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ISSN 0758 - 170 X 36 e année (2018) n° 3 (septembre) A.N.C.A.-A.D..E.A.F Revue de linguistique et de didactique Publiée avec le concours du GROUPE DE LEXICOGRAPHIE FRANCO -ALLEMANDE de L'ATILF UNIVERSITÉ de LORRAINE & CNRS Sommaire René Métrich In memoriam Jean-Paul Confais 215 Caroline Pernot Dictionnaire des actes de langage stéréotypés : Quand on parle du loup 217-221 Philippe Verronneau Jamaik-aaah : quels rôles jouent les métaphores dans les négociations 223-238 post-électorales engagées à l’automne 2017 ? Jean-François Marillier Le genre en allemand 239-255 Yves Bertrand Les prépositions importées 257-268 Alja Lipavic Oštir (Fremd)sprachenunterricht ohne kognitive Erniedrigung 269-281 Esa Hartmann Des lectures plurilingues à la littératie bilingue. Approches translingues du lireécrire dans le contexte de l’enseignement bilingue en Alsace 283-300 Clément Dorffer Comment en vient-on à et que trouve-t-on sur une chaîne YouTube dédiée 301-306 à la linguistique ? La chaîne Linguisticae Alenka Lipovec Recensions BALNAT Vincent (2018) L’appellativisation du prénom. Etude contrastive allemand-français Tübingen, Narr Francke Attempto = Tübinger Beiträge zur Linguistik, Bd. 565. ISBN 978-3-8233-8185. 78 €, 286 p., par Anne Theissen (307-308) ; STEFANOWITSCH Anatol (2018) Eine Frage der Moral. Warum wir politisch korrekte Sprache brauchen. Dudenverlag : Berlin. ISBN 978-3-411-74358-2, 8 €, 63 p., par Laure Gautherot (309-311) ; BÜHRING Kristin & SCHLICKAU Stephan (Hrsg. 2017) Argumentieren und Diskutieren. Frankfurt am Main : Peter Lang = Hildesheimer Schriften zur interkulturellen Kommunikation Bd 8 192p. ISBN 978-3-631-67322-5, 51,54€, par Nathalie Schnitzer (311-314) ; STOIKE-SY Rahel (2017) In mehreren Sprachen studieren. Repräsentationen und Praktiken von Mehrsprachigkeit in dreisprachigen Studienprogrammen an der Universität Luxemburg. = Collection Sprache, Mehrsprachigkeit und sozialer Wandel. Frankfurt-am-Main, Peter Lang 370 p. ISBN 978-3-631-69970-6, 65,40 €, par Cécile Couanault (314-316) ; PLIKAT Jochen (2017) Fremdsprachlichliche Diskursbewusstheit als Zielkonstrukt des fremdsprachlichen Unterrichts. Eine kritische Auseinandersetzung mit der interkulturellen Kompetenz = Mehrsprachigkeit in Schule und Unterricht Bd. 16. Frankfurt a. M.: Peter Lang Internationaler Verlag der Wissenschaften. ISBN : 9783-631-70362-5. 67,95 €. 340 p., par Odile Schneider-Mizony (316-318) ; CALVET, Louis-Jean (2017) Les langues : quel avenir? Les effets linguistiques de la mondialisation = Biblis. Paris : CNRS Éditions. ISBN: 978-2-271-09253-3. 265 p., 10 €. par Odile Schneider-Mizony (318-320). Annonceurs In eigener Sache : À nos auteurs (222) ; Autorenhinweise (256) ; Pilotage rédactionnel de la Revue (282) Esa Christine Hartmann ESPE de l’Université de Strasbourg Des lectures plurilingues à la littératie bilingue. Approches translingues du lire-écrire dans le contexte de l’enseignement bilingue en Alsace : (1) Les représentations 1 « Il faut collectionner les langues parce qu’une fois qu’on a une autre langue, on comprend mieux la culture des autres. On peut s’amuser avec les langues, on peut les faire transpirer, les mettre au gril. » (Tomi Ungerer 1996) Introduction Depuis quelques années, les recherches menées dans le domaine de la socio-, neuro- et psycholinguistique ont montré la spécificité des pratiques discursives et des processus d’apprentissage de locuteurs bilingues, dont le répertoire linguistique ne saurait plus être conçu comme une simple addition de deux répertoires monolingues distincts et séparés (Cummins 2007, Garcia & Wei 2014). « Aujourd’hui, les chercheurs se rendent compte que les compétences d’une personne bilingue ne correspond pas simplement à la somme de deux compétences monolingues séparées ; au contraire, les compétences bilingues intègrent des connaissances dans deux langues, et se distinguent ainsi, par leur nature même, des compétences d’un locuteur monolingue. » (Canagarajah 2006: 591)2. Aussi le développement des compétences linguistiques bilingues se caractérise-t-il par la dynamique d’une perpétuelle interaction translingue entre deux systèmes, qui s’abolissent en se fondant en un seul idiolecte bilingue. Cette interaction translingue est aujourd’hui appelée translanguaging, que Garcia et Wei 1 Le présent article constitue la première partie d’une étude portant à la fois sur les représentations et les expérimentations d’approches translingues du lire-écrire dans le contexte de l’enseignement bilingue en Alsace. La deuxième partie de cette étude, analysant les expérimentations pédagogiques de cette approche, sera publiée dans un prochain numéro des Nouveaux Cahiers d’Allemand. 2 Toutes les références en langue anglaise ont été traduites par nos soins. Nouveaux Cahiers d’allemand septembre 2018 36ème année E.Hartmann définissent ainsi : « Pour nous, translanguagings représentent de multiples pratiques discursives, dans lesquelles s’engagent les locuteurs bilingues pour donner sens à leurs mondes bilingues. » (2009: 45). En effet, comme l’explique O. Schneider-Mizony, « pour le bilingue, les nécessites conversationnelles et pragmatiques sont plus importantes que celles qui pèsent sur le code » (1997 : 170). C’est pourquoi le translanguaging va de pair avec des stratégies discursives telles que le mélange et l’alternance des langues (code-mixing et codeswitching, Auer 1998), dont on ne peut nier le potentiel créatif. Selon J. Cummins, « ce concept souligne le fait qu’il n’existe pas de frontières nettes entre les langues des bilingues, ce qui a pour conséquence pédagogique, entre autres, de ne plus se concentrer sur un enseignement de deux systèmes linguistiques séparés et autonomes, mais sur un ensemble plus souple de dispositions comprenant des stratégies comme l’utilisation de l’écriture dans la langue forte comme tremplin pour l’écriture dans la langue plus faible, des utilisations stratégiques par les enseignants et les apprenants de l’alternance codique, ainsi que toute une série de stratégies d’enseignement se concentrant sur les possibilités fournies par le bilinguisme des apprenants. » (Cummins 2016 : 540). Or le concept du translanguaging, tel qu’il est présenté par Garcia et Wei dans leur ouvrage de 2014, va plus loin encore : il déconstruit notre vision traditionnelle des langues en tant que systèmes linguistiques (codes) appréhendés comme de pures constructions sociales, en lui opposant les pratiques discursives individuelles ou idiolectes des locuteurs bilingues, appelées languagings (Otheguy et al. 2015). Dans cette perspective, l’apprenant bilingue ne pratiquerait plus deux langues (par exemple l’allemand et le français), puisque ces langues n’existeraient plus en tant que telles dans son répertoire, mais un seul idiolecte personnel (appelé avec humour le frallmand par les bilingues franco-allemands). Or, à l’instar de J. Cummins (2016 : 540-541.), nous ne saurions, dans le cadre d’un article à visée didactique, adhérer pleinement à cette revendication d’ordre politique (la déconstruction des langues dans leur acception traditionnelle) – nous empruntons donc le terme de translingue 3 pour qualifier les pratiques discursives plurilingues des locuteurs bilingues qu’elles se manifestent à l’écrit ou à l’oral. A la lumière de ces découvertes, la recherche menée dans le contexte de l’enseignement bilingue explore de nouvelles approches pédagogiques, susceptibles de promouvoir un apprentissage intégré et transversal des langues et, plus spécifiquement, du lire-écrire comme compétences essentielles d’une littératie bilingue (cf. par ex. Weth 2008, 2016). Un tel apprentissage transversal pratiquant et enseignant le transfert linguistique trouve sa pleine justification dans 3 Le terme de translingue est surtout utilisé en critique littéraire, désignant les stratégies d’écriture d’auteurs plurilingues (Weissmann 2018, Hartmann 2018). 284 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue l’hypothèse d’interdépendance linguistique établie par Cummins (2016 : 532). Les approches pédagogiques qui en résultent et que nous appellerons également translingues, puisqu’elles se destinent à transcender les frontières linguistiques en construisant des ponts entre les différentes langues, contribuent à développer la conscience métalinguistique, la créativité bilingue et la construction d’une identité bilingue auprès des élèves suivant un enseignement bilingue. En effet, elles incluent l’enseignement du transfert linguistique fondé sur l’analyse des similarités structurelles, discursives et grammaticales entre la langue 1 et la langue 2 (linguistique comparative), ainsi que la pratique de la médiation linguistique, préconisée par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (Conseil de l’Europe 2000, Coste & Cavalli 2015). Cependant, les politiques linguistiques et représentations idéologiques, dont sont profondément imprégnées les pratiques pédagogiques des enseignants travaillant en filière bilingue (Hélot et Erfurt 2016), tendent à bannir les pratiques et approches translingues du contexte scolaire. Alors que les résultats des recherches récentes conçoivent l’écriture translingue comme une approche pédagogique efficace en vue de l’acquisition d’une littératie bilingue (Canagarajah 2006, Kafle & Canagarajah, 2015), celle-ci, pouvant être définie comme un processus plurilingue de production textuelle, intégrant deux ou plusieurs langues dans la genèse scripturale, n’a pas de légitimation officielle vis-à-vis des normes académiques de la langue écrite : « Les approches dominantes étudiant l’écriture multilingue ont été freinées par des présupposés monolingues qui conçoivent la littératie comme une acquisition de compétences unidirectionnelle, nous empêchant de comprendre pleinement les ressources que les locuteurs plurilingues apportent à leurs textes. » (Canagarajah 2006: 582). Or, étudiant les manuscrits d’auteurs plurilingues, la critique génétique a permis de révéler et d’analyser le processus de création plurilingue d’écrivains célèbres (Anokhina 2012, Anokhina & Sciarrino 2018, Weissmann 2018), qui pourraient représenter un modèle littéraire en faveur d’une légitimation pédagogique de productions textuelles plurilingues favorisant l’acquisition d’une littératie bilingue dans le cadre scolaire. Nous souhaitons ainsi analyser, dans le contexte de l’enseignement bilingue franco-allemand en Alsace, l’interaction complexe entre politiques linguistiques, conceptions didactiques et pratiques plurilingues, afin de proposer une « pédagogie du possible » (Hélot et Laoire, 2011), soumise aux questions suivantes : Les approches translingues pourraient-elles incarner une stratégie d’enseignement innovante du lire-écrire en cursus bilingue ? Quelles stratégies translingues pourraient favoriser le développement d’une littératie bilingue ou plurilingue ? 285 E.Hartmann La première partie de notre étude analysera « l’idéologie monolingue » (Hélot 2014) qui se révèle dans les politiques linguistiques dirigeant l’enseignement bilingue franco-allemande en Alsace. Ensuite, ce cadre à la fois normatif et épistémologique sera confronté aux représentations qui émergent des discours des professeurs enseignant dans une filière bilingue en Alsace. Recueillis à travers un sondage écrit, réalisé en décembre 2017 auprès de 25 professeurs stagiaires du premier degré, affectés dans des classes bilingues en Alsace et inscrits en deuxième année de master MEEF à l’ESPE d’Alsace, les perceptions des pratiques translingues (mélange et alternance des langues) observées au sein des classes bilingues à parité horaire (PS-GS, CP-CM1) formeront le corpus de nos analyses. En dernier lieu, nous présenterons un projet de lecture multilingue, centré sur le livre plurilingue Die drei Raiwer (édition trilingue des Trois brigands, 2008) de Tomi Ungerer. Ce projet, que nous avons mené en janvier 2018 au sein de notre cours d’allemand et de didactique de l’enseignement bilingue (deuxième année du master MEEF parcours bilingue) avec les participants de l’enquête, avait pour but d’explorer les stratégies pédagogiques translingues favorisant une acquisition intégrée du lire-écrire dans les deux langues de scolarisation de la filière bilingue, et, par là, le développement de la littératie bilingue. Nous analyserons les propositions d’activités pédagogiques élaborées par les professeurs participants autour de la lecture trilingue du livre de Tomi Ungerer, enregistrées en janvier 2018 à l’ESPE de Colmar sous forme de neuf discussions de groupe. 1. L’idéologie monolingue de l’enseignement bilingue en Alsace : quelle place pour la pédagogie translingue ? Depuis la mise en place de l’enseignement bilingue dans les écoles publiques en 1992, la politique linguistique décidant de son organisation institutionnelle dans la région Alsace est fondée sur la séparation à la fois structurelle et didactique des deux langues d’enseignement, le français et l’allemand. L’allemand, langue des pays voisins (Allemagne et Suisse), est considéré, dans le cadre de cet enseignement, comme une version standardisée et académique de l’alsacien, langue régionale (Huck 2016 :157). La répartition du temps d’enseignement en filière bilingue franco-allemande à l’école primaire repose sur le principe « un maitre-une langue » et sur le principe de la précocité (Huck 2016 :162) : cet enseignement à parité horaire (appelé aussi enseignement bilingue paritaire), conduisant à une répartition égale du temps d’enseignement et des matières enseignées dans les deux langues d’instruction (12h hebdomadaires sont attribuées à chaque langue 4), offre, à partir de la petite section de l’école 4 Voir les horaires officiels de l’enseignement bilingue depuis 2016, http://www.dsdenlv68.site.acstrasbourg.fr/2016/08/30/horaires-harmonises-pour-lallemand-renforce-et-le-bilinguisme/). 286 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue maternelle, une immersion partielle (50%) dans la langue allemande, alors que les cours dans les deux langues doivent couvrir l’ensemble des programmes scolaires nationaux. Ce défi est d’autant plus grand que la langue allemande incarne en général une langue de scolarisation pour les élèves inscrits en filière bilingue, qui pour la plupart ne parlent ni l’allemand ni l’alsacien dans le contexte familial, et qui doivent donc être qualifiés de bilingues émergeants. Le but pédagogique de cet enseignement bilingue paritaire réside dans l’acquisition de compétences de littératie élevées dans les deux langues : l’obtention du baccalauréat franco-allemand Abibac, créé par un accord intergouvernemental en 1994, prescrit ainsi le niveau B2 du CECRL en tant que niveau minimal que les candidats doivent avoir obtenu dans les deux langues.5 Le but politique de cet enseignement, en revanche, se consacre à la préservation et à la promotion de l’alsacien, langue vulnérable voire en danger, considérée comme « patrimoine linguistique de la région » (déclaration du Rectorat cité d’après Huck 2016 : 158), mais enseignée sous sa « forme standard », le Hochdeutsch. La stricte parité horaire et alternance des langues, fondées sur le principe « un maitre – une langue », entraine une répartition structurelle et fonctionnelle au sein du corps enseignant : un enseignant enseigne uniquement en allemand, un autre uniquement en français. Aussi les deux langues enseignées ainsi que les matières enseignées dans ces deux langues sont-elles vécues comme « deux solitudes » (Cummins 2007: 229), comme deux espaces linguistiques isolés, produisant un monolinguisme double ou parallèle. Cette politique linguistique repose sur la supposition que la présence de la première langue ou « langue maternelle » (le français) au sein du cours de L2 ou « langue étrangère » (l’allemand) entraverait le développement de compétences de compréhension et de production orales et écrites dans la langue à acquérir. Or, engendré par la théorie développée jadis par Ronjat (1913)6 en vue de créer un « bilinguisme équilibré » chez de jeunes enfants grandissant dans une famille binationale et biglossique (où chaque parent pratique et « incarne » une langue différente), le principe « un maitre-une langue » est motivé par la même préoccupation : la crainte du mélange des langues qui va de pair avec une idéalisation de l’immersion linguistique. De fait, la stricte séparation des deux langues d’instruction a pour but de réduire le risque d’interférences structurelles et phonétiques causé par le mélange des langues auprès des jeunes bilingues émergeants, risque qui pourrait enfreindre l’acquisition de la langue académique et de ses normes linguistiques. Or “il ne s’agit pas de louer des productions interférentielles, mais de les consi5 Voir http://eduscol.education.fr/cid60949/sections-franco-allemandes-l-abibac.html. Les théories de Ronjat sont aujourd’hui mises en question à la lumière de recherches plus récentes sur le bilinguisme (Schneider-Mizony 1997, Huck 2016, Geiger-Jaillet 2016). 6 287 E.Hartmann dérer comme les mêmes manifestations d’une activité d’acquisition du langage que chez d’autres types de sujets. Nous avons tout à gagner à laisser s’épanouir des stratégies réglées par une pousse d’envie communicative, chez l’enfant bilingue comme chez l’apprenant, de même que nous n’avons rien à gagner à dévaloriser les usages propres de communautés bilingues. » (Schneider-Mizony 1997 : 170). Ainsi, « selon les objectifs d’acquisition langagiers et scolaires, une répartition mécanique du temps d’enseignement ne répond pas nécessairement aux nécessités pédagogiques ou acquisitionnelles. […] L’alternance des langues […] semble donc relever plus d’une volonté organisationnelle et, secondairement, symbolique. » (Huck 2016 : 163) La rigidité du principe « un maître-une langue » entrave ainsi la création d’espaces interactionnels multilingues au sein des classes bilingues où les compétences linguistiques et interculturelles en médiation, intercompréhension et en traduction auraient pu être travaillées. Or la vision monolingue de la répartition des langues au sein du parcours bilingue ne domine pas seulement l’éducation des élèves bilingues émergeants, mais affecte aussi la formation des professeurs bilingues. En effet, tandis que les professeurs stagiaires du premier degré en charge de la partie française du programme bilingue suivent une formation monolingue classique à l’ESPE d’Alsace au sein de l’Université de Strasbourg (« master MEEF parcours polyvalent »), les professeurs stagiaires responsables de la partie allemande sont considérés comme des enseignants bilingues, suivant une formation spécifique comprenant des cours et examens supplémentaires en langue allemande (« master MEEF parcours bilingue franco-allemand »). Curieusement, bien qu’ils soient appelés « bilingues », ces derniers enseigneront uniquement en langue allemande. Les premiers, en revanche, sont considérés et formés comme des professeurs d’école ordinaires, bien que leurs cours se destinent à des bilingues émergeants suivant un parcours bilingue. Elèves bilingues émergeants et professeurs bilingues sont ainsi supposés fonctionner « en mode monolingue » (Grosjean 2008, Hélot 2014). Par conséquent, la conception et l’expérimentation d’approches pédagogiques translingues doivent être examinées à la lumière des contraintes institutionnelles et idéologiques pesant sur l’enseignement bilingue en Alsace, où chaque langue est enseignée d’une manière monolingue, empêchant les élèves bilingues émergeants de construire une véritable identité bilingue. 1.1. Le principe « un maitre-une langue » vu par les enseignants Comment les enseignants perçoivent-ils le principe « un maitre-une langue », influant sur leurs pratiques pédagogiques et en particulier sur la possibilité de mettre en œuvre des activités translingues ? Pour répondre à cette question, nous avons mené une enquête écrite auprès de 25 professeurs du premier 288 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue degré, effectuant leur stage dans une classe bilingue d’école primaire (PS-CM1) en Alsace, dont ils avaient en charge la partie allemande du programme durant deux jours par semaine. Notons ici que les participants de cette enquête n’ont pas reçu de formation préalable au sujet des théories didactiques et pratiques pédagogiques de l’enseignement bilingue au sein de l’ESPE, puisque le sondage avait été prévu pour examiner leurs besoins et intérêts de formation durant la deuxième année de master MEEF. Les résultats de cette enquête, dont nous reproduisons ici les données dans leur intégralité, s’avèrent donc assez prédictibles : les représentations des enseignants reflètent fréquemment les présupposés idéologiques des politiques linguistiques actuelles. Cependant, un certain nombre de participants ne semblent pas entièrement convaincus de l’efficacité du principe « un maitre – une langue », de sorte que nous pouvons observer un changement relatif dans les représentations des jeunes enseignants au début de leur carrière. Question : Que pensez-vous du principe “un maitre-une langue”? Réponses : Ex. 1. « Je ne comprends pas ce principe… Les élèves savent de toute façon que l’on parle les deux langues, alors pourquoi ne pas leur enseigner les deux ? » Ex. 2. [pas de réponse] Ex. 3. « - Se structurer (pour les élèves). - Pour le maitre, pas toujours facile, s’il ne maitrise pas parfaitement la langue. » Ex. 4. [pas de réponse] Ex. 5. « Je ne suis pas pour. Ils savent que l’on parle français. Je préfèrerais avoir une seule classe et faire français et allemand et répartir les progressions en deux langues. Cela serait intéressant d’avoir les deux langues dans une même séquence, cela n’est pas faisable avec un binôme. » Ex. 6. [pas de réponse] Ex. 7. [pas de réponse] Ex. 8. « Peut être positif, car les élèves associent un enseignant à une langue et cela peut faciliter le découpage (tel jour avec tel enseignant, je parle telle langue). Mais avoir une seule classe dans les deux langues serait mieux : cela permettrait de suivre vraiment tous les élèves sur tous les apprentissages, d’appliquer une nouvelle répartition (dans une séquence alterner séance en français et séance en allemand) pour voir le même concept dans les deux langues (difficile à faire quand on a un binôme ou deux) ; ce serait plus facile de mener un projet transversal et transdisciplinaire » Ex. 9. « Négatif : place de l’enseignant référent, mauvaises possibilités de suivre les élèves à l’année, impression de se précipiter pour finir certains apprentissages. Positif : jongler entre deux profs, apprentissage dans l’organisation de l’emploi du temps pour les élèves, s’habituer progressivement aux changements d’enseignants dans niveau secondaire, s’adapter à différentes pratiques pédagogiques du binôme. » 289 E.Hartmann Ex. 10. « Positif : - repères facilitées / fixes pour les élèves ; - plusieurs enseignants pour les élèves (préparation aux collèges). Négatif : - moins grande flexibilité pour organiser son enseignement. » Ex. 11. « Je trouve cela bien pour les élèves, qui identifient enseignant et langue d’enseignement. Ils savent que les jours d’allemand, ils doivent parler allemand (et les jours de français parler français). Mais je trouve aussi qu’un enseignant pour les deux langues peut aussi être positif. Cela permet de revenir sur des choses moins bien comprises, d’avoir peut-être un suivi un peu plus régulier de la progression des élèves. » Ex. 12. « Très intéressant de partager une classe avec un binôme, d’échanger, de se répartir les tâches, de travailler à deux – aussi bien pour les apprentissages que pour la gestion de classe et autant pour les côtés administratifs. Cela peut être plus embêtant si le contact ne passe pas. Pour les enfants, le fait d’avoir deux maitres leur permet de « couper » en deux, de bien différencier les enseignements et de se dire « aujourd’hui, c’est allemand, demain, c’est français, et cela porte recours à l’imprégnation. Exemple : Le mardi, je les emmène à la piscine, or la natation se fait obligatoirement en français. Or, les enfants ne sont pas au courant et continuent à parler en allemand. Une de mes élèves a même parlé en allemand a ma collègue qui enseigne en français. Cela montre à quel point ils sont imprégnés et cela fait vraiment plaisir. » Ex. 13. « Les élèves doivent s’adapter à deux méthodes, donc deux profs différents. Il n’est pas toujours évident de suivre le programme comme convenu pour que le binôme, lors de la période suivante, puisse enchainer sur la suite du programme. Pour que les élèves soient bilingues dans toutes les matières, il est mieux de pouvoir enseigner une leçon en français / allemand et le lendemain, passer dans l’autre langue pour faire les exercices d’application. » Ex. 14. « Je n’ai pas réfléchi au principe un maitre / une langue. Me semble plus clair pour les enfants jeunes. Peut-être moins judicieux à partir du CM1… » Ex. 15. « - Stabilité pour la classe (gestion vie de classe, salle matériels) ; meilleure gestion du programme avec son binôme trop chronophage ; - Par contre, instauration d’une grande rigueur dans l’utilisation de l’allemand sur le temps des apprentissages en allemand. Voir privilégier l’allemand en temps / durée de manière officieuse. » Ex. 16: « Positif: adaptation élève (préparation collège) ; repères fixes : 1 personne = 1 langue. Négatif : adaptation entre collègues ; deux classes pour l’enseignant. » Ex. 17 : « Pas convaincue. Je pense que les élèves savent faire la part des choses si on leur dit « maintenant, on parle allemand ou français. Obligé de travailler avec un ou plusieurs binômes et de se tenir informé de l’avancement de l’autre. J’aimerais avoir la même classe tout le temps pour avoir une meilleure relation avec les élèves et mieux suivre leurs progrès. » Ex. 18 : « Bien, immersion linguistique qui encourage la production en allemand. Exemple au niveau de la prononciation et des expressions typiques allemandes. Bain de langue => mise en condition => Avec lui, on parle allemand ! Mais d’un autre côté, le fait de parler deux langues devant eux leur donne aussi un exemple de bilinguisme. » Ex. 19 : « Intéressant pour les élèves : jour Fr / All. Maitre dans enseignement. » 290 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue Ex. 20 : « Je ne suis pas forcément convaincue, ce n’est pas très cohérent avec le principe de bilinguisme et mène souvent à deux cours monolingues menés en parallèle. » Ex. 21 : « Il permet une instauration de différents temps avec de différents référents. C’est un cadre plus institutionnel qui est mis en place, avec ses propres règles. » Ex. 22 : « Je pense que c’est une bonne chose pour les plus grands d’avoir une personne – deux langues, mais pour les plus petits, je pense qu’il est plus sécurisant et plus facile pour eux de gérer les langues avec deux personnes différentes. En effet, il est déjà difficile pour eux de se repérer dans le temps, alors si le matin en arrivant, ils voient le maitre ou la maitresse d’allemand, ils savent qu’ils ont allemand. » Ex. 23 : « Positif : - repère pour l’élève : prof de référence ; – obligation pour l’enseignant allemand de parler allemand, - bain linguistique ; - l’élève va faire plus d’effort pour parler en allemand à l’enseignant « allemand ». Négatif : difficultés d’organisation en binôme / travail d’équipe => continuité dans les apprentissages pour les élèves ; - surcharge de travail pour les élèves / et pour l’enseignant qui a donc deux classes la plupart du temps de niveaux différent ; emploi du temps plus lourd car ce sont des journées entières en allemand et non des demi-journées ; - pas de mélange des langues => frein à la compréhension. Ex. 24 : « Je ne trouve pas que ce principe est adapté pour l’enseignement bilingue. Ce principe est efficace en famille : one person, one language. Mais à l’école, ce principe n’a pas trop de sens pour moi, car il ne représente pas le bilinguisme, mais plutôt deux systèmes monolingues. Ce sera beaucoup plus naturel de parler les deux langues comme enseignante représentant le bilinguisme. » Ex. 25 : [pas de réponse] D’après l’analyse quantitative des réponses que nous venons de citer, 60% des professeurs des écoles stagiaires participant à l’enquête se prononcent en faveur du principe « un maitre – une langue », perçu comme « structurant » (Ex 3, 8, 10, 12, 23), « sécurisant » (Ex. 22), « clair » (Ex. 14) et stabilisant (Ex. 15) pour les jeunes apprenants. En effet, ce principe leur offrirait un cadre fixe dans l’apprentissage alterné des deux langues et dans les deux langues, représentées chacune par une personne référente, ainsi que dans l’organisation des rythmes scolaires, attribuant à chaque jour d’école une langue précise. Cette organisation du temps scolaire et des langues d’enseignement serait avant tout utile à l’école maternelle, puisqu’elle aiderait les jeunes élèves à identifier clairement la langue d’instruction avec l’enseignant parlant et incarnant cette langue (Ex 11, 22). Créant ainsi des « repères fixes » (Ex. 10, 16) et une alternance ritualisée entre journées allemandes et journées françaises (Ex 12, 19) la régularité et la réglementation institutionnelles de cet emploi du temps et des langues – « Il permet une instauration de différents temps avec de différents référents. C’est un cadre plus institutionnel qui est mis en place, avec ses propres règles » (Ex 21) – augmenterait le facteur « d’imprégnation » (Ex 12) mentale et linguistique. Cette imprégnation structurelle pourrait véritablement conditionner les habitudes lin- 291 E.Hartmann guistiques des élèves, selon une perspective behaviouriste : « Bain de langue => mise en condition => Avec lui, on parle allemand ! » (Ex. 18) ; « Je trouve cela bien pour les élèves, qui identifient enseignant et langue d’enseignement. Ils savent que les jours d’allemand, ils doivent parler allemand (et les jours de français parler français) » (Ex 11). Aussi la majorité des professeurs stagiaires (60%) favorisent-ils le principe d’« immersion linguistique » (Ex 18, 23), qui encourage les apprenants à parler en allemand à un « maitre allemand » (Ex 23). Cependant, 28% des professeurs sondés émettent des critiques au sujet du principe “un maître-une langue”. Deux enseignants notent l’artificialité de la séparation linguistique : « Je ne comprends pas ce principe… Les élèves savent de toute façon que l’on parle les deux langues, alors pourquoi ne pas leur enseigner les deux ? » (Ex. 1) ; « Pas convaincue. Je pense que les élèves savent faire la part des choses si on leur dit « maintenant, on parle allemand ou français. » (Ex 17). Un autre enseignant sondé déplore le manque de flexibilité linguistique et la rigueur de l’obligation catégorique de parler uniquement en allemand (Ex. 15). Le fait d’alterner les langues d’enseignement au sein d’une séquence pourrait contribuer à développer la littératie bilingue : « Pour que les élèves soient bilingues dans toutes les matières, il est mieux de pouvoir enseigner une leçon en français / allemand et le lendemain, passer dans l’autre langue pour faire les exercices d’application » (Ex. 13). Une telle alternance des langues au sein d’une séquence offrirait aux élèves l’opportunité d’acquérir des notions et des compétences parallèlement dans les deux langues. Trois réponses livrent une analyse intéressante de la différence entre contexte familial et contexte scolaire, jugeant la théorie de Ronjat (1913) inadaptée à ce dernier : « Je ne trouve pas que ce principe est adapté pour l’enseignement bilingue. Ce principe est efficace en famille : one person, one language. Mais à l’école, ce principe n’a pas trop de sens pour moi, car il ne représente pas le bilinguisme, mais plutôt deux systèmes monolingues. Ce sera beaucoup plus naturel de parler les deux langues comme enseignante représentant le bilinguisme » (Ex. 24) ; « Je ne suis pas forcément convaincue, ce n’est pas très cohérent avec le principe de bilinguisme et mène souvent à deux cours monolingues menés en parallèle » (Ex. 20) ; « le fait de parler deux langues devant eux leur donne aussi un exemple de bilinguisme » (Ex. 18). Finalement, le professeur devrait aussi représenter un modèle de locuteur bilingue, pratiquant les deux langues… En somme, quoique cette politique linguistique rencontre l’acceptation et l’adhésion d’une grande partie des enseignants sondés (le principe d’immersion, le principe d’identification de la langue d’enseignement avec une personne référente qui représente cette langue, l’effet de structuration, d’imprégnation, de conditionnement mental et linguistique), elle fait émerger des réflexions cri- 292 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue tiques, reflétant les théories actuelles avancées par la recherche sur le bilinguisme : la nécessité de construire une identité bilingue, la dénonciation de l’idéologie monolingue gouvernant la mise en place institutionnelle de l’enseignement bilingue, la nécessité d’un apprentissage intégré dans les deux langues, favorisé par l’alternance des langues au sein d’une séquence didactique. 2. La perception de l’alternance et du mélange des langues par les enseignants Comme nous l’avons vu, les politiques linguistiques dans la région d’Alsace essayent d’éviter les pratiques discursives translingues des élèves bilingues émergents, car, dans une perspective monolingue, le mélange des langues tel le frallemand représente un danger pour l’acquisition des normes académiques dans les deux langues : il pourrait conduire à des interférences causées par le contact des langues dans les productions écrites et orales des apprenants, et mettre en danger l’idéal de pureté de la langue académique. Mais comment les enseignants perçoivent-ils le mélange et l’alternance codiques en classe bilingue ? 2.1 Alternance des langues par l’enseignant Nous présentons ici les données récoltées sur les questionnaires de l’enquête : Pratiquez-vous l’alternance de langues en classe bilingue? Qu’en pensez-vous ? Ex. 1 : Oui, c’est pratique car les élèves s’expriment en français, je traduis et ils peuvent répéter. Ex. 2 : Nécessaire pour la gestion de classe et la discipline et pour certaines définitions scientifiques en maths et en sciences. Ex. 3. Non, car je suis censée parler allemand tout le temps ou en tout cas le plus possible. Je pense que l’alternance pourrait assez bien montrer aux élèves ce que c’est d’être bilingue. Ex. 4. Non. Ex. 5 : Non, pas en classe. Pratique du « bain de langage. » Ex. 6 : Oui, je pratique l’alternance. Cela permet de montrer ce que c’est d’être bilingue. Pour moi ce n’est pas un « tabou » que je parle parfois en français, je montre que je parle les deux. Parfois, je parle allemand et les élèves répondent en français. Ex. 7. Non, car officiellement on n’a pas le droit. Mais je fais de petits débats ou vie de classe pour régler les problèmes entre les élèves et je les laisse parler la langue qu’ils veulent. Car mon but est qu’ils expriment leurs émotions et osent parler de leurs problèmes. Je commente en français ces moments-là parfois. Ex. 8 : Oui malheureusement ! Je pense qu’il vaut mieux parler qu’allemand, cela met les élèves en condition et le bain de langue est ainsi continu. Ex. 9 : Oui, lorsqu’il s’agit du comportement. 293 E.Hartmann Ex. 10 : C’est une utopie de penser qu’on peut parler en continu et uniquement en allemand avec des élèves français. Ex. 11 : Par moments, mais cela perturbe. Faisable en C2 [cycle 2], mais pas en C1 et C3. Ex. 12 : Non. Ex. 13 : Je parle allemand mais dans la classe nous entendons souvent du français. Quand les élèves ne respectent plus les règles de vie, je passe au français. Ex. 14 : Oui, quand les termes allemands sont vraiment compliqués, et qu’il n’y a pas d’images, de gestes, de documents à montrer… mais j’évite le plus possible. Ex. 15 : Rarement. Et lorsque cela arrive c’est plutôt un ou quelques mots français lorsque je parle allemand, parce que je n’ai pas les mots allemands sur le moment. Ex. 16 : Oui, il est parfois nécessaire de parler français en classe (langage disciplinaire spécifique, sécurité…) Ex. 17 : Non. Ex. 18 : Non. Ex. 19 : Très peu. Des similitudes entre deux langues ou à l’inverse des différences marquantes peuvent être intéressantes. Par ex. die Orange = l’orange (presque comme en français) ; die Sonne (f.) = le soleil (m.) Ex. 20 : Parfois cela est nécessaire, sinon on garde « un prof, une langue », mais cela reste assez utopique… Ex. 21 : Oui, très souvent. Pour la vie de classe, c’est très souvent en français : gestion de conflit, discipline, élection de délègues. Ex. 22 : Non et oui. Je ne mélange pas deux langues dans une même phrase. Je pense que c’est déstructurant, mais alterner, cela s’avère nécessaire et très important (que ce soit dans une langue ou une autre.) Enseigner strictement dans la langue 2 peut dégouter certains élèves de cette langue. Ex. 23 : Oui, selon la notion de la séance et pour la discipline aussi. Ex. 24 : Je ne pratique pas l’alternance de langues en classe bilingue car cela risquerait d’inciter les élèves à parler encore plus français que cela n’est déjà le cas. Je considère, dans le cadre du principe un maitre-une langue, que mon travail est de pratiquer l’allemand le plus possible avec les élèves. Je pratiquerais l’alternance des langues si j’enseignais à une classe en français et en allemand. Ex. 25 : Oui, assez régulièrement pour être sûre de leur compréhension (en sciences, histoire…). J’ai l’impression d’être en tort quand je le fais et j’ai peur que les parents me tombent dessus. Selon l’analyse quantitative de ces réponses, traduisant la fréquence de l’alternance des langues en classe bilingue durant la « partie allemande » à laquelle sont allouées 12 heures par semaine, 24 % des participants de l’enquête déclarent ne jamais recourir à l’alternance codique pendant leurs cours, tandis que 76% affirment changer de langue au sein de leurs cours. Plus précisément, parmi les enseignants pratiquant l’alternance codique, 32% pensent y recourir « régulièrement », voire « souvent », alors que 44% ne changent que « parfois » ou « rarement » de langue au sein de leur enseignement. Qu’est-ce qui motive les enseignants à changer de langue pendant leur enseignement de la langue allemande (langue et littérature allemandes) et en langue 294 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue allemande (disciplines non linguistiques) ? Qu’est-ce qui les empêche de pratiquer l’alternance ? Les sondés indiquent les critères suivants, listés selon leur taux de fréquence : Pour une pratique de l’alternance des langues : a) Gestion de vie de classe (discipline, élection de délégués, « vivre ensemble ») : 28% b) Explication/compréhension de notions et de contenus complexes : 12% c) Modèle identitaire du bilinguisme : 8% d) Impossibilité d’une immersion linguistique totale : 8% e) Acquisition du nouveau vocabulaire : 4% f) Grammaire comparative et contrastive ; conscience métalinguistique : 4% g) Maintien de l’attention des élèves : 4% h) Manque de vocabulaire allemand par l’enseignant : 4% i) Echec du langage non verbal (image, mime, geste) : 4% Contre une pratique de l’alternance des langues : a) Contrainte institutionnelle ; politique linguistique : 12% b) Bain linguistique : 8% c) Facteur d’insécurité linguistique pour les élèves : 8% d) Augmentation de la « paresse » des élèves : 4% Les critères indiqués par les enseignants sondés nous permettent d’analyser le phénomène de l’alternance selon la fonctionnalité des langues au sein du cours, mais aussi selon la fonction qu’adopte l’alternance codique elle-même. Selon les différentes situations communicationnelles au sein de la classe, la pratique de l’alternance des langues par l’enseignant peut avoir des vocations différentes : a) didactique b) psychologique c) contextuelle d) phatique e) identitaire f) linguistique Dépassant la nécessité purement communicative de la compréhension, la fonction didactique de l’alternance des langues inscrit celle-ci dans un contexte d’apprentissage. 12% des enseignants questionnés se servent du français non pour améliorer la communication avec leurs élèves (contexte conversationnel, situation naturelle), mais pour enseigner une notion complexe (surtout dans les disciplines non linguistiques – « pour certaines définitions scientifiques en maths et en sciences » Ex. 2), pour rendre l’apprentissage possible (contexte didactique, situation institutionnelle). Dans sa fonction didactique, l’alternance des langues peut être employée « assez régulièrement pour être sûre de leur compréhension (en sciences, histoire…) » (Ex. 23). 295 E.Hartmann L’alternance du code linguistique peut également adopter une fonction psychologique. L’enseignant peut en effet choisir de parler dans la langue de ses élèves, afin de se rapprocher d’eux, de partager leurs émotions, de leur montrer sa compréhension et sa solidarité. À ce moment-là, il ne s’agit pas d’enseigner, mais d’écouter ses élèves, selon le modèle de l’écoute active qui encourage l’enfant à exprimer ses sentiments, à les partager avec l’enseignant et les camarades de classe : « officiellement on n’a pas le droit. Mais je fais de petits débats ou vie de classe pour régler les problèmes entre les élèves et je les laisse parler la langue qu’ils veulent. Car mon but est qu’ils expriment leurs émotions et osent parler de leurs problèmes. Je commente en français ces moments-là parfois. » (Ex. 7). La contradiction inhérente à cette déclaration met l’accent sur la différence entre les fonctions didactique (situation d’enseignement officielle : « officiellement on n’a pas le droit) » et psychologique (situation de communication naturelle : « le but est qu’ils expriment leurs émotions et parlent de leurs problèmes »). Ce changement de contexte provoqué par l’alternance codique peut également attribuer à cette dernière une fonction contextuelle. Celle-ci se trouve justifiée par la différence existant entre les matières enseignées (vocation didactique et scientifique) et la gestion de la classe (vocation administrative et sociale). Cette dernière, qui inclut les séances de vie de classe (gestion de conflits, élection de délégués, « questions de discipline », « apprendre à vivre ensemble »), n’a pas pour but d’enseigner les connaissances et compétences liées à une matière scolaire, mais à gérer la vie sociale de la classe. Ainsi, dans ce contexte de gestion et d’administration, le passage au français est-il « nécessaire pour la gestion de classe et la discipline » (Ex. 2) : « Quand les élèves ne respectent plus les règles de vie, je passe au français. » (Ex. 13). Ce dernier exemple établit le français comme la langue de l’autorité. La fonction phatique, responsable non du contenu de l’information communiquée, mais de son transport entre l’enseignant et ses élèves, attribue à l’alternance codique une fonction de prise de contact avec les élèves, d’« accrochage communicatif » pour que le contenu didactique puisse passer entre l’émetteur (enseignant) et le récepteur (élève). L’enseignant ponctue ainsi fréquemment son discours par des « phrases d’accroche », telles que « Ça va ? Je ne vais pas trop vite ? Vous me suivez ? », pour maintenir l’attention des élèves et pour éviter qu’ils « décrochent » : « Enseigner strictement dans la langue 2 peut dégouter certains élèves de cette langue » (Ex. 22). Cette prise de contact possède aucune valeur purement sociale, se situant en marge du discours didactique, et autorise le passage au français. L’alternance codique peut également avoir une fonction identitaire : en montrant qu’il pratique deux langues à la fois, l’enseignant performe le bilinguisme, le met en scène (niveau physique), tout en le représentant, en 296 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue l’incarnant (niveau symbolique). Il utilise donc, en les montrant, ses compétences bilingues (celles que ses élèves doivent acquérir) et érige un modèle du locuteur bilingue, que les apprenants peuvent adopter, imiter et avec lequel ils peuvent s’identifier pour construire leur identité bilingue : « Oui, je pratique l’alternance. Cela permet de montrer ce que c’est d’être bilingue. Pour moi ce n’est pas un « tabou » que je parle parfois en français, je montre que je parle les deux. » (Ex. 6). La dernière fonction que peut adopter l’alternance codique est la fonction linguistique. Nous distinguons deux formes dans cette catégorie : la première utilise la traduction et l’intercompréhension dans une co-construction du sens et des structures linguistiques : « c’est pratique car les élèves s’expriment en français, je traduis et ils peuvent répéter » (Ex. 1) ; « Parfois, je parle allemand et les élèves répondent en français. » (Ex. 6). L’enseignant accompagne les apprenants dans la construction progressive, dialogique et interlinguistique des apprentissages. Se tissant forcément entre les deux langues, cette co-construction s’accomplit dans le va-et-vient d’une interaction solidaire entre l’enseignant et l’élève, entre le français et l’allemand, que la métaphore du « pas de deux » décrit si bien : « entre l’élève et le maître se forme un code commun que l’on peut comparer à une danse du style pas de deux avec deux partenaires engagés dans un mouvement dynamique ». (Ehrhart 2002 : 3-4) La deuxième manifestation de la fonction linguistique est la grammaire comparative, développant la conscience métalinguistique des élèves. Celle-ci leur permet non seulement de considérer, d’explorer et d’analyser les langues comme des objets d’étude (ce qui facilitera également l’apprentissage d’autres langues additionnelles), mais de pratiquer des transferts interlinguistiques, en faveur d’un apprentissage intégré des deux langues. Les catégories grammaticales du nom et du genre grammatical peuvent ainsi être introduites et travaillées conjointement dans les deux langues, alors que l’étude étymologique à partir de « mots transparents » permet de construire des ponts entre les langues : « Des similitudes entre deux langues ou à l’inverse des différences marquantes peuvent être intéressantes. Par ex. die Orange = l’orange (presque comme en français) ; die Sonne (f.) = le soleil (m.) » (Ex. 20). Il va de soi que, dans la perspective d’une pédagogie translingue de l’apprentissage des langues, la fonction linguistique de l’alternance codique nous semble la plus intéressante : c’est elle qui sera explorée dans la troisième partie de cette étude. En ce qui concerne le refus de pratiquer l’alternance codique dans les cours menées en langue allemande, nous passons d’une représentation fonctionnelle à une représentation idéologique, où émerge une fois de plus l’idéologie monolingue de la politique linguistique, fondée sur le principe « un maitre-une langue ». La politique linguistique fixe le cadre institutionnel au sein duquel 297 E.Hartmann l’enseignement doit négocier ses stratégies pédagogiques individuelles, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes. Les pratiques de l’alternance des langues sont ainsi divisées, dans les représentations des jeunes enseignants, entre pratiques officielles (« officiellement on n’a pas le droit » Ex.7 / « j’ai peur que les parents me tombent dessus » Ex. 25) et revendications innovantes (« Pour moi ce n’est pas un tabou de parler français » Ex. 6). Employer le mot « tabou » présuppose, de façon indirecte, son existence. Ce tabou qui hante l’enseignement scolaire en France peut être identifié avec les manifestations d’hybridité linguistique et de multilinguisme (ou plutôt de diglossie ?) dans un univers institutionnel dominé par le monolinguisme. Les déclarations suivantes épousent une telle vision monolingue : « Non, car je suis censée parler allemand tout le temps ou en tout cas le plus possible » (Ex. 3) ; « Non, car officiellement on n’a pas le droit » (Ex. 7) ; Je ne pratique pas l’alternance de langues en classe bilingue car cela risquerait d’inciter les élèves à parler encore plus français que cela n’est déjà le cas. Je considère, dans le cadre du principe un maitre-une langue, que mon travail est de pratiquer l’allemand le plus possible avec les élèves » (Ex. 24). Les allusions à l’immersion linguistique vont dans le même sens : « Non, pas en classe. Pratique du « bain de langage. » (Ex. 5) ; « Oui, malheureusement ! Je pense qu’il vaut mieux parler qu’allemand, cela met les élèves en condition et le bain de langue est ainsi continu » (Ex. 8). Cette vision monolingue adopte une perspective psychologique qui peut concerner les élèves – que cela soit l’insécurité linguistique (« Par moments, mais cela perturbe » Ex. 11 ; Je ne mélange pas deux langues dans une même phrase. Je pense que c’est déstructurant » Ex. 22) ou la « paresse » (« Je ne pratique pas l’alternance de langues en classe bilingue car cela risquerait d’inciter les élèves à parler encore plus français que cela n’est déjà le cas. » Ex. 24) – ou les enseignants, ayant peur d’enfreindre un interdit institutionnel : « J’ai l’impression d’être en tort » (Ex 25) ; « J’ai peur » (Ex. 25) ; « On n’a pas le droit » (Ex.7). Ces déclarations rendent compte du pouvoir dominateur de l’autorité institutionnelle et d’une politique linguistique descendante (top-down policy). Cette analyse des représentations des alternances codiques pratiquées par les enseignants bilingues sera confrontée, dans la deuxième partie de cette étude (voir sa publication dans un prochain numéro de cette revue), aux représentations du mélange des langues dans le discours des élèves bilingues émergeants, avant que les approches translingues du lire-écrire ne soient mises à l’épreuve dans leur expérimentation pédagogique au sein du projet de lecture trilingue autour des Trois Brigands de Tomi Ungerer. 298 Approches translingues dans l‘enseignement bilingue Références: ANOKHINA, Olga (dir.) (2012) Multilinguisme et créativité littéraire. Paris: Harmattan/Academia. ANOKHINA, Olga & SCIARRINO, Emilio (dir.) (2018) “Entre les langues”. Genesis. Revue internationale de critique génétique, 46/18. AUER, Peter (1998) Code-Switching in Conversation. Language, interaction and identity. London: Routledge. 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Dictionnaire allemand-français des particules, interjections et autres mots de la communication. (Disponible seulement sous forme de fac-similé au format A4 avec reliure plastique.) (Les 4 tomes : 54 € + 12,5 € de port à la date de décembre 2016)  Commande Initiation au commentaire grammatical (concours) 6° édition, revue et augmentée 1995, de René Métrich : 12 € + 4,20 € pour le port.  Commande Principes de métrique allemande de Jean Fourquet : 10 € + 3 €  Commande Des Racines et des Ailes. Mélanges pour J. Petit : 10 € + 5,60 €  Commande Didascalies. Mélanges pour Y. Bertrand : 12 € + 5,60 €  Renouvelle son adhésion à l'Association des Nouveaux Cahiers d'Allemand : Cotisation : 6 € Date et signature : ………………………………………………………….. La liste des articles parus dans les numéros des années précédentes peut être envoyée sur demande (joindre timbres pour une valeur de 3 €). 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