«Territoire, développement territorial, gouvernance ». Amor Belhedi
Colloque international «Développement socio-économique et dynamique des sociétés rurales :
Pluralité d’acteurs, gestion des ressources et développement Territorial». LESOR’2016, IRA
Zarzis, 3-5 mai 2016
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Le développement territorial : fondements et pertinence
Amor Belhedi
Faculté des Sciences Humaines & Sociales
Université de Tunis (Tunisie)
amorbelhedi@yahoo.fr http://amorbelhedi.unblog.fr
Après le développement durable qui a émergé comme concept mobilisateur depuis les années
1990, le développement territorial est devenu au cœur de la problématique du développement
qui place le territoire au cœur du débat depuis les années 1980 dans la mesure où le
développement territorial passe par le territoire et s’opère dans les territoires à l’ère de la
mondialisation rampante qui a favorisé la montée des identités. Le concept de territoire a
remplacé, de plus en plus, celui de l’espace ce qui nous oblige de lui consacrer le premier
point de notre intervention.
Depuis les années 2000, on parle de plus en plus de développement territorial, concept
mobilisateur qui relaie et intègre l’aménagement du territoire, le développement régional et
local et le développement économique à la fois ce qui fera l’objet du second point.
1-Le territoire au cœur de la problématique
1.1-Le territoire
Le concept de territoire est souvent utilisé abusivement comme synonyme d’espace (Belhedi
A 2002). La distinction est socio-politique dans la mesure où le territoire est lié à l’exercice
du pouvoir d’un groupe social sur l’espace occupé, délimité, contrôlé, revendiqué et organisé
en vue de la reproduction du groupe social, son développement et son bien être.
Le territoire a une dimension double, naturelle et symbolique, objective et subjective. Il est, à
la fois, l’espace physique avec ses caractéristiques et sa configuration, l’espace économique,
social et subjectif/affectif (vécu, représenté, espace de vie) et l’espace politique lié au pouvoir
véhiculant les rapports de conflits et le jeu des acteurs. Il constitue, en outre, une combinaison
de ressources qui fonde sa spécificité et son identité, la matérialité et les usages spatialisés, la
pratique de l’espace (images, expériences..) qui le créent à leur tour. C’est à travers le triangle
société-homme-espace que nait le territoire. La territorialité est l’inscription progressive de
l’humanité dans la spatialité au fur et à mesure de la maîtrise de l’espace.
1.2-Les fondements de la territorialité : le double triangle fondateur AAI
Le territoire est un espace approprié avec le sentiment de son appropriation, il est à l'espace
ce que la conscience (de classe) représente à la classe. Ce territoire se trouve occupé, nommé,
délimité, organisé et aménagé ; reconnu, borné et revendiqué. L’appropriation s’entend ici
dans ses deux sens : le sens juridique de la propriété, mais aussi le sens symbolique d’espace
propre, organisé à l’image de celui qui l’occupe. La dimension affective et culturelle est
nécessaire pour s’approprier l’espace. Le territoire est l’espace d’appropriation d’un projet,
1
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d’une démarche, d’un programme et d’une altérité (Muis A-S 2014), d’un passé et d’une
destinée individuels et/ou collectifs.
Cette appropriation conduit au sentiment d'appartenance : "je suis d'ici ou de là et ce pays
est à moi, le mien...". Le territoire est un espace à la fois perçu, vécu (espace de vie,
interrelations sociales, valeurs psychologiques) et représenté. Le concept de territoire est lié à
la socialisation de l'espace, il relève d'une nature plutôt collective et non individuelle si l'on
exclue la proxémitique (la maison ou la chambre...), il intègre l’idée d’autorité et de gestion
(Le Berre 1992).
Le territoire est lié à l’identité qui se trouve révélée par l’altérité et réciproquement (Mancebo
2008). Il assure l’identification de l’individu et du groupe à la fois à travers l’altérité (Belhedi
A 2002, 2006). Il est la projection spatiale des structures sociales allant du marquage et du
découpage spatial à la gestion et à l’aménagement de cet espace fondant ainsi la spécificité du
groupe et son identité. Il permet la cristallisation des représentations individuelles et
collectives et des symboles fondateurs, d'identification et de référence. Le territoire est un
espace représenté, pratiqué et socialisé, hérité et voulu. Il assure l’enracinement et la
projection dans le futur à la fois. C’est un espace produit dans le sens matériel et idéel. Il
permet l'insertion de l’individu dans le groupe et à ce dernier l'altérité. Le territoire est
l’espace du « bien chez soi et bien être ensemble » (Di Méo G, 2001, p.35), il assure le lien
social et médiatise le rapport à l’autre (Belhedi A 2006).
Di Méo (2001) a distingué quatre dimensions constitutives du territoire : la dimension
collective exprime la référence identitaire et l’appartenance au groupe, la dimension politique
traduit le mode de maillage et de contrôle de l’espace, la dimension symbolique consolide
l’appartenance et donne du sens et la dimension historique qui exprime l’épaisseur du temps,
de l’identité et de la norme (Banos V 2009) et justifie la destinée commune.
Le territoire est devenu aussi un mythe, instrumentalisé pour produire ou reproduire une
organisation socio-spatiale donnée notamment au niveau national (Etat) mais de plus en plus
en plus mobilisé au niveau régional et local depuis trois décennies pour créer, atténuer ou
supplanter les autres pouvoirs et leurs territoires associés.
En réalité, il n’y pas un territoire unique, l’individu vit de nos jours dans plusieurs
territorialités à la fois, matérielles et idéelles hiérarchisées, imbriquées et emboîtées comme
les territoires de proximité, de vie, de travail, de la parenté, de l’appartenance (villageoise,
tribale, urbaine ou régionale)… Le territoire peut être continu ou discontinu comme le
migrant qui associé toujours deux territoires disjoints.
Le territoire relie les sommets d’un triangle formé par l’espace (métrique et sensible), le
système écologique et la société (culture, économie, politique…) dont la dimension politique
est fort marquée par les différents acteurs : Etat, collectivités, société civile, entreprises…(Piot
J.Y 2003).
Schéma très simplifié du territoire
2
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Source : Piot J.Y – 2003
Le territoire est cette entité socio-spatiale, individualisée et nommée, appropriée et organisée,
systémique qui associe la solidarité à la compétition à. Il assure à la fois l’identité et l’altérité,
l’intimité et la sociabilité, exprime le pouvoir et charrie les conflits, assure l’ancrage, la
mémoire et la destinée collective où la communauté exprime la volonté collective. Ce
territoire devient de plus en plus un facteur et un objet de développement.
2-Le territoire, facteur et objet du développement
Le territoire constitue, de plus en plus, un facteur de production, comme milieu, espace et
ressources. Il est aussi l’objet du développement à travers la territorialisation des politiques de
développement, le développement durable et le développement territorial.
2.1-Le territoire comme facteur de développement
Le territoire devient, de plus en plus, un facteur de production à côté des facteurs classiques
dans la théorie économique comme le capital, le travail ou la terre. Certains territoires ont le
mérite de constituer une masse critique qui permet d’attirer les entreprises et les promoteurs,
voire l’innovation à travers les économies d’échelle, les économies externes et
d’agglomération mais aussi sur la base de la compétitivité territoriale et du label territorial. Le
label provient de l’image territoriale positive créée à travers l’histoire, d’une manière
spontanée mais aussi sous l’impulsion d’une action organisée et programmée de
communication territoriale en vue de créer une image attrayante. La combinaison territoriale
des facteurs et des ressources devient source de synergie et facteur de développement en
créant la spécificité non transférable.
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2.2-De l’aménagement du territoire…
L’aménagement du territoire est l’action publique face aux disfonctionnements spatiaux et
aux destructions de l’environnement écologique et patrimonial (Piveteau 1979). C’est l’action
volontaire et réfléchie d’une collectivité sur son territoire (Brunet R, Ferras R et Théry H
1998) dans une vision prospective en prenant en compte les potentialités et les contraintes
naturelles, humaines, économiques, voire stratégiques (Merlin P et Choay F).
L’aménagement du territoire est une re-structuration permanente, rationnelle, programmée et
volontaire de l’espace par la collectivité pour réduire les disparités, corriger les
dysfonctionnements et lutter contre la dégradation des cadres de vie en vue de répondre aux
besoins évolutifs du groupe social et dont la finalité est la reproduction, le développement et
le bien être. Comme l’a signalé Pinchemel (1985), l’aménagement du territoire intègre, en
plus de sa dimension spatiale, trois dimensions majeures : économique, sociale et
environnementale. Cette dernière composante va se renforcer avec le développement durable.
2.3- Le développement régional
Le développement régional a été à la mode durant les années 1960-1980 tant en Europe qu’en
Tunisie dans le cadre de l’Etat-providence et de la guerre froide. Les métropoles d’équilibre
en France depuis 1963, la caisse du Midi en Italie dans les années 1950, la décentralisation
préconisée en Europe dans les années 1970 comme la politique des pôles de développement
mis à l’œuvre en Tunisie dans les années 1960 dans le cadre de l’expérience socialisante et les
perspectives décennales 1962-1971 en sont des exemples concrets. Dans les années 1960 on a
créé l’Office e Développement de la Tunisie Centrale (OTC), la Société de développement du
Sud, devenu par la suite l’ODS. Le VI° plan de développement économique et social 19821986 a consacré un chapitre au développement régional et au début des années 1980 on a créé
le Commissariat Général au Développement régional (CGDR) dont le rôle a été appuyé vers
1987 par les Offices de développement régionaux du NO, CO et du Sud.
2.4- Le développement local
La mondialisation montante a rendu le désengagement de l’Etat inéluctable avec cette fois, le
développement local qui est devenu le leitmotiv avec la montée des ONG à la fois locales et
nationales et internationales afin de pallier l’absence de l’Etat et faire face aux revendications
locales.
2.3-Le développement durable
Le développement durable devient à la mode depuis les années 19801. Il est né des
préoccupations planétaires mais sa prise en compte ne peut s’opérer qu’à travers les territoires
(Gumuchian G 2009), les agendas locaux 21 en sont les vecteurs. Au schéma descendant de
l’aménagement articulé sur l’Etat, correspond un schéma plutôt ascendant du développement
durable, articulé sur les acteurs. Il combine les trois piliers de l’aménagement (économique,
social, environnemental) dans une perspective de durabilité. Cette durée est variable selon les
dimensions, d’une décennie à l’échelle séculaire, voir millénaire.
1
Comme l’a été l’aménagement du territoire dans les années 1950-1990 en Europe, depuis les années 1960 en
Tunisie (Plan directeur de Tunis 1963, Zones touristiques, les études de la DAT à la fin 1960 et les années 1970,
décentralisation industrielle, District de Tunis, SNAT et SRAT de 1985 …)
4
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Le développement durable intègre le développement économique à la préservation de
l’environnement dans la durée en sauvegardant les ressources et l’espace et les intérêts des
générations futures. La solidarité des espaces et des générations constitue la pierre angulaire,
ce qui nécessite la participation des différents acteurs aux décisions et aux actions, voire la
démocratie et débouche sur le développement territorial.
Développement durable et territoire
Source : Piot J-Y, 2003
3-Le développement territorial : le territoire comme objet et objectif
Le développement territorial correspond à l’intégration de deux actions volontaires, au début
indépendantes, relatives au développement socio-économique et à l’aménagement de l’espace
(Baudelle G et al 2013) avec une antériorité de la première2. En effet, l’aménagement spatial a
eu toujours un volet développementaliste pour accompagner et favoriser le processus du
développement socio-économique tandis que le développement économique a toujours une
dimension spatiale plus ou moins claire3, plus ou moins affirmée4. Le développement
territorial intègre à la fois l’aménagement du territoire (depuis les années 1950 en Europe, et
1960 en Tunisie), le développement régional (les années 1960-1980) et local (les années
1970-1980), la planification spatiale (les années 1960-70) et l’économie régionale.
2
La planification économique a toujours devancé l’aménagement du territoire que ce soit en Europe ou en
Tunisie. Les premières études d’aménagement en France datent de 1963, la planification économique a débuté
en Tunisie en 1960 avec les perspectives décennales 1962-1971 et le premier plan 1962-1965.
3
Les perspectives décennales 1962-1971 en Tunisie ont eu un volet régional, le VI plan a consacré un chapitre
au développement région. A deux reprises, l’aménagement du territoire a été associé au Ministère de
l’Economie Nationale (les années 1970) et au département du Développement économique (les années 1980).
4
Les Perspectives décennales 1962-1971 avaient un volet spatial clair (Belhedi A 1992a), le VI Plan de
développement économique et social 1982-1986 a consacré tout un chapitre au développement régional.
5
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Le développement territorial prend le territoire comme objet et finalité à la fois. Il se trouve à
la rencontre des acteurs ascendants et des acteurs descendants (Etat…) donnant lieu, en plus
des territoires institutionnels classiques, à l’émergence de nouveaux territoires comme est le
cas des bassins-versants, des « pays » en France, des bassins d’emploi ou de vie avec la
construction des objets de développement autour de projets.
Le concept de développement territorial date de la fin des années 1990. Il est à la rencontre de
l’aménagement du territoire, du développement régional, local, du développement
durable d’un côté; de la planification spatiale et de la gestion territoriale et du développement
économique de l’autre... Le développement territorial est multiscalaire, il concerne toutes les
échelles (locale, régionale et nationale), il tend à se substituer au développement local, voire
régional (Pecqueur B 2005) : « le global s’impose et le local nous saute à la figure (...). C’est
dans cette perspective qu’il faut comprendre la notion de développement endogène » (Courlet
1994).
De l’aménagement au développement territorial
Période
Principal
acteur
intervenant
Finalité
et objectifs
Cadre
territorial
Démarche
Domaine
d’intervention
Moyens
d’intervention
Aménagement
Du territoire
1960-1990
Etat
Développement
régional
1970-1990
Etat
Collectivités
régionales
Développement
économique
Développement
local
1980- 2000
Collectivités
locales
Société civile
Développer
l’entrepreneurship
Valoriser
les
forces locales
Pays – Régions
Régions
Descendante
Top-Down
Occupation du sol,
localisation
des
activités et des
équipements
Protection
de
l’environnement
Schémas,
Plans,
Règlements, Codes
Descendante
Top-Down
Développement
économique
« Pays »,
sousrégions
Ascendante
Bottom-up
Développement
économique
Restructurer
l’espace
Réduire
déséquilibres
les
Développement territorial
Depuis 1990
Collectivités territoriales
Territoires
attractifs
et
compétitifs.
Valorisation des ressources
Territoires multiscalaires
Ascendante et Descendante
Top-Down et Bottom-up
Développement global
6Structures et institutions
territoriales
Aides aux réseaux Aides aux réseaux Aides aux réseaux d’acteurs,
d’acteurs et aux d’acteurs et aux Projets
entreprises, Projets, entreprises
Schémas
Schémas
Source : Belhedi A 1992b, 1997. Merenne-Schoumaker B 2015
Le territoire devient au cœur de la problématique du développement, avec ses ressources, ses
contraintes et ses spécificités matérielles et immatérielles (les acteurs et leur mode de
fonctionnement) selon une démarche transversale, décloisonnée et stratégique qui tient
compte du contexte économique en exploitant les atouts, réduisant les faiblesses internes, en
profitant des opportunités et en faisant face aux menaces externes5 selon une démarche plutôt
5
D’où le recours fréquent à l’analyse AFOM (Atouts-Faiblesses-Opportunités-Menaces) (Schmidt E et Jungers C,
2004).
6
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ascendante qui part du territoire (Bottom-up) que descendante (top-down, initiée au niveau
national pour être mise en œuvre au niveau régional ou local). Le développement territorial
correspond à la prise de conscience du rôle des acteurs et des facteurs immatériels dans le
développement et l’intégration de la composante spatiale.
Le développement territorial combine plusieurs disciplines et champs : l’aménagement,
l’urbanisme, le paysage, l’économie régionale, l’information géographique et le cadre
institutionnel... Il pose la question de la citoyenneté et débouche sur la gouvernance, sur le
rapport de la société au territoire : la géogouvernance (Belhedi A 2016). Le développement
territorial constitue un modèle de développement qui repose sur la dynamique de
« spécification » des ressources par un ensemble d’acteurs constitué en « territoire »,
reprenant le concept de développement endogène « Bottom-up » sur la base de la proximité
géo-institutionnelle où l’Etat est nécessaire mais non suffisant à l’action publique territoriale
(Pecqueur B 2005).
Plusieurs modèles spatiaux se présentent dans le développement territorial avec l’émergence
de polarités spécifiques comme les Clusters, les Systèmes productifs localisés (SPL) ou les
Systèmes agro-alimentaires localisés (SYAL), les Districts industriels, les milieux
innovateurs, les pôles de compétitivité, les technopoles6, le poids croissant des métropoles et
de la métropolisation comme processus spatio-économico-technique, enfin la mise en réseaux
(Baudelle G et al 2013)… Krugman P (1995) parle d’externalités locales « Local external
economies ».
A la compétition des entreprises se substitue ainsi celle des territoires. Cette compétitivité se
situe au niveau national, voire transnational ou mondial. Le territoire rime souvent région. La
loi du 16 janvier 2015 en France relative au découpage régional portant le nombre de régions
de 22 à 13 se situe dans cette optique de compétitivité européenne et d’allègement de la
charge sur le contribuable (Sierra A et Bonnet-Pineau E 2016). Le développement territorial
est une construction d’acteurs qui repose sur la territorialisation, la spécification des actifs et
des ressources, l’ancrage territorial et la proximité géo-institutionnelle. Le groupement des
acteurs se substitue à la décentralisation classique et la régionalisation qui sont forcément topdown, les flux de valeurs créées hors marché doivent être régulés (Pecqueur 2005). A la
compétitivité sur la base des facteurs basiques de l’économie classique (capital, travail,
terre…) se substitue celle des territoires sur la base des spécificités (labellisation, AOC,…) et
de ressources spécifiques non transférables, toujours ré-inventées, non valuées mais
hautement recherchées où la spécificité et la différenciation, et non la concurrence sur les
mêmes facteurs, deviennent la base (Pecqueur 2005).
Le développement territorial repose sur le fait que l’identité et les potentialités constituent des
facteurs de différenciation et des ressources à valoriser. La force du territoire repose sur ce qui
l’individualise, le spécifie, le rend unique vis-à-vis d’autres espaces qui semblent de même
nature. L’identité, la culture, les mentalités, les métropoles, le patrimoine naturel et culturel,
les créneaux, le label, le paysage, les réseaux ou le système territorial d’acteurs (STA)
constituent autant de ressources spécifiques différenciées selon les territoires, ré-inventables
et mobilisables à la fois. Pecqueur (2005) distingue deux catégories au niveau des actifs et des
6
Avec un accent circonflexe ou non
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ressources : génériques et spécifiques. C’est cette dernière catégorie qui fonde le
développement territorial : les actifs spécifiques qui ont un coût de réaffectation et les
ressources non transférables. Le concept n’est pas une recette applicable à tous les territoires,
ni transférable mais plutôt une démarche à adopter (Campagne P, Pecqueur B 2014). La
démarche est transférable, mais pas les recettes.
Actifs et ressources génériques et spécifiques
Matières
Ressources
Chômage, Epargne, Banques de données,
Gisement non exploités (pétrole…), Paysages.
Ubiquité, Transférabilité
Main d’œuvre qualifiée, Capital investi,
Equipements, Logiciels…
Ressources potentielles
Réciprocité, Métiers, Culture d’entreprise,
Appartenance à un lieu, Mentalité,…
Coût de réaffectation
Combinaison de stratégies d’acteurs non
transférables
Capital,
Main
premières,
Actifs
d’œuvre,
Génériques
Spécifiques
Source : Pecqueur B, 2005.
La territorialité valorise l’altérité (Muis A-S 2014), débouche sur la gestion commune du
territoire, débouche sur la gouvernance dans une optique de durabilité. « L’importance du
local dans un monde qui se globalise » (Pecqueur) ouvre la porte à la géogouvernance
(Belhedi A 2016).
Conclusion
L’opacité de l’espace et la complexité du territoire posent le problème de la gouvernance qui
tient compte de tous les acteurs dont les intérêts sont souvent divergents, voire
contradictoires. La décision et la production des territoires de demain impliquent la
participation démocratique de tous à travers le partage de l’information experte, savante et
profane pour que tout le monde parle le même langage et contribue à la construction et la
production (matérielle et idéelle) des territoires.
C’est une démarche contractuelle qui tend à se développer dans l’action territoriale et les
procédures d’aménagement. Le territoire est interrogé dans sa globalité et devient non
seulement un facteur ou un simple objet du développement, il devient aussi la finalité du
développement comme contenu matériel et comme contenu socio-politique. Les véritables
enjeux spatiaux restent le plus souvent masqués et l’information demeure au compte goutte,
filtrée et souvent dé-formée.
Le développement territorial est une démarche intégratrice et intégrante qui combine la
dimension spatiale et la dimension sociopolitique. Il intègre l’économie, l’aménagement, la
planification et la gestion des territoires au point où on parle de plus en plus de sciences du
territoire pour analyser, co-construire les territoires.
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Tunis, mai 2016
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