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Université de Bourgogne – UFR Sciences humaines Master Musicologie – Parcours Recherche ETUDE D'UN MILIEU MUSICAL SUR LE WEB, LA VAPORWAVE l'organisation d'une communauté sur internet entre 2015 et 2016 Mémoire de Master I présenté par Gabriel ROUET Sous la direction de François RIBAC 14 Juin 2016 1/85 2/85 Table des matières Introduction.........................................................................................................................................5 Chapitre I. Présentation, espace et contexte......................................................................11 A. L'espace numérique et son organisation en ligne entre 2015 et 2016.............................11 1. L'univers social du web.........................................................................................................11 2. Les ressources.......................................................................................................................19 3. Articles, blogs et sites participatifs.......................................................................................24 B. Les caractéristiques basales..................................................................................................26 1. Les vaporwaveurs.................................................................................................................26 2. Contexte................................................................................................................................27 C. What the Hell is vaporwave ? .............................................................................................29 1. Du cliché au préjugé ; les visions grossières.........................................................................29 2. Création de références...........................................................................................................30 Chapitre II. Décryptage et controverses.............................................................................31 A. Définitions des internautes....................................................................................................31 1. Origines ................................................................................................................................31 2. Définitions ............................................................................................................................32 B. Une étude des discours..........................................................................................................39 1. L'humour...............................................................................................................................39 2. La politique...........................................................................................................................44 C. Légitimité et éthique..............................................................................................................50 1. Le statut de cette musique, le problème du sample...............................................................50 2. Ethique..................................................................................................................................51 Chapitre III. Les composantes de la vaporwave .............................................................53 A. Le rapport esthétique au sample, de la pratique aux concepts.........................................53 1. L’appréciation du son............................................................................................................53 2. Visuel....................................................................................................................................54 B. Son et technique.....................................................................................................................59 1. Les différents styles reconnus par la communauté...............................................................59 2. Les différents emprunts .......................................................................................................59 3. Outils et pratiques.................................................................................................................61 C. Les démarches artistiques, de l'idée au partage..................................................................64 1. Le rapport conceptuel aux samples.......................................................................................64 2. Anonymat et pseudonymat....................................................................................................65 3. Le processus de création.......................................................................................................66 Conclusion........................................................................................................................................71 Annexes..............................................................................................................................................74 Lexique...............................................................................................................................................81 Références bibliographiques et sitographiques..................................................................................82 Discographie sélective........................................................................................................................84 3/85 Remerciements Avant de débuter, j'aimerai adresser mes sincères remerciements aux personnes qui m'ont aidé à produire ce travail. Tout d'abord, je remercie toutes les personnes interviewées d'avoir été disponibles pour mon étude et ainsi de m'avoir fourni les clefs de ce mouvement. Je remercie également mon directeur de mémoire, François Ribac, de m'avoir ouvert à la sociologie de la musique, ce qui m'a permis d’appréhender personnellement la musicologie selon une approche inédite. Ensuite, je remercie Beth Marshall qui m'a aidé à obtenir une traduction acceptable en corrigeant ma grille d'entretien et mes phrases d'accroches. Enfin j'aimerais remercier toutes les personnes suivantes, qui ont pris le temps de feuilleter les ébauches de ce mémoire, pour leurs conseils et retours : Marie-Hélène Gillard, Éléonore Martin, Pierre Manceau, Benjamin Nicolet, Félix Prudhomme, Antoine Ramirez, Marie Roland et Marine Thieux. 4/85 Introduction Mes expériences en ligne personnelles constituent le fondement des réflexions abordées lors de ce mémoire. A travers les jeux vidéo, les forums, les rencontres, les recherches musicales et informatives, internet crée des espaces où l'échange d'informations est primordial. Ce partage de données a permis de construire une partie non négligeable de mon savoir, en complément des enseignements et lectures classiques, que ce soient des connaissances historiques ou musicologiques, ou à propos de ma pratique des musiques électroniques. Durant ces recherches, j'ai été amené à discuter, en privé ou publiquement, anonymement et même, parfois, à nouer des relations d'amitiés sans jamais s'être rencontrés. Cela m'a mené à me poser des questions par rapport à ma perception et ma pratique du web. Comment ce type de relations s'organise-t-il ? Quelle est sa valeur ? Comment cette évolution de l'apprentissage remet-elle en cause la pédagogie traditionnelle ? La transmission physique, d'humain à humain, est-elle encore nécessaire ? De plus, la globalisation, et donc presque l'unification, de la culture n'est-elle pas dangereuse pour la richesse culturelle mondiale ? C'est donc en voulant étudier l'évolution de la pratique musicale depuis l'arrivée du web, au sens du musicien ainsi qu'à celui du mélomane ou de l'auditeur, que j'ai décidé de me concentrer sur un genre, considéré comme micro-genre, évoluant depuis 2011 sur le web, la vaporwave. Ce style m'avait interpellé pour deux raisons. Déjà, sa manière de présenter des samples entiers, en les détournant parfois peu, était très audacieuse. De plus, la façon dont les auditeurs présentaient ce style me questionnait. Ces personnes en discutaient avec tant d'entrain, sans pour autant pouvoir exactement le définir. Tout cela en le présentant avec une imagerie que l'on peut percevoir comme un collage amateur d'objets aléatoires. J'avais du mal à comprendre comment je pouvais apprécier cette musique. Moi qui n'écoutais pas de musique mainstream, et n'avais même pas toujours d'affinité avec elle. J'ai le souvenir d'une soirée enneigée d'hiver où , vagabondant dans les rues de Dijon, je me revois hocher la tête en écoutant une version ralentie de Diana Ross bouclant la phrase « it's all in your head ». La vaporwave est également le premier style, identifié en tant que tel par les auditeurs, provenant du web, sans géo-localisation précise, à persister sur plusieurs années. Avant lui, des genres, comme le sea-punk, la witch house ou la chillwave, naissaient chaque année sur le web en dépérissant l'année d'après. La vaporwave est déjà présente sur le web depuis 2011, et sa popularité ne cesse de s’accroître. L'étude de la manière dont le style s'est organisé et développé quasi uniquement au sein d'internet est un point crucial de ce mémoire. C'est le milieu musical et social, organisé au sein d'espaces bien spécifiques, qui permet au style de perdurer. A la suite de ces réflexions et observations sur la nature controversée de ce style, je suis arrivé à me poser les questions suivantes : Comment un milieu musical et social s'organise-il sur internet ? Quelles sont les spécificités de cette musique, comment peut-on la définir aujourd'hui ? Mes premières interrogations furent sur la manière d'analyser cette musique. Comment peuton analyser pertinemment cette musique? Quel modèle analytique doit-on adopter ? Ces réflexions résonnent par empathie avec le cours Musique, rhétorique et émotions que j'ai suivi cette année auprès de Vasco ZARA. J'ai découvert que l'analyse, à partir d'un modèle rhétorique et non harmonique, du répertoire du XVIème siècle était pertinente. Cela ne constitue pas une aide méthodologique, car une analyse rhétorique de la vaporwave serait tout à fait grotesque, mais une aide réflexive sur la pertinence d'utiliser un modèle analytique bien particulier. En effet, comment est-il possible d'analyser un style tel que la vaporwave avec les outils traditionnels rythmiques, mélodiques et harmoniques alors que tous ces éléments proviennent d'un sample. Ces éléments sont 5/85 extérieurs aux processus même de création d'une grande partie des productions. Ce modèle analytique ne fonctionne pas. Plusieurs intéressés ont analysé l'harmonie, le détournement de la structure ou le traitement sonore des morceaux, avec les outils musicologiques traditionnels. Mais ces analyses sont difficiles à généraliser à l'ensemble du style et ne me paraissent pas montrer pertinemment les singularités de ce mouvement1. De plus, les outils et les langages musicaux utilisés ne sont pas spécifiques à ce mouvement. Le traitement numérique d'un sample, par la réverbération, le filtrage ou toutes autres manipulations, est utilisé dans d'autres styles musicaux électroniques. Il faut revenir à la pratique et à l'organisation de cette musique, s'informer sur son processus de création si particulier, afin d'en dégager les principales thématiques et caractéristiques. Pour citer une expérience personnelle, une amie adepte de techno hardcore et d'acid-core, m'avait initié au style. En présentant son point de vue, elle m'a appris à écouter et concevoir cette musique dans son ensemble. Même en ayant conscience des rites et des pratiques autour de ces styles, étant fervent de musiques électroniques, son témoignage m'a apporté beaucoup plus d'éléments pour comprendre et étudier cette musique. A partir de ce moment, j'avais compris que la discussion avec les artistes et les participants d'une culture musicale m’apporteraient bien plus que si j'analysais strictement la musique. Cela a guidé mon écoute de façon pertinente et m'a évité de juger cette musique d'un point de vue extérieur, avec de mauvais critères. De plus, une définition strictement musicale, au sens sonore du terme, ne serait en aucun cas suffisante pour comprendre la vaporwave et tout son environnement. La musique est à mettre en perspective avec le visuel et le propos des albums, dans un contexte particulier. L'aide Bibliographique Le manque bibliographique à propos de la vaporwave m'a fait reconsidérer le rôle des ouvrages pour la construction de ce mémoire. D'abord, j'ai cherché différents points de vue sur la culture de la musique électronique populaire afin d'obtenir une vision informée sur les sousentendus de ce nouveau courant. J'ai donc utilisé les livres Electrochoc, de Laurent Garnier, acteur et artiste du mouvement techno, Electronic Music, édité par Cambridge University Press, et le livre Warp labels unlimited de Rob Young, retraçant l'histoire du label de musique électronique Warp records. Ces lectures, en complément à ma formation de musiques actuelles amplifiées au conservatoire à rayonnement régional de Chalon sur Saône, m'ont apporté des outils pour appréhender les différentes facettes des musiques électroniques populaires. Dans un second temps, je fus initié à la sociologie de la musique par François Ribac, mon directeur de mémoire, qui me conseilla une série de livres afin de concevoir correctement mes enquêtes et réflexions. L'ouvrage les ficelles du métier, de Howard S.Becker, m'a permis de mieux comprendre des phénomènes sociaux en les abordant sous des angles différents. De plus j'ai trouvé dans ce livre plusieurs outils utiles pour conduire mes enquêtes, notamment sur la manière de poser les questions aux personnes interviewées. Cet écrit a été pour moi une ouverture au monde de la sociologie. Mes réflexions sur la classification de la musique ont été influencées par le livre L'Avaleur de Rock de François Ribac, notamment le premier chapitre qui constitue une visite commentée chez un disquaire. Ces idées se sont également construites à partir des études d'Emile Durkheim, De quelques formes primitives de classification, décrites au sein de l'ouvrage Essais de sociologie de Marcel Mauss. Enfin, la réflexion d'Antoine Hennion sur le rôle des médiateurs dans la musique au 1 https://hearpop.wordpress.com/2013/12/07/macintosh-plus-diana-ross-and-the-tonic-dominant-relationship/, consulté le 27 avril 2016. L'auteur propose une analyse harmonique et structurelle de ンク 420 / 現代のコ ン ュー de MACINTOSH PLUS - 6/85 sein de son ouvrage La Passion musicale m'a permis de considérer ce milieu musical à travers ses objets, ses supports et ses espaces. Cela a constitué une base de réflexion dans la quête d'un modèle analytique pertinent dans l'étude de la vaporwave. Enfin, l'ouvrage Performing Rites On the Value of Popular Music de Simon Frith, notamment le chapitre final Why Music Matters, m'a permis de mieux concevoir les rites autour des musiques populaires. Il a également constitué une grande aide dans ma manière d'envisager l'esthétisme et les caractéristiques particulières du moment musical. Toutes ces réflexions m'ont mené à étudier la vaporwave au sein de son contexte, à travers ses espaces et ses objets, et à interviewer différents membres de sa communauté. Méthodologie Comme je l'ai mentionné précédemment, il y a très peu d'articles ou de livres citant ce courant. Ma méthode a donc consisté essentiellement en une étude de terrain virtuel basée sur l'observation des espaces du web et des entretiens individuels auprès d'artistes, médiateurs et auditeurs du style. - Observations D'abord, j'ai joué le rôle d'une personne qui découvrait cet univers si particulier. J'ai regardé, écouté et partagé les moments constituant ce mouvement, tout en en utilisant les plateformes où se regroupe cette communauté. J'ai d'abord, comme tout néophyte, découvert ce style en surface, par l'intermédiaire de play-list youtube ou d'artistes populaires, pour ensuite déceler où et comment cette micro-culture s'organisait. Tout au long de ce parcours, ma vision de ce style a constamment évolué, je suis passé par une série d'interprétations personnelles plus ou moins pertinentes, mais qui, avec du recul, témoignent des différents enjeux et interprétations de ce mouvement. Les expériences numériques que j'ai eues constituent le pilier de mes réflexions autour de cet univers, il me paraissait essentiel d'étudier ce monde en l'expérimentant, comme n'importe quel membre de ce système. Ce travail m'a permis de comprendre comment ce style s'organisait dans l'espace. Mes observations ne pouvant pas être exhaustives vues la quantité d'artistes, de discussions et de labels, elles se sont donc focalisées sur des sujet spécifiques. La deuxième partie de l'observation est esthétique. J'ai observé et dégagé les spécificités musicales et visuelles de ce que l'on assimile à la vaporwave, en les comparant aux différents discours de la communauté. Cela correspond à un univers vaste et rejoint mes questionnements sur l'analyse de ces musiques. Mes conclusions sur les différentes facettes de cette musique proviennent de ces observations, guidées par mes interviews. - Entretiens Parallèlement à cela, l'envie et la nécessité de rencontrer cette communauté s’imposèrent. J'ai alors entamé la construction d'une grille d'entretien80. Mon but était de proposer une série de questions communes, à travers une conversation interactive, avec des artistes, médiateurs et auditeurs de notoriété différente, afin de les comparer. La caractéristique vivante de l'échange est très importante pour moi, c'est grâce à cela que j'ai commencé à mieux comprendre ces individus et, par extension, ce mouvement. Je me suis également fait des amis qui m'ont donné certaines clefs, comme l'accès à des cercles privés invisibles et inaccessibles de l'extérieur. Du lycéen californien de 16 ans jusqu'au journaliste et docteur en musicologie, en passant par un ingénieur à la défense russe, j'ai écouté et apprécié pendant des heures la passion que chacun entretenait avec cette culture. Tous 7/85 les noms et pseudonymes des personnes interviewées ont été modifiés pour le respect de chacune d'entre elle. J'ai décomposé ma grille d'entretien en trois parties. La première est une série de questions personnelles concernant la vie et la pratique musicale de ces personnes. Mon but était de connaître leur culture et pratique musicale, et de comparer, même si onze personnes ne sont pas représentatives, leur âge et position géographique. Dans un second temps, j'ai voulu étudier le rapport qu'il entretenait, et avait entretenu, avec ce mouvement, ainsi que la représentation qu'il en avait. Je leur ai donc demandé comment il définissait, avait découvert et consommait cette musique. La dernière partie, spécifique aux artistes, aborde les outils et techniques utilisés. Mes questions étaient basées sur la connaissance de l'environnement de travail de ces artistes. Je voulais savoir quels matériels ces musiciens utilisent, en allant jusqu'à questionner sur quels plug in ou séquenceurs ils pratiquent, s'ils étaient légaux ou non, ainsi que la nature de leur système d'exploitation. Ces questions, très spécifiques, furent très fructueuses, leur environnement résonnait et se confrontait à ma pratique et ma vision des musiques électroniques en m'apportant plusieurs éléments de réponse sur les spécificités culturelles de ces personnes. Ces entretiens m'ont permis de mieux appréhender ce mouvement, en comprenant spécifiquement les controverses et les différentes confrontations inhérentes à ce style. Présentation critique des sources Il est nécessaire de vous faire une présentation critique de mes sources, d'autant plus qu'elles proviennent pour l'essentiel d'internet. Je vais donc énoncer les différents types de sources que j'ai pu rencontrer, afin de vous présenter l'approche que j'ai eue de chacune d'entre elle. Tout d'abord, comme sources originelles, les interviews et observations, via les différents sites, constituent des témoignages directs. Mon objectif était d'en dégager des idées globales représentatives, d'après les idées personnelles de chacun. J'ai donc créé des corpus d'idées, afin d'en retenir des citations qui me paraissaient témoigner correctement des tendances. Ce fut donc un exercice de recherche et de décomposition des discours présentés. Ensuite, j'ai toujours fait attention aux différents articles et blogs, en vérifiant les sources, que j'ai précisées au fil du mémoire. En ce qui concerne les sites de streaming et les forums, j'ai appréhendé chacun de ces sites en comprenant petit à petit leur fonctionnement et spécificité. Je me suis concentré sur les sites utilisés actuellement par le mouvement, afin d'observer l'évolution. Le flux de personnes et l'organisation d'un site web changent constamment et rapidement. Par exemple, plusieurs sujets citent Last FM comme site de référence pour la vaporwave, mais je n'ai pas constaté d'activité récente et importante sur ce site concernant ce sujet, je vais donc le présenter à travers des témoignages de personnes qui les ont pratiqués lorsque la communauté se rejoignait sur cette plate forme . Cette étude se concentre principalement sur l'organisation de cet espace pendant ma période de recherche, c'est à dire de fin 2015 à mai 2016. 8/85 La vaporwave aujourd'hui Avant de réellement débuter, j'aimerai faire le point sur la place de la vaporwave aujourd'hui. Malgré les rumeurs annonçant la mort de la vaporwave (« vaporwave is dead»2), je fus agréablement surpris de constater que la notoriété de ce style ne faisait qu'augmenter au fil de mes recherches. J'ai pu remarquer cela par le nombre croissant de redditor, utilisateurs du site reddit, au sein du sub-reddit vaporwave, qui sont maintenant plus de 30000, et grâce aux statistiques fournis p a r google tendance76 e t Youtube, au vue de l'évolution du nombre de vues sous les vidéos populaires du style3, parfois devenu des mèmes81-4. Sur ces courbes, on observe une nette croissance depuis juin 2015. Selon les statistiques de Google, il y a deux fois plus de recherches du terme vaporwave, en comparaison au nombre total de recherche sur google 5, en Avril 2016 qu'en Novembre 20156. Encore avec ce même outil, j'ai comparé cette musique à d'autres courants musicaux, considérés comme underground ou non-mainstream, et constaté que la vaporwave les a tous dépassé à partir de septembre 20157. De plus, c'est le seul style musical dont le nombre de recherche google augmente aujourd'hui. J'aimerais ajouter une nuance à ces résultats. Premièrement, le fait que ce style ne gravite quasiment essentiellement que dans internet lui donne sans doute une meilleure notoriété, par rapport aux autres styles, qu'il ne possède pas vraiment dans les espaces non-virtuels. Ensuite, je ne connais pas parfaitement la fiabilité de ces outils, ils ne fournissent d'abord que des valeurs relatives et je n'ai pas réussi à obtenir exactement son fonctionnement et ses marges d’erreurs. J'utilise donc cet outil comme un indicateur de tendance, sans aller plus loin que cela. Milieu 2015 est également la période où la vaporwave commençait à apparaître dans les médias traditionnels. Par exemple, les sites GQ8 et Vice9 expliquent la tentative de réappropriation par MTV10 de la vaporwave, et de l'esthétique sea-punk81, pour leur promo de 2015. L'esthétique abordée est clairement issue des cultures du web. Cette vidéo a eu une très mauvaise réception par la communauté autour de ces musiques étant donné les votes et commentaires sous la vidéo de promo re-uploadée sur youtube11. De plus, en novembre 2015, Rolling Stone magazine a sélectionné 2 8 1 4 parmi sa liste des 10 artists you need to know pour son album 新しい日の誕 生12, et I'll Try Living Like This, de Death's Dynamic Shroud.wmv13 a été choisi par Fact magasine14 dans la sélection The 50 Best Albums of 2015. Ce n'est pas la première fois qu'un style issu 2 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/2uotgu/vaporwave_is_dead/, http://4chandata.org/mu/So-like-itseems-like-all-the-vaporwave-hype-has-died-down-Whats-up-with-that-Was-vaporwave-an-actual-flash-in-the-pana235615, consulté le 12 mai 2016 3 https://www.youtube.com/watch?v=cU8HrO7XuiE, consulté le 22 avril 2016. Dans la section statistique, j'ai constaté que le nombre de vues à été multiplié par quatre depuis juillet 2014, alors que la vidéo a été postée le 14 février 2012. 4 http://knowyourmeme.com/memes/floral-shoppe-%E3%83%95%E3%83%AD%E3%83%BC %E3%83%A9%E3%83%AB%E3%81%AE%E5%B0%82%E9%96%80%E5%BA%97, consulté le 22 avril 2016 5 https://support.google.com/trends/answer/4355164?hl=fr&rd=1, consulté le 22 avril 2016 6 https://www.google.fr/trends/explore#q=vaporwave, consulté le 22 avril 2016. Il y a également deux fois plus de recherches effectuées en novembre 2015 en comparaison à octobre 2014 7 https://www.google.fr/trends/explore#q=vaporwave%2C%20%2Fm%2F09k5dbs%2C%20%2Fm%2F018lg0%2C %20%2Fm%2F011j5x%2C%20%2Fm%2F0mmp3&date=1%2F2010%2076m&cmpt=q&tz=Etc%2FGMT-2, consulté le 22 avril 2016 8 http://www.gq.com/story/mtv-miley-cyrus-vma-vaporwave-seapunk, consulté le 22 avril 2016 9 http://motherboard.vice.com/read/what-the-hell-is-mtvs-new-rebrand-about, consulté le 22 avril 2016 10 http://www.mtv.com/ontv/vma/2015/create/, consulté le 22 avril 2016 11 https://www.youtube.com/watch?v=iAaInjzznVQ&feature=youtu.be, consulté le 22 avril 2016 12 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/--18, consulté le 22 avril 2016 13 https://deathsdynamicshroud.bandcamp.com/album/ill-try-living-like-this, consulté le 22 avril 2016 14 http://www.factmag.com/2015/12/09/the-50-best-albums-of-2015/, consulté le 22 avril 2016 9/85 d'internet apparaît à la télévision. Le live de Rihanna au Grammies15 empruntait largement à l'esthétique sea punk. Egalement, des artistes comme Yung Lean, devenu très populaire au sein du style cloud rap, participe à la propagation du style. L'esthétique vaporwave, ou plus largement issue de la culture propre à internet, s'est manifestement incrustée dans les médias. Cependant, les termes restent encore largement méconnus. Vaporwave is dead ? Je ne pense pas, le style en train de se redéfinir, ce qui a donné lieu à de nombreuses controverses. Le mouvement est en plein changement de génération artistique mais sa notoriété commence seulement à croître, en se développant sur le web et en s’implantant par touches au sein des médias traditionnels. Je vais procéder à l'étude de ce style en examinant ses espaces, en décomposant ses composantes esthétiques et en observant les discours de chacun. D’abord, je vais présenter l'espace dans lequel gravite ce style, en présentant les spécificités des sites constituant cet univers. Cette étude se basant sur la période entre 2015 et 2016, je ne parlerai donc moins d'autres sites qui ont pu participer à la vie du genre par le passé. J'entamerai également une courte présentation sur les définitions grossières de ce que les gens identifient comme vaporwave. Ensuite, je vais décrypter les éléments caractéristiques du style et ses controverses. Le but est de comparer les discours récurrents, et d'en dégager des tendances. Enfin, la dernière partie est réservée à l'étude des composantes de la vaporwave, de son esthétique sonore et visuelle et de ses différentes démarches, de la création au partage d'un album. 15 https://www.youtube.com/watch?v=2LT23ixDaJo, consulté le 26 juin 2016 10/85 Chapitre I. Présentation, espace et contexte A. L'espace numérique et son organisation en ligne entre 2015 et 2016 Un point crucial de la vaporwave est que le style est né et se développe exclusivement en ligne. Les concerts et performances physiques de vaporwave sont très rares. C'est la mise en place de cet espace numérique spécifique qui a permis au mouvement de s'organiser et d'évoluer. Mais comment s'organise-t-il ? Quelles interactions permettent-elles aux utilisateurs ? Mon travail se concentre sur l'activité du style lors de ma période d'étude, c'est à dire entre la fin de l'année 2015 et la première moitié de 2016, afin d'observer comment chacun de ces espaces participent à l'émergence de ce milieu musical. Des ressources jusqu'à leur partage, cette partie décompose le rôle de chaque site dans la mise en place de ce mouvement. 1. L'univers social du web a. Forum et image boards, les relations d’anonymats Depuis l'arrivée des réseaux sociaux, les espaces et, par conséquent, les manières d’interagir ont évolué. On peut voir les réseaux sociaux, grâce au mélange entre des espaces privés et publics, comme une évolution des forums sans pseudonymat. L’émergence de nouveaux sites a créé des types de relations et donc de comportements inédits. Ce que j’entends sous l'appellation « forum », dans le cadre de ce travail, sont les sites ayant pour but de regrouper, dans un espace public, des personnes autour d'une pratique ou d'un sujet. Cela me permet de traiter les réseaux sociaux séparément. Avant de commencer, j'aimerais préciser que les deux sites présentés peuvent parfois mener à du contenu choquant, voire répréhensible, non adapté à tous les âges et à tout le monde. Reddit - Qu'est ce que Reddit16 ? Reddit est un site web communautaire organisé comme un forum où tout le monde peut contribuer à un fil d’actualité, à condition d'être inscrit et identifié. Le site a été créé en 2005, par Steve Huffman et Alexis Ohanian, tous les deux diplômés de l'université de Virginie17. Dans l'index, Deimorz, un modérateur du site présente Reddit comme : “a source for what's new and popular on the web. Users like you provide all of the content and decide, through voting, what's good and what's junk” 18 Il est aujourd'hui le 31ème site le plus populaire au monde et le 9ème en Amérique19 selon Alexa. La particularité de Reddit est qu'il s'organise en sub-reddit, crée par les internautes, où chaque membre peut poster un thread81 librement. Ainsi, en Novembre 2012, le sub-reddit vaporwave a été fondé 20. 16 https://www.reddit.com/wiki/faq#wiki_what_is_reddit.3F, consulté le 19 avril 2016 17 https://www.theguardian.com/technology/2005/dec/08/innovations.guardianweeklytechnologysection1, consulté le 11 mai 2016 18 https://www.reddit.com/wiki/index, consulté le 19 avril 2016 19 http://www.alexa.com/siteinfo/reddit.com, le 19 avril 2016 20 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/archive, consulté le 19 avril 2016 11/85 Il obtient maintenant plus de 30 000 abonnés21 et est associé à une multitude de sub-reddits abordant chacun un aspect particulier du style. - Son organisation Le sub-reddit r/vaporwave est un espace où les gens partagent toutes sortes de contenus, comme des réflexions autour du style, la recherche désespérée d'un sample, des promotions d'albums, des propositions de projets, un projet de construction de nouvelles compilations22, ou encore la promotion d'une performance live. La communauté étant active, ce genre de plate-forme permet un large partage entre toutes les personnes réunies autour de ce mouvement. Reddit n'est pas utilisé pour faire des rencontres sur le long terme, les communications se font sous couvert de pseudonymat, le but est de proposer des idées à d'autres utilisateurs que l'on ne connaît pas. Le flux est très rapide, sur le sub-reddit vaporwave, un thread ne reste normalement pas plus d'une journée en première page. Le système de vote permet de garder les sujets que les utilisateurs trouvent intéressants en première page. Egalement, il y a eu quelques tentatives de créations de forums classiques autour de la vaporwave, mais aucune ne fut fructueuse. 23 Dans le thread cité, un utilisateur s'exclame : « Forums are not usually something I'd suggest (2k15) » Il semblerait que l'utilisation des forums ne soit plus d'actualité, sans doute depuis l'arrivée des réseaux sociaux. Reddit possède également une partie wiki, complétée plus ou moins exhaustivement, sur chaque sub-reddit. A propos de la vaporwave, les modérateurs ont mis à disposition de nombreuses informations. Du résumé historique au tutoriel de création d'un album, cette partie constitue un guide pour les redditors, qui est le surnom des utilisateurs de reddit. - Les sub-reddits associés Les sub-reddits associés permettent aux utilisateurs de cibler un type spécifique de contenu. En plus de la page vaporwave, il y a également : /r/VaporwaveAesthetics : vapor-y stuff / 10 026 /r/VaporwaveArt : no music allowed / 5 104 /r/Vapormeme : memes, shitposting81, etc / 1 831 /r/makingvaporwave : artist discussion / 592 /r/hyperbattle : vaporwave competition / 9024 A côté de chaque sous partie, on peut lire une courte définition de la fonction de chacune des sections. J'ai également ajouté le nombre de personnes abonnées par partie pour que vous puissiez comparer l'ampleur de chacune d'entre elles. Les sub-reddits /r/VaporwaveAesthetics et /r/VaporwaveArt permettent aux utilisateurs de rechercher ou de poster du contenu multimédia de leur création, comme une simple image 25, 21 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/, créé par Rxkings, consulté le 19 avril 2016 22 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/4etlp1/were_building_a_new_vaporwave_essentials_guide/, consulté le 19 avril 2016 23 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/2ywx7j/vaporwave_isnt_dead_its_that_vaporwave/, http://vaporwavenet.work/forum/, consulté le 11 mai 2016 24 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/, créé par Rxkings, consulté le 19 avril 2016 25 https://www.reddit.com/r/VaporwaveArt/comments/4ilkt9/i_decided_to_make_a_new_wallpaper_for_my_6s/, consulté le 11 mai 2016 12/85 pouvant provenir d'un blog tumblr26, ou une vidéo, souvent provenant du site de streaming Youtube27. Cela permet à l'auditeur d'accéder aux différents sites de ressources, tout en le guidant vers le type de contenu qu'ils recherchent. Le sub-reddit /r/Vapormeme est destiné au partage de mèmes ou au shitposting en rapport avec la vaporwave. Il constitue un terrain de jeux pour les redditors, cette section est réservée aux contenus multimédias humoristiques. Des utilisateurs postent des versions détournées de morceaux connus, comme, par exemple, le thread how to make money after failing music school28 ou MACINTOSH PLUS - サ ンク 420 Looped Over Itself 199 Times29. J'ai cité le deuxième exemple car il m'a rappelé une soirée où nous nous sommes amusés, avec des amis, à jouer cette même musique sur chacun de nos téléphones portables. Ces deux exemples proposent quasiment la même expérience récréative, que l'on a envie de partager pour s'amuser. Cela constitue le même comportement, mais au sein d'un espace différent et avec une relation de pseudonymat. Les derniers sub-reddits, /r/makingvaporwave et /r/hyperbattle, sont concentrés sur la production de musique. Le premier est consacré à des discussions entre artistes, où les utilisateurs demandent des conseils techniques ou artistiques à propos de leurs créations, alors que le deuxième met en place des compétitions entre redditors. En effet, chaque semaine, un modérateur propose un sample qui doit être à la base d'une composition. Les utilisateurs procèdent alors à un vote, parmi les différentes versions proposées. Ces compétitions publiques permettent aux utilisateurs de comparer leurs travaux et d’effectuer des rencontres. A cela s'ajoute une série de Related Subs tel que 80sdesign, 90sdesign, vintagecgi, vintagecomputing, glitch art, Gunk, plunderphonics, hauntology, oceangrunge, Future Funk, Mallsoft o u Simpsonswave. Ils sont tous reliés stylistiquement à la vaporwave. De l'attitude joueuse à l'envie de réflexion, on observe sur Reddit, la construction d'un monde social public et interactif autour de la vaporwave. Versus 4Chan 4chan est un site d'image board lancé le 1er octobre 2003 par Christopher Poole sous le pseudonyme moot30. Il est actuellement le 842ème site le plus visité au monde et le 418 ème en Amérique31 selon le site Alexa. Au départ, le site était une simple copie de l'image board japonais Futuba Channel32, moot voulait créer un site d'image board d'anime anglophone 33. Christopher Pool, alors à la recherche d'une communauté, a demandé aux utilisateurs du subforum Anime Death Tentacle Rape Whorehouse du site Something Awful de venir participer au partage d'anime.34 Le 26 https://www.reddit.com/r/VaporwaveArt/comments/4idign/%EF%BD%8D%EF%BD%81%EF%BD%8B%EF%BD %85_%EF%BD%96%EF%BD%81%EF%BD%90%EF%BD%8F%EF%BD%92%EF%BD%97%EF%BD %81%EF%BD%96%EF%BD%85_%EF%BD%87%EF%BD%92%EF%BD%85%EF%BD%81%EF%BD%94_ %EF%BD%81%EF%BD%87%EF%BD%81%EF%BD%89%EF%BD%8E/, consulté le 11 mai 2016 27 https://www.reddit.com/r/VaporwaveAesthetics/comments/4iii75/%EF%BD%88_%EF%BD%95_%EF%BD%8D_ %EF%BD%81_%EF%BD%8E_%EF%BD%8D_%EF%BD%95_%EF%BD%93_%EF%BD%89_%EF%BD%83/, consulté le 11 mai 2016 28 https://www.reddit.com/r/vapormeme/comments/4f7a4y/how_to_make_money_after_failing_music_school/, consulté le 11 mai 2016 29 (https://www.reddit.com/r/vapormeme/comments/4eg70n/macintosh_plus_%E3%83%AA %E3%82%B5%E3%83%95%E3%83%A9%E3%83%B3%E3%82%AF420_looped_over_itself_199/, consulté le 11 mai 2016 30 https://www.4chan.org/news?all#2, consulté le 26 avril 2016 31 http://www.alexa.com/siteinfo/4chan.org, le 26 avril 2016 32 http://www.2chan.net/, consulté le 12 mai 2016 33 https://www.4chan.org/faq#what4chan, consulté le 26 avril 2016 34 https://www.4chan.org/faq#were, Consulté le 26 avril 2016 13/85 second channel, /b/, dédié au partage aléatoire d'image, décrit comme Random dans la section NSFW (No Safe For Work), est l'imageboard le plus populaire. C'est celui qui a marqué l'histoire de ce site35. La particularité de ce site est qu'il prône l'anonymat, n'importe qui peut poster ou commenter une image sans inscription requise, les utilisateurs arborent le pseudo Anonymous suivi d'un numéro. Egalement, un post est supprimé lors qu'il dépasse la 10ème page. Il n'y a pas d'archivage ni de système de vote effectué par le site ; l'image et ses commentaires reviennent en premier seulement si un utilisateur répond à celui-ci. Sur la section /b/, un post reste en moyenne 5 secondes sur la première page et est supprimé au bout de 5minutes36. Les discussions sont donc éphémères et anonymes, le flux intense est quasiment impossible à modérer, ce qui laisse place à un espace sans règle et à une dé-complexation totale. Ces caractéristiques laissent donc passer des images horribles et illégales, 4chan fut souvent réprimandé pour le partage de photos pédophiles par ses utilisateurs37, postées pour de mauvaises intentions ou juste comme une très mauvaise blague pour énerver les modérateurs. D'un autre côté, 4chan est connu comme le berceau du mouvement hacktiviste Anonymous et l'article An Analysis of Anonymity and Ephemerality in a Large Online Community36 met en avant des actions concrètes de la part des utilisateurs de 4chan, comme l'attaque de l'église de scientologie ou le soutien à wikileak, un site journalistique qui publie des informations secrètes. Dans cette étude, l'article affirme que : ”anonymity may foster stronger communal identity, as opposed to bond-based attachment with individuals” Les utilisateurs de 4chan ne se connaissent pas lorsqu'ils interagissent mais savent qu'ils appartiennent à la même communauté. Une série d'actions collaboratives a été menée, de la simple blague, comme le vote collectif à un concours pour que la personnalité Pitbull joue dans un village perdu d'Alaska38 à l'action politique, comme les différentes manœuvres politiques du groupe de hacker Anonymous. Toute une culture s'est créée autour de ce site, de la dialectique à l'idéologie spécifique à cet espace, jusqu’à la création, par les utilisateurs, de nouvelles règles. Ce site est également réputé pour avoir contribué en grande partie à la culture web et est régulièrement crédité pour être à l'origine de la plupart des comportements et mèmes sur le web. Il est, par exemple, réputé pour être à l'origine des lol cats, du mème rick roll.. Personnellement, je perçois 4chan comme le grand frère maléfique et décomplexé de Reddit. Son utilisation est ouverte à tous, mais la mise en page du site ainsi que le langage et le vocabulaire ésotériques des utilisateurs, spécifiques à ce site, ne permettent pas à des personnes extérieures de s'intégrer facilement. D'ailleurs, les utilisateurs de 4chan revendiquent cela. La première règle de 4chan, éditée par la communauté du site, est de ne jamais parler de 4chan39. 35 Bernstein, M. S.; Monroy-Hernández, A.; Harry, D.; André, P.; Panovich, K. & Vargas, G. G. (2011), 4chan and/b: An Analysis of Anonymity and Ephemerality in a Large Online Community., in 'ICWSM' ; http://projects.csail.mit.edu/chanthropology/4chan.pdf, consulté le 26 avril 2016 36 Bernstein, M. S.; Monroy-Hernández, A.; Harry, D.; André, P.; Panovich, K. & Vargas, G. G. (2011), 4chan and/b: An Analysis of Anonymity and Ephemerality in a Large Online Community., in 'ICWSM' ; http://projects.csail.mit.edu/chanthropology/4chan.pdf, consulté le 26 avril 2016 p7 37 http://www.thesmokinggun.com/file/4chan-user-arrest?page=0, consulté le 26 avril 2016 38 http://humor.about.com/od/bestofthebest/tp/4-Of-The-Funniest-4chan-Pranks.htm, consulté le 12 mai 2016 39 http://knowyourmeme.com/memes/rules-of-the-internet, consulté le 11 mai 2016 14/85 - Et la vaporwave dans tout cela ? D'abord, je tiens à préciser que la suppression, quasiment instantanée, des posts du site compliquent le travail de recherche. Cependant des sites comme 4chandata, 4archive ou bibanon.org essaient d'archiver, souvent seulement très partiellement, le flux massif de ce site. Peu d'artistes interviewés m'ont renvoyé à ce site et je ne relève actuellement que peu de posts concernant la vaporwave. Cependant il est souvent cité dans l'activité basale du genre, et est à l'origine de plusieurs compilations d'artistes (Essentials Guide). Je n'ai pas la prétention de retracer l'historique de la vaporwave sur 4chan, mais d'observer le type de comportements que les utilisateurs adoptent face à la construction et à l'histoire de ce site. Sur 4chan, la section /mu/ est consacrée uniquement à la musique. Ici, de nombreuses personnes partagent des liens pour télécharger de la musique illégalement. D'abord, la caractéristique éphémère et anonyme entraîne un nombre conséquent de hater, troll et shitposter81, dont il est parfois difficile de différencier les véritables intentions. Par exemple, à propos du post questionnant What's /b/'s opinion on Vaporwave?40, le premier commentaire est : « I fuck with it » Egalement lorsque quelqu'un propose un projet collaboratif de compilation 77, on lui répond directement : « fuck you faggot », « You are a retard » et « i'm so glad this shitty genre is dead and /mu/ doesn't pretend to like it anymore » 41 C'est le genre de réponse qui donna aux utilisateurs de 4chan une très mauvais réputation, les utilisateurs du channel /b/ sont d'ailleurs nommés /b/tard, un mélange entre bastard et retard.42 L'absence d’organisation et de règle laisse place au meilleur comme au pire de chacun. Sur 4chan, les réponses peuvent être aussi bien pertinentes et géniales que désadaptées et stupides. 4Chan a la réputation d'être à l'origine d'une grande partie de la culture et des comportements sur internet, de son humour cynique à la création de la plupart des mèmes, ce n'est donc pas étonnant qu'un utilisateur s'exprime en commentaire d'une vidéo43 Youtube : « Dunno, i like vaporwave sound. It's like listening to 4chan. » en perspective des propos44 de Anthony Fantano, qui affirme que la vaporwave est : « A pure piece of internet culture » Que ce soit par ses moyens d'expression, comme les mèmes, ses manières de communiquer, par l’anonymat, ou par le développement d'un humour et d'idéaux spécifiques, 4chan a marqué la culture sur internet. Ces comportements se sont maintenant développés sur les réseaux sociaux et sur des sites spécifiques, 9gag par exemple, mais de manière modérée et politiquement correcte. Cela a donc eu un grand impact social et idéologique sur la vaporwave, qui est une production totalement construite dans cet environnement. 40 41 42 43 44 http://randomarchive.com/board/b/thread/674790540), consulté le 11 mai 2016 http://boards.4chan.org/mu/thread/64240380#p64240380, consulté le 26 avril 2016 http://fr.urbandictionary.com/define.php?term=/b/tard, consulté le 26 avril 2016 https://www.youtube.com/watch?v=f0D9IyyeEEU, consulté le 6 novembre 2015 https://forecastpodcast.bandcamp.com/album/oscast-22-the-needle-drop, à 12:55 minutes, consulté le 11 mai 2016 15/85 Reddit et 4chan Ces deux sites sont souvent comparés45 pour leur structure similaire. Même si 4chan est construit de manière linéaire, et Reddit en sub-reddit, ils ont une apparence similaire et ont été créés dans le même but, le partage anonyme de contenu. Cependant leurs spécificités, leur histoire et leurs modérations font qu'ils entretiennent chacun une relation particulière avec la vaporwave. J'ai construit un tableau pour mettre en évidence les particularités de ces deux sites, et aider à mieux comprendre les manières par lesquelles ils ont participé à la construction de ce mouvement. Reddit 4chan Crée par Universitaires diplômés de l’université de Virginie Geek et adepte de la culture populaire japonaise, à l'âge de 15 ans Origine Site fondé par des universitaires Partage anime et contenu +18 Histoire Tutoriels / Discussions / Débats controverses plus ou moins modérées Anonymous/raid/mème/cyberbullying/ controverses très peu modérées Organisation Sub-reddits créés par les Redditors Imageboards créés par les modérateurs Pseudonyme Requis Optionnel (environ 5% des utilisateurs33) Oui Non-officielles et très limitées Obligatoire Optionnelle Archives Inscription pour poster Modération Règles/légalité/Filtrage Modérations sur chaque sub-reddit Peu de modérateurs par imageboard Assurées Difficile voire impossible étant donné le flux de contenus Le mélange de chacune de ses caractéristiques permet un type de comportement, d'expression et de communications différentes, jouant un rôle particulier dans le développement de la vaporwave. Alors que 4chan a marqué la culture du web, le site n'accorde que le partage éphémère de post lié à la vaporwave, en opposition à reddit qui permet aux utilisateurs de réfléchir et de s'organiser autour du style. b. Réseaux sociaux J'ai choisi de me concentrer sur le réseau social Facebook qui me paraissait illustrer le mieux les différentes interactions sociales autour du style au sein de ce type de plate-forme. Cependant, l'importance de sites comme Twitter n'est pas négligeable. Il m'a été cité plusieurs fois en interview, notamment comme un bon moyen de discuter d'artiste à artiste. Il ne faut pas non plus oublier que les autres sites, comme les sites de streaming, constituent également des réseaux où l’interaction sociale est importante. Facebook Ce site est aujourd'hui le 3ème site le plus populaire au monde et le 2ème en Amérique selon Alexa . C'est le réseau social le plus populaire en ce moment, il est accessible gratuitement à tout le monde et permet de publier du contenu publiquement, ou de manière privée à des personnes considérées comme ami. Les utilisateurs se présentent majoritairement avec leur vrai nom. Ils 46 45 http://worldversus.com/Reddit-vs-4chan, consulté le 24 mai 2016 46 http://www.alexa.com/siteinfo/facebook.com, consulté le 20 avril 2016 16/85 peuvent alors interagir de personne à personne, grâce au webchat, à l'intérieur d'un groupe privé ou en public, notamment sur des pages dédiées. - Pages Facebook Au-delà de ça, la spécificité de Facebook est que n'importe qui peut créer une page, où les utilisateurs peuvent s'abonner afin de recevoir le contenu de cette page sur leurs fils d'actualités. Le site fonctionne de telle manière que plus on aime les statuts d'une page, plus l'information de cette page est en avant sur notre fil d'actualité47. De ce fait, les pages Facebook peuvent se créer une audience bien spécifique. Le point bien particulier est qu'une page peut représenter de nombreuses choses différentes, comme une personnalité, une organisation ou même un concept. Les pages artistes constituent un élément important pour les échanges entre un artiste et sa communauté. Cela permet aux fans d'être au courant de l'actualité du musicien, comme ses concerts , ou weblive, ses productions ou encore tout ce qui concerne les actions du projet. Mais ce n'est pas seulement à caractère informatif, les musiciens, selon leurs affinités, partagent également du contenu annexe ou utilisent ces plate-formes pour discuter et répondre aux questions de leurs abonnés. Les pages concernant des labels, ou toute autre forme d'organisation, fonctionnent de la même manière. Les pages à propos d'un concept ou d'une personnalité sont particulièrement importantes dans le partage des composantes de ce mouvement. Souvent à caractère humoristique, elles partagent du contenu typique de ce style, parfois tourné en dérision et souvent sous la forme de mèmes. Chaque page possède ses particularités, se revendiquant clairement du style, comme la page Vaporwave Brazil48, ou en incarnant un concept ou un personnage, comme ッ YOLO49. Ces pages, agissant de manière publique, permettent au style d'initier des néophytes et de former une communauté. - Groupes Facebook Un redditor, étudiant en histoire, a partagé un essai50 sur la vaporwave qu'il a réalisé pour un cours universitaire. Il explique l'histoire du style de manière très subjective, à travers ses expériences. L'auteur raconte comment il a découvert ce mouvement, et comment il a été formé aux normes de celui-ci. Ce travail constitue un témoignage précis et intéressant : « Discovering vaporwave on your own is quite difficult. I did not know the genre existed until I was invited to like the Facebook group “Vaporwave Dreams In Your Brain” by Isabella Red, a Boston College freshman » 47 https://newsroom.fb.com/news/2013/12/news-feed-fyi-helping-you-find-more-news-to-talk-about/, consulté le 20 avril 2016. Facebook déclare que « We’ve noticed that people enjoy seeing articles on Facebook, and so we’re now paying closer attention to what makes for high quality content, and how often articles are clicked on from News Feed on mobile. What this means is that you may start to notice links to articles a little more often (particularly on mobile). » en sachant que la gestion du fil d'actualité évolue constamment https://newsroom.fb.com/news/2016/02/news-feed-fyi-using-qualitative-feedback-to-show-relevant-stories/, consulté le 20 avril 2016 48 https://www.facebook.com/VAPORWAVEBRAZIL/?fref=ts, consulté le 11 mai 2016 49 https://www.facebook.com/freddyolo420/?fref=ts, consulté le 11 mai 2016 50 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/4gfgsj/i_wrote_an_essay_about_a_cultural_study_for_a/, p3, consulté le 11 mai 2016 17/85 En effet, il a découvert la vaporwave en fréquentant un groupe Facebook privé. Cet espace, bien particulier, permet de créer des liens privilégiés entre des personnes regroupées autour d'un concept ou d'une idée. Cela constitue, ici, une initiation au style de manière individuelle, à travers l’expérience de quelqu'un d'autre. « I trusted Bella to be my vaporwave expert, citing her years of exposure to the music via Tumblr, with which her own Tumblr featured a largely vaporwave aesthetic. Bella is a self described Marxist Leninist Communist, coming from a working class family in northern Massachusetts vaporwave’s ironic critiques of capitalism enticed her. She attended Phillips Andover Academy, an elite and sometimes described as “bourgeois” private high school, and now Boston College, which can also be seen as bourgeois. She acknowledged her childhood in suburbia, and that she felt that she had never really belonged and struggled to form an identity to be “normal”. She suffered from a consumerist ennui, bored and frustrated with the bourgeois capitalist society in which we live. » La vision de l'auteur reste liée à l'idée que lui renvoie cette personne. En découvrant ce style à travers le groupe Vaporwave Dreams In Your Brain, sa perception et sa définition de ce mouvement ont été largement influencées par les individus regroupés. Tout au long de son travail, il présente la vaporwave et ses instigateurs comme tout cela lui a été présenté. Il conclut sa pensée par : « vaporwave tells of the woes of being average and trying to find significance in your life when your environment offers no real adversity or struggle. Instead of overcoming obstacles, adversity to us is the challenge of creating an identity when society tells you to buy one instead. […] Perhaps it won’t be as compelling or entertaining as another band or set of music, but the elusive vaporwave casts light on those who have been suffering silently. » Son idée est plutôt pertinente, on la retrouve dans d'autres témoignages partout sur le web. Mais elle est loin de regrouper tous les individus autour de ce style, étant donné mes expériences personnelles lors des interviews. Il est intéressant de constater la manière dont cette organisation spécifique en groupes privés, visibles mais inaccessibles de l'extérieur, permet l'initiation d'un individu par un groupe. Facebook donne la possibilité aux utilisateurs de créer des groupes privés, dont le contenu est restreint à des personnes spécifiques, ainsi que des groupes secrets, complètement invisibles de l'extérieur. Cela permet à des artistes et fans de s'organiser au sein d'un cercle privé. L'étude de ce genre de structure est difficile, étant donné que l'accès est très restreint. En discutant avec Japanese Darkness, il m'a indiqué que son collectif s'organisait autour d'un groupe secret. Cela permet à ces différents artistes d'échanger entre eux et de mettre en place des projets collectifs, comme la gestion d'un compte Soundcloud commun, ou le recrutement d'une nouvelle personne au sein du groupe. Ces groupes permettent également de partager du contenu illégal, comme des logiciels ou des instruments virtuels piratés, en toute discrétion. Mais c'est une expérience personnelle qui me permit de comprendre l'importance de ces cercles privés dans la mise en place d'un milieu social sur internet. Ainsi, je vais vous partager le secret du Club de Gym. Que se dissimule t'il sous cette appellation ? C'est un groupe secret créé par Gym Club, un ami de lycée. A priori, cela n'a rien à voir avec la vaporwave, que l'on ne connaissait pas alors. Il décida d'inviter au hasard une centaine de personnes ayant porté la mention j'aime sur la page facebook du groupe Salut C'est Cool, groupe de musique électronique kitsch français connu 18/85 sur internet pour leurs vidéos délirantes. A l'époque, ces artistes étaient suivis seulement par quelques milliers d'initiés, qui avaient découvert ce groupe sur internet. À partir d'un concept, choisi au hasard, le club de gym commença à créer une communauté très active à partir de personnes qui ne s'étaient jamais rencontrées. A l'aide du partage massif de shitpost et de blagues, des liens se sont créés entre certains membres et une histoire, avec ses mythes et ses événements, s'est développée. Possédant chacun une culture commune issue du web et de ses représentants, plusieurs personnes commencèrent à parler de musique, et c'est là que les discussions et partages sur la vaporwave commencèrent. Cela a permis à d'autres membres de s'initier à cette musique, et à tout ce qu'elle comportait. Le groupe a eu une activité forte pendant deux ou trois ans avant que la communauté cesse de s'impliquer. Cette petite histoire met en évidence l’organisation de cercles privés amicaux au sein du web aujourd'hui et l'importance que cela a dans la formation d'un milieu social et musical. On peut mettre cette expérience sociale en parallèle avec celle de la création standard d'un cercle privé d'amis. Le rôle des réseaux sociaux est, par définition, de créer des milieux sociaux. Par ses organisations spécifiques, ils permettent de faire propager le mouvement, notamment par l'humour. En effet, la majorité des partages ne sont pas des discussions autour du style lui-même, mais plutôt des blagues à propos de celui-ci. 2. Les ressources a. Sites de streaming Certains sites sont fréquemment cités comme fondement de la vaporwave, mais ne sont plus d'actualité. Par manque de connaissance, j'ai donc décidé de ne pas, ou peu, en parler. Par exemple, on m'a raconté plusieurs fois que Last FM fut essentielle à la création et au démarrage du style, car ses spécificités permettent à ces utilisateurs de labelliser des musiques sous le même terme, via le #, et ainsi créer un grand nombre de nouvelles micro-étiquettes. D'abord j'ai observé des sites de streaming qui sont à la fois des réseaux sociaux et des sites de ressources en ligne collectif. Youtube Youtube est un site de streaming et d'hébergement de vidéo, où tout le monde peut poster ses vidéos à partir d'un compte. Il est aujourd'hui le 2ème site le plus populaire au monde et le 3 ème en Amérique selon Alexa51. Ce site permet d'accéder à un contenu vidéo massif et de le partager, via les autres sites. Parallèlement à cela, il constitue également un réseau social. En effet, les utilisateurs de Youtube ont la possibilité de se parler, via des messages privés, entre eux et aux créateurs de vidéo. Ils ont également la possibilité de poster un commentaire sous chaque vidéo l'autorisant et de discuter publiquement entre eux, via cette section. Cela permet à tout le monde de discuter publiquement à propos de n'importe quel contenu. On peut observer de nombreux types de réponses, de l'insulte au débat d'idées. Le site propose des vidéos associées à la fin de chaque vidéo et permet aux utilisateurs de découvrir rapidement de nombreuses informations et artistes affiliés. 51 http://www.alexa.com/siteinfo/youtube.com, consulté le 20 avril 2016 19/85 - Contenu esthétique Youtube héberge de nombreux types de contenus concernant la vaporwave, qui permettent de partager celle-ci partout sur le web. D'abord, les artistes peuvent poster leur musique sur Youtube, parfois accompagnée d'un clip pour l'illustrer. Ensuite, on trouve de nombreuses compilations accompagnées de visuels caractéristiques de la vaporwave. Ces compilations se centrent souvent sur un aspect du style.Voilà quelques exemples : “★ Assorted Vaporwave Mix #2 | 2+ Hours ★52 W e l l n e s s / P l a z a (Vaporwave Mix)53 V i d e o m e m o r i e s (Vaporwave Mix)54 Digital Religion (Vaporwave Mix)55” Certaines compilations sont même accompagnées de mises en scène comme WITCH HOUSE / VAPORWAVE / SEAPUNK 90s MEGAMIX by † BLΔCK WRIST † 56où l'on voit l'auteur démarrer un vieil ordinateur fonctionnant sous Windows 98 avant de passer les musiques, qui sont accompagnées d'un visuel mélangeant les esthétiques mentionnées dans le nom de la vidéo. Ces compilations permettent à des auditeurs non aguerris de s'initier au style et de découvrir des artistes. - Contenu humoristique Le contenu humoristique, sous forme de vidéo, est essentiel au style. Des personnes deviennent alors porteurs du style en s'associant avec lui, en lui faisant référence constamment de manière ironique. Par exemple, FrankJavCee, dans sa série How to make, a créé la vidéo How to make vaporwave57, où il s'amuse à ironiser sur les clichés du style. Il fait souvent référence à la vaporwave, et plus largement à la culture du web. Beaucoup de vidéos humoristiques sont ensuite postées sur le sub-reddit vapormeme. - Contenu informatif Le dernier type de contenu, concernant ce style, est informatif. On retrouve des reviews d'albums, des propositions d'artistes à écouter ou encore un documentaire, Vapourwave: A Brief History58, de WosX. Ce contenu guide les réflexions des utilisateurs, par rapport au style ou à certaines composantes de celui-ci. 52 https://www.youtube.com/watch?v=ea_UOPzuyZU, consulté le 4 février 2016 53 https://www.youtube.com/watch?v=9Xu34KWSbDs, consulté le 4 février 2016 54 https://www.youtube.com/watch?v=JjVqILN00KI, consulté le 4 février 2016 55 https://www.youtube.com/watch?v=E1Yf8Y2STTQ, consulté le 4 février 2016 56 https://www.youtube.com/watch?v=rfzmLCHSnw8, consulté le 4 février 2016 57 https://www.youtube.com/watch?v=wyt_87yCyNw, consulté le 11 ma i 2016 58 https://www.youtube.com/watch?v=PdpP0mXOlWM, consulté le 31 mars 2016, le documentaire était d'abord nommé Vaporwave: A Brief History mais l'auteur, également artiste, a décidé de modifier ironiquement vaporwave pour vapourwave. 20/85 WebRadios Une autre manière de découvrir et d'écouter cette musique est la webradio. Souvent présentée avec des visuels bien spécifiques du style, ces radios permettent de se familiariser avec le style. De plus, il y a parfois un chat où les auditeurs peuvent discuter entre eux et avec les modérateurs de la radio. Afin d'en savoir un peu plus, j'ai discuté avec le gérant d'une web radio, Chill-Cube. « I listen to music nearly all the time. The only time I don't is when I sleep, when I'm in class or when I watch Netflix. I listen to some vaporwave every day at least. » Egalement artiste, c'est un mélomane qui souhaite partager sa passion pour le style. A propos de sa manière de choisir les morceaux, il déclare : « I choose mostly what I listen to, but I also play what other people request, and I try to throw in some future funk despite not listening to it myself. People only really expect to listen to some vaporwave » Grâce au chat présent sur son site, il peut répondre aux attentes des utilisateurs, et adapter sa playlist en fonction, la web radio étant interactive. Comme toute web radio, spécialisée dans la vaporwave ou non, cela permet d'écouter, d’apprécier et d'appréhender cette musique.59 Soundcloud Soundcloud est un site de streaming musical, classé 153 ème mondial par Alexa60, où tout le monde peut créer un compte et poster des musiques gratuitement. La plate-forme fonctionne à l'image d'un réseau social où l'on partage ses créations sonores, on peut suivre quelqu'un afin d'avoir accès à son actualité. Les utilisateurs ne vendent pas leur musique mais la postent sans contrainte de format. Beaucoup d'artistes utilisent cette plate-forme pour poster des musiques additionnelles. Son utilisation permet également de découvrir des artistes grâce aux hashtag (#), qui répertorient les musiques, mais aussi grâce à son lecteur automatique. Pour illustrer cette utilisation du site, l'artiste Hong Kong Express déclare, dans une interview61 : « I love going on Soundcloud and just listening to the stream, knowing I may never hear these songs again, and they will just disappear into the wind. » Cette utilisation est similaire à celle d'une radio, Soundcloud repère les related tracks grâce au hashtag et entraine l'auditeur dans un voyage musical. On navigue alors de musique en musique, sans forcément prendre le temps de bien les écouter, pour accompagner une action du quotidien. Ensuite, d'autres sites de streaming sont organisés autour du téléchargement participatif. 59 Quelques exemples de web radios : http://vwaveonline.tumblr.com/, https://plaza.one/, http://mixlr.com/vaporwave-radio/, consulté le 11 mai 2016 60 http://www.alexa.com/siteinfo/soundcloud.com, consulté le 11 mai 2016 61 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 4 mai 2016 21/85 Bandcamp Bandcamp est un site de streaming et d'achat de musique, classé 1396 ème mondial par le site Alexa62. C'est sur ce site que se déroule la majorité des transactions des albums de vaporwave. En effet, c'est sur cette plate-forme que les labels présentent, vendent et partagent leurs artistes. Le slogan du site est Discover amazing new music and directly support the artists who make it. Le site laisse la possibilité à chacun de poster et vendre sa musique, en laissant le choix du prix aux artistes. Le musicien peut également proposer sa musique gratuitement, ou avec un prix libre. En échange de son service, le site garde 10%, pour les objets, ou 15% pour les ventes digitales, de la transaction63. Cette liberté, l'absence de frais et le peu de taxes permettent aux labels de vaporwave de s'organiser librement. De plus, le site laissant la liberté de présenter sa page avec des esthétiques personnelles, il est finalement créé pour les formes de labels et d'artistes voulant rester indépendants. - La place du label à l'ère du digital Alors que la majorité des transactions sont numériques64, et que les studios se sont transformés en home studios, la création et la finition de l'objet n'est donc plus le rôle premier des labels. De plus, les artistes peuvent maintenant s'occuper eux-mêmes de la distribution sur le net de leur musique, puisque que celle-ci ne demande également plus aucun frais. On peut se demander quel est le rôle d'un label aujourd'hui. Comme toujours, quelqu'un s'est déjà posé cette question sur Reddit. Un redditor à créé le thread The Role of Labels in Vaporwave65 et donc recueilli, malgré lui, quelques témoignages. Un utilisateur explique que : « I think labels are definitely helpful especially when it comes to vaporwave, because they act as content curators based around a certain theme or subgenre and they establish a level of quality that you can reliably expect from the releases they put out. There's a TON of vaporwave coming out, so following a bunch of different labels is very helpful to filter out content and to discover new music. [...] vaporwave has a few labels that tend to put out VERY specific stuff - Dream Catalogue is now more experimental and dark, Business Casual is future funk, Plus 100 is Vaperror stuff, Cyber Dream is vapor-ambient, Fortune 500 and Ailanthus are where all the classic vaporwave is at and so on. » Le rôle d'un label de vaporwave est donc de se spécialiser dans un aspect spécifique du style afin de guider les auditeurs. Il est également essentiel pour trier, organiser et conserver une trace de cette masse de musique étant donné son processus de création rapide. En effet, des artistes créent jusqu'à une musique par jour66, ce qui fait un nombre gigantesque d'albums créés chaque jour. Anthony Fantano, youtubeur spécialisé dans les reviews d'albums, 67 rajoute que : « Label like documentation, guide the direction with the choice of promoted artist » Le label, avec le choix de promouvoir certains artistes ou non, oriente l'écoute et donc la définition d'un style. Par exemple, en proposant des albums sans sample, Dream Catalogue, de par sa notoriété, a réussi à repousser les limites esthétiques et techniques de ce mouvement. Le cocréateur de ce label a d'ailleurs déclaré68 que : 62 http://www.alexa.com/siteinfo/bandcamp.com, consulté le 11 mai 2016 63 https://bandcamp.com/pricing, consulté le 4 mai 2016. Les frais chutent à 10% dès que les ventes digitales dépassent 5000$ sur moins d'un an. 64 Les labels proposent également des tirages cassettes ou vinyles, mais à très peu d'exemplaires. 65 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/4ess0u/the_role_of_labels_in_vaporwave/, consulté le 4 mai 2016 66 J'ai suivi la page soundcloud de l'artiste PZA 比薩比萨 pendant quelques semaines, et réalisé qu'il postait plus d'un nouveau morceau par jour. https://soundcloud.com/pza420, consulté le 4 mai 2016 67 TND podcast #5 LIEN et TEMPS 68 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 4 mai 2016 22/85 « I really started the label as a hobbyist thing to put out mine and some friends releases on Bandcamp, to present kind of a “collective” aesthetic » L'idée de rassembler des artistes autour d'une esthétique commune permet de préciser et revendiquer certains aspects du style. Afin de récupérer mon propre avis éclairé, j'ai contacté un directeur de label, Blake. « I want to use this label as a platform to promote smaller artists that I really think are great. Not everyone can afford to drop some money on cassette copies of their work, so we really want to specialize in short runs and “print upon order” tapes, so everybody with the talent gets to have their work in physical format. » Il voit son label comme un moyen de promouvoir les artistes qu'il apprécie, en leur fournissant le moyen d'avoir des sorties physiques d'albums, comme un label traditionnel. « I think the role of the label at this point in time is to further the success of the artist. For societal reasons, the record label is viewed with sort of higher standards than self-releases. This doesn't mean self-releases aren't any good. Some of my favourite albums were done this way. I just think if people see an artist's music on a label, it automatically validates it to some degree. Like, ”Well the label thought it was good enough to put out, so perhaps its worth checking out.” » Comme marque de qualité, le label, à travers ses goûts, guide l'auditeur parmi la quantité gigantesque d'albums réalisés. Aujourd'hui, les labels de vaporwave rassemblent les artistes autour d'aspects particuliers de ce mouvement, ils leur donnent une visibilité et le moyen de presser leurs musiques sous un format physique. b. Sites d'hébergements Le particulier chez un hébergeur Les différents sites d'hébergement permettent aux utilisateurs de partager gratuitement des fichiers, ou groupes de fichiers, à des particuliers ou publiquement. Cela permet de créer une bibliothèque personnelle sur son ordinateur. - Compilations d'albums Ce type de plate-forme a permis aux utilisateurs de constituer des compilations, créées et utilisées comme guides pour les fans du style. Cela permet d'accéder à une banque exhaustive d'albums très rapidement. Personnellement, cela m'a permis de découvrir comment des personnes organisaient cette musique et de m'initier au style. Les créateurs de ces compilations restent anonymes mais s'identifient par la plate-forme où ils se regroupent. Ainsi, à l'image de la dualité présentée précédemment, les utilisateurs de 4chan ont créé leurs compilations, nommée Vaporwave Essentials, et les redditors ont fabriqué deux compilations Best Vaporwave Albums de 2014 et 2015. Voilà la liste de toutes les compilations publiques que j'ai trouvées : “Vaporwave Essentials 1 Vaporwave Essentials 2 Vaporwave Essentials ULTRA Vaporwave Essentials 2K15 Edition Vaporwave Subgenres (reddit) Best Vaporwave Albums of 2014 Best Vaporwave Albums of 2015 8/mu/ Vaporwave Library” 23/85 Ces compilations sont partagées via l’hébergeur Mega, qui permet de ne télécharger qu'une partie de chaque compilation, si souhaité. Lors de mes interviews, j'ai demandé des détails aux artistes ayant été compilés. Aucun ne connaissait les créateurs des compilations, Vaperboy m'a confié qu'on ne lui avait pas demandé la permission d'inclure son travail dans la compilation Vaporwave Essentials ULTRA. Les Best Vaporwave Albums of ont été constitués sur reddit69 à la suite d'un vote. La pratique de la compilation a aussi été organisée sur des sites privés, mais elles ont souvent une durée de vie moins importante. Par exemple, The Vaporwave Library Project, hébergé par le site Vaporwave.me compilait un ensemble d'albums, de clips et d'images important, mais son créateur n'a pas pu le pérenniser à cause d'un voyage à l'étranger.70 Le partage d'albums gratuits et l’accessibilité facile aux compilations, ont remplacé la pratique illégale, mais banale, du P2P, via les torrents, utilisée par les mélomanes du web. 3. Articles, blogs et sites participatifs a. Esthétique Tumblr Tumblr est un site de création de blog concentré sur le visuel. Il est le 46ème site le plus populaire au monde selon Alexa71. Sur sa page d’accueil72, le site déclare que ”Nous avons fait en sorte qu'il soit très facile de créer des blogs sur Tumblr et d'y publier tout et n'importe quoi : des histoires, des photos, des GIF, des émissions télévisées, des liens, des blagues stupides, des blagues intelligentes, des morceaux de musique Spotify, des MP3, des vidéos, des trucs géniaux, etc. Tumblr, c'est 293 millions de blogs sur à peu près tous les sujets (littéralement).” Dans le cadre de la vaporwave, Tumblr est utilisé pour créer des pages esthétiques, étant donné que l'utilisation du site laisse une place importante au visuel. Cet espace a permis aux utilisateurs de partager et construire une partie des composantes visuelles du style. b. Informatif Une grande partie des blogs traitant de ce sujet propose une initiation au néophyte. Ces sites permettent de faire découvrir le style à un public extérieur. Les caractéristiques insolites du mouvement permettent aux rédacteurs d'avoir de bonnes accroches. Chacun présente la vaporwave à sa façon sur un aspect différent, alors que le site Chill And Relevant73 se concentre sur l'ironie politique de cette musique, Kill Screen74 nous parle de son affiliation avec le mouvement sea-punk. De plus, cela permet à la vaporwave de percer auprès du grand public, notamment lorsqu’un magasine tel que Rolling Stone classe l'artiste de vaporwave, 2814, dans les 10 New Artists You Need to Know.75 69 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/3l4wu6/the_best_vaporwave_albums_of_2015_poll_results/, consulté le 11 mai 2016 70 https://archive.is/39FSI, consulté le 11 mai 2016 71 http://www.alexa.com/siteinfo/tumblr.com, consulté le 12 mai 2016 72 https://www.tumblr.com/, consulté le 4 mai 2016 73 http://chillandrelevant.blogspot.fr/2012/11/micro-genre-la-con-1-la-vaporwave.html, consulté le 11 mai 2016 74 https://killscreen.com/articles/ecco-the-dolphin-glitch-art-is-all-your-vaporwave-dreams-come-true/, consulté le 11 mai 2016 75 http://www.rollingstone.com/music/lists/10-new-artists-you-need-to-know-november-2015-20151125/2814- 24/85 Sites participatifs Ces sites constituent une bibliothèque accessible à tous, où chacun se spécialise sur un type d'information. Participant à la philosophie de l’anonymat, ce sont les utilisateurs qui créent le contenu pour les utilisateurs. D'abord, on peut citer Whosampled, où les utilisateurs cherchent les samples que chaque artiste a échantillonné, ou Encyclopedia Dramatica76, Wikipedia, Know Your Meme77 ou encore Wikia78, où les utilisateurs participent à une définition ou une explication organisée du mouvement. Ces sites permettent de mélanger le point de vue, certes amateur, de chacun, afin d'avoir une vision objective du mouvement. c. Réflexif Les articles permettent également à des auteurs de présenter leurs réflexions autour du style. L'auteur le plus cité est sans doute Adam Harper79, notamment pour ses deux articles publiés par le webzine Dummy. Ces articles constituent une base de réflexion autour du début du style, et a été source de débat et de controverses sur les réseaux sociaux80. Sur la partie wiki de Reddit81, un modérateur, sous le pseudo newkleuz, a également écrit un article dans lequel il exprime son point de vue. J’expliquerai, par la suite les différents discours que chacun de ces articles abordent. Pour l'instant, j'aimerai me concentrer sur l'aide que ces articles constituent dans les réflexions des auditeurs déjà initiés au style. Les articles et les blogs ont une fonction esthétique, informative et/ou réflexive. Le rôle du blog privé comme site de partage de musiques illégales est quasiment absent dans la vaporwave. Le besoin n'est pas là étant donné les différentes compilations accessibles gratuitement. Afin de conclure, j'aimerai tirer une réflexion de ces recherches. L'ensemble de ces site, avec chacun leurs spécificités, crée un espace d'expression et de partage régi par l'interaction entre ces différentes plate-formes. Chaque structure propose un type d'utilisation spécifique, pouvant procurer une expérience aussi bien récréative que sociale ou réflexive, pouvant également servir d'outil ou d'espace de stockage. La manière dont ces sites interagissent et sont agencés, en perspective avec ce que les utilisateurs en font réellement, modifient le type de relation et de comportement entre chaque utilisateur, et donc l'organisation toute entière du mouvement. L'espace, ici virtuel, dans lequel un style évolue détermine ses caractéristiques et son histoire. Cet espace n'est, en grande partie, pas spécifique à la vaporwave, les autres styles musicaux fonctionnent maintenant de la même manière. Mais, étant le premier style s'organisant fondamentalement en ligne, la vaporwave est un bon exemple pour explorer les interactions entre chaque monde, les sites, comme éléments d'un seul univers, le web. Afin de synthétiser et d'éclairer mon propos, vous trouverez en annexe un schéma récapitulatif de ce milieu musical.p79 20151124, consulté le 10 mai 2016 76 https://encyclopediadramatica.se/Help:Contents#Making_Edits, consulté le 10 mai 2016 77 http://knowyourmeme.com/blog/rules-and-guidelines/, consulté le 10 mai 2016 78 http://aesthetic.wikia.com/wiki/Vaporwave, consulté le 10 mai 2016 79 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave et http://www.dummymag.com/features/essay-invest-in-vaporwave-futures, consulté le 10 mai 2016 80 http://rougesfoam.tumblr.com/post/67506567085/10-popular-misconceptions-about-my-original, une réponse de l'auteur face à ses critiques, consulté le 10 mai 2016 81 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/vwandthepeoplewholisten, consulté le 10 mai 2016 25/85 B. Les caractéristiques basales 1. Les vaporwaveurs Il ne faut pas percevoir l'échantillon de personnes que j'ai interviewées comme représentatif, mais comme un exemple de personnes gravitant autour de ce milieu musical. L'échantillon se compose de huit artistes, un directeur de label, un modérateur du sub-reddit vaporwave et d'un musicologue, également journaliste. Toutes ces personnes seront présentées anonymement, leurs pseudonymes et noms ont été modifiés. Pour plus d'information à propos de chacun d'entre eux, ils sont présentés en annexe.p74 Ce sont tous des hommes âgés de 16 à 30 ans, avec une moyenne de 24 ans. Leur position géographique est très hétérogène, il semblerait que le développement sur internet ait permis au style de se développer rapidement dans le monde entier, ou presque. Mon échantillon est composé d'un français, de deux anglais, de trois américains, d'un russe, d'un sud coréen, d'un suédois et de deux canadiens. Toutes ces personnes sont issues de grandes villes ou de capitales. En regardant les courbes de tendances géographiques de Google, on constate que la principale barrière du style est celle de la langue. En effet, le style s'est essentiellement développé dans les pays anglophones ou partiellement anglophones. Grâce à Google tendance, j'ai comparé la notoriété de ce mouvement dans différents pays par rapport au nombre de recherches google sur le web.76 Cela permet d'observer comparativement la popularité de ce style dans chaque pays où ils évoluent. J'ai eu la surprise d’observer que le mouvement s'était grandement étendu en Australie, alors que je n'ai rencontré aucun australien lors de mes recherches. Toute ces personnes proviennent de milieux sociaux très éclectiques et ont au minimum un niveau d'études secondaires, du diplôme de fin de lycée jusqu'au doctorat. Leur particularité commune réside dans le milieu professionnel ou universitaire dans lequel ils gravitent. Même si beaucoup ne perçoivent pas de lien entre leur travail et leur passion musicale, ils vivent presque tous dans un milieu en lien avec la technologie ou l'informatique. Par exemple, Aleksandr, un artiste Russe de 24 ans « work at the defence industry complex as a technical engineer », V-MVSIC, travaille dans le « Freelance web design, graphix », Japanese Darkness travaille comme « application developer [...] in Amanda (only on korea appstore) », et le reste des participants, comme technicien audio visuel, gérant d'une radio locale, programmateur informatique ou étudiant en licence d'informatique. La seule exception est une personne qui est tout de même très intéressée par l'informatique et qui passe beaucoup de temps sur le web. Pour reprendre les mots de モ Mall , « this music is generally listened to by the sleepless, web-browsing individual, searching for the next compelling find.. » Tous ont découvert la vaporwave sur internet. Par exemple, Vaperboy, Japanes Darkness, Aleksandr, Version Red et Matthew ont découvert le style en parcourant des vidéos sur le site de streaming Youtube. Parmi eux, plusieurs ont découvert le mouvement à travers la chaine artzie music82 ou en tombant sur “ サ ン ク 420 / 現 代 の コ ン ュ ー ”, de Macintosh Plus, se propageant sur internet à l’instar d'un mème. D'autres ont découvert le style via des blogs, alors que les derniers l'ont découvert via le hashtag vaporwave sur Last FM. Pour l'anecdote, V-MVSIC n'a découvert le style que lorsque des utilisateurs de Last FM ont étiqueté sa musique comme vaporwave. 82 https://www.youtube.com/user/ArtzieMusic, consulté le 7 mai 2016 26/85 De plus, peu d'entre eux ont réalisé, ou mené jusqu'au bout, des études de musique, ils sont quasiment tous autodidactes. Egalement, ils sont tous bed-room producer, c'est à dire que l'ensemble du processus de création de leur musique se déroule à l'intérieur de leur maison. En tant que mélomane, leur écoute se trouve globalement dans la sphère des musiques actuelles amplifiées depuis les années 80, avec un intérêt particulier chez certains pour les premières expérimentations électroniques des années 50 et 60. Ces personnes ont pour caractéristiques communes leur tranche d'âge, leur localisation autour d'une métropole et leur passion pour le web et le numérique. 2. Contexte Comme mentionné précédemment, ces personnes vivent dans de grandes villes. Malgré la distance qui les sépare, ils partagent les mêmes objets et environnements quotidiens. Ils habitent dans un contexte où l’utilisation du numérique et d'internet est devenu banal, dans lequel nous appréhendons largement l’utilisation de ces objets technologiques. Le terme post internet a été créé pour expliquer que nous n'en sommes plus à la découverte de ce moyen de communication, que nous abordons ces outils avec maturité et que son fonctionnement est devenu un caractère essentiel de notre organisation économique, sociétale et sociale. Karen Archey et Robin Peckham présentent l'art post-internet, dans une brochure pour le Ullens Center for Contemporary Art en expliquant que : “This understanding of the post-internet refers not to a time “after” the internet, but rather to an internet state of mind—to think in the fashion of the network. In the context of artistic practice, the category of the post-internet describes an art object created with a consciousness of the networks within which it exists, from conception and production to dissemination and reception.” La vaporwave, en s'inscrivant au sein du web et de ses structures, peut être définie dans cette catégorie encore floue. La communauté autour du style a conscience des spécificités du milieu dans lequel elle gravite. Avec la popularisation de l'ordinateur et d'internet, tout le monde a accès à toutes sortes d'informations et de fichiers, et dispose d'outils pour traiter facilement ces informations ou fichiers multimédias. Pour reprendre les mots d'Antoine Hennion83, à propos de la querelle entre les « baroqueux » et les « classiqueux » : ”C'est un rapport au temps, et non à la seule notation, qui a changé, tel que la musique le sort de nous pour l'afficher hors de nous, devant nous, dans des objets, des œuvres, les barres régulièrement espacées de partitions, plus tard les pulsations réglées des métronomes” Comme le métronome a changé notre rapport au temps, et donc à la musique, l'ordinateur et internet ont rendu la musique malléable et hyper-accessible. Cette conscience de l'espace virtuel et de ses nouveaux objets ont redéfini la façon que nous avions d'envisager, de pratiquer et de consommer la musique. La perception du passé est une composante importante des discours, elle permet de comprendre la perception que ces individus ont du contexte actuel. Newkleuz, modérateur du subreddit vaporwave, propose, dans son essai Vaporwave and the People Who Listen to it: A Personal View, une réflexion personnelle sur la relation entre l'esthétique du style et l'expérience sociale des artistes, aboutissant à la création d'une scène. Il base sa réflexion à partir d'un fil de discussion sur le site 4chan.84 Finalement il déclara que : 83 Antoine Hennion, La Passion musicale. Editions Metailié, 1993, p59 84 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/vwandthepeoplewholisten, consulté le 22 avril 2016 27/85 « The narrative of Western civilization has become a broken record...should we be surprised when a chopped and screwed trip through the cold war period resonates broadly? Vaporwave creates a language to reflect on the inability to break free from the chains of an Orwellian culture. » Il témoigne d'un ressenti de non-confiance et peur de la société, qu'il compare à une culture orwellienne85, qui paraît résonner au sein de cette communauté. L'auteur se base également sur les caractéristiques sombres et dystopiques exprimées dans certains albums. モ Mall explique sa vision du passé, par l'influence de la culture japonaise sur le monde, et la propagation de la culture de la consommation : « From the late 1970s to mid '80s, Japan’s economy was the strongest in the world, second only to the United States, which gave rise to a strong consumer culture in the mid to late '80s. Japan also became the global center for technological research and development during this time. Forms of Japanese entertainment that would later become popular in the United States (such as video games, anime, and manga) were also at their peak, generating some of the most-beloved products of a generation. Conversely, many other products were developed that never gained the public’s favor, or were bought out or defeated by a competitor, leaving behind a trail of obsolete electronics in consumers’ garages to be re-discovered later. » Témoignant d'une mondialisation culturelle, son témoignage montre que les artistes de vaporwave ont grandi avec des objets de toutes origines. Ensuite, il m'exprima sa perception de l'utilisation et de l'évolution de la musique dans la société : « Pop music in America and Europe was becoming increasingly synth-heavy and dance-oriented in the 1980s. While techno and house music were on the rise, more mellow genres such as smooth jazz, adult contemporary, and new-age music were gaining in popularity. This music became very commercially successful, and was favored for its use in setting “the mood” of a space. Whether it was to encourage worker productivity or lure customers into browsing, this “Muzak” became ubiquitous, being played in all types of public spaces, from office buildings to shopping malls. Pop music was often recreated into instrumental versions for these purposes as well. » モ Mall met donc en avant l'évolution à des fins commerciales de la musique, avec la norme d’utilisation de certaines musiques dans des lieux spécifiques. Il met l'accent sur le caractère omniprésent de cette pratique. Il faut garder à l'esprit que ces témoignages restent personnels. Ils constituent de bonnes idées de ce que des personnes, participants activement à cette culture, peuvent percevoir de leur passé et de leur environnement. J'expliquerai ces propos par la suite, lors de mon étude sur les différents discours. 85 En résonance directe avec le livre 1984 de George Orwell 28/85 C. What the Hell is vaporwave ?86 1. Du cliché au préjugé ; les visions grossières Afin d'aider le lecteur à la compréhension du mémoire, étant donné la faible notoriété que ce style possède, je vais procéder à une courte présentation du mouvement, par l'explication des mythes, clichés et a priori perçus dans ce mouvement. Quand j'ai demandé à Japanese Darkness ce qu'était la vaporwave, il m'a envoyé une illustration représentant The Vaporwave Producer Starter Pack87. L'illustration se moque des aprioris partagés sur la vaporwave, elle présente le logiciel ableton live, google traduction (de l'anglais vers le japonais), une pochette d'album de Diana Ross et d'autre objets caractérisant grossièrement le style. Cela constitue une blague tournant sympathiquement le style en dérision. Cela a l'avantage de montrer comment une grande partie de gens perçoivent ce mouvement et ses caractéristiques, qui sont représentatives d'une partie des pratiques de cette musique. Musicalement, ces clichés font principalement référence au début de la vaporwave. vaperboy explique, en labellisant le style de proto-vaporwave88 que « Going strictly from a “proto-vapor” perspective, it's like chopped and screwed, digitally manipulated music from the 80s [...] Reverb, Phasers, flangers and delay is common, rough, out of time chops [...] Lofi plugins, made to sound like an old recording ; Almost always pitched down. » Le mythe89 veut que, à l'instar de Version Red, ces producteurs soient des adolescents américains de 16 ans produisant, dans leur chambre, de la musique à base de samples d'époque qu'ils n'ont jamais connues (80's, 90's), en accompagnant leur album de caractères extra occidentaux, qu'ils ne comprennent pas, le tout illustré par un collage kitsch d'éléments aléatoires comme des pubs, des dauphins ou des statues grecques. Steve, universitaire et journaliste anglais, m'a présenté le style de cette manière : « Lying somewhere between production and DJing, vaporwave samples late-twentieth-century pop and muzak, typically with a smooth, adult-contemporary flavour, and loops them extensively, often pitching and slowing them down into a tranquilised sluggishness. A major aesthetic dimension to vaporwave is its associated artwork and the surrounding text (frequently all in loud capitals). [...] This techno-corporate exoticism is regularly taken further into hi-tech orientalism with the use of East Asian characters and images » Ces artistes possèdent, avec internet, un ensemble de ressources, sonores et visuelles, immenses et variées. Sur youtube, les compilations, présentées comme vaporwave, possèdent majoritairement cette esthétique musicale19. Il semble que la communauté se soit mise d'accord sur l'identification d'une esthétique particulière. Cependant, étant donné le nombre d'artistes repoussant la frontière de cette définition, cette musique reste très controversée. On trouve des débats sur la nature de cette musique sur Reddit90, dans les commentaires Youtube ou même à travers certains albums ou compilations91. Le directeur du label Dream Catalogue, Hong Kong Express, déclare dans un 86 Terme emprunté au documentaire Vapourwave: A Brief History, https://www.youtube.com/watch? v=PdpP0mXOlWM, consulté le 27 mai 2016 87 http://i.imgur.com/5D7GlTi.jpg, consulté le 11 mai 2016 88 Parfois nommé classic style 89 https://www.youtube.com/watch?v=PdpP0mXOlWM, à 4 minutes 30, consulté le 11 mai 2016 90 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/4amp3m/help_finding_classic_style_vaporwave/, consulté le 17 mars 2016 91 https://colosseumrecords.bandcamp.com/album/now-thats-what-i-call-vaporwave, consulté le 21 avril 2016 29/85 interview92 que : « There is a lot of album trying to push the boudaries, sometime the get accepted by the vaporwave community, sometime they got or rejected it » Le mouvement est en constante redéfinition. 2. Création de références La notoriété d'un grand nombre d'artistes leur a donné un statut de référence. Ces artistes, mis en avant de la scène, constituent alors une aide à la définition du style. Tout en présentant aux non-initiés quelques noms qui ont marqué ce mouvement, j'aimerais montrer l'importance de la mise en avant de certains artistes par rapport à l'évolution de ce mouvement, en supposant quelques pistes de réflexions sur la manière dont ils ont été popularisés. Tout d'abord, tel un hymne à la vaporwave qui se répand à la manière d'un mème sur les réseaux sociaux, “ サ ン ク 420 / 現 代 の コ ン ュ ー ” d e MACINTOSH PLUS est devenu le morceau de vaporwave le plus populaire93. Sans véritablement de raison apparente, ce sample, provenant de It's your move de Diana Ross, fait le tour du web. Musicalement, cette musique est, tant par le sample choisi que par son organisation, accrocheuse. La mélodie, simple, débute directement et est répétée en boucle, elle conserve les caractéristiques esthétiques et techniques de la vaporwave, la transposition vers le bas d'un morceau populaire pré-existant, sans avoir recours à des expérimentations trop ésotériques. La review94 d'Anthony Fantano, youtubeur, de Floral Shop, postée le 28 novembre 2012, alors que le mouvement n'en était alors qu'à ses débuts, a sans doute permis à ce morceau d'être projeté sur le devant de la scène. Le fait que cette musique soit citée dans les premières références lorsque l'on initie quelqu'un à la vaporwave permet de définir le style en se basant sur cette expérience musicale commune. Sans donner beaucoup plus d'informations, j'aimerais préciser que chaque style présente une série de références qui aide à le définir, voire à se développer. Ces albums se situent souvent au début, autour de la création du mouvement. Ainsi, parmi les sous-genres issus de la vaporwave, Blank Banshee, Saint Pepsi et 2 8 1 4 sont cités comme, respectivement, précurseurs de la vaportrap, le future-funk et la vaporwave ambient de Dream Catalogue95. En conclusion, le fait de choisir des artistes de référence est essentiel, on éprouve ce besoin pour pouvoir orienter notre vision esthétique et conceptuelle d'un style. 92 http://www.theneedledrop.com/podcast/2015/7/tnd-podcast-5-the-vaporwave-episode (à 1h:00m:50s), consulté le 21 avril 2016 93 https://www.youtube.com/watch?v=cU8HrO7XuiE, consulté le 21 avril 2016 94 https://www.youtube.com/watch?v=f0D9IyyeEEU, consulté le 10 mai 2016 95 https://forecastpodcast.bandcamp.com/track/oscast-22-the-needle-drop-2-2, à 16 minutes 15, consulté le 11 mai 2016 30/85 Chapitre II. Décryptage et controverses A. Définitions des internautes 1. Origines Pour mieux comprendre cette musique, il faut se pencher sur ce que les gens perçoivent à l'origine de celle ci. Au delà des groupes et styles cités, c'est une culture, avec ses propres techniques et idéologies à laquelle ils font référence. La caractéristique sample-based fut la plus récurrente, mais à propos de styles et d'artistes différents. D'abord Aleksandr, ingénieur russe, voit en l'album Old Tunes de Boards of canada, créé en 1996, les prémisses de ce style. « it began since i were intrested in samples at all from the early Boards of Canada tracks in Old Tunes […] Old Tunes are probably the most vapor-prehistorics for me )) » En effet, certains morceaux de cet album ont une démarche assez similaire aux artistes de vaporwave. Par exemple, le morceau “Trapped” contient des samples de Colonel Abrams ralentis et réverbérés. Cela est à mettre en perspective avec d'autres artistes du label anglais Warp records, souvent cité comme référence. Au sein du chapitre Artificial Intelligence : How electronic music moved from dancefloor to armchair, extrait du livre Warp labels unlimited, Rob Young, déclare que : ”The stereotype of the bedroom songwriter had evolved into the bedroom programmer” Ces artistes se rejoignent autour du style IDM (Intelligent Dance Music) e t furent les premiers à concevoir la musique électronique comme une musique d'intérieur, que l'on crée, avec le home studio, et écoute chez soi96. Toujours dans la catégorie plunderphonics, Jérémy, un auditeur de 23 ans Dijonnais, m'a affirmé que « tout est arrivé par DJ Screw » en justifiant avec l'exemple de : « Vektroid, qui a largement popularisé une certaine idée de la vaporwave, moins expérimentale que James Ferraro ou Daniel Lopatin, utilise la technique de DJ Screw, le screwed n’ chopped, sur des samples de musiques funk, disco ou pop, ralentissant le tempo, aggravant les parties vocales, ajoutant certains effets de reverb et de delay, etc. » Les rapprochements avec la musique hip hop sont nombreux, notamment en raison de leur rapport fort au sampling. Chill-Cube m'a confié que : « Vaporwave and hip hop are both often sample-based (of course, there's also both hip hop and vaporwave without samples). Both a vaporwave song and a hip hop song can be chopped up jazz with added drums. » Sinon, c'est à la scène expérimentale, notamment avec le glitch art, que le style est affilié. Pour reprendre les propos de l'artiste モ Mall : « Not only did glitch art aesthetically match with vaporwave and mallsoft, but I liked how weird and surreal they were as well [...] the « internet culture » style ones are tangentially-related to glitch art ones » 96 Rob Young, Warp labels unlimited, Black Dog Publishing, 2006, p55. 31/85 Comme l'artiste a commencé à le mentionner, la scène ambient, de par son esthétisme et son concept, est une grande influence pour la vaporwave. Anthony Fantano, dans le podcast OSCAST de OSCOB et 3D Blast97, déclare que : « kind of bridge between plunderphonic and ambient music » Après cela, il rajoute l'influence de l'utilisation de la musique d’ambiance, proposée par l'entreprise Muzak, sur la vaporwave. De plus, Steve, journaliste, rajoute, en citant le groupe Combustible Edison comme « the 90s equivalent of vaporwave », que : « Yeah, I'd say vaporwave is part of a family of styles, like seapunk, chillwave, hypnagogic pop, health goth, both because of its sound and because of its context. electronic and/or underground music in general, really there are echoes of ambient music and the lounge revival of the 90s » Comme il le fait également remarquer, la filiation avec les autres styles gravitant sur internet est évidente. De manière extra-musicale, la vaporwave est également comparée au mouvement dada ou au ready made, à cause de la ré-utilisation, presque à l'identique, d’éléments préexistants, et son côté provocateur. Ces origines sont tout aussi pertinentes, et expliquent chacune des pratiques ou approches esthétiques du mouvement. J'expliquerai, par la suite, plus en détail les empreintes des composantes sonores et esthétiques de chaque style. 2. Définitions Lors de mes entretiens, j'ai posé la question How do you define vaporwave ?. Le but était de découvrir la manière que ces personnes avaient de percevoir et de définir ce style. C'est un point crucial de ma grille d'entretien, étant donné les controverses à propos de l'esthétique sonore du style. Cela me mène au propos de Version Red qui pense que : « vaporwave is undefinable. everyone will have a different definition » Parallèlement à cela, cette question m'a permis de décomposer et d'analyser les différentes façons de définir un style musical selon les types de réponse de chacun. Cet exercice m'a fait remettre en cause la suprématie de la caractéristique sonore dans la définition d'un genre musical. - Esthétique Le premier point de vue, qui paraît fondamental au sens commun, est celui de l'expérience esthétique, transmise par les caractéristiques sonores et visuelles du style. Mon idée de l'esthétisme a été grandement inspirée par le livre Performing Rites On the Value of Popular Music de Simon Frith, notamment son idée98 que : ”The aesthetic response is, by its nature, an ethical agreement” Cet accord implicite, créé par l'expérience et la réponse sonore de chacun, est une approche qui justifie toutes les controverses esthétiques autour d'une musique. Les auditeurs définissent l'expérience esthétique qu'ils ont d'une musique par leur écoute, leur manière d'écouter celle-ci et la confrontation de leurs points de vue, au sein d'un contexte spécifique. C'est donc nos expériences passées, toutes différentes, qui guident notre argumentation. Je vais présenter comment les gens définissent cette esthétique, c'est à dire l'expérience que les gens ont de ce style, à travers les différentes approches abordées. 97 https://forecastpodcast.bandcamp.com/album/oscast-22-the-needle-drop, à 13:40, consulté le 4 mai 2016 98 Simon Frith Performing Rites On the Value of Popular Music, Harvard University Press, 1996, p272 32/85 - Émotionnelle Dans le cas de la vaporwave, il est intéressant de constater que, même si les gens ont du mal à expliquer la musique, la perception émotionnelle qu'ils en ont paraît plus partagée. Japanese Darkness, producteur sud coréen de future-funk, un sous-genre provenant de vaporwave, me répond : « I can explain [with] one word “nostalgia” » alors que Blake, modérateur du sub-reddit vaporwave, m'explique l'importance de son ressenti dans sa définition, en m'expliquant cette musique de manière imagée. « I hear vaporwave and imagine it to be half-remembered dreams, sort of how the nostalgia plays a role in the aesthetic. » Les artistes m'ont souvent donné des métaphores pour définir le style, comme un accord implicite de ce qu'est ce genre. Elles se rejoignent autour d'une idée de l'ordre du flou et de l'onirique, comme une perception filtrée de la réalité, à l'image du détournement des sample qu'ils utilisent. Pour reprendre les propos de wosX99, cette musique est une : « dirtording perception of reality » De plus, V-MVSIC m'a partagé que « i'd define it as a faint past memories ». Alors que Blake me dit qu'il partageait le « HKE [Hong Kong Express] 's point of view, with the dream aspect. I hear vaporwave and imagine it to be half-remembered dreams [...] Even blurred memories are a close element to vaporwave. » Tous ces témoignages font référence à une nostalgie profonde, comme un souvenir vaporeux d'une époque n'ayant jamais exister. A cela, on peut mettre en perspective les propos d'Antoine Hennion100 qui écrit que : ”D'un écran opaque, où lire ce qu'il y a de plus secret dans les représentations imaginaires d'une société, l'art devient l'écran transparent qui permet d'écrire une représentation imaginaire de la société” La singularité émotionnelle que les gens perçoivent dans un style est une caractéristique importante dans la définition d'une musique. On peut citer des contre exemples comme l'album 슈퍼마켓 Yes! We’re Open101 de 식 료 품 groceries ou une grande partie du sous genre Mallsoft, mais la caractéristique imagée et introspective est quasiment toujours présente. L'immersion dans un espace sonore inédit semble être une composante essentielle du style. 99 https://www.youtube.com/watch?v=r-OuJiw5D7M, TND Podcast - The Vaporwave Episode, consulté le 11 mai 2016 100Antoine Hennion, La Passion musicale, Metailié, 1993, p96 101 https://groceries-store.bandcamp.com/album/yes-we-re-open, consulté le 27 mai 2016 33/85 - Esthétique musicale Comme mentionné précédemment, l'esthétique sonore de ce style est très controversée, notamment dans l'inclusion, ou l'exclusion, d'artistes qui repoussent, souvent malgré eux, les limites de ce style. Adam Harper, docteur en musicologie, explique que : « the typical vaporwave track is a wholly synthesised or heavily processed chunk of corporate mood music, bright and earnest or slow and sultry, often beautiful, either looped out of sync and beyond the point of functionality or standing alone, and sometimes with a smattering of miasma about it » 102 Cela constitue une définition sonore du style, comme Chill-Cube m'explique que « I'd say that vaporwave is an effect-heavy genre drawing influence from genres that are considered cheesy, like 80s pop and smooth jazz, and turning them into something chill and beautiful. It's hard to specify exactly, but I think the slow, heavy, reverbed, lo-fi sound with a lot of 80s synths and (often) saxophone makes it vaporwave. » Et un redditor ajoute, lors d'un débat103 : « For me, its mostly about the 'feel' of the song. I find a lot of songs to be 'vaporwavy' even if they are not classified as such. Vaporwave seems to be about an aesthetic, the colors and feelings I associate with vaporwave might be different than you » En quoi est-il difficile de définir esthétiquement ce style ? D'abord, c'est un style qui est encore actif, donc en constante redéfinition. Ensuite, une grande partie de son esthétisme est empruntée aux musiques que les musiciens échantillonnent, on peut finalement créer une version vaporwave d'un peu n'importe quoi, et donc emprunter le langage musical de beaucoup de genre. C'est donc parfois une question de contexte et de concept qui donne la caractéristique vaporwave à une musique. Par 104 exemple, dans la vidéo LL postée par Lucien Hughes, la musique peut être perçue comme vaporwave par la référence aux années 80, alors qu'elle appartient au style synthwave ou outrun, à cause du style visuel. Cependant, elle n'est pas vaporwave car elle ne possède pas le même processus de création. Des auditeurs ont même créé des compilations nommées Vaporwavish Albums où ils citent des albums contenant des esthétiques vaporwave, sans en être du tout pour autant. Ses normes esthétiques sont également directement issues des précédents courants sur internet, comme la chillwave, qui avait déjà un coté kitch et rétro, la witch house, qui utilisait la technique chopped and screwed, ou même le sea punk, pour ses animation 3D et son esthétique exotique. Finalement, la seule spécificité musicale de la vaporwave est d'avoir osé ré-utiliser et recontextualiser des musiques existantes afin de se les réapproprier. Cette démarche originelle, en utilisant les techniques et les esthétiques de ces aînés, a donné naissance à une nouvelle esthétique, que d'autres ont repris sans même utiliser le processus de création originel. Pour bien comprendre l'esthétique, il est intéressant de mettre en parallèle le style avec sa démarche, son contexte et ses outils, je développerai ce point dans ma troisième partie. La non-utilisation de sample pose donc des problèmes, étant donné que c'était à l'origine sa spécificité. La vaporwave a donc créé des normes esthétiques, au delà de son caractère à base de sample, que l'on paraît identifier, mais sans fixer ses limites. 102 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 3 mai 2016 103 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/3lki6c/when_does_it_stop_being_vaporwave_to_you/, consulté le 27 mai 2016 104 https://www.youtube.com/watch?v=a_exRMuMCrs, consulté le 27 mai 2016 34/85 a. Conceptuelle Je sous-entends la définition conceptuelle constituée des concepts découlant de l'utilisation et de la pratique de ces musiques ; C'est à dire expliquant la fonction assimilée à cette musique, de l'expression artistique à la consommation récréative, au format d'écoute employé, comme le concept d'album, du vinyle au fichier Zip. Ce sont les rites et les concepts installés au sein du contexte et de ses objets. D'abord, La nature de la vaporwave est souvent remise en question. Version Red déclare : « for me, vaporwave is reinvented music. i don’t think of myself as someone that makes music, but rather reinvents it. » Le statut de cette musique n'est pas clair, la composante sample based est source de controverses. Je me rappelle avoir vu un débat, dans la section commentaire de la vidéo Youtube de l'album Hit Vibes de SAINT PEPSI105, où les utilisateurs se demandaient si cet ensemble de musique pouvait être vraiment considéré comme un album. Certains voyaient cela comme une mixtape ou un album remix de musique disco. Effectivement, d'un point de vue extérieur, cette pratique pose question. Dans cette apparente crise définitionnelle, comment le concept d'album est-il perçu ? A t-il encore du sens ? - Le concept d'album En dehors de toute contrainte temporelle, comment le concept d'album évolue-t-il alors qu'il n'est même plus, pour sa version numérique, palpable ? Alors que la vente de CD est en chute libre, la production d'albums uniquement numériques pose une question importante : que reste-t-il de ce concept ? Cela ne paraît rien, mais maintenant, les artistes ont la main mise sur le format et la manière dont ils vont offrir leur musique. Adam Harper106, avant d'exposer sa vision du style, présente : « The typical vaporwave zip file (album, if you like)[…] » Cette phrase m'a marqué. En effet, c'est à ce moment que je me suis rendu compte que le concept d'album, comme l'objet qui détient et régit l'écoute de la musique, s'épuisait. Adam Harper touche un point important, un album de vaporwave est avant tout un fichier numérique, conçu comme tel, partagé comme tel, et consommé comme tel. Les artistes de vaporwave s'amusent avec cette tradition en repoussant les concepts dans leurs retranchements. - Une définition fonctionnelle Il faut se poser quelques questions préalables. En vérité, la thématique questionne la manière de consommation et d'utilisation de cette musique. Comment est-elle créée, à quel moment et à travers quel objet ? Effectivement, le processus d’acquisition et d’appréciation de la musique a changé, même si la musique est accessible très rapidement, via des sites de streaming, la recherche d'un lien de téléchargement, pour pouvoir la posséder entièrement sur son ordinateur, peut être une aventure trépidante, à travers des sites illégaux partageant des torrents ou des sites d'hébergements russes louches. J'aimerais ajouter que l'objet virtuel ne change rien à l'expérience esthétique des auditeurs. 105 https://www.youtube.com/watch?v=3r2zleGxv7w, consulté le 11 mai 2016 106 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 11 mai 2016 35/85 Comme le montre l'expérience d'écoute solitaire de モ Mall : « I think I remember feeling very “at home” by vaporwave. I remember downloading the album “Hologram Plaza” by Disconscious, and seeing the back cover (with the track listing), and feeling like, yes, this is where I belong. I think it really hit a nerve for some reason... » Comme un adolescent regardait les pochettes de son vinyle dans sa chambre, l’appréciation de l'objet relève de la même intensité émotionnelle, malgré l'évolution de sa pratique. Pour reprendre les propos d'Antoine Hennion107 : “L'histoire du goût est secrètement dépendante de l'histoire de la capture du son” L'ordinateur devient le magasin, l'objet détenteur du son et le support de lecture. Cet exemple permet de supprimer certains a priori avancés par les nostalgiques. Le changement de l'objet, et de son support d'écoute, qui détient la musique, de la partition au fichier numérique en passant par le disque en cire et le CD, modifie notre manière de l'envisager, de l'écouter et de l'apprécier. De l'exécution d'une partition à la transcription informatique d'un fichier sonore en passant par le diamant scrutant le sillon d'un vinyle, la musique doit passer par différents objets qui redéfinissent le rapport que l'on a avec elle. L'objet, comme l'objet contenant l'oeuvre et l'objet restituant l'oeuvre, n'est pas l'oeuvre mais c'est lui qui nous permet d'avoir accès à l'oeuvre en le transmettant à nos oreilles. - De la pratique au concept Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'objet détenteur de la musique fut détourné pour recréer de la musique. La partition peut être réinterprétée ou ré-utilisée, comme les vinyles peuvent être samplés par les musiciens de Hip-Hop, qui ont même utilisé cet objet, détenteur de l'oeuvre musicale, comme instrument de musique avec la pratique du scratch. La vaporwave est largement inspirée de cette pratique, comme le rappelle Jérémy, notamment la technique chop and screw, qui consiste à ralentir des musiques existantes pour créer de nouveaux samples. Mais le contexte étant différent, les pratiques et la perception que l'on a de l'objet musique changent. Pour reprendre les mots d'Anthony Fantano108, pour qu'un morceau soit vaporwave : « Whatever you're using samples or live instrumentation, it kind of has the sense of being older and just being found » Le point novateur de ce mouvement réside dans l'utilisation du matériel musical existant, non pas comme un détournement, mais comme une réinterprétation, une réappropriation et une recontextualisation. Les artistes réutilisent une musique, mais sans modifier ce qu'elle représente pour nous, comme une rétrospection dans une époque, comme une interprétation de ce que cette musique pourrait renvoyer dans un contexte particulier. C'est l’accessibilité massive à la musique et nos manières de la consommer, qui ont permis à cette pratique de prendre tout son sens, et donc de redéfinir notre approche de ce que nous appelons musique. 107 Antoine Hennion, La Passion musicale, Metailié, 1993, p61 108 https://www.youtube.com/watch?v=r-OuJiw5D7M, à 28:25 minutes, consulté le 12 mai 2016 36/85 - L'album concept Difficilement identifiable musicalement, le style est défini conceptuellement. Effectivement, quasiment tous les albums de vaporwave possèdent un concept, plus ou moins abstrait, mais toujours essentiel à la cohésion de l'album. Par exemple, l'album HOTEL GALANTHUS de SEPHORA 脳 イ ス109 constitue une visite d'un hôtel à travers ses différents moments et espaces. En observant, même rapidement, une galerie de pochette d'album de vaporwave, on se rend très vite compte que le style se rejoint autour d’éléments bien spécifiques. Un rapide coup d'oeil permet d'identifier un rapport avec la technologie numérique, la publicité, des objets exotiques ou d'autres objets issus de la culture populaire.78 La justification conceptuelle procure un bon élément d'appui pour donner du sens à cette pratique. Elle permet de recréer une expérience esthétique particulière à travers des objets que nous connaissons. Prenons un cas d'école, celui d'un artiste qui essaie de repousser les limites du style dans la direction du concept. L'album 新 し い 日 の 誕 生 de 2 8 1 4 a tout, musicalement, d'un album de musique ambient, d'ailleurs, tout le monde n'est pas d'accord sur son étiquette. Cet album profite des liens que la vaporwave entretient avec l'ambient music pour questionner ses limites esthétiques. Un des artistes, Hong Kong Express, à l'origine de ce projet, et également fondateur du label Dream Catalogue, justifie conceptuellement son album avec sa pochette, son nom et les titres de ces morceaux. Lors d'une interview il déclare que : « Vaporwave has'nt a sonic definition […] It's just a concept »110 De plus, comme la signature de son label, il possède un dreamy aspect bien spécifique. En ce sens, ces propos entrent en résonances avec plusieurs définitions proposées lors de mes interviews. Comme V-MVSIC, qui m'a décrit la vaporwave comme : « some kind of journey into your past and grabbing all these bizarre sounds you never realised held so much atmosphere for that period of your life […] a faint past memories » Comme style né de recontextualisation de musique existante, ce concept originel rétrospectif est essentiel à ce mouvement, même dans les albums dépourvus de sample. Pour Jérémy, la vaporwave est « Un genre mal compris mais intéressant quand on s’y penche. Une musique hantologique batarde mais plaisante. » En se réappropriant les objets du passé pour les re-contextualiser, la vaporwave crée des espaces esthétiques nouveaux. Le concept s'étend d'ailleurs à l'artiste, qui, suivant le projet qu'il représente, interagira différemment. Par exemple, lors ce que j'ai contacté モ Mall , il signa sa réponse avec la phrase « thanks for shopping with us! » Les albums de vaporwave sont conceptuels. C'est la construction d'un album à partir de la recontextualisation d'objets issus de la culture populaire qui la caractérise. J'aborderai ce point plus en détail dans ma dernière partie. 109 https://sephorabrainvibes.bandcamp.com/album/hotel-galanthus, consulté le 11 mai 2016 110 https://www.youtube.com/watch?v=r-OuJiw5D7M, TND Podcast - The Vaporwave Episode, à 24 minutes, consulté le 11 mai 2016 37/85 b. Contextuelle - Temporalité D'abord la caractéristique temporelle est essentielle à la définition d'une musique. Suivant l'époque à laquelle on observe une musique, sa définition varie. Vaperboy, pour définir la vaporwave, fait référence au début de la vaporwave en affirmant que maintenant le style s'est éparpillé. Steve me donna une définition, maintenant obsolète, de la vaporwave en expliquant que « Going strictly from a “proto-vapor” perspective, it's like chopped and screwed, digitally manipulated music from the 80s. Reverb and delay is common, rough, out of time chops. Phasers, flangers. Lofi plugins, made to sound like an old recording. Almost always pitched down. » Ne suivant actuellement plus le mouvement, sa définition de la vaporwave est inscrite dans le temps. En lui présentant des artistes plus récents, il ne les assimila pas à de la vaporwave. La définition d'un style musical est en constante évolution et ne correspond qu'à un moment donné. - L'histoire du style Comme je l'ai étudié dans la première partie, la vaporwave est déterminée par les espaces spécifiques dans lesquels elle gravite. Par conséquence, la manière dont une musique s'inscrit au sein d'une culture, à travers ses rites et ses pratiques, à l'intérieur d'un espace spécifique, la définit également. Reprenons l'exemple précédent : pourquoi l'album de 2 8 1 4 est-il considéré comme un album de vaporwave ? D'abord, comme on l'a précisé, car il possède une affiliation esthétique et conceptuelle à ce mouvement, mais également car son contexte de création, d'écoute et de publication fait partie intégrante de la vaporwave. D'abord, cet album est sorti sur le label Dream Catalogue, qui est la structure de vaporwave la plus connue. Il s'inscrit donc dans ce mouvement, et possède une autorité grâce à la notoriété du label. Ensuite, il est écouté par des vaporwaveur, et est proposé majoritairement111 sous un format numérique, ce qui est le format typique de ce style, et sur la plateforme Bandcamp . Et enfin, cet album a été co-crée par Hong Kong Express, directeur du label Dream Catalogue. Cet artiste, dans une interview dirigée par le youtubeur Anthony Fantano, voulant pousser le concept jusqu'à ses derniers retranchements, explique que si l'album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, des Beatles, sortait maintenant sur son label, il pourrait être considéré comme un album de vaporwave112, de par son concept et son nouveau contexte de sortie. Cette provocation démontre bien l'importance de ces deux facteurs dans la définition d'un style musical, notamment dans un genre aussi controversé que la vaporwave. Il posa également la question « can it survive without the context ? », évidemment, il serait difficile d'envisager la vaporwave dans un autre contexte, sans son espace, ses moyens de communications et ses objets. La définition d'une musique est indissociable de son contexte. Un morceau de vaporwave est défini par son inscription dans un contexte spécifique. C'est une musique sortie à une époque donnée, sur un site particulier et écoutée par telle personne avec l'aide d'objets bien spécifiques. 111 Il y a aussi des tirages cassettes, mais seulement à (source cbn exemplaire) 112 https://www.youtube.com/watch?v=r-OuJiw5D7M, TND Podcast - The Vaporwave Episode, à 26 minutes, consulté le 11 mai 2016 38/85 - Outils et ressources Comme développé dans la première partie, l'espace dans lequel ce style gravite est essentiel, c'est ce contexte, formé d'espaces, d'objets et de personnes, qui définit l'interaction entre les utilisateurs. La manière dont cet univers interagit et communique entre ces différents éléments, dans un contexte sociétal extérieur particulier, est la source des expressions esthétiques et idéologiques du style. Lorsque j'ai abordé cette question avec Matthew, il me répondit : « A track is vaporwave to me if I feel like it contributes to the thoughts provoked by previous vaporwave works » Cette définition généalogique d'un style musical est assez pertinente, surtout concernant ce mouvement. Elle n'explique pas grand chose mais expose une caractéristique particulière d'un mouvement artistique, celle de l’affiliation esthétique linéaire d'un genre. Comme une construction collective, le style vaporwave est constamment redéfini en réaction aux précédents travaux effectués sous cette appellation. La construction d'un milieu musical est un travail participatif humain, régi par des conditions matérielles. Quels sont les caractéristiques constituant un style musical ? Comment l'identifions nous ? Un mouvement artistique est régi par des éléments esthétiques, conceptuels et contextuels mouvants. Il faut d'abord comprendre qu'un style est toujours en constante redéfinition, il est constitué de controverses. Le terme vaporwave signifie donc plusieurs choses suivant les milieux et les époques. Le concept d'un style musical constitue un ensemble d'interprétations, parfois contradictoires, regroupées dans un contexte bien particulier. Un morceau de vaporwave est donc un objet inscrit dans un contexte, défini par ses espaces virtuels et physiques, des personnes, des objets et leurs histoires, où a émané des concepts issus de pratiques, comme la recontextualisation d'un objet sonore existant, générant des esthétiques artistiques particulières et reconnaissables évoluant généalogiquement. C'est cet univers multifactoriel dans lequel évolue un milieu musical en redéfinissant chacune de ses caractéristiques culturelles, du rite social à l'esthétisme sonore. Je résumerai synthétiquement ce que sous-entend le terme vaporwave en conclusion. B. Une étude des discours 1. L'humour Franchement, lorsque que l'on m'a dit qu'un style sur internet mêlait jazz lounge, esthétique 90's et statut grecque, j'ai cru à une blague et à un autre micro-genre WTF (What the Fuck) d'internet sans autres revendications que ce mélange superficiel d'éléments. J'ai le souvenir de la première fois que je fus confronté à ce style, c'est un ami qui m'a fait écouter le morceau “Eco Zones”, de BLΛNK BΛNSΗΣΣ, au casque dans les couloirs de la faculté. En entendant cette version remix/trap de la bande originale d'un niveau sous-marin du jeux vidéo Donkey Kong Country auquel j'ai joué étant petit, l'immersion, à la fois nostalgique et aquatique, fut dingue. Ce qui est amusant, c'est que mon ami n'avait même pas la référence ! Voilà ce qu'était pour moi la vaporwave, une rétrospection amusante avec le filtre de la musique d'aujourd'hui, une madeleine de Proust comtemporaine et souriante. Le détournement de tous ces symboles communs me donnait gracieusement le sourire, comme a pu le faire le mouvement sea-punk. Justement, l'humour, comment cette forme d'esprit railleuse, cette manière de communiquer est-elle utilisée dans cet espace ? 39/85 a. Appréciation ironique ou sincère ? Les artistes de vaporwave, en échantillonnant des musiques entières et en les détournant un petit peu, sont-ils sincères ? Tout cela n'est-il pas une grosse blague ? Revenons à l'essai de l'étudiant naviguant autour du groupe Facebook, Vaporwave Dreams In Your Brain. Pour lui : “Nearly all initial listeners listen ironically, joking about how obscure the music is, but as with many “hipster” trends, ironic appreciation is the first step to genuine approval, in which something that is a joke becomes a real trend.” Selon lui, cela part d'une blague entre personnes qui apprécient ce style ironiquement jusqu'à devenir une véritable esthétique. Personnellement, mon premier ressenti a été le même, les caractéristiques insolites de cette musique peuvent être interprétées de manière humoristique par des auditeurs non-initiés. Matthew, modérateur du sub-reddit, rajoute que : « I find myself attracted to post-irony which is to say genres of music where you can't tell if they are being genuine or not. Or maybe the fact that they are being ironic and silly, but they put work in to make it still pleasing to the ear. » Cependant, Adam Harper, dans un article pour le Dummy Mag113, avoue être également passé par cette étape lorsqu'il annonce, en réponse à un article écrit une année auparavant : ”The incredible thing about vaporwave is it's not emotionally or aesthetically detached, not superficially ironic. Who was I to imply that the work of these bold new producers wasn't sincere? […] In the past year, I've learned - been taught - that vaporwave is more emotional and more sincere than I expected it to be.” La posture d'écoute de cette musique peut être alors à plusieurs niveaux, il est vrai que ces remix étranges, illustrés avec des symboles publicitaires, populaires et extra-occidentaux, donnent le sourire. En réalité, on peut adopter un comportement railleur envers une musique et ses caractéristiques tout en l’appréciant . Des artistes mettent d'ailleurs l'accent sur cet aspect , notamment par la création de vidéo autour du style, souvent partagées sur le sub-reddit vapormeme. Cependant, cela ne constitue pas la totalité des comportements et des expressions artistiques de ce style. De plus, certaines personnes ne prennent réellement pas cette musique au sérieux et lui portent des critiques sévères. Par exemple, sur 4chan114 (comme par hasard), un utilisateur déclare simplement que : « lol @ people actually taking vaporshit seriously » A moins que ce commentaire ne soit juste une blague, ce sont des personnes connaissant le style en surface. Il est parfois difficile de faire la différence entre troller et hater sur 4chan. Le commentaire date de 2012, alors que le courant en était à ses débuts. Pour reprendre les mots de モ Mall : « Some people dismiss vaporwave as a joke, suggesting that it is too disingenuous to be legitimately enjoyed, but the best vaporwave is able to take the tropes it parodies and present them in an interesting, new perspective. » Le processus de création de la vaporwave semble drôle en lui même. Il paraît, et il peut être, très rapide et facile de créer un morceau à partir d'un autre. Comme l'artiste le mentionne, cela peut poser un problème de légitimité. Ces réactions ne sont pas du tout spécifiques à ce style. Je n'ai pas besoin d'en rajouter tellement les exemples, de personnes qui critiquent l'esthétique et les nouvelles 113 http://www.dummymag.com/features/essay-invest-in-vaporwave-futures, consulté le 3 mai 2016 114 http://4chandata.org/mu/Vaporwave-general-a214169, consulté le 10 mai 2016 40/85 pratiques d'un style, sont nombreux. Pour en revenir au sujet, l’appréciation n'est pas ironique ou sincère, mais ironique et sincère. La question n'est pas de savoir si cette musique est futile ou sérieuse, comme dans toutes musiques et cultures, le sérieux et l'humour forment un tout. Les mêmes personnes peuvent adopter ces deux types de comportements suivant le contexte, c'est une forme d'autodérision récréative. b. Appréciation ironique ou sincère du sample originel ? Une autre question que l'humour pose est celle du rapport affectif au sample. Le détournement de ces samples constitue-t-il une moquerie de cela ? En sachant qu'elles sont souvent critiquées pour ce qu'elles représentent, les artistes apprécient-ils ou non les musiques qu'ils samplent ? Daniel Lopatin, considéré comme un précurseur du style déclare, dans un interview115, que : « they’re very easy to make, this is how you do it: Just listen to music, have taste, figure out what you like in something that’s bad and loop it, slow it down and put a bunch of delay on it. Or do whatever the fuck you want but just repeat forms that you like and take them back away from the world of shittiness and make them fun. » Mentionner ces samples comme « from the world of shittiness » montre que l'artiste ne les porte pas dans son cœur. De plus, l'artiste Hong Kong Express déclare que « That said, I am very much attracted to underground music, but mainly because mainstream music is just shit to me. [...]I’m also really bothered by people holding up famous musicians on pedestals. I have much more respect and admiration for Phoenix #2772, 식 료 품 groceries or Miami Vice than David Bowie, Patti Smith or The Beatles. »116 Cependant, cette position n'est pas partagée par tout le monde, près de 50% des personnes interviewées m'ont déclaré qu'ils appréciaient sincèrement les musiques populaires, qu'ils samplaient. Par exemple, Japanese Darkness et Version Red déclarent respectivement : « I love japanese city pops 80’s » « for the 80s i like whitesnake, prince, diana ross » Matthew compare ce rapport au sample en faisant un parallèle avec un autre label. « It's the same thing with PC Music, they're making fun of pop, but they're also celebrating it at the same time. Vaporwave is a similar way with easy listening and soft jazz » La parodie et le détournement, mêlés à la célébration des musiques populaires est caractéristique de ce style. Le questionnement de l’appréciation de ces musiques originelles est personnel, chacun interprète et utilise ce support d'expression de manière différente, jusqu'à créer des courants de pensées et d'idéaux autour de cette musique. 115 http://www.52-insights.com/oneohtrix-point-never-chaos-through-pop-music/, consulté le 17 avril 2016 116 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 4 mai 2016 41/85 c. Private Jokes Maintenant que ces points sont clairs, regardons comment l'humour est géré et se développe au sein de cet espace virtuel. - le rôle des mèmes D'après Oxford Dictionaries117, un mème est défini comme « An image, video, piece of text, etc., typically humorous in nature, that is copied and spread rapidly by Internet users, often with slight variations. » Et plus largement, à partir de la réflexion sur la mémétique de Richard Dawkins118 « An element of a culture or system of behaviour passed from one individual to another by imitation or other non-genetic means. » Il est intéressant de constater que le mème internet a été accepté par les institutions. Ce phénomène est devenu une des interactions de base entre les utilisateurs du web. La vaporwave s'est beaucoup fait connaître de cette façon, notamment avec la musique “ サ ンク 420 / 現代のコン ュ ー ”, de MACINTOSH PLUS, qui a été source de détournements divers et variés119. D'ailleurs, le chiffre 420, dans le nom du morceau, est un mème faisant référence à la pratique du cannabis120. Les auditeurs maîtrisent ces connaissances, ésotériques de l'extérieur, des mèmes et s'amusent à les détourner et à les transformer, notamment au sein des sections de commentaires publics. Par exemple, la page Facebook Fucking With People Productions a partagé une vidéo121 contenant la musique “Resonance” de HOME, d'esthétique synth-wave, le modérateur a raillé le commentaire avant qu'un autre utilisateur ne rajoute « sarude - dandstorm » qui est une référence au même darude – sandstorm122, que les gens postent de manière humoristique lorsque quelqu'un demande un renseignement à propos d'une musique. Au delà des mèmes caractéristiques de la culture internet, de nouveaux, provenant de la vaporwave, sont créés et partagés. Cette pratique du style est parfois regroupée sous le terme vapormeme 123, 117 http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/meme?q=meme, consulté le 5 mai 2016 118 http://revuephares.com/wp-content/uploads/2014/05/Phares-XIV-04-Julien-Ouellet.pdf, La mémétique comme théorie de l’évolution culturelle, Julien ouellet, Université Laval, consulté le 10 mai 2016 119 https://www.youtube.com/watch?v=2CjEH6eNqNY&index=1&list=PLNGKG1T4u9TL14q1bK691B0UZ3XrhQ0o, consulté le 5 mai 2016 120 http://knowyourmeme.com/memes/events/420, consulté le 5 mai 2016 121 https://www.facebook.com/WHOEVENREADSTHISSHIT/videos/947655921956192/?pnref=story, consulté le 5 mai 2016 122 http://knowyourmeme.com/memes/darude-sandstorm, consulté le 5 mai 2016 123 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/subgenres, 42/85 comme une parodie du genre, qui dispose de son propre sub-reddit124, où les personnes postent leurs créations, sous forme d'images ou de videos. Cette pratique s'exprime aussi par le détournement des mots caractéristiques de la vaporwave. Par exemple, FrankJavCee détourne le mot aesthetic en ass dead dicks dans sa vidéo How To Make Vaporwave125 et le terme vaporwave est parfois détourné en vapourwave. Quel est le rôle du mème ? Lorsqu'il mentionne un objet culturel, comme une musique, une série ou un jeu vidéo, le mème a pour rôle de se moquer, ironiquement ou non, du style et de ses caractéristiques. Comme Anthony Fantano le mentionne dans sa vidéo I'm a meme?!?126, « Memes are just one of those ways that people enjoy humour on the internet […] and embrace and celebrate the things that they enjoy » Même si je trouve cette définition réductrice, elle met en valeur le mème comme moyen d'expression, qui permet de glorifier ce que l'on apprécie en le détournant et en lui faisant de la publicité par la même occasion. Elle permet à la vaporwave de se faire connaître, surtout sur les pages Facebook, qui partagent un grand nombre de mème concernant ce style. Les mèmes et la vaporwave fonctionnent bien ensemble, notamment car tous les deux sont issus de la culture du web et se réapproprient, détournent et re-contextualisent un élément culturel. - Les albums parodiques L'objet album est aussi utilisé comme support humoristique. Il peut être employé comme commentaire parodique, comme l'album, ひ ど く 翻 訳 日 本 語 の 文 字 (qui signifie Badly translated Japanese characters127) par ░▒▓ CAPS AND αւτ kεÿ CΘᕸEᔕ™ ░▒▓128 ALL qui tourne en dérision les caractéristiques de la vaporwave tout au long de ces morceaux. Il est présenté comme an eulogy for vaporwave, en résonance avec les commentaires vaporwave is dead, se propageant sur le web lorsque les gens trouvaient que le style se perdait 129. Par exemple, le morceau “Vaporwave Is All Just Diana Ross Slowed Down At Different Speeds”, n'est qu'une reprise du morceau “It's your move” de Diana Ross ralentie petit à petit, en référence ironique au morceau le plus populaire de vaporwave, qui constitue lui-même une version ralentie de Diana Ross. Le processus de création du mouvement est aussi tourné en dérision avec les morceaux “Trying Way Too Hard To Be Daft Punk With Way Too Fucking Much Sidechain Compression (ft. Priest Plebsi)” (en référence à l'artiste Saint Pepsi) et “DAE Le 90's Kid (I Do All My Broporwave Bandwagonning in Audacity)”. Cela constitue une dérision humoristique et parodique du style. https://rateyourmusic.com/list/floflo79/_r_vaporwave_guide_to_vaporwave_subgenres/, consulté le 5 mai 2016 124 https://www.reddit.com/r/vapormeme/, consulté le 5 mai 2016 125 https://www.youtube.com/watch?v=wyt_87yCyNw, à 55 secondes, consulté le 12 mai 2016 126 https://www.youtube.com/watch?v=jxE6MeHECIQ, à 3minutes 55, consulté le 12 mai 2016 127 Traduit avec google translate https://translate.google.fr/?hl=fr#ja/en/%E3%81%B2%E3%81%A9%E3%81%8F %E7%BF%BB%E8%A8%B3%E6%97%A5%E6%9C%AC%E8%AA%9E%E3%81%AE%E6%96%87%E5%AD %97 128 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/2sh9as/eulogy_for_vaporvave_rip_seriously_worth_it_just/?, consulté le 6 mai 2016 129 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/vaporwave-is-dead, l'abum Vaporwave Is Dead de Sandtimer est consacré à ce sujet, consulté le 10 mai 2016 43/85 Des artistes vont jusqu'à parodier des albums entiers, comme Blank Goofee 0, par Blank Goofee130, qui reprend les albums BLANK BANSHEE 0131 et BLANK BANSHEE 1132, de Blank Banshee, en réinterprétant les morceaux, ainsi que l'illustration de l'album, avec le personnage humoristique Goofy133. Par exemple, le morceau “B:/ Infinite Login” devient “G:/ Infinite Goof” et “HYPER OBJ☰CT” est repris comme “HYP☰R GOOF☰☰”. Il faut noter que la qualité de production de l'album est très élevée pour une blague, contrairement à celui présenté précédemment, l'auteur n'en était pas à sa première tentative134. A propos du même artiste, un utilisateur s'est amusé, pour le 1er avril, à faire croire à la sortie de son nouvel album en recréant sa page Bandcamp à l'identique135, en changeant une lettre, en postant des musiques où l'auteur se moquait des auditeurs qu'il a pris au piège. Toutes ces pratiques parodiques et récréatives, constituent une forme de communication essentielle à la vie du style. Ces private jokes, sont présentes dans tous les mouvements culturels, il est intéressant, ici, d'observer la manière dont ils s'expriment au sein de cet espace virtuel. 2. La politique a. La vaporwave face à son environnement - Le rapport au passé Lors de mes interviews, j'ai choisi de ne pas questionner l'engagement politique pour ne pas influencer les participants et garder un statut objectif face à mes recherches. Cependant, le sujet fut mentionné par plusieurs personnes. Il semblerait que cette problématique soit parfois intégrée, mais non revendiquée, par ces artistes. D'abord, Steve m'exprime alors que : « A major aesthetic dimension to vaporwave is its associated artwork and the surrounding text (frequently all in loud capitals), which bring vaporwave's imagined contexts to life through references to the high-end worlds of shopping or business or to late twentieth-century digital technology, recalling the early days of personal computers and internet connectivity. » La vaporwave emprunte des références aux premières technologies numériques, qui permettent maintenant de connecter le monde entier. Les environnements publics et le thème de la consommation sont des objets très récurrents. Mais comment ces artistes abordent-ils ces points là ? Quels sont leurs idées ? Le redditor newkleuz a publié l'essaie Vaporwave and the People Who Listen to it: A Personal View136 sur la section wiki du site. Il exprime son point de vue sur ce que la vaporwave signifie pour lui, en le comparant à sa vision de l'histoire, de l'évolution de la société et de la perception du terme cool. Il conclut alors que : 130 https://blankgoofee.bandcamp.com/releases, consulté le 6 mai 2016 131 http://blankbanshee.bandcamp.com/album/blank-banshee-0, consulté le 6 mai 2016 132 http://blankbanshee.bandcamp.com/album/blank-banshee-1, consulté le 6 mai 2016 133 http://knowyourmeme.com/memes/its-goofy-time, consulté le 6 mai 2016. L'auteur détourne le mème, it's goofy time, en utilisant son personnage Goofy, Dingo en français, extrait de l'univers de Mickey Mouse. 134 http://goofhouseproductions.bandcamp.com/releases, consulté le 6 mai 2016 135 https://blankbamshee.bandcamp.com/album/blank-banshee-2, le lien est mort, car la page a été supprimée. https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/4cv2nw/blank_banshee_blank_banshee_2/, consulté le 6 mai 2016 136 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/vwandthepeoplewholisten, consulté le 19 avril 2016 44/85 « We live in a society that is afraid to imagine a better future for itself, afraid of the future, and vaporwave reflects this. It is new and innovative to chop and screw old music because it accurately reflects the reality of living in a world afraid of progress, afraid of renewal, quick to revert to hateful, lustful, arrogant behavior, so it finds refuge in the tender, calming sounds of smooth jazz and soul, and ambient experimental. Instead of moving forward, instead of making progress, instead of freeing us, our modern technological society has turned the world into a panopticon, and we find that we are prisoners of the past » Pour lui, la vaporwave exprime donc une peur du futur et une réflexion sur la culture de masse. Cette musique est souvent considérée comme une relecture de certain moments et lieux de notre société, à l'instar du genre mallsoft, qui reproduit des ambiances d'espaces publics, comme des centres commerciaux ou des casinos. La question politique est essentiellement actuelle en perspective à des évènements du passé. En effet, ce mouvement fait référence aux années où la technologie numérique commençait à être popularisée et commercialisée. Blake, directeur d'un label de vaporwave, m'explique que : « Its also a time period. In some sense, its the world in the 90's having so much hope for the future, for the turn of the century to yield this brilliance of technology, and it became a medium for people to connect with other people all around the world, such as how we're doing right now. Sharing these half-recalled dreams and memories in a non-verbal way, through music and imagery. It takes old 80's music and samples it into a sorrowful saturated state » En effet, selon l'idée de l'art post-internet27, nous n'en sommes plus à la découverte du web. Maintenant que tout le monde est connecté et maîtrise les outils de communication numérique, cette musique servirait de support pour partager ses ressentis à travers le monde. Transformer ces musiques populaires récréatives vers un « sorrowful saturated state » exprime bien le ressenti de ces artistes face à ce genre de musique, d'autant que le style est souvent caractérisé par une ambiance dystopique. - Musak, Brainwash et publicité Des artistes m'ont également parlé du rapport entre ce mouvement et la musique de l'entreprise Muzak, promouvant les musiques d'ambiances dans les ascenseurs ou dans les entreprises, une musique que l'on écoute avec une oreille, qui a pour unique but de manipuler inconsciemment les émotions des auditeurs. モ Mall m'affirma donc que : « This music (80's pop) became very commercially successful, and was favored for its use in setting “the mood” of a space. Whether it was to encourage worker productivity or lure customers into browsing, this “Muzak” became ubiquitous, being played in all types of public spaces, from office buildings to shopping malls. Pop music was often recreated into instrumental versions for these purposes as well. » Pour lui, cette pratique de la musique, que l'on peut extrapoler au visuel des marques et de la publicité, est une cause directe de l'esthétisme et du sous-entendu sémantique de la vaporwave. Cette pratique, étant utilisée par la publicité à des fins commerciales, peut légitimement être remise en question, tant son pouvoir de manipulation est fort. « As more and more generations of people have grown up in this type of society, the public has become growingly aware of the psychological and behavioral influences large corporations have historically employed to attempt to manipulate humanity’s senses for commercial gain. As early as the 1950s, legal accusations of attempted brainwashing and manipulation were being made. Fastforward to today, where not only has this practice become the expectation of a retail environment, but it has been so for as long as our parents and grandparents can remember. » 45/85 Cette pratique de la musique pose donc un problème éthique. Je ne pense pas avoir besoin d'en parler plus, ou de citer des expériences, tant cette question, comme il le mentionne, est devenue répandue. Selon モ Mall , la vaporwave constitue un témoignage de l'utilisation manipulatrice des publicités et de la Muzak, s'exprimant par l'amplification et le détournement des éléments et des symboles constituant celle-ci. Cette idée est clairement présente, plus ou moins subtilement, chez de nombreux artistes de vaporwave, comme, par exemple, l'album Buildings Dreams de GOLF SWINGERS.137 Effectivement, comme Jérémy le mentionne, « Les icones, les symboles commerciaux sont déjà partout, parfois même dans des endroits insolites (les marques de soda qui financent des évènements sportifs, par exemple), et le but des premiers artistes de ”vaporwave” étaient justement de dénoncer ça par l’abus, on pense à Far Side Virtual de James Ferraro quiutilise pour matériau principal des tonnes de samples aussi divers et variés qu’une sonnerie de téléphone, quedes sons de logiciels informatiques, jeux vidéo, etc. » Comme il le mentionne, les objets publicitaires sont omniprésents dans les villes, les lieux publics et les médias. Personnellement, je me souviens avoir réellement pris conscience de ce pouvoir en admirant les grands panneaux publicitaires alors que je passais devant la Part Dieu à Lyon. Ils peuvent être perçus comme les blasons de notre époque, ceux avec lesquels on vit quotidiennement. Ce n'est pas étonnant que des artistes s'amusent à détourner ces symboles auxquels nous sommes exposés. Un des discours attaché à la vaporwave est de penser que c'est le jeu avec ces symboles, et ce qu'il sous entend, qui crée cette expérience esthétique si particulière. Pour revenir à l'utilisateur du groupe Vaporwave dreams in your brain, en guise de conclusion à son essai138, il déclare “If vaporwave is so unappealing, take it as an ode to the teen lost in suburbia. […] vaporwave tells of the woes of being average and trying to find significance in your life when your environment offers no real adversity or struggle. Instead of overcoming obstacles, adversity to us is the challenge of creating an identity when society tells you to buy one instead.” - La vie en société : les espaces publics et professionnels Le rapport entre l'évolution de la société et ce mouvement est évident. Les revendications politiques sont bien présentes, bien que souvent sous-entendues , et laissent part à une série d'interprétations personnelles. Je vais vous en présenter quelques-une afin de les comparer et de les mettre chacune en perspective. Dans l'article Vaporwave and the pop-art of the virtual plaza139 , Adam Harper transmet une conversation qu'il a eu par email avec l'artiste INTERNET CLUB où il expose la vision de sa musique : « something very Debordian, about how this capitalistic society has generated a dehumanizing hyperreality by focusing on infinite generation of ideals as shown through commodities. I view society as entering a hyperreal state, and how it has is part of what INTERNET CLUB is about. IC tracks usually take stock music and music from corporate YouTube videos and degrade them somehow, with effects such as reverb, compression or glitchy looping, which achieves “the defamiliarisation of things we’ve become so use to that we don’t notice them any more » Cela constitue un des rares témoignages de l'engagement concret d'un artiste de vaporwave envers sa musique. Pour lui, la réappropriation culturelle est vue comme « la dé-familiarisation des choses qui nous sont devenues tellement communes qu'on ne les remarque même plus »140. Il fait référence aux publicités et aux différents environnements publics comme les centres commerciaux, immergés 137 https://golfswingers.bandcamp.com/album/buildings-dreams, consulté le 6 mai 2016 138 https://docs.google.com/document/d/1fYC_4OCdngYbGMbk4FB18YtUUD_ZCfL2LEllsRDdL2Y/edit, page 8, consulté le 10 mai 2016 139 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 19 avril 2016 140 J'ai effectué la traduction de cette phrase ainsi que de la totalité des autres traductions. 46/85 dans la muzak, ou encore l'ambiance des bureaux. Pour illustrer cela, son album REDEFINING THE WORK PLACE141 est un détournement d'idées propres au monde de l'entreprise. Cela est illustré par le nom des morceaux, comme “TIPS AND TRICKS FOR THE NEW WEB MARKETER”, “110%” ou “EFFICIENT OFFICE 2K12”, toujours en caractère gras. Lors de mes interviews, V-MVSIC m'a expliqué que son travail était inspiré par les désillusions économiques qu'il perçoit pendant la période des années 90. « a lot of those side projects were purely inspired by the kind of filth of the 80s and 90s. Nouveau Life especially. It was kind of a reminder of how the economy felt almost indestructible at that time and almost everyone in the west felt they could become millionaires by investing in these unfinished corporate projects that crashed so abruptly only a few years or sometimes months later only to take all the money from the people that help fuel it and leave them in the dark. I suppose Enron was my biggest inspiration for that » Le style est souvent présenté avec cette conviction politique dans les articles142, cela semble caractériser une partie des idéaux partagés par ce mouvement. - Discussions sur Le sacré Quelque chose m'avait toujours intrigué avec ce style. Je sentais que c'était ce quelque chose qui me faisait apprécier cette musique, sans pour autant parvenir à mettre le doigt dessus. Envisageant la politisation de cette musique, mon écoute atteint alors un stade différent. Mais la question qui me fit réaliser l’organisation de cette musique, n'était plus pourquoi, mais comment ? Comment ces prises de positions politiques sont-elles mises en œuvre, comment ces objets de consommation sont-ils détournés ? Pour illustrer cette partie, j'ai procédé à une brève analyse du clip du morceau “B:/ Infinite Login” de BLΛNK BΛNSΗΣΣ. Le clip présente des symboles comme des ipad, un macbook pro, une barre de recherche google ou encore le logo de wikipedia. Faisons abstraction du contenu sémantique de ces symboles pour en étudier la façon dont ils sont représentés. Le procédé le plus marquant est la mise en évidence de symbole par la centralisation d'un élément parmi différents parallélismes. Ainsi, cet icône central est quasiment présenté comme un totem. Il est intéressant de mettre cette vidéo en parallèle avec les propos143 d'Adam Harper, journaliste et enseignant en musicologie à l'université d'Oxford. “Finally, vaporwave have an eerie tendency now and again to turn trash, something shallow and determinedly throwaway, into something sacred or mystical.” Adam Harper perçoit donc clairement quelque chose relevant du sacré ou du mystique mais pour lui, ce sont des artistes de vaporwave qui le rajoutent. Il enchaîne : “Today and tomorrow, capital lives everywhere, in our TVs, phones and minds, but nowhere is it more holy than in the gleaming temples of its interface with the public – the office lobby, the hotel reception area, and most of all, the shopping mall. This music belongs in the plaza, literal and metaphorical, real and imaginary – the public space that is the nexus of infinite social, cultural and financial transactions and the scene of their greatest activity and spectacle.” 141 https://internetclub.bandcamp.com/album/redefining-the-workplace, consulté le 19 avril 2016 142 http://www.dm.com.br/cultura/2015/09/vaporwave-arte-pos-internet-que-critica-o-consumismo.html, consulté le 20 avril 2016 143 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 17 avril 2016 47/85 Cet idée est renforcée par les propos de Jérémy qui m'explique que : « Les symboles commerciaux ont remplacé les dieux et les prophètes, les centres commerciaux et la télévision, les temples ! ». De plus, newkleuz a écrit dans son essai que : “The birth of vaporwave extracts the sacred from the profane and gives the listener a simple formula for transcendence: chop, screw, and adjust the speed of the input media until a cascade of repetition and simple images instills a peaceful, trance-like state in the viewer” Le rapport entre les comportements face au sacré et à la consommation sont intéressants à mettre en parallèle. Certains travaux renforcent ces idées, par exemple, Cristian Radu Barna explique, dans sa thèse La consommation, une religion pour le XXIeme siècle ?144 : “L’identification des êtres humains dans le sacré est une chose bien connue depuis la nuit des temps en tant que facteur essentiel de sécurité. Dans la société de consommation de masse, les produits ont pris la place du sacré” Certains artistes retrouvent donc ces idées dans les travaux de vaporwave, comme une dénonciation de la sacralisation de la consommation. Cependant, toutes ces réflexions sont à mettre en perspective car tout le monde ne ressent et n'exprime pas cela. Par exemple Version Red me confie que : « i have seen politics be incorporated into vaporwave. anti-capitalism has been a big message in some vaporwave. but for me, its mostly visuals. everyone has something about vaporwave that is unique to them » De plus, SAINT PEPSI utilise l'esthétique récréative des publicités de la boisson Pepsi. Au final, son clip donne envie de boire la boisson Pepsi, cela constitue presque une publicité pour la marque. Il répond même, à la question was “Saint Pepsi” intended as a jab at capitalism?145, « Not as much as everybody makes it out to be. I liked the juxtaposition between “Pepsi« being a huge corporation and the “Saint“ being, you know, the religious connotation. I was really influenced by the sort of aesthetic that Pepsi ran in the 80s when they got a lot of artists to support their product, their commercials, Superbowl performances. I tried to capture that maximalist feeling in my music. » Des artistes, comme Hong Kong Espress146, directeur du label Dream Catalogue, qui est le label le plus renommé aujourd'hui, déclare : « I think the whole concept of vaporwave having an ideology behind it is overblown, if not entirely misinformed and pulled out of thin air. » L'engagement politique des artistes est très rare, et est même complètement renié par une partie de ces artistes. Cependant, les témoignages et les travaux de certains artistes ont clairement intégré un discours politique, même s'il n'est pas revendiqué. Les idéologies de la vaporwave sont finalement ceux partagés au sein de la culture web. 144 http://gerflint.fr/Base/Roumanie1/Barna.pdf, consulté le 12 mai 2016 145 http://www.popmatters.com/feature/195684-vaporwave-ambassador-turned-future-funk-heartthrob-talks-aboutchang/, consulté le 10 mai 2016 146 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 6 mai 2016 48/85 - La démarche d'observateur Sans prendre une position de dénonciateur, certains artistes abordent ce point de vue politique mais en percevant leur travail comme une retranscription de leurs observations et impressions plutôt qu'une dénonciation. Pour reprendre les propos de V-MVSIC : « If you pose just your observation of something that is clearly horrible, people will find their own root feeling in it and with any luck see in the same light. I think there's a lot more stuff needs to be said about the world now, but I think it's hard to find a direction dynamic enough to get a large group of people interested as I feel a lot of people switch off from music or art that becomes over conceptualised and political » La réalité n'est pas dénoncée mais retranscrite, les artistes partagent leurs expériences et ressentis par la musique. De plus, Adam Harper147, dans un article pour le Dummy, témoigne que : « Over email, the producer behind it all says, “New Dreams Ltd (vektroid) is entirely a caricature of mass media and its evolution in the late 80s right before computer culture blew up in America. I wanted to create some rift between reality and fiction because I feel like that’s exactly what they were trying to accomplish back then.« S/he elaborates: “It seems like the world has been slowly tuning out of reality for the last 20 years and that fascinates me. There is a big undertone of surrealism to everything that was going on at the time, especially in Japan, and I wanted to capture that in a way that would strike people now the way it did then. The lengths people went to in advertising, even then, is shocking to me, I think shock factor is a huge element of things like this. » Cet artiste tente de retranscrire ses perceptions dans sa musique. Le propos politique est présent mais sous-entendu, il n'est jamais explicite. L'artiste crée l'expérience esthétique qui témoigne de sa réalité. Simon Frith148, dans son livre Performing Rites On the Value of Popular Music, résume la situation : “the esthetic point of the exercice is not to reflect a reality which stands behind it but to ritualize a reality that is within it” Pour conclure, il ne faut pas oublier le sens de la musique. Comment peut-on rattacher un style à une opinion politique ? Même les musiques les plus politisées ne le sont pas vraiment par essence. Le punk est il toujours si punk que ça lorsqu’il est joué par Green Day ? C'est l'histoire d'un groupe de personnes autour d'un style, par la revendication de ces auteurs qui définit sa politisation. On peut alors penser qu'un style musical est un support d'expression, et que l'avis politique derrière celui là dépend de ce que les gens veulent en faire.Une musique politisée au départ peut ultérieurement être récupérée par la publicité et perdre son message d'origine. 147 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 7 mai 2016 148 Simon Frith Performing Rites On the Value of Popular Music, Harvard University Press, 1996, p272 49/85 C. Légitimité et éthique 1. Le statut de cette musique, le problème du sample Comme musique étant composée essentiellement de samples, la légitimité de certains artistes est souvent remise en question, même par des connaisseurs du style. A première vue, sampler une musique entière et la ralentir sans citer ses auteurs apparaît comme du vol de propriété intellectuelle. Comme mentionné dans la première partie, la réappropriation de la musique est une composante essentielle de cette musique. Ces morceaux sont utilisés, dans un concept spécifique, pour ce qu'ils représentent et non pour qui les a fait ou ce qu'ils sont. Cela pose des problèmes éthiques, surtout lorsque certains artistes vendent leur musique sans même citer les samples originaux. Un redditor, en réponse au topic Should you pay for vaporwave?149, déclare que : « The issue I have is with nobody crediting the original artists you're sampling. I know some of the original vaporwave artists sampled entire tracks without giving credit and then that became a tenant of the genre, somehow. That doesn't make it fair to go grab whatever boogie track from Beat Electric and sample the whole thing and then refuse the original artist any credit. » L'auteur va même jusqu'à critiquer certains artistes, « I see the same with Saint Pepsi and Yung Bae and all those guys. They get big on sampling entire tracks, under the guise of a trending genre (vaporwave's early days), then change their artist names in an effort to shed the fact that their popularity is based mostly on their curatorial skills and less so their songwriting skills. » Voyant ce commentaire, un des artiste a alors répondu. « ... you are judging me without knowing who I am. go view my sampleless track SAFETY. I've been making music long before vaporwave and my label EP coming out is sampleless retrowave. I sell my albums for rankings, not money. » Où se situe le point de controverse ? La caractéristique sample based pose problème. Comme au début de la musique électronique, on se pose la question éthique de l'utilisation d'un sample pour un nouveau projet artistique. De plus, dans ce cas, des musiciens de musique électronique prennent l'absence de mixage, de synthèse sonore ou de traitements de qualité comme un raté. Il est effectivement difficile de comprendre que l'on utilise « The same 909 drums on every track, layed on top of songs that have been barely altered except for pitch shifting? ». L'auteur rajoute que « I've heard some great vaporwave, stuff like Renja's new album, stuff on Dream Catalog that sample a diverse range of music and indeed does alter it beyond recognition, bearing “little resemblance to the original” --so in that case, I personally give respect and credit to that work. There is a conceptual element to it, emotional nuances are reached through the manipulation of the samples that you hit on sometimes only by experimenting. » La ressemblance à l'original est alors un problème. De ce point de vue, il est donc difficile de donner de la légitimité à un style qui a comme hymne un morceau qui est objectivement une simple version ralentie et mélangée de Diana Ross. De l'autre coté, le label cité ci-dessus n'est parfois plus étiqueté comme vaporwave justement car ses artistes n'utilisent plus de sample. L'artiste répond alors « diplomatiquement », en guise de conclusion : « this is highly insulting. if you don't like what I do bugger off but don't tell me it takes little effort and time. many hours go into what I do. fuck off. » 149 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/32725a/should_you_pay_for_vaporwave/, consulté le 6 mai 2016 50/85 2. Ethique - Le téléchargement illégal Dans le mini documentaire Vaporwave: A Brief History150 de WosX, la vaporwave est présentée comme une « glorification du vol de la musique d'autrui ». Finalement, aussi surprenant que cela puisse paraître, lors de mes interviews, il s'avère que relativement peu d'artistes interviewés utilisent des versions crackées de logiciels et téléchargent massivement de la musique illégalement. Pour reprendre les mots de Chill-Cube : « I have never pirated a plugin/vst, because I don't feel the need when there are so many good free ones. […] Yeah. I can get everything I want from spotify, youtube, bandcamp and soundcloud. I think we're entering the post-piracy era where good and cheap streaming services like youtube, spotify, netflix, etc are making piracy unnecessary. » Effectivement, les sites se sont adaptés face aux téléchargements illégaux avec l'apparition de streaming gratuit, payé par la publicité. J'étais tout de même étonné que certains me disent qu'ils n'étaient pas à l'aise avec l'utilisation de torrent et l’installation de versions pirate, étant donné la banalisation de cette pratique ces dernières années. Voilà quelques citations pour illustrer mon propos : Blake : « I don't use much software plugins beyond the defaults, and cracks never worked out since I was never any good at torrenting. » Version Red : « i have macbook air 13 inch ableton live lite version 9 official version » Cela est peut être un hasard dû au nombre de personnes que j'ai interviewé, même si cela peut s'expliquer par la popularisation de la philosophie de l'open source dans ces milieux. Il se peut aussi que subsiste une certaine méfiance face à un interwiewer du bout du monde . - Déviance D'abord, le fait que ces gens soient de vrais geeks, et qu'ils consacrent une partie de leur vie devant un ordinateur, peut être perçu comme une déviance. Ils seront considérés par une personne non-initiée, comme des gens qui passent leur temps devant leur ordinateur, sans plus rien ressentir et vivre, de purs no life. Bien sûr, comme toujours, il y a des excès, et on peut prendre part à ces types de comportements pour de mauvaises raisons. Cependant, j'espère que mes argumentations et exemples, exposés au long de ce mémoire, mettent en évidence le réel aspect social et émotionnel de ces expériences en ligne. Cela me rappelle des moments où l'on raconte, avec des amis pas forcément geek, nos expériences en ligne, principalement via les jeux vidéos, et les liens que l'on a pu créer avec d'autres utilisateurs. Même si l'on ne se reconnaît pas dans ces discours, il faut relativiser ces expériences sociales, se regroupant autour de jeux, passions, idéaux et musiques, présentes sur le web, et les percevoir comme de nouveaux moyens de partage, ni plus, ni moins. De plus, la vaporwave et les sites qui lui sont associés, notamment et surtout 4chan, sont parfois assimilés à de la déviance. Vu le type de partage que l'on peut trouver sur 4chan, sans parler de la pédopornographie souvent réprimandée, et les avis politiques border line présents sur 150 https://www.youtube.com/watch?v=PdpP0mXOlWM, consulté le 31 mars 2016 51/85 l'imageboard /pol/ (Politiquement Incorrecte). Cet humour, très trash, est parfois mal interprété. Cependant, la vérité est qu'il y a une expression de déviance dans certaines parties de ce style. Elle s'exprime par l'humour, dans la musique elle même, et m'a été communiquée par certains artistes. Pour reprendre les mot de l'artiste russe Aleksandr, la vaporwave est en rapport avec : « hikkikomory style of life, deviant fetishes of collecting stuff and for sure sexual one..well..even we russians find japan very crazy haha : D » On peut mettre en perspective l'artiste sud coréen Japanese Darkness, qui répond à la question de la définition de la vaporwave par : « Japanese Darkness : I always saying ‘baby make’ Moi : haha why? What does it means for you? Japanese Darkness : I feel like drug, sex Moi : like deviant stuff ? Japanese Darkness : haha yes » La déviance fait partie de la vaporwave. La re-contextualisation d'éléments étant sa principale démarche, la vaporwave peut représenter une représentation, voire une glorification, du bizarre. Adam harper151, tirant ses propos d'une conversation avec l'artiste LASERDISC VISIONS, explique que : “ [...] « I wanted to take that familiarity and re-contextualize it so it was just slightly out of place. » Referring to the psychological effect that causes people to recoil from humanoid robots and other simulacra because they’re not quite human enough, s/he aims to achieve an “uncanny valley” effect, so to speak.” Beaucoup d'artistes insistent sur cet effet de uncanny valley, en l'appliquant sur la technologie ou l'espace virtuel, qui représente l'humain, et ses espaces, tout en étant créée artificiellement. L'expression de la déviance n'est pas propre à la vaporwave, les autres musiques populaires adoptaient la même position. Alors que le rock prônait Sex & Drugs & Rock 'n' Roll , les rave party riment avec sex et amphétamines et, à l'ère du bebop, les jazzmen n'avaient pas la réputation d'être les gens les plus sains. Ce style de musique, par ses nouvelles façons de considérer la musique, et de s’organiser autour de celle-ci, n'est parfois pas considéré comme légitime ou sain. Comme je viens de le montrer, il faut la reconsidérer par l'immersion dans son monde, afin de comprendre son fonctionnement et ses auditeurs afin d'apprécier ses spécificités. La vaporwave, comme tout style musical évolue dans un contexte, à travers des objets bien spécifiques et est source de nombreuses controverses. 151 http://www.dummymag.com/features/adam-harper-vaporwave, consulté le 10 mai 2016 52/85 Chapitre III. Les composantes de la vaporwave A. Le rapport esthétique au sample, de la pratique aux concepts 1. L’appréciation du son Le sample est une composante importante de la vaporwave. Les artistes ciblent une culture bien précise, celle des sons populaires des années passées. Une singularité de ce style est la sélection du sample dans un contexte bien spécifique, et ce à quoi il fait référence. Je me suis donc demandé comment ces artistes se procuraient leurs samples, et si la qualité et le format de ces fichiers sonores leurs étaient importants. C'est un questionnement qui me paraissait pertinent dans une époque où le débat des formats numériques, comme entre le MP3 et le WAVE, est constamment présent chez les mélomanes, et tout spécialement dans la musique électronique. Finalement, la majorité des artistes n'y porte aucune importance, ils téléchargent souvent leur musique via des sites qui récupèrent des fichiers sonores de Youtube, dont la qualité n'était pas exemplaire. Pour citer quelques exemples : Version Red : « i do rip songs I’m interested in sampling off of youtube but i download them to mess around with, rather than listen to » モ Mall : « I made most of [my album] by downloading videos from YouTube, slowing them down and creating loops out of them in Audacity, and manipulating them in Fruity Loops 7 » Globalement, les artistes se débrouillent pour récupérer un sample par tous les moyens, même si cela détériore la qualité de l'objet, ce qui peut, d'ailleurs, être recherché. Jérémy me confia que : « Les samples que j’utilise, je les trouve en fouillant sur le web ou partout ou je peux (vinyles, disques, cassettes que je peux trouver à droite, à gauche, partout ailleurs). Peu importe, je prends ce que je trouve, quand j’arrive à le trouver. Sinon je me débrouille autrement (en enregistrant directement le son de la carte son, par exemple, mais c’est plutôt rare, en général, quand on cherche, on trouve) » Cette pratique constitue une chasse au sample , où tous les moyens sont bons pour arriver à la perle rare. Cependant, la qualité du master, non pas par sa définition mais par son grain, est une composante essentielle à de nombreux musiciens. Ces artistes n'hésitent pas à traiter violemment leur signal au master, même en la faisant passer par une série de matériels analogiques. L’intérêt est de récupérer ce grain spécifique à chaque matériel. Par exemple, Chill-Cube fait passer ses musiques à travers un lecteur de cassettes audio : « I first make tracks, then I slow them down, add more reverb, sometimes add phaser and either run them through a cassette tape or use a VST to emulate cassette sound. Yeah, I have a usb cassette player and a ton of unused cassettes that I had no other use for. I bought the cassette player for the music (only $10) because I lost my old one. The empty cassettes I've had for years. » La texture finale d'un morceau, comme composante immersive, est essentielle. C'était la principale source de manipulation lorsque ce courant ne reprenait quasiment que des musiques entières. Cet exemple démontre que, malgré le fait que Chill-Cube n'utilise aucun sample, le traitement du master reste une composante essentielle. L'utilisation de sample n'est plus obligatoire : 53/85 Chill-Cube : « I don't use any samples at all when I make vaporwave. » V-MVSIC : « well the next album will be 98 % composed » Malgré les remarques de certains artistes : Japanese Darkness : « no sample? no vaporwave. » La vaporwave redéfinit notre rapport au sample, pour ensuite s'en écarter et ne conserver que le résultat esthétique de cette expérience. Ces artistes s’inscrivent dans la vaporwave en gardant les concepts et esthétiques sonores du style. 2. Visuel a. Visuel, pseudonymat et anonymat D'après Google tendance, parmi les six premiers termes les plus cherchés, en complément au terme vaporwave entre avril 2015 et avril 2016, quatre concernent le visuel (aesthetic vaporwave, vaporwave art, vaporwave wallpaper et tumblr vaporwave). Le caractère visuel de ce mouvement n'est pas négligeable et doit être mis en perspective avec la musique. Pour reprendre les propos de Hong Kong Express152 : « While the music has to stand alone and be good first off, I would say that aesthetic is everything in vaporwave and just as important as the music. It is the combination of both image and music that creates the weird, surrealistic and dream-like vibe that vaporwave is known for. I have never seen another style of music like it. » De plus, tous les artistes utilisent des pseudonymes, les artistes ne sont quasiment jamais représentés physiquement, que ce soit sur les pochettes ou ailleurs. L'artiste rajoute que : « This is why I think producers shouldn’t divulge their real names or pictures, or anything else about them when presenting themselves. When I listen to a vaporwave album, I want to be captured in the moment that the producer has tried to create with their aesthetic choices, and not thinking about them making the music on their DAWs in their apartments or houses. When I got more into vapor and discovered who some of these artists were behind the mask, it kind of ruined the buzz for me a little bit. » L'anonymat est essentiel, pour Honk Kong Express, l'artiste a besoin d'utiliser un pseudo pour illustrer, informer et incarner son concept. En prenant l'exemple de ECO VIRTUAL, il explique que : « One of my favourites is still ECO VIRTUAL, because I have no idea who they are. To me, ECO VIRTUAL is the weird company who makes “atmospheric research« weather channel music. If I ever found out Eco Virtual was “Billy Orange” or whatever, it would ruin it a little bit for me. » La méconnaissance de l'individu fait partie de la magie et du mystère de cette musique. Comme un objet esthétique incongru, l'album de vaporwave emporte l'auditeur vers un espace refabriqué, inédit et mystérieux. « that’s why a lot of the artists have multiple side projects, so they can explore new concepts and ideas, instead of throwing a mishmash of styles into their music. » 152 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 4 mai 2016 54/85 Effectivement, le nombre important de projets réalisé par une seule personne est dû à cette spécificité conceptuelle. Le pseudonyme incarne le projet. b. Les symboles utilisés Procédons maintenant à une décomposition des éléments et symboles de différentes pochettes de vaporwave. Pour effectuer cela, j'ai téléchargé l'ensemble des compilations proposées par le Essential guide et le Vaporwave Essentials 2K15 Edition que j'ai trié et présenté avec les pochettes apparentes sur le logiciel Itunes. Cela m'a permis d'obtenir une vision d'ensemble organisée de tous ces albums. Dans un souci de présentation, j'ai décidé de créer un schéma 78, à partir de photoshop, qui regroupe des albums caractéristiques de certains éléments. - Les illustrations En me basant sur la visualisation globale des différentes compilations, j'ai analysé les composantes des illustrations d'albums. Comme pour la musique, les symboles sont recontextualisés, ils sont traités aussi bien esthétiquement que pour ce qu'ils représentent. La pochette d'un album de vaporwave est importante, elle détermine le concept et la manière d'écouter l'album. Pour citer quelques exemples : Vaper Boy : « Then there's the visual and story aspect of it, the artwork and feeling of the music is meant to protray something bigger. » V-MVSIC : « It feels like looking in someones sketch book. It kind of portrays the over all the feeling the music. » Blake : « vaporwave almost always ties the art into the music's concept. Its a clever marriage of visual and audial arts and I think its just fantastic.. » Ces illustrations sont composées d'une série de représentations iconiques mélangées et recontextualisées. Aleksandr, un ingénieur et musicien russe, perçoit cette esthétique comme : « Actually everyting that can possibly put in that giant pizza - 90's 80's aesthetic, culture, fasion, tv programs, advertisment, consumerism, politics, internet culture, design, distortions, curruptions on VHS or audio tapes, underground influence, chillwave influence, japanese divisions like as far as i know many western countries are fans of anime cartoons, hikkikomory style of life, deviant fetishes of collecting stuff and for sure sexual one..well..even we russians find japan very crazy haha : D » Ces esthétiques sont perçues comme un assemblage incohérent de tout et n'importe quoi. Jérémy explique simplement cela : « parce qu’internet permet d’accéder à toutes sortes d’images, et notamment celles qui font partie de l’imaginaire collectif de ceux qui participent à ce mouvement, ceux qui étaient en place au même moment qu’internet, dans les années 90, et de nos jours. » Il rajoute que : « L’art “post-internet” est quelque chose de très intéressant à regarder, à décomposer, et à comprendre. Proche du pop art, mais très actuel, en 2016. [...] Post-internet, car nous ne sommes plus à l’ère de la découverte de cette librairie, ou de ce média dans certains cas. Ses codes sont compris et assimilés, et la plupart des graphistes de ce genre ont grandi avec internet, et en connaissent les symboles, son histoire, ses capacités, et les utilisent au maximum pour en faire quelque chose à l’image de ce qu’ils perçoivent d’internet. » 55/85 L’accessibilité rapide à toute sortie de données, sur internet, explique cet amas, a priori aléatoire, d'images. Cette culture graphique découle des expériences et de la perception que les gens ont d'internet, ainsi que de ses outils et de ses éléments constituants. Comme pour la musique, le visuel constitue un détournement, une réappropriation et une re-contextualisation d'objets. Ce ne sont pas les éléments en eux-même qui constituent, à la base, le concept, et partiellement l’esthétique, du mouvement mais la manière dont ils nous sont présentés.78 - Clips vidéo L'expérience esthétique ne s’arrête pas là. Traités différemment, mais avec les mêmes éléments et concepts esthétiques que les illustrations, les clip vidéos, proposés par les artistes ou par leurs fans, constituent une part importante de cet univers. Pour illustrer mon propos, permettez moi de vous présenter le clip du morceau “Chimerical”153, de VHS Logos, éditée par David Dean Burkhart. Le titre est un détournement, par le ralentissement et le traitement à l'aide d'effets tels que la réverbération ou le filtrage, du morceau “The Big Guns” du groupe Heatwave. L'artiste a gardé essentiellement le riff chanté mis en boucle, comme base de sa musique, et rajoute quelques overdub ponctuels d'esthétique glitch. Parallèlement à cela, la vidéo est constituée des samples d'émissions adoptant une esthétique des années 70 et 80, où l'on voit des personnes asiatiques danser. Elle est traitée de façon à simuler la lecture d'une VHS, en exploitant ses artefacts, comme la saturation colorimétrique, des effets de bandes dégradées ou désynchronisées et des rayures de bruits horizontales. Comme pour l'aspect sonore, ces artefacts sont exploités esthétiquement, la vidéo est glitchée, en synchronisation avec la musique. A l’instar de la musique garage ou de toute la culture glitch, ce sont les défauts des outils utilisés qui deviennent sources de nouvelles esthétiques. Et cela peut être mis en perspective avec le visuel de BLΛNK BΛNSΗΣΣ, dans son clip “ANXIETY ONLINE !”154, qui présente des animations 3D de corps mutants glitché, comme on pouvait l'observer dans des glitchs de premier jeux vidéos 3D. Enfin, des utilisateurs utilisent différentes musiques de vaporwave pour recréer des contenus inédits. Par exemple, Lucien Hughes combine des morceaux de vaporwave avec des extraits du dessin animé The Simpsons, pour créer un nouveau contenu, guidé par le titre de la vidéo155. Par exemple, la vidéo AY L est constituée de “ サ ンク 420 / 現代のコ ン ュ ー ”, par MACINTOSH PLUS, et de “Teen Pregnancy”, par BLANK BANSHEE, pour constituer un nouvel objet. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de présenter d'autres clips, étant donné que l'esthétique et la structure de ces vidéos proviennent directement des éléments conceptuels et esthétiques cités dans la partie précédente. Le clip guide l'écoute, et constitue une expérience esthétique totale. Ce n'est, bien sûr, pas propre à ce mouvement, mais cela permet de nous en dire plus sur la démarche artistique des artistes. Par exemple, comme pour la musique, le vidéaste ne cite pas la source de ces samples. Cela ne constitue pas un oubli, ou un non-respect des artistes samplés. “Chimerical” de VHS Logos est un morceau considéré comme un original, et pas seulement comme une version vaporwave du groupe Heatwave. c. L'esthétique intrinsèque de la typographie Au delà de l'image accompagnant un album de vaporwave, l'expérience visuelle continue dans l’utilisation esthétique des mots, au sein du titre des albums et des morceaux. Par exemple, de nombreux artistes utilisent des caractères extra-occidentaux pour leurs esthétiques et pour ce qu'ils 153 https://www.youtube.com/watch?v=xRU_zS6zxG0, consulté le 5 mai 2016 154 https://www.youtube.com/watch?v=zcpiKIgjG74, consulté le 10 mai 2016 155 https://www.youtube.com/watch?v=rTfa-9aCTYg, consulté le 5 mai 2016 56/85 représentent. Il est évident que tous ces artistes ne lisent même pas cette langue et qu'une majorité sont juste aller chercher ces symboles sur Google traduction. Cela constitue également un jeu pour les auditeurs qui peuvent choisir ou non d'aller chercher la traduction. Comme exemples d'utilisations de symboles japonais, on peut citer des albums comme : 札幌コン ン ー (Contemporary Sapporo) / 情報 スク VIRTUAL (Virtual Information Desk)156 où la traduction des symboles apportent des renseignements sur le concept de l'album, クロス (Macross) MACROSS 82-99 - A Million Miles Away157 où les symboles constituent une répétition du nom de l'artiste et ▣世界から解放され▣ - ░▒▓新しい ックス イフ▓▒░158 où ils forment l'intégralité du nom de l'artiste, de l'album et des morceaux, alors que l'auteur est berlinois. Les artistes utilisent également des calligraphies chinoises : Hong Kong Express – 浪漫的夢想159 et R23X - OSV - X. Airship 飛空艇160 et coréennes : 회사 AUTO - The Lovers Pure161, 식료품식료품 groceries - 슈퍼마켓 Yes! We're Open162 De plus, les artistes utilisent d'autres types de symboles qui ne correspondent pas à des langues. Par exemple, on trouve de fausses extensions de fichiers numériques comme l'album : SOUND_TRACK ~ [MP3].torrent163 de R23X ou encore l'album virtua.zip164 de ESPRIT 空想 où tous les morceaux se finissent par la fausse extension .wav. Du coup, ces morceaux ressemblent, de manière étonnante, à “esprit.wav.mp3” dans mon finder. Ce n'est pas impossible, mais plus rare, de trouver d'autres types de symboles comme des icônes représentatifs, comme le morceau : “☞ SELECT” de R23X165 ou “B:/ Infinite Login”166 de BLANK BANSHEE qui récrée métaphoriquement l'entrée dans un espace lorsque l'on utilise un support de stockage numérique. Ces symboles constituent souvent une appropriation des éléments du quotidien ou de l'imaginaire collectif, ils font partie intégrante du concept de l'album. En plus de cela, des types d'écritures sont aussi purement esthétiques, comme le fait d'écrire le nom du morceau avec un espace entre chaque lettre ou de n'utiliser que des caractères gras. Ces styles d'écritures sont 156 https://beerontherug.bandcamp.com/album/-, consulté le 5 mai 2016, J'ai effectué toutes les traductions extraoccidentales grâce au site https://translate.google.fr/?hl=fr 157 https://macross82-99.bandcamp.com/album/a-million-miles-away, consulté le 5 mai 2016 158 https://internetclub.bandcamp.com/album/-, consulté le 17 avril 2016 159 https://dreamcatalogue.net/releases/hong-kong-express/, consulté le 5 mai 2015 160 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/osv-original-sound-version, consulté le 5 mai 2016 161 https://auto-7.bandcamp.com/album/the-lovers-pure, consulté le 5 mai 2016 162 https://groceries-store.bandcamp.com/album/yes-we-re-open, consulté le 5 mai 2016 163 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/sound-track-mp3-torrent, consulté le 5 mai 2016 164 https://espritfantasy.bandcamp.com/album/virtua-zip, consulté le 5 mai 2016 165 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/track/select, consulté le 13 mai 2016 166 http://blankbanshee.bandcamp.com/album/blank-banshee-1, consulté le 5 mai 2016 57/85 également utilisés, avec humour, par la communauté. Voici quelques exemples tirés de la section commentaire de Youtube167 : Cela constitue, comme les mèmes, des manières de communications et d'expressions visuelles publiques. Le style typographique numérique qui n'est pas sans rappeler les calligrammes d'Apollinaire est une composante très spécifique de ce mouvement. Pour conclure cette partie, l'esthétique globale de la vaporwave réside dans la ré-appropriation et la re-contextualisation d'éléments de l'imaginaire collectif. Elle est parfois vue comme une glorification du bizarre. Une esthétique particulière s'en est finalement dégagée, à la colorimétrie très saturée, mettant en valeur la couleur violette. Pourquoi le visuel est-il si important ? Cette manière de communiquer fait partie intégrante du web. L’anonymat étant la norme, l'artiste ne se cache pas sous un pseudo mais l'utilise comme un support pour représenter esthétiquement et conceptuellement son projet. 167 https://www.youtube.com/watch?v=cU8HrO7XuiE, consulté le 5 mai 2016 58/85 B. Son et technique 1. Les différents styles reconnus par la communauté De la vaporwave, une multitude de sous-genre, se concentrant chacun spécifiquement sur un aspect spécifique du style, s'est développée. Ces classifications ont été effectuées à partir des caractéristiques musicales (vapor-funk, vaportrap,...), conceptuelles (hypnagogic, mall soft) ou/et de temporelles (Proto-vaporwave). Le but de cette partie est de présenter rapidement chacun de ces styles, avec leur spécificité, afin de préciser certaines composantes du mouvement. Je n'ai pas l'intention de faire une présentation exhaustive, étant donné que ce genre de travail est déjà effectué sur le web sous de nombreux points de vue, notamment par les subreddits associés à chacun de ces genres. Chaque genre s'est rapproché d'une influence, alors que la futurefunk168, comme un mélange entre la vaporwave et la french house, se base sur le groove des samples funk et disco, le mouvement mallsoft169 se rapproche de l'ambient music en reproduisant et réinterprétant des paysages et des lieux, en gardant l'idée d’ambiance sonore, de musique que l'on écoute d'une oreille. Le courant vapor-hop170, appelé aussi vaportrap, est un rapprochement avec le hip-hop, notamment avec le cloud rap, en utilisant son langage musical avec des esthétiques provenant de la vaporwave. Dans la compilation Vaporwave Essentials 2K15 Edition, on observe des étiquettes comme DREAM/AMBIENT, contenant des artistes se basant sur le dreamy aspect cher au label Dream Catalogue, EXPERIMENTAL/VAPORNOISE, avec des musiciens se rapprochant de musique noise et expérimentale, et même le genre NUWRLD qui, selon des redditor171, n'est qu'une blague à propos des étiquettes musicales. Effectivement, de nombreuses sous-étiquettes, plus ou moins convaincantes, ont émergé, on peut citer des exemples comme le metrosong172, manipulant des objets de notre quotidien, le style Futurevisions173, qui reprend le concept du mall soft dans un paysage futuriste dystopique, ou encore le VHS POP, qui se concentre sur les artefacts et sensations spécifiques à la cassette VHS. Vous pouvez alors trouver des dizaines de sous-genre de ce type sur internet, tous se concentrant sur des caractéristiques musicales, sonores ou conceptuelles différentes extraites de la vaporwave. 2. Les différents emprunts Comme pour le visuel, j'ai décomposé les caractéristiques esthétiques sonores des artistes et cherché des musiques auxquelles la vaporwave faisait référence afin de trouver des affiliations. A l'instar de ma recherche sur le visuel, je me suis également principalement basé sur les différentes compilations, notamment l'Essential guide et le Vaporwave Essentials 2K15 Edition, ainsi que sur les play-lists présentes sur le site de streaming Youtube. Mon but n'est pas de rentrer dans les détails, mais de cerner les origines culturelles de ce mouvements pour mieux comprendre son esthétique et ses démarches. 168 https://www.reddit.com/r/futurefunk/wiki/origins, consulté le 7 mai 2016 169 https://www.reddit.com/r/Mallsoft/, consulté le 7 mai 2016 170 https://www.reddit.com/r/vaportrap/, consulté le 7 mai 2016 171 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/3v1lbg/what_is_nuwrld/, consulté le 7 mai 2016 172 https://www.reddit.com/r/metrosong, consulté le 7 mai 2016 173 https://rateyourmusic.com/list/floflo79/_r_vaporwave_guide_to_vaporwave_subgenres/, consulté le 7 mai 2016 59/85 Tout d'abord, la musique hip-hop est constitutive d'une partie des artistes de ce style, souvent pour les artistes utilisant partiellement des samples. Comme la musique hip hop, la vaporwave est essentiellement basée sur des samples, et comme la musique hip hop, il y a de nombreuses exceptions. Du sillon en contact avec le vinyle à platine, au MP3 échantillonné numériquement de youtube, l'acte de sampling est le même. Musicalement, on retrouve de nombreux artistes de vaporwave s'exprimant par la musique hip hop, comme R23X dans son album SOUND_TRACK ~ [MP3].torrent dans des morceaux comme “─=≡Σ(( Waiting ))}”, “⚔ Necessary Crafting & Alchemy ⚔” ou encore “☞ SELECT”. L'esthétique vaportrap, mentionnée précédemment, s'est construite à partir de travaux comme BLANK BANSHEE 0 de Blank Banshee. Une affiliation, souvent citée en interview, avec l'ambient music est évidente, cela pour plusieurs raisons. Pour tout ce que la musique ambient sous-entend, du concept associé de Brian Eno jusqu'à l'esthétique que cela crée, les influences dans la vaporwave sont évidentes. Par exemple, le style mall soft est entièrement consacré à la reconstitution de sensations et d'éléments d'un lieu particulier. On peut également citer l'album ー ックホーム174 de Remember, qui emprunte largement à cette esthétique en utilisant de longues nappes synthétiques enveloppées par des samples de paysages sonores. La première influence que j'ai relevée, de par mes goûts prononcés pour ce style, fut celle de la musique électronique expérimentale ainsi que celle du style I D M (Intelligent Dance Music) apportée par le label WARP Records. Les propos de Daniel Lopatin175 représentent bien cette démarche expérimentale : « they’re very easy to make, this is how you do it: Just listen to music, have taste, figure out what you like in something that’s bad and loop it, slow it down and put a bunch of delay on it. Or do whatever the fuck you want but just repeat forms that you like and take them back away from the world of shittiness and make them fun. » De plus, le glitch art est prégnant dans la vaporwave, par l’utilisation de glitch et par ses emprunts esthétiques et conceptuels. Lors de mes interviews, cette influence est souvent apparue. L'artiste モ Mall , en citant l'artiste Hantasi176 pense que ; « also, the “internet culture” style ones are tangentially-related to glitch art ones. Not only did glitch art aesthetically match with vaporwave and mallsoft, but I liked how weird and surreal they were as well » Comme mentionnée précédemment, Blank Banshee utilise également ces techniques dans ses clips. La vaporwave possède une démarche de détournement expérimentale. Le style est aussi perçu comme découlant des musiques plunderphonics, notamment avec les expériences sonores de John Oswald dans son album Plunderphonics ou de DJ Shadow avec son album Endtroducing......, considéré comme le premier album de musique populaire à n'utiliser que des samples comme matériaux de composition. 174 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/--22, consulté le 10 mai 2016 175 http://www.52-insights.com/oneohtrix-point-never-chaos-through-pop-music/, consulté le 17 avril 2016 176 https://hantasi.bandcamp.com/album/secret-garden ; https://hantasi.bandcamp.com/album/vacant-places, consulté le 24 mai 2016 60/85 Aussi, une composante de l'esthétique vaporwave provient des samples sélectionnés euxmêmes. Les musiques kitschs, extraites des années 80, comme la musique new age, le jazz lounge ou la pop électronique constituent une composante esthétique de ce mouvement. La réappropriation, même re-contextualisée, de ces musiques entraîne une assimilation entre elles et le langage musical de la vaporwave. D'ailleurs, certaines personnes confondent parfois le style outrun177 (ou synthwave), qui constitue une re-contextualisation particulière des synthétiseurs et de leur utilisation dans les années 80 dans un contexte rétro-futuriste avec la vaporwave. Même si ces style peuvent se ressembler esthétiquement, ils n'ont pas grandi dans le même espace et ne possèdent pas les mêmes démarches. Une composante esthétique importante est l'affiliation de ce style avec les autres genres artistiques présents sur le web. On peut observer que la vaporwave a utilisé la nostalgie et la saturation colorimétrique de la chill wave178, traitée avec la technique chop and screwed de la witch house179 tout en baignant dans l'esthétique seapunk180. Les principales influences sont donc les musiques électroniques populaires, de la musique hip hop à la techno en passant par la synth pop des années 1980, et tout ce qui constituent les arts issus de la technologie, du glitch art au net art, en passant par la demoscene. 3. Outils et pratiques Lors de mes interviews, j'ai particulièrement insisté pour que les artistes décrivent leur environnement de travail en détail. En effet, cela constitue une information, à priori banale , mais quasiment impossible à obtenir autrement. De plus, les informations qu'ils m'ont fournies, notamment sur la façon dont ils utilisaient leur matériel, étaient très intéressantes au regard de mes propres pratiques avec ces mêmes outils. a. Instruments virtuels : légalité et notoriété Cela a mis en lumière plusieurs faux a priori que j'avais sur ce mouvement. Par exemple, présenté comme une « glorification du vol de la musique » d'autrui dans le mini documentaire Vapourwave: A Brief History181 de WosX, il s'avère que très peu d'artistes interviewés utilisent des versions pirates de logiciels et qu'ils préfèrent, à la place, utiliser des logiciels et plugins libres de droit. Plusieurs d'entres eux, comme mentionné précédemmentp51, m'ont tenu le même discours à propos du téléchargement illégal de musique, alors que de nombreux milieux de la musique électronique underground, à travers les torrents et de nombreux groupes secrets et cachés, prônent le partage des versions pirates. Cela était très surprenant étant donné le processus de création propre à ce style. 177 https://www.reddit.com/r/outrun/, consulté le 7 mai 2016 178 https://www.reddit.com/r/chillwave, consulté le 7 mai 2016 179 https://www.reddit.com/r/witchhouse, consulté le 7 mai 2016 180 https://www.reddit.com/r/seapunk/, consulté le 7 mai 2016 181 https://www.youtube.com/watch?v=PdpP0mXOlWM, consulté le 31 mars 2016 61/85 - Des objets virtuels au devant de la scène Un autre élément surprenant était l'utilisation récurrente du synthétiseur virtuel gratuit, DEXED, qui est une reproduction du synthétiseur numérique DX7 de Yamaha. V-MVSIC : « I have a DX7, […] I also use plug ins such as DEXED » Blake « I have a […] Yamaha Reface DX » Chill-Cube : « I only used free ones (Dexed, a clone of the 80s synth Yamaha DX7, being my favourite plugin) » Au delà du fait que c'est une simulation du premier synthétiseur numérique massivement commercialisé, qui convient donc parfaitement au style, cette utilisation commune était tout a fait étrange, étant donné le nombre incalculable de simulations de vieux synthétiseurs disponibles aujourd'hui. En effectuant mes recherches, je me suis dirigé, par hasard, vers le guide de création de la vaporwave proposé par la section wiki d e Reddit182. J'ai alors découvert qu'il conseillait publiquement l'utilisation de ce même synthétiseur. Ma question, à l'instar de la poule et de l'oeuf, était de savoir qui l'avait partagé en premier. Les artistes l'ont ils trouvé ici, ou les modérateurs du Subreddit l'on t-il partagé par affinités personnelles ? J'ai eu une réponse de la part de Chill-Cube. « I wanted a more 80s sound, so I Googles for what synths were popular then and I fell in love with the Yamaha DX7. So I checked if there were any vst emulations of it and found Dexed » Sans réel résultat, il est tout de même intéressant de remarquer les influences que peuvent entraîner ce genre de post. Comme un type de guitare spécifique à un style, ou à un mouvement, la vaporwave dispose également de ses objets fétiches, mais sous une forme virtuelle. b. Le matériel Tout d'abord, parmi les informations que j'ai pu obtenir , qu'il faut prendre comme exemple et non comme étant représentatif du mouvement, deux logiciels sont plus récurrents que d' autres. En effet, cinq artistes utilisent Ableton Live, trois FruityLoops et quatre autres séquenceurs ont été cités (Logic Pro, Pro Tools, SunVox et Open MPT). Mais les deux gagnants entretiennent une relation particulière, FL Studio est souvent présenté un peu honteusement, comme une transition vers Ableton. Voilà quelques exemples : モ Mall : « FL Studio was all I had for a while. I'm trying to swtich over to Ableton Live now » Aleksandr : « Don't laugh but...it's very simple softwares. Win.7, Frutty Loops studio,... » La notoriété d'un logiciel à un autre change. Il arrive régulièrement que les gens se moquent de FL Studio pour ses sons et son esthétique183. Personnellement, je pratique régulièrement Ableton Live, et je pense que les musiciens l'apprécient pour la qualité de ses différentes fonctions de timestreching, qui sont les techniques de manipulations temporelles d'un échantillon, qui permettent de ralentir un morceau indépendamment de sa hauteur de manières différentes. 182 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/wiki/freevaporwavetools, consulté le 7 mai 2016 183 https://www.youtube.com/watch?v=91jVZAfIgu4, une blague sur FL Studio à 1 minute, consulté le 7 mai 2016 62/85 Ensuite, j'ai été surpris que, même avec une certaine notoriété, les artistes n'utilisaient pas tous, ni pour l'écoute ni pour la production, du matériel professionnel tel que des enceintes ou casques de monitoring. Alors que ceux-ci sont maintenant accessibles à des prix abordables et constituent la base du matériel d'un bedroom producer pour les autres genres de musiques électroniques. Pour citer quelques exemples : V-MVSIC : « broken headphones and a duel cassette deck with some old speakers haha » Japanese Darkness : « I using macbook’s soundcard and speakers bose companion 20 » Aleksandr : « no any professional hardware - using regular speakers Sven SPS-606 ) » Chill-Cube : « I'm on a tight budget so I use pretty cheap (less than $50, can't remember the price) regular computer speakers and $10 headphones » De plus, provenant des musiques électroniques, je fus surpris du peu de plugins ou différents DAW utilisés. Dans mon groupe d'amis, musiciens de musiques électroniques, nous sommes en constante recherche de son et de timbre, par la découverte de nouveaux VST (Virtual Studio Technology) ou synthétiseurs. Par exemple l’artiste Japanese Darkness m'indique que : « I'm using only ableton live’s internal plug in » Enfin, aucun ne m'a parlé de logiciel tel que Pure Data ou Max/MSP qui sont souvent cités par les musiciens électroniques amoureux d'expériences sonores. Plusieurs artistes de vaporwave n'utilisent principalement que des séquenceurs et leurs effets intégrés, alors que cette approche paraît inenvisageable ou débutante, de la part de musiciens de musiques électroniques. En parallèle à son processus de création particulier, cela m'a fait réaliser que l'approche artistique de la vaporwave n'était pas par essence dans l'art du travail du son, comme peuvent l'être d'autres courants électroniques, et que leur paradigme artistique se trouvait ailleurs. Alors que l'on peut maintenant produire un morceau en deux minutes, à l'aide de presets virtuels, la vaporwave porte son intention dans une autre direction. Les normes changent suivant l'évolution des outils et des objets. Voilà un bon exemple ; par curiosité j'avais demandé à un ami comment il avait fait un de ses morceaux de vaporwave, il m'avoua qu'il avait tout fait sur Virtual DJ, un logiciel amateur spécialisé dans le DJ set, j'ai trouvé ça génial. Les limites et les contraintes d'un logiciel déterminent l'espace de création de l'artiste. Du simple sample ralenti et réverbéré aux traitements ingénieux, du son le plus brut, traité sur les enceintes de leurs ordinateurs, aux sons les plus fins, mixés subtilement sur des enceintes de monitoring, les artistes de vaporwave n'ont pas de parti pris technique particulier. La qualité du son ne va pas nécessairement changer la qualité du morceau. 63/85 C. Les démarches artistiques, de l'idée au partage 1. Le rapport conceptuel aux samples La démarche de création d'un album, de la recherche du sample jusqu'au partage de celui-ci, n'est pas toujours effectuée de la même manière, et est prétexte à de nombreuses controverses. Je me suis donc demandé en quoi consistait la démarche artistique d'un album de vaporwave. Quel peut être son processus de création, sa finalité et son partage ? - La conséquence esthétique et conceptuel du sample La recherche du sample et du concept fait partie intégrante du processus de création. De ces pratiques originelles du style, maintenant contredites et mutées, on a observé comment elles ont évolué pour donner place à une esthétique, les voix ralenties et le travail sur un spectre sonore bas, et des paradigmes artistiques, comme l'importance du travail des textures et surtout le traitement du master. L'idée d'une utilisation partielle du sample met en évidence la manière dont nous les concevons. Au delà de leur esthétisme pure, Jérémy perçoit le sample comme le détournement et l'exagération des symboles populaires environnants. La démarche serait de : « singer la société de consommation en l’exagérant. » Sans revenir à la précédente partie, traitant l'engagement politique, le sample est perçu comme un objet détourné et re-contextualisé. En effet, contrairement à d'autres styles , le sample est pris pour ce qu'il représente et non seulement comme une ressource esthétique à manipuler, le sens sémantique du sample originel est partie intégrante du propos artistique. Par exemple, pour Blake : « Its like taking the false happiness from a lot of those overly-commercialized tunes and bringing the soul out of it. If that makes any sense haha » De plus, illustrant l’idée de re-contextualisation du morceau, et hors d'un contexte politique, Japanese Darkness déclare que : « sample is important. we make old sample to trendy. no sample? no vaporwave » Même, et surtout, pour les artistes n'utilisant pas de sample, l'élément de re-contextualisation, ou de conceptualisation, d'un objet, d'une sensation ou d'un lieu est essentiel. En se baladant sur la page Bandcamp du label Dream Catalogue184, qui remet en question l'essentialité du sample, on observe, seulement par les illustrations, l'idée de re-contextualiser un paysage ou un concept, de la création d'un monde hyper-technologique dystopique parallèle, comme l'album 新しい日の誕生 de 2 8 1 4 185 , à la re-contextualisation de la nature dans un espace virtuel, comme l'album GooglePlex Bionetwork de Pyravid186. Le rapport qu'entretient la vaporwave avec l'idée d’échantillonnage est fort. Anthony Fantano déclare dans une interview que : « vaporwave has a very strong relation to sample-based »187 184 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/, consulté le 7 mai 2016 185 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/--18, consulté le 7 mai 2016 186 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/googleplex-bionetwork, consulté le 7 mai 2016 187 https://forecastpodcast.bandcamp.com/album/oscast-22-the-needle-drop à 13 minutes, consulté le 7 mai 2016 64/85 Mais sur quels plans, et à quel point, cette caractéristique basale du style a défini celui-ci ? D'abord, car cette démarche initiale a permis de marquer les repères esthétiques du style, par le ralentissement de ces samples et par les caractéristiques esthétiques intrinsèques des musiques originales. Mais, même aujourd’hui, alors que la spécifique sample-based de la vaporwave est remise en cause, c'est bien cette démarche originelle de re-contextualisation d'un objet qui perdure, que ce soit dans dans l'idée de remix, de remettre des anciennes musiques à la mode, ou de recontextualisation d'éléments, comme le travail effectué au sein du label Dream Catalogue. 2. Anonymat et pseudonymat Comme mentionné précédemment, l'anonymat est le standard sur internet. Même à travers des pseudonymes, la norme, suivant le site, peut être de discuter et partager avec des personnes que l'on ne connaît pas et que l'on ne verra jamais. Du groupe de rock à l'artiste de vaporwave, en passant par les artistes de techno, la façon d'envisager le projet artistique autour d'un pseudonyme ou d'un concept témoigne d'une dépersonnification progressive du propos artistique vers un objet procurant une expérience esthétique et réflexive particulière. Ce n'est plus le groove d'Art Blakey ou la maîtrise instrumentale de John Coltrane qui régissent les paradigmes artistiques, mais l'expérience que l'on a d'un projet artistique, d'un album, créé par un artiste parfois inconnu. Les musiciens se retrouvent maintenant autour de projets, sans forcément s'identifier à une culture ou un style, pour créer un objet esthétique. L'anonymat est essentiel à la vaporwave, elle permet de concevoir un concept qui va du pseudonyme à la musique. Pour reprendre les propos de Hong Kong Express : « When I got more into vapor and discovered who some of these artists were behind the mask, it kind of ruined the buzz for me a little bit. »188 Le concept peut être considéré au delà de la personne qui le crée. L'artiste, qui porte personnellement une importance forte aux concepts des albums, ajoute que : « One of my favourites is still ECO VIRTUAL, because I have no idea who they are. To me, ECO VIRTUAL is the weird company who makes “atmospheric research” weather channel music. If I ever found out Eco Virtual was “Billy Orange« or whatever, it would ruin it a little bit for me. In that sense, gimmick is everything in vaporwave, and that’s why a lot of the artists have multiple side projects, so they can explore new concepts and ideas, instead of throwing a mishmash of styles into their music. » Considérant ses propos, en perpective de la rapidité que peut mettre un album à être créé, il n'est pas étonnant qu'une grande partie des artistes possèdent de nombreux pseudonymes, sans jamais proposer de performance live. Le pseudonyme est important car il représente le projet d'un artiste anonyme, et est porteur du concept d'un album ou de plusieurs albums. 188 http://daily.redbullmusicacademy.com/2014/09/dream-catalogue-interview, consulté le 5 mai 2016 65/85 3. Le processus de création a. Un cas concret Le processus de création d'un album de vaporwave est très particulier. J'ai voulu l'étudier afin d'extraire une idée des principaux éléments. Pour ce faire, 식 료 품 groceries189 m'a raconté l'histoire de la création de son album, de l'idée à sa mise en place concrète, en m'expliquant son parcours, ses réflexions et ses ressentis. Ce qui est remarquable avec cet exemple, c'est que c'est le seul artiste, parmi mes interviewés, à avoir étudié la musique au sein d'une formation universitaire. Cela est d'autant plus intéressant, sachant qu'il a choisi la composition, à l'université du North Texas, où il s'est spécialisé dans la musique minimaliste savante. Cela procure donc Illustration 4: Pochette de l'album l'expérience d'un musicien extérieur qui découvre et 슈퍼마켓 Yes! We're Open de 식료품 groceries s'investit dans ce style. Il semble donc à même de ressentir assez clairement les spécificités de cette musique et ce que cela lui a apporté. Tout a commencé lorsque l'artiste recherchait un nom pour un projet de musique drone. Il était en contact, par email, avec un DJ de musique ambient, Cullen Miller, qui l'initia à ce concept cher à Brian Eno. 식료품 groceries réagit à ce concept sarcastiquement en s'exprimant : « So, like a grocery store? », ce qui lui donna l'idée du nom de ses travaux. Son projet resta inachevé et tomba dans l'oubli. Pendant ce temps là, il fut converti à la vaporwave lorsqu’il entama une conversation par email avec l'artiste Vincent Remember, qui lui parla également du style mall soft. L'artiste se renseigna sur ce genre qui lui rappela directement l'ancien projet abandonné. Il fut conquis par le style, et m'explique que : « the idea of taking a bunch of loops was interesting to me (Remember how I was into minimalism?) ». En partageant quelques projets sur le site Soundcloud, un artiste plutôt populaire, Hong Kong Express, lui proposa de produire un album pour son nouveau label, Dream Catlogue190. 식 료 품 groceries, ne pensant même pas à produire un album, fut excité par l'idée et s'exclame : « So I accepted, and worked hard to finish my concept for the first album, and sent it to him! ». Il choisit de faire un album qui retranscrit la visite dans un mini marché coréen, car il appréciait et avait souvent l'habitude d'acheter des produits dans ce type d'endroit. Tout au long de ce parcours, il est remarquable de constater l'importance de la communication personnelle, par email, dans l'initiation au style. Mais le point qui m'a vraiment intéressé fut le feedback qu'il déclare avoir eu de cette expérience : 189 J'ai décidé, avec l'accord de l'artiste, de ne pas anonymiser ce moment d'interview, car il me paraissait pertinent de pourvoir vous montrer le nom de l'artiste ainsi que l'image de son album en perspective de son processus de création. 190 C'est maintenant le label le plus renommé de varpowave. 66/85 « Honestly, I broke a lot of personal rules making that first album. I thought, ”I'm actually going to rip music from videos on YouTube??”, then ”I'm just going to slow it down and loop it?”, then ”I'm really going to make a whole album with FL Studio 7??” Thinking all of this was disgusting, and really bad and careless art. but kind of the fun was embracing how gross that felt, and living in that space. » Provenant de la musique classique savante, il m'avoua qu'il avait d'abord éprouvé de la répugnance pour ces processus de composition, qu'il considérait comme de l'art sans importance. Pour lui, cela ne respectait ni la qualité esthétique du son des samples, provenant de youtube, ni la propriété intellectuelle des artistes samplés ou les principes de compostions traditionnels. « It was liberating, and I learned a lot about art and making art in the process. I think that's what makes it very similar to punk music. It's a very “whatever it takes” genre, especially the old stuff. feel like I recieved a lot of good feedback for my “rule-breaking” experiments, and that made it worth it. think I'm more open-minded as an artist, and even as a person because of it » Ce point de vue extérieur permet de bien comprendre les enjeux de ce style. C'est un témoignage d'un musicien, avec des préjugés récurrents, qui découvre le style et explique la libération artistique iconoclaste que lui a permis ce style. Ce mouvement est souvent critiqué sur sa facilité de production et l'utilisation de sample de musique entière, attaquée comme du vol. Même si cette musique ne paraît pas compliquée, ce n'en est pas le but finalement. Selon Aleksandr, « I define the vaporwave as an the easiest genre that allows almost everybody to feel free to experiment all the time on different things they likes, finding themselves and orienting to something they'd like to reach but disoriantated in other spheres they can't. That's my opinion under it ) » Cela explique pourquoi on peut percevoir cette musique comme ésotérique, le processus de création casse beaucoup de règles, il est très spécifique. Le témoignage de 식료품 groceries, en perspective avec la formation et l'histoire de son auteur, révèle le caractère DIY et conceptuel du style. Je tiens à préciser qu'il faut garder en tête que cette courte narration reste une vision personnelle, non représentative du processus de création global. Il y autant d'expérience de la musique que de personnes qui la pratiquent. De plus, il est important de préciser que certains artistes portent une attention très particulière au travail du son, et sont réellement ingénieux et expérimentés dans ce domaine. b. La nouvelle pédagogie : la philosophie Do It Yourself et l'Open source Le DIY est une appellation (Fais le toi même en français) qui revendique la pratique d'un domaine sans faire appel à des professionnels et sans avoir de formation préalable, le bon vieux système D de nos parents. Artistiquement, cela fait référence, entre autres, à la démarche des punk qui décidèrent de faire de la musique sans connaissance musicale préalable. Cela a l'avantage de faire travailler sa capacité d'adaptation et créer des expériences esthétiques inédites. En quoi la vaporwave prône-t-elle cette philosophie ? Les musiciens sont des bedroom producers solitaires sans forcément de grandes connaissances techniques, d'un point de vue classique et actuel. De plus, l'idée de prendre une musique et de la ralentir n'est pas particulièrement difficile à exécuter. Le point fascinant de ce mouvement est que ces personnes ont réussi à donner du sens là où personne n'en percevait. Le cas étudié dans la partie précédente renforce cette idée, cela montre la remise en question, face à des outils traditionnels, de la façon que l'on a d'envisager la musique. 67/85 Revenons à l'exemple de mon ami qui a produit sa musique sur le logiciel Virtual DJ. En maîtrisant moins bien les autres outils, les séquenceurs traditionnels, il fut contraint d'utiliser Virtual DJ pour organiser et traiter une musique, ce qui peut être critiquable étant donné le peu de moyens dont dispose ce logiciel destiné au djing amateur. En faisant cela, il crée quelque chose d’inédit, que je n'aurai jamais pensé à faire. Cela m'apporte donc une approche incongrue mais inventive d'un logiciel, notamment par le détournement et l'appropriation de celui ci. Cet art de la débrouille, souvent effectué empiriquement, laisse place à des expériences novatrices, pour celui qui est assez sensible pour résister au formatage et suivre ses instincts. J'aimerai revenir sur la caractéristique autodidacte du style. Effectivement, les artistes se débrouillent seuls. Mais ils disposent de nombreux outils, comme un nombre infini de tutoriels mis en place par la communauté ou des logiciels piratés ou open source de qualité, ainsi que d'une communauté soudée prête à aider les personnes dans le besoin. Le développement de logiciels open source et de ses tutoriels gratuits nous mène vers une nouvelle forme de pédagogie. En résumé, l'apprentissage est physiquement solitaire, mais virtuellement collectif. c. Partage, monétisation et performance Partage et monétisation Alors que certains artistes proposent leur travaux à un prix libre, d'autres décident d'imposer un seuil de monétisation. Avant de commencer, je me dois de préciser qu'aucun des artistes interviewés ne vivait de sa musique. L'absence de performance, et le partage digital libre, avec donation, de leur musique ne leur permet pas de constituer un revenu. - Should you pay for vaporwave ?191 Alors que la plupart des sorties sont digitales, et que la plupart des artistes utilisent des samples dont ils ne possèdent pas les droits, un redditor, en créant un thread spécifique, demanda si l'on serait prêt à payer pour un album de vaporwave. Etant donné que c'est une musique à base de sample, les questions d'éthique, de légitimité de la création, et de légalité, en raison de l'absence de copyright, créent le débat50. La première réponse, très pertinente, est de rediriger la question sur l'ensemble des musiques, et non seulement celle de vaporwave, en évitant ces problèmes pour se diriger vers une autre question essentielle : « The question should be “should you pay for music” So should music be free? I believe the best way forward for digital music (and all digital content) is a “free or pay more” scheme, which I would champion if I owned a vaporwave label, an indie label, a rap label or any kind of label. » Le financement participatif est le moyen de rémunération le plus courant, même si certains labels demandent un minimum. Pour Blake, directeur de label : « digital music is so run of the mill that it retains pretty much no value at all beyond the consumer's opinion on whether or not the music itself is any good. I don't think people should pay for digital music at all. The same goes for vaporwave, maybe even more so. There's so many artists that its kind of crazy to ask people to pony up $5 for a plain old digital download when DMT has this massive archive of free albums, or you could just download it through other means for no cost at all. » La norme, dans la vaporwave, est au téléchargement participatif, mais cela ne permet pas aux artistes de vivre de leur musique. En effet, toutes les personnes interviewées disposaient d'une autre source de revenu . La recherche d'un moyen de financement du créateur est un débat très présent sur le web, que ce soit pour le musicien, ou pour les jeunes vidéastes sur internet, aujourd’hui financés majoritairement par la publicité sur Youtube. 191 https://www.reddit.com/r/Vaporwave/comments/32725a/should_you_pay_for_vaporwave/, consulté le 6 mai 2016 68/85 Concert et performance En effet, la principale performance est solitaire. Si on la considère, elle réside dans la transcription sonore du fichier audio sur son ordinateur, accompagnée de l'illustration associée. Pour l'artiste モ Mall : « Facilitated by the rapid-sharing nature of the Internet, music that parodies this highly-calculated environment has fabricated a so-called « Virtual Plaza » to exist in, although rather than being played through PA speakers in a public space, this music is generally listened to by the sleepless, web-browsing individual, searching for the next compelling find. » Cette spécialité d'écoute est partagée dans tous les styles à notre époque, c'est une pratique, voire la pratique, courante de la musique. La vaporwave permet de mettre l'accent sur cette pratique, en la considérant, étant donné que c'est quasiment la seule existante. Ce mouvement permet également de relativiser l'utilisation d'internet et d'étudier que des personnes réelles partagent de sincères émotions en ligne. La virtual plaza, pour reprendre l’expression, est un espace d’interactions sociales et humaines. Pour revenir à la performance live, je constate que le concert est envisagé, et pratiqué, par des artistes, avec l'aide des labels. Alors que je le contactai, l'artiste モ Mall me répond avec entrain que : « I just got back from traveling to Philadelphia for my first live performance! » J'ai trouvé cela amusant qu'un artiste de sa réputation n'effectue sa première performance que si tardivement. En écoutant son live et discutant avec lui, il semblerait qu'il y ait un problème entre la vaporwave et le live. Cette musique n'est pas du tout adaptée à la scène, il est difficile d'envisager autre chose qu'un DJ set étant donné ses composantes. Lors d'un échange d'email, une personne du label Illuminated Paths m'informa que : « currently preparing for a 2 week Illuminated Paths and Broken Machine Films presents... Showcase Tour 2016, beginning on saturday april 2nd! we will be traveling from the space coast of florida, all the way to new york and back. showcasing artists from each area and the label itself. i will also be casting huge visuals utilizing only the latest in vintage retro video manipulating and live wonking gear. also have an old amc theaters projector that can create quite a huge image. » L'utilisation du visuel est un bon moyen de redonner de la magie à la performance. Le problème est récurent dans les musiques électroniques. Même lorsque c'est en live, il est vrai que que tourner des boutons n'est pas scéniquement très convainquant. 69/85 70/85 Conclusion Comme le mentionne Anthony Fantano192, la vaporwave est : « a pure piece of internet culture » Le mouvement vaporwave est l'objet d'analyse parfait pour étudier la gestion et la réappropriation de l'espace du web par ses internautes. Cet espace et son organisation ne sont pas spécifiques à ce mouvement, car tous les styles musicaux mondialisés s'organisent maintenant largement autour de celui-ci, mais c'est la première fois, avec la vaporwave, qu'un style musical, perdurant dans le temps, fut créé et organisé uniquement sur le web, avec des auditeurs fidèles et investis. Ce style constitue donc un bon exemple dans l'étude des interactions, par ses espaces, objets et individus, d'un style musical dans l'univers d'internet. Grâce à mes observations et interviews, soutenus par mes réflexions issues de mes références bibliographiques. j'ai pu devenir témoin de ce monde mouvant du XXIème siècle. D'abord, l'étude des différents sites et de leurs interactions m'a permis de poser les bases des espaces virtuels dans lesquels gravitent les auditeurs entre 2015 et 2016, en étudiant leurs spécificités et leurs utilisations. Les espaces régissent les possibilités des auditeurs, et instituent des types de communications spécifiques, desquels découlent des normes comportementales. Ensuite, l'étude des définitions et des discours des différents acteurs de la vaporwave m'a permis de comprendre la manière dont ils envisagent cette musique et le rapport qu'ils entretiennent avec ce milieu. De la blague légère à l'expression politique, le style s'organise autour de différents pôles d'expressions, que les individus adaptent selon les envies et les situations. La posture d'écoute n'est pas un comportement constant suivant les utilisateurs, les espaces et les moments. La dernière partie de mon étude est centrée sur les composantes du style, des composantes esthétiques jusqu'aux composantes conceptuelles et intrinsèques à la création de l'objet musique. C'est la démarche originelle de sampling qui est à la base de l'esthétique spécifique du style, par la couleur adoptée lors du ralentissement des samples, et par la manière de se réapproprier ces objets. Les artistes utilisent cette démarche de réappropriation et de re-contextualisation d'un objet ou d'un concept en empruntant leur langage musical à d'autres styles marquant de la musique électronique. La composante conceptuelle caractéristique de ce style, au delà du détournement d'un unique sample, réside dans la démarche originelle de re-contextualisation, que ce soit dans l'idée de remix, de remettre des anciennes musiques à la mode, ou d'incorporation d'un objet, d'un son ou d'un concept, dans un milieu extérieur à celui-ci, comme par exemple le travail, sans sample, effectué au sein du label Dream Catalogue, où les sons sont re-contextualisés et deviennent porteurs de la sémantique. - Définition par l'objet Le modèle analytique d'Antoine Hennion, par l'étude des médiateurs et des objets d'un mouvement musical, est ici très pertinent. Les espaces, objets et médiateurs furent drastiquement altérés ces dernière années avec le changement de format vers le numérique et la popularisation d'internet comme moyen de communication. C'est bien l'organisation et les spécificités d'internet et de ses différents sites qui régissent le type d'interaction qu'entretiennent ces individus. Ce n'est pas une coïncidence si des personnes prennent des objets culturels, à première vue sans aucune 192 https://forecastpodcast.bandcamp.com/album/oscast-22-the-needle-drop, à 12:55 minutes, consulté le 11 mai 2016 71/85 connexion, pour se les réapproprier, étant donné la facilité d'accès à toute les choses possibles et imaginables que permet internet. Le courant est, en partie, une conséquence du web, de son organisation et de la popularisation du home studio. Antoine Hennion explique, dans son livre La Passion musicale, que : « L'histoire du goût est secrètement dépendante de l'histoire de la capture du son »193 De la partition à l'enregistrement, la capture des sons et les manières de les retranscrire régissent la façon que l'on a de les ré-utiliser, consommer et concevoir. Aujourd'hui, la capture d'un objet sonore, ou l'accessibilité aux ressources, ne s'effectue plus directement par l'enregistrement mais sur internet, par le téléchargement. La compilation infinie d'objets et d’informations sur internet est devenue la faune, où l'artiste vient capturer ses objets sonores. L'utilisation d'un support d'écoute comme instrument n'est pas nouveau, le scratch en est un bon exemple, mais les artistes de vaporwave utilisent ces musiques, non comme des outils, mais pour se les réapproprier et les recontextualiser. Sans utiliser uniquement les propriétés esthétiques du sample, c'est également la caractéristique sémantique, ce qu'il représente, qui est détournée. C'est cette prise de distance, par sa re-contextualisation, face à l'enregistrement, et ce qu'il symbolise, qui est caractéristique de ce mouvement. Maintenant, non seulement une musique mais n'importent quels sons ou objets sonores peuvent être détournés et intégrés dans un autre contexte. De plus, l'ordinateur devient l'objet central. Il devient le support de communication et de partage, l'objet détenteur du son, le support de lecture, l'outil de création et bien sûr, l'instrument de musique. Lorsqu'Antoine Hennion194 dit : « La musique, cet objet d'un impossible toucher, est enfin devenu mobile dans le temps et l'espace, au XXème siècle, grâce au disque », on peut conclure que la musique est devenue malléable et hyper-accessible, au début du XXIème siècle, grâce à l'ordinateur et internet. Ces objets ont redéfini nos rapports avec la musique, et la vaporwave a incarné cela. Ces nouveaux objets et moyens de communication ont également révolutionné la manière dont on peut s'organiser et communiquer. Les places virtuelles publiques sont nombreuses et les conversations privées sont internationales. Il paraît que les mouvements musicaux générationnels s’émancipent, mais cette redéfinition par l'objet, et donc l'espace, permet de découvrir de nouvelles pratiques de la musique. De plus, de nouveaux types de relations sociales sont spécifiques à ce support, on peut décider de se présenter sous son propre nom, dans les réseaux sociaux par exemple, ou sous couvert de pseudonymat ou d'anonymat. Ces éléments bouleversent la façon que nous avons d’interagir, de nous organiser et de créer des projets. Pour reprendre les mots de l'article195 sur le channel /b/ de 4chan : “Anonymity can also have positive outcomes : groups working anonymously and with critical confederates produce more ideas (Jessup, Connolly, and Galegher 1990) ; non-anonymous group feel more personal, but have less overall cohesion” De ce fait, des courants de pensées et politiques anonymes, comme le mouvement Anonymous, se rejoignent sur différents sites, de manière plus ou moins organisée. Cette façon de communiquer agit directement sur la désincarnation des artistes, en tant qu'individus identifiés , des projets de vaporwave. L'album devient une expérience esthétique particulière portée par un pseudonyme représentant le concept de l'album. La vaporwave est le premier mouvement à utiliser ce support de façon pleine et entière. C'est, finalement, un courant artistique comme un autre, c'est une 193 Antoine Hennion, La Passion musicale. Editions Metailié, 1993, p61 194 Antoine Hennion, La Passion musicale. Editions Metailié, 1993, p65-66 195 Bernstein, M. S.; Monroy-Hernández, A.; Harry, D.; André, P.; Panovich, K. & Vargas, G. G. (2011), 4chan and/b: An Analysis of Anonymity and Ephemerality in a Large Online Community., in 'ICWSM' ; 72/85 organisation d'individus autour d'une musique et de ses pratiques, mais dans un environnement où ce sont les barrières et les outils virtuels, et non plus physiques, qui régissent les interactions sociales. C'est un témoin des pratiques sociales et musicales actuelles. De plus, l'article196 mentionné précédemment précise que : « Grudin (2002) suggest that we evolved to live in an ephemeral world, yet our technology takes us from the “here and now” to the “everywhere and forever” »p2 En effet, à tout cela se mêle la culture populaire de la génération concernée. Dans un temps où notre conscience du passé, de ses objets et de ses musiques est concrète, où l'on peut en un clic accéder à la musique de ses parents, ou de ses grand-parents, et à une page Wikipédia qui l'explique en détail, le mouvement générationnel ne se présente pas en opposition au précédent, mais en perspective de celui ci. Il en est de même pour les symboles, objets et pensées des autres cultures, devenus plus accessible. Ces objets et langages musicaux sont réutilisés, ré-interprétés et re-contextualisés. De plus, les concepts des albums se retrouvent autour d'objets et de thèmes bien spécifiques à internet et à la culture populaire technologique, comme la réalité virtuelle. - What the hell is vaporwave ? La vaporwave est un genre musical électronique, basé sur l'appropriation et la recontextualisation d’éléments culturels populaires, de l'exotisme à la publicité, conséquence d'internet, de ses possibilités et de sa culture, et inscrit dans un contexte, régi par des espaces virtuels spécifiques interactifs, des objets et des individus. D'abord à base de samples, l'esthétique créée, qui provient de ces expériences sonores, est ensuite réutilisée pour la composition, en gardant le concept du style. Le style incarne la redéfinition de nouveaux objets et espaces, et la relation que nous entretenons avec chacun d'entre eux. 196 La citation est extraite de l'article suivant, http://cacm.acm.org/magazines/2002/12/6947-group-dynamics-andubiquitous-computing/abstract, consulté le 27 mai 2016 73/85 Annexes - Présentation des sujets : Aleksandr est un artiste russe de 24 ans. Il travaille dans l'industrie de la défense de Izhevskin, capitale de la république d’Oudmourtie, en tant qu'ingénieur. Il a brievement étudié le piano. Il est autodidacte et travaille strictement sur Windows 7 à l'aide des logiciels Frutty Loops studio, Sony Vegas, Audacity, Total recorder et freemake Audio Converter. Blake est directeur d'un label de vaporwave canadien. Il a 22 ans, son père est comptable et sa mère est professeur. Il est technicien audiovisuel et s'occupe principalement des systèmes de traduction en temps réel lors des conférences du gouvernement de sa ville. Il a étudié l’ingénierie du son à l'université d'Algonquin. Chill_Cube est un artiste Suédois de 25 ans. Il s'occupe provisoirement d'une web radio spécialisée dans la vaporwave. Il est en train de rédiger un mémoire universitaire de licence en biologie. Son père est facteur alors que sa mère est réparatrice de fauteuil roulant. Il joue de la mandoline, du ukulele, de la guitare et de la basse. Il pratique des styles comme la folktronica, de la musique traditionnelle folk Suédoise et Irlandaise et principalement de la vaporwave. Il lit la musique, mais lentement, il préfère n'utiliser que ses oreilles. Japanese Darkness est un artiste sud-coréen de 30 ans. Son père possède sa propre compagnie et sa mère s'occupe du foyer. Il travaille à Amanda, seulement dans les appstore coréens, en tant que développeur d'application pour mobile. Que ce soit professionnellement ou musicalement, il est complètement autodidacte, il a arrêté l'école après le lycée. Il pratique la MAO avec ableton live 9 controlé par un petit clavier AKAI. Jérémy est un artiste dijonnais de 23 ans, il vogue de travail en travail. Ayant oeuvré un temps dans un centre d’art contemporain, il est maintenant embauché par une radio locale pour y gérer le côté administratif et la communication. Sa mère travaille dans l’accessibilité des lieux touristiques aux handicapés en Côte d’Or, et son père est prothésiste dentaire. Il est titulaire d'un bac professionnel et a suivi des études de musicologie qu'il n'a pas mené jusqu'au bout. Il a fait sept ans de solfèges et de percussions dans l'école de musique de sa ville. Il pratique maintenant la MAO à l'aide du logiciel Ableton live sur un Macbook pro. モ Mall est un artiste New Yorkais de 26 ans, investi principalement dans le sous-genre Mallsoft. Il a étudié la composition à l'université du North Texas, où il a été initié tout particulièrement à la musique savante minimaliste. Fasciné par le glitch art, il fut pris de passion par la vaporwave. Son parcours est intéressant, étant donné qu'il a découvert la vaporwave à partir d'une vision extérieure de percussionniste et compositeur classique. Il pratique également la MAO, dans d'autres styles, ainsi que le piano. Il utilise principalement le logiciel FL Studio sur Windows 7, et est équipé d'enceinte de monitoring Equator. Matthew est un programmeur canadien de 27 ans. Il est modérateur du sub-reddit vaporwave. Il est titulaire d'un bachelor en comptabilité. Autodidacte, il avait l'habitude de pratiquer la trompette, le piano et de composer de la tech house. Il travaille avec le logiciel Ableton Live à l'aide d'un clavier midi. 74/85 Steve est un docteur en musicologie et journaliste anglais de 29 ans. Il a étudié la vaporwave lors de ses débuts et a effectué un doctorat sur l'esthétique lo-fi à l'université de Londres. Il tient un rôle de médiateur à travers ses articles et interventions au sein de la communauté. Ses parents sont retraités de la fonction publique. Il a étudié le piano et le hautbois, et pratique la MAO. V-MVSIC est un artiste de 25 ans, possédant une double nationalité anglaise et française. Il travaille en France en tant que web designer après avoir étudié dans une école d'art anglaise. Sa mère n'a pas de profession et son père est directeur d'une chaine de food truck. Il pratique la guitare depuis ses 18 ans et produit activement de la vaporwave depuis 2012. Vapeboy est un artiste américain de 22 ans. Il est étudiant en informatique à l'université de Géorgie. Son père est ingénieur et sa mère travaille pour une compagnie qui fabrique des églises. Il est musicien autodidacte et pratique le clavier. Il se représente comme un bed-room producer et intègre des influences de la Trap Music dans ses morceaux. Version Red est un artiste californien de 16 ans. Il est lycéen, son père travaille dans le commerce pendant que sa mère s'occupe du foyer. Il possède une guitare qu'il utilise pour faire des expérimentations et a étudié le piano lorsqu'il était enfant. Il essaie d'apprendre la théorie musicale par lui même et sa passion pour la vaporwave passe essentiellement par la vidéo. Il pratique la vaporwave sur une version officielle lite d'ableton live. 75/85 - Graphiques : 76/85 77/85 - Représentations : Illustration 9: Les symboles dans les illustrations des albums de vaporwave, monté avec Photoshop 78/85 Illustration 10: La vaporwave et ses espaces numériques entre 2015 et 2016, monté sur Photoshop 79/85 - Grille d'entretien : 1/ Personal questions How old are you ? Where do you live ? What is the work of your parents ? What is your family status ? Have you some professional activity, what is your profession ? What is your education (University education), or your musical studies ? Do you practice music ? If yes, what instrument or genre ? Where ? What are your favourite bands or style ? 2/ Vaporwave How did you find out about vaporwave ? What attracted you in this music ? For you, is the word « vaporwave » is good ? If not, how would you like to rename it ? How do you define this style ? Where did you find this kind of music ? Do you have conversations about it? With whom ? In what place, situation ? ----> non-artist [what are your listening frequency, tools/type of listening, how do you sort your music (on your computer, streaming)] ? How do you listen to this music, with what tools, at what time, with whom, where, single or full album, in a ramdom way? Can you give me some links ? listening frequency ?] While you are listening to this music, do you try to find out where the sample are based, is it important to you ? What are your impressions about the artwork of this genre ? Do you buy this music ? Do you share it (for free) with others ? 3/ Tools Can you tell me about your work environment (computer, DAW, operating system,..) and your equipment (home studio, analogic equipment, plug in /crack or official ?/) ? Do you take analogic or numeric samples (mp3 (320kbits or less, do you care ?) or wave ?) ? How do you create your own music ? Do you always work alone ? How do you share this music, for whom ? How did you create your nick name ? 80/85 Lexique Hater : Les utilisateurs qui ne cessent de critiquer, parfois illégitimement, au sein des sections commentaires d'un contenu sont regroupés sous cette appellation. MAO (Musique Assistée par Ordinateur) : Ce terme assemble l'ensemble des utilisations et outils informatiques de la création à la diffusion de musique. Mème : C'est un objet culturel, comme une image ou un symbole, qui est partagé et détourné sur internet. C'est un moyen de communication pertinent au sein des relations d’anonymats. Le mème permet à la vaporwave de ce faire connaître au travers de l'humour. Pour plus d'information, je vous invite à consulter le site Know Your Meme, qui référence et explique les mèmes sur internet197, ou à regarder la vidéo La Chronique Facile - La vérité sur les mèmes proposée par Mad Dog, de VoxMakers, sur Youtube198 Sample : Ce mot peut être traduit par échantillon sonore o u échantillonnage, j'ai volontairement choisi d'utiliser le terme sample dans ce mémoire car il est est constitutif du chant lexical, même francophone, de cette culture et des musiques actuelles amplifiées. Sea-punk : Tendance esthétique provenant d'internet, souvent prise de façon légère et avec distance, qui regroupe le thème de la mer (dauphin) et des arts numériques (dauphins en 3D en rotation). Shitpost : Ce mot inclut les posts, proposés par les utilisateurs, considérés comme inutils et/ou de mauvaises qualités. Thread : C'est un fil de discussion, une suite de messages consécutifs, autour d'un sujet spécifique. troll : C'est un argot provenant d'internet. Ce terme vise des individus qui créent artificiellement, souvent par sadisme ou moquerie, des controverses, la plupart du temps sous couvert d'anonymat ou de pseudonymat. 197 http://knowyourmeme.com/memes/memes, consulté le 24 mai 2016 198 https://www.youtube.com/watch?v=3fx1bCzb2DY, consulté le 24 mai 2016 81/85 Références bibliographiques - Howard S. Becker, Les Ficelles du métier, La Découverte, 2002 - Emile Durkheim, « De quelques formes primitives de classification« , in Marcel Mauss, Essais de sociologie, Edition de minuit, 1968-1969, p162-230 - Laurent Garnier et David Brun-Lambert, Electrochoc l'intégrale 1987-2013, Flammarion, 2013 - Antoine Hennion, La Passion musicale, Metailié, 1993 - Nick Collins, Margaret Schedel et Scott Wilson, Electronic Music, Cambridge University Press, 2013 - François Ribac L'Avaleur de Rock. La Dispute, 2004 - Simon Frith Performing Rites On the Value of Popular Music, Harvard University Press, 1996 - Rob Young, Warp labels unlimited, Black Dog Publishing, 2006 82/85 Références sitographiques Outils : - http://www.alexa.com - https://www.google.fr/trends/ - https://rateyourmusic.com - http://www.whosampled.com/ Articles : - http://www.52-insights.com - http://aesthetic.wikia.com - http://www.audacioza-studio.com - http://cacm.acm.org - http://www.chicagoreader.com - http://chillandrelevant.blogspot.fr - http://daily.redbullmusicacademy.com - http://www.dm.com.br - http://www.dummymag.com - https://encyclopediadramatica.se - http://www.factmag.com - http://gerflint.fr - http://www.gq.com - https://hearpop.wordpress.com - https://killscreen.com/ - http://knowyourmeme.com - http://motherboard.vice.com - http://www.oxforddictionaries.com - http://www.popmatters.com - http://revuephares.com - http://www.rollingstone.com - https://www.theguardian.com - http://www.theneedledrop.com - http://fr.urbandictionary.com - https://volume.revues.org Ressources : - https://www.4chan.org - http://www.2chan.net - http://boards.4chan.org - http://4chandata.org - www.bandcamp.com - www.facebook.com - https://mega.nz/ - http://www.mtv.com - https://newsroom.fb.com - www.reddit.com - https://soundcloud.com - https://support.google.com/trends - https://www.tumblr.com - https://twitter.com - www.youtube.com 83/85 Discographie sélective - FLORAL SHOPPE, MACINTOSH PLUS, décembre 2011 https://beerontherug.bandcamp.com/album/floral-shoppe - Hit Vibes, SAINT PEPSI, mai 2013 https://keatscollective.bandcamp.com/album/hit-vibes - 夜遊び, t e l e p a t h テ シー能力者 and Silver Richards, décembre 2013 https://telepathtelepath.bandcamp.com/album/--4 - Blank Banshee 1, Blank Banshee, octobre 2013 http://blankbanshee.bandcamp.com/album/blank-banshee-1 - SOUND_TRACK ~ [MP3].torrent, R23X, octobre 2015 https://dreamcatalogue.bandcamp.com/album/sound-track-mp3-torrent - Adult Contemporary Novel, Pursuing Paradise, octobre 2015 https://bedlamtapes.bandcamp.com/album/adult-contemporary-novel - 슈퍼마켓 Yes! We’re Open, 식료품 groceries, mars 2014 https://groceries-store.bandcamp.com/album/yes-we-re-open - REDEFINING THE WORKPLACE, INTERNET CLUB, avril 2012 https://internetclub.bandcamp.com/album/redefining-the-workplace - Mantra, VHS Logos, mai 2014 http://vhslogos.bandcamp.com/releases - A Million Miles Away, マク ス MACROSS 82-99, mai 2014 https://macross82-99.bandcamp.com/album/a-million-miles-away - ATMOSPHERES 第 4, ECO VIRTUAL, juin 2015 https://ecovirtual.bandcamp.com/album/atmospheres-4 - 完, tech noir, février 2016 https://tech-noir.bandcamp.com/album/--8 Contact : Gabriel ROUET, Université de Bourgogne gabriel.rouet@yahoo.fr 84/85 ETUDE D'UN MILIEU MUSICAL SUR LE WEB, LA VAPORWAVE Ce travail est basé sur l'étude d'un milieu social et musical sur internet, la vaporwave. Mon but a été de décrypter et de comprendre comment ces espaces de vie s'organisent, et ce que leurs spécificités engendrent sur la musique et les comportements autour de celle-ci. En effet, au début du XXIème siècle, grâce à l'ordinateur et internet, la musique est devenu malléable et hyper-accessible. Ces objets ont redéfini nos rapports avec la musique, et la vaporwave, en tant que premier style musical à naître et perdurer sur internet, a incarné cela. Ces nouveaux moyens de communication ont révolutionné les manières de s'organiser, de créer et de vivre ensemble. Les places virtuelles publiques sont nombreuses et les conversations privées sont mondialisées. Cette redéfinition des objets, et donc des espaces, laisse place à de nouvelles pratiques musicales et sociales, et met en avant les relations de pseudonymat ou d'anonymat. Ma méthode a consisté essentiellement en une étude de terrain virtuel basée sur l'observation des espaces du web et des entretiens individuels, par webchat, auprès d'artistes, médiateurs et auditeurs du monde entier. L'outil sociologique s'est révélé très pertinent pour analyser ce mouvement musical. Etant le premier style s'organisant fondamentalement en ligne, la vaporwave est un bon exemple pour explorer les interactions entre chaque monde, les sites, comme éléments d'un seul univers, le web. Mots clefs : vaporwave, musique et internet, web, sample, “anonymat, pseudonymat et création”, 4chan, reddit, mème STUDY OF A ONLINE MUSIC COMMUNITY, THE VAPORWAVE The following work is based on the study of a musical and social environment on the internet, known as the vaporwave. My focus was to decrypt and understand how these living spaces are organized, and how their specificities generated singular music and behaviours. Indeed, at the beginning of the XXIth century, thanks to the computer and the internet, music became adaptable and hyper-available. Those devices defined our relations with music, and vaporwave, as one of the first musical genre that was born and prospered on the internet, embodies this idea. Those new means of communication revolutionized our way of organizing, building and living together. The public virtual plazas are numerous and the private conversations are international. This redefining of the objects, and thus the space, give way to new musical and social practices, and highlights the anonymity and pseudonymity of relationships. My methodology was to do a virtual field study based on the observations of the internet spaces and to interview, via web chat, artists, mediators and audiences all over the world. The sociological tool proved to be relevant to analyse this musical movement. As one of the first genre of music organized online, vaporwave provided a suitable example for exploration of the interactions between each world, the websites, as part of one universe, the web. Keywords : vaporwave, music and internet, web, sample, “anonymity, pseudonymity and creation”, 4chan, reddit, meme 85/85