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Document généré le 23 sept. 2023 22:13 Séquences La revue de cinéma Quand ER est visité par QT Sylvie Gendron Numéro 179, juillet–août 1995 URI : https://id.erudit.org/iderudit/49640ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Gendron, S. (1995). Compte rendu de [Quand ER est visité par QT]. Séquences, (179), 56–57. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1995 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ T é l é v i s i o n qualités qu'il avait perdues sur cassette. Sur la bande-son, les fréquences aiguës sont mieux calibrées, tandis que les basses retrouvent leur impact premier (on peut parfaitement distinguer chacun des pas pneumatiques de RoboCop et on s'étonne devant la puissance effrayante de son rival, ED-209). Sur les pistes analogiques, on peut entendre tout au long du film les commentaires du réalisateur Paul Verhoeven, du scénariste Edward Neumeier et du producteur Jon Davison. Les anecdotes racontées par Neumeier se révèlent fascinantes et enrichissantes, mais il faut entendre le charmant accent de Verhoeven (il est hollandais d'origine, RoboCop étant son premier film américain) qui s'enthousiasme et s'excite encore aujourd'hui pour le projet. À l'écouter, on ne croirait jamais que huit ans se sont écoulés depuis la sortie du film. La déception s'installe cependant lorsque l'on aborde les suppléments. La section «Shooting RoboCop» ne fait que reproduire le texte d'un article publié dans la revue Cinefex en y intégrant une combinaison d'éléments photographiques divers à l'aide d'effets vidéo plus agaçants que pertinents. Même si elle est bien documentée, la section manque de variété. Je me souviens avoir vu plus de matériel visuel lors des reportages d'Entertainment Tonight La section suivante compare simultanément une séquence du film avec les dessins du storyboard, ce qui est toujours instructif, mais les concepteurs font glisser les dessins dans le cadre, créant un mouvement inutile qui diminue la portée de l'exercice. Le reste du storyboard, inclus dans une autre section, permet de constater certains changements apportés au cours du tournage (par exemple, une séquence montrant RoboCop se recueillant sur la tombe de son alter ego humain, Murphy, a été illustrée mais jamais tournée). Quant à la section publicité, elle semble souffrir d'anémie car elle est ridiculement courte (s'agirait-il d'un problème d'encodage?). Finalement, ce supplément est à l'image de la mosaïque vidéo qui termine le disque: bref, fragmenté et inattendu. Les concepteurs de cette édition laser semblent avoir confondu contenant et contenu. En investissant trop d'énergie dans l'un, ils ont négligé l'autre. Ironiquement, c'est un peu le sujet de RoboCop: soigner les apparences au détriment des vrais problèmes. Fort heureusement, le D es portes battantes s'ouvrent à toute volée. Vous Il y avait longtemps qu'une série de type médical êtes sur une civière qui roule à toute vitesse vers connaisse autant de succès et cet engouement n'est une salle d'examen; d'évidence, vous n'êtes pas au pas gratuit: ER est bien la merveille que l'on dit, pour meilleur de votre forme. Sont penchés sur vous les qui aime l'ambiance survoltée des salles d'urgence, les visages tendus mais consciencieux du docteur Green, personnages bien écrits, les situations tragi-comiques ou Lewis, ou Benton, et du jeune Carter, pendant et les intrigues habilement amenées. Ça change de la que des mains expertes vous palpent et vous posent linéarité lénifiante et du rythme pépère de Marcus mille bidules visant à vous sonder. En langage codé, Welby, M.D. En fait, la dernière fois qu'on a eu droit on commente votre pouls, votre respiration, votre pa- à une telle qualité de spectacle, c'est avec St-Elsewhere thologie particulière ou votre accident, au choix. On qui, de 1982 àl988, allait rehausser les standards du film lui-même demeure toujours visionnaire et aussi ordonne de vous faire les examens X, Y et Z. L'acti- genre «dramatique médicale». Pour les curieux et les impressionnant. vité dans laquelle vous êtes plongé est dense, intense, insomniaques, CFCF-12 repasse d'ailleurs la série, André Caron surhumaine. C'est grisant et haletant à la fois. Vous très tard dans la nuit — de 4h à 5h — en semaine. touchez finalement au but — la salle d'examen — Sur un concept du célèbre Michael Crichton, ER (RoboCop, Paul Verhoeven, 1987, 103 min.. The Criterion quand le générique d'ouverture démarre: bienvenue à s'est taillé la part du lion dès sa première saison, voire Collection #CCI359L) ER dès le premier épisode, faisant mordre la poussière à 56 Séquence Chicago Hope, la série rivale. Il faut dire que le «look» à la L.A. Law de Chicago Hope donne une forte impression de déjà vu. Pour bien situer le registre, disons que, sur le plan de la réalisation, ER est à la dramatique médicale ce que NYPD Blues est à la série policière, les trémolos de caméra en moins. Pour le grand public, ER séduit et enthousiasme parce que tout s'y déroule à vive allure dans un esprit réaliste. Les personnages plus qu'humains sont attachants et sincèrement campés par une bande de comédiens doués. Mais bien entendu, ce sont les situations survoltées qui jouent pour beaucoup dans l'intérêt qu'on porte à la série: entre un crochet de boucher planté dans un biceps et un autocar de touristes allemands frappés d'empoisonnement alimentaire, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Il est bien évident que ce qui retient d'abord l'attention, c'est la nature des interventions et des cas qui nous sont montrés. Mais si on y regarde de plus près, ce qui fait la grande qualité de cette série, c'est sans nul doute l'esprit de sa réalisation. ER ne fait pas seulement de la télévision. ER, c'est l'ampleur du cinéma transposée pour le médium télévisuel. Autrement dit, en y mettant le temps et l'atgent, les producteurs ont compris que l'on peut apporter un souffle cinématographique aux images télévisées. La réalisation complexe nécessite certainement de longues heures de tournage. Toutes les scènes cruciales des épisodes sont composées le plus souvent d'une série de longs plans-séquences qui contiennent un texte dense et spécialisé, des déplacements nombreux, une mise en scène compliquée par toute une gestuelle technique jouée par plusieurs acteurs simultanément ainsi qu'un nombre impressionnant de figurants. Le degré de difficulté est énorme et le risque de ratage pour chaque plan, démultiplié. C'est merveille que de suivre le ballet d'une action et d'arriver à son dénouement en se disant que mille fois on frôlait l'incident. Pour un œil averti, c'est aussi là que réside tout le «charme» de ER. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que Quentin Tarantino ait eu envie de réaliser une tranche de vie des personnages de ER. L'avant dernier épisode de la saison coïncidant avec la fête des mères, il a travaillé sur le thème de la maternité ou de l'état maternel. Cela peut sembler étonnant, mais l'épisode contenait de très beaux morceaux de tendresse et, tout en conservant les éléments typiques de la série, Tarantino a su se distinguer en ajoutant quelques figures de style de son cru. Ainsi, cette séquence où, sur fond de Schubert — souvenez-vous des plus beaux passages de Trop belle pour toi de Blier —, l'équipe doit sauver un jeune homme empalé accidentellement sur une barre de fer (soit dit en passant, la nature de la blessure a dû réjouir le public tout autant que le réalisateur); alors que jamais on ne voit les chairs se faire taillader, on a eu droit cette fois à la coupe chirurgicale d'un thoNo 179 — Juillet/août 1995 rax, peau, chair et os compris. Tarantino a pris soin de bien nous montrer chacun des instruments utilisés pour l'opération, insistant bien sur la scie-sauteuse. Mais c'est beaucoup plus par l'utilisation de la caméra comme témoin des actions que se distingue la réalisation de Tarantino. Du plus simple au plus compliqué, il nous met en situation de personnage voyeur. La caméra toujours mobile se permet des figures de style osées. Le meilleur exemple en est ce long planséquence dans lequel il y a cette scène d'un court échange entre deux personnages: la caméra va de l'un à l'autre, successivement à gauche et à droite, sans jamais s'interrompre, dans la logique de notre «regard témoin», donnant une vue d'ensemble très inhabituelle et certainement anti-télévisuelle. On reconnaît aussi sa griffe dans ce plan fixe de deux jeunes femmes qui, allongées sur des chaises longues, se font btonzer sur le toit de l'hôpital, profitant d'un rare moment de répit. Plutôt que de les filmer sous un angle flatteur — un trois-quart moyen —, Tarantino choisit un plan fixe de face dans l'angle exact de leur corps, accentuant l'incongruité de la situation. Enfin, si cet épisode n'était pas plus sanglant qu'à l'habitude, la violence y était, sans doute, plus crue comme dans cette séquence où une jeune Portoricaine prend d'assaut une salle d'examen afin d'achever celle qui s'y trouve; la force des coups de poing assenés et l'oreille coupée de l'assaillante (un motif familier à Tarantino) sidèrent autant qu'elles surprennent. Si on ne peut pas dire de cet épisode qu'il est meilleur que les autres de la série, c'est tout simplement que les standards élevés de qualité qui président à chaque réalisation sont systématiquement atteints chaque fois. Dans ces conditions, il est certain que Tarantino ne peut déparer. ER reviendra à l'automne prochain, mais en attendant, vous pouvez toujours profiter des rediffusions. Peut-être aurez-vous la chance de revoir l'épisode signé Tarantino, bien que tous les épisodes valent la peine d'être vus. 1959 SHADOWS Présenté au Festival de Venise dans une copie non sous-titrée, Shadows divisa assez nettement la critique (bien qu'il y obtint le Prix de la critique!): «cogitation invertébrée, sans commencement ni fin», «rien qu'une promenade de caméra», «étalage de pantins sans originalité», mais aussi «choc artistique sans précédent», «film amical, généreux», «épanouissement de la vie à chaque image». Le film de John Cassavetes (comédien dont c'était le premier film en tant que réalisateur) est une improvisation d'acteurs. Dans cette histoire de deux frères et une sœur de race noire, le metteur en scène a laissé, sur un simple schéma de base, la plus grande liberté à ses interprètes pour improviser leur jeu à l'intérieur de chaque situation. C'est par la suite, au montage, qu'il a choisi «les moments de ses séquences». Le résultat est d'une extraordinaire fluidité, puisque le spectateur, surpris de l'absence de scènes qu'il avait prévues, est constamment ramené de force au rythme haletant, laborieux, de la vie réelle, celui de la parole, de la respiration et du mouvement Des êtres se révèlent par éclairs, sans recours au mensonge d'un scénariste. Avec les 75 minutes de Shadows, Cassavetes montrait que le cinéma n'était pas nécessairement une usine à rêves: il devenait une réalité qui pouvait permettre à l'homme de se lire et de se connaître. et aussi: À bout de souffle (Jean-Luc Godard), N2RTHERN EXPOSURE l ^ — — • « — • — • m i l » Adieu Docteur Fleishman, adieu Northern Exposure Rien de pire ne pouvait arriver au Dr. Joel Fleishman que de se trouver forcé d'honorer sa dette envers l'État de l'Alaska sous la forme de quatre années de service à Cicely. Et, quatre ans plus tard, rien de pire ne pouvait survenir à Northern Exposure que de perdre son personnage principal. Ainsi, la boucle est bouclée et dans un ultime épisode, Joel s'en est allé retrouver Les 400 coups (François Truffaut), Hiroshima m o n a m o u r (Alain Resnais), P i c k p o c k e t (Robert Bresson), Moi, un N o i r (jean Rouch), Peeping Tom (Michael Powell), Room at the Top (Jack Clayton), Some Like I t H o t (Billy Wilder), La Source (Ingmar Bergman), O n the Beach (Stanley Kramer), Le Pigeon (Mario Monicelli), Rio Bravo (Howard Hawks), Les Dragueurs (Jean-Pierre Mocky), Les Cousins (Claude Chabrol). 57