchent à gommer les mém es culturels de
l'Afnque ont tan t de mal à concevOir l'apparente
tou te-pUissance des form es musicales afroaméricaines et afncalnes, qu ',ls éprouvent le beSOin
de leur In venter des lOIS particulières. A les écouter,
la musique afncalne serOit une sorte de
protamuslque dont les éléments archaiques
evelllerOient des beSOinS ataviques chez l'homme
des SOCiétés Industnallsées domestiqué par la
CiVIlisation 1/ s 'agit là d'une habile manoeuvre de
repli La musique africaine ayant été décrite comme
pnmltlve pendant quatre Siècles, Il faut bien trouver
aujourd'hUi des rOisons expliquant comment une
musique aussI primi tive a pu sédUire les Européens
au POint d'opérer une pro fonde transformation dans
leur culture mUSicale. L'Importance du rythme et des
perCUSSIOns, poursuivent-Ils, serait l'Indice certain de
cette protomuslque. Comme s'il étOit prouvé que le
rythme précède la mélodie dans l'évolution de
l'humanité. Comme s 'II était plus naturel pour nos
plus lOintainS ancêtres de frapper des rythmes que
de développer jusqu'à la mélodie la prosodie
Inhérente au langage. Comme SI le chemin qui va du
battement irrégulier à la coordination polymétrique
d'un ensemble de perCUSSions, n'étOit pas aussI long
que celUi qUi mène du cri pnmal à l'harmomeuse
calléslOn d'un quatuor à cordes. Le funky est une
conquête culturelle de l'Afnque, résultat de notre
créativité artistique et non une forme pnmitive
héritée du paléolithique. En disant funky. je ne
songe pas seulement à la musique de James Brown
au de Graham Central Station . Je songe aussI à
l'état d'espnt qUi a permis de développer le géme
des musiques afncOine et afro-américaine. Je pense
à ce chanteur de la République Centrafncalne dans
un des disques d'ethnomusicologie de mon armOire,
à ce qui l'amène à ne pas rester dans la tonalité de
l'Instrument, mais à l'accompagner d'un
marmonnement râpeux et dissonant. N'a-t-II pas
des années-lumière d'avance sur les opérettes
Italiennes chontées par ces malheureux à qui an
avait coupé les couil/es pour les fOire monter dons
les OIgus 7 Ce t étot d'esprit n'a n en d'un flou
mystique. 1/ s'appuie sur la souplesse, la dynamique
et la force des cultures afncaines ObjectIVement
conSidérées, les jérémiades de Rod Stewart ne sont
pas plus ami-esthétiques que la façon de chanter
douceâtre de Petit Pays, mOIs pour dire les choses
d'une façon tout à fait subjective. la musique
africaine est bien la mell/eure musique du mande.
La réalité a démenti tous ceux qUI predisaie nt
la fin prochaine d'une musique afn calne
succombant sous les attaques de la cu lture
occidentale. En effet, cette musique est ancree
dans une double culture (locale et étrangère). S'il
est vrai que les prochaines décennies verront
disparaître certains instruments et certaines
techniques du passé, la naissance de nouveaux
styles a d'ores et déjà ennchl la m usique africaine
de nombreuses formes musicales. 1\ est probable
que la musique populaire africaine pourvue de
tous les attributs de la modernlte (attnbuts certes
définis pas l'Occident), a empêché la suprématie
économique des pays industrialises de s'étendre
au domaine musical. On comprend dès lors
pourquOi les stars za'lroises préfèrent tourner
leurs clips de bricoleurs dans des discothèques
ou les techniques de chant; or, la tendance
de l'insoumission du rock, a savoir la guitare en
générale consiste à considérer et à valoriser
ml,
comme plus africains les styles musicaux qui
par excellence, ne contribue pas davantage il
soit devenu aujourd'hUI l'instrument africain
comportent peu d'Instruments dits «européens»
l'effet d'authenticité souhaité. C'est la raison pour
et qUI présentent des harmonies et des chants à
laquelle les musiques zairoise et congolaise, qui
consonance exotique. Concrètement, seuls sont
défient les barriéres culturelles et linguistiques,
commercialisés en EUI'ope et en Amérique les
qui connaissent depuis une dizaine d'annees une
styles musicaux dont l'IInage correspond aux
audience croissante dans l'ensemble du contment
idées du public OCCidental et des décideurs du
africain et qui sont donc les seules a pouvoir
show-business. Mais ces styles musicaux ne
revendiquer une identité musicale panafricaine,
représentent qu'une pièce minuscule,
n'ont guère suscité l'intérêt de l'industrie musicale
généralement mal'ginale, de la complexe
européenne. La présentation des protagonistes
mosa'lque des cultures musicales africaines, De
comporte quelques traits «fâcheux». Des
plus, ces styles l'ésultent d'un compromis entre la
pochettes montrant le chanteur en train de faire
production de l'artiste et les contraintes liées aux
du shopping sur les Champs-Elysees, des couplets
attentes du public européen. Bien sûr, les artistes
qui, jusque dans la critique de la vie européenne,
qui produisent exclusivement pour le marché
montrent que leUl' auteur a une bonne
africain doivent également se soumettre jusqu'à
connaissance de l'Europe, les riches vêtements
un certain point aux attentes de leur public, mais
des grands créateurs de mode, sont des signes
falblemcnt eclairees. En Occident, on y voit
c'est précisément ce qui fait l'attrait de la
sans pour autant subir la puissance économique
trop parlants. Ils indiquent que les musiciens
souvent un l'clet du mode de vie africain
musique populaire africaine pour les masses,
européenne, De ce fait, les « sapeurs» congolais
africains ne cherchent nullement à créer une
«authentique» (i.e, paysan), MalS plus que partout
Dans l'espace de liberté ainsI ménagé, la musique
ou les stars nigériennes arborant des chaînes en
contre-culture musicale «traditionnelle», mais à
ailleurs, c'est dans le domame musical que
afncaine, peut préserver ses différences sans nen
or et des pantalons de lin, ne correspondent
s'approprier les attributs de la culture occidentale
l'antagonisme entre tradition et modernité
perdre de son pouvoir de séduction. Le verre de
guère à l'image que cherche à commercialiser
pour les soumettre à la transformation d'une
s'avère être une pure fiction elaborée par
champagne dans les mains de Koffi Olomide
l'industrie occidentale du disque, bien qu'ils soient
pratique locale.
deVient alors un symbole de l'indépendance
un authentique résultat de la communication
arbltrall'es, les musiciens se creent leur identité
culturelle, En Occident, la musique africaine est
entre l'artiste et le public africains. Car ces
musicale en utilisant, selon leur fantaisie, tous les
en revanche perçue de toute autre façon, Le
musiciens affirment leur appartenance à une
elements il leur disposItion, Par l'assimilation de
critère fondamental pour définir le degré
culture urbaine dynamique dont s'accommode
certams symboles occidentaux, par la fière
d' «authenticité» d'un style musical africain repose
fort mal le concept marketing qui cherche à
affirmation de leur Identite, par leur
sur le schéma mtellecwel qUI oppose
vendre l'Afrique comme une des dernières
professionnahsme, les musiCiens africains sont à
traditionalisme et modernité, On décrète une
réserves de la culture protomoderne. Selon ce
même d'opposer une production tout à fait
musique traditionnelle ou moderne, en fonction
concept, l'authenticité exclut le costume trois
personnelle à la musique populaire occidentale,
de la culture occidentale, considérée comme
pièces de chez Cardin et exige le boubou trois
En Europe, on entend dire sans cesse que la
musique afrIcoIne est merveilleusement pleine
d'accents pétIllants de gaieté. Évidemmen t ' le
rictus de l'Oncle Tom qu'on trouve dons des milliers
de bondes deSSinées, de livres d'enfants et de films
est SI profondément ancré dons les esprits, que les
gens ne savent même plus distinguer entre le rIre et
les larmes des A(ricOlns, MOIS tous ceux qUi
écoutent d'une oreille attentive, vous diront que la
mélancolie tient tout autant de place que la gaieté
et qu'il est souvent question de « mawa » (tristesse,
l'Occident, Indifferents
à ces classements
une production qui defie les efforts de l'Occident
reference absolue en matière de modernité, Les
pièces sur fond de savane. Le fait qu'entre les
pour s'attnbuer le monopole de la modernite, Et
critères utilisés sont les instruments, les gammes
mains des musiciens africains, le symbole même
saudade), de nostalgie, de chagrin d'amour, de
reste sans répercussions dans la musique? MOIs
combat, de souffrance et de Dieu. Au point que mon
voisin m'a avoué qu'il lUi était difficile aujourd'hUi
d'écouter ses disques « high life ", la musique
africaine le plongeant dans une profonde affliction
sur l'état du monde. Et de fait, dans la plupart des
pays africains, la souffrance et les difficultés sont le
lot de la vie quotidienne: et l'on voudroit que cela
peut-être n'est-ce plus qu'une question de temps
avant que quelques musiciens de plus réalisent
qu'on peut s'en mettre plein les poches avec la
fascination européenne pour l'Afrique. Alors,
Angélique KidJo ne sera plus la seule à fOire des cliPs
marqués par une esthétique à la Tarzan. Alors les
musiciens africainS découvriront peut-être le
carburant de cette fascination: le mouvement
pendulaire de
pris entre la doctrine de la
différence des Africains qu'on lUi martèle tout au
long de sa vie et l'insondable magnétisme de la
culture africaine, qUi déclenche en lui des
sentiments de libération et d'apaisement. Symbolisé
par une minette aux cheveux blonds, l'édifice de
cette doctrine se débat hystériquement et nous
présente comme des êtres laids, mais ne peut éViter
qu'un gène atavique ait encodé l'homme africain
comme une référence absolue en matière de beauté.
De même, deux mille ans de mépris du corps prôné
par le christianisme et deux cents ans
d'automutilation cinétique Imposée par la
bourgeoisie, ont conduit les Européens à ne pouvoir
111er l'élégance absolue de la danse africaine qu'en
suant de stress et d'angOisse. VoulOIr alors présenter
la musique africaine comme une production
mstinct/Ve illustrant l'Immaturité émotionnelle de
ses créateurs ne semble pas pouvoir endiguer l'afflux
d'étudiantes africanistes enthouslOstes aux cours de
danse africaine, ni empêcher que la musique
populOire allemande elle-même, soit aujourd'hUi
obligée, pendant le carnaval, d'lIltroduire des
rythmes africains pour faire sortir les gens de leur
torpeur. Personne n'aurait donc reconnu qu'au lieu
de chercher vainement à les transgresser comme le
font la musique classique ou le ballet, la musique
africaine se borne, tout bonnement, à explOiter à
fond l'espace libre laissé à l'lIlténeur des limites du
possible? Personne n'aurait donc remarqué que les
lois de la pesanteur imposent des limites au ballet,
que le cygne a des OI/es et l'homme seulement des
membres, que la sanctification de la composition
dans la musique classique a étouffé le besom SI
profondément humom de la variation?
Cette évolution peut paraître inquiétante aux
Dans la plupart des cas, les ventes afncaines des
musiciens africainS ne sont pas un indice probant
de leur célébrité. En Afrique, la popularité des
groupes africains se joue en grande partie entre le
public et les artistes (cassettes, concerts, bouche
à oreille, image de l'artiste, accueil dans des
structures de diffusion locales comme les
propriétaires de kiosques, les marchands de rue
ou les coiffeuses) et ne dépend pas de strateg es
marketing. Même hors des frontières
continentales, où elle connaît un succes croissant.
tenants d'une conception statique (et non
la musique africaine n'emprunte pas les Circuits
dynamique) de la culture, conception que le
de distribution et de diffusion de la musique
public européen projette sur la culture et
mondiale. Tant qu'on voudra faire appel a des
l'histoire africaines depuis longtemps. Tout repose
explications purement fonctionnelles, ,1 sera
sur l'idée implicite qu'à l'époque précoloniale,
difficile de trouver à ce succès une explication
l'Afrique n'aurait pas connu d'évolution culturelle
satisfaisante qui tienne compte du manque
et qu'elle serait restée figée depuis des siècles
d'opportunités commerciales. Ce qui fOlt venir
dans ses structures traditionnelles. Il se peut que
Konda Bongo Man à Stockholm ou a Noumea n'est
pas le schéma de promotIOn concacte paT une
multinationale du disque COUVTont les cinq
continents. La capacité de penétration de la
musique africaine reste pour mal un sujet
d'étonnement, car elle semble défier toutes les lois
du marketing et du show-business. Pas de battage
médlOtique, pas de tournees mondiales annoncées
en grande pompe et sponsorisees par Valkswagen,
pas de videos dans l'emPire MN. pas de Grammy
Awards. Rien de tout cela. La musique africaine se
répand grâce à la collUSIOn de deux phenomenes
étroitement liés qUi font necessOIrement paroe
intégrante de la vie quotidienne afi'icaine . le petit
commerce et le système D. Ce petIC commerce,
nous le retrouvons sur les rautes de Lomé avec le
la colonisation ait accéléré et amplifié l'évolution
culturelle africaine, mais vouloir lui en attribuer
l'exclusivité ne rend pas justice à la dynamique
historique de l'Afrique. Au contraire, malgré les
infrastructures massives du marketing et la
diffusion mondiale de la musique OCCidentale, les
musiciens africains ont parfaitement su assimiler
des éléments de la musique non africaine, les ont
subordonnés aux principes de l'esthétique
musicale africaine et en ont fait quelque chose
d'original, d'africain à part entière. La vitesse de
propagation des innovations ne laisse pas
d'étonner lorsqu 'on sait qu'en Afrique, la diffusion
de la musique présente tous les signes d'une
entreprise commerciale largement informelle.
marchand Itinérant qUi vend les Cigarettes au détai/,
l'Amérique et l'Europe, on asSiste, dans la
avec la femme qUi achète cinq ki/os de tomates
pour les revendre au marché avec une infime marge
plutôt l'Intensification et la professionnalisatlon de
africaine du marché mondial de la musique, car la
mUSique populaire OCCidentale, à un retour sans
l'explOitation de la culture noire, telles qu'elles
marginalisation économique et politique de
précédent aux racines africaines, Les
ont été rendues possibles par l'évolution
l'Afrique restera toujours un obstacle a sa
bénéfiClOlre Le petit commerce est un système qui
arrangements rythmiques complexes, les
technologique des médias, L.:expérience a montré
diffusion, N 'allez pas penser cependant que sa
repose sur un capital rédUit et une grande force de
synthétiseurs Joués comme des percussions et le
que l'OCCident s'approprie sans cesse les
vitalité souffrira de l'exclusion ; les musiCiens
travail. En Afrique, il sert à fOIre parvenir de maigres
ressources à des hommes aux ressources encore plus
chant parlé viennent remplacer les anciens
nouvelles formes mUSicales noires, qu'Ii les presse
africams savent même tirer profit de cette
hymnes pop, Une fois de plus, ce sont les
Jusqu 'à la dernière goutte et qu'Ii relègue leurs
enViable situation qui leur permet de contmuer
maigres Dans le mande OCCidental pour nous les
africainS, Il sert, pour une part, a nous répartir les
maigres ressources que nous assure la culture
musiciens de la diaspora africaine en Amérique et
créateurs dans les oubliettes de l'histOire une fOIS
de développer leurs propres formes mUSicales un
en Europe qui sont à l'origine de cette évolution,
le travail fini. Et malgré tout cela, {OImerOls savoir
peu à l'écart de la production mUSicale
A tout moment, ils peuvent puiser dans leur
où peut bien être la vague de musique populOlre
rationalisée de l'OCCident Industriel. Aujourd'hui
propre tradition musicale pour y trouver les
Japon OIse déferlant sur le monde pour accompagner
le succès économique de l'industrie électronique
japonaise 7 PourquoI le miracle économique
allemand des années 50 n'est il pas allé de pair avec
un ln/racle mUSical allemand? Les cordes que le
Docteur Nico tendait alors sur sa guitare étaient
pourtant bien en acier de chez Krupp, non? Bon, il
est vrai qU'II y a aussi l'Amérique, mais tous ceux
qui ne se sont pas laissés endormir par les faussaires
de l'histoire culturelle savent bien qui es t à l'origine
de la musique populOire américaine, Dans les
années 3D, la RUSSie fut sans doute une gronde
natIOn Industrielle , mais sur le plan musical, elle
restera éternellement dans un état d'encroûtement
profond et barbare, à moins que d'ici à des temps
prévisibles, on n'assiste à une Immigration massive
en provenance d'Afrique ou des Caraibes , Quant à
vous, chères Newly Industrialized Nations,
n'est-ce pas chez vous qu'on assemble tous les
samplers, drumcomputers, tables de mixage, micros,
gUitares d'où les Freddy Gwala, Queen Latlfa, Koo
Nimo, Dumou Sangare et Ce lia Cruz font sortir ce
funky shit, Au fait , savez-vous vous en servir?
déjà, et malgré d'Immenses résiStances, des
africaine: pour une autre part. la transmission de
ces ressources aux autochtones nous permet
d'acquérir certains biens, phySiques ou non, mais
indispensables à la survie dans une société
etrangère, Quelle est la Gretchen allemande qui dit
non quand Je lUi propose de lUi apprendre à danser
le Madlaba un sOIr chez mOI ] Quel est l'ethnofreak
qw Ile deJallte pas à l'idée de prendre des cours de
percussions avec mOI? La musique est une pierre
centrale du mythe de la spontanelté africaine, de
notre prétendue ImpulSIvité, de notre naturel, La vie
ell EU/ope est plutôt dure, dOliC, quand les
conditions l'exigent. Je me transforme en Ull être
fabuleux de cette mythologie. Cest man seul atout,
Je remue le derrière Ull peu plus que d'habitude
quand Je vais danser avec Gretchen, et Je raconte à
mon ethnofreak que J '01 appris les percussIOns
comme ça de l'lI1 terieur, sans rien fOIre, Je SOIS cette
fasCin at/on naive et Je la mal/wens en Vie, Je me fOIS
vendeur de rue, Je propose les accessoires de la
culture aff/caille à la vente et contribue ainsi à les
fOIre entrer par osmose dons le malnstream
europeen
DepUIS que la vague du hlp-hop a deferle sur
éléments nécessaires à la naissance de ces styles
musicaux néo-africains, Il serait illusoire de
vouloir attn buer la prédominance des styles
musicaux dérivés de la musique africaine à leur
seu le qualité, S, des hommes d'onglne africaine
ont souvent été les catalyseurs des innovations
mUSicales de ce siècle, ils n'ont pu influer que très
marginalement sur leur legs spirituel.
Du côté de l'industrie musicale, l'intérêt pour
les formes musicales nées dans des subcultures
africaines, apparaît toujours à un moment où
l'élan donné par la dernière innovation de la
musique noire est en passe de s'essouffler, On
remarque aujourd'hui qu'une présence
médiatique sans précédent est accordée aux
musiciens africains et aux membres de la diaspora
africaine,
Parallèlement, le raCisme connaît un regain de
faveur, à travers notamment la représentation
steréotypée des musiciens et musiciennes noirs,
Au lieu de considérer leur présence accrue
comme le signe d'une évolution positive pour le
statut des artistes noirs, ce phénomène illustre
On ne peut séparer l'avenir de la musique
formes musicales dénvees de la musique afncame
dominent dans presque tous les styles populaires
du globe, ce qui est une des réussites majeures
du continent africain, Paradoxalement, cette
Afrique, si pauvre d'un point de vue économique,
est devenue en ce siècle un centre emment de la
culture mondiale, Dans mon rêve évetl/e, qui n'est
apparemment pas SI éloigné de la réalité. mon oeil
spintuel me fOit VOir de jeunes Norvegiens et
Norvégienn es bougeant leurs têtes blondes au
rythme des perCUSSIOns, se 100ssant tomber tout a
coup sur leurs jambes, fOisant un pas de danse
latéral et remontant lentement avec une OSCillation
des épaules et une rotatIOn Simultanee du baSSin,
criant à tue-tête " etutana, yango na yango Pour
mal, la scène de Star Trek où l'on VOit Commander
Data Jouer une compositIOn pour VIolon manque
(ortement de réalisme, blkoutsl-mbalax, voilà la
musique de l'avemr
[Kafi Yakpo , ImgUlste germano-ghaneen
à l'université de Cologlle,
membre du groupe de rap Advanced Chemlstry J
En application de la loi du Il mars 1957,
il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans l'autorisation de l'éditeur.
© 1996 - Éditions Florent-Massot
© Photographies Thomas Dorn
Dépôt légal 4" trimestre 1996
ÉDITIONS FLORENT-MASSOT
BP 438-07
75327 Paris cedex 07
Tél. : 0145447808 - Fax: 0145447862