Fig. 8 — The quarries of Hadrianopolis, near the village of Matochina, at the border
between Bulgaria and Turkey.
Hadrianopolis which is situated 18 km to the south.
The finished products were probably transported
along the Tundja River, which flows 3 km to the east
of the quarry and runs into the Maritsa River at
Hadrianopolis. Given the comparatively humble size
of this quarry there might well have been other
quarries in the region.
Zdravko Dimitrov,
zdravkodimitrov@abv.bg
Fig. 9 — The quarries of Hadrianopolis, near the village of Matochina, at the border
between Bulgaria and Turkey – detail picture.
studies on the stone productions in the last decades.
(2) This is the distance from the village of Markovo
to Dzhendem Tepe. In fact the aqueduct started
from the village of Kuklen, but from there to the
village of Markovo it runs along the slope of the
Rhodopi mountains and local stone was used for the
construction works.
Bibliography :
Boykov 2012 : G. Boykov, “Osmanizatsijata” na
Plovdiv “Filibe” prez ХV vek - naselenie,
gradoustroistvo i architektura, Godishnik na
Regionalnija Istoricheski Musei, nr. 5, 2012, 3967.
GIBI 1981 : Ana Komnina, Alexiada, GIBI, vol. 8, Sofia
1981.
Kesyakova 2001 : E. Kesyakova, Rannovizantiiskata
ukrepitelna sistema na Philippopol, Godishnik na
Archeologicheskija Musei Plovdiv, nr. 10, 2001, 52-66.
Kamen Stanev
kamen_stratiot@abv.bg
Betsek 1976 : J. Betsek, Madzharski patepisi za
Balkanite ХVІ-ХІХ vek, Sofia 1976.
Notes :
Bospachieva, Kolarova 2014 : M. Bospachieva, V.
Kolarova, Plovdiv – grad vurhu gradovete.
Philippopol – Pulpudeva – Puldin, София 2014.
(1) For example we have made surveys in and
around Abritus, Marcianopolis and Nicopolis a
Istrum, but avoid the whole region of Novae –
where the team of Polish colleagues managed many
Bozhinova 2011 : E. Bozhinova, Spasitelni
archeologicheski razkopki na ul. Kozloduyi 3a – 3b,
gr. Plovdiv, Archeologicheski otkritija i razkopki prez
2011, Sofia 2011, 335-337.
Topalilov 2012 : I. Topalilov, Rimskijat Philippopol, vol.
1, Veliko Turnovo 2012.
elles sont redondantes, sur leur signification et leur
exploitation dans le cadre d’une histoire artisanale
et commerciale des produits manufacturés.
objets possèdent un potentiel informatif sur ce sujet
et que certains endroits doivent être privilégiés pour
les découvrir, et ce, en employant d’autres méthodes
que la seule analyse visuelle.
Les marques de fabricants
sur les productions
manufacturées métalliques
au Moyen Âge et à l’époque
moderne
A. A. Berthon
Rarement évoquées dans les études de mobiliers
archéologiques médiévaux et modernes, les marques
de fabricants sont pourtant des indices intéressants.
Apposées par les artisans, il s’agit le plus souvent
d’un petit signe distinctif qui permet de repérer un
atelier particulier et qui, dans certains cas, obéit
à une législation municipale ou corporative sur la
qualité des matières premières employées ou le
respect d’un cahier des charges. Localisées et datées
grâce à certaines réglementations qui nous sont
parvenues, la présence et la fréquence des marques
ne doivent donc pas être sous-estimées. Un certain
nombre de difficultés liées aux matériaux empêche un
repérage et une lecture satisfaisante de ces marques.
Je propose de faire le point sur les problèmes de
lisibilité, leur présence sur certains types d’objets où
Où et comment chercher les marques de
fabricants ?
On peut s’étonner en étudiant des ouvrages de
mobilier archéologique nord-européens de découvrir
qu’un grand nombre d’objets possèdent des marques
de fabricants, alors que les ouvrages français, certes
encore peu nombreux sur la question, n’en font
guère mention ou ne mettent pas ces données en
valeur. Sans doute est-ce par faute d’explications ou
de comparaisons susceptibles d’éclairer l’origine
de l’objet. La circulation des objets manufacturés
est pourtant, pendant le Moyen Âge et l’époque
moderne, assez intense entre les différents pays
européens, voire transatlantiques. Les chronotypologies montrent bien qu’un même objet est
diffusé de manière large, alors pourquoi si peu de
marques de fabricants sont-elles lisibles sur les
objets ?
La raison peut être d’origine professionnelle et
technique : en effet, l’étude des objets médiévaux
n’est constituée en spécialité que depuis peu et les
personnes travaillant sur le sujet encore peu
nombreuses. D’où un déficit de données matérielles
publiées. Ensuite, encore faut-il savoir que certains
Moravenov 1984 : K. Moravenov, Pametnik za
plovdivskoto hristijansko naselenie v grada i za
obstite zavedenija po proiznosno predanie, Plovdiv
1984.
Vranchich 1979 : A. Vranchich, Nemski i avstriiski
patepisi za Balkanite ХV-ХVІ vek, Sofia 1979.
Les marques généralement de petite taille et
discrètes ne sont pas faites pour sauter aux yeux.
Il faut donc savoir où les chercher. Les chapitres
suivants organisés par type d’objets montreront
quels emplacements privilégier. La nature du matériau
métallique est aussi un frein. En effet, peu profondes,
ces marques ne sont généralement pas lisibles sans
nettoyage préalable. Un objet archéologique sorti
brut de fouille, non nettoyé, même étudié par un
spécialiste, pourrait déceler une marque. Cette
procédure étant majoritaire, on peut donc imaginer
à quel point nous passons à côté d’informations.
Les alliages cuivreux sont plus aisés à étudier : la
corrosion est généralement assez fine et peut
s’enlever dans certains cas avec un pinceau en fibres
de verre. La radiographie est très efficace sur ces
objets, les marques étant généralement plus profondes que l’épaisseur de la corrosion elle-même.
Sur les ferreux, la lecture est plus difficile. La
corrosion est souvent plus épaisse que la marque
elle-même et la radiographie inefficace : un objet
radiographié ne présentant aucune marque peut très
bien en déceler une (Egan 2005, 85). Geoff Egan
estime ainsi que la proportion de couteaux portant
une marque dans son corpus moderne est en
41
dessous du chiffre réel. Les moyens mécaniques
doivent alors être mis en œuvre, lorsque c’est
possible. Le nettoyage par sablage sur certains
endroits stratégiques peut suffire et demande moins
de moyens qu’une restauration complète. C’est au
spécialiste d’évaluer la pertinence de cette recherche,
en terme de coût et de temps.
Armes (fig. 1)
Les armes étant majoritairement traitées dans des
ouvrages qui leur sont dédiés, je ne ferai qu’évoquer
quelques références, préférant m’attarder dans les
chapitres suivants sur des objets plus modestes. On
date mal l’apparition des marques d’atelier sur les
armes et les éléments d’armures. L’attribution de ces
marques reste encore aléatoire, notamment pour les
périodes antérieures à la fin du Moyen Âge. Parmi les
interprétations proposées, il semblerait que les avis
divergent : certaines inscriptions sont bien
identifiées comme des signatures d’atelier, surtout
lorsque celle-ci est suivie de la mention me fecit
ou me fit, ou inscrite entre deux croix. Ainsi, sur
des épées pré-romanes, la plus ancienne connue
est “+ULFBERH+T”. Mais parfois, ces inscriptions
peuvent correspondre à des bénédictions ou des
consécrations. Sur des lances découvertes dans le
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2
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lit de la Saône, des marques identifiées comme
appartenant à un atelier bourguignon sont cette fois
des signes stylisés n’ayant plus trait à une véritable
inscription : traits, points, demi-cercle ... Des lances
avec des marques similaires ont été découvertes
ailleurs en France, renforçant l’identification de ces
marques comme celle d’un fabricant (Bonnamour
1990, 154 ; Scalini 2007, 104-106 et 114-115). Sur
certaines armes, d’autres marques sont damasquinées
d’argent ou d’or. Si elles peuvent indiquer un atelier,
les auteurs les identifient comme des marqueurs
d’usure et de fiabilité, l’incrustation disparaissant
après les aiguisages successifs (Scalini 2007, 124125).
Les armes ne sont pas les seules a être marquées,
l’équipement militaire de qualité étant lui aussi signé.
C’est le cas de certains casques ou armets de la fin
du Moyen Âge dont les signatures évoquent très
clairement des ateliers milanais ou des marques
d’inspection qui indiquaient la qualité de la production
(Ibid., 196-199). On notera qu’en 1347, une plainte
des armuriers et fabricants de casques est enregistrée à Londres : ils s’inquiètent de la prolifération
de contrefaçons étrangères de qualité médiocre,
préjudiciables aux consommateurs et pour lesquels
ils demandent des mesures de contrôle (Geddes
1991, 186).
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14
Couteaux et ciseaux
Les couteaux sont probablement les productions estampées les mieux documentées et les plus
étudiées, plus particulièrement en Angleterre. La
grande synthèse de J. Cowgill, M. de Neergaard et
N. Griffiths sur les couteaux médiévaux de Londres
a largement contribué à la connaissance archéologique des marques de fabricants (Cowgill et al.
1987), de même que les nombreux travaux
historiques, répertoriant les nombreuses sources
documentaires anglaises, tant médiévales que
modernes (Blair 1988 ; Unwin 1999 ; Moore 1999,
277-292 ; Mann 1962, dans ce dernier ouvrage, il
s’agit surtout d’armement).
La marque de coutellerie la plus ancienne daterait
du XIIIe s. et représentait un croissant de lune. Cette
marque, lisible sur un couteau de Londres (Cowgill
et al. 1987, 19-20), est toutefois définie comme une
marque de couteau de table florentin, d’après les
archives d’une maison de commerce d’Avignon de la
seconde moitié du XIVe s. (Brun 1951, 226). Si les
marques sont encore sporadiques au XIIIe s., elles
deviennent fréquentes au cours du XIVe s. (Goodall
1990, 836 ; Geddes 1983, 15). Elles sont présentes
sur la moitié des couteaux de Londres à la fin de
ce siècle, et sur 70 % des couteaux les plus complets
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Fig. 1 — Marques d’armes, de couteaux et de ciseaux : 1. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe-XIe s., Bonnamour 1990, cat. 207, 164-167 ; 2. pointe de lance
damassée, fer, lit de la Saône, musée de Mâcon, Xe-XIe s., Bonnamour 1990, cat. 208, 165-167 ; 3. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe-XIe s., Bonnamour
1990, cat. 209, 165-167 ; 4. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe - XIe s., Bonnamour 1990, cat. 209, 165-167 ; 5. couteau, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse,
XVe-XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 397 ; 6. couteau, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe-XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 389 ; 7. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians
d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 8. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 9. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ;
10. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 11. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 12. couteau, fer, Rougiers, Var,
XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 13. ciseaux, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe - XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 409 ; 14. armet, casque en acier, Milan, atelier
de maître Antonio, Museum Aargau, 1470, Scalini 2007, 198-199 ; 15. armet, casque en acier, Milan, atelier Missaglia, Museum Aargau, 1470, Scalini 2007, 196-197.
42
Fig. 2 — Couteaux, fer, Pré-aux-Chevaux, Ruvigny (Aube). En haut, couteau du XIVe s. (objet 9, US 2) ; en bas, couteauxcanifs du XVIIIe s. (objets 48,6, US 246.01), Pesenti 2013.
d’époque moderne (Egan 2005, 85), mais sur seulement treize couteaux sur 161 exemplaires à
Rougiers (Var) (Cowgill et al. 1987, 19-20 ; Démians
d’Archimbaud 1980, 436). La différence s’explique
probablement par des circuits commerciaux pour
lesquels les marchandises n’obéissent pas aux
mêmes règles de production. L’Angleterre et sa
capitale sont à ce titre des exemples du développement d’une corporation et de ces dictats. La guilde
des couteliers “Cutler’s Company” est créée à
Londres en 1285-1286 et fixe peu à peu des
standards pour lutter contre les malfaçons et les
productions étrangères (Cowgill et al. 1987, 32-33 ;
Geddes 1991, 84-186). En 1365, le roi Édouard III
ordonne que “makers of swords and knives and
other arms in the city of London shall put their true
marks upon all their work [...] and the work of
everyone may be known by his mark” (Welch 1916,
248-249). En 1606, toujours à Londres, certaines
marques étaient devenues obligatoires sur les
productions de la cité (marque à la dague) (Blair
1988). Par ailleurs, les marques n’appartiennent pas
aux artisans, mais aux maîtres d’atelier responsables
des productions finales (Cowgill et al. 1987, 33).
Les marques de couteaux peuvent être communes
aux armes et aux ciseaux, les artisans pouvant
pouvant parfois diversifier leur production. Les
motifs sont très variés : lettres, objets quotidiens en
rapport avec l’activité de l’artisan ou jeu de mots
sur son patronyme, lune ou étoile, couronne,
animaux, motifs héraldiques ... Sur les 119 marques
identifiées à la période médiévale à Londres, seules
deux sont considérées comme identiques et donc
issues d’un même atelier (Ibid., 23). Les comparaisons sont donc possibles mais incertaines.
À Thiers (France, Puy-de-Dôme), si la production de couteaux est suspectée dès le XIIIe s.,
attestée dès le début du XVe s., il faut attendre 1567
pour qu’une sentence des juges et consuls de la
juridiction des marchands impose une marque sur
les produits, garantissant les critères de qualité mis
en place par les pairs. La première table de plomb
répertoriant les marques ne date que de 1591
(Liabeuf 1995, 20-22).
Certaines marques sont accompagnées de métaux
non-ferreux damasquinés d’or ou d’argent, mais le
plus souvent d’alliage cuivreux, d’étain ou de plomb.
Ces incrustations ont toutefois pu disparaître au
cours du temps (Ibid., 24). La pratique des marques
associées à un autre métal est toutefois abandonnée
en Angleterre vers 1570, cette pratique étant avant
tout médiévale (Egan 2005, 85 ; Hayward 1957, 5).
Nous revenons sur ce que nous avions évoqué
précédemment sur les armes, à savoir que ce type
d’incrustation pouvait permettre d’identifier une
usure de la lame. Nous réfutons ici cette hypothèse
pour les couteaux, car les marques sont placées à
proximité du manche et du dos, soit à l’endroit le
plus épais et qui, par conséquent, ne coupe pas.
L’usure ne peut donc ici rentrer en ligne de compte.
Cet emplacement évite de tordre la lame lors du
marquage. Archéologiquement, c’est en effet à cet
emplacement qu’on observe les marques de
couteaux, même si elles peuvent aussi être apposées
au centre de la lame, mais toujours à côté du dos
(Ibid., 84-92) (fig. 2).
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2
Si les marques sont fréquentes sur les couteaux,
elles sont observées sur 17 % seulement des ciseaux
de Londres, alors que l’emplacement privilégié est la
jonction manche - lame, près du pivot, à l’intérieur
ou à l’extérieur de la lame (Cowgill et al. 1987, 20).
Outils (fig. 3)
La présence de marques sur les outils de l’ère
pré-industrielle est rare. Nous noterons qu’une
serpe issue du site médiéval de Charavines (début
du XIe s.) possède les lettres inscrites “WI...MI” près
du manche, forme abrégée possible de WILLELMI
(Guillaume) et qui, selon les auteurs, peut correspondre au nom du propriétaire ou utilisateur de la
serpe. L’inscription est accompagnée d’une croix
entourée d’un cercle. Plus haut sur la lame, à
proximité du dos, sont poinçonnés quatre carrés
disposés eux-mêmes en carré (Colardelle, Verdel
1993, 209-210, fig. 145-4). Ce sont ces points qui
appartiendraient à la marque d’un atelier, le poinçonnage étant plus délicat à réaliser que la gravure.
Nous ne connaissons malheureusement que peu
d’outils de cette époque portant des traces de
marques.
Concernant des outils d’époque moderne où
des marques ont été repérées, il semblerait que
l’on hésite à qualifier ces dernières de marques de
fabricants, l’hypothèse de marques de propriétaires
étant avancée dans la plupart des cas. Le Livre des
métiers ou Das Ständebuch de Jost Amman, publié à
Francfort-sur-le-Main en 1568, illustre un tanneur
travaillant avec une plane. Cette dernière porte
une marque, une croix de saint André, au centre
de la plane, côté dos (Amman, Sachs 1568, 56 :
Der Gerber). À Londres, pour la fin du XVIe s., une
herminette porte une étoile en relief circonscrite
dans un cercle, et une lame de rabot possède quatre
poinçons en forme de fer à cheval (Egan 2005, 150153, objets 797 et 801). Les identifications des
marques sur les outils du site castral suisse d’AltWädenswil ne sont pas non plus très précises. Une
4
3
6
5
7
Fig. 3 — Marques sur outils : 1. faucille, fer, CharavinesColletières (Isère), début du XIe s., Colardelle, Verdel
1993, 209-210 ; 2. herminette, fer, Londres, fin du XVIe s.,
Egan 2005, cat. 797, 150-153 ; 3. rabot, fer, Londres, fin du
XVIe s., Egan 2005, cat. 801, 150-153 ; 4. serpe, fer, château
d’Alt-Wädenswil, Suisse, XIVe - XVIe s. ? Bitterli, Grütter
2001, cat. 424 ; 5. faucille, fer, château d’Alt-Wädenswil,
Suisse, XIVe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 419 ; 6. hache,
fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe - XVIe s. ? Bitterli,
Grütter 2001, cat. 437 ; 7. Das Ständebuch, “Der Gerber”
(tanneur), détail, Amman, Sachs 1568.
43
faucille du XIVe s. (?) porte deux marques héraldiques scutiformes à proximité de la soie : la
première comporte un losange surmonté d’un trait
alors que la seconde est vide. Sur le même site, une
serpe porte une marque de même forme près du
dos : trois points surmontés d’une croix grecque.
Enfin, une hache est dotée près de l’emmanchement d’un poinçon ovale marqué d’une croix en relief,
poinçon recoupé par une croix plus importante. On
notera la similitude des poinçons scutiformes et leur
format sur ces outils suisses (Bitterli, Grütter 2001,
cat. 419, 424 et 437, pl. 36-37-38, 138) (1).
Fers à cheval (fig. 4)
Toujours sur le site d’Alt-Wädenswil, un fer à
cheval moderne compte sur sa surface extérieure ce
poinçon scutiforme, évoqué précédemment sur les
outils : il s’agit cette fois de deux points surmontés
d’une croix grecque, motif très proche du poinçon
de la serpe 424 (Ibid., cat. 352, pl. 32, 134). Cet
exemple de fer à cheval poinçonné n’est pas unique.
Quatre fers londoniens sont marqués : deux d’un
même poinçon, scutiforme avec une croix centrale
en relief, délimitant clairement quatre cavités, un
avec un disque inscrit dans un quadrilatère et un
avec une étoile à sept branches. Elles sont placées
sur l’éponge du fer. Les fers sont datés de la période
1330-1400 et pourraient correspondre à l’ordonnance
de la guilde des forgerons de 1372, préconisant les
marques de fabricant. Cette ordonnance ne devait
être guère appliquée d’après les rares découvertes
de ce type (Clark 1988). Ces trouvailles proviennent
toutes du site londonien d’“East Watergate”, où les
différents objets archéologiques suggèrent un site de
qualité, la “Royal Wardrobe”. J. Clark interprète les
marques scutiformes comme une représentation de
la croix de saint Georges, patron de l’Angleterre,
indiquant par là une commande royale, justifiant
l’exception de ces marques (Clark 1995, 90-91, fig. 7172-73). Ainsi, on pourrait rapprocher les marques
scutiformes d’Alt-Wädenswil aux motifs héraldiques
d’une commande seigneuriale ou d’une production
au sein même de la forteresse.
Cuillers
Après les couteaux, les cuillers sont les objets les
plus concernés par le marquage. Cette pratique est
en partie due au matériau utilisé : l’étain, l’or ou
l’argent, plus précieux que le laiton. Sur ces objets, le
marquage se fait à l’intérieur du cuilleron, près du
manche pour les cuillers anglaises modernes et sur
le manche pour les cuillers médiévales françaises.
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2
3
Fig. 4 — Marques sur fers d’équidé : 1. fer, château d’AltWädenswil, Suisse, XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 352 ;
2. fer, Londres, 1330-1400, Clark 1995, cat. 222 et 235, 9091 ; 3. fer, Londres, 1330-1400, Clark 1995, cat. 238, 90-91.
44
Fig. 5 — Marques de cuillers, extrait de Hilton Price 1908, 40.
À Londres, sur 69 fragments, 24 marques sont
inventoriées pour les étains, les dessins gravés étant
probablement du fait des propriétaires utilisateurs
plutôt que des artisans (Egan 2005, 110). Les cuillers
en laiton portent elles aussi des marques, mais ces
cuillers n’apparaissent à Londres qu’à partir de la
fin du XVIIe s., la guilde des potiers d’étain ayant
été très active dans l’interdiction du laiton pour la
fabrication du vaisselier autour de 1560, voire avant,
cherchant ainsi à éliminer les concurrents de ce
marché (Ibid., 117-118 ; Hilton Price 1908, 1113 ; Homer 1975, 3) (2) (fig. 5). Il est ainsi probable
que les premières marques apparaissent à cette
période. F. G. Hilton Price remarque qu’au cours du
temps, si les motifs restent, les marques évoluent
légèrement, montrant par là le changement des
poinçons au sein des mêmes lignées d’artisans. Dans
certains cas, les marques sont entourées d’initiales
ce qui signifierait que le fabricant était une femme,
comme c’est le cas chez les orfèvres, et ce à partir
du XVIIe s. (Hilton Price 1908, 17).
En France, la situation est différente. La corporation des ouvriers d’étain est fondée à Paris en
1268, alors qu’à Londres elle n’est constituée qu’en
1348. Les cuillers de Meaux, datées du XIVe siècle,
montrent des cuillerons circulaires et des poinçons
appliqués sur les manches : fleur de lys surmontée
d’une couronne dans un cadre rectangulaire,
couronne et traits, couronne inscrite dans un carré
ou bien une fleur de lys dans un losange (fig. 6). Les
cuillers du XVIe siècle ne portent cependant plus
aucun poinçon, au contraire des exemplaires anglais
(Meaux 1992, 106-108). F. G. Hilton Price indique
par ailleurs que les cuillers médiévales découvertes
à Londres, notamment celles portant un poinçon sur
le manche, sont des productions françaises, ce que
confirme la similarité du poinçon de Meaux, une
couronne inscrite dans un carré avec une cuillère de
Londres, datée de la fin du XIVe siècle - début du
XVe siècle, les deux exemplaires possédant un
cuilleron circulaire (Hilton Price 1908, 19-20, fig. 3 ;
Meaux 1992, 107) (fig. 6).
Cannelles (fig. 7)
Les cannelles sont des robinets (du latin cana,
tuyau) très souvent mis en œuvre dans la tonnellerie. L’embouchure est souvent stylisée sous la
forme d’un animal, de facture plus ou moins soignée.
Les variantes se trouvent au niveau de la clef, qui, par
rotation, ouvre ou ferme le conduit. Une majorité de
ces clefs portent des marques, notamment dans leur
partie supérieure. Ces dernières se lisent généralement assez bien grâce à la radiographie.
Ces objets apparaîtraient à la toute fin du Moyen
Âge et sont largement diffusés en Europe. Les
formes similaires d’un pays à l’autre suggèrent des
ateliers communs à ces objets dispersés. Les exemplaires de la fin du XVe siècle d’Alt-Wädenswil
(Suisse) et de Londres sont identiques, avec une clef
en forme de couronne et deux pertuis. Les marques
ne sont cependant pas identiques : une étoile à
sept branches pointées au centre pour AltWädenswil et un “P” ? gothique stylisé pour Londres.
G. Egan pensait au départ que la marque pouvait
être associée à une taverne, ce qu’il réfuta ensuite
pour se tourner vers une marque de fabricant
(Bitterli, Grütter 2001, 137, fig. 143 ; Egan 1998, 242243, objet 746). Dans ce cas, soit il est possible
que plusieurs moules soient en circulation et que
différents ateliers produisent le même objet, soit
des imitations frauduleuses sont en circulation. On
pourrait aussi admettre que ces marques pouvaient
être initiées non pas par les ateliers eux-mêmes, mais
demandées par les marchands ou intermédiaires
commerciaux. C’est aux XVIe-XVIIe s. que ces objets
sont les plus courants. À Tours, les clefs sont
identiques, bien que de contextes chronologiques
3
différents, avec une marque positionnée au centre
des trois pertuis : une tête de bœuf et un symbole
indéterminé (Motteau et al. 1991, cat. 414 et 415).
À Neuilly-en-Thelle (Oise) (Legros 2001, 58-59,
fig. 15-164), une clef fleurdelisée est identique à celle
exhumée dans une cave moderne de Royaumont
(Val-d’Oise), mais là encore, les marques sont
différentes : deux triangles allongés inversés sur la
clef de Royaumont et une main sur l’exemplaire de
Neuilly-en-Thelle. Nous soumettrons les mêmes
hypothèses que précédemment. Le motif d’une
main, bien que fort différent, est présent sur une
cannelle du château de Mâlain (Côte-d’Or), datée de
la fin du XVIe s. La main est surmontée des initiales
“HZ” (Jannet-Vallat 1990, 198, notice 383).
4
Dés à coudre (fig. 8)
5
1
6
2
7
Fig. 6 — Marques de cuillers : 1. emplacement d’une marque sur le manche sur une cuiller française, alliage cuivreux ?,
Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 2. emplacement d’une marque dans le cuilleron d’une cuiller
anglaise, alliage cuivreux, Londres, 1650-1700, Egan 2005, cat. 580, 119 ; 3. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?,
Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; Londres, fin du XIVe-début du fin du XVe s., Hilton Price 1908, 1920 ; 4. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 5. marque
de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 6. marque de manche de
cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 7. marque de cuilleron, alliage cuivreux,
Londres, 1675-1700, Egan 2005, cat. 582, 119. Les initiales entourant la marque signifieraient que l’artisan est une femme.
2
Même des objets quotidiens de nature modeste
comme les dés à coudre ont fait l’objet d’un
marquage. Cette pratique n’est cependant pas
généralisée et semble se cantonner essentiellement
aux productions de Nuremberg (Allemagne) et
parfois hollandaises (3). Le marquage des dés a été
initié par la guilde des deyciers (4) de Nuremberg en
1520 sur des productions manuelles, la marque
représentant dans ce cas le maître artisan. Cette
date correspond à la division de l’organisation des
fabricants de dés des autres ouvriers des alliages
cuivreux. La pratique du marquage s’efface ensuite
devant une production mécanique standardisée
qui ne nécessite pas de reconnaissance, cette
production apparaissant vers 1620. Il est probable
que la volonté de sauvegarder les emplois des
deyciers de Nuremberg en refusant les procédés
mécaniques a conduit à leur perte au cours du
XVIIe s. On peut donc estimer que la majorité des
marques apposées sont datées de la période
1520 - 1620. Cette fourchette chronologique peut
être toutefois corrigée. Certains dés ayant été
découverts dans des contextes plus récents, notamment à La Rochelle, où une marque est apposée
sur un dé dont le contexte est daté de 16751750 (Berthon 2013, 52-53, objet 45). À Exeter
3
4
5
1
6
7
8
Fig. 7 — Marques de cannelles : 1. cannelle, alliage cuivreux, abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), cour des novices, US 1013, ST 12, XVIIe-XVIIIe s. ? Pignot 2013 ; 1. cannelle, alliage cuivreux,
Londres, XVe s. ? Egan 1998, cat. 746, 242-243 ; 3. cannelle, alliage cuivreux, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 412 ; 4. cannelle, alliage cuivreux, Neuillyen-Thelle (Oise), fin XVIe-XVIIe s., Legros 2001, 58-59 ; 5. cannelle, alliage cuivreux, château de Mâlain (Côte-d’Or), fin XVIe s., Jannet-Vallat 1990, notice 383, 198 ; 6. cannelle, alliage
cuivreux, Compiègne (Oise), “Halettes”, fin XVIe-XVIIe s., Legros 2001b ; 7. cannelle, alliage cuivreux, Tours (Indre-et-Loire), XVIe-XVIIe s. ? Motteau et al. 1991, cat. 414 ; 8. cannelle, alliage
cuivreux, Tours (Indre-et-Loire), XVIIIe s. ? Motteau et al. 1991, cat. 415.
45
5
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1
2
3
4
6
11
7
8
12
9
13
Fig. 8 — Marques de dés à coudre : 1. dé, alliage cuivreux, Vitré (Ille-et-Vilaine), “place du château”, objet 272, US 1161, XVIe s., Berthon, Coussirat, Guérin 2012 ; 2. dé, alliage cuivreux,
Vitré (Ille-et-Vilaine), “place du château”, objet 270, US 1161, XVIe s., Berthon, Coussirat, Guérin 2012 ; 3. dé, alliage cuivreux, Poitiers (Vienne), “hôpital Pasteur”, objet 620, US 2138, ST
175, XVIe s., Zélie, Nadeau 2010 ; 4. dé, alliage cuivreux, La Rochelle (Charente-Maritime), “23, rue du Duc”, 1675-1750, cat. 45, p. 52-53, Berthon 2013 ; 5. dé, alliage cuivreux, Puerto
Real, Caraïbes, 1520-1575, Deagan 2002, 201-204 ; 6. dé, alliage cuivreux, Exeter, Angleterre, XIXe-XXe s. ?, Goodall et al. 1984, cat. 217, 346-347 ; 7. dé, alliage cuivreux, Londres, fin XVedébut XVIe s., Egan 2005, cat. 623, 131-133 ; 8. dé, alliage cuivreux, Londres, 1550-1600, Egan 2005, cat. 632, 131-133 ; 9. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 640, 131133 ; 10. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 641, 131-133 ; 11. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 644, 131-133 ; 12. dé, alliage cuivreux, Londres,
1680-1710, Egan 2005, cat. 647, 131-133 ; 13. dé, alliage cuivreux, Londres, fin XVe-début XVIe s., Egan 2005, cat. 650, 131-133.
(Angleterre), un dé dont le contexte est daté des
XIXe-XXe s. porte une marque, un “X” estampé au
départ du piquetage hélicoïdal. Dans ce dernier cas,
il s’agirait plutôt d’un objet redéposé, la disposition
et le type de piquetage correspondant aux dés de
Nuremberg (Goodall 1984, 346-348, objet 217,
fig. 193). La production mécanique n’ayant pas
complètement remplacé les productions manuelles,
le marquage a pu subsister après 1620.
Ces marques sont généralement estampées au
niveau de l’entrée du dé, au départ de l’impression hélicoïdale du piquetage, caractéristique de
Nuremberg. Ces marques, uniques, ne doivent
cependant pas être confondues avec les décors
appliqués sur ces dés, même s’ils sont eux aussi des
indices de provenance géographique ou de définition
46
chronologique (Greif 1984 ; Holmes 1985 ; Holmes
1988).
Les marques ne semblent pas concerner une
majorité de production d’époque moderne : à
Londres, seuls sept dés sont marqués sur
27 exemplaires exhumés (toutes les marques sont
différentes) (Egan 2005, 130-133). À Vitré (Ille-etVilaine), les deux dés découverts dans une maison
du XVIe s. sont cependant estampés : l’un porte
une marque en forme de “A” placée au départ du
piquetage hélicoïdale, tandis que le second est une
série de rosaces. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un
décor et non d’une marque de fabricant (Berthon,
Coussirat, Guérin 2012). La reconnaissance de ces
marques et leur identification ont permis à
K. Deagan d’observer la prédominance des produc-
tions marquées de Nuremberg dans les colonies
espagnoles de la Floride au XVIe s. On identifie ainsi
une marque en forme de clef, datée de la période
1520-1575 (Deagan 2002, 201-204, fig. 10.15).
Des marques pour quoi faire ? Le rôle des
guildes et des corporations
Les épigraphistes et archéologues travaillant sur
l’Antiquité ont déjà pu traiter cette problématique,
les estampilles étant relativement fréquentes sur
diverses catégories d’objets. Elles sont perçues
comme “une fonction liée à l’organisation des
ateliers (…). [Elles] permettent à différents
intervenants de contrôler et vraisemblablement
rémunérer le travail, [elles] servent d’aide-mémoire,
de marqueurs de propriété et peuvent être le reflet
d’une certaine forme de hiérarchie au sein des
officines. C’est pour cela qu’[elles] se présentent,
presque toujours, sous des formes simples, souvent
abrégées, voire (…) inintelligibles” (Delage 2004,
145). En plus de cet aspect organisationnel, la
marque ou estampille peut devenir en plus de son
rôle de contrôle et d’organisation une véritable
marque, une “raison sociale” résultant d’une
stratégie commerciale (Ibid., 147-151). M. Feugère
avait déjà évoqué le phénomène d’objets marqués,
certaines catégories de l’instrumentum l’étant plus
que d’autres. La fréquence du marquage est plus
importante sur les objets les plus manipulés :
l’estampille serait là pour être vue par le plus grand
nombre (Feugère 2004, 54). Mais le consommateuracheteur n’est pas le seul visé via l’estampille, les
“intentions sont variées” et nombre d’entre elles
sont destinées aux relations commerciales, aux
collaborateurs et aux concurrents (Ibid., 56-57).
Pour la période médiévale, le marquage des
productions semble dans un premier temps se
limiter aux objets les plus prestigieux et les plus
techniques et concerne essentiellement les armes.
L’organisation du métier de forgeron se spécialisant
dans certaines productions particulières a sans doute
contribué à faire apparaître ces marques sur des
outils ou couteaux, à l’instar des fabriques d’armes.
Ces marques sont cependant rares sur les outils, à
l’exception de l’exemplaire de Charavines, et sur les
couteaux, qui n’apparaissent qu’au XIIIe s.
La mise en place des guildes ou corporations
d’ouvriers a joué un rôle dans l’apparition des
normes de production et sur la réglementation des
marques. On peut en déduire qu’il n’y a pas de
marques de fabricants sans corporation ou sans
décision politique (comme celle d’Édouard III en
1365), les corporations étant elles-mêmes légalisées
et contrôlées par les autorités. Ce phénomène est
sans doute parallèle à celui grandissant des échanges
internationaux dans la seconde moitié du Moyen
Âge. M. Feugère avait déjà souligné l’importante
croissance des marques dans le contexte commercial du monde romain : plus les marchandises circulent
et viennent de loin, plus le besoin de contrôle est
nécessaire (Feugère 2004, 64-65).
L’apparition des marques débute sur des productions en fer, les forgerons spécialisés étant jugés
comme les membres les plus puissants et les mieux
organisés du monde ouvrier médiéval. Par la suite,
les productions en métaux précieux ou semiprécieux (or, argent, étain) font l’objet de réglementations quant aux matières premières afin d’enrayer
les fraudes, à partir de la fin du XIIIe s. (Campbell
1991, 140). À Londres, la “teste de leopart” devient
par exemple un signe de qualité sur les productions en argent, en plus des marques de fabricants
(Campbell 1991, 140) (5). Autre signe de volonté de
contrôler ces productions est le répertoire des
marques de fabricants-orfèvres de la ville de Gand
(Belgique), daté de 1454 (Casier 1923). Ces répertoires de marques n’ont pas seulement concerné les
métaux précieux, mais aussi des productions plus
communes comme les couteaux (voir plus haut).
La diffusion des marques de fabricants s’est ensuite
tournée vers des productions en alliage cuivreux, sur
des objets de plus en plus modestes, comme les dés
à coudre. Dans le cas des alliages cuivreux, les
marques ne sont pas généralisées, mais émanent de
la volonté d’une corporation qui s’est constituée
peu à peu comme un interlocuteur puissant, capable
d’imposer ses normes, quelle que soit la nature des
productions.
On remarque des points communs à l’origine de
l’utilisation des marques ou des poinçons :
. contrôler la qualité des matières premières utilisées
dans le but d’éviter les fraudes (6) ;
. indiquer l’origine des marchandises pour éviter les
concurrences étrangères ou provinciales :
. garder un contrôle sur l’ensemble des membres
d’une corporation en imposant un enregistrement
des marques et des maîtres d’ateliers.
Conclusion
Archéologiquement, on constate que l’identification des marques permet de cerner des circuits
commerciaux et la diffusion des objets à l’échelle
internationale. On peut par ailleurs observer une
diversité des productions par un même atelier, en
listant les objets fabriqués portant un même
poinçon. Il semble toutefois que cette diversité se
limite à une typologie diversifiée d’un même objet
ou d’une même catégorie d’objets. On ne peut
toutefois omettre la difficulté à identifier les provenances, du fait des mouvements possibles des
maîtres d’ateliers (ce sont eux les propriétaires des
marques), mais aussi du fait des contrefaçons.
À l’échelle européenne, on s’aperçoit par ailleurs
que les situations diffèrent d’un pays à l’autre, d’une
ville à l’autre et d’un siècle à l’autre en fonction
des “lobbys” commerciaux et des encadrements
politiques, même si on peut affirmer que le XIIIe s.
voit se généraliser des pratiques de ce genre. En
dépit d’une volonté parfois affichée de défendre le
“consommateur”, la marque concerne avant tout
des productions et un circuit commercial réglementés, très spécialisés et essentiellement urbanisés.
La marque sert avant tout les intérêts d’une corporation organisée revendiquant des droits, ce qui
explique malgré tout la présence de poinçons sur
des objets modestes sans grande valeur marchande,
comme les dés à coudre par exemple.
Amélie Aude Berthon, archéologue,
chercheur associé UMR 5138, ARAR,
MSH MOM, Lyon
amelie.berthon@eveha.fr
Notes :
(1) Le site d’Alt-Wädenswil est occupé de la fin du
XIIIe siècle à la fin du XVIe siècle, les datations des
objets sont malheureusement peu précises.
(2) À Londres, une cuiller avec une marque placée
dans le haut du cuilleron serait médiévale. Cet
exemplaire est toutefois unique et l’auteur ne
l’attribue pas à un fabricant avec certitude : Egan
1998, 249, objet 757, XIVe s.
(3) Selon E. F. Holmes, les dés de type “Dutch 1”
peuvent porter occasionnellement des marques :
Holmes 1988, 3.
(4) Ce terme fait référence au vocabulaire utilisé
dans Le Livre des métiers, d’É. Boileau, titre LXXII.
(5) À Paris, les premières réglementations datent de
1260 et se basent sur des standards monétaires
anglais “Aussi bons qu’estellins ... une monoye
d’Angleterre ou d’Écosse”, Le Roy 1759, 111.
(6) Il s’agit aussi bien d’éviter les fraudes sur les
objets finis que sur les matières premières en
circulation sous forme de lingots. On citera l’acier de
Pignerol (Piémont italien, marqué d’une tenaille :
Brun 1951, 213) ou le lingot de plomb de Criccieth
Castle (Angleterre) portant plusieurs poinçons
héraldiques (Homer 1991, 67, fig. 23). Par ailleurs, le
monde antique connaît déjà ce phénomène de
marquage plus intense pour les produits semi-finis et
les lingots, étant donné le statut de production
d’État (Feugère 2004, 56).
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spoons, Londres 1975.
Homer 1991 : R. F. Homer, Tin, lead and Pewter. In :
The possibilities of the
identification of turned up
kitchen tools at
archaeological excavations
from the Renaissance age
(1450-1600) in Hungary
G. Kohári
Introduction
My doctoral thesis’ work-title is the following:
The Renaissance cuisine culture from the aspect of
the experimental archaeology. With this short script
I would like to enlighten why we have got the
possibility for researching mainly the royal, baronial,
prelatic cuisine culture? (The primary scenes of my
researches are Visegrád /Kohári 2015/, Esztergom,
Eger, Sárvár and Szászvár).
What type of sources can we own and what kind
of methodology can be used during the processing
of the available turned up material? One of the
important pilars of the researching means the
monitoring of the excavated tools belong to the
kitchen equipment (or the auxiliary rooms of the
kitchen) which turned up at archaeological excavations, further have got an origin from a closed
archaeological layer (water well, cesspit, moat etc.).
The majority of the turned up assemblage at
archaeological excavations is fragmental. It is worth
taking the question why is it that difficult to identify
these objects? It depends on the material of the
objects, the former function and the circumstances
of the finding. Therefore it is necessary to apply the
more source types with an international outlook,
beyond the typologization.
Lifestyle and gastronomy-historical researches
have been made from the sixties and seventies in
48
Le Roy 1759 : P. Le Roy, Statuts et privilèges du corps
des marchands orfèvres-joailliers de la ville de Paris,
recueillis des textes de tous les édits, ordonnances,
déclarations... et justifiés par les autorités mesmes des
titres originaux..., imprimé par Ch. Est. Chenault, Paris
1759.
Legros 2001a : V. Legros, Étude du mobilier métallique des fermes médiévales du “Bellé” à Neuilly-enThelle (Oise), approche technique et fonctionnelle,
Revue Archéologique de Picardie, 1/2, 2001, 39-72.
Legros 2001b : V. Legros, Archéologie de l’objet
métallique aux époques médiévales et modernes entre
Oise et Somme : approches typologiques et fonctionnelle,
thèse d’histoire et d’archéologie médiévale,
université de Picardie – Jules Verne, sous la dir. de Ph.
Racinet, 4 t., Amiens 2001.
Liabeuf 1995 : B. Liabeuf, Histoires de couteaux, Musée
de la coutellerie – Maison des coutelliers de Thiers,
guide des collections, Thiers 1995.
Europe beside the quantitative and qualitative
investigation with the researches of the issues of
the kitchen preparing, serving, consumption. The
different aspects of the topic have been researched by
historians, archaeologists, ethnographists, grammars (1)
in Hungary, but by choosing my project it was an
important viewpoint that such a work had not
already fulfilled in Hungary.
I try to create a new dimension with the complex
way of use of the results of the researches of the
Renaissance cuisine culture in the last decades
touching several scientific aereas, to be able to
interpret better the historical data which ones were
excavated by the scientific research. Beside the
traditional source researching and elaboration of he
turned up archaeological objects and by using the
tools of the experimental archaeology I intent to
reconstruct this interesting segment of medieval life.
Researching the grand units of the traditional
source elaborating we can take the following
statements:
Findings
We can diversify several groups of the turned up
assemblage at the archaeological excavations. The
different archaeological objects (kitchens, ovens, fireplaces, the sink, kitchen equipment, special kitchen
spaces, bakehouses, smoke house, etc.) give us the
architectonical aspect and the physical frame of the
whole concept. (Orosz 2003, Buzás-Orosz 2010).
The determining part of the
assemblage are moreover the
kitchen and table tools,
foodwares (metal, wooden,
other organic materials, glass,
stone, ceramics, etc.).
There are more causes for
the intact maintaining of metal
tools (for example recycling,
melting, remoulding), so these
objects (caldrons, pots, dishpens,
skewers, grills, scoops, knives, axes,
casserols, colanders, mortars, etc.)
Moore 1999 : S. Moore, Cutlery for the table : a history
of British table and pocket cutlery, Sheffield 1999.
Pesenti 2013 : C. Pesenti, Le Pré-aux-Chevaux, Ruvigny
(51), tranches 2 et 3, Rapport final d’opération
archéologique, rapport de fouilles, Éveha, SRA
Champagne-Ardennes, 2013.
Pignot 2013 : I. Pignot, Abbaye de Royaumont, Asnières
(95), cour des novices, Rapport de fouilles archéologiques, Éveha, SRA Île-de-France, 2013.
Scalini 2007 : M. Scalini (dir.), A bon droyt, épées
d’hommes libres chevaliers et saints, catalogue d’exposition du musée d’Aoste, Milan 2007.
Unwin 1999 : U. Unwin, The marks of Sheffield
cutlers, 1614-1878, Journal of the Historical Metallurgy
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Welch 1916 : C.Welch, History of the Cutlers Company
of London, vol. 1, Londres 1916.
Zélie, Nadeau 2010 : B. Zélie, A. Nadeau, Fouilles
préventives à l’hôpital Pasteur de Poitiers (Vienne),
DFS, 5 vol., Éveha, SRA Poitou-Charentes, Poitiers
2010.
turn up typically in fractional condition at the
archaeological excavations (fig. 1, 2).
The price of glass tools (bottles, glasses etc.) was
high, their use in the kitchen was rare in the
researched period (H. Gyürky 1991), but the use of
stone tools (press-stone for cheese, stone mortar,
slabstone /marble stone/ etc.) was intense.
The easily biodegradable organic materials can
not be preserved in the ground during a long term
under natural circumstances. In a lucky case it could
happen that the catabolic processes are blocked and
keep their characteristic buildup during centuries.
Under specific circumstances (carbonization by fire,
covered by water, long frozen layers, presence of salt
compounds, extraordinary dry microclimate etc.)
they can be preserved (2).
To these ones belong the wooden tools (wooden
spoons, troughs, twirling-sticks, kneading board, salt
cellar, platter, wooden plate, wooden cup, wooden
jug, etc.) and other tools made from organic
materials (yarn, string, wax, paper, etc., or eg. some
kinds of sieves: silk sieve, thick sieve, cutter trough,
horsehair sieve, tamis).
There is an imagery as an evidence of one used
kitchen use of tool made of organic material which
one surely can not be find at archaeological excavations (fig. 3).
Fig. 1 — Fragment of a copper
mortar. Visegrád, Palace Inv. no.
48.2009.07.25 (Photo by the
author).