Octobre 2013
Numéro 24
Langues
et cité
Féminin, masculin :
la langue et le genre
Langues et cité
Bulletin de l’obser vatoire des pratiques linguistiques
Masculin / féminin ?
p.2
Usage du masculin
p.3
Pratiques graphiques
du genre
p.4
Transgenres
p.5
Un pronom neutre
p.6
Mademoiselle
p.8
Noms de profession
p.9
Homoparentalité
p.10
Parutions
p.12
Masculin-féminin : la grande afaire ! Tous les textes qui suivent en témoignent.
Les langues pour lesquelles le genre grammatical se construit à partir des pôles
féminin et masculin font l’objet de débats articulant langue, sexe, genre et égalité
sociale.
Mais en indo-européen1, la grande opposition de genre qui organisait la langue
était celle de l’« animé » et de l’« inanimé », qu’exprimait la distinction du masculinféminin d’un côté, du neutre de l’autre. Et puis cette opposition a perdu tout son
sens dans les langues modernes, même celles qui ont conservé un neutre, et
aujourd’hui un Allemand ne saurait dire pourquoi Bank est féminin, Boot neutre,
et Berg masculin. Les catégories du féminin et du masculin se sont un temps
maintenues pour distinguer certaines notions. Les arbres, par exemple, étaient
du féminin, il en reste des traces en occitan : la figuièra, la platana. À son tour,
cette fonction distinctive s’est perdue, et l’usage qui ixe le pied au masculin et
la main au féminin ne répond à aucune notion saisissable, non plus que de dire
en d’autres langues le lune et la soleil. Purement conventionnel, le genre des
noms aurait donc pu disparaitre en français. Notons toutefois son appréciable
rendement linguistique2 : il permet de diférencier à peu de frais le carpe et la
carpe, le livre et la livre, une page et un page, une tour et un tour…
De fait, il reste un domaine où la répartition entre le féminin et le masculin garde
une signiication et continue à jouer un rôle : là où elle correspond à une opposition
de sexe. Pas question de confondre le genre des mots avec le sexe biologique,
mais refuser de faire servir l’emploi du genre grammatical à l’expression d’une
suprématie sexiste est légitime.
Curieusement, cet objectif unique passe par la mise en œuvre de moyens
linguistiques contradictoires : soit accentuer la diférence sexuée (féminisation des
titres et fonctions), soit l’efacer (innovations englobant masculin et féminin).
1 Antoine Meillet, Esquisse d’une histoire de la langue latine, Hachette, 1938, p. 235.
2 Grammaire Larousse du français contemporain, éd. 1973, § 248.
« Le masculin l’emporte sur le féminin » :
peut-on y remédier ?
Michel A, professeur des universités, romancier
C
’est un problème qui, à première vue,
n’est pas d’une insoutenable gravité.
Car il ne parait afecter que de menus
faits d’accord grammatical. Il se pose quand
plusieurs noms de genres diférents sont
qualiiés par le même adjectif. Ainsi ce jeune
gandin que vous avez sous les yeux porte
des gants et une cravate de couleur blanche.
Comment « accorder » l’adjectif blanc ? Pour
le nombre, le pluriel s’impose. Pour le genre,
la règle traditionnelle impose le masculin :
car « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Vous êtes donc contraint(e) de dire qu’« il
portait une cravate et des gants blancs ».
Plutôt dans cet ordre. Le grammairien qui
donne cet exemple déconseille « d’écrire :
il portait des gants et une cravate blancs » :
« cela choquerait l’oreille ».
L’illustre formule « le masculin l’emporte sur
le féminin » n’est pas facile à débusquer dans
les grammaires. Sous sa forme littérale, elle
est, si j’ai bien lu, absente des grammaires scolaires de la in du XIXe siècle et du
XXe siècle. Les nombreuses versions des
manuels de Claude Augé et des deux acolytes
masqués par le pseudonyme champêtre
Larive et Fleury ne l’emploient pas. Seul,
toujours si j’ai bien lu, Henri Bonnard, le
grammairien qui donne l’exemple du gandin
ganté et cravaté, la fait apparaitre dans sa
Grammaire française des lycées et collèges sous la forme abrégée : « le masculin
l’emporte ». La formule subsiste de 1950
à 1972 dans les éditions successives de la
Grammaire. Elle disparait, en 1981, dans
le Code du français courant, que Bonnard
substitue à sa Grammaire.
Rarement explicitée sous sa forme canonique, la règle a d’illustres antécédents. Le
bon père Bouhours écrit en 1675 : « Quand
les deux genres se rencontrent, il faut que
le plus noble l’emporte ». Nicolas Beauzée
précise en 1767 que « le genre masculin est
réputé plus noble que le féminin à cause de
la supériorité du mâle sur la femelle ».
La règle a, sans nul doute, sous une forme
ou sous une autre, été ressassée, dans
les écoles et les collèges. Elle risque de
scandaliser. Elle ne manque pas de le faire,
depuis pas mal de temps. Plus encore depuis
quelques années : les sites qui la vouent
aux gémonies pullulent sur la toile (le plus
pertinent : Edwige Khaznadar, 2000 ; voir
aussi son livre de 2002). En mars 2011, quatre
organisations : L’égalité, c’est pas sorcier !, Le
monde selon les femmes, Femmes Solidaires
et la Ligue de l’enseignement lançaient la
pétition « Pour que les hommes et les femmes
soient belles ! ». Il s’agissait de populariser la
« règle de proximité » : l’accord de l’adjectif
ou du participe passé peut se faire non au
masculin, donné comme « genre indiférencié », mais avec le nom le plus proche, quel
qu’en soit le genre.
Avant toutefois de monter sur les grands
chevaux enfourchés par ces organisations,
il faut bien cerner le problème. Le masculin
qui l’emporte sur le féminin, c’est le genre,
au sens ancien du terme : la bonne vieille
catégorie grammaticale qui, en français, ne
comporte que deux termes. Ce n’est pas le
sexe. Ici je vois poindre les protestations : le
genre, il est bien fondé sur le sexe ? Vaste
problème. Pour les êtres animés et sexués,
c’est en efet le cas, le plus souvent. Mais
chacun sait qu’il y a, même pour les humains,
des exceptions, dans les deux sens : une
vigie, une sentinelle, une estafette, sans
parler des balances et autres fripouilles, ce
sont en général des hommes. Madame le
Ministre, Madame le Professeur, sont des
formules que revendiquent parfois, encore
aujourd’hui, certaines des femmes exerçant
ces fonctions. De nombreuses espèces
animales reçoivent des noms masculins ou
féminins sans rapport avec le sexe : qu’en
pensent les rats et les crapauds femelles, les
souris et les grenouilles mâles ? Quant aux
non-animés, par déinition non sexués, c’est
diférent. Certains linguistes, par exemple
Knud Togeby (1965), vont, paradoxalement, jusqu’à « considérer le genre comme
dépourvu d’une signiication quelconque ». La
relation du genre avec un sexe non existant
ne peut de toute façon être que métaphorique. C’est la position défendue par Jacques
Damourette et Édouard Pichon (sd, [1927]).
Ils décryptent les motivations qui déterminent
la répartition des non-animés entre les deux
termes de la sexuisemblance, néologisme
qu’ils substituent au vieux terme de genre.
Les opérations qu’ils décrivent s’efectuent
dans l’inconscient du sujet parlant. Ainsi
pour le féminin du nom de la mer : neutre en
latin, il aurait dû être masculin en français.
L’homophonie avec le nom de la mère peut
avoir joué un rôle dans sa féminisation.
Sans le savoir, les sujets parlants francophones sont sans doute assez proches des
idées de Damourette et Pichon. Ils y sont
d’ailleurs encouragés par l’évolution récente
du terme genre. Autrefois spécialisé dans sa
valeur grammaticale, il prend aujourd’hui,
sous l’inluence de l’anglais gender, un autre
sens : celui du sexe, mais dans ses aspects
sociaux (voir par exemple Irène Théry, 2007
et Michel Arrivé 2008).
On comprend mieux, dans ces conditions,
l’indignation que fait naitre la vieille formule
du masculin qui l’emporte sur le féminin. Elle
est interprétée comme visant la relation des
deux sexes ou, si l’on veut, des deux genres,
mais dans le sens moderne du terme. À
ce titre, elle est, certes, au plus haut point
contestable, et on comprend pourquoi on
cherche à lui substituer la règle d’ « accord de
proximité ». Qui a fort bien fonctionné dans
des états anciens de la langue, et jusqu’en
plein XVIIe siècle.
Ici se pose un autre problème, aussi épineux : celui de la possibilité, sur ce point
comme sur d’autres, de la « réforme » de la
langue. Même si elle est souhaitable, est-elle
possible ? L’avenir nous dira si « la règle de
proximité » réussira à se substituer à la règle
traditionnelle
.
Références
Arrivé M., 2008, Le linguiste et l’inconscient, Paris, PUF.
DAMOurette J., et PiCHON É., sd [1927],
Des mots à la pensée. Essai de grammaire
de la langue française, Paris, d’Artrey.
KHAzNADAr E., 2000, Sexisme et grammaires scolaires, Langue-fr.net.
KHAzNADAr E., 2001, Le féminin à la Française, Paris, L’Harmattan.
tHéry I., 2007, La distinction de sexe.
Une nouvelle approche de l’égalité, Paris,
Odile Jacob.
tOgeBy K., 1965, Structure immanente de
la langue française, Paris, Larousse.
DU BON USAGE DU MASCULIN
Anne D, université de Saint-Louis, Bruxelles
Marie-Louise M, université de Mons-Hainaut
S
upposons qu’on vous dise
« Le député européen,
Claude Martin [que vous
ne connaissez pas], souhaiterait
s’informer sur votre métier et
s’entretenir quelques minutes
avec vous ». Qui vous attendezvous à rencontrer ? Quelles
images mentales se forment
dans votre esprit ?
Allez-vous imaginer, par exemple,
que ce député européen pourrait
porter une robe et des chaussures à talons hauts ? Sans doute
pas, si vous réagissez comme
la plupart des francophones.
Pour la majorité d’entre eux,
en efet, quand ils renvoient
à un individu déterminé, les
noms masculins désignent des
hommes, et c’est donc prioritairement une image masculine qui
est associée à député européen.
Dire ou écrire (comme l’a fait
un certain usage à partir de
la in du 19e), à propos d’une
femme, qu’elle est chirurgien,
ou conservateur, ou secrétaire
perpétuel, ou Premier ministre,
ou député européen, etc. c’est
déroger à une norme fondamentale du français. Celui-ci, dès les
origines, a distingué chirurgien et
chirurgienne (cyrurgienne attesté
en 1350), drapier et drapière
(drapiere, drappiere : 1344), mire
(du latin medicus) et miresse
(attesté vers 1350), tisserand
et tisserande (attesté en 1338),
etc. Même les titres de prestige
se déclinaient diféremment pour
les hommes et pour les femmes :
il y a eu, dénommées au féminin,
des abbesses, des prieures, des
gouvernantes des Pays-Bas, des
régentes, des surintendantes,
etc. Tout comme des ambassadrices et des générales. Là-dessus,
certains objecteront : « Oui, mais
c’étaient des épouses d’ambassadeurs ou de généraux ». Parfois. Mais pas nécessairement :
ainsi, générale était aussi le
titre donné à des supérieures
de congrégations religieuses, et
quand, en 1645, Mazarin conie
une mission en Pologne à Renée
Du Bec (elle doit conduire au
roi Ladislas IV son épouse, la
princesse française Marie de
Gonzague, qu’il a épousée par
procuration, et s’assurer que le
mariage est consommé), c’est
à titre personnel qu’il la nomme
ambassadrice extraordinaire.
Mais ce n’est pas l’écart par rapport à la norme linguistique qui a
inquiété les pouvoirs politiques
de diférents pays quand, à la
in du 20e, ils se sont engagés
en faveur de la féminisation des
noms de métiers, titres, grades
et professions (voir Dister et
Moreau dans le présent numéro).
D’autres enjeux, psycho-sociologiques, les ont mobilisés.
En efet, si les dénominations
masculines sont prioritairement
interprétées comme renvoyant
à des hommes, elles masquent
la place efective occupée par
les femmes dans la société.
Le point est particulièrement
crucial quand il s’agit de postes
à responsabilités ou de postes
de prestige. Par ailleurs, désigner une femme par un terme
masculin revient à nier une
composante essentielle de son
identité. Le débat s’inscrit donc
dans un cadre plus général : c’est
la question de l’égalité entre les
femmes et les hommes qui est
en cause.
Jusqu’ici, nous n’avons évoqué
que des dénominations renvoyant
à des femmes exclusivement.
Qu’en est-il quand on veut parler
d’un ensemble comprenant des
hommes et des femmes ? Doit-on
s’abstenir de dire ou d’écrire Les
électeurs seront mécontents, par
exemple ? Faut-il nécessairement
éviter les masculins et recourir
à des formulations du type Les
électeurs et les électrices seront
mécontent-e-s, Les électeurs/
trices seront mécontent/e/s,
ou L’électorat sera mécontent,
etc. ?
Sur ce point, qui concerne ce
que l’on nomme la rédaction non
sexiste des textes, les guides de
féminisation publiés en France1
et en Belgique2 se montrent très
réservés. On peut supposer qu’il
y a à cela diférentes raisons.
Les représentations que l’on
se fait des catégories sociales
ne sont pas dictées que par la
langue. Quand on lit Les électriciens ont terminé leur travail,
on pense certes a priori que le
masculin renvoie seulement à
des hommes. Mais ce serait vrai
aussi si au lieu de électriciens, il
était question de chauffagistes.
Or, en ce cas, ce qui oriente notre
interprétation, ce n’est pas le
linguistique, puisque chauffagiste
ne comporte aucune marque
de genre (le mot est épicène),
c’est notre connaissance de
la manière dont, actuellement,
cette profession est composée
dans les faits.
Qu’en est-il lorsque les catégories
1 BeCquer Annie, CerquigLiNi Bernard,
CHOLewsKA Nicole, COutier Martine,
FreCHer Josette, MAtHieu MarieJosèphe, Femme, j’écris ton nom,
Guide d’aide à la féminisation des
noms de métiers, titres, grades,
fonctions, Paris, CNRS, INALF, 1999.
http://lesrapports.
ladocumentationfrancaise.fr/
BRP/994001174/0000.pdf
et http://atilf.atilf.fr/gsouvay/
scripts/feminin.exe
2 Conseil supérieur de la langue
française (Communauté française de
Belgique) Mettre au féminin, Guide
de féminisation des noms de métier,
fonction, grade ou titre, Bruxelles,
Service de la langue française, 1994,
1re édition, 2005, 2e édition, www2.
cfwb.be/franca/femini/feminin.htm
professionnelles ou sociales se
répartissent entre hommes et
femmes de manière équilibrée ?
Si on nous dit que « ces deux
pianistes ont proposé une
interprétation magistrale de la
sonate de Mozart », pensonsnous prioritairement que ces
virtuoses étaient des hommes ?
Si nous lisons « Les Nancéiens
avaient été nombreux à se
rassembler pour acclamer les
jeunes mariés », les emplois du
masculin nous amènent-ils à
concevoir qu’il s’agissait d’un
mariage entre hommes et que
les Nancéiennes étaient restées
chez elles ? Assurément pas. Et
dans le cas des jeunes mariés,
c’est assurément l’image du
mariage entre un homme et une
femme qui sera la première à
nous venir à l’esprit.
Autrement dit, un masculin n’est
pas l’autre. Et un contexte n’est
pas l’autre : s’il est assez peu
utile, dans le compte rendu d’un
colloque, d’indiquer systématiquement qu’il réunissait des
enseignants et des enseignantes,
cela fait sens, dans la perspective de l’égalité entre hommes et
femmes, qu’une ofre d’emploi
soit libellée en spéciiant les
deux genres (Engage un directeur
ou une directrice). Mais autant
il semble clair que le féminin
s’impose, lorsque les noms
renvoient à une ou des femmes
exclusivement, autant il parait
diicile de dégager quelque règle
générale, qui n’alourdirait pas
considérablement la rédaction
et la lecture des textes, pour
la désignation des ensembles
composés d’hommes et de
femmes
.
Pratiques graphiques
du genre
Julie A, université d’Ottawa – Institut d’études des femmes
Université d’Aix-Marseille – LPL
P
arler de genre, c’est dire que le rapport
entre masculin et féminin, hommes et
femmes, est une signification élaborée
qui varie historiquement et socialement.
Comme toute élaboration sociale, le genre
est donc façonné par notre mise en mots.
Au travers du langage, se renforcent, se
négocient et s’éprouvent – au sens de mettre
à l’épreuve aussi bien que de ressentir – les
identités de genre. C’est de cette négociation des formes et frontières du genre que
participent les innovations graphiques du
genre : lecteurs/trices exigeant(e)s, auteurSEs baroques, écrivain-es peu frileux.euses,
et autres explorateureuses du langage, illes
sont toustes concerné·e·s.
L’hétérogénéité de ces nouvelles pratiques,
que l’on voit apparaitre principalement depuis
les années 2000, repose sur diférentes
stratégies. Linguistiquement d’abord, cela
requiert de prendre en compte les diférents
types d’ancrage du genre dans la langue
et les diférentes possibilités d’innovations
graphiques. Sémantiquement ensuite, différentes compréhensions du genre, qui ne
s’excluent pas les unes les autres, sous-tendent ces interventions : visibiliser les femmes,
génériciser ou dépasser le genre.
Casse, caractère & ligne de base : les
typographies du genre
Le marquage linguistique du féminin et du
masculin est loin de se réduire à la présence ou l’absence d’un –e. Il faut jouer en
permanence des continuités (entre formes
courtes : épatant et longues : épatante), des
alternances (belle ; beau) et des accords
(la / le libraire) qu’implique le genre en français. Plutôt que d’ajouter une lettre, il s’agit
en fait de juxtaposer les formes masculines
et féminines. Cela nécessite d’interroger la
linéarité de la langue à l’aide d’un éventail
typographique permettant d’introduire de
la discontinuité dans le continu (épatant·e)
et des formes réunissant les alternances
(lecteur/trices).
Trois principaux critères rentrent en
compte dans le choix de ces formes :
l’aisance technique pour les réaliser, en particulier pour l’écriture numérique aujourd’hui
majoritaire, la lisibilité du texte, et, enin,
une sémantique de la typographie. Si la
réalisation technique est afaire d’habitude,
la question de la lisibilité reste discutée.
Slash, capitale et tiret sont souvent accusés
de heurter la lecture, en empêchant l’œil de
suivre la ligne de base et en brouillant le gris
typographique, dont l’homogénéité aide l’œil
à appréhender un bloc de texte. Se joue ici la
recherche d’équilibre entre lisibilité du texte
et visibilité des modiications apportées.
Toutefois, tout changement nécessite un
désordre préalable, et des travaux ont montré
qu’après un temps d’habituation, ces marquages n’alourdissent pas la lecture. Enin,
certains caractères véhiculent des sens
discutables : les parenthèses (aujourd’hui
vieillies) sont perçues comme minorisant
le e qu’elles contiennent et partant, tout
le genre féminin symboliquement contenu
dans ce e ; inversement, la majuscule trop
valorisante, contrarie les tentatives égalitaires. Le point surélevé, discret et lisible,
présente l’avantage de n’avoir aucun autre
emploi, ainsi que de pouvoir servir à noter
tant la continuité (grand·e) que l’alternance
(lecteur·trice), et semble ainsi un bon candidat typographique.
Visibiliser, génériciser, dépasser
Au-delà des formes graphiques, le choix des
termes auxquels elles s’appliquent dessine
diférentes propositions.
Apposé sur des termes collectifs du type
les étudiant·e·s pour référer à un groupe
composé d’étudiantes et d’étudiants, le
marquage visibilise la présence de femmes
dans les entités collectives, habituellement
masquée par l’emploi du masculin. Il s’agit de
rajouter le féminin au côté du masculin pour
indiquer la pluralité de genre en présence.
Considérant le masculin et le féminin comme
existants indépendamment l’un de l’autre,
cette stratégie consiste en leur répartition
égalitaire.
Le double marquage des termes génériques, par exemple : le/la lecteur·trice est
une personne qui lit permet de proposer un
genre commun. Ici, la présence simultanée
du masculin et du féminin produit une annulation de leur valeur respective, à la façon
de 1+(-1) = 0. Cette nouvelle proposition
de générique comprend le masculin et le
féminin comme déinis relationnellement
l’un à l’autre.
reposant sur la même conception sémantique, la troisième stratégie consiste à
appliquer ce marquage aux entités particulières : mon ami·e est arrivé·e hier, en plus
des entités collectives et génériques. Ici
encore, la cohabitation du masculin et du
féminin sert à rendre caduque leur valeur
réciproque. En proposant un dépassement
de l’opposition de genre à tous les niveaux, il
est question de penser un au-delà du genre,
de le dé-signiier.
Ces diférentes stratégies se retrouvent
en différentes langues. En anglais par
exemple, où le genre est moins grammaticalisé qu’en français, pas moins de 90
propositions de pronoms génériques ont
été faites depuis 1850, dont la plus connue
est s / he. Aujourd’hui, l’usage se stabilise
autour de l’emploi de they au singulier ou
de she comme pronoms génériques, pour
contredire l’emploi du masculin générique.
Des propositions de visibilisation existent
également, comme womanity (woman/
humanity) ou herstory (history). En espagnol, où le genre est très grammaticalisé,
c’est le @ qui est utilisé comme générique
typographique : l@s chic@s. La graphie du
genre a donc au moins autant à voir avec
ce que l’on veut en dire qu'avec la langue
dans laquelle on le dit.
Les marquages et démarquages du genre
à l’écrit prennent des formes variées et
expriment diférentes stratégies. Cette
hétérogénéité est la condition pour expérimenter de nouvelles façons de dire ou
dédire le genre, pour penser de nouvelles
signiications du genre. Les correcteurs
orthographiques et les diférents lieux de
normalisation de la langue se chargeront
bien assez tôt de formaliser ces tentatives.
D’ici là, l’irruption de formes non-standards
dans le langage nous interpelle sur notre mise
en mots du genre et, par là même, sur notre
capacité à façonner nos identités, dans des
reformulations graphiques et sémantiques.
Plutôt que de céder aux sirènes du purisme
de la langue et du genre pour ne rien voir
dépasser des lignes, ce tumulte graphique
ne cache pas le plaisir de ses auteureuses
à jouer de la langue
.
Références
ABBOu J., 2011, « L’antisexisme linguistique
dans les brochures libertaires : Pratiques
d’écritures et métadiscours ». Thèse de
doctorat, Aix-en-Provence, université
d’Aix-Marseille.
BArON D., 1986, Grammar and Gender.
Yale : Yale University Press.
gygAx P. et NOeLiA G., 2007. « Lourdeur
de texte et féminisation ». Dans L’Année
Psychologique 107 (2) : 233-250.
MiCHArD C., 1996, « Genre et sexe en
linguistique ? : les analyses du masculin
générique ». Dans Mots, Les langages du
politique 49 : 29-47.
LANGAGE ET PRATIQUES
« TRANSGENRES »
Luca Greco, université de la Sorbonne Nouvelle
L
es personnes se disant « transgenres » revendiquent un positionnement identitaire remettant en question le binarisme
« homme vs femme ». Les recherches sur les relations entre
pratiques transgenres et langage sont extrêmement rares, mais
elles sont particulièrement intéressantes pour illustrer comment la
créativité linguistique est sollicitée pour marquer un positionnement
identitaire. Voici quelques exemples de néologismes circulant dans
une communauté transgenre belge francophone :
H
F
Transgenre
elle
yel, iel
(utilisé à l’oral et à l’écrit)
ils
elles
yels
(surtout utilisé à l’écrit)
z
(utilisé à l’oral)
tous
toutes
toustes
(utilisé à l’oral et à l’écrit,
en alternance dans ce dernier cas avec touTEs)
ceux
celles
ceuses, celleux
(utilisé à l’oral et à l’écrit)
nombreux
nombreuses
il
nombreuxses
(utilisé à l’écrit)
Références
greCO L., 2012, « Un soi pluriel : la présentation de soi dans les
ateliers drag kings. Enjeux interactionnels, catégoriels et politiques ». Dans N. CHetCuti, L. greCO (éds) La face cachée du genre.
Langage et pouvoir des normes, Paris, Presses universitaires de
la Sorbonne Nouvelle, pp. 63-83
tHOMAs M-Y., esPiNeirA K., ALessANDriN A., (éds) 2013, Transidentités. Histoire d’une dépathologisation, Paris, L’Harmattan.
D
epuis quelque temps, le débat sur le
pronom suédois neutre hen, englobant
han, « il » et hon, « elle », fait rage en
Suède. Inventé dans des cercles féministes
pendant les années soixante, il est rapidement tombé en désuétude, mais a repris son
envol de manière spectaculaire en 2012.
Constatons d’abord que hen est un néologisme dans la mesure où ce mot n’existe
pas dans la langue suédoise standard. Il
est extrêmement rare que de nouveaux
mots fonctionnels soient introduits dans le
vocabulaire, et le suédois hen constituerait
donc une exception. Notons en outre que,
de manière surprenante, ce petit mot n’est
dérivé ni de la forme masculine han, ni de la
forme féminine hon, mais constitue une solution indépendante de par sa forme unique.
Plusieurs langues dans le monde possèdent
un pronom neutre du type hen, tel que le
Or, la deuxième acception, qui est davantage
controversée, a vu le jour dans une école
maternelle à Stockholm en 2012, où l’on a
conseillé au personnel de remplacer han et
hon par hen, ain « de ne pas imposer aux
enfants les préjugés associés aux sexes masculin et féminin ». Un livre pour enfants, Kivi
& monsterhund (« Kivi et le chien monstre »),
paru la même année, utilise de la même
manière conséquente le pronom hen, ce qui
a contribué à l’animation du débat.
Ceux qui préconisent cet usage controversé
de hen voient le genre comme « une construction sociale sans fondation biologique nécessaire ». Ils prônent l’idée que l’enfant oscille
entre diférentes identités au cours de son
développement, processus qui serait facilité
si l’enfant n’était pas soumis à une langue
qui conserve les rôles de genre traditionnels.
À cela s’ajoute le fait que beaucoup de
personnes aujourd’hui se déclarent « HBTQ »
d’un(e) étudiant(e). Notons que le suédois ne
présente pas de variation en genre, student
est un nom générique. Le genre n’a donc
pas d’importance.
Les désavantages de chaque proposition
sont mentionnés ci-dessous.
1. Jag frågade studenten varför hen var
försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi hen
était en retard.
Autre solution précédemment proposée
(nous avons exclu les propositions les plus
fantaisistes, telle h–n).
2. Jag frågade studenten varför han var
försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi il était
en retard.
Le masculin est considéré comme la
norme.
Un pronom neutre
innois hän « il ou elle », qui aurait facilité
le lancement de hen en Suède. Dans les
langues qui n’ont pas ce type de pronom,
comme le suédois, le français ou l’anglais,
on réléchit depuis un certain temps, dans
un souci d’être politiquement correct, à la
possibilité d’utiliser une autre forme que le
genre masculin qui s’applique par défaut. En
anglais, par exemple, on a essayé d’introduire
des formes comme s/he « il ou elle », voire
they « il ou elle », avec plus ou moins de
succès. Or ce n’est pas cette acception de
hen qui a enlammé le débat, mais un usage
plus novateur de ce pronom.
Pour bien comprendre la polémique autour de
hen, il faut donc distinguer les deux acceptions de ce pronom. La première, assez peu
controversée, regroupe les cas où le sexe du
référent n’est pas spécialement pertinent,
comme dans le cas du pronom anglais they
qui a l’avantage d’inclure masculin et féminin.
(homosexuels, bisexuels, transsexuels et
queer), ce qui voudrait dire que la dichotomie
traditionnelle entre hommes et femmes
s’eface. L’usage non réléchi de han « il » et
hon « elle » conserverait donc les stéréotypes
liés au genre et serait en conlit avec la réalité
contemporaine. À l’inverse, les détracteurs
de hen prônent l’idée que l’identité de l’enfant repose sur son sexe « naturel », et que
l’usage de ce pronom neutre tend à semer
la confusion chez l’enfant.
Prenons quelques exemples qui illustrent
les deux usages de hen :
> Concentrons-nous dans un premier temps
sur l’usage premier de hen, qui permet de
se référer à une personne sans dévoiler
son sexe. Le genre du référent n’est alors
ni pertinent, ni intéressant, mais superlu.
Considérons la phrase ci-dessous, où il s’agit
3. Jag frågade studenten varför hon var
försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi elle
était en retard.
Usage parfois rencontré dans des milieux
radicaux, où le féminin est considéré la
norme, donc contre l’idée de hen. Toutefois, l’être humain est féminin en suédois :
l’Homme, elle… !.
4. Jag frågade studenten varför haon var
försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi « ille »
(ou « el ») était en retard.
Solution mot-valise, très artiicielle.
5. Jag frågade studenten varför han/hon
var försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi il/elle
était en retard.
Peut être ressenti comme lourd, inélégant.
6. Jag frågade studenten varför han eller
hon var försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi il ou
elle était en retard. Idem.
7. Jag frågade studenten varför den var
försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi il
(inanimé) était en retard.
un être animé doit être désigné par
han ou hon [ou hen !] en suédois, tandis
qu’on renvoie aux objets inanimés par den
[« utrum »] ou det [neutre]. Cet usage nous
semble déshumanisant et péjoratif, mais
peut parfois être acceptable, voir Karin
Milles, 2008.
8. Jag frågade studenten varför de var
försenade.
Je demandais à l’étudiant pourquoi ils / elles
étaient en retard.
11. Pelle sa att han skulle komma.
Pierre disait qu’il viendrait.
Usage traditionnel.
12. Pelle sa att den skulle komma.
Pierre disait qu’il (neutre) viendrait.
Usage très marginal, cf. 7. ci-dessus.
Les autres formes de 3. à 9. ci-dessus semblent non attestées ici, voire impossibles.
En guise de conclusion, nous faisons les
rélexions suivantes :
> L’usage peu controversé de hen lorsqu’on
se réfère à une personne dont le sexe est
une information superlue, semble avoir un
avenir dans la langue suédoise. Il a d’ailleurs
déjà fait son entrée dans le Parlement ainsi
que dans la sphère juridique. Comme le
montrent les exemples 1. à 9. ci-dessus, hen
s’implanter dans la langue suédoise, mais si
son usage peut sensibiliser l’opinion générale
et indirectement contribuer à une société
plus paritaire, cela ne peut pas être une
mauvaise chose.
> Nous pouvons également nous poser la
question de l’inluence de ces pratiques
égalitaires dans les pays voisins. En France,
le combat contre les stéréotypes dès le
biberon est mené depuis 2009 par la crèche
Bourdarias à Saint-Ouen. Le personnel a été
formé par un spécialiste suédois revendiquant
une pédagogie « active égalitaire », où les
garçons peuvent jouer à la poupée et les
illes peuvent bricoler. L’usage de hen (par un
personnel francophone) fait partie intégrante
de cette pédagogie
.
: hen en suédois
Karl E G, Études nordiques, université Paris-Sorbonne (Paris IV),
Isabelle H, IFP, université Panthéon-Assas (Paris II)
Solution à l’anglaise, marche assez mal en
suédois où le participe passé s’accorde
avec le sujet [comme en français].
9. Jag frågade studenten varför vederbörande
var försenad.
Je demandais à l’étudiant pourquoi « l’intéressé » était en retard.
Peut être ressenti comme trop soutenu,
lourd.
> Dans le deuxième cas, le genre du référent est connu, mais hen est utilisé ain de
problématiser la division traditionnelle entre
garçons et illes :
10. Pelle sa att hen skulle komma.
Pierre disait que hen viendrait.
Usage controversé.
est une solution souple et élégante qui n’a pas
vraiment de concurrents sérieux dans cette
acception. Il s’agit de simpliier la langue en
évitant d’écrire « il / elle ».
> L’usage controversé de hen comme outil
pour propager l’idée de la parité nous semble
pour l’instant limité. Or, selon nous, il est
possible que le hen soit un jour aussi peu
controversé que le mariage gay, reconnu en
Scandinavie depuis des années, mais qui a
également connu des débuts diiciles.
> un pronom ne peut pas changer le monde,
et comme l’a démontré le linguiste suédois
Mikael Parkvall, les pays qui utilisent un
pronom neutre ne sont pas forcément plus
paritaires que d’autres.
> Il est diicile de savoir si hen va durablement
Références
LuNDqvist J., 2012, Kivi & Monsterhund.
Linköping : OLIKA förlag.
MiLLes K., 2008, Jämställt språk: en handbok i att skriva och tala jämställt [Le langage
égalitaire : manuel pour parler et écrire de
façon égalitaire]. Stockholm : Norstedts
akademiska förlag.
PArKvALL M., 2006, Limits of Language:
Almost Everything You Didn't Know about
Language and Languages. Sherwood :
Oregon, William James & Company.
riDeLL K., automne 2013, « Hen – un
nouveau pronom personnel suédois.
Planiication linguistique et débat social. »
À paraitre dans Nordiques n° 26.
La longue vie
de Mademoiselle
Daniel E, université de Genève
Mademoiselle, l’évolution d’un titre volonté de ne pas (devoir) distinguer entre
de civilité
la femme célibataire et la femme mariée.
L
e terme d’adresse Mademoiselle est
attesté depuis le XVe siècle (la forme
simple domnizelle, c’est-à-dire demoiselle, se trouve déjà dans un texte du
IXe siècle). Depuis, il a connu des transformations d’usage (et de signiication) importantes. Au début, Mademoiselle s’utilisait,
comme Madame, pour les femmes nobles.
Mademoiselle était d’abord le titre de la ille
ainée des frères ou oncles du roi, puis il s’est
également utilisé pour des illes ou femmes
de gentilshommes non titrés. Jusqu’à la in
de l’Ancien régime, le sens de Mademoiselle
s’est élargi et a ini par convenir pour toute
jeune ille noble ou femme mariée de la
petite noblesse.
Après la Révolution française, le sens de
« femme non mariée », en usage depuis la
in du XVIIe siècle, s’est généralisé, tandis
que Madame a ini par désigner la femme
mariée (et maitresse de maison).
Changement de langue spontané et
changement de langue dirigé
Le système des termes d’adresse montre
bien l’interdépendance entre l’évolution
linguistique et les changements aux niveaux
social et politique. Il s’avère que le changement linguistique n’est qu’en partie spontané,
et qu’il est aussi sujet à des contraintes de
type social et administratif, car il est, dans
ce cas, en lien avec le nom des citoyennes
et citoyens ainsi que leur statut civil, marqué
symboliquement par le titre de civilité utilisé
dans la correspondance oicielle.
Il n’est dès lors pas surprenant que l’asymétrie entre le seul terme d’adresse à disposition pour les hommes (Monsieur) et la double
forme Madame et Mademoiselle soit sujette
à des questions politiques quant à l’usage
de ces termes dans les administrations.
Comme dans d’autres pays, l’utilisation de
Mademoiselle a donné lieu, en France, à plusieurs circulaires et réponses ministérielles à
des questions écrites de parlementaires (cf.
Debono 2010 : 146ss.). Elles transcrivent la
Cependant, Debono (2010 : 147) conclut :
« Ces textes ont beau exister, ils sont largement inappliqués par les administrations. (…)
Et la constance des réclamations parlementaires pour l’application de ces circulaires
n’y a rien changé ».
Parmi les tentatives d’intervention féministe
plus volontaires, les formes Madelle (censée
remplacer Mademoiselle et Madame) ainsi
que Me (au lieu de Mme et Mlle) (cf. Elmiger 2008: 323) semblent avoir eu peu de
succès en dehors de cercles initiés.
La situation aujourd’hui
Contrairement à d’autres langues (comme
l’anglais ou l’allemand), où l’utilisation de
Miss (anglais) / Fräulein (allemand) est
en net recul, Mademoiselle ne semble pas
vraiment être rejetée par les francophones.
Cependant, l’ancienne acception de « femme
pas (encore) mariée » semble devenir minoritaire, car de moins en moins de femmes
célibataires revendiquent être Mademoiselle
pour cette raison-là. De même, les femmes
divorcées ne semblent plus guère vouloir
être appelées Mademoiselle (cf. Commission
générale de terminologie et de néologie,
chap. 5.1.5).
Il subsiste surtout l’utilisation de Mademoiselle
pour les (très) jeunes femmes – et aussi
pour les femmes que l’on considère comme
ayant un aspect jeune, parfois avec une
connotation de latterie. Cependant, il est
clair qu’il n’existe pas de limite objective
entre la jeune Mademoiselle et la Madame
mature, et il en résulte une frontière diicile
à saisir et à appliquer : ainsi, une femme de
trente ans peut être lattée d’être appelée
Mademoiselle ou au contraire se sentir
(trop) peu prise au sérieux ; en revanche, le
terme Madame peut être vécu comme un
signe de maturité, ou alors comme indice
de vieillissement…
Quoi qu’il en soit, l’association positive de
jeunesse liée à Mademoiselle contribue
à rendre diicile son abandon complet ;
pour l’instant, bon nombre de francophones
semblent tenir au terme d’adresse Mademoiselle (cf. Elmiger 2008: 317ss.).
Longévité de l’usage des termes
d’adresse dans l’administration
À l’écrit également (correspondance personnelle, professionnelle ou administrative),
l’utilisation de Mademoiselle semble encore
bien vivante, bien qu’il n’existe pas de statistiques précises quant à l’évolution des
usages. Dans certains formulaires (tant privés
qu’oiciels), les deux cases Mademoiselle et
Madame subsistent encore et il arrive que
des administrations fassent toujours usage
des deux termes malgré le fait que « [l]eur
emploi ne repose en efet sur aucune disposition législative ou règlementaire » (JO Sénat,
24/04/2008, p. 836), comme l’a précisé le
Secrétariat d’État chargé de la solidarité à
une question écrite de Mme Monique Cerisierben Guiga, en 2008. Il ajoute d’une part
qu’« [i]l incombe aux intéressées de choisir
la désignation qu’elles préfèrent » et d’autre
part qu’il est « recommandé aux diférentes
administrations d’éviter toute précision ou
appellation susceptible de contraindre la
divulgation de l’état matrimonial de l’intéressée dans ses relations avec les tiers ».
Plus récemment, une circulaire du Premier
ministre (du 21 février 2012) demande que
l'emploi de la civilité Madame soit « privilégié », et recommande d’« éliminer autant
que possible » le terme Mademoiselle – sans
pour autant le proscrire. Ainsi, près d’un
demi-siècle après la première circulaire
(en 1967), dans laquelle il était noté que
« dans de nombreuses administrations il est
déjà établi que l’appellation ‘Madame’ doit
être utilisée lorsqu’une mère célibataire le
demande expressément », il semblerait que
le terme d’adresse Mademoiselle ait encore
de beaux jours devant lui
.
Références
Commission générale de terminologie
et de néologie, 1998, Rapport sur la
féminisation des noms de métier, fonction,
grade ou titre.
DeBONO M., 2010, Construire une didactique interculturelle du français juridique :
approche sociolinguistique, historique
et épistémologique. Tours : université
François-Rabelais (thèse de doctorat).
eLMiger D., 2008, La féminisation de la
langue en français et en allemand. Querelle
entre spécialistes et réception par le grand
public. Paris : Honoré Champion.
Anne D, présidente de la Commission féminisation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, université de Saint-Louis, Bruxelles,
Marie-Louise M, université de Mons-Hainaut
Les politiques linguistiques de la féminisation
des noms de profession dans les pays francophones du nord
A
ujourd’hui, dans la francophonie du Nord, dire d’une
femme, avec des noms
masculins, qu’elle est directeur,
député européen, ou ministre
français contrevient à ce qui est
devenu la norme linguistique de
la plupart des locuteurs et des
scripteurs. Au départ, pourtant,
les nouvelles étiquettes féminines se sont heurtées à bien
des oppositions et des critiques
(qu’on se rappelle les débats
autour des professions prestigieuses : il ne fallait quand même
pas confondre la secrétaire et le
secrétaire d’état ou le secrétaire
perpétuel !). Le changement s’est
cependant efectué à une rapidité inhabituelle dans l’histoire
des langues. C’est d’une part
que l’idée, portée par les mouvements féministes, était dans
l’air du temps (elle s’exprime
aussi dans les pays anglophones,
germanophones, hispanophones,
etc.) ; c’est aussi que le changement a été cautionné, encouragé
et encadré par une politique
linguistique volontariste aussi
bien au Québec, qu’en France,
en Suisse et en Belgique.
les enseignant-e-s, le personnel
enseignant…).
La France sera le deuxième pays
à se préoccuper oiciellement
de féminisation. En 1984, Yvette
Roudy, ministre des Droits de la
Femme, met en place une Commission de terminologie relative
au « vocabulaire concernant les
activités des femmes ». Cette
commission, présidée par l’écrivaine Benoîte Groult, subira les
foudres de l’Académie française
qui estime être seule à pouvoir
établir les normes du français.
Les travaux de la Commission
serviront de base à la circulaire
relative à la féminisation des
noms de métier, fonction, grade
ou titre publiée le 11 mars 1986
au Journal officiel par Laurent
Fabius, alors Premier ministre.
Ce texte ne sera toutefois suivi
d’aucun efet, et il faudra attendre
le gouvernement Jospin et la circulaire du 6 mars 1998 pour que
les choses changent vraiment en
France. L’année suivante, l’INALF
et le CNRS publient un guide de
féminisation.
Dans la Confédération hel-
Petit historique des mesures vétique, déjà dans les années
institutionnelles
1970, l’État fédéral marque sa
Le Québec est pionnier en la
matière pour la francophonie.
En efet, dès 1979, la Gazette
officielle recommande aux
administrations d’utiliser systématiquement, pour désigner les
femmes dans l’exercice de leur
profession, des formes féminines,
déjà établies ou nouvelles, et toujours accompagnées de déterminants féminins. Des guides
de féminisation sont publiés
en 1986, 1991, 2007. C’est au
Québec que la francophonie doit
les nouveaux féminins en –eure
(ingénieure, professeure…). C’est
au Québec aussi que se développe le plus la tendance à éviter
les noms ou pronoms masculins
pour désigner des ensembles
mixtes (tendance qui conduit
aux formulations du type les
enseignants et les enseignantes,
préoccupation d’assurer dans le
langage l’égalité linguistique des
sexes (p.ex., arrêté du 18 octobre
1972). En 1988, le canton de
Genève adopte une loi imposant
aux administrations de féminiser
les titres de profession et de
faire en sorte que les femmes
soient davantage visibles dans
les textes. Il est suivi, en 1992,
par le canton bilingue de Berne
(qui publie des directives pour
le français et pour l’allemand),
en 1994 par celui du Jura, et
en 1995 par celui de Fribourg.
Divers guides sont proposés au
public, en version papier ou sur
internet.
En Belgique francophone, un
décret en ce sens est voté au
Parlement en 1993. Il recommande aux administrations de la
Fédération Wallonie-Bruxelles et
aux institutions qu’elle subventionne, d’appliquer les « règles
de féminisation des noms de
métier, fonction, grade ou titre ».
Il charge le Conseil supérieur
[belge] de la langue française de
formuler un avis sur les normes à
appliquer. Ce Conseil remet son
avis le 5 juillet 1993 et publie un
guide en 1994.
Les conditions favorables
au changement
Quels ingrédients les diférentes
situations ont-elles réunis qui
ont permis à la féminisation de
s’implanter ?
D’abord, un air du temps : l’égalité entre femmes et hommes
est une valeur largement partagée par la société à la in du
XXe siècle.
Ensuite, une prise de position
oicielle, traduite dans un cadre
juridique.
Ensuite encore, l’information du
public. Dans les quatre situations, des guides de féminisation
ont été largement difusés et ont
connu plusieurs rééditions.
L’objectif des guides est certes
d’informer le grand public, mais
leur efet est aussi de traduire
l’engagement des autorités.
Cet engagement, on l’observe
aussi, dans la France de 1998,
par exemple, quand les femmes
présentes au Gouvernement
demandent explicitement qu’on
les appelle Madame la Ministre, et
non plus Madame le Ministre.
La presse joue également un
rôle déterminant, quand elle
difuse l’information, quand elle
signale la publication de guides
et, surtout, quand elle adopte
elle-même les nouvelles formes.
Dans les quotidiens français, on
constate un véritable tournant en
matière de féminisation à partir
de 1998.
…
de la circulaire fran▸çaiseL’échec
de 1986 indique bien qu’il
ne suit ni d’un air du temps, ni
d’un décret ou d’une circulaire
pour modiier les pratiques, et
que d’autres conditions doivent être réunies. En l’espèce,
à l’époque, la publicité autour
de la réforme s’est faite au
moment de la mise en place de
la Commission Roudy et non au
moment de la publication de la
circulaire (la France changeait
alors de gouvernement et la féminisation des noms n’était pas
une priorité de la cohabitation
mise en place) ; aucun guide n’a
été publié ; aucune personnalité
en vue ne s’est prononcée en
faveur de la féminisation ; les
médias n’ont pas modiié leurs
pratiques.
Si c’est en ordre dispersé que
les diférentes communautés
de la francophonie du Nord ont
pris des initiatives oicielles en
matière de féminisation linguistique, leurs recommandations sont
remarquablement convergentes.
La féminisation s’est imposée
dans la pratique des usagers, en
dépit des résistances initiales et
en dépit du véto de l’Académie
française. Mais en 2011, lorsque
celle-ci présente le 3e volume de
son dictionnaire, n’associe-t-elle
pas la « féminisation de certains
mots » à la « richesse du français »
et à « son évolution » ? Il est dificile de ne pas voir là un signe
clair du succès du changement
en cause
.
Le langage
à l’épreuve de
l’homoparentalité
Luca Greco, université de la Sorbonne Nouvelle
H
omoparentalité est un néologisme
créé par l’Association des parents
et des futurs parents gays et lesbiens en 1996. Il désigne l’exercice de la
parenté par un couple de même sexe, par
une personne se déinissant comme gay ou
lesbienne, ou par un couple de lesbiennes
ou un couple de gays en régime de co-parentalité. L’homoparentalité est une pratique
sociale qui interroge, comme l’ont montré les
récents débats déclenchés par la discussion
et l’adoption de la loi Taubira – n° 2013-404
du 17 mars 2013 – ouvrant le droit au mariage
et à l’adoption aux personnes de même sexe.
Or, l’anthropologie des pratiques parentales
montre que les groupes sociaux peuvent
déinir des liens de parenté en dehors du
biologique (c’est le cas de l’adoption par
exemple) et en dehors du couple hétérosexuel. En fait, c’est par et dans les pratiques
sociales que les acteurs sociaux déinissent,
selon les époques historiques, ce qu’est pour
eux une famille. Parmi ces pratiques sociales,
le langage occupe évidemment une place
centrale, parce qu’il permet de nommer et
de désigner le lien parental.
Dans le cadre d’une recherche menée dans
un groupe de parents et de futurs parents
gays et lesbiens, à une époque où aucun
cadre juridique ne reconnaissait les familles
homoparentales, je me suis rendu compte
que l’on pouvait concevoir l’homoparentalité
au prisme du langage. Le désir de devenir
parent, que l’on soit hétérosexuel-le ou gay
ou lesbienne, est en efet verbalisé auprès
des cercles sociaux que l’on fréquente. Dans
le cas des couples homosexuels, parce que
l’homoparentalité est souvent stigmatisée,
cette verbalisation se fait souvent auprès des
plus proches, des ami-e-s, et des membres
des associations homoparentales qui sont
un soutien dans les diférentes démarches.
Cette verbalisation permet de mettre à
l’épreuve les possibilités de réalisation du
projet parental, et de rendre l’identité de
« père » ou de « mère » homosexuel-le-s possibles. Dépassé ce premier stade, les futurs
parents peuvent participer à des groupes de
parole dans lesquels le projet de construire
une famille va de pair avec des questions
typiquement linguistiques : comment se
nommer, lorsque les futurs parents sont
deux hommes ou deux femmes ? Comment
faire face à un vocabulaire de la parenté
structuré autour de la diférenciation des
sexes (« mère/maman », « père/papa ») ? Ou
alors, comment nommer le deuxième parent
(ou parent social), étant donné que le parent
biologique sera nommé et présenté en tant
que le « père » ou la « mère » de l’enfant ?
Et encore, comment nommer le géniteur
qui est absent (donneur pour un couple
de femmes, mère porteuse pour un couple
d’hommes) ain que les enfants puissent
avoir la possibilité d’en parler ? Plusieurs
solutions sont possibles et mises en œuvre
par les familles que j’ai pu rencontrer, par
exemple :
> l’utilisation du couple linguistique « mère-maman / mère-maman » ou « père-papa / pèrepapa » pour nommer et désigner les deux
parents (cas très peu utilisé à l’époque de
mon terrain) ;
> l’utilisation et la redéinition d’un terme
comme « marraine », « parrain », ou encore
« beau-père » pour désigner le père ou la
mère sociale (vs biologique) ;
> l’utilisation du vocabulaire de la parenté tel
qu’il est utilisé dans une autre langue que
le français pour désigner le lien de parenté
avec les parents sociaux dans le cas de
couples issues de deux cultures / langues
diférentes (mère-maman / mamma en
italien, par exemple) ;
> l’utilisation de néologismes tels que
« popu », « mamu » ou autre pour désigner
les parents sociaux ;
> l’assemblage du terme « père » / « mère »
au prénom du parent social (« maman
Jacqueline », par exemple) ;
> l’utilisation du prénom seul.
toujours – en intériorisant la norme de la
diférence des sexes – d’utiliser les termes
« père / papa » ou « mère / maman » pour
désigner les parents sociaux. Ils invoquaient
alors la nécessité de permettre à l’enfant
de reconnaitre, par et dans les appellations parentales, une diférenciation entre
le « biologique » et le « culturel ». On peut
sans doute en conclure que le binarisme et
la diférence des sexes afectent donc aussi
les couples homoparentaux. Leurs pratiques
langagières montrent alors que le travail de
production et de mise en circulation des
normes sociales et linguistiques est une
activité partout présente. On peut dans
cette perspective se demander dans quelle
mesure l’adoption de la loi Taubira entrainera ou non des changements importants
dans les pratiques langagières – et si oui,
de quel ordre seront ces changements.
Les recherches ethnographiques devront
donc documenter à l’avenir l’émergence
de formes linguistiques nouvelles, ou peutêtre la redéinition de termes de parenté
déjà existants. Alors que la féminisation des
noms de fonction est devenue une pratique
langagière courante et ne semble plus créer
à l’heure actuelle de polémique majeure, on
peut penser que les nouvelles pratiques de la
parentalité constituent, pour la linguistique
et l’anthropologie notamment, un nouveau
terrain de recherche, riche des questions
linguistiques et sociales qu’il soulève
.
À partir de ce bref aperçu sur des pratiques
de nomination et d’appellation homoparentales réelles, plusieurs conclusions peuvent
être tirées. D’une part, les locutrices et les
locuteurs font preuve d’une grande créativité linguistique en rendant compte par
et dans la langue de situations parentales
nouvelles. D’autre part, j’ai été frappé à plusieurs reprises par la façon dont les couples
que j’ai rencontrés s’interdisaient presque
Références
gALAtOLO R., greCO L., 2012, « L’identité dans l’interaction : pratiques de catégorisation et accountability en milieu homoparental ».
Dans Langue Française, numéro spécial sur l’interaction coordonné par Véronique Traverso, pp. 75-90
greCO L., 2011, « L’homoparentalité entre parenté, genre et langage : diférenciation et binarité dans les procédés d’appellation et
de catégorisation du lien parental ». Dans Alexandre DuCHêNe, Claudine MOïse (eds) Langage, genre et sexualité. éditions Nota Bene,
Quebec, collection « Langue et pratiques discursives », pp. 147-172
gODeLier M., 2004, Les métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard
grOss M., 2012, Qu’est ce que l’homoparentalité ? Paris, Payot.
P
VÉRON Kora et HALE homas A., Les écrits d'Aimé
aux étudiants en anthropologie, sociologie, linguis-
et intérêts locaux se font-ils l'écho ? Ces conlits
Césaire. Biobibliographie commentée (1913-
tique ou encore en sciences de la communication,
locaux ont-ils évolué récemment sous l'inluence
2008),Paris:HonoréChampion,2013.
et à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre,
de processus globaux ? Par qui ces revendications
Cette biobibliographie commentée retrace avec mi-
sont concernés par les questions que soulèvent les
sont-elles portées ? Qui afectent-elles principa-
nutie le parcours littéraire et politique d’Aimé Césaire
usages du langage.
lement ? Et, par-delà ces questions, quels chan-
à travers un millier de notices qui présentent et
gements sociaux traduisent-elles, localement et
analysent tous les textes ou documents publiés qui
Lotterie Florence, Le Genre des Lumière – Femme
globalement ? Comment les questions langagières
ont pu être recensés. L’insertion de repères chro-
et philosophe au XVIIIe siècle, Paris:Classiques
sont-elles construites en problèmes par les diférents
nologiques permet en outre de situer les écrits de
Garnier, 2013.
mouvements de revitalisation linguistique ? Comment
Césaire dans leur contexte biographique, culturel,
Au XVIIIe siècle, la igure insistante de la « femme
ces problèmes sont-ils construits comme pertinents
et historique.
philosophe » s'articule à un imaginaire ambivalent de
pour des groupes entiers ? Comment les questions
la diférence des sexes, entre hantise d'une confu-
linguistiques sont-elles articulées à d'autres problé-
BORNAND Sandra et LEGUY Cécile, Anthropologie
sion délétère et quête d'un modèle d'harmonie. La
matiques sociales ? Et, inalement, pourquoi est-ce
des pratiques langagières,Paris:ArmandColin,
femme travestit-elle la philosophie ? Les Lumières
par la problématisation des questions linguistiques
2013.
ont-elles un genre ?
que d'autres revendications trouvent à s’exprimer ?
Quelles sont les spéciicités de la communication
orale ? Comment comprendre les conceptions locales
Langage et société n° 145, Enjeux sociaux des
de l’exercice de la parole et de ses enjeux sociaux ?
mouvements de revitalisation linguistique, Édité
Qu’apporte un point de vue interdisciplinaire à
parJamesCosta,Paris:MaisondesSciencesde
l’enquête et à la compréhension des pratiques lan-
l'Homme, septembre 2013.
gagières observables ? Largement illustré par des
Quelles revendications les mouvements de revitali-
études de cas, cet ouvrage s’adresse en priorité
sation portent-ils ouvertement, et de quels conlits
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ISSN imprimé : 1772-757X
ISSN en ligne : 1955-2440
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