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Approche socio-économique des films Star Wars et de leur univers transmédia Aude Pontois Introduction 1 I. Un film devenu une marque 2 I.1. La stratégie de marque dans l’industrie cinématographique 2 I.2. Licensing ou transmedia storytelling ? 3 II. L’univers étendu Star Wars 4 II.1. Un récit mythique… 4 II.2. …À l’ère de la convergence 5 III. Quand les communautés de fans s’emparent de la franchise 6 III.1. L’importance des communautés de fans 6 III.2. La politique de copyright de Lucasfilm Ldt. 7 Conclusion 8 Bibliographie 9 Introduction Objet culturel désormais culte, en 39 ans Star Wars a révolutionné l’industrie du cinéma, bien que nul ne présageait la réussite de la franchise. En effet, lorsque A New Hope sort en salle, le merchandising rapporte très peu à l’industrie du cinéma. C’est pour cela que la Fox a cédé les droits sur les produits dérivés du ilm à Georges Lucas pour le tournage du ilm1. Pourtant, dans les années quatrevingts, ils rapportaient 10 millions de dollars par an à Lucasilm Ldt.. L’ensemble de ses produits dérivés et ses extensions narratives ont fait de la saga l’une des premières franchises transmédias. Depuis la sortie du premier ilm, en 1977, Star Wars est devenu une véritable marque et l’ensemble de son merchandising aurait généré plus de 22 milliards de dollars. Pour engendrer de tels bénéices, la saga a réussi à idéliser une base solide de fans mais aussi à toucher un plus large public : l’univers transmédia Star Wars fait désormais partie de la culture populaire. Son « potentiel inépuisable » (Marchand, 2015, en ligne) a même poussé les studios Disney à racheter la franchise pour 4 milliards de dollars en octobre 2012. Se pose alors la question des conditions de la réussite culturelle et économique que représente Star Wars. Quelles sont les particularités de cette franchise à la « dimension économique hors norme » (Chartoire, 2012) ? En quoi cette oeuvre transmédia a-t-elle révolutionné l’industrie du cinéma ? Comment a-t-elle réussi à maintenir son succès ? Ain de répondre à ces interrogations, il convient de déinir, dans un premier temps, ce qu’est une marque audiovisuelle. Puis nous nous intéresserons à l’univers transmédia de la saga, avant d’étudier la relation qu’entretient la franchise avec ses fans. 1 Georges Lucas a renoncé à un salaire de 500 000 dollars en échange de ces droits. !1 I. Un film devenu une marque I.1. La stratégie de marque dans l’industrie cinématographique Le succès de Star Wars n’était pas anticipé car dans les années 1970 le cinéma de science-iction s’adresse à un public de niche. Le 25 mai 1977, A New Hope n’est d’ailleurs diffusé que dans 32 cinémas américains, et son publicitaire, Charles Lippincott, en fait la promotion uniquement dans les magazines et conventions spécialisés du genre. Finalement, le ilm obtiendra le record d’entrées en salle de l’époque2 et démocratisera le cinéma d’effets spéciaux3. Ce succès fulgurant ne se fera pas qu’en salle : très vite, la consommation des produits dérivés Star Wars explose. La marque de jouets américaine Kenner, qui a alors obtenu l’exclusivité sur la production de igurines, n’arrivera pas à en produire assez pour les fêtes de Noël. Elle décide donc de commercialiser des boîtes vides, dans lesquelles sont placées des photos des igurines que les consommateurs recevront à partir de mars 1978. Le succès du produit prouve que « la référence au monde diégétique garantit à elle seule la valeur ajoutée du produit » (Boillat, 2006, p. 116). Star Wars peut alors être envisagé comme une marque. L’industrie cinématographique repose généralement sur une stratégie marketing de l’offre, c’est à dire qu’elle vend des biens déjà produits. Or le succès d’un ilm et les recettes qu’il engendrera sont imprévisibles. Les professionnels du cinéma ont donc intérêt à capitaliser sur leurs succès et à développer des franchises autour de ces derniers. La franchise est une technique de distribution qui consiste à céder des licences d’exploitation à un tiers en échange de redevances. Elle permet ainsi de générer plus de bénéices autour d’un ilm. Par exemple, les produits dérivés de Star Wars ont généré 6 fois plus de revenus que les entrées en salle des ilms (Chartoire, 2015, en ligne). La marque englobe aussi cet objectif inancier, mais elle relève également des objectifs communicationnels car elle déinit l’identité de ceux qui l’achètent ; elle est donc un intégrateur social (Laurichesse, 2012, en ligne). Les oeuvres sérielles telles que Star Wars, sont prédisposées à devenir des marques car elles permettent de « idéliser le public et de développer une valeur ajoutée » (Laurichesse, Ibid.). Il est vrai que, plus de trente ans après la sortie du premier épisode, la saga possède une base de fans immense (elle serait la franchise qui réunit le plus de fans au monde) et la vente de ses produits dérivés rapporte encore énormément (en 2014, la licence de jouet Star Wars était la plus vendue en France). De plus, la consommation de la culture est un acte expérientel et émotionnel plutôt que 2 Le film sera détrôné par E.T. en 1983 (Manilève, Ibid.). 3 Stéphane Manfrédo, La Science-Fiction. Le Cavalier Bleu, France, 2005. !2 rationnel. Ceci explique que des dizaines de fans étrangers ont dépensé jusqu’à 5000 dollars4 pour voir l’avant première de l’épisode VII en France. La stratégie de marque peut ainsi résoudre la difficulté qu’ont les industries culturelles (IC) à « faire d’une valeur d’usage (à charge symbolique forte) une valeur d’échange qui se réalise sur les marchés » (Miège, 2013, p. 178) : pour le consommateur, la dimension identitaire rattachée à la marque peut justiier le fait de dépenser des sommes importantes dans un produit rattaché à Star Wars. I.2. Licensing ou transmedia storytelling ? Selon Hélène Laurichesse, chercheuse en marketing culturel, le transmedia storytelling est la forme la plus aboutie de la stratégie de marque audiovisuelle. Le transmedia storytelling est un processus d’extension narrative, un mode de narration qui consiste à créer des scénarios différents issus d’un même univers ictif mais destinés à diverses plateformes médiatiques (Jenkins, 2014). Quant au licensing, il désigne le processus de déclinaison d’une franchise ou d’une marque et, contrairement au transmedia storytelling, n’est pas une extension narrative (Bahuaud, 2013). L’oeuvre transmédia Star Wars devrait donc désigner la diégétique5 de l’oeuvre (les ilms, séries, romans, BD, jeux vidéo…). Et les produits issus du merchandising (jouets, igurines ou même accessoires de cuisine…), ne répondant a priori qu’à des objectifs mercantiles, ne devraient pas être considérés comme des « textes » Star Wars. Cependant, pour Alain Boillat, chercheur en narratologie ilmique, les fondements économiques du merchandising ne peuvent pas à eux seuls invalider la pertinence d’une analyse paratextuelle des produits dérivés de l’univers de la saga (Alain Boillat, 2006). En effet, à partir du moment où une oeuvre culturelle est destinée à un marché, elle possède à la fois une dimension artistique et commerciale. Dans le cas de Star Wars, il en est de même pour le merchandising. A l’heure actuelle, le travail des cinéastes consiste à « créer des produits sous licence autant qu’à raconter des histoires » (Jenkins, 2014, p. 135). Ainsi, chaque élément développé dans le ilm peut donner lieu à une nouvelle ligne de produits dérivés. Dans un dossier qu’il consacre aux igurines Star Wars6, Boillat démontre même comment ces produits dérivés peuvent modiier la signiication des ilms. Par exemple, la commercialisation de igurines représentant une mère Tusken et son enfant « humanise » ce peuple, présenté à l’écran comme barbare et sanguinaire. 4 Anonyme, « Des fans américains ont traversé l'Atlantique pour voir «Star Wars VII» en France », 20 minutes, le 17 décembre 2015, en ligne 5 « La diégétique est ce qui se rapporte ou appartient à l’histoire, donc qui appartient strictement à l’univers fictif » — (G. Gourdeau, Analyse du discours narratif, Magnard, 1993) 6 Boillat, 2006 !3 Star Wars est donc l’une des rares franchises autour de laquelle s’est développé un merchandising qui ne répond pas qu’à une stratégie mercantile. II. L’univers étendu Star Wars L'univers étendu Star Wars désigne l’ensemble de l'histoire de la saga. Georges Lucas le divise en 3 ensembles7 : le canon de la saga (soit les supports sur lesquels il a un contrôle direct : ilms et séries), les produits officiels8 et les productions des fans. II.1. Un récit mythique… Selon le mythologue Joseph Campbell9, Star Wars incarne un mono-mythe10, soit une « structure conceptuelle issue d’une analyse culturelle croisée des grands récits du monde ». Par exemple, chaque ilm met en scène une lutte manichéenne entre le Bien et le Mal. Le public est ainsi déjà familiarisé avec « cette structure narrative élémentaire » (Jenkins, 2014, p. 140). D’ailleurs, on constate que chacun des ilm de la saga débute sur une scène d’action, car la nature mythique de l’oeuvre permet de ne pas inclure de scène d’exposition. Contrairement à la majorité des ilms de science-iction, le spectateur peut donc se plonger directement dans le ilm, qui s’adresse aussi à un public non spécialisé. Dans une oeuvre mythique, les personnages ne sont pas individualisés : ils sont des archétypes faisant partie du patrimoine culturel de l’humanité (Jenkins, Ibid.). L’acteur n’est alors qu’une représentation possible du personnage qu’il joue. Cela s’illustre particulièrement bien dans l’épisode VII (produit par les studios Disney) qui met en scène les mêmes archétypes que ceux de la première trilogie : tout comme Luke Skywalker, Finn est un héros naïf et innocent, quand Han Solo et Poe Dameron sont tous deux des combattants expérimentés au ton espiègle. Star Wars adopte ainsi une stratégie à l’opposé de celle du star system, sur laquelle Hollywood repose très souvent. Carrie Fisher a elle même conié dans une interview « Je ne suis pas vraiment célèbre, c’est la princesse Leia qui l’est... et je lui ressemble »11. Au sein de la franchise Star Wars, ce n’est donc pas l’acteur qui est la star, mais le personnage. Par exemple, sur les boîtes des igurines, seul le nom du personnage est indiqué, jamais celui de l’acteur qui 7 Pablo Hidalgo, Demandez au maître, Star Wars Magazine, janvier-février 2009, no 75, p. 28 – 29 8 Certains des produits officiels peuvent intégrer le canon Star Wars. 9 Berry Sue Flowers (dir), Joseph Campbell, The Power of The Mythe with Bill Moyers, New York, Doubleday, 1988 10 Le concept de mono-mythe développé par Campbell avance l’idée que tous les mythes de l’Humanité ne seraient qu’une variation de la même histoire. 11 Entretien filmé : Empire of Dreams : The Story of the « Star Wars » Trilogy (Edith Becker et Kevin Burns, 2004) !4 l’interprète12. Ceci facilite le développement du merchandising et des jeux vidéos, car le public identiie le personnage à ses attributs (vêtements, équipement…), plus faciles à reproduire que le visage des acteurs. Georges Lucas revendique avoir imaginé Star Wars comme une oeuvre mythologique. Même si ce projet n’était pas fondé sur des intérêts économiques13, il a ouvert la voie à une nouvelle stratégie pour l’industrie du cinéma. C’est en effet la dimension mythique de l’oeuvre qui a permis le développement d’un tel univers étendu qui génère d’énormes bénéices. II.2. …À l’ère de la convergence Dans La Culture de la convergence, Jenkins cite un cinéaste anonyme qui explique comment la conception des ilms a évolué au cours de sa carrière. Alors que l’histoire puis le personnage sont devenus successivement l’élément central du ilm, il est aujourd’hui nécessaire de concevoir avant tout un univers, car il permet de « de développer plusieurs personnages et plusieurs histoires à travers plusieurs médias » (Jenkins, 2014, p. 135). Cette nécessité s’explique par l’individualisation du public, qui s’accélère depuis la révolution numérique14. Parce qu’il est de plus en plus difficile de déinir une audience, les IC privilégient un marketing tourné vers l’individu. Selon Jenkins, cet individu (consommateur de culture) évolue actuellement dans un contexte de convergence culturelle qu’il déinit comme le « comportement migrateur des publics et des médias qui, dans leur quête d'expériences et de divertissement qui leur plaisent, vont et fouillent partout » (Jenkins, 2014). Ainsi, l’oeuvre mythique et transmédia Star Wars correspond aux attentes du consommateur : elle lui propose un univers riche déployé sur de nombreux supports, lui offrant ainsi l’expérience interactive, immersive, et même participative qu’il désire. La réalisation d’une telle oeuvre nécessite un décloisonnement des frontières entre producteurs, diffuseurs et professionnels du marketing au proit d’une convergence médiatique15. Lucasilm Limited possède d’ailleurs 7 iliales spécialisées dans les effets spéciaux, le montage, mais aussi dans le licensing et les jeux vidéos. Des tables rondes sont organisées entres les iliales ain de concevoir des extensions narratives et produits dérivés cohérents, ainsi que pour répondre aux attentes des fans de l’oeuvre. 12 De nombreux personnages mis en scène dans Star Wars ne peuvent, de toutes façons, pas être assimilés aux acteurs qui les interprète à cause des costumes ou parce qu’ils sont réalisés en image de synthèse (Chewbacca, C3PO, Jar Jar Binks…). 13 Lucas a souvent déclaré que sa liberté artistique était plus importante que les contraintes imposées par les studios hollywoodiens (Chartoire, Ibid ; Jenkins, Ibid). 14 L’individualisation des pratiques culturelles n’est pas nouvelle. Internet a seulement exacerbé ce phénomène (Bahuaud ; Jenkins). 15 On assiste alors à la création d’oligopoles. !5 III. Quand les communautés de fans s’emparent de la franchise III.1. L’importance des communautés de fans La consommation de la culture étant un acte expérientel et émotionnel, il convient donc aux IC « d’enrichir l’expérience et de provoquer la participation du consommateur pour accroître son implication » (Laurichesse,). Les fans forment une audience particulièrement idèle et impliquée. D’ailleurs, dans le cas du développement d’une marque audiovisuelle autour d’une oeuvre, les fans sont essentiels : ils participent à la constitution de l’identité de la marque et servent de relais auprès du grand public (Laurichesse ; Jenkins). Star Wars est la première oeuvre cinématographique autour de laquelle s’est constitué un fandom16. Cela n’est pas surprenant car les fandoms se constituent généralement autour d’oeuvres à l’univers étendu particulièrement vaste. En effet, les fans sont généralement très impliqués et actifs et ce type d’oeuvre leur permet d’assouvir leur intérêt insatiable. Lucasilm Ldt. a compris qu’il était dans son intérêt de ne pas négliger les fans et leur propose très souvent de donner leur avis sur la commercialisation de produits dérivés. Par exemple, en 2000, les fans ont pu voter pour choisir la igurine qu’ils souhaitaient voir rejoindre le catalogue Hasbro. Le personnage Ellors Madask a remporté le suffrage et la igurine a été commercialisée avec la mention « Fan’s Choice n°1 ». L’utilité de cette pratique est double : elle assure (potentiellement) la vente du produit et renforce le lien de la marque avec ses fans. Depuis le rachat de Lucasilm Ldt., he Walt Disney Company a également pris en compte l’avis des fans dans la conception de nouveaux produits ainsi que dans celle des nouveaux ilms, notamment pour l’épisode VII. En effet, une récente étude sur les abonnés Facebook de la page Star Wars17 a mis en évidence une féminisation du public. Peu de temps après, en octobre 2015, l’actuelle présidente de Lucasilm Ldt., Kathleen Kennedy, a déclaré vouloir féminiser la franchise18. Rey, une des héroïnes de he Force Awakens, est d’ailleurs le premier Jedi féminin de l’univers de la saga. Ces méthodes de marketing basées sur l’expérience des usagers dans le but de les idéliser s’inscrit dans ce que Jenkins qualiie de mouvement top-down et face auquel un contre-mouvement Fandom : sous-culture propre à un groupe de fans Jusqu’alors les fandoms se formaient autour de séries télévisées (Star Trek…) et de comics (Marvel…) 16 17 http://www.socialbakers.com/statistics/facebook/pages/detail/169299103121699-star-wars 18 J.J. Abrams (réalisateur de The Force Awakens) a également déclaré qu’il souhaitait que Star Wars ne soit plus un film que les garçons vont voir avec leurs pères, mais aussi que « les mères iront voir avec leurs filles » (Le Corre, 2015, en ligne) !6 bottom-up se développe. Ce contre-mouvement se caractérise par les pratiques de braconnage19 du public - et notamment des fans - qui tentent de se réapproprier et de détourner l’objet culturel. Lucasilm Ldt. a régulièrement changer sa politique face à ce phénomène. III.2. La politique de copyright de Lucasfilm Ldt. C’est le mass-marteking de Star Wars qui a fourni les ressources nécessaires aux fans pour détourner l’oeuvre (Jenkins, 2014, p. 179). Leurs pratiques de détournements sont très nombreuses ; fan-ictions, ilms amateurs et jeux vidéo amateurs sont toutefois les plus répandues et les plus visibles. La politique de copyright de Lucasilm Ldt. face à ces productions amateurs a très souvent évoluée, notamment parce que Georges Lucas a régulièrement été en désaccord avec l’entreprise - d’autant plus que cette politique diverge selon chaque iliale20. En effet, Georges Lucas reconnait le travail des fans et les encourage à « célébrer Star Wars » ; comme vu précédemment, il intègre leurs productions dans l’univers étendu de la franchise. Il adopte cette position dés 1977, en ouvrant un bureau de licence gratuite pour permettre aux fans de produire du contenu sans violer le copyright de l’oeuvre. Mais ce dispositif sera stoppé trois ans plus tard car des fans publient des fan-ictions érotiques contraires aux valeurs de la saga, qui se veut grand public. Dans les années 1990, avec l’arrivée du web, Lucasilm Ldt. adopte une position à contrecourant du reste de l’industrie culturelle en se montrant bienveillant à l’égard des fans qui souhaitent publier du contenu amateur. En effet, à la même époque, la société de production Viacom tente d’imposer aux fans de Star Trek des règles très strictes concernant leur activité. En 1999, he Phantom Menace est même le tout premier ilm dont la bande-annonce et mise en ligne et téléchargeable par les internautes21. Certains fans réaliseront des montages vidéos à partir de la bande-annonce. En 2000, ain d’encadrer les publications, une plate-forme est mise en ligne sur starwars.com. Les fans peuvent y publier leurs créations en respectant la propriété intellectuelle du studio car Lucasilm Ldt. s’octroie les droits d’auteur. Ceci est vivement critiqué dans les communautés de fans. La plupart décident de publier à nouveau clandestinement. Depuis son rachat Lucasilms Ldt. n’a pas fait de déclaration officielle sur sa politique de copyright. Les studios Disney sont généralement très stricts en matière de droit d’auteur mais, pour le moment, aucun cas d’interdiction ou de censure n’a été mis en lumière. Ceci suggère que Disney s’est 19 Concept de Michel de Certeau également développé dans Jenkins, Henry (2013), Textual Poachers: Television fans and participatory culture, New York, Routledge 20 LucasArts (société de production de jeux vidéo) est la filiale la plus permissive en matière de détournements, alors que le département en charge des films essaye généralement de les interdire. 21 Selon Manilève, ce film a même changé la manière donc l’industrie du cinéma fait la promotion des films. !7 adapté à la singularité des relations entretenues entre la franchise et ses fans. En 2007, Jeffrey Ulin alors avocat chez Lucasilm Ldt. - déclarait d’ailleurs que les productions de fans la faisaient vivre (Geigner, 2012). De plus, une politique de copyright stricte s’explique par une économie de la rareté, mais une économie de l’abondance - comme celle de Star Wars - nécessite que l’entreprise assouplisse cette politique (Jenkins, 2014). Selon l’anthropologue et consultant en marketing Grant McCracken, les irmes doivent permettre au public de participer à la construction et à la représentation de leurs créations sous peine de compromettre la valeur commerciale de leurs productions : « le nouveau consommateur aidera à créer de la valeur ou la refusera… »22. Lucasilm Ldt. a donc intégré que l’enthousiasme qu’ont les fans à s’approprier et détourner la franchise Star Wars a également permis à la marque de se développer. Conclusion Star Wars est donc la première oeuvre cinématographique autour de laquelle s’est développé un univers transmédia23 capable de générer des recettes monstres. Cette franchise, devenue une véritable marque audiovisuelle, a connu - et connait aujourd’hui encore - un succès économique, culturel et même social24 immense. Ceci s’explique en partie parce que Lucasilm Ldt. a très vite compris l’importance d’impliquer le public, notamment les fans, dans les différents processus de réalisation d’une oeuvre culturelle et de ses expansions. Ce dossier ne représente bien sur qu’une analyse minime de la socio-économie de Star Wars, sur laquelle on pourrait davantage développer tant l’oeuvre est hors-norme. On peut toutefois constater qu’elle a ouvert un chemin dans le paysage de l’industrie cinématographique. En effet, aujourd’hui, ce secteur survit en grande partie grâce aux franchises et à la vente de produits dérivés, et les frontières entre les différents secteurs des industries culturelles ne cessent de s’effacer. 22 Grant McCracken, Plenitude, p84 23 Les oeuvres transmédias étaient jusqu’alors des récits écrits (comics…) 24 Star Wars fait désormais partie de « la culture de tous » !8 Bibliographie BAHUAUD, Myriam (2013), « Transmedia storytelling : quand l’histoire se conçoit et se construit comme une licence », Terminal, n°112, pp. 77-88, en ligne : https://terminal.revues.org/552 [ consulté le 15 février 2016 ] BOILLAT, Alain (2006) « Du personnage à la igurine : les produits dérivés de Star Wars comme expansion d’un univers », Décadrages, n°8-9, pp. 106-136, en ligne : decadrages.revues.org/290 [ consulté le 7 février 2016 ] CHARTOIRE, Renaud (2015), « Plongée dans l’univers de Star Wars », Alternatives Économiques, n°352, en ligne : w w w . c a i r n . i n f o . f a r a w a y . u - p a r i s 1 0 . f r / a r t i c l e . p h p ? ID_ARTICLE=AE_352_0070&DocId=468805&hits=2072+2071+2069+2067+2066+7+6+4+2+1+ [ consulté le 8 février 2016 ] De la VEGA, Xavier (2012) « Transmédia, la grande convergence », Les Grands dossiers de Sciences Humaines, n°26, en ligne : www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=GDSH_026_0037&DocId=383452&hits=749+748+746+ [ consulté le 7 février 2016 ] GEIGNER, Timothy (2012), « Will Disney Block Star Wars Fan-Made Content? », techdirt, 6 novembre, en ligne : https:// www.techdirt.com/articles/20121101/13355120910/will-disney-block-star-wars-fan-made-content.shtml [ consulté le 9 mars 2016 ] JENKINS, Henry (2014), La Culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Colin, Paris, 336 p. 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