Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
ISSN 0035-0907 Collection « Études Biblique » CENT DIX-SEPTIÈME ANNÉE N° 3 JUILLET 2010 * (Nouvelle série n° 61) Évangile selon marc par Dom Benoît stanDaert, o.s.B. Un ensemble de trois volumes de 1.238 pages .................... € 156 Collection « Cahier de la Revue Biblique » j uillet 2010 PUBLIÉE PAR (N° 73) par P. garuti Un volume de 184 pages ........................................................ € 46 (N° 74) samaritains, juifs, temPles R evue biblique avant que se leve l’etoile Du matin L’ÉCOLE BIBLIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE FRANÇAISE ÉTABLIE AU COUVENT DOMINICAIN SAINT-ÉTIENNE DE JÉRUSALEM SOMMAIRE Pages M. Richelle. – Élie et Élisée, Auriges en Israël : Une Métaphore militaire oubliée en 2 R 2,12 et 13,14 ..................................................................................................... B.A. Levine. – On the social aspects of sacrifice : A paradigm from the Hebrew Bible . É. Nodet. – Prières de Manassé (2 CH 33,13* ; TSK 1.144* ; 4 Q 381 ........................... T. Murcia. – Le statère trouvé dans la bouche d’un poisson (Matthieu 17,24-27) .......... L. Devillers. – Le papyrus Bodmer II, Aujourd’hui comme hier : Fragments de correspondance entre Victor Martin et Marie-Émile Boismard ............................................. E. Friedheim - S. Dar. – Some historical and archaeological notes about Paganism in Byzantine Palestine .................................................................................................. R. Beeri - D. Ben-Yosef. – Gaming Dice and Dice for prognostication in the Ancient East in light of the finds from Mount Ebal ..................................................................... Notes philologique. – Le meurtre de Zacharie fils de Barachie (É. Nodet) ..................... Recensions : Michaël LANGLOIS, Le premier manuscrit du Livre d’Hénoch. Étude épi graphique et philologique des fragments araméens de 4Q201 à Qumrân. (É. Puech) Gérard N. AMZALLAG, The Copper Revolution Smelters from Canaan and the Beginning of Civilization. (É. Nodet)...................................................................... Frédéric ALPI, La route royale: Sévère d’Antioche et les Églises d’Orient (512518) (J. Taylor) ........................................................................................................ Bulletin ................................................................................................................................ Livres reçus ........................................................................................................................ PUBLIÉE AVEC LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE CENTRE NATIONAL DU LIVRE CONCOURS DU ET DU par É noDet Un volume de 117 pages ........................................................ € 38 * PENDÉ – LIBRAIRIE LECOFFRE J. GABALDA ET Cie, Éditeurs RUE DU PETIT PENDÉ, 69 FRANCE Prix : 45 e – 2010 321 337 345 361 389 397 410 430 435 439 452 456 477 RÉDACTION La Revue Biblique est l’organe de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem. Elle publie des articles, des chroniques, des recensions, des comptes rendus, concernant l’étude de la Bible et des disciplines annexes : textes et inscriptions, histoire, géographie, langues du Proche-Orient ancien, apocryphes, rabbinisme, archéologie de la Palestine et des pays voisins (avec illustrations), théologie biblique, patristique et herméneutique. La revue publie en nombre limité des articles en langue étrangère. Directeur : J.-M. de Tarragon. Secrétaires : F. Gonçalves (A. T.) et H. Ponsot (N. T.). Comité de rédaction : L. Devillers, C. Eeckhout, P. Garuti, J.-B. Humbert, M. Leroy, J. Murphy-O’Connor, É. Nodet, J.-M. Poffet, É. Puech, C. Rico, M. Sigrist, K. Sonek, G. Tatum, J. Taylor, O.-Th. Venard. Directeur de publication : A.-S. Duplenne. Adresse : POB 19053 JÉRUSALEM - Israël Téléphone : 972 2 626 44 68 - Fax : 972 2 628 25 67. E-Mail : tarragon@ebaf.edu http://www.ebaf.info (cf. Publications ; Revue Biblique). ADMINISTRATION La Revue est trimestrielle elle paraît en fascicules grand in-8° de 160 pages, avec illustrations PRIX DE L’ABONNEMENT 2010 : Pour la France ou l’Étranger : 180 e. Prix du numéro séparé : 45 e port en plus. E-Mail : editions@gabalda.com Internet : http://www.gabalda.com. Les manuscrits et les livres envoyés pour compte rendu doivent être adressés à la Direction de la « Revue Biblique ». Couvent des Dominicains de Saint-Étienne, P.O.B. 19053, JÉRUSALEM, Israël. Les demandes d’abonnement doivent être adressées à l’administration de la « Revue Biblique » M M. J. Gabalda & Cie, 69, rue du Petit Pendé, 80230 Pendé, FRANCE - Téléphone : 03.22.26.25.37 - Télécopie : 03.22.26.29.55 - E-Mail : editions@gabalda.com. CHÈQUES POSTAUX : J. Gabalda et Cie, Cte 4589 U Paris. Nota: Prière de ne pas établir de chèques postaux au nom de : Revue Biblique, mais à celui de J. Gabalda et Cie, en spécifiant dans la correspondance que l’envoi est destiné à la R.B. 321 ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL RB. 2010 - T. 117-3 (pp.ÉLIE 321-336). ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL∞∞: UNE MÉTAPHORE MILITAIRE OUBLIÉE EN 2 R 2,12 ET 13,14 PAR Matthieu RICHELLE 26, av. du Maréchal Joffre F-78250 MEULAN matt_richelle@yahoo.fr SOMMAIRE Dans le texte massorétique, une formule identique apparaît en 2 R 2,12 et 13,14∞∞: ‫ָשׁיו‬ ָ ָ‫ָאל וּפ‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶכב י‬ ֶ . Généralement, les commentateurs y voient la description d’une troupe militaire (traduite par exemple «∞∞chars d’Israël et sa cavalerie∞∞») et une image appliquée à Élie puis à son disciple. On montre ici que l’ancienne Septante, reflétée par la Vetus Latina, lisait en 2 R 2,12 une leçon courte vocalisée ‫ָאל‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ ַכָּב י‬et en 2 R 13,14 l’expression ‫ָאל‬ ֵ ְ‫ַכּב י ִשׂ‬ ָ $ ‫וּפָשׁו‬ ָ . On obtient alors une nouvelle interprétation, plus naturelle∞∞: dans les deux cas, il s’agit d’un titre militaire qualifiant métaphoriquement l’homme de Dieu. SUMMARY In the Masoretic Text, 2 Kgs 2,12 and 3,14 contain the same expression∞∞: ‫ָשׁיו‬ ָ ָ‫ָאל וּפ‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶכב י‬ ֶ . Commentators generally assess this as a description of an army (translated e.g. “∞∞chariots of Israel and its cavalry∞∞”), an image applied to Elijah and his disciple. This study shows that the ancient Septuagint, reflected in the Vetus Latina, found in 2 Kgs 2,12 a short reading vocalized ‫ָאל‬ ֵ ְ‫ַכּב י ִשׂ‬ ָ and in 2 Kgs 13,14 the expression $ ‫ָאל וּפָָשׁו‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ַכּב י‬ ָ . One obtains a new, more natural interpretation∞∞: in both cases, the text makes use of a military title, metaphorically characterising the man of God. On rencontre à deux reprises, dans les livres des Rois, l’expression ‫ָשׁיו‬ ָ ָ‫ָאל וּפ‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶכב י‬ ֶ . La première fois, elle figure dans la bouche d’Élisée 93723_01_Richelle 321 06-29-2010, 10:55 322 MATTHIEU RICHELLE lors de la montée au ciel de son maître∞∞: Or, comme ils marchaient en conversant, voici qu’un char de feu et des chevaux de feu se mirent entre eux deux, et Élie monta au ciel dans un tourbillon. Élisée voyait et criait∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞! Char d’Israël et son attelage (‫ָשׁיו‬ ָ ָ‫ֵאל וּפ‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶכב י‬ ֶ )∞∞!∞∞» puis il ne le vit plus et, saisissant ses vêtements, il les déchira en deux. (2 R 2,11-12 BJ1). La seconde occurrence apparaît lors d’un épisode précédant de peu la mort du disciple du Tishbite. Élisée entend le roi Joas employer à son endroit la même formule (2 R 13,14), mais sans qu’il soit question d’une apparition analogue, la scène se passant vraisemblablement dans la maison du prophète2∞∞: Quand Élisée fut frappé de la maladie dont il devait mourir, Joas, le roi d’Israël, descendit vers lui, pleura sur son visage et dit∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞! Char d’Israël et son attelage (‫ָשׁיו‬ ָ ָ‫ָאל וּפ‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ֶכב י‬ ֶ )∞∞!∞∞» (2 R 13,14 BJ). Quoique mobilisant des substantifs très courants, ce syntagme a été diversement compris et traduit∞∞; toutes les pistes n’ont cependant pas été explorées3. I — TEXTE MASSORÉTIQUE Traductions possibles Considérons d’abord la formule dans le texte massorétique. Elle se montre ambiguë, dans la mesure où trois choix, au moins, gouvernent sa traduction. D’abord, ‫ רכב‬peut désigner aussi bien un char qu’une charrerie (sens collectif)∞∞; ainsi le Targum et la traduction syriaque proposent deux pluriels∞∞:       (Peshitta)∞∞: chars d’Israël et ses cavaliers 1 Nous utilisons dans cet article les sigles suivants pour certaines traductions de la Bible∞∞: BJ pour Bible de Jérusalem 1998, TOB pour Traduction Œcuménique de la Bible, NBS pour Nouvelle Bible Segond, NIV pour New International Version, NLT pour New Living Translation, BFC pour Bible en Français courant, BS pour Bible du Semeur. «∞∞Traduction Bayard∞∞» désigne La Bible – nouvelle traduction, Paris, Bayard, 2001. 2 Le roi «∞∞descend∞∞» vers Élie (2 R 13,14), et durant leur entretien il est question d’ouvrir une fenêtre (v.17). 3 Je tiens à remercier le professeur Christophe Rico (ÉBAF) pour son aide dans la rédaction de cet article, ainsi que le Père Adrian Schenker (Université de Fribourg) pour ses précieuses remarques. Cet article a par ailleurs été écrit lors d’un séjour à l’École archéologique française rendu possible grâce à une bourse de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres. 93723_01_Richelle 322 06-29-2010, 10:55 323 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL ‫( דטב ליה לישׁראל בצלותיה מרתכין ופרשׁין‬Tg. Jon.) dont les prières sont meilleures pour Israël que chars et cavaliers Ensuite, ‫ פרשׁ‬peut signifier «∞∞cavalier∞∞» ou «∞∞cheval∞∞»4. On ne peut exclure que de manière exceptionnelle il vise un conducteur de char, mais cette proposition nous paraît hypothétique5 et nous lui consacrerons un traitement à part. Le suffixe personnel porté par ‫ פרשׁ‬peut enfin renvoyer à ‫ רכב‬comme à ‫ישׂראל‬. Dans le premier cas, on pourra comprendre que ‫ פרשׁ‬renvoie à un ou des attelages, ou encore à un conducteur de char∞∞; dans le second, qu’il désigne la cavalerie ou les chevaux/ attelages du pays. Il en résulte théoriquement huit possibilités principales de traduction, classées dans le tableau qui suit∞∞: char cavaliers chevaux (1) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: • char d’Israël et ses cavaliers [i. e. les cavaliers du char] (5) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: • char d’Israël et son attelage (BJ) • Du Wagen Israels und sein Gespann (Luther, version révisée 1984) • Wagen Israels und sein Gespann (Revidierte Elberferder, 1993) (2) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞: • char d’Israël et sa cavalerie (Darby, Segond, Segond Révisée 1979, Osty) • char d’Israël et ses cavaliers (Crampon, Pléïade, Chouraqui, traduction Bayard) chars/ charrerie (3) • (4) • suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: chars d’Israël et leurs cavaliers suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞: chars et cavalerie d’Israël (TOB) • the chariots and horsemen of Israel (NIV) (6) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞: • char d’Israël et son attelage (7) suffixe référant à «∞∞char∞∞»∞∞: • chars d’Israël et leurs attelages (8) suffixe référant à «∞∞Israël∞∞»∞∞: • chars et attelages d’Israël (NBS) 4 L. KOEHLER et W. BAUMGARTNER, The Hebrew and Aramaic Lexicon of the Old Testament (abrégé en HALOT par la suite), vol. 3, Leiden, New York, Köln, Brill, 1996, p. 977s. 5 Le dictionnaire de Koehler et Baumgartner conjecture ce sens (HALOT 3, p. 178), car en certains passages le contexte pourrait s’en accommoder, comme Gn 50,9 où la BJ traduit ainsi. Cependant, dans la plupart des occurrences où le contexte permet de préciser le référent, par exemple parce que l’on voit un nombre de ‫ פרשׁים‬bien supérieur à celui des ‫( רכב‬e. g. 2 S 10,18), on a manifestement affaire à des cavaliers. Nous avons trouvé au moins un endroit où le sens de «∞∞conducteur de char∞∞» semble s’imposer∞∞: Na 2,4∞∞; la Vulgate y propose agitatores là où la Septante traduit ïppe⁄v et suppose donc probablement une Vorlage ‫פרשׁים‬, au lieu du TM ‫( ברשׁים‬corrigé par la BJ). 93723_01_Richelle 323 06-29-2010, 10:55 324 MATTHIEU RICHELLE Certaines options semblent inexploitées dans les traductions modernes, notamment celles qui rapportent le suffixe ‫( יו‬avec un référent singulier) à ‫ֶכב‬ ֶ pris comme nom (masculin) singulier collectif∞∞: «∞∞charrerie d’Israël et ses conducteurs (à elle)∞∞», c’est-à-dire «∞∞chars d’Israël et leurs conducteurs∞∞» (3), et «∞∞charrerie d’Israël et ses attelages (à elle)∞∞», autrement dit «∞∞chars d’Israël et leurs attelages∞∞» (7). Un collectif peut certes être repris par un pronom personnel pluriel6, mais ce n’est pas systématique7. En outre, on pourrait également comprendre∞∞: «∞∞char d’Israël et son attelage∞∞» (6). Quant à la possibilité de traduire ‫ פרשׁ‬par «∞∞conducteur de char∞∞», dont le tableau ne tient pas compte, elle conduit à la proposition de la NLT∞∞: «∞∞I see the chariots and charioteers of Israel∞∞». Pour autant, certaines traductions se révèlent moins fondées que d’autres. Ainsi, la solution (1) doit être écartée car un char ne comporte qu’un conducteur. Les options (2), (4), (6) et (8) présentent l’avantage de correspondre à une construction syntaxique bien attestée que retient pour ce texte la grammaire de Joüon-Muraoka8. Elle consiste à éviter la lourdeur d’une expression comme ‫ רכב ישׂראל ופרשׁי ישׂראל‬tout en prévenant l’incorrection ‫( רכב ופרשׁי ישׂראל‬séparation du nomen rectum et du nomen regens). À cet effet, la deuxième référence à ‫ישׂראל‬, dans cette construction, est obtenue à l’aide d’un pronom suffixe (d’où ‫רכב ישׂראל‬ ‫ )ופרשׁיו‬plutôt que d’un état construit. Interprétations Nous venons d’examiner le texte massorétique sous son aspect grammatical. Il convient maintenant de déterminer s’il est possible de trouver un sens cohérent, parmi l’éventail des traductions considérées, pour chacune des deux occurrences de l’expression (2 R 2,12 et 13,14). Commençons par 2 R 2,12, où c’est Élisée qui emploie la formule en voyant Élie d’une part, des «∞∞char(s) de feu et chevaux de feu∞∞» de l’autre. Supposons d’abord que notre expression désigne directement 6 P. JOÜON et T. MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew∞∞: translated and revised, Subsidia Biblica 27, Roma, Editrice Pontificio Istituto Biblico, 2006, §149a. 7 Par exemple en Ex 5,4 on lit∞∞: ‫שׂיו‬ ָ ‫ע‬ ֲ ַ‫עם מִמּ‬ ָ ‫ה‬-‫ת‬ ָ ֶ‫פִיעוּ א‬ ְ ‫תּ‬ ַ ‫ן‬$‫הר‬ ֲ ‫א‬ ַ ְ ‫שֶׁה ו‬$‫למָּה מ‬ ָ . 8 P. JOÜON et T. MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew, op. cit., §129a. Ajoutons qu’on trouve une construction très proche de la nôtre en Ex 14,9∞: ‫סוּס ֶכֶב‬-‫כּל‬ ָ ‫חי לוֹ‬ ֵ ְ ‫ֵשׁיו ו‬ ָ ָ‫ה וּפ‬$‫פְּע‬ ַ (tous les chevaux, les chars de Pharaon, ses cavaliers et son armée). Ici la présence du même suffixe accolé au mot «∞∞armée∞∞» conduit à comprendre que le référent des deux suffixes est le Pharaon. 93723_01_Richelle 324 06-29-2010, 10:55 325 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL cette unité militaire, plutôt qu’Élie (par figure de style). Ce serait soit une interpellation des attelages, soit une exclamation les désignant à l’adresse de son maître. Mais dans le premier cas, comment comprendre, après la double apostrophe∞∞: «∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞!∞∞», qu’Élisée puisse poursuivre en s’adressant à cet ensemble∞∞? Rien n’indique un tel changement d’interlocuteur, et on s’explique mal pourquoi le prophète parlerait à des véhicules et à des animaux. Voudrait-il plutôt dire à Élie, par exemple∞∞: «∞∞ce sont les chars d’Israël et ses attelages∞∞»∞∞? La formule serait alors bien elliptique. Quant à la proposition de la NLT∞∞: «∞∞I see the chariots and charioteers of Israel∞∞», plus proche d’une glose que d’une traduction, elle sollicite le texte∞∞; du reste, Élisée voit des chevaux enflammés (v.11), pas des conducteurs de char. L’expression ne saurait donc directement désigner le(s) char(s) et les chevaux contemplés par Élisée, et il faudrait par conséquent la comprendre comme une figure appliquée au Tishbite. On pourrait penser à une métaphore ∞ : c’est la proposition de la traduction révisée de Luther («∞∞Du Wagen…∞∞») et du dictionnaire de Brown, Driver et Briggs9. Mais l’image est incongrue, quelle que soit la traduction (un homme assimilé à un ou des chars, des cavaliers ou des chevaux…). Il faudrait plutôt supposer d’une part que l’expression «∞∞charrerie et cavalerie∞∞» était devenue une formule figée suffisante à elle seule pour désigner une armée saisie comme unité (et non les éléments qui la composent), et d’autre part qu’Élie se voyait assimilé à l’armée d’Israël. Ces deux hypothèses manquent cependant de soutien dans les textes10. En outre, le propre d’une métaphore est de confondre deux termes, qui seraient ici Élie d’une part, l’unité militaire de l’autre. Or le v.11, où cet ensemble apparaît à côté d’Élie, montre que les deux termes en question sont à la fois présents dans la scène et nettement distingués∞∞: il semble donc difficile d’y lire une métaphore. S’agirait-il plutôt d’une comparaison∞∞? C’est ce que suggère la BS∞∞: «∞∞toi qui étais comme les chars d’Israël et ses équipages∞∞». À première vue, cette figure de style s’accommoderait mieux de la présence dans ce verset du comparant (char(s) et chevaux de feu) et du comparé (Élie). Mais dans la situation concrète dont il est question, Élisée voit son maî9 F. BROWN, S. DRIVER et C. A. BRIGGS, A Hebrew and English Lexicon of the Old Testament with an appendix containing the Biblical Aramaic, Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 832. 10 On rencontre souvent les mots ‫ רכב‬et ‫ פרשׁ‬dans les versets évoquant une armée, y compris dans la stèle de Dan (datée de la fin du 9e s. av. J.-C.), mais il s’agit alors généralement d’une description des éléments composant la troupe, avec souvent une indication des quantités de chaque catégorie, plutôt que d’un syntagme figé. 93723_01_Richelle 325 06-29-2010, 10:55 326 MATTHIEU RICHELLE tre monter au ciel en présence de char(s) et de chevaux au sein d’un tourbillon∞∞: quel serait l’intérêt d’une telle comparaison∞∞? Pis, le texte hébreu ne portant aucune trace de comparatif, la traduction doit suppléer les mots «∞∞tu étais comme∞∞». De toute manière, la comparaison entre un homme et un ensemble militaire composé de chars et de chevaux n’offre pas plus de sens qu’une métaphore, à moins de vouloir dire∞∞: «∞∞tu valais tous les chars et les chevaux d’Israël∞∞» (BFC), ce qui revient à solliciter le texte et suppose en réalité de comprendre∞∞: «∞∞tu valais l’armée d’Israël∞∞» en faisant appel, encore une fois, à une caractérisation d’Élie sans grand appui dans les livres des Rois. En somme, les interprétations de notre expression fondées sur le texte massorétique ne semblent pas offrir un sens adapté au contexte de 2 R 2,12. Dans le passage de 2 R 13,14, c’est le roi Joas qui emploie cette expression à l’endroit d’Élisée. Reprenons les trois analyses possibles de la formule∞∞: désignation directe de char(s) et de chevaux, métaphore et comparaison. Par rapport au précédent, la différence principale de ce verset est l’absence de chars et de chevaux dans la scène. Cette circonstance, qui rend la première option (désignation directe) absurde, permet en revanche d’envisager les deux autres. La difficulté n’en est pas totalement levée pour autant. Une figure rapprochant un homme de cet assemblage disparate de char(s) et de chevaux paraît peu naturelle, et il faudrait à nouveau émettre la double hypothèse que «∞∞charrerie et cavalerie∞∞» constitue une expression figée désignant l’armée et qu’Élisée se voit assimilé ou comparé à la force militaire israélite. Le rôle de ce personnage dans l’épisode de 2 R 6,8-23 (il informe le roi d’Israël des plans des Araméens et lui livre une troupe ennemie), à une époque où le pays était sans doute très affaibli militairement, pourrait peut-être justifier sur le fond une telle manière de voir Élisée. Il n’en reste pas moins que cela suppose sur la forme une façon très elliptique de s’adresser à quelqu’un («∞∞Mon père∞∞! Mon père∞∞! Armée d’Israël∞∞!∞∞»), si tant est qu’il faille comprendre ainsi sa seconde partie. En fait, un autre passage du cycle d’Élisée (2 R 6,8-23) témoigne plutôt d’une représentation de l’homme de Dieu entouré d’une armée de feu∞∞: ‫ישׁע‬ ָ ‫ל‬ ִ ֱ‫ת א‬$‫ביב‬ ִ ְ‫כב אֵשׁ ס‬ ֶ ְֶ ‫לא סוּסִים ו‬ ֵ ָ‫הר מ‬ ָ ‫ה‬ ָ la montagne était remplie de chevaux et chars de feu autour d’Élisée(2 R 6,17) Le parallélisme avec la scène de 2 Rois 2 est manifeste∞∞: il souligne le caractère traditionnel, plutôt qu’occasionnel, d’une telle représentation 93723_01_Richelle 326 06-29-2010, 10:55 327 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL pour le Tishbite et son disciple. Entre le personnage et l’armée qui l’accompagne, il y donc association, plutôt qu’assimilation par une métaphore ou une comparaison. Bref, quelle que soit la manière dont on comprend le texte massorétique, des difficultés surgissent. Partant, il est permis de se demander s’il n’existe pas une meilleure piste de lecture que celles suggérées par cette tradition textuelle et sa vocalisation. Considérons donc maintenant les principales versions anciennes. II — SEPTANTE ET VULGATE La Septante et la Vulgate supposent toutes deux une Vorlage ‫פרשׁו‬ (lue avec suffixe singulier), en 2 R 2,12 comme en 13,14∞∞: †rma Israjl kaì ïppeùv aûtoÕ (LXX)∞∞: char d’Israël et son cavalier currus Israhel et auriga eius (Vulgate)∞∞: char11 d’Israël et son conducteur Le texte de la Vulgate trouve un correspondant moderne dans la traduction allemande Einheitübersetzung (1980), qui propose∞∞: Wagen Israels und sein Lenker. L’image obtenue est celle d’un ensemble constitué d’un char et de son conducteur, ce qui reflète peut-être un souci de cohérence et d’unité, mais ne suffit pas à produire une métaphore qui puisse s’appliquer proprement à un individu. La leçon de la Septante semble encore moins appropriée. Parler du «∞∞cavalier∞∞» d’un char n’a guère de sens∞∞: un cavalier chevauche une monture, un conducteur de char tient les rênes. L’expression signifierait plutôt «∞∞char et cavalier d’Israël∞∞», ensemble peu homogène puisqu’il est question d’un véhicule de guerre et du conducteur d’un autre moyen de locomotion. III — VETUS LATINA∞∞: UNE PISTE ANCIENNE OUBLIÉE Le témoignage de la Vetus Latina, jusqu’ici négligé par les traducteurs et les commentateurs modernes, mérite d’être versé au dossier. La valeur de ce reflet indirect de la Septante pour la critique textuelle des livres des Rois est de plus en plus reconnue, en particulier quand il s’accorde avec le texte antiochien. Bien plus, comme ce dernier a fait l’objet ici et là d’harmonisations avec d’autres traditions manuscrites, «∞∞dans certains cas, [la Vetus Latina] permettra même de reconstituer la version 11 Le mot currus peut être aussi bien au singulier qu’au pluriel∞∞; dans ce dernier cas, eius se rapporterait à Israhel et on verrait dans le «∞∞conducteur∞∞» une sorte de «∞∞guide∞∞» du pays∞∞; mais le mot auriga convient mal à cette idée. 93723_01_Richelle 327 06-29-2010, 10:55 328 MATTHIEU RICHELLE la plus ancienne de la Bible grecque disparue des témoins dont nous disposons∞∞»12. Considérons les différents documents dont nous disposons pour établir le texte de cette version. En ce qui concerne 2 R 2,12 il s’agit des sources suivantes∞∞: – une citation de Lucifer de Cagliari (De Athanasio I, XX, l. 17)13∞∞: pater, pater, agitator Israel∞∞; – une citation d’Ambroise (De Nabuthae 15,64)14∞∞: pater, pater, agitator Istrahel et eques ipsius∞∞; – une citation du Pseudo-Augustin (Sermones a Caillau e codicibus Cassinensis et Florentinis collecti 124,72)15∞∞: pater mi, pater mi, currus Israel et auriga eius (cf. la Vulgate)∞∞; – une citation d’Origène (Commentarius in Matthaeum 13,2)16∞∞: pater, pater, agitator Israel∞∞; – les gloses marginales de manuscrits espagnols de la Vulgate17∞∞: pater, pater, agitator Israel. Pour 2 R 13,14 on dispose∞∞: – du Palimpsestus Vindobonensis18∞∞: rector Israel et eques eius∞∞; – des gloses marginales des Vulgates espagnoles19∞∞: agitator Israel et dux eius. Deux premières remarques s’imposent∞∞: d’une part, tous les vocables rencontrés (agitator, rector, eques, dux) évoquent l’activité d’une per12 P. HUGO, «∞∞Le Grec ancien des livres des Règnes. Une histoire et un bilan de la recherche∞∞», dans Y. A. P. GOLDMAN, A. VAN DER KOOIJ et R. D. WEIS (ed.), Sôfer Mahîr. Essays in Honour of Adrian Schenker Offered by Editors of Biblia Hebraica Quinta, VTSup 110, Leiden/Boston, Brill, 2006, p. 139s. Cf. aussi J. TREBOLLE BARRERA, «∞∞The Textcritical Value of the Old Latin in Postqumranic Textual Criticism (1 Kgs 18∞∞:26-29.36-37)∞∞», dans F. GARCIA MARTINEZ, A. STEUDEL et E. TIGCHELAAR (ed.), From 4QMMT to Resurrection. Mélanges qumraniens en hommage à Émile Puech, StTDJ 61, Leiden/Boston, Brill, 2006, p. 313-331. 13 G. F. DIERCKS, Luciferi Calaritani opera quae supersunt, Corpus Christianorum, Series Latina 8, Turnhout, Brepols, 1978, p. 36. 14 C. SCHENKL, Sancti Ambrosii opera – Pars altera, Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 32/2, 1897, p. 508. 15 Cf. A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina en las Biblias Vulgatas Españolas. 1-2 Reyes, Textos y Estudios «∞∞Cardenal Cisneros∞∞» de la Biblia Políglota Matritense 49, Madrid, Instituto de Filología des CSIC, 1992, p. 123. 16 Ibidem. 17 Ibidem. 18 B. FISCHER, «∞∞Palimpsestus Vindobonensis∞∞: A Revised Edition of L 115 for Samuel-Kings∞∞», BIOSCS 16, 1983, p. 85. 19 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 136. 93723_01_Richelle 328 06-29-2010, 10:55 329 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL sonne et conviennent donc parfaitement comme désignation métaphorique d’Élie ou d’Élisée. D’autre part, il est frappant de constater que bien des témoins de 2 R 2,12 offrent une formule courte, tandis que ceux de 2 R 13,14 présentent tous une expression double. Il convient de distinguer entre les deux passages, d’identifier pour chacun le texte latin d’origine, enfin de tenter de remonter au grec puis à l’hébreu. Etablissement des textes latins d’origine, puis des Vorlagen grecques et hébraïques 2 R 2,12 En 2 R 2,12, la formule brève agitator Israel, bien attestée, constitue probablement le texte latin originel. En effet, l’expression citée par le Pseudo-Augustin, identique à celle de la Vulgate, relève sans doute d’une harmonisation. De même, le texte rapporté par Ambroise pourrait provenir d’une adaptation sur le modèle de la Septante∞∞: et eques ipsius correspond à kaì ïppeùv aûtoÕ (ipsius procède manifestement d’un léger développement interprétatif). Le fait que les deux manuscrits présentant une formulation longue diffèrent l’un de l’autre dans la seconde partie de l’expression (et auriga eius∞∞; et eques ipsius) témoigne en faveur d’un latin primitif court qui aurait subi ici et là des tentatives diverses d’harmonisation avec d’autres traditions manuscrites. Du reste, du point de vue de certains copistes latins, les suppléments de la Vulgate et de la Septante produisaient sans doute un texte meilleur, quoique selon des lignes d’interprétation différentes. D’une part, introduire et auriga eius permet de faire de l’exclamation d’Élisée une description englobante de ce qu’il a sous les yeux∞∞: non seulement un char mais également son conducteur. Malgré la maladresse que nous avons relevée plus haut en évoquant la Vulgate, on peut comprendre qu’un copiste ait procédé à cette adjonction. D’autre part, le mot agitator désigne celui qui conduit des animaux, en particulier les chevaux attelés à un char20. Ajouter et eques ipsius établit donc une correspondance entre la qualification d’Élie par l’expression double d’un côté, et les deux moyens de locomotion évoqués par le v.11 de l’autre∞∞: des chars (cf. agitator) et des chevaux (cf. eques). En somme, on ne lisait sans doute dans le texte latin originel que le syntagme agitator Israel. Quelle en était la Vorlage grecque∞∞? Le vocable agitator apparaît dans nos deux passages là où la Septante porte †rma, mais il est évident 20 93723_01_Richelle P. G. W. GLARE, Oxford Latin Dictionary, Londres, Clarendon Press, 1988, p. 85. 329 06-29-2010, 10:55 330 MATTHIEU RICHELLE que ce mot (désignant un char)21 ne peut être traduit par agitator (qui vise le conducteur). Le substrat grec serait plutôt ärmatjlátjv ou ™níoxov, qui signifient tous deux «∞∞conducteur de char∞∞», ou encore êpibátjv, qui désigne avant tout une personne montant sur un véhicule, parfois un combattant se trouvant sur un char, voire son conducteur22. Dans les livres historiques, ärmatjlátjv est très rare∞∞: on peut citer la recension lucianique en 1 S 8,11, qui traduit ainsi l’hébreu ‫בתּוֹ‬ ְ ַ‫מְכּ‬ ֶ ‫בּ‬ ְ («∞∞il les mettra sur ses chars∞∞»), et l’Alexandrinus en 2 M 9,4. De son côté, ™níoxov apparaît dans la Septante (tous manuscrits confondus) en 1 R 22,34 et 2 Ch 18,33 pour rendre ‫∞∞«( ַכָּב‬conducteur de char∞∞» de Jéhu). Quant à êpibátjv, il est aussi employé par la LXX à plusieurs reprises. En 2 R 9,17-19, il traduit ‫( ַכָּב‬trois occurrences, tous manuscrits confondus, sauf chez Lucien qui écrit ânabátjn ÿppou au v.19). En 2 R 7,14, il apparaît là où le TM porte ‫( ֶכֶב‬sauf dans la recension lucianique, ânabátav ÿppwn)∞∞: les traducteurs grecs ont dû comprendre ‫ַכּב‬ ָ . En 2 R 9,18 il désigne plutôt un cavalier (êpibátjv ÿppou pour ‫כב הַסּוּס‬$ ֵ ‫)ר‬, de même qu’en 2 R 18,23 d’après le contexte (et son pluriel y correspond à ‫בים‬ ִ ‫כ‬$ ְ ‫)ר‬. Il semble clair que la Vorlage grecque devait être ™níoxov ou êpibátjv. L’expression grecque ™níoxov / êpibátjv Israjl, lectio brevior qui représente le texte le plus éloigné du TM parmi les témoins de la LXX, a toutes les chances de refléter ici l’ancienne Septante. Or, nous l’avons vu, les substantifs ™níoxov et êpibátjv pointent tous deux vers un hébreu ‫רכב‬, à vocaliser ‫( ַכָּב‬ou même ‫כֵב‬$‫)ר‬. Nous retenons donc comme leçon hébraïque attestée par la Vetus Latina (indirectement) et sans doute par l’ancienne Septante∞∞: ‫רכב ישׂראל‬. Remarquons que ce texte (consonantique) est identique au début de la formule dans le TM et sans doute dans l’hébreu sous-jacent à la Vulgate et aux manuscrits grecs de la Septante. Mais ce syntagme, avec la vocalisation attestée indirectement par la Vieille Latine, offre en 2,12 une image parfaitement cohérente∞∞: un char de feu apparaît avec son attelage23, Élie monte au ciel, vraisemblablement dessus, et Élisée témoin de la scène l’interpelle 21 Par exemple, dans la recension lucianique de 1-2 Sam, 1-2 R, et 1-2 Ch, †rma ne sert à traduire que ‫ְכּב‬ ָ ֶ‫מ‬, ‫בה‬ ָ ‫ְכּ‬ ָ ֶ‫מ‬, ‫ֶכב‬ ֶ , et ‫ֶכשׁ‬ ֶ (N. FERNANDEZ MARCOS, M.V. SPOTTORNO DíAZ -CARO et J. M. CANAS REíLLO , Índice griego-hebreo del texto antioqueno en los libros históricos, Vol. I∞∞: Índice general, Textos y Estudios “∞∞Cardenal Cisneros∞∞” de la Biblia Políglota Matritense 75, Madrid, Instituto de Filologia des CSIC, 2005, p. 61). 22 H. G. LIDDELL, R. SCOTT, H. S. JONES et R. MCKENZIE, A Greek-English Lexicon. With a Supplement, Londres, Clarendon Press, 19689, p. 625. 23 L’expression ‫אשׁ וסוסי אשׁ‬-‫ רכב‬au verset précédent peut désigner un char unique avec ses chevaux d’attelage. 93723_01_Richelle 330 06-29-2010, 10:55 331 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL tout naturellement comme son conducteur∞∞: «∞∞Père∞∞! Père∞∞! Aurige24 d’Israël∞∞!∞ ». 2 R 13,14 En 2 R 13,14 apparaissent deux termes∞∞: rector/agitator et eques/dux. Le terme rector désigne le cavalier ou le conducteur qui contrôle des animaux, et par extension un guide, un gouverneur ou un chef25. On peut donc considérer que rector recoupe le sens d’agitator, mais aussi qu’il en constitue un développement interprétatif∞∞: le titre d’«∞∞aurige d’Israël∞∞» décerné par le roi est proche d’une reconnaissance d’un rôle de guide ou de chef de l’armée. Un copiste latin a probablement voulu jouer sur la polyvalence sémantique de rector en lieu et place d’agitator. À l’inverse, un passage de rector à agitator affaiblit le titre et semble difficile à expliquer. Le mot dux vise celui qui conduit, en particulier un char ou un troupeau, celui qui montre le chemin, et par extension un commandant militaire26. Dans la Vetus Latina des Règnes, on le rencontre au moins deux autres fois, dans le titre dux militiae∞∞: en 1 R 2,527, où la Septante porte to⁄v dusìn ãrxousin t¬n dunámewn (Alexandrinus) ou ârxistrátjgon (recension lucianique28), et dans un supplément à 1 R 4,3 également présent chez Lucien29 sous la formeˆEliáb uïòv ˆIwab êpì t±v strati¢v. Le mot dux semble donc utilisé par les traducteurs de la Vetus Latina pour désigner un commandant (militaire). Dès lors, il nous paraît secondaire en 2 R 13,14 par rapport à eques∞∞: on comprend mal pourquoi l’on aurait affaibli un titre de commandant (dux) en une simple fonction de cavalier (eques), tandis que l’inverse s’explique facilement∞∞: qualifié de «∞∞cavalier d’Israël∞∞» par le roi, Élisée apparaît en quelque 24 La BJ emploie parfois le terme «∞∞charrier∞∞» (e.g. en Jr 51,21). Le dictionnaire d’ancien français de F. Godefroy en signale un emploi du 14e siècle∞∞: «∞∞officier préposé au service des chars∞∞». Mais en français moderne, il désigne tout autre chose∞∞: «∞∞drap de grosse toile sur lequel, dans la lessive, est placée la charrée∞∞», cette dernière étant la «∞∞cendre qui reste sur la cuvée, après que la lessive est coulée∞∞» (Littré). Le terme «∞∞aurige∞∞», qui désigne un «∞∞conducteur de char, dans les courses∞∞» (Petit Robert), nous semble préférable. 25 P. G. W. GLARE, Oxford Latin Dictionary, op. cit., p. 1586. 26 Ibid., p. 582. 27 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 98 (verset numéroté 1 R 2,22). 28 N. FERNANDEZ MARCOS et J. R. BUSTO SAIZ, El texto antioqueno de la Biblia Griega, II, 1-2 Reyes, Textos y Estudios “∞∞Cardenal Cisneros∞∞” de la Biblia Políglota Matritense 53, Madrid, Instituto de Filologia des CSIC, 1992, p. 5 (verset numéroté 1,22). 29 Ibid., p. 11 (verset numéroté 4,6). 93723_01_Richelle 331 06-29-2010, 10:55 332 MATTHIEU RICHELLE sorte comme le chevalier par excellence de l’armée nationale, et donc comme un chef militaire. Par conséquent, le texte latin original de ce verset semble être agitator Israel et eques eius∞∞; au cours de la transmission manuscrite latine, des copistes ont sans doute utilisé des termes proches (rector, dux) plus adaptés à la désignation de titres militaires qu’agitator et eques. Nous avons vu plus haut qu’agitator traduisait ©níoxov / êpibátjv∞∞; étant donné qu’eques rend clairement ïppeúv (e. g. 1 R 4,26 et 10,26 dans la Vetus Latina30), la Vorlage grecque serait ©níoxov/ êpibátjv Israjl kaì ïppeùv aûtoÕ. A son tour, l’hébreu sous-jacent se reconstruit aisément sous la forme ‫רכב ישׂראל ופרשׁו‬. Ce texte consonantique est identique à l’hébreu traduit par la Septante et la Vulgate. Mais la Vetus Latina nous a mis sur la piste d’une autre vocalisation possible∞∞: $ ‫שֵׂאֵל וּפֵָשׁו‬ ְ ִ ‫ַכָּב י‬31. Cette expression est susceptible de recevoir plusieurs interprétations, puisque selon la nature du moyen de locomotion le terme ‫∞∞«( רכב‬chevaucheur∞∞») peut désigner un cavalier ou un conducteur de char32. D’abord, on peut comprendre «∞∞aurige et cavalier∞∞», double qualification métaphorique. Ensuite, il est possible de voir ici un hendiadys, «∞∞cavalier et chevalier∞∞». Enfin, on ne saurait exclure totalement, comme nous l’avons vu plus haut33, que ‫פרשׁ‬ puisse signifier à l’occasion «∞∞conducteur de char∞∞», auquel cas on aurait affaire à une autre forme d’hendiadys, «∞∞conducteur de char et aurige∞∞». Résumons. La Vetus Latina apporte deux éléments importants à notre étude. D’une part, elle atteste en 2 R 2,12 une leçon courte ‫רכב ישׂראל‬ qui devait être le modèle hébraïque de l’ancienne Septante, lu avec la vocalisation ‫ָאל‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫ַכּב י‬ ָ . D’autre part, la Vetus Latina appuie en 13,14 une leçon déjà solidement attestée par les manuscrits grecs de la Septante et par la Vulgate, et montre qu’à date ancienne certains la lisaient avec la vocalisation $ ‫שָׂאֵל וּפָָשׁו‬ ְ ִ ‫ַכָּב י‬. Il serait tentant, mais méthodologiquement téméraire, d’émettre l’hypothèse d’un texte primitif semblable (court34 ou long) dans les deux passages∞∞: en critique textuelle, une dissemblance a plus de chances d’être originelle qu’une identité. 30 A. MORENO HERNANDEZ, Las Glosas Marginales de Vetus Latina, op.cit., p. 101 (verset numéroté 4,26) et p. 107 (verset numéroté 10,26). 31 Ou encore $ ‫ֵאל וּפֵָשׁו‬ ֵ ‫שׂ‬ ְ ִ ‫כֵב י‬$‫ר‬. Par commodité nous retenons dans la suite ‫ַכּב‬ ָ . 32 Comme le montre par exemple Jér 51,21∞∞: ‫כְבוֹ‬$‫תּי בְָ סוּס ו ְר‬ ִ ‫צ‬ ְ ‫פּ‬ ַ ִ ְ‫ ונ‬avec toi j’ai martelé le cheval et son conducteur, ‫כְבוֹ‬$‫כב ו ְר‬ ֶ } ֶ ְָ‫תּי ב‬ ִ ‫צ‬ ְ ‫פּ‬ ַ ִ ְ‫ ונ‬avec toi j’ai martelé le char et son conducteur. 33 Cf. la note 5. 34 Remarquons que sans offrir une citation du texte au sens strict, Flavius Josèphe 93723_01_Richelle 332 06-29-2010, 10:55 333 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL Comparaison de la Vorlage de l’ancienne Septante avec le texte massorétique Comparons maintenant en détail ces expressions hébraïques au texte massorétique, qui porte aux deux endroits la formule ‫רכב ישׂראל ופרשׁיו‬. En 2,12, on peut voir à l’origine de l’expression longue du TM un copiste comprenant qu’Élisée décrit une armée qui vient de faire son apparition au verset précédent∞∞: un ou des char(s) et des chevaux. L’ajout de ‫ ופרשׁיו‬était d’autant plus facile que le couple de mots ‫פרשׁיו‬/‫רכב‬ se révèle très fréquent dans les descriptions militaires. On peut aussi supposer qu’il y a eu une harmonisation de 2,12 sur le modèle de 13,14 (où tous les témoins attestent une leçon longue). En effet, quelles que soient les leçons retenues, les situations des chapitres 2 et 13 sont analogues (disparition imminente du maître spirituel), et les deux «∞∞disciples∞∞» que sont Élisée et le roi expriment leur vénération en recourant à une formule honorifique au minimum très proche. Une harmonisation aurait permis qu’il s’agisse exactement de la même formule. Ici encore, il est méthodologiquement préférable de tenir une dissemblance entre deux textes pour plus originelle qu’une identité. Les manuscrits grecs conservés de la Septante ont manifestement subi une recension sur le TM qui explique leur leçon à présent longue. Du reste, l’hypothèse inverse d’une chute de ‫ ופרשׁיו‬au niveau de la Vorlage de la Septante ancienne serait difficile à expliquer. Dans ces conditions, la vocalisation ‫שָׂאֵל‬ ְ ִ ‫ ַכָּב י‬indirectement suggérée par la Vetus Latina apparaît comme largement préférable. Loin de désigner Élie par le terme de «∞∞charrerie∞∞», Élisée le qualifie d’«∞∞aurige∞∞» au moment où il le voit s’élever dans le ciel sur un char∞∞: scène d’une cohérence parfaite. En 2 R 13,14, la différence consonantique entre le TM d’une part, et l’hébreu indirectement attesté par la Septante et la Vulgate de l’autre, se résume à un ‫ י‬supplémentaire dans le TM au niveau du suffixe du dernier mot. L’ajout d’un simple ‫ י‬s’expliquerait aisément par une contamination due à la fréquence du couple de mots ‫ופרשׁיו‬/‫רכב‬. Mais les textes épigraphiques en paléo-hébreu témoignent précisément d’un flottement présente néanmoins une allusion à l’épisode de 2 R 13 lorsqu’il rapporte que «∞∞Joas se mit à pleurer sous ses yeux et à l’implorer en l’appelant ‘père’ et ‘arme’ (ºplon)∞∞». Après l’appellation «∞∞père∞∞», il ne fait donc état que d’un seul titre (on peut penser qu’il traduit ainsi l’hébreu ‫ רכב‬pour éviter à ses lecteurs l’incongruité de la métaphore du char appliquée à Élisée). Cf. A.J. 9,179-180, (Flavius Josèphe∞∞: Les Antiquités Juives, vol. IV∞∞: Livres VIII et IX, Établissement du texte, traduction et notes par Étienne NODET, Paris, Cerf, 2005, p. 178). 93723_01_Richelle 333 06-29-2010, 10:55 334 MATTHIEU RICHELLE entre ‫ יו‬et ‫ ו‬dans le suffixe personnel de la troisième personne (au masculin singulier) attaché à un nom pluriel35. Par suite, même si l’on estimait que la leçon originelle portait un suffixe sans ‫י‬, on pourrait imaginer que son auteur se référait à un antécédent pluriel. En tout état de cause, il semble délicat de s’appuyer ici sur cette variation orthographique dont l’origine est difficile à dater pour faire un choix textuel. C’est plutôt le contexte et le sens qui s’avèrent ici déterminants. Ils nous conduisent encore à opter pour la lecture suggérée par la Vetus Latina. Nous avons noté plus haut les difficultés que pose le TM, que l’on comprend au mieux comme assimilant Élisée à l’armée israélite. De plus, puisqu’en 2 R 2,12 ‫ רכב‬signifie certainement «∞∞aurige∞∞», il semblerait étrange de le traduire par «∞∞charrerie∞∞» en 13,14, alors que les contextes sont similaires et les formules très proches, la seconde étant vraisemblablement une allusion à la première. A l’inverse, l’expression ‫שֵׂאֵל‬ ְ ִ ‫ַכָּב י‬ $ ‫וּפֵשׁו‬ ָ produit un sens pleinement satisfaisant∞∞: le roi marque sa révérence envers Élisée à l’aide d’un titre militaire honorifique, en reprenant celui que l’homme de Dieu avait utilisé par le passé et en l’étendant∞∞: «∞∞aurige et cavalier∞∞», ou «∞∞cavalier et chevalier∞∞», voire «∞∞aurige et conducteur de char∞∞». Façon pour le souverain israélite de reconnaître en Élisée le véritable défenseur du pays, au moment même où il entrevoit les conséquences de sa disparition36. L’état construit «∞∞aurige et/ou cavalier d’Israël∞∞» évoque en effet une dimension «∞∞nationale∞∞» et conviendrait bien à une désignation du chef de l’armée. Cette attribution d’une fonction militaire sied bien mieux à une personne que l’assimilation à l’armée elle-même. Plus encore, alors que Joas qualifie Élisée d’aurige et/ou de cavalier, l’homme de Dieu fait du roi, en retour, un archer. Il lui demande en effet de se procurer un arc et des flèches, puis le fait tirer à travers une fenêtre ouverte (v.15ss)37. En lui attribuant ainsi 35 S. L. GOGEL, A Grammar of Epigraphic Hebrew, SBL Resources for Biblical Study 23, Atlanta, Scholars Press, 1998, p. 155-160∞∞; voir aussi P. JOÜON et T. MURAOKA, A Grammar of Biblical Hebrew, op. cit., §94d, note 2. 36 Il est remarquable que S. EPHREM discerne dans le cri lancé lors du départ des deux prophètes le signe de la fin d’une période de protection d’Israël, et plus précisément dans l’expression «∞∞chars et cavaliers d’Israël∞∞» une façon de dire que «∞∞la paix du royaume et les victoires d’Israël dépendent de sa prière et son gouvernement∞∞» (nous soulignons) (Sur le second livre des Rois, cité dans M. CONTI (ed.), Ancient Christian Commentary on Scripture, Old Testament V. 1-2 Kings, 1-2 Chronicles, Ezra, Nehemiah, Esther, Downers Grove, InterVarsity Press, 2008, p. 197). 37 Ce sont bien la posture et le geste d’un archer qu’Élisée exige de la part de Joas au v.17, quelle que soit la technique d’interprétation du résultat par l’homme de Dieu∞∞: divination ou de bélomancie par exemple (sur ce sujet voir par exemple B. C OUROYER, «∞∞A propos de II Rois XIII, 14-19∞∞», Liber Annuus 30, 1980, p. 177-196, ou encore É. PUECH, «∞∞Les pointes de flèches inscrites de la fin du IIème millénaire en Phénicie et 93723_01_Richelle 334 06-29-2010, 10:55 335 ÉLIE ET ÉLISÉE, AURIGES EN ISRAËL une autre fonction guerrière, Élisée «∞∞rebondit∞∞» ironiquement sur le propos de Joas – ce que suggère également un jeu de mot sur la racine ‫ רכב‬dans l’ordre d’ajuster l’arc au v.16, formulé de manière surprenante et unique dans l’AT (‫שׁת‬ ֶ ‫הֶקּ‬-‫ל‬ ַ ַ‫הְכֵּב י ְֵָ ע‬ ַ ∞∞; litt.∞∞: «∞∞fais chevaucher ta 38 main sur l’arc∞∞») . Du reste, l’évocation d’Élisée comme «∞∞cavalier∞∞» peut se prévaloir d’une postérité probable dans le Talmud39, où Élisée se révèle à Rabbi Shimi bar Ashi sous une telle apparence (‫∞∞« ;∞∞אידמי ליה כפרשׁ‬il lui apparut tel un cavalier∞∞»). On sait d’ailleurs que la tradition juive attendait le retour d’Élie40, et que des textes évangéliques l’ont identifié à JeanBaptiste41, tandis qu’on y dépeint le Christ sous des traits le rapprochant d’un nouvel Élisée42. Trouverait-on en Ap 19,11ss un écho de la même représentation des prophètes, ces dispensateurs de la Parole de Dieu∞∞? Un être appelé «∞∞la Parole de Dieu∞∞» y apparaît en effet sous forme de cavalier emmenant derrière lui son «∞∞armée du ciel∞∞». L’image de «∞∞conducteur de char∞∞» nous paraît tout aussi féconde. Si en 13,14 il fallait traduire de la sorte le mot ‫רכב‬, nous verrions volontiers dans le texte une allusion à l’équipage d’un char, constitué d’un conducteur et d’(au moins) un archer43. Puisque seule la vocalisation distingue cette solution de celles déjà connues par le texte consonantique sous-jacent à plusieurs versions (témoins directs de la Septante, Vulgate), cette lecture aurait déjà pu être proposée à titre de conjecture. Il nous semble qu’un examen de la Vetus Latina la fait à présent accéder au rang de leçon antique, quoiqu’attestée de manière indirecte. en Canaan∞∞», dans M. E. AUBET-SEMMLER et M. BARTHÉLEMY (éd.), Actas del IV Congreso Internacional de Estudios Fenicios y Púnicos, vol. 1, Cádiz, 2000, p. 260-262). 38 Peut-être faudrait-il en rapprocher Gn 21,20, si l’on admet avec A. PINKER, «∞∞On the Meaning of ‫ רבה קשׁת‬in Gen 21∞∞: 20∞∞», RB 114, 2007, p. 321-332 que le syntagme qualifiant Ismaël était originellement ‫רכב הקשׁת‬. 39 Traité Shabbat, 109b. 40 Ml 3,23. 41 Mt 3,4∞∞; 11,14∞∞; 17,12∞∞; Lc 1,17. 42 Par exemple, il est le successeur de Jean-Baptiste et la scène du baptême dans le Jourdain, avec la réception de l’Esprit Saint, rappelle la succession Élie/Élisée au Jourdain (avec obtention d’une double part de l’Esprit)∞∞; la liste de miracles de Mt 11,4s montre que Jésus reproduit les mêmes miracles qu’Élisée. 43 Cf. M. A. LITTAUER et J. H. CROUWEL, Wheeled Vehicles and Ridden Animals in the Ancient Near East, Leiden/Köln, Brill, 1979, p. 128-130, qui décrit la situation pour l’armée assyrienne aux 9e-8e s. (avec des illustrations iconographiques, e. g. fig. 53, 5758), situation qui devait être très proche de celle de l’armée de Samarie, étant donné leurs contacts∞∞: cf. S. DALLEY, «∞∞Foreign Chariotry and Cavalry in the Armies of Tiglath-Pileser III and Sargon II∞∞», Iraq 47, 1985, p. 31-48. Voir aussi A. LEMAIRE, «∞∞Chars et cavaliers dans l’ancien Israël∞∞», Transeuphratène 15, 1998, p. 165-182. 93723_01_Richelle 335 06-29-2010, 10:55 336 MATTHIEU RICHELLE Au-delà d’une élucidation des deux formules, notre lecture verse des éléments nouveaux au dossier de la place primitive de 2 R 13,14-20. Dans la Vetus Latina, cette péricope figure à la suite de 2 R 10,30 et concerne donc Jéhu plutôt que Joas. J. Trebolle Barrera44 invoque plusieurs arguments en faveur d’un ordre originel différent de celui du texte massorétique, dont l’agencement actuel résulterait d’une transposition45. Sans nous prononcer ici sur cette question difficile, nous remarquons simplement qu’au plan narratif, le jeu sur les rôles d’aurige et d’archer que nous venons d’évoquer résonne de manière significative à l’emplacement que lui confère la Vetus Latina, c’est-à-dire au sein de la section concernant Jéhu. Ce dernier se déplace en char46, surtout pour exercer son zèle meurtrier47, et il tue Joram en le transperçant d’une flèche depuis son char48. Un tel arrière-plan donne une profondeur accrue au récit de l’entrevue avec Élisée. Sur les lèvres de Jéhu, qui se posait en conducteur fougueux et fanatique de Yahvé, le titre prestigieux d’«∞∞aurige d’Israël∞∞» accordé au prophète revêt une valeur éloquente. La «∞∞leçon de tir à l’arc∞∞» que l’homme de Dieu lui prodigue en réponse constitue, elle, un écho malicieux aux talents d’archer de Jéhu, voire à son régicide…49 Jérusalem, École biblique, avril 2009 44 J. TREBOLLE BARRERA, Centena in libros Samuelis et Regum. Variantes textuales y composición literaria en los libros de Samuel y Reyes, Textos y estudios «∞∞Cardenal Cisneros∞∞» de la Biblia Políglota Matritense 47, Madrid, Instituto de Filología des CSIC, 1989, p. 177-183∞∞; Id. «∞∞Histoire du texte des livres historiques et histoire de la composition et de la rédaction deutéronomiste avec une publication préliminaire de 4Q481A, ‘Apocryphe d’Élisée’∞∞», dans J. E MERTON (ed.), Congress Volume Paris 1992, VTSup 61, Leiden/New York/Köln, Brill, 1995, p. 339-341. 45 Pour la thèse d’une antériorité en 1-2 Rois de la Vorlage de la plus ancienne Septante (que la Vetus Latina semble refléter souvent) sur le texte massorétique, voir A. SCHENKER, Älteste Textgeschichte der Königsbücher. Der hebraïsche Vorlage der ursprünglichen Septuaginta als älteste Textform der Königsbücher, OBO 199, Fribourg, Academic Press Fribourg/Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2004. 46 2 R 9,16∞∞; 10,16. 47 2 R 10,16. 48 2 R 9,24-25. 49 Il reste à savoir si ces effets littéraires correspondent à un état très ancien du texte conservé par la Vetus Latina (avec les questions historiques que cela soulèverait) ou au contraire à une réorganisation de la matière narrative opérée pour créer ces effets. Mais c’est une autre histoire… 93723_01_Richelle 336 06-29-2010, 10:55 337 ON337-344). THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE RB. 2010 - T. 117-3 (pp. ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE: A PARADIGM FROM THE HEBREW BIBLE BY Baruch A. LEVINE Emeritus, New York University SUMMARY In most cultures, participation in the cult is an index of status as a member of the religious community. Rather than being regarded as an onerous duty it was a most welcome activity, and families would be motivated to qualify for it. This was certainly true of ancient Israel, as an examination of the Pesah code in Exodus demonstrates SOMMAIRE Dans la plupart des civilisations, la participation au culte est un indice du statut comme membre de la communauté religieuse. Plutôt que d’être perçue comme une tâche onéreuse, elle était une activité bienvenue, et les familles se sentaient motivées pour se porter candidates. Cela était certainement vrai de l’ancien Israël, comme l’examen du Code pascal, en Exode, le montre. The Hebrew Bible provides valuable paradigms for the study of sacrifice in ancient cultures. We find codes of ritual practice- of sacrifice and purification, of festival celebration and commemoration that are exceptional in their detail. These biblical texts resemble, in content and composition, those of similar provenience from the major, ancient Near Eastern societies- Egyptian, Syro-Mesopotamian and Anatolian. When correlated with the external evidence provided by archeological discovery and by epigraphic sources, limited as they are, the biblical texts inform us about both the shared culture of ancient Near Eastern peoples, and about distinctive features of Israelite religion. 93723_02_Levine 337 06-29-2010, 10:56 338 BARUCH A. LEVINE A few preliminary observations are in order before examining a selected biblical paradigm of animal sacrifice. It bears mention, first of all, that studying the social aspects of sacrifice is only one of several approaches, and it cannot account for all of the functions and forms of sacrifice. Nor is the social focus intended to negate, or diminish the relevance of other dimensions of sacrificial activity. It is merely to emphasize that ritual celebration requires community; that the individual worshiper is not acting alone, but as a member of a social organism. It follows that the investigator should seek to decode the social model on which the ritual provisions are based. Then, too, any inquiry into the functions of sacrifice should include a discussion of phenomenology, the meaning and purpose of sacrifice, as well as its forms. In my own education, the work of the great historian of religion, G. van der Leeuw, Religion in Essence and Manifestation (1938), introduced me to the phenomenology of religion, and directed my thinking to power concepts. In a chapter entitled: “The Given and the Possible” (chapter 23), he has this to say: The sacredness of life is a matter of either What is given, or Possibility… The first of the two asserts that, together with life itself, and as such, Power is given. The expansion and expression of life are the development of power: potencies lie in the given life itself. But this by no means implies that man has ever accepted life simply as sacred…. For apart from some criticism of life no religion whatever is conceivable. (van der Leeuw 1938: 206, with deletions; italics original). It follows that the most reasonable theory of sacrifice in ancient Near Eastern societies sees a sacrificial offering as a gift to powerful deities in an effort to enhance human power by sharing in divine power. Sacrificing is an effective means to the end of achieving communion, a bonding with divine powers. It is this objective which accounts for the erection of temples and shrines, for the designation of sacred space, and much more. The common notion of sacrifice as renunciation, of “giving up” something of value has some limited validity, but more generally characteristic of the sacrificial act is the offer of hospitality; the welcoming, or attraction of divinities to the human community. Once the relevant divinity is perceived to be present, the challenge is to retain that presence. This cultic objective is a response to what was the central fear of ancient humans, especially at times of crisis – divine abandonment. In the Hebrew Bible this concern was encapsulated in the query: “Is Yahweh present in our midst, or not?” (Exodus 17: 7), and in the fervent desire 93723_02_Levine 338 06-29-2010, 10:56 339 ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE for the nearness of the divine: “May Yahweh walk among us!” (Exodus 34:9). The prophet, Jeremiah, offers a reassuring response: “You are, indeed, in our midst, Yahweh!” (Jer 14:9) (Levine 1970). Finally, when speaking of the social aspects of sacrifice in the ancient Near East, and more specifically, in ancient Israel, we can approach the subject from two, functional perspectives. We can view cultic performance as a duty incumbent on members of the religious community, whether clan, tribe, city, nation or empire; to put it another way, as a requirement for being in good standing. Or, we can view cultic performance as the exercise of a right, or privilege restricted to those who belong to the community, however defined, and who are in good standing. This latter perspective was characteristic of the ancients, who regarded sacrifice as an act of legitimation more than as a burden. They feared exclusion from participation in the cult, which would signify the loss of social belonging, the loss of community. As has often been said, in different ways: Without community, there is no religion! The pesah Sacrifice: A Biblical Paradigm of Communality I have selected the rites of the pesaÌ “paschal sacrifice,” prescribed in Exodus, chapters 12-13, as a paradigm for investigating the social aspects of sacrifice in ancient Israel. This sacrifice was to be performed annually, in the spring of the year, in the early evening of the fourteenth day of Nissan, registered as the first month. Exodus 12-13 presents a composite of ritual practices, combining both early texts, most likely of northern Israelite origin, and later statements of priestly law. The section that is of immediate interest is Exodus 12: 43-48, taken from the priestly component. The view taken here is that the priestly source within Torah literature derives from the post-exilic, Achemenid period, although it preserves older material The paradigmatic text reads as follows Then Yahweh spoke to Moses and Aaron: This is the statute for the paschal sacrifice: No foreign-born person (ben nekar) may partake of it. And as regards any person’s slave, purchased for silver (cebed `îs miqnat kesep) – only when you circumcise him, may he then partake of it. A resident wage earner (tôsab wesakîr) may not partake of it. It shall be eaten in a single house; you may not take any of the meat outside the house, and you may not break any bone of it. The entire Israelite community (cedah) shall perform it. And if an alien resident (ger) should sojourn in your midst and wish to perform the paschal sacrifice, let every male of his (family) be circumcised. Only then may he approach to perform it and be accepted as a native of the land 93723_02_Levine 339 06-29-2010, 10:56 340 BARUCH A. LEVINE (`ezraÌ ha`areÒ). No uncircumcised man may partake of it. There shall be a single instruction for the native and the alien resident who sojourns in your midst. The definitive terms of reference, in Hebrew and in translation, provide a key to understanding the pesaÌ ritual. The rules require that all who partake of the paschal sacrifice, whose preparation and performance are mandated in Exodus 12-13, must either be members of the cedah “community,” namely, Israelites, or circumcised non-Israelites who are attached to the community on a legitimate, long term basis. This restriction accounts for the blanket statement “No uncircumcised man may partake of it.” The Hebrew term cedah is distinctive to priestly literature, where it serves to designate the Israelites either as an entire community, or as a representative assembly of the people. It is administrative in derivation, and is comparable in meaning to Akkadian puÌru, literally,“ a group assembled.” As such, it differs from kinship terms such as Hebrew cam “clan, people,” or the traditional designation benê Yisra’el, usually rendered “children of Israel, “ but is more accurately translated “Israelites.” Perhaps this is the place to engage the nature of the cedah, of which we have been speaking. If the assignment of the priestly component of Torah literature to the Achemenid period is correct (and there is increasing evidence that it is), then we should look for contemporary historical and political indicators in order to clarify the type of community designated as the cedah. The analysis by Mary Douglas (1993: 42-60), who defines the post-exilic Israelite-Jewish communities in the homeland and in Babylonia, as “enclaves,” has much to recommend itself. Douglas was interested primarily in defilement, not in sacrifice, as such, but her discussion of the mechanisms characteristic of the enclave is revealing. It helps to explain how a minority network of enclaves living under Persian imperial rule, and administered by a priestly hierarchy, would act so as to preserve its distinct, religious identity. It might start by specifying who may, and who may not participate in the sacrificial cult. Returning to the pesaÌ sacrifice, in the manner prescribed in Exodus 12-13, we note that it was highly unusual because there is no recourse to an altar or a priest. The sacrificial lamb is to be barbecued whole, over an open fire – this rite is to be performed annually as a domestic offering at the domicile of the household, in the early evening. This unusual scheduling undoubtedly symbolizes the nocturnal Exodus march. The venue is also exceptional, of course, as is the prohibition against removing any of the meat from the household domain. The pesaÌ offering was 93723_02_Levine 340 06-29-2010, 10:56 341 ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE of the zebah type, which is to say, a sacred meal to be consumed in large part by the participants. And yet, it differs from most examples of the zebaÌ, in that none of it is cooked. It celebrated the Exodus from Egypt in a dramatization of collective memory. In her recent commentary on Exodus, Carol Meyers presents a sensitive discussion of the impressive significance of this annual occasion. Inter alia, she has this to say: No festival of the Hebrew Bible better epitomizes the ritualization of the past in order to shape and preserve group identity than does the Passover to the memory of exodus (Meyers 2005:203). A central issue with respect to the social aspects of sacrifice is the policy of excluding non-Israelites from cultic participation, and the resultant need to accommodate resident non-Israelites of varying status, who were attached to Israelite households, and who “belonged” in that sense. This is the flip-side of communality. Excluded, and with no remedy, is ben nekar “foreign born person”. It is not entirely clear that this term refers consistently to those who come from foreign lands, but in the text under discussion, and most everywhere else, this is its probable meaning. It would be reasonable to conclude that the unconditional exclusion of ben nekar is due to the fact that such persons were not attached to any Israelite household, and for that reason the community bore no collective responsibility toward them. Also denied a remedy is the “resident wage earner” (tôsab wesakîr). Reference is to non-Israelite laborers, employed by Israelite households, or by urban manufacturers. The status of the hired laborer differed from that of the ger in that such persons were not permanent residents, but perhaps seasonal workers, employed at harvest time, for example. (We might compare this status to the current designation “guest worker”). The direct opposite of “foreign born person” is `ezraÌ (ha’areÒ) “native born (of the land),” one of the ways of classifying Israelites. The personal status most often contrasted with that of the `ezrah is that of the ger “alien resident” The etymology of Hebrew `ezraÌ is botanical, conveying the sense of “home grown, rooted.” (see the Hebrew of Psalm 37:35), and is similar in meaning to “autochthonous,” a term of Greek derivation that is also applied to native flora. So we have two poles: the unconditionally excluded foreigner, and the native Israelite, who enjoys unassailable belonging. Two classes of non-Israelites were allowed to participate in the cult, conditional on circumcision. Defining the role of circumcision in the 93723_02_Levine 341 06-29-2010, 10:56 342 BARUCH A. LEVINE priestly view is a complex enterprise, but for the sake of simplicity, we can say that it is not perceived here as a rite of conversion. The insistence on circumcision functions in a number of situations as a mechanism for eliminating an impurity that would be regarded as offensive, especially so in religious rites. The two, non-Israelite groups under discussion are: (1) cebed `îs miqnat kesep “ a person’s slave purchased for silver.” In the priestly scheme of things, Israelites can never be slaves with the status of property (Leviticus 25: 39-43, 55), which means that reference is necessarily to a non-Israelite slave, owned by an Israelite household. It is significant that according to priestly law as stated in Genesis 17:1014, such slaves of Israelite households and their offspring had to be circumcised; it was not optional. In the present context, circumcision is presented as a procedure aimed at permitting slaves to join in with the family and the entire community. Exodus 12:43-48 express the inclusionary policy of the Israelite community toward slaves, who were granted certain rights in consideration of the fact that the Israelites had once been slaves, themselves. As an example, non-Israelite slaves must be allowed to rest on the Sabbath, as guaranteed in the Decalogue (Exodus 20: 10, Deuteronomy 5: 14-15). (2) ger “alien resident. ” The Hebrew term ger is derived from the verb gûr “to reside, sojourn” – we might say: “to immigrate.” The only thing that is certain about the status of the ger is that he is not regarded as part of the in-group of the locale where he now resides. As in the present case, the ger is often the object of special legislation aimed at securing equitable treatment. It is interesting that in Leviticus 17, a principal priestly statement governing proper sacrificial worship, the words “and from the ger who sojourns in their midst” were thrice repeated in order to cover such non-Israelite residents alongside Israelites. There has been abundant discussion of the ger, and quite clearly, the meaning of this term was fluid. A ger had the status of a permanent resident, a non-Israelite from outside the enclave, or from outside the country, who enjoyed a special legal status because of long-term involvement with the community. It is perspective that determines usage, so that the Israelites, themselves, were designated “sojourners” in the land of Egypt, and Abraham could represent himself as “a resident.alien” to a local ruler in Canaan (Genesis 23:3). What we find in Exodus 12:43-48 is the interaction of personal status with the makeup of the Israelite household as a socio-economic unit. 93723_02_Levine 342 06-29-2010, 10:56 343 ON THE SOCIAL ASPECTS OF SACRIFICE The pesaÌ sacrifice as mandated overall in Exodus 12 –13,.was to be performed within the lap of the patrilineal clan and the household ( Exodus 12:3). After all, the Israelites left Egypt clan by clan, and had awaited the command to depart inside their homes. The household, which included slaves and alien residents, celebrated the sacrifice ensemble. By the time Exodus 12: 43-48 were added to the earlier pesaÌ instructions preserved in Exodus 12-13, Israelites had come to regard themselves as the true natives of the Promised Land, and to regard nonIsraelites -as the actual sojourners! It strikes the modern reader that the ritual prescriptions of Exodus 12:43-48 are addressed solely to the male members of the community. In fact, Exodus 12 -13 refer to all of the persons of the household as participants who partake of the sacrifice, employing the Hebrew term nepes, “person, living being” ( Exodus 12: 4, 14), a term which is not gender specific. By the way, this same term is used elsewhere in ritual law (e.g. Levticus 4-5, 7). Generally speaking, responsibility for observance of ritual law rested on the head of the patrilineal household, and his status determined that of his wife and children. It is true that women did not officiate at sacrificial offerings as prescribed in the Hebrew Bible, but they are not excluded from participating in such celebrations, and in certain cases, where specifically womenly issues were involved, they were obligated to do so. This would be true of the new mother after childbirth, as an example (Leviticus 12). When speaking of the unique domestic sacrifice discussed here, it would be surprising, indeed, if women had no role in the preparations associated with the pesaÌ. Conclusion A full consideration of the social aspects of sacrifice in ancient Israel would be based on the analysis of scores of paradigmatic texts, such as the one examined here. Whether we are reading a ritual-legal text, or a prophetic oration, or a narrative chronicle, the recommended method is the same: We begin with philology, and move to larger textual units, building our empirical model of the religious community as we go. REFERENCES DOUGLAS, Mary 1993 In the Wilderness: The Doctrine of Defilement in the Book of Numbers, JSOT Suppl.158, Sheffield: JSOT Press. 93723_02_Levine 343 06-29-2010, 10:56 344 BARUCH A. LEVINE LEVINE, Baruch A. 1970 “The Presence of the Lord in Biblical Religion,” in Religions in Antiquity: Essays in Memory of Erwin Ramsdell Goudenough, ed. J. Neusner, Leiden: E.J.Brill, 71-87. MEYERS, Carol 2005 Exodus, New Cambridge Bible Commentary, Cambridge: Cambridge University Press. VAN DER LEEUW, G. 1938 Religion in Essence and Manifestation, trans. J.E. Turner, London, George Allen & Unwin. 93723_02_Levine 344 06-29-2010, 10:56 345 PRIÈRES DE MANASSÉ RB. 2010 - T. 117-3 (pp. 345-360). PRIÈRES DE MANASSÉ (2 CH 33,13*∞∞; TSK 1.144*∞∞; 4 Q 381) PAR Étienne NODET, o. p. École biblique, POB 19053 Jérusalem-IL nodet@ebaf.edu RÉSUMÉ Flavius Josèphe a connu une forme de 2 Ch 33,13s qui incluait la Prière du roi Manassé. Elle s’est conservée ailleurs sous diverses formes, en grec, en syriaque et en hébreu. SUMMARY Josephus Flavius used a version of 2 Ch 33∞∞:13f including the Prayer of King Manasseh, which is known from other sources in Greek, Syriac and Hebrew. I Selon 2 Ch 33∞∞:11-17, le roi Manassé, fils d’Ézéchias, connut l’exil en réponse à sa perversité (rapportée parallèlement en 2 R 21,1-16 et 2 Ch 33,1-10). Dans sa détresse il pria Dieu, qui l’exauça∞∞; renvoyé à Jérusalem, il ôta les idoles qu’il avait faites puis mena ensuite une vie exemplaire. Les v. 18-19 indiquent que sa prière, qui n’est pas citée fut conservée dans les archives royales et chez certains prophètes. Par ailleurs, il existe une Prière de Manassé, réputée canonique dans le monde orthodoxe, qui figure aussi dans un recueil d’hymnes annexé à la LXX. Ses plus anciens témoins connus sont des ouvrages chrétiens postérieurs au IIe siècle. Elle passe pour une composition tardive destinée à combler la lacune de 2 Ch. L’objet de cette note est de montrer qu’il s’agit d’une œuvre 93723_03_Nodet 345 06-29-2010, 10:57 346 ÉTIENNE NODET juive, et de plus qu’elle figurait dans la forme hébraïque des Chroniques qu’a connue Flavius Josèphe. II Le plus ancien témoin de la Prière est la Didascalie des Apôtres, composée en grec, mais conservée seulement dans une traduction syriaque du IVe siècle et par des fragments latins. Dans le cadre d’une exhortation aux évêques, l’auteur prend l’exemple du roi Manassé, le criminel repenti. Il en raconte toute l’histoire, d’après 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,120, cités expressément, et il insère la prière après «∞∞et il le pria∞∞» de 2 Ch 33,13. Toute l’exhortation est reprise dans les Constitutions Apostoliques 2.22.3-18, ouvrage en grec daté du IVe siècle et bien conservé1. La Prière est un psaume de repentance prononcé par le pire des rois de Juda∞∞; elle prend sens en considérant d’abord ses méfaits, puis son comportement après sa conversion, ce qui explique la présentation de la Didascalie, qui donne le contexte narratif. Le texte grec2 de la Prière, sans récit englobant, est donné avec de menues variantes par divers mss de la LXX, parmi d’autres hymnes3 (cf. Rahlfs, II∞∞:180-181 «∞∞Ode 12∞∞», ci-après PM, avec sa division en versets). On peut la décrire en quatre parties, ou quatre moments. a) PM 1-5, une invocation au «∞∞Seigneur, Dieu de nos pères, d’Abraham, Isaac, Jacob et de leur juste postérité∞∞», qui est aussi l’auteur d’une Création somptueuse devant qui tout tremble. 1 Les textes sont donnés par F.-Xavier FUNK, Didascalia et Constitutiones Apostolorum, Torino, Bodega d’Erasmo, 1979 (original 1905), I∞∞:81-89, qui signale d’autres attestations anciennes. Pour les légendes relatives à Manassé, cf. Louis GINZBERG, The Legends of the Jews, Philadelphia, 1909-1938, IV∞∞:277-281 et VI∞∞:370-376. Une discussion du sens des récits est donnée par Innocent HIMBAZA, Le roi Manassé. Héritage et conflit du pardon (Essais bibliques, 40), Genève, Labor et Fides, 2006. 2 Diverses versions sont signalées par Albert-M. DENIS, Introduction aux Pseudépigraphes grecs de l’Ancien testament, Leiden, Brill, 1970, p. 177-181. 3 Une présentation et une double traduction (littéraire et littérale) sont données par James H. CHARLESWORTH, «∞∞Prayer of Manasseh∞∞», dans∞∞: James H. CHARLESWORTH (Ed.), The Old Testament Pseudepigrapha, New York, Doubleday, 1985, II∞∞:725-638. Eva OSWALD, «∞∞Das Gebet Manasses∞∞», dans∞∞: Werner G. KÜMMEL, Poetische Schriften (Jüdische Schriften aus Hellenistisch-römischer Zeit, IV/1-3), Gütersloh, Gerd Mohn, 1974-1983, p. 15-28, donne aussi une présentation critique et une traduction. L’un et l’autre se fondent sur le syriaque de la Didascalie comme étant le plus ancien∞∞; il conserve des traces de sémitismes. C’est cependant une traduction du grec, ce qui atténue l’argument. Les écarts entre les différentes versions n’affectent ni le sens général ni les détails thématiques∞∞; outre de menues nuances, il y a des ajouts ou omissions de stiques entiers∞∞: la Prière est redondante et rythmée, il s’agit de répétitions (ajoutées ou omises), probablement dues à un usage liturgique. 93723_03_Nodet 346 06-29-2010, 10:57 347 PRIÈRES DE MANASSÉ b) PM 6-8, une louange de l’infinie miséricorde divine envers quiconque se repent. Dieu met une «∞∞invitation à la conversion, au repentir∞∞» (metánoia) comme salut pour les pécheurs, c’est-à-dire une épreuve salutaire. Dieu n’a pas fixé de «∞∞repentir∞∞» pour les justes (oûk ∂qou metánoian dikaíoiv), comme Abraham, Isaac et Jacob, qui n’ont pas péché, mais il en mis un à Manassé. Le sens de metánoia ici se retrouve en Sg 12,19 ou Si 44,16∞∞; il faut soupçonner un hébraïsme (cf. §V ci-après). Dans le NT, le terme désigne le repentir proprement dit (Mt 3,6∞∞; Lc 5,32∞∞; 24,47∞∞; Rm 2,4), et non une invitation externe. CA §12 et la Didascalie ajoutent deux phrases, qui sont peut-être un doublet∞∞: «∞∞Car toi, Dieu, selon la bienveillance de ta bonté, tu as promis une “∞∞remise de conversion∞∞” (metanoíav ãfesin) aux pécheurs. Et dans l’immensité de tes compassions tu as fixé un “∞∞repentir∞∞” (metánoian) aux pécheurs pour le salut.∞∞» c) PM 9-13, Manassé, lié par une «∞∞multitude de chaînes de fer∞∞», et sans force «∞∞pour relever la tête∞∞», reconnaît le sens de son épreuve et confesse longuement son péché d’idolâtrie (où il a entraîné le peuple). Il supplie Dieu de lui pardonner, avec des expressions typiques∞∞: «∞∞Ne me détruis pas avec mes péchés∞∞», «∞∞Ne me bannis pas aux profondeurs de la terre∞∞». Les «∞∞chaînes de fer∞∞» désignent à la fois l’emprisonnement et par métaphore l’oppression morale. Dans la finale «∞∞car tu es, Seigneur, le Dieu des repentants (metanooúntwn)∞∞», la metánoia reprend le sens usuel dans le NT∞∞; c’est peut-être une glose. d) PM 11 présente une expression remarquable klínw gónu kardíav (mou) «∞∞j’incline le genou de mon cœur∞∞». La métaphore est forcée, mais en hébreu elle est naturelle avec le verbe ‫∞∞« כנע‬se prosterner, fléchir le genou∞∞» (1 R 21,29∞∞; 2 R 22,19∞∞; neuf fois dans les 1-2Ch∞∞; 1 QS 10∞∞:26). En particulier, il se trouve en 2 Ch 33,12.19 pour caractériser l’humilité de Manassé (LXX v. 11 seul êtapeinÉqj). On aurait ici un hébreu ‫ אכנע נפשי‬ou ‫ אכנע לבי‬traduit mécaniquement. e) PM 14, certain d’être entendu («∞∞en moi tu manifesteras ta bonté∞∞»), Manassé s’engage à la louange perpétuelle «∞∞tous les jours de sa vie∞∞», en union avec le chœur céleste. On a relevé que la Prière a le style de la LXX et qu’elle est constellée d’allusions bibliques, non sans contacts avec l’apocalyptique tardive. Rien ne s’oppose a priori à ce qu’elle ait d’abord été composée en hébreu, d’autant plus qu’on a relevé des traces d’hébraïsmes. La thématique est juive, sans allusion proprement chrétienne4∞∞: le «∞∞Dieu de nos 4 93723_03_Nodet La revue la plus récente des opinions est donnée par Reimund LEICHT, «∞∞The 347 06-29-2010, 10:57 348 ÉTIENNE NODET pères et de leur juste postérité∞∞»∞∞; le seul péché majeur est l’idolâtrie (les patriarches n’ont pas péché)∞∞; la damnation comme disparition dans lles «∞∞profondeurs de la terre∞∞» (cf. Tb 13,2∞∞; Ps 139,5). Cependant, on ne peut entièrement exclure que ce soit une composition chrétienne finement intégrée au contexte de 2 Ch, faite par un bon connaisseur de la LXX5. Quant aux thèmes développés, on peut observer que Clément de Rome parle de «∞∞notre père Abraham∞∞» (31∞∞:2) et identifie l’Église avec l’Israël biblique (29∞∞:1-3). Pour avancer, il faut considérer le contexte le plus ancien dans lequel la Prière a été transmise. Elle figure isolée dans des listes d’hymnes apparentées à la LXX, comme bien d’autres pièces bibliques poétiques, mais cela ne prouve pas qu’elle ait été composée isolément. III Le récit encadrant la prière combine 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,1-20 lorsqu’ils sont parallèles, et juxtapose les parties propres∞∞; certains détails ne sont pas bibliques, et quelques singularités textuelles méritent examen. Voici l’essentiel de ces écarts. a) CA §4-8a reprend les récits parallèles 2 R 21∞∞:1-10 et 2 Ch 33,110, sur la chronologie et les méfaits de Manassé∞∞: les détails divergents des deux sources sont additionnés, ce qui donne des effets de doublets. Le texte suit la LXX, avec de menues différences∞∞: – 2 R 21,1 uïòv dÉdeka êt¬n Manass±v, CA uïòv Manass±v… dwdekaetßv «∞∞le fils Manassé avait 12 ans∞∞»∞∞; le sémitisme n’est pas perçu, mais le v. précédent a mentionné Ézéchias, père de Manassé, et on peut comprendre qu’il s’agit ici de son fils. La Didascalie ne commet pas l’erreur (filius erat duodecim annorum Manasses). – Ibid. Eciba Hephçiba, mère de Manassé, LXX Oc(e)iba, Aciba, Ofsiba, Luc. Eciba. – 2 R 21,4 et 2 Ch 33,4 «∞∞Et il construisit des autels dans la maison de Yhwh, où (lit. “∞∞que∞∞”) Yhwh avait dit∞∞: À Jérusalem je mettrai Prayer of Manasseh∞∞», dans∞∞: Pieter W. VAN DER HORST & Judith H. NEWMAN, Early Jewish Prayers in Greek, Berlin – New York, Walter de Gruyter, 2008, p. 145-180∞∞; les plus anciens commentateurs ont cru que la Prière avait été composée par l’auteur de la Didascalie. 5 Telle est la prudence de James R. DAVILA, «∞∞Is the Prayer of Manasseh a Jewish Work∞∞?∞∞», dans∞∞: Lynn LIDONNICI & Andrea LIBER (Ed.), Heavenly Tablets (JSJ Suppl., 119), Leiden, Brill, 2007, p. 75-85. 93723_03_Nodet 348 06-29-2010, 10:57 349 PRIÈRES DE MANASSÉ (2 Ch “∞∞sera∞∞”) mon nom (2 Ch + “∞∞pour toujours∞∞” ‫לעולם‬, LXX eîv tòn aî¬na)∞∞». 2 R LXX rend «∞∞Et il construisit… comme (Üv) il dit∞∞: À Jérusalem je mettrai mon nom∞∞», de sens ambigu. CA comprend, en fusionnant des versets∞∞: «∞∞Manassé construisit des autels à Baal (t±Ç Baal) et dit∞∞: Mon nom sera pour toujours∞∞; en fait, cette phrase est un doublet, car elle est ajoutée après la traduction plus précise de 2 Ch. – 2 R 21,6a et 2 Ch 33,6a «∞∞et il fit passer ses fils (2 R TM “∞∞son fils∞∞”) au feu∞∞»∞∞; 2 Ch ajoute «∞∞dans la vallée de Ben-Hinnom (‫בגי בן הנם‬, LXX ên Ge-bane-ennom, de ‘‫ב‘ בני ה‬, cf. de même 23,10 TM)∞∞». CA met Ge Benennom, dépendant d’un sing. comme le TM ici, contre la LXX. – Ibid. «∞∞et il fit des instruments de nécromancie et de divination (‫»∞∞)אוב וידעונים‬. La LXX rend différemment ces termes en 2 R et 2 Ch. CA additionne le tout et ajoute kaì qerafein (ou -feim), transcription de ‫ ;∞∞ותרפים‬le terme figure dans la liste très semblable des activités idolâtriques que Josias abolit ensuite (2 R 23,24). On discerne donc des traces de diverses phases de transmission, soit, en remontant dans le temps∞∞: un état ultime, proprement grec, avec l’erreur sur «∞∞fils∞∞» ainsi que de menues retouches stylistiques∞∞; auparavant, il y eut une fusion des formes grecques de 2 R et 2 Ch∞∞; enfin, ces formes paraissent avoir gardé des traces d’un hébreu distinct du TM, soit de 2 R, soit de 2 Ch. b) Oracle des prophètes. CA §8b-9 suit 2 R 21∞∞:11-16, sans parallèle dans 2 Ch, avec quelques écarts par rapports à la LXX. – 2 R 21∞∞:12 «∞∞C’est pourquoi (‫לכן‬, LXX oûx oÀtwv “∞∞pas ainsi∞∞”, de ‫לא כן‬, cf. Gn 48,18) ainsi parle Yhwh∞∞». La confusion entre ‫לכן‬ et ‫ )לאכן( לאכן‬n’est pas rare, et peut donner un sens étrange (cf. Gn 4,15 LXX, etc.). C’est le cas ici, et CA a simplement omis les mots oûx oÀtwv, ce qui indique une dépendance de la LXX∞∞; une dérivation de l’hébreu aurait donné dià toÕto, comme Aq. et Sym. (cf. aussi Jg 10,13 etc.). – 2 R 21∞∞:13 «∞∞je nettoierai Jérusalem comme on nettoie un plat (‫ימחה את הצלחת‬, LXX âlábastrov âpaleifómenov “∞∞vase essuyé, effacé∞∞”, Orig. puzíon “∞∞tablette∞∞”, cf. Is 30,8)∞∞». Le mot rare ‫ צלחת‬paraît désigner un ustensile (récipient), et se combine mal avec ‫∞∞« מחה‬abolir, effacer∞∞». CA met puzíon comme Orig., ce qui donne un sens, mais la Didascalie met alabastrus, conforme à la LXX∞∞; il s’agit donc d’un aménagement du grec. 93723_03_Nodet 349 06-29-2010, 10:57 350 ÉTIENNE NODET – 2 R 21∞∞:14 «∞∞Et je rejetterai (‫ונטשתי‬, LXX âpÉsomai) le reste de mon héritage, je les livrerai (‫ונתתים‬, LXX paradÉsw)∞∞». Pour le premier verbe, CA met âpodÉsomai, plus usuel et de sens analogue∞∞; il y a peut-être une influence du second, qui est rendu comme dans la LXX. – 2 R 21∞∞:14 «∞∞leurs pères sont sortis d’Égypte∞∞». La Didascalie rend de même, mais CA met «∞∞de terre d’Égypte∞∞», formule usuelle. Ces différences sont infime. Il s’agit de petites altérations de la LXX, dues surtout à des copistes postérieurs à l’exemplaire utilisé par la Didascalie. Ils ne concernent que 2 R. c) CA §10a suit 2 Ch 33,11 sans parallèle dans 2 R∞∞: «∞∞Et Yhwh fit venir contre eux les chefs de l’armée du roi d’Assur et ils capturèrent Manassé avec des crocs (‫בחחים‬, LXX ên desmo⁄v), le lièrent par des entraves de bronze (‫בנחשתים‬, LXX ên pédaiv “∞∞dans des entraves∞∞”) et l’emmenèrent à Babylone∞∞». À côté de menues différences purement grammaticales, on note un écart significatif∞∞: pour ‫בנחשתים‬, CA met ên pédaiv xalka⁄v, ce qui ne correspond ni à 2 Ch ici, ni à 2 R 25,7, mais bien à la traduction qu’on rencontre ailleurs (Jg 16,21) et même au voisinage (2 Ch 36,6). Le passage correspond largement à la LXX, mais il reste une trace de traduction indépendante de l’hébreu de 2 Ch. d) CA §10b ajoute à ce point un verset∞∞: «∞∞Et il était lié et bardé de fer (katasesidjrwménov), seul dans la maison de garde, et du pain fait de son (êk pitúrwn ãrtov) lui était donné en petite mesure, et de l’eau avec vinaigre en petite quantité, pour qu’il vive, et il était opprimé et très affligé.∞∞» Le verbe katasidjr¬ est rare. Son sens militaire est «∞∞renforcer, garnir de fer∞∞» (Diodore, Bibl. histor. 13.54.7∞∞; Biton, Machines de siège §4). En Test. Salomon 9∞∞:10 il est employé pour décrire l’arraisonnement par le démon Samaël. Il s’agit d’un développement sur les «∞∞chaînes de fer∞∞» de PM 9, en omettant le sens métaphorique. Il faut observer que selon le Martyre d’Isaïe §1 c’est le démon Samaël qui dès la mort d’Ézéchias s’établit sur Manassé∞∞; barder de fer Manassé reviendrait donc à en faire autant à Samaël. Le style et le vocabulaire de ce verset ne se rattachent ni à la Bible, ni à Josèphe∞∞; la mention de vinaigre dans l’eau ne suggère que de loin une réminiscence de Ps 69,22, mais non de Rt 2,14 («∞∞trempe ton pain dans le vinaigre∞∞»). En outre, il y a une tension entre les «∞∞entraves de bronze∞∞» et le «∞∞bardage de fer∞∞». Il faut donc considérer que la phrase est un développement annexe, en écho de PM 10 «∞∞enchaîné de fer∞∞». 93723_03_Nodet 350 06-29-2010, 10:57 351 PRIÈRES DE MANASSÉ e) CA §11a reprend 2 Ch 33,12 avec un écart∞∞: «∞∞Et comme il était opprimé (‫וכהצר לו‬, LXX kaì Üv êqlíbj, CA + biaíwv “∞∞violemment∞∞”)∞∞». L’expression biaíwv qlíbw et ses dérivés, inconnus de la Bible, se rencontrent dans des textes médicaux anciens pour désigner une forte oppression physique. Ici, il faut supposer une simple ornementation littéraire, de la même veine que l’ajout précédent (l’oppression du fer). f) 2 Ch 33∞∞:13a «∞∞Et il le pria et cela lui fut accordé (‫ )ויעתר לו‬et il exauça sa supplication (‫תחנתו‬, LXX bo±v) et il le ramena à Jérusalem dans son royaume∞∞». CA présente deux modifications majeures et une plus modeste. – Après «∞∞et il pria∞∞» CA §12-14 ajoute «∞∞le Seigneur Dieu, disant∞∞», puis vient la prière (§II ci-dessus). – Après la prière, CA §15a rend différemment 2 Ch 33∞∞:13a∞∞: «∞∞Et le Seigneur exauça sa voix (fwn±v) et le prit en pitié (Öçkteírjsen)∞∞». CA et 2 Ch LXX paraissent traduire indépendamment ‫תחנתו‬, mais ont peut-être lu ‫ ;∞∞קולו‬de plus, le verbe Öçkteírjsen, en hébreu ‫חנן‬, garde peut-être un écho de ‫תחנתו‬, auquel cas il s’agirait d’une double traduction issue d’une glose. Il y a donc ici un autre petit indice que CA reflète une traduction d’un hébreu de 2 Ch légèrement différent du TM. – Ensuite (avant «∞∞et il le ramena∞∞»), CA ajoute un récit de miracle∞∞: «∞∞Et il y eut autour de lui une flamme de feu, et tous les fers autour de lui fondirent, et le Seigneur guérit Manassé de son oppression.∞∞» L’épisode est a rattacher à l’addition sur les conditions de détentions de Manassé (bardé de fer). g) CA §16 reprend 2 Ch 33,13b («∞∞Et Manassé sut que Yhwh est Dieu∞∞») puis ajoute «∞∞et il révéra le seul Seigneur Dieu de tout son cœur et de toute son âme, tous les jours de sa vie, et il fut considéré comme juste (êlogísqj díkaiov)∞∞». Il y a une allusion transparente au Shema Israël (Dt 6,4) ainsi qu’à une réputation posthume. La Didascalie omet la suite (v. 14-19) et conclut avec 2 Ch 33,20 sur la mort de Manassé. Ici, le détail significatif est que dans sa paraphrase biblique, Josèphe dit aussi, mais avec une réticence manifeste, que Manassé fut considéré comme juste. Ce point est examiné plus loin. (§IV). h) Ensuite, CA §17-18 reprend 2 Ch 33,15-16.20, c’est-à-dire omet les v. 14 (travaux publics de Manassé), 17 (sur le maintien des hauts lieux, mais dédiés à Yhwh) et 18-19 (archives incluant les actes de 93723_03_Nodet 351 06-29-2010, 10:57 352 ÉTIENNE NODET Manassé et sa prière). Le texte est conforme à la LXX, sauf sur deux points∞∞: – 2 Ch 33,15 «∞∞Et il ôta… tous les autels qu’il avait construits sur la montagne de la maison de Yhwh et à Jérusalem et il jeta (‫וישלך‬, LXX om., Luc. êzébalen) hors de la ville∞∞». La LXX dit que Manassé avait bâti des autels hors de Jérusalem∞∞; c’est cohérent avec la suite, car selon le v. 17 le peuple continue à fréquenter les hauts lieux, mais c’est Yhwh qu’il y adore. Ici, CA lit comme TM (ou Luc.). – Il faut noter que le récit s’achève sur la mort de Manassé et l’intronisation de son fils Amôn, sans mention des archives∞∞; cela pourrait être une omission délibérée, puisque la Prière est citée. Le résultat d’ensemble de cet examen est que la fusion de 2 R et 2 Ch s’est faite selon un processus précis∞∞: il y avait d’abord un ensemble formé de la prière encadrée d’un récit analogue à 2 Ch, mais dérivant d’un hébreu légèrement différent∞∞; ensuite furent ajoutés, certainement en grec, les éléments sur le bardage de fer et le miracle, qui sont liés à la prière et à 2 Ch∞∞; enfin, le tout fut consolidé par l’introduction du récit parallèle de 2 R LXX. Cette dernière opération peut être attribuée à l’auteur de la Didascalie, et peut-être aussi la précédente, mais il faut considérer que l’ensemble formé du récit de 2 Ch et de la prière lui est antérieur. À ce stade, on ne peut conclure si la forme de 2 Ch utilisée incluait la Prière ou si celle-ci provenait d’un document annexe. IV Dans sa paraphrase biblique, Josèphe rapporte les méfaits de Manassé et l’intervention des prophètes, puis sa capture, sa supplication, son retour et sa vie exemplaire ensuite (AJ 10∞∞:37-46). Selon sa manière un peu approximative, il combine manifestement 2 R 21,1-18 et 2 Ch 33,120, mais avec quelques additions. a) La plus caractéristique est la conclusion, après les réformes à Jérusalem (§45)∞∞: Dans tous ces aspects, il fut vraiment transformé (metabol±Ç xrjsámenov) et passa ainsi le reste de sa vie, au point d’être considéré (logihómenov) comme bienheureux (makaristóv) et envié (hjlwtóv) à partir du moment où il commença à révérer Dieu. Josèphe a composé un discours d’adieu de Moïse aux Israélites, où il les exhorte à la fidélité∞∞; ils seront alors «∞∞bienheureux et enviés de 93723_03_Nodet 352 06-29-2010, 10:57 353 PRIÈRES DE MANASSÉ tous∞∞» (makaristoì kaì hjlwtoì p¢sin, AJ 4∞∞:180). Dans le récit fleuri de la conversion au judaïsme du roi Izatès d’Adiabène (vers 45), Josèphe met aussi ces adjectifs pour qualifier la conduite exemplaire du roi (AJ 20∞∞:49). Ici, on voit Josèphe un peu gêné d’une telle qualification globale pour un roi qui a mal commencé. On voit ailleurs qu’il opère des censures∞∞; par exemple, en AJ 10∞∞:25, il a omis le moment d’orgueil d’Ézéchias (2 Ch 32∞∞:24-29), puisque c’est un bon roi. Il est donc lié ici par une source∞∞: ce ne peut être que le complément de 2 Ch 33,13 donné en CA §16 «∞∞et il fut considéré comme juste∞∞». Josèphe a donc eu accès au contexte de la Prière tel que rapporté par CA (forme différente de 2 Ch). b) Ce contact établi, d’autres détails sur l’attitude de Manassé prennent sens (§42-43)∞∞: Revenu à Jérusalem, il s’efforça d’ôter de son esprit, si c’était possible, le souvenir de ses anciennes fautes envers Dieu∞∞; il voulait s’en repentir (metabouleúein) et lui manifester la plus grande révérence (daisidemoníaç). Il sanctifia le temple et purifia la ville, et ensuite il ne voulut plus que rendre grâce (xárin) à Dieu pour son salut (swtjríav) et obtenir sa faveur pour toute sa vie. Il enseigna au peuple à faire de même, ayant compris à quel point l’attitude opposée avait failli l’entraîner à la catastrophe On retrouve un autre écho du complément de 2 Ch 33,13 selon CA §16 «∞∞et il révéra le seul Seigneur […] tous les jours de sa vie∞∞». La volonté de le faire est exprimée dans la Prière (PM 14). Le «∞∞souvenir des anciennes fautes∞∞», difficile à ôter, est un écho de PM 9, où Manassé, écrasé par son péché, se voit lié par des «∞∞chaînes de fer∞∞», en un sens métaphorique. Enfin, la «∞∞découverte∞∞» des conséquences de l’impiété correspond aux «∞∞épreuves salutaires∞∞» (metánoia) de PM 8, dont Abraham, Isaac et Jacob n’ont pas eu besoin. Si l’on remarque que Josèphe ne rapporte jamais directement les prières bibliques (peu auparavant, en AJ 10∞∞:16, il a omis la longue prière d’Ézéchias de 2 R 19∞∞:14-19, adressée au Dieu créateur), on peut conclure fermement qu’il a connu non seulement le contexte de la Prière, mais aussi son contenu. Cela formait donc un ensemble analogue à ce que donnent la Didascalie et CA, mais on ne trouve aucune analogie de vocabulaire grec. Il y a quelques indices qu’il n’a pas connu l’affaire du bardage de fer. On ne peut encore savoir s’il utilisait un document séparé ou si telle était la forme de 2 Ch qu’il lisait. La question de la langue d’un tel document reste à préciser, mais on a discerné des indices d’hébraïsmes, et il faut souligner que dans sa narration proprement biblique (livres 1-10) Josèphe utilise exclusivement des 93723_03_Nodet 353 06-29-2010, 10:57 354 ÉTIENNE NODET sources hébraïques, comme il le dit lui-même (AJ 1∞∞:5, 9∞∞:208, 10∞∞:218, CAp 1∞∞:54). L’examen de son texte permet de le vérifier, en particulier pour les noms propres∞∞; l’hébreu qu’il suit, distinct du TM, a par ailleurs des contacts nets avec la source de la LXX6. Voici un échantillon, pris au voisinage du passage étudié (en suivant l’ordre des Antiquités). – 2 R 9,13 ‫ ארץ כבול‬terre de Kabul, LXX-Luc. ºrion frontière (de ‫)גבול‬, AJ 8∞∞:142 XabalÑn g± terre des Kabulites. – 2 Ch 11,17 ‫שוכו‬, LXX-Luc. Sokxwq, Soko (en Juda, cf. Jos 15∞∞:35)∞∞; AJ 8∞∞:241 SwxÉ. – 2 R 11,1+ et 2 Ch 22,11+ ‫עתליהו‬, ‫עתליה‬, LXX et Luc. Goqolia, Athalie (reine)∞∞; AJ 9∞∞:140+ ‘Oqlía. – Na 2,9 ‫ עמדו עמדו‬Restez, restez∞∞! LXX oûk ∂stjsan et ils ne restèrent pas (de ‫ ;∞∞)לא עמדו‬AJ 9∞∞:239 st±te kaì meínate restez et demeurez. – 2 R 21∞∞:1 (et 2 Ch 33∞∞:1) ‫( מלך בירושלים ושם אמו חפצי בה‬Manassé) régna à Jérusalem et le nom de sa mère était Hephçiba∞∞; AJ 10∞∞:37 sa mère, nommée Hephçiba, était native de la ville (Jérusalem)∞∞: Josèphe, s’attendant à trouver comme ailleurs le lieu de naissance, a lu ‫ושם‬ ָ , d’où∞∞: …à Jérusalem, et là était sa mère. – 2 Ch 34,6 Qer. ‫( בחרבתיהם‬Josias purifia le pays en tout lieu) et dans leurs ruines, Ket. ‫ בחר בתיהם‬il choisit leurs maisons (∞∞?), LXX kaì to⁄v tópoiv aût¬n de ‫ ;∞∞ברחבתיהם‬AJ 10∞∞:69 il perquisitionna leurs maisons∞∞: Josèphe a lu comme Ket., peut-être avec une altération ‫ ברר‬pour ‫בחר‬. – Josèphe suit la forme longue de Jr (TM)∞∞; AJ 10∞∞:18 donne un décompte des déportés (Jr 52,28 TM). – Jr 38[45],7 ‫עבד מלך‬, LXX Abdemelex (le Kushite) Ebed-Melek∞∞; AJ 10∞∞:122 serviteur du roi (sans transcription). – Jr 41[48],7 ‫ בור‬citerne, LXX fréar puits (de ‫ ;∞∞)באר‬AJ 10∞∞:170 lákkov citerne. La possibilité que Josèphe ait connu la Prière en hébreu renouvelle l’évaluation des fragments hébreux qui ont été recueillis au Caire et à Qumrân. V Parmi les trouvailles de la geniza du Caire, on a retrouvé trois fragments d’un recueil de prières et autres textes magiques (TSK 1.144, 1.95.T et 21.95.P, regroupés sous le sigle TSK 1.144*), parmi lesquels figure la Prière en hébreu7, de la page 2b ligne 18 à 3a l. 2 (ci-après 6 Cf. Étienne NODET, «∞∞Josephus and the Pentateuch∞∞», JSJ 28 (1997), p. 154-194∞∞; ID. «∞∞Josephus and the Books of Samuel∞∞», dans∞∞: Shaye J. D. COHEN & Joshua SCHWARTZ (ED.), Studies in Josephus and the Varieties of Ancient Judaism. Louis H. Feldman Jubilee Volume (AGAJU, 67), Leiden, Brill, 2007, p. 141-167. 7 Peter SCHAFER & Shaul SHAKED, Magische Texte aus der Kairoer Geniza, Tübingen, Mohr-Siebeck, 1997, II∞∞:32 et 51-53. 93723_03_Nodet 354 06-29-2010, 10:57 355 PRIÈRES DE MANASSÉ «∞∞TSK page∞∞: ligne∞∞»). Elle est précédée d’un titre «∞∞Prière de Manassé (‫ )תפלת מנשה‬roi de Juda, au temps où il fit retour (‫»∞∞)עשה תשובה‬, avec le sens rabbinique usuel de ‫תשובה‬. Le recueil est analogue aux séries d’hymnes des mss de la LXX∞∞: ce sont des pièces détachées de leur contexte d’origine. Sauf la seconde partie de deux lignes successives, le texte de la Prière est lisible ou aisé à rétablir. Il s’agit d’une variante de la Prière telle qu’on la lit en grec ou en syriaque∞∞; les écarts ne sont pas plus importants que les différences entre PM et l’hymne rattaché à la LXX∞∞: stiques redondants ajoutés ou retranchés, variations de vocabulaire, ajustements sur le TM. Le sens général est analogue, mais quelques détails méritent d’être relevés. – PM 6 «∞∞infinie et immense est la miséricorde de ta promesse (êpaggeleíav)∞∞» TSK 2b∞∞:4 met ‫∞∞« צדקותיך‬de tes justices∞∞», puis ajoute ‫∞∞« לישרי לב‬pour les cœurs droits∞∞» (cf. Ps 36,11), et ensuite omet les deux lignes qui ne figurent que dans les CA et la Didascalie. – PM 7 metano¬n êpì kakíaiv ânqrÉpwn «∞∞tu te repens (= lèves une condamnation) pour les péchés des hommes∞∞»∞∞; TSK 2b∞∞:5-6 met ‫∞∞« )תינחם עלר (עת העם‬le mal du peuple∞∞», de sens plus restreint. – PM 8 à l’expression oûk ∂qou metánoian dikaíoiv «∞∞tu n’a pas mis de “∞∞repentir∞∞” aux justes (Abraham etc.)∞∞» correspond ‫ולא‬ ‫∞∞« תינחם על טוב הצדיקים‬et tu ne te repens pas (= ne reviens pas sur une condamnation) pour le bien des justes∞∞», de sens plus naturel. Dans la suite, cependant, TSK 2b∞∞:7 met comme PM ‫ושמתה תשובה‬ ‫∞∞« לי החוטא‬tu as mis un “∞∞repentir∞∞” à moi le pécheur∞∞», avec ‫תשובה‬ de même sens que metánoian, puis il ignore les deux phrases additionnelles de CA. – PM 10 «∞∞(J’ai fait le mal) en dressant des idoles et des abominations∞∞»∞ ; TSK remplace par des généralités sur le péché, coupant ainsi tout lien avec l’histoire de Manassé, centrée sur l’idolâtrie. – PM 13e «∞∞Ne me bannis pas aux profondeurs (katwtátoiv, ‫)תהום‬ de la terre∞∞»∞ ; TSK 2b∞∞:17 ajoute «∞∞n’apporte pas devant moi mes péchés pour le Monde qui vient (‫»∞∞)לעולם הבא‬. C’est un dédoublement, avec une allusion au débat rabbinique sur le destin de Manassé (cf. ci-après §VI). – PM 13f «∞∞(Car tu es, Seigneur, le Dieu) des repentants∞∞»∞∞; TSK 2b∞∞:18 met ‫∞∞« לבני אדם שיתחרטו ממעשיהם הרעים‬des hommes qui regrettent leurs actes mauvais∞∞», ce qui maintient ‫ תשובה‬de la l. 7 au sens «∞∞invitation au repentir∞∞» (différent du sens dans le titre). 93723_03_Nodet 355 06-29-2010, 10:57 356 ÉTIENNE NODET En résumé, il est certain que la Prière a connu diverses formes, surtout une fois détachée de tout contexte biblique. Ici, le titre est secondaire∞∞: il omet la captivité de Manassé et ‫ תשובה‬a le sens ordinaire∞∞; de plus, le contenu peut s’adapter à n’importe quel pénitent. R. Leicht, dans une étude détaillée8, montre que cette version hébraïque peut largement s’expliquer comme rétroversion du grec ou du syriaque. C’est certainement vrai, par exemple, de l’adresse initiale, où est invoqué Yhwh «∞∞qui règne sur son monde∞∞» (‫השליט בעולמו‬, TSK 2a∞∞:19), expression inhabituelle, face à pantokrátor (voc.) de CA et PM 1 (absent du syriaque)∞∞; en effet, l’équivalent biblique normal est ‫צבאות‬, terme qu’on retrouve en TSK 3a∞∞:2 pour désigner «∞∞l’armée des cieux∞∞», correspondant à dúnamiv t¬n oûran¬n de PM 15. On peut aussi détecter d’autres aménagements. Par exemple, face à PM 11 «∞∞j’incline le genou de mon cœur∞∞», TSK 2b∞∞:14 met une circonlocution double∞∞: ‫ולבי עזבני על כן‬ ‫∞∞« נטיתי לבי לפניך‬mon cœur m’a abandonné, c’est pourquoi je tourne mon cœur vers toi∞∞»∞ ; plutôt qu’une rétroversion, c’est probablement une restitution au jugé, inspirée de locutions tirées de Ps 40,13 et 119,112. Cependant, il est difficile de croire que rétroversion et évolution littéraire soient parties de rien, s’il n’y avait pas au départ une tradition juive donnant au moins un fragment, d’autant plus qu’il s’agit d’un texte issu d’une synagogue qaraïte, c’est-à-dire d’un milieu réformateur prônant un retour à l’Écriture et qui avait pu bénéficier de documents recueillis chez les «∞∞troglodytes∞∞» de Qumrân avant 8009. Il a été montré que les fragments du Siracide issus de la même geniza en provenaient, qu’ils avaient été complétés par rétroversion du syriaque, mais aussi qu’ils offraient un texte très altéré10. VI Or, il se trouve que la grotte IV de Qumrân a livré les restes d’un recueil d’hymnes non canoniques qui inclut une Prière de Manassé11 8 Reimund LEICHT, «∞∞A Newly Discovered Hebrew Version of the Apocryphal “∞∞Prayer of Manasseh∞∞”∞∞», JSQ 3 (1996), p. 359-373. 9 Cf. Dominique BARTHÉLEMY, «∞∞Notes en marge de publications récentes sur les manuscrits de Qumrân∞∞», RB 59 (1952), p. 199-203. 10 Cf. Conleth KEARNS, «∞∞Ecclesiasticus∞∞», dans∞∞: A New Catholic Commentary on Holy Scripture, London, Nelson, 1969, p. 541-562 (§441-443). L’étude classique reste celle de Rudolf SMEND, Die Weisheit des Jesus Sirach, Berlin, Vlg G. Reimer, 1906. 11 Eileen SCHULLER, «∞∞4QNon-Canonical Psalms B∞∞», dans∞∞: Qumran Cave 4 – VI (DJD XI), Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 87-172 (fr. 33+35 p. 123-126, et fr. 45 p. 132-134). 93723_03_Nodet 356 06-29-2010, 10:57 357 PRIÈRES DE MANASSÉ (4 Q 381, fr. 33+35 joints). Ce fragment contient la fin d’un psaume, puis le titre «∞∞Prière de Manassé (‫ )תפלה למנשה‬roi de Juda lorsque le roi d’Assur le fit prisonnier12∞ » (cf. 2 Ch 33,31), qui introduit un autre psaume. Il apparaît au premier abord que la langue de ces passages est très biblique, et n’offre guère de trait commun avec TSK 1.144*. Le premier psaume, dont la partie conservée est brève (six lignes), est une prière pénitentielle dont le début manque. Il commence par une louange, suivie de l’aveu de grandes fautes, puis d’une supplication et de la promesse d’une louange dans la certitude d’être sauvé. C’est une prière individuelle, sans indication de circonstances, mais les thèmes sont ceux de la Prière, avec quelques détails intéressants∞∞: – l. 3∞∞: «∞∞Nous louons ta puissance, car il n’y a pas de mesure (‫כי אין‬ ‫ ]…[ )חקר‬tu m’as mis∞∞; que ton reproche devienne pour moi une joie éternelle∞∞». Le contexte suppose que la lacune en milieu de ligne mentionnait la miséricorde divine. L’expression tronquée est biblique (Ps 154,3∞∞; Is 40,28), mais non rabbinique∞∞; elle rappelle TSK 2b∞∞:4 ‫∞∞« ובלא חקר חסדיך‬et sans mesure ta miséricorde∞∞» et de même PM 6 âmétrjton tò ∂leov soÕ. – l. 4∞∞: «∞∞Car mes crimes sont trop nombreux pour moi (‫;∞∞»∞∞)רבו ממני‬ comme dans la Prière, l’orant se voit condamné. – l. 5∞∞: «∞∞Je crierai de joie, je me réjouirai en toi devant ceux qui te craignent∞∞»∞ ; c’est un engagement à la louange, et plus loin figure le mot «∞∞sauver∞∞» (entre deux lacunes). Ainsi ce psaume pourrait être un fragment d’une prière de Manassé, sous une forme courte et assez éloignée, mais il n’est pas question de faute proprement cultuelle (idolâtrie explicite), ce qui constitue un trait commun avec la version de la geniza. Le second psaume, séparé du premier par une ligne blanche, est précédé du titre indiqué∞∞; seules quatre lignes ont survécu. Il commence de manière abrupte (l. 8)∞∞: «∞∞Mon Dieu, […] proche est mon salut devant tes yeux∞∞». La suite peut évoquer Manassé∞∞: – l. 9-10∞∞: «∞∞j’espère dans le salut de ta face, et je renie devant toi mes péchés, car tu as agrand[i ta miséricorde], alors que je multipliais la culpabilité, et ainsi me séparais / de la joie éternelle et mon âme ne verrait plus le bien.∞∞» – l. 10-11∞∞: «∞∞il m’a exalté plus haut qu’une nation [… / alors que je ne me souvenais plus de toi dans le lieu de ta sainteté, que je ne te servais [pas…].∞∞» Il s’agit donc bien de fautes cultuelles. 93723_03_Nodet 357 06-29-2010, 10:57 358 ÉTIENNE NODET Le passage ne se rattache à la Prière que par le contenu, mais non par le vocabulaire∞∞: risque de perdition éternelle, fautes cultuelles. Si l’on additionne ce psaume au précédent, on a une meilleure consistance, comme si le titre «∞∞prière de Manassé∞∞» avait été déplacé, ou répété par erreur. Le même recueil inclut quatre lignes d’un autre psaume de lamentation individuelle (4 Q 381, fr. 45). Malgré la disparition du début et de la fin, il offre des analogies avec la Prière et avec son contexte∞∞: – l. 1∞∞: «∞∞Et je comprends, et j’instruis celui qui ne comprend pas […∞∞»∞ ; l’orant se donne en exemple. – l. 1-2∞∞: «∞∞…]et je te crains et je me purifie / je me suis séparé des abominations (‫ מתעבות הכרתי‬avec ‫ הכרתי‬de ‫כרת‬, ou peut-être “∞∞des abominations que je connais∞∞”, de ‫נכר‬, avec une tournure atypique)∞∞». En dehors de Manassé (2 Ch 33,15), l’élimination des idoles peut se rattacher aux rois Asa (1 R 15,13), Ézéchias (2 R 18,4) ou Josias (2 R 23,14). – l. 2∞∞: «∞∞et je laisse mon âme se prosterner devant toi (‫ואתן נפשי‬ ‫»∞∞)להכנע מלפניך‬. Cette dernière expression prend ‫∞∞« כנע‬se prosterner∞∞» dans le sens métaphorique fréquent signalé à propos de PM 11 («∞∞fléchir le genou du cœur∞∞»). – l. 2-3 «∞∞…] ont multiplié son péché (“∞∞à elle∞∞”, ‫)פשעה‬. Contre moi on a comploté (ou “∞∞osé∞∞” ‫ )יזמו‬/ de me capturer, mais moi, je me confie à toi∞∞». À cause de la lacune, on ignore qui est la pécheresse, et il faut peut-être lire ‫פשעיי‬, ce que la photo du fragment n’exclut pas entièrement∞∞; on obtiendrait «∞∞mes péchés se sont multipliés∞∞». En tout cas, l’invocation convient à un prisonnier qui découvre qu’il subit une juste punition, ce que confirme la ligne suivante. – l. 4 «∞∞et ne me mets pas en jugement avec toi, mon Dieu∞∞». La suite a disparu. Les témoins hébraïques retrouvés à Qumrân et au Caire sont très différents, sans dépendance directe. Il faut donc considérer au moins deux versions, et c’est bien ce que suggère 2 Ch 33,18-19, qui signale que la prière est conservée dans deux recueils distincts∞∞: elle figure avec les actes de Manassé dans les archives des rois d’Israël (cf. 2 R 21,17), mais sans la réponse de Dieu, et elle est aussi dans «∞∞les paroles de Hozaï (‫חוזי‬, LXX “∞∞des voyants∞∞”, de ‫ »∞∞)חוזים‬avec la réponse favorable de Dieu ainsi que le détail des fautes cultuelles. Le premier cas peut se rapprocher des fragments de Qumrân, sans contexte, et le second 93723_03_Nodet 358 06-29-2010, 10:57 359 PRIÈRES DE MANASSÉ convient mieux à la version du Caire, à condition de la voir comme dérivant d’un original où elle était insérée dans un récit des méfaits de Manassé et de sa transformation ultérieure. On retrouve la présentation de la Didascalie et de CA. VII Les conclusions précédentes ne seraient que des hypothèses invérifiables s’il n’y avait le témoignage de Josèphe∞∞: il a connu la Prière dans son contexte narratif, et très probablement en hébreu, puisqu’on y a relevé des hébraïsmes. On peut alors se demander s’il l’a tirée d’un document annexe, ou si elle figurait tout simplement dans son exemplaire des Chroniques. La seconde hypothèse est manifestement la plus simple. La même question se pose d’ailleurs pour la Didascalie, qui affirme citer 4 Règnes et 2 Paralipomènes, mais qui en fait cite 2 Ch et l’orne avec 2 R LXX13. Le problème implicite est celui de la formation finale et de l’autorité du livre hébreu des Chroniques. Trois observations peuvent être avancées à ce propos. a) Josèphe dispose d’une documentation plus vaste que ce qu’on lit dans 1-2 Ch. Par exemple, la liste qu’il donne des dix-huit grands prêtres, de Sadoq à l’exil (AJ 10∞∞:152-153, cf. 20∞∞:231), est bien plus longue – et moins invraisemblable – que celles de 1 Ch 5∞∞:30-41 et Esd 7,1-5. b) La Mishna déclare que trois rois d’Israël sont condamnés∞∞: ils n’ont pas part au «∞∞Monde qui vient∞∞» (‫העולם הבא‬, Royaume, résurrec12 William M. SCHNIEDEWIN, «∞∞A Qumran Fragment of the Ancient “∞∞Prayer of Manasseh∞∞”∞∞», ZAW 108 (1996), p. 105-107, a voulu y voir le reste d’un document préexilique. C’est plus qu’improbable, car la mention «∞∞Assur∞∞» fait allusion au récit de 2 Ch, et celui-ci présente des signes proprement légendaires∞∞: 1. rien n’est dit de l’expédition assyrienne, ni des conditions de retour de Manassé (Josèphe recrée tout un récit militaire)∞∞; 2. la captivité à Babylone est un anachronisme, puisque la capitale assyrienne était Ninive. Apparemment, le récit est né de la longévité scandaleuse d’un roi impie, qui régna 50 ans, alors que son père, le pieux Ézéchias, ne régna que 29 ans (2 R 18,2)∞∞; de même, confronté à la stupidité de la mort de Josias, le grand réformateur, 2 Ch 35,20-25 explique qu’il a désobéi à Dieu. 13 À la suite de raisonnements complexes, Henry H. HOWORTH, «∞∞Some Unconventional Views on the Text of the Bible. VIII – The Prayer of Manasseh and the Book of Esther∞∞», Proceedings of the Society of Biblical Archæology 31 (1909), p. 89-99, concluait qu’il s’agit de la véritable LXX, traduite de l’araméen original, le TM étant une traduction rabbinique censurée au IIe s., traduite ensuite en grec. Dans les conclusions présentées ici, la «∞∞véritable LXX∞∞», attestée par la Didascalie, ne serait autre que la traduction de l’hébreu qu’à connu Josèphe (antérieur au TM). 93723_03_Nodet 359 06-29-2010, 10:57 360 ÉTIENNE NODET tion). Ce sont Jéroboam, Achab et Manassé (m.Sanh 10∞∞:2). Un maître objecte que Manassé ne peut être exclu du Royaume, puisque le récit de 2 Ch 33,11-13 dit qu’il fut puni d’exil et qu’en prison il s’adressa à Dieu et fut exaucé. L’objection est donc sérieuse, mais elle est écartée sommairement par un compromis14. Le cas n’est pas unique∞∞: selon b.Meg 3b-4a un maître réputé déclare que Josué a bâti Lod et Ono, deux villes, et rejette l’objection que selon 1 Ch 8,12 elles sont dues à un certain Shamer. Il y a donc, encore au IIIe siècle, un débat implicite sur l’autorité des Chroniques (avec ou sans la prière). c) Plus généralement, des considérations historiques peuvent être avancées. Les fouilles récentes au mont Garizim ont révélé un vaste sanctuaire remontant au Ve siècle au moins. De plus, avant sa destruction finale par Jean Hyrcan vers 111, cet établissement israélite faisait une grave concurrence au temple de Jérusalem, spécialement au moment de la crise maccabéenne et ensuite. Pour la formation ultime des Chroniques, où l’accent est mis sur la centralité du culte à Jérusalem pour tout Israël, il est naturel de penser à une date postérieure15, lorsque la Judée asmonéenne finit par s’étendre à «∞∞tout Israël∞∞». Jérusalem, juin 2009 Étienne NODET, o. p. 14 Le compromis tombe ensuite, car la discussion se conclut dans la Tosefta avec la référence aux «∞∞paroles de Hozeh (ou “∞∞du voyant∞∞” ‫ »∞∞)חוזה‬de 2 Ch 33,19 (t.Sanh 12∞∞:11). Cf. b.Sanh 102b-103a, où le débat porte la possibilité du repentir pour l’Israélite devenu idolâtre∞∞: Agadat Bershit 9∞∞:23 et 2 Baruch §64 affirment que non (Manassé n’était pas sincère). Il est possible que la prière ait été retirée de 2 Ch (tout en restant signalée deux fois) pour alléger cette controverse. 15 Cf. Étienne NODET, «∞∞Samaritains, Sichem, Temple∞∞», RB (à paraître). 93723_03_Nodet 360 06-29-2010, 10:57 STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON RB. 2010 - T.LE 117-3 (pp. 361-388). 361 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON (MATTHIEU 17,24-27) PAR Thierry MURCIA Université de Provence-CNRS (UMR 6125) SOMMAIRE Cet article présente une analyse de la péricope matthéenne (Matthieu 17, 2427) relative à l’impôt du didrachme et au miracle du statère qui lui est directement attaché. Après avoir discuté la pertinence des différentes explications savantes proposées jusqu’ici de l’épisode et du miracle, l’auteur arrive à la conclusion que les consignes données à Pierre par Jésus sont certainement métaphoriques et qu’elles s’intègrent manifestement dans une période antérieure à la destruction du Temple (70 apr. J.-C.). Il montre également que pour être mieux compris, les textes du Nouveau Testament doivent être confrontés avec d’autres sources antiques et, en particulier, avec la littérature talmudique. SUMMARY This study presents an analysis of Matthew 17, 24-27 concerning the tribute for the temple and the miracle of the stater. I discuss the pertinence of the different scholarly explanations proposed about the episode and the miracle and arrive at the conclusion that the instructions given to Peter by Jesus are certainly metaphorical and that we have here the situation before 70 A.D. I also show that to be better understood, the texts of the New Testament have to be confronted with others ancient sources, particularly with talmudic literature. Matthieu est le seul, des quatre évangélistes, à rapporter cet épisode insolite∞∞: «∞∞Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme s’approchèrent de Pierre et lui dirent∞∞: “∞∞Est-ce que votre maître ne paie pas 93723_04_Murcia 361 06-29-2010, 10:57 362 THIERRY MURCIA le didrachme∞∞?∞∞” – “∞∞Mais si∞∞”, dit-il. Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant∞∞: “∞∞Qu’en penses-tu, Simon∞∞? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts∞∞? De leurs fils ou des étrangers∞∞?∞∞” Et comme il répondait∞∞: “∞∞Des étrangers∞∞”, Jésus lui dit∞∞: “∞∞Par conséquent, les fils sont exempts. Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche∞∞: tu y trouveras un statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et pour toi.∞∞”∞∞» (Matthieu 17, 24-27)1. Cet épisode étonnant (nous l’appellerons récit b) a fait l’objet de plusieurs interprétations que l’on peut classer en trois grands groupes∞∞: 1. Approche littérale∞∞: l’événement s’est historiquement déroulé tel qu’il est relaté (deux sous-groupes∞∞: 1a et 1b). 2. Approche comparatiste∞∞: l’épisode s’inspire d’autres récits folkloriques du même genre. 3. Approche figurative∞∞: l’épisode est à prendre au second degré (deux sousgroupes∞∞: 3a et 3b). Nous proposons nous-même dans la présente étude une interprétation nouvelle qui appartient au 3e groupe mais s’en singularise assez fortement. C’est la raison pour laquelle nous l’avons intitulée approche figurative alternative (3c). 1. – APPROCHE LITTÉRALE. a. Approche littérale traditionnelle. Cette approche est censée reposer sur une lecture littérale du texte. Il s’agit en réalité d’une impression car l’approche littérale a elle aussi grandement recours à l’interprétation. Elle postule que l’épisode est un récit de miracle. Le lecteur peut y croire ou ne pas y croire. Selon Lagrange∞∞: «∞∞Ce qui suit est un miracle, raconté comme tel, miracle à tout le moins de science qui fait connaître à Jésus qu’un poisson a avalé une pièce de monnaie, et qu’il se laissera prendre.∞∞»2 Selon Pirot, «∞∞le miracle consiste dans la réalisation d’une prophétie particulièrement circonstanciée. On sait que les poissons goulus avalent tout ce qu’ils rencontrent∞∞: celui-là aurait avalé un statère qu’il ne pouvait pas rejeter.∞∞»3 On 1 La traduction est celle de la BJ. La numérotation des chapitres de la Mishna correspond à celle de J. NEUSNER, The Mishnah a new translation, New Haven/London, 1988. Idem pour la Tosefta∞∞: J. NEUSNER, The Tosefta translated from the Hebrew with a new Introduction, Massachusetts, 2002. 2 M.-J. LAGRANGE, Évangile selon Saint Matthieu, Paris, 19416, p. 342. 3 L. PIROT (dir.), La Sainte Bible. Texte latin et traduction française d’après les textes originaux avec un commentaire exégétique et théologique, t. 9, Paris, 1935, p. 233. 93723_04_Murcia 362 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 363 pourrait aisément multiplier les citations en ce sens. Elles émanent toutes de croyants sincères et sont autant de confessions de foi. On peut certes décider d’y croire, mais nous allons cependant voir que, contrairement aux apparences, cette lecture du texte est bien loin de s’imposer. b. Approche littérale alternative. Louis Pirot renvoie à la thèse du P. Cré, missionnaire d’Afrique, qui complète ainsi l’interprétation précédente∞∞: «∞∞l’Hemichromis sacra, en arabe le chien (kelb) ou le petit chien (kleib), vulgairement le poisson de S. Pierre, loge sa progéniture dans sa cavité buccale […] Quand le progrès des alevins les rend trop encombrants, le poisson les expulse en mettant dans sa bouche un caillou qui prend toute la place∞∞: le poisson de l’Évangile y aurait mis un statère au lieu d’un simple caillou.∞∞»4 Le P. Prat donne du miracle la même explication∞∞: «∞∞La mer de Galilée nourrit un singulier poisson dont les naturalistes, qui l’ont observé de près, racontent des prodiges. Il prend dans sa bouche des œufs pondus par la femelle […] et, quand ils sont éclos, y garde les alevins jusqu’à ce qu’ils puissent se suffire. Alors sa gueule démesurément enflée reste toujours béante et peut engloutir des objets plus volumineux qu’une simple pièce de monnaie. En souvenir du miracle évangélique, on l’appelle maintenant, à tort ou à raison, le poisson de Pierre.∞∞»5 Ce poisson singulier a fait l’objet d’une description précise par le docteur Louis Charles Émile Lortet, un éminent savant de la fin du XIXe siècle∞∞: le Chromis paterfamilias «∞∞protège jusqu’à 200 alevins dans la gueule et les branchies […] Le 29 avril 1875, j’ai pêché cette intéressante espèce à l’épervier, dans une eau peu profonde, au milieu des roseaux, au bord du lac de Tibériade, à la localité appelée Ain-Tin, l’ancien Capharnaüm […] C’est dans ces eaux que vivent les Chromis.∞∞»6 Ce poisson, signalé par plusieurs chercheurs7, est une espèce endémique au lac de Tibériade. Il porte différents noms savants dont Tristramella sacra (Günther, 1864) est le plus officiel. H. Van Der Loos qui, dans sa 4 Pirot, 1935, p. 233. Ce poisson ne doit pas être confondu avec son homonyme, que l’on rencontre en Méditerranée, le saint-pierre encore appelé poule de mer, zée ou zéide. 5 Jésus-Christ, sa doctrine, son œuvre, t. I, Paris, 1932, p. 452-455 (cité par M. GOGUEL, Jésus, Paris, 19502, p. 142-143). 6 L. C. E. LORTET, «∞∞Le Chromis pater-familias du lac de Tibériade∞∞», dans La Nature. Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie 136, 1876, p. 81-82. 7 Voir H. VAN DER LOOS, The Miracles of Jesus, Leyde, 1965, p. 685. 93723_04_Murcia 363 06-29-2010, 10:57 364 THIERRY MURCIA volumineuse monographie sur les miracles de Jésus consacre huit pages au miracle du statère, signale dans une note de bas de page qu’un employé du Département de l’agriculture et de la pêche qui a bien observé le Chromis pendant la période de frai est convaincu qu’une pièce peut effectivement être trouvée dans sa bouche8. Le miracle se ramènerait en somme à une forme d’omniscience. Cette explication, quoique séduisante, suppose déjà une série de coïncidences peu probables∞∞: Jésus aurait su à l’avance qu’un poisson bien précis avait dans sa bouche – et non dans ses entrailles – une pièce de monnaie bien déterminée (un statère), que Pierre allait prendre aussitôt ce poisson à l’hameçon, que ledit poisson n’aurait pas encore avalé ni recraché la pièce engloutie. Admettons qu’un Chromis (Tristramella sacra) ait effectivement avalé une pièce de monnaie. Il devient alors difficile d’imaginer qu’il ait pu mordre à l’hameçon sans la rejeter. Il s’agit, de plus, d’un poisson de petite taille∞∞: sa longueur varie entre 4,5 et 20,2 centimètres9 et sa hauteur n’excède pas quelques centimètres10. Vu sa taille et celle de l’objet (2 à 3 cm de diamètre pour un poids de 20 g environ), il lui aurait fallu mordre à l’hameçon avec une bouche déjà pleine11. Qui plus est, si le Chromis est contraint d’avaler un caillou pour se débarrasser de son encombrante progéniture, c’est qu’il se trouve être, en période de frai du moins, dans l’incapacité totale de refermer la bouche, y compris sur un hameçon. Notons enfin qu’au début du printemps (mars-avril), époque à laquelle avait lieu en Judée et en Galilée la perception du didrachme, le Chromis se nourrit quasi-exclusivement (à hauteur de 99%) de phytoplancton, particulièrement abondant dans le lac à cette période de l’année12. Des études scientifiques menées pendant 2 ans et portant sur 126 spécimens13 ont en outre montré que l’alimentation du Chromis était exclusivement composée de particules organiques en suspension, de phytoplancton et de zooplancton. Les seules proies qu’il absorbe sont microscopiques∞∞: c’est la raison pour laquelle cette espèce si particulière ne peut être pêchée qu’au filet ou au moyen d’une senne. 8 Van Der Loos, 1965, p. 686, note 2. P. SPATARU, M. GOPHEN, «∞∞Food composition of Tristramella sacra (Günther, 1864) (Cichlidae) in Lake Kinneret (Israel)∞∞», dans Israel Journal of Zoology 34, 19861987, p. 183∞∞: sur un total de 126 spécimens pêchés entre Mai 1973 et Avril 1975, aucun ne dépassait 20, 2 centimètres. 10 Lortet, 1876, p. 82∞∞: «∞∞Le Chromis pater-familias est long de 18 centimètres, haut de 4 1⁄2 centimètres.∞∞» 11 Voir aussi Van Der Loos, 1965, p. 686. 12 Spataru, Gophen, 1986-1987, p. 184. 13 Spataru, Gophen, 1986-1987, p. 183-189. 9 93723_04_Murcia 364 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 365 L’utilisation d’une ligne paraît donc totalement exclue pour au moins trois raisons liées essentiellement à l’espèce envisagée∞∞: bouche déjà complètement occupée (par la pièce), impossibilité circonstancielle de la refermer, désintérêt complet pour un hameçon et ce qu’on pourrait y accrocher. En somme, si Pierre avait utilisé un filet l’hypothèse du Chromis aurait peut-être pu être retenue. Mais il est bien précisé que Pierre s’est servi d’un hameçon. Si Pierre avait tout simplement trouvé la pièce dans les entrailles de l’animal, n’importe quel poisson aurait alors pu faire l’affaire. Mais il est clairement spécifié que l’objet a été trouvé dans sa bouche. En somme, ce qui aurait peut-être permis d’expliquer le miracle d’un côté (présence d’une pièce de monnaie dans la bouche du poisson) est donc précisément ce qui, de l’autre, fait obstacle à sa réalisation (utilisation d’un hameçon). Quoique littérale, cette explication qui fait intervenir une espèce particulière de poisson se veut néanmoins rationalisante. Elle est certes ingénieuse et on comprend qu’elle ait pu séduire. Mais elle produit l’effet d’un deus ex machina∞∞: trop d’obstacles doivent être surmontés et trop de conditions réunies pour parvenir au résultat attendu. L’approche littérale, qu’elle soit traditionnelle ou alternative, pose en réalité plus de problèmes qu’elle n’en résout. 2. – APPROCHE COMPARATISTE. Plusieurs critiques ont noté que les histoires d’objets perdus (ou non) et retrouvés dans un poisson ne sont pas rares dans l’Antiquité14. Hérodote raconte l’aventure bien connue survenue à Polycrate, tyran de Samos, qui passait pour particulièrement chanceux. Ce dernier décida un jour de sacrifier son anneau, une bague en or sertie d’une émeraude, qui était aussi son plus beau bijou. Il partit au large pour accomplir son vœu et le jeta à la mer∞∞: Récit a∞∞: «∞∞Quatre ou cinq jours après […] un pêcheur prit un énorme et superbe poisson qu’il jugea digne d’être offert à Polycrate […] Les serviteurs trouvèrent dans son ventre l’anneau de Polycrate […] et, tout joyeux, l’apportèrent à Polycrate.∞∞»15 14 Trois des récits recensés ici ont déjà été signalés par les critiques pour l’étude de cette question∞∞: a, 2, 3 (Van der Loos, 1965, p. 682-683). P. SAINTYVES, Essais de folklore biblique. Magie, mythes et miracles dans l’Ancien et le Nouveau Testament, Paris, 1923, p. 374-375, propose une version sabéenne du récit no 1. 15 Hérodote, Histoires III, 42. 93723_04_Murcia 365 06-29-2010, 10:57 366 THIERRY MURCIA Cet épisode est le plus souvent cité. Mais on trouve dans la littérature rabbinique et chez les conteurs arabes une histoire assez semblable dont il existe de nombreuses versions. Récit no 1∞∞: On raconte que Salomon possédait un anneau magique sur lequel était gravé le Nom sacré. Asmodée s’en empare, le jette dans la mer où un poisson l’avale. Mais la femme du roi récupère l’anneau dans les entrailles d’un poisson acheté sur le marché16. Récit no 2∞∞: Un non-Juif très riche vend tous ses biens, achète une pierre précieuse et la place dans son chapeau. Le chapeau s’envole et un poisson avale la pierre. Le poisson est pêché et vendu à un Juif qui trouve l’objet dans le ventre du poisson et fait ainsi fortune17. Récit no 3∞∞: Un couturier juif achète un poisson aux enchères. Il l’ouvre et y découvre une pierre précieuse dont il tire subsistance le restant de ses jours18. Récit no 4∞∞: Le fils de Joseph b. Joezer offre un poisson à sa femme qui vient d’accoucher. En l’ouvrant il y trouve une perle19. Récit no 5∞∞: Un homme jette chaque jour du pain à la mer. Il achète un poisson et découvre dans ses entrailles un objet précieux (sima, ‫סימא‬, littéralement∞∞: «∞∞trésor∞∞»)20. Le thème de la pierre précieuse ou de l’anneau perdu et retrouvé dans un poisson se rencontre jusqu’en Inde21. Il s’agit d’un topos, d’un lieu commun, dont le récit, légendaire ou non, rapporté par Hérodote, semble être à l’origine. Ces histoires, qui reposent sur une observation faite depuis longtemps, à savoir l’attirance des poissons pour ce qui est brillant, ne sont pas nécessairement toutes imaginaires22. Si les récits no 1 à 5 dépendent sans aucun doute plus ou moins directement de a, le récit de Matthieu (récit b) est quant à lui le seul à s’en démarquer nettement∞∞: – Le poisson est pêché à la ligne (seul cas). – L’objet n’est pas retrouvé dans les entrailles mais dans sa bouche (seul cas). – L’objet n’est pas un bijou mais une pièce de monnaie (seul cas). 16 Voir L’Ecclésiaste et son double araméen, Ch. MOPSIK (traducteur), 1990, p. 127129. Le Coran XXXVIII, 33-34, fait allusion à cette légende dont il existe de nombreuses variantes. 17 B. Shabbat 119a. 18 Genèse Rabba XI, 4. 19 B. Baba Batra 133b. 20 Qohélet Rabba XI, 1. 21 Saintyves, 1923, p. 401-402. 22 Cf. Augustin, Cité de Dieu XXII, VIII. 93723_04_Murcia 366 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 367 – L’objet ne revient pas à son légitime propriétaire (différent de a et de 1). – L’épisode est annoncé comme devant survenir (seul cas). Ce dernier aspect est déterminant∞∞: dans aucun des récits la découverte n’est annoncée à l’avance. Les textes sont essentiellement narratifs. Ils racontent tous un événement passé∞∞: la découverte a déjà été faite. Chez Matthieu seulement elle reste à venir. Le texte est injonctif et prédictif. Il n’est pas réellement narratif. À aucun moment il n’est précisé que la prédiction a été suivie d’effet. Ces détails sont beaucoup plus importants qu’il n’y paraît à première vue. À ce titre, ce «∞∞récit de miracle∞∞» est particulièrement singulier. Il se distingue de tous les autres récits de miracles qui sont toujours présentés comme des événements déjà survenus23. Dans son enquête intitulée L’anneau de Polycrate et le Statère dans la bouche du poisson24, Pierre Saintyves cite ou signale une quarantaine de récits plus ou moins apparentés à celui de Matthieu. Au terme de son analyse comparatiste, il conclut que «∞∞l’anecdote évangélique n’est ellemême vraisemblablement qu’une sorte d’emprunt littéraire imité de quelque conte syrien.∞∞»25 La plupart des documents qu’il propose à l’étude ne sont cependant guère exploitables. Il s’agit dans la grande majorité des cas de récits médiévaux, voire plus tardifs encore26. L’intrigue est toujours la même. Un personnage jette à l’eau un objet qui lui est cher∞∞: un anneau ou une clé27 et finit toujours par le retrouver, soit dans les entrailles d’un poisson pêché28, soit c’est l’animal lui-même (poisson, grenouille ou autre) qui ramène spontanément le précieux objet. À chaque fois, l’objet retourne à son légitime propriétaire. Dans ces récits folkloriques où le miraculeux côtoie le féerique on perçoit surtout la forte influence de a29 (1- anneau, 2- jeté volontairement à l’eau, 23 À l’exception de la finale apocryphe de Marc (Mc 16, 17-18) dont le protagoniste n’est pas censé être Jésus. 24 Saintyves, 1923, p. 365-404. 25 Ibid., p. 404. 26 Hormis le récit a (Polycrate) et une variante sabéenne du no 1 (Salomon). 27 Cette substitution n’a rien d’étonnant car, précise Pierre Saintyves (p. 370, note 1)∞∞: «∞∞les anciens employaient des anneaux à clefs∞∞». Exceptionnellement, l’objet est différent∞∞: un peigne, un joli soulier (p. 400-401). 28 Exceptionnellement dans la bouche (deux cas) voire dans les ouïes (un seul cas). 29 Plus rarement c’est l’influence directe de b qui se fait sentir∞∞: «∞∞ Dans un conte portugais, le parrain est saint Antoine et parmi les tâches […] imposées il faut aller retirer l’anneau du fond de la mer. Saint Antoine dit au page d’aller pêcher∞∞; le premier 93723_04_Murcia 367 06-29-2010, 10:57 368 THIERRY MURCIA 3- récupéré dans les entrailles d’un poisson, 4- qui revient à son propriétaire initial). On notera également que l’objet égaré n’est jamais une pièce de monnaie∞∞: il doit avoir, pour les nécessités de l’intrigue, des caractères spécifiques qui permettent de l’identifier immédiatement et avec certitude. Il s’agit toujours d’un objet personnel. Une pièce de monnaie n’offre, de ce point de vue, aucun intérêt. On conviendra donc aisément que l’approche comparatiste n’apporte pas de solution réelle. En réalité, les différences entre les divers documents proposés (par nous-même ou par d’autres) l’emportent largement sur les points communs. Le récit de Matthieu ne semble dépendre d’aucun autre récit connu jusqu’ici et il n’y a en conséquence aucune raison de penser qu’une légende vaguement similaire se soit glissée dans le texte matthéen30. Il est clair en revanche que les récits d’Hérodote (a) et de Matthieu (b) en ont influencé beaucoup d’autres. Mais ce sont deux récits archétypaux qui s’ignorent. 3. – APPROCHE FIGURATIVE. Ph.-H. Menoud résume assez bien la situation∞∞: «∞∞Il est difficile de trouver à ce miracle la signification des autres miracles des évangiles malgré les explications proposées∞∞»31. Il en conclut que «∞∞le plus simple est d’admettre que nous avons, à la base de la péricope, une parole prononcée par Jésus et transformée en récit par la tradition, et par une tradition qui avait du miracle une notion différente de celle qui apparaît en général dans les évangiles.∞∞»32 C’est aussi plus ou moins l’opinion de H. Van Der Loos qui renvoie d’ailleurs à Menoud. Le miracle du statère, en effet, diffère sur trois points de tous les autres miracles rapportés dans les évangiles33∞ : tout d’abord, Jésus paraît ici réaliser un miracle poisson qu’il prendra, il l’ouvrira, et l’anneau sera dedans.∞∞» (Saintyves, 1923, p. 382). Comme dans a l’objet est un anneau, il est retrouvé dans les entrailles d’un poisson et retourne à son propriétaire. Comme dans b le pêcheur doit suivre des consignes précises∞∞: il doit prendre sa ligne∞∞; l’objet se trouvera dans le premier poisson qu’il prendra. On a ici une influence croisée des deux récits archétypaux a et b. 30 Le comparatisme fait encore des adeptes. Cf. P. DE BEAUMONT, Le Nouveau Testament, Paris, 1973, p. 76∞∞: «∞∞On peut penser que l’image du poisson est reprise d’une légende populaire qui ne nous est pas parvenue.∞∞» On reste, bien sûr, libre de le penser, mais il faut bien considérer qu’il ne s’agit là que d’une pure hypothèse qu’aucun élément ne vient étayer. 31 Ph.-H. MENOUD, «∞∞La signification du miracle selon le Nouveau Testament∞∞», dans Revue d’histoire et de philosophie religieuses 28-29, 1948-1949, p. 188. 32 Menoud, 1948-1949, p. 189. 33 Van Der Loos, 1965, p. 686-687. 93723_04_Murcia 368 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 369 pour son propre profit (apparition providentielle d’argent pour s’acquitter de l’impôt) ce qu’on ne trouve jamais ailleurs∞∞: «∞∞Nous n’avons pas d’autres miracles de ce genre dans le Nouveau Testament, où Jésus ne met jamais le pouvoir divin à son service personnel∞∞»34. De plus, la raison d’être du miracle consiste uniquement à ne pas «∞∞scandaliser∞∞» les Juifs, ce qui constitue encore un cas unique. Enfin, ainsi que l’avons déjà fait remarquer, il n’est jamais dit que le miracle annoncé a effectivement eu lieu. Matthieu ne le dit pas clairement et aucun des autres évangélistes ne rapporte ni l’événement, ni même sa prédiction35. Tout ceci nous amène à penser que toute la péricope – et non pas seulement la première partie – est à prendre au second degré et que si le miracle ne s’est jamais produit c’est qu’il ne devait tout simplement pas avoir lieu. Aucun miracle n’a jamais été annoncé, Jésus s’est contenté de donner à Pierre des consignes précises mais imagées pour acquitter l’impôt dû au Temple. Cette opinion est partagée par de nombreux critiques et, à ce jour, deux explications principales ont été apportées. Nous en proposerons une troisième. a. Approche figurative «∞∞spirituelle∞∞». Selon la première interprétation, qui est aussi la dernière en date (P. P. Levertoff et H. L. Goude), il ne faudrait voir dans les propos de Jésus qu’une plaisante allusion à la profession de Pierre (pêcheur) et peut-être aussi une allusion ironique à la soif des Juifs pour les miracles frappants36. Le fait que le miracle annoncé n’est pas rapporté conforterait cette idée∞∞: Jésus ne parlait pas sérieusement. Certes les jeux de mots ne sont pas absents des évangiles et on pourrait en donner plusieurs exemples bien frappés (si l’on veut bien faire l’effort de remonter, dans les discours du moins, à l’hébreu ou à l’araméen sous-jacent37). 34 Menoud, 1948-1948, p. 188. Cl. TRESMONTANT, Évangile de Matthieu, Paris, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Luc et Marc ne rapportent pas cet épisode du prélèvement de l’impôt pour le Temple. Cela se comprend aisément. Les Évangiles de Luc et de Marc sont composés et traduits pour une part en fonction des frères qui viennent du paganisme. Il était difficile de leur expliquer pourquoi le Rabbi pensait qu’au fond il en était dispensé. Une indication de plus que les Évangiles de Luc et de Marc sont postérieurs à celui de Matthieu.∞∞» Il y aurait plutôt lieu de penser que si la péricope matthéenne ne figure ni chez Luc, ni chez Marc, c’est tout simplement parce qu’ils n’en ont pas saisi le sens. Ils ont légitimement pu s’interroger sur l’utilité de rapporter un miracle dont le Christ ne sortait pas particulièrement grandi. Bien évidemment, dans le cas où la péricope serait une pure création de la communauté matthéenne, il serait également logique que Luc, et surtout Marc, l’aient ignorée. 36 Van Der Loos, 1965, p. 686. 37 Le plus souvent cité est sans doute le fameux∞∞: «∞∞Dieu peut, des pierres (‫– אבנים‬ 35 93723_04_Murcia 369 06-29-2010, 10:57 370 THIERRY MURCIA Quant à l’humour proprement dit, en revanche, nous n’en avons point trouvé trace dans les évangiles. Cette explication ne paraît pas donc pas très sérieuse elle non plus … b. Approche figurative conventionnelle. L’autre explication, en revanche, est déjà ancienne (K. H. Venturini, H. E. G. Paulus, D. F. Strauss, F. Barth, E. Klostermann). Elle a, moyennant de nombreuses variantes, pratiquement fait l’unanimité et c’est celle à laquelle se rallie finalement Van Der Loos au terme de son analyse38. M. Goguel, qui semble toutefois ne pas y adhérer, la résume ainsi∞∞: «∞∞Le miracle du statère n’a été raconté que par la suite d’un malentendu. Jésus avait seulement dit à Pierre d’aller à la pêche et de vendre le poisson qu’il prendrait pour se procurer de quoi acquitter l’impôt du Temple.∞∞»39 Partisan de la lecture littérale, Louis Pirot la rejette catégoriquement∞∞: «∞∞Je pense qu’il n’est pas un exégète aujourd’hui qui ne sente le ridicule de l’ancienne explication rationaliste d’après laquelle Pierre aurait été invité tout bonnement à vendre un statère, sur le marché, le premier poisson qu’il aurait pris à la ligne…∞∞»40 L’explication est pourtant ingénieuse. On serait en présence d’un épisode historique qui aurait, par la suite, été «∞∞déformé∞∞». On peut même admettre, comme F. Barth, que le discours de Jésus était métaphorique dès le départ41. Il n’aurait pas été déformé mais tout simplement mal interprété. L’explication se heurte toutefois à quelques difficultés. On peut en effet objecter qu’un statère (quatre drachmes) représente une somme importante pour un seul poisson42. Une drachme (un denier) correspondait alors au salaire journalier d’un ouvrier agriabhanim) que voici, faire surgir des enfants/fils (‫ – בנים‬banim) à Abraham∞∞» (Mt 3, 8). On peut même ajouter qu’il s’agit ici d’une réponse du Baptiste aux pharisiens et aux sadducéens qui disent∞∞: «∞∞Nous avons Abraham pour père (‫ – אבינו‬abhinou)∞∞». Il faut bien sûr garder à l’esprit que toute proposition de rétroversion demeure conjecturale. 38 Van Der Loos, 1965, p. 687. Van Der Loos publie ses travaux en 1965. Il convient de noter que la tendance actuelle est plutôt de considérer que tout ou partie de l’épisode est directement issu de la communauté matthéenne et que, par conséquent, la probabilité qu’il soit historique est faible. Voir P. BENOIT, M.-E. BOISMARD, Synopse des quatre évangiles, Paris, 19962, t. II, p. 261-262. 39 M. Goguel, Jésus, Paris, 19502, p. 142. 40 Pirot, 1935, p. 233. 41 Van Der Loos, 1965, p. 686. 42 On peut toutefois voir que du temps d’Augustin (Cité de Dieu XXII, VIII) un très gros poisson pouvait se vendre 300 oboles, soit 50 drachmes ou 25 didrachmes, autrement dit 12,5 statères. 1 statère (= 1 sicle) pour un beau poisson du temps de Jésus ne paraît donc pas être un prix exagéré. 93723_04_Murcia 370 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 371 cole (Mt 20, 2)43. On peut toutefois admettre, avec Strauss44 que Pierre avait en fait pour mission de vendre sur le marché autant de poissons qu’il pourrait jusqu’à obtenir un statère ou bien un seul poisson valant cette somme. Cette explication est, selon nous, la meilleure qui ait été proposée jusqu’ici. Nous n’en retenons que le principe directeur∞∞: la péricope matthéenne ne doit pas faire l’objet d’une lecture au premier degré. Il s’agit d’une parabole qu’il nous appartient donc de décrypter45. c. Approche figurative alternative. Très souvent les évangélistes se sont trouvés dans l’obligation d’expliquer ou d’interpréter (à tort ou à raison) certains gestes ou paroles de Jésus dont ils sentaient que le sens aurait facilement pu échapper à leurs lecteurs. Dans quelques cas, ils ne l’ont pas fait. Leur signification profonde leur a parfois échappé et ils ne voyaient pas comment les interpréter. Ceci apparaît clairement dans l’Évangile∞∞: à plusieurs reprises les disciples ne comprennent pas les paroles et les gestes de Jésus qui ne manque d’ailleurs pas de leur en faire le reproche46. Les évangélistes précisent même que les disciples, qui ne comprenaient pas, «∞∞craignaient de l’interroger∞∞»47. Ceci pourrait être une raison suffisante pour expliquer pourquoi cet épisode insolite ne figure que chez Matthieu. Son sens aurait échappé aux autres évangélistes qui auraient pris le parti ne pas le reproduire. Reste que ces paroles pourraient très bien être directement issues de la communauté matthéenne. Il s’agirait alors de consignes précises données sous l’autorité du Maître par le rédacteur évangélique à tous les Juifs-chrétiens qui s’interrogent pour savoir s’ils doivent ou non s’acquitter de l’impôt au Temple. Reprenons donc notre péricope point par point∞∞: 43 À titre de comparaison∞∞: une miche de pain valait entre 1/96e et 1/48e de sicle (M. Eroubhin VII, 10 et VIII, 2), un manteau entre 3 et 6 sicles (M. Meila 6, 4), une paire de bœufs de labour 50 sicles (M. Baba Batra V, 1). À l’époque talmudique, un sicle (quatre drachmes) correspondait au salaire d’un ouvrier (B. Baba Metsia 76a). 44 Van Der Loos, 1965, p. 684. 45 Tresmontant, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Pourquoi ce détour par le poisson∞∞? Probablement un mâschâl [i.e. une parabole] que nous, les païens de la fin du XXe siècle, nous ne savons plus déchiffrer.∞∞» 46 Mc 4, 13∞∞; 7, 18∞∞; 8, 17, 18, 21. Cf. Mt 15, 16-17∞∞; 16, 9, 11∞∞; 19, 11∞∞; Mc 4, 10∞∞; Lc 9, 45∞∞; 18, 34. 47 Mc 9, 32∞∞; Lc 9, 45. Il n’y a aucune raison de douter de l’authenticité de ces précisions. 93723_04_Murcia 371 06-29-2010, 10:57 372 THIERRY MURCIA «∞∞Comme ils étaient venus à Capharnaüm, les collecteurs du didrachme s’approchèrent de Pierre et lui dirent∞∞: “∞∞Est-ce que votre maître ne paie pas le didrachme∞∞?∞∞” – “∞∞Mais si∞∞”, dit-il.∞∞» (Mt 17, 24-25a) Le fameux «∞∞didrachme∞∞», cet impôt légal par tête (capitation) de la valeur de deux drachmes était payé annuellement par tous les Juifs de sexe masculin – y compris ceux établis à l’étranger –, à partir de vingt ans pour l’entretien du Temple de Jérusalem48. La publication officielle de la collecte avait lieu le 1er Adar49. Sa perception commençait le 15 Adar hors de la Ville sainte et le 25 à Jérusalem. Elle s’achevait le 1er Nisan, une quinzaine de jours avant la Pâque. Tous les Israélites, les Lévites, les prosélytes, les esclaves affranchis y étaient astreints. Les femmes, les mineurs, les esclaves en étaient exemptés mais pouvaient, tout comme les prêtres, offrir cette taxe s’ils le désiraient50. Nous ignorons en fait si les prêtres y étaient également astreints mais ce ne fut probablement jamais le cas51. Depuis la défaite juive de 70 et la destruction du Temple, ce didrachme fut versé tous les ans au temple de Jupiter Capitolin au titre de fiscus judaïcus52. Au témoignage de Suétone, l’application de cette mesure fut particulièrement renforcée du temps de Domitien53. «∞∞Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant∞∞: “∞∞Qu’en penses-tu, Simon∞∞? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts∞∞? De leurs fils ou des étrangers∞∞?∞∞” Et comme il répondait∞∞: “∞∞Des étrangers∞∞”, Jésus lui dit∞∞: “∞∞Par conséquent, les fils sont exempts.∞∞» (Mt 17, 25b-26) Selon l’exégèse traditionnelle, Jésus «∞∞déclare qu’en droit il serait exempt de l’impôt parce qu’il est le fils de celui [Dieu] au profit de qui l’argent est recueilli∞∞»54. On estime que «∞∞Jésus aurait pu, pour justifier 48 E. BEURLIER, «∞∞Didrachme∞∞», dans DB, t. 2, 1912, col. 1428 et «∞∞Capitation∞∞», dans DB, t. 2, 1912, col. 213-215. Ex 30, 12-16∞∞; 38, 26∞∞; 2 Ch 24, 4-11∞∞; Ne 10, 33-34∞∞; Josèphe, AJ III, VIII, 194-196∞∞; XIV, VII, 110-113∞∞; XVIII, IX, 312-313∞∞; Cicéron, Pro Flacco 28. Cf. Philon, Legatio ad Caium §156-157, 216, 291, 311-316. 49 M. Shekalin I, 1∞∞; B. Megila 13b, 29b∞∞; B. Moed Qatan 6a. 50 M. Shekalin I, 3-5. Cf. I, 6. 51 M. Shekalin I, 3-4. Cf. I, 6 et Esd 7, 34. 52 Flavius Josèphe, Guerre des Juifs VII, 6, §218∞∞; Dion Cassius, Histoire romaine LXVI, 7. 53 Suétone, Domitien 12∞∞: «∞∞Entre autres mesures le recouvrement de l’impôt judaïque fut pratiqué avec on ne peut plus d’âpreté∞∞; on dénonçait au fisc ceux qui sans professer la religion juive vivaient selon ses rites, ou ceux qui dissimulaient leur origine pour échapper au tribut imposé à cette nation. Je me souviens d’avoir été témoin dans mon adolescence de l’examen auquel le procurateur, entouré d’un nombreux conseil, se livrait sur la personne d’un vieillard nonagénaire pour s’assurer qu’il fût ou non circoncis.∞∞» Cf. Martial, Épigrammes VII, LV, 7-8 et LXXXII. 54 E. Beurlier, «∞∞Capitation∞∞», dans DB, t. 2, 1re partie, 1912, col. 215. 93723_04_Murcia 372 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 373 une exemption d’impôt, arguer de sa qualité de prêtre ou de grand-prêtre […] de Fils de Dieu.∞∞»55 Dit plus simplement∞∞: «∞∞Jésus, qui est le fils de Dieu, n’a pas à payer pour le temple.∞∞»56 Comme Lagrange le remarque Jésus devance la question de Pierre en proposant une parabole57. Il importe, pour la déchiffrer, d’en bien peser les termes. Tous les exégètes sont d’accord pour dire que Jésus établit un parallèle entre les «∞∞rois de la terre∞∞» et le Dieu d’Israël. L’utilisation du pluriel ne constitue pas un obstacle réel car nous sommes dans le domaine des paraboles où ce genre de correspondances n’est pas toujours respecté. On notera que si le mot «∞∞rois∞∞» est ici mis pour «∞∞Dieu∞∞», le mot «∞∞terre∞∞», qui lui est directement associé, désigne probablement Israël. Il s’agirait d’un sémitisme. Pour un Juif, en effet, ha-arets, «∞∞la terre∞∞», «∞∞le pays∞∞», est synonyme «∞∞d’Israël∞∞». Par «∞∞rois de la terre∞∞» il faudrait peut-être comprendre «∞∞rois de la terre∞∞» i.e. «∞∞d’Israël∞∞» plutôt que «∞∞rois des nations étrangères∞∞». Ce n’est toutefois pas une obligation car Jésus peut simplement faire un parallèle entre les «∞∞rois des nations∞∞» et «∞∞leurs fils∞∞», et «∞∞Dieu∞∞» et «∞∞ses fils∞∞» sans qu’il y ait nécessairement de correspondance absolue. D’ailleurs, selon l’exégèse traditionnelle «∞∞leurs fils∞∞» désigne ici Jésus. En réalité, il s’agit cette fois sûrement d’un sémitisme, comme le notent justement É. Osty et J. Trinquet qui renvoient à Mt 8, 12 et 13, 38 et à l’expression «∞∞fils du royaume∞∞»58 qui désigne les «∞∞fils d’Israël∞∞», c’est-à-dire les Juifs59. Il y a donc tout lieu de penser que les «∞∞fils∞∞» de rois de la parabole représentent tous les Juifs et non pas uniquement Jésus, ni selon certains critiques60, seulement Jésus et ses disci55 Pirot, 1935, p. 233. Sœur JEANNE D’ARC, Les Évangiles – les quatre, Paris, 19924, p. 110, note à 26c. Cf. A. CRAMPON, La Sainte Bible, 1923, p. 21∞∞: «∞∞Jésus se dit donc fils de Dieu∞∞». P. de BEAUMONT, Le Nouveau Testament, Paris, 1973, p. 76∞∞: «∞∞Jésus qui n’est pas tenu de payer cet impôt parce qu’il est Fils de Dieu conseille à ses disciples de l’acquitter pour ne pas scandaliser.∞∞» Tresmontant, 19962, p. 400∞∞: «∞∞Lui, le Fils, en principe, du point de vue théologique, n’est pas tenu de verser l’impôt pour le service du Temple de Jérusalem.∞∞» 57 Lagrange, 19416, p. 342. 58 É. OSTY, J. TRINQUET, La Bible, Paris, 1973, p. 2120. 59 L. SEGOND, La Nouvelle Bible Segond, Genève/Paris, 2002, p. 1273∞∞: «∞∞Leurs fils∞∞: l’expression peut signifier leur propre famille ou, moins probablement, leur propre peuple.∞∞» 60 Van Der Loos, 1965, p. 681∞∞: «∞∞There is thus a distinction between the Jews and the “∞∞sons∞∞”.∞∞» A. MELLO, Évangile selon Saint Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, Paris, 1999, p. 319∞∞: «∞∞La comparaison pourrait donc impliquer que les disciples de Jésus, en tant que membres de la famille du Fils et employés à son service, sont exemptés pour la maison de son Père∞∞!∞ » (L’exclamation est de Mello). Benoit, Boismard, 1996, t. II, p. 262∞∞: «∞∞Le raisonnement de Jésus renverse les notions communément admises parmi les Juifs, qui se considéraient comme “∞∞enfants de Dieu ∞ ”, tandis 56 93723_04_Murcia 373 06-29-2010, 10:57 374 THIERRY MURCIA ples. C’est également ce qui ressort à l’examen de la Mishna et du Talmud où l’on peut lire∞∞: «∞∞Tous les Israélites sont fils de rois∞∞»61. Le peuple d’Israël tout entier est fils du «∞∞Roi∞∞», c’est-à-dire de (son) Dieu62. Jésus établit donc un parallèle entre «∞∞les rois∞∞», «∞∞leurs fils∞∞» et les «∞∞étrangers∞∞» et Dieu, Roi d’Israël, ses fils, les enfants d’Israël, et les étrangers au peuple d’Israël. En effet, si les «∞∞fils∞∞» sont les Juifs, les «∞∞étrangers∞∞» sont nécessairement les non-Juifs. Ils sont à la fois étrangers à «∞∞la famille royale∞∞» et «∞∞au pays∞∞». La conclusion assez étonnante de cette parabole semble donc être que ce n’est pas aux enfants d’Israël de payer l’impôt au Temple de son Dieu mais aux étrangers, aux non-Juifs. Ils n’ont pas à payer car ils sont les héritiers légitimes. On remarquera que Pierre est de facto compris dans «∞∞les fils∞∞» et qu’il n’a pas à payer non plus. Ce sont, comme Jésus le précise, tous «∞∞les fils [qui] sont exempts∞∞». C’est pourquoi le providentiel statère doit naturellement servir à payer l’impôt aussi bien pour Jésus que pour Pierre. L’apôtre ne bénéficie nullement ici d’une sorte de «∞∞traitement de faveur∞∞» de la part de Jésus comme on a pu le dire ou l’écrire63. Jésus conteste simplement la légitimité de cette capitation, non seulement pour lui, mais pour tous les Juifs∞∞: c’est aux païens de s’acquitter de l’impôt dû au Temple. Mais une semblable halakha64 est-elle envisageable et a-t-elle des appuis scripturaires∞∞? Il faut considérer tout d’abord que cette capitation était un impôt contestable qui reposait essentiellement sur une interprétation d’un passage du Livre de l’Exode. Il est seulement relaté dans la Torah comment que les autres peuples n’étaient que des étrangers∞∞; pour Jésus, ce sont ses disciples qui sont véritablement “∞∞enfants de Dieu ∞ ”, tandis que les Juifs ne sont que des étrangers. Théoriquement, les disciples de Jésus pourraient se considérer exempts de toute redevance envers le Temple∞∞». Cela supposerait que pour Jésus la rupture entre lui-même et ses disciples, d’un côté et le monde juif, de l’autre, est définitivement consommée. C’est historiquement difficilement concevable pour Jésus, mais cela reste envisageable si, à travers Jésus, c’est la communauté matthéenne qui s’exprime (voir cependant la note 62). 61 ‫ישׂראל בני מלכים הם‬-‫ – כל‬M. Shabbat XIV, 4∞∞; B. Shabbat 67a et 111ab. «∞∞Rois∞∞»∞∞: on remarquera, ici comme chez Matthieu, l’emploi du pluriel. Si tous les Juifs sont «∞∞fils de rois∞∞», on lit également dans le Talmud que les rabbins doivent être considérés comme des rois (B. Gitin 61a). «∞∞Fils de rois∞∞» pourrait alors avoir un sens plus restrictif et signifier «∞∞disciples des rabbins∞∞». Mais l’expression complète «∞∞rois de la terre∞∞» désigne plus probablement Dieu et il est en outre plus vraisemblable que Jésus lui-même se considère comme fils de Dieu que comme disciple de rabbin. 62 L’évangéliste lui-même est à peine plus restrictif∞∞: «∞∞Les artisans de paix […] seront appelés fils de Dieu∞∞» (Mt 5, 9). Mais on notera que tous les Juifs sont appelés «∞∞fils du Royaume∞∞», y compris ceux qui en seront finalement exclus (Mt 8, 12). 63 Lagrange, 19416, p. 342∞∞; Pirot, 1935, p. 233. 64 Interprétation rabbinique de la Loi ayant elle-même force de loi. 93723_04_Murcia 374 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 375 Moïse avait organisé un recensement à l’issue duquel chaque Israélite âgé de vingt ans et au-delà avait été astreint à verser un demi-sicle au sanctuaire (Ex 30, 11-16∞∞; 38, 26). Il s’agissait alors clairement d’une mesure ponctuelle. Ce n’est qu’à l’époque de Néhémie que cette contribution exceptionnelle était devenue une institution permanente. Elle avait été annualisée et portée à un tiers de sicle (Ne 10, 33). Du temps de Jésus l’impôt, demeuré annuel, s’élevait de nouveau à un demi-sicle (un didrachme)65 sans que l’on sache précisément qui avait décidé de son augmentation66. Mais du seul point de vue de la Loi mosaïque son bien-fondé était discutable. Flavius Josèphe, d’ailleurs, en parle seulement comme d’une «∞∞coutume nationale∞∞»67 et on remarquera que si Jésus accepte de payer c’est uniquement pour ne pas scandaliser68. Mais pour quelle raison et comment les païens paieraient-ils l’impôt du Temple à la place des Israélites∞∞? Cela peut sembler paradoxal et difficilement applicable. Le paradoxe n’est en fait qu’apparent, il s’agit d’une question d’interprétation. Ainsi, une telle halakha pouvait-elle parfaitement se fonder sur le Livre d’Isaïe où il est dit que dans les temps messianiques, les nations viendront du monde entier pour rendre un culte au Dieu d’Israël69. Or Dieu est considéré comme le seul véritable Roi pour Israël∞∞: «∞∞Yahvé votre Dieu, c’est lui votre roi∞∞!∞∞»70 Mais il est également «∞∞roi de toute la terre […] il règne sur les païens∞∞» (Ps 47, 8-9). Il est «∞∞roi des nations∞∞» (Jr 10, 7). Lui rendre un culte et s’acquitter des différentes redevances imposées revient en somme à lui verser tribut (Ag 2, 7). Si les Juifs sont «∞∞fils de rois∞∞», ils n’ont pas à payer. En revanche, les étrangers soumis à son joug doivent s’acquitter des redevances. Qui sont-ils∞∞? Il peut s’agir, dans cette perspective, des prosélytes et, plus vraisemblablement encore, des craignant-Dieu71, deux caté65 On notera que toutes les sources concordent sur ce point∞∞: juives, chrétiennes et païennes. 66 Nous en sommes ici réduits à des conjectures mais on peut penser aux rois Asmonéens ou à Hérode qui, en 19 ou en 20 av. J.-C., avait lancé les énormes travaux de rénovation du Temple. 67 Antiquités juives XVIII, IX, 1, §312. 68 Le didrachme était censément versé pour l’entretien du Temple mais il est plus que probable que ni Jésus, ni la communauté matthéenne, ne soutenaient l’administration du Temple qui gérait cet argent. 69 Is 2, 2-4 (= Mi 4, 1-3)∞∞; 56, 6-8∞∞; 60, 4-17∞∞; 66, 18-23∞∞; Jr 3, 17∞∞; Za 8, 20-23∞∞; 14, 16. 70 1 S 12, 12. Cf. Ps 5, 3∞∞; 10, 16∞∞; 24, 8-10∞∞; 47, 3-9∞∞; 68, 25∞∞; 74, 12∞∞; 89, 19∞∞; 95, 3∞∞; 99, 4∞∞; 145, 1∞∞; 149, 2∞∞; Is 33, 22∞∞; 44, 6∞∞; Jr 8, 19∞∞; 10, 7-10∞∞; 46, 18∞∞; 48, 15∞∞; 51, 57∞∞; Dn 4, 34∞∞; So 3, 15∞∞; Za 14, 4∞∞; Ml 1, 14. 71 La notion de craignant-Dieu, mal renseignée, est loin de faire l’unanimité. Tous sont d’accord pour dire qu’il s’agissait de non-Juifs sympathisants du judaïsme. Il est 93723_04_Murcia 375 06-29-2010, 10:57 376 THIERRY MURCIA gories particulières de croyants non-Juifs. Ce sont à la fois des étrangers et des «∞∞sujets∞∞» volontaires et ils peuvent, à ce titre, parfaitement se substituer aux héritiers légitimes pour le paiement de l’impôt. Mais comment mettre concrètement en œuvre une telle halakha∞∞? Jésus donne à Pierre la marche à suivre∞∞: «∞∞Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche∞∞: tu y trouveras un statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et pour toi.∞∞”∞∞» (Mt 17, 27) Jésus donne à présent à Pierre des consignes précises et c’est ici que le récit de notre fameux miracle paraît débuter. En réalité, le texte demeure jusqu’au bout injonctif et prédictif. Nous l’avons dit, le miracle n’est pas relaté, il est seulement annoncé. Plus exactement, on annonce ce qui semble en être un. Jésus prévient littéralement la question de Pierre au moyen d’une prolepse parabolique (verset 26)∞∞: «∞∞les rois de la terre, etc.∞∞» Elle débouche sur la conclusion que ce sont les étrangers qui doivent payer l’impôt, non les Juifs. Il lui explique donc comment faire en sorte qu’ils s’acquittent du didrachme. La démarche est simple∞∞: «∞∞Va à la mer, etc.∞∞» Un poisson véritable n’a évidemment pas sa place ici car l’affaire ne peut être résolue au moyen d’un quelconque miracle. La conséquence logique de la démonstration du Maître veut nécessairement que l’argent vienne d’un «∞∞étranger∞∞» dont le «∞∞poisson∞∞» n’est que l’image. La parabole initiale ne s’achève pas au verset 26. Elle se poursuit au verset suivant et l’englobe. Le fait que l’évangéliste la livre à son lecteur sans explication crée l’illusion qu’il s’agit d’une véritable histoire. Mais s’il la livre sans commentaire c’est qu’il estime sans doute qu’elle doit se suffire à elle-même. C’est donc toute la péricope qui est métaphorique. Jésus a débuté sa démonstration par une parabole, c’est également au moyen d’une parabole qu’il va en en tirer les conséquences pratiques. Pierre, lui, n’a plus qu’à s’exécuter. Jésus demande d’abord à Pierre d’aller «∞∞à la mer∞∞». Si, comme nous l’avons dit, «∞∞la terre∞∞» (ha-arets) est synonyme d’Israël, «∞∞la mer∞∞», par opposition, désigne symboliquement les nations païennes72. «∞∞Va à la probable qu’il faille les distinguer des prosélytes qui, en principe, étaient circoncis. Mais on peut aussi les considérer comme une catégorie particulière de prosélytes. M. SIMON, Verus Israel. Étude sur les relations entre chrétiens et juifs dans l’empire romain (135425), Paris, 19833, p. 132, parle de «∞∞demi-prosélytes∞∞». Certains critiques refusent d’opérer une distinction entre prosélytes et craignant-Dieu. Sur cette question voir S. LIEBERMAN, Greek in Jewish Palestine, New York, 1942, p. 68-90 et Fr. BLANCHETIERE, Les premiers chrétiens étaient-ils missionnaires (30-135), Paris, 2002, p. 122-124. 72 Ceci se vérifie dans la littérature de l’époque∞∞: «∞∞la mer∞∞» peut désigner tout autant 93723_04_Murcia 376 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 377 mer∞∞» reviendrait donc à dire∞∞: «∞∞Va vers les païens∞∞». Cette interprétation, comme nous allons le voir, semble être en parfaite harmonie avec l’ensemble. L’injonction qui suit∞∞: «∞∞Jette l’hameçon∞∞»73, est une expression imagée bien connue des Anciens. Platon compare le sophiste au pêcheur à la ligne74. Martial, raillant un jouisseur de ses connaissances, dit de lui qu’«∞∞il présente l’hameçon au mulet et au loup∞∞»75, deux variétés de poissons figurant ici des jeunes gens. Sénèque dit de celui qui se rend au chevet des personnes malades ou mourantes que «∞∞s’il est hanté par l’idée du gain, il n’est qu’un captateur et ne sait que jeter l’hameçon∞∞»76. Lucien fait dire à l’un de ses personnages∞∞: «∞∞[Il] a maintenant toute ma fortune∞∞; comme un vrai loup marin, il a avalé l’amorce et l’hameçon∞∞»77. Plutarque compare le condamné à mort s’étant laissé leurré par l’«∞∞appât∞∞» de la transgression à «∞∞un poisson qui a avalé l’hameçon∞∞»78. L’expression est également connue des auteurs juifs et chrétiens. Commentant ce verset d’Isaïe (19, 8)∞∞: «∞∞les pêcheurs gémiront, et tous ceux qui jettent l’hameçon dans le fleuve seront dans le deuil∞∞» un rabbin précise∞∞: «∞∞N’en résulte-t-il pas que l’on s’exprime de même pour déplorer une perte d’argent∞∞?∞ »79 Et Ignace d’Antioche entend pour sa part éloigner les fidèles «∞∞de l’hameçon d’ineptes doctrines∞∞»80. La formule «∞∞jeter l’hameçon∞∞» peut donc avoir, selon le contexte, plusieurs significations81. En connexion avec l’argent, comme dans le cas qui nous les Grecs (Dn 7, 2-3) que les Romains (Ap 13, 1∞∞; IV Esdras 11, 1∞∞; Commentaire d’Habaquq 3, 8-11). 73 Mt 17, 27. «∞∞Hameçon∞∞»∞∞: ágkistron, en grec, c’est-à-dire «∞∞crochet∞∞». Il s’agit d’un hapax du NT mais on le rencontre dans la version des LXX (2R 19, 28∞∞; Is 19, 8∞∞; Ez 33, 3∞∞; Ha 1, 15∞∞; Jb 40, 25). Il y en a deux autres∞∞: «∞∞didrachme∞∞» (dídraxmon) – hapax du NT – et «∞∞statère∞∞» (statßr) – hapax du NT et de la LXX. On ne saurait en déduire pour autant que l’épisode est interpolé vu la spécificité de son thème (le paiement du didrachme correspond à une réalité pour tout Juif de cette époque et un statère vaut effectivement deux didrachmes) et de son contenu (pour pêcher un seul poisson, même au figuré, un hameçon suffit). Tous ces termes sont grecs puisque Matthieu est rédigé (sinon traduit) en grec∞∞: statère est mis pour «∞∞sicle∞∞», didrachme pour «∞∞demisicle∞∞». 74 Long développement sur ce thème en Sophiste 218e-222e. Chez Platon, la pêche à la ligne est placée parmi les arts qui «∞∞se rapportent à l’acquisition∞∞» (Sophiste 219c). 75 Épigrammes II, 40. 76 Des Bienfaits IV, XX, 3. 77 Dialogues des morts 8. 78 Sur les délais de la justice divine X (Œuvres morales 554ef). 79 J. Pesahim VIII, 8. 80 Epître aux Magnésiens 11, 1. 81 Pour d’autres emplois figurés de «∞∞pêcher∞∞» ou de «∞∞prendre à l’hameçon∞∞» voir∞∞: A. BAILLY, Dictionnaire Grec Français, 1950, p. 11, qui renvoie à l’épistolographe Aristénète de Nicée et au poète alexandrin Lycophron de Chalcis (IIIe siècle av. J.-C.). 93723_04_Murcia 377 06-29-2010, 10:57 378 THIERRY MURCIA intéresse, «∞∞jeter l’hameçon∞∞» revient toujours à dire «∞∞obtenir de l’argent∞∞» d’une tierce personne alors qualifiée de «∞∞poisson∞∞». «∞∞Saisis le premier poisson qui montera∞∞», est-il ensuite précisé. De ses disciples, et de Pierre en particulier, Jésus a voulu faire, selon ses propres termes, des «∞∞pêcheurs d’hommes∞∞»82. «∞∞Désormais ce sont des hommes que tu prendras∞∞» (Lc 5, 10), précise-t-il au chef des Apôtres. Le poisson est une image du pécheur et de l’homme en général. La métaphore hameçon/poisson se retrouve dans un passage d’Habaquq83∞∞: «∞∞Tu traites les humains comme les poissons de la mer […] Il les prend tous à l’hameçon∞∞» (Ha 1, 14-15). Ouvrons ici une parenthèse et revenons au récit no 5 signalé dans la deuxième partie de cette étude∞∞: «∞∞On raconte qu’un homme prenait tous les jours du pain qu’il allait jeter en pleine mer. Un jour, il alla acheter un poisson∞∞; en l’ouvrant, il trouva un objet précieux. On dit de lui∞∞: C’est l’homme à qui son pain fut fort utile, et on lui appliqua ce verset∞∞: “∞∞Lance ton pain sur l’eau∞∞”.∞∞»84 Outre le thème générique du poisson réceptacle, ce récit présente avec celui de Matthieu un autre point commun∞∞: tous deux sont paraboliques. En effet, pour être correctement interprété le récit no 5 doit être replacé dans son contexte textuel où il illustre, avec d’autres récits, le verset de l’Ecclésiaste∞∞: «∞∞Lance ton pain sur l’eau, à la longue tu le retrouveras. Donne une part à sept ou huit, etc.∞∞» (Qo 11, 1-2). Dans le contexte du Midrash l’expression «∞∞lancer son pain sur l’eau∞∞» est métaphorique. Elle signifie le bien que l’on fait à autrui sans espoir de retour et, en particulier, le bien dispensé aux païens. Dans la série d’histoires à laquelle appartient ce récit il est question, entre autres personnages, d’un proconsul, d’un Édomite et d’un officier85 à qui, dans les trois cas, un Juif porte secours. La moralité est identique∞∞: le bienfait est à chaque fois, et très largement, payé de retour. Le récit no 5 participe de la même démonstration et présente un tableau identique, mais de façon plus imagée. Dans ce midrash, le 82 Mt 4, 19∞∞; 13, 47-50∞∞; Mc 1, 17∞∞; Lc 5, 10. «∞∞Pourquoi les hommes sont-ils comparés aux poissons de la mer∞∞?∞ » demande-t-on dans un commentaire talmudique de ce passage. «∞∞De même que dans la mer, les gros poissons avalent les plus petits, ainsi les hommes les plus puissants, n’était-ce la crainte des autorités, dévoreraient les autres.∞∞» (B. Abhoda Zara 3b-4a). 84 Qohélet Rabba XI, 1. 85 Les trois hommes sont romains ou susceptibles de l’être, y compris l’Édomite qui, dans le récit, devient empereur (il est moins probable qu’il s’agisse d’Hérode). Édom, dans le Midrash, désigne souvent Rome. 83 93723_04_Murcia 378 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 379 «∞∞pain∞∞», le «∞∞poisson∞∞», la «∞∞mer∞∞», figurent respectivement∞∞: les bienfaits prodigués par le Juif, le non-Juif bénéficiaire et les «∞∞nations∞∞» dont il est issu. Comme dans les récits qui l’encadrent, le non-Juif finit par rendre au centuple à son bienfaiteur le bien qu’il a reçu de lui. On notera que l’idée de pain ou de miettes distribués aux païens est également présente dans l’Évangile. Dans l’épisode de la guérison de la fille de la cananéenne, les «∞∞petits chiens∞∞» figurent les païens et les «∞∞miettes∞∞» l’enseignement et les bienfaits qu’un Juif (en l’occurrence∞∞: Jésus) est susceptible de leur dispenser86. Le récit no 5 semble parfaitement aller dans le sens de notre démonstration. La symbolique est la même que dans l’Évangile∞∞: «∞∞miettes∞∞» correspond à bienfait et/ou enseignement, et surtout, pour le cas qui nous intéresse, «∞∞mer∞∞» correspond à nations et «∞∞poisson∞∞» à non-Juif. Ces différents parallèles tendent à montrer que les consignes données par Jésus doivent elles aussi être comprises métaphoriquement, ce que semble confirmer l’analyse de la fin de notre péricope. «∞∞Ouvre-lui la bouche∞∞: tu y trouveras un statère…∞∞»∞∞: si tout semble ici se compliquer, la cohérence des images est en réalité parfaite. Le statère ne doit pas être cherché dans les entrailles du poisson mais, contre toute attente, dans «∞∞sa bouche∞∞». Une telle précision n’est pas fortuite. Elle constitue même peut-être, sinon la clef de voûte de cette parabole, du moins le point d’orgue de notre démonstration. Un poisson réel, à l’exception peut-être du fameux Chromis, aurait naturellement avalé la pièce. C’est dans ses entrailles et donc au prix de sa vie qu’il aurait fallu fouiller pour trouver l’objet. Chez Matthieu, au contraire, le poisson ne meurt pas. Jésus demande uniquement de lui ouvrir la bouche∞∞: seule la pièce qui s’y trouve présente un intérêt. Le poisson, lui, peut même retourner à la mer. Mais pourquoi la bouche∞∞? Il y avait, du temps de Jésus, plusieurs manières de transporter son argent. On utilisait aussi bien des bourses en cuir87, les replis de son manteau, sa ceinture88 que sa bouche, surtout pour la menue monnaie. On sait que les Grecs avaient coutume de placer une petite pièce, 86 Mc 7, 24-30∞∞; Mt 15, 21-28. Lc 10, 34∞∞; 12, 33∞∞; 22, 35-36∞∞; Jn 12, 6∞∞; 13, 29∞∞; M. Baba Metsia II, 2∞∞; J. Berakhot II, 5∞∞; J. Shevouot VII, 6∞∞; B. Berakhot 58b. 88 Mt 10, 9∞∞; Mc 6, 8. La pundâ (du latin funda) était une ceinture à poches réservée à cet usage. Elle est souvent mentionnée dans la littérature talmudique∞∞: M. Berakhot IX, 5∞∞; M. Shabbat X, 3∞∞; M. Sanhédrin III, 12∞∞; M. Kelim XXIX, 1∞∞; T. Baba Metsia 8, 14∞∞; J. Shabbat XVI, 4∞∞; J. Baba Metsia III, 7∞∞; B. Shabbat 120a. 87 93723_04_Murcia 379 06-29-2010, 10:57 380 THIERRY MURCIA l’obole, dans la bouche des défunts. Cette piécette était censée permettre au mort de s’acquitter du prix de la traversée vers l’autre monde auprès de Charon, le nocher des Enfers89. À l’époque de Jésus cet usage s’était répandu dans tout le monde grec et latin. Il perdurera jusqu’au moyen âge. En Israël, il est attesté à Jéricho et même à Jérusalem où une pièce de monnaie frappée au nom d’Hérode Agrippa et datée de 42/43 apr. J.-C. a été retrouvée dans le crâne d’une femme d’une quarantaine d’années90. On sait moins, en revanche, qu’en plaçant une pièce dans la bouche des défunts, on ne faisait qu’appliquer aux morts ce qu’on vivait au quotidien. La bouche paraissait être alors le mode de transport le plus naturel et le plus pratique pour un objet de la taille d’une pièce de monnaie et il permettait de garder les mains libres. Cet usage est attesté dès le Ve siècle av. J.-C. par plusieurs auteurs dont Aristophane91, Théophraste92 et Artémidore93. Il était répandu dans tout le pourtour méditerranéen et eut cours, en Orient, au moins jusqu’au début du 20e siècle94. On peut supputer que, du temps de Jésus, c’étaient surtout les païens qui transportaient ainsi leur menue monnaie∞∞: certains rabbins interdisaient absolument de transporter des pièces de cuivre dans la bouche95 et on considérait qu’un Juif qui prenait un bain de purification en gardant de la monnaie dans sa bouche demeurait impur96. 89 Aristophane, Les grenouilles 140-142∞∞; Strabon, Géographie VIII, 6, 12∞∞; Juvénal, Satires III, 267∞∞; Apulée, Les métamorphoses 6, 18-19∞∞; Lucien, Charon ou les observateurs 11, 17-19∞∞; La traversée pour les Enfers 1, 8-9∞∞; 18, 8-9∞∞; 19, 8-9∞∞; Dialogues des morts 4, 1-2∞∞; 22, 1∞∞; Sur le deuil 10∞∞; Properce, Élégies IV, XI, 7. 90 É. PUECH, «∞∞A-t-on redécouvert le tombeau du grand-prêtre Caïphe∞∞?∞ », dans Le Monde de la Bible 80, 1993, p. 42-47∞∞; G. COUTURIER, «∞∞Le tombeau de Caïphe∞∞», dans Interbible (www.interbible.org), 17 mai 2002. 91 Les guêpes 605-609. Voir la traduction de H. VAN DAELE, Paris, 1924, et la note de bas de page∞∞: «∞∞Les gens du peuple, à Athènes, portaient les menues pièces de monnaie dans leur bouche. Cet usage existe encore en Orient∞∞». Deux autres occurrences∞∞: Les guêpes 788-791∞∞; L’assemblée des femmes 816-819. 92 Caractères VI, 9∞∞: «∞∞Et la monnaie qu’il recueille de ce trafic, il se la fourre dans la bouche∞∞». 93 Onirocriticon I, 29∞∞: «∞∞Les mâchoires, il faut tenir qu’elles ont rapport avec les dépôts∞∞». 94 Voir note 91. 95 J. Terumot VIII, 3∞∞: «∞∞Il est défendu de mettre dans la bouche des pièces de monnaie de cuivre∞∞». 96 M. Miqvaot VIII, 5 «∞∞Si une menstruée met des monnaies dans sa bouche pour se baigner, elle est pure de son impureté, mais impure à cause de son crachat∞∞». Mais cela n’est cependant pas lié, comme on aurait pu le supposer, à une éventuelle impureté intrinsèque de l’argent. Tout ce qui est en contact avec une personne, un objet ou un animal impur, devient impur à son tour. Si une personne impure a de la monnaie dans la bouche, cette monnaie est donc également impure. Si elle prend un bain, l’argent qui est resté dans sa bouche n’a pas été pour sa part en mesure de profiter du bain purificateur. Il est donc demeuré impur. Puisque la personne «∞∞purifiée∞∞» continue d’être en contact avec cet argent impur, elle demeure elle aussi impure. 93723_04_Murcia 380 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 381 Mais comment obtenir de l’argent de la part d’un païen ou, plus précisément, d’un prosélyte ou d’un craignant-Dieu∞∞? La première idée qui vient à l’esprit est la mendicité. Non seulement les moyens violents pour s’en procurer ne correspondent à l’esprit ni de Jésus, ni des premiers chrétiens, mais il est clair que tout le raisonnement repose sur l’idée d’une contribution volontaire. Les auteurs païens du 1er siècle, qui avaient généralement des Juifs une fort mauvaise opinion, leur reprochaient justement, entre autres griefs, de vivre de mendicité. Martial stigmatise le «∞∞juif dressé par sa mère à mendier∞∞»97 et Juvénal laisse entendre à plusieurs reprises98 que les mendiants juifs étaient monnaie courante. Mais ces auteurs ne témoignent pas de la situation en Israël dans la première moitié du 1er siècle. Ils rapportent seulement, sous toute réserve, la situation à Rome, capitale de l’Empire, quelques années après la terrible défaite juive de 70 apr. J.-C. Les conditions de vie des Juifs, y compris dans la diaspora, ont pu considérablement évoluer entre-temps. Un siècle plus tôt néanmoins, l’astronome et mathématicien Clèomède signale également la présence d’«∞∞individus qui mendient aux alentours des synagogues∞∞»99. Il est fort probable qu’il s’agit seulement ici de Juifs nécessiteux désireux de profiter de la générosité de leurs coreligionnaires. Concernant Jésus, Luc ne cache pas que plusieurs femmes, dont certaines de condition, «∞∞l’assistaient de leurs biens∞∞» (Lc 8, 3). Et Celse, de son côté, accusait Jésus (et ses disciples) de vivre aux dépens des autres en mendiant sa «∞∞subsistance d’une manière honteuse et sordide∞∞»100 ce qu’Origène, d’ailleurs, ne tente pas de démentir∞∞: «∞∞Qu’il nous dise d’où il tient le caractère honteux et sordide de cette quête […] Quel est le philosophe ou le maître, consacré au service de ses familiers, qui n’a pas reçu de quoi subvenir à ses besoins∞∞»101. Plutôt que de réfuter l’accusation, l’exégète donne raison à Jésus. Puisque les philosophes étaient rémunérés pour leur enseignement, pourquoi cela serait-il honteux dans un cas, et pas dans l’autre∞∞? Jésus aurait donc très bien pu dépêcher Pierre sur le chemin pour quémander auprès des païens l’équivalent d’un statère102. On aurait certes raison d’objecter 97 Épigrammes XII, 57. Satires III, 16, 295-296∞∞; VI, 543. 99 Th. REINACH, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, Paris, 1895, p. 213. 100 Origène, Contre Celse I, 62. 101 Origène, Contre Celse I, 65. 102 À Rome, du moins après 70, il est probable que les Juifs les plus nécessiteux étaient contraints de mendier pour s’acquitter de l’impôt du didrachme. C’est ce qu’on peut supposer à la lecture de Juvénal, Satires III, 10-16. Olivier Sers, qui traduit ce pas98 93723_04_Murcia 381 06-29-2010, 10:57 382 THIERRY MURCIA qu’un statère représente une somme assez importante103 et que le procédé, sans être répréhensible, manque malgré tout quelque peu de noblesse. Mais cet obstacle peut être aisément contourné. En effet, il ne semble pas judicieux, dans le cas présent, de penser à de la mendicité au sens littéral. Si les prosélytes étaient nombreux en Israël, les craignant-Dieu l’étaient peut-être encore davantage. Sans accepter le «∞∞joug de la Loi∞∞», ils aimaient la nation juive et ne manquaient pas de le manifester concrètement par des dons. Mais les craignant-Dieu demeuraient extérieurs au peuple juif. À ce titre, ils restaient libres de faire des dons volontaires mais ne pouvaient pas verser l’impôt au Temple. Venant d’un non-Israélite, «∞∞tout ce qui est considéré comme don et offrande pourra être accueilli mais non ce qui n’est pas considéré comme tel∞∞» précise la Mishna104. Le didrachme n’était pas considéré comme un don ou une offrande mais comme un sacrifice ou un impôt obligatoire. C’était de l’argent consacré et il ne pouvait pas être accepté d’un non-Israélite105. En remettant la somme demandée à Jésus par l’intermédiaire de Pierre, l’impôt se transformait en «∞∞don∞∞»∞∞: le craignantDieu qui le souhaitait pouvait de cette façon s’acquitter indirectement de la capitation. Jésus offrait ainsi à n’importe quel craignant-Dieu une occasion de manifester sa piété en participant indirectement aux frais du Temple de son Dieu. Reste que Pierre pouvait se tourner vers n’importe quel Israélite plus fortuné et non moins généreux. Le principe en était parfaitement admis et même encouragé∞∞: c’était alors un acte de piété que de s’acquitter de cet impôt pour un voisin, un pauvre ou, plus généralement, un coreligionnaire106. Est-il possible d’affiner la recherche∞∞? On ne connaît que quelques exemples de craignant-Dieu dont un, au moins, dans l’entourage immédiat de Jésus. Le premier concerne un centurion stationné à Césarée∞∞: «∞∞Il sage, date sa rédaction de 89 apr. J.-C. et le met directement en rapport avec «∞∞la remise en vigueur de la perception du didrachme∞∞» sous Domitien (Juvénal, Satires, texte établi par P. de LABRIOLLE et Fr. VILLENEUVE, émendé, présenté et traduit par O. SERS, Paris, 2002, Annexe II, p. 327). 103 Voir note 43. 104 M. Shekalin I, 5. 105 M. Shekalin I, 5. Les prosélytes, en revanche, étaient tenus de payer l’impôt (M. Shekalin I, 3). 106 M. Shekalim I, 7. Schwab traduit ainsi ce passage∞∞: «∞∞Si quelqu’un paie sa contribution par l’entremise d’un pauvre, ou par celle de son voisin ou par un habitant de la même ville, etc.∞∞» Bonsirven∞∞: «∞∞Celui qui verse par un pauvre, ou par un voisin, ou par un concitoyen, etc.∞∞» Ces deux traductions de la Mishna n’offrent aucun sens. Il ne s’agit pas de payer «∞∞par∞∞» ou «∞∞par l’entremise de∞∞», mais «∞∞pour∞∞», «∞∞à la place de∞∞», «∞∞à cause de∞∞» (‫ — על יד‬al yad, en hébreu). Voir infra, la note 125 et la traduction de Neusner∞∞: «∞∞He who pays a sheqel [as a gift] for a poor man, for is neighbor, or for a fellow townsman, is exempt.∞∞» C’est Pierre qui chez Matthieu semble tenir ce rôle. 93723_04_Murcia 382 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 383 y avait à Césarée un homme du nom de Corneille, centurion de la cohorte italique. Pieux et craignant Dieu –eûseb®v kaì foboúmenov tòn qeòn ainsi que toute sa maison, il faisait de larges aumônes au peuple juif et priait Dieu sans cesse∞∞» (Ac 10, 1-2). Le second concerne un autre centurion resté anonyme mais qui était visiblement stationné à Capharnaüm même, lieu où Jésus s’était lui aussi installé. Les anciens de la ville disent de lui∞∞: «∞∞Il aime en effet notre nation, et c’est lui qui nous a bâti la synagogue.∞∞» (Lc 7, 5) C’est donc un homme très pieux et prêt à s’engager financièrement. Jésus et ses disciples le connaissent personnellement∞∞: le Rabbi venait, en toute gratuité, de soigner son jeune fils (moins vraisemblablement son jeune esclave) qui paraissait être à la dernière extrémité107. Plutôt qu’à un donateur inconnu, on peut donc penser à un craignant-Dieu précis qui lui était déjà redevable108. Certes, cette hypothèse ne s’impose pas. Mais Jésus a soigné de nombreux malades et on peut gager que parmi toutes ces personnes, juives ou non, celles qui en avaient les moyens n’auraient pas laissé échapper une pareille occasion de pouvoir s’acquitter d’une partie de leur dette. Or, l’action se situe précisément à capharnaüm, bourgade de quelques centaines d’habitants où tout le monde se connaît. C’est là que les percepteurs viennent trouver Pierre et que vit le pieux centurion dont Jésus a guéri le fils… Ainsi avons-nous d’assez bonnes raisons de penser que notre épisode est, sinon authentique109, du moins antérieur à la destruction du Temple. Il reflète en effet clairement, d’après la plupart des critiques, la situation antérieure à 70 apr. J.-C110. Van Der Loos fait ainsi remarquer que des personnes particulières sont engagées pour collecter l’impôt ce qui cor107 Mt 8, 5-13∞∞; Lc 7, 1-10. Cf. Jn 4, 46-53. Pour une analyse circonstanciée de ce miracle voir Th. MURCIA, «∞∞Une guérison à distance∞∞», dans Jésus – Les miracles élucidés par la médecine, Paris, 2003, p. 93-102. 108 Voir note 85 et le texte supra. 109 Ce point est discuté. Voir Benoit, Boismard, 1996, t. II, p. 261∞∞: «∞∞Selon toute vraisemblance, nous sommes devant un épisode qui, absent de Marc et du Matthieu-intermédiaire (Luc l’ignore), fut inséré par l’ultime Rédacteur matthéen qui réutilisa deux des données de Mc 9, 33 (ignorées aussi de Luc). Bien entendu, il est possible que l’ultime Rédacteur matthéen ait utilisé, en le remaniant plus ou moins, un épisode appartenant à une source connue de lui seul.∞∞» 110 Lagrange, 19416, p. 343∞∞; Van der loos, 1965, p. 680-681. Mello, 1999, p. 319∞∞: «∞∞Évidemment, la situation supposée est celle du temps de Jésus, avant la destruction du Temple, parce que, après 70, ce tribut deviendra le fiscus judaicus, à verser directement à l’autorité romaine, comme signe de soumission du Dieu d’Israël à Jupiter Capitolin.∞∞». Force est d’admettre que l’éventualité qu’il ait été composé après 70 ne peut néanmoins être complètement écartée. L’action a très bien pu être replacée fictivement dans le contexte précédant la destruction du Temple tandis que le fiscus judaicus serait en réalité visé. 93723_04_Murcia 383 06-29-2010, 10:57 384 THIERRY MURCIA respond à la situation de l’époque111. Pirot explique que «∞∞dans chaque localité, certaines personnes étaient désignées pour recevoir le demi-sicle sacré∞∞; aussi bien en Palestine qu’au dehors∞∞; dans la diaspora on les appelait les collecteurs du didrachme∞∞»112. L’expression oï tà dídraxma lambánontev est évidemment grecque, le didrachme étant une monnaie grecque. Il s’agit en hébreu des gobhei al-mahatsit ha-shèqèl -‫גובי על‬ ‫מחצית השׁקל‬, «∞∞ceux qui perçoivent le demi-shekel∞∞» ou, plus simplement, des changeurs∞∞: shoulhanin ‫שׁולחנין‬. De fait, les sources talmudiques les plus anciennes (Mishna et Tosefta) en rapport avec la capitation ne parlent ni de «∞∞collecteurs∞∞» ni de «∞∞changeurs∞∞»113. Mais il est spécifié dans la Mishna que des tables – shoulhanot en hébreu (‫– )שׁולחנות‬ étaient dressées ce jour-là114. Ce sont ces tables dressées pour l’occasion qui impliquent la présence de changeurs – shoulhanin (‫)שׁולחנין‬. La Tosefta précise en outre que ces préposés au recouvrement étaient des «∞∞envoyés du tribunal∞∞» – shelouhe beth din (‫)שׁלוחי בית דין‬115. On les reconnaissait au dinar qu’ils gardaient suspendu à l’oreille116. Ajoutons enfin que la Mishna stipule également que «∞∞le paiement des sicles de capitation […] n’a lieu que durant l’existence du Temple∞∞»117. Les percepteurs de Matthieu dépendent visiblement aussi de l’administration du Temple. Jésus répond d’ailleurs à Pierre qu’il faut payer pour ne pas les scandaliser. Il ne craint pas d’éventuelles représailles comme cela aurait pu être le cas après la destruction du Temple. Il veut s’en acquitter car tout bon Juif était censé verser cet impôt118. D’ailleurs, à la question initiale des percepteurs, Pierre répond spontanément que son Maître va payer. Si Jésus remet en question son principe, il ne le fait pas ouvertement∞∞: ses coreligionnaires ne le comprendraient pas. Un dernier point reste à examiner. Il est clair que, si elle est authentique, la parabole de Jésus étaient dès le départ censée être comprise de Pierre. La situation serait différente si cette péricope, qu’on ne trouve ni chez Marc ni chez Q, les sources les plus anciennes, était directement issue de la communauté matthéenne. Cela impliquerait que les propos mis 111 Van Der Loos, 1965, p. 680-681. Pirot, 1935, p. 232. 113 Sur ce point les traductions du texte mishnique proposées aussi bien par Schwab («∞∞receveurs∞∞») que par Bonsirven («∞∞changeurs∞∞») sont toutes les deux fautives. 114 M. Shekalin I, 3. 115 T. Shekalin 1, 1 (Edition Zuckermandel, 1881, p. 173). 116 T. Shabbat 1, 8∞∞; J. Shabbat I, 3∞∞; B. Shabbat 11b. 117 M. Shekalin VIII, 8. Cf. T. Shekalin 3, 23. 118 Flavius Josèphe, AJ XVIII, IX, 312∞∞: «∞∞Les doubles drachmes que, selon la coutume nationale, chacun consacrait à Dieu.∞∞» 112 93723_04_Murcia 384 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 385 dans la bouche du Maître auraient été délibérément cryptés pour que leur signification réelle échappe au profane. Sans être authentiques, ils resteraient néanmoins antérieurs à 70 et leur sens n’en serait pas fondamentalement changé. Leur but serait de montrer que la capitation, quoique contestable dans son principe, doit être payée pour ne pas formaliser, non les percepteurs, mais les disciples «∞∞les plus faibles∞∞», ceux qu’une remise en cause des traditions risquerait de scandaliser. La préoccupation serait essentiellement pastorale119. Une dernière possibilité ne peut être totalement écartée. Tout le discours – ou plus vraisemblablement, sa seconde partie, le verset 27120 – pourrait être postérieur à 70. Il viserait non pas l’impôt dû au Temple – impôt «∞∞légitime∞∞» – mais le même impôt cyniquement détourné par les Césars au profit de Jupiter Capitolin. Il s’agirait de consignes données par la communauté matthéenne (sous l’autorité du Maître) aux Juifs-chrétiens qui s’interrogent pour savoir s’ils doivent ou non s’acquitter de cet impôt détourné au profit de César121. Une solution serait alors proposée au moyen d’une parabole∞∞: il convient de payer l’impôt mais pour rendre à César ce qui lui appartient, il faut d’abord, comme Pierre, récupérer la somme correspondante auprès des «∞∞païens∞∞» (i.e. des païens ou peut-être même des chrétiens non Juifs) pour pouvoir ensuite la lui restituer. On aurait ici une application pratique du fameux «∞∞rendez à César∞∞»122. Quelle que soit la solution retenue les propos de – ou attribués à – Jésus demeurent métaphoriques. Nous pensons donc avoir trouvé, sur le fond du moins, la clef de notre péricope. Mais avant de conclure, il nous faut revenir sur un détail de l’épisode qui ne manque pas d’intérêt∞∞: «∞∞Donne-le-leur [le statère], pour moi et pour toi.∞∞» Nous savons que le statère, équivalent du sicle juif, correspondait à quatre deniers en monnaie romaine et à quatre drachmes ou deux didrachmes en monnaie grecque. Le didrachme valait un demi-sicle. Mais le Temple n’acceptait que de la monnaie juive et le statère, venant d’un étranger, était de la monnaie grecque ou romaine. Il fallait le changer auprès des percepteurs et s’acquitter d’un droit de change123. La littérature talmudique nous apporte sur ce point des détails 119 C’est plus ou moins l’idée développée par Mello, 1999, p. 318-320. Certains critiques pensent que ce verset est un ajout à un récit plus ancien. Voir Benoit, Boismard, 19962, t. II, p. 262. 121 Beaucoup tentaient alors d’y échapper∞∞: voir Suétone, Domitien 12. Cf. Martial, Épigrammes LXXXII. 122 Le cas échéant, l’épisode serait de toute façon antérieur à 96 apr. J.-C. année où l’impôt en faveur du Capitole fut aboli par Nerva. 123 Ce droit de change était censé couvrir les frais de route du changeur (J. Shekalin I, 4). 120 93723_04_Murcia 385 06-29-2010, 10:57 386 THIERRY MURCIA fort intéressants qui nous permettent de mieux comprendre notre péricope∞∞: ce droit était estimé selon R. Meir à un ma’ah (soit 1/6e de drachme) et selon les autres rabbins à seulement un demi ma’ah (1/12e de drachme) pour chaque transaction124. Or, la Mishna précise que «∞∞si l’on paie ensemble sa propre contribution et celle de son prochain en un séla [un sicle/statère] entier, au lieu de deux demis [deux didrachmes], on est soumis à un seul droit pour les deux.∞∞»125. R. Meir précise même que «∞∞si quelqu’un remet [au changeur] un séla [un sicle/statère] et se fait restituer un [demi-]sicle126, il doit un double droit de change∞∞»127. En effet, est-il dit, «∞∞il faut payer un droit pour le séla [un sicle/statère] payé et autant pour le demi-sicle touché en retour∞∞»128. Remise dans son contexte fiscal, la précision de Jésus devient on ne peut plus claire∞∞: «∞∞tu y trouveras un statère∞∞; prends-le et donne-le-leur, pour moi et pour toi.∞∞» En payant pour tous deux en une seule fois, Jésus propose en fait de réaliser une économie substantielle. Il suffit alors de payer un seul droit de change s’élevant au total à 1/12e de drachme (1/24e de drachme chacun soit une surtaxe de 2,08% par tête). En versant le didrachme séparément, le supplément aurait alors été doublé. Il se serait élevé à 1/6e de drachme au total (1/12e de drachme chacun soit une surtaxe de 4,16% par tête). Dans l’hypothèse enfin, où Jésus se serait acquitté seul de l’impôt en versant le fameux statère (soit 2 didrachmes, le double de la somme due), il aurait peut-être été astreint à régler (si l’on suit l’opinion de R. Meir) un double droit de change∞∞: deux fois 1/12e de drachme, soit 1/6e de drachme. Un premier droit sur le statère remis (première transaction) et un second sur le demi-sicle (didrachme) rendu (deuxième transaction). La surtaxe aurait alors pu s’élever à 16, 66%129. 124 M. Shekalin I, 7∞∞; T. Shekalin 1, 8. Le ma’ah est une petite pièce d’argent valant 1/24e de séla (sicle), un demi ma’ah vaut donc 1/48e de séla. Le séla est l’équivalent monnaie du statère. 125 M. Shekalin I, 6. Sans doute une façon d’encourager la charité, les plus aisés étant ainsi naturellement amenés à payer à la fois pour eux-mêmes et pour un coreligionnaire impécunieux. Voir supra et note 106. 126 L’hébreu porte ici shèqèl ‫שׁקל‬, c’est-à-dire littéralement «∞∞sicle∞∞». Dans la littérature talmudique le terme séla est employé pour désigner le sicle biblique, le shèqèl. En revanche, le terme shèqèl (sicle) est couramment utilisé – comme ici – pour désigner un demi-séla autrement dit un demi-sicle, soit l’équivalent d’un didrachme. 127 M. Shekalin I, 6 (mais un simple droit d’après les autres rabbins∞∞: T. Shekalin 1, 8). Voir note 125. 128 J. Shekalin I, 4. Voir note 125. 129 Si l’on suit R. Meir jusqu’au bout – qui fixe le droit de change à 1/6e de drachme (un ma’ah) – la surtaxe aurait même été de 33,33%∞∞! Si l’on suit l’opinion de la majorité des rabbins la surtaxe s’élevait à 4,16% par tête et pouvait être ramené à 2,08% par tête si l’on payait par (ou pour) deux. 93723_04_Murcia 386 06-29-2010, 10:57 LE STATÈRE TROUVÉ DANS LA BOUCHE D'UN POISSON 387 Il était donc intéressant pour le contribuable d’avoir d’une part l’appoint (pour deux personnes∞∞: un statère) et de regrouper d’autre part les paiements par deux précisément, ainsi que Jésus130 engage Pierre à le faire. Toutes ces correspondances ne s’inventent pas et ce détail renforce l’idée que le contexte historique est bien celui précédant la destruction du Temple et de ses institutions. Après avoir examiné les différentes hypothèses proposées par les savants concernant le miracle du statère nous avons vu qu’aucune ne donnait satisfaction. Quoique fort ingénieuse, l’explication faisant intervenir le Chromis, une espèce particulière de poisson, ne peut être retenue. Pour diverses raisons, l’approche littérale traditionnelle ne donne pas davantage satisfaction, notamment car la péricope ne rapporte pas un événement passé mais à venir, le texte étant prédictif. L’approche comparatiste ne résout rien non plus∞∞: l’épisode matthéen ne semble dépendre d’aucun autre récit connu jusqu’ici. L’approche figurative, en revanche, nous sommes être la bonne∞∞: les consignes précises données à Pierre pour acquitter l’impôt sont sans aucun doute à prendre au second degré. Nous sommes peut-être en présence d’une parole de Jésus ultérieurement transformée en récit131 ou, pour être plus précis, en parabole. Il peut également s’agir d’une création midrashique de la communauté matthéenne fondée ou non sur un enseignement de Jésus qui serait connu d’elle seule. La «∞∞mer∞∞», le «∞∞poisson∞∞», l’«∞∞hameçon∞∞» constitueraient les trois éléments imagés d’une même métaphore filée. La «∞∞bouche∞∞» et le «∞∞statère∞∞» seraient à prendre au sens propre∞∞: c’était dans la bouche, entre autre, que l’on mettait sa monnaie, surtout chez les païens. Le sens du message initial semblait déjà parfaitement clair∞∞: c’est aux étrangers de payer cet impôt, non aux fils de roi, les Israélites. Il n’est question, dans cette péricope, que d’une «∞∞pêche aux donateurs∞∞»132. On peut imaginer, si le passage est authentique, que Pierre n’a eu qu’à s’exécuter et qu’il s’est procuré l’argent nécessaire selon les consignes données par son Maître. On peut également conjecturer, vu le contexte133, que Jésus visait dans sa parabole un donateur précis. De 130 Jésus et/ou la communauté matthéenne qui rapporte cet épisode. On notera de plus que Jésus occupe ici la place du «∞∞pauvre∞∞» pour qui Pierre paie. Voir notes 106 et 125. 131 Menoud, 1948-1949, p. 189. 132 Je remercie le Professeur Pascal Boulhol à qui je dois cette expression∞∞: nous avons discuté du présent article à l’occasion du départ à la retraite de Christian Amphoux organisé le 25/09/08 à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (Aix-en-Provence). 133 L’action se déroule à Capharnaüm où réside un craignant-Dieu aisé, pieux et 93723_04_Murcia 387 06-29-2010, 10:57 388 THIERRY MURCIA façon pragmatique, l’impôt a ensuite été payé pour deux, afin de réduire les frais de change. On notera que, de cette façon, Jésus paie finalement l’impôt dont il s’estime non seulement devoir être dispensé mais dont il remet en question le principe même. Ce pragmatisme n’a pas véritablement de quoi étonner134. Il suffit de rappeler que les questions financières ne sont pas absentes des paraboles évangéliques135. Ces détails, auxquels il faut ajouter les correspondances étroites de notre péricope avec les informations tirées des sources talmudiques les plus anciennes, nous amènent à conclure que l’épisode est sinon authentique, du moins très vraisemblablement antérieur à la destruction du Temple. Il ressort enfin de cet examen que les évangiles ne peuvent être étudiés seuls. Pour être compris, ils doivent être confrontés avec d’autres sources antiques, en particulier la littérature talmudique. Tous ces documents s’éclairent mutuellement. Des détails de la Mishna permettent de mieux appréhender certains passages des évangiles restés obscurs et des détails évangéliques prouvent que certaines pratiques rapportées dans la Mishna et la Tosefta avaient effectivement cours avant la destruction du second Temple. Ainsi, la pratique du paiement groupé de l’impôt du Temple, attesté par la Mishna et la Tosefta, se retrouve en filigrane dans la péricope matthéenne∞∞: «∞∞donne-le-leur, pour moi et pour toi∞∞». Ce ne peut être un hasard136. généreux. Il estime Jésus, le traite avec égards (revoir précisément Mt 8, 5-13∞∞; Lc 7, 110∞∞; Jn 4, 46-53) et lui est hautement redevable. Pierre ne pose aucune question. Il semble immédiatement comprendre à quel poisson précis Jésus fait allusion. 134 Difficile évidemment de séparer clairement le personnage Jésus plus ou moins remodelé par les évangélistes du Jésus de l’Histoire. Ce que nous disons ici concerne avant tout le Jésus des synoptiques et en particulier le Jésus matthéen. Il est clair que les questions financières devaient surtout intéresser les premières communautés chrétiennes qui devaient s’organiser pour gérer leur budget (voir note suivante). 135 Cette question est surtout présente chez Luc tandis que Marc et Jean paraissent l’éviter. Voir en particulier la parabole dite «∞∞des talents∞∞» chez Matthieu (Mt 25, 14-30) qui, assez curieusement, devient la parabole «∞∞des mines∞∞» chez Luc (Lc 19, 11-27). Mais voir également∞∞: comment calculer la dépense (Lc 14, 28-30), les deux débiteurs (Lc 7, 41-42), la drachme perdue (Lc 15, 8-9), l’économe infidèle (Lc 16, 1-13), le trésor caché (Mt 13, 44), la perle de grand prix (Mt 13, 45-46). L’impôt à César, commun au trois synoptiques (Mc 12, 13-17∞∞; Mt 22, 15-22, Lc 20, 20-26) déborde les simples questions financières. Clément d’Alexandrie (Stromates I, XXVIII, 177, 2) et de nombreux Pères rappellent également cette parole attribuée à Jésus mais qui ne figure pas dans les évangiles canoniques∞∞: «∞∞Soyez des changeurs éprouvés∞∞». C’est l’agraphon le plus souvent cité. 136 Je remercie le Professeur Gilles Dorival pour les conseils qu’il m’a prodigués à l’issue de sa lecture des premières et dernières épreuves. 93723_04_Murcia 388 06-29-2010, 10:57 3962010 - T. 117-3 (pp. 389-396). LUC DEVILLERS RB. LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD’HUI COMME HIER∞∞: FRAGMENTS DE CORRESPONDANCE ENTRE VICTOR MARTIN ET MARIE-ÉMILE BOISMARD PAR Luc DEVILLERS, O.P. Université de Fribourg (CH) luc.devillers@unifr.ch SOMMAIRE Après une brève évocation de l’intérêt actuel pour le Papyrus Bodmer II, cet article donne accès à quelques fragments d’une correspondance privée inédite échangée en 1957 entre V. Martin (1886–1963), éditeur du papyrus, et M.-É. Boismard (1916–2004), jeune exégète de l’École biblique de Jérusalem. SUMMARY After briefly evoking the current interest in Papyrus Bodmer II, this article brings to light some fragments of letters exchanged in 1957 between V. Martin (1886-1963), editor of the Papyrus, and M.-É. Boismard (1916-2004), then a young professor at the École biblique de Jérusalem. En 1956, Victor Martin, titulaire de la chaire de langue et littérature grecques à l’Université de Genève, publia la première partie d’un des deux grands papyrus consacrés au quatrième évangile1. Ce Papyrus Bodmer II avait été repéré peu auparavant dans un lot de manuscrits dé1 V. MARTIN (éd.), Papyrus Bodmer II, Évangile de Jean chap. 1–14, ColognyGenève 1956. Voir aussi la brève présentation qu’il en fit aux huitièmes Journées bibliques de Louvain, «∞∞Un nouveau codex de papyrus du IVe Évangile∞∞», dans F. M. BRAUN (éd.), L’Évangile de Jean. Études et Problèmes (Recherches bibliques Publiées sous le Patronage du Colloquium Biblicum Lovaniense III), Bruges 1958, 59-60. 93723_05_Devillers 396 06-29-2010, 10:58 LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 397 terrés à Assiout (Haute-Égypte). Les spécialistes lui ont attribué le sigle P66. Dans l’Antiquité, le titre d’une œuvre était habituellement indiqué à la fin du manuscrit. Cela demeure invérifiable pour P66 en raison du mauvais état des dernières pages∞∞; en revanche, le scribe a ajouté de sa propre main, en haut de la première page, les mots «∞∞Évangile selon Jean∞∞». Victor Martin assura peu après la publication de la suite du codex, c’est-à-dire un dernier tiers très incomplet2. Quelques années plus tard, une fois devenu émérite de l’Université, il reçut l’aide de J.W.B. Barns, spécialiste anglais de papyrologie, pour préparer une nouvelle édition de cette seconde partie. Il eut la bonne idée de lui adjoindre une reproduction photographique de l’ensemble du texte3. Cet événement éditorial donna accès à l’un des plus anciens témoins du texte grec du quatrième évangile4, que les spécialistes datent des environs de l’an 200. Étant donné qu’il donne la quasi-intégralité de l’évangile, il demeure un témoin extrêmement précieux de l’histoire du texte de Jean, un siècle environ après sa rédaction. 1. Actualité du Papyrus Bodmer II Récemment Jean Zumstein, dont le commentaire du quatrième évangile est en cours de publication, a donné une nouvelle preuve de l’intérêt porté à ce codex de papyrus. Dans le cadre original d’une collection mettant à la disposition du grand public divers trésors de la littérature universelle, il en a présenté une nouvelle et fort belle édition5. L’ouvrage permet de visualiser l’intégralité des cent-cinquante-quatre pages du manuscrit, y compris les minuscules fragments de la fin, dont la lecture et l’interprétation ne sont pas toujours aisées. Ce volume présente bien des avantages, qui invitent à le recommander. Tout d’abord, il offre à un large public une très belle reproduction photographique en couleur du papyrus. De plus, Zumstein a inséré en début de volume une 2 V. MARTIN (éd.), Papyrus Bodmer II. Supplément. Évangile de Jean chap. 14–21, Cologny-Genève 1958. 3 V. MARTIN, J.W.B. BARNS (éd.), Papyrus Bodmer II. Supplément. Évangile de Jean chap. 14–21, nouvelle édition augmentée et corrigée, avec reproduction photographique complète du manuscrit (chap. 1–21), Cologny-Genève 1962. 4 Un autre témoin ancien, P75, avait été publié entre-temps dans la même collection∞∞: V. MARTIN, R. KASSER (éd.), Papyrus Bodmer XIV-XV, Évangiles de Luc et Jean, Cologny-Genève 1961. Il contient Jn 1–15. 5 J. ZUMSTEIN, Évangile selon Jean. Introduction et traduction [= Papyrus Bodmer II], Paris 2008. 93723_05_Devillers 397 06-29-2010, 10:58 398 LUC DEVILLERS introduction au quatrième évangile, et placé à la fin une utile traduction inédite du texte grec attesté par le manuscrit6. Malheureusement, cet heureux événement éditorial est desservi par quelques défauts techniques difficilement compréhensibles. Ainsi, on se demande pourquoi les planches photographiques ne sont nullement répertoriées∞∞: aucun numéro de page ou de planche, aucune référence aux versets de l’évangile qu’elles contiennent. Il est certain que le public visé par cette publication ne lit guère le grec, et surtout qu’il n’est pas expert en épigraphie∞∞; c’est donc avec peine qu’il tirera profit de la lecture du manuscrit, d’autant plus que le système grec antique de numérotation des feuillets du codex ne lui dit rien. Il aurait pourtant été facile de remédier à ces difficultés. En effet, les reproductions sont encadrées de façon aérée par des marges blanches bien larges, qui font ressortir la couleur du papyrus et de son encre. On aurait donc pu donner – même discrètement – toutes les indications utiles dans l’une de ces marges, sans porter atteinte à l’aspect esthétique des planches. Malgré la déception suscitée par cet oubli fâcheux – j’ai même entendu un grand spécialiste de critique textuelle et d’édition de textes anciens en faire sévèrement la remarque –, on se réjouira de la nouvelle notoriété ainsi offerte au Papyrus Bodmer II. Depuis l’époque de Victor Martin, notre connaissance du texte johannique a progressé. Mais P66 joue toujours un rôle précieux dans l’histoire de ce texte, et les spécialistes continuent de débattre sur l’interprétation de ses plus petits fragments7. Quant à l’intérêt pour l’étude des papyrus du Nouveau Testament en général, il n’a pas faibli. Mais il a pris quelques orientations nouvelles, comme le souci de ne pas isoler cette étude des recherches sur la papyrologie non biblique et non chrétienne. Ainsi, en octobre 2009, l’Institut Romand des Sciences Bibliques a organisé à l’Université de Lausanne un colloque international intitulé «∞∞Lire les papyrus du Nouveau Testament avec les autres papyrus d’Égypte – New Testament Egyptian Papyri Among Others∞∞»8. 6 Les blancs du manuscrit sont complétés en italique à partir du texte fourni par B. ALAND, K. ALAND, J. KARAVIDOPOULOS, C.M. MARTINI, B.M. METZGER (éd.), Novum Testamentum Graece, editione vicesima septima revisa, Stuttgart 1993. 7 À ce propos, voir l’article de P.M. HEAD, «∞∞P. Bodmer II (P66): Three Fragments Identified∞∞», NovT 47, 2005, 105-108. Certains résultats proposés dans ces pages ont été corrigés par la suite∞∞: voir P.M. HEAD, D.M. WHEELER, W. WILLKER, «∞∞P. Bodmer II (P66): Three Fragments Identified. A Correction∞∞», NovT 50, 2008, 78-80. 8 Colloque organisé par les Prof. Claire Clivaz et Jean Zumstein, avec le soutien du FNS, du Fonds du 450e anniversaire de l’Université de Lausanne et de la CUSO. 93723_05_Devillers 398 06-29-2010, 10:58 LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 399 2. Retour sur la découverte du Papyrus Bodmer II Le propos des pages qui suivent est simplement d’offrir quelques éléments concernant l’histoire de l’interprétation de P66, peu après sa découverte. À l’occasion de rangements occasionnés par mon récent passage de l’École biblique de Jérusalem à l’Université de Fribourg (Suisse), je suis tombé sur quelques feuillets manuscrits, glissés dans l’exemplaire de l’édition du Papyrus Bodmer II (Jn 1–14) ayant appartenu à Marie-Émile Boismard. Il s’agit de fragments d’une correspondance échangée entre lui, jeune chercheur de Jérusalem alors âgé de 40 ans, et Victor Martin, l’éditeur du papyrus de trente ans son aîné. Dès ses premières années d’enseignement, Boismard fut un passionné de critique textuelle et d’histoire des textes. Afin de compléter le portrait que l’histoire retiendra de lui, ainsi que le souvenir de Victor Martin, décédé peu après la publication de P66, je me suis proposé de publier ci-dessous l’intégralité de ce bref échange de courrier. Aux yeux des spécialistes du papyrus, ces documents pourront paraître sans grand intérêt. Il est certain qu’ils n’ajoutent rien à l’interprétation du codex. Mais, en les publiant, j’ai pensé agir «∞∞afin que rien ne soit perdu∞∞» (Jn 6,12)∞∞: par souci de ne rien cacher de ce qu’ils peuvent nous dire sur le sujet et sur la personnalité des deux savants, si modeste cela soit-il. Ces fragments de correspondance sont tous datés de 1957. Autrement dit, ils portent sur la première partie du manuscrit, publiée en 1956 et contenant presque tout Jn 1–14∞∞: il est important de s’en souvenir. Boismard n’a alors eu entre les mains que l’édition du texte des quatorze premiers chapitres de Jean, sans la précieuse collection de planches photographiques fournie en 1962 par l’édition remaniée des ch. 15–21 (voir la note 3). Outre le texte imprimé par Martin, qui suit fidèlement le manuscrit tout en séparant les mots grecs les uns des autres, Boismard a eu accès aux trois planches9 reproduites dès la première édition (voir sa lettre)∞∞: modeste avant-goût de l’aspect réel du papyrus, qui permettra néanmoins au jeune chercheur de manifester la fertilité de son esprit. Les questions qu’il soumet à l’éditeur visent donc à lui demander confirmation ou infirmation d’hypothèses émises sans connaissance directe et complète du codex. Martin louera la perspicacité de l’exégète. Le premier document est une longue lettre manuscrite du P. MarieÉmile Boismard, envoyée de Jérusalem – la Zone arabe, alors en Jordanie – le 20 février 1957. Afin de ne pas perdre de temps à rédiger une 9 Ces trois planches donnent le texte de Jn 1,1-14 (entre les p. 36 et 37), 7,32-38 (entre les p. 80-81) et 11,31-37 (entre les p. 110 et 111). 93723_05_Devillers 399 06-29-2010, 10:58 400 LUC DEVILLERS nouvelle lettre qui ferait constamment référence à celle-ci, Victor Martin l’a renvoyée à son auteur, annotée au crayon noir au fur et à mesure des questions que Boismard lui posait. C’est ce procédé original qui m’a valu la joie de découvrir cet échange, et m’a incité à le publier malgré sa forme fragmentaire∞∞: en effet, je n’ai pas eu accès à la correspondance conservée par Martin. Voici donc la teneur intégrale de la lettre de Boismard, avec, entre crochets et en caractères romains, précédées du sigle VM, les brèves réponses de Martin10∞∞: Monsieur, je suis heureux de pouvoir vous annoncer que la Bibliothèque de l’Ecole Biblique de Jérusalem est désireuse de souscrire au facsimilé complet du codex Bodmer II, pour la somme de 100 fr.s. Auriez-vous la bonté de me faire savoir où et quand nous devrons faire parvenir la somme en question. D’autre part, je me suis mis avec passion à l’étude du codex. J’ai acquis la certitude que le scribe utilise deux (ou peut-être trois) textes différents. Il suit tantôt l’un, tantôt l’autre, et souvent corrige l’un par l’autre. C’est vous dire tout le prix que j’attache au “∞∞premier jet∞∞” écrit, quand ce ne sont pas de pures fautes d’étourderie. Mais, d’après les trois pages reproduites en facsimilé, je me rends compte que, s’il est relativement facile de repérer les corrections faites par grattage, celles faites par lavage du texte sont beaucoup moins perceptibles. Toutefois, l’attention étant éveillée sur un problème particulier, peut-être est-il possible de déceler des corrections à peine visibles. C’est pourquoi je me permets de vous demander les précisions suivantes, si ce n’est pas abuser de votre temps et de votre patience. 10.3 (II,15), la leçon primitive n’était-elle pas to kerma, au lieu de ta kerma (corrigé en ta kermata)∞∞? N’y aurait-il pas trace d’un changement d’o en a, à l’article∞∞? [VM∞∞: oui, l’o primitif est discernable.] 19.15 [corrigé au crayon∞∞: 14 – probablement par VM] (IV,15). Je pense que le scribe avait écrit primitivement dicjsw {èta doublement souligné} (avec D). Quand il a supprimé le sw, n’aurait-il pas aussi changé le j en w∞∞? [VM∞∞: Impossible à dire. Il n’y a pas de grattage.] 33.10 (VI,1). Il est évident que le tiberiadov j, qui donne une ligne beaucoup trop longue, a été ajouté. J’expliquerais ainsi la correction. Le scribe avait écrit primitivement∞∞: 10 Pour éviter l’emploi fréquent de guillemets, tous les textes cités sont donnés en italiques. Les réponses de Martin, insérées dans la lettre de Boismard, sont entre crochets, en caractères romains et précédées du sigle VM. Quelques remarques de ma part sont entre accolades {}. Les doubles chiffres indiqués par Boismard en début de ligne correspondent, le premier à la page du codex (pagination de 1958), le second à la ligne discutée. Malheureusement, à partir de 42.2 (pagination de 1958), l’édition des planches photographiques de 1962 donne des chiffres de page inférieurs de 4 points∞∞: lire 38.2 au lieu de 42.2, etc. L’édition récente de Zumstein suit l’ordre de 1962, mais il faut pallier l’absence de numéros de page en comptant soi-même∞∞! 93723_05_Devillers 400 06-29-2010, 10:58 LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 401 tjv qalassjv tjv galilaiav j [avec une accolade reliant] kolouqi de ktl... [ces deux lignes, VM∞∞: oui] Voulant rajouter tjv tiberiadov, il a mis le t de l’article au dessus du j déjà existant, [au-dessus de la ligne, VM∞∞: exactemt entre v et j en légère surélévation] puis ajouté v tiberiadov j. Pensez-vous que ce soit plausible∞∞? [VM∞∞: oui.] 42.2 (VI 58). Le scribe avait dû écrire primitivement katabainwn, avec in. En supprimant le nwn, n’aurait-il pas changé i en {lettre rayée} s∞∞? [au-dessus de ces mots, VM∞∞: oui] Y a-t-il encore trace du changement∞∞? [VM∞∞: Oui, la trace est visible.] 42,18 (VI,63). Le texte actuel porte ta rjma, et ta en surcharge. Le texte primitif n’était-il pas to rjma o∞∞? Les 2 {mot rayé} o auraient été changés en a. [VM∞∞: En tout cas pas le premier, pr le second, je n’oserais l’affirmer.] 48.13 (VII,29). Le oide, effacé, est critiquement incompréhensible. N’y aurait-il pas là le reste d’une leçon provenant de VIII 55∞∞? Dans ce cas, presque tout le verset (après egw de oida) n’aurait-il pas été récrit sur un {mot rayé} texte lavé∞∞? [VM∞∞: pas trace de lavage ici.] 49.6 (VII 33). Pour le mot pemcanta, je pense que, non seulement le e, mais aussi le p (nettement dans la marge) ont été rajoutés [au-dessus, VM∞∞: oui]. On songe spontanément à une faute d’inattention. Il est curieux toutefois de constater que la même faute se retrouve identique en 2 autres endroits∞∞: 46.14 (VII 18) et 100.1 (XIII 20). D’autre part, d’après la Pl. II, il semble qu’il y ait une lettre grattée {mot rayé} après le m (ligne 6), celle dont vous parlez p. 32 (fin du grand §). N’y aurait-il pas la même lettre grattée aux deux autres exemples signalés∞∞? [VM∞∞: 49.6 pem#c(a)n {grattage d’une lettre marqué par #} / 46.14 aucun grattage perceptible / 101 {mis sans doute pour 100.1} mcc {un c a été effacé}] Bien entendu, si ces vérifications devaient vous prendre trop de temps, mettez ma lettre au panier∞∞! En m’excusant encore de la liberté que j’ai prise, je vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments respectueux. Fr.m.e.{ou∞∞: Père∞∞?} Boismard, op. Le bas de cette quatrième et dernière page de la lettre de Boismard contient la réponse générale de Martin, les détails ayant été indiqués dans le texte, ad locum. Voici les mots de Martin∞∞: Mon Père, je pense plus simple de vous retourner votre lettre avec les réponses à vos questions telles que me les dicte l’inspection de l’original. Vous avez plus d’une fois vu juste. Dans certains cas, p. ex. 49.6, il est difficile de savoir si l’on a affaire à un grattage ou à une défectuosité du papyrus que le scribe a enjambée. Restant à votre disposition pour toute vérification qui vous semblerait désirable, je vous prie de croire, mon Père, à mes sentiments dévoués. Victor Martin 2.III.57 93723_05_Devillers 401 06-29-2010, 10:58 402 LUC DEVILLERS Vient ensuite une carte de Victor Martin, envoyée de Genève le 7 mars 1957 – la graphie de VM est incertaine pour le mois, mais le cachet de la poste fait foi. Il nous manque donc la lettre de Boismard à laquelle celle-ci répond. Néanmoins, à sa lecture, nous pouvons deviner les questions et remarques du jeune exégète∞∞: Mon Père, vous avez raison pour 49.20 (VII 37) le z de ekrazen est manifestement corrigé de h, l’examen de l’original confirme votre remarque. Par contre en 50.4 (VII 39) il n’y a pas trace de correction que ce soit par grattage ou lavage. Je travaille en ce moment sur les fragments des derniers chapitres. Je pense que qques pages pourront, en partie du moins, être reconstituées, mais il restera de grands vides. Quand je serai plus avancé, je vous récrirai. Mais le travail avance lentement car les fragments sont très petits & souvent difficiles à identifier. Avec mes salutations les meilleures Vict. Martin Le P. Boismard a encore écrit à Martin le 22 mars. Celui-ci lui a répondu par un aérogramme daté du 2 avril 1957, qui inclut une citation de la lettre inconnue de Boismard∞∞: Voici, mon Père, la réponse aux questions posées dans votre lettre du 22 mars dernier. 55.5 [VIII 29]. mei est bien la seule leçon du pap. Il n’y a pas trace de correction. 79.13 [XI 35]. L’o devant iv {abréviation surmontée d’un trait} a bien pu être ajouté. Il est de plus petit module que les lettres voisines. 46.15 [VII 18]. Rien n’indique que estin ait été ajouté après lavage. Par contre auton est en lettres plus petites et serrées∞∞: tocauton. 48.12 [VII 29]. autou ne présente aucune trace de correction. 48.6 [VII 28]. ekrazen P. {= papyrus} pas trace de correction. 60.1 [VIII 57]. eorakav P. «∞ ∞» «∞ 60.16 [IX 4]. ewv P. «∞ ∞» «∞ 65.18 [IX 34] Le P. a bien amartiav. Je ne vois pas de raison de croire que le sigma final a été ajouté. Quant à savoir si une correction par lavage a “∞∞été faite si délicatement qu’il ne reste plus aucune trace visible de la correction∞∞”, je vous avoue ne pas savoir comment on pourrait répondre à cette question, car si une correction n’a laissé aucune trace, comment la déceler∞∞? Avec l’expression de mes sentiments dévoués Victor Martin 93723_05_Devillers 402 06-29-2010, 10:58 LE PAPYRUS BODMER II, AUJOURD'HUI COMME HIER 403 Malgré toute sa politesse, le vieil éditeur manifeste un certain amusement (étonnement∞∞? agacement∞∞?) devant l’hypothèse incroyable que lui présente le jeune chercheur. Il suggère par une lapalissade qu’elle contredit le bon sens∞∞: «∞∞si une correction n’a laissé aucune trace, comment la déceler∞∞?∞ » Il est vrai que Boismard se fera une réputation à force d’accumuler les intuitions originales, qui laisseront sceptiques plus d’un de ses pairs. À côté de cet extrait de correspondance, j’ai trouvé deux feuilles de brouillon, écrites l’une au crayon et l’autre à l’encre. Inutile de les publier. Boismard y avait noté les références aux versets de P66 qui lui posaient question. La feuille écrite à l’encre porte en titre «∞∞précisions à demander∞∞», preuve qu’il s’agit d’un brouillon ayant précédé l’échange de courrier. Plusieurs lignes contiennent une hypothèse de lecture et s’achèvent par un point d’interrogation. Beaucoup ont été entièrement rayées par leur auteur, sans doute au fur et à mesure qu’il les intégrait dans sa lettre. Ces deux pages de notes télégraphiques disent encore à quel point leur auteur était passionné par l’histoire du texte∞∞: lui-même évoquait cette «∞∞passion∞∞» dans sa première lettre. La découverte de P66 a certainement joué un très grand rôle dans notre connaissance de l’histoire du quatrième évangile. Il est clair qu’elle a aussi marqué la trajectoire scientifique parcourue par Marie-Émile Boismard, au fil de plus de cinquante ans. 93723_05_Devillers 403 06-29-2010, 10:58 397 RB. 2010 - T. 117-3 (pp.PAGANISM 397-409). IN BYZANTINE PALESTINE SOME HISTORICAL AND ARCHAEOLOGICAL NOTES ABOUT PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE BY Emmanuel FRIEDHEIM Shimon DAR The Israel and Golda Koschitsky Department of Jewish History Bar Ilan University RAMAT-GAN 52900 ISRAEL efriedheim@yahoo.ca The Martin (Szuz) Department of Land of Israel Studies and Archaeology Bar Ilan University RAMAT-GAN 52900 ISRAEL dar_Is@maabarot.org.il SUMMARY Despite the widely accepted view that polytheistic belief began to disappear in the early Byzantine period, especially in the Holy Land, the birthplace of Christianity, a scrupulous examination of the historical and archaeological sources proves that, even in the Holy Land, Christianity prevailed slowly, and was not always successful in eradicating idolatrous practices. SOMMAIRE Contrairement à l'idée communément répandue concernant la disparition rapide du paganisme à l'aube de l'ère byzantine, notamment en Palestine, berceau de la religion chrétienne, une étude minutieuse des sources historiques et archéologiques, fait état d'une réalité différente. Le christianisme évolua lentement en Palestine ainsi que dans les régions adjacentes, où la ténacité du paganisme est scientifiquement avérée. It is commonly accepted that polytheistic belief among pagans began to disappear in the beginning of the Byzantine era,1 especially in the 1 We are aware of the fact that there are some methodological problems with the terms paganism and polytheism. It is certain that the ‘pagans' did not see themselves as 93723_06_Friedheim 397 06-29-2010, 10:58 398 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR eastern part of the Mediterranean basin.2 In some areas much time manifestly passed before Christianity succeeded in achieving dominance. Thus, for example, Christian and Islamic sources teach that pagan rites continued to exist until a considerably later period in the lands of the East, such as Egypt (sixth century), Augila (Cyrenaica – sixth century), Asia Minor (sixth century), Ephesus (sixth century), Harran (tenth century) and others.3 Scholars argued that, specifically in the Holy Land, the birth place of Christianity, the new religion spread faster and deeper than in other parts of the Roman Empire, which they deduced from the massive construction of churches in Palestine and the pilgrimage to Christian sacred sites that began in the fourth century.4 A meticulous such. This is obviously a Christian view, see: A. Cameron, The Mediterranean World in Late Antiquity: A. D. 395-600 (London–New York, 2002), 224 n. 35: “There is a problem with the term ‘paganism,' in that it does not denote an entity in itself, but only marks out what is not Christian; hence some scholars prefer the term ‘polytheist.' But this is problematic too: some pagans were essentially monotheists, while some may feel that Christianity itself was less, monotheist than this term would imply.” We decided, in this article, to use the terms polytheism and paganism interchangeably. In that respect, we agree with Remus's conclusion: “In place of ‘Pagan' and ‘Paganism', I would offer the not original suggestion ‘Polytheist' and ‘Polytheism' […] whether ‘Polytheist' is, ultimately, less pejorative than ‘Pagan' remains a scholar's choice.” (H. Remus, “The End of ‘Paganism'?”, Studies in Religion, 33/2 (2004), 203). See also in the same vein: M. Sartre, d'Alexandre à Zénobie – Histoire du Levant antique (Paris, 2001), 887. 2 See E. LUCIUS, Les origines du culte des Saints dans l'église chrétienne (Paris, 1908), 147 ff; A. D. NOCK, ‘The Development of Paganism in the Roman Empire', Cambridge Ancient History 12 (1939), 446-49; F. van der MEER, Augustine the Bishop: The Life and Works of a Father of the Church (London–New York, 1961), 44; E. R. DODDS, Pagans and Christians in an Age of Uncertainty: Some Aspects of Religious Experience from Marcus Aurelius to Constantine (Cambridge, 1965), 132; A. Piganiol, L'empire Chrétien (325-395) (Paris, 19722), 259; D. PRAET, “Explaining the Christianizing of the Roman Empire: Older Theories and Recent Developments," Sacris Erudiri 33 (1992-1993), 44; J. A. FRANCIS, Subversive Virtue: Asceticism and Authority in the Second-Century Pagan World (University Park, PA, 1995), 144; et al. 3 P. CHUVIN, Chronique des derniers païens: La disparition du paganisme dans l'empire romain du règne de Constantin à celui de Justinien (Paris, 19912), 143-44, 14547; Z. RUBIN, ‘Polytheism in the Eastern Roman Empire and beyond its Borders in Late Antiquity', in: M. Kister, J. Geiger, N. Na'aman & S. Shaked (eds.), Ancient Gods – Polytheism in Eretz Israel and Neighboring Countries from the Second Millenium BCE to the Islamic Period, Jerusalem 2008, 195-98. (Hebrew). 4 E. D. HUNT, Holy Land Pilgrimage in the Later Roman Empire (Oxford, 1982), 83106; Y. TSAFRIR, Ancient Churches Revealed (Jerusalem, 1993), XI: “In the fourth century CE Christianity throughout the Roman world underwent a dramatic change. The rather few modest and private houses that had served the Christian congregations were replaced by numerous larger basilicas. This process was accelerated in the Holy Land, the cradle of Christianity”; J. PATRICH, “Church, State, and the Transformation of Palestine: The Byzantine Period (324-640 CE),” in: T. E. LEVY (ed.), The Archaeology of Society in the Holy Land (London, 1995), 470: “The main transformation that Roman Palestine underwent, starting in 324 C.E., when Palestine fell under the aegis of a philoChristian emperor, was the Christianization of the country – the change from Provincia 93723_06_Friedheim 398 06-29-2010, 10:58 399 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE examination, however, of the historical and archaeological sources paints a different picture: pagan rites continued to exist in Palestine and in the surrounding Syrian sphere until the sixth century, if not later, and the expansion of Christianity was considerably slower than what was initially thought, especially in the rural regions.5 Scholars have shown the absence of Christians in the major Jewish centers until the fourth century.6 Consequently, it seems plausible that all of the non-Jewish inhabitants of Palestine who had not yet adopted Christianity remained pagan for many long decades after the pagan Roman empire had officially become the Christian Byzantine empire. The scholars who noted the vitality of paganism in Palestine in the Late Roman period and the Byzantine period are, as we shall see, few in number. And, they certainly made no effort to concentrate and organize the material pertaining to all of Palestine and its vicinity to form a complete and coherent picture. Furthermore, those studies that somewhat touched upon the question Palaestina to Terra Sancta […] From then on it officially became the Holy Land, whose holy places deserved a special attention on behalf of the central government – the land of religious aspirations for multitudes of believers who flocked in from the entire Christian world […] The landscape of the country underwent a transformation due to its Christianization.”; et al. 5 D. BAR, “The Christianization of Rural Palestine during Late Antiquity,” Journal of Ecclesiastical History 54/3 (2003), 401-21, and especially 421: “in spite of Palestine's status as the ‘Holy Land,' the abundance of holy sites, within its bounds… the process of converting its inhabitants to Christianity was not in substance any different from the process in other provinces of the empire…” 6 J. GEIGER, “The Spread of Christianity in the Land of Israel from Its Beginning until the Days of Julian,” in: Z. BARAS et al. (eds.), Eretz-Israel from the Destruction of the Second Temple to the Muslim Conquest, vol. I: A Social and Political History (Jerusalem, 1982), 218-33 (Hebrew); idem, “Aspects of Palestinian Paganism in Late Antiquity,” in: A. KOFSKY and G. G. STROUMSA (eds.), Sharing the Sacred: Religious Contacts and Conflicts in the Holy Land, First-Fifteenth Centuries (Jerusalem, 1998), 3-17. Vast areas of Palestine, such as Galilee and Samaria, had a clearly Jewish or Samaritan majority till the end of the fourth century; see: S. GORANSON, “Joseph of Tiberias Revisited: Orthodoxies and Heresies in Fourth-Century Galilee,” in: E. M. MEYERS (ed.), Galilee through the Centuries: Confluence of Culture (Winona Lake, IN, 1999), 33543; A. D. CROWN, “The Byzantine and Muslim Period,” in: A. D. CROWN (ed.), The Samaritans (Tübingen, 1989), 70-78. The recent excavation of a Christian prayer hall in Meggido Prison (north Israel) revealed an inscription dedicated to “the God Jesus Christ,” that was erected in the early 3rd century and remained in use until the end of the same century, as indicated by the pottery and coins uncovered in the area. In other words, this is not an official domus ecclesiae, but just a hall in which only archaic Christian cultic acts were conducted. This amazing discovery bolsters the assumption that Christianity was still quite rudimentary among the non-Jewish population in the third century; see: Y. TEPPER and L. DI SEGNI, A Christian Prayer Hall of the Third Century CE at Kefar ‘Othnay (Legio): Excavations at the Meggido Prison 2005 (Jerusalem, 2006), 28-39. 93723_06_Friedheim 399 06-29-2010, 10:58 400 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR ignored the Jewish literature, such as the late Talmudic sources that belong to the beginning of the Byzantine era and passages from the Jewish post-Talmudic magic literature that – together with the Christian literary sources, the archaeological sources, and the epigraphic sources – cast light on the strength of paganism in Palestine until a late period. I In 1901 Isidore Lévy showed that the Talmudic literature is the only extant broad literature of Semitic origin from the first centuries CE, and that at times it indicates how people of Semitic-Eastern descent viewed pagan culture, while we usually learn of the various pagan practices from the Graeco-Roman literature. According to Lévy, the Talmudic literature provides a view of cultural contents, especially in regard to pagan cults, that differs from, and complements, that of the classical literature.7 The study of the Rabbinical knowledge of the GraecoRoman and Eastern religious cultures has advanced greatly in recent years, and demonstrates the Rabbis' extensive knowledge of all aspects of the life and rites of the Pagans.8 Although the approach treating Rabbinic sources as a historical document is quite obsolete according to the approaches introduced by J. Neusner during the past thirty years, we share, however, the scholarly opinion that Rabbinic literature contains a 7 I. LÉVY, “Cultes et rites syriens dans le Talmud,” Revue des études juives [= REJ] 43 (1901), 183. An identical insight was offered in the scholarly research a century later; see, e.g., Sartre, d'Alexandre, 529. 8 S. LIEBERMAN, Hellenism in Jewish Palestine: Studies in the Literary Transmission Beliefs and Manners of Palestine in the I Century B. C. E – IV Century C. E. (New York, 1962), 115-38. On the study of the historical reality embodied in the pagan ritual details mentioned in the Rabbinic literature, see also M. HADAS-LEBEL, “Le Paganisme à travers les sources rabbiniques des IIe et IIIe siècles: Contribution à l'étude du syncrétisme dans l'empire romain,” in H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), Aufstieg und Niedergang der römischen Welt [= ANRW] II, 19. 2 (Berlin-New York, 1979), 397-485; G. BOHAK, “Rabbinic Perspectives on Egyptian Religion,” Archiv für Religionsgeschichte 2 (2000), 215-31; G. VELTRI, “Römische Religion an der Peripherie des Reiches: Ein Kapitel rabbinischer Rhetorik,” in P. SCHÄFER and C. HEZSER (eds.), The Talmud Yerushalmi and Graeco-Roman Culture, vol. 2 (Tübingen, 2000), 81-138; Z. SAFRAI, “The AramaicSpeaking Gentile Population in the Land of Israel in the Roman Period,” in M. M OR et al., Jews and Gentiles in the Holy Land in the Days of the Second Temple, the Mishnah and the Talmud (Jerusalem, 2003), 95-100 (Hebrew); H. CANCIK, “Fremde Bilder: Kult und Kunst in den Talmud: Traktaken Abodah Zarah,” in B. L UCHESI and K. von STUCKRAD (eds.), Religion und Kulturellen Diskurs: Festschrift für H. G. Kippenberg zu seinem 65 Geburtstag (Berlin, 2004), 273-89. On the numerous pagan details embedded in the Rabbinic literature, see the recent book: E. FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme en Palestine romaine: Étude historique des Realia talmudiques (Ier-IVème siècles) (Religions in the Graeco-Roman World 157; Leiden-Boston, 2006). 93723_06_Friedheim 400 06-29-2010, 10:58 401 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE solid historical background that we should not neglect; when, however, used for historical purposes, it obviously requires critical study, like any other literary genre.9 In that respect, Amoraic sources in the Rabbinic literature are instructive for the continued existence of paganism in Palestine during the fourth century CE. The claimed disappearance of paganism among the Jews, and in the region as a whole, during the time of the Mishnah (first-second centuries CE), and especially that of the Talmud (third-fourth centuries CE), was recently refuted in a comprehensive study of paganism in the Talmudic and midrashic literature.10 Late sources cite fourth-century Palestinian Rabbis who speak of their anticipating the disappearance of the pagan rites in the distant future, thus attesting to the continued vitality of these rites in Palestine in the Byzantine period. Thus, for example, in the Palestinian Talmud: R. Nahman in the name of R. Mana: Idolatry will come and spit in the faces of its worshippers and shame them, and it will cease to exist in the world, and what is the Scriptural basis – (Ps. 97:7): “All who worship images are dismayed"; R. Nahman in the name of R. Mana: Idolatry will come and bow before the Holy One, blessed be He, and it will cease to exist in the world, and what is the Scriptural basis – (ibid.): “all divine beings bow down to Him."11 The late midrash Pesikta Rabbati contains an exegesis that is difficult to date, but might be from the fourth century, with a veiled attack on the clearly pagan nature of Aelia Capitolina: “At that time [I will search Jerusalem with lamps]” (Zeph. 1: 12) – you will search with lamps, and not by the light of the moon, nor by the light of the sun, by which one does not remove the hametz [anything leavened] before Passover. Rather, one kindles lamps and searches for the hametz before Passover. Thus the Holy One, blessed be He, will act: He will search Jerusa9 Z. SAFRAI, “Rabbinic Sources as Historical: A Response to Professor Neusner,” in: J. NEUSNER and A.-J. AVERY-PECK (eds.), Judaism in Late Antiquity: Where We Stand, Issues and Debates in Ancient Judaism, vol. 3/1 (Leiden–Boston–Köln, 1999), 167: “The study of the sources must be careful and critical, but excessive critical inquiry is to be discouraged.”; G. STEMBERGER, “Rabbinic Sources for Historical Study," Judaism in Late Antiquity, 186: “… a certain measure of personal judgment remains in every historical reconstruction. But although, it is no longer possible to use Rabbinic sources in a naïve way for reconstructing history, it would be the greatest damage to the History of Judaism if the Rabbinic texts were neglected in the historical enterprise”; D. JAFFÉ, Le Judaïsme et l'avènement du christianisme: Orthodoxie et hétérodoxie dans la littérature talmudique (Ier-IIe siècle) (Paris, 2005), 70 ff; C. BATSCH, “La littérature tannaïtique comme source historique pour l'étude du Judaïsme du deuxième temple,” REJ 166,1-2 (2007), 1-15. 10 FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme, 33-67. 11 Palestinian Talmud, Avodah Zarah 4: 7, 44a. 93723_06_Friedheim 401 06-29-2010, 10:58 402 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR lem only by lamps, to remove idolatry from there […] therefore it is said (ibid.): “I will search Jerusalem with lamps.”12 The prayer known as Tziduk ha-Din (the acceptance of divine judgment) that appears in Seder R. Amram Gaon (d. 875) and is recited during a Jewish funeral service contains an intriguing passage that also expresses the hope that Palestine will be cleansed of any foreign rite: “[…] and uproot foreign worship from the land and restore the service of Heaven to its place.” Although this is an extremely late prayer, it apparently is based on earlier traditions, from the Byzantine period, and might relate to the pagan rites that existed in Palestine and not to Christianity. Patently, these sources' anticipation of the extirpation of polytheism demonstrates that paganism was sufficiently strong during the time of their authors to justify such expositions. We can indicate at least one rite that drew the attention of the last Palestinian Amoraim in the fourth century, that of sun-worship. This awareness remarkably accords with the popularity enjoyed by this cult in the third and fourth centuries, when many emperors were compared to Sol Invictus, including Constantine (312-337) at the beginning of his reign,13 and Julian the Apostate (360-363), whose reverence of Helios found expression in his speech in honor of Sol Invictus during the course of his campaign against the Persians.14 In the fourth-fifth centuries, Macrobius sought to prove that Sarapis, Asklepios, Mercurius, Ares, Apollo, Adonis, Attis, and Osiris were merely additional names for the invincible sun god.15 Fourth-century Palestinian Amoraim voiced their fears concerning the increasingly popular cult of the sun in their time, especially in light of the fact that the depiction of Sol Invictus had entered the world of the Galilean synagogues in that century, especially in Hammat Tiberias.16 A number of sources record the fierce opposition by the fourth-century Rabbis to these pagan phenomena. Thus, Leviticus Rabbah contains the following exposition from the fourth century that portrays a situation in which the sun and the moon are not desirous, as it were, to illuminate the world, because people worship them: Pesikta Rabbati 8 (ed. FRIEDMANN, 29a). T. PREGER, “Constantinos-Helios,” Hermes 36 (1901), 457-69; J. MAURICE, “La dynastie solaire des seconds Flaviens,” RA 17 (4ème série) (1911), 377-406. 14 For primary sources, see: M. LE GLAY, La religion romaine (Paris, 19912), 260. 15 MACROBIUS, Saturnalia 1, 17-23. 16 M. DOTHAN, Hammat Tiberias: Early Synagogues and the Hellenistic and Roman Remains (Jerusalem, 1983), 39-45. For the presence of Sol Invictus in Galilean synagogues, see the recent extensive discussion: FRIEDHEIM, Rabbinisme et paganisme, 10959. 12 13 93723_06_Friedheim 402 06-29-2010, 10:58 403 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE R. Levi said; Every day the Holy One, blessed be He, sits in judgment of the sun and the moon, that do not want to come forth to illuminate the world. What do they say? People offer incense to us and bow down before us. R. Justa bar Shunem said: What does the Holy One, blessed be He, do to them? He sits in judgment of them, and they are compelled to go forth and illuminate the world.17 The anticipated retribution against those who worship the sun, together with the desire to prove the inability of the solar and lunar divinities to save their believers, is expressed in an exegesis also delivered by R. Levi, about the people of Sodom: “Hurry, flee there, for I cannot do anything until you arrive there. Hence the town came to be called Zoar” (Gen. 19:22) – […] since some men of Sodom worshipped the sun, and others, the moon, the Holy One, blessed be He, said: If I punish them during the daytime, now they say: If the moon were there, it would sustain us; if at night, now they would say: If the sun were there, it would sustain us. Rather [ed. Vilna: He punished them] on the sixteenth of Nisan, when the sun and the moon stood in the sky; this is what is written (Gen 19: 23): “As the sun rose upon the earth and Lot entered Zoar.”18 A midrashic exposition from the early fourth century emphasizes the essential differences between the nations of the world and the people of Israel as regards idolatry and, primarily, as regards sun-worship.19 R. Isaac, a Palestinian Amora from the third-fourth centuries, argued that people worship the sun and the moon every day, and this arouses the ire and wrath of the God of Israel.20 In the late fourth century, a Palestinian Jew revered the sun, as is shown by a Hebrew popular magic text in Sefer ha-Razim (= The Book of Secrets): ‫ אבצבי‬:‫ואחר שתראהו כן תשתחוה ותפול על פניך ארצה והתפלל את התפילה הזאת‬ ‫אנתוליפון היליוס נאטוס אגדור איפסטוס אקט קוריפוס איופיסטוס הזפלה טרוכוס‬ ‫אובינוס קאטאטיטס קזמונטס סגימוס פילי פאנטור קירי פומאוס איופוטוס תיוריונוס‬ .‫אסטראטיוטוס‬ The following are the Greek and English reconstructions proposed by Morton Smith: And after you see it, bow down, fall on your face to the ground, and recite the following prayer: 17 18 19 20 93723_06_Friedheim Leviticus Rabbah 31:9 (ed. MARGULIES, 630). Genesis Rabbah 50: 22-23 (ed. THEODOR-ALBECK, 530-31). Lamentations Rabbah 3: 24 (ed. BUBER, 133). Babylonian Talmud, Nedarim 39b. 403 06-29-2010, 10:58 404 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR eûseb¬ âwtolikòn ÊJliov naútjv âgaqóv, pistofúlaz, korufa⁄ov e∆pistov (Àcistov?), ºv pálai troxòn ∫brimon (oûránion?) kaqístjv, kosmjtßv (kosmÉntjv?) †giov. polokrátwr (polupráktwr?), kúrie, pompov e∆fwtov, túrannov, âstroqjtßv. I revere you, Helios, who rises in the east, the good sailor, who keeps faith, the faithful (or celestial) leader, who turns the great (or celestial) wheel, who orders the holiness (of the planets), who rules over the stars.21 II The Talmudic sources join together with other historical testimonies of various types that, too, depict the vitality of paganism in late antique Palestine. Yaron Dan, an Israeli scholar, proved the continuity of pagan rituals in the region of the Negev (south Israel) until the sixth century.22 There was a Christian presence in Caesarea and in Jerusalem earlier on, but in limited numbers, and the Christians in the latter city succeeded in taking possession of the sacred sites only in the first quarter of the fourth century. In January 396 CE the Christian community in Gaza numbered only 280 souls.23 The cult of Zeus-Marnas was the leading rite in Gaza in the Late Roman period.24 In Gaza, sanctuaries dedicated to Helios, Aphrodite, Apollo, Kore-Persephone, Hecate, Tyche, and Heroon still existed at least until May 13, 402 CE, as we learn from a Christian liter21 D. SPERBER, Magic and Folklore in Rabbinic Literature (Ramat Gan, 1994), 93. Y. DAN, “Pagans in Southern Palestine in the Byzantine Period,” Byzantine Studies 1-2 (1996-97), 151-61; idem, Studies in the History of Palestine in the Roman-Byzantine Period (Jerusalem, 2006), 22-31 (Hebrew). 23 MARCUS DIACONUS, Vita Porphyrii 19-20 (trans. H. GRÉGOIRE and M. A. KUGENER [Paris 1930], 20). 24 Concerning the identification of Marnas with Zeus, as the god of rain and fertility, see: ibid., 19:“∂legon gàr tòn Marn¢n kúrion e¤nai t¬n ∫mbrwn,tòn dè Marn¢n légousin e¤nai tòn Día.” On the cult of this supreme deity in Gaza, see: C. R. CONDER, “Discovery of a Statue near Gaza,” Palestine Exploration Fund Quarterly Statement [= PEFQS] (1880), 9; D. SOURDEL, Les cultes du Hauran à l'époque romaine (Paris, 1952), 44; B. LIFSHITZ, “Bleigewichte aus Palästina und Syrien,” Zeitschrift des deutschen Palästina Vereins 92 (1976), 168-97; G. MUSSIES, “Marnas God of Gaza,” in: H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), ANRW II, 18, 4 (Berlin–New York, 1990), 2412-57, 2414: “One of the strongholds of paganism which had hitherto completely escaped imperial repression and Christian violence was the prosperous city of Gaza in Palestine with the famous cult of its principal deity, the god Marnas”; F. R. TROMBLEY, Hellenic Religion and Christianization C. 370-529, vol. I (Leiden–New York–Köln, 1993), 208 ff; E. Friedheim, Pagan Cults in Roman Palestine (Ramat Gan, 1995), 130 (Hebrew); et al. 22 93723_06_Friedheim 404 06-29-2010, 10:58 405 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE ary source.25 Pagan festivals were observed in Gaza until the beginning of the sixth century, and Christianity succeeded in dominating the city that had been pagan for centuries only by force.26 Besides Gaza, testimonies to the existence of pagan rites in the Byzantine period appear in various locations throughout the religious sphere of Palestine and Syria. A spring containing many coins from the fourth and sixth centuries is situated close to Shuni-Miyamas, in ‘Ein Zur, at the southeastern tip of Ramat ha-Nadiv in the Carmel ridge. Y. Hirschfeld called the spring a “wishing well,” and he connected this spring with the description of a similar place by the anonymous Bordeaux Pilgrim in his pilgrimage to Palestine in 333, that “at the third milestone from Caesarea is Mt. Sina [= Shuni], where there is a spring, and if a woman bathes in it, she will become pregnant.” Hirschfeld maintains that this well was unearthed at ‘Ein Zur, and was used for cultic purposes, especially in the fourth century, as is shown by the hoard of coins discovered at the site. He also links the spring and the ritual bathing conducted there with the cultic system of Shuni-Miyamas, that, too, was associated with the fertility rites held there at the Maiumas festival in honor of Aphrodite and Dionysius.27 According to Hirschfeld, the ‘Ein Zur spring was one of 25 MARCUS DIACONUS, Vita Porphyrii 27 (trans. H. GRÉGOIRE and M. A. KUGENER [Paris 1930]: 24; ibid, 64: 51) 26 F. K. LITSAS, “Choricius of Gaza and His Description of Festivals at Gaza,” Jahrbuch des Österreichen Byzantinistik 32 (1982), 429; Y. ASHKENAZI, “Paganism in Gaza in the Fifth and Sixth Centuries,” Cathedra Quarterly 60 (1991), 106-11 (Hebrew); idem, “Pagan Worship in Palestine during the Byzantine Period,” Michmanim 8 (1995), 63-74 (Hebrew); N. BELAYCHE, “Pagan Festivals in Fourth Century Gaza,” in: B. BITTON-ASHKELONY and A. KOFSKY (eds.), Christian Gaza in Late Antiquity (Leiden–Boston, 2004), 5-22. 27 In IOHANNIS MALALAS' (circa 491-578 CE) Chronographia 12: 224-225 (= The Chronicle of John Malalas, E. JEFFREYS, M. JEFFREYS, and R. SCOTT [Byzantina Australiensia 4; Melbourne, 1986], 150-51, 198) we read the following: “eîv lógon t¬n legoménwn ˆOrgíwn, ºper êstì mustßrion Dionúsou kaì ˆAfrodítjv, toÕt'êstì toÕ legoménou Mañoum¢”; G. DOWNEY, A History of Antioch in Syria from Seleucus to the Arab Conquest (Princeton, 1961), 234, 444, 456; idem, Ancient Antioch (Princeton, 1963), 105; Y. HAJJAR, “Baalbek: Grand centre religieux sous l'empire,” in: H. TEMPORINI and W. HAASE (eds.), ANRW II, 18. 4, (Berlin–New York, 1990), 2500. On the rite of Maiumas in Palestine during the Late Roman period and the early Byzantine era at Ascalon, see: E. DVORJETSKI, “The Ceremonies of the Maiumas in Ashkelon during the Roman and Byzantine Periods,” in: A. SASSON, Z. SAFRAI, and N. SAGIV (eds.), Ashkelon: A City on the Seashore (Ashkelon–Tel Aviv, 2001), 99-118 (Hebrew); D. BAGATTI, “Ascalon e Maiuma di Ascalon,” Liber Annuus 24 (1974), 22764. In the heights of Samaria the Maiumas was conducted in the fourth century CE; see: Y. BRASLAWSKI, “An Unknown Maiumas Sanctuary in the Heights near to Samaria (Sebastia),” in: idem, For the Survey of our Land: Past and Archaeological Remains (Tel-Aviv, 1954), 286 ff; 292 (Hebrew). The Maiumas rite existed in BetomarseaMaiumas, located on the east side of the Dead Sea (now in Jordan), as we learn from an 93723_06_Friedheim 405 06-29-2010, 10:58 406 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR the few locations in Palestine in which the fertility rite and water celebration continued without interruption until the end of the Byzantine period.28 The pagan cult continued to exist at Mamre at least until the sixth century, as we learn from the writings of the Church Fathers.29 Eusebius and Jerome relate that in their time the pagans regarded Mt. Hermon as a sacred mount that was identified with the ancient Baal.30 The village of Rakhle on Mt. Hermon yielded many remains related to the rite of the Greek-Syrian goddess Leucothea-Atargatis. The finds ininscription of the Medaba Mosaic (Bjtomarsea ß k[aì] Maioum¢v), created during the reign of the emperor Justinian (527-565); see: A. BÜCHLER, “Une localité énigmatique mentionnée sur la mosaïque de Madaba,” REJ 42 (1901), 125-28; C. CLERMONT-GANNEAU, “Betomarsea-Maïoumas et les fêtes orgiaques de Baal-Peor,” in: idem, Recueil d'archéologie orientale, vol. 4 (Paris, 1901), 339-45. At Baalbek, the rite of the Maiumas probably existed in the Late Roman period; see: H. SEYRIG, “La triade héliopolitaine et les temples de Baalbek,” Syria 10 (1929), 330 (= idem, Scripta Varia: Mélanges d'archéologie et d'histoire, E. WILL [ed.] [Bibliothèque archéologique et historique 125, Paris 1985], 21); R. MOUTERDE, “Cultes antiques de la Coelésyrie et de l'Hermon,” Mélanges de l'université St-Joseph (Beyrouth) (= MUSJ) 36/2 (1959), 69-73 et al. 28 Y. HIRSCHFELD, “The Source of Fecundity at Ramat ha-Nadiv," Qadmoniot 116 (1999), 111 (Hebrew); idem, “The Excavations at Horvat Eleq: Architecture and Stratigraphy," in: idem, Ramat Hanadiv Excavations: Final Report of the 1984–1998 Seasons (Jerusalem, 2000), 337 and Fig. 246. 29 SOZOMEN, Historia Ecclesiastica II, 4. See also the extensive discussions: A. E. MADER, Mambre, die Ergebnisse der Ausgrabungen im heiligen Bezirk Ramet el-Halil in Sudpalästina 1926-1928 (Fribourg, 1957); A. KOFSKY, “Mamre: A Case of a Regional Cult?”, in: idem and G. G. STROUMSA (eds.), Sharing the Sacred: Religious Contacts and Conflicts in the Holy Land: First-Fifteenth Centuries CE (Jerusalem, 1998), 19-30. 30 EUSEBIUS, Onomasticon 22 (= G. S. P. FREEMAN-GRENVILLE, R. L. CHAPMAN III, and J. E. TAYLOR, Palestine in the Fourth Century A. D.: The Onomasticon by Eusebius of Caesarea [Jerusalem, 2003], 20: “Aermon: Mountain of the Amorites which the Phoenicians call Sanior, and the Amorites call Sanir. They say Mount Aermon is so called even until today, and that it is venerated as holy by the Gentiles, opposite Paneas and Libanos”); HIERONYMUS, Liber Locorum, s. v. “Aermon”: “In vertice eius insigne templum quod ab ethnicis habetur e regione Paneadis et Libani”; R. MOUTERDE, “Antiquités de l'Hermon et de la Béqa: I. Massif de l'Hermon. Les temples et les ères en cours à l'époque romaine,” MUSJ 29 (1951-2), 22. In his Historia Ecclesiastica 7, 17 (trans. J. E. L. OULTON, Loeb Classical Library, vol. 2 [London, 1964], 174-75) EUSEBIUS of Caesarea (265-341 CE) wrote that pagans still venerated the Jordan river as a god, at Banyas (Gaulanitid) in the fourth century CE, when they threw an animal in the spring of the river. See: Z. U. MA'OZ, Baniyas in the Greco-Roman Period: A History Based on the Excavations (Qazrin, 2007), 10-13, 12: “The sacrifice of cut-throat animals onto the water at the Paneion and not just offerings of vetements, vessels or cake (Aphca, Yarmouk) was an outstanding phenomenon compared with other hydromantaea in the region. It could not have originated in Greek, Phoenician or Israelite custom in which the sacrifice is divided between the Gods and men in stylized ceremony. If it is not a barbaric rite invented locally, it may have been influenced by offering to the River Nile in Egypt.” 93723_06_Friedheim 406 06-29-2010, 10:58 407 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE clude a dedicatory inscription to Leucothea dated to 360 CE.31 The temples in the Hermon area continued to exist in the Byzantine period, when Christianity already predominated as the official religion of the empire; thus, for example, in Mount Senaim, Kafr Dura, and Bir Ansoba, that yielded some numismatic finds from the time of Ptolemy the son of Menaios (85-40 BCE) and some coins from the time of the emperor Heraclius (610-641 CE). An altar dated with almost certainty to 530 CE with depictions of many gods, including the Arab sun and moon gods, ‘Azizos and Monimos, above the kosmokrator god identified with Helios, was discovered at Mualaqat-Zakhle in the Lebanon Valley.32 The well-known rite of Jupiter Heliopolitanus at Baalbek continued until the time of the Christian emperor Tiberius II (578-582 CE), who finally closed the gates of the pagan temple.33 Polytheistic rites were most likely practiced in Berytus until the fifth century.34 A Mithraeum was still active in Sidon during the years 389-390 CE.35 A Nabatean temple of Dushara-Dionysos was active in Gerasa (in the Decapolis area in Transjordan) apparently until the second half of the fourth century.36 Significantly for our discussion, epigraphic testimony from 535 CE at the pool in Canatha indicates the existence of the Maiumas festival in the city.37 The purpose of this bathing was probably twofold: to purify oneself, and to acquire magical powers.38 Christianity found it difficult MOUTERDE, Cultes antiques, 79 no. 17. MOUTERDE, op. cit., 77 no 16. The altar should most likely be dated to the Seleucid year 841. It therefore was established in 530/540 CE, but Mouterde left a question mark beside the date. It might be slightly older, but it undoubtedly belongs to a late period; cf. J. P. REY-COQUAIS, Inscriptions grecques et latines de Syrie, vol. 6: Baalbek et Beqa (BAH 78; Paris, 1967), 219 no. 2962, who refutes this dating, although he does not provide any convincing alternative. Thus, the finds constitute decisive proof of the existence of pagan rites in the Lebanese Beka until the sixth century CE, at the very least. 33 Y. HAJJAR, La triade d'Héliopolis-Baalbek, vol. 3 (Montréal, 1985), 383; R. MACMULLEN, Christianisme et paganisme du IVème au VIIIème siècle (Paris, 1998), 47. 34 R. MOUTERDE, Regards sur Beyrouth (Paris, 1966), 39. 35 F. Cumont, Textes et monuments relatifs au culte de Mithra, II, (Bruxelles 18969), 191; Idem, Les mystères de Mithra, (Paris 19854), 32, 240; E. WILL, “La date du Mithreum de Sidon,” Syria 27 (1950), 261-69; Sourdel, Les cultes, 93 and note 5; M. DUNAND, ‘Rapport préliminaire sur les fouilles de Sidon en 1964-1965', Bulletin du musée de Beyrouth, 20 (1967), 29; R. BAECK, ‘Mithraism since F. Cumont', in: H. Temporini & W. Haase (eds.), ANRW II, 17/4, Berlin – New York 1984, 2013; R. TURCAN, Mithra et le Mithriacisme (Paris, 1993), 35. 36 C. B. WELLES, “The Inscriptions,” in: C. H. KRAELING (ed.), Gerasa: A City of the Decapolis (New Haven, 1938), 62-63, 217-18. 37 C. C. MACCOWN, “The Maiumas Inscription, Pool and Theater at Jerash,” Atti XIX Congr. Intern. Degli Orientalisti (Rome, 1938), 685-89. 38 R. MACMULLEN, Paganism in the Roman Empire (New Haven–London, 1981), 31 32 93723_06_Friedheim 407 06-29-2010, 10:58 408 EMMANUEL FRIEDHEIM & SHIMON DAR to take root, not only in Jewish areas and the large cities, it also faced obstacles, possibly even greater ones, in spreading throughout rural regions such as the Auranitid (= Hauran) and the Trachonitid (= Ledja), in present-day Syria.39 A temple of Zeus Aniketos Helios (= the god of the ancient village of Aumos (Diòv ˆAnikßtou ¨Jlíou qeoÕ Aumou) was active in the village of Deir el-Leben, in the Trachonitid area, in the end of the fourth century CE;40 and a temple of Tyche existed at the beginning of this century in the village of Kabab, as is taught by an epigraphic source.41 In the villages of Anz and Juneineh in the Hauran inscriptions (March 5, 362 CE) were found commemorating the reopening of the temples according to the edict of the emperor Julian (361-363 CE), who attempted to rid the empire of Christianity while bringing back ancient pagan worship.42 A Mithraeum, from the fourth-fifth centuries CE, was active in Hawarti at the north of Apamea.43 In summation, in the uniform picture provided by the late Rabbinic sources, Christian texts, and the archaeological finds, pagan worship continued to exist in Palestine, and in the Syrian area, for some time after the pagan Roman empire embraced Christianity as its official, and sole, religion. In that respect, Palestine did not differ from the other provinces of the empire. Christianity prevailed slowly, and was not 21: “The Maioumas, a notorious set of rites at Gerasa, brought women out of the town to a sacred pool in the suburbs, there to bathe naked, that is, to be purified and magicked in some way never really described, before the stare of the townsfolk.” 39 F. R. TROMBLEY, Hellenic Religion and Christianization C. 370-529, vol. 2 (Leiden–New York–Köln, 1994), 358: “The lack of consistency shown in the inscriptions of Djebel Hauran about the acceptance of Christianity is partly a consequence of villages […] where the civic board […] unrelentingly resisted the advance of the new religion […] With the exception of Bosana, where the Church encountered sharp political opposition in the late fourth century, the new religion grew slowly or hardly at all until the second quarter of the sixth century, when the imperial government forced the issue in accordance with the Justinianic laws of 529 on Hellenic religion.” 40 SOURDEL, Les cultes, 54 and n. 4; TROMBLEY, Hellenic Religion, 375-76. 41 W. H. WADDINGTON, Inscriptions grecques et latines de Syrie, vol. 1 (Paris, 1870), no. 2514; A. G. WRIGHT and A. SOUTER, “Greek and other Inscriptions Collected in the Hauran by the Rev. W. Ewing,” PEFQS (1895), 52; R. E. BRÜNNOW and A. von DOMASZEWSKI, Die Provincia Arabia, vol. 3 (Strassburg, 1909), 331; Sourdel, Les cultes, 51 and n. 1: “¨Upatíav DiokljtianoÕ tò j' MazimianoÕ tò h' Se(bast¬)n Aûr(ßliov) Ourov Aouidou bou(leut®v) tò tux⁄on êz eîdíwn êpójse.” The dating is 303 CE. 42 A. SARTRE-FAURIAT, “Cultures et sociétés dans le Hauran,” Syria 75 (1998), 223 n. 157. 43 M. GAWLIKOWSKI, “Hawarti, Preliminary Report 1998," Polish Archaeology in the Mediterranean [= PAM], 10, Reports 1998, (Warsaw 1999), 198-204; idem, PAM, 11, (Warsaw 2000), XXX. 93723_06_Friedheim 408 06-29-2010, 10:58 409 PAGANISM IN BYZANTINE PALESTINE always successful in eradicating the idolatrous practices that were firmly embedded in the religious consciousness of its new converts, despite the bitter and harsh antipagan struggle waged by the Church Fathers, such as Tertullian in the second century and Firmicus Maternus in the fourth. This being the case, the Christians were frequently forced to Christianize pagan customs.44 44 Although the question of the Christianization of pagan practices and cults is too complex an issue to be mentioned in passing here, we decided, nevertheless, to provide some Eastern examples. In Byzantine Egypt, Isis Lactans became Maria Lactans, see: V. TRAN TAM TINH, Isis Lactans: Corpus des monuments gréco-romains d'Isis allaitant Harpocrate (EPRO 37; Leiden, 1973), 210 ff; F. DUNAND, Isis: Mère des dieux (Paris, 2000), 161-68. On the possible resemblance between the mysteries of the metroac cult and Christianity, see for instance: A. T. FEAR, “Cybele and Christ,” in: E. N. LANE (ed.), Cybele, Attis and Related Cults: Essays in Memory of M. J. Vermaseren (Religions in the Graeco-Roman World 131; Leiden–New York–Köln, 1996), 37-50; esp. 39, 40; P. BORGEAUD, La Mère des Dieux: de Cybèle à la Vierge Marie (Paris, 1996), 182-83. For assimilations, albeit superficial, between Mithraic rites with early Christianity, already in the second century CE, see: JUSTIN MARTYR, Apolog., I, 66; idem, Dialog. contra Tryphon., 70, 78; TERTULLIAN, De praescr. Haeret, 4; idem, De cor., 15; idem, De bapt., 5; PSEUDO-AUGUST., Quaest vet. Et nov. Test., 114; and also: J. DUCHESNE-GUILLEMIN, “Die Magier in Bethlehem und Mithra als Erlöser?”, Zeitschrift des deutschen morgenländischen Gesellschaft 36 (1961), 472-77; F. CUMONT, Les mystères de Mithra (Paris, 19852), 199. Et al. 93723_06_Friedheim 409 06-29-2010, 10:58 4102010 - T. 117-3 (pp. 410-429). RON BEERI – DROR BEN-YOSEF RB. GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST IN LIGHT OF THE FINDS FROM MOUNT EBAL BY Dr. Ron BEERI & Dr. Dror BEN-YOSEF Zinman Institute of Archaeology University of Haifa Mt. Carmel, HAIFA 31905 ISRAEL Beeri-mr@013.net & drorb@hazorea.org.il SUMMARY The article deals with a unique, white stone die that was found in the excavations at the site at Mount Ebal. Following a description of the die is a discussion about its possible functions based on a comparison with similar archaeological artifacts and written sources. Similar dice to that from Mount Ebal were found in Mesopotamia, Syria and Egypt from the third and second millennia BCE. In most instances these dice were used with game boards. However, beginning from the first millennium BCE, dice found in written sources and archaeological contexts in the Land of Israel and Syria were also used for prognostication. It seems that the die from Mount Ebal belongs to this category. SOMMAIRE L’article présente un dé en pierre blanche qui a été trouvé dans les fouilles sur le Mt Ébal. Après une description de ce dé, vient une discussion sur son utilisation, à partir de comparaisons avec des objets similaires et les textes anciens. Des dés semblables ont été trouvés en Mésopotamie, Syrie et Égypte, du troisième au deuxième millénaire av. J.-C. Dans la plupart des cas, ces dés étaient utilisés comme jeux. Toutefois, à partir du premier millénaire, certains dés furent trouvés en contextes archéologiques et évoqués dans des textes, en Israël et Syrie, — ce qui montre qu’ils ont été aussi utilisés pour les présages. Il semble que le dé du Mt Ébal appartienne à cette catégorie. 93723_07_Beeri 410 06-29-2010, 10:59 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 411 In 1985 a trapezoidal object, ascribed to the end of the Late Bronze Age-beginning of the Iron Age, was discovered in the excavations at Mount Ebal (Locus 249). This artifact was first studied by B. Brandle (1986-1987, 170-171) who identified it as a stone stamp. Brandle does not explain why he interprets this object as a stamp. The authors, who reexamined the artifact, propose identifying the object as a die. The new proposal is based on the following three assumptions: 1. The object is made of very soft white chalk and it is unlikely that it was used as a seal. 2. It has six faces and eight vertices and all of the faces differ from one another. 3. Some of the faces seem to be numbered (see below). Figure I: The die from Mount Ebal 2 and its location in the main building (Drawing by Sapir Hadd). 93723_07_Beeri 411 06-29-2010, 10:59 412 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF The die (Fig. I) was found in Stratum II, in the northern corner of the main building, above the bedrock (Fig. I). A chalice made of scoria (Fig. II:3)1, a ceramic goblet (Fig. II:1) and the bottom part of a krater (Fig. II:2) were discovered along side it. The last two objects may have been used to cast lots (goral in Hebrew). The krater was adapted for secondary use as a kind of funnel; its base was severed from the vessel and an elliptical opening was drilled in its center (Figs. VIa-VIb). The drilling was meticulously done and its diameter is slightly wider than that of the die. The die, along with other objects, could have been placed into the krater and then removed one after the other through the opening. Hence it is reasonable that the entire group be seen as a kind of favissa in which several objects associated with each other were buried. One can assume that the group of objects was intentionally buried together and covered over with the layers of fill of the main building in Stratum I. The die from Mount Ebal is unique both among the assemblage of dice in general and prognostication dice in particular (see below). This determination is supported by the unique combination of pips and graphic markings that are engraved on the die and which have symbolic meaning (see Fig. I and compare it to the other dice presented in Figs. III, IV and V)2. On three of its six faces there are perforated pips (1, 5, and 7) and we can assume that these were markings that were agreed upon as numbers. Most of the dice from the Late Bronze Age and the Iron Age in the Land of Israel come from assemblages that can be interpreted as cultic. In light of the above we believe that the die from Mount Ebal was used to cast lots in some sort of cult related ceremony. I. Description of the Die Location: Area A; Stratum II; Locus 249 (the northern corner of the main building); Registration No. 2249. Material: White, friable chalk (mineral composition: calcite with trace amounts of magnesium). Manufacture: local. State of Preservation: good. 1 A dark alkaline igneous rock frequently composed of basalt. The rock is very poriferous due to bubbles of gas trapped in it during the rapid cooling of lava. It is formed from cinders ejected from a volcano (Mazor 1994: 462). 2 The die from Tell al-‘Umayri, if it is indeed a die, incorporates pips that have a numerical value with graphic markings that have meaning. 93723_07_Beeri 412 06-29-2010, 10:59 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 413 Figure II: Artifacts that were discovered near the die: 1. the goblet; 2. the perforated base of the krater; 3. the small scoria chalice (Drawing by Sapir Hadd). The die was carelessly made and has six faces and eight vertices. Two of the faces, which are square and wide (A and C), are perpendicular to the other four which are narrow and rectangular (B, D, E-F). The faces, which are sloppily fashioned, are not completely congruent and each is differentiated by incised patterns and the number of pips which represent it. On Face F there is at least one pip; on Face C five pips; and on Face B seven pips. Faces B and C have a combination of incising and pips and on Faces A, D and E there is only incising. Face A (Fig. I-A) is square and parallel to Face C and measures 21.66 x 22.93 mm3. It is incised with a straight center line that bisects it and with straight and curved lines on both its sides which form a vague treelike pattern. A somewhat similar pattern was found on the base of a seal from Tell ‘Umayri, which is dated there to the Iron Age IIC (Eggler/ Herr/Root 2002, 246-247, No. 15; Keel 2006, 318-319, No. 13). 3 93723_07_Beeri Maximum dimensions of the face. 413 06-29-2010, 10:59 414 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF Face B (Fig. I-B) is rectangular and measures 14.24/15.50 x 22.30 mm. Its two narrow sides are slightly broken and it is incised with a rectangular pattern that resembles a door (Brandle 1986-1987, 171) or a bema. In the center of the face there are seven round drillings arranged in three lines which may symbolize the number 7. A seal with a similar pattern was found at Khirbat al-Mudayna in Eastern Transjordan (Daviau/Dion 2002, 41, Fig. 7: 4). Another similar pattern is engraved on a broken stone seal from Tell ‘Umayri, which the site’s excavators ascribed to the Iron Age I (Eggler/Herr/Root 2002, No. 30; Keel 2006, 352-353, No. 74). Face C (Fig. I-C) is square and measures 22.30 x 23.50 mm. It is incised with a trapezoid pattern it in which there are round drillings that resemble the number 5 – ⬊ ⬊. The trapezoid frame is composed of four ᝽ incised sides and is bisected by a vertical center line that is intersected by a short horizontal line. These divide it into two symmetrical units each consisting of a rectangle and a square. Next to the corners of the trapezoid are four round drillings, in the form of ⬊⬊, which were haphazardly matched to each of its corners. In addition to these there is a fifth drilling in the center of the face. Similar drillings arranged in geometric shapes were found on seals from Khirbat al-Mudayna, which are ascribed in general to the Iron Age II (Daviau/Dion 2002, 40-43, Figs. 7:3-4, 7, 10, 13; Keel 2006, 122-123, No. 4; 123-125, Nos. 4, 8-9) and at the citadel in Arad IX (Amiran/Aharoni 1967: 24, Fig.16; Herzog 1997, 168-169, Fig. 31). Face D (Fig. I-D) is rectangular and measures 12.20 x 23.50 mm. A reticulated pattern comprising three horizontal lines that intersect two vertical lines is incised on it. The incisings form 12 symmetric rectangles that are arranged in four vertical columns and three horizontal rows. An excellent parallel of this pattern was found at Tell ‘Umayri where it is ascribed to the sixth century BCE (Eggler/Herr/ Root 2002, 270-271, No. 50). Face E (Fig. I-E) is rectangular, measures 15.45 x 22.30 mm and is rather worn. Two parallel lines are incised lengthwise through its center. Face F (Fig. I-F) is rectangular, measures 13.60 x 19.88 mm and is partly broken. It has at least one drilling along its broken edge. The order of the faces: the faces of the die are arranged in a manner such that the number 5 on Face C and its incised pattern are engraved 93723_07_Beeri 414 06-29-2010, 10:59 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 415 opposite the “tree” on Face A. The number 7 on Face B is incised opposite the twelve squares on Face D and Face E, with the two parallel lines, is opposite Face F, which is broken (the number 1?). II. Dice among the Archaeological Finds From the third millennium BCE until the beginning of the first millennium BCE there are at least three kinds of polyhedrons4 that we know of from Mesopotamia and the Levant: the tetrahedron consisting of four equilateral triangles (Fig. III:1), the hexahedron consisting of six square faces and the octahedron consisting of eight equilateral triangles (Fig. V: 9). The faces of the polyhedrons were usually congruent and numbered with perforations. Each one of the faces was equilateral which gave an equal chance for every result after it was cast. Groups of pips from 1 to 6 were incised in the faces of the dice, and we can assume that these marks were meant to signify numbers. Already in the third millennium BCE in Mesopotamia they understood that when a tetrahedron or octahedron is cast it is difficult to decide unequivocally which of it faces is the upper face so that these polyhedrons were not suited for games of chance. Unlike these two polyhedrons the cube (or the die) is the only regular geometric body whose form is suitable for games of chance: on the one hand it does not roll easily, but on the other, when it is tossed it comes to rest in such a way as to leave no doubt to which of its surfaces is the upper surface. Polyhedrons in general and the cube in particular have been found in Mesopotamia, Egypt and the Levant dating from the beginning of the third millennium BCE until the modern era. We believe these dice (and polyhedrons) were divided in to two groups that were used for different purposes: A. dice for board games; B. dice for casting lots. II.1 Dice for board games: Syria and Mesopotamia. Various dice that resemble those we use today were found in Mesopotamia and date to the beginning of the third millennium BCE. The dice are similar to modern dice except they lack the strict convention whereby the sum of the pips of every two opposing faces adds up to the number 7 (Hallo 1983, 22)5. 4 The polyhedron is a three dimensional body composed of at least four faces which form a closed body. 5 The die that was found at Tel Dan is the first we know of that maintained this combination whereby the sum of the pips on every two opposing faces adds up to the number 7 (see below). 93723_07_Beeri 415 06-29-2010, 10:59 416 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF Figure III: Dice and a game board from Syria and Mesopotamia: 1-2. Ur (Woolley 1956, Fig. 7:a-b); 3. Tape Gawra (Speiser 1935, Pl. XXXVII: a); 4. Nippur (McCown / Haines 1967, Pl. 153:11); 5. Ashur (Hallo 1983, 19); 6. Tell Arbid (Bielinski 2001, Fig. 2). We can assume that the Mesopotamian dice were used to determine the course of a game, similar to the three tetrahedrons which were discovered with a game board in Tomb PG/513 from the Early Dynastic III at Ur6 (Woolley 1934, 276, Pl. 95b; Pritchard 1954, No. 212 and below Fig. III:1). The earliest Mesopotamian die we know of was found at Tape Gawra VI7 (Fig. III:3). The drilled pips in the die are arranged so that the number 2 is located opposite the number 3; 4 is opposite 5 and 1 is opposite 6 (Speiser 1935, Pl. XXXVII:a; Dales 1968, 18). 6 7 93723_07_Beeri Woolley ascribed the die to the middle of the third millennium BCE (Woolley 1934). Speiser (1935: 19) ascribes it to the beginning of the third millennium BCE. 416 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 417 A “broken clay die” was also found at Tell Asmar. According to Frankfort this was one of the possessions that belonged to a coppersmith who placed his objects in a closed ceramic vessel beneath the floor of a room from the Akkadian period (Frankfort 1933, 47-48). Two other dice (besides the three tetrahedrons mentioned above) were found at Ur (Fig. III:2a-b): one is only 5 mm in diameter and is made of bone. The drillings in the die are extremely shallow and it is difficult to discern the numbers of its faces and their relative order. Woolley (1956, 44, Fig. 7:a) dated this miniature die to the I Dynasty at Ur (i.e. Early Dynastic III). The second die (Ibid, 44, 79, Fig. 7:b), which is made of gray clay, was found in Pit X in the Royal Cemetery. The faces of the die, which are marked, are arranged with the number 1 opposite 2, 3 opposite 6 and 4 opposite 5 and in Woolley’s opinion it can be dated to the beginning of the Early Dynastic III period to the Ur III period (Ibid; Dalles 1968, 18). Another stone die was found in the ash fill that is ascribed to the postAkkadian layer at Tel Arbid VI8. The die is “twice as big as a modern one” and five of its six faces are engraved with pips arranged as follows: 1 opposite a smooth face, 2 opposite 4 and 3 opposite 5 (Bielinski 2001, 318, Fig. 2; and below Fig. III:6). One more die made of burnt clay was found in the “Scribes Quarter”, which is identified with the Kassite period at Nippur (Phase VII). The faces of the die are arranged such that X (1?) is opposite 2; 3 is opposite 6 and 4 is opposite 5 (McCown/Haines 1967, Pl. 153:11; below Fig. III:4). EGYPT. Until now only five dice have been found in Egypt, all of which are ascribed to the New Kingdom. Three of these were not in situ and were discovered in the “rubbish heaps” of the Temple of Deir el-Bahari. In Carter’s opinion the dice date to a period of time that is no later than the XVIII Dynasty (Carnarvon/Carter 1912, 58, No. 1). Another die, which is ascribed to the XX Dynasty, was found at Lisht (Hayes 1959, 405). We can assume that the dice from Egypt, like those of Mesopotamia, were used for board games. We know of three different board games from the time of the I Dynasty (Redford 2001, 2). The most popular of them was znt (“passing”), which was documented in Egypt, Mesopotamia and Canaan from the Pre-dynastic period until the Roman period 8 93723_07_Beeri Bielinski (2001, 317-318) ascribes it to the end of the third millennium BCE. 417 06-29-2010, 11:00 418 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF Figure IV: Dice from the Land of Israel: 1. Tell Beit Mirsim (Albright 1938, Pl. 21: b); 2-3 Tell el-Ajjul (Petrie 1933, Pls. XXVIII: 10-17; 1934, XXXVI:21-28). (IDEM)9. The dice used in znt were trapezoidal, unlike the square shaped dice we are familiar with today. A trapezoid die that was found with a znt board in Grave Z491 at Zawiyet el-Aryan is ascribed to the early XVIII Dynasty (Boston Museum of Fine Arts, 1982, 266-267, Fig. 370). Similar dice were found in the Land of Israel at Tell Beit Mirsim and at Tell el-Ajjul (see below). 9 The earliest description of a znt game was found at Saqqara, in the tomb of the nobleman Hesy-Re which is ascribed to c. 2600 BCE. A board game with astragals from the XII Dynasty was found in Thebes, in the tomb of Ren-seneb (Carnarvon/Carter 1912, 56 – 59, Pl. 50, 1-2, Fig. 14; Gadd 1934, 45-50; Pritchard 1954, No. 213). Znt boards, without dice, were found in Egypt and Canaan in contexts that are dated to the first half of the third millennium BCE (Sabbane 1991; Redford 2001, 2-3). For board games in Mesopotamia and the Levant see Ellis /Buchmann, 1966). 93723_07_Beeri 418 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 419 LAND OF ISRAEL: Trapezoid shaped dice for board games were found in Canaan in assemblages that are ascribed to the first half of the second millennium BCE. An ivory die was found in the “Patrician house” at Tell Beit Mirsim D (Albright 1930, 6, 9; 1933; 1938, 48, Pl. 21b; above Fig. IV:1). The face of the die’s base is wide and the narrow opposing face is not marked, whereas the four faces perpendicular to them are numbered from 1 to 4 with perforations or “eyes”. The die was found not far from ten stone trapezoid game pieces and an inlaid game board (Albright 1933; 1938, 49). Sixteen other trapezoidal dice were found at Tell el-Ajjul (Petrie 1933, 11, Pl. XXVIII:10-17; 1934, 11, Pl. XXXVI:21-28; above Fig. IV:2-3). The dice, most of which are marked from 1 to 4, resemble each other and it seems that they were used in a table game which is similar to that of Tell Beit Mirsim. Five of them are made of limestone and eleven are of ivory. Five of the dice are marked as follows: 1 opposite 3, 2 opposite 4 and a smooth face opposite a smooth face; two dice are marked 1 opposite 3, 2 opposite 4 and 1 opposite a smooth face; three dice are marked 1 opposite 2, 3 opposite 4 and a smooth face opposite a smooth face; three dice are marked 1 opposite 2, 3 opposite 4 and 1 opposite a smooth face; one die is marked 1 opposite 4, 2 opposite 3 and a smooth face opposite a smooth face. One die is marked 5 opposite 5, an X (1?) opposite X and two sets of opposing smooth faces. Another die has six smooth faces. EASTERN TRANSJORDAN: A conical, cylindrical, seal-like object or die was found at Tell‘Umayri in a building thought to be an “Ammonite citadel” (Lawlor 1989, 233-244)10. Like the die from Mount Ebal, this one has incised patterns that include perforations: one of its faces has one perforation and another face has four perforations. Another face combines engravings and perforations which are set within an incised ellipse: on the upper part of the face there are three perforations arranged in a row and an h-like pattern (a chair?) is engraved on a row below them. On either side of the h-like pattern are vertical lines whose upper part is bent to the right (Platt 1989, 355, 360, Fig. 20:5, Object no. 110; Eggler/Herr/Root 2002, 240-241, No. 7; Keel 2006, 314-315, No. 6). II.2. Dice in cultic archaeological contexts – prognostication dice/puru? According to our line of reasoning the prognostication dice/puru are dice that are marked with perforations and which were found in contexts 10 93723_07_Beeri The object was found at Tell al-‘Umayri, Area A, Square 7K51. 419 06-29-2010, 11:00 420 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF that can be interpreted as cultic (Fig. V). Exceptions to this rule are the die from Mount Ebal, which has both graphic symbols and numerical perforations, and the Assyrian die for which there is explicit written evidence indicating it was used for prognostication (Fig. III: 5). In the Land of Israel and Syria a number of dice were found in cultic assemblages, all of which date to the end of the Late Bronze Age or the Iron Age. We believe that these dice were used in divination: DICE FROM THE LAND OF ISRAEL. A blue die made of faience was found in the cultic compound at Tel Dan, in the phase that is ascribed to the eighth century BCE (Biran 1994, 199, Fig. 157; below Fig. V:8). The die was found north of the altar room and it would appear to be connected to cultic practice. The excavation director, Biran (1994, 199), explained that the die may have served the priests in divination. Its design is similar to the dice that are used in modern games and it consists of six congruent faces inlaid with white pips that indicate a numerical value of 1 to 6. The arrangement of the numbers on the die is such that the sum of the pips on any two opposing faces is equal to 7; thus the number 1 is marked opposite the number 6, 2 is opposite 5 and 3 is opposite 4. Two die-like objects were found at Megiddo in what may be a cultic context. One (Fig. V:5), which is made of marble and was not found in situ, was discovered in the area of the temples (Area BB, Square O/14). The die has two opposing faces with 8 and 9 perforations and the rest of the faces have 3 perforations. The second die, which is made of steatite, is a cylindrical object that was used as a seal or die (Fig. V:7). At least one of its faces is marked with 11 perforations. The object was found in what is clearly the cultic assemblage of Building 2081, which the University of Chicago expedition ascribed to Stratum Va (Lamon/Shipton 1939, Pl. 77:17; Loud 1948, 44-46, Pl. 163: 23, Figs. 101-102)11. An ivory die with six faces that is marked with perforations was found in Area H at Hazor (Yadin et al. 1961: Pl. CCCXXXVI:15; below Fig. V:5). The die was found in Square E/8, in the area of the temples, and it can be attributed to the objects of one of the temples even though there is no notation regarding its strategraphic location. An ivory octahedron whose eight triangular faces are numbered with perforations was found at Tell Balata (Shechem). Sellin ascribed this 11 Kempinski (1993, 178), who compared the assemblage from the room with the cultic assemblage at Arad, suggested that both of them were meant for use in worshipping Yahweh, the official divinity of the United Kingdom. 93723_07_Beeri 420 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 421 unique object to Silo 5900, which dates to the 9th-8th centuries BCE (Wright 1964, Fig. 83; below Fig. V:9). But the octahedron may have “come up” from the Canaanite Fortress Temple 2 whose ruins were used as the foundation of the Israelite administrative building (Idem, 145-147: Fig. 10, 7312). It should be noted that the Sellin expedition (1926-1927) found it difficult to separate the finds of the Canaanite temple from those of the Israelite building. Another die, which was made of kaolin, was found in Stratum III at Lachish (below Fig. V:4). This die has six congruent faces inlaid with white pips numbered from 1 to 6 (Aharoni 1975, L27, p.16, Pls. 15:7; 58). The die could have come from the foundation trenches of the Sun Temple (Strata Ia-B), which are located beneath where it was discovered. A DIE FROM ASHUR. An Assyrian clay die from the time of Shalmaneser III (27 x 27 x 28 mm) was found bearing a cuneiform inscription that identifies it as a puru die of an eponym by the name of Iahali (Ferris 1937, Vol. IX, No. 73; above Fig. III:5). III. The Casting of Prognostication Dice in the Sources The prognostication die from Ashur, the prognostication dice from Mount Ebal and Tel Dan belong, by way of conjecture, to practices referred to in the Bible as “casting lots” and “Urim and Thummim”, in the Scroll of Esther as pur (lot) and as puru in Akkadian. The casting of lots in general and casting a die in particular was done in order to select one possibility from a variety of decisive possibilities. The lot was meant to “indicate” one possibility, “objectively” and correctly, out of a variety of possibilities. It was based on the belief that a divine power was involved in casting the lots or casting the die. There are four methods of divination that were practiced by ancient people: A. the interpretation of dreams; B. observing an object (hepatoscopy13, looking at oil on water, watching a flight of birds, the stars, etc; C. casting lots (such as belomancy, wooden sticks dice, astragals and the lot which falls is the one that decides); D. drawing a lot from inside a container14. In any case deciding by lots was believed to be the will of god and his righteous judgment (Loewenstamm 1954, 459). 12 Figure 10, 73 is a copy of an illustration by G. Welter (1930) who was Selln’s assistant in the excavations at Shechem in 1926-1927 and also served as the director of the excavation for a number of years. 13 Inspecting a liver. 14 The different methods of divination are clearly expressed in the Book of Ezekiel Chapters 21 and 26 and in the Akkadian text STT 73 (Reiner 1960). 93723_07_Beeri 421 06-29-2010, 11:00 422 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF Figure V: Dice from the Land of Israel: 4. Tel Lachish (Aharoni 1975, Pl. 15: 7); 5. Tel Hazor (Yadin et al. 1961: Pl. CCCXXXVI: 15); 6-7. Tel Megiddo (Lamon/Shipton 1939, Pl. 77: 17; Loud 1948, Pl. 163: 23); 8. Tel Dan (Biran 1994, Fig. 157); 9. Tell BalataShechem (Wright 1964, Fig. 83). III.1. The casting of lots in the Bible A divining cup is mentioned in one of the stories about Joseph: “Is it not from this (the cup) that my lord drinks and by this that he divines?” (Genesis 44:5). A explicit reference to the casting of lots and Providence, the results of which determine divine judgment, appears in the Book of Proverbs (16, 33): “The lot is cast into the lap, but the decision is wholly from the Lord”. From this one can conclude that even though man conducts the divination ceremony it is God that ultimately stands behind it. In the case of Joshua and Achen it is the Lord who initiates 93723_07_Beeri 422 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 423 and demands that Joshua cast a lot in order that he himself will arrive at who was guilty of treachery (Joshua 7:16-21). They also would use lots in determining the organization of the priests in the temple. In I Chronicles (24:5) it says that they used lots to divide the functions among the fathers’ houses of the priests, the poets (25:8) and the gatekeepers (26:13)15. Casting lots was also used on Yom Kippur to decide which of two male goats would be sacrificed on the altar as a sin offering to the Lord and which would be sent away into the wilderness to Azazel (Leviticus 16:8-10). There are other events that are described in the Bible which were determined by casting lots: after the Land of Israel was conquered lots were cast to divide it among the tribes of Israel and their families (Numbers 26:55-56; 33:54; Joshua 14-19): “and Joshua cast lots for them in Shiloh before the Lord; and there Joshua apportioned the land to the people of Israel, to each his portion” (Joshua 18:10)16 and this is also how the Levite cities were divided (Joshua 21:4, 6, 10-20). The selection of Saul as king was done by casting lots (I Samuel 10:20-22) and the king cast lots which determined that Jonathan violated his oath to Saul (I Samuel 14). Lot is also the term used regarding the reward and punishment that man will receive at the time of redemption and the coming of the Messiah (Isaiah 34:17; Daniel 12:13). According to the Bible pagans also practiced casting lots: in the Scroll of Esther (3:7) it says that “they cast Pur, that is the lot, before Haman day after day; and they cast it month after month” in order to know when would be the best date to carry out his intention to annihilate the people of Israel. The combination of “cast Pur”, implying a lot, is repeated again in the scroll: “For Haman… had cast Pur, that is the lot, to crush and destroy them” (Esther 9:24). III.2. The casting of lots in non-biblical sources In Akkadian puru is one of the names for lots. According to the Babylonian Epic of Atrahasis “the gods held a bottle (or a jug with a long neck), cast lots and divided it (the universe)” Kutam ihuzu letisha/isqam iddû ilu izzuzu (Soden 1969, 421; 1971, 100; 1978, 55; Hallo 1983, 21). In Assyrian documents from Cappadocia, in documents from the Middle Babylonian period from Nuzi and in the laws of Middle Assyria 15 During the Second Temple period the priests, Levites and the people cast lots to determine the order for bringing the wood offering (Nehemiah 10:35). 16 Compare this with the division of the universe in the Babylonian Epic of Atrahasis. 93723_07_Beeri 423 06-29-2010, 11:00 424 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF – the word puru had the connotation of lot or estate. In Sumer and in Akkad they would cast lots to divide the property of a person who died intestate (Hallo 1983). This meaning is also repeated in a number of documents that are ascribed to the Neo-Assyrian period and the NeoBabylonian period (Tadmor 1971, 446-447; Lewy 1938; 1942, 210211, No. 6). The name pur is derived from the Sumerian word bur, which means bowl. Among other things, they probably used a stone die for casting puru which they would toss in a bowl in an act of divining (Tadmor 1971, 447; Hallo 1983). In Hallo’s opinion the deep bowls with cuneiform inscriptions that were found at Lagash were used as bowls for casting lots (Hallo 1983, 21). It is possible that the base of the krater which was found next to the die from Mount Ebal was used for the same purpose (See Fig. VIb). In Ashur they used puru to choose the Limmu, which was the eponym used to refer to the year. Thus for example, when Shalmaneser III was chosen king of Assyria (858-824 BCE) his selection as leader was considered to be fate. On a clay die from the time of Shalmaneser III, the lot of the eponym is written as Iahali (Fig. III:5). On the faces of the die is written “Oh Assur the great lord oh Adad the great lord, the lot of Iahali the grand vizier of Salmaneser king of Assyria, governor-of-theland (for) the city of Kibshuni (in) the land of Qumeni, the land of Mehrani, Uqu and the Cedar Mountain, and minister of trade – in his Year assigned to him by lot may the harvest of the land of Assyria prosper and thrive, in front of the gods Assur and Adad may his lot fall“(Hallo 1983, 20; 1983b, 27 based on Ferris 1937 Vol. IX, No. 73; Michel 1949, 261 – 264; Albright 1937, 37)17. Hence Tadmor (1971, 447) suggests that the casting of lots was in fact an anticipation and prayer for a blessed year. Shalmaneser himself used lots and it is said that he “cast lots the second time”: “shanuteshu puru… akruru”. In a Neo-Assyrian text from the seventh century BCE (LKA 13718) the practice of casting lots is explicitly mentioned. This was done by means of two dice: one is called “aban ersi”, “the coveted/desired die” and the other is “aban la ersi”, “the die that is not coveted/desired” (Reiner 1960, 25; Iwry 1961, 28, No. 7; Horowitz/Hurowitz 1992). The dice, one of which was black and the other white,19 (and according to the translation by Horowitz/Hurowitz 1992, one is of alabaster and the 17 18 19 93723_07_Beeri The die was first published by Ferris 1937. The text was published by Ebeling 1953, no. 137. Compare with the white die from Mount Ebal. 424 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 425 other of hematite) were, according to the Assyrian author, meant to foretell the future20, and there are those that associate this custom with Urim and Thummim, which are mentioned in the Bible in the books of Exodus 28:30; Leviticus 8:8; Numbers 27:21; Ezra 2:63:; Nehemiah 7:65; and Deuteronomy 33:821 (Reiner 1960, 25, No. 4-5; Lipinski 1970, 496; Horowitz/Hurowitz 1992 and reference therein). Figure VIa: Fragment of the Krater from Locus 86. Figure VIb: Proposed reconstruction of the function of the krater from Locus 86. It is important to emphasize that the die was found outside the krater (adjacent to it). The photograph shows the severed base ring of the krater and the hole that was drilled in its center. We positioned the die inside the krater and one can see that the size of the hole is slightly larger than the dimensions of the die. The die may have been placed with other objects in the bowl and was removed from it by an “act of fate”22. 20 One probably denotes a positive answer and the other a negative one. The answers according to the dice were given quickly according to the selection of one of them. 21 The Urim and Thummim in the Bible are divination objects by which the Lord would express his will to the people by deciding whether to curse or bless (Tur-Sinai 1955). The Bible does not interpret which objects were the Urim and Thummim or how they were used. The implements that were used for the casting of these lots were inside a breastplate (hosen), pocket or square case that the high priest wore as an ephod over his heart (Exodus 28:6). According to Tur-Sinai (1955), Urim and Thummim were meant to determine if a man and his deeds are accursed or not in the eyes of the Lord. 22 In the excavation at Kadesh Barnea (Area F, Stratum 3a-b, Room 853), in the Sinai Penisula, a die-like object was found next to a small bowl that has a hole drilled in the center of its base (Linder 2007, Part 1: 116, 224-226, Fig. 13.4: 6; Part 2: Pl. 13.4: 6; Geva 2007, 226, Pl. 12.2: 1). The context of this find is reminiscent of the die and perforated krater from Mount Ebal. 93723_07_Beeri 425 06-29-2010, 11:00 426 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF In conclusion, it seem that the die, the goblet and the base of the krater that were in the main building at Mount Ebal were used in casting or drawing lots. The customary practice of casting lots, which is specifically mentioned in the Bible and in Akkadian texts, the archaeological finds of dice in close proximity to cultic locations and the explicit use of prognostication dice in Syria and Mesopotamia (as evidenced by text LKA 137 and the die of Iahali) corroborate this theory. BIBLIOGRAPHY AHARONI, Y., 1975 Lachish V. Investigations at Lachish, the Sanctuary and the Residency. Tel Aviv, Gateway. ALBRIGHT, W. F., 1930 The Third Campaign at Tell Beit Mirsim. Bulletin of the ASOR 39, 110. 1933 A Set of Egyptian Playing Pieces and Dice from Palestine, Mizraim I, 130-134, Pl. XIV. 1937 Some Recent Archaeological Publications. Bulletin of the ASOR 67, 36-37. 1938 The Excavations of Tell Beit Mirsim II-The Bronze Age. New Haven, American Schools of Oriental Research. AMIRAN, R./AHARONI, Y., 1967 Ancient Arad. Introductory to Exhibition Held at the Israel Museum, January-April 1967. Jerusalem, The Israel Exploration Society. BIELINSKI, P., 2001 Te1l Arbid Interim Report of the Fifth Season. Polish Archaeology in the Mediterranean XII, 315-326. BIRAN, A., 1994 Biblical Dan. Jerusalem, Israel Exploration Society. Boston,Museum of Arts. 1982 Egypt Golden Age, The Art of Living in the New Kingdom 15581085 B.C., Exhibition held at the Museum of Fine Arts. Boston, Baltimore. BRANDLE, B., 1986-7 Two Scarabs and Trapezoidal Seal from Mount Ebal. Tel Aviv 13-14, 166-189. CARNAVON, E./CARTER, H., 1912 Five Years Explorations at Thebes, A Record of Work Done 19071911. London, Oxford University Press. DALAS, G. F., 1968 Of Dice and Men, in Essays in Memory of E.A. Speiser, ed. W. W. Hallo. New Haven, Connecticut, American Oriental Society, 14-23. 93723_07_Beeri 426 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 427 DAVIAU, P.M./DION P-E., 2002 Economy-Related Finds from Khirbat al-Mudayna (Wadi ath-Thamad, Jordan), Bulletin of the ASOR 328, 31-48. EBELING, E., 1953 Literarische Keilschrifttexte aus Assuur. Berlin, Akademie-Verlag. EGGLER, J/HERR, L. G./ROOT, R., 2002 Seals and Seal Impressions from Excavations Seasons 1984-2000. In Herr, L.G., Clark, D.R., Geraty, L.T., Younker, R.W. and LaBianca Ø, S. Madaba Plains Project, ‘Umayri 5, Berrien Springs, Michigan, Andrews University Press, 239-304 ELLIS, R.S./BUCHANAN, B., 1966 An old Babylonian Gameboard with Sculptured Decoration. Journal of Near Eastern Studies 25, 192- 201. FERRIS, S.J., 1937 Votive and Historical Text from Babylonia and Assyria (Yale Oriental Series, Babylonian Text 9). New Haven, Yale University Press. FRANKFORT, H., 1933 Tell Asmar, Khafaje and Khorsabad – Second Preliminary Report of the Iraq Expedition. Chicago, The University of Chicago press. GADD, C. J., 1934 An Egyptian Game in Assyria. Iraq I, 45-50. GEVA, A., 2007 The Small Finds, in: Cohen, R. and Bernick-Greenberg, H. (eds.), Excavations at Kadesh Barnea (Tell el-Qudeirat) 1976-1982, Parts I-II (IAA REPORT 34/1-2), Jerusalem: Israel Antiquities Authority, 113119. HALLO, W. W., 1983a The First Purim, The Biblical Archaeologist 46, 19 – 29. 1983b The Die of Iahali, The Biblical Archaeologist 46, 27. HAYES, W. C., 1959 The Scepter of Egypt. A Background for the Study of the Egyptian Antiquities in The Metropolitan Museum of Art – Part II, The Hyksos Period and the New Kingdom (1675-1080 B.C.). Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press. HERZOG, Z., 1997 Arad – The Arad Fortresses. Tel Aviv, Hakibbutz Hameuchad Publishing House, Israel Exploration Society and the Israel Antiquities Authority. HOROWITZ, W./HUROWITZ, V., 1992 Urim and Thummim in Light of Psephomancy Ritual from Assur (LKA 137). Journal of Near Eastern Studies 21, 95-115. IWRY, S., 1961 New Evidence for Belomancy in Ancient Palestine and Phoenicia. Journal of the American Oriental Society 81 (No. 1), 27-34. KEEL, O., 2006 Corpus der Siegel-Amulette aus Jordanien (OBO 25). Freiburg, Schweiz, Universitatsverlag. 93723_07_Beeri 427 06-29-2010, 11:00 428 RON BEERI – DROR BEN-YOSEF LAMON, R.S./SHIPTON, G. M., 1939 Megiddo I, Seasons of 1925-1934; Strata I-V. Chicago, The University of Chicago press. LENDER, Y., 2007 Area F: The Area North of the Strata 3-2 Fortresses in: Cohen, R. and Bernick-Greenberg, H. (eds.), Excavations at Kadesh Barnea (Tell el-Qudeirat) 1976-1982, Parts I-II (IAA REPORT 34/1-2), Jerusalem: Israel Antiquities Authority, 113-119. LAWLOR, J., 1989 The Ammonite Citadel, In: T. Geraty (ed.),Madaba Plains project, the 1984 Season at Tell el-Umeiri and vicinity and subsequent studies, Lawrence, Berrien Springs, Michigan. Andrews University Press, 233-243. LEWY, H., 1938 Old Assyrian puru’ um and purum, Revue hittite et asianique 36, 117124. 1942 The Nuzian Feudal System, Orientalia 11, 1-40, 209-250, 297-349. LIPINSKI, E., 1970 Urim and Tummim, Vetus Testamentum 20, 495-496. LOUD, G., 1948 Megiddo II, Seasons of 1935-9. Chicago, The University of Chicago press. MACALISTER, R. A. S., 1912 The Excavation of Gezer 1902 – 1905 and 1907-1909 (Vol. III). London, Published for the Committee of the Palestine Exploration Fund. LOEWENSTAMM, S. E., 1954 “Goral, Goraloth”, Encyclopaedia Biblica II, Jerusalem, Bialik Institute, 459-461 [Hebr.]. MAZOR, E., 1994 Giologiya bepatish yisraeli. Tel Aviv, The Open University of Israel [Hebr.]. MCCOWN, E./HAINES, R. C., 1967 Nippur I – Temple of Enlil, Scribal Quarter, and Soundings. Excavations of the Joint Expedition to Nippur of the University of Philadelphia and The Oriental Institute of the University of Chicago. Chicago, The University of Chicago Press. MICHAEL, E., 1947-53 Die Assur-Texte Salmanessars III (858-824), Die Welt des Orients 1, 5-20, 57-71, 205-222, 255-271, 385-396, 454-473. PLATT, E. E., 1989 ‘Umeiri Objects, Madaba Plains project, the 1984 season at Tell elUmeiri and vicinity and subsequent studies, T. Geraty (ed.), Lawrence, Berrien Springs, Michigan, Andrews University Press in cooperation with the Institute of Archaeology. PETRIE, W. M. F., 1933 Ancient Gaza III, Tell el Ajjul. London, British School of Archaeology in Egypt, University College, Bernard Quaritch. 93723_07_Beeri 428 06-29-2010, 11:00 GAMING DICE AND DICE FOR PROGNOSTICATION IN THE ANCIENT EAST 429 1934 Ancient Gaza IV, Tell el Ajjul. Idem. PRITCHARD, J. B., 1954 The Ancient Near East In Pictures Relating to the O.T. Princeton, New Jersey, Princeton University Press. REDFORD, D., 2001 The Oxford Encyclopedia of Ancient Egypt 2. Oxford, Oxford University Press. REINER, E., 1960 Fortune-Telling in Mesopotamia. Journal of the American Oriental Society 19 (No. 1), 23-35. SABBANE, M., 1991 EB and MB I Board Games in Canaan and the Origin of the Egyptian Senet Game. Eretz-Israel 22, 233-238 [Hebr.]. SPEISER, E. A., 1935 Excavations at Tepe Gawara I – Levels I-VIII. Philadelphia, Published for the ASOR by the University of Pennsylvania Press. SODAN, W.V., 1969a Als die Götter (auch noch) Mensch waren, Einige Grundgedanken des altbabylonischen Atramhasis-Mythus, Orientalia 38, 415-432. 1969b Further Comments on the Interpretation of Atra-hasis, Orientalia 40, 99-101. 1978 Die erste Tafel des altbabylonischen Atramhasiis-Mythus. ‘Haupttext' und Parallelversionen, Zeitschrift für Assyriologie und Vorderasiatische Achäologie 68, 50-94. TADMOR, M., 1971 “Pur”, Encyclopaedia Biblica VI, Jerusalem, Bialik Institute, 446447 [Hebr.]. TUR SINAI, N. H., 1955 “Urim and Thummim”, Encyclopaedia Biblica I, Jerusalem, Bialik Institute, 179-183 [Hebr.]. WOOLLEY, C. L., 1934 The Royal Cemetery, A Report on the Predynastic and Sargonid Graves Excavated Between 1926 and 1931, London, British Museum. 1956 Ur Excavations Vol. IV, The Early Periods. Philadelphia, Pennsylvania, The British Museum Press. WRIGHT, G. E., 1964 Shechem. The Biography of a Biblical City. New York, McGraw-Hill. YADIN, Y./AHARONI, Y./DUNAYEVSKY, I./DOTHAN, T./DOTHAN, M./AMIRAN, R./PERROT, J., 1961 Hazor III-IV, An Account of the Third and Fourth Season of Excavation, 1957-1958. Jerusalem, Israel Exploration Society. 93723_07_Beeri 429 06-29-2010, 11:00 4302010 - T. 117-3 (pp. 430-434). ÉTIENNE NODET RB. NOTES PHILOLOGIQUES LE MEURTRE DE ZACHARIE FILS DE BARACHIE (Mt 23,35) PAR Étienne NODET, o. p. École biblique, POB 19053 JERUSALEM nodet@ebaf.edu En Lc 11,50-51, Jésus annonce que le sang de tous les prophètes sera réclamé à cette génération, depuis le sang d’Abel, jusqu’au sang de Zacharie, «∞∞qui périt entre l’autel et le temple (o÷kou)∞∞». Ce Zacharie doit être connu pour que l’invective ait un sens, mais son identité reste débattue. Dans une étude récente, I. Kalimi1 examine diverses possibilités puis finit par admettre une explication largement reçue∞∞: puisque Abel représente le premier meurtre biblique en contexte cultuel, Zacharie doit être le dernier. De fait, le dernier meurtre rapporté dans le TM se lit en 2 Ch 24,20-21 et paraît convenir∞∞: après la défaite d’Athalie, le roi Joas fit lapider sur le parvis du temple Zacharie fils du grand prêtre Yehoyada. L’objet de cette note est de discuter cette identification, car elle convient mal à la version parallèle de Mt 23,35 «∞∞depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire (naoÕ) et l’autel∞∞». Le nom est différent, et l’apostrophe est expressément dirigée contre les scribes et les pharisiens, qui sont au mieux des héritiers très lointains du roi Joas. I Il y eut d’autres assassinats graves en Judée, certainement postérieurs à l’époque de Joas. Selon 2 R 25,25 Ishmaël, de race royale, assassina Godolias, que les Babyloniens avaient institué gouverneur des rescapés de Juda, après la 1 Isaac KALIMI, «∞∞The Story about the Murder of the Prophet Zechariah in the Gospels and Its Relation to Chronicles∞∞», RB 116 (2009), p. 246-261. Ses abondantes références bibliographiques ne sont pas reprises ici. 93723_08_NotesPhil 430 06-29-2010, 11:01 431 NOTES PHILOLOGIQUES chute de Jérusalem∞∞; Jr 41,1-18 développe longuement l’épisode. Josèphe rapporte que vers la fin de l’époque perse le grand prêtre Yohanân (cf. Ne 12,22) tua dans le temple son frère Josué qui espérait l’évincer, et «∞∞jamais un acte aussi sauvage et aussi impie n’avait eu lieu ni chez les Grecs ni chez les Barbares∞∞». Si l’on suit l’ordre des livres du TM, le meurtre de Zacharie est effectivement le dernier rapporté, car les Chroniques viennent en dernier – et omettent d’autres meurtres signalés par les récits parallèles de 2 R. Cela ne concorde pas avec la chronologie des événements, puisque d’autres livres placés avant relatent des épisodes expressément postérieurs (Ag, Za, Est, Dn, Esd-Ne). Cependant, l’ordre actuel des livres du TM n’est pas nécessairement très ancien. Le prologue du traducteur du Siracide mentionne «∞∞la Loi, les Prophètes et les autres livres ancestraux∞∞» (l. 8-10), mais ce n’est guère spécifique. Josèphe évoque une liste de vingt-deux livres autorisés (CAp 1∞∞:39-40)∞∞: cinq de Moïse, treize Prophètes et quatre de sagesse et d’hymnes∞∞; il indique qu’il a d’autres livres ultérieurs, mais d’autorité moindre. Il ne détaille pas davantage, mais les Chroniques ne sont certainement pas à la fin de la liste principale. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’elles y figuraient. Par exemple, dans l’esquisse préliminaire du livre VII des Antiquités2, Josèphe suit pas à pas 2 S, puis dans la rédaction finale il consacre un quart du livre (§275-350) au culte selon 1 Ch, au point de suggérer que c’est David qui a tout organisé concrètement et presque bâti le temple∞∞; 1 Ch paraît avoir été pour lui une sorte de dossier annexe. En effet, la position très modeste de 1-2 Ch dans le TM est probablement due à des doutes sur son autorité∞∞: la Mishna déclare que trois rois d’Israël n’auront pas part au «∞∞Monde qui vient∞∞» (Royaume, résurrection)∞∞: deux rois du Nord, Jéroboam et Achab, et un roi de Jérusalem, Manassé (m.Sanhedrin 10∞∞:2), dont les méfaits sont rapportés en 2 R. Un maître essaie de faire valoir que selon 2 Ch 33,11-19 (passage sans parallèle dans 2 R) Manassé s’est converti et qu’il ne peut être exclu, mais l’objection est sommairement écartée. En clair, cela signifie qu’un argument tiré de 1-2 Ch n’a aucun poids. Un autre cas montre que l’ordre des livres du TM n’est pas très ancien∞∞: il ressort d’un récit du Talmud que le livre de Dn, connu comme Prophète à Qumrân (4 Q 174∞∞; 11 Q Melk 1∞∞:4-18), a été déclassé en Écrit, car il risquait de révéler des secrets divins (b.Megila 3a). II Cependant, ces considérations sur la chronologie biblique ou l’ordre des livres apportent peu. Plus important est d’observer que selon 2 Ch 24,20-22 Zacharie fils de Yehoyada dit en mourant∞∞: «∞∞Que Yhwh voie et recherche (ou “∞∞juge∞∞”)∞∞» (wvrdiv evei ari, ÷doi kúriov kaì krinátw). De plus, «∞∞l’Esprit de Dieu revêtit∞∞» Zacharie (v. 20). Autrement dit, il s’agit d’un prophète assassiné 2 Les «∞∞tables des matières∞∞» des divers livres des Antiquités en reflète très mal le contenu, et se comprennent bien mieux comme esquisses préliminaires, avant l’ajout de compléments découverts ensuite, cf. Étienne NODET, Flavius Josèphe. Baptême et résurrection, Paris, Cerf, 1999, p. 126-135. 93723_08_NotesPhil 431 06-29-2010, 11:01 432 ÉTIENNE NODET à Jérusalem, avec l’annonce d’une suite. Parallèlement, après le meurtre d’Abel, Dieu dit à Caïn (Gn 4,10)∞∞: «∞∞La voix du sang (imd, LXX singulier) de ton frère crie vers moi du sol.∞∞» Le pluriel imd suggère soit un coût à régler, soit l’instance d’une postérité qui n’a pas pu exister (Ibn Ezra). Il y a donc la perception d’un poids historique qui doit être porté. En Lc 11,50 Jésus ne dit pas autre chose∞∞: il annonce l’imminence de la résolution d’une crise issue d’un passé lointain. Cette notion de solidarité des générations est biblique∞∞: elle figure dans le Décalogue (Ex 20,5-6), d’où un débat sur la responsabilité personnelle (Ez 18,1-9). Mais le poids des événements reste∞∞: par exemple, la mort fortuite à Megiddo de Josias, le roi juste, lors d’un engagement inutile contre une armée étrangère (2 R 23,29), est un scandale à réparer∞∞: une réécriture introduit le péché de Josias en 2 Ch 35,19-25, avec une lamentation de Jérémie, dont Za 12,11 garde un écho∞∞; en Ap 16,16 Armagedôn est le point de rassemblement des rois du monde pour un ultime combat eschatologique, où ils seront défaits. La même solidarité est constante dans diverses lamentations qui s’attachent aux causes de malheurs présents, par exemple Ne 9,34∞∞: «∞∞Nos rois, nos chefs, nos prêtres et nos pères n’ont pas suivi ta loi.∞∞» Une telle solidarité est à la base de l’argumentation de Paul (Rm 5,12)∞∞: «∞∞Par un seul homme le péché est entré dans le monde.∞∞» En sens inverse, dit-il aussi, les Israélites restent «∞∞selon l’élection, chéris à cause de leurs pères∞∞» (Rm 11,28). III Ainsi, le Zacharie de Lc 11 se comprend aisément comme allusion à Zacharie fils de Yehoyada. Mais il reste la version de Mt 23, et l’on se demande ce qu’a bien pu dire Jésus. Si Lc est premier, on ne voit pas bien la raison d’une telle déformation de son propos, car avec «∞∞fils de Barachie∞∞» l’allusion scripturaire est brouillée, ce qui constituerait une anomalie. Si au contraire Mt est premier, on peut comprendre une réinterprétation de Lc selon une ligne plus scripturaire, mais on ignore tout de ce Zacharie, qui devrait pourtant être un notable contemporain assassiné au temple. Avant de rechercher les ipsissima verba de Jésus3, il convient d’examiner le contexte. En Lc 11,46-52, Jésus s’en prend aux légistes∞∞: «∞∞Vous bâtissez les tombeaux des prophètes, et ce sont vos pères qui les ont tués.∞∞» Cela correspond aux desseins de la «∞∞Sagesse de Dieu∞∞», pour que des comptes soient demandés «∞∞à cette génération∞∞». Le cas d’Abel et Zacharie s’insère parfaitement, comme référence biblique. Il n’en est pas de même du parallèle Mt 23,13-36, bien que les éléments constituants soient semblables∞∞: après une série de sept malédictions de Jésus contre les scribes et les pharisiens vient une accusation directe, de style différent∞∞: «∞∞J’envoie vers vous des prophètes […] vous en tuerez […] pour que retombe sur vous tout le sang juste […], depuis le sang 3 Le passage, absent de Mc, a été rattaché à Q, mais l’effort pour retrouver une source commune à Mt et Lc, fondé sur des considérations purement lexicales, n’aboutit à rien d’utile, cf. James R. ROBINSON, Paul HOFFMANN & John S. KLOPPENBORG, The Critical Edition of Q, Minneapolis, Fortress Press & Leuven, Peeters, 2000, Q 11∞∞:51. 93723_08_NotesPhil 432 06-29-2010, 11:01 433 NOTES PHILOLOGIQUES d’Abel le juste, etc.∞∞». L’accusation se détache des invectives, avec une allusion à des assassinats contemporains. Au lieu de se résigner à ne rien savoir sur un Zacharie au temps de Jésus, on peut examiner l’époque ultérieure de l’évangéliste. On trouve alors un Zacharie fils de Baruch4 qui convient parfaitement. Josèphe rapporte (G 4∞∞:334-344) qu’en 67, alors que Vespasien vainqueur en Galilée se préparait à marcher sur Jérusalem, les zélotes massacraient de nombreux Jérusalémites, avec l’aide d’Iduméens révoltés. En particulier, ils voulurent tuer légalement ce Zacharie, un notable riche, intègre et influent. Ils convoquèrent au temple un faux sanhédrin de soixante-dix citoyens honorables pour l’accuser de haute trahison en faveur des Romains. L’assemblée refusa ce jeu et l’acquitta∞∞; furieux, deux zélotes se précipitèrent alors et le tuèrent sur-le-champ, «∞∞au milieu du temple (ïer¬ç)∞∞», c’est-à-dire dans une salle du parvis intérieur, proche du sanctuaire et de l’autel. On ne sait trop quelles ont été exactement les paroles de Jésus, mais que Mt ait pu y introduire des éléments postérieurs n’est pas inhabituel. Par exemple, la parabole des invités qui refusent de venir à un festin nuptial se trouve en Mt 22,1-14 et Lc 14,15-24 sous deux formes suffisamment différentes pour exclure toute dépendance directe. Or Mt 22,6-7 insère, entre le refus des invités et l’envoi des serviteurs pour parcourir les routes, une colère du roi qui fait attaquer et incendier la ville des invités rétifs, tout cela pendant que le festin est prêt. L’allusion à la ruine de 70 est transparente. IV L’hypothèse présentée se résume donc ainsi en deux phases∞∞: d’abord l’insertion après les malédictions de Mt d’une accusation d’assassinat incluant Zacharie fils de Baruch et identifiant scribes et pharisiens aux zélotes∞∞; ensuite, une reprise par Lc qui, plus éloigné des faits, réinterprète d’après un autre Zacharie mieux connu, en omettant le nom de son père∞∞; il a pu être inspiré de Lm 2,20 «∞∞Fallait-il qu’au sanctuaire du Seigneur soient tués prêtre et prophète5∞∞?∞∞». C’est le fils de Yehoyada, tué sur le parvis alors qu’il prophétisait6. On peut ajouter que Mt est déjà à distance de ses sources, puisque chez lui Baruch est devenu Barachie (Baraxíav), nom semblable. Il y a certainement une influence du nom du prophète Zacharie, lui aussi fils de Barachie (Za 1,1), 4 Les meilleurs mss mettent bareis∞∞; des témoins secondaires ont barouxou ou bariskaiou, mais la version slavone, qui remonte à un grec antérieur à tous les mss connus et ne peut dépendre des évangiles, a «∞∞Barukh∞∞», cf. Henry & Kate LEEMING, Josephus’ Jewish War and Its Slavonic Version. A Synoptic Comparison, LeidenBoston, Brill, 2003, ad loc. 5 Selon Esd 5,1 le prophète Zacharie est fils d’Iddo (petit-fils pour Za 1,1) et le targum de Lm 2,20 ajoute «∞∞comme vous avez tué Zacharie fils d’Iddo, grand prêtre et prophète véridique, dans le sanctuaire du Seigneur∞∞». L’influence littéraire du prophète domine. 6 Julius WELLHAUSEN, Einleitung in die drei ersten Evangelien, Berlin, Vlg G. Reimer, 1905, p. 118-120, aboutissait à des conclusions analogues, mais il se fondait surtout sur le rejet supposé de 1-2 Ch par les milieux entourant Jésus. 93723_08_NotesPhil 433 06-29-2010, 11:01 434 ÉTIENNE NODET et certainement plus familier. L’hypothèse inverse, que Mt dépende de Lc, n’explique ni le changement de nom (que Yehoyada implicite devienne Barachie) ni les accusations de meurtre. Le NT ne cite pas 1-2 Ch comme Écriture, mais le cas discuté montre une allusion discrète. Elle est de même ampleur que bien d’autres détails attestés par des écrits juifs de l’époque. Ces allusions sont toujours diffuses, contrairement aux renvois scripturaires, explicites ou non, et elles ne préjugent en rien de la canonicité (ultérieure) de ces écrits. Un autre exemple le montre∞∞: le TM n’a pas retenu 1 Maccabées hébreu, que Josèphe connaissait, mais le NT y fait allusion. Par exemple, après la disparition de Jésus, deux disciples quittaient Jérusalem, déçus que Jésus n’ait pu «∞∞délivrer Israël∞∞», c’est-à-dire chasser les Romains. Après cet échec, ils se rendaient à «∞∞Emmaüs∞∞». Un tel trajet peu glorieux de Jérusalem à Emmaüs a un sens symbolique précis, car selon 1 M 4,1-15, c’est par une victoire contre l’occupant grec à Emmaüs que Judas ouvrit la route vers la libération de Jérusalem, c’est-à-dire la «∞∞délivrance d’Israël∞∞»∞∞; la bataille avait d’ailleurs été préparée selon les stipulations de la guerre sainte (Dt 20,5-9). La référence est diffuse, et il n’est même pas sûr qu’elle ait été claire pour le rédacteur final de Lc. Jérusalem, juillet 2009 93723_08_NotesPhil 434 06-29-2010, 11:01 RB. 2010 - T. 117-3 (pp. 435-455). 435 RECENSIONS RECENSIONS Le premier manuscrit du Livre d’Hénoch. Étude épigraphique et philologique des fragments araméens de 4Q201 à Qumrân, par Michaël LANGLOIS, (Lectio Divina hors série), Le Cerf, Paris 2008. Broché 13,5 x 21,5, 605 p., ISBN 978-2-204-08692-9 ISSN 0750-1919. En 1976, J.T. Milik présentait une savante édition préliminaire des fragments araméens des manuscrits de 1 Hénoch qu’il avait identifiés et estimait avoir remis en place1, réservant l’editio princeps de tous les fragments repérés dans le volume alors programmé dans les Discoveries in the Judaean Desert. En effet, la communauté scientifique l’attendait impatiemment depuis le jour de septembre 1952 où, fouillant la grotte 4, il dit avoir identifié in situ des fragments araméens de cet Apocryphe. Ayant fourni une abondante documentation et une hypothèse de composition du livre, il attendait les premières réactions des collègues qui, dans l’ensemble, furent très positives, même si des réserves ont été exprimées sur tel ou tel détail, en particulier sur la datation des Paraboles qui auraient remplacé le Livre des Géants d’un pentateuque hénochite. Mais des considérations étrangères à la science l’empêchèrent d’en fournir l’editio princeps, tant les jalousies l’emportèrent sur la déontologie. Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, E. Tov, nouvel éditeur en chef, redistribua la publication des manuscrits des lots de la grotte 4 attribués à Milik et à Strugnell et confia à d’autres la publication des derniers fragments identifiés par Milik mais non replacés dans la composition. Ainsi parurent de brèves notes en DJD XXXVI, et l’ensemble des fragments du Livre Astronomique et du Livre des Géants de son lot, l’editio princeps de cet ensemble de fragments ne lui paraissant plus nécessaire. On peut regretter cette décision d’un opus imperfectum sur 1 Hénoch araméen. Pour sa thèse de doctorat à l’EPHE de Paris, M. Langlois a choisi d’étudier à nouveau frais les restes du seul manuscrit 4Q201 (= 4QHena), estimant qu’une «∞∞nouvelle editio princeps (sic, p. 9) était indispensable∞∞», en mettant à profit les travaux récents et les nouvelles technologies informatiques. Il a voulu jeter un regard neuf sur ces fragments, en laissant de côté dans un premier temps les précédentes publications, mais l’a. n’est pas le premier déchiffreur ni l’éditeur 1 J.T. MILIK, The Books of Enoch. Aramaic Fragments of Qumrân Cave 4, with the collaboration of M. Black, Oxford 1976. 93723_09_Recensions 435 06-29-2010, 11:02 436 REVUE BIBLIQUE de ces fragments. En outre, il avertit qu’il transcrira l’éthiopien et l’ugaritique (p. 9), mais en fait il livre l’un et l’autre, ce qui alourdit inutilement la lecture. Nul besoin de donner les quelques mots en alphabet cunéiforme, la transcription suffit largement, cela n’apporte rien mais relève de la pédanterie, tout au plus tolérera-t-on le ge¨ez en l’une ou l’autre forme pour le lecteur qui ne connaîtrait pas cette écriture. L’usage abondant et constant du «∞∞nous∞∞» superfétatoire après le «∞∞je∞∞» de l’avant-propos finit par agacer, sans parler des fautes de grammaire (e. g. «∞∞conduits∞∞», p. 489), et fait très prétentieux, alors que l’a. ne fait le plus souvent que reprendre la lecture et l’identification de l’éditeur. L’a. aurait dû se limiter aux points discutables. Cela aurait rendu de bien plus grands services au lecteur. Après des listes et abréviations, est situé le personnage Hénoch dans la Bible (p. 21-4), la littérature juive (p. 24-34, mais rien sur les Jubilés, etc.), chrétienne ancienne (p. 35s) et enfin hénochienne (p. 36-44). On est surpris de ne pas voir mentionnés les manuscrits qumraniens hébreux et araméens où figure Hénoch (p. 56 est autre chose). Enfin, l’a. présente «∞∞le Livre d’Hénoch à Qumrân∞∞» (p. 44-50), en soulignant les insuffisances de l’édition préliminaire, l’absence d’editio princeps et l’importance des outils informatiques de traitement photographique permettant d’améliorer considérablement la lisibilité des fragments (sic, p. 49), ainsi que la recherche de termes et la comparaison avec les versions anciennes, grecques et éthiopiennes, (en particulier la publication récente de Kébran 9 depuis l’étude de Milik). Vient ensuite (p. 51-55) l’inventaire des manuscrits de 1 Hénoch araméen d’après le regroupement des fragments par Milik sur les Planches du Palestine Archaeological Museum en vue de l’editio princeps de son lot∞∞: 4Q201, 202, 204, 205, 206 (signalant en passant ma discussion des fragments 2 et 3 attribués à 4Q206a), 207, 4Q208 à 211 (= Hénoch astronomiquea-d) et 4Q212. On doit noter toutefois que les fragments d’Hénoch astronomique sont numérotés et déchiffrés dans la Concordance manuelle editorum in usum, même si Milik n’a pas publié tous les fragments de ces manuscrits dans son livre de 1976. Est aussi mentionnée la nouvelle identification des fragments grecs de la grotte 7 à l’Épître d’Hénoch que j’ai proposée en son temps, mais j’émets des doutes sur l’authenticité de XQpapHen. Puis viennent des considérations méthodologiques (p. 56-59)∞∞: recensement des fragments et étude paléographique en vue d’une datation et du déchiffrement, en faisant appel à toutes les photographies disponibles, et en utilisant les outils informatiques de traitement de l’image et de restauration, en vue d’identifier les fragments sur fond des traductions grecques et éthiopiennes. Plus modestement, il s’agit d’une vérification de l’édition de Milik plutôt que d’une révolution éditoriale. La partie centrale consiste en une mise en œuvre de la méthodologie énoncée, mais la vérification de son application n’est pas sans réserver des surprises, à commencer par le répertoire des photographies (p. 61). On relève des erreurs et des manques, e. g.∞∞: PAM 42.227 ne porte pas d, 43.197 ne porte pas d qui est sur 43.198, mais y ajouter q,r,s, PAM 41.665 porte aussi 2, PAM 42.228 porte aussi t et 7, manquent PAM 40.627 c ii 16-21, PAM 41.593 r, PAM 42.446 d,g,u, sans que ces remarques visent l’exhaustivité, ne disposant pas du lot complet des photos du PAM. 93723_09_Recensions 436 06-29-2010, 11:02 437 RECENSIONS La paléographie réserve elle aussi des surprises. Les descriptions des tracés des lettres sont des plus alambiquées, et le plus souvent incohérentes, ainsi les tracés des alef, he et Ìet faussement décrits, celui du †et jamais tracé en continu, sans trait qui remonte mais avec une crosse très réduite, oubli de signaler des tracés de mem médial dans la forme du mem final, le pe n’est pas tracé à la façon du bet mais porte une crosse plus ou moins marquée, etc. Les descriptions démontrent l’ignorance de la séquence des tracés d’une lettre et de leurs directions, ainsi par exemple pour les qof, res et taw. L’art de la paléographie relève de la rigueur dans l’étude du tracé des lettres en les situant dans l’histoire de leur évolution, tous les tracés s’inscrivant dans un module idéal selon un ductus précis que chaque scribe s’efforce de reproduire et de traduire dans sa propre main. Ceci a toute son importance pour l’identification de lettres mal conservées en particulier et pour la datation de la copie. L’étude des fragments commence par présenter à l’échelle 1/1 les différentes reproductions connues de l’a., mais celles-ci ne rendent pas la clarté du papier glacé des planches d’une publication. Les agrandissements livrent le plus souvent des tracés flous, au point que l’étude paléographique apporte rarement du nouveau, et la multiplication des propositions de lecture montre le manque de maîtrise dans ce domaine où Milik excelle généralement2. Viennent ensuite des considérations générales sur l’araméen du manuscrit, phonologie, lexicographie et syntaxe (p. 423-53), tributaires de la valeur du déchiffrement, e. g. l’emploi du waw comme voyelle brève (p. 430s) dans twmy’l de lecture assurée. Mais l’absence de traces de l’araméen des targums ne saurait surprendre. La reprise des explications des noms angéliques est assez inutile, d’autant que des lectures sont à revoir et que plusieurs interprétations sont plus que discutables (p. 441-47)3. Il est très douteux que dans lbÌ[yryn à l’état absolu en 1c 1, le lamed soit accusatival (p. 449) et non la préposition dans l’expression «∞∞dire une bénédiction pour X∞∞», qui explique bien mieux la lecture et la construction proposée par Milik, ainsi que sa restauration nécessaire pour un alignement à la marge. Il va de soi qu’une datation de la composition est toujours délicate. La plus claire est la datation paléographique, déjà donnée par Milik dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C., car il est impossible de savoir si un copiste a, ou n’a pas, introduit des formes grammaticales contemporaines. Quant aux affinités avec l’araméen galiléen et samaritain, on ne peut rien en dire, vu l’absence de textes littéraires contemporains. La liste des passages attestés (p. 455-7) dépend elle aussi de l’exactitude du déchiffrement, et on doute très fortement des identifications proposées en dehors du Livre des Veilleurs, comme celle des fragments 1l en 1 Hénoch 93,4, 1o en 102,7, et 2 au Livre des Géants, propositions certainement à rejeter. Il est 2 La vérification de ces lectures fait l’objet d’une longue note à laquelle je renvoie le lecteur intéressé, voir É. PUECH, «∞∞Notes sur le manuscrit araméen 4Q201 = 4QHénocha. À propos d’un livre récent∞∞», RQ 96 (2010). 3 Voir M. Sokoloff, «∞∞Notes on the Aramaic Fragments of Enoch from Qumran Cave 4∞∞», Maarav, 1 (1978-79) 197-224, p. 207, pour une interprétation et traduction correctes. 93723_09_Recensions 437 06-29-2010, 11:02 438 REVUE BIBLIQUE clair qu’on doit accepter les placements de 1u, 1d, 1t et 1k par l’éditeur. Je propose de nouvelles identifications qui demandent de réviser fortement celles de l’a. Et sur ce point encore, ses conclusions sont en net recul sur l’édition préliminaire. La synopse (p. 457-76) reprend en les regroupant les passages étudiés, mais on doit la réviser assez sensiblement et la compléter compte tenu des corrections indispensables. Enfin la comparaison avec les versions (p. 456-86) permet à l’a. de conclure à une unique traduction grecque de l’araméen à l’origine des variantes grecques et éthiopiennes. Bien des études doivent encore être menées pour aboutir à un schème dûment fondé (p. 486). Une courte conclusion (p. 487-9) résume les étapes et les résultats de la mise en œuvre de la méthodologie suivie. Elle montre à tout le moins ses limites par le manque de maîtrise paléographique, alors que l’œil entraîné de Milik avec la même loupe utilisée par tous les membres de l’équipe internationale avait déjà donné des résultats plus que probants et le plus souvent bien préférables. La binoculaire peut aider, mais rien ne remplace le contact des originaux et l’entraînement de l’épigraphiste. La méthodologie mise en œuvre n’a pas abouti à des résultats aussi probants qu’espérés, ni révolutionné la publication par une méthode de restauration que l’on voudrait sûre, la réécriture manuelle étant tout aussi probante et efficace. La plupart des nouvelles propositions ne sont pas à retenir, et on est très loin de la centaine de lectures différentes estimée par l’a. (p. 489). Le total doit être drastiquement réduit, d’autant que des corrections ont été faites avant lui. On aurait souhaité que des notes présentent plus clairement les acquis de ses devanciers. Enfin sont donnés une bibliographie sélective (p. 492-510) où manquent quelques études (e.g. RQ 76 [2000] 607-16, Milik 1981 cité dans cette note, etc.) touchant directement ce sujet, alors que bien d’autres sont superflues, des concordances qui peuvent être utiles mais une fois mises à jour (p. 511-83), et enfin des index des citations et des auteurs (p. 583-602). En fait d’une «∞∞nouvelle editio princeps∞∞», il n’en est rien. Était-il nécessaire de publier toutes ces considérations∞∞? Une étude paléographique bien menée se résume à quelques mots. Dégagé des très nombreuses répétitions et très fortement réduit, le livre aurait gagné en clarté et en utilité pour le lecteur qui aura du mal à trouver où se cache une lecture à retenir. Un gros travail reste encore à faire, en essayant de restaurer, à partir des versions, d’autres passages pour une mise en colonne acceptable des sept petits fragments qui restent à identifier, seule manière de remettre en place des fragments qui appartiennent manifestement au même contexte. L’a. a voulu en rester à un supposé déchiffrement indépendant de celui de l’éditeur, mais le sien est certainement en retrait de l’édition préliminaire. Connaissant bien mieux le ge¨ez que l’épigraphie, il aurait pu exploiter cet avantage dans l’étude de 4Q201. En fin de compte, on doit admettre que «∞∞les nouveaux outils informatiques de traitement photographique n’ont pas permis d’améliorer considérablement la lisibilité des portions∞∞» mal conservées, ce qui était le but visé (p. 49). Seules des vérifications justifiaient l’entreprise, mais y avait-il matière à une thèse avec les seuls versets de 4Q201, sans l’exploitation plus avancée des parallèles 93723_09_Recensions 438 06-29-2010, 11:02 439 RECENSIONS relevés par Milik en 4QHénochb-c ∞∞? Ce livre, qui aurait dû être réduit à un article, oblige le lecteur à se mettre à une étude paléographique précise et à vérifier à nouveau l’étude préliminaire et magistrale de Milik, éditeur à l’intuition inégalée. Émile PUECH The Copper Revolution. Smelters from Canaan and the Beginning of Civilization, par Gérard N. AMZALLAG (en héb.). 14x22∞∞; 392 p. Shani-Livna (IL), Hameara Publishing House, 2008. — NIS 98 (ISBN 978 965 91156 0 0). Sous ce titre courageux l’A., de l’université de Béershéva, propose une thèse de grande amplitude sur l’origine de la civilisation comme ensemble des acquisitions d’une société humaine, par opposition soit à la nature soit à la barbarie. Ce fondement lointain, postérieur cependant à la révolution liée à la découverte de la céramique, ne serait autre que l’invention de la métallurgie du cuivre, c’est-à-dire de la transformation d’un minerai, d’une terre, en une coulée brûlante de métal, utilisable ensuite directement ou par alliage pour créer des objets. C’était un prodige, qui fut vite entouré de secrets et de récits mythologiques. Plus précisément, cette découverte aurait eu lien en Canaan, et la Bible en porte de nombreuses marques. Cependant, observons tout de suite, avant même de présenter l’ouvrage, que les indices scripturaires qui étayent ou illustrent la thèse sont assez nets, mais à l’état de vestiges difficiles à dater, et ceci pour deux raisons∞∞: d’une part, la narration biblique se rattache à l’âge du Fer, où les références ont profondément changé, comme on va le voir∞∞; d’autre part et surtout, la Bible bouscule tout ce qui paraît expressément cananéen, sauf peut-être la langue elle-même. Typiquement, les récits affirment que depuis Abraham les Israélites sont d’origine lointaine (Mésopotamie ou Égypte) et ne professent qu’une très faible estime pour les cananéens et leurs dieux. L’ouvrage, très documenté, inclut une grosse bibliographie. Il est ici présenté sommairement, puis évalué. I – Présentation Les divers chapitres de l’ouvrage sont regroupés ici en quatre sections∞∞: 1. l’archéologie, combinée avec des considérations techniques, permet de conclure que cette découverte eut lieu dans le sud de Canaan∞∞; 2. on peut suivre sa diffusion dans diverses cultures anciennes, proches ou lointaines, en combinant l’archéologie et l’examen de la mythologie∞∞; 3. l’A. examine ensuite le témoignage de la Bible, qui en a recueilli bien plus tard des traces dispersées, mais cohérentes∞∞; 4. à l’âge du Fer, la diffusion de la sidérurgie a profondément transformé les symboles et l’organisation des pouvoirs, ce dont la Bible porte aussi des traces. 1. Pour préciser l’interprétation des données archéologiques il est nécessaire d’entrer dans des détails techniques. L’A. commence par distinguer la métallurgie proprement dite, i. e. la conversion d’un minerai en métal dans un fourneau, 93723_09_Recensions 439 06-29-2010, 11:02 440 REVUE BIBLIQUE du forgeage, i. e. du travail à chaud d’un métal natif préexistant. L’apparition du forgeage remonte au moins au 9e millénaire, bien avant la métallurgie, mais souvent les deux ont été confondus par les archéologues, qui s’intéressent plus aux objets qu’à leur matière première. Il est à noter que les objets les plus anciens, en fer météorique, en or ou en cuivre, ne sont pas de simples outils ou ustensiles, mais des objets de prestige, des parures, ou des amulettes∞∞; de la même manière, la céramique a commencé par des figurines, et c’est bien plus tard que tous ces matériaux d’origine un peu mystérieuse sont devenus utilitaires, par une sorte de profanation. La datation au carbone 14 de débris organiques scellés a prouvé l’existence, un peu partout dans le monde, d’objets métalliques bien antérieurs à ceux recueillis au Proche-Orient, d’où l’idée souvent admise d’une découverte simultanée de la métallurgie en différents endroits, en prolongement des arts du feu. La température requise pour une glaçure (700-800°C) suffit pour ramollir le cuivre, et l’on a imaginé soit qu’un artisan travaillant du cuivre natif ait découvert que sa gangue en livrait aussi, soit qu’un potier ayant oublié un peu de minerai dans un vase avant cuisson ait ensuite découvert un culot de cuivre au fond. Dans ce cas, une telle invention, fortuite mais simple, a pu se produire indépendamment en différents endroits au long de plusieurs millénaires. Cependant, l’obtention du cuivre à partir d’un minerai, la malachite, suppose, outre une température de 1084°C, une transformation chimique au contact du charbon, ainsi que la présence d’adjuvants, minerai de fer et de manganèse. Le four doit être très différent de lui du potier, car pour obtenir la température voulue, il doit inclure un système de soufflets pour l’apport d’oxygène. L’extraction à partir d’autres minerais moins rares est encore plus complexe. En d’autres termes, la probabilité d’une invention fortuite et indépendante en différents endroits devient très faible. En tout cas, seule la présence de scories au voisinage de gisements de minerais permet de conclure qu’il y a bien eu métallurgie du cuivre, et pas seulement forgeage à partir de pépites. L’examen des renseignements disponibles montre que les traces de métallurgie du cuivre les plus anciennes (5e millénaire) se trouvent au sud de Canaan, région dépourvue de cuivre natif, en particulier à Feinân, au nord de Pétra, et à Timna, au nord d’Élat, alors que les gisements d’autres régions auraient été plus faciles à exploiter. On a retrouvé aussi de petits objets en verre coloré par les oxydes provenant de la métallurgie∞∞; ce verre a été extrait de scories. Enfin, c’est encore en Canaan qu’on été trouvés les premiers bronzes à forte teneur en étain, datant du 4e millénaire∞∞; le cas le plus célèbre est le trésor du N. Mishmar, vers la mer Morte, qui suppose une maîtrise parfaite de la composition des alliages et du moulage à cire perdue, une technique particulièrement délicate. La première métallurgie mésopotamienne-élamite du bronze, au 4e millénaire, est du même type, et de même en Égypte, en Anatolie, en Grèce et dans les Balkans. Ensuite, on voit sa diffusion un peu partout, même en Inde et en Chine. En résumé, on peut distinguer trois phases de la maîtrise de la métallurgie à partir de Canaan∞∞: a) Milieu du 5e millénaire∞∞: découverte de la métallurgie du cuivre à partir de la malachite∞∞; puis diffusion en 1000 ans sur un périmètre de 2000 km. 93723_09_Recensions 440 06-29-2010, 11:02 441 RECENSIONS b) Vers 4000∞∞: découverte de la métallurgie des minerais sulfatés de cuivre, les plus répandus∞∞; mise au point d’alliages à l’arsenic, qui durcissent le cuivre. Des outils meilleurs permettent la construction de navires plus puissants. Les techniques se diffusent davantage. c) Au 4e millénaire∞∞: mise au point du bronze, alliage de cuivre et d’étain, ce qui permet la fabrication d’armes et d’outils pour l’agriculture ou le forage de puits. La diffusion devient universelle∞∞; on peut la suivre à partir des objets retrouvés et au moins autant par des récits mythologiques et des symboles. 2. L’A. se propose de montrer que la découverte de la métallurgie proprement dite du cuivre fut davantage qu’un simple progrès technique∞∞: la coulée de cuivre, avant de se figer, a l’allure d’un serpent vivant et brûlant, et tel est bien le symbole qu’on voit se répandre au chalcolithique, jusqu’à l’âge du Fer. Sa capacité à muer, signe de vitalité, ne suffit pas à expliquer son apparition justement à cette période. En fait, l’homme est par cet art nouveau devenu créateur d’un être vivant, car il a su insuffler de l’air, cette matière insaisissable, dans un simple minéral. Il va en résulter une révolution des symboles. L’A. juge que ce symbolisme est suffisamment simple pour justifier des rapprochements entre cultures très diverses. En Égypte, en Élam, à Sumer on trouve dans les objets anciens et les récits de création des allusions répétées au serpent, en relation avec un souffle primordial. Ptah, le patron des métallurgistes égyptiens, est la divinité créatrice d’origine, qui a fait exister les autres dieux. Dans le poème d’Énuma Élish, les deux premiers êtres sont des serpents, qui s’attachent ensuite à Ea. En Chine, un souffle est à l’origine du monde, représentée par un soufflet de forge. Le couple primordial est formé de deux dragons crachant des flammes∞∞; ce sont encore des serpents brûlants. En Phénicie (Ougarit), le monde est né d’un œuf cosmique que le forgeron Koushar ouvrit par le vent. Un mythe grec en dérive∞∞: attribué aux anciens Pélasges, venus de la mer, il met en scène une force créatrice animée par le vent, et la chaleur créée engendre un serpent∞∞; celui-ci engendre l’œuf cosmique qui est à l’origine d’un nouveau monde. Au chalcolithique, les nouveaux outils issus de la métallurgie permettent de creuser des citernes et surtout de forer des puits, ce qui assure un approvisionnement illimité en eau propre, essentiel au développement des villes. Cet élément figure dans la mythologie. En Mésopotamie, Ea-Enki, patron des forgerons, devient pourvoyeur d’eau douce. À Ougarit, le même Koushar demande à Baal de percer une lucarne au milieu de son temple, là où se trouve son fils Élyon, dieu des sources et des rivières∞∞; autrement dit, c’est le forgeron qui est à l’origine de la citerne. En Crète, la déesse Dictyna est à la fois la patronne des forgerons et la divinité des eaux jaillissantes, et son homologue grecque, Athéna, est à l’origine pourvoyeuse d’eau douce. Poséidon fait jaillir l’eau en plantant dans la roche son trident de cuivre, forgé par Héphaestos. D’autres exemples recueillis sous d’autres cieux montrent que la révolution de l’eau douce commencée au chalcolithique est universellement liée à la métallurgie du cuivre. De plus, la mythologie ne situe pas de civilisation avant cette œuvre créatrice∞∞; elle en a donc bien perçu l’origine. Auparavant, il n’y a qu’une préhistoire mal définie. 93723_09_Recensions 441 06-29-2010, 11:02 442 REVUE BIBLIQUE Cependant, observe l’A., l’élan ainsi donné s’oppose aux dieux traditionnels, qui en exigeant des cultes sacrificiels exercent une tutelle sur la nature et sur divers aspects de la vie humaine. Il va y avoir des combats entre les héros civilisateurs et les dieux. Par exemple, à Ougarit, Koushar offre au forgeron Aqhat un arc, donc l’action à distance rivalise avec les divinités∞∞; la déesse Anat lui offre d’échanger son arc contre l’immortalité∞∞; il refuse et en meurt, mais l’homme est pour une fois libéré de l’emprise des divinités. Ailleurs, de nombreux mythes montrent que les dieux cherchent à éliminer par un déluge les forgerons, parce qu’ils enseignent la désobéissance aux hommes. En vain∞∞: ils se montrent plus forts que les dieux. Les forgerons s’établissent loin des villes, auprès des mines, et gardent leurs secrets techniques. Ils ont bien des dieux, mais ceux-ci sont impénétrables, réservés à des initiés. Lorsque les civilisations qu’ils ont engendrées les ont récupérés (à l’age du Fer, cf. ci-après), ils restent mystérieux, et l’on voit des traces de culte caché. Par exemple, le lac Loéris, établi pour réguler le cours du Nil, a été inspiré par Ptah, mais le temple associé est dual, avec deux labyrinthes superposés∞∞: l’un public, l’autre souterrain, pour les initiés, ce qui étonnait Hérodote. À Athènes, l’Érechthéion, intégré à l’Acropole, était un temple dédié entre autres à Athéna et Héphaestos∞∞; inaccessible au public, il était construit sur une petite grotte, où se trouvait un serpent sacré, et dénommée (au pluriel) megara, terme issu du cananéen me‘ara «∞∞caverne de l’éveil∞∞». Il y a donc initiation et caverne. Le serpent symbolise la métallurgie, mais il n’y a pas d’autre représentation divine. Il faut supposer que lorsque un culte initiatique est devenu populaire – une caractéristique de l’âge du Fer –, il doit garder des traces de ses origines, c’est-à-dire ici métallurgie et absence d’image cultuelle. Tel est le cas de Dionysos. Il est le dieu tutélaire de Naxos, où Héphaestos apprit la métallurgie, venue du Levant. Il s’y trouve une grotte Nysos, appelée aussi Megara∞∞; son nom signifie «∞∞dieu de Nysos∞∞» ou «∞∞dieu de la caverne∞∞»∞∞; il était aussi surnommé pyrogenes «∞∞né du feu∞∞». C’est là qu’il est né dans un nid de serpents, et plus tard il fit jaillir de l’eau à Thèbes, sa ville d’adoption. Ces symboles le rattachent à la métallurgie. Un poème homérique situe la naissance de Dionysos loin de la Phénicie mais proche du fleuve d’Égypte∞∞; cela peut concorder avec la région de Feinân et de Timna. Le Dionysos populaire est le dieu du vin, mais c’est un développement tardif, car le mythe d’Orion montre que la reconnaissance de Dionysos ne se fait pas par le vin, mais par un parcours initiatique qui l’amène chez Héphaestos et finalement sur la côte de Canaan. Dionysos est subversif, transgresseur de l’ordre instauré sous l’autorité du panthéon olympien. Il est honoré hors de la ville et de ses cultes officiels, ce qui explique que des cultes agraires lui aient été rattachés. Il est perçu comme un souffle, qui crée un enthousiasme contagieux∞∞: le bacchant est frénétique. Le dieu s’engouffre dans l’homme, ce qu’évoque d’ailleurs la consommation du vin. En d’autres termes, Dionysos n’est pas un dieu autonome agissant directement sur la nature, mais un dieu symbiote, agissant en symbiose avec l’homme. L’homme se trouve divinisé, ce qui correspond bien au métallurgiste créateur. On examine plus loin les parallélismes entre Dionysos et Yhwh, et en particulier leur refus des autres dieux, mais il convient de citer déjà Plutarque, un initié 93723_09_Recensions 442 06-29-2010, 11:02 443 RECENSIONS au culte de Dionysos∞∞: il affirme que la connaissance de Dionysos renvoie aux mystères profonds des Hébreux∞∞: le Dieu d’Israël est Dionysos, et ses fêtes sont les bacchanales. L’extase a d’autres dimensions∞∞: Aphrodite est l’épouse d’Héphaestos. Dionysos a un cortège de musiciens. La musique et la métallurgie vont de pair, non seulement à cause de l’inspiration initiatique et de la maîtrise de l’air, mais aussi parce que la lyre à sept corde (kinor) nécessite pour sa confection des outils appropriés. La force de la métallurgie n’est pas le feu, mais l’air, mobile et omniprésent∞∞; et chacun sait que toute existence en dépend. Les cyclopes, métallurgistes assistants d’Héphaestos, sont des sauvages∞∞; leur nom évoque un tatouage sur le front. Ils se sont révoltés contre leur père Ouranos, chef du panthéon originel, puis contre tous. Ils ne reconnaissent que le dieu de la caverne, mais ne l’honorent pas comme un être autonome. Ils passent pour anthropophages, car ils cuisent Dionysos, mais c’est pour lui permettre de renaître d’un chaudron∞∞; il en va de même des titans de l’âge d’or d’Hésiode. Héphaestos est boiteux, car il a lutté contre Zeus, mais il anime la danse. Ainsi, l’élan civilisateur né de la métallurgie à la fois crée ou développe la cité par son outillage et s’oppose aux dieux qui l’encadrent∞∞: il est empoisonné par ses propres fruits. Pourtant, l’ambiguïté règne, car c’est le même Héphaestos qui a fait un trône d’airain à Zeus et a bâti l’Olympe∞∞; à Ougarit, c’est de même Koushar qui a fait celui de Baal∞∞; en Haute-Égypte (Nagada), les premiers pharaons sont alliés aux forgerons, alors qu’en Basse-Égypte il n’y a pas la même centralisation. Il y a en effet un problème de pouvoir. Au chalcolithique, la population augmente, mais on ne remarque pas de centralisation systématique. Plus exactement, il y a une tension entre le dieu de la caverne qui inspire chacun et les dieux autonomes, avec rois, prêtres et cités, car ces divinités doivent beaucoup aux métallurgistes fondateurs. Les doctrines initiatiques se diffusent dans la société, d’où une résistance aux cultes officiels∞∞; les avatars du culte de Dionysos – ou plus exactement des rencontres avec le dieu – en sont l’illustration. D’autre part, les initiés, qui sont inspirés, sont garants de la stabilité du monde∞∞: les forgerons sont juges∞∞; ils arbitrent même les conflits entre dieux. Enfin, il y a un lien entre l’initiation et une écriture chiffrée. L’ancêtre de l’alphabet cananéen est attesté par des inscriptions du début du deuxième millénaire, recueillies au voisinage d’anciennes mines du Sinaï. Cette invention géniale, qui réduit l’art du scribe à la connaissance de vingt-deux lettres, permet de populariser l’écriture. Le principe, dit acrophonique, en est simple∞∞: la lettre dessine ou évoque une réalité qui a un nom, mais sa valeur est dépouillée de son sens naturel pour être réduite au phonème initial de ce nom∞∞; par exemple, on dessine sommairement une maison (beth, bayth) pour figurer le son b. Pourtant, malgré l’efficacité du procédé, l’usage réel n’en apparaît qu’au XIIIe siècle. L’alphabet est donc resté longtemps le privilège d’initiés qui ne cherchaient pas à conquérir le monde. En outre, le choix des réalités pour figurer les lettres a un sens. Par exemple, la séquence yod-kaph-lamed-mem-nûn est suggestive, car elle évoque l’art métallurgique∞∞: bras-main-apprentissage-eau-serpent∞∞; en effet, le nûn est représenté par un serpent, lequel désigne aussi bien le cuivre (ou le devin). 93723_09_Recensions 443 06-29-2010, 11:02 444 REVUE BIBLIQUE 3. L’A. passe ensuite à la Bible, et observe que tous ces éléments se retrouvent dans la Bible, mais réinterprétés à travers un monothéisme éthique, c’està-dire dans une mise en forme rédactionnelle bien plus tardive, qui d’ailleurs est peut-être oublieuse d’origines aussi lointaines, car elle intègre d’autres sources plus visibles, historiques ou mythologiques. En particulier, les généalogies sont toujours à examiner, car elles concordent rarement avec les récits qui les entourent. Dieu s’exprime d’abord par un souffle, qui agit sur l’eau et la confusion par la parole∞∞; il est donc semblable à l’homme. Celui-ci est d’abord dans la préhistoire indéfinie de l’Éden, mais c’est le serpent qui l’en fait sortir, c’est-à-dire qui le lance dans l’histoire – et ses conflits. La chronologie des générations antédiluviennes, dont la vraisemblance est faible, situent l’événement au chalcolithique. Caïn, constructeur de ville, est l’ancêtre des forgerons (qénites). Il est marqué au front comme un cyclope. Après le meurtre de son frère (Abel, la «∞∞buée∞∞»), il rejette l’agriculture et vit en nomade, comme les Rékabites (Jr 35,7). Le premier métallurgiste dont l’œuvre est manifeste est cependant Tubal-Caïn, à la septième génération, chiffre qui implique une idée d’achèvement∞∞; il s’agit d’une initiation. Il a deux frères de noms semblables (Yabal et Yubal), qui représentent le nomadisme et la musique, ainsi qu’une sœur, Naama, parallèle à Aphrodite. Si Caïn représente l’origine de la civilisation citadine – dont la Bible a la plus grande méfiance –, il est le fruit de l’union d’Adam et Ève, de deux cultures cananéennes issues du serpent et qui aboutissent à la métallurgie. Adam est expressément rattaché à adama «∞∞terre∞∞», mais son nom peut aussi bien se lire Édom, qu’on retrouve avec Ésaü et les qénites. Quant à Ève, Gn 4,1 pris littéralement dit qu’elle a engendré «∞∞Caïn avec Yhwh∞∞»∞∞: Yhwh apparaît ainsi comme en symbiose avec Caïn, et non comme une entité autonome. Le nom «∞∞Ève∞∞» evc, expliqué comme «∞∞mère des vivants∞∞», se rattache aussi bien au gentilice ivc «∞∞Hivvite∞∞», qui qualifie une épouse d’Ésaü (dont le nom peut se comprendre «∞∞le fabre∞∞»)∞∞; c’est une autre forme de l’union entre Adam et Ève. Ésaü est allié aux Hittites et aux Horites (Gn 36,1-2.20), deux noms d’ailleurs interchangeables. On les retrouve en Judée et au Sinaï, et cela correspond bien à la semi-métallurgie ancienne (forgeage) identifiée par l’archéologie. Quant aux Hivvites, ils descendent de Canaan (Gn 10,17). Selon Jos 11,3 ils sont au pied de l’Hermon (ou au Liban, Jg 3,3)∞∞; c’est la terre de Bashân, dont les habitants sont rattachés par les textes d’Ougarit au forgeron Koushar, qui voue un culte au cuivre en fusion, appelé çlm «∞∞roi∞∞», nom qu’on retrouve dans la malachite. Selon Gn 6,4 les «∞∞fils d’Élohim∞∞» et les «∞∞filles d’Adam∞∞» se sont unis pour donner naissance à des géants (cf. Nb 13,33), et une tradition parabiblique comprend «∞∞habitants de Bashân∞∞» et «∞∞filles de Caïn∞∞». L’union d’Adam et Ève représente donc la réunion de deux groupes cananéens∞∞: les Édomites du sud, avec leur semi-métallurgie primitive et les Hivvites du nord, qui connaissaient les volcans et leurs coulées de lave en forme de serpents, mais qui ignoraient les minerais. Ève est créée après Adam, et en dépend, mais c’est elle qui rencontre le serpent, avec l’invitation à être «∞∞comme des dieux∞∞», allusion à la symbiose avec le dieu de la caverne. En 93723_09_Recensions 444 06-29-2010, 11:02 445 RECENSIONS clair, les Hivvites sont apparus en Édom, vers les mines, et ce sont eux qui ont apporté ou plutôt inventé la technique nouvelle de la métallurgie. Par son art, l’homme a reproduit la nature, mais, tout comme le dieu des volcans, le forgeron refuse qu’on l’approche. Et c’est à Hébron, nom apparenté à Héber le Qénite (cf. Jg 4,11), qu’Abraham obtient des Hittites (ou Horites, car la Bible confond) une caverne, qui sera son seul point fixe en Canaan. Il est notable que les inventions des métallurgistes de Canaan ont été utilisées au loin, mais il n’est apparu aucune civilisation urbaine sur place. Il reste une double tendance∞∞: les Édomites exaltent le pouvoir créateur que leur donne le dieu de la caverne, qui est représenté par le hibou (svk), l’oiseau-devin. Dans le désert, les Israélites sont protégés par un serpent brûlant (Nb 21,6-9)∞∞; en cananéen, la même racine désigne le serpent, l’airain et la divination. Au contraire, les Hivvites investissent la métallurgie pour se substituer aux dieux de la nature∞∞; ils s’engagent dans la politique∞∞; ils correspondent au dieu cananéen Réshef, associé aux Rephaïm guérisseurs (Ougarit). L’archéologie et les récits anciens montrent que ces deux tendances se retrouvent sous tous les cieux, aussi loin que l’on puisse reconstituer les cultures anciennes. La Bible maintient une ambiguïté sur Yhwh∞∞: d’un côté il est créateur et intervient directement dans l’histoire∞∞; mais de l’autre il inspire ses fidèles, non sans initiation ou transes contagieuses. Au buisson ardent, Moïse est comme initié sur une montagne divine, l’Horeb∞∞; il est alors nomade, lié à son beaupère Jéthro, prêtre de Madiân apparenté aux Qénites (cf. Nb 10,29∞∞; Jg 1,16). Ensuite, son bâton peut devenir serpent, et inversement, ce qui suggère nettement le bronze. Plus tard, en Égypte, pour populariser l’initiation, dont les Israélites ne veulent guère, Yhwh intervient directement en bouleversant les éléments naturels. Il en est de même d’Élie∞∞: il vainc les prêtres de Baal par une intervention directe de Yhwh, puis à l’Horeb il rencontre Yhwh dans une caverne, par «∞∞la voix d’un silence léger∞∞» et non par des ébranlements de la nature. Plus généralement, le prophétisme est une inspiration, qui va des transes contagieuses du roi Saül, lequel devient «∞∞un autre homme∞∞» (1 S 10,6-9), jusqu’aux interventions des prophètes classiques qui s’opposent régulièrement aux prêtres, aux rois et à l’idolâtrie, symbolisée par le Baal phénicien. La symbiose avec Yhwh est proprement l’origine de la foi, qui consiste à se voir habité par la divinité∞∞; le seul critère d’action divine est alors la réussite∞∞: le faux prophète est celui dont la parole ne s’accomplit pas. David est au cœur de ces ambiguïtés, car il est à la fois musicien initié puis roi, et les prophètes en attendent un héritier digne, qui soit à la fois inspiré et juge intègre. 4. Enfin, l’A. étudie la révolution du fer, qui a supplanté le bronze, vers 1200∞∞; ses qualités mécaniques sont supérieures, le minerai est très abondant et il n’y a pas besoin d’étain pour le durcir. Il était connu depuis longtemps, soit issu de météorites soit comme sous-produit de la métallurgie du cuivre, à partir de 3500. Mais c’est un métal maudit, qui n’a jamais été mis au rang des métaux nobles∞∞: pour Hésiode, l’âge du Fer est une décadence majeure, car les objets qu’on en tire donnent la mort. Au premier millénaire, le métal des objets sacrés reste le bronze (ou l’or). 93723_09_Recensions 445 06-29-2010, 11:02 446 REVUE BIBLIQUE Ces vues négatives s’expliquent largement par des considérations techniques. Le fer ne fond qu’à 1536 °C, mais on peut l’extraire des minerais par réduction à 1200 °C, c’est-à-dire sans oxygène∞∞: le souffle perturbe le processus, et des gaz toxiques s’échappent. De plus, la coulée qui résulte de l’opération n’est qu’une scorie de silicates∞∞: le «∞∞serpent∞∞» ne signifie plus rien, et le fer est à peine un métal, puisqu’il ne fond pas. Ensuite, on travaille le fer par martelage à chaud∞∞; on peut le durcir par un traitement de surface au carbone, qui en fait de l’acier (noir). Tout cela demande une grande quantité de combustible, qui est parfois devenu plus rare que le minerai. En résumé, la sidérurgie n’est qu’un artisanat pénible et dangereux, sans aucune dimension mystique ou sacrée∞∞; elle ne ressemble en rien à une création. Elle est symbolisée par le chien, qui évoque la servilité. Pourtant, les traces les plus anciennes de sidérurgie, vers 1500, ont été relevées en pays édomite (ou Idumée), comme si c’était une nouvelle invention cananéenne dérivée de la métallurgie du cuivre. Le premier grand foyer historique de sidérurgie se développa autour de la mer Noire, au pied du Caucase. Les Grecs nommaient ces forgerons chalybes, ce qui selon l’A. évoque nettement le nom biblique de Caleb, qui signifie aussi «∞∞chien∞∞». Celui-ci n’est pas intégré aux tribus d’Israël, mais il fait partie des Qenizzites, petite confrérie de forgerons du fer (1 Ch 4,14) qui est rattachée à la postérité d’Ésaü (Gn 36,11). Lors de la conquête, Caleb est installé vers Hébron (Jos 14,13), non loin des Qénites (Jg 1,10-16). La conséquence majeure de la révolution du fer est que le secret des routes de l’étain ne signifie plus rien. Les religions officielles des cités s’émancipent de leurs origines initiatiques. Les rois deviennent conquérants. La littérature grecque fournit plusieurs repères. Homère se détache des valeurs initiatiques de l’âge du bronze au profit du conquérant achéen. Capturé par le cyclope Polyphème, Ulysse refuse l’initiation et préfère les divinités officielles de l’Olympe. En sens inverse, Héraklès se présente comme héros libérateur de l’emprise du fer∞∞: forgeron, sourcier et justicier, il connaît le monde. Hérodote explique qu’il venait de Tyr, où il était vénéré bien avant son arrivée en Grèce. Il s’agit de Melqart, dont le culte s’est répandu dans toute la Méditerranée. D’ailleurs, c’est peut-être avec lui qu’est arrivé l’alphabet phénicien∞∞; Cadmos, l’antique fondateur phénicien, s’opposait lui aussi à la tyrannie. Enfin, l’invention de la tragédie, avec mythologie, chants et danses, popularise l’initiation et créant de l’enthousiasme proprement dit, plus ou moins en relation avec Dionysos∞∞; en tout cas, c’est un lieu où les dieux officiels sont jugés. II – Une affaire à suivre Le résumé qui précède ne rend pas justice à un ouvrage qui fourmille d’aperçus inédits et qui ose rechercher, un peu à la manière de Lévy-Strauss, de vastes structures intelligibles, identifiables dans de nombreuses cultures allant de la Chine à l’Afrique. Il en résulte de nombreux éclairages inédits sur la Bible∞∞; non pas sur sa forme actuelle, mais sur des éléments plutôt dispersés qui sont réinvestis selon des perspectives ultérieures. Chacune de ces traces est mineure, presque négligeable, mais certaines cohérences sous-jacentes se manifestent. 93723_09_Recensions 446 06-29-2010, 11:02 447 RECENSIONS Depuis les études sur l’arithmétique des scribes, en particulier de M. Haran et de F. Langlamet, l’on soupçonne qu’il y a des codes, c’est-à-dire des découvertes à faire sous l’apparence des textes. Ce travail de pionnier est très suggestif, malgré quelques approximations sur l’interprétation des mythes et des symboles. On suggère maintenant quelques prolongements en vue de préciser leur impact biblique, car l’A. sous-estime parfois les complexités rédactionnelles ou les aléas de l’étymologie comparée. 1. Dans les récits des origines, il n’est pas douteux que c’est la figure du créateur qui domine, ce qui est nécessaire au monothéisme strict. Ce fait est en corrélation avec l’évaluation négative d’une part de Caïn et de sa postérité, et d’autre part de l’affaire des fils d’Élohim et des filles d’Adam, puisque leur postérité est qualifiée d’avortons. Il faut observer à ce propos que Tubal-Caïn, le métallurgiste initié, est l’ancêtre des forgerons du cuivre et du fer (Gn 4,22). Les forgerons cananéens du cuivre sont donc rejetés dans un passé devenu inutile ou nuisible. En écho, on trouve les récits de la conquête par Josué, successeur de Moïse, où aucun compromis avec les Cananéens n’est toléré, et où le créateur intervient directement dans les événements. Pourtant, l’affaire est plus complexe, car ces récits sont largement annulés par le livre des Juges, où la libération est obtenue par des héros inspirés, sans idée de centralisation ni d’intervention divine directe sur les événements∞∞; il n’y a ni prêtre ni arche d’Alliance (sauf dans une glose en Jg 20,27-28). Le yahvisme a donc bien deux piliers∞∞: l’un est local, lié à l’inspiration, l’autre vient de loin et met en scène un créateur tout-puissant. 2. De fait, le personnage de Josué est ambigu, car il apparaît aussi à Sichem comme un législateur indépendant, qui ignore la loi de Moïse (Jos 24). La version samaritaine du livre, qui figure en tête d’une Chronique, est courte∞∞; en particulier, ce discours de Josué ne comporte ni allusion à Abraham ni sortie d’Égypte, et la réponse du peuple ignore la confession de foi historique. C’est un législateur strictement local, qui se pose en juge, entre les malédictions de l’Ébal et les bénédictions du Garizim (cf. Dt 11,29). Dans un tout autre contexte, les rapatriés d’Exil, qui découvrent la loi de Moïse, font selon Ne 8,13-17 une fête des Huttes très végétale, apparemment inspirée de Lv 23,33-36. Ces huttes submergent même le sanctuaire, et la fête est l’occasion d’une grande liesse. Il est ajouté qu’on n’avait rien fait de tel depuis les jours de Josué fils de Nûn. Cette restauration a une allure dionysiaque, avec une dimension mystique de rencontre avec la divinité. C’est sous une hutte que se célèbre un mariage (Ps 19,6∞∞; Jl 2,16), et tel est aussi le siège de la gloire divine (Is 4,5∞∞; j.Megila 1∞∞:8, 72d). Le retour à Josué prend alors un sens, puisqu’il est fils de serpent, c’est-à-dire antérieur à la royauté et au culte∞∞; il est même descendant de Réshef, rattaché plus haut aux Hivvites (1 Ch 7,25). Les analogies entre Yhwh et Dionysos ont été relevées, au moins depuis Plutarque. L’invocation des bacchantes euoi doit être rapprochée de l’invocation signalée par la Mishna pour la fête des Huttes vev ina (m.Suk 4∞∞:5). La formule a un sens précis en hébreu «∞∞moi et lui∞∞», ce qui dénote une symbiose avec Dieu, mais sans le nommer. Cependant, cette invocation est une variante 93723_09_Recensions 447 06-29-2010, 11:02 448 REVUE BIBLIQUE minoritaire, opposée à une autre, qui mentionne expressément Yhwh∞∞; l’on retrouve ainsi la double dimension du yahwisme. On peut aussi noter que lors de cette fête il est mentionné une joie extrême liée à une eau jaillissante (ebavwe im hcmw), ce qui entre bien dans la symbolique initiatique. En tout cas, la controverse sur l’invocation suppose un débat, voire un conflit entre une tendance dionysiaque locale, qu’on peut rattacher à Josué et à Sichem, et une tendance opposée, représentée par Moïse (et Abraham). Tacite déclare (Histoire 5.5.5) que c’est par erreur qu’on a déduit de certains rites que les Juifs étaient des fidèles de Pater Liber (Bacchus)∞∞: en réalité, dit-il, leurs coutumes sont «∞∞bizarres et moroses∞∞». La fête des Huttes de Ne 8 indique donc, ou au moins suggère, que les rapatriés de Babylonie ont été soumis en Judée à un «∞∞traitement∞∞» local, qui d’ailleurs est rattaché au prêtre Esdras, mais non à Néhémie luimême. 3. La crise maccabéenne, qui est à la fois fondatrice et passablement embrouillée, fournit d’autres indications. Avant l’émergence des Asmonéens, une lignée de grands prêtres, représentés par Jason, Ménélas et Alkime (175-159) s’accommode fort bien de «∞∞l’hellénisation∞∞» et des persécutions d’Antiochus IV. Ils sont vilipendés, car les Juifs de Jérusalem, outre des persécutions, sont soumis à la «∞∞nécessité amère∞∞» d’accompagner, couronnés de lierre, le cortège de Dionysos (2 M 6,7), alors que le Temple à été redédié à Zeus olympien. Le livre 2 Maccabées, qui rapporte ces faits, s’intéresse à la présence de Dieu au temple de Jérusalem, mais, après avoir rapporté la chute en 175 d’Onias, le meilleur des grands prêtres (2 M 3,1-3), il ignore entièrement les prêtres et la dynastie asmonéenne. Il culmine sur un «∞∞Jour de Nikanor∞∞» commémorant la mort d’un général grec, mais celui-ci tombe la veille du «∞∞Jour de Mardochée∞∞», c’est-à-dire de Purim (2 M 15,36). Par cette référence à une fête qui ignore la Terre promise (ou Canaan), l’auteur montre des attaches orientales, ce qui est cohérent avec un rejet de toute trace dionysiaque. C’est cohérent aussi avec l’action de Néhémie, qui revenu de Babylone s’oppose fermement à tout lien matrimonial entre des prêtres de Jérusalem et des Samaritains (de Sichem, Ne 13,28). 4. Car il faut revenir à Sichem, le «∞∞nombril de la terre∞∞» (Jg 9,37)∞∞; la généalogie de Nb 26,30-31 rattache Sichem à Galaad, une région hivvite. Abraham s’y est heurté aux Cananéens∞∞; selon la tradition, Jacob y a laissé un puits (cf. Jn 4,6). Plus tard (1 R 12,1), c’est là que s’est jouée la succession de Salomon, roi, bâtisseur du Temple et officiant. Ce déplacement hors de Jérusalem est remarquable, mais selon 1 R 5∞∞:15 LXX «∞∞Hiram roi de Tyr envoya ses serviteurs oindre Salomon à la place de son père∞∞», ce qui tendrait à faire de Salomon un simple roi phénicien. À ce point, on peut faire état d’un décret bien postérieur du roi perse Artaxerxès, qui affirme que dans le passé «∞∞des rois puissants ont régné à Jérusalem, qui dominèrent toute la Transeuphratène∞∞» (Esd 4,20). Après Salomon, le royaume de Judée-Benjamin au sud se maintient avec Temple, grands prêtres et rois davidiques, tandis qu’au nord – Israël proprement dit – se succèdent divers rois, sans continuité dynastique ni capitale fixe, et le culte yahwiste, en marge d’un veau d’or à Béthel, se concentre sur 93723_09_Recensions 448 06-29-2010, 11:02 449 RECENSIONS l’intervention de prophètes∞∞; on perd de vue Sichem. Les livres des Rois évaluent très négativement le royaume d’Israël, mais ce jugement est concentré sur les traces d’idolâtrie cananéenne ou phénicienne, c’est-à-dire sur une simple rivalité avec le royaume de Jérusalem. En arrière-plan, on devine que le «∞∞véritable Israël∞∞», au nord comme au sud, n’est maintenu que par des prophètes inspirés, qui annoncent «∞∞une Tora∞∞» nouvelle et l’abandon des armes de fer (cf. Is 2,3). 5. Il convient de ne pas confondre Sichem et Samarie. Selon 1 R 16,23-26, Omri, roi d’Israël pendant douze ans (885-872), a fondé la ville de Samarie pour en faire sa capitale, et les fouilles ont retrouvé une cité importante. Des inscriptions recueillies dans le Négeb montrent que le Baal de Samarie n’est autre que Yhwh. Mais il y a une suite, après la chute d’Israël en 722. Selon 2 R 17,28, l’un des prêtres déportés de Samarie revient et s’installe à Béthel, pour enseigner aux nouveaux venus comment ils doivent révérer Yhwh. Ils continuent aussi à pratiquer leurs anciens cultes dans leurs villes. Pourtant, on apprend ensuite (v. 34 LXX) que «∞∞jusqu’à ce jour∞∞» ils suivent les préceptes donnés aux fils de Jacob renommé Israël, auxquels il est prescrit de n’adorer que Yhwh qui les a fait sortir d’Égypte. Il y a des incohérences suggestives∞∞: Jacob est mentionné, alors qu’on attendrait Moïse, et le prêtre déporté revient à Béthel, et non à Samarie. Or, Béthel est le lieu du songe de Jacob, où il reçut la révélation de Dieu et la promesse de la terre (Gn 28,10). On soupçonne donc, en marge de cultes mêlés dans les villes de Samarie (la région), la présence d’un «∞∞petit reste∞∞» israélite autour de Béthel, peut-être non déporté. Des renseignements externes permettent d’étoffer cette supposition∞∞: les Samaritains identifient Béthel au mont Garizim – ou plus exactement le nomment GarizimBéthel –, et le sommet porte le nom de Luza, proche de Luz, l’ancien nom de Béthel (cf. Jg 1,23). 6. Car il faut prendre au sérieux les Samaritains, ou plus exactement les Sichémites∞∞: ils ne sont autres que les Israélites locaux, ceux dont Zorobabel, arrivé de Babylonie, a refusé la collaboration (Esd 4,1-3). Ce sont les récits de Flavius Josèphe qui donnent à entendre que les Samaritains ou Cuthéens ne sont qu’une dissidence juive abâtardie, sans pedigree. Pourtant, même la tradition rabbinique a gardé un souvenir précis que la Loi avait d’abord été donnée «∞∞à Israël∞∞» en écriture paléohébraïque (irby bhk), conservée par les «∞∞Néapolitains∞∞» (c’est-à-dire les Sichémites de Naplouse)∞∞; au temps d’Esdras, elle fut à nouveau donnée, mais en écriture araméenne («∞∞assyrienne∞∞», bhk irvwa, b.Sanh 21a), c’est-à-dire étrangère. Le Pentateuque samaritain actuel, à côté de nombreux petits contacts avec la LXX contre le TM, a des leçons propres. Parmi celles-ci, l’une concerne le lieu choisi par Yhwh pour y faire résider son nom. La formule, qui ne suppose aucun établissement cultuel, figure vingt-deux fois dans le Deutéronome (TM et LXX) sous la forme «∞∞choisira∞∞» (rcbi), mais le samaritain met «∞∞a choisi∞∞» (rcb). Dans une étude récente, A. Schenker montre, avec une argumentation textuelle fondée sur d’anciennes versions indépendantes, que la leçon samaritaine est plus originale. On la trouve aussi dans une citation en Ne 1,9. En outre, elle offre une meilleure 93723_09_Recensions 449 06-29-2010, 11:02 450 REVUE BIBLIQUE cohérence narrative∞∞: Sichem comme lieu effectivement choisi concorde avec les prescriptions de Dt 11, qui prévoit une arrivée des Israélites entre l’Ébal et le Garizim. Au contraire, la leçon au futur s’adapte mal à ces préceptes, mais elle concorde avec la déclaration «∞∞judéenne∞∞» de Dieu à Salomon, selon laquelle il n’a choisi aucune ville avant l’élection de David à Jérusalem (1 R 8,16). On peut donc s’interroger sur l’arrivée du Deutéronome à Jérusalem et son influence, puisque selon Ne 13,1-3, c’est là que les rapatriés le découvrent. Mais surtout, le sens de ce livre est à décrypter, car il a un parfum initiatique, voire de retour aux sources∞∞: le Sinaï devient l’Horeb∞∞; exclusion rigoureuse des autres cultes∞∞; «∞∞lieu choisi∞∞» mystérieux et absence d’installation cultuelle visible∞∞; prêtres-lévites dans le rôle d’oracles∞∞; invitation à l’intimité avec Yhwh (Dt 4,29-30)∞∞; méfiance à l’égard des rois, etc. L’initiation suggérée n’est pas une transe, mais la mémorisation ou la rumination de «∞∞toutes ces paroles∞∞», au point d’en faire la langue distincte de l’initié – ou du croyant∞∞; tel est le signe de l’affirmation de l’unicité de Yhwh selon le Shema Israël (cf. Ps 1,2). 7. À propos de la double face de Yhwh, à la fois créateur tout-puissant et prêt à la symbiose, le Psautier offre un éclairage. Les grands événements du passé biblique sont rappelés, on discerne des traces de prêtres, de rois, de culte, mais le personnage dominant est David, le chantre. De nombreux psaumes ont un aspect directement existentiel, où la note est toujours une symbiose avec Yhwh. Par exemple, le Ps 22 commence par «∞∞Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné∞∞», puis, après un récit de déréliction angoissée, un salut se manifeste∞∞: «∞∞J’annoncerai ton nom à mes frères […] Ils loueront Yhwh ceux qui le cherchent.∞∞» L’invocation suscite une symbiose, d’où procède une force nouvelle, car Yhwh «∞∞habite les louanges d’Israël∞∞», mais il est connu par la mémoire de ses bienfaits∞∞; ceux-ci sont dus au créateur, qui intervient dans le cosmos, cette action est située dans le temps ordinaire (contrairement aux mythologies parallèles). Les paroles prononcées ou chantées ont donc un pouvoir. De manière plus énigmatique, on retrouve cette perspective à propos du Cantique de Moïse (Chant de la Mer)∞∞: l’épisode de Massa et Mériba se conclut par la question fondamentale des Israélites au désert «∞∞Yhwh est-il au milieu de nous, ou non∞∞?∞∞» (Ex 17,7). La route du désert a commencé en Ex 13,17. Si on prend le milieu de la route parcourue, c’est-à-dire dans le texte le milieu de cette section, en comptant simplement les mots, on tombe entre les mots vriw eveil «∞∞Chantez à Yhwh∞∞», et c’est la réponse de Miryam la prophétesse, qui intervient avec des chœurs et des danses (Ex 15,21)∞∞; la transe n’est pas loin, mais elle est fugitive, puisque la rébellion de Mara a lieu trois jours plus tard. 8. La Lettre d’Aristée, qui donne un récit des origines de la traduction grecque du Pentateuque, signale qu’à cette occasion il a fallu lever un interdit ancien prohibant toute traduction. Cela indique qu’il s’agissait d’une littérature ésotérique, ancienne ou non, mais réservée à des initiés. La question est donc de savoir comment elle s’est popularisée. Dans le texte, l’horizon lointain est la promesse faite à Abraham d’être universellement vénéré. Ensuite, Moïse est 93723_09_Recensions 450 06-29-2010, 11:02 451 RECENSIONS celui qui forme un peuple à partir de l’Horeb-Sinaï. Sur le terrain, à l’époque du Fer, l’écriture est populaire, puisque l’archéologie a recueilli des abécédaires d’écoliers dans tous les villages fouillés de Canaan, mais cela n’implique pas que les doctrines soient diffusées partout. Un simple indice le montre∞∞: 1 M 12,20-22 cite sans sourciller une lettre du roi des Spartiates où celui-ci déclare au grand prêtre Onias que les Spartiates et les Juifs sont frères, comme étant de la race d’Abraham. Cette parenté hellénique affichée est intéressante, au regard de la diffusion de la culture cananéenne ancienne, mais elle est peu scripturaire. 9. En fait de popularisation, la comparaison des cultures grecque et biblique inspire la question suivante, qui touche à l’antiquité de la rédaction finale de la Bible∞∞: alors que le culte du dieu qui inspire (Dionysos, Yhwh) est d’essence initiatique et donc a priori peu populaire, peut-on concevoir un monothéisme strict (et métaphysique) qui ne soit pas militant∞∞? L’exemple de Philon est éclairant∞∞: il veut par ses écrits diffuser la loi de Moïse, seule capable d’unifier l’humanité toujours en guerre, mais il ne peut exercer aucun contrôle sur ses lecteurs. Selon une autre perspective, les esséniens professent des doctrines ésotériques, mais sont prêts à admettre quiconque veut se joindre à eux∞∞; lors de l’admission du néophyte, à la Pentecôte, il reçoit l’Esprit saint, qui le met en symbiose avec une divinité qu’on ne nomme pas∞∞; l’essénien est cultivé, voyant, guérisseur, mais il s’oppose largement au reste du monde et à ses dieux, à commencer par les institutions de Jérusalem. On peut observer aussi que la tradition rabbinique, qui privilégie la relation de maître à disciple, a conservé des traces initiatiques proprement «∞∞cananéennes∞∞». Voici deux exemples. La chaîne de la transmission de la Tora que donne m.Abot 1-2 s’étend de Moïse à l’époque d’Hérode le Grand, mais elle est courte, car elle ignore les rois, les prêtres et le Temple∞∞; de plus, elle omet l’Exil. Le second cas provient d’une controverse sur une question de pureté (b.Baba M 59b)∞∞: R. Éliézer b. Hyrcanos était en désaccord avec tous ses collègues∞∞; pour justifier son opinion il fit des miracles, faisant voler un arbre, suscitant un tremblement de terre, inversant le cours d’une rivière∞∞; ainsi, il avait avec lui la nature créée et la maîtrisait, mais ses collègues refusèrent, et il fut excommunié. En conclusion du récit, le créateur déclare∞∞: «∞∞Mes fils m’ont vaincu.∞∞» Ces fils paraissent inspirés par une divinité rebelle. D’autres aspect pourraient être abordés, comme la différence entre le culte «∞∞en esprit∞∞» de Dionysos et le culte sacrificiel des dieux autonomes. En un mot, l’ouvrage discuté est très stimulant. Il montre bien, entre autres choses, que l’invention cananéenne de la métallurgie du cuivre eut des conséquences symboliques très larges, avec à la fois création et contestation de civilisations. Par ce biais se trouve renouvelée l’approche de nombreux aspects de la Bible, en particulier son maintien durable à l’écart des grandes civilisations. Il faut souhaiter qu’il soit publié en anglais et en français. Jérusalem, avril 2008 93723_09_Recensions 451 Étienne NODET. 06-29-2010, 11:02 452 REVUE BIBLIQUE La route royale∞∞: Sévère d'Antioche et les Églises d'Orient (512-518), par Frédéric ALPI (Bibliothèque Archéologique et Historique [BAH], t. 188). Beyrouth∞∞: Institut Français du Proche Orient, 2009. 2 vols. (VIII-361, 176 p.)∞∞: ill., 28 cm. – ISBN 978-2-35159-154-3. Severus, patriarch of Antioch from 512 to 518, has usually been studied in the context of the Christological controversies that arose in the church in the 5th century and continued into the 6th. He was in fact a leader of the movement that, in the name of fidelity to the Christology of Cyril of Alexandria, excluded all those who asserted the two natures of Christ after the union. Severus tried to settle the doctrinal quarrels by anathematizing not only Nestorius (opposed by Cyril and condemned at Ephesus in 431) and Eutyches (condemned at Chalcedon in 451), but also the Council of Chalcedon itself and the Tome of Pope Leo the Great. He saw this policy as a ‘middle way’, or, as he put it, a ‘royal road’ that deviated neither to right nor to left – hence the title of the book under review. It was expressed in a document known as the Henoticon (‘instrument of unity’) and was upheld by the emperor Anastasius I. When that emperor was succeeded by Justin I, imperial policy swung round to support for Chalcedon, which entailed the abandonment of the Henoticon and the fall of Severus. Nevertheless, the ‘monophysite’ movement, whose durability he did much to ensure, survived and the ‘Jacobite’ (Syrian Orthodox) church, organized after his death, remembers him as a founding father. So much can probably be recalled by those of our readers who have studied the history of the church or of Christian dogma. Recently, the standard views about the reception of Chalcedon in the Eastern parts of the empire, and in particular about ‘monophysitism’, have been questioned∞∞: Was there in fact a coherent ‘monophysite’ movement∞∞? Is ‘monophysite’ an appropriate label for the Christological doctrine upheld by Severus and his followers (and by the strict Cyrillians in Egypt), and is that doctrine really incompatible with Christian orthodoxy as defined at Chalcedon and subsequently∞∞? What part did doctrinal dissent play in weakening the Eastern Roman empire and preparing the way for the loss of Syria and Egypt to the Arabs∞∞? And what of Severus himself, who, by any account, is a central figure in the Eastern Roman empire in the early 6th century∞∞? What has been needed is a full-scale historical study of the patriarch of Antioch, which would bring together what can be known about him, put that in its historical and geographical context and assess his place in the imperial Church in the early Byzantine period. This has now been done superbly by Frédéric Alpi, in a fine work that originated as his doctoral thesis, prepared under the direction of Bernard Flusin and defended at the Sorbonne (Paris IV) in 2002. This beautifully produced book, published in two volumes in Beirut, Lebanon, under the title La route royale. Sévère d’Antioche et les églises d’Orient (512-518), appears in the series ‘Bibliothèque archéologique et historique (188)’ of the Institut français du Proche Orient. It is a pleasure to review it in these pages, in the hope that it may become well known and widely consulted by Orientalists and Byzantinists, as well as by historians of church doctrine. For it is precisely the merit of Frédéric Alpi (hereinafter F.A.) to show that the in- 93723_09_Recensions 452 06-29-2010, 11:02 453 RECENSIONS terest of the life and times of Severus of Antioch goes well beyond the history of dogma. Indeed the subtitle of his book mentions the patriarch precisely in relation to the ‘churches of Oriens’, that is, of the Roman ‘diocese’ that included – in modern terms – south eastern Turkey, as well as a large part of Iraq, Syria, Lebanon, Jordan, Israel-Palestine and Cyprus, and whose capital was Antioch-on-the-Orontes (now Antakya, in Turkey). What emerges from a study of the sources is not only a better appreciation of the person of Severus and a more accurate understanding of the doctrinal issues that occupied so much of his attention∞∞; it is finally nothing other than a detailed portrait of the patriarchal church of Antioch, its organization and resources, its administration, its social context, its opponents. It should be noted that, at this time, the patriarchate of Antioch was not completely coextensive with the diocese of Oriens, as the Council of Ephesus had recognized Cyprus as an autocephalous church and Chalcedon had elevated Jerusalem to the rank of a patriarchate, which was firmly Chalcedonian in doctrine. F.A.’s magisterial study of the Severan patriarchate rests upon an exemplary documentation, which is collected in the second volume (‘Sources et documents’), of 176 pages. This volume contains, first, a descriptive catalogue and bibliography of the ancient and medieval sources relating to the patriarchate of Severus of Antioch (‘Ad fontes’), which presents in turn the critical editions and modern studies of∞∞: Severus’ writings (essentially homilies and letters originally in Greek but preserved mainly in Syriac)∞∞; relevant synodical and canonical documents, bishops’ lists, legislation of the emperor Justinian∞∞; then other sources in Greek, Latin, Syriac, Arabic, Ethiopic and Coptic. Next comes a selection of inscriptions, each with bibliographical references, transcription, French translation and commentary. The Registers of the patriarchate of Antioch under Severus (512-518) bring together the official acts of the patriarch or of his synod∞∞; this section excludes communications of a simply pastoral nature but includes certain correspondence with the emperor. Finally, not the least valuable section of this volume is a prosopography of all persons mentioned in the sources used. On the basis of this documentation F.A. writes his monograph, contained in the first volume (‘Texte’), of 360 pages. After first retelling the life of Severus of Antioch (ca. 465-538), the author goes on to place the patriarch in a series of wider contexts, which sometimes shaped his actions but which he himself also shaped. The first of these is constituted by the institutions of the Severan patriarchate, namely the see of Antioch itself, its clergy and monks and the place of the church of Antioch in the empire, in particular Severus’ relations with the civil and military authorities. This part of the monograph consists largely of a socio-juridical study of the Registers mentioned above. In fact, Severus’ attempt to rally the patriarchate of Antioch to the Henoticon entailed a policy of strengthening the authority of the patriarch and of his synod, which was to meet twice a year, therefore, symmetrically, of weakening the autonomy of metropolitans and local bishops and their synods∞∞; it also meant reinforcing the links that bound the monasteries to the patriarchate. At each stage Severus worked closely with the emperor in Constantinople and with his representatives closer at hand. Such a picture of centralization of ecclesiastical power in the 93723_09_Recensions 453 06-29-2010, 11:02 454 REVUE BIBLIQUE interests of enforcing doctrine and discipline, together with an alliance of throne and altar, is familiar from other parts of the church. The second part, on ‘The bishop in his city’, exploits the patriarch’s homilies for the evidence they provide of his pastoral policy and action. We see Severus concerned with the liturgy, with the maintenance of various shrines and places of worship. He proposes to his flock a way of holiness built around prayer, asceticism and practical charity. At the same time, we become aware of the social limits to the realization of the patriarch’s vision of a ‘holy city’∞∞: the distance between rich and poor, the persistence of institutions and practices disapproved by Severus, such as the public spectacles (notably horse racing), the theatre, the Olympic Games, now celebrated at Antioch, hunting, gambling, bars and baths. The third part, dealing with the politico-religious situation of the patriarchate, draws on evidence of all kinds, including inscriptions. What emerges is the formation of a ‘Severan connection’, in which well-placed confreres assisted the patriarch in his project of unifying the churches of the diocese of Oriens in support of the Henoticon. By extension, Severus sought to coordinate his own efforts with those of other patriarchs and bishops of the imperial church. At the same time, Severus was pursuing a policy of Christianizing the diocese, including the conversion of nomad tribes. That brings us to the fourth part of the monograph (‘Oppositions et dissidences’), which shows how Severus dealt with opponents, both those who remained outside the church and those within it who disagreed with him. First among the former category were the Jews. Severus has left no writing directed against them∞∞; on the other hand, passing references in his works show that he subscribed to the classic anti-Judaism of the church fathers∞∞: Israel’s blindness, the Law superseded, the church as ‘true Israel’, depreciation of the Jews. He also mentions a number of concrete Jewish practices. Severus’ anti-Jewish remarks were no mere rhetorical flourishes. Like John Chrysostom’s sermons ‘against the Jews’ given at Antioch rather more than a hundred years previously, they show that Judaism still constituted a rival to Christianity in that city. At the same time, Severus, again following a general practice, sometimes labelled as ‘Jews’ those Christians who did not accept his Christological doctrine, which may mean that his ‘anti-Jewish’ discourse cannot always be taken at face value. Other ‘opponents and dissidents’ with regard to Severus’ religious policy included Manicheans and adherents of earlier Christian heresies, as well as ‘Nestorians’ and Chalcedonians. Throughout the volume, brief introductions to each part situate the discussions that follow, which are in turn summed up in conclusions. A series of ten tables strategically placed bring together in a handy way information on subjects such as the ranks and titles of civil and military officials and the allegiances of the bishops of Oriens. In a general conclusion, F.A. sums up his appreciation of the patriarchate of Severus of Antioch. His influence on Syrian ‘Jacobite’ Christianity is real and lasting. Also lasting was his organizing and centralizing of the patriarchate of Antioch, from which his Chalcedonian successors profited. F.A. draws attention to Severus’ pastoral, including liturgical, programme, which shows the de- 93723_09_Recensions 454 06-29-2010, 11:02 455 RECENSIONS voted shepherd of his flock. He placed the poor, ‘figure and presence of the suffering Christ’, at the heart of the Christian city, and preached practical charity as the expression of right belief. It must be admitted that Severus enjoyed only limited success in carrying out his ecclesiastical policies. He had to struggle against many obstacles, including the reluctance of other metropolitans and bishops to accept their diminished rank or to make the new central institutions work properly. Furthermore, he never had financial resources adequate to his ambitions. Finally, he was dependent on the favour and cooperation of the imperial power. With the arrival of a new emperor committed to resolving the schism between Constantinople and Rome, Severus fell and with him the ‘connection’ he had laboured to build up. The Henoticon could no longer mask the real doctrinal divisions that continued to exist, and unity was sought by way of a return to Chalcedon, or rather by way of new formulations of the doctrine of two natures after the union proclaimed at that council. For, paradoxically, the very success of Severus’ own theological campaign against Chalcedon had provoked the emergence of a ‘Cyrillian neo-Chalcedonism’, which tried to meet the objections of the followers of Cyril of Alexandria that the Council of 451 represented a relapse into ‘Nestorianism’. This became the standard expression of Orthodoxy. It was the least expected but perhaps not the least important achievement of Severus of Antioch. The bibliography of ancient sources and modern studies, along with the list of abbreviations and sigla, is to be found at the beginning of volume I. The same volume concludes with a glossary of theological and ecclesiastical terms, a series of informative maps, photographs and other illustrations, finally lists and indices. École biblique, Jerusalem 93723_09_Recensions 455 Justin TAYLOR, s.m. 06-29-2010, 11:02 4562010 - T. 117-3 (pp. 456-476). REVUE BIBLIQUE RB. BULLETIN Recueils et mélanges. — Jésus a-t-il eu des prétentions messianiques, ou son identité de Messie est-elle venue de la communauté primitive («∞∞chrétienne∞∞»)∞∞? Dans l’un et l’autre cas, de quelle sorte de Messie s’agissait-il∞∞? Que sait-on des idées et mouvement messianisants de l’époque et de leur audience∞∞? Un colloque tenu à Naple fin 2005 a fait le point sur ces questions, qui sont sérieusement travaillées depuis un certain temps∞∞; les contributions sont publiées par A. Guida et M. Vitelli1. Giorgio JOSSA, «∞∞Introduzione. L’diea del Messia al tempo di Gesù. L’orientamento della storiografia contemporanea∞∞», p. 15-30∞∞; Gian Luigi PRATO, «∞∞In nome di Davide∞∞: simbologia, polivalenza e ambiguità del potere regale messianico∞∞», p. 31-56∞∞; Paolo SACCHI, «∞∞Figure superumane e attesa messianica fra il II secolo a. C. e I secolo d. C.∞∞», p. 57-80∞∞; Luca ARCARI, «∞∞Il Libro delle Parabole di Enoch∞∞: alcuni problemi filologici e letterari∞∞», p. 81-92∞∞; Dario GARRIBBA, «∞∞Pretendenti messianici al tempo di Gesù∞∞? La testimonianza di Flavio Giuseppe∞∞», p. 93-107∞∞; Giuseppe BARBAGLIO, «∞∞Gesù ha affermato di essere Messia∞∞?∞∞», p. 107-120∞∞; Emilio SALVATORE, «∞∞Il messianismo di Gesù∞∞: immagini pre-kerigmatiche∞∞», p. 121-144∞∞; Cosimo PAGLIARA, «∞∞Il modello giudaico del “∞∞profeta escatologico∞∞”∞ : stadio esistenziale nel riconoscimento protocristiano di Gesù∞∞», p. 145-158∞∞; Alberto CASALEGNO, «∞∞Le opinioni degli anonimi circa l’identità messianica di Gesù nel Vangelo di Giovanni∞∞», p. 159-174∞∞; Annalisa GUIDA, «∞∞Il germoglio di Iesse ed il “∞∞soffio delle sue labbra∞∞” (Is 11,4)∞∞: sviluppi di un’intertestualità influente tra II secolo a. C. e I secolo d. C.∞∞», p. 175-188. La notion de messianisme juif, peu documentée dans la Bible et ignorée de Philon comme de Josèphe, n’est jamais évidente, car elle se combine avec d’autres titres bibliques. Une des difficulté du thème, soulignée par G. Prato, est d’éviter de faire de la christologie, et plus généralement de donner la priorité aux idées, lorsqu’elles ne sont pas véhiculées par un mouvement socialement visible. Il est significatif que le nom de «∞∞chrétien∞∞» soit apparu dans des circonstances troublées∞∞: Barnabé, à Antioche, était débordé et avait dû aller chercher Paul. Étienne NODET. Studies in Hebrew, Aramaic… — M. Bar-Asher, né au Maroc en 1939, est professeur émérite de l’Université hébraïque de Jérusalem, président de l’Académie de la langue hébraïque et de l’Alliance israélite universelle. Disciple de Y. Kutcher et spécialiste de l’hébreu de toutes époques et des diverses formes d’araméen, il a publié en linguiste de Annalisa GUIDA e Marco VITELLI, Gesù e i Messia di Israele (Coll. Oi Christianoi, 4). 14x21,5∞∞; 205 p. Trapani, Il Pozzo di Giacobbe, 2006. — Br. / 20 (ISBN 978 88 87324 93 8). 1 93723_10_Bulletin 456 06-30-2010, 8:36 457 BULLETIN nombreux ouvrages dans divers domaines apparentés∞∞: codicologie, philologie sémitique et langue rabbinique. Ses collègues, amis et disciples lui ont présenté une festschrift intitulée Portes de la langue2, en trois forts volumes∞∞: hébreu biblique, hébreu et araméen rabbiniques, langue moderne et idiomes juifs. Le tout comprend plus de cent articles, dont une vingtaine en anglais ou français. É. NODET. Jerusalem Studies in the Synoptic Gospels. – This collective volume3 brings together a number of previously unpublished studies, most of which refer in some way to the last week of Jesus’ life. They represent the work of the Jerusalem School of Synoptic Research. This informal body grew up from and around the joint study of the Gospels by the late Robert Lindsey (1917-1995), Pastor of Jerusalem’s Narkis Street Baptist Congregation, David Flusser (1917-2000), Professor of Early Christianity and Judaism of the Second Temple Period at the Hebrew University of Jerusalem, and Shmuel Safrai (1919-2003), Professor of Jewish History of the Mishnaic and Talmudic Period at the same University. The Jerusalem School shares a conviction that the Hebrew language ‘played an integral part’, along with Aramaic and Greek, in the cultural environment of first century Judaea and is ‘important for our understanding of the teachings of Jesus’. It also believes that ‘the historical Jesus belonged within the exciting landscape of competing Jewish ideas at the close of the Second Commonwealth’ (pp. 3-4). The first conviction leads to a view that the Semitic language source or sources behind the synoptic Gospels would have been Hebrew rather than Aramaic. Indeed, the characteristic approach of the Jerusalem School may be said to have begun with Robert Lindsey’s experience in translating St Mark’s Gospel into Hebrew: he found that Mark is full of ‘non-Hebraic expressions’, from which Luke is largely free. Indeed, Luke has many Semitisms, a fact already recognized by H.F.D. Sparks, in an article published in the Journal of Theological Studies in 1943. According to the Jerusalem School, these should not be explained as ‘Septuagintalisms’; they are evidence of Luke’s closeness to a Semitic – specifically Hebrew-language – environment. The second conviction enables the Jerusalem School often to see the New Testament as offering early – not infrequently the earliest – evidence of Jewish practices or controversies known later in the Rabbinical tradition. Incidentally, this approach offers a way to use the rabbinical material in studying the New Testament that avoids the anachronism associated with an uncritical use of Strack-Billerbeck. After Steven NOTLEY’s preface introducing the Jerusalem School of Synoptic Research, the volume begins appropriately with David FLUSSER on ‘The Synagogue and the Church in the Synoptic Gospels’, and Shmuel SAFRAI on ‘Early Testimonies in the New Testament of Laws and Practices Relating to Pilgrimage and Passover’. There follow: Randall BUTH and Brian KVASNICA, ‘Temple Authorities and Tithe-Evasion: 2 A. MAMAN, S. E. FASSBERG, Y. BREUER (eds), Sha{arei lashon. Studies in Hebrew, Aramaic and Jewish Languages Presented to Moshe Bar-Asher (en hébreu). Vol. I∞∞: Biblical Hebrew, Masorah, and Medieval Hebrew. Vol. II∞∞: Rabbinic Hebrew and Aramaic. Vol. III∞∞: Modern Hebrew and Jewish Languages. 16 x 23,5∞∞: LVI-344-184*, VI-452-84*, VIII-466-156* p., Jerusalem, The Bialik Institute, 2007. — Rel. 3x41,77 $ (978-965-342-945-1∞∞; 978-965-342-946-8∞∞; 978-965-342-947-5). 3 R. Steven NOTLEY, Marc TURNAGE and Brian BECKER (Eds.), Jesus’ Last Week. Jerusalem Studies in the Synoptic Gospels – Volume One (Jewish and Christian Perspectives, 11). 16 x 24,5; 350 pp. Leiden and Boston: Brill, 2006. – Rel. / 119; US$ 177 (ISBN 90-04-14790-X; ISSN 1388-2074). 93723_10_Bulletin 457 06-30-2010, 8:36 458 REVUE BIBLIQUE The Linguistic Background and Impact of the Parable of the Vineyard, the Tenants and the Son’ (critical notes on this parable are given in an appendix towards the end of the volume); Serge RUZER, ‘The Double Love Precept in the New Testament and the Rule of the Community’; R. Steven NOTLEY, ‘Learn the Lesson of the Fig Tree’ and ‘The Eschatological Thinking of the Dead Sea Sect and the Order of Blessing in the Christian Eucharist’; Marc TURNAGE, ‘Jesus and Caiaphas: An Intertextual-Literary Evaluation’; Chana SAFRAI, ‘The Kingdom of Heaven and the Study of Torah’; Brad H. YOUNG, ‘A Fresh Examination of the Cross, Jesus and the Jewish People’; David BIVIN, ‘Evidence of an Editor’s Hand in Two Instances of Mark’s Account of Jesus’ Last Week?’. The last two studies are devoted to the question of language: Shmuel SAFRAI, ‘Literary Languages in the Time of Jesus’, and Hanan ESHEL, ‘Use of the Hebrew Language in Economic Documents from the Judaean Desert’. Besides the appendix already referred to, there are an Index of Scripture and Ancient Sources and an Index of Subjects. Justin TAYLOR Traductologie. — Dans l’Antiquité, on se demandait si la Bible grecque pouvait avoir la même autorité que l’original. Bien plus tard, le concile de Trente proclama l’autorité de la Vulgate latine. Cette question normative en cache une autre plus délicate, l’exactitude sémantique d’une traduction. Le problème est permanent, et depuis 1990, un groupe de biblistes s’est constitué, The Context Group∞∞: Project on the Bible and Its Cultural Environment. Il est centré sur l’apport des sciences sociales pour améliorer les traductions de la Bible. D. Neufeld a rassemblé une série d’études issues de ces travaux4∞∞; de nombreux cas concrets sont discutés. – Richard L. ROHRBAUGH, «∞∞Foreignizing Translation∞∞», recommande une traduction délibérément installée dans les cultures antiques, ce qui peut nécessiter un peu de paraphrase, pour éviter l’annotation. Par exemple, dire que Marie était «∞∞fiancée à Joseph∞∞», sans note, aboutit à un contresens. – Zeba A. CROOK, «∞∞Grace as Benefaction in Galatians 2∞∞:9, 1 Corinthians 3∞∞:10, and Romans 12∞∞:3∞∞; 15∞∞:15∞∞», juge que le terme «∞∞grâce∞∞» est gauchi par des effets théologiques postérieurs à Paul. – Richard E. DEMARIS, «∞∞Contrition and Correction, or Elimination and Purification in 1 Corinthians 5∞∞?∞∞», juge que l’expulsion du pécheur par Paul est simplement un rite d’exécration destiné à restaurer l’unité de la communauté. – Dietmar NEUFELD, «∞∞Sins and Forgiveness∞∞: Release and Status Reinstatement of the Paralytic in Mark 2∞∞;1-12∞∞», conclut qu’il ne s’agit pas de l’absolution du péché originel∞∞: Jésus libère le paralytique de la honte. – Alicia BATTEN, «∞∞The Degraded Poor and the Greedy Rich∞∞: Exploring the Language of Poverty and Wealth in James∞∞», montre que, dans une culture de pénurie, le riche est nécessairement avare, et le pauvre est déshonoré, car il est devenu marginal. Dietmar NEUFELD (ed.), The Social Sciences and Biblical Translation (Symposium Series, 41). 15,5 x 23∞∞; X-188 p. Atlanta, Society of Biblical Literature, 2008. — $ 24,95 (ISBN 978-1-58983-347-0). 4 93723_10_Bulletin 458 06-30-2010, 8:36 459 BULLETIN – John H. ELLIOTT, «∞∞God – Zealous and Jealous but Never Envious∞∞; The Theological Consequences of Linguistic and Social Distinctions∞∞», montre que la «∞∞jalousie∞∞» de Dieu est souvent mal comprise. – John H. PILCH, «∞∞The Usefulness of the “∞∞Meaning Response∞∞” Concept of Interpreting Translations of Healing Accounts in Matthew’s Gospel∞∞», observe que dans le NT les notions de maladie et de guérison sont moins précises qu’aujourd’hui, et qu’il faut les rattacher à leur signification sociale. – Carolyn LEEB, «∞∞Translating the Hebrew Body into English Metaphor∞∞», conclut que selon l’anthropologie biblique la locution «∞∞parler au cœur∞∞» doit être comprise «∞∞parler à la raison, discuter∞∞», mais toujours avec une note existentielle. Dieu a donné à l’homme «∞∞un cœur pour penser∞∞» (Si 17,6). – Robert A. KUGLER, «∞∞Relexicalizing Leviticus in 4QMMT∞∞: The Beginnings of Qumran Anti-language∞∞?∞∞», montre, en examinant les controverses de 4QMMT et ses références bibliques, que l’antilangage peut se ramener à un effet de traduction. – John SANDYS-WUNSCH, «∞∞Comments from Someone Who Once Shook Hands with S. H. Hooke∞∞», souligne en conclusion que toute traduction est inadéquate, ce qui pose le problème de l’autorité du commentaire qu’il faut associer, qu’il soit écrit ou oral. É. NODET. Bible polyglotte. — Les grandes polyglottes classiques font toujours des émules. L’entreprise Bibbia ebraica interlineare offre en synopse à droite le TM avec une courte annotation textuelle (BHS, BHQ), une traduction juxtalinéaire mot-à-mot et une analyse des verbes, et à gauche la LXX de RahlfsHanhart, la Vulgate sixto-clémentine et une traduction italienne moderne. Une introduction détaillée précise les choix opérés∞∞; en particulier, la traduction juxtalinéaire met les mots les plus fréquents en transcription (noms de Dieu, termes cultuels, père, fils, pain, etc.) de manière à en aider la mémorisation pour les hébraïsants débutants. Avec sa présentation très claire, la série constitue à la fois un instrument de travail et une initiation à l’hébreu biblique. Il faut lui souhaiter du succès, même hors d’Italie. Les Cinq Rouleaux (Ct, Qo, Lm, Est, Rt) sont présentés en un volume5. Les suppléments du grec sont fournis. Un détail malencontreux∞∞: contrairement à la page de titre, la couverture et la jaquette illustrée portent ‫∞∞« המש מגלות‬qui supprime des rouleaux∞∞», au lieu de ‫…חמש מגלות‬ É. NODET. 5 Piergiorgio BERETTA (a cura di), ‫חמש מגלות‬. Cinque Meghillôt. Rut, Cantico dei cantici, Qohelet, Lamentazioni, Ester. Ebraico, greco, latino, italiano. Testo ebraico della Biblia Hebraica Stuttgartensia. Traduzione interlineare italiana di Mauro BIGLINO. Testo greco dei Settanta, ed. Rahlfs / Rahlfs-Hanhart. Testo latino della Vulgata Clementina. Testo italiano della Nuovissima Versione della Bibbia e di Mons. Gianfranco RAVASI (Cantico dei cantici e Qohelet) (Bibbia ebraica interlineare, 17-21). 17 x 24,5∞∞; 20*-231 p. Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 2008. — Rel. / 35,00 (ISBN 978-88215-6301-0). 93723_10_Bulletin 459 06-30-2010, 8:36 460 REVUE BIBLIQUE Bible grecque. — Une légende médiévale veut que Simon le Juste, un grand prêtre prémaccabéen, ait traduit en grec la Bible hébraïque, mais il jugeait impossibles certaines allusions messianiques. Il lui fut donné de vivre plusieurs siècles, pour finalement accueillir Jésus au temple∞∞: «∞∞Mes yeux ont vu ton salut∞∞» (Lc 2,30). Contre cette vue traditionnelle faisant de la LXX une avancée vers le christianisme, N. Fernández Marcos offre une brève synthèse sur cette traduction, qui fut une Bible juive avant de devenir chrétienne6. Il s’adresse au non-spécialiste en dix brefs chapitres suivis chacun d’un complément bibliographique∞∞: une Bible juive devenue chrétienne∞∞; les origines∞∞; traduction et traducteurs∞∞; conflits entre hébreu et grec∞∞; les révisions chrétiennes∞∞; les fragments grecs du désert de Juda∞∞; la LXX et les origines du christianisme∞∞; la Bible des Pères∞∞; les éditions critiques modernes. Ce tour d’horizon d’un spécialiste fait le point avec mesure. On ajoutera seulement deux éléments au débat. La Mishna insiste sur l’importance de la Bible hébraïque, mais signale qu’une traduction grecque fut autorisée (m.Megila 1∞∞:8). Il s’agit non pas de la LXX, mais de la traduction d’Aquila, vers 100. Celui-ci suit très littéralement le TM, et des sages le félicitèrent (j.Megila 1∞∞:11 ‫קלסו‬, de kálov, «∞∞déclarèrent bon∞∞»). Le grec était alors dominant en Judée, et le problème des milieux protorabbiniques n’était pas d’abord de se protéger du christianisme paulinien, éloigné de la Judée, mais de marquer une séparation d’avec l’exégèse allégorique à la Philon. La seconde instance concerne Josèphe. Dans sa paraphrase biblique, il utilise un texte hébreu glosé, très probablement issu des archives du temple (recueilli par Titus en 70). Ce texte a des parentés avec des fragments de Qumrân et aussi avec la LXX, spécialement sous la forme attestée par la recension antiochienne du IVe siècle (dite «∞∞lucianique∞∞»). E. Tov a montré que les singularités de cette recension provenaient d’une traduction complète faite sur un hébreu distinct du TM, et donc apparenté à la source de Josèphe. Cette présentation de la LXX vient en marge d’un projet de traduction de la Bible grecque en castillan. Le Pentateuque en constitue la première livraison7, qui sera suivie de trois autres. Une introduction générale, dotée d’une importante bibliographie, justifie l’entreprise, liée à un regain d’intérêt pour la LXX, et donne les principes suivis∞∞: le texte retenu est celui de Göttingen ou à défaut celui de Rahlfs∞∞; lorsqu’il y a deux recensions nettement distinctes, les deux traductions seront mises en regard (Jos, Dn, texte antiochien de S-R-Ch, etc.)∞∞; une annotation brève explique les difficultés de sens ou de traduction et signale des contacts avec les fragments de Qumrân, mais ne s’attarde pas à la réception patristique. Chaque livre fait l’objet d’une introduction propre, avec bibliographie. 6 Natalio FERNANDEZ MARCOS, Septuaginta. La Biblia griega de judíos y cristianos (Biblioteca de estudios bíblicos minor, 12). 12 x 19∞∞; 157 p. Salamanca, Ediciones Sígueme, 2008. — / 12,00 (ISBN 978-84-301-1689-8). 7 Natalio FERNANDEZ MARCOS & María Victoria SPOTTORNO DIAZ-CARO (coord.), La Biblia griega Septuaginta, I∞ : El Pentateuco (Biblioteca de Estudios Bíblicos, 125). 15,5 x 23,5∞∞; 448 p. + 8 planches en couleur. Salamanca, Ediciones Sígueme, 2008. — Rel. / 29,00 (ISBN 978-84-301-1693-5). 93723_10_Bulletin 460 06-30-2010, 8:36 461 BULLETIN Les disciples et amis de F. Gignac, s. j., lui ont offert une Festschrift pour ses 75 ans. En l’honneur de ses travaux philologiques, elle est consacrée à la Bible grecque8∞∞; elle inclut une bibliographie de l’impétrant et des index. I. Genesis Creation Traditions. – Jennifer M. DINES, «∞∞Creation under Control∞∞: Power Language in Genesis 1∞∞:1-2∞∞:3∞∞», montre que contrairement au TM la LXX présente le ciel et la terre comme un cosmos unifié, et non deux règnes indépendants. – C. T. Robert HAYWARD, «∞∞Guarding Head and Heel∞∞: Observations on Septuagint Genesis 3∞∞:15∞∞», observe que la LXX, Philon et les targums interprètent le verbe difficile ‫ שוף‬comme «∞∞surveiller∞∞» avec une nuance hostile. – Janet TIMBIE, «∞∞What is EPIFERE∞∞? Genesis 1∞∞:2b in the Sahidic Version of the LXX and the Coptic Apocryphon of John∞∞», montre que l’emploi anormal du mot grec de la LXX pour ‫∞∞« מרחפת‬voleter, aller et venir∞∞» provient d’une question théologique sur l’Esprit. II. Later Septuagintal Books. – Alexander A. DI LELLA, «∞∞A Textual and Literary Analysis of the Song of the Three Jews in Greek Daniel 3∞∞:52-90∞∞», propose de diviser le cantique en sept couplets, qui reprennent les sept jours de Création. – Jeremy CORLEY, «∞∞Septuagintalisms, Semitic Interference, and the Original Language of the Book of Judith∞∞», montre que les sémitismes de Jdt s’expliquent au mieux par une influence délibérée de la LXX∞∞; il n’est donc pas nécessaire de supposer un original hébreu. – Mark F. WHITTERS, «∞∞Martyrdom as Cultic Death in the Books of Maccabees∞∞: Antecedents and Later Developments∞∞», juge que les traditions grecques qui comprennent le sacrifice humain accepté comme intercession est à l’origine des récits de martyrs juifs, et conclut que la mort acceptée de Jésus est dans la même ligne. III. New Testament Texts. – Stanley E. PORTER, «∞∞Verbal Aspect and Discourse Functions in Mark 16∞∞:1-8∞∞: Three Significant Instances∞∞», montre que des nuances stylistiques sollicitent discrètement la réponse du lecteur, ce qu’ont souvent perçu les Pères. – Eliott MALONEY, «∞∞The “∞∞Impersonal∞∞” Plural Active of the Verb in the Synoptic Gospels and Acts∞∞: Semitic Interference∞∞?∞∞», conclut positivement∞∞: il y a des interférences araméennes, spécialement chez Mc. – Bart J. KOET, «∞∞Luke 10∞∞:38-42 and Acts 6,1-17∞∞: A Lucan Diptych on diakonía∞∞», montre que le terme désigne un service matériel, mais qu’il ne se comprend que combiné avec l’enseignement. – Vincent SKEMP, «∞∞Participial Aspect and the Lamb’s Paradigmatic Witness in Revelation 13∞∞:8∞∞», montre qu’il y a un sens à parler du «∞∞livre de l’agneau égorgé écrit dès les origines du monde∞∞». IV. Linguistic Studies. – M. O’CONNOR, «∞∞The Language of Creation in Ben Sira∞∞: ‫ = חלק‬ktíhw∞∞», montre que ‫חלק‬, qui a le sens «∞∞créer∞∞» en arabe (‫ ח‬dur), l’a aussi en hébreu tardif. 8 Jeremy CORLEY & Vincent SKEMP (eds), Studies in the Greek Bible. Essays in Honor of Francis T. Gignac, S.J. (The Catholic Biblical Quarterly Monograph Series, 44). 15 x 23∞∞; XIV-318 p. Washington, DC, The Catholic Biblical Association of America, 2008. — $ 18,00 (ISBN 0-915170-43-4). 93723_10_Bulletin 461 06-30-2010, 8:36 462 REVUE BIBLIQUE – Shawn W. FLYNN, «∞∞The Septuagint as Interpretative Translation and the Complex Background to katanússomai in Acts 2∞∞:37∞∞», montre, par un parcours dans la LXX, que cet hapax du NT signifie «∞∞être poignardé∞∞» et que la métaphore se réfère à la découverte par les auditeurs de Pierre de leur condition de pécheurs. – James K. AITKEN, «∞∞Phonological Phenomena in Greek Papyri and Inscriptions and their Significance for the Septuagint∞∞», montre que certaines particularités orthographiques momentanées des papyrus peuvent aider à dater la LXX. B. Wright publie un recueil d’articles sur le judaïsme hellénistique parus depuis vingt ans, et ajoute un inédit. Il explique en introduction que trois thèmes dominent et s’entrelacent∞∞: les problèmes de traduction, le contexte social des auteurs et la transmission de la tradition. La matière est en fait distribuée en deux parties, centrées l’une sur Ben Sira et l’autre sur la Septante9. Des index complètent l’ouvrage. I. Ben Sira and Early Jewish Wisdom. – «∞∞Wisdom and Women at Qumran∞∞»∞∞; l’A. observe qu’aucun des textes de sagesse traitant des femmes n’est clairement sectaire, ou essénien. – «∞∞From Generation to Generation∞∞: The Sage as Father in Early Jewish Literature∞∞»∞∞; le procédé pédagogique de s’adresser à «∞∞mon fils∞∞» ou à «∞∞toi∞∞» provient de Pr et se rencontre dans Si et des textes de Qumran. – «∞∞The Categories of Rich and Poor in the Qumran Sapiential Literature∞∞»∞∞; la clientèle de Ben Sira est appelée à être influente et aisée, et doit se garder des puissants, alors qu’un maître de Qumrân (mbyn) est manifestement pauvre économiquement, et le devient socialement. – «∞∞“∞∞Who Has Been Tested by Gold and Found Perfect∞∞?∞∞” Ben Sira’s Discourse of Riches and Poverty∞∞»∞∞; pour Pr, la prospérité est liée à la justice, mais pour Si elle reste précaire, et le plus grand honneur est le service de Dieu. – «∞∞“∞∞Fear the Lord and Honor the Priest∞∞”∞∞: Ben Sira as Defender of the Jerusalem Priesthood∞∞»∞∞; alors que Hénoch et Lévi araméen critiquent le temple et le pontificat, Si les défend et s’attache au calendrier lunaire. – «∞∞“∞∞Put the Nations in Fear of You∞∞”∞∞: Ben Sira and the Problem of Foreign Rule∞∞»∞ ; la sujétion étrangère est une conséquence du péché, mais la perfection du culte et de la crainte de Dieu constituent une sorte d’affranchissement. – «∞∞Wisdom, Instruction and Social Location in Ben Sira and 1 Henoch∞∞»∞∞; il s’agit d’ouvrages scolaires, mais le second, plus ésotérique et dissident, tient à une sagesse révélée. – «∞∞Ben Sira on the Sage as Exemplar∞∞»∞∞; pour accéder à la sagesse, l’enseignement théorique ne suffit pas∞∞; il faut des exemples, anciens ou récents. – «∞∞B. Sanhedrin 100b and Rabbinic Knowledge of Ben Sira∞∞»∞∞; Si est cité comme «∞∞Écrit∞∞», mais les citations rabbiniques, dont plusieures en araméen, ne 9 Benjamin G. WRIGHT III, Praise Israël for Wisdom and Instruction. Essays on Ben Sira and Wisdom, the Letter of Aristeas and the Septuagint (JSJ, Suppl. 131). 16,5 x 24,5∞∞; XV-361 p. Leiden-Boston, Brill, 2008 — Rel. / 119,00. $ 189,00 (ISBN 978-9004-16908-1∞∞; ISSN 1384-2161). 93723_10_Bulletin 462 06-30-2010, 8:36 463 BULLETIN concordent que partiellement avec les versions connues∞∞; cependant, celles-ci attestent diverses expansions, et il en est certainement de même pour ces citations. II. The Letter of Aristeas and the Septuagint. – «∞∞The Jewish Scriptures in Greek∞∞: The Septuagint in the Context of Ancient Translation Activity∞∞»∞∞; l’A. observe que l’œuvre des LXX, où l’original est toujours sensible, est sans précédent, et doute que la corporation des traducteurs grecs, connue depuis Hérodote, ait réellement servi de modèle. – «∞∞‫עבד‬/doÕlov – Terms and Social Status in the Meeting of Hebrew Biblical and Hellenistic-Roman Culture∞∞»∞∞; le statut biblique des esclaves était différent des coutumes gréco-romaines∞∞; la LXX met pa⁄v et évite doÕlov, pour marquer cet écart, mais Philon et Josèphe emploient régulièrement doÕlov∞∞; pour eux, pa⁄v signifie le plus souvent «∞∞enfant∞∞». – «∞∞Access to the Source∞∞: Cicero, Ben Sira, the Septuagint and Their Audience∞∞»∞∞; alors que Cicéron explique comment il traduisait pour une audience ignorant le grec, Ben Sira et la LXX s’adressent à des gens capables de percevoir l’original. – «∞∞The Letter of Aristeas and the Reception History of the Septuagint∞∞»∞∞; le but de la Lettre est de donner une autorité canonique à une traduction existante, ce qui est contraire à la perspective du traducteur de Si. – «∞∞Translation as Scripture∞∞: The Septuagint in Aristeas and Philo∞∞»∞∞; pour l’un et l’autre, la LXX est destinée à remplacer l’hébreu. – «∞∞Three Jewish Ritual Practices in Aristeas §§158-160∞∞»∞∞; les règles relatives aux franges, aux mezuzot et aux phylactères ne suivent pas exactement la lettre biblique∞∞; il y avait donc une tradition orale autorisée. É. NODET. Judaïsme rabbinique. — L’historia est une enquête sur les faits, qui vise à l’objectivité, alors que le midrash est une enquête sur les mots de la Bible en fonction d’un questionnement propre qui la provoque∞∞; c’est donc l’opposé du commentaire, qui par hypothèse se soumet au texte pour l’expliquer. J.-G. Kahn, qui a une forte culture classique et a beaucoup travaillé Philon, expose la nature du midrash dans un ouvrage court mais très fin, sans lourdeur technique10. Il s’attache surtout à la agada, qui couvre tous les domaines non légaux du judaïsme (philosophie, poésie, sagesse, récits divers). Il explique, en l’illustrant par des exemples, que les sciences modernes peuvent et doivent en augmenter l’intelligibilité, mais ne peuvent l’emprisonner. L’histoire générale fournit des cadres, depuis les Perses et Alexandre, mais le midrash les transforme au profit de récits qui ont le plus souvent l’aspect d’une parabole et qui sont toujours rattachés à l’Écriture, parfois de manière imprévue, presque arbitraire. Les moyens d’expression sont particuliers, car dans la langue biblique les mots, les expressions, les récits se renvoient constamment 10 Jean-Georges KAHN, Le Midrash à la lumière des sciences humaines. 14x21∞∞; 142 p. Paris, Connaissance et savoirs, 2006. — Br. / 15 (ISBN 978 2 7539 0095 0). 93723_10_Bulletin 463 06-30-2010, 8:36 464 REVUE BIBLIQUE les uns aux autres, dans des jeux indéfinis dépendant largement de l’interprète, mais celui-ci doit admettre que le tout forme une révélation de Dieu qu’il s’agit d’expliciter aujourd’hui. Les noms des choses les exprime, mais les déformer ou les arranger autrement révèle des réalités implicites. La magie n’est jamais loin, mais les Sages s’en méfient, quoique sans lui opposer une théologie rationnelle. Bref, un petit livre à recommander, documenté, réfléchi, respectueux des sources et accessible au grand nombre. Il n’existe pas d’équivalent en anglais∞∞! Refusant l’idée admise depuis les travaux de S. Lieberman et J. Neusner que la transmission orale de la Mishna résultait d’une mémorisation sans réflexion, E. Alexander propose un autre modèle, à la fois actif et constructif∞11. À travers l’étude de plusieurs passages et de leurs développements talmudiques, elle suggère que la Mishna ne s’est réellement fixée que bien plus tard qu’on ne le croit généralement∞∞: cette fixation a été le fruit d’une forte interaction entre maîtres et disciples, selon un processus analogue à celui de la fixation des Écritures. Les exemples choisis sont suggestifs, mais la question n’est pas close pour autant, car l’A. minimise l’importance d’autres recueils tannaïtiques comme la Tosefta ou le Midrash halakha, qui supposent une Mishna largement fixée, au moins oralement. Y. Kolatch commence la publication d’un nouveau type de commentaire rabbinique de l’Écriture12. Le midrash, le targum et les commentateurs traditionnels (Saadia Gaôn, Rashi et sa postérité, Maïmonide, Nakhmanide, etc.) étant bien connus, il s’efforce de scruter leur culture, leur manière d’aborder les textes, leurs préoccupations, le public qu’ils visent, etc. Plutôt que de risquer une nouvelle somme encyclopédique, alors qu’il en existe déjà, il prend une méthode progressive qui évite au lecteur de se noyer et l’invite à poursuivre. La Tora est divisée en portions hebdomadaires de dimension notable, car elles sont conçues pour un cycle annuel. Commençant au début de la Genèse, l’A. se concentre sur un commentateur (ou assimilé) pour chaque portion, en suivant à peu près l’ordre chronologique. Ainsi, la première portion ou parasha (Gn 1,16,8) sert à illustrer le midrash, la seconde (Gn 6,9-11,32) le targum, etc. Pour chacune d’elle, la présentation est la même∞∞: le commentateur (ou assimilé) est d’abord introduit en détail avec son époque, puis le commentaire est introduit dans son ensemble, avec ses perspectives dominantes, voire les défis de son époque, et enfin un échantillon est minutieusement expliqué. On peut dire qu’ainsi la tradition orale domine l’écrit. L’ouvrage commence par un gros chapitre définissant les notions traditionnelles, le pourquoi et le comment des différents types d’exégèse. L’histoire 11 Elizabeth Shanks ALEXANDER, Transmitting Midrash. The Shaping Influence of Oral Tradition. 16x23,5∞∞; xvi-246 p. Cambridge, University Press, 2006. — Rel. $ 75, £ 45 (ISBN 978 0 521 85750 5). 12 Yonatan KOLATCH, Masters of the Words. Traditional Jewish Bible Commentary from the First through Tenth Centuries. Vol. I. 16x23,5∞∞; xviii-454 p. Jersey City, KTAV Publishing House, 2006. — Rel. $ (ISBN 978 088125 936 0). 93723_10_Bulletin 464 06-30-2010, 8:36 465 BULLETIN antérieure à la publication de la Mishna (vers 200) est envisagée de manière peu critique, mais le tout forme une excellente introduction pour tout public aux modes de pensée et d’exégèse du judaïsme rabbinique. Une telle transparence, légèrement atténuée par l’emploi d’un certain vocabulaire technique, est fort peu traditionnelle, mais J. Neusner a depuis des dizaines d’années rétabli une coutume qui s’était perdue depuis Philon∞∞: rendre accessibles des enseignements traditionnellement ésotériques, c’est-à-dire liés à la fréquentation d’un maître. Étienne NODET. Septante. — La LXX est-elle inspirée∞∞? Pour la théologie médiévale, la réponse est négative, puisqu’il s’agit de traductions, alors que l’inspiration est un charisme personnel des auteurs sacrés. Philon n’avait aucun doute sur l’inspiration de la LXX, puisque c’était une traduction fidèle∞∞; de même les premiers Pères, à commencer par Justin – et telle est encore la tradition des Églises grecques. On peut même ajouter que c’est implicite chez Paul∞∞; plus généralement on peut même affirmer que l’ensemble du NT n’a aucun doute sur l’autorité de la traduction grecque de la Bible, LXX officielle ou non. Même Origène, pourtant très attentif à l’hébreu, prend très au sérieux les diverses versions grecques qu’il connaît. C’est Jérôme, champion de l’hebraica veritas, qui a prononcé le déclin de l’autorité de la LXX. D. Kranz reprend le dossier des sources anciennes13. De fait, c’est une certaine doctrine de l’inspiration qui crée des difficultés artificielles. Pour les Anciens, c’est l’usage liturgique qui constituait le critère. Jérôme aurait bien voulu supprimer de la Vulgate les livres connus seulement en grec (Jdt, Tb, 1-2 M, Sg, Si). Il les jugeait secondaires, car ils ne pouvaient servir aux débats avec les Juifs, mais il était obligé d’admettre qu’ils étaient utilisés partout dans la liturgie et la prédication. Un critère semblable a servi pour le NT, en plus de l’autorité apostolique proprement dite. Ainsi Eusèbe se faisait-il l’écho de doutes sur l’attribution de Jc à Jacques, frère du Seigneur, mais il devait admettre que cette épître était lue dans la liturgie de toutes les Églises. Le Concile de Trente n’a pas osé proclamer que la Vulgate latine était inspirée, en dépit de l’opinion de certains, mais il a fait un pas décisif en déclarant que c’était le texte biblique qui était inspiré – et non ce qu’avaient pensé ou dit les divers auteurs. Ainsi apparaissait la notion de Bible (au singulier) comme œuvre littéraire. De la même manière, l’autorité d’une loi ne dépend pas de la qualité de ses rédacteurs ni des débats qui l’ont précédée. Étienne NODET. 13 Dirk Kurt KRANZ, Ist die griechische Übersetzung der Heiligen Schrift der LXX inspiriert∞∞? Eine Antwort nach den Zeugnissen der Kirchenväter (2.-4. Jh.) vor dem Aufkommen der diskussion um die∞∞» hebraica veritas «∞∞ (Studi e Ricerche, 3). 17x24∞∞; 264 p. Roma, Ateneo Pontificio Regina Apostolorum, 2005. — Br. / 12 (ISBN 88 89174 29 3). Pour une réhabilitation de la LXX sous un autre angle, cf. RB 105 (1998), p. 426-430. 93723_10_Bulletin 465 06-30-2010, 8:36 466 REVUE BIBLIQUE Ben Sira. — Le livre de Ben Sira occupe une position canonique instable∞∞: il n’est pas dans le TM, mais le Talmud le cite, et certains fragments de la geniza du Caire ont reçu la vocalisation massorétique. Il a fait l’objet d’une Conférence internationale tenue en 2006 à Pápa (Hongrie)∞∞; G. G. Xeravits et J. Zsengellér en présentent les communications, en trois parties suivies d’index14. I. Introductory Matters. – Maurice GILBERT, «∞∞The Vetus Latina of Ecclesiasticus∞∞», montre que les suppléments de cette version proviennent d’un original grec perdu, lui-même fondé sur une forme plus longue de l’hébreu – également perdue. – Frank FEDER, «∞∞The Coptic Version(s) of the Book of Jesus Sirach∞∞», se désole de l’absence d’édition critique de l’AT copte (sahidique et bohaïrique), mais constate l’importance qu’a eue Si dans les lectionnaires traditionnels. – Gabriele BOCCACCINI, «∞∞Where does Ben Sira Belong∞∞? The Canon, Literary Genre, Intellectual Movement, and Social Group of a Zadokite Document∞∞», cherche à situer Si dans un courant de sagesse favorable à l’élection d’Israël, à la loi de Moïse, au culte de Jérusalem et aux grands prêtres issus d’Aaron (Si 44,24). Il croit pouvoir le qualifier de «∞∞sadocide∞∞», à la lumière d’un poème figurant uniquement dans le ms. A de la geniza du Caire après Si 51,12. Cette dernière assertion est exagérée, car cet hymne loue Dieu d’avoir choisi ‫∞∞« בני צדוק לכהן‬des fils de Sadoq pour officier∞∞» et non ‫∞∞« לכהנים‬comme prêtres∞∞». Il faut se rappeler que l’ancêtre de ce ms. provient de Qumrân, de même que des fragments du Document de Damas, où on lit que l’assemblée se compose de quatre classes (CD 3∞∞:18-4∞∞:4)∞∞: les prêtres, les lévites, les fils de Sadoq et les néophytes (‫)גרים‬. Ainsi, les «∞∞fils de Sadoq∞∞» ou membres ordinaires, peuvent être appelés à des rangs plus élevés, ce qui ne dépend d’aucune généalogie. Il n’y a pas d’indice clair que les grands prêtres prémaccabéens (oniades) aient été des «∞∞sadocides∞∞». – Stefan SCHORCH, «∞∞The Preeminence of the Hebrew Language and the Emerging concept of “∞∞Ideal Text∞∞” in Late Second Temple Judaism∞∞», observe que le prologue du traducteur de Si valorise l’hébreu, bien distingué de l’araméen (alors que plus tard on les confond, cf. Philon et le NT)∞∞; le contact avec l’original a plus de force (cf. Dt 28,58 qui demande de se référer à «∞∞ce livre∞∞»). Il reste un problème∞∞: le prologue souligne la force de l’original hébreu (l. 22), mais il ajoute que les traductions (grecques∞∞; peut-être araméennes) diffèrent grandement des originaux, ce qui contredit les affirmations de la Lettre d’Aristée. – Armin LANGE, «∞∞“∞∞The Law, the Prophets, and the Other Books of the Fathers∞∞” (Sir, Prologue). Canonical Lists in Ben Sira and Elsewhere∞∞?∞∞», montre qu’il ne s’agit pas proprement d’un canon tripartite∞∞: tous les livres juifs sont inclus sans restriction dans la troisième catégorie∞∞; Si y a sa place. 14 Géza G. XERAVITS, József ZSENGELLER (eds), Studies in the Book of Ben Sira. Papers of the Third International Conference on the Deuterocanonical Books, Shime'on Centre, Pápa, Hungary, 18-20 May, 2006 (JSJ, Suppl. 127). 16,5 x 24,5∞∞; XIII-267 p. Leiden, Boston, Brill, 2008. — Rel. / 99,00. $ 158,00 (ISBN 978-90-04-16906-7∞∞; ISSN 1384-2161). 93723_10_Bulletin 466 06-30-2010, 8:36 467 BULLETIN II. The Wisdom Teaching of Ben Sira. – Nuria CALDUCH-BENAGES, «∞∞“∞∞Cut Her Away from your Flesh∞∞”. Divorce in Ben Sira∞∞», conclut que les propos de Si sur le divorce reflètent simplement la pratique de l’époque, où la femme dépend entièrement du mari. – Friedrich V. REITERER, «∞∞Das Verhältnis der ‫ חכמה‬zur ‫ תורה‬im Buch Ben Sira∞∞», se demande si pour Si la sagesse se confond avec la Loi, ou s’il s’agit d’une autre «∞∞source∞∞». Il conclut d’une étude minutieuse que l’accent est distinct∞∞: qui méprise la sagesse (nature) est sot, qui méprise la Loi (révélée) est coupable. – József ZSENGELLER, «∞∞Does Wisdom come from the Temple∞∞? Ben Sira’s Attitude to the Temple of Jerusalem∞∞», constate que l’intérêt de Si pour le temple est en contraste avec les autres écrits sapientiaux∞∞; la sagesse peut s’attacher à tout. Cependant, il y avait aussi une note de propagande∞∞: d’abord contre le Garizim pour Ben Sira lui-même, puis contre le temple d’Onias pour le traducteur, son petit-fils. III. The Praise of the Fathers. – Jeremy CORLEY, «∞∞Sirach 44∞∞:1-45 as Introduction to the Praise of the Ancestors∞∞», note que Si ne croit pas à la résurrection, bien qu’il admette que Hénoch et Élie ont été «∞∞emportés∞∞»∞∞; en tout cas, la survie des ancêtres et des sages doit être entretenue par leur mémoire. Dans son discours-testament, Mattathias fait de même (1 M 2,51). – Benjamin G. WRIGHT III, «∞∞The Use and Interpretation of Biblical Tradition in Ben Sira’s Praise of the Ancestors∞∞», juge après examen que les éloges des ancêtres furent d’abord des compositions orales simplement pétries d’allusions bibliques, mais sans la lourdeur de références explicites. Le traducteur, qui était lui aussi pétri de la LXX, a commencé par faire de même en grec. – Pancratius C. BEENTJES, «∞∞Ben Sira 44∞∞:19-23 – The Patriarchs. Text, Tradition, Theology∞∞», fait le point des difficultés textuelles, puis montre que pour Abraham Si s’appuie directement sur Gn 17, non sans un écho de Ne 9,8 et une locution (grecque) qui se retrouve en 1 M 2,52∞∞; une méthode analogue est employée pour Isaac et Jacob. – Matthias WEIGOLD, «∞∞Noah in the Praise of the Fathers∞∞: The Flood Story in nuce∞∞», conclut d’une analyse détaillée que Si insiste sur l’alliance noachique comme prélude des alliances ultérieures (Abraham, Moïse). É. NODET. Flavius Josèphe. — Comment comprendre la personnalité de Josèphe∞∞? Selon O. Gussman, il y a deux piliers∞∞: son but est d’introduire au judaïsme le monde gréco-romain, et sa méthode est de se présenter comme prêtre, avec des fonctions de culte et d’enseignement, mais sans être lié à aucune école particulière15. Après une introduction, l’étude procède en deux parties, suivies d’une grosse bibliographie et d’index. 15 Oliver GUSSMANN, Das Priesterverständnis des Flavius Josephus (Texts and Studies in Ancient Judaism, 124). 15,5 x 24,5∞∞; XV-514 p. Tübingen, Mohr-Siebeck, 2008. — Rel. / 120,00 (ISBN 978-3-16-149562-5). 93723_10_Bulletin 467 06-30-2010, 8:36 468 REVUE BIBLIQUE Dans son introduction, l’A. dresse un status questionis sur l’identité de Josèphe. Il observe que malgré l’extrême intérêt de Josèphe pour le sacerdoce – il est lui-même prêtre et défend sa position – le thème n’a pas encore été traité pour lui-même. La première partie présente les éléments biographiques utiles de Josèphe comme prêtre, puis rassemble les données bibliques et postérieures sur le sacerdoce israélite et juif, et enfin introduit une comparaison avec le culte public romain. La seconde partie s’attache à des points particuliers∞∞: la généalogie des grands prêtres, les liens entre sacerdoce et prophétie, le rôle du prêtre dans une «∞∞théocratie∞∞» (le mot est une création de Josèphe), le temple et son histoire, les ornements pontificaux (avec deux illustrations). L’ensemble est très documenté, mais il manque l’élément le plus manifeste pour expliquer l’importance du sacerdoce chez Josèphe – et son manque d’attrait pour la royauté. Nettement après la guerre de 70, il a voulu recentrer le judaïsme sur Rome en s’affirmant (timidement) pharisien, au moment où Gamaliel II cherchait à en faire autant à Yabneh-Yamnia en Judée∞∞; celui-ci s’appuyait sur les traditions babyloniennes, bien plus clairement pharisiennes et très laïques. Josèphe voulut même restaurer à Rome la coutume de l’agneau pascal. Une telle assertion paraît contraire au propos explicite de Josèphe, qui dans le prologue des Antiquités affirme s’adresser aux nations. Il s’agit en fait d’une fiction littéraire, analogue à celle de la Lettre d’Aristée. En effet, il faut bien distinguer les perspectives des deux dernières œuvres de Josèphe∞∞: dans le Contre Apion (vers 95), il présente le judaïsme dans un style alerte, en montre l’antiquité en citant des historiens anciens (mais non la Bible, qui n’est pas une autorité), et réfute l’antijudaïsme de l’époque. Au contraire, les Antiquités juives (en 93) sont formées d’une paraphrase biblique assez lourde depuis les origines, complétée à partir du IVe siècle par des documents plus récents sur la Judée∞∞; en annexe figure une biographie, qui pour l’essentiel est d’abord une illustration de ses titres à enseigner (pedigree sacerdotal et éducation) puis une apologie de son action en Galilée comme général pendant les quelques mois de la guerre de 67. Les faits rapportés sont strictement d’envergure locale, car dès que l’armée de Vespasien arrive, il renvoie au récit qu’il a déjà donné dans la Guerre. Autrement dit, quelque 25 ans après la guerre, cette apologie ne peut avoir le moindre intérêt pour le Romain moyen, surtout en grec, alors qu’elle est de la plus haute importance symbolique pour les juifs. En effet, la Galilée rurale, opposée aux villes romanisées de Séphoris et Tibériade, était une haute référence pour le judaïsme en général, de l’est comme de l’ouest, car elle combinait les attaches pharisiennes, les plus populaires, et la présence en Terre promise rurale, à l’écart des ambiguïtés de Jérusalem. É. NODET. Christianisme alexandrin. — A. Fürst montre que c’est à Alexandrie à la fin du IIe siècle que le christianisme a pris une tournure plus intellectuelle16. 16 Alfons FURST, Christentum als Intellektuellen-Religion. Die Anfänge des Christentums in Alexandria (Stuttgarter Bibelstudien, 213). 13,5 x 21∞∞; 126 p. Stuttgart, Verlag Katholisches Bibelwerk GmbH, 2007. — / 22,80 (ISBN 978-3-460-03134-0). 93723_10_Bulletin 468 06-30-2010, 8:36 469 BULLETIN Dans un petit livre synthétique, il passe en revue les auteurs de l’époque, dont certains ont brillamment survécu (Clément, Origène). Il présente plusieurs lettres du IIe siècle qui peuvent avoir été écrites par des chrétiens, mais le fait remarquable est que pendant un bon siècle après Apollos, qui «∞∞enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus∞∞» (Ac 18,25), on ignore tout du christianisme égyptien. É. NODET. Dernière Cène. — Le rite de la Cène comme culte chrétien typique n’a jamais été mis en doute dans l’Antiquité, et il ne s’agit pas d’un choix parmi les multiples formes de repas sacrés existant à l’époque. Telles sont les conclusions de l’étude de J. Schröter sur la dernière Cène17. Après une introduction, il procède en six chapitres∞∞: le sens de la Cène dans l’Église primitive, de Paul à la Traditio apostolica∞∞; la consigne de répétition donnée par Jésus (absente de Mt et Mc)∞∞; les repas sacrés dans l’Antiquité∞∞; conclusions∞∞; perspectives actuelles. Outre index et bibliographie, des textes anciens sont donnés en annexe, de Tertullien à l’encyclique Ecclesia de Eucharistia de Jean-Paul II. L’accent est mis sur la signification traditionnelle du rite eucharistique, mais sur ses origines l’étude est insuffisante sur trois points∞∞: 1. il y a un lien traditionnel ferme entre baptême et eucharistie, ce qui oblige à considérer les circonstances et la postérité du baptême de Jean∞∞; 2. l’A. s’en tient aux synoptiques, mais la chronologie de Jn pour la passion est meilleure∞∞; 3. dans les récits des synoptiques, le lien du rite devenu hebdomadaire avec la Pâque annuelle est problématique, d’autant plus que l’usage primitif de pain levé s’est maintenu pendant des siècles en Occident. É. NODET. Philippians. — John Reumann’s commentary on Phil in the Anchor Yale Bible series appeared at roughly the same time as Joseph Fitzmyer’s commentary on 1 Cor (cf. RB, 2009, 287-300)18. Reumann’s book is 145 pages longer than Fitzmyer’s, even though Phil (4 chs) is only one quarter the length of 1 Cor (16 chs). There is something seriously wrong with such inflation. Hence this review will be in two parts: (1) the contribution of Reumann, who unfortunately died just about the time of publication, and (2) the editorial process. The Contribution of Reumann Most commentators write long and elaborate introductions to the text for which they are responsible. Users of a commentary, however, normally go im17 Jens SCHROTER, Das Abendmahl. Frühchristlische Deutungen und Impulse für die Gegenwart (Stuttgarter Bibelstudien, 210). 13,5 x 21∞∞; 224 p. Stuttgart, Verlag Katholisches Bibelwerk GmbH, 2006. — / 29,90 (ISBN 978-3-460-03104-3). 18 John REUMANN, Philippians. A New Translation with Introduction and Commentary (Anchor Yale Bible, 33B). 24 x 16; xxiv-805 pp. New Haven and London, Yale University Press, 2008. — Hardback. $55,70. ISBN 978-0-300-14045-3. 93723_10_Bulletin 469 06-30-2010, 8:36 470 REVUE BIBLIQUE mediately to the verse or passage in which they are interested without working through the introduction. Thus, Reumann, reduces his introduction to Phil to the minimum. The city is treated in less than a page with emphasis on its Romanitas and its lack of Jews. The accompanying bibliography is longer than the text, but astoundingly omits the fundamental study by Pilhofer. The evangelisation of the city is dealt with in a brief summary of Acts 16:11-40 and 20:16 without comment or explanation. Then R. turns to Paul’s epistolary relations with Philippi and the type of contacts they imply. These latter point to Ephesus as the place of composition rather than Caesarea or Rome. R. believes that Phil is a collection of 3 originally independent letters, which were written in the following order: Letter A: 4:10-20; Letter B: 1:1-3:1 + parts of 4:1-9 and 4:21-23; Letter C: 3:2-21 + perhaps parts of 4:1-9. The two bland remarks that R. offers as justification are completely inadequate. Instead of going into the problem in depth, he gives space to rhetorical approaches and chiastic structures considered to prove the integrity of Phil. These, however, he presents without criticizing! The letters were probably combined at Philippi in the last decade of the first century. R. then goes on to offer a detailed chronology of Paul years in Ephesus, dating Letter A to 53-54, Letter B to 54-55, and Letter C to 55. I have always been convinced of the strength of the arguments used to divide Phil into three letters, and I have proposed the same contours as those put forward by R. though with greater precision. At one stage I also thought that Letter C was written last, but now I incline to think that it was composed not long after Gal, when Paul realized that the Judaizers from Antioch, who had troubled the churches in Galatia, were following his footsteps to the west. Philippi would have been the next on their list. It was followed by Letters A and B in that order. The imprisonment of Paul must be dated to the late summer of 53-54 after a new proconsul had taken up office. R’s presentation of the chronology of Paul’s years at Ephesus is needlessly imprecise, and is complicated by a rather bizarre view of the apostle’s correspondence with Corinth. Among other points he manages to give the impression that 2 Cor was composed at Ephesus, and then says it explicitly on p. 79. For R. Timothy is merely a co-sender of one or all the letters in Phil, and in no sense a co-author. In this R. wanders through a rather dated bibliography, and comes nowhere near justifying his position. Rightly, however, he associates episcopoi and diakonoi with the financial aid that Philippi sent to Paul on more than one occasion. There had to be someone to collect the individual contributions and to ensure that the entire sum was sent on to Paul. The ‘thanksgiving’ in Phil 1:3-11 is one of the richest in the Pauline letters. R. treats it first from a formal point of view dealing briskly with form criticism, rhetorical function, and liturgical elements. He insists that it is ‘a prayer report’ not an invocation, and is unduely sceptical regarding its rhetorical role, while righly rejecting suggestions of liturgical style. To which of the three letters does it belong? With some hesitation R. reasonably opts for Letter B. One would have liked R. to have investigated the concept of gospel ‘partnership’ more thoroughly, particularly given the important role that women played in 93723_10_Bulletin 470 06-30-2010, 8:36 471 BULLETIN the Philippian church. R’s treatment of 1:9-10 is exhaustive but so highly condensed that he fails to see the wood for the trees. The one essential point is passed over in silence, namely that in these verses ‘love’ serves the same function that the Jew attributes to ‘law’ in Rom 2:17-18, namely, it is the source of knowledge that determines what ta diapheronta are. Not only is this insight fundamental to Paul’s moral theology, but it underlines just how radically antinomian he was. The touchstone of any exegesis of Phil is the treatment of the hymn in 2:611. R. begins with an excursus in which he condenses the history of interpretation into less than six pages. The extreme condensation does not facilitate comprehension, particularly as regards the hymnic analyses of these verses. Nor does it obviate the necessity of recourse to more extensive treatments in order to discover the reason(s) why certain options were taken. R. cannot make up his mind whether these verses constitute a ‘hymn’, and will speak only of an encomium, which is ‘one composition, but hardly a smooth unity’. On the other hand, he is fully convinced that it was created by Philippian Christians as their adaptation of Paul’s gospel for missionary work. Epaphroditus brought it to Paul, who made only one change in adding ‘death on a cross’. R. insists that “2:6-11 can be read in terms of a divine figure entering into human existence, or a human being subsequently exalted…. Either reading was relevant in the world of kyrioi the Philipians faced” (p. 366). This ambiguity is seen as the intention of the author(s) and is maintained throughout the subsequent exegesis. R. refuses an implicit contrast to Adam, because with some reason he doubts that Philippians would have known anything about him. The only feasible foil to the figure of Jesus in 2:6-11, he insists, is the Roman emperor as the head of a hierarchy that could bring about local persecution. Here R. makes a strong case which, however, is severely weaked by his failure to specify precisely what constituted the ‘godlike status’ that Jesus did not use to his own advantage. This vagueness leads him to interprete ‘the sphere (morphê!) of a slave’ as meaning merely ‘serfdom’, whereas the meaning is quite clearly determined by the parallelism in v. 8c, ‘becoming obedient unto death’. Jesus’ choice, therefore, had to do with living or not living. Moreover, only this approach gives adequate weight to the reflexive pronoun ‘himself’ in vv. 7a and 8b, which formally insists on self-sacrifice. R. should have remembered that the prime factor in the Philippians’ understanding of Christ was the way Paul preached him. It is distinctive of R’s approach that his division of Phil into three letters obliges him to distinguish different levels of meaning for each passage, namely the sense intended by Paul and any modification implied by its combination with other letters. In the case of 2:6-11, therefore, he considers (1) the meaning intended by the Philippian author(s); (2) the meaning in Letter B; and (3) the meaning in the compilation as a whole (365). He believes that the original exclusive focus on the person of Jesus Christ is both attenuated and strengthened in Letter B, the former by the stress on intra-community relations in the introduction in 2:5 and the latter by the addition of the modality of Christ’s brutal death in v. 8c. In the final compilation the meaning of 2:6-11 was deepened by being interpreted in the light of 3:20-21 from Letter C. 93723_10_Bulletin 471 06-30-2010, 8:36 472 REVUE BIBLIQUE As another test of R’s treatment I selected logon zôês epechontes (2:16a), where opinion is almost equally divided between ‘hold fast’ and ‘hold forth’. After producing a list of strong arguments for the latter, R. simply says that Dickson rejects them (without giving any details) and moves on. One would have thought that, if the Philippians were spreading light (2:15), it is more natural to think of them as proferring the gospel. R. does note that ‘word of life’ is unique in the Pauline letters, but fails to appreciate its depth because of his arbitrary refusal to recognize the existential mission dimension of 2:14-16. Only the living can generate life. Enough has been said to show the interest of R’s commentary, which is fully worthy of the prestigious series in which it appears. It is most unfortunate that his readers are so badly served by the editorial process that brought his book to production. The Editorial Process In the preface Reuman tells us that he was commissioned to write the commentary in 1973, and that the first draft ran to over 2800 manuscript pages, which is not surprising given the incredible amount of time that had been invested. In 2002 that MS was cut to 2400 pages, which the publisher then insisted should be reduced to 1250 pages (p. xvii). The AB series has long been notorious for delays in publication. This is the inevitable result of giving the contributors unlimited latitude. The publishers, in consequence, are certainly to be blamed for letting the writing run on so long, which just encouraged prolixity. Fitzmyer’s contributions to this series show in the most practical way what should be the time investment for a scientific commentary of this rank. When one is writing for experienced colleagues the commonplace can be left unsaid and originality developed. When Reumann was obliged to reduce his text by almost 50% there should have been close editorial supervision to ensure that the baby was not thrown out with the bathwater. Yet that is exactly what happened. It should have been obvious even to an editor that the thought of the author was more important than a mass of bibliographical references. Yet in certain sections all the thought has been excised, and only the bibliography is left, e.g. IX. Methods and Approach in this Commentary, and X. Theology in Philippians (p. 19)! The most effective way to save space is to avoid wasting it, and such wastage is a feature of the Notes that are the first section of each part of the commentary. These Notes, we are told, “survey and report the varied opinions of commentators, lexica, and other resources on philological, grammatical, literary, rhetorical, and other matters, often without reaching any conclusion” (p. xviii; my emphasis). This is an invitation to disaster. The author is permitted to cram in as much material as possible with the result that intelligibility and depth are sacrificed. E.g. (p. 334) the three stanzas discerned by J. Jeremias in 2:6-11 are mentioned but are not detailed, even though there is a later allusion to Stanza 2. In the same short paragraph a list of others who have suggested hymnic arrangements is provided but their proposals are not spelt out. Nothing, of course, is evaluated. Then under a completely different rubric, ‘History-of-Religions 93723_10_Bulletin 472 06-30-2010, 8:36 473 BULLETIN Backgrounds’ we find, “J. T. Sanders on NT hymns generally” (p. 335; my emphasis). Word studies are a feature of the Notes, and often involve no more than references to the classical dictionaries and grammars that are on everyone’s bookshelf. Thus apropos of touto in 2:5 we are given “BDAG 1.a.b and b.a” followed by “BDAG 1.a.d and b.b” (p. 340). Any student using the AB series would know where to look for this information. The same is true for morphê theou (2:6) where we are referred to TDNT, NIDNTT, EDNT, and TLNT — all standard reference books familiar to beginning students, but there are no original Greek texts that might be of use to advanced students. R. is permitted two highly condensed pages detailing the wide variety of meanings that commentators have attributed to morphê theou. A strong editor would have constrained him (a) to say the obvious, namely, that the vast majority provide nothing more than guesses steming from presuppositions, and so dismiss them out of hand, or (b) to fix on a meaning and then to justify it on the basis of C1 AD Greek usage. The latter would have been a better use of space. Given his freedom, R. does neither, and opts for a meaning ‘sphere’ for which I cannot find cited a single contemporary attestation. Finally, the proliferation of brackets makes the Notes virtually unreadable. To give but one example, the last paragraph on p. 307 has 14 lines, but there are 13 parenthetical references. In the interest of saving space a serious editor should have restrained R’s compulsion towards completeness by ruthlessly eliminating anything that commonsense indicated was just sheer speculation. The most egregious example of a completely wasted page that comes to mind is R. detailed explanation (and refutation) of Fleury’s preposterous hypothesis that the money for which Paul expresses gratitude in 4:10-20 was the profits of his business partnership with Lydia, which continued after his departure from Philippi (p. 693). The quality of the copyediting is hinted at on the bottom of p. 27, where a single book by the same person is assigned to 1996 and to 1997 in consecutive lines. The bibliographies are voluminous, in keeping with the current (unfortunate) fashion of the series, but I have not been able to work out the principle of selection. The General Bibliography, for example, includes Jack Elliott’s celebrated study of 1 Peter, A Home for the Homeless, whose index shows only 5 allusions to Phil, all of them simply chapter and verse numbers in lists! All that an editor had to do was to take the author through the interminable number of books and articles asking ‘why this?’ in each case. I hope that the new general editor of the series, whose signature appears on this volume for the first time, does not think that his job is a sinecure. J. MURPHY-O’CONNOR. Bible. — À la suite d’autres études, A. Paul présente une vue d’ensemble de l’émergence de la Bible comme œuvre disponible à tous. Il part non pas de la formation des livres bibliques, mais des traductions grecques commencées à Alexandrie au IIIe ou IIe s. av. J.-C., c’est-à-dire à partir du moment où elle 93723_10_Bulletin 473 06-30-2010, 8:36 474 REVUE BIBLIQUE prend un essor dans le monde gréco-latin19. Il en suit les différentes étapes, depuis les débats entourant la formation du NT jusqu’à la définition solennelle du Concile de Trente, en passant par les traductions juives, Origène, Jérôme et Augustin, lequel à la suite d’Ambroise de Milan ne conçoit de roi que chrétien. En conclusion, l’A. prêche pour une promotion séculière de la Bible, comme objet culturel ayant façonné l’Occident, en la distinguant de l’Écriture, objet religieux quelque peu confisqué par les clercs. Sur les avatars de la Bible, de sa canonisation, des difficultés textuelles de la Vulgate latine, l’A. offre une documentation étoffée, peut-être trop copieuse pour le lecteur éclairé à qui il s’adresse, mais il néglige l’influence culturelle du christianisme, ce qui prive de base son plaidoyer final pour la laïcité, et il ne se demande pas pourquoi l’influence de la Bible – ou du christianisme – aura été si différente en Orient et en Occident. En effet le processus moderne de sécularisation, proprement occidental, est à la fois issu du christianisme, qui cherche le réel derrière les apparences mythiques, et en même temps largement opposé à ses autorités constituées, d’où des crises à répétition. Le gallicanisme en fournit un bon exemple∞∞: la doctrine de Bossuet sur la royauté de droit divin utilise un langage chrétien, mais surtout affirme qu’elle n’est pas de droit pontifical. On est loin de Charlemagne, ou de la pratique d’un Innocent III, qui au XIIIe siècle faisait et défaisait rois et empereurs. Étienne NODET. Spritualité biblique. — Quelle est la valeur de la Bible pour la vie quotidienne∞∞? À 83 ans, Ph. King couronne une carrière de bibliste en offrant une perspective pratique, tirée de l’expérience20. L’étude scientifique de la bible est difficile et complexe, avec des problèmes de langues mortes, de littérature et de mythologies anciennes, de religions comparées. Pourtant, depuis toujours, elle parle de l’homme et à l’homme. Il s’agit de foi, d’espérance et d’amour∞∞; de prière∞∞; d’alliance et d’hospitalité∞∞; de sainteté, d’humilité et de pardon∞∞; de prophétie∞∞; de la position des femmes∞∞; du souvenir des ancêtres∞∞; de sagesse croyante∞∞; de vie spirituelle. À travers ces thèmes de chapitres, l’A. parcourt l’ensemble de la Bible. Il donne en outre des éléments de bibliographie ainsi qu’un glossaire. Les récits bibliques présentent des personnages très réalistes, avec leurs grandeurs et leurs petits côtés. Les principaux ont réussi, en dépit de leurs fautes et d’obstacles divers. D’autres ont échoué. W. Vogels présente quelques uns de ces derniers∞∞: Lot, le patriarche manqué∞∞; Samson, le juge fort et malhabile∞∞; Saul, le roi écarté∞∞; Jonas, le prophète malgré lui∞∞; Judas, l’apôtre déviant21. 19 André PAUL, La Bible et l’Occident. De la bibliothèque d’Alexandrie à la culture européenne. 16x24∞∞; 412 p. Paris, Bayard, 2007. — Br. / 28 (ISBN 978 2 227 35027 4). 20 Philip J. KING, The Bible is for Living. A Scholar's Spiritual Journey. 16 x 24∞∞; XVIII-181 p. Washington, DC, Biblical Archaeology Society, 2008. — Rel. $ 24,95 (ISBN 978-0-9796357-9-3). 21 Walter VOGELS, I falliti della Bibbia. Storie bibliche di insuccesso per imparare a 93723_10_Bulletin 474 06-30-2010, 8:36 475 BULLETIN Tous ont une relation complexe avec la mort, mais sans le savoir ils contribuent à l’avancée de l’histoire. Ainsi, Judas est le seul disciple qui a contribué à l’accomplissement des Écritures (Ac 1,16). Mgr O. de Berranger propose en soixante-trois péricopes une lectio divina du deuxième évangile, qui est le préféré des commençants dans les cercles bibliques22. Il se fonde sur la traduction de Sr Jeanne-d’Arc (1986), qui facilite les résonances avec l’AT. Jusqu’à quel point les techniques modernes de communication peuvent-elles aider à comprendre ou diffuser l’enseignement biblique∞∞? G. Mazza et G. Perego présentent les actes d’un colloque Bibbia e comunicazione, tenu en 200723. Le problème n’est pas de commercialiser un produit mal connu, mais de communiquer comme le fait la Bible, qui est elle-même une symphonie communicative. Les contributions sont regroupées en cinq sections, qui s’attachent à laisser parler l’Écriture en termes actuels∞∞: les lieux (jardin, Babel, montagnes, corps du Christ, la porte, la ville)∞∞; les temps (les rythmes de l’homme, l’histoire du salut)∞∞; les thèmes (la vérité de Job, le scandale, le pouvoir de la parole)∞∞; les codes (jalousie de Dieu, parole, geste, silence, signes liturgiques)∞∞; les obstacles (peur, oubli, incompréhension, échec). É. NODET. Apocalyptique. — L’écrit apocalyptique connu comme 4 Esdras, composé vers 100 ap. J.-C., débat du sens théologique de la ruine de 70∞∞: Dieu paraît avoir oublié ses promesses, et de plus la destruction semble injuste, puisque Dieu sait que l’homme est toujours pécheur. Le livre se déroule en sept épisodes∞∞: les trois premiers sont des discussions entre le voyant Esdras et un ange, Uriel∞∞; le quatrième est une lamentation d’Esdras, suivi d’un dialogue entre lui et une femme en deuil, laquelle se transforme sous ses yeux en une ville, qui sera la Sion eschatologique∞∞; les deux épisodes suivants sont des visions, qui sont interprétées par Uriel∞∞; le dernier est la restauration de l’Écriture par Esdras, à qui sont dictés en outre soixante-dix livres secrets. Le tout est considéré comme une œuvre unifiée, mais son interprétation est délicate, car il présente des thèses opposées sur la justice de Dieu dans l’histoire∞∞: Esdras reste dans le cadre d’Israël, un peu dans la ligne de la sagesse de Ben Sira, de 2 Baruch ou des amis de Job, alors qu’Uriel a des vues eschatologiques à la manière de Dn ou de 4 QInstructions∞∞; il voit le monde au-delà de l’Alliance, à vincere (Fame e sete della Parola. Personaggi, 45). 12,5 x 20∞∞; 183 p. Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 2008. — / 14,00 (ISBN 978-88-215-6153-5). (Original∞∞: Biblical Human failures. Lot, Samson, Saul, Jonah, Judas, Ottawa, Novalis, 2007). 22 Olivier de BERRANGER, L’évangile selon Marc. Une lectio divina. 14 x 21∞∞; 249 p. CH-Les Plans, Éd. Parole et Silence, 2008. — / 19,00 (ISBN 978-2-84573-709-9). 23 Giuseppe MAZZA & Giacomo PEREGO (eds), Bibbia e Comunicazione. Approfondire la Parola in ascolto dell'uomo contemporaneo. 14,5 x 21∞∞; 202 p. Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 2008. — / 15,00 (ISBN 978-88-215-6246-4). 93723_10_Bulletin 475 06-30-2010, 8:36 476 REVUE BIBLIQUE partir de son terme. Mais, dans les limites du langage humain, le dialogue n’aboutit pas, et K. M. Hogan, dans une thèse conduite avec finesse et clarté, juge que la clé du livre est le quatrième épisode24, qui éconduit toute théodicée rationnelle et annonce une restauration de Sion «∞∞au temps fixé∞∞». Il s’agit d’une combinaison dynamique de la sagesse de l’Alliance avec l’apocalyptique, qui peut être exprimée par une symbolique religieuse. L’apocryphe connu comme 2 Baruch ou Apocalypse de Baruch, est rattaché au secrétaire de Jérémie et prend pour cadre la ruine de 587. Il s’agit en fait d’une réflexion sur la ruine de 70, analogue à celle de 4 Esdras∞∞: Dieu convainc peu à peu Baruch que ce désastre a un sens, dans la perspective plus large d’une rédemption d’Israël, car la dispersion des tribus impies est le signe que la fin est proche∞∞: tout ce qui est périssable disparaît peu à peu, et l’autre monde qui s’annonce a été créé pour Israël. L. I. Lied aborde l’ouvrage sous l’angle de la «∞∞Terre d’Israël∞∞», thème qui malgré les apparences est loin d’être mineur25∞∞: avant l’exil, il y eut d’abord tout le pays, autour du temple, puis une restriction progressive à Juda, puis à Jérusalem, sous le dernier roi juste∞∞; ensuite, les éléments se dispersent, mais à l’ère messianique le Reste entre à nouveau au mont Sion, et après le jugement final il est transféré dans l’autre monde∞∞: telle est la nouvelle «∞∞terre∞∞». É. NODET. 24 Karina Martin HOGAN, Theologies in Conflict in 4 Ezra. Wisdom Debate and Apocalyptic Solution (JSJ, Suppl. 130). 16,5 x 24,5∞∞; XVI-271 p. Leiden, Boston, Brill, 2008. — Rel. / 95,00. $ 149,00 (ISBN 978-3-90-04-12969-6∞∞; ISSN 1384-2161). 25 Liv Ingeborg LIED, The Other Lands of Israel. Imaginations of the Land in 2 Baruch (JSJ, Suppl. 129). 16,5 x 24,5∞∞; XX-375 p. Leiden, Boston, Brill, 2008. — Rel. / 119,00. $ 189,00 (ISBN 978-90-04-16556-4∞∞; ISSN 1384-2161). 93723_10_Bulletin 476 06-30-2010, 8:36 RB. 2010 - T. 117-3 (pp. 477-480). 477 LIVRES REÇUS LIVRES REÇUS AU BUREAU DE LA RÉDACTION AGYEI BONNAH George Kwame. The Holy Spirit∞∞: a narrative factor in the Acts of the Apostles. (Stuttgarter biblische Beiträge, 58). Stuttgart∞∞: Verl. Katholisches Bibelwerk, 2007. (422 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-460-00581-5. ALPI Frédéric. La route royale ∞: Sévère d'Antioche et les Églises d'Orient (512-518). (Bibliothèque Archéologique et Historique [BAH], t. 188). Beyrouth∞∞: Institut Français du Proche Orient, 2009. 2 vols. (VIII-361, 176 p.)∞∞: ill., 28 cm. – ISBN 978-2-35159-154-3. ANDERSON Paul N., JUST Felix, S.J., THATCHER Tom (eds). John, Jesus, and history∞∞: Vol. 2. (Early Christianity and its literature, no 2). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XI-455 p.)∞∞: ill., plan, 23 cm. – ISBN 978-1-58983392-0. ANNUS Amar, LENZI Alan (introduction, cuneiform text, and transliteration with a translation and glossary). Ludlul Bel Nemeqi∞∞: the standard Babylonian poem of the righteous sufferer. (State Archives of Assyria Cuneiform Texts, vol. 7). Helsinki∞∞: The Neo-Assyrian Text Corpus Project, 2010. (LVI-68 p.), 25 cm. – ISBN 978-952-10-1334-8. [ASSOCIATION FRANCOPHONE OECUMÉNIQUE DE MISSIOLOGIE]. Figures bibliques de la mission∞∞: exégèse et théologie de la mission∞; approches catholiques et protestantes. (Lectio Divina, 234). Paris∞∞: les Éd. 93723_11_Livres 477 du Cerf, 2010. (260 p.), 21 cm. – ISBN 978-2-204-09081-0. BARK Franziska. Ein Heiligtum im Kopf der Leser∞∞: Literaturanalytische Betrachtungen zu Ex 25-40. (Stuttgarter Bibelstudien, 218). Stuttgart∞∞: Verl. Katholisches Bibelwerk, 2009. (172 p.)∞∞: ill., 21 cm. – ISBN 978-3-460-03184-5. BERNAT David A. Sign of the Covenant∞∞: circumcision in the priestly tradition. (Ancient Israel and its literature, no 3). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XII-163 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-409-5. BOTTA F., ANDIÑACH Pablo R. (eds). The Bible and the hermeneutics of liberation. (Semeia Studies, 59). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XII-259 p.), 23 cm. – ISBN 978-158983-241-1. BROER Ingo. Evangelienstudien. (Stuttgarter Biblische Aufsatzbände, 41). Stuttgart∞∞: kbw Bibelwerk, 2007. (296 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-460-06411-9. BURKE David G. (ed.). Translation that openeth the window ∞ : reflections on the history and legacy of the King James Bible. (Biblical Scholarship in North America [SBL], no 23). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XXIII-274 p.), 23 cm. – ISBN 978-158983-356-2. 06-30-2010, 8:43 478 REVUE BIBLIQUE CALVERT-KOYZIS Nancy, WEIR Heather E. (eds). Strangely familiar∞∞: protofeminist interpretations of patriarchal Biblical texts. Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XI-291 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-453-8. EVERSON A. Joseph, KIM Hyun Chul Paul (eds). The desert will bloom∞∞: poetic visions in Isaiah. (Ancient Israel and its literature, no 4). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XII-299 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-425-5. FABIEN Patrick. Philippe «∞l'évangéliste∞» au tournant de la mission dans les Actes des apôtres∞∞: Philippe, Simon le magicien et l'eunuque éthiopien. (Lectio Divina, 232). Paris∞∞: les Éd. du Cerf, 2010. (331 p.), 21 cm. – ISBN 978-2-204-09020-9. FRANKEMÖLLE Hubert. Studien zum jüdischen Kontext neutestamentlicher Theologien. (Stuttgarter Biblische Aufsatzbände, 37). Stuttgart∞∞: Verl. Katholishes Biblewerk, 2005. (X-316 p.)∞∞: ill., 21 cm. – ISBN 3-460-06371-8. GAMBETTI Sandra. The Alexandrian riots of 38 C.E. and the persecution of the Jews ∞ : a historical reconstruction. (Supplements to the Journal for the Study of Judaism, 135). Leiden∞∞; Boston∞∞: Brill, 2009. (VIII336 p.)∞∞: carte, 25 cm. – ISBN 978-90-0413846-9. HARNISCH Wolfgang. Rhetorik und Hermeneutik in der Apokalyptik und im Neuen Testament. (Stuttgarter Biblische Aufsatzbände, 45). Stuttgart∞∞: kbw Bibelwerk, 2009. (299 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-46006451-5. HAUSER Linus, PROSTMEIER Ferdinand R., GEORG-ZÖLLER Christa (Hrsg.). Jesus als Bote des Heils∞∞: Heilsverkündigung und Heilserfahrung in frühchristlicher Zeit∞∞; Detlev Dormeyer zum 65. Geburtstag. (Stuttgarter biblische Beiträge, 60). Stuttgart∞∞: kbw Bibelwerk, 2008. (491 p.)∞∞: ill., 21 cm. – ISBN 978-3-460-00601-0. [HIÉROCLES LE STOIC]. Hierocles the Stoic∞∞: Elements of Ethics∞∞; fragments, and excerpts. (Writings from the Greco-Roman 93723_11_Livres 478 World, no 28). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (LXXXIX-179 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-418-7. HUNING Ralf. Bibelwissenschaft im Dienste popularer Bibellektüre∞∞: Bausteine einer Theorie der Bibellektüre aus dem Werk von Carlos Mesters. (Stuttgarter biblische Beiträge, 54). Stuttgart∞∞: Verl. Katholisches Bibelwerk, 2005. (XII-437 p.), 21 cm. – ISBN 3-460-00541-6. [JAMBLIQUE DE CHALCIS]. Iamblichus of Chalcis∞∞: The Letters. (Writings from the Greco-Roman World, no 19). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XXV-119 p.), 23 cm. – ISBN 9781-58983-161-2. JOKIRANTA Jutta (ed.). Aarre saviastioissa∞∞: Qumranin teksit avautuvat. Helsinki∞∞: Kirjapaja, 2009. (420 p.)∞∞: ill., cartes, 24 cm. – ISBN 978-951-607-795-9. KALIMI Isaac. The retelling of Chronicles in Jewish tradition and literature∞∞: a historical journey. Winona Lake (Ind.)∞∞: Eisenbrauns, 2009. (XX-395 p.)∞∞: ill., 24 cm. – ISBN 978-1-57506-149-8. KASARI Petri. Nathan's promise in 2 Samuel 7 and related texts. (Suomen Eksegeettisen Seuran Julkaisuja, 97). Helsinki∞∞: Finnish Exegetical Society, 2009. (324 p.), 22 cm. – ISBN 978-951-921752-9. KIRK-DUGGAN Cheryl A., PIPPIN Tina. Mother Goose, Mother Jones, Mommie Dearest∞∞: Biblical mothers and their children. (Semeia Studies, no 61). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (X-232 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983441-5. LAPINKIVI Pirjo (introduction, cuneiform text, and transliteration with a translation, glossary, and extensive commentary). The Neo-Assyrian myth of Istar's descent and resurrection. (State Archives of Assyria Cuneiform Texts, vol. 6). Helsinki∞∞: The Neo-Assyrian Text Corpus Project, 2010. (XXVI-115 p.), 25 cm. – ISBN 978-95210-1333-1. 06-30-2010, 8:43 479 LIVRES REÇUS MORGENSTERN Matthias (transl.). Ketubbot. (Übersetzung des Talmud Yerushalmi, III/3). Tübingen∞∞: Mohr Siebeck, 2009. (XXXIV-505 p.), 24 cm. – ISBN 978-316-150049-7. MÜLLER Christoph Gregor. Frühchristliche Ehepaare und paulinische Mission. (Stuttgarter Bibelstudien, 215). Stuttgart∞∞: Verl. Katholisches Bibelwerk, 2008. (87 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-460-03154-8. NEUMANN Nils. Armut und Reichtum im Lukasevangelium und in der kynischen Philosophie. (Stuttgarter Bibelstudien, 220). Stuttgart∞∞: kbw bibelwerk, 2010. (156 p.)∞∞: ill., 21 cm. – ISBN 978-3-46003204-0. NICKLAS Tobias, MERKT Andreas, VERHEYDEN Joseph (eds). Gelitten — gestorben — auferstanden∞∞: Passions- und Ostertraditionen im antiken Christentum. (Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament [WUNT II], 273). Tübingen∞∞: Mohr Siebeck, 2010. (VIII-380 p.)∞∞: ill., 23 cm. – ISBN 978-3-16-150233-0. NOEGEL Scott B., RENDSBURG Gary A. Solomon's vineyard∞∞: literary and linguistic studies in the Song of Songs. (Ancient Israel and its literature, no. 1). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XIV-267 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-422-4. NSONGISA KIMESA Chantal. «∞L'agir puissant du Christ parmi les chrétiens∞»∞ : une étude exégético-théologique de 2Co 13,1-4 et Rm 14,1-9. (Tesi Gregoriana, 178). Roma∞∞: Editrice Pontifica Università Gregoriana, 2010. (286 p.), 24 cm. – ISBN 978-88-7839-157-4. ORIGENE. Commentaire sur l'Épître aux Romains∞∞: Tome I (livres I-II). (Sources chrétiennes, no 532). Paris∞∞: les Éd. du Cerf, 2009. (458 p.), 20 cm. – ISBN 9782-204-09164-0. [PETERSEN David L.] LEMON Joel M., RICHARDS Kent Harold (eds). Method matters∞∞: essays on the interpretation of the Hebrew Bible in honor of David L. 93723_11_Livres 479 Petersen. (Resources for Biblical Study, no 56). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XIX-624 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983-444-6. [PHILODEME]. Philodemus, On Death. (Writings from the Greco-Roman World, no 29). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XXXIV-160 p.)∞∞: ill., 23 cm. – ISBN 978-1-58983-446-0. PUMMER Reinhard. The Samaritans in Flavius Josephus. (Texts and Studies in Ancient Judaism, 129). Tübingen∞∞: Mohr Siebeck, 2009. (XV-356 p.), 24 cm. – ISBN 978-316-150106-7. REVENTLOW Henning [Graf]. History of Biblical interpretation∞∞: Volume 1. (Resources for Biblical Study, no 50). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (IX-243 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983202-2. REVENTLOW Henning [Graf]. History of Biblical interpretation ∞ : Volume 2. (Resources for Biblical Study, no 61). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (X-313 p.), 23 cm. – ISBN 978-1-58983455-2. RITNER Robert K. (translated with an introduction and notes). The Libyan anarchy∞∞: inscriptions from Egypt's Third Intermediate Period. (SBL Writings from the Ancient World [SBL], no 21). Atlanta (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XIX-622 p.)∞∞: ill., 23 cm. – ISBN 978-1-58983-174-2. RONNING John. John’s logos Hendrickson 315 p.), 23 306-1. The Jewish Targums and theology. Peabody (Mass.)∞∞: Publishers, 2010. (XXcm. – ISBN 978-1-59856- SCHNELLE Udo (ed.). The Letter to the Romans. (Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium [BETL], CCXXVI). Leuven∞∞; Paris∞∞; Walpole (Mass.)∞∞: Uitgeverij Peeters, 2009. (XXVIII-894, [5] p.), 25 cm. – ISBN 978-90-429-2199-3. 06-30-2010, 8:43 480 REVUE BIBLIQUE SÖDING Thomas (Hrsg.). Hoffnung in Bedrängnis∞∞: Studien zum Ersten Petrusbrief. (Stuttgarter Bibelstudien, 216). Stuttgart∞∞: Verl. Katholisches Bibelwerk, 2009. (206 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-46003164-7. STEINS Georg. Gericht und Vergebung ∞ : ReVisionen zum Amosbuch. (Stuttgarter Bibelstudien, 221). Stuttgart∞∞: kbw bibelwerk, 2010. (165 p.), 21 cm. – ISBN 9783-460-03214-9. THOMAS Samuel I. The «∞Mysteries∞» of Qumran∞∞: mystery, secrecy, and esotericism in the Dead Sea Scrolls. (Early Judaism and its Literature, no 25). Atlanta 93723_11_Livres 480 (Ga.)∞∞: Society of Biblical Literature, 2009. (XVII-311 p.), 23 cm. – ISBN 9781-58983-413-2. WASCHKE Ernst-Joachim (Hrsg.). Reformen im Alten Orient und der Antike∞∞: Programme, Darstellungen und Deutungen. (Orientalische Religionen in der Antike [ORA], 2). Tübingen∞∞: Mohr Siebeck, 2009. (XI-200 p.), 25 cm. – ISBN 978-316-149869-5. WEIMAR Peter. Studien zur Josefsgeschichte. (Stuttgarter Biblische Aufsatzbände, 44). Stuttgart∞∞: kbw Bibelwerk, 2008. (318 p.), 21 cm. – ISBN 978-3-460-06441-6. 06-30-2010, 8:43