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Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation L’autoévaluation de l’élève pour apprendre à collaborer créativement: des aprioris à découvrir et dépasser Marcelo Giglio, marcelo.giglio@hep-bejune.ch, HEP-BEJUNE et Université de Neuchâtel Résumé : Dans cet article nous identifions certains aprioris à dépasser et quelques savoirs professionnels à consolider par des enseignants stagiaires afin de conduire une activité d’évaluation formative articulant une observation de l’enseignant et une autoévaluation de l’élève. Durant une tâche complexe, les élèves peuvent choisir une démarche sans accomplir une procédure particulière parce que cette procédure n’est pas forcément requise (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2006). Lors d’une auto-évaluation, l’élève peut informer l’enseignant de ce qu’il sait faire et de ce qu’il lui reste à faire pour apprendre (Tagliante, 2005). Dans le cadre de la formation des enseignants, nous avons proposé à 15 étudiants d'être eux-mêmes actifs dans l'observation et l'amélioration de leur activité d’évaluation. En ce sens, nous leur avons demandé de préparer une séquence didactique de créativité collaborative avec une évaluation pour la conduire dans une classe de stage (élèves de 9-10 ans) tout en tenant compte des «Capacités transversales» proposées par le Plan d’études romand (en Suisse). La récolte des données a été faite en quatre temps selon l’approche «prédire, agir et observer» (Giglio & Perret-Clermont, 2012): 1) les étudiants préparent l’activité d’évaluation et d’autoévaluation; 2) ils imaginent son déroulement et prédisent ce qui se passera tant pour eux que pour les élèves; 3) ils réalisent l'activité pédagogique puis 4) ils observent son déroulement et ses résultats. Nous analysons les notes écrites des étudiants, identifions et comparons leurs aprioris, leurs intuitions et leurs observations. Les étudiants semblent se préoccuper plus par la réussite de la tâche d’autoévaluation que par l’apprentissage de l’élève à s’autoévaluer. Mots-clés : auto-évaluation de l’élève, coévaluation, formation des enseignants, collaboration créative, métaréflexion 1. Introduction Dans cette communication nous identifions quelques aprioris à dépasser et quelques savoirs professionnels à consolider pour que, dans le cadre de la formation des enseignants, les étudiants puissent apprendre à conduire une activité d’évaluation formative articulant l’observation de l’enseignant et l’autoévaluation de l’élève. D’abord, nous analysons quelques enjeux du nouveau Plan d’études romand concernant deux descripteurs des capacités transversales proposés dans le Plan d’études romand (PER): les capacités de réaliser des tâches créatives et collaboratives entre élèves. Par la suite, nous analysons différents documents d’évaluation des enseignants stagiaires en comparant leur planification avec leurs observations lors d’un stage de pratique professionnelle1. 1.1 Créer avec d’autres pour apprendre La plupart des nouveaux programmes scolaires du monde occidental suggère de conférer aux élèves la possibilité de s’engager dans des tâches collaboratives et réflexives en devenant auteurs, compositeurs, producteurs de connaissances et de travaux pour apprendre certaines compétences prescrites dans le curriculum telles que créer, collaborer, communiquer, réfléchir. Ces programmes proposent de développer à l’école ces compétences qui se présentent comme transversales au curriculum (Cross1 Les résultats de cette étude ont été vulgarisés dans un article pour la revue professionnelle Enjeux pédagogiques (Giglio, 2013). -1- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation Curricular Competencies), c’est-à-dire en croisant toutes les disciplines scolaires. Dans le contexte suisse, par exemple, le Plan d’études romand (PER) propose certaines «Capacités transversales» comme «élaborer ses opinions et ses choix» au sein d’un groupe (collaboration), d’«identifier différentes formes d'expression orale, écrite, plastique, musicale, médiatique, gestuelle et symbolique» (communication) ou «s'engager dans de nouvelles idées, de nouvelles voies et les exploiter» (pensée créatrice). Ces descripteurs sont proposés pour toute la période de scolarisation. Dans le cadre de ce contexte curriculaire, nous nous intéressons à l’étude des interactions enseignantélèves dans une situation pédagogique qui mette au centre de l’enseignement les capacités de créer et de collaborer. Les travaux d’Amabile (1996) et de Gardner (1996) considèrent la créativité comme une production originale dans leur contexte ou champ de spécialité. Différentes études sur le conflit sociocognitif montrent que les interactions entre novices sont susceptibles de les faire apprendre par la création de nouvelles connaissances, sous certaines conditions spécifiques (Perret-Clermont, 1980; Ames & Murray, 1982; Doise & Mugny, 1981; Schwarz, Perret-Clermont, Trognon, & Marro Clément, 2008; Littleton & Howe, 2010). Miels et Littleton (2004) définissent une production créative entre plusieurs comme une «créativité collaborative» [collaborative creativity]. Dans le cadre de nos différentes études nous délimitons la collaboration créative à des interactions entre plusieurs élèves pour négocier et partager leurs idées, leurs efforts dans le but de produire quelques objets (idées, sons, images, textes…) nouveaux considérés comme originaux au moins dans leur propre contexte classe (Giglio, 2010; sous presse). Par exemple, d’après les nouveaux objectifs d’apprentissage du PER, nous avons conçu, essayé et consolidé des séquences didactiques pour engager les élèves, en petit groupe, dans la production d’un nouveau texte, d’un nouvel énoncé de problème mathématique, d’une petite pièce musicale ou d’une image. Ainsi, les élèves peuvent mobiliser certaines compétences à créer des objets, à collaborer avec l’autre, à communiquer leurs idées et leur avis, à réfléchir. Néanmoins, nous avons observé que certains actes créatifs entre plusieurs élèves peuvent se restreindre à un unique «conflit» sans solution en tant que telle, et le plus souvent, ils réussissent d'atteindre l'objectif fixé : la création musicale (Giglio & Perret-Clermont, 2010). Étant donné que ces capacités ne peuvent pas être enseignées pour elles-mêmes, elles nécessitent de nombreuses situations contextualisées au sein de diverses disciplines scolaires pour apprendre en collaborant, en communiquant, en créant et en réfléchissant. La réflexion des élèves sur ce qu’ils ont créé avec l’autre devient alors une réponse éducative que nous explorons par la suite. 1.2 La discussion métaréflexive comme outil de compréhension partagée des aspects à évaluer Chaque collaboration créative n’a pas une seule procédure requise. Quant aux élèves, lors d’une activité de production créative et collaborative, il va de soi qu’ils peuvent choisir plusieurs démarches bien différentes. Quant à l’enseignant, il se voit alors dans l’obligation d’accepter différentes formes de concevoir et de procéder des élèves. Ce type de situation met l’enseignant face à une part d’inconnu, car il ne peut pas prévoir les multiples réactions de ses élèves. Comment l’enseignant peutil s’informer des différentes formes de concevoir et de procéder des différents groupes de la classe pour donner l’occasion de les développer chez chaque élève? L’engagement des élèves dans une discussion métaréflexive que nous définissons comme une discussion sur leurs manières d’agir et de penser dans une communauté d’apprentissage (Bruner, 1996) pourrait donner des conditions plus favorables à l’engagement de l’autoévaluation de l’élève. Toute autoévaluation devrait être précédée d’une discussion métaréflexive afin de partager une compréhension commune au sein de la classe sur les aspects à évaluer et autoévaluer. En effet, d’après des études préalables (Giglio, 2010 ; sous presse), nous avons pu développer des situations de discussion métaréflexive après différents actes de collaboration créative des élèves dans lesquelles l’enseignant les invite à discuter sur leurs productions et leur mode de travail. Après cette discussion, l’enseignant propose de réécouter la discussion enregistrée et il donne un feed-back basé sur l’écoute et l’observation des élèves. En observant ce qui se passe durant cette situation metaréflexive, nous avons pu identifier l’importance du discours socioculturel de l’enseignant pour guider les élèves dans cette discussion réflexive. La réflexion ne va pas de soi. En effet, nos études réalisées antérieurement (Giglio, 2012; Giglio & Arcidiacono, 2012) montrent que pour obtenir, chez les élèves, des réflexions fluides à propos de leur expérience de collaboration créative, les enseignants doivent apprendre à ne pas reformuler directement les propos -2- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation des élèves jusqu’à la fin de la discussion et à les accompagner par des répétitions des mots ou des fins de phases, par des questions ouvertes (et non pas fermées), par des adverbes interrogatifs ou par des conjonctions. Ces études nous invitent à étudier les conditions d’autoévaluation des élèves sur leurs formes d’agir et de penser la collaboration créative. 1.3 L’autoévaluation comme outil de métaréflexion pour l’enseignant et l’élève C’est dans ces types de situation pédagogique que l’élève, au travers de son auto-évaluation, peut informer l’enseignant de ce qu’il peut faire, de la manière qu’il le fait et de ce qu’il lui reste à faire pour apprendre d’autres manières, d’autres procédures. Et ceci joue un rôle très important dans l’apprentissage. Allal et Michel (1993 ; Allal, 1999) définissent l’autoévaluation comme l’évaluation de l’apprenant de sa propre production et les procédures de réalisation de celle-ci, en se servant éventuellement d’un référentiel externe (par exemple le discours de l’enseignant, les consignes, une grille...). Les auteurs définissent la coévaluation comme l’acte dans lequel l’apprenant confronte son autoévaluation (production + procédures) à l’évaluation réalisée par l’enseignant (grille remplie avant un entretien, liste de critères, etc.). Nous nous intéressons à ces deux outils, car, d’une part, un unique point de vue évaluatif de l’enseignant pourrait suffire s’il s’agit d’apprécier des tâches simples ou des procédures de base (élémentaires) pour connaître leur degré d'automatisation chez les élèves. Par contre, la seule observation de l’enseignant n’est pas suffisante s’il s’agit d’évaluer et d’ajuster son enseignement en considérant des tâches complexes comme celles qui nous intéressent dans cette étude. Durant une tâche complexe (dans notre étude de collaboration créative), les élèves peuvent choisir une démarche sans accomplir une procédure particulière parce que cette procédure n’est pas forcément requise (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2006). Lors d’une auto-évaluation, l’élève peut informer l’enseignant de ce qu’il sait faire et de ce qu’il lui reste à faire pour apprendre (Tagliante, 2005). Dans ce sens, estimer ses propres compétences par une auto-évaluation peut aider les élèves à réfléchir sur des critères concrets, à garder une trace sur leurs compétences et à prendre conscience de leurs progrès. Pour que les élèves puissent s’autoévaluer, il est nécessaire de les amener à expliciter, anticiper et se décentrer. Ceci joue un rôle dans l’apprentissage et la compréhension des procédures (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2006). En effet, dans les logiques de mise en œuvre et de réflexion, l’élève peut faire émerger des compétences déjà acquises, mais aussi des savoirs qui pourront être réinvestis dans de nouvelles situations (Legendre, 2008). 2. Développer des pratiques d’évaluation en stage et les observer Pour cette communication, notre objectif d’étude est de connaître les consignes des autoévaluations ainsi que le décalage entre les aprioris et les observations des enseignants stagiaires avant et après la conduite d’une activité d’évaluation dans le cadre d’une situation pédagogique de créativité collaborative. 2.1 Concevoir, produire et conduire une coévaluation Pour l’un des stages de pratique professionnelle de la HEP-BEJUNE (de la 2e année de formation des enseignants des écoles primaires), nous avons proposé à 15 étudiants de conduire une évaluation dans les classes de 6H et 7H (élèves de 9 à 11 ans révolus) ayant pour objet une observation de l’enseignant et une autoévaluation de l’élève. Cette évaluation devait porter sur certaines compétences à réaliser des tâches créatives et collaboratives. Après quelques cours théoriques en Science de l’éducation sur l’évaluation et l’autoévaluation, les étudiants, en tant qu’enseignants stagiaires, étaient invités à être eux-mêmes actifs dans l'observation et l'amélioration de leur savoir professionnel en lien avec la compétence à conduire cette activité d’évaluation articulée. Cette évaluation devait faire partie d’une séquence didactique de créativité collaborative et de métaréflexion conçue et conduite en stage en appliquant le développement des «Capacités transversales» proposées par le PER dans le cadre des disciplines Mathématiques, Musique et Français. Nous avons proposé aux étudiants de conduire une activité ayant pour objet une observation en tant qu’enseignant et une autoévaluation de l’élève. Nous -3- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation avons proposé de conduire des activités basées sur deux descripteurs des capacités transversales proposées par le PER : 2.2 - Concrétisation de l’inventivité : s’engager dans de nouvelles idées (créativité). - Action dans le groupe : participer à l’élaboration d’une décision commune et à son choix. Récolte et analyse des données : prédire, agir et observer lors d’une coévaluation La récolte des données a été faite en quatre temps selon l’approche «prédire – agir - observer» (Giglio & Perret-Clermont, 2012): 1) les étudiants préparent une activité d’évaluation et d’autoévaluation de l’élève après différents cours théoriques; 2) ils imaginent son déroulement et prédisent ce qui se passera tant pour eux que pour les élèves; 3) ils réalisent l'activité pédagogique puis 4) ils observent son déroulement et ses résultats. Nous analysons les notes des étudiants en identifiant leurs aprioris, leurs intuitions et hypothèses à dépasser. L'attention est portée sur les consignes écrites dans les documents ainsi que sur les difficultés rencontrées et leurs préoccupations. De plus, nous nous intéressons aux aprioris que les étudiants semblent dépasser pour réussir la coévaluation. Nos observations portent autant sur la vérification des prédictions que sur les surprises des étudiants à propos des observations. 3. Identification de certains aprioris et surprises des enseignants stagiaires D’après nos analyses des documents, nous avons identifié certains décalages entre les prédictions et les observations des enseignants stagiaires avant et après la conduite de cette activité de coévaluation. 3.1 Premier niveau d’analyse : les consignes Certains étudiants avaient «l'impression que c'était un exercice relativement facile» (Julien). Mais, une fois l’exercice réalisé, certains, comme dans le cas de Julien, ont pu prendre conscience que ce n’est pas le cas. La précision des consignes et des critères d’évaluation pour que les élèves puissent comprendre l’activité d’autoévaluation était très importante. A l’analyse des 15 documents (voir un exemple dans annexe 1), nous avons constaté que certains documents évaluatifs avaient uniquement des cases vides et d’autres avec des smiles ou des items tels que toujours/souvent/jamais. Par contre, d’autres documents avaient des consignes plus en accord avec les propositions de faciliter la réflexion chez les élèves pour qu’ils puissent répondre à propos de leur acte créatif et collaboratif avec différents choix, par exemple «je peux réaliser cette tâche» : - avec aisance / avec quelques difficultés / avec un peu de gêne (lesquelles?) - de cette manière : (explication des procédures) - en apportant mes idées / en tenant compte des idées des autres, - avec des ententes / des désaccords constructifs / des disputes peu constructives, - en se répartissant des tâches (ou des rôles) d’un commun accord /… ou de manière arbitraire (sans accord). (Extraits condensés des documents des étudiants) 3.2 Deuxième niveau d’analyse : les aprioris Certains stagiaires, comme Julien, prédisaient «que dans l'ensemble, tous les élèves réussiraient bien!» Cette prédiction ne coïncidait pas avec leurs observations après l’activité d’évaluation. Lors des observations ils constatent que ce n’est pas le cas «Je me rends compte que les éléments formulés dans l'évaluation n'étaient absolument pas assez précis» (Observations de Julien). -4- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation Pour Cristel, d’après ses lectures, l’auto-évaluation de l’élève n’est pas facile «Je pense qu'il sera difficile pour les élèves d'évaluer le travail fait dans une création/composition libre» (Prédictions de Cristel). Cette réalité semblait être bien différente de ce qui s’est réellement passé : Les élèves ont eu moins de peine que ce que je pensais à remplir l'auto-évaluation. Ils ont réussi à prendre de la distance par rapport au travail fourni (Observations de Cristel) Pour Karine, une discussion préalable est nécessaire pour encadrer l’autoévaluation: Il serait à mon avis intéressant de les laisser, par groupe, discuter un moment du travail effectué (selon les items de l'auto-évaluation) puis qu'ils remplissent seuls leur feuille. Cela permet peut-être aux élèves de constater différents apprentissages qu'ils ont faits. Dans ses observations, elle continue de penser que les élèves peuvent s’autoévaluer de manière globale, mais ils «ne s'autoévaluaient pas sur des notions précises». Nous avons constaté que la plupart des étudiants avaient une forte préoccupation pour la réussite de la tâche d’autoévaluation au détriment de l’apprentissage de l’élève à s’autoévaluer. Ils partaient en pensant que les : élèves ont encore de la peine à s'autoévaluer, souvent ils se surestiment -pensant avoir atteint les objectifs minimaux et que cela est suffisant (prédictions de Fréderique). Et elle confirme ses prédictions: en vérifiant le résultat de cette auto-évaluation, les élèves se sont surestimés fortement et la plupart se sont contentés de mettre des très bien partout. L'auto-évaluation n'était donc pas très utile et peu constructive. Heureusement, j'ai pris le temps de faire un retour aux élèves et je les ai coévalués afin de leur donner mon point de vue. (observations de Fréderique) L’enseignante stagiaire a fait un retour en articulant d’une manière contrastante, le point de vue de certains élèves avec son point de vue en tant qu’enseignante. 4. Conclusions Dans cette articulation que Marguerite Altet appellerait trilogique «théorie-pratique-théorie» (2005), nous avons identifié certaines vérifications des prédictions chez les enseignants stagiaires ainsi que leurs surprises d'une réalité qui se révèle toujours plus complexe que ce que les lectures en amont peuvent permettre de considérer comme plausible. D’après nos analyses, il semble difficile dans cette première pratique professionnelle de coévaluation, lors du stage, de se dégager de certaines représentations, de certaines opinions a priori sur la capacité réflexive des élèves. Certains étudiants peuvent penser que l’autoévaluation pourrait devenir une perte de temps. D’autres semblent se préoccuper de la réussite de la tâche d’autoévaluation au détriment de l’apprentissage de l’élève à s’autoévaluer. Les enseignants devraient être formés aussi sur des méthodes pour développer chez les élèves la compétence à réaliser la tâche complexe de s’autoévaluer: compétence à apprendre à l’école. L’autoévaluation pourrait être un outil pour informer l’enseignant, mais il est nécessaire de distinguer l’acte à la fois d’autoévaluation et d’apprentissage à s’autoévaluer. Car, nous pouvons apercevoir que ce qui est appris ne concerne pas uniquement les compétences à créer et à collaborer que l’on évalue, mais aussi un mode d’autoévaluation, de prise de conscience des progrès. Comme pour la discussion métaréflexive en classe, la capacité à s’autoévaluer ne va pas de soi non plus. En nous appuyant sur les exemples illustrés dans nos analyses, nous pouvons nous douter que lors d’une coévaluation, l’élève peut estimer qu'il s'agirait de se mettre au diapason de ce que l’enseignant a vu ou pense de lui alors même que ce n'est pas cela que l'enseignant attend de lui lors de son autoévaluation. Il est important de noter que même si les enseignants stagiaires ont rédigé différents points d’autoévaluation sur les savoirs propres aux trois disciplines scolaires, dans leurs écris de prédiction ou d’observation, nous n’avons pas identifié des aprioris ou des surprises concernant ces éléments propres aux savoirs. -5- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation C’est en conduisant et en observant leurs propres pratiques d’enseignement et de coévaluation que certains étudiants ont pu constater la nécessité d’organiser un cadre pour que les élèves puissent s’autoévaluer. Lors de la formation, ils ont pris conscience de l’importance de cet apprentissage pour les élèves. Ce n’est pas facile ni pour l’élève, ni pour l'enseignant. Ceci nous amène à réfléchir sur les savoirs professionnels des enseignants pour qu’ils puissent encadrer une progression située de l’apprentissage des compétences métaréflexives de chaque élève pour participer activement à une discussion avec la classe (discussion métaréflexive) sur les manières d’agir et de penser (sur les savoirs disciplinaires et les capacités à collaborer créativement par exemple), à se situer, à s’autoévaluer puis à comparer les observations de l’enseignant à son autoévaluation (coévaluation). Cette progression pourrait être une réponse efficace pour que l’autoévaluation puisse être un outil pour informer l’enseignant et, surtout, donner l’occasion aux élèves de prendre conscience de leurs progrès et des capacités qu'ils mobilisent et développent. A noter que ces perspectives peuvent s’inscrire uniquement dans un contrat enseignant-élèves de processus enseignement apprentissage (évaluation formative) et non pas dans le cadre d’évaluations sommatives et certificatives. 5. Références et bibliographie Allal, L. & Michel, Y. (1993). Processus d’autoévaluation et d’évaluation mutuelle en situation de production écrite. In L. Allal, D. Bain & P. Perrenoud, P. (Éd.), Didactique du français et évaluation formative (pp. 239-264). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. Allal, L. (1999). Impliquer l’apprenant dans le processus d’évaluation : Promesses et pièges de l’autoévaluation. In C. DePover & B. Noel (Éd.), L’évaluation des processus cognitifs dans l’apprentissage (pp. 33-52). Bruxelles : De Boeck. Altet, M. (2005). L’analyse des pratiques en formation initiale des enseignants pour développer une pratique réflexive sur et pour l’action. In M. Altet et al. (Ed.), L’analyse de pratique en question : Actes des journées d’étude 2003 et 2004. Nantes : collection Ressources, IUFM des Pays de la Loire. Amabile, T. M. (1996). Creativity in Context. Boulder and Oxford : Westview Press. Ames, G. J. & Murray, F. B. (1982) When two wrongs make a rigth : Promoting cognitive change by social conflict. Developmental Psychology, 18, 894-897. Bruner, J. S. (1996). L’éducation, entrée dans la culture. Les problèmes de l'école à la lumière de la psychologie culturelle. Paris: Retz. Doise, W. & Mugny (1981). Le développement social de l’intelligence. Paris : Interéditions. Engeströn, Y., Riettiner, R. & Punamäki, R.-L. (Eds.). (1999). Perspectives on activity theory. Cambridge: Cambridge University Press. Gardner H. (1996). Les intelligences multiples: pour changer l'école, la prise en compte des différentes formes d'intelligence. Paris : Retz. Giglio, M & Perret-Clermont, A.-N. (2012). Prédire, agir, observer. Une méthodologie pour développer séquences pédagogiques et savoirs professionnels. Formation et pratiques d’enseignement en question(14), 127-140. Récupéré du serveur FTP : http://www.revuedeshep.ch/site-fpeq/Site_FPEQ/14_files/09_giglio.pdf Giglio, M. & Arcidiacono, F. (2012, November). Identifying teachers’ discourses to develop collaborative creativities in classroom discussions. Paper presented at EAPRIL 2012 Conference, 28 -30 November, University of Applied Sciences, Jyväskylä, Finland. Giglio, M. & Perret-Clermont, A.-N. (2010). A teaching sequence granting space to the students’collaborative creation in the music classroom: some observations. In G. Mota and A. Yin. Proceeding of the 23rd International Seminar on Research in Music Education (pp. 96101). Changchun : North East Normal University. Récupéré du serveur FTP: http://doc.rero.ch/record/28053 -6- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation Giglio, M. (2010). Activité créative dans des contextes scolaires d’éducation musicale: formes de collaboration entre les élèves et actions de l’enseignant. Développer des séquences pédagogiques et les observer. Cahiers de psychologie et éducation, 46, 5-8. Récupéré du serveur FTP : http://www2.unine.ch/ipe/home/publications/cahiers_dossiers_de_psychologie_et_education/cahier s_de_psychologie_et_education Giglio, M. (2013). L’autoévaluation pour apprendre à créer, collaborer, communiquer et réfléchir. Enjeux pédagogiques (21), 31-32. Giglio, M. (sous presse). Cuando la colaboración creativa cambia la forma de enseñar. Santander : Publicaciones Universidad de Cantabria Giglio, M. Matthey, M.-P. & Melfi, G. (sous presse). Impact des réformes HarmoS-PER dans la formation des enseignants. Changements prévus, difficultés rencontrées et pistes proposées. Rapport de recherche. Bienne: HEP-BEJUNE Legendre, M.-F. (2008). La notion de compétence au cœur des réformes curriculaires: effet de mode ou moteur de changements en profondeur? In F. Audigier & N. Tutiaux-Guillon (Eds.), Compétences et contenus : les curriculums en questions (pp. 27-50). Bruxelles: De Boeck. Littleton, K. & Howe, C. (2010). Educational dialogues: Understanding and promoting productive interaction. London: Routledge. Miell, D. & Littleton, K. (Eds.). (2004). Collaborative Creativity: Contemporary perspectives. London: Free Association Books. Perret-Clermont, A.-N. (1980). Social interaction and cognitive development in children. New York: Academic Press. Perret-Clermont, A.-N. et Giglio, M. (2009). Un cadre pour créer et apprendre : du silence à la parole de l'enseignant. Communication présentée au Colloque Psychologie du développement, sémiotique et culture. Université de Lausanne, 10-12 décembre 2009. Rey, B., Carette, V., Defrance, A., & Kahn, S. (2006). Les compétences à l'école: Apprentissage et évaluation. Bruxelles: De Boeck Education. Schwarz, B. B., Perret-Clermont, A.-N., Trognon, A. & Marro Clément, P. (2008). Emergent learning in successive activities: learning in interaction in a laboratory context. Pragmatics and Cognition, 16(1), 57–91. Tagliante, C. (2005). L'évaluation et le Cadre européen commun. Paris: CLE international. Vygotski, L.S. (1925/1971). The psychology of art. Cambridge, Mass.: M.I.T. Press. -7- Actes du 25ème colloque de l’ADMEE-Europe Fribourg 2013 : Évaluation et autoévaluation, quels espaces de formation Annexe 1 Prénom : _____________________ Date: _________________ Évaluation formative Mets D (Devinette) – E (Énoncé du problème à résoudre) et R (Rythme) dans la colonne qui convient le mieux selon ton expérience personnelle Autoévaluation de Observation de l’enseignante l’élève Oui, avec facilité Plutôt oui avec quelques difficultés Plutôt non j’ai encore des difficultés avec facilité avec quelques difficultés pas encore! J’écoute et je prends en compte les idées de mes camarades Je participe à l’élaboration commune J’apporte de nouvelles idées à mon groupe Je suis à l’aise devant la classe lorsque je présente notre production Explique en quelques mots comment toi et ton groupe avez procédé pour inventer/créer ensemble les (à choix) ___________________________________________ : __________________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________________ Ma signature : ________________ Les commentaires de l’enseignante : Signature de l’enseignante : _______________ -8-