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LE MAROC APRES LE COVID19

2020, LE MAROC APRES LE COVID19

Cette réflexion porte sur quelques changements importants auxquels le Maroc sera confronté après la crise sanitaire du Covid19, notamment au niveau des inégalités sociales, de la gestion publique, du monde de l'emploi et du système éducatif.

LE MAROC APRES LE CORONAVIRUS Ahmed BENJELLOUN* La pandémie du coronavirus qui sévit actuellement dans le monde engendrera des changements importants à court, moyen et long termes dans les systèmes de santé, dans les milieux urbains et ruraux, dans le monde du travail, dans les systèmes éducatifs, dans les transports publics, dans les relations sociales, dans les politiques nationales, régionales, internationales et dans tous les secteurs économiques. Le Maroc au même titre que le reste du monde ne sera plus le même. A l’instar de tous les pays du monde où la pandémie s’est propagée, le Maroc et les Marocains devront s’adapter à ce nouveau monde. Pour commencer et pour l’histoire, la maladie provient d’une nouvelle souche de coronavirus qui n’avait pas encore décelée chez les êtres humains et ce, jusqu’au 31 décembre 2019 lorsque l’OMS a été alertée de l’apparition de plusieurs cas d’une pneumonie inconnue dans la ville de WUHAN en Chine. Le 07 Janvier 2020, la Chine s’est prononcé sur le virus et l’a baptisé 2019-nCov. Depuis, le virus n’a pas cessé de se propager d’abord en Chine puis par des transmissions directes hors de la Chine. L’OMS va déclarer l’urgence internationale le 30 Janvier 2020 et certains pays rappellent leurs ressortissants dont le Maroc qui a rappelé en date du 02 Février 167 ressortissants installés à Wuhan. Le 06 mars, on dénombre plus de 100 000 cas dans le monde répartis sur 91 pays et territoires et 3400 décès. Dans ce contexte, L’OMSva déclarer le 11 mars que la COVID 19 peut être qualifiée de pandémie et lancer le fonds de solidarité pour lutter contre la pandémie le 13 mars2020. L’OMS annonce par ailleurs que l’épicentre de la pandémie est l’Europe et plusieurs pays ordonnent le confinement des populations. Les pays commencent à fermer leurs frontières en raison des cas de décès rapportés en dehors de la Chine et le Maroc fermera ses frontières dès le 13 Mars avec Sebta et Mellilia qui constituent les seules frontières terrestres avec l’Espagne et l’Europe d’une manière générale. Le 15 Mars, le Maroc va arrêter tous les vols à destination et en provenance de 25 pays, prolongeant l’interdiction préalable qui concernait la Chine, l’Espagne, l’Italie, la France et l’Algérie, pays jusqu’alors les plus touchés par la pandémie.A partir du 19 mars, le Maroc va décréter l’état d’urgence sanitaire et le confinement obligatoire de la population. Dans le reste du monde, la moitié de l’humanité est confinée, le nombre de cas infectés ne cesse d’augmenter pour atteindre le 02 avril la barre symbolique de 1 million de cas dans le monde et le 11 avril la barre de 100 000 décès dont 20 000 aux USA.En dépit de ces chiffres et pour stopper le ralentissement économique, les pays commencent à annoncer des possibilités de déconfinement. C’est le cas de la France qui annonce le 13 avril la fin du confinement strict à partir du 11 mai, ou de l’Autriche qui commence dès le 15 avril un déconfinement encadré, de la Suisse à partir du 27 avril ou même des Etats Unisqui appellent certains états à « se libérer » du confinement. A compter du 20 avril, l’Allemagne elle aussi commence un déconfinement progressif. Le Maroc quant à lui va prolonger à l’issue de la fin de la première période de confinement un prolongement jusqu’au 20 Mai 2020.A l’heure où nous écrivons cet article, la Maroc n’a pas encore annoncé un plan de déconfinement. Mais les analyses et les projections se multiplient pour appréhender le futur « post corona ». C’est dans ce contexte exceptionnel de pandémie qui a traumatisé le monde entier et paralysé les plus grandes puissances, que j’ai souhaité, sur la base des lectures que je fais de l’actualité reléguée par les différents média fiables, identifier certains changements qui vont nous impacter jusque dans nos habitudes quotidiennes. J’en ai dénombré quelques uns que je n’ai pas souhaité classifier ou hiérarchiser parce qu'ils me semblent tous importants. L’aggravation des inégalités sociales Les inégalités économiques sont présentes dans tous les pays du monde y compris dans ceux qui sont les plus riches. Elle s’explique en grande partie par la mauvaise répartition des revenus notamment en ce qui concerne les salaires, le manque d’investissement dans le système éducatif et le système de la santé. En ce qui concerne le Maroc et en nous référant à une étude publiée par le HCP dans le cadre de la réflexionsur le Maroc 2030, les couts économiques et sociaux de l’inégalité sociale sont importants et nuisent à l’ensemble des composantes de la société marocaine et ce en raison de la « rigidité des structures éducatives, économiques et sociales vis-à-vis de l’inclusion des composantes pauvres de la société ». Le Covid 19 va aggraver la situation et les grandes majorités des populations vont devenir de plus en plus vulnérables. Les jeunes en recherche d’emploi, les personnes travaillant dans le secteur informel, les jeunes entrepreneurs, les TPE de service, les artisans, certaines professions libérales devront lutter pour leur survie. Ce scénario pessimiste ne dénigre pas la stratégie marocaine adoptée dès le début de la pandémie notamment par la création du fonds spécial Covid 19 et le CVE « Comité de Veille Economique » pour la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical d’une part et pour soutenir l’économie et atténuer l’impact immédiat de la perte d’emplois, de l’arrêt de certaines activités et en premier lieu du retranchement des pays et du confinement des populations.Au Maroc, la pandémie va causer une nouvelle génération de personnes et de ménages vulnérables estimés à 10 millions d’habitants environ, émanant de la population active inoccupée, ayant perdu leurs emplois aussi bien dans les secteurs formels qu’informels. Les indicateurs économiques à la fin de l’année 2020 tels que le taux de chômage national ou le taux de croissance économique qui a déjà été impacté par les conséquences de la sécheresse, seront à la baisse. Gestion publique Pour affronter la pandémie, les gouvernements se sont préoccupés d’avantage de l’urgence sanitaire en accordant une place importante au système de santé ainsi qu’à l’éducation, en maintenant des activités économiques essentielles et en prenant un ensemble de mesures sociales au profit des chômeurs, des personnes en situation de précarité et des petites et moyennes entreprises et ce, dans l’objectif de leur éviter de succomber à la crise. Les mesures immédiates ont concerné l’adoption d’un programme de revenu de base ou d’un revenu minimum universel. Face à cette crise inédite, lorsque les gouvernements vont relâcher (progressivement) le confinement, ils commenceront à reconstruire le système économique pour sauver les secteurs les plus touchés, générer des emplois et des revenus tout en maintenant le soutien nécessaire aux populations les plus impactées par la pandémie. Au Maroc, ce sont les actions publiques avec le concours des institutions privées et la contribution des membres de la société civile (associations hôteliers) qui ont permis jusque là de réduire les dégâts. La création du fonds spécial pour la gestion de la pandémie du covid 19 avec le soutien des institutions publiques et privés et la contribution de la société civile démontre une prise de conscience manifeste que le danger est général et qu'il risque d'affecter tous les secteurs directement ou indirectement aussi bien sur le marché local que sur l'international. Cependant; les actions ne pourront être que ponctuelles parce qu'il faudra éviter qu’elles ne deviennent contreproductives en épuisant rapidement les finances publiques. Le Maroc ne peut supporter économiquement un confinement trop long en raison du risque de régression économique ; les derniers chiffres du HCP relatent l’arrêt temporaire de 57 % des entreprises nationales et l’arrêt total de 6300 entreprises. Malgré l’aide de l’état en matière de salaires et de fiscalité, les charges fixes et les créances fournisseurs notamment doivent être supportés par les entreprises. Les entreprises qui auront suspendu ou arrêté leur production risquent de voir leur redémarrage compromis. D’autre part, compte tenu des pressions exercées sur les finances publiques, le Maroc ne pourra pas continuer à court terme sa politique de soutien aux couches sociales les plus défavorisées, surtout que dans ce contexte d’inquiétude, ces derniers freinent leur consommation et aggravent les difficultés de l’économie nationale. Le monde du travail Après le coronavirus, le monde du travail déjà fortement impacté par les avancées technologiques sera transformé. La tendance est au télé travail, à l’achat de produits et services en ligne. Le e commerce s'est développé et la transformation digitale s'est imposée pour maintenir l'activité de plusieurs entreprises en réponse à la contrainte de distanciation sociale et à des consommateurs de plus en plus connectés. Très vite, l'on a constaté que certaines compétences sont devenues nécessaires et qu'il fallait réinventer de nouvelles pratiques pour communiquer et convaincre. En raison de cette crise sanitaire internationale, les métiers du digital (Chef de projet, Product Owner, Responsable de communication digitale, Chef de projet réseaux sociaux, Community Manager, webmaster, e-merchandiser, chef de projet SEA/SEO…) vont croitre et se diversifier à l'instar d'autres métiers qui seront revalorisés après la crise tels que les métiers de la santé ou de l'éducation. Pour les entreprises Marocaines, cela implique une reconversion des équipes disponibles pour intégrer les nouvelles compétences digitales à tous les niveaux de l'organisation et associer la réflexion digitale en amont des produits et services et non plus seulement comme support. Cela va modifier également leur perception du temps et de l’espace de travail. Par rapport au temps, la crise aura démontré que la présence n’est pas synonyme de productivité, d’efficacité ou d’engagement. Au niveau de l’espace, la crise a démontré les faiblesses de l’open space qui avait empiété sur les besoins individuels (l’intimité notamment). Pourra t-on continuer à adopter les mêmes horaires fixes ? Pourra t-on continuer à travailler toute la semaine ? La crise sanitaire du covid 19 aura été une opportunité pour l’entreprise de relever les défis du digital pour trouver les solutions adéquates à son environnement. Changement dans le système éducatif L’annonce de l’arrêt des cours en raison de la pandémie, la substitution des cours en présentiel par l’enseignement à distance et l’utilisation des ressources numériques a été ressentie dans l’immédiat comme un véritable choc aussi bien par les étudiants que leurs enseignants ou leurs tuteurs. Cette nouvelle expérience n’aura pas été vécue de la même manière par tous les systèmes (privé ou public) ni tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur ou formation professionnelle) et encore moins par les différentes catégories sociales. La planification des cours habituellement destinée à des cours en face à face a du être adaptée dans l’urgence à des jeunes ou à des adultes sans initiation préalable. Au Maroc et malgré le caractère imprévisible de cette crise, le Ministère de l’Éducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique a mobilisé l’ensemble de ses ressources pour rattraper les années de retard par rapport à l’utilisation des Technologies de l’Information et la Communication dans l’Enseignement et à mis en place un dispositif pédagogique d’urgence qui a pris en considération les différents obstacles auxquels élèves, étudiants et stagiaires pouvaient être confrontés. Ce dispositif a été opérationnel dès le 16 mars, date du lancement de l’enseignement à distance et s’est rapidement développé grâce à l’exploitation de plateformes de visio conférences, d’outils participatifs, de plateformes digitales, des réseaux sociaux, des chaines de télévisions, de stations radios, tous autres supports permettant aux enseignants d’organiser leurs cours et de communiquer à distance avec les étudiants, à travers la mise à disposition de présentations,de vidéos et de ressources numériques. Si le dispositif et une réussite en termes de nombres de productions et de ressources numériques mises à dispositions il reste cependant à évaluer l’efficacité de ses enseignements ? Le degré d’assimilation des savoirs et des savoirs faire ? L’adhésion des apprenants ? Nul doute que l’enseignement à distance continuera de se développer même après la crise sanitaire. Il pourra constituer une alternative à l’enseignement traditionnel soit en totalité soit en partie.Les ressources numériques produites pourront être capitalisés pour rendre l’enseignement accessible même dans les régions enclavés du pays, .Ce qui est sûr c’est que cette expérience inédite aura permis même aux enseignants les plus réticent de développer une culture digitale et d’accepter le changement de culture professionnelle ou l’innovation en outils pédagogiques et en technologie de l’information et de la communication sont désormais inévitables. *Ahmed BENJELLOUN Docteur en Sciences Economiques et Gestion, Enseignant Chercheur, Spécialisé en Marketing Digital Ecole Nationale de Commerce et de Gestion, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah - Fès ahmedbenjelloun1@gmail.com