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2010 with funding from
University of Ottawa
littp://www.archive.org/details/lalinguistiqueouOOmaro
LA LINGUISTIQUE
ou
SCIENCE DU LANGAGE
«NGEKS.
—
IMPRIMERIE
F.
GAULTIER ET
A.
THÊBERT
J
MAROUZEAU
Docteur es
lettres
Directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.
LA LINeUISTIûDE
ou
SCIENCE
DU LANGAGE
4^^
"
PARIS
LIBRAIRIE
13,
PAUL GEUTHNER
RUE JACOB, 13
I92I
AVANT-PRCPOS
Vous
«
lez-vous?
êtes linguiste?
»
—
Question souvent posée par des pro-
pour qui linguiste
fanes,
un.
De
que
la
Combien de langues par^
et
polyglotte
c'est
tout
plus avertis, confondant linguiste et philologue, croient le linguiste voué à Vexplication des
langues mortes et des vieux textes. Si on leur dîî
^
pas du
n'est
langues,
gage?
»
tout
la
même
— Qu'est-ce alors que science
— Voilà question à laquelle
la
«
la
voudrait répondre
En
du
lan-
ce petit livre
(i).
Camp
(i)
du langage, ce qui
chose que Vêtude des
linguistique est la science
de prisonniers de guerre
de Crefeld, 19 16.
vue de rendre l'exposé accessible
même
à des
lec-
ignorants de toute langue étrangère, on a emprunté
teurs
exemples presque exclusivement au français de nos
pour la même raison, la bibliographie est limitée
aux ouvrages écrits ou traduits en français.
les
jours
;
1
N
LES
SONS
(PHONÉTIQUE)
ROUDET, Éléments de phonétique générale.
L.
P. Passy. Étude SUT
ÏD»,
Petite
2® édition,
les
phonétique
Leipzig,
Paris,
1910.
changements phonétiques. Paris, 1890.
comparée
des
langues
indo-européennes,
1912.
P. RousSELOT, Principes de phonétique expérimentale. Paris,
1908,
1897-
PHONÉTIQUE
Nous
L'écriture et la prononciation.
une phrase en passant dans
de Neuilly
a voyelle,
et
s,
:
que
ni de
vê.
i
/ consonne,
:
voyelle,
Voilà un
Plus loin, ïe de
s.
réduit presque à
de nous
c'est
le
un
son
ê
d'écrire
s'est
jeu de
:
amusé aux
compter
le e
i.
de
!
\
je
—
î/,
lettres
ni de
âf,
a,
le
î,
eu de
groupe
de, tout le
Chacun
bizarreries de l'orthographe;
les 15 et les
au, eau, haut, aulx,
richesse inutile
j, c
Et ainsi de suite.
20 manières
ait, ais, haie, hais, etc., les
:
:
ne s'entend pas,
fête
un
soit
pas de trace de
;
comme
verra trans-
la
que j'analyse en 4
vais,
:
vais à la fête
voyelle; v consonne,
t
consonne;
mot
Neuilly se prononce
îlly se
s
prononce en 2 sons
je
« je
:
Le premier enfant venu qui
saura épeler
crite
i,
».
rue
la
entendons
d'écrire
40 ou 50 manières
6, oh, os, etc., etc.
Quelle
Quelle pauvreté au contraire quand on
voudrait marquer
la
différence entre les
deux eu de peu
ode fort morosel Les signes que nous
écrivons ne répondent pas aux sons que nous prononçons. C'est que les mêmes signes nous servent depuis
d'heures
ou
les trois
des siècles, depuis un temps où
différent de ce qu'il est devenu.
le
français était bien
L'écriture, dont
avons toujours des modèles sous nos yeux, change
tandis que les sons se transforment sans cesse.
nous
peu,,
LES SONS
4
Rétablir
toute une
la
correspondance dans
On
révolution.
pu
a
la pratique,
la réaliser
ce serait
dans certains
pays» ainsi en Espagne, à une époque où l'instruction
était
par
assez peu répandue pour que
la
réforme
;
pour
la
le
public ne fût pas gêné
plupart des pays civilisés elle est
éternellement à Tordre du jour.
L'orthographe phonétique. Mais
les linguistes
bien été obligés de la réaliser pour leur compte.
impossible de travailler scientifiquement
si
on
Il
ont
est
est obligé
d'accepter les conventions orthographiques de chaque
langue
et
de préciser à chaque instant
Vo de dorme^ ou Vo de
:
et
malgré
la
dos.
Vo de dort, ou
:
:
Après bien des tâtonnements,
concurrence de systèmes rivaux, on est arrivé
un alphabet phonétique qui permet de
de manière rigoureuse les principaux sons de
ï constiruer
transcrire
de toute langue donnée, suivant
le
principe
:
un
seul son
chaque signe, un seul signe pour chaque son.
D'où simplification, puisque nous n'avons plus qu'un
|)Our
signe pour
o,
auy eau,
etc.
;
mais complication
puisque nous aurons trois signes pour
les trois o
aussi,
de
fo^'t
nous faudra un signe spécial pour ou, qui est
an son élémentaire ni plus ni moins que u (ou s'écrira
morose. Il
u, et u, u)^
de
même
pour an, pour on,
in, un^
qui sont
nous en faudra un pour ch (j)
^ui est une consonne simple tout comme /. Et il nous
'laudra adopter aussi des signes nouveaux pour tous les
aussi des sons simples.
Kms
Il
étrangers à notre langue, c'est-à-dire en
plusieurs centaines de sons élémentaires.
fait
pour
PHONÉTiaUE
On
Classement des sons.
f
'
ne
pourra
pas
entre-
prendre de transcrire tous ces sons différents sans s'oc-
même
cuper en
temps de
Notre alphabet usuel
ment
:
sonnes
les voyelles
:
les définir et
une
est
n'y sont
liste^ et
même
de
non pas un
pas séparées des coiih
non
scientifique.
D'après Timpression qu'ils font
Les grammairiens latins, à la suite des
qu'ébaucher un
classement
Timpressionque font
les sons, sur
laient voyelles (lat. vocalis)
sur
l'oreille^
grecs, n'avaiem
méthodique. Notat^t
notre oreille,
ils
appe-
ceux qui comportent
xxrxt
consonnes (lar. consonans) les autres^
consonnes, les unes, si on ne leur donne pa^
émission de
Parmi
classe-
nous nous contentons d'un ordre
a, ^, c, d, e...;
traditionnel, historique,
fait
les classer.
les
la voix^
l'appui d'une voyelle, sont à peine perceptibles
:
ce
soM
muettes (/>, t, l, etc.); certaines donnent Timpressioa
d'un écoulement du son ce sont les liquides (/, r,);
les
:
d'autres, d'un sifflement
:
sifflantes
{s,
z)
On
distingue
encore des fortes et des ténues, suivant qu'elles
portent un
com-
musculaire relativement violent (p /), ou
faible {p, d,), des dures (s) et des douces QOf ^^^ claires]
{é) et des
eff"ort
sourdes
(o),
des continues, dont
tion peut se prolonger (/,
Mais ce sont
rences.
Un
là
la
prononcia-
m, r) et des instantanées(p. F) etc.
des caractères extérieurs, des appa-
chimiste classe les corps non d'après leur cou-
leur et leur forme, mais autant
composition.
De même
le
que possible d'après leur
phonéticien tâcha de
saisir
h
nature intime des sons, et>n les classant, deles défimc«
LES SONS
C'est
ce qu'avaient essayé,
y
il
a bien des
siècles,
préoccupaient d'assurer
les
grammairiens de l'Inde, qui
la
prononciation correcte du sanskrit, langue de leurs
et
textes sacrés,
reprendre
le
se
linguistiqae
la
moderne
n'a
fait
que
principe de leur classification.
D'après le mode d'émission. Que se passe- t-il
quand nous émettons un son? Nous chassons de nos
poumons une certaine quantité d'air (si nous fermons
la
bouche
sur
le
et le nez,
impossible de rien prononcer), et
passage du courant d*air nous
disposons d'une
certaine manière les organes de l'appareil vocal. « Dites
âââ
))j
nous demande
regarder dans
le
fond de
le
médecin quand
la
gorge;
c'est
il
veut nous
que pour pro-
noncer â nous devons placer nos organes dans
la
posi-
tion du repos, celle de la respiration normale.
Nous pouvons observer nous-mêmes
de nos organes
:
notre langue sous
en appuyant
le
les
mouvements
en prononçant r nous sentons vibrer
la
pression de
doigt sur notre
l'air
expiré; disons
pomme d'Adam
p'.:rcevonsune vibration, qui cessera
si
:
;(
nous
nous prononçons
s.
main devant la bouche et parlant
tout près d'un miroir une buée légère atteste que l'air
Disons w en mettant
la
:
poumons a passé par le nez.
moyens sont insuffisants. Nous
chassé de nos
Mais ces
serions bien
embarrassés de découvrir par l'observation directe quels
mouvements
il
faut pour produire
physiologiste intervient alors
un
é,
pour nous
un
/,
etc.
exphquer
Le
la
m.
PHONETIQUE
Structure et
le
fonctionnement de nos organes,
ce qu'il nous apprend
Les organes de
:
—
la parole. L'appaieil
Représentation schématique des organes de
est
et voici
de
la
parok
la parole.
comparable à un instrument de musique
mis en
poumons. L'embouchure, tourvers les poumons, est une sorte de
action par le soufflet des
née vers l'intérieur,
tuyau cartilagineux,
le
larynx, en travers duquel son^
'*--
LES SONS
tendues des membranes de part
foédiane
aucun son. Tendues,
font obstacle au passage de l'air qui leur imprime
laissent passer l'air sans obstacle
-filles
d'une fente
cordes vocales. Relâchées, ces membranes
les
:
et d'autre
:
ane vibration, d'où un son plus ou moins élevé suivant
îe
degré de tension. Ce son se propage hors du larynx à
une sorte de boîte de résonance qui
travers
son timbre
la
bouche
cette
c'est la cavité
:
et les fosses nasales.
cavité en
tant le larynx
iosses
du
aasales
les
;
palais
la
partager en deux en
pour fermer
contractions et les
dBnairement variés de
la
langue
en remon-
la rapetisser
nous pouvons en
enfin
agrandir
mâchoire intérieure, en
la
nous pouvons
;
donne
l'arrière-gorge,
Nous pouvons
nous pouvons
;
voile
le
âoTme par
abaissant
langue
retirant la
relevant
formée par
lui
;
l'entrée des
modifier
mouvements
la
extraor-
des milliers de fibres
musculaires et nerveuses entrent en jeu pour produire
h
son
le
plus élémentaire.
La phonétique
expérimentale. Pour étudier
position et l'action de tous cqs organes,
iirecte ne suffit plus
;
reils;
de
c'est
l'affaire
il
faut
la
la dis-
l'observation
une méthode
et des
appa-
phonétique expérimentale.
du phonéticien voici des
Instruments de toute forme, de toute dimension
celuid enregistre les mouvements du diaphragme et des
Entrons dans
le
laboratoire
:
:
3Riiscles
thoraciques qui agissent sur
asons; celui-là mesure
surprend
les
la
le soufflet
des ppu-
quantité d'air expiré; un autre
mouvements de
la
langue
;
un système de
PHONÉTIQUE
miroirs et de réflecteurs nous
larynx
fait
voir jusqu'au tond
plus profonds
;
en
cinématogra-
des appareils photographiques,
;
phiques, de Rœntgen, fixent les
les
^'9
mouvements des organes
partout les appareils
étalent leurs rouleaux et leurs disques
:
enregistreurs
une membrane
vibre sous l'action de la voix, les oscillations se trans-
mettent à un levier qui va
les
enduite de noir de fumée, et
une surface
nous trace par exemple
inscrire sur
l'image
d'un a
:
d'un
:
d'un
/
VV
:
Le phonographe
et le
gramophone nous
fournisscEl
des tracés compliqués où
nous pouvons mesurer
durée des vibrations jusqu'au loo® de seconde,
k
hm
amplitude, leur fréquence
;
des tableaux de chiffres et de
formules permettent d'interpréter
les
données des
ins-
10
LES SONS
truments
et
d'exprimer mathématiquement
durée,
la
la
hauteur (moins bien l'intensité) des sons. L'opérateur
phonème une
peut donc nous donner de chaque
cription minutieuse et
ne retiendrons
que
ici
une définition scientifique
d'air
bouche où
la
elle
la
Voyelles. Prononçons a
poumons
et faible
:
le
vibrer au pas-
fait
vibration se transmet à tra-
détermine une résonance,
normalement entre
souffle s'échappe
Résonance
:
chassé de nos
sage les cordes vocales,
vers
nous
;
les principales caractéristiques.
Description des sons
courant
des-
les lèvres
dépense de souffle
;
et le
ouvertes.
ce sont les carac-
téristiques de la voyelle.
Prononçons
la
change d'un son
le
timbre
:
série des voyelles ou o
de ow à
i
nous remontons
bouche, en augmentant
la
i
ce qui
:
à l'autre, c'est la nature de la résonance,
langue de façon à diminuer chaque
de
a é
le
larynx et
avant
fois la cavité
cavité arrière
la
la
nous
;
allons des voyelles basses aux voyelles hautes.
deuxième onous abaissons
langue qui vient fermer en partie la cavité
Prononçons morose: pour
le
dos de
la
le
un o fermé (noté o) par rapport au premier qui est un o ouvert(aoté ç) a,e, peuvent erre également ouverts ou fermés, ainsi dans amas, élève...
Quand nous sommes enrhumés, nous parlons « du
buccale
:
c'est
;
:
nez
»
palais
:
a devient an,
o
devient on
c'est
;
que
ne ferme plus l'entrée des fosses nasales
de résonance se trouve prolongée,
s'échappe par
le
nez
:
an, on,
et l'air
in
s.mt
voile
le
la
:
avec
les
du
boîte
le
son
voyelles
1
,
PHONETIQUE
nasales (notées à ô
cales a
1
correspondant aux voyelles buc-
e)
e.
Prononçons encore morose
:
deuxième
le
plus long à prononcer que le premier
y
longues (ô).
abominable »! Lee de
«
deux fois
a des voyelles
(ô) et des voyelles
brèves
Disons
est
il
:
o est
« c'est
:
abominable
prononcé avec bien plus d'intensité que Va ou 17
demande une
plus grande tension des muscles
:
il
;
»
il
est
accentué (d)
Quand nous
neuse
hé hé
«
:
disons sur un ton de raillerie soupçon!
» le
plus élevée que
premier
é est
deuxième
le
prononcé sur une note
il
:
y
a entre
les
deux
une différence de hauteur.
Timbre, longueur,
hauteur; ce sont
intensité,
les
quahtés des voyelles.
Consonnes.
moment de
lèvres
se
Prononçons
du
passer
maintenant
premier
au
a
empêchent un
rejoignent,
s'échapper (c'est rocclusion), puis
îà-bas
:
second,
instant
lui livrent
l'air
au
nos
de
passage
en s'écartant brusquement (explosion) nous avons pro;
noncé une consonne
chissé des
poumons
:
c'est
contre
le
les
heurt du courant d'air
obstacles qu'on lui op-
pose.
Dans
de
b,
ce sont les lèvres qui font l'obs-
une labiale; pour /, ce sera la pointe de
langue appuyée contre la racine des dents (dentale)
tacle
la
le cas
pour
:
b est
;
k, le
dos de la langue pressé contre l'arrière du
palais (gutturale).
Premier classement des consonnes.
LES SONS
12
d'après le point du canal buccal où se rencontre Tobstacle.
Ce
encore. Le
la
défini avec
peut être
point
g de gui
se
prononce en amenant
langue vers l'avant de
l'occlusion se
voile
du
palais
:
bouche; pour
la
beaucoup plus en
fait
c'est
des faubourgs dire
«
de précision
plus
le
léger
dos de
la partie
le
mouillé d'après
s'acconr
langue
la
médiane du
palais
pagne; nous
le
le
venu s'appuyer contre
est
un g palatal,
c'est
:
penser à un
dit aussi
dont
bruit caractéristique
petit
le
g de goût
un g vélaire. Écoutons un Parisien
gamin! ». Cette fois le g s'accom-
souffle, d'une fuite d'air, qui fait
:
dos de
arrière, contre
pagne d'un
i
le
il
notons/.
Pour n nous faisons
mêmes mouvements que pour d\ ce sont deux den-
Prononçons maintenant
les
tales.
Mais n
en
est
dîner.
même
noncer nous avons abaissé
temps nasale; pour
le voile
courant d'air passage à travers
Dans
dater nous
prononçons-les
le
nez.
avons encore deux dentales, mais
pomme d'Adam
nous
comme un léger tremblement;
:
la glotte,
pro-
palais et livré au
isolément en appuyant
notre
de
du
la
sentons
le
en
doigt
sur
disant
d
ce sont des vibrations
qui font de d une sonore. Rien de pareil
quand nous prononçons t, qui est une sourdePrononçons avec violence, comme pour imiter un
choc rude, un éclatement ^^«//ûtr/ Le p et le / s'accompagnent d'une sorte de souffle qui s'interpose pour
:
ainsi dire entre l'explosion de la
de
la
voyelle; on
aspirées {ph,
th).
consonne
les appelle, assez
mal
et la
résonance
à propos, des
,
PHONÉTIQUE
Toutes ces
consonnes
quelque chose de
:
ont
différentes
si
commun
13
pourtant
n'ont pas de durée
elles
notable, parce qu'elles consistent
essentiellement dans
une explosion ce sont des explosives ou instantanées.
Prononçons maintenant s, f, /, ;, v
l'échappement
de Tair n'est pas arrêté, il n'est que contrarié; le souffle
:
:
se livre passage à travers
d'où
le
nom
de constrictives,
dure tant que
nom
le
tantôt
un canal
le souffle
resserré {constrictus)
de
et le bruit
poumons peut y
des
consonne
suffire,
de continues. L'échappement de
un sifflement
la
d'où
produit
l'air
à travers les dents serrées (sifflantes),
un écoulement sur les bords de la langue (liquide
tantôt un tremblotement de la pointe de la langue
tantôt
/)/
(vibrante r); parfois, tout obstacle enlevé,
un soutfle, comm^.
embuer une glace
à
quelquefois
si
:
l'aspirée
dans des
hepi
—
halte!
ces sons appartiennent
civilisés,
h,
qui
s'entend
interjections
—
pro-
hé hé!
à l'alphabet
nous voulions relever ceux dont
cipaux peuples
se réduit
que nous produisons pour
c'est
;
en français
noncées avec vivacité
Tous
celui
il
français;
se servent les prin-
nous arriverions
à
un
total
de
plusieurs centaines.
Sons mixtes. En réalité le nombre des phonèmes
que nous employons est illimité : quand nous prononçons tout d'une haleine la série de voyelles u ( zziou}C'â-a-ê-é-i-û, il est aussi impossible de dire où finit Tune
et
où commence
les différentes
l'autre
que de marquer
la
Umite entre
couleurs de l'arc-en-ciel. Autant dire qu'il
.
LES SONS
14
y a entre l'une et l'autre des sons intermédiaires que
nous ne rotons pas. Nous avons une fnçon de prononcer
le
ahl qui exprime
demande souvent
la
compassion,
nous ne prononçons exactement
qu'on se
ahl ou ohl C'est que
faut écrire
s'il
telle
ni l'un ni l'autre,
mais
bien une voyelle intermédiaire (quelquefois notée â).
Mieux que
cela
la
:
distinction fondamentale
entre
voyelles et consonnes n'est pas toujours tellement nette.
Vi a autrnt de sonorité que
Dsiiis plié,
presque à un souffle,
est réduit
même
dans pied,
\'é;
que semi-
n'est plus
il
il
ou dans oui.
En
revanche, dans chut Ipstt llet (représenté par -ut et par
-//)
voyelle (notée
/
;
de
u dans
lui,
a autant de sonorité qu'une voyelle, et sert de support
à la
consonne précédente, avec
syllabe.
De même
IV dans brr /le
il
forme une
/>r///
deviennent
laquelle
t
dans
une valeur qu'ils n'ont
qu'exceptionnellement en français, mais que d'autres
langues leur donnent couramment.
des sonantes (notées
Action des sons
des complications
Mais
c'est
:
r)
c'est
uns sur les autres. Voilà bien
aucun son n'estimmuablement défini
les
si
au
lieu d'extraire
phonèmes du mot peur
les
examiner
surprenons au passage dans
ment, nous
les
ment de
phrase
:
ils
vont
s'altérer, s'entre-détruire.
ficulté
;
bien autre chose
ainsi dire les
la
{
s'y heurter,
Nous énonçons
isolé-
déroule-
le
s'amalgamer,
bien sans dif-
quatre consonnes de suite {-rscr-) dans
pule, mais impossible
pour
:
par scru-
de prononcer sans Tahérer un
groupe de deux consonnes
tel
que -pm-. Soit
le
mot
tnap-
PHONÉTIQUE
petnonde,
15
que nous sommes supposés prononcer map-
monde ; py m, voilà Jeux consonnes labiales, donc deux
explosions et deux mouvements de fermeture des lèvres.
Observons-nous
fermons en
les lèvres
:
moment
au
effet les lèvres,
de prononcer
mais
le
p en
le p^
reste là
Ym
pour prononcer
se rouvrent, c'est
:
nous
quand
; nous
ou plutôt nous avons
un phonème nouveau, que nous ne savons pas noter.
n'avons eu que l'amorce d'un
On
peut faire
tictac
même
la
/>,
expérience pour
le
premier
c
de
(qu'on ne peut prononcer entièrement à moins de
dire tiquetac),
nèmes
pour
premier
le
/
de
et
cœtera...
n'entrent pas dans la phrase intacts
pierres dans
un
édifice,
ils
comme
les
doivent s'adapter, s^accommo-
der de leur voisinage, en obéissant à certaines
Assimilation. Dans
Les pho-
je siiis^ si
lois.
nous prononçons
IV,
comme dans a
conversation familière dirons-nous fsuis ? Non pas. Le
y se durcit pour ainsi dire, et sonne comme ch. C'est que
le ;
reste intact
;
mais supprimons Ve
:
y,
sonore, comporte des vibrations de
la glotte (cf. p. 12)
Ys qui suit, sourde, n'en comporte pas
prononcer
le y,
pour prononcer
;
au
;
moment de
nos organes se mettent déjà en position
l'j, la
glotte n'a pas le
temps d'entrer en
on entend ch, qui est la
sourde correspondante.
De même, prononçons examen nous avons phonétiquement le choix entre ecsamen
(deux sourdes) ou eg:(amen (deux sonores), mais nous
vibration, le j perd sa sonorité, et
—
:
ne pouvons dire
ni
egsamen (sonore -j- sourde)
(sourde -f sonore). Ce sont
tion par contact.
là
ni
ecsamen
des exemples d'assimila-
—
LES SONS
l6
Quand il commence à parler,
l'enfant dit marna avec les deux mêmes a que papa ; puis,
.grand garçon, il apprend à dire maman, mais neuf
c'est que, perdu
enfants sur dix prononcent manman
Harmonie
vocalique.
:
dans un mot qui ne contient que des nasales, Va se nasa'lise
cer
lui-même
:
le voile
premier m,
le
deuxième
m
palais, abaissé
devra
et qui
an
et le
du
disons
la queue
pris le
le
fait
à laqueue-leu-leti;
:
(=
leu
à la
encore pour
l'être
ne se relève pas pour
final,
intermédiaire, qui se trouve de ce
Nous
pour pronon-
queue
le
timbre des deux eu qui
le
le
a
prononcé du nez.
c'est
loup)
anciennement
le ^
:
:
à
du milieu
a
Cest une
l'encadrent.
qu'on appelle harmonie voca-
assimilation de voyelles,
lique.
Dissimilation. Autre genre d'altération
cierge dit qu'il est ailé « sercher
« silurgien
répugne
tiques
comme
»
qui viendra
ch j
;
le
notre con-
sirurgien »
rendemain
».
ou
le
La langue
coup sur coup deux articulations iden-
à répéter
comme
«
le
:
ch
ou simplement apparentées
l'une des deux
ici ch en s, r en
ch, r r,
elle altère
:
un phénomène de différenciation, une dissimilation. Cest par dissimilation que lat.
peregrinuma donné k. pèlerin.
l.
Cette fois nous avons
Métathèse. Le peuple
plane; cette fois
de phénomènes
il
;
dit
:
un
aréonaute,
un
aréo-
n'y a pas altération, mais interversion
c'est ce
que nous appelons une méta-
thèse (grec m^^a//;dJ5/^= transposition).
PHONETIQUE
Prothèse.
brusque
:
Un
écolier
1 7'
répond à son maître par un
« oui m'sieur ».
Ym
Entre
cù nous
et Vs, là
écrivons une apostrophe, apparaît
un son nouveau, à peu
près comme si l'enfant disait
oui m'psieiir. Cest qu'en
effet au moment où il écarte brusquement les lèvres pour
l'explosion de Vm, il relève déjà le voile du palais pour
:
prononcer Vs
il
y a
:
Y
cette fois
m
cesse d'être nasal, et aboutit à
production
d'un phonème,
un^;
prothèse
(grec prothesis^^2iàà\x\on).
Tous
ture
;
ces accidents,
nous ne
l'employé qui écrit
:
les
notons pas dans
Je ne peux pas prendre
«
quatre dimanches de congé de suite
Hté quelque chose
comme
:
«
l'écri-
)>,
prononce en réa-
Ch'peux
dimanj" de congé t'suitc » Mais
il
prts
prent' quat'
n'en a pas conscience.
Groupement des sons. La syllabe. En entrant dans
le mot et dans la phrase, un phonème s'attache plus particulièrement à certains phonèmes voisins avec lesquels
il
forme un groupe qu'on appelle
Ym
fait
groupe avec
/,
non pas
avecût.
pure n'est pas toujours aussi nette
tîon
:
y
Seulement
a-t-il
-sta-
Le sentiment que nous avons de
le
groupe de sons
qu'il représente,
la
cou-
dans aérostafaut
la division
labes repose sur deux impressions. Soit le
dans
dans ami^
:
comme dans sta-tion, ou
comme on partage r^i"--^^r ?
une syllabe
tager -ros-ta-
syllabe
la
mot
u et
il
par-
en syl-
surprise
/
:
sont des
points de sonorité accentuée, séparés par des intervalles
de sonorité moindre; ce sont des sommets de syllabe.
Mais ce sont aussi
les
points où nos organes livrent lar-
I
l8
LES SONS
gement passage
à l'air
sage pour produire
après w, la langue rétrécit
vibration de IV
complètement
intercepter
limite de
la
:
le
kp
les lèvres
courant d'air
minimum
la syllabe, le
;
le
c'est
:
pas-
vont
ici la
d'ouverture, car après
demi pour le second r.
pour un phonème d'appartenir
cela le canal va se rouvrir à
Il
n'est pas indifférent
ou telle syllabe dans « il va partir pour Paris »
nous ne donnons pas plus de durée aux deux syllabes de
à telle
:
Paris; comme cbicune
comporte un phonème de plus, l'r final, nous nous
partir qu'aux deux syllabes de
d'elles
rattrapons sur
la
durée de
la
voyelle
:
Va
et Vi
qui sont en syllabe ouverte (finissant sur
la
de Paris,
voyelle),
sont plus longs que Va et Vi départir qui sont eh syllabe
fermée
(finissant en
Le mot.
même
dans
Pris
temps
pris
consonne).
dans
la
le
syllabe,
mot
:
le
phonème
est
en
nouvelle unité phoné-
tique.
Dans un mot long les sons ont moins de consistance
que dans un mot court Va dans pâte est très marqué,
:
dans pâté
il
l'est
dans pâtissier,
déjà moins, et
il
s'abrège de plus en plus
pâtisserie.
Les syllabes du hnr sont diversement accentuées
dans
articulés
A
abominable
c'est
la
que dans
fin
fait
s'amuit
:
le b et
Vo sont bien plus nettement
aborder.
y a comme un relâchement de la
qu'une consonne finale souvent s'assourdit,
du mot,
voix qui
!
:
il
dans quatre^ mettre, prononcées
à la
manière du
peuple, nous n'entendons plus IV, et dans l'usage cou-
rant
on peut dire
PHONÉTIQUE
19
qu'il n'y a plus
en français de verbes
en-/r^.
Les mots sont d'importance inégale
il
:
a des
y
mots
autonomes qu'on prononce en articulant avec netteté, et
des mots accessoires, qu'on avale pour ainsi dire aux
le mot bien est autodépens de tel de leurs éléments
:
nome dans
« je vais bien «
crois bien que... »
où
;
se réduit
il
dans
est accessoire
il
presque à
« je
« bin ».
Le groupe. Les mots peuvent s'associer en groupes
dans
posez
«
entendons
groupe
:
le livre, s'il
trois
temps
dans
le
où
il
le livre »
:
le
marquons un
nous
c'est-
léger
voix, et la
la
groupe-z^r-est
moins net
que par exemple dans
« le livre
n'est pas fin de groupe.
phrase. Mais dans cette
tion finale de table est encore
tion finale
)),
mot. Après chaque groupe,
finale s'assourdit
posez
((
est là »
La
que
nous laissons un peu tomber
d'arrêt,
consonne
la table
un sur la finale de chaque
table. Le groupe est une nouvelle
après chaque accent, nous
à-dire
sur
plaît,
accents,
livre, plaît,
unité, plus large
vous
:
de
livre
;
c'est
même
phrase l'articula-
moins nette que Tarticula-
que
le
mot
table est
fin
de
phrase. Après livrelQs organes restent pour ainsi dire en
position, prêts à entrer en jeu pour prononcer le
suivant
;
après table
ils
se
mettent dans
la
groupe
position de
repos, celle delà respiration normale; pour peu qu'ils se
relâchent trop tôt, l'articulation finale en souffre.
ainsi
<iu
une phonétique de
mot, de
la
syllabe.
la
phrase
comme du
Il
y a
groupe,
20
LES SONS
Changemeats phonétiques
tanés. Ainsi
son n'entre dans
le
son indépendance
altérations
y
il
;
subit
qu'on appelle
les
conditionnés et spon-
\
le
du
mot que pour y perdre
fait
de son voisinage des
changements phonétiques
conditionnés. Mais ce n'est pas tout encore.
Nous prononçons
briller
comme
prier,
sans
tenir
compte des deux /. Il y a pourtant en France certaines
régions où s'entend dans bri '1er, famille, ce qu'on appelle
Yl mouillée. Seulement en plusieurs endroits nous la
surprenons en train de disparaître. Dans telle famille les
grands-parents
ne
la
prononcent distinctement,
l'ont conservée
que dans quelques mots
ailleurs, et les enfants
ne savent
même
les parents
:
meilleur,
plus l'articuler.
Pourquoi? Nous ne savons pas, c'est un changement
spontané, nous ne pouvons qu'en constater la régularité. Et ce qui se passe sous nos yeux pour 1'/ mouillée a
pu se produire dans le passé pour toute espèce de sons.
Cest ainri que, même sans cause apparente, les sons du
langage
résulte
Mais
naissent,
que
le
transforment, meurent,
se
il
matériel des mots se renouvelle sans cesse.
cette évolution,
moins soumise
pour être inexpliquée, n'en
à des lois,
phonétique historique
torique).
d'où
dont l'étude
(cf.
ci-dessous.
est
fait l'objet
Grammaire
pas
de
la
his~
LES
MOTS
(VOCABULAIRE)
LEUR FORME (MORPHOLOGIE)
LEUR SENS (SÉMANTIQUE)
A. Darmsteter,
La
vie des mots. Paris, 1886.
M. Bréal, Essai de sémantique,
3^ édition.
Paris,
1904.
A. Meillet, L'évolution des form,es gramm.aticales (Scientia,
vol.
Id.,
XII, 1912).
Comment
gique,
les
1905- 1906).
mots changent de sens (Année sociolO"
VOCABULAIRE
Le met. Les
sons qu'étudie
phonétique forment
la
par leurs combinaisons les mots de
Qu'est-ce qu'un
sent. Cela se sent
mot
si
?
— On ne
peu que
les
langue.
la
dira pas
enfants
que cela se
ou
demi-
les
illettrés
font en écrivant les coupures les plus bizarres et
les plus
inattendues.
—
graphe
officielle, et
qu'un mot c'estce qui
comme
tel
est
dans
le
Dira-ton
dictionnaire ?
un mot, puisque nous
le
qu'il
A ce
trouvons
y
a
une ortho-
compte davantage
à sa place
alphabé-
tique, et d'abordn'Qn est pas un, puisque
nous ne
vons que sous
un mot,
à r envers
a-t-il
?
le titre
— Et
si
abord ; alentour
dans à l'envers
dans à
trois aussi
tant que, tandis
en
sers,
y a
il
trois
l'envi ? Si tant est
est-il
un dans
pas^ répondra-t-on, parce
et
le
et
trou-
non
mots, y en
un mot dans
tandis que
que envi
classé
est
?
—
Non
tandis n'existent
pas en dehors de ces deux expressions.
Bonne
raison,
mais encore insuffisante. Nous disons que potpourri
est
un mot unique, bien que pot et pourri soient par ailleurs
deux mots indépendants. Seulement, dans le mot potpourrij
quand
musique,
les
habituel en
il
désigne par exemple un morceau de
deux mois pot
même temps
œuvre sont aussi
ei
pourri ont perdu leur sens
que leur individualité. Chef et
des mots dans un grand chef, une belle
LES MOTS
24
auvre, mais n'en sont plus dans tm chej
est
d! oeuvre.
Un mot
une unité qu'on ne peut pas décomposer, ou dont on
ne peut pas
isoler les
éléments composants sans en modi-
fier la valeur.
Les catégories de mots. Le matériel des mots, qu'on
appelle
vocabulaire d'une langue,
le
est extraordinaire-
ment composite. Dans
ses
se contente de peu
dodo signifie à la fois «
«
dormir
Mais à mesure que
».
compliquent,
sortes
:
:
mois d'apprentissage, l'enfant
pour
nommer
pour
courir), et enfin
relier les
uns aux autres
exemple
:
pousse
pierretsi
distinction
la
un substantif,
plus
et Pierre
en
:
mots
les
de, pour...).
appelle ces catégories les parties
elle
pour
gros), ce qu'ils font (verbe
:
principaux (termes de liaison ou de rapport
cours,
» et
sa vie et sa pensée se
les objets (substantif: chien),
dire ce qu'ils sont (adjectif
et
lit
apprend àemployer des mots de plusieurs
il
La grammaire
le
du dis*
avant.
est
un
Par
aussi;
premier, qui s'applique indistinctement à tous les
le
objets d'une espèce, est
appartient spécialement à
est
un nom propre.
j'ajoute
nom,
c'est
:
«
il
est
»,
puisqu'il désigne la
un pronom (mis à
qu'il
également ;V,
h
Quand nous
la
j'ai
est
//
nommé
même
personne
place du
« je le
disons
:
«
Pierre, et que
encore une espèce de
c{Mt Pierre;
nom). Pronom per-
désigne une personne,
dans
qui
personne dont nous parlons,
la
— Quand
venu
sonnel, parce
nom commun, le second,
un
comme
le font,
vois ».
im
jardin, le jardin, ce jardin,
pion jardin, jardin anglais »,
seul le dernier adjectif
VOCABULAIRE
anglais exprime
les
une manière
25
d'être;
est qualificatif
il
deux premiers indiquent simplement
(un jardin) ou
objet indéterminé
défini
mon
et indéfini;
est
situation d'un
ce la
montre (démonstratif).
Les verbes sont de plusieurs sortes
(marcher, prendre), verbes
:
d'état qui
une situation, une manière
attitude,
= liaison)
plus expressif et indique
l'appartenance (adjectif possessif),
objet qu'on
verbes d'action
expriment une
d'être (paraître,
Les termes de liaison s'attachent à un mot
plaire)
d'un
supposé connu Ce
ce sonr les articles (lat. ^r//Vw/w^
jardin);
s'agit
s'il
;
position (Pierre
deux termes
:
dit
:
pré-
à Paul), ou joignent l'un à l'autre
conjonction (Pierre
et
Paul disent)...
L'emploi des mots. Ce sont là pour ainsi dire les
cadres du vocabulaire. Ils ne sont pas aussi rigides qu'on
pourrait
comme
croire.
Nous nous permettons d'employer
substantif tantôt
un
un verbe (le
boire et le
manger),
un adverbe {le pourquoi et \tcomment),
comme adjectif un substantif (un
salon empire, vous êtes colère), ou même un groupe de
mots (un combat nouveau genre une mode fin de
tantôt
adjectif (le beau, le vrai),
—
^
siècle),,,
ILt sens des mots.
ment enfermé dans une
Le mot
catégorie;
réservé nécessairement à
sert à trois, quatre, à
(rendre un
service,
n'est pas
il
irrévocable-
n'est pas
une notion unique
une douzaine d'usages
le service militaire,
un
non
plus
tel
mot
:
différents
service
4 thé)
;
26
MOTS
LES
par contre,
peuvent répondre plusieurs
à telle notion
mots {quoique
et bien que, paraître et se7nhîer).\\
correspondance rigoureuse entre
le
monde
sens,
des idées;
c'est
à tel
par suite
actuelles, qui
ne
si
groupe de sons répond
tel
et qui
nécessairement hier.
Comme
il
arrive dans la nature,
besoin qui crée l'organe
s'appauvrit, s'enrichit,
le
des mots et
d'un ensemble de conventions
L'origine des mots.
besoins
monde
peuvent n'être plus valables demain,
l'étaient pas
c'est ici le
le
n y a pas
notre vocabulaire
:
suivant que nos
se renouvelle,
permettent ou l'exigent
nous voyons
:
à
chaque instant apparaître dans l'usage des mots nouveaux : un avion, la sans-fil, les cégétistes; ce sont des
néologismes. Nous faisons des emprunts
inonde de ses termes de sport
:
:
l'anglais
nous
jockey et steeple, foot-hall^
Beaucoup d'emprunts sont de vieille
date, si bien que nous ne les reconnaissons plus comme
tels c'est à TAllemagne que nous avons pris le bourg et la
cricket ti tennis...
:
guerre f
à
l'Italie
fétiche portugais,
la
banqueroute)
hâbler
bouquin est flamand
;
est
les
espagnol,
langues
les
plus lointaines ou les plus inattendues sont mises à contribution
:
almanach
est arabe,
avatar est sanskrit, orange
est
persan; nous allons chercher notre bien jusque dans
les
langues des sauvages
:
tabou est polynésien et grigri
Tient des nègres d'Afrique, etc..
La langue fait aussi fructifier son propre patrimoine
des mots qu'elle possède elle tire des dérivés nouveaux
sur mur on fait murer, mural emmurer,; sur bord.
;
:
,
VOCABULAIRE
aborder
;
sur mer, on essaye amerrir
contingenter qui est
Cest
l'affaire
de
le
;
contingent
donne
en train de donner contingentement..,.
la
morphologie d'étudier tous ces
procédés de formation des mots.
Enfin
27
,
vocabulaire se renouvelle sans
même que
la
où nous appelons
limousine un certain type de voiture, ce n'est pas un
mot que nous créons nous donnons à un mot déjà
existant un sens nouveau; il y a transfert de signification.
La science qui traite des significations s'appelle la
forme des mots
se
modifie
;
sémantique.
:
le
jour
j
.
MORPHOLOGIE
La morphologie
Suffixes.
est
Tétude de
Un examen
la
formation des mots.
superficiel
du
vocabulaire
montre que les mots d'une même catégorie se ressemblent fréquemment par la terminaison un substantif cherté se classe avec bonté, beauté, et une multitude
d'autre mots en- té ; un verbe valoir avec recevoir
:
un
déchoir..,
2id]Qcti(
heureux avec peureux, paresseux...,
un adverbe simplement avec
'îé, -oir,
superbement, agréablement...
comme
eux, -ment, sont
étiquettes qui aident à classer
les appelle
Il
y a des
Le
mots par espèces
;
des
;
on
des suffixes
suffixes très productifs
français à pourvoir tout le
-re.
les
des appendices,
substantif,
:
quatre ont
domaine du verbe
ont
l'adjectif,
un
suffi
en
'er,4r;-oir,
:
jeu de suffixes plus
langue en profite pour attribuer à chacun une
valeur définie. Le compteur est la personne qui compte
variés
ou
:
la
l'appareil qui sert à
compter
d'agent ou d'instrument)
{-âge suffixe de
où
noms
l'on compte, etc.
;
l'opération, c'est le
d'action)
Dans
(-^^^rzz suffixe
la
;
le
comptoir
de noms
comptage
est l'endroit
catégorie des adjectifs,-ûtW^
convient à l'expression d'une aptitude (tr an sportable),
-eux d'une qualité {vakureux),-ij d'une activité {persuasif) .
^
.
MORPHOLOGIE
2^
Cette spécialisation des suffixes va très loin
-iste
expriment une disposition d'esprit
l'attachement à une doctrine
nationalisme...)^
en particulier
et
(patriotisme, impérialisme,
peuple fabrique
le
sur
idées de l'adversaire,
un
raillerie
parti
modèle
ce
fm'enfichisme,erpéisîe...\-ard a une valeur
exprime une critique, une
:-isme,
péjorative,
pour insulter aux
:
crée
politique
l'injure
dreyfusard, et l'autre répond p^r patrioiard.
Les suffixes se superposent, s'attachent
autres
:
sur vantard on
fait
uns aux
les
vant-ard-ise; partant de avant
on crée avant-age, avant-ag-eux, avant-ag-euse-ment.
Le mot
Préfixes.
arrive
s'allonge ainsi par la
fait
(réduit ici à i'
davantage
ou
à ^-) est
suffixe, le préfixe sert à
marque une
radical.
;
:
il
le
Le
mo
sens d'un
tête et
apparaît
mot
un
:
le
dé-
état
ainsi
comme
en queue les éléments ajou-
ne va plus rester au milieu qu'une sorte de tronc,
de souche, qu'on appelle la racine ou
La
sur
. .
démontable retirons en
tés
Comme
devenu préûxe.
modifier
:
il
d' abord sur abord; de
altération (i^(?rw^r), re- le retour a
antérieur [reformer)
Ëlément
comme
Mais
commencement
aussi qu'il s''allonge par le
avantage on
fin.
le
radical
racine pourra se retrouver dans toute
;
ici-form-.
une
série
de
mots, en emportant avec elle une notion fondamentale,
que modifiera l'addition de préfixes et de suffixes '.formel^
formalité,
formaliste,
^orme, uniformité,,.
information,
réformer,
informe^,
LES MOTS
30
Thème. Quand on
{-jorm
et suffixe [er-)
)
éliminé préfixe (in-), racine
a
ne reste d'ordinaire plus rien
il
du mot; mais voici dans in-form-(a)-teur,in'for m- (a)- lion
un élément-ûf-qui s'obstine à accompagner la racine;
^
qu'on appelle une voyelle thématique,
c'est ce
dire
fondamentale (grec
joignant à
sont
racine on obtient
un thème,
thématiques quand
dits
thème
truits
la
(form-a-tion)
= fondement)
théma
ïa
la
ils
accidents
:
un
ou
sont cons-
racine (form-er).
thème,
su fixe,
préfixe ad- (ad venir)
sable par suite de
la
laisse
nexer, ac-céder...
altérée dans ét-at
pas
n'ira
Une
tendre, asservir, ar-river
racine
st- est
(anciennement
nous ne savions pas que
du
sans
devient méconnais-
1"*'
an-
intacte dans rerst-er,
bien
e-st-at), et
encore dans coûter où nous serions incapable^s de
(couster,
à
rencontre du d avec diverses con-
sonnes dans ap-prendre, at
si
le
rencontre de ces éléments de formation,
racine
préfixe,
la
et les dérivés
Ce que nous savons de phonétique nous
penser que
en
;
sont construits sur
i!s
athématiques quand
directement sur
c'est-à-
représente un
plus
l'isoler
ancien
s
latin con-st-are).
Mots composés. La dérivation
et clairsemé;
nous avons dans
l'adjectif clair,
et suffixes
procédé de formation des mots. Covn-
n'est pas le seul
parons parsemé
par préfixes
le
au Heu d'un préfixe (par-)
second exemple un véritable mot,
uni au
mot semé
par
le
procédé de
la
composition. Nous avons l'habitude d'écrire un mot
compose sans séparer
les
composants
{passeport, porte-
MORPHOLOGIE
plume) ou au moins en
les
réunissant par un
{passe-montagne, porte-crayon)
pas indispensables
:
3 I
mais ces
;
trait
d'union
artifices
ne sont
chemin de fer est aussi un mot com-
posé; un chemin de fer pourrait être établi sur
métalliques sans pour cela perdre son
le
peuple dit
appliquant
:
le
nom
;
rails
non
bien mieux,
chemin de fer qui arrive » en
mot au train lui-même chemin de fer est un
« voilà le
:
mot nouveau qui n'a plus rien à voir ni avec chemin ni
2iVQcfer\ le mot composé exprime autre chose que ce
la
simple réunion des composants. Grande
pas
un mot composé, mais bonne femme
qu indiquerait
femme
n'est
peut en être un, tout
ne pensons guère
appelons ainsi
comme
«
à la
(cf.
bonhomme, attendu que nous
femme que nous
du mot p. 23).
bonté
de
»
la définition
la
Dans ces exemples de mots composés la disposition
des composants reste ce qu'elle serait dans la construction
normale
construit
il
comme
barre de fer, qni
n'en est pas toujours ainsi
plus dans
posants
:
mot composé,
chemin de fer, qui est un
:
le
le
composé
la
il
:
n'en est pas un. Mais
arrive
qu'on ne retrouve
construction normale des
rouge-gorge est [l'oiseau à
porieplume e^t [l'instrument
qu
est
]
la]
porte
com"
gorge rouge,
[la]
plume;
le
le
sans culofte =1 [celui qui est] sans culotte; etc.
Flexions. Simples, dérivés, composés, nous avons
considéré jusqu'ici les mots sous l'aspect qu'ils ont en
tête
d'article
dans
le
dictionnaire
premier^ substantif /)^^^,
les
pronom
entrer dans une phrase
:
toi,
« les
:
article
le^
adjectit
verbe plaire. Faisons-
premières
pages te
2
-LA FORME
32
plairont ». Les voilà qui
DI-.S
MOTS
premier écolier venu nous expliquera ce qui
s'est passèy
au moins dans Técriture, qui ne répond pas à
ciation
(cf. p. 3)
à page, parce
:
que
nous avons ajouté une sk
1'^
est L-
Le
changent de forme.
tous
la
pronon-
ï
premier,
le^
signe du plunel et qu'il s'agit
de plusieurs pages; nous avons en outre, donné un
e,
signe du féminin, à premier, parce que l'idée de premierest rapportée à pages et
est la
(toi)
que page
est
du genre féminin;
forme du complément qui exprime que
touchée par l'action; enfin dans
tst
minaison -o«nndiqae que l'action
la
te
personne
/)/fl/rc«/ la ter^
Ainsi
la\
forme du mot peut varier suivant qu'on considère
le
nombre
genre des
et le
objets, le
est rapportée, le sujet de qui elle
intéresse, etc.
est future.
temps nuquel
émane,
l'action"
l'objet qu'elle
Ces changements de forme consistent gé-
néralement dans l'addition de suffixes d'un nouveau genre-,
qu'on appelle désinences {phir-ont), quelquefois dans
l'emploi d'un auxiliaire
{a
plu);
on
dans
les classe
grammaires en tableaux de déclinaisons (pour
stantifs et adjectifs) et de
Ainsi
D'une
la
traite
un préfixe
est-il
re-,
form-er..., et
é gard.
les verbes).
de deux ordres de
faits
:
—
donné par exemple un verbe regarder,
formé? comment se décompose-t-il en-
qui se retrouve dans re-tour, re-pli^ etc.,
suffixe -er qui sert à
toute
sub-
part, étant
comment
un
morphologie
conjugaisons (pour
les
les
un élément
.
?
— D'autre
en entrant dans
la
radical -gard- qui est
de mots
une famille
.
former d'autres verbes
part,
:
gard-ien,
:
aim-er,
commun
à
sauve-gard-e^
que va devenir ce verbe reoarder
phrase?
Comment
sera-t-il
modifié,
MORPHOLOGIE
suivant
qu'on
le rôle
désinences
33
lui fera jouer,
par l'adjonction de
ou
regard- ons, regard-er ai, etc,
:
fat regardé.
. .
d'auxiliaires
:
?
morphologie. Mais on ne peut
pas s'en tenir à cette analyse sommaire. Que sont en
Les procédés de
la
définitive ces éléments de formation
Où
désinences?
à ses besoins?
la
vous dise^
désinence
se passe sous nos
yeux peut nous
emprunte
{lise^).
mécanisme
tionnelle
»
pour pourvoir
L'homme du
en donner une idée.
«
les prend-elle
langue
— Ce qui
à lire,
se refuse à
médise/^, contredise^,
admettre
qui ont
il
avoir dans «
tical,
mais
il
accepte
une origine semblable.
:
((
je crois qu'il veut
d'une volonté ;
a plu
«
»
il
;
sert à
pleu-
il
a
perdu son
former une espèce de
fuiur prochain » du verbe
devenu un élément de formation un
;
par
le
procédé de
Analogie et
la
outil
/?/^wi^ofr
;
gramma-
grammaticalisation.
grammaticalisation, ce
procédés essentiels delà morphologie;
1
elle
un mot autonome pour passer au
comme aller dans « il fa pleuvoir » ou
temps composé, un
est
dise:(^,
a cessé d'être
rôle d'auxiliaire,
il
x=^ dise:;^. La
Qu^est-ce que ce veut? Il n'a plus rien à faire avec
vouloir, avec l'expression
sens,
qui ressemble à dire, sa
ce que dire est à
Certaines personnes disent
)).
:
rappelle l'opération de la quatrième propor-
grammaire
voir
peuple qui dit
C'est le procédé de l'analogie, dont le
lire est à lisex^
:
préfixes, suffixes,
:
sont
il
les
deux
appartient à
historien de la langue d'en suivre TappUcation dans la
formation du langage
(cf.
ci-Jessou
).
Il
SÉMANTIQUE
Le sens
des mots. Le sens des mots n'en pas tou-
jours aussi nettement défini qu'on est porté à
Nous nous comprenons
nous représentons
mêmes
à
les
uns
peu près
le croire.
les autres
parce que nous
mêmes
choses sous les
les
mots^ mais à peu près seulement, et c'est pour-
quoi nous discutons tant. Q.ae de contestations com-
mencent par
par
là! « et
mots...
!
))
«
:
s'achèvent par
Ah^
«
si
vous jouez sur
ce que
qu'on essaye de définir ce que
dans
signifie
métal, la ditîcrence qu'il
Homonymes
seul
:
ce que vous entendez
les
Les notionsles plus élémentaires ne sont pas
les plus claires;
goût,
Tout dépend de
et
y
a
courant
parler
le
c'est
le
entre grand ^i gros,
synonymes. Encore
mot pour chaque chose
et
s'il
y
que
le
mot
etc.?
avait
un
une seule notion sous
chaque mot! Mais quel rapport entre une ordonnance de
médecin
partitif,
et
une
ordonnance
d'officier?
V article de Paris et Y article de
la
entre
Y article
mort ? Le proprié-
veuille aussi la louer,
maison cherche un locataire qui
sans compter que le concierge se
charge de son côté
d'en louer
taire qui veut
louer sa
les
commodités...
Ou
^
SÉMANTIQUE
appelle
M^/ une
sert à tout
habitation privée et hôtel aussi celle qui
venant; Vhôte
que celui qui
35
bien celui qui reçoit
est aussi
est reçu...
'^
D'autre part, on habite au deuxième ou au second,
qui est
la
même
a
chose; l'espace de douze mois s'appelle
un an ou une année; vingt-quatre heures font un jour
ou une journée. Or, c'est devenu une banalité de dire
on arrive en effet à
que second s'emploie surtout quand deux objets
paire (ie second des deux), tandis que deuxième-
n'y a pas de synonymes,
qu'il
établir
font la
n'est
qu'un numéro d'ordre
et
comme
troisième, quatrième:
y a une idée de durée qui n'est
deux ou trois jours »,.
pas d^Lns jour, de sorte qu'on dit
etc.;
que
àa.ns journée
il
«^
mais
«
bien
deux longues
identité
sembler et avoir
/owr^^'^j" »...
parfaite
l'air,
D'autres
de signification,
arriver et advenir
\
fois
comme
:
arriver,
y aura
entre
mais alors
deux mots n'appartiennent pas véritablement
langue
il
à la
les
même
du parler courant^
avoir l'air sont
advenir, sembler^ sont plus savants, plus distingués.
Ce
des différences subtiles qu'en général nous sentons
sont
là
s.ins
pouvoir
les définir
Comment un mot
de précision dans
la
avec rigueur.
arrive-t-il
donc
signification
à s'établir avec tant
que tout
le
monde
lui
reconnaît?
Le mot
une représentation sonore de
la chose. Nous avons quelquefois un peu l'illusion que
le sens d'ua mot est lié à son aspect, à sa consonance ;
que la sonorité de mots com ne clair, vif, leste, fin, net,
n'est pas
3
6
LE SENS DES MOIS
aiçu... convient à l'impression qu'ils éveillent; de
pour sourd, lourd, grave,
gros, obtus,..
même]
qui éveillent des
^
imprLSbions contraires; dur, rude, âpre, sont rébarbatif*;,
doux
et
suave sont aimables et caressants...
une grande
Ce qui
part d'illusion.
Il
y
a là
est parlant, c'est l'in-
tonation que nous donnons aux mots, l'accent dont nous
les
marquons,
qui
les gestes
prédispose nécessairement
dégoût, mais nous
le
accompagnent. Rien ne
son pouahl
le
un Allemand
;
avec les sons tout différents
effet
igitt
exprimer
à
rendons expressif en
avec un rictus approprié
la
les
le
prononçant
réalisera le
!
le
même
accompagnés de
même moue.
Voici pourtant des mots qui semblent reproduire des
bruits réels
fanfare, bombe, ronronner, chuchoter, tonner.
:
Mais rrême à ceux-là
il
une
bombe
»
n'éveille chez
confiseur que l'idée d'un entremets et
sommes-nous
leur sonorité expressive
le
arrive de perdre le bénéfice de
:
assez loin dans « étonner
A
«
de l'idée du tonnerre
>•
!
plus forte raison ne faut-il pas attacher trop d'im-
portance à l'aspect des mots ordinaires. Sans doute
<(
compendieusement
»
des Plaideurs a
son sens de « en raccourci
pieusement
par perdre
pour prendre celui de
«
co-
dimension doit y être pour quelque
instantanément » n'est guère moins long,
>^ sa
chose. Mais a
et
»
fini
si le
son sens n'en souffre pas.
Tout
ce qu'on peut dire, c'est que certains sous ont
par eux-mêmes, à condititDn que
le
sens du
mot où
ils
entrent ne s'y oppose pas, une certaine valeur expressive
:
ceux qui exigent une grande dépense de soutfle ou
SEMANLTIQUE
un mouvement
articulatoire très
37
marqué
(r, ch,j)
nent une impression de force, de violence
Comme
un vol de gerfauts hors du
don-
:
c^a; nier natal
...Partaient ivres d'un rêv-e héroïque et brutal
d'autres sont
doux
et languissants, ainsi w, ou^ v,
Vous mouYÛiQs aux bord^ où vous
Les poètes mettent
réaliser des effets
/
fûtes laissée.
à profit cette qualité
des sons
pour
d'harmonie imitative.
Mais nous somm^'s portés à exagérer
effets, et
:(
valeur de ces
la
nous attribuons volontiers au son une valeur
qui ne lui vient que de l'idée
;
les
mêmes
sons nous
paraissent charmants dans JOwnV^, horribles dans pourrir,
et
quelconques dans
tentés d'attribuer
nourrir.
Nous sommes presque
une forme expressive, propre
à
repré-
un déchirement, au mot shrapnell,
tout bonnement le nom d'un colonel anglais. Là
senter un éclatement,
qui est
où nous croyons
c'est l'effet
sont
sentir
une
relation entre le son et Tidée,
d'une habitude,
et rien
de plus. Les sons ne
comme
que des signes conventionnels, tout
sont ce que l'histoire de
les
la
langue
indépendamment des
idées
qu'ils
pas une définition de
la
caractères d'écriture;
ils
veut qu'ils soient,
représentent.
Le mot
Quand nous
ii^est
appelons vin-aigre l'acide
a-bé-cé daire le tableau
l'impression que
Même
quand
il
le
l'est
mot
est
une
avec du vin^
fait
où on apprend la
b
chose.
c,
nous avons
définiiion de Tobjet.
par son origine,
il
ne
le reste
pas
LE ShNS DES MOTS
38
longtemps.
On
appelle
dans une maison de
carré
le
^
rapport
le palier
l'étage;
mais on ne pense déjà plus en prononçant ce
mot
forme
à la
sur lequel ouvrent
qu'il
appartements de
les
indique, car on n'hésitera pas à
appeler carré un palier de forme triangulaire.
Le cens du mot n'est pas immuable. Au reste, le
mot a beau être parlant, il ne Test pas de la même manière
pour tous ceux qui l'emploient.
enfant joue avec dçs
Li;i
objets d^ couleur et en choisit un qu'il préfère à tous les
autres. Si
une
lui «
chose
on
lui dit qu'il
jolie
», et j'ai
sistait à
couleur
»,
bleu, bleu signifiera
est
peut-être
même
«
une
pour
jolie
vu un enfant qui pendant des mois per-
appeler bleu tout ce qui
idée éveille en nous le
mot
lui plaisait.
—
Quelle
glace » ? L'idée d'une chose
«
Saivant que l'une ou l'autre
froide ? lisse ? transparente
?
de ces représentations
dominante, oa sera-am^né à
dire
ture,
:
un vent
—
glacé,
et voilà le
<:|uand les
est
du papier
mot
glacé,
une glace de devan-
parti sur la voie des dérivations
circonstances s'y prêteront,
s'appliquer à de nouveaux objets,
mot pourra
le
comme
à
;
un miroir,
à
un entremets...
A
une condition pourtant,
ne cesse pas
c'est
d'être compris-
Car
qu'en vertu d'une convention qui
<:onstances
ou de nos habitudes
C'est l'objet qui change.
qu'en l'employant on
le
mot
n'a son sens
est le produit des cir-
d'esprit.
Un
écolier
employait pour écrire une plume d'oie
;
d'autrefois
un beau jour on
'
SEMANTIQUE
mis entre
lui a
de métal
:
le
maias pour
les
nom
n'a pas
le
39
même
usage une peinte
changé pour
aujourd'hui, sans remarquer
la
cela et
on parle
bizarreri; de l'expression,
plume » d'acier. Une paillasse ne péri pas sod
nom quand on remplace la paille par des copeaux de
bois ou du papier; un fer à repasser peut être en nickel,
etc. Dans tous ces cas c'est Tobjet qui se transforme, et
d'une
le
«
mot ne change
C'est
se
le
nom
pas.
qui change.
avec
modifie
l'objet.
Il
que
arrive aussi
le
nom*
premières automobiles
Les
nom
avaient été baptisées teuf-teuf, d'un
qui rappelait le
Le moteur s'est perfectionné, et n'a plus produit qu'un doux ronflement teufieuf a disparu; pendant ce temps l'automobile se répan-
bruit des moteurs à explosion.
:
dait^ et
avec
elle le
de métier; tout
Mais
il
arbre, la
y
a
terme d'argot qu'employaient
le
monde aujourd'hui
dit «
des objets qui ne changent pas
main.
Voici pourtant que
les
les
gens
une auto
».
le ciel^
un
:
mots qui
les.
désignent s'esquivent pour ainsi dire de leur signification
dans
ciel
de
lit,
arbre de couche,
main
de papier.
Cette fois ce sont les circonstances qui nous amènent:
deux
objets
quons à
du mot
nous notons entre
une ressemblance expressive, et nous appli-
à étendre la
signification
l'un le
nom
qui appartient à l'autre; d'où
pied d'une table, des dents de scie,
de
Rappelons-nous que
l'objet;
l'essentiel,
l'interlocuteur.
:
le
mot
un
le
bras de mer...
n'est pas
c'est qu'il
:
une
définition
en suggère lïdée à
LE SENS DES MOTS
40
Une
mobiles; ctst
être
annonce au public une exposition
affiche
terme
le
compris de tout
nouveau
avec
le
nous
invite à faire
sine, le
le
qu
officiel
monde
;
à'autO'
faut eni ployer
il
nais
le
pour
public familiarisé
ne parle que daulos; l'ami qui
sport,
un tour vante
le
contort de sa limou^
en ireur qui s^intéresse au rendement Tappelle
une quarante-chevaiix ; pour
six-cylindres
,
pour
le
le
constructeur, c'est une
représentant, une Charron...
Raison du changement. Les noms des objets
changent suivant les circonstances, et il appartient à la
foule
anonyme de consacrer
telle
autre;
d'esprit,
c'est
telle
expression plutôt que
qu'interviennent
ici
nos habitudes
nos dispositions, nos manies. Nous empruntons
j
le
langage des spécialistes
la
générale pour
la répétition
nous imitons
scène;
nous adoptons
chic,
le
des initiés quand nous disons
générale, les planches
parler expressif de la rue
épatant, s'en
distingué de remplacer
de patience par
et
\q pnx/(le\
la
fich'
marche par
;'
pour
la
quand
nous trouvons
le
nous cédons au
footing
Qtlejeu
désir d'atténuer
l'expression en appelant simplicité la sottise, au besoin
sens de rare), de faire de
la
réclame (toute eau-de-vie est cognac, tout café moka,
et
d'exagérer [unique dans
le
tout mousseux Champagne)^ au désir de voiler par l'expression ce que l'idée peut avoir de choquant
pour
l'épilepsie, les lieux ^
le
dans
.sa
haut mal
une médecine).
Nature du changement. Une
établi
(le
fois
qu'un mot
s'est
nouvelle signification, on peut mesurer
chemin parcouru.
SÉMANTiaUE
Quelquefois
la scène
41
comme
la signification s'est élargie,
désignant
pour
théâtre, d'autres fois elle se trouve
le
restreinte {essence zr essence minérale).
On
passe de l'abstrait au concret {V exposition pour la
salle
où Ton expose), du concret
pour
la sensibilité),
la partie
pistons),
matière à l'objet
la
ou inversement
l'on boit)
prend
de
pour
inversement
et
(un
pour
(la
pour
poste
le
cœur
(le verre
bouton en
(le piston
tout
le
à Tabstrait, (le
corne),
le
où
on
cornet à
bureau des
postes).
IL peut
du sens
êtes
un
y avoir renforcement du sens
enquête
«
d'
« drôle » est
»
à
celui de «
:
question passe
torture »;
presque l'inju-e
la
vous
plus violente
qui soit... Plus souvent les mots perdent de leur valeur
mot
expressive, le
servi [gêne
de
2i
comme une monnaie
qui a trop
jadis signifié « torture »; étonner ^ « frapoer
foudre »).
la
La
vie des mots. Ainsi le sens des
plus fixé
que leur forme
matériel de
la
langue est en
lement perpétu-4;
que,
s'use
comme un
il
mots
n'est pas
leur prononciation;
et
mouvement
et
le
en renouvel-
y a une vie des mots, en ce sens
être vivant, le
mot
se
transforme d'âge
en âge, s'adapte à de nouvelles fonctions, se développe
et fructifie,
ou au contraire dépérit
assistons quelquefoi> à sa naissance
bus erpéiste...; nous
^
mort
le
voyons
totale et définitive
;
et disparaît.
c'est le cas
Nous
pour auto-
parfois mourir, soit d'une
comme
le
ains
ou
le
moult du
vieux français, soit en conservant une espèce de survie.
LE SENS DES MOTS
42
comme
oui'r
laissant au
qui subsiste dans « par ouï dire
moins une descendance,
», soit
comme goupil
qui
perpétue dans goupillon, cuider dans outrecuidance,
en
s(
etcj
C'est à suivre et à expliquer cette vie des mots qu(
s'attache
la
gram
iiaire historique (cf. ci-dessous).
LA CONSTRUCTION
DE LA PHRASE
(SYNTAXE)
I
SYNTAXE
Le groupe de mots
inots
«
:
moi,
indique bien à
pas
ce
et la
quoi
« la
père,
nous pensons,
—
que nous pensons.
nous disons
mon,
maison,
la,
maison
ou
»,
Une
phrase.
Il
«
y
mais
père »
^groupes de mots, dans chacun desquels
(maison, père),
;
un
déterminé par Tautre
est
retourner
»
n'exprime
a déjà progrès
mon
de
suite
quand
ce sont des
des termes
mon),
(la,
qu'on appelle déterminant.
Nous aurons un groupe
mon
plus complexe dans
«
:
la
ou
retourner à la maison »;
mais ce nouveau groupe exprime encore une notion,
maison de
non
père
»,
:
un jugement. Tout change si nous disons « je
retourne à la maison d nous avons cette fois énoncé
une pensée complète, nous avons affirmé une chose, qui
pas
:
;
est le
prédicat (retourne.
qui est
le
.)
en
la
sujet (je); nous avons
Organiser
l'affaire
.
de
la
les
rapportant à quelqu'un
une phrase.
tait
mots en groupes
syntaxe (grec syntaxis
et
en phrases,
c'est
= arrangement).
Les prm^édés de constructioa
termes de rap=
port. Dans « la maison de mon père »^ c'est le petit
mot de qui sert à marquer le rapport de l'idée dt père »
:
((
aridee.de a maison
».
LA CONSTRUCTION DE LA PHRASK
4^
L'emploi de semblables termes de rapport
principaux procédés
de
syntaxe
la
est
un des
parler pour
:
tous,
aller en ville.
Mais voici un autre procédé
:
Ordre des mots. S ms rien ajoutera la phrases Pierre
appelle Paul », nous pouvons en renverser le sens
:
«
Paul appelle Pierre
la disposition
des mots
Nous
».
que
«
La maison
:
paternelle » dit la
maison du père
la
que changer
procédé syntaxique.
Autre procédé encore
«
fait
des termes; nous avons employé l'ordre
comme
Accord.
n'avons
»
;
même
chose
nous marquons
cette fois
le
rapport de Tadjectif au substantif en donnant au premier
la
forme du féminin
Les termes de
c'est le
;
phrase. La construction du groupe
la
erela st tivement simple;
compliquée
:
le
procédé de l'accord.
celle
de
la
phrase est plus
verbe, qui exprime l'action, est en rap-
émane
port d'une part avec le sujet de qui elle
montre), d'autre part avec l'objet
immédiatement (complément direct
:
il
le
montre),
en seconde analyse (complément indirect
montre)
le
;
—
//, le
même pronom
Mais
Le
cette
lui
:
:
il
le
soit
lu^
formes que p jut prendre
rôle qu'il joue dans la phrase.
voilà trois
selon
mobihté
(//
à qui elle aboutir_, soit
le
n'est rien auprès de celle
du verbe.
verbe. Le verbe peut exprimer toutes sortes d'as-
pects, de
modes de
l'action.
l'action est rapportée à
un
Une forme
parle indique que
sujet unique, par!ei qu'elle est
SYNTAXE
rapportée
47
qui on
plusieurs personnes à
à
s'adresse;
parlera transporte l'action dans l'avenir, parlait dans le
passé
personnes
ce sont les
;
Nous pouvons même indiquer
nous reportons Faction
parlé), à
un moment
divers
parlait^, à
(il
moment
autre
nous avons
passé
affaire à
Nous pouvons
comme
faisant
l'objet
vous
(il
le
complir
et
j'écris
a
moments
rapport à un
;
dans ce dernier cas
relatif.
marquer de quelle manière
:
passé
comme simplement
il
faut
énoncée
(il
m'en voudrait), comme
(il
d'un ordre (venez), d'un souhait (Dieu
Ce sont
les
modes du
verbe.
parle aussi dans certaines langues de Taspect
verbe;
«
passé par
avait parlé)
hypothétique
bénissel),..
On
moment du
parla), à des
(il
un temps
enfin
verbe.
à une date indéterminée
:
précis
(il
temps du
les
quel
à
un moment
se représenter l'action
pleut),
et
du
verbe exprime une action en train de s'ac-
dont on n'envisage
pour
imperfectif),
il
me
distraire
ni la fin ni l'objet
))-
(aspect
indéterminé ou
exprime une action dont on
sente l'objet dans
:
« j'écris
une
dans
se repré-
lettre » (aspect
déter-
miné ou perfectif). Dans certaines langues, comme le
russe, â cette différence d'aspect répond une différence
de forme.
Une même
action peut être considérée par rapport à
celui qui l'accompHt (le maître instruit l'élève)
rapport à celui qui
maître); c'est
Il
1
la
subit (l'élève est instruit par
la distinction
peut aussi arriver que
a fois
comme
ou par
le
des voix (active
mê!ne
accomplissant et
et
le
passive).
sujet soit considéré à
comme
subissant Tac-
LA CONSTHUCTION DE LA PHRASE
.48
tion
rélève s'inslriùt auprès du maître
«
:
»
;
c'est la
forme réfléchie.
Nous pouvons
dire «
je dis
un mot
mais non pas
»,
mot >^ Différence de consiructioa
transitive dans un cas parce qu'on passe (latin iransirè)
directement de Tidée de « dire » à celle de « un mot »,
«
je
un
parle
:
intransitive dans l'autre cas parce que le verbe se suffit
à
lui-même
et
ne peut pas avoir d'objet.
Le verbe
Phrase sans verbe.
terme
est le
plus
le
expressif, le plus parlant de la phrase; à lui tout seul
peut constituer une
soit ».
«
phrase
Et pouitant on peut
Imaginations que tout
mauvaise louange.
mais
français,
comm€
elles
« viens;
sortira!
phrases sans verbe
faire des
cela.
—
—
Amas
:
d'épithètes,
Ces phrases sont exceptionnelles en
»
sont normales dans certaines langues,
On
russe.
le
:
il
—
les
appelle nominales, parce
que
un nom, par opposition aux phrases
verbales. En français nous avons le sentiment qu'il y a
dans ces phrases un verbe sous-entendu, et nous Ls
l'attribut
y
est
pourvoyons d'une forme du verbe
ment
((
être » qni^ totale-
vide de sens, équivaut tout au plus à
correspondance (d'où
liirxi^s est
beau
»).
le
nom
un signe de
de copule == Haison
Mais, vide de contenu,
le
verbe
:
« le
« être »
peut au moins porter des .désinences, et nous permet
ainsi de
la
donner
phrase verbale
soit
pauvre,
phrase nominale tous
à la
ii
:
était
la
affirme Lu premier,
les aspects <ie
serait pauvre, qu'il
marquer de quelle manière le
phrase, qu'on appelle attribut, est
etc. Il sert
second terme de
pauvre,
il
1-
à
sujet.
SYNTAXE
Sur
modèle de
le
49
cette phrase k verbe « ê:re w
on en
construit de semblables avec les verbes dits attributifs
:
sembler, devenir, s'appeler...
— exclamative, — interrogative.
Phrase positive,
Verbale ou
à affirmer
tatation;
attributive,
ou
((
un jugement,
à nier
est
il
phrase sert
la
parti,
il
à
communément
énoncer une cons-
n'est pis parti
»
sont des
phrases positives.
Miis
d'un départ inattendu
qu'il s'agisse
cause une déception
spéciale
:
«
il
dans laquelle
la
nous
nous dirons avec une intonation
:
est parti
et qui
».
!
C'est
une phrase exclamative,
constatation du
fait
s'accompagne d'une
émotion.
Nous étonnons-nous de
« il
avec un air de doute
:
ce départ, nous
demanderons
C'est une phrase
est parti? »
interrogative.
L'mtonatioa
suffit à
marquer
la
valeur de chacune de
ces trois phrases; mais la syntaxe
peut aussi nous y
aider; par exemple nous distinguerons l'interrogation
en renversant Tordre des mots
employant une formule
spéciale
Phrase subordonnée.
:
:
«
est-il
parti? ou en
« est-ce qu'il est
Supposons
parti? »
maintenant
que
nous ayons à renseigner quelqu'un qui s'informe d'un
départ; nous répondrons par exemple
« il est parti, je
:
deux affirmations, deux phrases assemblées.
idées qu'elles expriment ne sont pas indépen-
crois». Voilà
Mais
les
dantes; chacune des deux est influencée par
de l'autre;
il
« est parti »,
suivi de
« je
le
contact
crois », cesse
LA CONSTRUCTION DE LA PHRASE
50
d'être
une simple constatation;
du départ
l'affirmation
n'est plus catégorique, tlle est subordonnée à la connais-
sance imparfaite que nous en avons; nous disons de
phrase
«
il
subordonnée par rapport
principale ou indépendante-
est parti » qu'elle est
à la phrase « je crois », dite
Ici
encore
syntaxe nous fournit un
la
joignons
subordonnant,
conjonction que
la
Nous n'avons
les
moyen d'exprimer
deux
ce rapport; nous
parti ».
la
:
phrases
un
par
qu'A est
« je crois
plus alors en réalité qu'une seule
composée de deux propositions; nous avons
passé du procédé de la coordination ou parataxe à
phrase,
celui de la
en
de réaliser toutes
état
suivant
subordination ou hypotaxe. Et nous voilà
la
temporel
combinaisons possibles,
les
nature du rapport que nous avons
(j
étais ici
quand
aurait écrit si vraiment
consécutif (on
l'a si
il
il
est parti),
était parti),
mal reçu
La syntaxe exige quelquefois
conditionnel
de cause à
(il
ou
(on
plus que l'addition d'un
le
mode du
subjonctif p^/'^d dans le dernier exemple.
Les règles de syntaxe.
pensée se développe
multiplier les
se
effet
:
etc.
subordonnant, par exemple qu'on change
:
exprimer
^w'il est parti), final
Ta tourmenté pour qu'û parte),
verbe
à
demande
et se
mesure que
les
a
nuances
la
la
complique, nous voyons se
ce qu'il faut adn^irer le plus,
La syntaxe
d'expiimer
à
moyens d'expression grammaticaux,
complexité des règles de
absolue.
Ainsi,
de
et
on
l'infinie
syntaxe, ou de leur rigueur
des subtilités qui permettent
les
plus délicates de
la
pensée;
SYxNTAXE
ce n'est pas tout à
<(
pensez-vous qu'il
ait
est parti
Seulement
soit parti? »
la
fait
il
même
?» et
syntaxique
et
chose que de dire
:
la
qu'il
et nécessaire entre la
marche de
développement historique.
Si
un
dans
fait
de
» et celle
moaté
« ]QSuis
« je suis resté »
rinuicatif
jonctif
:
«
:
rester ^ voilà tout.
tour Eiffel »,
Ce
]'ai
y a une consune construction
;
Nous
j'espère qu'il viendra
« je désire qu'il vienne ».
à la
construction de «
la
truction propre au verbe demeurer ei
propre au verbe
l'auxi-
à quatre » et celui de l'auxihaire être,
nous n'en voyons aucune entre
demeuré
nous
jW monté
qui exprime une action dans «
l'escalier quatre
qui exprime
La
elle est
voyons une différence de sens entre l'emploi de
liaire avoir f
»,
il
disons aussi avec
et
avec
n'est pas
le
sub-
une
diffé-
rence de sens, mais une différence d'éducation, qui
qu'on
Ce
dit « je
ne
m en rappelle
n'est pas le sens qui
locution
((
y
cons-
pensée.
la
syntaxe n'est pas seulement affaire de logique;
aussi le résultat d'un
:
pensez-vous qu'il
«
ne faut pas s'imaginer
correspondance constante
truction
5 I
»
nous
ou
fait
« je
me
ajouter
fait
rappelle ».
le
un
ne dans la
à moins qu'il ne refuse » ou « plus que vous
croyez ».
Les
règles de la
syntaxe
ne
actuelle
répondent pas seulement à nos besoins d'expression
un développement histoune observation sommaire
la
actuels; elles résultent de tout
qui échappe
rique
n'est pas
syntaxe
caractère
règles,
syntaxe
de
la
ï
conventionnel
que
les
et parfois
;
capricieux
manuels ont tant de peine
elle aussi
langue.
;
une construction logique
d'où
le
de ses
à codifier.
La
trouve son explication dans l'histoire
L^EXPRESSION DE
LA PENSÉE
(STYLISTIQUE)
Ch. Bally, Précis de
—
—
Traité de
stylistique.
Genève,
stylistique
française,
Le langage
et
la
vie.
Genève,
1905.
Paris,
1913.
1900.
STYLISTIQUE
Phonétique,
ia
de
morphologie, syntaxe, nous montrent
langue codifiée, soumise à un ensemble de règles et
gens qui parlent un
lois; les
même
idiome sont obli-
gés d'avoir recours approximativement aux
mêmes
mots, aux
Ce qu'est
le style.
aux
mêmes
mêmes
sons,
constructions de phrase.
Mais l'uniformité
n'est
que théo-
rique. Les mots et les procédés grammaticaux nous sont
comme au peintre ses
Or, devant le même paysage,
fournis
couleurs et ses pinceaux.
avec
le
m.ême matériel,
deux peintres feront deux tableaux tout
moque
Bruyère se
le
monde
disiez
«
:
vous
:
pleut? »
avons une tendance
d'autres les diraientchoisissons,
nous
le
dans
La
comme tout
pîeut. Que ne
de celui qui ne parle pas
Vous voulez
il
différents.
la
permettent,
à
dire, Acis, qu'il
—
C'est
que précisément nous
ne pas dire
les
choses
comme
Pour exprimer notre pensée, nous
mesure où les règles du langage
les
moyens d'txpression conformes
à notre caractère, à la situation présente, à l'impression
que nous voulons produire;
l'étude de
ces
moyens
c'est affaire
d'expression
fait
de style, et
l'objet
de
la
stylistique.
Dans
le
parler courant
nous n'avons guère
le
loisir
de soigner l'expression de notre pensée; pourtant nous
nous exprimons différemment selon que nous parlons à
l'expression de la pensée
56
un camarade ou
un inconnu, à des gens du peuple ou
à des personnes cultivées, à un égal ou à un supérieur,
à une dame, devant un auditoire...
Mais
à
en écrivant que nous travaillons
c'est surtout
notre style;
plume
la
nous juger,
et
à la
comme
nous appliquer
main, nous avons
nos lecteurs auront
nous songeon: sans cesse
de
loisir
de
le
à faire valoir les
choses que nous disons par la manière de
la stylistique,
le loisir
les dire; aussi
au contraire des autres disciplines linguis-
tiques, a-t-elle plus à faire avec la langue écrite et la litté-
rature qu'avec le parler vivant.
Valeur des sons. Et pourtant
la
langue
parlé'î dis-
manque
pose d'un élément d'expression qui précisément
à la langue écrite, à savoir la prononciation.
la
prononciation d'une langue soit
que
la
moindre
hésitons
Tout
conteur, tandis
le t\
point fixée
faute d'un étranger prête à rire,
pourtant
d'articuler.
à ce
Quoique
quelquefois
le
entre
monde prononce
que dans
sceptre
on
entre ces deux cas extrêmes
il
fait
y
nous
deux manières
compteur
entendre
a celui
comme
le
p
de dompteur
ou de impromptu, qu'on entend prononcer de Tune
'l'autre
reux
»
manière. Faut-il dire
avec ou sans liaison
nonciation
pour
la
?
et
et
bon à brûler, trop heuDans tous ces cas la pro^
«
plus explicite, celle qui détaille, qui épelle
ainsi dire,
nous apparaît
comme
plus distinguée,
moins que nous ne la jugions pédante; suivant les cas,
nous l'accueillons ou l'évitons.
Le traitement de Ve muet est la grande difficulté de la
à
STYLISTIQUE
prononciation
«
un second
française.
» et tantôc
((
57
Pourquoi disons-nous tantôt
un s'cond
»
(prononcé
x§^on)}
y a une différence de ton la seconde prononciation nous paraît négligée, c'est celle de la converencore
Ici
sation
il
:
nous employons
;
Nous
déclamant...
«
fie veux
»
;
le
disons
l'autre
dans un discours, en
couramment
/'veux « ou
« je
choix nous paraît presque indifférent
mais pour affirmer catégoriquement notre volonté,
nous arrivera de prononcer
sur chacun des deux
e.
«
veux!
je le
Cette fois
la
en
»
:
il
insistant
prononciation a une
valeur expressive.
Cest surtout
qui donne au langage sa
l'intonation
physionomie. L'écolier qui déchiffre son livre de
prononce tout sur
ture
même
la
note^
le
lec-
prêtre en
chaire psalmodie et fait retomber toutes ses phrases sur
une
monotone; certaines personnes
minaudent et affectent un parler chantant; Tacteur
en scène accuse les intervalles en vue du maximum
d'effet; tous nous nous servons de Tintonation pour
finale solennelle et
nuancer l'expression de notre pensée.
Il
d'élever la voix sur certaines syllabts qui
primer
Nous
permet d'ex-
doute, l'ironie, la conviction,
le
disons
«
:
votre ami n'a pas écrit
en prononçant d'une voix égale
«
a telle façon
y
les
?
l'émotion...
c'est
trois
étonnant
»,
syllabes de
étonnant »; nous ne faisons qu'une simple constata-
tion,
et
le
fait
nous
laisse
marquer au contraire que
le
indifférent.
fait
Voulons-nous
nous touche? Nous
prononcerons
en accentuant violem.ment
syllabe
é^cnwant». Voulons- nous laisser entendre
:
« c'est
la
seconde
l'hX PRESSION DE LA PENSHE
58
malicieusement que nous soupçonnons
du
de
silence
la
raison cachée
nous pourrons exprimer cette
l'ami;
nuance en prononçant sur une note plus élevée,
comme
en chantant,
la
même
et,
syllabe.
L'art de tirer parti des sons intéresse tout spécialement
le poète. Il
c^mme
y
de sons agréables
a des suites
:
Le phalène doré dans
et des séries
ainsi
Malherbe dans
la
d'un
même
son a quelque chose de
-pa-ra-bla-la-fla-
le
comparable à
la
qui a échappé à
flamme
cascade des huit n dans
Vjltaire
:
:
...
OU
comme
t'occupais-iu de bien porter ta lyre?
répétition
déplaisant,
sa course légère...
cacophoniques,
Que ne
La
le
malheureux vers de
:
...
Non
Et pourtant
il
la
«'est rien
que
Na-ttine
«'honore.
répétition de certains sons est parfois
recherchée pour ce qu'elle a d'expressif
parti
du souffle des /dans
La
di
la
à Toreille,
dia le au matin
:
Hugo
a tiré
:
/redonnant
sa /an/are,
course rapide des consonnes dans
:
Ladislas futtif prend un couteau sur la nappe,
R icine,
du sifflement des
Pour qui sont
Leconte de
Une
Lisle,
s
dans
du glissement doux des voyelles dans
ondulat/on majesti/^wse
Pareil emploi de
un procédé de
:
ces serpents qui sifflent sur vos têtes,
rharmonie imitative
style.
:
et lente.
(cf. p.
37) est
STYLISTIQUE
59
Valeur des mots. Les mots eux-mêmes valent par
leur sonorité, leur forme, leur
par son ampleur
Un
tel
volume;
tel est
expressif
:
navire y passait majestueusement.
comme
autre par sa légèreté,
mots
ces
faits
tout de
Le mot a sa physionomie, son allure, qui tait qu'il plaîc ou déplaît,
convient ou ne convient pas, indépendamment de son
consonnes
:
preste, leste, svelte, furtif.,.
sens.
même
Mais,
dans
au sens du mot,
m:sure où nous nous attachons
la
s'en faut
il
que notre seule préoccupa-
tion soit de trouver l'expression adéquate à notre pensée.
Souvent nous ne pensons pas
compris de dire
ou
les
le
pommes
mot
;
c'est 1j
peintre,
nous adorons
effet
bon vieux mot simple
«)
D'autres
notion
«
Ah
fois,
si
nous sommes
et juste
:
dirait par poli-
mauvaise langue, devant une exposi-
tion de médiocrités, jusqu'à ce que, arrivant à
:
le
procédé de l'hyperbole^
Admirable! merveilleux Isplendide!
de valeur
qua-
expressif fiait par le rendre b mal,
réduits à reprendre le
un
relief les
divinement beau,
h'ii
nn^i goutte de liqueur,
b en qu'un beau juu^ pour faire un
tesse
nous gros-
;
^
nous offrons
qui en usant
pour être
chaud nous demandons une seconde d'atten-
beefsteack aux
((
sont
telles qu'elles
d-fauts; nous disons qu'il
effroyahlcînent
tion,
choses
nous enjolivons, nous mettons en
sissons,
lités
les
qu'il suffise
ça, c'est bien », dit-il
une œavre
simplement.
sans exagérer, nous déformons
abstraite ^est
pour
le
:
une
vulgaire presque inaccessible;
6o
L'EXPRhyS.'ON DE LA PE:,SÉE
nous saisissons mieux ce qui frappe nos sens
sommes-nous portés
notions de l'ordre
à faire passer les
Tordre concret par un
abstrait dans
aussi
;
artifice
de style
:
au
de craindre, nous tremblons qu'un malheur n'arrive;
lieu
une douleur
Cest
le
Tout
tsi déchirante]
procédé de
on
du fond du cœur...
som\\2aiq
métaphore.
la
cela par le simple désir de
ous bien
i
faire
com-
prendre, d'être expressifs; qu'est-ce a'ors quand intervient
le
coup
parler
souci de bien dire
comme
ou d'une condition
?
Bien dire,
pour beau-
c'est
parlent les gens d'une instruction
sociale supérieure.
Le
valet attrape
des mots de son maître, l'électeur de son député,
cierge de son journal, quitte à
sur
le
sens de ces emprunts
patronne que
le
de plus propice
»
«
émancipé
c'est ainsi
Ou
que
une cuisinière
était «
disait à sa
tout ce qu'il y a
!
le
il
langage du
de dire
»,
con-
tromper quelquefois
se
fourneau neuf
Par un retour amusant,
guées d'affecter
:
le
chic,
aux personnes
arrive
ptupk
;
épatant,
i'argot s'infiltre
dans
la
on trouve
ficher.,
s
langue
distin-
original,
embêter, et
commune.
bien on affecte Temploi de termes étrangers; on
parle avec complaisance du dancings de
handicaper
et
d'être smart.
on
on s*amuse volontiers à ressusciter
des mots de la langue d'hier ; on emploiera partant pour
« par conséquent », à cause que, d'aucuns... C'est la manie
Si
a des lettres,
de l'archaïsme.
Au
mots nouveaux,
à
le dictionnaire,
contraire
peine nés,
on affecte d'employer des
et que n'a pas encore admis
des néologismes
:
joliesse, féminité...
.
6l
STYLISTiaUî-:
rend intéressant en ne nommant pas, les choses
par leur nom, en empruntant aux spécialistes le terme
technique; on dit unejeuille pour un « journal », la
On
se
:
rampe pour
on emploie des détours pouE
théâtre »;
le «
on
c"iter l'évocation de réalités choquantes;
terme général
((
prendre une médecine
«
:
par énigmes
une marque de
c'est
:
périphrase
», à Li
dans une position intéressante »; on
être
finesse
ai
ne
pas mal
faire
dans
peu recommandable »^peu signifie
«
il
est
plus
le
:
z=.
:
à parler
que de dire
moins pour
entendre
au
a recours
le
très bien;
pas du
«
tout »...
duand on
dispose de synonymes,
pus
l'un soit plus distingué,
notions
les
qu'on
on
les plus
dit pas
on
fréquent que
httéraire q^ e l'autre; ainsi
on
heurt,
*
tandis
dit se sauver^ se dépécher
on
sembler, et
un bond, un
est
banales ont leurs doublets
écrit s'enfuir, se hâter,
écrit paraître
il
avoir l'air
dit
mais un saut
et
;
;
on ne
un coup.
.
Il
n'y a presque pas une conjonction, une particule, qui ne
soit
en double dans
la
langue; comparez quand
et lorsque,
quoique et bien que, pourtant et cependant, pour que et afin
que, aussitôt que et dès que, etc.
on remarquera que
le
ché, plus httéraire
que
second des termes
vers
et
est
enferme
Celui qui
mots
mots encombrants et
les
poésie
la
cadre prestigieux du
entrer que des
ces couples
est plus recher-
l'autre.
Le vocabulaire de
conventionnel.
Dans chacun de
se
sa
pensée dans
préoccupe de n'y
des sons choisis.
inexpressifs, les
termes de rapports,
particulièrement
les outils
mots
Il
le
faire
évite
les
accessoires,
grammaticaux
:
de sorte
62
l'expression
LA PENSÉE
liE
que, jusqu'à ce que, néanmoins, par conséquent.
imposer plus ou moins un vocabulaire
comme
au xvin*
celui qui
dit «
poétique »,
siècle traduisait
champs par
guérets et ciel par firmameyit,
un
peut aboutir à
se laisse
Il
une langue
véritable jargon, et
qui
artificielle
qu'on
a parfois
peine à comprendre sans un dictionnaire.
nous avons
Ainsi
à
notre disposition
mais plusieurs vocabulaires
que nous en
non pas
un,
différents, et suivant l'usage?
ou monocomme celle d«:; Hugo,
faisons notre langue est variée
tone, composite ou épurée, riche
économe comme
celle
de Racine.
Valeur des formes. La qualité des mots tient quelquefois à leur formation. La langue soignée de la poésie
évite
-aiionnel, -icité.
en
on
((
o\i
a
en -ablement,
encombrants,
comme V-esque
vulgaires comme Y-ard
des suffixes savants
et des suffixes
flambard, V asse de bonasse, fadasse. Les mots
manquent
-ation et -ition
les
y
Il
.
.
de pédantesque,
à^ fêtard
lourds,
suffixes
les
accumule
comme
d'clé_:^ance,
surtout
ce journaliste qui
notre époque souffre de Ymàtitrm\nation de
de
la
que
tion ».
A
plus forte raison
si à
écrivait
la
Le
entrer,
le
préfixe
ce suffixe lourd
re-
solu-
!
aussi
p^ut changer
amasser, s'éveiller sont de
préfixe
:
position
on accroche encore un appendice, comme dans
tionner, réceptionner
quand
leur
la
la
qualité
du mot
:
meilleure langue;
donne ces synonymes
vulgaires
:
rentrer, ramasser, se réveiller-
Le tableau des
flexions
nominales
et
verbales est
si
STYLISTIdUE
rigoureusement
fixé qu'il
63
ne nous
guère
laisse
choix
le
des formes. Pourtant voici deux doublets dont l'un est
usijel
:
peux
« ]e
écrivons
« 'faiété »,
écrivant,
:
« je
Nous
puis ».
nous disons plus volontiers
Dans un récit d'allure littéraire, et surtout en
« je suis allé
:
pédant
», et l'autre
))
nous employons
Le coup
passa
si
et
le passé défini
:
près que le chapeau tomba.
Mais, à moins que nous ne soyons du Midi, nous l'ignc-
ron: dans
conversation, où des (ormes
la
courûmes, vous allâtes
et barbare.
»
Nous nous
auraient
un
comme
«
nous
pédant
air à la fois
risquons quelquefois, dans une
conversation de ton soutenu, à dire
«
qu'il fût »
;
nous
hésiterons céjà devant « que nous fussions », et nous ne
risquerons jamais
«
que vous
ou
courussieT^ »
qu'ils
((
allassent ».
Valeur des constructions. Autant le mot est
rigide, immuable, autant la phrase est souple et malléable.
Un homme du
Je lui
ai dit
d'hui. Je ne
:
peuple dira
restez dîner.
peux pas
». Il
de dire, ou plutôt d'écrire
venu
il
me
voir, et
que
a
la
je lui
:
une façon plus
chose
:
«
voir.
Pas aujoursavante
«
Comme
»
X... était
demandais de rester dîner,
m'a répondu qu'aujourd'hui
il
ne pouvait pas
».
Le
parataxe ou disposition
caractéristique du parler populaire, mais
premier procédé, celui de
parallèle, est
me
X... est venu
m'a répondu
Il
y
«
:
la
aussi d'un certain style solennel
Ecritures ont vulgarisé
:
«
que
les traductions
des
Allez
en
Et Jésus leur
dit
:
3
,
la pensée
l'expression de
64
paix. Et le peuple répandait ses louanges
Le secon
)).
k
procédé, de l'hypotaxe ou disposition subordonnée, per
met la construction savante de phrases compliquées.
Dans la première des phrases citées plus haut nou:
avons aussi un exemple de style direct, qui consiste
i
rapporter les paroles telles qu'elles ont été prononcées;
dans
seconde, de style indirect, qui consiste à
la
les|"'
transposer, à les faire entrer dans le corps d'une phrase
nouve41e.
Une
j'ai
phrase complexe peut être gauchement conduite
mon
vu
ami, qui m'a conseillé ce
jeune auteur, dont
C'est
a
l'air
la
phrase à
la
tiroirs,
de sortir de
la
œuvre d'un
livre,
réputation n'est pas
:
et qui...
faite,
dans laquelle chaque proposition^
précédente.
On
peut au contraire
disposer les propositions de façon que l'ensemble s'équilibre, organiser
passe par
un
la
phrase, faire qu'elle
développe,
se
point culminant pour redescendre en uni
sorte de circuit
:
caractéristique
da
c'est la
période (grec pcfiodos
=
circuit),,
style oratoire.
Rôle de Tordre des mots. Il y a aussi un art de
disposer les mots dans la phrase qui n'intéresse pas la
syntaxe.
le
la
Aucune
temps des
chanson
:
règle ne
nous
prescrit de dire
cerises reviendra » plutôt que,
«
Quand
Mais nous sentons que
tandis que la seconde a
reviendra
la
le
«
Quand
comme dans
temps des
première phrase
vaguement une
:
cerises ».
est banale,
allure poétique^
Ainsi l'ordre des mots peut prêter à des effets de style»
En français nous ne sommes guère libres
de
le faire
varier
:
1
STYLISTIQUE
Qous disons « une belle
temme
6$
ne pouvons pas
», et
une laide femme »; ici Tordre des mots est fixe;
nous disons « un homme brave » si nous disons
un brave homme », le sens change; ici l'ordre des mots
mais quand Musset dit
une valeur sémantique ;
dire «
—
«
a
;
—
a une robe blanche
ne modifie pas
et
:
deux blanches mains
le sens,
et
»,
Tinversioa
nous trouvons
qu'elle est
d'un eâet heureux. Si La Fontaine avait
troisième larron
banale; nous
« Arrive
la
me
nous trouverions
arrive »,
un troisième larron
en
suis
distinguée
si
pas répondu,
allé »
;
:
«
la
Aussi
m en
suis allé ».
lui je n'ai rien à dire ».
tournure classique
La
je
ne
phrase
disons dans
lui ai
Un
:
:
la
pas répondu,
« Aussi ne lui ai-je
des effets de Tinver"
un terme de
Mais
elle
vue de toute valeur expressive,
la
la
Un
phrase prend une allure plus
sion est de mettre en reliet
De
Nous
».
nous changeons Tordre
je
«
:
trouvons expressive grâce à l'inversion
conversation familière
je
écrit
la
phrase
:
«
De
peut aussi être dépour-
comme
dans
la vieille
:
chute des rois funeste avant-coureur.
rhétarique. Choix des mots et des formes, cons-
truction de la phrase, arrangement des mots,
accommodant
—
c'est
en
ces procédés à Texpression de la pensée
-que l'écrivain fait oeuvre de style.
Les grammairiens se
sont appliqués à codifier cet art, qu'ils ont appelé rhéto-
rique, à cataloguer ces procédés sous
ou tropes
:
le
figures de mots, figures
figures de pensée. Dire «
une
feuille
nom
de figures
de construction,
de papier, un pied
66
l'expression de la peksée
une bouche
de table,
feu
à
»,
c'est
faire
une cata-
chrèse, figure de mots, parce qu'elle consiste à élargir
sens strict des mots «
a
ne savoir pas
»
pour
feuille,
«
pied,
bouche
ne pjs savoir
».
—
», c'est faire
—
le
Dire
une
de construction qui s'appelle hyperbate.
Parler d'un
honnête mensonge » c'est faire une alliance J
de mots, qui est une figure de pensée... Ne parlons pas j
figure
((
de
l'ellipse,
dyin
et
de
la
prolepse et de
de l'hypotypose...
;
nous pouvons nous dispenser
de comprendre ce langage. La rhétorique,
ihorique-là
—
,
n'est plus
de l'hendia-
la syllepse,
— cette rhé-
qu'une curiosité. Elle s'occu-
pait surtout de noter et de cataloguer des apparences, là
où
la
linguistique cherche des explications et des lois
;
masque des figures et des tropes nous nous
apphquons nujourd hui à discerner et à définir des changements phonétiques, des phénomènes morphologiques
sous
le
ou sémantiques, des procédés de syntaxe
et
de style.
CONSTITUTION
DE LA LANGUE
(GRAMMAIRE DESCRIPTIVE)
P. Stapfer^ Récréations grammaticales et littéraires. Paris,
1909.
GRAMMAIRE DESCRIPTIVE
Appliquer à une langue donnée
qui
procédés d'étude
les
viennent d'être décrits, en constituant une sorte
d'inventaire
du matériel (sens
mots)
et
(formes et constructions),
d'expression
grammaire de
des procédés
c'est
faire
la
cette langue.
La grammaire
tive.
et
Ce qu'on
qu'il enseigne la
grammaire norma=
des manuels;
attend d'abord du grammairien, c'est
langue, et ce que nous appelons habi-
tuellement grammaire, c'est cette espèce de code que
renferment
maire
est
les
un
l'auxiliaire,
manuels de
clisse.
recueil de règles
règle
du
recueil d'exceptions.
:
Pour
Técolier, la
gram-
règles d'accord, règle de
et aussi,
participe...,
hélas!
un
La grammaire enseigne comment
il
faut parler et écrire, et elle appelle faute tout ce qui n'est
pas
conforme aux règles édictées ou aux exceptions
admises.
;t
Rôle de
la tradition.
ces exceptions
prétend
?
Ce
Où
prend-elle donc ces règles
n'est pas
dans l'usage, puisqu'elle
justement réglementer Tusage. C'est d'abord
lans la tradition.
Un
manuel, sauf
la
rédaction qui peut
kre plus ou moins heureuse, reproduit
à
peu près un
CONSTITUTION DE LA LANGUE
70
manuel antérieur. Mais comme la langue vit et se transforme sans cesse, il vient un jour où telle forme sort de
l'usage, où telle règle devient désuète.
Ce jour là il faut une autorité pour trancher le différent
entre
Car
la
il
théorie et la réalité, entre
ne saurait y avoir dans
même
incertitude ni
la
tradition et Tusage.
grammaire
la
En
tolérance.
olficielle ni
particulier la tolé-
rance n'est pas compatible avec l'institution des examens
un
élémentaires, qui jouent
moderne;
il
faut
pour juger
si
grand rôle dans
les
candidats une
On
mesure, un étalon grammatical.
la société
commune
se réfère alors
au
Dictionnaire de TAcadémie ou aux décisions d'une com-
mission compétente, consignées dans
riel.
Il
Et ainsi
grammaire devient
la
de
est facile
officielle
:
faire la
?
Sur
la
logique
On
la
est correct et ce qui
Ta
fait
l'analyse logique qui
et qui fait croire
marchant
que
((
je
». C'est le
systématiser
à
la
conduit
à
phrase nominale
marche
c'est
la
ramener
la
(cf. p.
48),
» doit s'analyser « je
souci de la logique qui pousse
outrance,
de sorte qu'après
avoir
en français 4 types de
y
réduit à avouer ensuite que « les
décrété, par exemple^
conjugaison, on est
ne
souvent, mais en
Par exemple,
langue.
phrase verbale au type de
à
grammaire
?
la logique.
faussant l'esprit de
suis
affaire d'État.
sur quoi se fondent à leur tour ces personnes
Rôle de
manie de
décret ministé-
critique de cette
compétentes pour déciier ce qui
Test pas
un
qu'il
a
GRAMMAIRE DESCRIPTIVE
7!
verbes delà 3' conjugaison sont tous plus ou moins irréguliers » (voir fait à la 3® personne
savent
devoir, doivent; savoir,
qui revient
son est
un peu
fictif,
à dire
type de
le
pour
et établi
voient;
pluriel
mouvoir, meuvent ...),, cq
;
que
du
3® conjugai-
la
les besoins
de renseigne-
ment.
même
La notion
de formes irrégulières est un peu
un produit de l'enseignement grammatical. Quand nous
disons que le présent « je vais, tu vas..., nous allons...,
cela signifie seulement que
ils vont » est irrégulier,
du présent de
le tableau
ne répond pas au tableau
aller
du présent de aimer, mais cela n'empêche pas que
comme « ]e fais
nous allons » comme «
»,
« lu as
nous aimons
«
1^,
chacune de ces formes s'explique
pour
c'est tant pis
la
grammaire
« tu
si elles
que
le
grammairien
lui
;
n'ont pas, en se
On
ne peut pas
langue rentre docilement dans
la
», etc.
correctement, et
très
groupant, abouti à un système régulier.
exiger que
comme
vas »
vais » soit régulier
« je
les
cadres
prépare.
grammaire une construction régulière et ordonnée revient à peu près à peindre des
fausses fenêtres pour la symétrie. Regardons un tableau
Vouloir faire de
la
nous y trouvons un passif, qui en
réaUté n'existe guère (nous ne disons pas
cela est
de conjugaison
:
:
dit,
mais
:
cela se dit)
;
l'imparfait
purement théorique pour
autant de place que
le
la
Ce
subjonctif,
forme
plupart des verbes, y tient
présent
;
place un conditionnel passé n
n'emploie...
du
on y rencontre en bonne
il eût eu » que personne
tableau de conjugaison
donne une idée
1
CONSTITUTION DE LA LANGUE
72
si
on le met, par exemple, entre
mains d'un étranger, on sera obligé de marquer d'un
fausse de l'usage
les
que
si
signe les formes qu'il lui faut apprendre et celles qu'il
peut négliger.
Rôle de Tusage. Sans doute la réglementation de la 1
langue n'échappe pas complètement à l'usage. L'Aca-
}i
demie
est réduite parfois à enregistrer les
ce n'est pas elle qui a
ni
engueuler
«
»,
épatant
», ni «
elle
qui a
tait
que
«
genre féminin; ce n'est pas
«
elle
avec
taximètre » supplanterait sa rivale du débu»t
officielle
comme
le
qui a décrété que la
« taxamètre »... Et toutes les interdictions de la
maire
»,
automo-
», après maints tâtonnements, s'est fixé
forme
:
vient d'admettre dans son
qu'elle
Dictionnaire; ce n'est pas
bile
autobus
fait «
innovations
gram-
n'empêchent pas que des constructions
« préférer...
que
»,
«
davantage que
peler de » se rencontrent déjà sous la
», «
se rap-
plume des aca-
démiciens eux-mêmes.
Cependant,
il
s'en faut tellement
se borne à enregistrer Tusage que,
une véritable révolution.
La grammaire est la théorie de
que
la
grammaire
si
elle le tentait, ce
la
langue écrite, et
serait
l'usage est l'affaire de la langue parlée. C'est sur le papier
que
«
d'une
aimer
s,
»
forme
sa
seconde personne par Tadddition
« dire » sa troisième par l'addition
t;
en
n'y a pas de différence entre « j'aime » et « tu
réalité
il
aimes
a, entre « tu dis » et «
pas dans
d'un
la
il
dit ».
— On ne trouvera
langue un seul exemple de pluriel formé par
GRAMMAIRE DESCRIPTIVE
d'un
addition
entendons du
s,
xemple de féminin
son
«
»
pas un
j,
formé par Taddition d'un^;
énoncer une règle pour des gens qui
fallait
'il
d'adjectif
75:
ne
ubstantifs se
on devrait leur dire
le pluriel des
marque par le changement de l'article le
ui précède
en
avent pas écrire,
le[s]femmes)j
bminin des
in
le:<^
'est
ou
«
une
jolie
femme
de
la
pas celui dcjort),
»
comme
lour, et lourde
la
consonne
voyelle qui précède
La
—
un
«
le
joli
l'avantage de décrire les
qu'on
prononcé
finale (vif,
(l'o
àQ forte
règle est déconcertante et
mplifie pas les choses^ bien au
implications
;
marque par Taddition d'une consonne
changement de
même
devant consonne
ne se distingue pas du mascu-
du mot {lourd prononcé
mrd'), par le
le
devant voyelle (Je[s]-)'enfants)
adjectifs tantôt
isage), tantôt se
ïv[e])
(ou plutôt en
les
(on prononce
la fin
:
faits
c'est
;
mais
contraire,
ne
elle
au prix de maintes
grammaire des
une grammaire vraiment
abandonne
lanuels pour tenter de faire
la
escriptive.
La grammaire
ive,
descriptive.
La grammaire descrip-
dégagée de toute préoccupation pédagogique, ne se
ropose que de fournir des
faits
au linguiste; pour
elle
n'y a pas de fautes, pas de bon et de mauvais franais,
mais seulement des aspects multiples de
,'enfant
de l'école qui
dit
:
«
Je lui
ne langue non moins autorisée
issante
as
que son instituteur qui
causé avec lui
».
et
ai
la
langue.
pas causé » parle
peut-être plus inté-
lui fait dire
:
«
C'est toujours du français.
Je n'ai
C'est
CONSTITUTION DE LA LANGUE
74
peut-être encore du français que
noncée par un
petit villageois
Mais d'où vient que ce n'en
((
pas causa
I y'ai
c'est-à-dire
Où
mite?
» ?
Nous
est plus
le
d'une langue
Où
français?
cesse
le
problème du
tas, trois
non
:
s'arrête
:
la
li-
gram-
la
—
définir?
le
est
un
C'est
deux grains de sable
plus, dix et cent
non
plus,
commence
à quel grain
à
un
c^est
un
:
le
certain
tas.
De
a différentes façons de s'exprimer qui font
que
moment nous avons
sentiment que
le
les sujets parlants disent
—
et
il
y
:
nous ne pa.r\ons pas
même
le
une limite au delà de laquelle
a
uns disent des autres
le
Où
?
réponse que de dire
tas? Pas d'autre
français^
Ou
de sable
tas
mais dix mille en font un;
y
l'enfant dit
disons alors qu'il parle patois,
est la limite
il
quand
».
une autre langue. Pourquoi?
ne font pas un
mêene
phrase pro-
ons pas causé
« J'y
:
maire descriptive qui prétend
peu
même
la
ils
:
les
ne parlent pas français. C'est
point où l'on cesse à peu près de se comprendre.
même du groupe où l'on a Iq
même langue, que de différences
Mais dans l'intérieur
sentiment de parler
la
!
Limites géographiques.
l'autre
:
chaque province
sa phonétique
particulière
nous appelons muet,
dit « s^avoir » pour
gie
:
le
passé défini «
qu'au Sud de
dans
le
a
la
—
«
Différences d'une région à
son
:
le
«
accent », c'est-à-dire
Midi prononce Ve que
son vocabulaire
pouvoir
—
»,
je fus, je pris »,
Loire,
—
et
même
:
sa
ne s'entend guèr<
sa syntaxe
Nord donnez-lui quelque chose pour
:
Wallon
morpholo
le
lui
:
on
di
manger
GRAMMAIRE DESCRIPTIVE
Mais
la
75
subdivision va bien plus loin que
provinces
:
Centre, à
la
il
a des régions,
y
d'un village à Tautre, à
et
dans un
Nord
et
dans
le
du Midi, où,
kilomètres de distance, les
3
paysans s'amusent eux-mêmes
de langage,
limite des
exemple
par
limite des parlers du
la
à relever des
même
village
qu'on puisse noter d'une famille
il
divergences
n'est pas rare
à l'autre des habitudes
de parler différentes.
Zones frontières.
bout des complications.
une
limite entre
:
ne faut pas se représenter
Il
comme une frontière poliAppelons A ti B deux parlers
gnons par a (par exemple dans
sont en
A
notons une particularité de
-â
:
au
deux parlers
tique entre deux pays.
voisins
ne sommes pas
nous
Mais
bonnes
z=:
A
féminins pluriels
les
bounâ); cette
que nous dési-
particularité s'étend
jusqu'à une limite que nous représentons par
\x
ligne i,
yl
l^jt.
au delà de laquelle
la
limite entre
A
le pluriel est
B}
Qt
que nous appellerons
et
du côté
B
il
est ô,
a'
en
-è
:
bouné. Est-ce
là
Voici une autre particularité,
:
du côté
mais cette
A
le
pronom
fois la limite
il
est
est
ou
repré-
.
CONSTITUTION DE LA LANGUE
76
semée par une
Une
ligne 2, qui ne coïncide pas avec la ligne
troisième particularité
al'
i
aura pour limite une
,
ligne 3, qui ne coïncidera avec aucune des deux autres^
Où
de suite.
et ainsi
Tout ce qu'on peut
donc
est de
faire
et
B}
tracer fictivement
la
moyenne
selon une lignes, qui est la
dites lignes d*isoglosses.
A
est la limite entre
des lignes 1,2, 3,
est bien obligé en général
On
de se contenter de cette limite approximative, mais
la
descriptive prétend fournir aux recherches
grammaire
matériaux
des
des linguistes
menu
d'entrer dans le plus
été
amené, pour
du
tifique
mots un
un,
à
de village en village,
ainsi
c'est
se
doit
qu'on a
vraiment scien-
et,
les
suit
d'une région à
sans jamais généraliser,
patiemment
l'infinie diversité
faits.
Limites sociales.
Mais ce
des limites géographiques;
social à l'autre.
Il
se rapproche de la
qui est
la
'dre; ex.
:
ou cela
(il
réduit à
-t,
français de la rue a sa
quat\ prend), son vocabulaire
=
devant voyelle
iz
:
(ici
se dit là,
ça, bête signifie sot, et vilain signifie laid), sa
sont,
//
Le
-d, toutes les finales tn-tre,
(le pluriel
datif de
langue varie d'un groupe
a
morphologie
et
n'est pas assez de tracer
une langue des gens cultivés, qui
langue écrite, et une langue vulgaire,
y
le vrai parler vivant.
phonétique
ceci
détail;
elle
composer un atlas linguistique
à
se contente de cataloguer
des
définitifs,
réaliser un.e description
français,
qui, prenant les
l'autre,
si
yi dirai),
de
il est i
:
i^^
devant consonne
ont;
i
est
aussi
:
t
le
sa syntaxe (que sert de liaison
GRAMMAIRE DESCRIPTIVE
pa-se-partoat
de à dans
Thomme
:
que
je t'ai
couteau à Jean
« le
)),
77
parlé;
de de dans
l'emploi
cf.
une chose
«
qui n'est pas de faire »), des tours de phrase spéciaux
{prendre un tison pour allumer sa pipe avec, emploi de
«
il
y a
le sujet
une sorte de particule ya pour signaler
régime
ya Jean qui m'a dit...) Du reste
» réduit à
ou
le
:
on ne peut pas
dire qu'il
y a une langue vulgaire;
c'est
par degrés qu'on passe du français cultivé au français
de
la
rue
on
;
sant par « je
iiche
»,
—
m'en désintéresse »
m'en moque » on aboutit à
part de « je
puis
plus bas encore.
plus une langue cultivée
le
même
:
en pas-
et
«
je
m'en
n'y a pas non
Il
un professeur ne
parle
pas
langage qu'un banquier, ni qu'un artiste; nous
ne parlons pas dans un salon
comme
menade
L'habitude
à
la
campagne...
nous empêche de
divers milieux
nous ne nous apercevons
même
au cours d'une prode fréquenter
saisir ces
nuances, et
pas que nous modifions
notre langage suivant les circonstances; mais l'étranger
s'en aperçoit,
qui ayant appris notre langue dans
certain milieu, a de la peine à
un
littéraire
la
A plus
autre.
:
il
y
a
forte raison
comprendre
si
s'il
passe dans
nous regardons
la
une langue de l'éloquence, qui
construction périodique,
les liaisons, les particules
la
un
langue
cultive
subordination, multiplie
(or donc,
si
tant est que...),
recherche les expressions vives et parlantes (exclamations, le présent
qui donne au
langue de
pour
le
passé); une langue de l'histoire,
passé défini une place privilégiée;
la chaire,
de
la
politique..., et
souvent du jargon juridique, avec ses
une
on s'amuse
ledit, je
soussigné,
parlant à nous, ont déclaré ne savoir signer...
CONSTITUTION DE LA LANGUE
78
Limites dans
le
Sommes-nous
temps.
l'extrêine limite de la spécialisation
qu'au
moment même où
saisir
l'usage,
sur
?
arrivés
à
Pas encore, parce
un point donné nous
voici qu'il est en train
allons
de se modifier.
Celui qui après dix ans d'absence revient dans son pays
entend des expressions
étaient neuves
qui
et
qu'il
ne connaissait pas; celles
originales au
temps
de notre
enfance paraissent vieux jeu aux enfants d'aujourd'hui.
Mais cette
fois
il
s'agit
de différences dans
le
temps,
c'est-à-dire d'une évolution; ce n'est plus l'affaire de la
grammaire
de
la
descriptive; nous entrons dans le
grammaire historique.
domaine
ÉVOLUTION
DE LA LANGUE
(GRAMMAIRE HISTORIQUE)
A. Darmsteter,
La
vie des mots. Paris, 1886.
La
vie
du langage. Paris,
A. Dauzat,
Pour
le français
1910.
:
A. Darmsteter, Cours de grammaire historique de la lar^
gue française. Paris, Delagrave.
Kr. Nyrop, Grammaire historique de la langue française.
Copenhague, 1899 et suiv.
F, Brunot, Histoire de la langue française des origines à
1900.
Paris,
1905 et suiv.
GRAMMAIRE HISTORIQUE
La grammaire des manuels nous
dit
:
me h
« Je
rap-
pelle » est français, et je tnen rappelle » ne Test pas.
— La grammaire
descriptive
tructions existent^ mais
la
nous
dit
première
est
deux cons-
les
:
du langage
seconde appartient au parler courant.
tivé, et la
grammaire historique nous
dira
est la construction ancienne,
« Je
:
me
rappelle »
le
m'en rappelle
sur le modèle de
«
cul-
— La
je
» est
« je
une construction nouvelle, faite
m'en souviens ». La grammaire historique explique les
faits actuels en étudiant le passé
elle remonte le cours
;
de
la
langue en observant
les sons, les
mots (forme
L'étymologie.
l'histoire des sons,
les
mots
qu'ils
les
vicissitudes
lat.
capram
a latin;
il
les
changements qu'ont subis
et sens), les constructions.
mots doit
L'histoire
des
puisque
sons n'existent que dans
composent
du mot
— qu'on
les
:
c'est
chèvre
précéder
en suivant en français
—
vieux
fr.
chièvre
—
arrive à reconstituer l'évolution d'un
faudra donc préalablement établir que chèvre
vient de capram,
c'est-à-dire taire
l'étymologie de
fr.
chèvre.
L'étymologie
guistique, et
est
on ne
un peu
résiste
la
distraction de
guère au
plaisir
de s'y
la
hn-
livrer.
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
82
Plaisir
dangereux du
reste^ parce qu'il
expose à bien des
erreurs.
où les mûres s'appellent des
« moures ». Pourquoi? La « moure », c'est ce qui
mourir » Et du coup on déf^ind aux enfants d'en
fait
manger. Il n'y a guère un mot de la langue qui ne resVoici
un
village
((
I
semble
à
quelque autre,
chement, on en
s'oppose au rappro-
et si le sens
est quitte
pour ruser avec
le
sens
:
miles
(le soMat) vient de mollis (mou), disait sérieusement un
hommes
des
rien Varron.
ment ce qui
les plus savants
Il est
que
vrai
de l'antiquité^
la
gr.immai-
le
mollesse n'est pas précisé-
eh bien,
doit distinguer le soldat;
sera « celui qui n'est pas mollis »
des siècles durant, on a traité
la
le miles,
comment,
Et voilà
!
ce
science qu'on se per-
mettait d'appeler étymologie, ce qui veut dire
«
science
des vraies significations ».
Naissance des mots
'.
Création.
Comment
faut-
il
se représenter la naissance d'un mot?' Est-ce quelque
chose de comparable à
d'un
outil,
que
la fabrication
d'un instrument,
l'ouvrier crée de toutes pièces pour ses
besoins? Pour un cas que nous connaissons, oui.
xvii® siècle le chimiste hollandais
pour
les
besoins de ses théories
fortune. C'est
Au
van Helmont imagina
le
mot
gaT^,
qui a
fait
une exception unique.
Emprunt. Avons-nous besoin d'un mot pour désigner un objet nouveau, par exemple certaine espèce de
jeu de patience qui
terons
le
nous vient d'Angleterre; nous impor-
mot avec
la
chose
;
c'est ainsi
que
«
puzzle »
GRAMMAIRE HISTORiaUE
devient
un mot
français.
Cestlà
le
83
procédé de l'emprunt,
qui nous fournir des termes de provenances étonnam-
ment
diverses
:
le
train et le rail
nous viennent d'Angle-
terre, le bourg et la guerre sont allemands, la banqueroute
et le piano
nach
viennent à'IiaWQ.Jétiche est portugais, Vaîma-
est arabe,
V orange est persane, et
même
nous empruntons
aux langues mortes
est un mot larin, avatar un mot
un mot hébreu de la Genèse...
Quand nous
Onomatopée.
le kiosque
tsiiuïc\
:
album
sanscrit; iohu-bthu est
disons
:
le
du
ronron
montre, nous avons bien l'impression de fabriquer des mots, et on appelle ce procédé
chat,
ou
le tictac
de
la
ronomatopée (création de nom). En fait, c'est un bruit
naturel qui nous iournit le terme nouveau; nous ne
faisons que le reproduire tant bien que mal; nous ne
créons pas.
Dérivation. Prenons un cas comparable à celui du
chimiste qui a créé le mot ga7^\ un industriel a besoin
d'un terme expressif pour lancer un produit nouveau :
il
le baptise dentol.
Est-ce là un
mot denty
un suffixe
car nous y trouvons le
destiné
le
d'autres
produit, et
noms de
mot créé? Non
pas,
qui indique à quoi est
-ol,
qui se trouve dans
produits pharmaceutiques
:
form-ol
phén-ol.
un autre cas, où la fabrication du mot est
anonyme
on va y reconnaître le même procédé.
Voici
:
L'invention de Thydro- aéroplane a
verbe amerrir
;
il
est
clair
que
le
fait
mot
apparaître
est fait sur
un
mer
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
84
comme atterrir Tétait
sur terre. Ici encore
il
n'y a pas créa^
on emprunte au matériel de la langue de quoi faire
un mot nouveau
d'une part un élément radical (dent-y
tit)n;
:
-mer-^y d'autre part des éléments de formation
'oly -ir,
suffixe
et préfixe a- (cf. p. 28).
Mais Tétymologiste ne
mière analyse
d'où vient
;
éléments de formation
que
:
a- et -ir?
?
se contente pas de cette prele radical, et
d'où viennent
Qu'est-ce que mer^ et qu'est-ce
Dans nombre de
considérée qu'il faut chercher
cas, c'est hors
réponse
la
:
ae
la
langue
a- et -ir sont
ce qui reste en français des éléments latins ad- et
Cependant
raisse
Le
il
arrive qu'un élément de formation
au cours du développement de
la
suffixe. Voici par exemple
un
sous nos yeux
omnibus qui
:
—
signifie
Le
«
les-
»
;
appa-
même.
suffixe qui
naît
mot
latia
adopté
français a
pour tous
langue
-ire.
ainsi
le
dans l'expres-
omnibus ». « Un carrosse omnibus ))j et par abréviation « un omnibus », c'est donc
voilà une terminaiproprement une voiture publique
sion
:
«
une
explication
:
son -bus
liée à l'idée
où l'automobile
a
d'un transport en
La
;
le
jour
remplacé l'omnibus à chevaux, on
baptisée aufobus, et nous
aérobus.
commun
sommes en
l'a
train de fabriquer
syllabe -buSy qui en latin était tout
uniment
une désinence de datif pluriel, est devenue en français un
suffixe de substantif pourvu d'un sens tout à fait original.
Voici un cas un peu diiîérent
vousoyer; c'est-à-dire
que
:
sur tutoyer nous faisons
à tutoyer
nous empruntons
la.
GRAMMAIFE HISTORIQ.UE
terminaison
pour Tajouter au pronom vous. Mais
-o'str
un élément
tutoyer représente
quand nous
fixe -er ;
suffixe
nouveau
un sufdonc un morceau
radical tu-toi
isolons-c^ydr, c'est
de radical que nous arrachons avec
un
85
-f-
le suffixe -er
pour
faire
-oyer.
Enfin voici un cas
un mot qui
c'est tout
oii
a été
un élément de formation. Nous disons
d'un cœur léger » ou « légèrement », « à cœur
ouvert » ou « ouvertement », comme s'il y avait équiva-
employé
à faire
:
((
cœur, esprit »^ et le suffixe -ment.
mot
Effectivement, -mm/ représente une forme dérivée du mot
lence entre
le
((
mentem,
latin
qui
dé-ment^; ouverte-ment
même
La
il
chose
comprendr-a,
ils
servi à faire
faire
un
radical.
mer
il
comme
a compris^
beau
le
que
«
suivre à travers
reste toujours «
mer
mer
a
[à]
:
comprendre
« avoir »
ont
nous servent à
suffixes
expHqués,
» s'explique
par
lui-même? Nous avons
toute l'histoire du français, il
», et
il
faut faire le saut
de
mer
«
Car nous savons que
mare
maire historique de suivre
du fran-
» l'étymologie
le français est
transformé, et c'est précisément la tâche de
lïiation.
».
»
au latin pour trouver dans
».
ouvert
ont compris.
amerrir
çais
«
il
elles
ils
ou
Désinences
», qu'est-ce
:
Des formes du verbe
reste l'élément radical. Si «
«
ment-al,
(cf.
passée pour certaines désinences
futur, tout
«
»
« l'esprit
comprendr-onty c'est
un passé dans
Le
esprit
donc
c'est
,
s'est
ont [à] comprendre.
ils
«
signifiait
les étapes
du
la
latin
gram-
de cette transfor-
86
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
La lâche
Filiation des mots.
jusqu'à un certain
écrits
pour suivre
est relativement facile
moment; nous avons assez de
la trace d'un mot usuel
ce, qui
:
devant voyelle, a été anciennement
anciennement encore
plus loin
:
à partir
icist
du
;"mais
cest
ou
textes
est cet
plus
cist,
nous ne pouvons pas
aller
x' siècle environ, les textes fran-
quand nous rattachons icist au latin
ecce istum^ c'est en faisant un saut de plusieurs siècles
pendant lesquels s'est accomplie une transformation qui
nous échappe; l'étude des documents ne nous fait constater qu'un état « avant » et un état « après; la grammaire historique est obligée de faire là une véritable
çais font défaut,
et
reconstitution.
Encore
sible...
si
le
point de départ était directement acces-
Mais ce que nous connaissons,
textes, la langue qui a
comme
c'est le latin
des
survécu presque jusqu'à nos jours
langue scientifique internationale, sans se trans-
former, sans vivre véritablement; cette langue n'a pas eu
de descendance,
et le latin qui a aboati
au français, c'est la
langue des fonctionnaires, des soldats, des colons qui
ont
civilisé la
Gaule, langue du commerce, des écoles,
moitié vulgaire, moitié cultivée, dans laquelle « bouche »
se
dismbucca
et
non pas
os;
«
caput; « cheval », caballus, et
et
non pas
anser, etc.
tête »,
testa
non equus;
Or, cette langue-là,
plutôt
« oie »,
que
auca
nous ne
la
connaissons que par bribes, et le plus souvent, loin
qu'elle puisse servir de point de départ à l'érj-mologie,
ce sont au contraire les déductions de l'étymologie qui
nous permettent de
la
reconstituer.
GRAMMAIRE HISTORIQUE
Méthode à
Au
suivre.
milieu
87
de
difficul-
telles
Tétymologiste ne peut s'avancer qu'avec prudence et
tés,
méthode.
ne
Il
pour qu'on
pas que deux mots se ressemblent
suffit
ait le droit
heur, malheur
»
de les rapprocher
heur dans
ne vient pas de horam, à quoi
mais de auguriunty à quoi
mot
:
français (dialectal)
il
«
bon-
ressemble,
il
ne ressemble pas;
il
y
a
un
couture qui vient de culturam,
mais un autre identique, de sens
différent,
dont
il
faut aller
chercher l'origine dans consuturam. La parenté de sens
n'est pas
non
plus convaincante
avec pondus qui a presque
mêmi
sens.
Il
même
donc nous
faut
poids n'a rien à voir
:
forme
et
exactement
défier des apparences et
ne
pas deviner; une étymologie ne s'improvise pas; dès
qu'on Ta proposée, on
gements de forme
Comment
la
comment
aboutir à
/
—
le
dans pèlerin,
à celle qui [ail
comment
pour percepteur
aboutit à sevrer
(cf.
quoi nous
(cf. p.
les
11),
—
(cf. p.
à -ro-
celie qui fait
p. 16);
en perdant
portent pas l'accent
à
chirurgien
de Jormaticum aboutit
mage par une métathèse comm^^
teur
C'est
premier r de peregrinum a pu
par une dissimilation analogue
du Q chilurgien pour
-or-
chan-
Ede nous explique par
phonétique.
exemple
les
de sens qu'elle suppose.
s'altèrent les sons.
d'abord
aide
et
tenu d'expliquer tous
est
16);
dans fro-
dut
comment
précep-
separare
dtux syllabes qui ne
— commmt me
aboutit
quand on lui donne toute sa valeur (mo/, je dis...)
me {e muet) quand on le traite comm accessoire en
à moi
et à
l'incorporant nu bloc de
i
la
phrase
(cf. p. 19).
Tous
ces
.
88
EVOLUTION DE LA LANGUE
changements s'expliquent;
conditionnés
sont de ceux qu'on appelle
ils
p. 20).
(cf.
Mais reste à savoir pourquoi Va de séparera aboutit à
e,
me
Ve de
tanés
à oi, etc.
20)
(cf. p.
sommes
;
nous ne
me
expliquons pas, mais nous
les
un
est
e
réalisées,
il
la
régularité
nos étymologies soient
long
d'une syllabe; toutes
(ë),
les
est accentué,
il
fois
si
nous ne
fantaisistes.
il
est à la fin
que ces conditions seront
sera représenté en français par oi; effective-
ment: të>toi, të-Iam
devoir-
des changements spon-
tenus d'en démontrer
voulons pas que
L'e de
Ce sont
?
>
së-tam'>
ioiJe,
debë-re>
sole,
.
Dans
nera ou
la
même
position
un û donnera
mUrum, lûnam >- mur,
:
lune,
w,
—
un û donûbi, cûbat^
où, couve...
un système de correspondances phonétiques
latin et le franc lis qui ne vaudrait pas pour
y
Il
entre
a
le
d'autres langues, et dont
téristiques; telle
on peut relever certaines carac-
consonne
est résistante
bien que mal en toute position
chose, trans
> fm);
telle
autre est fragile
tient qu'à Tinitiale {talent'^
amat^
aime)
.
En
tiale, s'altèrent à
Une
{sanum^
tel,
s subsiste
:
sain,
:
^
causam^
ne se main-
mais amatum
>
général les consonnes résistent à
l'intérieur,
tant
disparaissent à la
aimé,
l'ini-
finale.
voyelle couverte par un groupe de consonnes (en
syllabe fermée), se défend assez bien; elle est plus fragile
en syllabe ouverte
< charte,
et s'altère
:
Va se maintient dans cartam
dans carum
< cher,
etc.
GRAMMAIRE HISTORIQUE
Comment
s'altèrent les formes.
89
ne
Il
pas
suffit
encore de connaître tout ce système de correspondances.
Suivons l'histoire du mot « Dieu
pour
taient
la
Terre Sainte au
que nous traduisons par
que « Dieu » vienne de
du
régime
«
Dies
».
de
cri
le
Dies
«
Ce
veut! ».
le sujet
celle
du régime, qui
sert
!
»
n'est pas
mêmes
», car les
Dies était
le volt
Croisés
Q^LÙndeus),
deum). La langue a perdu
(latin
gardé
sujet, et
cas
la
le
Dieu
Dieu
parlaient de « prier
Dieu
«
Les Croisés par-
».
forme
la
pour tous
les
nos substantifs français s'expliquent en général par
:
forme qu'avaient à Taccusatif
les
mots
latins corres-
pondants.
Le
remonter
français voile doit
telam\ pourtant
donner
la
forme
comme
voil
à
uelam
comme
toile
à
dû
Mais nous
latine est vélum, qui aurait
donné poil.
neutre vêla de uelum
pilum
a
savons que
le
comme un
féminin singulier, dont Taccusatit devait être
pluriel
a été traité
uelam.
Le
loriot est « l'oiseau
n'explique pas
P/ de
en ancien français
voyons
d'or
loriot.
loriot
se produire
;
a {aureolus).
On
puis
dans
dans
Une
l'oriot
>
«
un-n-âne
effectivement
que nous
»,
qui,
en arrivent à
par se souder au
loriot.
la
forme d'un mot
ou au moins pour lui donner
moins étrange on entend dire à des illettrés
une
allure
«
Trois Cadéro
le
fini
autre faute consiste à corriger
pour en expliquer
dire
est arrivé ce
dire « le n-âne »; 17 de l'article a
nom
dû
langage des enfants
le
habitués à entendre et à dire
il
a
Mais aureolum
le
sens^
:
» et « la Sainte-Maritaine » parce
qu€
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
90
d'autres
monuments
ou
Sainte-Chapelle
la
«
cinq sets »
«
(=
en angl.
potron-minet
couramment
s'appellent les « Trois Quartiers »
de
;
«
vert »; c'est là ce qu'on appelle
Mais
formule de jeu
altérer la langue; les
on
», et
«
grammairiens ont
derniers à
les
été parfois sou-
mot:
cieux de rappeler par l'orthographe l'origine d'un
sachant que
févre,
que nous avons conservé
propre, vient de fabrum,
semble avoir perdu,
Lefebvre,
mal
ils
lui
comme nom
restituaient
et écrivaient /«î^z^r^; le
orthographe on ne distinguait pas
le
h
qu'il
b
nom
un document où selon
lu sur
»,
dit
pour
au diable-vauTétymologie populaire.
»
gens instruits ne sont pas
les
en
«
en cinq secs
fait «
patron-minet
au diable vert
«
la
on
séries)
devenu
est
)>
»
propre
l'ancienne
v de Vu, donnera
naissance au Lefébure que nous rencontrons aujourd'hui.
Encore, dans ce cas, Tétymologiste
mais quand
le
a
il
donné un J
rapport avec pondus,
à pois (poids)
s'est
il
vu juste;
pour marquer
complètement trompé,
Comme
car pois venait de pensum.
avait-il
le
restaurateur des
oeuvres d'art, l'étymolcgiste a souvent altéré les origi-
naux,
et
compliqué
venus après
la
lui.
Quelquefois on
des reconstitutions
est allé
:
pour
un mot
lui
encore plus loin dans
la voie
pour exprimer une idée nouvelle,
par dessein d'enrichir
fait
tâche des chercheurs qui sont
français
la
en
langue, on a d'un
le
déformant tout
mot
et
latin
juste assez
enlever son air étranger, on a créé une dériva-
tion artificielle
:
c'est ce
que nous appelons rétymoîogie
savante. Quelquefois la déformation
est insensible
:
nocif
\
GRAMMAIRE HISTORIQUE
reproduit
nocivus
donner
pour
chapitre. Qsi
il
;
arrive
l'illusion
qu'elle
d'une
9I
assez notable
soit
normale
dérivation
:
déjà assez loin de capitulum; mais capitidum
lui-mêaie n'aurait pu donner que quelque chose
livré à
comme
un mot savant.
Souvent on ne s'est pas aperçu que le mot latin ainsi
simulare
repris avait déjà donné un dérivé français
avait abouti à sembler {6.o\xh\Qt populaire) quand on en
cheveil
chapitre est encore
;
:
a tiré simuler
manière
:
(doublet savant). Se doublent de
la
août et auguste^ forge ti fabrique, blâme Qi blas-
phème,
hôtel et
phage,
crétin
hôpital, chétif et captif, cercueil et sarc(h
chrétien...
et
et
\
qu'un mot se présente sous
peut
il
trois
même
formes,
arriver
pour peu
une langue congénère un dérivé du
original latin
c'est ainsi que nous avon^,, venant
qu'on emprunte
même
à
;
un mot populaire parole,
doublet savant parabole, ^^ un doublet emprunté
de
même
parabolam
la t.
:
i°
2^
un
à Tes-
pagnol palabre.
La connaissance du
latin est
une cause de perturba-
tion; Tinfluence des langues vivantes peut l'être .aussi.
Le
latin
altum devait donner aut
;
pourquoi écrivons-
nous haut, avec un h qui suffit encore aujourd'hui à
empêcher la liaison? Le voisinage de l'allemand hoch,
même
qui a
sens et
un peu
sans doute pas étranger.
fenum
plénum
— Dans
dû donner fdn,
donné plein ^ Qiplenam
a
les
consonance, n'y est
le
français de Paris,
et auena, aveine,
aurait
et avoine^ c'est
avec
même
y
pleine. Si
nous disons/o/«
que ces mots sont venus de
choses qu'ils désignent,, et
ils
comme
la
campagne
ont apporté avec
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
92
forme
eux leur
emprunts. C'est
champs
-yV
des
réalité
encore que labour a apporté des
phonétique campagnarde {jorem donnait en
sa
français de
chaleur)
ainsi
en
sont
ce
dialectale;
l'Ile
comme
de France -eur,
amour lui-même, qui devrait
dans calorem^
être ï'ameur, est
ime importation du pays des troubadours (en
français
trouveurs) et de leur littérature galante.
Comment
Que
s'altèrent les significations.
d'ac-
cidents et de complications! que d'embûches pour Téty-
mologisteî Et au bout de
toutes ses recherches
une
quand il a poursuivi un mot-protée à travers tous ses changemeats de
forme, et qu'il ne lui reconnaît presque plus rien de son
apparence primitive, il arrive que le sens ait changé avec
surprise lui
la
forme
!
est
souvent réservée
:
L'é.tymologiste doit encore rendre
cette évolution,
en invoquant
les lois
de
la
compte de
sémantique.
Nous savons, par exemple, comment le sens d'un
mot peut s'élargir ou se restreindre (cf. p. 41), ce
qui explique que huile puisse venir du mot qui veut dire
« oUve » (oliuam), et jument du mot qui veut dire « bête
de somme » (iumenîum). Le sens du latin pomum (fruit)
s'est restreint
(^pom^=^ arbre).
en français {pomme)
Souvent
mener vient de minari
^=-
le
sens
Au
:
en roumain
s'affaiblit (cf.
p,
41)
i
menacer (en parlant du conduc-
= pousser)
poison vient de potionem =
teur d'un troupeau
force
et élargi
bout du compte, quand
;
le
quelquefois
il
se ren-
breuvage, etc.
mot
é'volution phonétique et sémantique,
il
a accompli
est
son
entièrement
GRAMMAIRE HISTORiaUE
comme une
renouvelé,
maison qu'on
vieille
d'âge en
bien restaurée
93
si
raccommodant aux
en
âge
aurait
besoins nouveaux que rien ne reste plus ni des matériaux ni du plan
Comment
primitif.
d^ns oie, redempîionem dans rançon^
Que
acrem arborem dans érable}
dans
ce,
de hoc
ille
retrouver aucam
disjej unare d^ins dîner,
reste-t-il
de ecceistum
dans owf ?
Evolution du système morphologique. Mais le mot
perd encore autre chose que sa physionomie et sa signification
dans uent-um,
:
qui indique que
complément
sujet
(-/).
et
ou
{uni),
Or,
du mot, sujette
vent,
mot
le
la
une terminaison
a
y
de
qu'il est pluriel et joue le rôle
de
est
à disparaître
justement
en français
la partie fragile
:
uentum donne
Plus de diff'érence entre
uenti aussi.
donnent
il
est singulier et joue le rôle
la finale
singulier uentus et
l'autre
uent-i^
régime pluriel uentos qui l'un et
le
Plus de différence (au moins dans
ven[t]s.
prononciation) entre chante qui vient de canto,
sonne,
chanîe[s],
chante[nt],
sujet
le
de
cantas,
y^ personnes du
2®
personne,
i^®
per-
chante
singulier et du pluriel.
et
Dans
tous ces cas le français supprime des distinctions utiles,
il
uniformise; ailleurs
plique
le3
que
:
il
en ajoute de gênantes,
la différence
cède
:
com-
entre les masculins d'adjectifs siccum, uiuum, et
féminins correspondants, siccam uiuam,
français
il
n'y avait
il
de Vu du masculin à Va du féminin;
y ajoute un changement de
la
le
consonne qui pré-
sec, sèche; vif, vive...
Voilà bouleversé
le
système des formes
;
il
faudra
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
94
que
le
français réorganise tout cela.
nitivement
le cas
:
respectera
féminin
la
et
noncé,
comme
essentielle
'asculin
vif, et
sec,
du
-^îtra
:
T^ deviendra
comme
e,
autrefois pro-
le
si^ne dufémi-
forme pour
a beau n'avoir qu'une
fera
grand
et
secon-
grande sur
le
modèle
et chaude.
Evolution de
jour où
On
syntaxe.
la
voit par ces
exemples
changements phonétiques intéressent
les
morphologie
Du
régime du plu-
Vs fmal.
consonne appa.
la
deux genres, on
comment
:
que
mais dans ces leux séries de formes
,
grandem
nin, et le latin
de chaud
défi-
distinction nouvelle
au contraire l'addition d'un
daire,
les
le pluriel
distinction dr.
sèche, vive
changement de
le
et le cas
du coup apparaît une
entre le singulier et
Il
abandonnera
distinction des cas, et ne conservera
la
régime du singulier vent
vents
riel
Il
;
ils
dieu
peuvent
même
la
influencer la syntaxe.
a représenté à
la
fois
le
latin
dei
deum (accusatif), rien ne marquait
il
faut être
plus le rôle du mot dans la phrase
prévenu pour savoir que « la Fête-Dieu » Çfesta deî)
(génitif), deo (datif)
:
signifie
((
la
fête de
Dieu
».
C'est par l'addition de la
préposition de que le français
désinence latine
compense
la
perte de la
(-z).
Le jour où dieu en vient même à remplacer la vieille
forme dies du cas sujets (cf. p. 89), la confusion est
encore plus dommageable. La phrase latine « pium
hominem amat deus » ne change pas de sens si nous
« deus amat pium
intervertissons l'ordre des mots
:
i
GRAMMAIRE HISTORiaU::
hom'nem
»
:
l's
tina'
nous indique que deus
Vm^nilq'dtpiuni hominem
des indications que
le
complément
est
français ne
et le
précède
changera
sens
l'homme pieux » ou
Ordre des m )ts
cule
le
dans
l'autre,
est sujet,
direct. Voilà
nous fournit plus
supplée par une convention nouvelle
tantif qui
95
qu'on
y
est sujet le subs-
:
verbe, régime celui qui
sp^* \nt
il
;
«
dit
le
suit,
Dieu aime
L lomme pieux aime Dieu ».
dr.as un cas, emploi d'une partinouveaux procédés
ce sont de
«
syntaxiques.
Grande
l'évolution
perturbatrice,
phonétique n'est
pourtant pas seule responsable des changements gram-
maticaux qui peu à peu donnent à
mie nouvelle. L'historien de
la
la
langue sa physiono-
langue
sans tou-
assiste,
jours pouvoir les expliquer, à toutes sortes de change-
ments morphologiques et syntaxiques
neutre, du passif,' disparition du futur
remplacé par prehendere habeo
nouveau passé
[habeo
latin
> prendrai),
factum >-
passif (cela se dit), extension
disparition
:
ai fait),
du
(prehendam
création d'un
d'un nouveau
d'emploi de l'inhnitif (pa^^r
voir, à faire...), création de suffixes
Facteurs de l'évolution.
On
nouveaux,
peut,
etc., etc.
pour expliquer
ces transformations, faire appel à des lois
proprtment
H iguistiques ou psychologiques; l'analogie, déjà invoquée plusieurs fois, joue ici encore un rôle important la
:
construction de « parier
lui ai
ler »
causé », celle de
dans
:
« je
y.
«
s'étend à « causer » dans « je
se souvenir » à
m'en rappelle
((
rappe-
se
».
4
ÉVOLUTION DH LA LANGUE
96
Mais souvent aussi
c^est à
qu'il fiut avoir recours
:
des explications historiques
mélange de populations
langues par immigration, conquête, relations
mariages
ciales,
;
de
Rôle de
commer-
l'instruction, action de
du journal, delà
livre,
de
influences politiques, prépondérance de-
là capitale, diffusion
du
et
Técole,
littérature...
Le développement d'une
la littérature.
lit-
térature est un facteur des plus importants. Les textes
écrits fixent la langue,
tive, si bien
tion
le
de
p
a des
l'écriture finit par agir sur la prononcia-
gens qui se croient obligés de prononcer
de dompter, parce que nous avons conservé l'habitude
l'écrire
ner à
et
y
il
:
que
donnent aux mots une forme défini-
^
le
;
dans gageure,
son doux
gô; mais
que pour don-
nous empêcher de prononcer gu
et
prononcer
on entend des demi-savants
comme
gageure
geôlier, Ve n'est là
heure
et geôlier
comme
comment
géographe.
Par
ailleurs
nous avons vu
(p.
lettrés,
ont puisé à
source intarissable du latin pour
la
enrichir la langue de
ainsi dispensés
90)
les écrivains, les
mots nouveaux qui
se trouvaient
d'une évolution normale.
•L'influence de la littérature est surtout conservatrice.
Les paroles s'envolent,
parlons
demeurent: nous
comme on
parle autour de nous, mais en écri-
sommes
influencés par des modèles du temps
vant nous
passé,
et les écrits
nous subissons une tradition
langue écrite qu'on doit
la
littéraire.
C'est à la
survivance du passé défini er
de l'imparfait du subjonctif, formes mortes dans
courant.
Même
dans
la
syntaxe on surprend
le
parler
l'effort
con-
GRAMMAIRE HISTORIQUE
servateur des écrivains
«en
vieux français
morte
comme
moins mis
est
à la
Je
la
crois
la
personne qu'on
venue»; V. Hugo
a,
sinon créé^ du
il
parle de
mode un emploi
le
spécial de l'apposition
:
pâtre-promontoire au chapeau de
»...
Histoire du style. Cest surtout par
style
«
:
«
rhydre-peuple,
nuées
quand Cor-
:
une construction désuète, tout
affecte
Faguet quand
lui a dit qui
«
proposition infinitive
la
il
)),
ce sont eux qui ont fait revivre
:
un personnage de Pompée
neille (ait dire à
être
97
que
les écrivains agissent
L'influence de
tions de r
la
école
((
mode,
sur
la
du
langue.
goût du jour,
le
travail
le
les
affecta-
déterminent certaines tendances
»,
de sorte qu'on
générales, qui se modifient, évoluent,
peut suivre d'une époque à l'autre l'histoire du style.
Les chansons de geste ont eu leurs phrases parallèles,
monotones, toutes en propositions principales
sateurs de
la
Renaissance une phrase à
sée d'incidentes,
tiroirs,
;
les
pro-
embarras-
de parenthèses, de subordonnées, qui
tout à coup semble finir pour reprendre encore, péni-
blement raccrochée
ami de
XVII® siècle,
s'équilibre,
se
à
quelque
l'ordre,
mot
organise
insignifiant
;
le
une période qui
développe jusqu'à un point culminant
pour retomber en chute harmonieuse
;
le
xviii^ siècle
détruit cette belle construction, analyse, découpe, cherche
le
trait
.s'était
et
fait
.de choix,
la
formule.
une langue
un
—
Notre
artificielle,
style riche
en
«
littérature
classique
avec un vocabulaire
figures
))
et
en déguise-
ÉVOLUTION DE LA LANGUK
98
ments;
de
la
elle évitait,
disait \e fer
ré:'lité,
cloche...
surtout en poésie, l'expression directe
Fairain pour
Vépée^
la
Les romantiques firent une révolution en appe-
nom
lant les choses par leur
procédés, et crient
les
pour
«
:
ils
:
guerre à
Ce qui n'empêche qu'aujourd'hui
piraît aussi truqué
renient les artifices
que Ta jamais
rhétorique
la
!
)
romantisme nous
le
été le classicisme, el
Nous avons connu de nouveaux pro
aussi vieux-jeu.
cédés, ceux des réalistes qui par réaction ne voient dans
le
mot que la
notation directe de
qui cherchent
la
la
beauté plastique des formes, des
listes qui traduisent idées
a
d'eau...)), des
»
et «
sangloter les jets
impressionnistes, qui poursuivent
évocateur, capable de suggérer sans décrire
cadences
On
))...).
nous
dénaturent
sitions, qui
rent glacier des vols qui
syntaxe
la
sont
futuristes
les
le
sens des mots (
nont
{il
en
(
((
le
mot
aimes
les
a habitués à toutes les transpo
pas fui
pleure dans
train
de
«
pour
»
blancheur des oiseaux sédentaires »)
violence à
symbo
sentiments en images con
font « pleurer Va.utoxr. nu
crêtes,
chose, des parnassiens
et
transpa-
le
:
l'éclatante
mêm
font
mon cœur);
nous
offrir
enfin
de bien
autres audaces.
Fantaisies,
artifices, affectations
de théoriciens, sans
doute, mais qui finissent par créer des habitudes, des
tolérances, et qui font qu'en définitive
tion
du
La
style
vie
comme
une évolution de
du langage. Tout
à coups; le
cela
il
y a une évolu
la lar^gue.
ne
va
progrès du langage n'tst pas
pas
san;
régulier e
GRAMMAIRE HISTORIQUE
99
morphologie, qui Test plus que le vocabulaire
pour moderniser du vieux français, il suffit souvent de traduire mot
pour mot, sans changer la forme des phrases. Le mouvemécanique
la
:
syntaxe est plus stable que
la
:
ment
à certaines
à qiiin:(e
époques se précipite, puis se
de rajeunir
tienne, tandis
siècles,
même
la
ou peu s'en
Nous avons
au terme de l'évolution,
La langue nous
d'abord que, vieillissant avec
la
et
que
l'impression
français va
le
langue, nous n'avons pas
la
marche
:
nous
y a dix ans nous disions
au masculin? D'autant plus que la brièveté
souvenons-nous seulement
»
nous
paraît immobile. C'est
de points de repère pour en apprécier
un auto
faut,
langue que Voltaire.
Et après? où allons- nous?
rester ce qu'il est.
Chré-
texte de son Institution
le
qu'après deux
écrivons aujourd'hui
«
:
ans d'imervalle, d'une édition à l'autre, Calvin
es: oDligé
d'être
ralentit
qu'il
de notre existence ne nous permet pas d'assister
à
de
grands changements. Ce qui n'empêche pas par exemple
que des personnes de notre génération peuvent avoir
entendu leurs grands parents dire
tandis
que leurs père
ploient plus guère
« être », et
et
que
:
je pris,
vins.,.,
je
mère, vivant aujourd'hui, n'em-
les
passés définis
d' «
avoir »
qu'elles-mêmes n'en connaissent plus aucun.
Enfin ce n'est pas en bloc, tout d'une pièce, que
langue
se
et
transforme;
certains points
il
faut
pour remarquer
fixer
la
attentivement
Nous
l'instabilité.
hési-
tons sur la prononciation des consonnes finales, disant
tantôt « lin de plu [s] » et tantôt «
un de plus
suite d'une évolution qui a fait disparaître le
/
»
:
c'est la
de haut,
le
100
ÉVOLUTION DE LA LANGUE
Nous ne savons
Vr de manger...
p de
trop,
faut
prononcer ^w/ dans aiguillon
ou comme dans
osciller,
anguille,
s'il
comme
vaciller.,
prononcer
faut
dans
comme
s'il
dans aiguille
les
deux
comme
ou
ville,
pas trop
/
de
dans
fille, etc.
Hésitation aussi dans
faut-il
faire
le
domaine de
en -ah ou en -aux
Dans quelle mesure avons-nous
adjectifs
en -ahle
:
la
morphologie
le pluriel
la
sortable, mettable...
le droit d'écrire
risquent de bons écrivains
Sur bien des points
a hésitation,
mouvement,
il
y
la
de banal}
faculté de créer des
?
La syntaxe elle-même n'est pas toujours
nous décidément
:
fixée
« préférer
:
que
avons»,
que
?
langue hésite, et
a promesse de
là
changement,
où
il
y
y a
vie du
il
y a une manifestation de cette
langage dont la grammaire historique s'efforce de suivre
il
les étapes.
;
PARENTÉ DES
LANGUES
(GRAMMAIRE COMPARÉE)
En général
:
A. Meillet, Le problème de la parenté des langues (dans
Scientia,
19 14).
Pour
les
langues indo-européennes
:
A. Meillet, Introduction à l'étude comparative des langues
indo-européennes, 4® édition.
Paris,
1915.
K. Brugmann, Abrégé de grammaire comparée des langues
indo-européennes, traduit de l'allemand sous la direction
A.
de A. Meillet et R. Gauthiot. Paris, 1905.
Meillet, Les dialectes indo-européens. Paris,
Reinach, L'origine des Aryens.
S.
Paris,
1908.
1892.
Pour les langues sémitiques et chamitiques
C.
:
Brockelmann, Précis de linguistique sémitique, traduit
W. Marçais et M. Cohen. Paris, 1910.
de l'allemand par
E.
N A VILLE,
L'évolution de la langue égyptienne
gues sémitiques.
Pour
A,
Meiilet,
1918.
Paris,
et les
lan-
1920.
les langues modernes
:
Les langues dans l'Eur&pe moderne.
Paris,.
GRAMMAIRE COMPARÉE
La grammaire historique du
au latin;
c'est
aussi au
nous
français
latin
que nous
fait
remonter
conduirait
la
grammaire historique de l'italien, ou celle de l'espagnol;
chacune de ces langues est du latin diversemem altéré, et
nous reconnaissons assez facilement un mot ancien
aiium dans
filius,
Cest
esp. hijo.
telles
dérivés
les
fils^
grammaire comparée d'observer de
à la
correspondances, qui permettent de conclure à des
parentés
et
de définir des familles de langues.
Ressemblances entre
est
franc,
ital. figlio,
:
un
jeu aussi tentant
les langues.
La comparaison
que Tétymologie. En apprenant
une langue étrangère^ nous sommes amusés de découvrir
les
ressemblances
qu'elle
avec
offre
la
sautent aux yeux pour l'italien et Tespagnol
dent que
iï.
jeune,
même mot;
mais ce
l'anglais young,
d'ordinaire
dans
si
ital.
mot nous
le
du
elles
est évi-
il
un
seul et
trouvons encore dans
dans l'allemand jung, dans
français,
iaouanc,
le
et
breton,
jusque
russe iunei.
Valeur des correspondances.
Il
ne faut pourtant pas
se laisser entraîner inconsidérément
ressemblances.
:
giovane, esp. jôven sont
différent
le lointain
nôtre;
à la poursuite des
PARENTÉ DES LANGUES
104
Elles peuvent être fortuites. Le hasard peut faire
que des combinaisons de sons analogues
dans des langues différentes
entre
rapport
nombre qui vient de numerum
français
le
retrouvent
n'y a pas de
il
:
se
et l'es-
pagnol nombre qui vient de nomine; l'allemand kalt qui
signifie « froid »
«
chaud
latin
mot marna
existe
», et le
papa
signifie «
»
Mais
!
il
et
que
commun
ont même
n'y a rien de
il
:
qui
le latin habere,
en géorgien, où
même
peut
et sens paraissent d'accord sans
ce soit
calidum qui signifie
ressemble au
arriver
cela
il
que forme
prouve quoi que
entre l'allemand haben
signification; les Alle-
appellent Glass et nous glace une vitre de devan-
mands
ture, et le comparatiste
commun
nous prouve
qu'il n'y a rien
de
entre les deux mots, pas plus qu'entre feu et
Feuer. Peut-on im.aginer moins de rapport qu'entre le
grec et Tiroquois qui pour
presque identiques
D'autre part,
fleuve » ont deux
mots
u oquo'is potomacl
changements phonétiques peuvent,
les
indépendante dans deux
un
faire abouiir
lement différentes
le
gvQC potamos,
:
s'exerçant de façon
sœurs,
«
:
le
même mot
à
langues
deux formes radica-
comparatiste nous affirme que
l'anglais do et le français faire sont, par leur origine,
seul et
même
ïussQ pîat et
quatre^ de
main
!
Il
à
méthode.
même
bite Qt
fendre; de mêm.e
le
français cinq, l'allemand vier et le français
même
miel vient
agneau
résolu
le
mot, de
un
voîl Qt plein, keck et vifl et
du
même mot
faut vraiment^
mépriser
les
latin
que
que
le
le
rou-
français
pour s'en convaincre, être bien
apparences
et
avoir foi
en
la
GRAMMAIRE COMPAREE
10^^
Elles peuvent être dues à des emprunts.
commu-
voulons prouver par des correspondances une
nauté d'origine,
il
faudra d'abord distinguer entre les
ressemblances héritées et
a des siècles
que
les
nous
Si
les
ressemblances acquises.
Il
y
grandes nations de l'Europe se déve-
mêmes mouvements
loppent côte à côte, participent aux
de civilisation, sont amenées
à
échanger
les
produits de
communiquer
leur sol et de leur industrie, à se
leurs
usages, leurs idées, et les mots qui les expriment.
Il
s'est
créé ainsi une espèce de vocabulaire européen, qui
fait
que
les
principales langues
mais
prouve des
qui
de civilisation se ressemblent,
rapports
Le comparatiste
emprunts.
parenté.
historiques,
donc d'abord dépister
doit
Souvent l'emprunt se reconnaît
s'est pas
nétique de sa langue
d'adoption
;
choucroute
s'il
est
pris
a
allure
le
mot
encore adapté à
un peu ancien,
une
que
à ce
son aspect étranger, ne
ball^ etc.
non une
a gardé
la
pho-
ainsi jockey, foot-
:
a
il
pu s'acclimater
française,
derrière lui son original Sauerkraut
les.
;
et
laissant
:
loin
faut souvent
il
une connaissance précise de la phonétique historique
d'une langue pour nous déceler l'intrus
si nous ne
:
savions pas pertinemment par
:
latin
plénum, plênam >-
quQ Jënum, auënam devaient donner /«w,
aveine, nous ne soupçonnerions pas que les mots foin,
plein,
pleine,
avoine sont des mots empruntés par
de France
la
plus
à
un
le français
de
l'Ile
dialecte provincial. Aussi est-on obligé à
grande méfiance quand on ne dispose que de
données incomplètes. En présence d'une correspondance
PARENTÉ DES LANGUES
Ï06
de vocabulaire,
est
de
la
premier
le
mouvement du
suspecter.
Correspondances de formes.
de formes
autonome,
un mot. Pourtant,
s'attache,
il
et
avec
arrive
n'a
suffixe
nous
mot, son
le
pas
comme
qu'emporté avec
comme une semence
a popularisé chez
le
Un
ne peut pas se déplacer
et
il
correspondances
le
mot
avec sa tige,
il
Roman
de
sur un sol étranger. Le succès du
aille fructifier
Renard
Les
sont plus probantes.
d'existence
auquel
cornparatiste
Reinhardt germanique,
suffixe, qui a eu en français
tune extraordinaire (Jouvard, busard,
une
for-
têtard, canard, pou-
pard), et nous sert encore aujourd'hui à faire couram-
—
ment des dérivés fêtard, patriotard...
Par un détour
semblable on arrive même à emprunter des désinences
l'allemand nous prend des mots comme Dépôt, Ballon,
avec leur pluriel Dépôts, Ballons un b.au jour 1'^ appa:
:
-^
raît
si
bien
comme
le
signe du pluriel dans certaines
mots qu'aujourd'hui on
catégories de
magne du Nord
=
Jungens
dit
dans TAUe-
les enfants
Hofles Hoffmann. La désinence s'est naturalisée.
manns
Le hasard peut faire aussi qu'un élément de formation
apparaisse en même temps dans deux langues différentes.
:
die
;
die
=
français s'est donné, d'nprès certains adverbes
Le vieux
usuels
trans),
comme
une
adverbes
:
s
mais (de magis)^ plus
adverbiale
guêres,
hasard l'allemand
hestens,
vorwàrts,
qu'il
oncques, ores.
fait
aussi des
abseits,
mais
plus), très (de
étendue
a
Il
.^J
(^àç:
à
d'autres
se trouve
que par
verbes en
c'est
un
s
-s
:
erstens,
de génitif.
IO7
GRAMMAIRE COMPARÉE
comparable
il
ya
rien
là
à celui de
TagSj
Nachls=dQ
jour, de nuit
;
deux développements parallèles, qui ne prouvent
pour
la
parenté du français et de l'allemand.
Les ressemblances générales ne sont pas
les plus pro-
deux langues
très différentes
par ailleurs peuvent se rencontrer dans
l'emploi d'un
bantes; tout
contraire
r.u
procédé général
verbe
«
:
le
;
polonais s'est
un passé avec
fait
avoir » joint au participe, de sorte que par
exemple nosit-em répond exactement
(porté ai).
Ce sont deux
de l'autre.
De
telles
à notre
Une ressemblance de
n'y aurait-il de
la
commun
seule opposition
initiale)
avec
serait assez
le
le
pluriel sut'
la
r=
ils
Titalien
proilli-
sont
{s
est
:
que
(voyelle
initiale),
ce
parenté des deux langues.
Difficultés de la comparaison.
embarrassés dans un cas
nombre
français et le russe
singulier est' =^\\
pour affirmer
les
détail est plus ir>structive
entre
du
Tune
parce que
pensée, et par suite
la
cédés généraux d'expression, ne sont pas en
mité.
fai porté
créations indépendantes
rencontres sont possibles,
manières d'analyser
les
le
comme
Nous ne som.mes
celui
du
pas
français et de
pour trouver des correspondances probantes, parce
que nous pouvons suivre
rhistoi''e des
deux langues
pres-
que sans interruption jusqu'au latin d'où elles dérivent;
quand l'état actuel de la langue nous voile les ressemblances, l'état ancien nous les découvre. Le français ^/70/r
ne ressemble guère à
chedeîr s'en
en
l
italien cadère,
rapproche;
est plus près
:
ce est
mais
le
vieux français
loin de questo, mais cest en
nous poserons
la
correspondance sous
io8
la
PARENTÉ DES LANGUES
forme
ht. ecceistum >•
:
que
C'est ainsi
irai, questo,
vieux franc,
comparatiste est conduit
le
langues sous leur forme
icist^
étudier les
à
plus anciennement attestée,
la
de sorte que ce n'est pas toujours un paradoxe quand
déclare ne pas connaître les langues dont
il
il
l'his-
fait
toire.
Parenté des langues. La rechercha des correspondances n'est pas le tout de la comparaison. Nous avons
vite fait
mun
russe
de reconnaître
entre français
et
tri,
établir
fortuite
que
:
y
qu'il
a
quelque chose de com-
trois, ital. îre,
angl. three^ allem. drei^
nous avons assez d'autres exemples pour
correspondance entre cesUngues n'est pas
la
ir. j'eune^
russe iunei;
—
aurait beau
jeu
ital.
^iovane, angl. young,
neuf^ miovo, new, neii,
d'allonger
la
li>te.
ail.
nove, etc.;
dans
mieux que
cela^
Asie Mineure,
de l'Inde.
les
langues Scandinaves,
nous pourrons
et
jusque dans
Comment
aller
on
Nous trouverons
encore des ressemblances avec ces langues dans
moderne^
jung,
le
grec
breton;
le
en chercher jusqu'en
les parlers
de
la
Perse et
mettre de Tordre dans tout cela?
Toutes ces langues sont parentes, mais
à
quel degré?
Familles de langues. La connaissance de certaines
langues anciennes nous aide à faire
trouvons par exemple dans
le
classement
le latin l'explication
:
nous
des par-
ticularités qui sont propres aux langues romanes (italien, espagnol, français, roumain, etc.). Nous connais-
sons aussi
le
grec ancien,
le
sanskrit, qui
nous expliquent
«j
GRAMMAIRE COMPARÉE
le
passé des dialectes de
Quand nous
la
Grèce
I09
de l'Inde moderne.
et
rencontrerons dans l'anglais, l'allemand,
le
un système de correspondances limitées à ce
groupe, nous supposerons que l'explication s'en trouve
dans un original que nous ne connaissons pas, et que
nous appelons le germanique commun. Au russe, au
danois,
polonais, au serbe, au bulgare, nous reconnaîtrons de
même
un
commun,
ancêtre
celtique expliquera
l'irlandais,
nouaille,
le
des
parenté du
la
ancêtre
breton moderne, de
du pays de Galles
parlers
du gaulois,
Un
slave.
le
Mais tandis que
et
de Cor-
le
grec, le latin,
sanskrit, sont des réalités connues, le
germanique,
etc.
le celtique, le slave, ne sont que des resdtutions fondées
'
sur des systèmes de correspondances
filiations
nous sommes
ainsi
:
pour
établir des
amenés à poser des^intermé-
diaires hypothétiques.
descendants sont apparentés entre eux, leurs
Si les
ascendants doivent l'être plus étroitement encore
longtemps qu'on
langues sœurs
le latin se
de
l'Italie
grec
la
:
a
reconnu que
comme
le
sont
le
le
grec et
:
voici
le latin étaient
français et l'italien. Mais
trouve présenter avec d'autres langues anciennes
des correspondances qui ne s'étendent pas au
parenté
du
latin
avec l'osque et l'ombrien
par exemple est plus étroite que celle du grec avec
latin
:
il
médiaire
faudra pour l'expliquer
que
nous
le
admettre un inter-
appelons l'italique.
L'italique à
son tour présentait des particularités qu'on ne retrouve
que dans les langues celtiques, et qui font que. contre
toute
apparence,
le
latin
est
plus
proche parent du
IIO
PARENTE DKS LANGUES
gaulois OU de l'irlandais que du grec! L'italo-celtique
se
groupe enfin avec
le
germanique,
dans Inquelle
latin r^;ï/wm,
un
s slave.
avec
le
temps avec
forme avec eux une unité nouvelle,
en vitux s^ave sûto; au
grec,
:
même
grec, mais en
slave n'est pas sdmis
le
Le
!atin
et
le
le
cent » ^e dit en
«
:
c laiin {^=^k)
celtique, le geriraniqte
répend
marchent
grec [he]katân, celtique (irlardais) cet...,
tandis qu'auteur du sL^ve se grouperont des langues à s
:
lituanien STJïïitas, sanskrit çatàm, iranien (zend) satdm.
D'après l'opposition du
le
latin et
de l'iranien, on appelle
premier groupe celui des langues centum,
et lui
le
deuxième
des langues satam.
L'unité indo-européenne
aucun classemient
Mais
.
voici
n'est plus possible
:
la
un
eas
<
\i
3'^« persor.'»-
du singulier du verbe « être » était en sr.nskrit àsîi, e
grec ésti^ tn lituanien esii, en slave (vieux ïu^st) jesU,
en latin
cst^
en germanique (gotique)
forme, à peu de chose près,
langues dont
les
ist...
conservée dans des
s'est
depuis
jusqu'à Vladivostock et depuis
1
le
détreit
d'une partie de l'Afrique.
largues nous attribuons un
les
A
cette
ancêtre
Amériques
et
grande famille de
commun,
l'indo-
Allemands appellent indo-germa-
nique), dont on pfcut représenter
:
de Gibraltar
Islande jusqu'à Calcutta,
sans parler de l'envahissement des deux
tableau ci-contre
même
descendants s'étendent aujourd'hui sur
l'Europe et sur l'Asie,
européen (que
La
la
descendance par
le
INDO-ELHOPÉEN
le
gnc uolen
(
I
)<;|.oi|iie
gruupes
classique par
(le
\i.ii
divers
dialerles
1)
est r«iiré»eulé par
3 groupes -de dialectes
:
[onque, ombiien),
représenté
est
tj
til rcprésejilc
jiiiémes n'im^riijttfs,
coltique
le
Ittaliquo
)
Isngue
.
hIeUUt. Les dialectes indo-européens, Paris, 1908;.
italo-celtique
grec
J'v,
(cf. .4.
doiil le plus imporlaiil,
(Jialuclet
le
s'csl
t'ixi'
èolit
vers
la lin
do
gaulois
le
laliniti.
coiinne l:iugue
fS
,
sans presque laisser
de traces.
lilléraire
la
lliipubliquc.
brittonique,
le
lanfîue de la
Cranle-BretagD», qui
survit dans le
bretiin
nie
Du latin vul|;alre
parle duus les dillùreulcs
parties de l'huipiru
sont issues
l-ï
Jej'ivcuil lus ilifl'ér'enla
Jiuleclus du
yrefl
moderne
lu»
langues romane»
lTnn((iis.
rspa<jnol,
roumain,
(1)
/,
/..liiianJ. ari.fiiiiMirP
le
gajliquei
principal repré
senlant,-
Virltmdms
(4),
est utleslé depuis le
viii" siècle.
iiiheii,
(2).
(i)
le
3nl
mudeme (3)
etc.
dialectes indo
pménien
le
gotique
arménien
dont le pi'incipannu nar cl«s
raonumcnl csl utes littéraires
traduction
Hible
df. Ais
le
v* siècle
notre ère,
(lu IV e siècle, encore repréest mort depui-é aujourd'tiui
longtemps.
deux groupes
3
e dialectes.
tokharien
tokharien
le
(1)
représenté
par des textes
antérieurs au x* s.
de notre ère,
récemment découverts dans le
Turkestan
ctiiaois,
particulier dans
en
la région de
Koutcha, d'où le
nom de koiitchéen
donné à l'un des
dialectes attestés.
(1)
A. Meillet, Ca
A. Meilktf Es{2)V. Henry, fV((d'ttne grammaimand, l' édition, Pd'iparée de l'arclassique.
a
19 7,
1
9,
19C3.
(1) A. Meillet, Les
nouTelles langues indo-européennes trouvées en Asie eentra'e
(Revue du
luois,
t.
XIV).
—
Le tokharien (Indogermanisches Jahrbuch,
t.
1).
indo-iranien
vieil
iranien
représenté par
2 langues littéraires
indien
représenté par
2 langues littéraires
védique
sanskrit ''2)
langue des
vieux perse
éooiée^ hindoues,
Mahâbhârata et Kâmàyaaa, et de la
insct'i.diorf<
(t)
igue des livres
sacrés,
Védas,
serrés en partie
ous une forme
les
rès archaïque.
m»yen
(6'-5»
siècle avant
notre ère).
dialecte d'un autre groupie,
Le
indien
etc.
A. Be gaigne et V. Henry, Manuel p»ur
sanscrit védique. Pans, 1890.
V. Henry, Eléments de eanscrit classique.
(lier le
-2)
'is,
lyo;^.
3)
y.
Henry. Précis
dje
grammaire
pâllo.
is, 1904.
4)
J.
Bloch^ La formatiwa
fdthe. Paris, 1920.
de la
iranien
commentaires de l'Avesta,
le
langue
pchivi
Des dialectes iraniens sont parlés
awjiurd'hui en Perse, en Afghanistan, dans
le
\)
moyen
est représente par la languô des
gue de la htlérnfure bouddhique du
ud. et par les prâkriti», d'oti dérivent
erses langues modernes de l'Inde, hin'^4),
tre).
le sogdien,
connu par des textes récemmcnlt
découverts dans le Turk^tïtan ['6).
est représenté par le pâli (3)
doustani, bengali, marathe
de
Darius
Un
(2)
langue des
livres sacrés de
l'Avesui
(religion de Zoroas-
est
ère.
Le
avestique
(1)
langue des
liltérature dite
classique,
postérieure au m*
siècle avant notre
:
(I)
Pamir,
le
Caucase, etc.
A. Meillet, Granimaire
Paris, 1915.
{i) E. Blochi't, Lexique
l'Avesta. Paris, 1901.
du vieux perse.
des
fragmeuts
de
(3) R, Gauthiot, Hissai de grammaire sogdienne (eu «ours d'impression).
GRAMMAIRE COMPAREE
III
Reconstitution de rindo=européen. La grammaire
comparée, en établissant de
pose surtout d'expliquer
tées
elle
;
pro-
telles classifications, se
des correspondances
ne prétend pas reconstituer
les
consta-
intermédiaires
hypothétiques; à plus forte raison ne faut- il pas attendre
d'elle le miracle
de faire revivre devant nous après des
siècles et des millénaires l'indo-européen primitif.
elle
nous donne au moins
La concordance
langue.
verbe
« être
» (cf.
l'idée
de ce qu'a pu être cette
extraordinaire des formes
du
ci-dessus) nous invite à nous repré-
senter une forme indo-européenne
aurait contenu en
Mais
germe toutes les
telle
que
^esii
qui
autres, et qui est riche
en enseignements.
Sa phonétique. Voilà deux consonnes s,
voyelle i, attestées par un accord unanime;
tion de Ve paraît moins sûre, parce que le
et
t,
une
restitu-
la
sanskrit a
sommes pas embarrassés de cet a
nous savons par de nombreux exemples que le sanskrit
représente par a non pas seulement un a ancien, mais
dsti,
mais nous ne
aussi
un
e (latin
:
que =^ sanskrit ca) et
qiwt'=- sanskrit hâtï).
On
même un
o (latin
est arrivé ainsi à recoostiiuer
le
système des voyelles indo-européennes a,o,e^ brèves
et
longues, plus une voyelle de timbre mal déterminé
qu'on
e5t
convenu de représenter par
?,
—
un
sys-
tème très riche de consonnes, qui comprend par
exemple au moins deux séries de gutturales les unes
:
prépalatales
(prononcées en avant du palais
auties postpalatales {k"), représentées dans
la
:
Jî),
ks
classe des
112
PARENTÉ DES LANGUES
sourdes
W;,
k^), des sonores
{Je
g' h. g'^h)
—
;
un système de sonantes qui fait
phonétique indo-européene y, w,
enfin
roriginalité de la
m
r, If n.
0*f
")
:
sont susceptibles de jouer
h
fy
de brèves
des aspirées {lîh,
(g' ^«'), et
de voyelles
le rôle
^0» ^" point qu'elles peuvent avoir valeur
w, f) ou de longues {î, û, r), et porter l'ac"
^y
(i',
cent.
Son vacabulaire. Dans notre
élément de vocabulaire
:
*esti
nous avons un
racine *es-, qui renferme
la
ridée d'existence. Cest généralement sous Taspcct de
racines que nous nous représentons
européen.
Il est
rare
en
effet
permette de reconstituer
un verbe,
conservé
on
slave
le
que
dit
un
là
le
le
vocabulaire indo-
qu'une concordance nous
mot au complet
un
adjectif, ailleurs
ici
:
substantif... qui a
vestige d'un élément indo-européen
:
ainsi
verbe sanskrit budhyate, l'adjectif vieux
le
budrû,
c'est
le
substantif irlandais buide.,. remontent à
une racine indo-européenne *bheud-.
La concordance des formes répond quelquefois
à
une concordance de sens, mais le plus souvent il faut
être prêt à admettre une évolution sémantique considérable
:
le
sanskrit budhyate signifie «
vieux slave
MJru
« éveillé,
de
vif »;
« éveil
buide
«
conscience d'un bienfait,
zend
baoidi^ «
ce
mais
le
«
et c'est
donner
encore
l'éveil,
la
» et le
zend baodah
l'irlandais
reconnaissance
qu'on sent, une odeur
haut allemand biotan
tion, inviter »,
s'évtille
pensée, conscience »,
signifie
la
il
même
»,
attir'ir
le
»,
le
vieux
l'atten-
racine qui se
GRAMMAIRE COMPAKEE
IFJ
retrouve dans l'aliemand moderne ver-hieten
ne... pas, défendre »
Notre
autre chose qu'une racine
le
système de
assez de concordances
:
la
nous donne encore
*esti
désinence
la
pour nous
faire
Le
plus souvent se place entre
joint à
la
pûr-na-h,
forme
racine,
le
le
lei>
thème
deux un
30)
procédé original,
:
il
arrive
laquelle elle entre;
(degré
é)
(degré 6)
dit
procédé de
nous
faire
ir, il
mmr-t,
suffixe qui,
:
le sanskrit
que
la
la
-s.
Enfin, par
un
racine se déforme, se
la
formation dans
racine qui signifie « regarder »
dans
le
grec derk-e-tai =:
dans de-dork-e
dans e-drak-e
—
=
il
il
regarde,
a regardé, *drk
Cest le
alternance vocalique, dont nous pouvons
;^^Vo)
1
racine.
racine *peh-, suffixe
présente à des degrés divers suivant
(degré
la
lituanien pil'na-s,\t latin plè-nu-s... repré-
d*adjectif -no-, désinenccvde nominatif
*dork-
la
de ^esti nous
le cas
(cf. p.
sentent un original indo-européen
est *derk-
tait
une idée de
désinence s'attacher directement à
la
nous
-//
conjugaison, et nous avons
morphologie indo-européenne. Dans
voyons
inviter à
!
Sa morphologie.
entrer dans
«
il
une idée approximative par
il
regarda.
le français
:
mour-
est mor-t.
Le système du verbe indo-européen
est ce qu^il
y
a
de plus étrange pour nos habitudes modernes. Notre'
conjugaison française est essentiellement un tableau des
temps du verbe
parfait,
qu'elle
futur,
:
présent, imparfait, parfait, plus-quc-
futur
antérieur,
et
toutes
les
formes
comprend dérivent en général d'un thème unique
PARENTè DES LANGUES
114
commande
qui
tout
le
système
:
je chant-e^
je chant-ais,
Le verbe indo-européen
comporte des thèmes différents, dont chacun indique
un aspect, et non un temps de l'action un thème *lik"'é'
je chanl-er-ai,
j'ai chant-é, etc.
:
indique une action
un thème
*léîk"'e-
kip-ein := ètTQ
telle quelle
une action qui
en train de
il
fait laisser).
se
développe (grec
un thème
laisser),
une action qui commence
*loîk^-éye- une action qu'on
=
(grec /î/?-^/n= laisser),
(latin li-n-qu-o)\
fait faire
*li-n-k"''
un thème
(sanskrit rec-âya-ti
D'autres formes de thèmes expriment
une action qui se répète, ou qui est accomplie avec
vigueur, ou qui aboutit à son terme (sens du parfait),
ou qui
est
comme
considérée
comme
réelle
(thèmes
d'indicatif),
possible (thèmes d'optatif), etc. Ainsi la conju-
gaison indo-européenne, pour employer
notre grammaire,
est
fondée
sur
les
termes de
distinction
la
des
modes plutôt que sur celle des temps.
Ce que nous appelons la voix n'est encore qu'une
question d'aspect, de
mode de
désinences qui servent
à indiquer,
l'action (ce sont les désinences
qui marquent en outre que
l'action
:
il
sans plus,
actives),
le sujet est
y
a telles
le sujet
telles
de
autres
particulièrement
intéressé au résultat de l'action (ce sont les désinences
moyennes)
et
:
je
me
;
différence par
:
je lave le
mur,
lave les mains...
Sa syntaxe. Avec
logie^
exemple entre
la
nous reconstituons
phonétique
même
syntaxe de l'indo-européen.
et
la
morpho-
sur certains points la
Nous nous rendons compte
GRAMMAIRE COMPARÉE
II5
deux types de phrases, une phrase verbale
nôtre, et une phrase nominale, sans verbe,
qu'il possédait
comme la
comme nous
russe
la
moderne
langues (fr.
:
trouvons encore normalement dans
et
j'arrive
exceptionnellement
personne à
:
la
dans
maison)
;
le
d'autres
qu'il
ne
liait
pas les phrases les unes aux autres, mais les juxtaposait
comme nous
faisons dans
Ainsi voilà que
la
:
«
il
est parti, je crois », etc.
comparaison nous découvre par
delà les siècles et les millénaires une langue mystérieuse,
insoupçonnée des anciens grammairiens, sans
sans écriture,
sans
intermédiaires
eux-mêmes inconnus,
littérature,
de nous par des
histoire, séparée
dont l'évocation
et
explique l'histoire des langues qui se partagent depuis
longtemps
les principales
régions du
Autres familles de langues.
ser plus avant, et d'appliquer la
monde
Il est
civilisé.
tentant de pous-
même méthode
à d'autres
langues. Les linguistes s'y sont effjrcés, sans trouver
nulle part des conditions d'étude aussi favorables que sur
domaine indo-européen mais ils ont dès maintenant
constitué une grammaire comparée de plusieurs autres
grandes familles de langues. Celle dont on a pu le mieux
le
;
suivre l'histoire est
la
famille sémitique.
Famille sémitique.
Un
peuple
parti
semble- t-il
d'Arabie au cours du 2^^ millénaire avant l'ère
tienne envahit l'Assyrie et
langue aux peuples conquis
la
:
Babylonie
et
chré-
impose sa
c'est le vieil-assyrien, la
langue de l'écriture cunéiforme, qui sera déjà une langue
morte au temps d'Alexandre
le
Grand.
ii6
PARENTE DES LANGUES
Une deuxième vat;ue
du
môme
millénaire
le
d'invasion apporte vers
long des côtes de
la
le
milieu
Méditerranée
une autre langue de la môme famille, le cananéen^
dont un représentant, l'hébreu, a eu une fortune extraordinaire
s'est
:
langue morte dès avant Tère chrétienne,
perpétué à
littéraire
la
faveur des textes sacrés
jusque
religieuse
et
modernes. Le commerce
voisin,
dans
comme
langue
synagogues
les
a fait la fortune
d'un dialecte
phénicien, que nous connaissons depuis
le
il
le
x^ siècle avant notre ère, et qui, importé par les colons
Tyriens à Carthage^ a vécu sur
la
côte d'Afrique sous la
forme du punique jusqu'aux environs de
l'ère
chré-
tienne.
Une
troisième invasion sémitique chasse de
potamie vers
d'un
III'
le viii® siècle les
nouveau
dialecte,
Méso-
langues anciennes au profit
l'araméen, qui
grande langue de
siècle la
la
civilisation
sera
vers le
de toute l'Asie
occidentale.
Enfin l'invasion arabe répand sur tout
la
Méditerranée asiatique
sémitique,
du Coran
langue des
et
de
la
et africaine
le
bassin de
une nouvelle langue
vieilles poésies pre-islamiques,
littérature
arabe,
aujourd'hui des dialectes de l'Arabie,
que représentent
de
la
Syrie et
de l'Afrique du Nord.
Famille chamitique. Les langues sémitiques ont été
baptisées du nom de Sem; Japhet a donné le sien aux
langues
indo-européennes,
japhétiques;
Cham
est le
qu'on appelle quelquefois
patron d'uu troisième groupe^
GRAMMAIRE COMPAREE
II7
celui des langues chamitiques. L'égyptien est
importante des langues chamitiques;
par
le
il
plus
la
a été continué
copte, qui a servi de langue religieuse aux chré-
tiens des premiers siècles. Les parlers berbères
de l'Afrique représentent aujourd'hui
la
du Nord
famille chami-
tique.
Sem, Cham,
Ja|;het
ces trois
:
noms symbolisent
manqué d'imaginer
parenté qu'on n'a pas
entre
la
les
trois grandes familles de langues qui voisinent depuis
plusieurs millénaires dans le bassin de la Méditerranée.
Le chamitique semble bien en
à date très ancienne de
parenté
du
la
sémitique
effet
un rameau détaché
souche sémitique; quant
de
et
l'indo-européen,
permet ni de Taffirmer
actuel de la science ne
ni
à la
l'état
de
la
nier.
Familles diverses.
Du
reste
il
faut bien se résoudre
à voir les langues résister à notre besoin d'unification et
de simplification. Voici une autre famille de langues au
domaine indo-européen, la famille
finno-ougrienne, qui comprend des langues éparses
beau milieu
depuis
la
du
Finlande
Danube (hongrois).
dites altaïques,
le
a
Laponie (finnois) jusqu'au
voulu y rattacher hs langues
principal représentant
est
le
une immense famille ouraloaltaïque,
laquelle appartiendraient
l'Asie
•le
la
On
dont
turc, et constituer
à
et
la
septentrionale, tatares,
plupart des langues de
mandchoues, mongoles,
japonais lui-même, et jusqu'aux vieilles langues des
peuples qui ont précédé les Sémites en Assyrie (sumé-
PARENTè DES LANGUES
Il8
rien) et les
On
Aryens dans l'Inde (langues dravidicnnes).
renoncé aujourd hui
a
toute l'étendue du
sommes rcduts
à
ce groupement,
domaine européen
et
et asiatique
sur
nous
langues isolées, sans pou-
à relever des
voir constituer de grandes familles.
Le chinois
n'est pas
parent du japonais, le tibétain est à peu près isolé dans
ses mont:'gnes, les langues caucasiques font
à part,
le
une famille
basque en pleine France se refuse à toute
comparaison, Ténigme de Tétrusque exaspère tous les
chercheurs, qui, après en avoir poursuivi la solution
tantôt
du côté de
vont
ongrien,
oriental de la
entre
les
1
indo-européen tantôt du côté finnochercher aujourd'hui vers
la
le
bassin
Méditerranée, où une parenté apparaît
langues
entrevues
peine
à
des
Lydiens,
Lyciens, Cariens^ Mysiens, et celles des côtes et des
mer Egée. Et d'autres langues surgissent
encore sur les mêmes domaines, que le grec ou le
îles
latin
de
la
ont
détiônées
à
des
dates
diverses
:
hittite^
phrygien en Asie Mineure, ètéocrétois dans TArchipel,
le macédonien aux confins de la Grèce, le Ugure, le
vénète,
le
messapien en
Cependant
la
linguistique
maines, jusqu'aux plus
famille
Italie,
l'ibère
explore
en Espagne...
les
éloignés, reconnaît
autres
do-
une grande
malayo-polynésienne ou austronésienne, qui
par les langues malaises (Malacca, Philippines), polyné-
siennes (Polynésie, Nouvelle Zélande), mélanésiennes
N. O. de TAustraHe), s'étend d'un bout à
l'autre de l'Océan Indien, jusqu'à Madagascar même où
une migration a apporté un dialecte polynésien; en Asie
(îles Fidji,
GRAMMAIRE COMPARER
méridionale
famille bantou, qui
comprend
la
9-'
Mon (Birma-
grande famille des langues
Khmer (Cambodge), Munda
nie),
la
la
1 1
(Inde); en Afrique
plupart des langues
nègres,..; l'étude systématique des langues de l'Amérique est à peine
Où
commencée.
D'immenses champs
s'arrête la comparaison.
de recherche sont ouverts, d'innombrables problèmes se
posent;
la
conquête de Tindo-européen nous
même
temps
insolubles.
Nous
à les aborder, mais elle nous enseigne en
que
plupart sont
la
voyons pendant
leur matériel
luer,
laume
il
a
y
la
reste
le
tout jamais
période historique les langues évose renouveler.
Conquérant
du grec, du
à
a préparés
dans l'albanais
a fraacisé l'anglais;
slave,
du
turc.
de l'indo-européen que
qu'en pourrions-nous
L'invasion de Guil-
tirer
?
A
Supposons
l'anglais
supposer
qu'il
ne
l'albanais;
et
même
que nous
arrivions à déterminer l'ancêtre de chaque famille de
langues,
nous n'en serions guère plus avancés
constituer ai
que
nouveaux groupements. Car
il
pour
s'en faut
tituer
comparaison des descendants permette de reconsexactement l'image de l'ancêtre l'indo-europkn
n'est
pour
la
:
nous
qu'un
encore rep:éseate-t-il
squelette
le cas 1j
de
langage,
et
plus favorable que nous
connaissions, puisqu'il nous est accessible par de
nom-
breuses langues de civilisation, qui ont été de bonne
heure fixées pir
cas,
l'écriture.
Mai> dans
la
plupart des
ou bien nous manquons de témoignages anciens, ou
bien les descendants se sont
si
bien
différenciés
que
120
PARENTÉ DES LANGUES
rhéritage
commun
échappe
que
à notre prise et
la
com-
paraison cesse bientôt, faute d'objets à comparer.
Au
la
reste, le point
comparaison
est
extrême où peut nous faire remonter
encore
au temps écoulé depuis
qu'il
proche de nous par rapport
si
qu'il
y
a des
hommes
ne faudrait pas s'aviser de prendre
les
qui parlent^
langues ainsi
reconstituées pour des langues primitives. Primitives,
Ton
veut,
hommes de
si
en ce sens qu'elles étaient parlées par des
civilisation rudimentaire,
actuelles des nègres d'Afrique, mais
comme
les
non pas en
langues
ce sens
nous donnent une idée des premiers balbutiements de rhomme. Un mot indo-européen est IVdouqu'elles
tissant d'une
longue évolution
plus que ne peut le faire un
sur l'origine
et
mot
ne nous renseigne pas
français d'aujourd'hui
du langage. La grammiire comparée se
borne à constater des
faits et
des correspondances et à les
expliquer par des restitutions hypothétiques. Son ambition pour l'instant ne va pas au delà.
GRANDES LOIS
DU LANGAGE
LES
(GRAMMAIRE GÉNÉRALE)
F.
DE
Saussure,
par Ch. Bally
Cours de linguistique générale, publié
A. Séchehaye. Lausanne, Payot, 1916.
et
A. Meillet, L'état actuel des études de linguistique géné-
—
—
Leçon d'ouverture au Collège de France, 1906.
Linguistique (De la méthode dans les sciences, 2® série,
rale.
Paris,
9^ section).
Linguistique
192
191
1.
historique
et
linguistique
générale.
Paris,
1.
A. Séchehaye,
Programme
théorique. Paris,
et
méthodes de
la
linguistique
1908.
V. Henry, Antinomies linguistiques. Paris, 1896.
A. Dauzat, La philosophie du langage. Paris, 1912.
J. VAN Ginneken, Principes de linguistique psychologique.
Paris,
1907.
J. GilliéroN; Mongin et Roques, Etudes de géographie lin-
guistique.
Paris,
1912.
GRAMMAIRE GÉNÉRALE
La grammaire comparée ne
satisfait
qu'à demi notre
besoin de généralisation tt d'unification.
nous cherchons
diversité dts langues
A
travers la
à saisir l'unité
langage,
ce qu'il peut
y avoir de com.mun dans
moyens
d'expression
d'hommes
m.êmes organes pour traduire une
delà des
grammaires
particulières
qui
disposent
même
du
les
des
pensée; au-
expliquées
par
la
méthode historique et comparative, nous imaginons une
grammaire générale.
<
Unité apparente des langues. Nous avons peine à
nous défendre de voir dans notre langue maternelle une
sorte de type idéal de langue; les gens simples qui ne
que leur propre langue
connaissent
difficilement qu'on
qu
ils
disent.
Même
puisse dire
représentent
se
autrement qu'eux
ce
lorsque nous apprenons des langues
étrangères, le plan des manuels entretient cette illusion
rentrer dans
un cadre
parce qu'il
fait
grammaires
les plus diverses, construisant,
celle
de Tanglais,
modèle
A
ie celle
vrai dire,
de l'allemand ou
du français,
si
et
même
l'on regarde
le
invariable
par exemple,
du russe sur
du grec
détail,
les
et
on
du
le
latin.
n'a
pas
DU LANGAGE
LES GRANDES LOIS
124
de peine à trouver entre des langues
Le slave et le sanskrit
sont rencontrés pour employer comme prétérit un
correspondances
se
très diverses des
participe
mand
sans
et des analogies.
auxiliaire;
français,
le
un
s'accordent pour construire
de Tauxiliaire
«
parallèles, qui
ce
sont
ne prouvent
plus,
avoir
innovations
des
là
comme
indépendante aux
mêmes
les
limité,
ramener
les cataloguer, à les
mêmes
les
hommes
de façon
sur ce que ces procé-
dés, en particulier ceux qidi intéressent
nombre
une
procédés d'expression.
Types de langues. Se fondant
mots^ sont en
du
celles
d'origine,
parenté historique; elles tiennent à ce que
démarches de Tesprit ont conduit
l'alle-
passé avec l'aide
une communauté
précédent,
chapitre
»:
l'anglais,
à
on
la
formation des
appliqué
s'est
à
quelques types essentiels
sur lesquels on a basé une nouvelle classification des
langues, indépendante de
leur parenté et de leurs rap-
ports historiques.
Langues analytiques
développement de
Paul
les livres
français au latin
seule
que
:
<(
la
synthétiques.
phrase française
de Pierre
correspondante
ainsi dire.
la
et
», et
dédit
comparons
;
«
la
il
donné
a
dédit
à
exprime à
elle
Du
»
pour
phrase se ramasse, se tasse
La forme du mot
le
phrase latine
Paulo libros Pétri,
toute
l'action est passée, qu'elle est rapportée à
sujet unique, qui est la personne dont
sonne)
:
Suivons
on parle
ïo de Paulo indique que Paul est
le
(3°^®
un
per-
destina-
;
GRAMMAIRE GÉNÉRALE
de Tetri que Pierre est
1'/
taire,
marque
français
le
12-5
le possesseur,
ce que
de termes de rela-
par Taddition
tion de, à. Par rapport au français, langue analytique,
qui décompose, on dit que
une langue synthé-
le latin est
tique, qui combine.
Mais on
cation
:
=
en
aller
thétique quand
que
valeur de ce principe de classifi-
la
le latin aussi est
urbem
in
exagéré
a
ordonnée, qu'elle
sieurs personnes,
il
dit
:
« ire
syn-
ville », et le français aussi est
exprime par un seul mot
il
l'action est
analytique quand
est
:
«
voyons
»
rapportée à plu-
que ces personnes se groupent avec
celle qui parle...
Du
reste, l''analyse n'est le plus
Quand nous
nous avons
aussi
peu
poser, que le latin
seul
mot
oc
en
disons
dédit ».
souvent qu*apparente.
mots
trois
:
«
il
donné
»,
sentiment d'analyser, de décom-
le
lui-même quand
Toutes
les
il
en
disait
langues sont à
synthétiques et analytiques, mais elles
le
nières différentes, et dans des proportions
De
a
un
la
fois
sont de
ma-
différentes.
sorte qu'on doit recourir à d'autres principes de clas-
sement.
«
Langues
isolantes.
bébé dodo
» signifie
bébé
» signifiera par
Dans
«
le
parler
des
bébé veut dormir
exemple
:
«
le lit
enfants,
», et
de bébé
«(
».
dodo
Seul
changement d'ordre, sans changement de forme,
donne à chacun des mots un rôle et une valeur nouvelle;
dans le premier cas « dodo » est ce que nous appelerions
le
un
verbe, dans le second cas
il
est
un
substantif. Voilà
126
LES GRAN'DES LOIS
LANGAGK
D'J
une image grossière des langues qu'on appelle isolantes
ou radicales, parce que le mo' y est traité comme une
racine isolée,
formation.
laquelle ne se rattnche
à
De
aucun élément de
ce genre est le chinois.
Langues agglutinantes.
C'est le contraire de ce qui
quand par exemple sur un mot
se passe
construisons dormir-a, en-dormir,
s*
<«
dormir
-en-dormir-a
..
»
nous
Cette
façon de coller, d'agglutiner ensemble divers élémcnis
de formation, préfixes, suffixes,
térise les
même
infixes, carac-
langues dites agglutinantes. Ainsi en hon-
homme
grois «
et
se dit enther\ ajoutons ek, suffixe
»
emher-ek signifiera « les
pluriel
:
suffixe
de àzùï-nek sur
ember-ek-nek
Langues
=
le suffixe
aux homm^es
((
hommes
du
pluriel
\
il
n'y a plus
:
collons
un
nous aurons
».
flexionnelles. Comp^ironsi
\a.tm homini-bus
i>\
de
ici
ua
e
m ter-ek-nek\t
suffixe de datif et
un suffixe de pluriel, mais une désinence -bus qui sutht à
marquer à la fois le datif et le pluriel. Langue flexionnelle,
c'est
geables que
dans
la
par
un système de désinences interchan-
latin exprisue
le
le
rôle attribué aux inots
phrase.
Seulement ces divers procédés ne sont pas
uns des autres
;
la
exclusifs les
limite n'est pas toujours facile à tracer
entre une langue flexionnelle et une langue agglutinante.
El du reste ce classement est loin encore de tout explipliq ler
:
mots sur
est
ainsi
le
où
classera-t-on l'arabe, qui construit ses
trilitère,
comme un
groupe de
trois
consonnes qui
squelette du mot, tel que par exemple
!
GRAMMAIRE GENERALE
sur
k.
b.
t.
écrivain »,
on
fera
hiâb
kàtab =r
:
=
un
écrite,
On
Différences irréductibles.
lis
les classifiJations
toutes les
moyen
dans
peut bien distinguer
1
mgues,
ne
elles
peuvent
être
qu'un
un peu d'ordre
humains. Et elles ne
idées et de mettre
les
confusion
la
un
qu'on obtient sont loin d'épuiser
possibilités;
de fixer
«
livre », etc. ?
et détiiiir approximativement quelques types de
m
=
« a écrit », kàtib
il
une chose
«
llj
des
parlers
doivent pas nous faire perdre de
vue
les
différences
profondes^ irréductibles, qui séparent jusqu'aux langues
les
plus étroitement
rub out
l'anglais « to
tant »
apparentées.
Q_uel
français « enlever en frot-
» et le
entre l'allemand « ich habe die Zeit verschlafen »
?
en dormant
et le français « j'ai laissé passer l'heure
O.i
rapport entre
sait
la
difficulté et
d'une langue
à
même
l'autre
» ?
Timpossibilité de réaliser
une traduction exacte; chacun
de nous connaît l'impression de balbutiement étrange
et
puéril
que
Considérons
m iticales
les principes
les
mot-à-mot
généraux,
élémentaires
plus
donsTïVolontiers qu'il n'y
plus
un
produit
nécessaire que la
les
distinction
nombres. Effectivement nous voyons
langues distinguer
voyons aussi
tical
«
die
:
le
genre naturel
nous disons
« le
Bank, der Tisch
persua-
plus naturel et de
des
genres
et
communément
d'après le sexe
les êtres
qu'il n'y a nulle part
nécessaire entre
notions gram-
nous nous
:
rien de
a
juxtalinéaire.
;
des
les
mais nous
de correspondance
^i le
genre gramma-
banc, la table », et l'allemand
»
;
faisant
contradictoirement
LES GRANDES LOIS DU LANGAGE
128
masculins
sexe est
les
féminins des mots pour lecquels l'idée de
et
un non-sens. Bien mieux,
noms
telle
langue classera
suivant un principe tout diffèrent
:
ainsi
le
vieux slave distinguera entre un genre animé (catégorie
des êtres doués de vie), et un genre inanimé.
distinction
élémentaire
celle
du singulier
et
du
A
la
qui nous paraît
pluriel,
suffisante, certaines langues substituent
de l'individu et de
notion du « couple
la
collectivité (cf. p. ex. ce
une confrérie
« lin confrère » est à «
la
et
_
»);
» est essentielle,
et
que
pour d'autres
marquée par
les
désinences du duel; d'autres distingueront en outre
un
triel
(nombre
tissent les êtres
de
la
personne
Les langues bantoues répar-
trois).
en catégories (du couple, de
et
de
la
chose,
de
direction, de la
la
situation, etc.) notées par des affixes divers...
diversité dans le système
du verbe, qui du
langue n'a pas de forme pour
futur,
ou
même
—
le passé,
se désintéresse de ce
Même
reste n'est
S3'stème du
pas toujours tellement distinct du
telle
quantité,
la
nom
ou pour
:
le
que nous appelons
temps pour marquer plutôi les modes, les aspects de
l'action. Mieux encore la notion mê^ne du mot et de la
phrase n'est pas partout la même le chinois ne connaît
les
:
:
guère que des monosyllabes qui s'agglutinent de différentes façons pour former des groupes le groënlandais
;
soude
si
bien
les
éléments de form.uion
qu'il n'y a presque
mot
Il
plus
moyen
les
uns aux autres
de distinguer entre
le
et la phrase...
ne s'ensuit pas qu'on doive s'interdire tout
essai
de
généralisation et de systématisation. Mais tout ce qu'on
GRAMMAIRE GENERALE
dans ce sens,
leut faire
retrouvent,
grammaticales,
qui
ïrande
de détails,
variété
se
29
de noter un petit nombre
de modes d'expression
procédés,
3e
c'est
I
dans
iiverses, et paraissent ainsi avoir
de catégories
et
quoique avec une
les
langues
une valeur
plus
les
universelle,
nais qui ne permettent pas, tant s'en faut, de définir
m schéma,
un prototype
Ebauche d'une grammaire générale. M. A.
Meillet
n° 65,
19 16,
de
Bulletin
la
ain^i
«
:
Toute phrase
those... Si l'on
On peut donc
rement un
est faite
nomme
Ou
choses.
))
exprime
On
les procès, et le «
verbale...
la
prédicat est
le
phrase est verbale
maison
mots qui expriment
ou complexes
vient de la ville.
groupe
est
comme
Le
les
fonction nominale et
Suivant que
a la
exprime
»
les
Pierre dort),
est
neuve
le
»)...
uns par
Le
sujet
comme
dans
notions.
dans
un
(fr.
prédicat peuvent donc être simples
Pierre vient,
—
la
nom
procès...
arrive à tout exprimer en déterminant les
les autres les
le
nommer
énonce quelque chose...
ou nominale (russe dom nov
On
qui est énoncé,
peut convenir de
Toute langue distingue
fonction
pour énoncer quelque
énoncer une chose ou un
procès ou une chose,
et
suscep-
faits
que toute phrase comporte nécessai-
dire
prédicat...
peut
verbe
la
quelques
« prédicat » ce
sujet » ce sur quoi l'on
^(
les
de constituer un embryon de grammaire géné-
tibles
rale
Linguistique,
Société de
résume
135-136)
p.
«
idéal de langue.
grand Pierre
Suivant que l'élément central du
un nom ou un veibe, on distingue
le «
groupe
DU LANGAGE
LES GRANDES LOIS
130
nominal
»
et le
<(
groupe verbal
On
»...
suivre encore un peu celte déduction de
générale; mais on ne peut
heurter
à
la
la
peut pour-
grammain
pousser très loin sans
si
des catégories qui se trouvent seulement dan
certaines langues. Partout on trouvera des adjectifs, ^^^\
partout des compléments,
démonstratifs,
On
peut
mot principal
et le
Mais on ne trouvera pas partout des
en grammaire générale
définir
mot
mais ce
accessoire...,
n'est
des appositions^
articles,..
le
qu'en se plaçant à un
point de vue strictement français qu'on peut analyser
une forme
telle
que
j'ai vu... II
langues un plan unique de
y
pour toutes
a...
de
la théorie
la
les
phrase... Mais
commun..., il faut se
placer au point de vue de chaque langue, si Ton ne veut
aussitôt qu'on est sorti de ce plan
pas risquerdeprésenterlesfaits sous des aspects inexacts
Faut-il donc renoncer à l'idée
générale
?
Sans doute,
s'il
s'agit
même d'une grammaire
de définir un type idéal de
langue auquel on rapporterait routes
lières.
est
Mais
il
y
a
mieux
à faire
hs
les
que
langues particu-
cela.
Si le
l'œuvre de nos organes, de notre pensée,
duit de notre vie en société,
».
on peut
et
langage
un pro-
tenter de reconnaître
nécessités physiologiques, psychologiques, sociales,,
qai s'imposent également à tout sujet parlant et à toute
langue humaine.
Lois générales du langage.
sons
:
chez tous
organes qui
sités
les
les
hommes
domaine
fonctionne ment
Soit
le
le
produisent est soumis aux
physiologiques;
tous les
mêmes
des
des
néces-
enfants anicultni avec
LOIS PHONÉTIQUES
difficulté
les
13 I
d'où partout
sons qu'on leur enseigne,
des lisques analogues d'altérations et d'accidents.
mêmes
les adultes
y a des sons
il
ficiles.
Sans doute
pas les
mêmes peur tous
des sons
faciles et
ne sont
difficultés d'articulation
les sujets parlants
exemple
par
:
dif-
nous Français un tour de force de prononcer
c'est
pî^ur
le th
anglais ou
Anglais
les
Pour
et
jery russe;
le
et c'en
un pour
est
Russes de prononcer notre w;
les
il
les
faut
bien distinguer entre ce qui est dilficulté réelle, inhé-
rente à
manque
dano
un fait constant on voit
langues un /se transformer en h {Unn fiîium >
d'habitude. Mais voici
les
espagnol
c'tst
le
nature de nos organes, et ce qui n'est que
la
et
hijo),
jamais
:
transformation
la
qu'en articulant nous appliquons inconsciemment
principe du moindre eiîort
quand on produit un
:
coaffle,
faut
il
un
effort notable^
pour tenir
la
rieure serrée contre les dents d'en haut; or
sion se relâche,
h.
da'un
le
individu,
double acviient
pointe de
la
:
lèvre infési
la
pres-
bruit de soulfte s'affaiblit et le/devient
quel
quM
soit,
cer un groupe de consonnes ns
la
inverse;
au
moment
:
le
essaye de
voilà exposé à
d'ariiculer Vs
langue appuyée contre
dents d'en haut dans
la
pronon-
les
un
nous avons
alvéoles des
position de n; pour livrer pas-
nous
écartons brusquement la langue; mais c'est là le mouvement d'articulation d'une dentale nous entendons un
léger d entre Vn et ù. Ce n'est pas tout pour prononcer
w, qui est une sonore (cf. p. 12) notre glotte entre en
sage à
l'air
qui doit produire
le
siifîement de
s,
:
:
vibration
;
la
vibration ne cesse pas pendant l'articulation
LES GRANDES LOIS DU LANGAGE
132
du
une sonore
d, qui est aussi
pour
;
longe jusqu'à Tarticulation de
l'i,
sonore, et nous entendons un
u
pc
qu'elle se pro-
Vs ellc-mêcne devient
devenu ndz-
ns est
;(;
A
moins qu'au contraire nous ne préparions déjà en prononçant \e d l'articulation de Ys; alors les vibrations
cessent trop vite,
Il
d
le
s'assourdir_, et
a tantôt paresse de
y
nous entendons
nos organes qui n'abandonnent
pas assez vite une position prise,
phonétique qui
loi
phonèmes
à s'ouvrir
:
le
de
/>
(cf.
un
fait
10),
p.
une
saponem subsiste
lat.
le
provençal
encore tn devenant spirante, dans
savon. Voilà
principe
le
que entre deux voyelles,
mais s'ouvre dans
l'italien sapone,
plus
et
C'est
très ouverts par définition
consonne tend
dans
fait
empressement
et tantôt
excessif à en prendre une nouvelle.
d une
nts.
i'û^Z'i?,
français
le
de phonétique générale.
Nous avons vu au
chapitre de la phonétique d'autres
causes d'altération qui peuvent s'exercer sur toutes les
langues
geons
mot
gée
ficie
:
l'allure
» les
du débit (en parlant
sons et
accessoire est
bien
:
devenant
les syllabes),
exposé
à
bin, tandis
—
la
vite
nous
valeur des
«
man-
mots (un
une prononciation négliqu'un mot en
d'une prononciation emphatique
:
relief
béné-
h aspirée violem-
—
l'influence de l'accent
ment dans « c'est un héros »),
d intensité qui fait ressortir une syllabe aux dépens des
voisines,
un certain besoin de rythmer le débit en tgalisant des groupes de syllabes ou de mots (nous donnons
!
—
sensiblement
rie »
,
la
même
durée à
« pâté,
quittes à réduire la durée de
<jue le
mot
s'allonge),
chaque syllabe
— peut-être
pâtisse-
pâtissier,
aussi
à
mesure
une tendance à
LOIS PHONETiaUES
rharmonie ou plutôt
à
135
Feuphonie, qui nous
fiit éviter
certaines rencontres de sons, etc.
Régularité des
Tout
phonétiques.
lois
ne
cela
fait
pas que nous puissions prévoir et prédéterminer les alté-
mais ces causes
rations phonétiques,
insoupçonnées s'exercent de
telle
et d'autres causes
façon que les altéra-
tions se produisent avec régularité.
Par exemple quand
un type d'articulation est atteint par un changement, tous
les phonèmes du même type subissent tôt ou tard un
changement parallèle -.p, t, k, forment un système, celui
des occlusives sourdes; le jour où nous voyons Tune
exemple passer
d'elles s'altérer (par
à la
sonore en posi-
même
tion iatervocalique), les deux autres suivent le
chemin
:
donnera
si
ripam donne riba en provençal,
latin
seda^ pacat
Autre nécessité
un accident
:
donnera paga.
où p passe à b^ ce n'est pas
changement se fera sur un domaine
isolé; le
sées. C'est là
L'idée de «
lité,
a de
instables,
que
le
où
les cas
une
jour
le
déterminé chez tous
dans tous
setatft
individus, sans exception,
les
les
loi
mêmes
conditions seront réali-
phonétique.
loi » c'est-à-dire
de nécessité, d'universa-
quoi surprendre dans ce domaine des sons,
si
variés,
caprice,
si
mal
définis. Il arrive bien,
l'affectation,
ments accidentels
:
les
en
si
effet,
déterminent des change-
Incroyables du Directoire se dis-
tinguaient par une façon d'avaler les
Pa'is, Incroyables »;
et
mais ce
n'était
duré ce que durèrent leurs chapeaux
r,
en disant
«
h '0/,
qu'une mode qui a
et leurs
cannes.
Au
^
134
GRANDi-S LOIS DU LANGAGE
LliS
contraire, lors.-^uedans
sonne
s'en rende
meilleur avec
comme
/
tel village
de Savoie, sans que per-
compte, on cesse un beau jcur de dire
mouillée
(cf.
12) pour prononcer méyeur
conmiune
payeur^ c'est une altération
les sujets parlants
sans exception.
de
même
la
Quand
tous
à
région, et définitive, et
y a des exceptions, elles ne sont
qu'apparentes. Parexemple un fermé latin, accentué, en
il
syllibe ouverte, aboutit en français à en
cantatôrem
prôhas
> chanteur.
a-t-il
donné
.
.
[tu]
C'est que, prohàlis ayant
:
flôrem
>
'
fleur
Poui-quoi alors, demandera-t-on,
prouves et
non pjs
donné [vous]
[tu] preuves'^
prouvez^ (régulière-
ment, car Yo non accentué devait donner ou), on a
ret.iit [tu]
torem
prouves sur [vous] prouve^.
> troubadour
au provençal, qui,
question par ou.
?
C'est
lui,
—
— Pourquoi
troba-
un mot étranger, emprunté
représente normalement Va en
^o\iï(\\io\ tôt uîn> tout}
ioîum avait pris en latin
la
C
est
que
forme tottum (attestée par
où 0, se trouvant en position fermée
(devant tt) devait donner ou.
Exceptions ? Non, mais
application d'autres lois. Un corps abandonné dans l'espace doit tomber selon la verticale, ce qui n'empêche
Titalien tutto),
—
une
pas
feuille
de papier de glisser en zigzags,
ballon de s'élever. Dans
dans
d
la.
nature,
autres lois.
une
loi
l'histoire
du langage^
ne va pas sans
L'exception à une
loi
se
un
comme
hcuner à
phonétique n'est
exception que tant qu on n'a pas découvert
loi
et
la
nouvelle
qui l'explique.
En
tout cas
muler des
il
faut déjà bien des précautions pour for-
lois générales
quand on
n'a à
compter qu'avec
LO:S PSYCHOLCGIdUES
Iles
sons, qui relèvent du
I35
domaine des sciences exactes
physique, pliysiologie. La tâche sera bien plus
si
nous entrons dans
monde
le
où règne en souveraine
des mots
et
:
difficile
des phrases,
capricieuse, tantôt
subtile
et
tantôt inconsciente, la déconcertante pensée huniciine.
Rôle des
élémentaires de Tesprit. En
lois
que
qu'il faut svant tout se représenter, c'est
lion et
développement du langage
le
psychologie,
et
non
est
de langue, à invoquer
n'avons pas à juger
forma-
afîaire
te
habitue, pour expliquer les faiis
la
raison
les
si
;
mais en parlant nous
formes,
cqnstrucîiors
les
nous obéis-
que nous employons, sont raisonnables
sons simplement, inconscien ment, aux
;
taires qui régissent Tactivité
lois
élémen-
de notre esprit. Cest ainsi
plupart des changements de forme, de significa-
la
de construction, s'expliquent par
tion,
la
ce
pas afîiùre de logique. L'enseigne-
ment grammatical nous
que
effet,
l'analogie, qui est
un
le
processus de
cas particulier de la loi de Tasso-
ciation des idées.
L^association des idées et l'analogie. C'est par une
démarche en
trional, fait
somme
illogique qu'à
correctement sur'
un
septentrion,
un pendant méridional, que ne
faisait
nous donnons
pas attendre méri-
C'est par ce,qu'on appelle quelquefois
dien.
analogie, par une' extension abusive,
lait-ier,
tirons
tier,
adjectif septen-
sabot-ier,
un
où
où
le
t
appartient à
une fausse
que de
la
fruit-ier,
racine,
nous
suffixe -tier qui servira à faire clou-fier, Jerhlan-
le
t
n'a
que
faire.
I3é
Il
DU LANGAGE
LLS GRANDIiS LOIS
non plus
n'y a guère de logique
plume
à
(l'acier^
parler d'une
à
appeler hôte tantôt celui qui reçoit
tôt celui qui est reçu, à tirer
mcme mot
d'un
et tan-
|
latin disieîu-
nare deux mots de sens aussi nettement différents que
que
déjeûner et dîner. C'est
loi
de l'association d^s
domaine de la sémantique. C'est
par exemple que des langues très différentes
idées régit aussi
elle qui fera
le
de procédés analogues pour exprimer les
se serviront
mêmes
la
idées
:
pour rendre
de
l'idée
français, l'anglais, l'allemand, sans
recours à l'idée de
nuit
la
franc
:
soir », le
prendre modèle l'un
mais par une démarche
sur l'autre,
ce
«
is
auront
parallèle,
(dialectal) a-neu,
angl. tonight, allem. (bavarois) hein t (pz v'iqux haut
hî-naht)
de
l'idée
;
généralement par
demain
«
»
non moins
se rendra
du matin
l'idée
de-main
fr.
:
ail.
(lat.
de-mane)^ angl. to-morrow^ allem. morgen, russe :(a-vtra...
Regardons
syntaxe
la
:
qu'y
a-t-il
de logique à dire,
en employant deux auxiliaires différents dans
fonction
:
«
cassé son bâton » et «
il ât
bras »? ou à employer au contraire
pour
auxiliaire «
être
sitif (je suis
venu), 2^ pour
(je
me
(je suis
»
suis coupé),
soigné par
i°
3'^
le
tions
:
« je rn
qui
décide
le
pour
le
cassé le
s'est
un seul
même
et
même
passé d'un verbe intranpassé d'un verbe transitif
présent d'un verbe
passif*!
docteur X...), sans parler de la]
construction attributive «
l'analogie
le
il
la
:
je
étant
fai coupé » et « je
ai coupé » ou « je me
«
logique, mais par analogie,
suis
donné
suis
suis
»?
perdu
deux
coupé
coupé
le .^rançais
»,
» ?
Ici cest^
construcdira-t-on
:']
Sans raison'
vulgaire admet
la'j
LOIS PSYCHOLOGIQUES
preirièrci construction,
137
écrit a
et le français
adopté la
seconde.
phrase?
la
logique non plus n'a rien à y voir.
plus normal,
comme
comme
mots dans
l'agencement des
de régler
S'agit-il
raisonnable,
plus
en français, entre
en
latin,
le
de mettre
sujet
et
le
verbe,
ou,
régime,
le
aucun ordre
ce qu'on peut faire, c'est de suivre
la
n'est pas
après l'un et l'autre, que de préférer
autre ordre, ou de n adopter
marche de
Il
pensée
:
et
nous présentons
défini.
de
la
Tout
définir
les faits
un
de
la
la
façon qui convient à notre état d'esprit, à celui de notre
interlocuteur, aux circonstances; tantôt dans Tordre
ils
où
se sont produits, tantôt selon leur ordre d'importance
en général, nous prenons
sait
comme
le sujet
l'interlocuteur,
point de départ ce que
psychologique,
venir à ce que nous voulons lui apprendre, le
psychologique.
qui joue
La
loi
le
Ici
;
pour en
prédicat
encore, c'est l'association des idées
rôle principal, et
non pas
raisonnement.
le
de Thabitude. Toute une catégorie impor-
une autre
tante de faits de langue s'expliquent par
loi
élémentaire de notre esprit, celle de l'habitude.
Nous prenons garde à un mot rare, comme « sourdre,
mièvre, humer » en parlant, nous le mettons en relief;
;
nous en soulignons
nous glissons sur
les
tant dans le discours
Au
valeur expressive.
la
mots
:
qui. reviennent à
dire,
«
conjonctions, prépositions
:
« je,
pour... »; nous nous habituons
faire »,
nous,
si
chaque ins-
les
il,
contraire^
pronoms,
en, que, de,
bien à les entendre
IjS
LHS GRANDES LOIS DU LANGAGE
qu'ils
finissent
dégradent,
ils
par passer inaperçus,
sont exposés à perdre à
ils
s'usent,
mots accessoires
bien prononcé bin, n
sans
c final
dans
dites
pas ^^
est-ce
donc
(cf. p.
s' pas j
s
leur forme,
la fois
leur sens, et leur fonction. C'est en phonétique
cipe de l'usure des
ils
prin-
le
19 et 87)
:
prononcé
J(7«c
!
Mais avec leur consonance ces mots d'usage courant
sont exposés
fication
à
perdre aus
une partie de leur
qu'un remplissage dans
n'est
n'exprime plus
signi-
plus qu'une valeur concessive, s^pas
bin n'a
:
i
conséquence,
la
conversation,
la
don[c]
Et ces altérations
etc.
de sens conduisent à un renouvellement du vocabulaire.
Enfin, en perdant son sens,
veux
le
Ainsi dans
sa fonction.
aussi
voir, je
verbe
«
veux
lui parler,
et
veut pleuvoir,
a pris
«
il
tour fréquent
si
il
veut venir vous voir »,
veut tonner ». Voilà que
il
n'est
;
tout
comme
«
« avoir » a suivi le
même
tical
«
chemin dans «
il a [à] donner
ce dernier cas l'évolution
devenu simple clément de
passage d'un
est
la
il
:
vouloir
))
verb
>:
» (cf. p. 85).
achevée
d'outil
grammaticalisation
le
donner-a
formation;
mot autonome au rang
qu'on appelle
notion
plus qu'un auxiliaire qui sert a
qui n'est autre chose que
est
la
« aller » dans]
former un futur proche. Nous savons que
Dans
je
bien qu'on entend dire parfois
une fonction nouvelle
va venir »,
«
ne sert à peu près qu'à annoncer une
action imminente,
il
le
mot perd souvent
vouloir » ne renferme plus guère
d'une volonté,
«
il
le
le
;
motl
c'est
c
grammi
(cf. p.
33).
LOIS SOCIOLOGIQUES
Action de
la vie
d'observer dans
la
en société. Mais ce
qu'une construction de
la
l'esprit.
a
voulu qu'elle
parole, autre chose
Chacun de nous
soit. Elle n'est
oeuvre, elle est un bien héréditaire, un bien
un produit
et elle est
social,
conditions de
la vie
soumise
en société.
est autre
employée par
sa naissance la trouve toute faite,
que Fusage
La langue
nos organes
chose qu'un jeu des organes de
telle
n'est pas assez
formation du langage l'action de notre
pensée ou celle de
aussi
I39
Il
comme
i
d'autres,
pas notre
commun,
telle
aux
en résuhe pour toutes
langues certaines conditions de développement com-
les
munes qu'on peut encore
Tendance à
langue est
tenter de définir.
langues communes. La
essentiellement un instrument de corresponl'unification
:
dance^ qui sert aux échanges d'idées de
que
la
monnaie,
les
elle
domaine où
même
façon
poids et les mesures servent aux
échanges commerciaux;
mesures,
la
comme
le
système des poids
et
tend à s'unifier sur toute l'étendue d'un
les
hommes
sont en relations régulières-
Voyages, mariages, commerce, administration, colonisation, tous les événements de la vie sociale ou politique
élargissent ce domaine.
de
se faire
l'autorité,
En même temps que
comprendre,
le
agit la
la
nécessité
tendance à l'imitation
prestige de ceux qui s'imposent par leur
situation, leur naissance, leur éducation, le souci de
pas paraître trop « de son village »,
bourg,
:
la petite ville, le
la
ne
manie de copier
le
chef-lieu, la capitale, tout cela
contribue à fixer et à répandre une langue-modèle
;
les
LES GRANDES LOIS DU LANGAGE
140
communiquent
habitudes de langage se
comme
les
façon de
langue
à
un
comme
idées et les préjugés,
s'iiabiller
commune ou
toutes
la
mode
koinê (nom appliqué par
Le
aspect de leur propre Lingue).
l'allemand,
s'imposent
grandes
les
la
et
qu'on appelle une:
se crée ce
ainsi
-,
et
les
Grecs
français, Tanglais,
lEurope
langues de
moderne sont des langues communes, dont chacune s'est
développée
à la faveur des
pour noyau
français a
du domaine royal
dans
les
riches
répandu à
la
la
de
la
Réforme;
en Sibérie, parce
sation,
qu'il
est la
tandis que le turc, au sein
ottoman, a peine à concurrencer
le
l'Est,
russe
formé
s'est
gagne
Caucase, en Aiie cen-
le
y
le
:
de France,
capitale; l'allemand,
aujourd'hui vers l'Orient, dans
trale,
l'Ile
de colonisation de
pays
faveur
langue de
la
de
et
progrès d'une civiUsation
le
langue de
même
la civili-
de l'Empire
grec, l'arabe, l'armé-
nien, langues qui portent avec elles toute une culture.
Uanité de langue répond approximativement à
l'unité de
civilisation.
Mais où va
lisation
s'arrêter l'unification? car l'unité
dépasse
les
frontières
des
nations.
de civi11
y
a,
par exemple, aujourd'hui, une civilisation européenne,
née
dun
tés,
fondée sur
développement
la
parallèle des grandes nationaU-
diffusion
de
la
science, des
idées,
sur les progrès de l'instruction, de la culture générale,
des communications.
Eh
bien,
il
tend à se former effec-
tivement une espèce de langue européenne, dont
éléments sont d'abord
les
emprunts.
les
LOIS SOCIOLOGiaUES
14!
Rôle de l'emprunt. Quelquefois l'emprunt
misse,
par suite
conquête
:
d'immigration,
l'anglais
si
se fait
de colonisation,
ressemble tant au français,
en
de
c'est
que les Normands de Guillaume le Conquérant ont
imposé leur langue en Angleterre. Dans ce cas la
substitution a été partielle.
totale
:
le latin
arrive
Il
n'a à peu près rien
gaulois sur notre sol.
Il
même
peut
qu'elle soit
aussi
laissé subsister
du
que ce
soit
arriver
b
peuple conquis qui impose sa langue au conquérant
le
grec a tué
une
le
macédonien, parce
qu'il portait
:
avec lui
civilisation supérieure.
communément, l'emprunt
Plus
une sorte
de pénétration lente.
se fait en détail, par
On
emprunte
langue étrangère des termes de science,
d'industrie, des
d'objets
noms d'animaux, de
d'art,
une
à
de sport,
plantes, de fruits,
manufacturés, de jeux, ce qu'on appelle des
termes de civilisation
;
quelquefois aussi
les
mots qui
désignent des qualités typiques^ des sentiments et des
notions caractéristiques d'un pays (le confort et Thumour
en général cependant plus
anglais, le farniente italien),
que des termes
volontiers des termes concrets
Le goût de l'emprunt tourne
abstraits.
parfois à la mnnie, et
on
en arrive parfois à parler véritablement anglais en français (« ni
dandy
de son home
kokettierte
Hotels
))).
»)
ni sportsman,
ou
français
il
aime surtout
le confort
en allemand (« die
Dame
mit de m Militàr- Attaché auf der Terrasse des
O.r n'emprunte guère
des procédés
un détour
de mots à suffixe
ticaux, des éléments de formation, sauf par
par exemple on accueille
une
série
gramma:
I
LES GRANDES LOIS DU LA KG ACE
142
typique {aubade, sérénade, empruntes
1
à l'espagnol),
et
on en tire des tormations analogiques qui feraient croire
à un emprunt de suffixe
fanfaronnade, dégringolade.
On n'emprunte pas dans le domaine de la syntaxe
:
:
l'habitude de désigner à l'anglaise certains établissements
tels
que
Park-Hotel, Luna-Park, Elysée-Palace, conc'uit
:
à fabriquer en français des titres analogues,
où
qu'on emprunte un procédé de construction
nasse-Cinéma.
Mais ce
qu'un
n'est là
:
il
semble
Montpar-
accident,
sans
portée générale.
En revanche, on trouve en
assez grand
nombre dans
des langues voisines des manières de s'exprimer, des
types de phrase, des procédés, qui ont Tair calqués les
uns sur
les
autres
:
un journaliste allemand
Herren an der Macht
« les
hommes
cour
))
machen
tismes.
comme
»
au pouvoir
A
».
répondent exactement
»
;
ce sont pourtant
Pour exprimer
là
l'idée
a
écrit « die
son confrère français
«
prendre feu, faire
la
Feuer fangen, den Hof
ce qu'on appelle des idio-
de
langues ont recours àTexpression
«
traduire », plusieurs
passer
»
(allem.
ûher-setxçn^ angl. trans-late, russe pere-vadit)^ qui
répond
« faire
précisément au latin tra-ducere. Les mots ont beau être
différents, l'expression est la
même.
Il
y
a là
un
parallé-
communauté de procédés, qui trahit une anade pensée et une communauté de civilisation.
lisme, une
logie
Limites de Tunificatian.
Faut-il conclure de ces faits
qu'une communauté linguistique peut s'étendre indéfi-
niment, que par exemple
il
pourrait s'établir
une langue
LOIS sociOLoraQ.UEs
Une
faut distinguer.
artificielle,
temps
même
européenne ou
internationale
théoriquement n'a pas de limites
On
par
latin, fixé
vingt siècles
a
conservé
le
le latin
liturgie, est
la
grec ancien et
se sert de l'arabe littéral, le
? Ici
il
littéraire,
ni
dans
le
de Cicéron.
encore après
langue de TÉglise catholique;
la
143
publie encore en tous pays
des ouvrages scientifiques écrits dans
orthodoxe
universelle
langue écrite, une langue
ni dans l'espace.
Le même
.
le
bouddhisme
l'Église
slavon, l'Islam
a gardé le pâli...
Mais toutes ces langues privilégiées doivent leur extraordinaire
survie
et
leur universalité
à
ce
que d'autres
langues ont pris leur place dans l'usage courant, ont
vécu
à leur place.
parle, est
Une
condamnée
Tendance à
langue qui
vit,
une langue qu'on
à s'altérer et à se diversifier.
la différenciation. L'enfant qui
apprend
langue maternelle reproduit aussi exactement que
sa
possible le parler de ceux qui l'entourent, mais l'imita-
tion ne peut pas être parfaite
entre
le parler
de
la
il
ces différences soient les
d'une génération ou sur tout
Puis,
chez
tous
intervient des différences
nouvelle génération et celui de
génération précédente, et
que
il
:
les
la
n'y a aucune raison pour
mêmes
le
chez tous
domaine d'un
sujets
parlants
les
enfanis
parler.
agissent
les
causes d'altératloa qui ont été définies au cours des chapitres précédents
:
sens, formes, significations, emplois,
toute cette construction fragile et instable de la langue
est livrée à l'action des lois physiques,
psychologique^, sociologiques.
Il
physiologiques,
n'y a pas deux individus
LES GRANDES LOIS DU LANGAGE
I-I4
parlant
la
menu
langue qui
mê:ne minière. Seul
le
le
la
parlent exactement de
la
besoin de se faire comprendre et
souci d'être correct, de ne pas se signaler, conduit Its
gens qui se fréquentent
Mais ce processus
à
adopter
le
mêm*;; langage.
même
que nous avons vu conduire à
Tunificaiion peut conduire aussi à la différentirtion
il
;
suffit
pour cela qu'un obstacle se présente. Cet obstacle,
c'est l'existence
de groupes sociaux.
même
Les parlers spéciaux. Les individus a'une
classe sociale, Its ouvriers d'ua atelier, les élèves d'une
école, les
membres d'une
association, les gens qui ont à
êmes chosts, sont conduits natuadopter une façon de parler qui réponde à
parler entre eux des n
fs^îllement à
leurs besoins;
abrégées;
ils
emploient des expressions convenues,
volontiers d'ê:re incompris hors
affectent
ils
de [leur entourage, de
marque
faire
de leur langage
originale. C'est ainsi
spéciaux, de
l'atelier,
de
Tassommolr, ks jargons,
que
comme une
se créent les parlers
l'usine, de l'école,
de
la
rue, de
les argots...
Les parlers lacaux. Indépendamment des groupes
sociaux,
la
répartition
de
la
population
en
villages,
en régions, crée aussi un obstacle à l'expansion
d'un parler. Supposons deux familles d'un même village
transportées dans deux îies désertes et y faisant souche
ne faudra pas beaucoup de générations pour que
il
en
villes,
:
comimune aboutisse
Dans ks conditions de la
deux
dialectes diffé-
leur langue
à
rents.
vie normile, c'est
une
LOIS SOCIOLOGIQUES
chaîne de montagnes,
I45
cours d'un fleuve, une sépara-
le
tion politique, administrative, qui créera la coupure et
déterminera
patois...
La
formation de parlers locaux, dialectes,
la
une
différenciation
diverses viennent l'accentuer, dont
pri:
de clocher, qui conduit à
sions,
les
tournures des
moins rapide
:
obtenue, des causes
fois
la
principale est
Taccent,
railler
étrangers.
Elle
dans un groupe res:rtint
la
expres-
les
est
l'es-
pli^s
ou
langue se
tranbforme plus vite que dans une large communauté;
les
innovations en ont vite
qu'un
pour
minimum
fait le
de résistance
tour et ne rencontrent
c'a été le cas sans
;
doute
plupart des langues à date ancienne, car plus on
la
remonte dans Thistoire de Thumanité, plus on trouve
les
populations morcelées en peuplades^ en tribus.
dialecte
nettement
exemple un parltr de
isolé, par
Un
la
haute montagne;, se développe plus régulièrement, plus
normalement^ se conserve plus
de
la
pbine
frontières^
que
et surtout
«
»
les parlers
qu'un parler
des provinces
des marches, qui sont contaminés
parlers voisins.
Du
reste
s'établit
il
concurrence entre parlers contigus
ville,
pur
d'une province à
l'autre,
des actions réciproques
;
;
par
les
normalement une
les relations
d'qnç
déterminent des empruntr,
pour peu que l'une des popula-
tions voisines soit plus influente, plus puissante, possèce
une culture supérieure, sa langue ttnd à s'imposer, à
devenir une langue commune, et voici que nous touinons dans un cercle vicieux, allant de la diflérenciation
à runificâiion après avoir suivi
un rythme qui
caractérise le
la
marche
inverse, selon
développement de
la
plupart
LtS GRANDES LOIS
146
des langues,
vie des langues.
penser
fait
tude,
essentiellement ce qu'on appelle
du langage.
la vie
La
et constitue
DU LANGAGE
une enfance, une maturité, une décrépi-
à
comme
du langage
L'idée d'une vie
une naissance et à une mort. Toutes
Une langue meurt quelquefois, sup-
aussi à
notions fausses.
primée par l'invasion, par
une langue de
la
conquête, supplantée par
civilisaiion supérieure
:
le
gaulois a dis-
paru sans rien laisser au français que quelques dizaines de
terme de
mots. Mais
le
trompeur
le latin
:
toute langue,
où
il
langue morte
» est d'ordinaire
comme
par exemple n'est pas mort;
s'est
transformé, différencié, et
le
ce qu'il est ne ressemble plus à ce qu'il a été,
l'appelons
français, là italien,
ici
espagnol, erc,
toujours du latin que nous parlons, ou,
c'est
ancien du français.
le latin, c'est l'état
langue-mère
sa «
»
non pas
mère, mais ce que Teau
il
«
si
ce que l'enfant
tude du
toire,
latin
:
;
jeunesse du français, c'est
une langue donnée
n'est
est
est à
à sa
qu'un
;
la vieillesse
la
décrépi-
état transi-
une étape dans une évolution continue, dont nous
n'apercevons ni
11
la
mais
vapeur à l'eau
ne faut donc pas parler de l'enfance ou de
d'une langue
nous
Ton veut,
Une langue
est à la glace et la
jour
faut
le
début ni l'aboutissement.
donc renoncer aussi
toire d'une
à l'idée qu'en faisant l'his-
grande famille de langues,
comme
la
famille
indo-européenne, nous trouverons dans l'ancêtre lointain, dans le vieil iado-européen, un type de langue
primitive.
La langue delà peuplade inconnue que nous
DU LANGAGE
VIE
imaginons par delà
les
I47
millénaires n'était pas
un balbu-
tiement enfantin, un premier essai de création. C'a été
une erreur de la science d'hier de croire par exemple
qu'un son ^'^ dans le mot indo-européen qui est kâh en
sanskrit, quis en latin, soit l'expression naturelle de l'in-
terrogation, celle qui se serait présentée aux premiers
hommes. Une racine *^^wp- (z=
un élément primitif, elle n'est
naître)
pas plus irréductible par
exemple que l'élément ul- qui
français cel-ui,
de deux mots
un
cel-le, cel-a, et
latins [ec]ce
descendant, tout
mots
est à la base des
qui représente une fusion
iU[um]
comme
ne représente pas
L'indo-européen
.
le français
était
d'aujourd'hui
;
il
ne représente qu'une étape dans l'évolution des langues,
et si
nous prétendions remonter au delà de l'indo-euro
péen jusqu'à
courir un
l'origine
du langage,
il
nous faudrait par-
chemin interminable auprès duquel
de l'époque historique
n'est
qu'une étape
L'origine du langage. Nous ne
la traversée
^insignifiante.
possédons
pour
du langage aucune
Ce que nous savons du mécanisme
résoudre ce problème de rorigine
donnée historique.
4e la parole nous permet tout au plus de
thèses incontrôlables. Les
par désigner
les
caractérisent,
<(
frapper »
objets
comme
hommes
en imitant
l'enfant
ou moumou pour
«
qui
la
faire des
ont- ils
les
commencé
bruits
dit
vache
hypo-
qui les
panpan pour
j)
?
— ou en
reproduisant l'émission de voix que nous arrache une
impression vive,
quand on
fait
une émotion, une douleur,
comme
brrr pour exprimer qu'on a froid, ouf
pour
148
LES
traduire
le
GRANDES LOIS DU LANGAGE
soulagement
?
—
ou en reproduisant des
sons qui par hasard ont une première
la vision
de l'objet?
nous apprendre,
— Tout
ce
comment,
c'est
que
constances
données,
fructifier, jusqu'à
tion
de
de
la
rejeter
depuis
en blo:
Tantiquité
Et
c'est assez
a
a pu, dans des cir-
eu
nota-
pour nous permettre
simplistes
communément
construction du langage par convention entre
d'une communauté, invention d'un
révélation divine...
développer,
se
un système complet de
les solutions
on
il
peut
donné un premier
transformer^
se
devenir
pw^nsée.
la linguistique
étant
fonds d'expressions élémentaires,
accompagné
fois
auxquelles
recours
les
homme
:
membres
de génie,
LES AUXILIAIRES
DE LA LINGUISTIQUE
(SCIENCES HISTORIQUES,
PHILOLOGIE)
S. Reinach,
L. Laurand,
Manuel de philologie, 2® éd.
Manuel des études grecques
Paris,
1883.
et latines.
Paris,
Picard.
L. Havet, Manuel de critique verbale appliquée aux textes
latins.
Paris, 191
1.
t
SCIENCES HISTORIQUES
ET PHILOLOGIQUES
Les progrès récents
et rapides
ea
grammaire comparée,
de
particulier les découvertes de la
la reconstitution
la
linguistique, et
de i'indo-earopèen, ont
fait
naître Tes-
poir d'arriver par une voie nouvelle à combler certaines
lacunes de
la préhistoire,
de l'archéologie, de l'anthro-
pologie.
Rapports de
la liaguistique
avec les sciences his=
nous
fait
remonter au-delà de tous documents historiques;
les
toriques. Sans
doute l'étude
des
langues
parentés, les emprunts, nous conduisent à
relations de voisinage,
migrations,
commerciales, politiques, des
conquêtes,
des
im iglner des
Par exemple,
etc.
cer-
du vieil irlandais ne
s'expliquent que si l'on admet une période de développement commun de l'itahque et du celtique or, c'est une
hypothèse que sont venues confirmer les études de droit
taines particularités
du
latin
et
;
et
de civilisation comparée. Les
grecque
et
même mot
latine
de
la
phonétique
ne permettent pas d'expliquer qu'un
indo-européen
liliutn et leirion.
lois
ait
Or, ce sont
pu donner uinum
là
des
noms de
et oinos,
plantes (la
SCIENCES AUXILIAIRES
152
vigne,
(cf. p.
141)
son côté,
grec et
le
;
sont sujets à l'emprunt
tels
auraient
le latin
que justement
voici
ils,
chacun de
quelque langue non indo-euro-
pris ceux-là à
péenne? Or,
ment sur
comme
qui
le lis),
les côtes et les îles
de
la
les fouilles
nous exhu-
Méditerranée une
bril-
lante civilisation de peuples qui ont précédé les Grecs et
les Latins, et qui
un peu en
ont pu leur fournir ces emprunts. C'est
petit Fhistoire de la planète
Verrier avait établi l'existence par
observateur
le
Uranus, dont Le
calcul avant
qu'un
découvrît au bout de sa lunette.
la
Bien mieux, en faisant
le bilan
des mots indo-euro-
péens^ nous arrivons à imaginer à peu près ce qu'a pu être
la civilisation
hommes qui
des
les
employaient.
Ils
ont dû
mener une existence mi-pastorale mi-jgricole, ils connaissaient les animaux et les végétaux des pays tempérés, le
bouleau,
rame
hêtre, travaillaient le métal, possédaient la
le
des huttes de branchages, recon*
et l'arc, habitaient
chefs de famille
naissaient l'autorité de
comptaient
le
temps d'après
les
phases de
et
de tribus,
la lune, prati-
quaient un système de numération duodécimale qu'ils
tenaient peut-être des Babyloniens, et occupaient avant
le
une région voisine de l'Europe orientale
occidentale. Mais dans tout cela que d'in-
5* millénaire
ou de
l'Asie
certitudes encore
d'arbres, celui
On
!
empruntés
signification
(Jagus) et
((
;
état par
du bouleau, du
blement anciens; mais
être
fait
les
exemple de noms
hêtre, qui sont incontesta-
noms
de plantes sont sujets à
même à changer complètement de
même mot signifie en latin « hêtre »
et
le
chêne
»
en grec (phégos).
Il
n'y a pas de
mot
SCIENCES HISTtJRIQUES
indo-européen
commun
pour
«
mer
»
;
153
peut-on en con-
clure que les Indo-Européens habitaient loin des côtes?
Mais
il
n'y a pas
« lait »,
non
un pour
quoiqu'il y en ait
est plus inquiétant,
donc avec
mot indo-européen pour
plus de
il
n'y en a pas pour
« fils »!
plus grande réserve qu'il faut
la
qui
bétail », et ce
«
C'est
demander à
langues de quoi éclairer l'histoire des civi-
l'histoire des
lisations.
A
plus forte raison ne faut-il pas songer
pour
sommes
les
descendants des Gaulois,
une langue
peuple_, ni à
<(
peuples et des races.
l'histoire des
refaire
latine.
Une
une région,
peuples qui
il
Nous
nous parlons
et
langue n'appartient ni
ni à
famille » indo-européenne
dépeuples! Et
à s'en servir
une
:
On
race.
ont répandu dans
parle d'une
famille de langues,
est parfaitement possible
indo-européennes n'appartienne à
la
non
qu'aucun des
monde
le
un
à
langues
les
hommes
race des
qui parlaient l'indo-européen primitif.
La Hnguistique
n'est
des sciences historiques
pour
elles, elle
son but, qui
donc qu'un modeste auxiliaire
;
du
elle n'est
porte en elle-même sa raison d'être et
est la
connaissance
et
procédés du langage humain. C'est
qui peut
et qui doit
faire
nous l'avons vue s'adresser
à la physiologie,
la
l'explication des
elle
au
contraire
appel aux autres sciences
:
à la physique, à l'anatomie,
pour fonder l'étude des sons,
psychologie pour expliquer,
à
reste pas faite
les
—
à la
procédés d'expression,
—
sociologie et à l'histoire pour suivre le développe-*
SCIENCES AUXILIAIRES
154
ment
des langues. Mais
que toutes estrauxiliaire de
qu'on
bien associée,
l'autre
La
une science
est
il
qui,
plus
linguistique, qui lui est
la
prend
si
Tune pour
quelquefois
c'est la philologie.
:
philologie.
La
principale dilficulté que rencontre
dans ses recherches,
le linguiste
que
c'est
la
langue,
objet de son étude, échappe presque toujours à l'obser-
vation directe
pour
est
passé,
la
langue actuelle^
peu de chose,
lui
il
:
n'a devant lui
et
des textes
idées, des
tion,
mot
il
l'objet
de
arrive
présent,
que des documents défigurés par
Or, l'étude des textes
la philologie,
n'allant pas sans
mœurs, de
moment
dès qu'il veut interroger le
l'écriture et par la littérature.
proprement
le
l'étude
l'histoire,
de
est
encore que, l'étude
hommes, des
des
de
l'art,
la civilisa-
qu'on appelle philologue au sens large du
celui qui par
quelque côté que ce soit aborde
la
science des antiquités.
L'écriture. L'étude des textes suppose l'étude préalable de l'tcriture,
nous
est
les
par qui se sont conservées jusqu'à
langues du passé. Malheureusement récriture
un faux témoin,
d'interroger
l'anglais
et
qu'il
appartient à
la
philologie
de contrôler. Quelle idée donnera de
aux linguistes de l'avenir une orthographe
qui représente par oo tantôt notre son eu (dans flood),
tantôt
notre son ô (dans floor),
(dans food)^ mais jamais
orthographe qui fournit
le
son
tantôt
c?a?
Ou
notre son ou
du français une
près de cinquante manières
PHILOLOGIE
de représenter
son
le
Malheureusement
eau, haut, etc.)?
os, au,
(o,
presque impossible qu'il en
est
il
155
soit
autrement. Le jour où une prononciation se modifie,
changement
on
que personne ne s'en avise
est si insensible
a continué d'écrire oi en français alors qu'on
çait
successivement
le
oï, oé, oué,
continue d'appeler un enfant
Jean
« le petit
pronon-
même
oua, tout de
:
qu'on
» alors qu'il
devenu un grand jeune homme. Le jour où, par
est
exemple pour
réflexion, par
ment, on aperçoit
prononciation,
il
la
besoins de l'enseigne-
Its
contradiction entre
pour
est trop tard
graphie et la
la
la faire disparaître,
car l'habitude est prise.
Et puis,
si
récriture et
caducs,
on
il
est vrai
la liaison
faire
dans
« ils
f/;
dans
«
du
de
-ent
personne des
3*
la
ne se prononce pas, mais qui explidoivent arriver
ils
Et que va-t-
».
des sons changeants? Le v de doivent reste v
doivent venir
doivent suivre
écrire
complet entre
réaliser l'accord
prononciation, que va-t-on faire des sons
pur exemple
verbes, qui
que
la
on veut
»
;
»,
sonne
il
comme/ dans
va-t-on l'écrire là v et
X^je de « je suis
»?
Même
dans
ici
les
« ils
f^ Va-t-on
pays où on a
une réforme de l'orthographe, on n'a pu prétendre à une pareille exactitude.
réalisé
Pour
le
philologue qui interroge
graphe traditionnelle a au moins
senter d'ordinaire
un
état
ceci
ancien de
les textes, l'ortho-
pour
la
que nous écrivons encore aujourd hui
y
a dix siècles; de
même
Yo et
inexactes peuvent ainsi avoir
1'/
un
de «
elle
langue
était
oi »
;
de repré:
le
-ent
prononcé
les
il
graphies
intérêt historique.
SCIENCES AUXILIAIRES
156
L^alphabet.
Mais
encore
ici
aucun moment de son
disposé
d'un
faut se méfier, car à
il
aucune
histoire
exactement
alphabet
langue
conforme
n'a
ses
à
besoins. Les peuples se sont servis d'alphabets de fortune.
J
Nous employons, à peine modifié, celui des Latins, qui
le tenaient eux-mêmes des colons Chalcidiques du sud
de
qui l'avaient à leur tour apporté de Grèce,
ritalie,
leur pays d'origine. C'est encore
IV' siècle,
un alphabet grec, du
que Tévêque Wulfila emploie pour
tion gothique de
la
Bible,
un alphabet grec
sa traduc-
aussi
que
reproduit au ix® siècle l'alphabet cyrillique des Slaves,
de sorte
qu'en définitive
notre
écriture et
celle
des
Russes ont une origine commune. Mais cet ancêtre com-
mun,
l'alphabet grec, n'avait
langue indo-européenne;
un peuple sémitique,
Araméens
vers
B.ibylonie,
la
les
leur
Phéniciens.
fait
emprunté
C'est aussi
à
un
Sémites envahisseurs de
emprunteurs eux aussi avaient
écriture
pour une
Hindous ont emprunté aux
le ix® siècle; les
anciens habitants du pays,
de
pas été
les G^'ecs l'avaient
les
alphabet sémitique que
même
les
Sumériens,
Enfin
cunéiforme.
les
pris
aux
éléments
une découverte
récente nous permet de rattacher les écritures sémitiques
à récriture
égyptienne.
Pour interpréter
près
tion,
à
les
à
peu
notre aise, malgré toutes les difficultés d'adapta-
quand nous
nous trouvons en
écriture phonétique,
les
documents, nous sommes
qui en principe
sons élémentaires. Mais
exemple ne représente pas
il
y
présence
d'une
représente tous
a telle écriture qui par
les voyelles
(alphabets sémi-
i
PHILOLOGIE
157
y a des alphabets syllabiques qui représentent par un signe unique un groupe de sons (écriture
tiques);
il
des
cunéiforme)^
Tégypiienne. qui, représentant
mots par des
les
ne peuvent donner aucune idée de
La
prononciation. Mais,
condidons imaginables,
infidèle, et le
comme
idéographiques
écritures
prononciation...
la
même
dans
meilleures
les
qu'un témoin
n'est
l'écriture
signes,
premier soin du lingu'ste qui interroge
documents écrits est de les interpréter. Heureux
quand des témoignages anciens lui facilitent cetre inter-
le^
prétation.
mines
»
Saint Augustin nous parle des braves
du peuple qui commettent
aspirer leur
/;;
faute de ne pas
la
Aulu-Gelle conte l'anecdote d'un gram-
mairien qui corrigeait un jour
de l'empereur
prononciation fautive
la
Vespasien plosîrum (pour plaustrum);
Quintilien note que les Latins ne connaissent pas
^ du grec, et nous
cer
l's
de rosa
« /do-
condamne
comme
le
son
par conséquent à pronon-
celui de ainsi.
C'est à
l'aide
de
semblables témoignages que nous arrivons à reconstituer
la
prononciation du
par bê bê
le
moderne,
comme
Un comique
bêlemeat du mouton
interdire u'appliquer
grec
latin.
vi vi
!
;
pour nous
c'est assez
au grec ancien
qui ferait de
grec représente
la
prononciation du
ce bê bê quelque chose
Les fautes d'orthographe des ignorants
nous fournissent des indications,
parce
quelles sont
d'ordinaire influencées parla prononciation réelle; ainsi
les barbouillages retrouvés
sur
les
murs des
velies contiennent souvent plus de vérité
villes
que
ense-
les textes
SCIENCES AUXILIAIRES
158
plus purs. Les transcriptions d'une langue
littéraires les
dans un alphabet étranger nous sont d'un secours précieux
grec Loiikios nous enseigne que
le
:
comme
k dans
latin Luciiis
le
Nous appelons
.
aide la métrique et les lois de la versification
ne pas tenir compte dans
de \'m
et
initial
romanes
montre
réservé dans
langues
Its
(cf.
p.
histo-
1
1)
nous
qu'elle était frappée en laiin d'un accent o'in-
tensité, etc. etc.
Tout
cela ne suffit
cas les plus favorables, à
du passé
de savoir
teur
la phonciiqi'.e
une certaine syllabe du mot
à
l'usage de
nous montre que c'étaient des
final
traitement spécial
le
:
:
notre
à
mt^sure du vers latin de Vh
la
consonnes amuies. Nous utilisons
rique
sonnait
le c
nous ùïrc
nous discutons
:
si
à
p:.s,
vue sur
l'accent de Cicéron était
ou un accent
d'entendre déclamer
les
étonnés
les
la
question
un accent de hau-
d'intensité, et, sans aller
serions sans doute bien
dans
réentendre les langues
erte de
[
même
s'il
si
nous
loin,
était
nous
donné
vers de Racine avec la pronon-
ciation du temps.
Les textes gravés
nous
écrits. Il
laissé
conservation
les
marbre,
les
dont on
monuments
matériaux
le
vicissitudes
les
inscriptions
ex-votos...
raires, les
tuer des
:
Encore scmmesde
1
his-
parvenir jusqu'à nous des documents
a des textes
y
grave sur
inscriptions.
heureux quand
bien
toire ont
:
;
on
a
intérêt à assurer
la
ccmmémoratives qu'on
publics, les inscriptions funé-
choisit
durables,
le
donc pour
bois,
la
les
perpé-
pierre,
le
bronze. La plupart des civilisations antiques
ÉPIGRAPHIE
nous ont
laissé
un
Nous possédons
lois,
grand nombre de ces documents.
très
des inscriptions officielles
textes de
:
décrets politiques, listes de fonctionnaires, dédi-
caces...,
mais
ont aussi mis
les fouilles
documents moins ambitieux
pour
15^
postérité
la
des
jour
qui n'étaient pas
et
murs de Pompéï,
sur les
:
au
la
fait
ville
ensevelie par l'éruption de Vésuve, nous lisons encore
des phrases gravées au couteau, griffonnées au chai bon
(les graffiti)
réclames électorales
:
:
plaisanteries de corps
de garde, littérature d'édicules publics...
verre à boire
—
sur
un
collier d'esclave
m'échappe!
»
—
;
«
:
Tiens moi, que
sur une lamelle de
aux courses souhaite
jambes... Tandis que
à tel
et
même
aujourd'hui
M. Loubet
écrit
ablatif absolu
dent de
la
archaïque
sur
(ne
d'allure latine
:
et
nous font
voyons-nous pas
monuments
nos
ne
solennelle, conserva-
avec un u antique,
et
le
nom
de
enfermé dans un
M. Lovbet
étant prési-
République...?), les inscriptions familières
ont l'avantage, quand
à des professionnels,
courant,
un
plomb un parieur
les inscriptions officielles
volontiers
je
cocher de se casser bras
connaître une langue d'apparat,
trice
sur
lit
aujourd'hui, demain, trop tard! »
« Bois
:
On
la
inscriptions,
la
rédaction n'en est pas confiée
de nous
langue vulgaire,
en interpréter
faire
connaître l'usage
parler vivant.
le
Lire les
abréviations, les dater
les
d'après les caractères de l'écriture et la rédaction, éta-
bhr leur authenticité, leur provenance..., voilà à quoi
s'applique l'épigraphie, science
d'études est
immense,
et
difficile,
dont
les
dont
le
champ
méthodes doivent
6
léO
SCIENCES AUXILIAIRES
suivant
varier,
romaines
les
landes du
Nord
les pierres
fouilles
les
ou dans
belles inscriptions impériales
les
imposants rochers de
Béhistoun où s'étalent en caractères cunéiform.'s
du
exploits
pelle
ramène au jour des
en langue inconnue, oubliés depuis
l'an
ou sur
les
ruines d'un poste-frontière,
devant
tombeaux,
les
textes
noms
les
bords du Nil
:
la
propres,
fouiller
cachettes souterraines, les « trésors »,
langue trouve encore
tionneurs
looo dans
nous entraîne jusqu'à
d'où nous sortons monnaies
la
passe-ports
hiéroglyphes des obélisques.
les
La poursuite des
les
les
du Turkestan où
roi Darius, vers les sables
un heureux coup de
les
gravées des Runes, suivant
nous conduit devant
qu'elle
dans
va chercher
qu'elle
et médailles.
à glaner
numismatique
L'histoire de
dans ce coin des collec-
lui fournit des dates,
des
des légendes, des indications de prove-
nance...
Les textes
imparfaits,
littéraires
insuffis.mts,
fidèles, les textes
Un
Il
n'en va pas de
ouvrage
du
histoire
livre.
Témoins
fragmentaires, mais au moins
gravés nous font remonter sans transi-
tion, sans intermédiaire,
chons.
;
jusqu'au passé que nous cher-
même
littéraire est fait
pour
pour
les textes Uttéraires.
le
pubUc, pour passer
de mains en mains, pour se répandre au plus grand
nombre d'exemplaires
possible;
il
faut
donc
le
présenter
sous une forme maniable, qui exige une matière légère,
fragile : les Hindous ont employé
par suite, hélas
I
l'écorce de bouleau, la feuille de palmier, les Egyptiens
ÉPIGRAPHIE
ont
fai: le
répandu
le
papyrus avec des
lél
fibres végétales,
parchemin ; on a
Pergame a
écrit sur des tablettes
de bois,
sur toile, sur soie, sur feuillets enroulés, enfilés par le
comme
centre, reliés par les bords
nos cahiers ou nos
Procédés insuffisants pour empêcher l'usure.
livres...
Comment
faire
que
ne se perde pas avec
texte
le
le
livre? L'imprimerie a résolu le problème, en assurant la
production d'un très grand nombre d'exemplaires
Quand nous
réédition aisée des exemplaires détruits.
lisons
les
une
lettre
de Voltaire, nous avons réellement sous
yeux ce que Voltaire
surveiller
texte
a écrit
la
;
il
de son
l'impression
imprimé,
a
pu lui-même surveiller
livre,
et
manuscrit original. Aussi
la
lui a
deux éditions successives ont des variantes,
quand
il
change en
«
fâcheux «... puisque
édition.
...
puisqu'Horace
Corneille
Rom.ain
est
» le
Test » de sa première
— Mais avant Timprimerie!
Histoire de récriture (paléographie)
cas le plus favorable,
de nombreux documents
cours qu'il veut publier;
sténographie
le
(c'est
et
:
il
.
Supposons
le
d'un texte écrit dans une
celui
époque de haute culture,
inventé
Quand
c'est d'ordi-
s'est corrigé, ainsi
mon époux
permis
excepiionne
d'un texte imprimé.
lui-nême
du
reproduction de son
est-il tout à fait
ait à faire la critique
naire que l'auteur
netteté
la
faciHté des corrections,
d'obtenir à peu près sans faute
qu'on
et la
que nous connaissons par
Cicéron
en confie
a
prononcé un
le
dis-
brouillon ou la
justement son secrétaire Tiron qui a
système des notes tironiennes)
à l'éditeur
qui
l62
SCIENCES AUXILIAIRES
Dès
se charge d'en faire faire des copies.
pouvons
un
Il
est
texte sans faute.
Quand
il
soient de tout point identiques.
ou
copié, tel copiste aura
tel
mot, redoublé
une
blables,
tel
de ligne
fin
comprend
pas...
le
en vente
n'y en aura pas deux qui
Que
le
texte ait été dicté
mal entendu ou mal
lu, sauté
autre, passé d'une fin de ligne à
pareille,
L'ouvrage
confondu des
lettres
collés, cousus,
a-t-il
du succès?
sem-
qu'il
les
ne
exem-
car ce ne sont pas de solides
plaires s'usent à circuler;
volumes
l'éditeur mettra
pour une faute une forme rare
pris
nou:
matériellement impossible de reco-
première série de copies,
la
moment
notre deuil du texte original^ nous ne
faire
reverrons plus.
pier
ce
un
reliés; c'est
fragile
rouleau
de mauvais papier, très long, écrit par colonnes transversales,
le
de sorte qu'à chaque
fois
qu'on
développer presque en entier.
une nouvelle
ainsi
édition, qui sera
le
consulte
faut
faut bientôt refaire
Il
une copie de copie;
de suite. Les fautes vont se multiplier,
tions anciennes se perdant,
il
et, les
et
édi-
on ne gardera aucun moyen
de contrôle.
Ce
n'est pas tout; l'écriture
à lautre (quelle peine
l'autre siècle !)
:
à la
tue une capitale qui
change d'une génération
nous avons
minuscule du
fait le
i®"*
capitale s'altère
mément
les
:
la
C, un
peine
I,
M comme
T, L, F, E.
en une onciale qui arrondit unifor-
jambages; de l'onciale naît une nouvelle
minuscule, qui diffère suivant
copistes
à
de
siècle le iv^ substi-
G comme un
deux AA, dans laquelle on distingue
La
à lire des lettres
les
pays et
les
écoles de
lombarde, qui confond presque Va
et le t^
1
PALÉOGRAPHIE
italique penchée,
lus claire,
la
165
gotique anguleuse,
que reproduisent
Caroline,
la
peu près nos caractères
à
l'imprimerie.
Toutes
iujourd'hui
dater !es manuscrits, mais elles ont été
à
divergences
ces
nous
servent
ks copistes une cause d'erreurs toujours renou-
)Our
elée.
Histoire des textes.
lar
her
le
:
Un jour
le
parchemin, p^us solide; mais
on Tépargne, on serre
///
parchemin
on
mater se
écrit
lit
est
sans
comme
on abrège, en signalant l'abréviation par un
tum (c'est une abréviation de
tu
ou un point
um. ater
1
le
les lignes,
éparation de mots, de sorte que
ilde
papier est remplacé
;
=
:
pour un x dans notre
finale -us qui a été prise
hevaus)
;
on
utilise
par économie
pluriel
un parchemin
déjà
mployé dont on gratte l'ccriture, et on écrit en surharge: c'est un palimpseste (d'un mot grec qui. signifie
regratté »)
on
;
Dquent, et on
relie
fait
en cahiers
les feuilles
qui se dis-
des fautes de reliure, des interver-
îons de pages...
Autres causes d'accidents
ransformée;
le
ajeunir son modèle.
rend plus du tout
langue
s'est
il
ne peut guère se défendre de
Le jour
vient
le texte qu'il
même
où
il
ne com-
reproduit; alors
il
perd
Mais des gens instruits interviennent, un
?cteur attentif,
un grammairien, un
bvise et corrige le texte.
entpire que
la
copiste rencontre des formes désuètes^
ne orthographe abolie, et
)ut contrôle.
entre temps,
:
le
Hélas
\
c'est
mal. Le texte restauré
professeur,
qui
un remède souest lisible,
donne
.
1^4
SCIENCKS AUXILIAIRES
parta.ut
un sens raisonnable, mais raisonnable dans
sens où
le
réviseur l'entend, dans
le
sens de ses préjugé
de ses théories, de ses ignorances.
«
réviseur et du copiste intelligent
» est
!
Préservez-nous
un peu
la
df
piiè
du philologue.
Et enfin,
Romain
accidents historiques
les
:
TEmpi
transporte son siège à Byzance, qui devient
monde
centre du
mentées
y a
il
et
civilisé
remaniées par
voilà les
:
œuvres
les savants
de
la
latines
f
com-
Renaissance
j
byzantine. La domination des Barbares s'étend sur
vieil
Empire
:
après plusieurs siècles d'ignorance et de
dévastation les restes de
ou
détruits;
le'
on ne
sait
la
culture antique sont perdus
plus guère
lire
que dans
les
cou-
vents, car le latin est resté langue d'Eglise, et les textes
sacrés ont fait quelquefois passer les ouvrages profanes
où un nouveau pouvoir central
organise le monde occidental, où un souverain écLiiré
(Charlemagne savait au moins lire!) se laisse persuader
que la lecture du latin est utile pour ses prêtres, on se
met à la chasse des vieux manuscrits, et voilà l'anti"
avec eux
;
le
jour
quité sauvée de
la
poussière des bibUothèques
Renaissance Caroline.
parchemins,
ce
On
et, le texte
sont ces copies,
:
c'est
la
met à recopier les vieux
sauvé, on abandonne Toriginal;
ou
seront enfin conservées,
les
et
se
copies de ces
copies, qui
que l'imprimerie
fixera au
XV* siècle, mettant fin au règne désastreux du copiste, a,
Critique des textes.
sont perdues que parfois
Tant de copies successives se
un texte ne nous" est conservé
CRITIQUE DES TEXTES
165
que par un manuscrit unique. Quand, par bonheur,
nous en avons plusieurs, il y a des chances pour qu'iis
ne soient pas des copies d'un
exemplaire, et pour
chaînons de
quelques-uns des
représentent
qu'ils
même
la
remonte du dernier exemplaire conservé à la
rédaction originale. Dans ce cas, si on peut établir que
série qui
l'un
d'eux Ça)
une copie de
est
i'une copie perdue (x) de
autre (A), ou la copie
tel
A^
que nous
est évident
il
légligerons a pour lui substituer son ancêtre
'approche du texte primitif. D'où
A
de
l'utilité
qui nous
faire
une
de généalogie des manuscrits.
»orte
Un
A
manuscrit
nous donne un
texte ainsi disposé
:
debemuscum natura
cumin nos mitisetcum dura
consentire
et
fit...
Un
autre manuscrit a remplace ce texte par
consentire debemus
Il
y
a des
cum
chances pour que a
natura
soit
fit.
copié sur A, car
'omission des huit mots est due à ce que
i
sauté de
la fin
de ligne -tura
à la fin
:
le
copiste
de ligne semblable
iura.
Nous avons deux
omise par a; mais
:onservé
la ligne
nos^
quominus,
'n
ie
A
2l
autres manuscrits, b et
et c
:
quodominus.
^,
Ce
c,
qui ont
au lieu de cum
n'est pas le
cum
qui a pu donner naissance auquo de bc; mais nous
îavons que dans certains textes
juom\
c'est cette
anciens
cum
est écrit
forme quom, peu connue des copistes,
qui aura été d'une part rajeunie en
cum, d'autre part
l66
SCIENCES AUXILIAIRES
Nous supposerons donc
altérée en quo.
ou archétype
x, qui avait
quom
in nos, la
—
que nous restituons par conjecture;
connue A^
duite para
à qui
;
nous devons
la
c
un ancêtre
bonne leçon,
2°
une copie
variante cum, repro"
— 5° une copie inconnue y qui a
quo. reproduite par h et par
généalogie
i"
:
fait la
faute
Et nous établissons une
:
X
A
a
qui,
une
b
c
confirmée par d'autres déductions analo
fois
gués, pourra nous fournir des règles de critique
exemple, l'accord de b
qu'à y,
prouvera
remonter
Reste
Li
c,
qui ne nous
peu; l'accord de a
c,
fait
par
:
remonter
qui nous
fai^
à x, sera plus probant.
la
divergence in nos {A), minus (b), dominus
:
intervient la considération de l'écriture
de
et d'autre part
pas quont
abréviation
in
miis quelque
nos,
chose
que devait avoir
qiiôînos
d'une part,
Ce
n'est
comme
un(
psychologie du copiste.
la
le
(c)
manuscrit
j
163); y a interprété cette abréviation en quominus
usuel, qui s^ présente facilement à l'esprit, et c'est
(cf. p.
mot
le texte
qui a été transmis à b; quant au copiste de
supposons
qu'il était
un moine habitué
groupe de
des textes sacrés
:
suggéré l'idée du
mot dominus
ment en dnus^,
et sa
le
plume
à
copier
Cy
et à lire
lettres -ôînus lui
aura
(qui s'abrège habituelle
a suivi sa pensée distraite.
C
CRITiaUE DES TEXTES
167
n'est qu'après avoir expliqué ces accidenis
vons présenter avec confiance
Dans une
édition critique,
quement, en bas ce page,
par
la
conjecture
au lecteur de
refaire
nous
critique;
lui
quom
in nos.
nous disposerons méthodirenseignements fournis
les
façon à permettre
collation des manuscrits, de
la
que nous pou-
pour son compte notre
de
travail
un
ce qu'on appelle
présenterons
apparat critique.
Engagé dans
les
conjectures,
le
critique s'expose
du lecteur. On l'appellera suivant
conservateur ou révolutionnaire. Il ne peut être
défiance
la
Tun
ni tout Tautre.
Il
il
fr-çon
au.' si
ne peut pas se
Il lui
précaire,
flatter
reste à adopter
moins
la
de
la
et,
pas
de
et ce
lisible,
la
suspicion
la
mais utiUsable
et
même
la
;
raison,
avec exactitude.
s'aider
:
chercher
de
la
con-
paléographie, de l'histoire, de
qui est douteux
langue
pour
les reconstituer
langue..., pour déterminer dans
admis
ni tout
conservés
une attitude intermédiaire
conjecture que
naissance exacte de
cas
ne peut pas se résoudre à prendre
pour authentiques des textes qui ont été
de
les
à
;
;
un
la
texte ce qui peut être
viser à rendre le texte
fournir en
somme
au linguiste des textes dont
la
non
à Thistorien
valeur soit
définie.
Au
méthode doit changer à mesure que change
l'histoire des textes. La critique des textes grecs n'est
pas la même que celle des textes latins, du fait par
exemple que l'histoire des premiers est liée au développement de la civilisation alexandrine. En particulier on
ne peut pas traiter un manuscrit latin sur parchemin du
reste la
l68
SCIENCES AUXILIAIRES
IX* siècle
comme un
manuscrit grec du
papyrus dans un tombeau égypiien
la
papyrologie,
est
:
i*^
ccnservé sur
l'étude des papyru*^^
une science qui
occuper ses
su;fit à
spécialistes.
Utilisation des textes. Lorsque,
avec
bien de
la
peine, le critique est arrivé à discerner dans nos pauvres
textes mutilés ce qui a des chances d'être authentique,
ua autre collaborateur du linguiste^
l'historien de la littérature. Car les œuvres littéraires les
plus authentiques re nous donnent qu'une image imparil
cède
faite
de
la
la
place à
langue véritable, de
la
langue vivante
elles
;
ont besoin d'être interprétées.
Les genres
littéraires. Écrire con^
une tâche au dessus de nos forces
la
;
me on parle semble
dès que nous
plume en main, devant un papier
sommes,
nous habil-
blanc,
lons notre pensée d'un vêtement de parade, nous faisons
de
plus
la Httérature,
griffonnons un
billet,
ou moins. Très peu quand nous
une
lettre familière
:
genre
le
épistolaire est, sauf exception, celui où on retrouvent le
mieux
les aspects
de
la
langue parlée. Nous
sommes
égar
lement plus préoccupés des choses que des mots, du fond
que de la forme, quand nous écrivons pour l'enseignement,
dans un ouvrage didactique; pourtant^
mettons quelque coquetterie
sujet
nous
ici déjà,
rendre attrayant
le
lan-
nous sommes gênés par les exigences
qui nous impose un vocabulaire spécial
mots
gage scientifique,
du
à
et
:
techniques, termes abstraits, néologismes. Mais en gêné-
HISTOIRE LITTÉRAIRE
169
nous avons plus Toccasion d'écrire pour
:al
30ur instruire, et
gros morceau
le
domine
le
que
d:ms l'histoire des
ittératures, ce sont les belles-lettres
3Ù
plaire
proprement
souci de l'esthétique, qui est
la
dite?^
principale
:ause de déformation de la langue.
Cette déformation se
fait
de manières
très diverses et
louvent imprévues. Elle tient naturellement à l'attitude,
lux dispositions, aux goûts, aux prétentions de l'écriElle
i^ain.
raires
Kome,
la
:
dépend aussi de
la
formation d'écoles
litté-
querelle des atticisants et des asianisants à
celle des classiques et des
3nt orienté à des
époques
romantiques en France,
de
critiques l'évolution
angue. L'influence de Cicéron
pour
a
la
ainsi dire arrêté
développement du latin litté•aire. La constitution de genres a des effets extraordilaires
dans les genres dits nobles on affectera une
rendant quatre siècles
le
:
angue
spéciale,
souvent
rant. Il arrive
même
>on
attitré
dialecte
:royaient
obligés
que
:
très
tel
les
éloignée de l'usage cou-
genre
ait sa
langue
et
même
poètes grecs alexandrins se
de composer leurs poèmes dans
angue d'Homère, morte depuis des
siècles;
dans
la
la belle
période de la littérature grecque, le dialecte dorien était
3ar tradition la langue de la poésie chorale, et
iuit cette
bizarrerie
:ragédie grecque
iorien
La
il
se pro-
que nous avons dans une
même
un dialogue en
attique et des
chœurs en
!
poésie.
Ce qui
est
conr.mun
à
tous les écrivains, à
tous les genres, à toutes le§ époques, c'est le désir de
lyO
SCIENCES
mettre en valeur
les
dire. Il
AUXILIAIRES
choses dites par
manière de
la
ne faudrait pas croire pourtant
qu'il
ait là se
y
lement une préoccupation d'hommes cultivés
tendance qu'on observe chez
Rien de plus
laires
:
dans
se perpétue
artificiel
que
la
se permettrait pas dans
;
les plus
c'est u
simple
langue des dictons pop
n'amasse pas mousse
a pierre qui roule
un archaïsme
gens
les
1
(l'absence d'article) qu'en ne
le
parler courant
mais on y
;
remarque autre chose encore en énonçant cette phrase,
nous la scandons, nous la coupons en deux membres
:
que nous nous efforçons
€t
nous marquons
chaque membre
le
d'égaliser dans la prononciation,
retour
pierr' qui rou-i'
:
l'embryon d'un rythme
c'est
même
du
et
manière de versification. Et, de
d'une rime
commence
pensée en vaut
peine, prière à
d'oracle,
dicton...,
on
la
que
la
les
poésie.
la
une
c'est
;
peuples
pri-
Dès qu'une
divinité,
louange
réponse
de
héros,
là
proprement
la
poé-
prose, c'est ce qui se parle, ce qui ne
la
mémoire
des
hommes ou
l'écriture.
La
tion
de
pourvoit d'une expression solennelle,
mérite pas d'être fixé dans
dans
la
formule de conjuration,
éloignée de l'usage courant. C'est
sie, tandis
chez
fait,
par
la fin
n'amass' pas mou-ss',
|
mitifs la littérature
la
son ou à
métrique. La diffusion de
du langage. D'abord
moule auquel
codifie et
la
la
la
poésie modifie l'évo-
forme du vers
comme un
langue doit se prêter. La métrique
impose un système de règles
rieuses, parfois
est
étroites,
étonnamment compliquées,
impé-
qui gênent
la
I
HISTOIRE LITTERAIRE
marche
du
naturelle
discours. Tantôt
I7I
nous découpons
la
phrase en groupes symétriques, mesurant des membres,
comptant
les syllabes, ce
prononcé
{nation
amuïes
(1'^
muet)
na-ti-on),
les
la
anglais,
dont
les
ménageons
retour à
le
comme
de syllabes longes
la
il
groupements constituent
arrivera
retour
intervalles
en allemand ou
de syllabes brèves,
et
comme
musicales (mètres grecs et pieds latins)
cas
le
sauve des consonnes
finales,
définis de syllabes accentuées,
en
marquons par
voyelles
limite des groupes (c'est )a rime,
sylhbes
caduques); nous
des
rétablir
à
tantôt nous
;
périodique d'un son
qui renforce
qui conduit à détailler les sons
;
des mesures
dans ce dernier
que certaines successions, normales dans
langue usuelle, soient impossibles dans
mot latin fâctwnem ne peut
pas entrer dans
lique); or, une forme ainsi exclue de
la
le
vers (un
un vers dacty-
poésie risquera
une
d'être déconsidérée et remplacée dans la langue par
forme concurrente.
La prose
logues
Rome
:
les
n'est pas toujours
exempte
d'artifices
rhéteurs Grecs avaient imaginé et importé à
une prose métrique, qui imposait en
membre
ana-
certaines manières de
longues (clausules)
;
combiner
le latin d'Eglise a
une prose rhythmique, fondée
les
fin
de
brèves et les
connu de
même
sur la distribution des
syllabes accentuées...
Influence de la poésie. Mais ces règles mécaniques
ne sont pas
littérateur.
le
seul genre de contrainte
Dans
la
forme savante
que s'impose
du vers
le
le
poète
SCIENCES AUXILIAIRES
172
s'efforce
de n'enfermer que des idées
formes expressives;
grammaticaux,
tient
de
la
les
il
rejette
les
choisies et des
mots
vides, les outils
désinences encombrantes, tout ce qui
place et contient peu de sens, les parce que
de manièie à, les adverbis en -ablement, etc.
rogne dans
le
matériel de
D'autre part
est
il
il
Tenrichit
:
tions
rares (prends
avec
ton luth
en profile
ii
de formes abolies,
libertés, s'autorise
écrit encor sans e et guères
et
une
écrivant
langue qui échappe au contrôle de l'usage,
pour prendre des
Il taille
langue.
la
vrai
les
^
un s, ose des construcet me donne un baiser),
innove jusqu'en syntaxe (apposition de
Hugo
:
l'hydre-
peuple), renverse Tcrdre des mots (inversion chère aux
classiques). Et surtout, par élimination
un vocabulaire
tion, le poète se crée
faut parfois,
comme
pour comprendre
la
prosateurs
spécial,
bien qu'il
langue des vers.
le
du vers
prestige
permettent d'imiter
se
si
en anglais, tout un apprentissage
Puis un jour vient où
les
ou par innova-
la
est tel
que
langue des
poètes. Et les uns et les autres se complaisant volontiers
dans cette idée que bien écrire
naturel et
commun,
littéraire qui nous
ils
qui est
c'est éviter tout ce
constituent peu à peu une langue
donne précisément l'image de ce que
n'est pas la langue véritable.
La langue
littéraire et la
tion s'exerce d'ordinaire
langue
réelle.
dans un sens
l'écrivain est famiUer avec k-s
L
affecta-
conservateur;
œuvres du passé
plaît à laisser voir qu'il les connaît
:
c'est la
et se
tendance
HISTOIRE LITTERAIRE
OU
manie archaïsante.
la
Ou
vant expressif et savoureux
époques où
la
bien au contraire, trou-
le
parler
vulgarismes
enrichir de
plaît à
langue
I73
littéraire
la
du peuple,
langue
écrire.
il
se
Aux
n'est pas encore fixée,
toutes ces tendances^ d'autres encore, s'exercent libre-
ment
:
nos écrivains
toutes mains, ont
les trésors
la
Renaissance ont
le
pris
de
appel aux langues mortes et « pillé
du temple Delphique
vinces (« que
aller »),
tait
de
Gascon y
aille
)),
si
glané dans les prole français
sont allés prendre leur bien dans
la
n'y peut
langue des
métiers, dans celle des « crocheteurs du port au foin )^..
Il
résulte de tout cela que l'histoire de la langue litté-
raire n'est pas
du tout
l'histoire
de
la
langue, et c'a été
Terreur de maint philologue de croire par exemple qu'on
grammaire historique d'une langue
gram.maire particulière de chaque auteur.
pouvait constituer
en
faisant la
La
littérature est
pour
l'histoire
de
la
langue un témoin
demande à être contrôlé et interprété, et
interprétation demande une colloboration étroite
suspect,
cette
la
qui
du philologue
et
du
linguiste.
HISTOIRE
DE LA LINGUISTIQUE
A. Meillet, Introduction à V étude comparative des langues indo-européennes.
4« édition, 1915
Appendice :
;
aperçu du développement de
la
grammaire comparée.
HISTOIRE
DE LA LINGUISTIQUE
Nous avons parcouru
de
à grandes
enjambées
linguistique, en n'accordant qu'un
la
depuis qu'il y a des
hommes,
et
champ
regard rapide
aux multiples problèmes soulevés sous nos
ques-uns de ces problèmes sont vieux
le
pas.
comme
le
Quel-
monde;
qui parlent, et qui écri-
vent, on s'est intéressé de toutes manières à l'expression
de
la
pensée, mais
il
a fallu arriver jusqu'au siècle de la
science, jusqu'au xix* siècle,
tifique
du langage.
pour
réaliser l'étude scien-
•
Comme
L'étude du langage dans l'antiquité.
arrive d'ordinaire,
plus
sité
difficiles,
de
la
:
la
inventant des
tour
problème::: les
ceux de l'origine du langage, de
des langues
homme
on a com,mencé parles
Genèse nous montre
noms pour
les
il
la diver-
le
premier
animaux;
l'histoire
de Babel veut expliquer
la
diffusion
des
langues; les Grecs imaginent un inventeur du langage
et
de
l'écriture...
C'est l'mvention et la diffusion de l'écriture qui a
d'abord avancer
l'étude
du langage. Pour
fait
arriver
à
HISIOIRE DE LA LINGUISTIQUE
178
représenter les mots par des signes,
naître, les isoler, faire
comme
de
la
décomposer
une
il
a fallu les
recon-
véritable analyse de la phrase
pensée. L'écriture syllabique obligeait à
mot en groupes de
le
sons,
écriture alpha-
I
bétique à isoler jusqu'aux sons élémentaires. C'est aussi
l'écriture qui,
des
en transmettant d'une génération
prières, des textes
rences entre
rédacteurs
la
de
lois, a fait apparaître les diffé-
langue présente
s'efforcent
à l'autre
du passé
et celle
de conserver
:
les
formules an-
les
ciennes parce qu'elles ont un caractère sacré, de sorte
devient bientôt nécessaire de
qu'il
les expliquer, si l'on
les Latins,
Hindous ont
formes
dont
et
travaillé à
nétiques
le iv° siècle
une précision étonnante
le
sanskrit,
avant notre
les règles
pho-
grammaticales. L'œuvre de Pânini sera
point de départ de toute une littérature de
taires,
faisaient
très
sons de leur langue sacrée,
les
ère formule avec
et
comme
bonne heure
analyser minutieusement les
exemple que de
grammairien Pânini dès
le
pa5,
commenter, de
de répéter des formules qu'on ne comprend
plus. C'est ainsi par
les
ne se contente
les
mais
la tradition
le
commen-
des études grammaticales res^
tera confinée dans l'Inde.
Dans
le
monde
préoccupations.
occidental, les Grecs avaient d'autres
Philosophes plus que théologiens,
ne s'intéressent guère aux
textes, et s'attaquent à
ils
une
métaphysique du langage. Qu'est-ce que le
langage? où faut-il en chercher l'origine? qu'est-ce
sorte de
qu'un mot? y
a-t-il
entre
le
mot
et la
chose un rapport
naturel et nécessaire? le sens appartient-il au
mot par
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
I79
nature [phusei) ou par suite d'une convencioa
Prodi:us
mière théorie, qui
nymie
(car
nature de
et,
si le
mot répond exactement
ils
s'y plier
grammaire
grammaticales doi-
vent correspondre aux catégories du jugement;
concordance (analogie,
la
mot). Les
à leur logique, la
les catégories
;
n'y
il
linguistique philosophique,
la
ramènent tout
elle-même doit
chose
à la
Torigine du
chose explique
la
syno-
la
de l'étymologie (puisque
et
eux aussi font de
comme
v® siècle soutiennent la pre-
conduit à s'occuper de
les
synonymes),
a pas de
stoïciens
du
et les sophistes
{theseï) ?
disaient-ils) par
y
a
exemple entre
le
il
signe du pluriel et l'idée de pluralité. Mais aux analo-
gistes répondent
anomalistes
les
avoir le sens du singulier
;
le
répond pas au genre naturel
dance nécessaire entre
Et voilà à peu près
les
Latins à la suite
la
le
:
un mot
pluriel
peut
genre grammatical ne
donc, pas de correspon-
:
langue
et la réalité.
genre de disputes dans lesquelles
des Grecs se seraient perdus
si
l'étude de la littérature n'avait appelé à d'autres besognes
les théoriciens de la langue.
La
philologie alexandrine.
ère on
taire le
c'est le
siècle
avant notre
commençait à ne plus comprendre sans commentexte d'Homère et des premiers poètes lyriques;
moment où Alexandrie est devenue le centre de
la culture
font
Au m®
une
grecque
spécialité
commune
le
grammairiens alexandrins se
d'expUquer, de transposer en langue
:
les
des
vieil-ionien
dorien de la poésie chorale
;
c'est
poèmes épiques ou
le
l'époque des scholiastes.
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQ.UE
l8o
qui composent des commentaires sur
les textes
des lexi-
;
cographes, qui étudient le vocabulaire; des glossateurs,
qui expliquent les termes
des rhéteurs, que
la
difficiles,
théorie de Tart oratoire conduit à
l'étude de la langue.
Toute
dialectaux, poétiques;
"*
que domine
cette philologie,
le
grand
nom
d'Aristarque, n'aboutit pas à une étude systématique du
langage,
mais
Mincure,
à
Pergame.
mouvement de
le
suscite
elle
qui
sauvera
surtout de faire rentrer
les
y participe dès le ii® siècle
grammairiens se préoccupent
la
langue latine dans
grammaire grecque;
la
de l'oubli
Rome
avant notre ère, mais ses
imaginés pour
d'Asie-
écoles
les
à Tarse, plus tard à Byzance, tout
culture
œuvres de Tantiquité.
dans
ils
les
cadres
décrivent
im-
si
parfaitement leur propre langue que nous avons beaucoup
de peine à reconstituer leur prononciation, leur accentuation, leur métrique...
(i^'^
Du De
lingua laiina de Varron
siècle avant notre ère) jusqu'à
Donat
(iv® siècle
après) et aux Institutions de Priscien
(vi® siècle), c'est le
La
même
scholastique de
du Moyen-Age
YArs grammatica de
les
enseignement qui
se perpétue.
Moyen=Age. Dans
la
barbarie
études grammaticales se bornent à
l'apprentissage de la langue latine, et
le
premier ouvrage
qui montre quelque savoir est une grammaire latine en
vers (!)
du
xiii^ siècle;
encore ne contient-elle guère que
des subtilités scholastiques. Les théories grammaticales
consistent à édicter des règles au nom de la logique on
:
décide que
la
construction normale de
la
proposition.
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
c'est celle qui
met
forme verbale
+
;
les
sujet et l'objet,
:
la vraie antiquité^
nistes, c'est la pensée et
sible
!
Démosthène en
On
une forme
verbe
est
Le jour où on
Renaissance.
la
Cicéron, Tite Live, Tacite^
Grecs^ ce qui intéresse ses admirateurs,
traduit
qu'une
etc.
L'humanisme de
découvre
le
doit s'analyser en
agit
lat.
prédicat agens
verbe entre
le
l8r
le style
latin,
plus
pour
le
que
la
les
huma-
langue
:
on
rendre plus acces-
s'inquiète surtout de présenter les textes sous
lisible et intelligible
:
ce sont les débuts de la
critique des textes, qui ne fera des progrès décisifs
que
deux siècles plus tard, à la suite des travaux de Bentley.
L'œuvre la plus méritoire est celle des Estienne, dont les
Thésaurus sont un inventaire imposant des langues latine
et grecque.
ItjMais
faits
au
la
grammaire
nom
piétine sur place
;
elle
d'entités, figures et tropes;
explique les
elle
admet
le
caprice, l'artifice, confond la rhétorique avec l'étude de
la
langue;
la
Royal au xvii®
Grammaire
générale
siècle, et celle
et
raisonnée de Port-
de Condillacauxviii* siècle
en seront encore à construire selon la logique une espèce
de schéma du langage auquel bon gré mal gré doivent
se plier les multiples apparences des langues réelles.
Avènement de
la
méthode comparative. Cependant
une rénovation se prépare qui va conduire au xix® siècle
à l'avènement de la méthode historique et comparative-.
Il
y
avait
beau temps que l'occasion
s'était
présentée
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQ.UE
l82
de
faire entre
les
langues d'utiles comparaisons
Grecs avaient pu observer
du
dialectes; la parenté
les
les
:
correspondances de leurs
latin et
du grec
manifeste
était
;
mais justement on trouvait naturel que des langues de
eussent entre elles de
civilisés
la
ressemblance
;
langues des barbares, on ne s'y intéressait pas
d'Alexandre
le
quant aux
:
l'armée
Grand envahie Tlnde sans en rapporter
révélation du sanskrit. Plus tard
conduit à apprendre
les
la
la
propagande chrétienne
langues dts pays évangélisés
:
la
Bible est traduite en gotique au iv® siècle, en arménien au
v^ siècle; mais pour
les
apôtres du christianisme les
langues des Gentils ne sont que des instruments de pro-
pagande. Plus tard encore
les
sance apprennent l'hébreu,
et la Bible leur
tous
les
mais
il
hommes
théologiens de
ont un jour parlé
la
Renais-
enseigne que
n:ême langue;
trouve malheureusement que
se
la
l'hébreu ne
ressemble à aucune autre langue connue. La pratique
des
langues modernes^ de
partir
sons
du xvi®
littéraires.
l'italien^
à
de l'espagnol,
siècle,
ne conduira qu'à des comparai-
C'est
de l'Orient que devait venir la
lumière.
Au
XVI® siècle, l'Italien Sassetti prétendait avoir trouvé
dans rinde une langue qui ressemblait à
xviii* siècle
l'italien!
Au
des missionnaires, des représentants de
la
compagnie anglaise des Indes orientales, étudient cette
langue, qui leur révèle une vieille civilisation; un magisWilliam Jones, trouve le
trat anglais du Bengale,
sanskrit
si
si les trois
semblable su grec
et
au
latin qu'il se
langues n'auraient pas une origine
dem.ande
commune.
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
Pour
première
la
nettement
•où,
sur tout
comparaison conduit à poser
fois la
problème historique. Or,
le
domaine des sciences
le
183
c'est
le
moment
naturelles, histo-
mêmes, on commence
riques, sociales et morales
à se
rendre compte qu'il faut renoncer aux explications à
observer
priori, qu'il faut
présent par
le
le passé.,
historique, qui,
donner
en tâchant d'expliquer
les faits
Le xix®
siècle crée la
appliquée à l'étude des
méthode
langues, va
l'essor à la linguistique.
La grammaire comparée
des langues in(lo=euro=
péennes. En 1808, Fr. Schlegel, dans une étude sur
langue
et la
philosophie des Hindous, découvre l'intérêt
linguistique du sanskrit; en 1816, Fr.
premier ouvrage sur
grec,
le
domaine
la
latin,
le
Bopp
publie son
comparaison du sanskrit avec
la
perse et
le
favorable à l'éiude
le
germanique. C'était un
langues bien connues,
:
attestées à date ancienne, le latin et le grec apportant
avec eux toute une tradition philologique,
sa grammaire et sa phonétique toutes
Aux
J.
le
sanskrit
faites (cf. p.
178).
langues moins connues s'attaquent des spécialistes
Grimm
:
au germanique, Zeuss au celtique, Schleicher
au lituanien;
méthodes de Burnouf conduisent au
déchiffrement du zend. En même temps se constituent
les
les
différentes
mule
à
disciplines linguistiques
propos du germanique
nétiques, Fr.
Pott construit
on apprend
fonder
à
ressemblances de mots
la
et
].
Grimm
for-
principe des lois pho-
le
la
:
science étymologique;
comparaison non plus sur des
sur des
faits isolés,
mais sur
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
184
un système grammatical. Fr. Bopp, le
fondateur de la grammaire comparée, publie en
l'étude de tout
véritable
deux
éditions, de
1833
^
i8éi,
les différentes parties
Grammaire comparée du sanskrit, du
latin, du lituanien^ du gotique et de
sa
Tiend,
du
de
du
grec,
l'allemand, en
y
adjoignant, au fur et à mesure des nouvelles découvertes,
le
vieux slave,
définitivement
blit
péennes
le
;
l'arménien.
le celtique,
Cest
lui qui éta-
parenté des langues indo-euro-
la
Compendium
Sch\t\ch.tx j en
à.^
i8éi, peut
déjà aborder Fétude historique et l'explication des corres-
pondances.
A
partir de ce
moment,
Science allemande jusque
par
la
la
la
linguistique est constituée.
là, elle
se
répand en France
traduction que donne Bréal, de 1866 à 1872, de
grammaire de
Bopp.
champ
Son
méthodes sont spécialement
ses
s'élargit,
appliquées aux
langues
classiques par Curtius et Corssen, étendues aux langues
romanes par Diez
et
G. Paris
Constituer la linguistique
déchiffrement de l'assyrien
;
la fin
sémitique,
;
on
du
siècle voit se
préparée par
définit
de
nouvelles
familles de langues: finno-ougrienne, turco-tartare
s'attaque à l'immense
le
on
;
donaine des langues d'Asie
d'Afrique et au chaos des langues du
En même temps on aborde
l'étude
et
Nouveau Monde.
des langues non
écrites, des dialectes et des patois. Ainsi se poursuit pas
à pas l'inventaire des langues humaines.
Mais,
résultats
déblayé
à
mesure qu'on avance,
d.s premiers
par les
travaux.
il
taut aussi réviser les
Le
terrain
une
fois
ouvriers du début, on a pu^ dans la
HISTOIRIi
seconde moitié du
185
aboutir à des
découvertes
siècle,
d'une grande portée
:
rigueur des
faits
les
lois
phonétiques, rôle de l'analogie, méca-
nisme de l'emprunt, formation des
dialectes, développe-
ment des langues communes...; on
tution de l'indo-européen
arrive à
(cf. les résultats
successiv.s du Grundriss de K.
les éditions
d'autre part
phonétiques,
études de phonétique expérimentale,
confirmée par
constance des
DE LA LINGUISTIQUE
on
une
resti-
exposés dans
Brugmann)
une théorie générale du
travaille à
;
lan-
Humboldt il se
constitue une philosophie, une psychologie, une physiologie linguistiques (H. Paul, W. Wundt), en même
gage
indiqué par G. de
d.ins le sens
temps qu'on
de langue
;
s'attache à définir scientifiquement les faits
et à délimiter
champ de
le
la ling-uistique.
..
Résistance de la grammaire traditionnelle. Tous
ces progrès ne vont pas sans résistance.
maire
regardé
a
moitié avec
l'avènement de
dédain,
l'abandon de méthodes
aux patois
lectes,
la
langue
moitié
avec
:
c'était
la
faveur donnée à de nou-
des idiomes sans littérature, aux dia;
plus de privilège pour la belle langue,
officielle,
puisqu'au contraire
faible
pour ce qui n'ebt pas
pour
les
fautes,
gram-
de traditions séculaires, les
langues classiques détrônées,
velles venues, à
défiance,
vieille
jeune linguistique
la
et
La
la règle,
le linguiste a
pour
un
les altérations,
pour ce qui n'a pas de prestige
litté-
raire.
La
ïnaire.
linguistique
et
renseignement de
Anarchie apparente, dont
se
méfie
la
gram«
la
science
l86
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
officielle, celle qui a la responsabilité
et les
manuels continuent
propager dans
à
vieux préjugés de
les lycées les
de renseignement;^
logique plus que de grammaire
aperçoit bien quand
dans
«
en marche
marchant
on
lui
Puis
».
».
il
((
Des
mange
))
la
analogiques...
«
dans
dans /m,
l'idée
et on
une dans
le
que
dans
»,
hicr^
est
il
man-
»,
lui
aux
de langue qui
lui
il
arrive à connaître
mais quel
français possède
le
montre que
^f^
français!
voyelles,
6
aussi en est
ou dans/o/^, et que
il
féminin en ajoutant un
et reste intervit
qu'il n'y a entre long et longue,
moins
faits
pas plus que u dans lui\
forme du masculin,
la
des
français;
/ow, et
les adjectifs font leur
grande que
«
formes irrégulières
Tant bien que mal
tout étonné quand on
pas
:
application de lois phonétiques,
stricte
SI lanû;ue, à savoir
vit
mis pour
est
exceptions », aux « figures
résultent de
Il
»
cours supérieurs » de grammaire
«
expliquent par l^appel aux
«
l'analyse logique
«
en
«
enseigne, véritable contre-sens historique et gram-
matical, que
ij^eant
apprend
il
conjonction dans
de en
»
pauvre écolier s'en
distinguer en préposition
lui faut
il
pour
» qui date
qui est affaire de
et
le
;
des
l'école, c'est la
du discours
moins de Denys d'Halicarnasse,
le
Une
la philologie.
premières choses qu'apprend l'enfant à
distinction des « dix parties
les écoles et
différence d'une
e
quand on
doux
i
une
n'en est
répère
que
muet
à la
lui
montre
grand
et douce,
et
consonne de plus ou de
(cf. p.
73).
C'est qu'il est habitué à voir
la
langue sous
de récriture, c'est-à-dire défigurée,
travestie.
le
Il
masque
étudie le
HISTOIRE DE LA LINGUISTIQUE
comme on
rançais
étudie une langue morte.
nontre pas que ces apparences, Ve muet,
ont été autrefois des réalités,
etc.,
'«,
187
et
la
que
On
ne
lui
diphtongue
actuel
l'état
'explique par l'état ancien.
même
Si en
temps que
sa langue maternelle
il
a
la
hance d'apprendre une ou deux langues étrangères, on
ui présente une grammaire construite sur le modèle de sa
grammaire française ou de sa grammaire
lC
règles et d'exceptions, à
lui fasse
>ar
méthode
Il
on ne
:
îrie est
:
lui révéler le
non dans
la
présente et vivante.
même
mécanisme de l'emprunt.
de
prononciation
la
la
bizar-
il
prononciation, qui est la
—
S'il a
temps l'allemand,
exemple de voir comparer
lut à blood, et
s'étonnerait
Raum
à
le
bonheur d'ap-
cela l'intéresserait
room, Tûr à door,
moins de voir
rononcé de manières différentes suivant
au (dans Raum),
à /^(dans
Tûr),
ccasion de lui faire comprendre
le
groupe oo
qu'il
répond
à
u (dans Blut); belle
le
mécanisme élémen-
des correspondances qui attestenr une parenté et
ne origine
ni
y sont
ils
dans l'orthographe, qui n'a qu'une valeur de
rendre en
ire
langue
la
ce serait l'occasion de lui montrer que
invention, et
ir
comment
pas
dit
lui
est dérouté par les caprices
oglaise
îalité
matériel de
le
et
s'étonne de rencontrer en anglais quantité de
enus, ce qui serait
Il
tout
directe »
«
lots français
-
moins que, autre excès, on
absorber sans explication grammaticale
le
arlée.
bourrée
latine,
commune.
de toutes
les
—
Fait-il
conquêtes de
du grec? Ce
linguistique moderne
du
la
latin et
pénétré dans l'horizon de certaines classes de langues
.
HISTOIRE DE LA LINGUISTIdUE
l88
souvent inexact
est bien insignifiant, et
Mûller,
la
vague notion que
le latin et le
langues sœurs dont
le
ridée que les mots
sont formés
sont
sanskrit serait
répandu en somme, ce sont
tique d'hier. Et
les
il
y a tout un
:
Max
grec sont des
l'ancêtre (!),
monde
la
voilà le guide
Ce qui
s'est
(!)
erreurs de
la
linguis-
façade austère des
à connaître et
que ce petit
et
qui
regrettent quelquefois de n'avoir pas
pénétrer
de
p'u^ curieux, les plus avertis,
rendant compte que derrière
maires
les
nom
sur des racines
éléments primitifs du langage
les
le
:
se
gram-
à explorer,
un guide pou: y
livre voudrait être ( i )
Le présent ouvrage, dont la publicatioi a été retardée par
guerre, était achevé en nianuscrit quand l'auteur a eu connais-
(i)
la
sance du Petit traité de linguistique du
à un besoin analogue.
iVl.
A. Grégoire, qai répond
TABLE DES MATIÈRES
Page».
Les sons
Les mots
—
—
phonétique
:
:
i
21
vocabulaire
leur forme
leur sens
:
:
morphologie
sémantique
La construction de
L'expression de
Constitution de
évolution de
28^
la
la
la
la
pensée
langue
langue
Parenté des langues
:
34
phrase
;
;
:
syntaxe
:
43
stylistique
grammaire descriptive
.
55.
...
67
grammaire historique
79
grammaire comparée
Les grandes lois du langage
:
ici
grammaire générale
Les auxiliaires de la linguistique
:
...
lologie
149
histoire de la linguistique
ANGERS.
121
sciences historiques, phi-
IMPRIMERIE
17S
F.
GAULTIER ET
A.
THÉliERT.
SEP 15
/:,
•
•H
CD
University of Toronto
LQi
KO
05
Library
S
DO NOT
REMOVE
THE
CARD
FROM
05
00
ES
S
THIS
o
y:
5
O
POCKET
Acme
I
ibrary Card Pocket
Under Pat. "Réf. Index File"
3
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5-
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