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Fig. 8 — The quarries of Hadrianopolis, near the village of Matochina, at the border between Bulgaria and Turkey. Hadrianopolis which is situated 18 km to the south. The finished products were probably transported along the Tundja River, which flows 3 km to the east of the quarry and runs into the Maritsa River at Hadrianopolis. Given the comparatively humble size of this quarry there might well have been other quarries in the region. Zdravko Dimitrov, zdravkodimitrov@abv.bg Fig. 9 — The quarries of Hadrianopolis, near the village of Matochina, at the border between Bulgaria and Turkey – detail picture. studies on the stone productions in the last decades. (2) This is the distance from the village of Markovo to Dzhendem Tepe. In fact the aqueduct started from the village of Kuklen, but from there to the village of Markovo it runs along the slope of the Rhodopi mountains and local stone was used for the construction works. Bibliography : Boykov 2012 : G. Boykov, “Osmanizatsijata” na Plovdiv “Filibe” prez ХV vek - naselenie, gradoustroistvo i architektura, Godishnik na Regionalnija Istoricheski Musei, nr. 5, 2012, 3967. GIBI 1981 : Ana Komnina, Alexiada, GIBI, vol. 8, Sofia 1981. Kesyakova 2001 : E. Kesyakova, Rannovizantiiskata ukrepitelna sistema na Philippopol, Godishnik na Archeologicheskija Musei Plovdiv, nr. 10, 2001, 52-66. Kamen Stanev kamen_stratiot@abv.bg Betsek 1976 : J. Betsek, Madzharski patepisi za Balkanite ХVІ-ХІХ vek, Sofia 1976. Notes : Bospachieva, Kolarova 2014 : M. Bospachieva, V. Kolarova, Plovdiv – grad vurhu gradovete. Philippopol – Pulpudeva – Puldin, София 2014. (1) For example we have made surveys in and around Abritus, Marcianopolis and Nicopolis a Istrum, but avoid the whole region of Novae – where the team of Polish colleagues managed many Bozhinova 2011 : E. Bozhinova, Spasitelni archeologicheski razkopki na ul. Kozloduyi 3a – 3b, gr. Plovdiv, Archeologicheski otkritija i razkopki prez 2011, Sofia 2011, 335-337. Topalilov 2012 : I. Topalilov, Rimskijat Philippopol, vol. 1, Veliko Turnovo 2012. elles sont redondantes, sur leur signification et leur exploitation dans le cadre d’une histoire artisanale et commerciale des produits manufacturés. objets possèdent un potentiel informatif sur ce sujet et que certains endroits doivent être privilégiés pour les découvrir, et ce, en employant d’autres méthodes que la seule analyse visuelle. Les marques de fabricants sur les productions manufacturées métalliques au Moyen Âge et à l’époque moderne A. A. Berthon Rarement évoquées dans les études de mobiliers archéologiques médiévaux et modernes, les marques de fabricants sont pourtant des indices intéressants. Apposées par les artisans, il s’agit le plus souvent d’un petit signe distinctif qui permet de repérer un atelier particulier et qui, dans certains cas, obéit à une législation municipale ou corporative sur la qualité des matières premières employées ou le respect d’un cahier des charges. Localisées et datées grâce à certaines réglementations qui nous sont parvenues, la présence et la fréquence des marques ne doivent donc pas être sous-estimées. Un certain nombre de difficultés liées aux matériaux empêche un repérage et une lecture satisfaisante de ces marques. Je propose de faire le point sur les problèmes de lisibilité, leur présence sur certains types d’objets où Où et comment chercher les marques de fabricants ? On peut s’étonner en étudiant des ouvrages de mobilier archéologique nord-européens de découvrir qu’un grand nombre d’objets possèdent des marques de fabricants, alors que les ouvrages français, certes encore peu nombreux sur la question, n’en font guère mention ou ne mettent pas ces données en valeur. Sans doute est-ce par faute d’explications ou de comparaisons susceptibles d’éclairer l’origine de l’objet. La circulation des objets manufacturés est pourtant, pendant le Moyen Âge et l’époque moderne, assez intense entre les différents pays européens, voire transatlantiques. Les chronotypologies montrent bien qu’un même objet est diffusé de manière large, alors pourquoi si peu de marques de fabricants sont-elles lisibles sur les objets ? La raison peut être d’origine professionnelle et technique : en effet, l’étude des objets médiévaux n’est constituée en spécialité que depuis peu et les personnes travaillant sur le sujet encore peu nombreuses. D’où un déficit de données matérielles publiées. Ensuite, encore faut-il savoir que certains Moravenov 1984 : K. Moravenov, Pametnik za plovdivskoto hristijansko naselenie v grada i za obstite zavedenija po proiznosno predanie, Plovdiv 1984. Vranchich 1979 : A. Vranchich, Nemski i avstriiski patepisi za Balkanite ХV-ХVІ vek, Sofia 1979. Les marques généralement de petite taille et discrètes ne sont pas faites pour sauter aux yeux. Il faut donc savoir où les chercher. Les chapitres suivants organisés par type d’objets montreront quels emplacements privilégier. La nature du matériau métallique est aussi un frein. En effet, peu profondes, ces marques ne sont généralement pas lisibles sans nettoyage préalable. Un objet archéologique sorti brut de fouille, non nettoyé, même étudié par un spécialiste, pourrait déceler une marque. Cette procédure étant majoritaire, on peut donc imaginer à quel point nous passons à côté d’informations. Les alliages cuivreux sont plus aisés à étudier : la corrosion est généralement assez fine et peut s’enlever dans certains cas avec un pinceau en fibres de verre. La radiographie est très efficace sur ces objets, les marques étant généralement plus profondes que l’épaisseur de la corrosion elle-même. Sur les ferreux, la lecture est plus difficile. La corrosion est souvent plus épaisse que la marque elle-même et la radiographie inefficace : un objet radiographié ne présentant aucune marque peut très bien en déceler une (Egan 2005, 85). Geoff Egan estime ainsi que la proportion de couteaux portant une marque dans son corpus moderne est en 41 dessous du chiffre réel. Les moyens mécaniques doivent alors être mis en œuvre, lorsque c’est possible. Le nettoyage par sablage sur certains endroits stratégiques peut suffire et demande moins de moyens qu’une restauration complète. C’est au spécialiste d’évaluer la pertinence de cette recherche, en terme de coût et de temps. Armes (fig. 1) Les armes étant majoritairement traitées dans des ouvrages qui leur sont dédiés, je ne ferai qu’évoquer quelques références, préférant m’attarder dans les chapitres suivants sur des objets plus modestes. On date mal l’apparition des marques d’atelier sur les armes et les éléments d’armures. L’attribution de ces marques reste encore aléatoire, notamment pour les périodes antérieures à la fin du Moyen Âge. Parmi les interprétations proposées, il semblerait que les avis divergent : certaines inscriptions sont bien identifiées comme des signatures d’atelier, surtout lorsque celle-ci est suivie de la mention me fecit ou me fit, ou inscrite entre deux croix. Ainsi, sur des épées pré-romanes, la plus ancienne connue est “+ULFBERH+T”. Mais parfois, ces inscriptions peuvent correspondre à des bénédictions ou des consécrations. Sur des lances découvertes dans le 1 7 13 2 8 lit de la Saône, des marques identifiées comme appartenant à un atelier bourguignon sont cette fois des signes stylisés n’ayant plus trait à une véritable inscription : traits, points, demi-cercle ... Des lances avec des marques similaires ont été découvertes ailleurs en France, renforçant l’identification de ces marques comme celle d’un fabricant (Bonnamour 1990, 154 ; Scalini 2007, 104-106 et 114-115). Sur certaines armes, d’autres marques sont damasquinées d’argent ou d’or. Si elles peuvent indiquer un atelier, les auteurs les identifient comme des marqueurs d’usure et de fiabilité, l’incrustation disparaissant après les aiguisages successifs (Scalini 2007, 124125). Les armes ne sont pas les seules a être marquées, l’équipement militaire de qualité étant lui aussi signé. C’est le cas de certains casques ou armets de la fin du Moyen Âge dont les signatures évoquent très clairement des ateliers milanais ou des marques d’inspection qui indiquaient la qualité de la production (Ibid., 196-199). On notera qu’en 1347, une plainte des armuriers et fabricants de casques est enregistrée à Londres : ils s’inquiètent de la prolifération de contrefaçons étrangères de qualité médiocre, préjudiciables aux consommateurs et pour lesquels ils demandent des mesures de contrôle (Geddes 1991, 186). 3 9 14 Couteaux et ciseaux Les couteaux sont probablement les productions estampées les mieux documentées et les plus étudiées, plus particulièrement en Angleterre. La grande synthèse de J. Cowgill, M. de Neergaard et N. Griffiths sur les couteaux médiévaux de Londres a largement contribué à la connaissance archéologique des marques de fabricants (Cowgill et al. 1987), de même que les nombreux travaux historiques, répertoriant les nombreuses sources documentaires anglaises, tant médiévales que modernes (Blair 1988 ; Unwin 1999 ; Moore 1999, 277-292 ; Mann 1962, dans ce dernier ouvrage, il s’agit surtout d’armement). La marque de coutellerie la plus ancienne daterait du XIIIe s. et représentait un croissant de lune. Cette marque, lisible sur un couteau de Londres (Cowgill et al. 1987, 19-20), est toutefois définie comme une marque de couteau de table florentin, d’après les archives d’une maison de commerce d’Avignon de la seconde moitié du XIVe s. (Brun 1951, 226). Si les marques sont encore sporadiques au XIIIe s., elles deviennent fréquentes au cours du XIVe s. (Goodall 1990, 836 ; Geddes 1983, 15). Elles sont présentes sur la moitié des couteaux de Londres à la fin de ce siècle, et sur 70 % des couteaux les plus complets 4 5 6 10 11 12 15 Fig. 1 — Marques d’armes, de couteaux et de ciseaux : 1. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe-XIe s., Bonnamour 1990, cat. 207, 164-167 ; 2. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Mâcon, Xe-XIe s., Bonnamour 1990, cat. 208, 165-167 ; 3. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe-XIe s., Bonnamour 1990, cat. 209, 165-167 ; 4. pointe de lance damassée, fer, lit de la Saône, musée de Chalon, Xe - XIe s., Bonnamour 1990, cat. 209, 165-167 ; 5. couteau, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe-XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 397 ; 6. couteau, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe-XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 389 ; 7. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 8. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 9. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 10. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 11. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 12. couteau, fer, Rougiers, Var, XIVe s., Démians d’Archimbaud 1980, 436-437 ; 13. ciseaux, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe - XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 409 ; 14. armet, casque en acier, Milan, atelier de maître Antonio, Museum Aargau, 1470, Scalini 2007, 198-199 ; 15. armet, casque en acier, Milan, atelier Missaglia, Museum Aargau, 1470, Scalini 2007, 196-197. 42 Fig. 2 — Couteaux, fer, Pré-aux-Chevaux, Ruvigny (Aube). En haut, couteau du XIVe s. (objet 9, US 2) ; en bas, couteauxcanifs du XVIIIe s. (objets 48,6, US 246.01), Pesenti 2013. d’époque moderne (Egan 2005, 85), mais sur seulement treize couteaux sur 161 exemplaires à Rougiers (Var) (Cowgill et al. 1987, 19-20 ; Démians d’Archimbaud 1980, 436). La différence s’explique probablement par des circuits commerciaux pour lesquels les marchandises n’obéissent pas aux mêmes règles de production. L’Angleterre et sa capitale sont à ce titre des exemples du développement d’une corporation et de ces dictats. La guilde des couteliers “Cutler’s Company” est créée à Londres en 1285-1286 et fixe peu à peu des standards pour lutter contre les malfaçons et les productions étrangères (Cowgill et al. 1987, 32-33 ; Geddes 1991, 84-186). En 1365, le roi Édouard III ordonne que “makers of swords and knives and other arms in the city of London shall put their true marks upon all their work [...] and the work of everyone may be known by his mark” (Welch 1916, 248-249). En 1606, toujours à Londres, certaines marques étaient devenues obligatoires sur les productions de la cité (marque à la dague) (Blair 1988). Par ailleurs, les marques n’appartiennent pas aux artisans, mais aux maîtres d’atelier responsables des productions finales (Cowgill et al. 1987, 33). Les marques de couteaux peuvent être communes aux armes et aux ciseaux, les artisans pouvant pouvant parfois diversifier leur production. Les motifs sont très variés : lettres, objets quotidiens en rapport avec l’activité de l’artisan ou jeu de mots sur son patronyme, lune ou étoile, couronne, animaux, motifs héraldiques ... Sur les 119 marques identifiées à la période médiévale à Londres, seules deux sont considérées comme identiques et donc issues d’un même atelier (Ibid., 23). Les comparaisons sont donc possibles mais incertaines. À Thiers (France, Puy-de-Dôme), si la production de couteaux est suspectée dès le XIIIe s., attestée dès le début du XVe s., il faut attendre 1567 pour qu’une sentence des juges et consuls de la juridiction des marchands impose une marque sur les produits, garantissant les critères de qualité mis en place par les pairs. La première table de plomb répertoriant les marques ne date que de 1591 (Liabeuf 1995, 20-22). Certaines marques sont accompagnées de métaux non-ferreux damasquinés d’or ou d’argent, mais le plus souvent d’alliage cuivreux, d’étain ou de plomb. Ces incrustations ont toutefois pu disparaître au cours du temps (Ibid., 24). La pratique des marques associées à un autre métal est toutefois abandonnée en Angleterre vers 1570, cette pratique étant avant tout médiévale (Egan 2005, 85 ; Hayward 1957, 5). Nous revenons sur ce que nous avions évoqué précédemment sur les armes, à savoir que ce type d’incrustation pouvait permettre d’identifier une usure de la lame. Nous réfutons ici cette hypothèse pour les couteaux, car les marques sont placées à proximité du manche et du dos, soit à l’endroit le plus épais et qui, par conséquent, ne coupe pas. L’usure ne peut donc ici rentrer en ligne de compte. Cet emplacement évite de tordre la lame lors du marquage. Archéologiquement, c’est en effet à cet emplacement qu’on observe les marques de couteaux, même si elles peuvent aussi être apposées au centre de la lame, mais toujours à côté du dos (Ibid., 84-92) (fig. 2). 1 2 Si les marques sont fréquentes sur les couteaux, elles sont observées sur 17 % seulement des ciseaux de Londres, alors que l’emplacement privilégié est la jonction manche - lame, près du pivot, à l’intérieur ou à l’extérieur de la lame (Cowgill et al. 1987, 20). Outils (fig. 3) La présence de marques sur les outils de l’ère pré-industrielle est rare. Nous noterons qu’une serpe issue du site médiéval de Charavines (début du XIe s.) possède les lettres inscrites “WI...MI” près du manche, forme abrégée possible de WILLELMI (Guillaume) et qui, selon les auteurs, peut correspondre au nom du propriétaire ou utilisateur de la serpe. L’inscription est accompagnée d’une croix entourée d’un cercle. Plus haut sur la lame, à proximité du dos, sont poinçonnés quatre carrés disposés eux-mêmes en carré (Colardelle, Verdel 1993, 209-210, fig. 145-4). Ce sont ces points qui appartiendraient à la marque d’un atelier, le poinçonnage étant plus délicat à réaliser que la gravure. Nous ne connaissons malheureusement que peu d’outils de cette époque portant des traces de marques. Concernant des outils d’époque moderne où des marques ont été repérées, il semblerait que l’on hésite à qualifier ces dernières de marques de fabricants, l’hypothèse de marques de propriétaires étant avancée dans la plupart des cas. Le Livre des métiers ou Das Ständebuch de Jost Amman, publié à Francfort-sur-le-Main en 1568, illustre un tanneur travaillant avec une plane. Cette dernière porte une marque, une croix de saint André, au centre de la plane, côté dos (Amman, Sachs 1568, 56 : Der Gerber). À Londres, pour la fin du XVIe s., une herminette porte une étoile en relief circonscrite dans un cercle, et une lame de rabot possède quatre poinçons en forme de fer à cheval (Egan 2005, 150153, objets 797 et 801). Les identifications des marques sur les outils du site castral suisse d’AltWädenswil ne sont pas non plus très précises. Une 4 3 6 5 7 Fig. 3 — Marques sur outils : 1. faucille, fer, CharavinesColletières (Isère), début du XIe s., Colardelle, Verdel 1993, 209-210 ; 2. herminette, fer, Londres, fin du XVIe s., Egan 2005, cat. 797, 150-153 ; 3. rabot, fer, Londres, fin du XVIe s., Egan 2005, cat. 801, 150-153 ; 4. serpe, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XIVe - XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 424 ; 5. faucille, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XIVe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 419 ; 6. hache, fer, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe - XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 437 ; 7. Das Ständebuch, “Der Gerber” (tanneur), détail, Amman, Sachs 1568. 43 faucille du XIVe s. (?) porte deux marques héraldiques scutiformes à proximité de la soie : la première comporte un losange surmonté d’un trait alors que la seconde est vide. Sur le même site, une serpe porte une marque de même forme près du dos : trois points surmontés d’une croix grecque. Enfin, une hache est dotée près de l’emmanchement d’un poinçon ovale marqué d’une croix en relief, poinçon recoupé par une croix plus importante. On notera la similitude des poinçons scutiformes et leur format sur ces outils suisses (Bitterli, Grütter 2001, cat. 419, 424 et 437, pl. 36-37-38, 138) (1). Fers à cheval (fig. 4) Toujours sur le site d’Alt-Wädenswil, un fer à cheval moderne compte sur sa surface extérieure ce poinçon scutiforme, évoqué précédemment sur les outils : il s’agit cette fois de deux points surmontés d’une croix grecque, motif très proche du poinçon de la serpe 424 (Ibid., cat. 352, pl. 32, 134). Cet exemple de fer à cheval poinçonné n’est pas unique. Quatre fers londoniens sont marqués : deux d’un même poinçon, scutiforme avec une croix centrale en relief, délimitant clairement quatre cavités, un avec un disque inscrit dans un quadrilatère et un avec une étoile à sept branches. Elles sont placées sur l’éponge du fer. Les fers sont datés de la période 1330-1400 et pourraient correspondre à l’ordonnance de la guilde des forgerons de 1372, préconisant les marques de fabricant. Cette ordonnance ne devait être guère appliquée d’après les rares découvertes de ce type (Clark 1988). Ces trouvailles proviennent toutes du site londonien d’“East Watergate”, où les différents objets archéologiques suggèrent un site de qualité, la “Royal Wardrobe”. J. Clark interprète les marques scutiformes comme une représentation de la croix de saint Georges, patron de l’Angleterre, indiquant par là une commande royale, justifiant l’exception de ces marques (Clark 1995, 90-91, fig. 7172-73). Ainsi, on pourrait rapprocher les marques scutiformes d’Alt-Wädenswil aux motifs héraldiques d’une commande seigneuriale ou d’une production au sein même de la forteresse. Cuillers Après les couteaux, les cuillers sont les objets les plus concernés par le marquage. Cette pratique est en partie due au matériau utilisé : l’étain, l’or ou l’argent, plus précieux que le laiton. Sur ces objets, le marquage se fait à l’intérieur du cuilleron, près du manche pour les cuillers anglaises modernes et sur le manche pour les cuillers médiévales françaises. 1 2 3 Fig. 4 — Marques sur fers d’équidé : 1. fer, château d’AltWädenswil, Suisse, XVIe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 352 ; 2. fer, Londres, 1330-1400, Clark 1995, cat. 222 et 235, 9091 ; 3. fer, Londres, 1330-1400, Clark 1995, cat. 238, 90-91. 44 Fig. 5 — Marques de cuillers, extrait de Hilton Price 1908, 40. À Londres, sur 69 fragments, 24 marques sont inventoriées pour les étains, les dessins gravés étant probablement du fait des propriétaires utilisateurs plutôt que des artisans (Egan 2005, 110). Les cuillers en laiton portent elles aussi des marques, mais ces cuillers n’apparaissent à Londres qu’à partir de la fin du XVIIe s., la guilde des potiers d’étain ayant été très active dans l’interdiction du laiton pour la fabrication du vaisselier autour de 1560, voire avant, cherchant ainsi à éliminer les concurrents de ce marché (Ibid., 117-118 ; Hilton Price 1908, 1113 ; Homer 1975, 3) (2) (fig. 5). Il est ainsi probable que les premières marques apparaissent à cette période. F. G. Hilton Price remarque qu’au cours du temps, si les motifs restent, les marques évoluent légèrement, montrant par là le changement des poinçons au sein des mêmes lignées d’artisans. Dans certains cas, les marques sont entourées d’initiales ce qui signifierait que le fabricant était une femme, comme c’est le cas chez les orfèvres, et ce à partir du XVIIe s. (Hilton Price 1908, 17). En France, la situation est différente. La corporation des ouvriers d’étain est fondée à Paris en 1268, alors qu’à Londres elle n’est constituée qu’en 1348. Les cuillers de Meaux, datées du XIVe siècle, montrent des cuillerons circulaires et des poinçons appliqués sur les manches : fleur de lys surmontée d’une couronne dans un cadre rectangulaire, couronne et traits, couronne inscrite dans un carré ou bien une fleur de lys dans un losange (fig. 6). Les cuillers du XVIe siècle ne portent cependant plus aucun poinçon, au contraire des exemplaires anglais (Meaux 1992, 106-108). F. G. Hilton Price indique par ailleurs que les cuillers médiévales découvertes à Londres, notamment celles portant un poinçon sur le manche, sont des productions françaises, ce que confirme la similarité du poinçon de Meaux, une couronne inscrite dans un carré avec une cuillère de Londres, datée de la fin du XIVe siècle - début du XVe siècle, les deux exemplaires possédant un cuilleron circulaire (Hilton Price 1908, 19-20, fig. 3 ; Meaux 1992, 107) (fig. 6). Cannelles (fig. 7) Les cannelles sont des robinets (du latin cana, tuyau) très souvent mis en œuvre dans la tonnellerie. L’embouchure est souvent stylisée sous la forme d’un animal, de facture plus ou moins soignée. Les variantes se trouvent au niveau de la clef, qui, par rotation, ouvre ou ferme le conduit. Une majorité de ces clefs portent des marques, notamment dans leur partie supérieure. Ces dernières se lisent généralement assez bien grâce à la radiographie. Ces objets apparaîtraient à la toute fin du Moyen Âge et sont largement diffusés en Europe. Les formes similaires d’un pays à l’autre suggèrent des ateliers communs à ces objets dispersés. Les exemplaires de la fin du XVe siècle d’Alt-Wädenswil (Suisse) et de Londres sont identiques, avec une clef en forme de couronne et deux pertuis. Les marques ne sont cependant pas identiques : une étoile à sept branches pointées au centre pour AltWädenswil et un “P” ? gothique stylisé pour Londres. G. Egan pensait au départ que la marque pouvait être associée à une taverne, ce qu’il réfuta ensuite pour se tourner vers une marque de fabricant (Bitterli, Grütter 2001, 137, fig. 143 ; Egan 1998, 242243, objet 746). Dans ce cas, soit il est possible que plusieurs moules soient en circulation et que différents ateliers produisent le même objet, soit des imitations frauduleuses sont en circulation. On pourrait aussi admettre que ces marques pouvaient être initiées non pas par les ateliers eux-mêmes, mais demandées par les marchands ou intermédiaires commerciaux. C’est aux XVIe-XVIIe s. que ces objets sont les plus courants. À Tours, les clefs sont identiques, bien que de contextes chronologiques 3 différents, avec une marque positionnée au centre des trois pertuis : une tête de bœuf et un symbole indéterminé (Motteau et al. 1991, cat. 414 et 415). À Neuilly-en-Thelle (Oise) (Legros 2001, 58-59, fig. 15-164), une clef fleurdelisée est identique à celle exhumée dans une cave moderne de Royaumont (Val-d’Oise), mais là encore, les marques sont différentes : deux triangles allongés inversés sur la clef de Royaumont et une main sur l’exemplaire de Neuilly-en-Thelle. Nous soumettrons les mêmes hypothèses que précédemment. Le motif d’une main, bien que fort différent, est présent sur une cannelle du château de Mâlain (Côte-d’Or), datée de la fin du XVIe s. La main est surmontée des initiales “HZ” (Jannet-Vallat 1990, 198, notice 383). 4 Dés à coudre (fig. 8) 5 1 6 2 7 Fig. 6 — Marques de cuillers : 1. emplacement d’une marque sur le manche sur une cuiller française, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 2. emplacement d’une marque dans le cuilleron d’une cuiller anglaise, alliage cuivreux, Londres, 1650-1700, Egan 2005, cat. 580, 119 ; 3. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; Londres, fin du XIVe-début du fin du XVe s., Hilton Price 1908, 1920 ; 4. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 5. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 6. marque de manche de cuiller, alliage cuivreux ?, Meaux (Seine-et-Marne), XIVe s., Meaux 1992, 106-107 ; 7. marque de cuilleron, alliage cuivreux, Londres, 1675-1700, Egan 2005, cat. 582, 119. Les initiales entourant la marque signifieraient que l’artisan est une femme. 2 Même des objets quotidiens de nature modeste comme les dés à coudre ont fait l’objet d’un marquage. Cette pratique n’est cependant pas généralisée et semble se cantonner essentiellement aux productions de Nuremberg (Allemagne) et parfois hollandaises (3). Le marquage des dés a été initié par la guilde des deyciers (4) de Nuremberg en 1520 sur des productions manuelles, la marque représentant dans ce cas le maître artisan. Cette date correspond à la division de l’organisation des fabricants de dés des autres ouvriers des alliages cuivreux. La pratique du marquage s’efface ensuite devant une production mécanique standardisée qui ne nécessite pas de reconnaissance, cette production apparaissant vers 1620. Il est probable que la volonté de sauvegarder les emplois des deyciers de Nuremberg en refusant les procédés mécaniques a conduit à leur perte au cours du XVIIe s. On peut donc estimer que la majorité des marques apposées sont datées de la période 1520 - 1620. Cette fourchette chronologique peut être toutefois corrigée. Certains dés ayant été découverts dans des contextes plus récents, notamment à La Rochelle, où une marque est apposée sur un dé dont le contexte est daté de 16751750 (Berthon 2013, 52-53, objet 45). À Exeter 3 4 5 1 6 7 8 Fig. 7 — Marques de cannelles : 1. cannelle, alliage cuivreux, abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), cour des novices, US 1013, ST 12, XVIIe-XVIIIe s. ? Pignot 2013 ; 1. cannelle, alliage cuivreux, Londres, XVe s. ? Egan 1998, cat. 746, 242-243 ; 3. cannelle, alliage cuivreux, château d’Alt-Wädenswil, Suisse, XVe s. ? Bitterli, Grütter 2001, cat. 412 ; 4. cannelle, alliage cuivreux, Neuillyen-Thelle (Oise), fin XVIe-XVIIe s., Legros 2001, 58-59 ; 5. cannelle, alliage cuivreux, château de Mâlain (Côte-d’Or), fin XVIe s., Jannet-Vallat 1990, notice 383, 198 ; 6. cannelle, alliage cuivreux, Compiègne (Oise), “Halettes”, fin XVIe-XVIIe s., Legros 2001b ; 7. cannelle, alliage cuivreux, Tours (Indre-et-Loire), XVIe-XVIIe s. ? Motteau et al. 1991, cat. 414 ; 8. cannelle, alliage cuivreux, Tours (Indre-et-Loire), XVIIIe s. ? Motteau et al. 1991, cat. 415. 45 5 10 1 2 3 4 6 11 7 8 12 9 13 Fig. 8 — Marques de dés à coudre : 1. dé, alliage cuivreux, Vitré (Ille-et-Vilaine), “place du château”, objet 272, US 1161, XVIe s., Berthon, Coussirat, Guérin 2012 ; 2. dé, alliage cuivreux, Vitré (Ille-et-Vilaine), “place du château”, objet 270, US 1161, XVIe s., Berthon, Coussirat, Guérin 2012 ; 3. dé, alliage cuivreux, Poitiers (Vienne), “hôpital Pasteur”, objet 620, US 2138, ST 175, XVIe s., Zélie, Nadeau 2010 ; 4. dé, alliage cuivreux, La Rochelle (Charente-Maritime), “23, rue du Duc”, 1675-1750, cat. 45, p. 52-53, Berthon 2013 ; 5. dé, alliage cuivreux, Puerto Real, Caraïbes, 1520-1575, Deagan 2002, 201-204 ; 6. dé, alliage cuivreux, Exeter, Angleterre, XIXe-XXe s. ?, Goodall et al. 1984, cat. 217, 346-347 ; 7. dé, alliage cuivreux, Londres, fin XVedébut XVIe s., Egan 2005, cat. 623, 131-133 ; 8. dé, alliage cuivreux, Londres, 1550-1600, Egan 2005, cat. 632, 131-133 ; 9. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 640, 131133 ; 10. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 641, 131-133 ; 11. dé, alliage cuivreux, Londres, 1630-1650, Egan 2005, cat. 644, 131-133 ; 12. dé, alliage cuivreux, Londres, 1680-1710, Egan 2005, cat. 647, 131-133 ; 13. dé, alliage cuivreux, Londres, fin XVe-début XVIe s., Egan 2005, cat. 650, 131-133. (Angleterre), un dé dont le contexte est daté des XIXe-XXe s. porte une marque, un “X” estampé au départ du piquetage hélicoïdal. Dans ce dernier cas, il s’agirait plutôt d’un objet redéposé, la disposition et le type de piquetage correspondant aux dés de Nuremberg (Goodall 1984, 346-348, objet 217, fig. 193). La production mécanique n’ayant pas complètement remplacé les productions manuelles, le marquage a pu subsister après 1620. Ces marques sont généralement estampées au niveau de l’entrée du dé, au départ de l’impression hélicoïdale du piquetage, caractéristique de Nuremberg. Ces marques, uniques, ne doivent cependant pas être confondues avec les décors appliqués sur ces dés, même s’ils sont eux aussi des indices de provenance géographique ou de définition 46 chronologique (Greif 1984 ; Holmes 1985 ; Holmes 1988). Les marques ne semblent pas concerner une majorité de production d’époque moderne : à Londres, seuls sept dés sont marqués sur 27 exemplaires exhumés (toutes les marques sont différentes) (Egan 2005, 130-133). À Vitré (Ille-etVilaine), les deux dés découverts dans une maison du XVIe s. sont cependant estampés : l’un porte une marque en forme de “A” placée au départ du piquetage hélicoïdale, tandis que le second est une série de rosaces. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un décor et non d’une marque de fabricant (Berthon, Coussirat, Guérin 2012). La reconnaissance de ces marques et leur identification ont permis à K. Deagan d’observer la prédominance des produc- tions marquées de Nuremberg dans les colonies espagnoles de la Floride au XVIe s. On identifie ainsi une marque en forme de clef, datée de la période 1520-1575 (Deagan 2002, 201-204, fig. 10.15). Des marques pour quoi faire ? Le rôle des guildes et des corporations Les épigraphistes et archéologues travaillant sur l’Antiquité ont déjà pu traiter cette problématique, les estampilles étant relativement fréquentes sur diverses catégories d’objets. Elles sont perçues comme “une fonction liée à l’organisation des ateliers (…). [Elles] permettent à différents intervenants de contrôler et vraisemblablement rémunérer le travail, [elles] servent d’aide-mémoire, de marqueurs de propriété et peuvent être le reflet d’une certaine forme de hiérarchie au sein des officines. C’est pour cela qu’[elles] se présentent, presque toujours, sous des formes simples, souvent abrégées, voire (…) inintelligibles” (Delage 2004, 145). En plus de cet aspect organisationnel, la marque ou estampille peut devenir en plus de son rôle de contrôle et d’organisation une véritable marque, une “raison sociale” résultant d’une stratégie commerciale (Ibid., 147-151). M. Feugère avait déjà évoqué le phénomène d’objets marqués, certaines catégories de l’instrumentum l’étant plus que d’autres. La fréquence du marquage est plus importante sur les objets les plus manipulés : l’estampille serait là pour être vue par le plus grand nombre (Feugère 2004, 54). Mais le consommateuracheteur n’est pas le seul visé via l’estampille, les “intentions sont variées” et nombre d’entre elles sont destinées aux relations commerciales, aux collaborateurs et aux concurrents (Ibid., 56-57). Pour la période médiévale, le marquage des productions semble dans un premier temps se limiter aux objets les plus prestigieux et les plus techniques et concerne essentiellement les armes. L’organisation du métier de forgeron se spécialisant dans certaines productions particulières a sans doute contribué à faire apparaître ces marques sur des outils ou couteaux, à l’instar des fabriques d’armes. Ces marques sont cependant rares sur les outils, à l’exception de l’exemplaire de Charavines, et sur les couteaux, qui n’apparaissent qu’au XIIIe s. La mise en place des guildes ou corporations d’ouvriers a joué un rôle dans l’apparition des normes de production et sur la réglementation des marques. On peut en déduire qu’il n’y a pas de marques de fabricants sans corporation ou sans décision politique (comme celle d’Édouard III en 1365), les corporations étant elles-mêmes légalisées et contrôlées par les autorités. Ce phénomène est sans doute parallèle à celui grandissant des échanges internationaux dans la seconde moitié du Moyen Âge. M. Feugère avait déjà souligné l’importante croissance des marques dans le contexte commercial du monde romain : plus les marchandises circulent et viennent de loin, plus le besoin de contrôle est nécessaire (Feugère 2004, 64-65). L’apparition des marques débute sur des productions en fer, les forgerons spécialisés étant jugés comme les membres les plus puissants et les mieux organisés du monde ouvrier médiéval. Par la suite, les productions en métaux précieux ou semiprécieux (or, argent, étain) font l’objet de réglementations quant aux matières premières afin d’enrayer les fraudes, à partir de la fin du XIIIe s. (Campbell 1991, 140). À Londres, la “teste de leopart” devient par exemple un signe de qualité sur les productions en argent, en plus des marques de fabricants (Campbell 1991, 140) (5). Autre signe de volonté de contrôler ces productions est le répertoire des marques de fabricants-orfèvres de la ville de Gand (Belgique), daté de 1454 (Casier 1923). Ces répertoires de marques n’ont pas seulement concerné les métaux précieux, mais aussi des productions plus communes comme les couteaux (voir plus haut). La diffusion des marques de fabricants s’est ensuite tournée vers des productions en alliage cuivreux, sur des objets de plus en plus modestes, comme les dés à coudre. Dans le cas des alliages cuivreux, les marques ne sont pas généralisées, mais émanent de la volonté d’une corporation qui s’est constituée peu à peu comme un interlocuteur puissant, capable d’imposer ses normes, quelle que soit la nature des productions. On remarque des points communs à l’origine de l’utilisation des marques ou des poinçons : . contrôler la qualité des matières premières utilisées dans le but d’éviter les fraudes (6) ; . indiquer l’origine des marchandises pour éviter les concurrences étrangères ou provinciales : . garder un contrôle sur l’ensemble des membres d’une corporation en imposant un enregistrement des marques et des maîtres d’ateliers. Conclusion Archéologiquement, on constate que l’identification des marques permet de cerner des circuits commerciaux et la diffusion des objets à l’échelle internationale. On peut par ailleurs observer une diversité des productions par un même atelier, en listant les objets fabriqués portant un même poinçon. Il semble toutefois que cette diversité se limite à une typologie diversifiée d’un même objet ou d’une même catégorie d’objets. On ne peut toutefois omettre la difficulté à identifier les provenances, du fait des mouvements possibles des maîtres d’ateliers (ce sont eux les propriétaires des marques), mais aussi du fait des contrefaçons. À l’échelle européenne, on s’aperçoit par ailleurs que les situations diffèrent d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre et d’un siècle à l’autre en fonction des “lobbys” commerciaux et des encadrements politiques, même si on peut affirmer que le XIIIe s. voit se généraliser des pratiques de ce genre. En dépit d’une volonté parfois affichée de défendre le “consommateur”, la marque concerne avant tout des productions et un circuit commercial réglementés, très spécialisés et essentiellement urbanisés. La marque sert avant tout les intérêts d’une corporation organisée revendiquant des droits, ce qui explique malgré tout la présence de poinçons sur des objets modestes sans grande valeur marchande, comme les dés à coudre par exemple. Amélie Aude Berthon, archéologue, chercheur associé UMR 5138, ARAR, MSH MOM, Lyon amelie.berthon@eveha.fr Notes : (1) Le site d’Alt-Wädenswil est occupé de la fin du XIIIe siècle à la fin du XVIe siècle, les datations des objets sont malheureusement peu précises. (2) À Londres, une cuiller avec une marque placée dans le haut du cuilleron serait médiévale. Cet exemplaire est toutefois unique et l’auteur ne l’attribue pas à un fabricant avec certitude : Egan 1998, 249, objet 757, XIVe s. (3) Selon E. F. Holmes, les dés de type “Dutch 1” peuvent porter occasionnellement des marques : Holmes 1988, 3. (4) Ce terme fait référence au vocabulaire utilisé dans Le Livre des métiers, d’É. Boileau, titre LXXII. (5) À Paris, les premières réglementations datent de 1260 et se basent sur des standards monétaires anglais “Aussi bons qu’estellins ... une monoye d’Angleterre ou d’Écosse”, Le Roy 1759, 111. (6) Il s’agit aussi bien d’éviter les fraudes sur les objets finis que sur les matières premières en circulation sous forme de lingots. On citera l’acier de Pignerol (Piémont italien, marqué d’une tenaille : Brun 1951, 213) ou le lingot de plomb de Criccieth Castle (Angleterre) portant plusieurs poinçons héraldiques (Homer 1991, 67, fig. 23). Par ailleurs, le monde antique connaît déjà ce phénomène de marquage plus intense pour les produits semi-finis et les lingots, étant donné le statut de production d’État (Feugère 2004, 56). Bibliographie : Amman, Sachs 1568 : J. Amman, H. 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What type of sources can we own and what kind of methodology can be used during the processing of the available turned up material? One of the important pilars of the researching means the monitoring of the excavated tools belong to the kitchen equipment (or the auxiliary rooms of the kitchen) which turned up at archaeological excavations, further have got an origin from a closed archaeological layer (water well, cesspit, moat etc.). The majority of the turned up assemblage at archaeological excavations is fragmental. It is worth taking the question why is it that difficult to identify these objects? It depends on the material of the objects, the former function and the circumstances of the finding. Therefore it is necessary to apply the more source types with an international outlook, beyond the typologization. Lifestyle and gastronomy-historical researches have been made from the sixties and seventies in 48 Le Roy 1759 : P. Le Roy, Statuts et privilèges du corps des marchands orfèvres-joailliers de la ville de Paris, recueillis des textes de tous les édits, ordonnances, déclarations... et justifiés par les autorités mesmes des titres originaux..., imprimé par Ch. Est. Chenault, Paris 1759. Legros 2001a : V. Legros, Étude du mobilier métallique des fermes médiévales du “Bellé” à Neuilly-enThelle (Oise), approche technique et fonctionnelle, Revue Archéologique de Picardie, 1/2, 2001, 39-72. Legros 2001b : V. Legros, Archéologie de l’objet métallique aux époques médiévales et modernes entre Oise et Somme : approches typologiques et fonctionnelle, thèse d’histoire et d’archéologie médiévale, université de Picardie – Jules Verne, sous la dir. de Ph. Racinet, 4 t., Amiens 2001. Liabeuf 1995 : B. Liabeuf, Histoires de couteaux, Musée de la coutellerie – Maison des coutelliers de Thiers, guide des collections, Thiers 1995. Europe beside the quantitative and qualitative investigation with the researches of the issues of the kitchen preparing, serving, consumption. The different aspects of the topic have been researched by historians, archaeologists, ethnographists, grammars (1) in Hungary, but by choosing my project it was an important viewpoint that such a work had not already fulfilled in Hungary. I try to create a new dimension with the complex way of use of the results of the researches of the Renaissance cuisine culture in the last decades touching several scientific aereas, to be able to interpret better the historical data which ones were excavated by the scientific research. Beside the traditional source researching and elaboration of he turned up archaeological objects and by using the tools of the experimental archaeology I intent to reconstruct this interesting segment of medieval life. Researching the grand units of the traditional source elaborating we can take the following statements: Findings We can diversify several groups of the turned up assemblage at the archaeological excavations. The different archaeological objects (kitchens, ovens, fireplaces, the sink, kitchen equipment, special kitchen spaces, bakehouses, smoke house, etc.) give us the architectonical aspect and the physical frame of the whole concept. (Orosz 2003, Buzás-Orosz 2010). The determining part of the assemblage are moreover the kitchen and table tools, foodwares (metal, wooden, other organic materials, glass, stone, ceramics, etc.). There are more causes for the intact maintaining of metal tools (for example recycling, melting, remoulding), so these objects (caldrons, pots, dishpens, skewers, grills, scoops, knives, axes, casserols, colanders, mortars, etc.) Moore 1999 : S. Moore, Cutlery for the table : a history of British table and pocket cutlery, Sheffield 1999. Pesenti 2013 : C. 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The price of glass tools (bottles, glasses etc.) was high, their use in the kitchen was rare in the researched period (H. Gyürky 1991), but the use of stone tools (press-stone for cheese, stone mortar, slabstone /marble stone/ etc.) was intense. The easily biodegradable organic materials can not be preserved in the ground during a long term under natural circumstances. In a lucky case it could happen that the catabolic processes are blocked and keep their characteristic buildup during centuries. Under specific circumstances (carbonization by fire, covered by water, long frozen layers, presence of salt compounds, extraordinary dry microclimate etc.) they can be preserved (2). To these ones belong the wooden tools (wooden spoons, troughs, twirling-sticks, kneading board, salt cellar, platter, wooden plate, wooden cup, wooden jug, etc.) and other tools made from organic materials (yarn, string, wax, paper, etc., or eg. some kinds of sieves: silk sieve, thick sieve, cutter trough, horsehair sieve, tamis). There is an imagery as an evidence of one used kitchen use of tool made of organic material which one surely can not be find at archaeological excavations (fig. 3). Fig. 1 — Fragment of a copper mortar. Visegrád, Palace Inv. no. 48.2009.07.25 (Photo by the author).