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materia Alexandre le Grand, légende homérique ou champion du panhellénisme ? Gaëtan Locher Alexandre le Grand est une figure historique extrêmement connue qui n’a cessé de fasciner. Sa légende s’est construite de manière complexe et deux axes seront analysés dans cet article : un Alexandre héroïque et impétueux, se rapprochant du légendaire Achille et des figures homériques, mais aussi un Alexandre unificateur des Grecs contre l’ennemi commun qu’est la Perse. Fig. 1 Mosaïque d’Alexandre, Maison du Faune, Pompéi, IIe siècle av. J.-C., https://www. nationalgeographic.fr/histoire/alexandre-legrand-la-bataille-qui-lui-ouvrit-lasie, dernière consultation le 08.03.2022. Introduction 1 Vernant 1999, p. 109. 2 Intinsky H. U., Alexander der Grosse am Würzburg, Universitätsdruckerei Hellespont, H. Stürtz AG, 1949. Fig. 2 Copie romaine d’un buste d’Alexandre le Grand. Goy D., Blengino L., Ismard P. et al., Alexandre le Grand, Grenoble, Éditions Glénat, 2018, p. 49. Alexandre III de Macédoine (356 à 323 av. J.-C.) (fig. 2), plus connu sous le nom d’Alexandre le Grand, est une figure extrêmement populaire dont les exploits résonnent jusqu’à aujourd’hui. Il a influencé et inspiré de nombreuses personnalités à travers les siècles, grâce aux historiens antiques mais aussi modernes, qui n’ont eu de cesse de diffuser les récits de ses actions, étroitement liés à sa grande campagne contre la Perse. Il est souvent représenté dans les textes antiques comme l’égal du légendaire Achille. En effet, ces deux hommes se valent par leur impétuosité, leur statut de demi-dieu et leurs victoires éclatantes. De plus, le destin d’Alexandre, mort prématurément, en pleine force de l’âge, avec un nom marquant l’histoire, ressemble énormément à celui d’Achille1. Cette résonance homérique se retrouve dans bon nombre de sources antiques et s’est diffusée jusqu’à nos jours, influençant les représentations (fig. 3) du conquérant macédonien à travers les siècles. Toutefois, un second point de vue sur la création de la légende d’Alexandre est développé par H. U. Intinsky en 19492. Ce dernier confronte les textes d’Hérodote sur les guerres médiques avec les nombreuses versions de la vie d’Alexandre écrites par les auteurs antiques qui se basent sur les écrits des Compagnons - historiens, sources contemporaines sur le jeune roi qui ne nous sont malheureusement pas parvenues. Cela lui permet de proposer une autre théorie sur la mythification du souverain. Selon lui, l’opposition que l’on retrouve dans la littérature antique entre Alexandre le Grand et les actions politiques des rois perses fait du Macédonien le champion du panhellénisme face à l’ennemi commun oriental. Cette confrontation d’un Alexandre en champion panhellénique et d’un Alexandre épique amène une interrogation principale : estce que la légende d’Alexandre, fondée par ses historiens-biographes et propagée par la suite à travers deux millénaires de littérature, se base principalement sur la « version » homérique ou sur celle du champion panhellénique anti-Perses ? La longue transmission de l’histoire d’Alexandre dans le temps implique de sérieuses modifications, enjolivements et mythifications des véritables faits historiques. L’image du conquérant est ainsi extrêmement complexe à 17 chronozones 27/2022 ENCADRÉ 1 : PAUL PÉDECH SUR LES NOMBREUSES RÉFÉRENCES À L’ILIADE PRÉSENTES DANS LA VIE D’ALEXANDRE. « De l’union d’Andromaque et de Néoptolème, fils d’Achille, était né Molossos, ancêtre éponyme Fig. 3 Entrée d’Alexandre le Grand dans Babylone, tableau de Charles le Brun, 1665, Musée du Louvre, https://www.panoramadelart.com/ alexandre-babylone-lebrun, dernière consultation le 15.02.2022. de la dynastie molosse, à laquelle appartenait Olympias, la mère d’Alexandre. Les ombres des héros d’Homère accompagnaient pas à pas le jeune conquérant. » appréhender, et ce d’autant plus à cause de la multitude de sources nous narrant sa vie. Malheureusement, les sources littéraires contemporaines, écrites par les compagnons d’Alexandre, ne nous sont pas parvenues. Elles ont néanmoins servi de matériel de premier choix pour l’élaboration des textes d’auteurs plus tardifs3, tel que Plutarque et Arrien4. Grâce aux travaux littéraires et philologiques d’historiens modernes se basant sur ces textes postérieurs, les influences et les grandes lignes des textes de première main peuvent être reconstituées. Parmi les nombreux auteurs contemporains du jeune conquérant se distinguent Callisthène et Onésicrite, qui représentent bien les partis pris possibles lors de l’écriture sur la vie d’Alexandre5. En effet, il est très important de souligner qu’il existe de grandes divergences entre les récits des différentes sources contemporaines6. Callisthène tend à montrer Alexandre comme le champion du panhellénisme, l’unificateur et le vengeur de tous les Grecs face à la menace qu’est la Perse. De plus, il est un grand lecteur de l’Iliade (comme bon nombre de Grecs de son époque) et crée des parallèles entre le texte d’Homère et les agissements d’Alexandre7. Onésicrite, quant à lui, semble voir en Alexandre un philosophe-conquérant, un civilisateur des peuplades orientales. Il a aussi une tendance à l’exagération et à l’affabulation, inventant par exemple la rencontre légendaire entre Alexandre et la reine des Amazones8. Le statut héroïque d’Alexandre Le statut héroïque d’Alexandre, extrêmement visible dans les écrits antiques, est ensuite repris par de nombreux auteurs postérieurs (encadré 1). Une des explications du succès de la vision héroïque du conquérant se trouve chez les auteurs latins d’époque impériale, plus précisément grâce au mouvement 3 Nawtoka K. (éd.), The Historiography of Alexander the Great, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2018, p. 1-7. 4 Plutarque (~ 46 à 125 ap. J.-C.) et Arrien (~ 85 à 146 ap. J.-C.) sont des auteurs antiques écrivant durant le Haut-Empire romain. De nombreux siècles les séparent des événements qu’ils présentent : ils font ainsi partie de la seconde génération de sources sur Alexandre. 5 Ils ne sont, bien sûr, pas les seuls contemporains d’Alexandre à avoir écrit sur sa vie et son expédition, mais les éléments et caractéristiques de leurs écrits perdus, « reconstitués » par les chercheurs modernes, semblent être des plus intéressants pour la problématique de cet article. 6 Pédech 1984, p. 8. 7 Ibid., p. 17-37. 8 Ibid., p. 75-78. 18 materia Fig. 4 Mosaïque d’Alexandre, Maison du Faune, Pompéi, IIe siècle av. J.-C., Goy D., Blengino L., Ismard P. et al., Alexandre le Grand, Grenoble, Éditions Glénat, 2018, p. 53. 9 Briant 2018, p. 12. 10 Wallace 2017, p. 164. 11 Courtieu 2004, p. 144-146. 12 Arrien, Les expéditions d’Alexandre le Grand, Livre VI, 3. 13 Onésicrite est l’un des auteurs de première main sur Alexandre. Il est l’une des sources principales sur lesquelles se basent les auteurs plus tardifs pour rendre compte de la campagne macédonienne en Inde. Prompt à utiliser les légendes comme arguments rhétoriques, comme par exemple la rencontre avec la reine des Amazones, sa mention des armes mythiques est, ainsi, à prendre avec un certain degré de prudence. 14 Bichler 2018, p. 65-67. littéraire qu’est la seconde sophistique. Ce mouvement, des IIe et IIIe siècles ap. J.-C., est marqué par une forte propagation des textes grecs dans la littérature latine. Dans le cas d’Alexandre, la diffusion des sources de première main mais, aussi et surtout, des œuvres d’Homère, contribue à ancrer encore plus son statut héroïque dans l’imaginaire collectif de la société romaine (fig. 4 et 5)9. De nombreux exemples d’influence homérique se retrouvent dans les sources antiques. Le premier est le lien entre Alexandre et la ville d’Ilion. Après avoir traversé l’Hellespont, Alexandre s’arrête à Troie et, selon Diodore (encadré 2), sacrifie à Athéna ainsi qu’aux illustres héros de l’Iliade. Il s’agit de gestes hautement symboliques dans un lieu connu et reconnu par les contemporains d’Alexandre. L’émulation autour d’Ilion perdure bien après le passage d’Alexandre, avec des visites et des sacrifices de la part de Pompée et même de l’empereur Caracalla, cinq siècles plus tard10. Par la suite, Alexandre s’empare d’armes sacrées censées dater de la fameuse guerre de Troie et conservées dans le temple d’Athéna Ilias. Un tel échange « d’égal à égal » avec une divinité est quelque chose d’exceptionnel pour l’époque11 et contribue davantage à la légende homérisante d’Alexandre. Les armes héroïques disparaissent ensuite rapidement des récits. Une seule autre mention peut être relevée : lors d’un combat en Inde, Alexandre est protégé des traits ennemis grâce au bouclier de Troie12. Mais ce passage, comme la majorité des éléments relevant de la campagne en Inde, est certainement inspiré de l’œuvre perdue d’Onésicrite13, ce qui nous pousse à favoriser la piste d’une invention à but rhétorique14. Un autre élément marquant de l’Iliade, Achille trainant le corps d’Hector derrière son char, se retrouve chez QuinteCurce. Dans ce passage (encadré 2), le commandant de Tyr se voit infliger ce triste sort par Alexandre. On peut s’interroger ENCADRÉ 2 : ALEXANDRE ET LA GUERRE DE TROIE ALEXANDRE HONORE LES HÉROS GRECS À TROIE. « Lui-même (Alexandre) accosta en Troade avec soixante vaisseaux de guerre. Du navire, il jeta sa lance et, l’ayant fichée dans le sol, il fut le premier Macédonien à sauter à terre, déclarant recevoir l’Asie des Dieux, comme un bien conquis à la pointe de la lance. Il honora également les tombes d’Achille, d’Ajax et des autres héros par des sacrifices funèbres et autres marques d’honneurs en usage. » Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 17.2-3. ALEXANDRE IMITE ACHILLE. « Sa colère s’était tournée en rage, et déjà sa nouvelle fortune subissait l’influence des mœurs étrangères : on le vit, quand son ennemi respirait encore, lui faire traverser les talons par des courroies, et, attaché à un char, le faire traîner par des chevaux autour de la ville. Il se glorifiait d’imiter ainsi, dans sa vengeance, Achille, l’auteur de sa race. » Quinte-Curce, L’histoire d’Alexandre le Grand, IV, 6. 19 chronozones 27/2022 ENCADRÉ 3 : ALEXANDRE, VENGEUR DE DIDYMES, DÉTRUIT LA VILLE DANS LAQUELLE VIVAIENT LES DESCENDANTS DE LA FAMILLE DES BRANCHIDES. « […] Alexandre détruisit encore la villes des Branchides, que Xerxès avait établis là-bas parce qu’ils avaient livré de leur propre initiative les trésors et les dépôts d’offrandes du Dieu de Didymes et avaient dû, de ce fait, quitter leur patrie à sa suite. Alexandre aurait donc ordonné cette destruction pour marquer son indignation à l’endroit de leur sacrilège et de leur trahison. » Strabon, Géographie, XI, 11.4. sur la véracité de cette information. En effet, Alexandre pouvait se montrer parfois d’une extrême cruauté, mais le pathos semble ici un peu exagéré, d’autant plus que les modernes supposent que l’auteur s’est inspiré des écrits d’Hégésias de Magnésie15, connu pour prendre de grandes libertés par rapport à la réalité16. Le conquérant macédonien est ainsi paré d’attributs héroïques, visibles chez les auteurs antiques plus tardifs, qui lui prêtent même des agissements directement liés aux légendes homériques. Alexandre en tant que champion du panhellénisme La représentation collective d’Alexandre peut aussi être liée à l’aversion des Grecs envers les Perses et au souvenir des guerres médiques. Selon des recherches du XXe siècle17, il est possible de retrouver, dans les sources antiques, des passages dans lesquels Alexandre est présenté à la fois comme le vengeur des destructions subies par les Grecs et comme le champion du panhellénisme18. Il est important de souligner que la notion de panhellénisme est très présente chez les contemporains d’Alexandre. En effet, la domination macédonienne sur le monde grec, incontestable depuis la bataille de Chéronée (338 av. J.-C.), produit plusieurs réactions chez les penseurs. D’un côté, certains continuent à plaider contre la Macédoine, à l’image de Démosthène. De l’autre, un sentiment d’union de tous les Hellènes se diffuse avec les œuvres d’Isocrate comme littérature principale19. Présenter Alexandre comme le champion de la vengeance contre les Perses eut ainsi un certain succès auprès d’une partie de la population égéenne. Callisthène, qui a suivi les enseignements isocratiques, est tenu par les modernes comme la source primaire principale des textes postérieurs dans lesquels Alexandre et le panhellénisme antiPerses apparaissent. Ce lien est visible dans différentes sources antiques : dans certains textes, par exemple chez Strabon (encadré 3) apparaît un événement révélateur de cette facette vengeresse d’Alexandre : la destruction d’une ville près de l’Oxus et le massacre de tous les habitants car leurs ancêtres, les Branchidaes, auraient trahi le sanctuaire de la ville de Didymes en faveur de l’armée de Xerxès20. De plus, l’oracle de ce sanctuaire, une fois la ville conquise par les Perses en 494 av. J.-C., devint muet21. Il est intéressant de relever que, plus de 150 ans plus tard, après la reconquête de Didymes par Alexandre le Grand, l’oracle recommença ses prédictions et l’une des premières prophéties après sa libération fut une validation du statut divin du jeune roi22. Enfin, la destruction de Persépolis est également un événement d’une grande importance symbolique dans la campagne d’Alexandre. En effet, cet incendie qui a détruit le Palais et la capitale de l’Empire achéménide peut être vu comme le paroxysme de la vengeance des Grecs contre les Perses. Grâce à ces éléments visibles dans les textes antiques, le panhellénisme anti-Perses apparaît comme une composante sérieuse de la légende d’Alexandre. Cependant, un événement historique met à mal la représentation d’adhésion de tous les Grecs à cette affirmation panhellénique : en effet, en 330 av. J.-C., une révolte est menée contre la Macédoine par Agis III, roi de 15 Auteur grec du IVe siècle av. J.-C., il a certainement écrit un texte, aujourd’hui perdu, sur la vie d’Alexandre dont il est contemporain, sans toutefois participer à l’expédition. De plus, selon les modernes, il semble apprécier l’utilisation de figures de styles et d’exagérations rhétoriques pour marquer ses lecteurs. 16 Briant 2018, p. 13. 17 Intinsky 1949 ; Muccioli 2018 ; Briant 2018. 18 Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 4. 19 Par ex. Isocrate, Discours à Philippe, 5, dans lequel Isocrate insiste sur la puissance, la richesse et la gloire qu’obtiendrait celui qui parviendrait à conquérir la Perse en unissant tous les Grecs. 20 Muccioli 2018, p. 127. 21 Hérodote, VI, 19. 22 Pédech 1984, p. 42-56. Fig. 5 Médaillon romain en or représentant Alexandre, IIIe siècle ap. J.-C., Walters Arts Museum, Baltimore, Garcia Sanchez M., Histoire et Civilisations 76, 2021, p. 24. 20 materia Fig. 6 Carte représentant la campagne et les conquêtes d’Alexandre le Grand, https://salle308. wordpress.com/alexandre-le-grand-356-323avant-jc/ dernière consultation le 15.02.2022. 23 Kouliakotis 2017, p. 43-44. 24 Pédech 1984, p. 57. 25 Idem. 26 Briant 2019, p. 85-116. 27 Pédech 1984, p. 57. Entre 328 et 327 av. J.-C., Alexandre impose, à tous, la prosternation devant lui-même. Il s’agit d’une coutume perse qui est mal reçue par les compagnons du Roi. Ainsi, Callisthène et de nombreux Macédoniens de haut rang s’y opposent. 28 En 327 av. J.-C. Sparte. Ce soulèvement, infructueux, qui se déroule plusieurs années après le début de l’expédition d’Alexandre, prend à contre-pied la représentation idéalisée d’une « Grèce unie » contre ses ennemis et présente les limites de la rhétorique panhellénique23. La figure héroïque prend le pas sur la figure panhellénique L’influence littéraire de Callisthène se ressent, ainsi, à la fois sur la représentation homérique mais aussi lorsqu’on aborde le panhellénisme et la mise en avant d’Alexandre comme vengeur des Grecs24. Toutefois, après avoir présenté ces deux traditions littéraires de la création de la légende du roi, comment expliquer que la version héroïque ait supplantée celle du panhellénisme anti-Perses ? L’une des réponses possibles se trouve dans l’ouvrage de P. Pédech. Selon lui, les premières années de la campagne d’Alexandre sont très marquées par la mise en avant panhellénique du roi macédonien dans les textes antiques s’inspirant de Callisthène, tandis que l’héroïsme homérique prend une très Fig. 7 Avers d’une tétradrachme d’Alexandre III, représentant la tête d’Héraclès, 334-323 av. J.-C., Lilibaki-Akamati M., Chrysostomou P., Akamatis I. M. et alii., The Archaeological Museum of Pella, Athens, John S. Latsis Public Benefit Foundation, 2011, p. 107. grande importance par la suite, durant les dernières années de règne du roi macédonien et, surtout, après sa mort avec la diffusion de ses exploits25. Pour expliquer cette évolution, il est important de prendre en compte que les premières actions d’Alexandre, lors des conquêtes de l’Asie Mineure, de l’Égypte et même de la Mésopotamie, sont compatibles avec le lieu commun du panhellénisme et de la vengeance contre les Perses. Néanmoins, progressivement, Alexandre se détourne de ce programme et multiplie les décisions politiques en faveur d’une intégration des élites orientales dans son royaume. En effet, le projet de stabilisation et d’administration des immenses territoires conquis (fig. 6) nécessite la participation active des puissantes familles locales, fidélisées par l’adoption de mœurs orientales par l’administration royale26. L’obligation de la proskynèse27, qui scandalise l’élite macédonienne, est le point de rupture, un changement de paradigme à partir duquel Alexandre ne peut plus, par ses actions, être présenté comme le champion du panhellénisme anti-Perses. En même temps, la nature divine, et donc héroïque, du Roi est mise en avant, comme en témoigne le monnayage de cette époque représentant Héraclès sous les traits d’Alexandre (fig. 7). De plus, Callisthène, l’auteur contemporain le plus fervent visà-vis du panhellénisme, est emprisonné sur ordre d’Alexandre, peu après l’affaire de la proskynèse et de la conjuration des pages. Il meurt en captivité quelques mois plus tard28. Sa disparition marque la fin de la représentation des actions d’Alexandre comme symboles du panhellénisme dans les sources de première main. Par la suite, 21 chronozones 27/2022 les récits des historiens-biographes et de leurs successeurs dressent de préférence d’Alexandre le Grand un portrait homérique et héroïque. Portrait qui éclipse, peu à peu, le panhellénisme des principales facettes de la légende d’Alexandre. Littératures secondaires • BICHLER R., « On the Traces of Onesicritus, Some Historiographical Aspects of Alexander’s Indian Campaign », in NAWTOKA K. (éd.), The Historiography of Alexander the Great, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2018, p. 51-70. Conclusion • BRIANT P., « Alexandre à Troie, images, mythe et realia », in NAWTOKA K. (éd.), The Historiography Ainsi peut s’expliquer la diffusion plus large de la représentation héroïque du souverain macédonien dans les imaginaires collectifs, tant antiques que modernes. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la légende d’Alexandre s’est construite sur un grand nombre de sources, Callisthène et Onésicrite n’étant pas les seuls à présenter la campagne d’Alexandre. Tous ces « historiens compagnons d’Alexandre », pour reprendre le titre de P. Pédech, avaient des points de vue, des buts et des ambitions très différents au moment d’écrire la première génération de sources. Cette abondance de matériel sur la personne d’Alexandre crée une multitude de facettes à sa légende et rend la délimitation entre réalité et fabulation très difficile. Le mot de la fin revient à Ulrich Wilken, qui résume à merveille le côté subjectif de l’étude de cette figure historique : « chaque étudiant a son propre Alexandre »29. of Alexander the Great, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2018, p. 9-20. • BRIANT P., Alexandre le Grand, Paris, Humensis, 20199 (1974). • COURTIEU G., « La visite d’Alexandre le Grand à Ilion/Troie », GAIA 8, 2004, p. 123-158. • INTINSKY H. U., Alexander der Grosse am Hellespont, Würzburg, Universitätsdruckerei H. Stürtz AG, 1949. • KOULAKIOTIS E., « Attic Orators on Alexander the Great », in MOORE K. (éd.), Brill’s Companion to the Reception of Alexander the Great, Boston, Brill, 2017, p. 41-71. • MUCCIOLI F., « In Search of the Many Images of Alexander at Chaeronea, Historical and Literary Traditions in Plutarch’s Corpus », in NAWTOKA K., (éd.), The Historiography of Alexander the Great, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2018, p. 119-130. Bibliographie • PÉDECH P., Historiens compagnons d’Alexandre, Sources antiques Callisthène – Onésicrite – Néarque – Ptolémée – Aristobule, Paris, Les Belles Lettres, 1984. • ARRIEN, Les expéditions d’Alexandre le Grand, Livres I à VII, texte établi et traduit par BUCHON • VERNANT J.-P., L’univers, les dieux et les J.-A., Clermont-Ferrand, Éditions Paleo, 2005. hommes, récits grecs des origines, Paris, Éditions du Seuil, 1999. • DIODORE DE SICILE, Bibliothèque historique, Livre XVII, texte établi et traduit par Goukowsky P., • WALLACE S., « Metalexandron : Receptions of Alexander in the Hellenistic and Roman Worlds », Paris, Les Belles Lettres, 1976. in MOORE K. (éd.), Brill’s Companion to the • HÉRODOTE, L’Enquête, Livres V à IX, texte traduit Reception of Alexander the Great, Boston, Brill, et annoté par BARGUET A., Paris, Gallimard, 1964. 2017, p. 162-196. • QUINTE-CURCE, L’histoire d’Alexandre le Grand, texte établi et traduit par AUGUSTE M. et TROGNON A., Paris, Garnier frères, 1861, http:// remacle.org/bloodwolf/historiens/quintecurce/ index.htm, dernière consultation le 15.02.2022. • STRABON, Géographie, Livre XI, texte établi et traduit par LASSERRE F., Paris, Les Belles Lettres, 1975. 29 Wilken U., Alexander the Great, New-York, W. W. Norton, 1967, p. 29. Traduction personnelle.