How to cite this preprinted chapter: 1 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Chapitre 3 Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant Marcelo Giglio* **, Lorena Bulgheroni* et Manoah Sigg* *Haute école pédagogique BEJUNE, Suisse **Université de Neuchâtel, Suisse Dans ce chapitre, nous identifions certains gestes qui peuvent avoir une orientation créative tant au niveau d’apprenant (élève) que de l’enseignant en formation (enseignant stagiaire), dans le cadre du stage professionnel en contexte scolaire. En effet, d’une part, il s’agit de certains gestes qui servent à créer des objets entre élèves dans un contexte scolaire. D’autre part, il s’agit de certains gestes professionnels en construction de la part de leurs enseignants stagiaires qui servent de support pour les élèves créatifs. En même temps, tout enseignant peut avoir une intention d’apprentissage ou de développement professionnels. Or, dans un agir professionnel, ils peuvent convoquer d’autres gestes plus scientifiques, voire créatifs en endossant une posture de praticien chercheur. Nous analysons aussi quelques-uns de ces gestes professionnels qui semblent être d’orientation créative de la part d’un professionnel qui prend du recul, agit et analyse ses propres gestes d’enseignants dans une situation de recherche ontogénique. Dans un agir professionnel, l’un des gestes ne va pas sans l’autre ! C’est grâce au lien possible entre les gestes propres aux contextes de l’éducation et de la formation que les situations pédagogiques innovantes peuvent être étudiées. En effet, ces gestes d’orientation créative concernent des élèves en contexte scolaire ainsi que les deuxième et troisième auteurs1 de ce chapitre : deux étudiants (enseignants stagiaires) et un formateur d’enseignants. Tout d’abord, nous présentons un premier niveau d’analyse en illustrant précisément des gestes des élèves qui collaborent pour composer une petite pièce musicale en classe. Pour faciliter la lecture de ce chapitre, le masculin est utilisé pour désigner les deux genres : filles et garçons, étudiantes et étudiants, auteures et auteurs ainsi qu’enseignantes et enseignants. 1 How to cite this preprinted chapter: 2 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Par la suite, un deuxième niveau d’analyse illustre les gestes de deux enseignants stagiaires qui ont l’intention de faciliter l’activité créative entre élèves dans le cadre de leur stage professionnel en contexte scolaire. Finalement, un troisième niveau d’analyse tente d’illustrer comment ces deux enseignants stagiaires ont pu s’aider mutuellement pour étudier et identifier leurs propres gestes d’enseignant dans le cadre d’une activité de formation-recherche2. Pour ce chapitre, nous concevons les gestes comme des mouvements corporels d’une personne adressés à une autre personne ou à un groupe de personnes : 1) d’un élève à un autre élève, 2) d’un enseignant aux élèves, 3) d’un enseignant stagiaire à un autre enseignant stagiaire. De plus, nous établissons un lien entre gestes et étayages. Dans ce sens, nous limitons les gestes illustrés et analysés dans ce chapitre à ceux qui portent une certaine intention implicite ou explicite d’« étayage » soit entre pairs (entre élèves, entre enseignants stagiaires), soit d’un professionnel dans une relation enseignant-élèves. En effet, ces gestes se situent dans deux espaces institutionnels, celui de l’école primaire et celui de la formation. Par conséquent, ils impliquent différents moments et niveaux d’analyse. 1. Une activité créative pour apprendre entre pairs Toute activité créative d’une personne implique un agir personnel ou professionnel orienté à la production de quelque chose de nouveau -une idée, un objet, une performance ou un savoirqui n’existait pas avant la finalisation complète de cette production ou de l’évènement créatif (Sternberg & Lubart, 1999). Cela veut dire qu’une réalisation grande ou petite peut être considérée comme créative pour autant qu’elle soit reconnue comme telle au sein d’un réseau ou dans son propre contexte de production (Amabile, 1996 ; Lubart, 2010). Créer n’est jamais un processus simplement solitaire ; il s’agit d’un phénomène collectif et culturel (Valsiner, Glaveanu & Gillespie, 2015). Produire un objet nouveau entre élèves ou coconstruire des savoirs professionnels entre enseignants peut être considéré comme un agir créatif. Il s’agit plutôt d’un phénomène « psycho-socio-culturel » (Glăveanu, 2010, 2011, 2014) avec différents 2 Exercice réalisé dans le cadre d’un cours d’exercice de méthodologie de la recherche conduit par le formateur. How to cite this preprinted chapter: 3 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. types d’activités créatives autant individuelles que professionnelles, pratiques, théoriques, esthétiques ou artisanales (Sannino & Ellis, 2014). Pouvons-nous considérer une petite production musicale d’un groupe d’élèves en classe comme créative ? Oui tant qu’elle représente une production ou une transformation d’idées sonores que les élèves et l’enseignant considèrent comme n’existant pas avant l’activité. Il ne s’agit pas de considérer ces productions comme des réalisations créatives de professionnels de la musique. Nous pouvons les considérer comme un acte créatif chez l’élève dans un processus qui inclut le jeu, son imagination ainsi que ses émotions, des significations (meaning) et des symboles et qui servent à donner une forme concrète à une production créative (Vygotski, 1925/1971 ; JohnSteiner, Connery & Marjanovic-Shane, 2010). Inspiré des études de Miell et Littleton (2008) qui observent comment un groupe d’adolescents crée des pièces musicales dans un contexte hors école dans le but de se produire comme bande de rock, Giglio (2013, 2015) a observé comment différents groupes d’élèves (âgés de 6 à 12 ans), encadrés par leur enseignant, peuvent créer en 10 minutes une pièce musicale courte en contexte scolaire dans le but de se produire dans un mini-récital de 5 minutes face à la classe. Plusieurs travaux de Giglio (2015) montrent qu’une collaboration créative en groupe de trois élèves pour composer une musique en classe exige une série de conduites de la part de chaque élève pour : - se répartir les instruments entre les membres du groupe de manière implicite (en les signalant ou en les prenant), - se focaliser sur le travail individuel ou de groupe (avec un regard et une posture centralisée et en manipulant les instruments ou le cahier), - gérer leurs idées avec des ententes ou conflits (parfois avec des mouvements violents, parfois avec des gestes d’affirmation, avec des sourires et même des applaudissements), - se focaliser sur le travail d’écriture ou de composition durant ou après les idées imaginées, - partager de techniques (une démonstration), des savoirs (une explication) ou de plaisir entre eux. Les études sur cet ensemble de conduites nous ont permis de définir une collaboration créative entre différentes personnes comme un effort commun entre les sujets visant une compréhension partagée de ce qu’ils imaginent et produisent ensemble (Giglio, 2013, 2015). Par exemple, dans How to cite this preprinted chapter: 4 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. le cadre d’une classe, une collaboration créative entre élèves nécessite aussi un agir d’orientation créative de la part de l’enseignant pour que ses élèves puissent construire une relation, partager leurs idées et les transformer dans un double effort : celui d’achever une production commune et celui d’apprendre à créer avec l’autre bien que ne l’ayant pas forcément choisi en tant que partenaire. 2. Un agir professionnel d’orientation créative Inspirés par l’utilisation originale du mot étayage ou « scaffolding » par Wood, Bruner et Ross (1976 ; Bruner, 1983), nous proposons cette métaphore pour décrire certaines conduites, d’un enseignant avec des élèves, destinées à faciliter la réalisation d’une tâche. Comment l’enseignant ajuste-t-il son agir pour soutenir l’activité de l’élève et cela sur la base des progrès réalisés ? Par exemple, lors des résolutions des problèmes, les observations réalisées par Wood, Bruner et Ross (1976 ; Bruner, 1983) montrent qu’il existe six fonctions d’un étayage : orienter la tâche des élèves, la faciliter en réduisant certains obstacles, maintenir l’effort de l’élève pour qu’il puisse la réussir, puis l’encourager ou rediriger ses actions en mettant en valeur les caractéristiques principales de la tâche, en contrôlant ses frustrations et son sentiment d’échec et en lui communiquant certaines manières de faire. Pour Bucheton et Soulé (2009) l’étayage est un organisateur central de l’agir enseignant dans une activité conjointe enseignant-élèves. Ces formes d’aide que l’enseignant apporte aux élèves pour soutenir leur tâche, leur pensée, leur compréhension sont indispensables, quoique vouées à s’effacer lorsque l’apprenant prend de l’autonomie dans ses démarches. Quant à l’agir enseignant, lors d’une situation de collaboration créative d’un groupe d’élèves, ni l’enseignant ni les apprenants ne connaissent préalablement le résultat des combinaisons d’idées que les élèves arriveront à produire. Giglio (2013, 2015, 2016a) a constaté que dans ce type de situation de collaboration créative entre élèves il existe certaines fonctions d’étayage différentes de celles observées dans une situation de résolution de problèmes par Wood et ses collègues (1978 ; Bruner, 1983). Ces fonctions ont été décrites avec l’expression d’« étayages créatifs » [Creative Scaffolding] (Giglio, 2013, 2015). Elles sont destinées à faciliter la réalisation d’une tâche créative et collaborative des élèves : - en orientant l’attention des élèves vers la tâche créative ; - en annonçant le temps qu’il reste pour terminer la tâche ; How to cite this preprinted chapter: 5 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. - en observant comment les élèves collaborent et créent sans intervenir et sans les interrompre ; - en indiquant que les élèves doivent se mettre d’accord par la coconstruction d’un consensus créatif (gestion autonome des ententes et des conflits) ; - en confirmant que leur travail va dans le sens de ce qui est attendu ; - en apportant certaines connaissances nécessaires au moment propice, mais sans réaliser la tâche à la place des élèves. Quant à l’agir entre pairs, nous pouvons aussi considérer d’autres formes symétriques d’étayages. En effet, le concept d’étayage peut être convoqué dans une situation de collaboration entre élèves ou entre enseignants si leur intention est celle de soutenir l’activité de l’autre. Fernandez, Wegerif, Mercer et Rojas-Drummond (2001) ont redéfini le concept métaphorique d’« étayage » (scaffolding) comme une situation impliquant une collaboration symétrique entre apprenants dans laquelle aucun d’entre eux ne sait d’avance la solution à un problème. Si la métaphore d’étayage créatif peut décrire certaines conduites d’un enseignant soutenant une collaboration créative entre élèves, cette métaphore pourrait décrire aussi certaines conduites entre pairs d’un élève à l’autre ou d’un enseignant à l’autre lors d’une situation de collaboration. Tout individu qui étaye une activité créative d’un autre individu convoque certains gestes, soit en tant qu’expert facilitant la tâche du novice, soit en tant que pair dans un effort commun dont le but est partagé. 2.1 Gestes d’enseignant et gestes entre professionnels Avant même toute action de l’élève, de l’enseignant ou du formateur, pour Clot, Fernandez et Scheller (2007), il existe une forme structurante qui sous-tend plusieurs gestes en tant que ressource. Pour les auteurs, les mouvements, les gestes et les conduites peuvent être considérés comme un schéma d’organisation. Les gestes peuvent être distincts entre ceux qui sont adressés entre pairs - avec une intention d’étayage entre élèves ou entre étudiants- et ceux qui sont adressés en tant que mouvement d’un professionnel de l’enseignement vers un novice apprenant – avec une intention d’étayage d’un enseignant à ses élèves, d’un formateur d’enseignants à ses étudiants. Pour Jorro (1988), le geste professionnel peut surgir des questionnements de l’enseignant en ce qui concerne sa façon d’être en relation avec ses étudiants, sa recherche de sens, son dialogue en assumant certaines contradictions ainsi que son investissement porteur de valeurs. Les enjeux symboliques de la schématisation de gestes professionnels analysés par Alin (2008) nous invitent à considérer : How to cite this preprinted chapter: 6 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. - certains gestes d’enseignant qui pourraient faciliter une activité créative entre élèves en contexte scolaire et - certains gestes entre enseignants dans une activité de production de savoirs professionnels durant laquelle ils innovent, partagent et s’adaptent en improvisant et en étant à l’écoute les uns des autres. Il s’agit ici de deux niveaux de gestes d’orientation créative, en tant qu’enseignant stagiaire d’une part, et en tant qu’étudiant chercheur d’autre part. En premier lieu, dans une situation en contexte scolaire, Bucheton et Soulé (2009) définissent un geste de l’enseignant comme une intention adressée et inscrite dans des codes, dans une action de communication et dans une culture partagée entre les sujets. Il peut prendre son sens « dans » et « par » le contexte scolaire observé. En deuxième lieu, dans une situation de formation d’enseignants, nous pouvons identifier certains gestes qui servent à étudier, à analyser puis à valoriser ou encourager les efforts du professionnel enseignant ; des gestes qui servent à mobiliser une équipe, un duo dans la réalisation d’une tâche précise ou à veiller à une autonomie pas-à-pas d’une équipe ou à intervenir ponctuellement ; et des gestes qui servent par exemple à initier une communauté d’apprentissage professionnel, à viser une compréhension de la situation par l’équipe ou à susciter le désir de faire (Jorro, 2002). Ces gestes ont été observés dans un contexte précis de soutien, de conseil et d’accompagnement dans la formation en France. Mais ces descriptions (Jorro, 2002) nous invitent à prendre en considération les gestes des professionnels qui ont une intention d’étayage symétrique, entre pairs, à l’occasion d’une pratique réflexive, voir dans une préoccupation partagée de recherche menée entre étudiants portant sur leurs propres gestes d’enseignants en classe, par exemple. 2.2 Gestes d’orientation créative d’un enseignant innovant Comme c’est le cas de plusieurs nouveaux curricula du monde occidental, en Suisse romande, le nouveau Plan d’études romand pour l’enseignement obligatoire confère une place importante à la collaboration entre élèves et à leur pensée créative dans les descripteurs des « Capacités transversales » (PER, 2010). Ce plan d’études diversifie les gestes à apprendre à l’école : les élèves doivent apprendre à endosser de rôles d’auteurs, de compositeurs, de producteurs de nouvelles idées ou de nouveaux objets pour apprendre. Cela entraîne immanquablement la recherche de certains gestes de l’enseignant qui peuvent être déterminants pour l’apprentissage des élèves au-delà de l’imitation, de la perception et de la mémorisation ou de la résolution des How to cite this preprinted chapter: 7 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. problèmes par exemple. Comment acquérir, voir développer ou identifier des gestes d’un enseignement créatif chez les enseignants stagiaires ? D’une part, dans la formation d’enseignants, les étudiants reçoivent une partie de savoirs professionnels transmis conforme aux usages habituels de l’enseignant propres aux cours de formation et aux contextes scolaires de stage où ils se forment. D’autre part, ils peuvent recevoir une partie de formation professionnelle plus active au travers d’une construction de savoirs avec des compétences professionnelles acquises par l’étude et l’écriture sur une pratique d’innovation (Cros, 2007, 2017). D’après des études préalables (Giglio, 2016b) : « Pour que les enseignants stagiaires puissent apprendre certains usages inhabituels et innovants du contexte scolaire, il semble nécessaire de proposer des situations de formation moins traditionnelles et plus créatives. En effet, c’est à travers un espace de recherche (innovation) que les enseignants stagiaires peuvent accéder à une construction de compétences professionnelles nouvelles en assumant une posture d’«enseignants innovants» plus que celle d’«enseignants novices». (p. 53) Dans une démarche de formation d’enseignants qui donne l’occasion aux étudiants d’innover et de construire des connaissances, l’analyse des gestes des étudiants, en tant qu’enseignants stagiaires, ne peut pas se circonscrire aux modèles traditionnels de formation ni de recherche. Ce type d’agir professionnel et innovant, peut convoquer une orientation créative entre une culture de « gestes d’enseignement » et une autre culture de « gestes de recherche sur l’innovation de gestes d’enseignement ». Un exercice de recherche en formation peut offrir aux étudiants un aller-retour entre les questions issues de leur pratique et celles que posent les études scientifiques. Un exercice d’analyse à plusieurs niveaux (l’élève, l’enseignant, l’enseignant chercheur avec le formateur) nécessite-t-il certains gestes particuliers de la part des étudiants (enseignants stagiaires) ? Comment l’enseignant peut-il s’y prendre pour conjuguer sa pratique d’enseignement, sa pratique de recherche, donc son agir professionnel ? 3. Le contexte de ces expériences Pour mieux comprendre le contexte de ces expériences, il est à noter que notre espace de travail est la HEP-BEJUNE : il s’agit d’une Haute école pédagogique (HEP) des cantons de Berne (partie francophone), du Jura et de Neuchâtel, en Suisse, qui a la mission de formation How to cite this preprinted chapter: 8 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. d’enseignants de l’enseignement obligatoire et de recherche éducationnelle, parfois les deux en lien. Dans ce cadre, les expériences analysées ici sont issues de deux dispositifs de formation : - le premier, un atelier de méthodologie de la recherche et - le deuxième, un module facultatif de projet de recherche proposé aux étudiants à l’enseignement. Les étudiants reçoivent des cours de recherche et des ateliers (voir des séminaires) de méthodologie de la recherche en deuxième année de formation de niveau Bachelor en enseignement généraliste du niveau de l’école primaire. Dans ces ateliers, les étudiants ont la possibilité de choisir un scénario de recherche et entreprendre un exercice de méthodologie. Les étudiants coauteurs de ce chapitre, Lorena et Manoah, ont choisi le scénario qui porte le titre « Étayages : quels sont les genres de gestes de l’enseignant à l’intérieur d’un genre d’activités de collaboration créative entre élèves ? ». Ce scénario proposait un exercice méthodologique de préparation d’une activité, d’observation (vidéoscopie) et d’entretien en autoconfrontation croisée de la clinique de l’activité (Clot, Faïta, Fernandez et Scheller, 2001) en l’adaptant à une séance en duo avec le but d’analyser les gestes des élèves lors de la tâche créative de composition musicale et/ou les gestes de l’enseignant (lui-même) pour étayer l’activité créative des élèves. Après l’évaluation des travaux conduite pour la validation des crédits de l’atelier de recherche, les étudiants peuvent s’inscrire à des modules de projets de recherche facultatifs dans lesquels ils collaborent au sein d’une équipe de recherche de l’institution. La participation à ces modules peut prendre différentes formes de travail. Dans le cas de cette expérience, les deux étudiants ont accordé avec le formateur (aussi responsable de l’équipe de recherche) de réaliser un réexamen de leur analyse des données et de participer à une analyse de leurs gestes adressés entre eux lors de leur collaboration. 4. Trois niveaux d’analyse de gestes Dans cette section, nous présentons chaque niveau d’analyse en situant son contexte, son cadre d’analyse avec quelques illustrations (voir Figure 1). How to cite this preprinted chapter: 9 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Figure 1. Acteurs, espaces et trois niveaux d’analyse 4.1 Premier niveau d’analyse : gestes d’orientation créative entre les élèves Nous avons composé des groupes d’environ quatre élèves à qui nous avons attribué un ou plusieurs instruments. Les élèves ont composé des petits morceaux de musique (à l’aide de différents instruments de percussion, d’un piano ou d’une guitare) qu’ils ont ensuite présentés sous forme de « mini-concert » au restant de la classe, laquelle avait pour consigne de discuter par la suite sur ces compositions. Après le visionnement des enregistrements vidéo à plusieurs reprises, les étudiants ont analysé certains mouvements d’un élève adressés aux autres élèves soit pour se répartir les instruments, soit pour se focaliser sur le travail individuel ou de groupe, soit pour gérer les idées avec des ententes ou conflits, soit pour partager des techniques. Par exemple, ils ont pu identifier un garçon qui choisit un tambour basque et impose les autres instruments aux autres camarades. Une fille n’est pas forcément d’accord et sans parler, avec son doit, elle signale l’instrument qui l’intéresse puis le prend. Au début d’une collaboration créative, les élèves peuvent directement choisir un instrument sans forcément se mettre d’accord de manière explicite. How to cite this preprinted chapter: 10 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Certains gestes ne sont pas pris en considération par les élèves. C’est le cas d’un élève, Lucas 3, qui observe son camarade Nathan qui joue et montre ce qu’il sait faire avec la guitare. Lucas essaie discrètement de jouer en s’approchant avec quelques mouvements de mains sur l’instrument. Pendant ce temps, Déa regarde ce que les camarades font. Nathan ne permet pas à Lucas de jouer. Nathan propose ses idées. Déa et Lucas le suivent sans proposer d’autres idées. Un groupe de trois élèves a un piano à disposition pour composer une pièce musicale. Deux élèves imposent leurs idées, le troisième suit ce que les autres demandent. Ils distribuent le clavier en deux parties, les notes graves pour un élève, les notes aiguës pour l’autre. Le troisième regarde. Un des deux premiers élèves commence à montrer comment jouer sur le clavier en partageant une technique et en présentant quelques mouvements de doigts (technique) sur les touches que les deux autres élèves observent et imitent. Tous ces exemples illustrent comment les élèves adressent ses gestes à ses camarades pour choisir ou imposer des idées ou montrer des techniques. Tous ces gestes des élèves semblent convoquer l’intention d’achever leur composition musicale. 4.2 Deuxième niveau d’analyse : gestes professionnels de l’enseignant avec une intention d‘étayage créatif » en classe Dans un deuxième niveau d’analyse, les étudiants ont analysé leurs gestes d’enseignant avec une intention d’« étayage créatif » (Giglio, 2015) présenté précédemment. Avant de donner la leçon, chaque enseignant stagiaire a rédigé une analyse a priori des gestes d’étayage qu’il pensait utiliser. En comparant cette analyse et le film de leur leçon, ils ont pu se rendre compte des gestes qu’ils ont réellement effectués. Pour analyser les données, nous avons sélectionné chaque extrait de film que nous avons visionné ensemble. La personne filmée a expliqué ses gestes à l’autre étudiant qui étoffait ces observations avec quelques commentaires. Nous avons ainsi établi une liste des gestes exécutés 3 Les prénoms utilisés pour les élèves sont fictifs. How to cite this preprinted chapter: 11 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. en essayant d’en déterminer l’utilité : les gestes ont-ils aidé les groupes à avancer dans leurs compositions ou les ont-ils plutôt freinés ? (Sigg & Bulgheroni, 2016) Après le travail d’analyse des données des étudiants réalisé et présenté lors de l’atelier de méthodologie de la recherche, ces données sont réexaminées dans le cadre du module de projet de recherche coordonné par le formateur chercheur. De ces analyses, nous considérons les gestes de l’enseignant comme de mouvements adressés aux élèves pour les étayer dans leur collaboration créative lors qu’il s’approche du groupe. Par exemple, l’un de gestes de Manoah a l’intention de capter l’attention des élèves et les orienter : A un moment donné, j’ai voulu apporter une notion théorique supplémentaire aux élèves. Les élèves ne prêtaient pas vraiment attention à ce que je disais et ils continuaient à jouer et essayer différents motifs musicaux. Pour capter leur attention, j’ai donc fermé le couvercle du piano pour qu’ils n’aient plus la possibilité de jouer, mais qu’ils doivent me regarder. (notes d’analyse de Manoah) Plusieurs gestes ont l’intention de centrer les élèves sur leur travail en groupe : Je discute avec un groupe, mais les élèves sont déconcentrés. Je fais un mouvement avec les bras : j’englobe les élèves par un large mouvement de bras que je ressers pour inviter les élèves à se rapprocher les uns des autres. Mon intention est de recentrer les élèves sur la tâche de composition en augmentant la proximité des élèves entre eux. (notes d’analyse de Lorena) Un autre geste de Lorena s’adresse aux élèves pour leur donner un espace de parole en faisant semblant de partir, en restant de près pour les observer puis faire émerger un dialogue entre eux : Après une série d’interactions avec un groupe d’élèves, j’ai simulé un départ abrupt de la discussion prenant ainsi les élèves au dépourvu. Mon intention était d’obtenir une réaction de la part des élèves pour qu’ils s’engagent dans la réflexion par rapport à la suite du travail de composition à effectuer. Les élèves se sont trouvés confrontés à la tâche et ont réfléchi promptement à la suite de leurs actions. Je suis retournée auprès du groupe dans le but de m’assurer qu’il possède tous les outils nécessaires pour la How to cite this preprinted chapter: 12 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. suite. J’ai donc simulé un départ brusque en prévoyant de retourner auprès du groupe afin de recentrer les élèves sur leur composition. (notes d’analyse de Lorena) Un autre geste est identifié par Manoah avec une intention d’apporter une technique d’exécution instrumentale : Les élèves se concentraient sur les touches du piano. Pour intégrer un élève qui ne trouvait pas sa place sur le clavier et enrichir la composition, je me suis baissée (j’étais derrière le piano) et, pendant qu’ils étaient en train de jouer, j’ai tapé sur l’arrière du piano, à un endroit où ça résonne bien. Les élèves ont été surpris, ont contourné le piano et ont exploité la même technique. (notes d’analyse de Manoah) Finalement, nous illustrons un geste de l’enseignant avec une intention d’enrichir les créations des élèves : Dans ce passage, je montre aux élèves comment utiliser le djembé pour éviter qu’ils l’abîment. Car il frappait sur ce « mini-djembé » à l’aide d’une baguette en bois. Cela marquait la peau de l’instrument. Je me suis donc approchée de lui pour lui montrer comment frapper sur le djembé avec des mouvements forts et faibles avec la main. (notes d’analyse de Lorena) Ces analyses de gestes professionnels de l’enseignant pour faciliter la tâche de collaboration créative des élèves ne sont pas exhaustives. Pour rappel, nous avons identifié ces gestes d’enseignant en limitant ces analyses à des gestes conçus comme mouvements corporels adressés aux élèves en vue de leur faciliter la tâche de composition musicale en groupe. Beaucoup d’autres actions peuvent être considérées comme des gestes, mais sans mouvements corporels si ce n’est avec la parole. Lors de cet exercice, nous avons constaté que lors de ces leçons, les deux enseignants stagiaires interagissent avec les élèves plus par le dialogue que par des mouvements. 4.3 Troisième niveau d’analyse : gestes d’orientation scientifique entre deux étudiants How to cite this preprinted chapter: 13 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Lors de nos séances d’analyse de pratiques de recherche (voir Section 5.2) le formateur chercheur a questionné les étudiants sur leur manière de s’étayer entre pairs dans l’analyse de leurs gestes d’enseignant. Ils ont pris le temps de rédiger quelques notes à duo ou séparément pour y répondre. Par la suite, nous (le formateur et les deux enseignants stagiaires) avons analysé leurs notes en nous laissant le temps de réécrire la manière dont le duo s’étayait entre eux pour faciliter leur tâche de recherche. Chacun a pris son ordinateur portable et a rédigé les notes. La consigne était de ne pas répondre à l’oral, mais par écrit soit de manière individuelle, soit de manière collective dans un document commun. A plusieurs reprises, les étudiants devaient se distancer des aspects théoriques des étayages créatifs lors des analyses : Pour analyser nos données, nous avons tout d’abord pris en compte la théorie. Nous nous en sommes ensuite distancés (de la grille d’observation en la fermant) avec l’intention d’organiser nos données avec un autre langage qui nous était plus familier (avec des mots moins techniques). De cette manière, nous avons pu faire émerger des catégories de gestes, que nous avons ensuite fait entrer en dialogue avec nos données et nos lectures. (notes de Lorena et Manoah) En cachant la grille d’observation des étayages créatifs, les étudiants peuvent observer et analyser directement leurs gestes pour après les lier à une intention d’étayage. Dans cette première expérience, il semble impossible pour eux de considérer les deux (geste et intention d’étayage) en même temps. Lors des visionnements des extraits vidéo : Manoah et moi (Lorena), nous sommes complétés l’un l’autre par des indications supplémentaires concernant des gestes auxquels la personne filmée n’avait pas fait attention individuellement. En effet, Manoah m’a aidée à prendre conscience de certains gestes effectués que je n’aurais pas réussi à relever seule. Par exemple, je me suis baissée pour me mettre au niveau des élèves et mieux pouvoir communiquer avec eux, geste que je n’avais pas identifié. Manoah a arrêté la vidéo pour revenir sur cet aspect en pointant mon mouvement du doigt. Il m’a aussi demandé des précisions par rapport à mes intentions. (notes de Lorena) How to cite this preprinted chapter: 14 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. C’est en « pointant » avec un « mouvement du doigt » sur l’écran de l’ordinateur (entretien en autoconfrontation croisée) que l’un s’adresse à l’autre pour le signaler ce qu’il identifie comme possible geste et que vraisemblablement l’autre n’avait pas identifié. Une autre réponse décrit comment l’une aide l’autre à cerner l’intention de ses gestes : Lorena m’a souvent arrêté en me demandant de revenir sur certains éléments ou en montrant certains gestes sur la vidéo. Nous avons observé les effets de nos gestes, ce qu’ils ont produit chez les élèves. Par exemple, je leur ai montré comment ajouter de la percussion dans leur création, ajout qu’ils ont intégré. Je leur ai aussi proposé de jouer sur une gamme pentatonique, ce qu’ils ont mis de côté, du fait que cette piste allait dans une autre direction que celle qu’ils avaient commencée. (notes de Manoah) C’est en prenant la souris et en allant en avant et en arrière de l’enregistrement que Lorena s’adresse à Manoah pour lui aider à se centrer sur les intentions, à revenir sur ses gestes dans l’action. Ces notes des enseignants stagiaires montrent certains gestes de deux étudiants, lors d’un travail d’analyse sur leurs gestes d’enseignant. Dans leurs intentions de s’étayer mutuellement, ils convoquent certains gestes entre pairs aidant à se centrer sur l’objectif fixé, à (des)articuler les gestes des intentions étudiées, à se questionner puis à revenir sur différents aspects pratiques et théoriques. 5. Conclusions : une approche d’analyse de gestes d’orientation créative à plusieurs niveaux Les expériences analysées et présentées dans ce chapitre visent l’illustration de gestes facilitant ou pas (étayant) la réalisation de la tâche des autres notamment les gestes adressés à l’autre pour faciliter temporairement d’autres gestes. Une analyse des gestes à plusieurs niveaux nous permet de considérer différentes dimensions de la réalité pédagogique liées avec la réalité de formation puis de la recherche. Le fait de relier les deux niveaux d’analyses du geste professionnel de l’enseignant -à la fois praticien (gestes adressés aux élèves) et praticien chercheur (gestes adressés entre pairs, entre enseignants)- avec un troisième niveau d’analyse concernant les gestes de l’élève adressés à un autre élève, peut permettre à des chercheurs, 15 How to cite this preprinted chapter: Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. formateurs et enseignants de mieux comprendre et enrichir les pratiques d’enseignement, de formation et de recherche ainsi que les effets des unes sur les autres. Au niveau des interactions entre élèves, cette étude montre comment certains gestes d’orientation créative d’élève s’adressent à l’autre élève : - pour choisir, - pour imposer un outils ou instrument ou - pour montrer quelques techniques… Tous ces gestes des élèves semblent convoquer l’intention d’achever leur composition musicale. Au niveau des interaction enseignant-élève, les analyses illustrent certains gestes d’enseignant adressés aux élèves créatifs pour : - capter leur attention, - les centrer sur leur travail en groupe, - leur donner un espace de parole avec son silence (en autorisant leur créativité), - leur apporter (voire en conseillant) une technique d’exécution instrumentale, - leur apporter certaines connaissances… Au niveau des interactions entre les collègues dans une coconstruction de savoirs, cette étude a exploré certains gestes professionnels d’un enseignant adressés à son collègue pour : se centrer sur l’objectif de type de gestes à analyser, articuler et désarticuler les « gestes » et « leurs intentions » d’étayages créatifs, se poser de nouvelles questions revenir sur des extraits vidéo en illustrant un geste de l’autre collègue, notamment : - en cachant la grille d’observation, - en « pointant » avec un « mouvement du doigt » sur l’écran, - en signalant ce qu’il identifie, - en prenant la souris et - en allant en avant et en arrière de l’enregistrement vidéo. Considérons-nous dans nos recherches les effets d’un geste sur d’autres gestes, par exemple, lors d’une participation des enseignants convoqués par un chercheur dans une recherche ? How to cite this preprinted chapter: 16 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Certes, lors de ce travail de recherche, les enseignants stagiaires ont pu construire de nouvelles compétences professionnelles et, dans le cadre de l’analyse des pratiques de formation et de recherche, les trois auteurs, le formateur chercheur "avec" les étudiants, ont pu construire ensemble des savoirs professionnels (Desgagné, 1997, 1998 ; Desgagné, Bednarz, Lebuis, Poirier & Couture, 2001). Cette contribution peut permettre un développement d’outils de recherche-formation. Avec ce type d’approche, un étudiant ou un professionnel de l’enseignement peut coopérer avec le chercheur à la construction de nouveaux savoirs sur l’art de faire, sur des gestes. Dans cette perspective, nous avons pu illustrer, par exemple, comment l’enseignant peut certes avoir une intention d’étayage dans ses gestes en se mettant en retrait et en observant donc en inaction (sans gestes) et en « se taisant » (sans parole) : de l’inaction et du silence de l’enseignant pour prendre seulement ensuite la parole avec des gestes de manière plus efficiente. Les niveaux d’analyse du geste (professionnels et entre pairs) présentés ici ouvrent aussi la possibilité d’entreprendre une posture scientifique afin de mieux comprendre comme étayer des gestes d’orientation créative tant d’un élève en contexte scolaire que d’un étudiant en contexte de formation professionnelle. En effet, l’analyse des gestes professionnels ou de gestes entre pairs nécessite une prise en considération d’une approche d’analyse à plusieurs niveaux, car tout geste d’un sujet est lié au geste de l’autre. Un geste ne peut être que multidirectionnel et multidimensionnel, car il est en même temps adressé en (inter)action entre sujets et donc en réaction « à » et « par » l’autre. Dans une vision prospective de l’enseignement, la formation et la recherche éducationnelle, les gestes professionnels peuvent être étudiés en les considérants comme : - situés (dans un temps, un espace, une culture ou mini-culture partagée), - évolutifs (en les améliorant), - innovants (en lien avec une rupture ou une innovation par exemple technologique) ou - créatifs (en lien avec une création, une invention ou une découverte). Ce type d’analyse entre étudiants et formateur peut offrir une opportunité de dépasser les usages habituels de l’enseignement ou de la formation d’enseignants. De plus, la posture des enseignants stagiaires, d’enseignants-chercheurs et du formateur peut se trouver mieux informée. How to cite this preprinted chapter: 17 Giglio, M., Bulgheroni, L., & Sigg, M. (2018). Gestes d’orientation créative des élèves et de l’enseignant In A. Jorro (Ed.), Les gestes professionnels comme arts de faire. Éducation, formation, médiation culturelle (pp. 45-59). Paris : Presses universitaires Le Septentrion. Bibliographie Alin, C. (2008). Le travail réel du conseiller pédagogique. In N. Wallian, M.-P. Poggi & M. Musard, Co-construire des savoirs. Les métiers de l’intervention dans les APSA, (pp. 127-146). Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté. Amabile, T. M. (1996). Creativity in Context. Boulder: Westview Press. Bruner, J. (1983). Le développement de l'enfant : savoir faire, savoir dire. Paris : Presses universitaires de France. Bucheton, D., & Soulé, Y. (2009). 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