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117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 117 Roujan-Medilianum (?) de l’Antiquité au Moyen Âge De la fouille du quartier des sanctuaires à l’identification d’une nouvelle agglomération de la cité de Béziers Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER À la mémoire de Pierre-Yves Genty Résumé : une fouille de sauvetage réalisée dans le quartier Saint-Jean à Roujan (Hérault) a permis de mettre au jour un ensemble de trois temples gréco-romains assis sur podium et inscrits dans un péribole, lui-même ouvert sur une place de 33 m de large. Ce quartier monumental du Ier s. de n. è., qu’il faut associer à une nouvelle agglomération antique (Medilianum ?) de l’espace biterrois, connaît de profondes modifications à partir du Ve s. Le grand temple central est arasé, le sanctuaire septentrional est transformé en bâtiment funéraire bientôt doté d’une abside tandis qu’un édifice baptismal est construit sur l’emplacement du sanctuaire méridional. Jusqu’au seuil du XIe s., des sépultures sont installées auprès des deux édifices. Durant ce siècle, l’habitat se réorganise désormais autour d’un château neuf tandis qu’est fondé un prieuré canonial dans son voisinage. Émerge alors dans le biterrois une forte polémique autour de la possession des reliques de saint Majan que se disputent différents établissements monastiques locaux (Villemagne, Saint-Thibéry, Aniane) aux dépens des roujanais. Ce dossier permet d’appréhender selon un angle anthropologique la complexité des manifestations religieuses ici indissociables de la construction médiévale d’une mémoire des origines du christianisme local. Il relaie également les questionnements que pose la reconnaissance du statut de la localité antique, comme son rôle dans l’organisation du territoire de la cité de Béziers entre Antiquité et Moyen Âge. Le processus de christianisation est associé au développement d’une fonction funéraire à l’intérieur de l’ancien péribole mais aussi à l’édification d’un baptistère. Un tel équipement évoque immanquablement le rôle de l’action épiscopale face à l’exigence d’une certaine décentralisation ordonnée au service des communautés de la cité. Il interroge à rebours sur la vigueur d’un centre civique et religieux qui aurait pu se développer durant le haut Empire autour d’un hypothétique forum. Mots clefs : Roujan, Cassan, Saint-Majan, agglomération secondaire, forum, villa, temples, église, baptistère, territoire, espace rural, christianisme. Abstract : An emergency excavation carried out in the Saint-Jean district of Roujan (Hérault) uncovered a set of three Greco-roman temples built on a podium, incorporated within a peribolos, itself opening onto a 33 meter wide square to be uncovered. This 1st century AD monumental quarter, which must be associated with another ancient town (Medilianum ?) in the Béziers area, goes through some important alterations as from the 5th century AD. The large central temple is pulled down; the northern sanctuary is transformed into a funeral building which is soon equipped with an apse, whilst a baptismal building is built on the site of the southern sanctuary. Up until the beginning of the 11th century, many graves are dug near both buildings. Throughout this century, settlements are henceforth reorganised around a new castle whilst a canonical priory is founded in its vicinity. Around this time, a heated debate emerges about the processions of the relics of Saint Majan relics which are fought over by several local monasteries (Villemagne, Saint-Thibéry, Aniane) at the expense of the Roujan inhabitants. This topic allows us to grasp through an anthropological angle the complexity of religious displays which are here indissociable from the medieval constitution of a memory of origins in local Christianity. It also brings forward questions about the recognition of the status of the ancient locality, as well as the part played by this locality in the organisation of the suburbs of Béziers between the Antiquity and the Middle Ages. The Christianisation process is associated with the development of a funeral function inside the ancient peribolos as well as the building of a baptistery. Such an equipment unmistakeably evokes the part played by Episcopal action faced with an organised decentralization which favoured the city’s communities. The other way round, this theme also questions the vigour of a civic and religious centre which may have developed during the Early Roman Empire around a hypothetical forum. Key words : Roujan, Cassan, Saint Majan, secondary town, forum, villa, temples, church, baptistery, territory, rural space, Christianity. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 118 20/11/07 10:19 Page 118 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER En 1982, des travaux liés à la réalisation d’un lotissement dans la périphérie du village de Roujan (Hérault) attirent l’attention de la Direction des Antiquités Historiques dans un secteur de l’ancienne cité antique de Béziers alors quasiment inconnu des chercheurs (fig. 1). Une campagne de fouille de sauvetage urgent et trois campagnes de fouilles de « sauvetage programmé » permettent de mettre au jour le quartier monumental d’une agglomération antique jusqu’alors insoupçonnée (fig. 2). Le plan de trois sanctuaires gréco-romains, associés à un péribole et s’ouvrant à l’Est sur une place bordée d’un portique, est rapidement reconnu. Ce noyau du premier siècle de notre ère, qu’il faut peut-être associer au culte impérial et/ou capitolin, est investi vers le milieu du Ve s. par des tombes qui annoncent le développement progressif d’un cimetière autour d’un bâtiment funéraire paléochrétien et plus particulièrement la christianisation des populations de la localité par l’édification d’un baptistère. Le nouvel équipement ecclésial du quartier permet ainsi d’envisager des questionnements sur l’évolution de l’agglomération entre Antiquité et Moyen Âge, soit jusqu’à la charnière du XIe s. Ce siècle de rupture voit désormais la vie locale se restructurer autour d’un château (le castrum de Roujan), d’un prieuré de rayonnement régional (Sainte-Marie de Cassan) et d’une nouvelle hiérarchisation des lieux de culte chrétien. Fig. 1 : Localisation de Roujan, Hérault (DAO L. Schneider). En 1986, aux termes d’une longue négociation, l’assiette du lotissement communal fut finalement décalée, préservant ainsi d’une destruction totale cet ensemble original. Tandis que les fouilles étaient arrêtées et que les premières données étaient publiées sous la forme de notices de synthèse, un programme de prospections se mettait en place dans le cadre de la carte archéologique. Poursuivi jusqu’au milieu des années 1990, ce programme permettait de mieux caractériser l’agglomération antique de Roujan et surtout de commencer à l’insérer dans l’espace rural de la cité de Béziers et dans la trame locale des établissements antiques et médiévaux. De la découverte des temples à l’identification des sanctuaires chrétiens, de la mise en évidence d’une nouvelle agglomération antique aux questions qui touchent à son insertion dans les systèmes de peuplement antique et médiéval du piémont de Béziers, près de vingt-cinq ans auront passé. En ce sens, le dossier constitué autour des sanctuaires de Roujan est aussi un témoignage de l’évolution de la pratique archéologique régionale et de l’évolution des problématiques scientifiques. Évolution technique et structurelle qui conduit des premiers balbutiements de l’archéologie de sauvetage à l’archéologie préventive actuelle, évolution des questionnements qui conduit de l’étude d’un quartier monumental à son insertion dans la localité qui l’a vu naître et dans les systèmes de peuplement qui l’ont portée, mais aussi décloisonnement chronologique entre Antiquité et Moyen Âge ou disciplinaire entre archéologie descriptive et histoire des mentalités. Cette contribution monographique à visée de synthèse se présente donc comme le reflet d’un dossier demeuré constamment ouvert depuis plus de vingt ans avec ses aléas et ses enrichissements. Depuis le début des années 1980, ce secteur du piémont biterrois n’a d’ailleurs curieusement pas bénéficié de nouvelles fouilles de quelque ampleur, ce qui en dit long finalement sur le modeste état de nos connaissances de ce territoire de confins, situé entre vallée de l’Hérault à l’Est et monts d’Orb à l’Ouest entre cité de Béziers au Sud et cité de Lodève au Nord, ou plus largement encore entre pays Rutène, capitale narbonnaise et pays Nîmois. Le plan de la contribution s’organise en deux grandes parties. En premier lieu sont présentées les données de fouilles du quartier Saint-Jean, par phase chronologique et par monuments. Dans un second temps sont envisagés, là encore selon une perspective chronologique, les problèmes du statut de la localité, ceux de ses relations de voisinage avec les autres établissements du secteur, les villae notamment, et avec les chefs-lieux de cité. Ce changement d’échelle, qui nous conduit à envisager un espace de quelque 32 km² sis entre Libron et Peyne, doit permettre de discuter des chaînes de transmission et des différentes formes de piété qui se sont manifestées dans ce secteur entre Antiquité et Moyen Âge, entre paganisme et christianisme. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 119 119 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… fragments de céramique sigillée et de tegulae (Gondard 1948, 14). En 1974, une statuette en bronze représentant Hercule est recueillie dans le même secteur (Barruol 1975). Cependant ce sont des travaux de voirie liés à la création d’un lotissement communal, en mai 1982, qui sont à l’origine de la découverte de l’ensemble cultuel proprement dit. Les premières trouvailles relatées alors sont celles d’une fosse préhistorique, découverte par J.-P. Mailhé, puis d’une « couche archéologique d’époque romaine » et d’une « tombe à inhumation » signalées par A. Cornejo. Le témoignage oral parallèlement recueilli auprès du conducteur de la pelle mécanique fait également état de « l’enlèvement de 4 ou 5 soubassements de colonne, alignés selon un axe Est-Ouest et situés dans la parcelle 116 » (Cornejo 1983, 2). Au cours du mois de septembre suivant, le creusement de tranchées de canalisation sur les parcelles cadastrées AB 412 et AB 413 fit apparaître de nouveaux vestiges parmi lesquels les fondations maçonnées - faiblement enfouies - de plusieurs bâtiments, ce qui déclencha la réalisation d’un sauvetage urgent confiée à A. Cornejo, en collaboration avec P.-Y. Genty (Direction des Antiquités historiques du Languedoc-Roussillon) et Chr. Olive (Association pour le développement de l’archéologie en Languedoc-Roussillon). Fig. 2 : Localisation sur fond cadastral du quartier Saint-Jean à Roujan (DAO I. Bermond). Aux données archéologiques s’ajoute en fin de parcours l’apport de la documentation textuelle, qui fournit un fil conducteur autour du souvenir de saint Majan dont la dispute des reliques - au seuil du XIe s. - ouvre des questionnements sur la construction d’une mémoire populaire des piétés locales qui à son tour peut aider à l’interprétation des données matérielles. LES FOUILLES DU QUARTIER SAINT-JEAN 1. HISTORIQUE DES RECHERCHES, CONDITIONS D’EXPLORATION ET DE CONSERVATION 1.1 Les premières découvertes Outre la présence de monnaies antiques signalée dès le milieu du XIXe s. (Crouzat 1859), l’existence de vestiges gallo-romains sur le site de Saint-Jean à Roujan est connue depuis 1948 grâce à la mise au jour, suite au défoncement d’une parcelle, d’une statue mutilée représentant un personnage drapé ainsi que de très nombreux Cette première opération permit le nettoyage et le relevé de l’emprise des différentes structures, dès lors identifiées comme appartenant à un ensemble cultuel antique et médiéval (fig. 3). En outre, trois sondages furent exécutés, non pas à l’intérieur du temple 1 dont le plan était dorénavant connu dans son intégralité, mais aux abords immédiats de celui-ci, pour permettre le dégagement et la compréhension de maçonneries affleurantes sur ses flancs est et ouest. Côté est, les sondages I et II ont ainsi été respectivement implantés sur les murs latéraux nord et sud de l’édifice accolé au temple, dont l’abside orientale n’a été explorée que l’année suivante. À l’ouest du temple 1, le sondage III a permis de localiser plusieurs murs dont deux, parfaitement chaînés dans l’angle nord-ouest, constituent les vestiges d’une pièce accolée au sanctuaire antérieur (Colin et al. 1982 ; Cornejo 1983). 1.2 Du sauvetage programmé à la conservation des vestiges En dépit du très mauvais état de conservation des vestiges, dont une large part avait été malmenée et fortement arasée par les travaux de voirie mais aussi par les mises en culture modernes, l’importance de ces découvertes fortuites justifia la mise en place pour trois ans d’une fouille de sauvetage programmé, dont la responsabilité fut assumée par M.-G. Colin et par M. Schwaller. La compréhension et l’esprit de coopération RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 120 20/11/07 10:19 Page 120 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 3 : Localisation des vestiges et des secteurs de fouille (DAO L. Vidal). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 121 121 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… dont firent alors preuve aussi bien la mairie de Roujan que la Direction départementale de l’Équipement furent déterminants, en ces temps désormais révolus où l’arsenal législatif et réglementaire qui a donné depuis toute sa légitimité à l’archéologie préventive n’existait pas. Dans un second temps, le projet de lotissement a été sensiblement modifié afin de permettre le bon déroulement des recherches, les secteurs riches en vestiges archéologiques étant destinés à devenir un espace vert à tonalité archéologique, au sein duquel seuls les vestiges des temples antiques et de l’édifice du bas Moyen Âge ont finalement été présentés (fig. 4). Fig. 4 : Vue du temple septentrional après restauration (cl. L. Schneider). Une fois l’hypothèque de la destruction du site levée, les fouilles ont été suspendues dans la mesure où la nécessité du sauvetage ne s’imposait plus. La Direction des Antiquités de l’époque décida de reporter ses efforts sur d’autres urgences, en cette année 1986 où venait de paraître au Journal officiel le premier décret relatif à la prise en compte de la protection du patrimoine archéologique dans certaines procédures d’urbanisme. Dans l’intervalle, les fouilles ont été menées de 1983 à 1985 au rythme moyen de six semaines de campagne annuelles, par une équipe d’une vingtaine de personnes, constituée à 80 % de jeunes bénévoles et d’étudiants (Colin et al. 1983, 1984, 1985). Les soucis pédagogiques et de formation ont de ce fait été continûment au cœur des préoccupations de l’équipe, comme en témoigne chacun des rapports annuels de fouille. Pour accessoires qu’elles puissent paraître, ces précisions en termes d’organisation et de moyens humains ont une grande importance dans ce dossier. En effet, elles n’ont pas été sans conséquences sur les choix méthodologiques opérés sur le terrain et sont en grande partie responsables d’une relative lenteur dans la collecte des données. Si le décapage extensif, dès le printemps 1983, d’une superficie d’environ 2000 m² a permis d’obtenir rapidement une bonne vision de l’ensemble de l’aire cultuelle et funéraire conservée, les restrictions de surfaces opérées progressivement pour tenir compte des moyens disponibles et effectivement fouillées dans leur intégralité (par sondages et tranchées de reconnaissance) ont limité la quantité de données stratigraphiques et mobilières recueillies. Ces campagnes successives ont néanmoins permis de mettre au jour les vestiges des différents édifices cultuels (temples antiques, édifices paléochrétiens, bâtiment médiéval), une cinquantaine de sépultures et, quelques dizaines de mètres plus loin vers l’Est, diverses constructions, caniveaux, fossés (Nickels 1985 ; Nickels et al. 1988) (fig. 5). Plus précisément, la campagne 1983 a eu pour objectifs d’explorer l’intérieur (zone 1, secteurs 1 et 2) et le flanc méridional du temple 1 (zone 1, secteur 3) ainsi que l’espace situé au sud de l’édifice à abside et à l’est du temple 2 (zone 5), et d’achever la mise en évidence de l’avancée orientale avec le dégagement de l’abside (zone 2). Enfin, un sondage de 16 m² (zone 1, secteur 4) a été réalisé au nord-ouest du temple 1 pour compléter les données recueillies au contact du mur occidental de celui-ci dès 1982 (fig. 3). En 1984, trois sondages ont été menés à bien. Le premier d’entre eux - limité à 4 m² - a permis d’achever l’exploration de la zone 1 dans l’angle nord-ouest du temple 1. Les deux autres sondages, de 25 m² chacun, ont concerné le temple 2 de manière à englober ses angles nord-ouest d’une part (zone 4, secteur 3) et sud-est d’autre part (zone 4, secteur 2). Les stratigraphies intérieure et extérieure de ce sanctuaire ont ainsi été mieux appréhendées et la datation de la phase de construction du complexe cultuel gallo-romain a pu être précisée. Dans le secteur 2, un lambeau de maçonnerie est apparu ; son orientation et les modes de construction laissaient suggérer qu’il puisse appartenir aux vestiges d’un troisième temple implanté au sud des précédents. En complément de ces fouilles d’emprise limitée, des tranchées de reconnaissance ont été entreprises dans des secteurs non encore explorés du site, afin de localiser un possible mur de clôture délimitant la zone cultuelle ainsi que d’autres structures éventuelles. Cette démarche se révéla payante puisqu’elle permit effectivement de mettre au jour, non seulement les vestiges du mur d’enceinte entourant les sanctuaires, mais aussi - au sud des temples - ceux de l’angle contreforté d’un édifice postérieur à l’ensemble antique et enfin, à l’extrémité est des terrains accessibles à la fouille, un bâtiment gallo-romain. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 122 20/11/07 10:19 Page 122 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 5 : Plan général schématique des vestiges (DAO L. Vidal). Mr = mur ; Cn = caniveau ; Bs = base RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 123 123 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Ces nouvelles découvertes nous ont logiquement amenés à privilégier ces deux zones l’année suivante (fig. 3). Côté sud (zone 4), la dernière campagne a confirmé l’existence d’un troisième temple et montré que deux autres édifices successifs - un baptistère paléochrétien et une construction du bas Moyen Âge - avaient été implantés sur les vestiges de ce sanctuaire primitif. Côté est (zone 3), à près de 40 m de distance des temples, la fouille a notamment mis au jour différents vestiges qui attestent la présence, contemporaine des sanctuaires, d’une agglomération (réseau de caniveaux, vestiges d’habitat). Pour compléter cette approche essentiellement centrée sur l’ensemble cultuel et son environnement immédiat, des campagnes de prospection systématique - coordonnées par J.-P. Besombes-Vailhé puis par J.-L. Espérou - ont été conduites de 1989 à 1994 afin de délimiter le plus précisément possible, en dépit de l’urbanisation récente, l’étendue et les limites de l’agglomération antique (BesombesVailhé 1989 ; Espérou et al. 1990, 1991, 1992, 1993, 1994). Enfin, lors d’une courte intervention de sauvetage en 2000, L. Vidal a réalisé le nettoyage et le relevé des structures archéologiques (caniveau, dolium et grand dé de calcaire coquillier) ponctuellement mises au jour lors du rafraîchissement du talus bordant la rue Saint-Jean qui jouxte les temples au sud (Vidal, Guerre 2000). Roujan sur la liste de projets de publications jugés prioritaires. Sur cette incitation, le mérite est alors revenu à L. Vidal d’avoir relancé le dossier et présenté en 1998 à la CIRA Sud-Est une demande d’aide à la publication qui a été acceptée et financée. Pour des raisons de disponibilité et d’éloignement géographique des membres de l’équipe, c’est finalement à l’orée de l’année 2006 qu’est achevé ce manuscrit. Cette longue gestation aura en tous cas permis d’associer ce travail au volume que consacre cette année la Revue Archéologique de Narbonnaise, sous la coordination de M. Christol, J.-L. Fiches et J. Scheid, aux « Sanctuaires et lieux de culte. Topographie religieuse et faits de culte ». La réouverture - une quinzaine d’années après l’achèvement des fouilles - d’un dossier de cette ampleur, qui a vu se succéder plusieurs responsables scientifiques, ne va pas sans un certain nombre d’aléas : conservation inégale des archives de fouilles, déménagements successifs et dispersion des mobiliers et des ossements. Toutefois, la qualité des rapports de fouilles et l’abondance de la documentation graphique et photographique réunie au cours des années d’exploration du site nous ont permis de réaliser dans de bonnes conditions la préparation de la présente publication. 2. DE L’OCCUPATION DU IER S. AV. N.È. AUX TEMPLES DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU IER S. AP. J.-C. 1.3 Les aléas d’un projet de publication 1982-2006 : il aura fallu près d’un quart de siècle pour aller de la découverte des premiers sanctuaires à la publication ! Fort heureusement, dans l’intervalle, l’intérêt majeur des découvertes faites à Roujan a été rapidement - mais sommairement - porté à la connaissance de la communauté archéologique, par le biais de différents résumés parus dans les Informations de Gallia déjà citées (Nickels 1985 ; Nickels et al. 1988), dans la Chronique des fouilles médiévales en France d’Archéologie Médiévale (Colin, Schwaller 1986a) et dans le catalogue d’exposition Premiers temps chrétiens en Gaule méridionale, paru en 1986 à l’occasion de la tenue à Lyon du XIe Congrès international d’Archéologie chrétienne (Colin, Schwaller 1986b). Une autre notice, concernant plus spécifiquement l’édifice à abside d’époque paléochrétienne, a ensuite été publiée dans le tome I de l’atlas des Premiers monuments chrétiens de la France (Colin, Schwaller 1995). Enfin, la partie antique du site de Saint-Jean a fait récemment l’objet d’une présentation monographique dans l’un des deux volumes consacrés, sous la direction de J.-L. Fiches, aux Agglomérations gallo-romaines en LanguedocRoussillon (Vidal et al. 2002). Entre temps, en 1997, le Conseil national de la recherche archéologique et le Service régional de l’Archéologie de Languedoc-Roussillon ont fait figurer 2.1 Genèse d’une agglomération antique 2.1.1 Une occupation du Ier s. avant n. è. assez discrète En dehors des quatre fosses datées du « Néolithique récent final » (Cornejo 1982), l’occupation la plus ancienne paraît remonter au plus tôt au début de la seconde moitié du Ier s. av. n. è. (fig. 6). D’une façon générale, elle est attestée par la présence de mobilier « résiduel » caractéristique (fragments d’amphore italique, de céramique campanienne) mis au jour dans des unités stratigraphiques liées à des occupations plus récentes, notamment dans le secteur cultuel (fig. 7). Cependant, cette phase est marquée par quelques faits archéologiques, principalement dans la zone 3 (fig. 6). Ainsi, au nord-ouest et à proximité de cette dernière (fig. 6), A. Cornejo a pu fouiller - sur 3,50 m de long - un fossé (F1), dont le comblement constitué par un sédiment argileux souvent « très humique » recelait « de nombreux vestiges osseux et de la céramique. Parmi celle-ci, on peut citer un grand nombre de céramique campanienne C, des urnes indigènes peignées, des petits gobelets à paroi fine » (Cornejo 1983, 8). Ce fossé possédait une largeur allant de 0,80 à 1,05 m et une profondeur oscillant entre 0,35 et 0,40 m. Compte tenu de l’échelle du plan adjoint au rapport de fouille et de la faible longueur de fossé dégagée, il est RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 124 20/11/07 10:19 Page 124 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 6 : Localisation des vestiges de l’occupation du Ier siècle av. n. è. (DAO L. Vidal). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 125 125 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… 3024 3027 A-Tar Pa1 A-Ital Dr1c 3032 3030 Pré-Sig 10 Der C indet Pré-Sig 230 Pré-Sig 200 3057 Pré-Sig 200 Der C36 Camp A2943 Pré-Sig 10 Pré-Sig 170 Camp A36 0 Fig. 7 : Planche présentant le mobilier céramique de la fin du Ier siècle av. n. è. et de l’époque augustéenne RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 5 cm (J. Guerre). 117-194: Maq Garmy 126 20/11/07 10:19 Page 126 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER difficile de savoir s’il s’agit d’un tronçon linéaire ou légèrement courbe. Son orientation reste de toute façon discordante par rapport à celles des murs des bâtiments romains et médiévaux, même si elle est proche de celle de l’édifice le plus tardif. Toujours dans la zone 3, des sondages stratigraphiques d’ampleur modeste mais qui ont atteint le terrain géologique ont livré dans les unités stratigraphiques les plus anciennes de petits lots de mobiliers datables de la fin de la république ou d’une large époque augustéenne (fig. 7). Ils ont surtout permis de rattacher à cette phase ancienne de l’occupation les murs 41 et 47 (fig. 5). Ces derniers sont perpendiculaires entre eux et construits en tranchéecoffrage, sans usage de mortier de chaux. Le mur 41, d’une largeur moyenne de 0,60 m, est conservé - au mieux - sur une longueur de 7,50 m et, en fondation, sur trois assises. Les deux assises inférieures sont bâties avec des gros galets, de 0,35 m de dimension maximale. L’assise supérieure est formée d’éléments de plus petit module (autour de 0,1 m), noyés dans un cailloutis argileux brun sombre limité par endroit par des fragments de tuile disposés de chant. Il s’agit soit d’une assise de réglage destinée à recevoir une structure en matériaux périssables, soit de la partie inférieure d’une élévation en terre. Quant au mur 47, seule une assise de gros blocs est conservée sur une longueur de 1,50 m. Un petit sondage réalisé à la jonction des murs 41 et 47 et du fond résiduel du caniveau 84 a livré - sur 1 m² un lambeau de sol lié aux murs qui précèdent. Il est formé par un discret cailloutis tassé dans lequel le mobilier se trouve à plat (Colin et al. 1985, 15). Cette modeste surface de fouille a livré quinze fragments de poterie comprenant comme éléments datants deux tessons de campanienne A et deux autres de campanienne B. Compte tenu de la faiblesse numérique du lot, on ne peut proposer comme intervalle de datation qu’une large deuxième moitié du Ier s. av. n. è. Plus au Nord, le sondage mené entre le mur 41 et la fosse de mise en place du dé 100 a permis de fouiller, à l’ouest du mur, un remblai hétérogène (U.s. 3057) d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur qui est limité par le dit mur . Ce niveau recèle un mobilier dont les bornes de datation les plus larges se situent entre le milieu du Ier s. av. et le milieu du Ier s. ap. J.-C. (fig. 7). À l’Est, autour du mur 40, plus récent, une unité stratigraphique reposant sur le substrat livre un mobilier qui fournit un intervalle de datation allant de la fin du Ier s. av. jusqu’au milieu du Ier s. ap n. è. En outre, et même s’il s’agit d’un objet erratique, on notera que la tranchée de fondation de ce mur a livré une monnaie en bronze, comportant à l’avers la légende VOLCAE et au revers la légende AREC (type Lt 2677), datable du milieu du Ier s. avant n. è. (La Tour, Fischer 1802-1992, pl. VI). Pour finir, c’est en dehors de la zone 3, dans le temple 1 et autour de l’abside, que se trouvent les derniers vestiges recensés de l’occupation la plus ancienne. Il s’agit de petites excavations, approximativement parallèles et assez régulièrement espacées, mises au jour dès les sondages de la première campagne de fouille autour de l’abside (Colin et al. 1982, 3) et dans le temple 1 en 1983 (fig. 8). Elles avaient la forme de « petites tranchées, aménagées dans le terrain géologique jaune, de nature argileuse et crayeuse, et creusées à travers une couche de 0,15 m d’épaisseur de colluvion caillouteuse » (Colin et al. 1982). Les fondations du temple 1 et de l’abside coupent ces fosses. Leur remplissage brunâtre contenait de rares fragments de céramique campanienne. Fig. 8 : Vue des traces agraires dans le pronaos du temple 1 (cl. M. Olive). Leur comparaison avec d’autres découvertes plus récentes permet désormais de les interpréter comme des fosses de plantation viticole de type alvei (Monteil et al. 1999 ; Vidal 2000). Dans le pronaos, la disparition de leur relevé ne permet pas d’en donner les mesures véritables mais on peut constater, d’après la photographie, qu’il s’agit d’une implantation en rectangle. Les fosses ont une longueur d’environ 1 m. Leurs rangs sont espacés de plus d’une longueur de fosse (environ 1,3 m), alors que sur le rang, elles semblent seulement à une longueur de distance. Au centre de la photographie, on remarque une fosse de provignage réunissant la fosse centrale et celle située la plus à l’ouest. Témoigne-t-elle d’un simple remplacement ponctuel d’un cep quelques années après la plantation ? Ou bien est-elle la marque d’un vieillissement de la pièce de vigne ? En l’absence d’une vue plus vaste, il n’est pas possible de connaître l’importance des provignages et donc de la longévité de la plantation. À partir des quelques observations réalisées, dont la totale homogénéité chronologique n’est d’ailleurs pas parfaitement assurée, il reste impossible de connaître RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:19 Page 127 127 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… l’étendue de l’occupation qui précède la mise en place des sanctuaires. En outre, les prospections n’ont pas permis de mettre en évidence cette dernière dans les parcelles encore accessibles. Elle peut y être masquée comme elle l’est dans le secteur des temples. L’absence de donnée ne permet donc pas de comparer avec la taille des sites d’époque républicaine reconnus en prospection pédestre, dont la moitié possède une emprise inférieure ou égale à 0,1 ha et les deux tiers entre 0,1 et 0,2 ha (Vidal et al. 1995, 129). Quant à la fonction de cette occupation, les vestiges sont trop lacunaires pour avoir des certitudes, mais il a déjà été remarqué que le site se distinguait des autres sites républicains du nord du Biterrois, presque exclusivement connus quant à eux - à l’exception du site de Montfau à Magalas - par prospection de surface (Vidal et al. 1995, 130). En effet, alors qu’ici les fragments d’amphores représentent 14,5 % du mobilier, pour les autres, les amphores constituent pratiquement le seul mobilier. Sans écarter totalement la possibilité d’une meilleure conservation des fragments d’amphore italique, la question était posée d’une différence due à la chronologie - masquée par l’imprécision de la datation des séries des autres sites -, ou bien à la fonction et au statut. L’aspect chronologique n’est certes pas à négliger dans la mesure où, dans les lots de mobilier de Saint-Jean à Roujan, les dérivés de campanienne et les pré-sigillées ont la part belle. Qui plus est, il est tentant de mettre le fléchissement des importations d’amphores en rapport avec le développement d’un vignoble d’importance locale. Du point de vue de la fonction et du statut, les quelques faits archéologiques observés ne sont pas déterminants. Seule la présence de murs distingue Saint-Jean, car celle d’un fossé est très courante : il constitue souvent tout ce qui reste de l’occupation (Vidal 2000). Cependant, on voit mal l’installation des sanctuaires respecter un petit établissement agricole et reprendre l’orientation de ses murs. En revanche, il semble plus plausible d’inscrire l’implantation des temples dans le cadre du développement d’une agglomération préexistante. L’accroissement reste en périphérie du noyau ancien et n’oblitère qu’une petite partie du premier cercle des cultures. 2.1.2 Densification et complexité du bâti : une agglomération affirmée Les découvertes en cours de travaux, les fouilles de sauvetage, les tranchées de repérage et les prospections pédestres, montrent que les sanctuaires s’insèrent dans une occupation plus vaste. Des vestiges de cette dernière, plus ou moins endommagés par les travaux agricoles et l’urbanisation, ont pu être observés. Parfois ils ont été fouillés de façon partielle. Au Sud-Ouest, près des sanctuaires, dans un secteur très perturbé par les travaux récents, à proximité de la grande fosse néolithique fouillée en 1982, la petite zone 6 a livré, sur 9 m², quelques éléments de construction. Ainsi vers l’Est était conservé un lambeau de sol de tuileau lié à l’argile (U.s. 6013, z = 97,39 NGF), posé sur un hérisson de pierre. Il était à la même altitude qu’un vestige de sol de cailloutis (U.s. 6009) se développant à l’Ouest. Sur ce dernier subsistait la première assise d’un mur (Mur 5), bâti sans mortier avec des moellons. Au sud du sol de cailloutis, et sans qu’un lien avec lui ait pu être mis en évidence par la fouille, le décapage a mis au jour une unité stratigraphique constituée par de nombreux et gros fragments de tegula, qui présentaient tous un même pendage vers le Sud. Le décapage superficiel de cette zone a livré de nombreux fragments d’enduit peint sur un mortier de couleur rouge. Par la suite, la fouille s’étant recentrée sur la zone des temples, l’étude de ces aménagements n’a pas été poursuivie. C’est à peu près à cet endroit, selon des informations recueillies en 2000, que les travaux de construction ont permis à un adhérent du foyer rural de Roujan de recueillir d’assez nombreux fragments d’enduit peint. À l’Est, en zone 3, les éléments structurants mis au jour sont des murs s’articulant avec des caniveaux (fig. 9). Il s’agit du mur 32, de direction est-ouest, conservé sur 12,85 m de long et détruit à l’Est ; du mur 40, qui s’appuie sur le parement sud du précédent et n’est conservé que sur 2,10 m de long car au Sud il est coupé par l’ancien tracé du chemin ; du mur 39 enfin, de direction Nord-Sud, conservé sur 10,50 m de long et comportant peut-être une interruption fonctionnelle au Sud alors qu’il est détruit au Nord. Ce mur laisse le passage à un caniveau. Au sud de la zone 3 et de l’autre du chemin actuel de Saint-Jean, le nettoyage rapide du talus incliné nouvellement rafraîchi par l’enlèvement d’une bande de terre de plus de 2 m de large (Vidal, Guerre 2000) a permis d’observer, presque à l’extrémité est du caniveau 1004, l’arrachement d’un probable mur perpendiculaire à l’axe du talus, constitué d’au moins six assises qui mêlent blocs de calcaire et gros fragments de tegulae. D’autres observations donnent à penser qu’il existe un autre mur dissimulé par la butte qui borde la voie actuelle. En effet, à côté et à l’est du troisième dé de calcaire, sur 5 m de long, se trouvent des blocs de calcaire qui pourraient appartenir à un mur lié à la terre dont la direction paraît proche de celle du talus. Les trois murs principaux sont construits en appareil de petits moellons de calcaire équarris, avec fourrure de cailloux liés au mortier de chaux pour le premier et blocage de pierres liées à la terre pour le second et le troisième. La construction de ces deux derniers met en œuvre en arase discontinue des fragments de tegulae, mais seuls ceux du mur 40 sont liés au mortier de chaux. En outre, le parement ouest de ce dernier est recouvert sur une soixantaine de centimètres de long d’un enduit de mortier de chaux. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 128 20/11/07 10:19 Page 128 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 9 : Plan de détail de la zone 3 Ces différences dans le mode de construction ne paraissent pas dues à une disparité de conservation. Elles indiquent probablement qu’ils ne sont pas strictement contemporains même s’ils ont été utilisés ensemble à un moment donné. Les sondages réalisés n’ont pas permis d’expliciter la plupart des rapports chronologiques. Cependant, le sondage 4, réalisé au seul endroit où il était visible que des niveaux de fonctionnement étaient conservés, à la jonction du mur 32 et du mur 40, a apporté (DAO L. Vidal). quelques données. Ainsi s’il était manifeste que le mur 40 était accolé au mur 32, la fouille a montré que plusieurs niveaux stratifiés viennent buter contre leurs parements. Parmi ces strates, il convient de noter que le démontage du sol empierré 3019 a livré un mobilier datable au plus tôt des années 30 de n. è. (fig. 15). Quant à l’articulation entre les murs 39 et 32, elle se fait par l’intermédiaire d’un « aménagement de seuil » endommagé par les labours, mais dont il reste le lit de mortier (Colin et al. 1985, 17). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 129 129 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… En dehors des murs, trois autres éléments nous renseignent sur l’architecture des constructions : il s’agit des dés de calcaire coquillier. Deux d’entre eux (BS 99 et 100), constituant probablement le début d’un alignement, ont été découverts en limite nord de la zone 3. Le seul qui ait fait l’objet d’une fouille était installé sur une chape débordante de mortier de chaux. De forme rectangulaire, il mesurait 0,55 m de large sur 0,65 m de long pour une épaisseur 0,55 m. Les dimensions en plan du deuxième dé sont proches du carré avec une longueur de 0,64 m sur 0,60 m de large pour au moins 0,30 m d’épaisseur. Leurs faces sud sont parfaitement alignées et leurs centres sont distants de 3,64 m - soit 12 pieds -, alors que le fait 99 est à 2,44 m - soit environ 8 pieds - du mur 39. En outre, l’axe des deux dès ne forme pas une perpendiculaire avec ce dernier mur : il dessine un angle de 97 °. La fosse d’installation quadrangulaire du fait 99 a été fouillée, mais elle n’a livré qu’un rare mobilier datable au plus tôt des IerIIe s. Le troisième dé est apparu au sud, au bas du talus créé en 2000 (fig. 10). Il s’agit d’un parallélépipède de 0,57 sur 0,59 m pour une hauteur dégagée minimale de 0,35 m. Il participe d’un autre alignement qui se trouvait au sud du chemin de Saint-Jean. En effet, A. Cornejo signale en 1982 que le conducteur de la pelle mécanique et des ouvriers qui créent le nouveau tracé du chemin lui ont affirmé que l’élargissement du côté sud avait entraîné « l’enlèvement de 4 ou 5 soubassements de colonne, alignés selon un axe est-ouest » (Cornejo 1983, 2). Dans cette partie du site, les autres éléments de construction qui témoignent d’une gestion et des étapes d’une évolution sont constitués par les caniveaux. Dans la zone 3, un canal a subi un changement radical de tracé dans sa partie amont. Bien que la mauvaise conservation des vestiges permette seulement un raccordement hypothétique, il est possible de reconstituer ce bouleversement. Dans un premier état, un caniveau est implanté suivant une direction parallèle au mur 32 en recoupant le mur 39 (fait 88/89, fig. 9 et 11). Il a été dégagé en tout sur une longueur de 11,10 m. Le canal mesure 0,20 m de large et les parois sont constituées par des assises de blocs grossièrement équarris et de tegulæ liés par un épais mortier de chaux. Ces murs peuvent mesurer jusqu’à 0,30 m de large. Le fond est formé de tegulæ mises bout à bout. Aucun élément de couverture n’a été observé. L’écoulement se fait vers l’Est avec une pente qui est très irrégulière : ainsi depuis l’Ouest, des tronçons sont respectivement à 8,7 %, 6,4 %, et même jusqu’à 12 % juste après le mur 39 pour revenir enfin à 4 %. Vers l’Ouest, le caniveau est détruit, mais compte tenu du pendage du fond, il est probable qu’il se rattachait au petit vestige de caniveau 84, formé de gros fragments de tegula mis à plat sur une longueur de 1,10 m et une largeur de 0,40 m, qui recouvrait l’arase du mur 41. Ce fond de canal Fig. 10 : Dé et mur mis au jour en 2000 Fig. 11 : Vue du caniveau RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL (cl. L. Vidal). (cl. M. Schwaller). 117-194: Maq Garmy 130 20/11/07 10:20 Page 130 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER n’est pas dans le prolongement du tronçon est-ouest, mais il est cohérent avec l’orientation donnée au nouveau tracé après l’abandon du caniveau en amont du passage à travers le mur 39. Il peut donc être un reste de l’ancien parcours qui aurait subi un déplacement latéral. Le nouveau caniveau, conservé sur une longueur de 8 m, mesure 0,30 m de large et ses parois ont une largeur moyenne de 0,35 m. Elles sont constituées de blocs parementés et de fragments de tuile. L’ensemble est assemblé au mortier de chaux. Le fond est bâti avec des dalles de schistes liées de façon généreuse par un mortier qui remonte fréquemment le long des parois. À l’extrémité nord, le fond du canal très endommagé est formé par des grands fragments de tegula. À partir du nord, la pente du fond est très faible (0,5 %), puis elle devient plus importante (2 %) en se rapprochant de l’articulation avec l’ancien tronçon, juste en amont du passage élargi dans le mur. Ce dernier est renforcé par l’installation, de part et d’autre du conduit, de dalles de schiste mises de chant. Après ce passage, le conduit est plus large (0,40 m) puis il se rétrécit graduellement pour se raccorder avec le canal plus ancien. Plus au Sud, dans le talus rafraîchi, un second caniveau a fait l’objet d’une fouille partielle et d’un nettoyage rapide en 2000. Le caniveau (2000, U.s. 1004) étant d’une orientation très proche de l’axe du talus, sa destruction partielle et graduelle constitue un véritable écorché stratigraphique qui montre que, là aussi, il existe plusieurs étapes dans sa mise en place. D’après le lambeau conservé, le canal est construit dans un premier temps en disposant de grandes dalles assez irrégulières contre les parois d’un fossé, d’une largeur de 0,33 m, entamant largement le terrain géologique. La seule dalle encore en place montre qu’elle devait constituer le type de couverture, peut-être s’alliant localement avec des tuiles comme le suggère la présence de gros fragments de ces dernières. Sans multiplier les comparaisons sur ce genre d’aménagement, il convient de remarquer qu’il se rencontre à Nîmes, à la ZAC des Halles, dans les aménagements latéraux de la via Domitia réalisés à une date haute (Monteil dir. 1993). Le colmatage du canal semble graduel et naturel. C’est au-dessus, et légèrement décalé vers le Nord, qu’un nouveau caniveau est installé par la suite. Le canal, conservé sur 3,4 m de long, mesure 0,21 m de large. Le fond est constitué par des tegulæ qui se chevauchent légèrement dans la partie ouest, accentuant une pente qui reste très faible. Les tuiles du fond reposent sur un radier de galets de quartz, de fragments de tuile et de blocs de calcaire de 0,20 m de côté. Les parois, seules à être liées au mortier de chaux, sont construites en assises de fragments de tegula et mesurent en moyenne 0,20 m de large. La hauteur de conservation des parois augmente très légèrement en allant vers l’Est mais elle n’est en moyenne que de 0,15 m, même sous le seul reliquat de couverture en place. En effet, c’est au centre du tronçon dégagé que quelques fines dalles de schiste constituent les restes d’un dispositif de couverture très lacunaire. Le sédiment piégé sur les dalles est graveleux et ressemble à un vestige d’une surface de circulation (2000, U.s. 1013). La fouille des remplissages des caniveaux a permis d’obtenir quelques éléments de chronologie absolue même si le nombre de tessons recueilli est parfois très faible. Ainsi, dans le tronçon abandonné le premier (fait 89), le mobilier (U.s. 3011) indique que l’abandon peut être placé vers la fin du troisième quart du Ier s. de n. è. Dans l’autre partie, la fin d’utilisation du canal est marquée par l’enlèvement de la couverture et son remplissage, certainement volontaire, à l’aide d’un remblai compact (U.s. 3008 et 3010). Ce dernier est de nature hétérogène et renferme notamment des tessons de céramique, de fragments de tuile et de cailloutis. Le mobilier recelé est assez disparate, mais il permet de dater ce comblement des alentours du milieu du IIe s. ap. J.-C. Le mobilier trouvé sur le lambeau de couverture (2000, U.s. 1013), ou encore sur le canal là où la couverture n’est pas conservée (2000, U.s. 1011), date d’une période allant du milieu du Ier au milieu du IIe s Pour mémoire et compte tenu de l’absence d’une datation bien assurée, on peut ajouter aux précédents éléments ceux qui ont été découverts au nord-ouest de la zone 3, lors des fouilles réalisées en 1982 à la suite des terrassements liés à la création de la rue (fig. 5). Alberto Cornejo a alors dégagé et relevé la plus grande partie de deux bâtiments ou de deux pièces. Ainsi, l’ensemble H1 est délimité par quatre murs perpendiculaires et adjacents conservés en fondation sur plusieurs assises. La largeur de ces murs varie entre 0,55 et 0,64 m et ils sont bâtis en « hérisson de pierres alluvionnaires, englobant par endroits des tegulæ » (Cornejo 1983, 7). Dans la partie supérieure des assises dégagées, quelques tessons ont été recueillis, parmi lesquels on compte de la céramique sigillée. Au nord-est de H1, dans un secteur très perturbé par les travaux, un mur et un peu plus au Sud deux murs adjacents formant un angle ont également été dégagés (H2). Ils sont constitués « par des pierres granitiques ou calcaires équarries, disposées à plat, par des pierres alluvionnaires ainsi que par des fragments de tegulæ et des panses d’amphores » (Cornejo 1983). Alberto Cornejo note à ce propos que, dans l’angle mis au jour, « trois pierres posées de chant dégagent un vide constituant probablement un trou de poteau » (Cornejo 1983, 8). Quelques tessons de céramique campanienne ont été découverts au cours du dégagement, mais l’auteur de la fouille ne les met pas clairement en rapport avec les constructions. En dehors des éléments d’organisation de l’espace et de gestion des écoulements, les fouilles ont révélé en zone 3 RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 131 131 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… quelques fosses de fonction indéterminée (l’une d’entre elles - U.s. 3034, datable du milieu du IIe s. - est postérieure au caniveau 88/89), mais surtout un four et un dolium enterré (fig. 13). Le four se trouve dans la partie est de la zone 3 au nord du mur 32 (fig. 9), dont la tranchée de fondation le coupe, et au sud du caniveau 88. En surface il se présente comme une auréole d’argile rubéfiée par ignition (U.s. 3047), de 0,04 m d’épaisseur, mesurant 0,92 m de long pour une largeur de 0,81 m (fig. 12). Le four possède à sa base des parois verticales et son fond entame légèrement le substrat. Ce dernier, assez régulier, est recouvert par un fin lit d’argile rubéfiée. Dans le remplissage argileux, et particulièrement en partie inférieure où il est très charbonneux, se trouve un effondrement de morceaux de paroi parmi lesquels on note la présence de quelques éléments d’une embouchure de section arrondie. Ces fragments permettent de savoir que le four avait au moins une hauteur de 0,35 m. Le remplissage supérieur a livré des os de faune brûlés et quelques rares fragments de tuile. Le rare mobilier trouvé dans le remplissage (U.s. 3053) date son abandon au plus tôt du début du dernier quart du Ier s. de n. è. Ce four, de type tanour du Moyen-Orient, est une variante fixe des fours domestiques mobiles augustéens connue en Languedoc oriental. La paroi, une fois chauffée, sert à cuire des galettes. Une batterie de fours de ce type a été notamment mise au jour dans la phase ancienne de la villa de La Ramière à Roquemaure dans le Gard (Barberan et al. 2002). Le dolium (2000, U.s. 1009, fig. 13) a été mis au jour dans le talus, au sud du caniveau 1004. Conservé sur 0,60 m de hauteur, il est en pâte sableuse ocre jaune très friable. Sa paroi mesure en moyenne 0,04 m d’épaisseur. Compte tenu du profil de sa section, il s’agit d’un petit module dont la capacité devait être autour de 345 l. L’intérieur est rempli par un sédiment argilo-sableux brun recelant de nombreux charbons, des tessons notamment de tuiles, de dolium et d’amphore (2000, U.s. 1009). Le fond de la fosse de mise en place est comblé par un sédiment sableux jaunâtre (2000, U.s. 1010). La destruction produite par le terrassement n’a pas permis d’observer les liens stratigraphiques mais, compte tenu du volume de ce vaisseau (diamètre maximal de 1,06 m), il doit être plus récent que la phase ancienne du caniveau. Le mobilier archéologique qui le comble, peu abondant, est au plus tôt du dernier quart du Ier s. ap. J.-C. (fig. 16). Toutefois, son usage peut être contemporain du deuxième état du caniveau. La nature de la pâte qui constitue le dolium permet de penser qu’il devait servir à stocker des graines car il ne pouvait contenir des liquides sans de graves inconvénients. Au total, l’emprise des constructions observées aux cours des fouilles s’étend sur environ 6 600 m². Elle ne constitue qu’une partie d’une occupation plus vaste. Cette Fig. 12 : Vue du four (cl. M. Schwaller). Fig. 13 : Vue du dolium (cl. L. Vidal). dernière a été cernée du côté est par des prospections pédestres (Besombes-Vailhé et al. 1989 ; Espérou et al. 1990, 1991, 1992, 1993, 1994). Celles-ci ont été menées dans les parcelles ayant gardé une vocation agricole qui se développent de ce côté. Deux toponymes cadastraux sont particulièrement concernés de part et d’autre du ruisseau de Ligno : Médéyo et Valat de Ligno. Autour du ruisseau, sur environ 3 ha, les artefacts sont très nombreux et notamment sur Médéyo. Vers le Sud, une limite forte est constituée par la voie communale n° 1, dont on peut se demander si elle ne reprend pas le tracé d’une voie antique. En effet, si au sud de cette dernière il existe deux concentrations remarquables de mobiliers archéologiques antiques - aux superficies respectives d’environ 1125 m² et 1400 m² -, les artefacts sont d’une façon générale inexistants ou très dispersés. Au Nord, la limite de l’agglomération doit correspondre peu ou prou à la rue Jean Moulin, dont la création aurait permis la découverte d’une tombe ayant livré un gobelet décoré de céramique sigillée sud-gauloise. Vers l’Ouest, rien ne permet de déterminer la limite de l’agglomération qui s’étend donc au minimum sur 7 ha, pendant le haut Empire du moins (fig. 17). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 132 20/11/07 10:20 Page 132 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 14 : Planche du mobilier haut Empire le plus significatif (J. Guerre). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 133 133 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 15 : Planche du mobilier haut Empire le plus significatif (J. Guerre). 2.2 Le groupe des trois temples 2.2.1 Analyse architecturale Le complexe architectural, conçu et réalisé de manière très homogène et cohérente, est constitué de trois sanctuaires entourés sur les côtés sud, ouest et nord d’un mur d’enceinte ou d’une galerie, l’accès aux sanctuaires par l’Est restant ouvert (fig. 18). À deux très modestes exceptions près, seuls les massifs de fondations de ces différents éléments sont parvenus jusqu’à nous. Les édifices sont orientés à 18 NL selon un axe EstOuest et sont approximativement alignés en façade. D’autres constructions, mises au jour à une quarantaine de mètres au sud-est de l’ensemble cultuel, présentent une orientation identique laissant supposer que ces différents éléments relèvent d’un plan d’urbanisme concerté. Les trois temples, de plan rectangulaire, présentent une structure identique composée d’un pronaos et d’une cella (tabl. 1). De toute évidence, un rapport de proportion lie intimement les sanctuaires, le bâtiment central - nommé temple 2 - donnant très vraisemblablement le module à partir duquel ont été déclinées les dimensions des deux édifices qui le bordent sur ses flancs septentrional et méridional, à une même distance de 1,80 m. Compte tenu de RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 134 20/11/07 10:20 Page 134 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 16 : Mobilier du remplissage du dolium (J. Guerre). Fig. 17 : Extension de l’agglomération sur fond cadastral (I. Bermond, L. Schneider) RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 135 135 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… révèlent en outre que le rapport de proportion mis en évidence pour la taille des édifices vaut également pour la puissance de leurs fondations, ce qui suggère des différences également proportionnelles dans les hauteurs des élévations. On constate d’autre part que l’organisation interne de chacun des trois édifices privilégie des dimensions presque parfaitement carrées pour les trois cellae, alors que les trois vestibules se présentent sous la forme de rectangles plus ou moins profonds. Dans leur ensemble, ces vestiges témoignent donc de réalisations parfaitement proportionnées qui résultent de l’utilisation comme unité de mesure d’un pied romain d’une valeur déduite de 29,8 cm. Cette valeur, déduite des dimensions relevées sur le terrain, diffère donc d’un peu plus de 2 mm de la valeur théorique de 29,57 cm, souvent arrondie à 29,6 cm. Ce type d’écart est tout à fait plausible, les variations révélées par les instruments de mesure antiques retrouvés pouvant aller jusqu’à 4 mm (Chouquer, Favory 2001, 71-72). Le bâtiment central (temple 2), qui est aussi le plus grand, mesure 14,45 m de longueur hors œuvre (soit 48,5 pieds) sur 9,08 m de large (équivalant à 30,5 pieds). Sa longueur est donc égale à un peu plus d’une fois et demi sa largeur, formant ainsi un rectangle très équilibré. Les fondations des murs sont larges de 0,90 m, ce qui confère respectivement au pronaos et à la cella une superficie intérieure approximative de 35 et 54 m². Le sanctuaire septentrional mesure quant à lui 8,94 m de long (soit 30 pieds) sur 6,02 m de large (correspondant à un peu plus de 20 pieds) hors tout ; la surface utile du porche atteint donc ici près de 10 m² et celle de l’intérieur du temple proprement l’extrême rareté des assises conservées en élévation, nos observations métriques reposent essentiellement sur l’analyse et le relevé des puissantes fondations maçonnées des trois temples. Les substructions des sanctuaires central et septentrional ont été intégralement reconnues lors de la fouille ; en revanche, celles du temple méridional étaient détruites sur un large tiers nord-ouest mais ont cependant pu être restituées avec un bon degré de certitude. Le tableau qui suit montre ainsi que le temple 1, côté nord, est la parfaite réplique, réduite environ aux deux tiers, du sanctuaire principal alors que, côté sud, les dimensions du temple 3 sont approximativement égales à la moitié de celles du temple 2. Les deux dernières lignes du tableau Fig. 18 : Plan général de l’ensemble cultuel Temple 1 (en cm ) Temple 1 (en pieds *) Temple 2 (en cm ) Temple 2 (en pieds *) (DAO L. Vidal). Rapport T.1/T.2 (en % ) Temple 3 Temple 3 Temple 3 Dime nsions cons ervé es (en cm ) Dime nsions restituée s (en cm ) (en pieds *) Rapport T.2/T.3 (en % ) Longeur horsœuvre 894 30 1445 48,5 61,9 % env. 700 env. 740 env. 25 51,2 % Longeur intérieure totale 745 25 1288 43,5 58 % env. 600 - env. 20 46,7 % Longeur intérieure pronaos 218 7,3 477 16 45,7 % 185 - 6,2 38,54 % Longeur intérieure cella 454 15,23 730 24,5 62,1 % 340 - 11,4 46,57 % Largeur horsœuvre 602 20,2 908 30,5 65,4 % 470 470 15,77 52 % Largeur intérieure totale 454 15,2 740 24,8 63,5 % env. 337 - 11,3 45,8 % Longeur des fondations 75 2,51 90 3 83,3 % env. 65 - 2,2 72,2 % Hauteur des fondations 100 3,3 148 5 68,5 % - - RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL Tab. 1 : Tableau des dimensions des trois temples en centimètres et en pieds romains. Toutes les mesures énoncées sont des dimensions moyennes, prises et relevées sur des massifs de fondations présentant un certain nombre d’irrégularités. Cela justifie les approximations qui en découlent et n’altère en rien l’analyse globale des proportions qui sont ainsi mises en évidence (* : pour un pied romain de 29,8 cm.) 117-194: Maq Garmy 136 20/11/07 10:20 Page 136 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER dit un peu plus de 20 m² (fig. 19). Les parties conservées du temple méridional (temple 3) concernent presque l’intégralité des massifs de fondation de ses murs ouest, sud, est ainsi que du mur de refend entre les deux pièces ; en revanche, son mur nord n’est visible que sur une longueur d’environ 2 m. Cela permet de restituer au temple 3 des dimensions hors œuvre de 7,40 m sur 4,70 m, pour des superficies respectives du pronaos et de la cella - celle-ci étant parfaitement carrée - de 6,20 et de 11,40 m². Fig. 19 : Vue générale d’est en ouest de T. 1 avec angle nordouest de T. 2 (cl. Chr. Olive). L’ensemble cultuel formé par les trois sanctuaires est bordé sur ses flancs nord, ouest et sud par un mur d’enceinte. Les recherches par tranchées conduites sur le terrain, à l’aide d’une pelle mécanique, pour repérer les limites de l’espace sacré, ont été gênées par les ruptures topographiques dues aux aménagements modernes des chemins ou des terrasses de culture et par le manque d’espace disponible, certaines parcelles n’étant pas accessibles à l’exploration archéologique. Ces investigations ont permis de retrouver (fig. 5), à 1,70 m de profondeur sous le sol actuel, le niveau d’arasement d’un mur d’orientation nordsud (mur 21) situé 4,50 m à l’ouest de la limite occidentale du temple central, ainsi que ses retours en angle droit vers l’Est côté nord et sud (mur 22). Le prolongement du mur 22 a été retrouvé une quinzaine de mètres plus loin vers l’Est, à 4,80 m au sud du temple 3. Ces maçonneries, de 0,60 à 0,65 m de large, sont construites au mortier de chaux liant des blocs de calcaire et des galets. Les matériaux mis en œuvre ont une dimension maximale de 0,10 à 0,15 m. La similitude des modes et des matériaux de construction ainsi que la concordance de leurs orientations associent sans conteste cet ensemble de murs aux trois temples. Le fait qu’aucune structure parallèle à ces murs n’ait alors été repérée nous a conduit à privilégier la restitution d’une clôture des temples assurée par un mur simple. Nous ne pouvons cependant pas exclure l’éventuelle présence d’un péristyle ou d’une galerie, à l’instar de celle qui entoure par exemple le temple principal du forum d’Ampurias (Sanmartí-Grego 1987). La découverte en diverses circonstances, sur le site de Saint-Jean à Roujan, de plusieurs dés de calcaire coquillier plaiderait d’ailleurs plutôt pour cette seconde hypothèse. Il faut en premier lieu rappeler à cet égard le témoignage oral du conducteur de la pelle mécanique chargé en 1982 des travaux d’élargissement du chemin bordant la parcelle AB 116, selon lequel « quatre ou cinq soubassements de colonnes alignés selon un axe est-ouest » avaient été mis au jour et évacués (Cornejo 1983, 2). D’autre part, la fouille en 1985 de la zone 3, à l’est du site, a livré deux bases quadrangulaires de calcaire coquillier parfaitement alignées côté sud, mesurant 0,60 m sur 0,55 m, fondées sur une chape de mortier débordant et orientées également selon un axe Est-Ouest (Colin et al. 1985, 15-16). Enfin, en 2000, un dé de calcaire de même type est apparu lors du rafraîchissement du talus sud de la rue Saint-Jean (Vidal 2000, 3). Ces différents soubassements de colonnes attestent très certainement l’existence, à environ 35 m à l’est des temples, d’une probable galerie ou d’un portique ; l’espace intermédiaire paraît vierge de toute construction, dessinant sur une emprise de plus de 1 200 m² une sorte d’esplanade ou de place destinée à séparer les sanctuaires de la zone d’habitat. Les fondations des trois édifices ont été bâties au moyen de « tranchées-coffrages » ne laissant aucune empreinte oblique de creusement dans les sédiments recoupés. Elles reposent sur le substratum argileux aménagé en plan horizontal. Ces fondations sont très puissantes : dans le cas par exemple du temple 2, elles atteignent 0,90 m de large et s’étendent, assise de réglage comprise, sur 1,46 m de profondeur soit près de 5 pieds. Elles sont composées de galets provenant sans doute de la couche alluvionnaire qui recouvre le substrat dans certaines parties du site, de fragments de blocs de grès, de quelques éléments de blocs de calcaire coquillier et d’un abondant mortier de teinte gris-rosée, très dur et très fin (fig. 20). Dans le cas particulier du mur ouest du temple central, notons que la fondation est interrompue par un lit de mortier, ce qui témoigne vraisemblablement d’une étape dans cette construction en tranchée-coffrage. Les fondations des murs de clôture, larges d’environ 0,60 m, sont en tous points comparables. Le bâtiment central (temple 2), et dans une certaine mesure le temple 1, présentent en façade un radier maçonné que l’on peut interpréter comme des fondations d’escaliers. S’agissant du temple 2, le radier maçonné s’étend sur toute la largeur du mur oriental du sanctuaire et forme une avancée d’environ 2,50 m. Il est constitué par une chape de mortier coulée sur un hérisson de pierres alluvionnaires, lui-même implanté sur un lit de petits graviers mélangés à des sédiments sableux légèrement argileux de coloration RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 137 137 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… jaunâtre. Entre le temple 1 et son extension orientale, un radier d’escalier maçonné a également été observé : recouvert lui aussi d’une chape de mortier, le hérisson était installé sur un lit de gâchis de mortier et de graviers disposé dans une dépression creusée dans les niveaux préromains (fig. 21). En revanche, les aménagements successifs réalisés à l’est du temple 3 postérieurement à sa phase d’occupation antique n’ont pas permis de mettre en évidence d’agencement du même type. Outre les massifs de fondations, de rares vestiges permettent d’observer les premières assises appareillées des temples 1 et 2. Ils sont limités à deux secteurs très localisés : dans l’angle nord-ouest du temple 1 d’une part, où deux assises régulières de moellons montées en petit appareil sont conservées sur un peu plus de 2 m de long côté nord, 1,50 m côté ouest et 0,25 m de hauteur à une altitude NGF située entre 97,22 et 97,47 m (fig. 22) ; dans l’angle sud-ouest du temple 2 d’autre part, avec le mur ouest dont l’élévation est conservée également sur deux assises et le mur sud, dont seule la première assise est présente. Les blocs simplement épannelés mis en œuvre pour ces élévations sont tous en calcaire coquillier à grain demi-fin. Les dimensions approximatives des blocs vont de 0,20 à 0,47 m de long pour une largeur maximale de 0,30 m et une hauteur de 0,10 à 0,12 m. Ils reposent sur une assise de réglage elle-même appareillée mais légèrement noyée dans le mortier. Le mode d’aménagement intérieur du temple 2 a été observé en détail dans le cadre d’un sondage réalisé dans son angle sud-ouest (fig. 3). Il est ainsi apparu que, dans un premier temps, le substratum avait été nivelé, préalablement à la mise en place d’un remblai composé de graviers et d’un cailloutis mêlés à une terre compacte de couleur noire et à quelques fragments de mobilier céramique datant (U.s. 4112). Au contact des parements internes des deux murs sud et ouest, des coulures de mortier de chaux témoignent d’un probable niveau de travail marquant une étape dans la construction du podium sur lequel s’élevait la cella. Fig. 20 : Vue en coupe des fondations de T. 1 (cl. Chr. Olive). Fig. 21 : Vestiges de l’escalier permettant d’accéder au T. 1 (cl. Chr. Olive). 2.2.2 Éléments de datation Le fort degré d’arasement du site est responsable de la destruction des niveaux d’occupation des sanctuaires et donc de la disparition de la plupart des indices chronologiques attribuables aux premières phases de fonctionnement des édifices. La réalisation en tranchées pleines des fondations des temples et l’absence de tranchées de fondation obliques qui en découle ne permettent pas davantage de bien documenter la construction de cet ensemble. Son homogénéité stylistique et le caractère similaire des matériaux utilisés comme leur mise en œuvre plaident toutefois pour la restitution d’une phase unique de conception et de réalisation. Fig. 22 : Vue du T. 1 depuis l’Ouest, avec reliquat de l’appareil assisé de l’angle nord-ouest (cl. Chr. Olive). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 138 20/11/07 10:20 Page 138 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Un premier terminus post quem est fourni, rappelonsle, par le fait que les tranchées de fondation du temple 1 coupent les fosses de plantation datables du début de la seconde moitié du Ier s. av. n. è. Par ailleurs, un indice ténu de datation de la construction du temple central a été découvert dans le remblai du podium, sous la forme de très rares fragments de céramique sigillée arétine et sudgauloise. Leur présence et surtout leur association au sein d’une même unité stratigraphique (U.s. 4112) permettent de placer au plus tôt la construction du temple 2 dans la première moitié du Ier s. ap. J.-C. Des fragments de sigillée sud-gauloise précoce, découverts dans les niveaux liés à la construction du temple 3, confirment cette datation. Enfin, on note que c’est au cours de ce même demi-siècle qu’un réseau de canalisations est mis en place pour drainer une vaste aire ouverte située à une quarantaine de mètres à l’est des sanctuaires, comme si l’ensemble de cette zone avait bénéficié d’un processus homogène et global d’aménagement. Force est de constater l’indigence des données en notre possession pour étayer cette tentative de datation de la phase de construction de l’ensemble cultuel, que l’on ne peut donc qu’approximativement et au plus tôt situer dans la première moitié du Ier s. de n. è. En l’absence de tout niveau d’occupation conservé, les données fiables concernant la durée d’utilisation du complexe cultuel font également figure d’exception. Un premier élément d’analyse concerne le réaménagement dont fait l’objet le mur nord du temple 3, sous la forme d’un enduit rouge de 2 à 3 cm d’épaisseur qui vient recouvrir sa face externe après que la base du mur ait été déchaussée (fig. 23). Cette réutilisation peut être mise en liaison avec un niveau d’occupation datable - de façon toute relative grâce à la présence d’un unique fragment de céramique sigillée claire B - au plus tôt du IIIe s. (U.s. 4143), niveau qui s’étend vers le nord au-delà des limites du sondage en direction du temple central. Il semble en outre, mais la surface fouillée a été ici très restreinte, que quelque chose de semblable ait été repéré au sud du temple 3, entre le mur 46 et le mur tardif 31 : même enduit rouge à l’extérieur du temple, niveau d’enduits fins très fragmentés de couleur coquille d’œuf disposés grossièrement à plat comme c’était le cas au contact nord du mur 16, niveau d’occupation très fin recouvrant un remblai d’aménagement du substrat d’argile et de cailloutis. Une couche grise (U.s. 4142, z = 97,19 NGF) contenant de nombreux matériaux de destruction tels que des fragments de mortier, de tuiles et d’enduits de plafond beiges à bordure verte, est en outre postérieure au niveau d’occupation 4143. Cette séquence marque donc vraisemblablement une nouvelle étape architecturale, sous la forme de l’aménagement sans doute au IIIe ou IVe s. - dans l’espace qui séparait à l’origine les temples 2 et 3 préalablement décaissé - d’une pièce couverte à demi enterrée, venue Fig. 23 : Vue de l’enduit recouvrant l’extérieur du mur nord de T. 3 (cl. M. Schwaller). Fig. 24 : Vue de l’enduit recouvrant l’extérieur du mur nord de T. 3 (cl. M. Schwaller). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 139 139 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… compléter le dispositif antérieur. D’autre part, un sondage réalisé au sud du temple 3 entre le mur méridional de ce dernier (M. 46) et le mur tardif 31, a révélé -sur une surface très exiguë compte tenu de l’enchevêtrement de nombreuses structures- un dispositif apparemment très comparable (fig. 24 et 44). Un enduit rouge de même type que le précédent a ainsi été observé, de même qu’un niveau d’effondrement (U.s. 4176) composé de tuiles, de mortier et de nombreux petits fragments d’enduits de couleur coquille d’œuf disposés grossièrement à plat - comme c’était déjà le cas sur le flanc nord du mur 16. Ce niveau recouvrait un sol argileux (U.s. 4190) contenant des charbons de bois, des nodules de mortier et un peu de sable et reposant sur un remblai constitué d’argile et de cailloutis. En dépit de leur caractère ponctuel, il ressort de ces observations que deux petites constructions, aux murs et plafonds recouverts d’enduits intérieurs, ont pris place au contact des temples central et méridional, dans une phase qu’il convient sans doute de situer aux IIIe-IVe s. Ces modestes édicules pourraient témoigner du maintien à Roujan, jusqu’au Bas Empire, de l’activité cultuelle des lieux, à l’instar des petits sanctuaires venus progressivement occuper l’espace séparant le temple du portique qui le borde sur le site du forum d’Ampurias (Sanmartí-Grego 1987, 59). Divers éléments permettent en outre de rendre compte de la phase de destruction du temple central (T. 2). Du point de vue de l’analyse des sédiments, celle-ci se matérialise à l’intérieur du bâtiment par une couche argileuse homogène contenant du gravier (U.s. 4069), alors qu’elle est caractérisée à l’extérieur de l’édifice par un niveau de terre beaucoup plus hétérogène, de couleur brun-clair, comptant des inclusions d’enduit, de tuile, de mortier, de cailloutis et de blocs mais dépourvu de tout mobilier datant (U.s. 4113). Les tranchées d’épierrement des murs nord et sud de ce sanctuaire ont également été en partie repérées et fouillées. Leur comblement se présentait sous la forme d’une terre meuble contenant de nombreuses inclusions de cailloutis, de fragments de marbre, d’enduit et de mortier ; le rare mobilier céramique découvert permet de dater cette récupération de matériaux de la seconde moitié du Ve s. au plus tôt (fig. 40) (U.s. 4140/4147). Un dernier jalon chronologique est à signaler, même si le terminus ante quem qu’il fournit est encore plus tardif que les précédents. La présence d’une tombe (fait 42, fig.25), dont la fosse a été creusée dans le comblement de la tranchée d’épierrement du mur nord du temple 2 (mur 13), a en effet permis la réalisation d’une analyse d’ossements par la méthode du radiocarbone. L’époque d’inhumation du défunt a ainsi pu être située dans un intervalle chronologique allant de 563 à 659, avec des probabilités maximales décroissantes allant de 639 à 605 (LY-10707, cf. annexe 1). L’abandon et la ruine du sanctuaire central sont donc au plus tard chose faite dans les premières décennies du VIIe s. Fig. 25 : Photo de la tombe 42 recoupant le mur nord de T. 2 (cl. M. Olive) 2.2.3 Le culte Sur l’axe de symétrie longitudinal du temple central, presque au fond de la cella, un imposant bloc rectangulaire de calcaire coquillier simplement équarri pourrait correspondre à la fondation du socle d’une statue (fig. 18). Le centre du bloc est situé à 1,85 m du mur ouest du temple qui marque le fond de la cella. Il mesure 1,40 m dans le sens nord-sud et 1,15 m d’Est en Ouest ; sa profondeur n’est pas connue car seule sa face supérieure a été dégagée. La ou les divinités qui étaient honorées dans le sanctuaire nous restent malheureusement inconnues, aucune découverte de fragment d’autel votif ou d’inscription dédicatoire n’étant venue nous éclairer à ce sujet. Au titre des découvertes mobilières les plus significatives, il convient toutefois de mentionner ici les découvertes fortuites, dans les parcelles environnantes, de deux statues. La première, mise au jour en 1948 lors d’un défoncement agricole au tènement Saint-Jean, est aujourd’hui conservée au musée de la Société archéologique de Béziers (fig. 26 a, b et c). En pierre et d’une hauteur d’1,20 m, elle figure une femme dont la tête, le cou, les avant-bras et les pieds ont disparu (Ros 1949, 14 et pl. XI). En appui sur la jambe gauche dans un déhanchement gracieux, le corps est drapé dans une palla portée par-dessus la tunique ; le bras droit est replié sur la poitrine alors que le bras gauche est maintenu le long de la cuisse, la main gauche fermée sur un pan du manteau. L’excavation existant à la place du cou conduit R. Ros à s’interroger sur la possibilité de voir dans cette figure celle d’une impératrice - selon le procédé bien attesté des têtes amovibles et interchangeables - mais les arguments manquent pour valider ou réfuter cette hypothèse. En outre, dans le cas de la statue de Roujan, l’orifice permettant le logement de la tête paraît assez mal fait et est légèrement désaxé par rapport au point médian entre les deux épaules, comme si ce creusement avait été fait a posteriori. Quoi qu’il en soit, la facture de cette RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 140 20/11/07 10:20 Page 140 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER c a b Fig. 27 : Vue de la statue féminine de NîmesBénédictins (cl. F. Pervenchon). Fig. 26 : Vues de la statue découverte en 1948 de face, de profil, du cou (cl. L. Vidal). œuvre est très comparable à la statue féminine acéphale mise au jour fortuitement à Nîmes en 1969, au 11 de la rue des Bénédictins. Cette dernière a pu être attribuée à Antonia Minor, mère de Claude, après que la tête correspondante ait été retrouvée à proximité (fig. 27) (Garmy, Monteil 2000, 181-183). Par analogie, et bien que toute tentative d’identification soit ici impossible en l’absence de la tête, il est donc très vraisemblable que la statue de Roujan corresponde aussi à une œuvre du Ier s. de n. è. La seconde découverte, due à M. Balmisa en 1974, est une statuette en bronze de 9,9 cm de haut pour un poids de 90 g, elle aussi incomplète. L’objet représente un Hercule tournant la tête à droite (fig. 28), portant barbe et moustache, le front ceint d’un bandeau attaché sur la nuque sous un chignon tombant, brandissant sa massue d’une main et portant la peau du lion de Némée dans l’autre (Mailhé 1974 ; Barruol 1975). Hercule est par ailleurs représenté sur une plaque de bronze découverte sur le site Saint-Jean - hors stratigraphie au cours du décapage en 1984. Cette fine plaque de bronze est finement gravée et travaillée au repoussé (fig. 29). Un nettoyage prudent et une analyse minutieuse des incisions permettent de restituer le dessin d’une scène à deux personnages. À gauche, un homme nu musclé, vu de dos de trois quarts vers la droite et ayant la jambe droite fléchie, tient ou attrape une large bande de tissu au niveau de la taille d’un autre personnage très incomplet. Ce dernier est vêtu d’un long vêtement dont le liseré festonné court depuis son pied droit jusqu’en dessous du bras droit, qui est appuyé sur l’épaule droite du premier personnage. Sa main gauche semble tenir ou retenir un pan de tissu en opposition avec la main de ce dernier. Une probable proue RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 141 141 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 28 : Hercule de bronze vu de face et de dos (cl. extrait de Gallia 1975, 509). de navire se trouve derrière et aux pieds de l’homme nu, alors que le second personnage est face à un élément d’architecture (colonne ? ante ?). À titre d’hypothèse, il paraît possible d’identifier cette scène avec l’un des douze travaux d’Hercule : celui où il doit rapporter pour Admètè, fille d’Eurysthée, la ceinture qu’Arès donna à la reine des Amazones Hyppolité. Ces deux éléments en bronze permettent de présenter l’hypothèse de l’existence d’un culte à Hercule dans les sanctuaires de Roujan, ce qui n’est pas sans intérêt si l’on met cela en rapport avec des monnayages probablement frappés dans la région sise entre Béziers et Narbonne. Il s’agit de monnaies de bronze gallo-grecques à la tête d’Héraclès, l’une avec une massue en exergue, l’autre avec une main levée. Cette dernière porte la légende Bêtarratis. Certains revers comportent un lion (ClavelLévêque 1989, 95 ; Carrière 1995, 79). Signalons en outre la mise au jour, dans un remblai localisé sur les temples (U.s. 4078), d’un fragment de plaque de marbre blanc - épaisse de 1,7 cm - portant une inscription fragmentaire ; on peut être tenté de lire, à la première ligne conservée (fig. 30), les restes du gentilice [D]omi[tius] (Vidal et al. 2002, 254). 3. DE LA MUTATION PALÉOCHRÉTIENNE AU DEVENIR MÉDIÉVAL : L’ENSEMBLE FUNÉRAIRE ET CULTUEL DU HAUT MOYEN ÂGE ET SON ÉVOLUTION 3.1 L’apparition des premières tombes Fig. 29 : Plaque de bronze figurant Hercule (cl. et dessin S. Lancelot). Fig. 30 : Fragment de plaque de marbre épigraphe (cl. et dessin L. Vidal). Sur le site de Saint-Jean, la zone funéraire s’étend sur toute la superficie couverte par les trois temples antiques et leurs abords immédiats, soit environ 750 m². La nécropole s’étendait très certainement au-delà, côté nord d’abord où les tombes sont présentes jusqu’en limite de l’emprise de fouille, côtés est et sud ensuite où des creusements importants liés soit à l’aménagement de terrasses de mise en culture soit à l’élargissement de la route communale ont profondément affecté la topographie d’origine, entraînant vraisemblablement la disparition ancienne d’assez nombreuses tombes. Les sépultures qui nous sont parvenues étaient en général très endommagées par les travaux agricoles et l’aménagement du lotissement. Ces perturbations ont presque toujours concerné la structure de la tombe, voire également dans un certain nombre de cas le ou les sujets inhumés. Sur la parcelle la mieux préservée, cinquante et une tombes au total ont été repérées et quarante-trois d’entre elles ont été fouillées. Ce total ne tient toutefois pas compte de plusieurs tombes (estimées à une dizaine) détruites par les engins mécaniques lors des premiers travaux d’aménagement du lotissement, avant la découverte des substructions des temples ayant motivé l’interruption du chantier. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 142 20/11/07 10:20 Page 142 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER L’utilisation de la zone cultuelle antique à des fins funéraires débute à une époque indéterminée mais, en tous cas, antérieure à la construction - à l’est du temple 1 - de l’abside, puisque les fondations de celle-ci sont réalisées au détriment de deux inhumations orientées nord-sud (fig. 31). Deux autres tombes (ens. 5 et 10 mis au jour en 1982) ont vraisemblablement été bouleversées par la construction du pilier et du mur sud de la travée qui précède l’abside, donnant lieu dans un cas au dépôt d’un amas d’ossements en réduction dans une petite fosse rectangulaire et dans le second au maintien in situ de la partie de la sépulture non touchée. A contrario, aucune maçonnerie constitutive des trois temples n’ayant perturbé de sépulture, on peut raisonnablement exclure l’hypothèse de l’existence d’une zone funéraire sur le site avant la construction des sanctuaires dans les premières décennies du Ier s. de n. è. De surcroît, l’absence de tout vestige d’urne cinéraire ou de stèle semble indiquer que les pratiques funéraires se sont développées assez tardivement, à une époque où l’inhumation s’est déjà généralisée aux dépens de l’incinération, soit au plus tôt la seconde moitié du IIe ou le IIIe s. ap. J.-C. De fait, il semblerait que les premières tombes soient apparues après que la fonction cultuelle attachée aux sanctuaires antiques eut déjà largement perdu de sa vigueur. Sans accorder d’importance déterminante à la question de l’orientation des sujets, dont on sait qu’elle peut varier dans le contexte d’un cimetière chrétien en fonction de la place disponible ou de la proximité du lieu saint, on peut retenir dans le cas du site Saint-Jean à Roujan que plusieurs inhumations respectant grossièrement un axe Nord-Sud, situées au nord-est de l’ancienne zone cultuelle, font partie du groupe de sépultures chronologiquement le plus ancien. Ce premier ensemble compte quatre tombes (10, 28, 30) ainsi qu’une sépulture seulement repérée en limite de l’emprise de fouille lors du creusement d’une tranchée de reconnaissance Est-Ouest, environ 1 m au nord de l’édifice à abside. Ces diverses sépultures sont toutes situées à une altimétrie très comparable, à peu près sur le même axe approximativement Nord-Sud, à 10 m à l’est des escaliers d’accès aux temples comme si elles respectaient un axe de circulation. Très largement détruits par la construction - puis beaucoup plus tard par l’épierrement du mur semi-circulaire -, seuls le tiers inférieur de la sépulture enregistrée sous le numéro 30 (fig. 31) et le tiers supérieur du fait 28 ont été en partie préservés. En dépit de ces importantes spoliations, le creusement des deux fosses dans l’argile naturelle a bien été reconnu lors de la fouille. Quelques pierres alignées attestent clairement d’un coffrage sur la paroi latérale sud du fait 28, alors que deux pierres bordant la limite ouest de la fosse 30 pourraient relever du calage de planches de bois. Les deux fragments de tuile inclinés retrouvés à proximité de la jambe gauche du sujet immature pourraient être soit les vestiges d’un couvercle en tuiles soit ceux d’un élément Fig. 31 : Tombe nord-sud coupée par l’abside construite à l’est du temple 1 (cl. M. Olive). Fig. 32 : Vue de la tombe 10 (cl. M. Olive). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 143 143 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… de signalisation. Les deux sujets étaient inhumés en decubitus dorsal, à même le gravier du paléosol, la tête au sud. Le sujet adulte de la tombe 28 avait l’avant-bras droit replié sur le bas-ventre. La troisième tombe (fait 10), implantée à moins de 1 m au sud de l’abside cette fois, est une tombe en tuiles dont le calage des parois dans la fosse est assuré par un alignement de pierres. Sa partie supérieure est très altérée mais les fragments de tegulae subsistants présentent une nette inclinaison vers l’intérieur, suggérant la restitution d’une bâtière plutôt que d’un coffre ; la tuile qui constituait la limite sud de la tombe était quant à elle fichée verticalement, afin peut-être de servir d’élément de signalisation (fig. 32). Aucune trace du sujet inhumé n’a été retrouvée dans cette tombe très arasée. À défaut d’une datation absolue rendue impossible par la disparition des ossements correspondants, divers éléments de chronologie relative peuvent être rappelés pour situer dans le temps ces premières inhumations. Outre qu’elles sont sans nul doute postérieures aux temples, rappelons que deux d’entre elles au moins sont antérieures à l’abside, elle-même construite avant le VIIIe s. Au plan typologique, bien qu’étant toutes différentes, ces tombes se rattachent soit aux bâtières et coffres de tuiles soit aux coffrages mixtes de planches calées par des pierres que l’on trouve couramment en usage, notamment en Languedoc, entre le IVe et le VIIe s. (Colardelle et al. 1996, 274 et 284-285). Par ailleurs, nous savons - grâce aux datations 14C - que des inhumations sont pratiquées à l’intérieur du temple 1 dès le courant du Ve ou le début du VIe s. Sans anticiper sur l’évocation à venir du développement de cette nécropole, indiquons ici que pour ces tombes, comme pour celles qui s’implantent peu après aux abords de l’édifice, l’orientation est-ouest des sujets, avec tête à l’Ouest, est systématique. L’orientation nordsud, quant à elle, n’apparaîtra plus qu’exceptionnellement sur le site, dans un contexte bien différent sous la forme d’une tombe d’enfant implantée dans le baptistère entre la fin du VIIe et le IXe s. (fait 65). À l’exception de ce dernier cas, le premier groupe de sépultures, attesté par quatre tombes, marque donc un changement de destination de cette partie du site, la fonction cultuelle des sanctuaires antiques étant abandonnée au profit d’une utilisation funéraire des lieux. 3.2 Réutilisation et agrandissements du temple septentrional 3.2.1 L’utilisation du temple septentrional à des fins funéraires De premières tombes à inhumation prennent donc place à l’intérieur du temple septentrional (temple 1), dans les espaces précédemment formés par le pronaos et la cella, ce dès le Ve ou le début du VIe s. (fig. 33). En l’ab- sence de tout mobilier datant, cette datation est fournie par les résultats d’une analyse radiocarbone d’ossements du sujet inhumé dans le fait 37 (LY-10711, cf. annexe 1), dont la tombe a endommagé une sépulture antérieure enregistrée sous le numéro 36. L’ordonnancement des trois tombes qui occupent notamment l’angle sud-est de la cella n’a visiblement rien de fortuit : deux d’entre elles (fig. 34) sont venues se plaquer contre le mur méridional du sanctuaire, la troisième (fait 47) est implantée au contact de la sépulture 37, immédiatement sur son flanc nord. Malgré les importants dégâts causés aux niveaux archéologiques par les terrassements et les travaux de construction du lotissement, il apparaît bien ici que l’intérieur du sanctuaire du haut Empire est réutilisé dès cette époque à des fins funéraires, de manière visiblement dense, sa destination cultuelle païenne primitive n’étant alors de toute évidence plus en usage. Le fait que les tombes s’inscrivent parfaitement dans les limites de l’édifice montre bien, cependant, que le bâtiment est alors toujours en élévation. Sa destinée est en cela bien différente de celle de ses deux voisins méridionaux, dont on sait par ailleurs que la ruine est clairement établie au plus tard dans les premières décennies du VIIe s. Seule la destination de l’ancien temple change, soit qu’il s’agisse simplement d’un mausolée - dans un contexte topographique où d’autres inhumations sont pratiquées à proximité -, soit que ce nouvel usage soit dès l’origine associé à la présence en ce lieu d’une tombe sainte ou de reliques faisant de ce bâtiment une memoria des premiers temps chrétiens. La datation, entre 416 et 538, d’une des tombes les plus anciennes pourrait amener à privilégier la seconde hypothèse. Celle-ci devient indéniable en tous cas dès la seconde moitié du VIe ou le premier tiers du VIIe s. au vu des autres indices chronologiques fournis par les sépultures venues s’implanter aux abords immédiats du flanc sud de l’édifice, selon le classique schéma de l’inhumation ad sanctos. Parmi elles, la seule inhumation habillée découverte sur le site a livré une plaque-boucle en bronze rectangulaire non articulée du milieu ou de la seconde moitié du VIe s. (Stutz 2003, 61-63), portée par un sujet daté par analyse radiocarbone dans un intervalle situé entre 564 et 659 (LY-10708, cf. annexe 1). Les inhumations se poursuivent au contact de l’édifice jusqu’à la fin du IXe ou le courant du Xe s., donnant parfois lieu à plusieurs réductions de corps successives. Un caveau maçonné portant le numéro de fait 43, bâti contre le mur sud du temple 1, renfermait ainsi cinq sujets, l’âge 14C BP du dernier inhumé (U.S. 1019) étant de -1150 ± 40, soit un âge calibré couvrant la période 779-983 (analyse LY-10716, cf. annexe 1). Quoi qu’il en soit, la transformation du sanctuaire antique en basilique funéraire chrétienne est assez tôt confirmée par les agrandissements réalisés sur ses flancs occidental et oriental. La complexité de ces aménage- RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 144 20/11/07 10:20 Page 144 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 33 : Plan d’ensemble du temple 1 et de ses extensions successives (M.-G. Colin, L. Schneider, L. Vidal 2006). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:20 Page 145 145 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… ments justifie que l’on procède dans un premier temps, sans a priori fonctionnel et chronologique, à une présentation séparée des différents ensembles, avant d’aborder les questions de datation et les hypothèses d’interprétation qui leur sont liées. Fig. 34 : Vue de la tombe 37 à l’intérieur de la cella du temple 1 (cl. M. Olive). Fig. 35 : En arrière plan l’abside vue depuis l’Ouest (cl. M. Olive). 3.2.2 L’extension orientale Une abside, dont aucun vestige de l’élévation n’est conservé, est ainsi construite immédiatement à l’est du temple 1 (fig. 33, 35). Cette extension se présente sous la forme d’une travée droite encadrée par deux murs latéraux longs de près de 6 m (M.14 côté nord, M.3 côté sud), prolongée par une courte abside semi-circulaire profonde d’à peine 1,50 m (M.6). Seules visibles, les fondations atteignent une puissance de 1,20 m et pénètrent dans le sol géologique sur plus de 0,80 m de profondeur (base z = 95,87 NGF). Comme dans le cas des sanctuaires antiques, elles ont été bâties au moyen de tranchées pleines ; leur comblement est constitué par un blocage de pierres liées par une puissante masse de mortier orangé incluant de nombreux petits galets et graviers de schiste gris-noir (fig. 36). On remarque que les fondations de cette extension orientale sont beaucoup plus larges que celles du temple sur lesquelles elles viennent prendre appui (1,50 m en moyenne pour 0,76 m, soit près du double). Elles débordent par conséquent de plusieurs dizaines de centimètres l’emprise des murs antiques, tant à l’intérieur de l’édifice qu’à l’extérieur, tout particulièrement sur le flanc externe méridional. La largeur utile ainsi obtenue à l’intérieur du chœur n’est donc que de 3,80 m environ, 4 m tout au plus si l’on admet que les élévations bâties sur ces soubassements ont pu l’être en léger retrait. La longueur et l’étroitesse de la travée droite contrastent fortement avec l’absence de profondeur de l’abside orientale. La naissance du tracé semi-circulaire de cette dernière est bien matérialisée par des décrochements symétriques, en saillie à l’intérieur du chœur, en retrait à l’extérieur côté chevet. La mise en œuvre des fondations de l’abside est différente de celle utilisée pour les murs latéraux : décrochements et abside présentent ainsi à la cote 97,01 NGF une semelle horizontale non observée dans les murs latéraux. On ne saurait cependant déduire de cette différence somme toute mineure dans les procédés de Fig. 36 : Vue des puissantes fondations de l’abside (cl. Chr. Olive). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 146 20/11/07 10:20 Page 146 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER construction que cette extension orientale aurait initialement pu être terminée par un chevet plat, dans la mesure où les techniques et les matériaux utilisés sont globalement très homogènes. D’autre part, si un mur de direction nord-sud, perpendiculaire aux murs 3 et 14 avait un temps constitué l’extrémité est de cet édifice, aucun vestige des deux sépultures antérieures d’orientation nord-sud - situées sur son tracé éventuel - ne nous serait parvenu. À l’opposé de l’abside, côté ouest, précisément à 1,45 m du mur est du temple 1, chacun des murs nord et sud formant les murs latéraux de la travée droite est épaulé par une base de pilier de plan rectangulaire large d’1 m (fig. 36), venue renforcer l’édifice et susceptible de marquer l’emplacement d’un arc triomphal. La présence, observée dans le sondage réalisé au contact du pilier méridional, d’une chape de mortier formant lit d’attente a montré que la construction du chœur avait débuté par le pilier, le mur 3 venant s’appuyer contre et le recouvrir en partie. Nous n’avons pas vérifié la présence probable d’un dispositif symétrique au niveau du pilier septentrional. En dépit de l’arasement extrême des vestiges, la puissance des fondations, associée à l’Ouest à la présence de bases de piliers suggérant la présence d’un arc triomphal et à l’Est aux décrochements symétriques marquant la naissance de l’abside, plaident pour la restitution d’un chœur voûté. Un dispositif original a été mis en œuvre pour assurer la liaison entre le temple antique et son extension orientale. En effet, sur 0,30 à 0,50 m de large, l’espace qui sépare le mur est du pronaos et les murs latéraux de l’avancée est comblé, en fondation, par un amas de blocs installés à sec puis recouverts d’une chape de mortier blanchâtre (fig. 21). Cet élément est postérieur aux autres maçonneries et repose sur le substrat de galets. Il faut donc imaginer que la construction de l’avancée orientale a débuté par la fondation des deux piliers rectangulaires, la chape de mortier observée à leur base pouvant être interprétée comme un vestige du radier d’escalier donnant antérieurement accès au temple, ainsi que cela a été mis en évidence pour le temple central. Les fondations des murs latéraux auraient ensuite été bâties contre ces deux piliers ; enfin, l’espace laissé libre entre le temple 1 et l’avancée orientale aurait été comblé par un puissant remblai, sur lequel devait très probablement prendre place un emmarchement de plusieurs degrés destiné à rattraper les différences de niveaux et créant de ce fait un chœur surélevé. Si la complexité de ce procédé de construction peut surprendre au premier abord, sa justification est sans doute à rechercher dans les conditions assez particulières de sa réalisation. De telles précautions pourraient en effet avoir été prises par souci de ne pas déstabiliser le bâtiment que l’on souhaitait agrandir, ce qui confirmerait son bon état de conservation au moment choisi pour réaliser un nouveau projet architectural en lui adjoignant un appendice oriental. Il ne se serait donc pas agi là de bâtir une église sur les ruines d’un temple mais bien d’ajouter à l’élévation de ce dernier - qui était alors sans doute déjà réutilisé à des fins funéraires le chœur nécessaire à l’aménagement d’un lieu de culte chrétien. L’absence totale d’inhumations dans l’abside (dont seules des fondations très arasées ont certes été mises au jour nous privant peut-être d’informations contradictoires à ce sujet) plaide en effet pour donner à cet espace oriental une fonction liturgique, la basilique funéraire des premiers temps chrétiens devenant dès lors également édifice du culte. Ce processus n’est pas inconnu et peut être rapproché d’un autre cas méridional, le sanctuaire de Château-Bas à Vernègues (Bouches-du-Rhône), où une chapelle du XIe s. - peut-être précédée d’une église antérieure - est venue prendre appui contre le mur latéral est du temple antique (Fournier, Gazenbeek 1999). Les dimensions hors œuvre de cette avancée orientale sont de 8,70 m de long pour 6,80 m de large, ce qui correspond presque exactement à un doublement de la surface occupée par le seul temple 1. Compte tenu de l’épaisseur des fondations des murs latéraux, la superficie utile ainsi ajoutée atteint toutefois à peine une trentaine de mètres carrés. Cela n’est cependant pas négligeable et confère à l’édifice une superficie intérieure d’environ 62 m², sans compter les extensions occidentales qui seront évoquées infra. Le plan de cette église surprend et n’est guère comparable à ce que l’on connaît de l’architecture cultuelle de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge ; sans doute le fait d’avoir voulu adapter une extension à un édifice préexistant est-il en partie responsable de ce caractère atypique. Reste - et ce n’est pas la moindre des difficultés dans la mesure où les critères objectifs de datation font très largement défaut - à situer chronologiquement cette réalisation architecturale. Seuls des facteurs de chronologie relative peuvent être pris en considération. À ce titre, il convient de souligner en premier lieu l’antériorité certaine du temple auquel l’édifice à abside est accolé. Les techniques de construction utilisées pour relier les deux édifices entre eux ont cependant montré que le temple subsistait très largement en élévation lors de la construction de l’édifice à abside, ce qui exclut vraisemblablement une datation trop basse de ce dernier. Rappelons d’autre part que les fondations de l’abside ont très largement détruit deux tombes d’orientation nord-sud que les comparaisons typologiques permettent de rattacher à une période inscrite entre le IVe et le VIIe s. Parallèlement, les inhumations se poursuivent, tant à l’intérieur du temple antique devenu édifice funéraire que sur le flanc sud des bâtiments, alors même qu’aucune tombe n’est venue se loger à l’intérieur du chœur. Il en va tout autrement à l’extérieur où plusieurs tombes respectent l’extension orientale et cherchent même à se placer à son immédiate proximité. C’est notamment le cas de la tombe 9, RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 147 147 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… implantée parallèlement au mur latéral sud de l’édifice à abside, à une soixantaine de centimètres au sud de celui-ci (fig. 33). Cette sépulture se présente sous la forme d’une bâtière de tegulae, attribuable aux IVe-VIIe s. Cette recherche d’une inhumation ad sanctos est également certaine pour la tombe 1, inhumation en pleine terre implantée à cinquante centimètres à peine du flanc externe du mur nord du chevet. Plus précisément datée grâce aux analyses 14C, l’inhumation en pleine terre du fait 12, dans l’immédiat prolongement sud-est de l’abside, remonte au dernier quart du VIIe ou au VIIIe s. (âge calibré situé entre 678 et 795, analyse LY-10712, cf. annexe 1). Cette datation nous livre un terminus ante quem pour la construction de l’abside, qui est donc achevée au plus tard dans le courant du VIIIe s. Voyons à présent en quoi les extensions réalisées à l’ouest de l’ancien temple peuvent nous aider à affiner cette chronologie. 3.2.3 Les extensions occidentales À l’opposé de l’abside, plusieurs murs viennent se greffer immédiatement à l’ouest du temple 1 et témoignent d’au moins deux phases d’aménagements successifs de ce secteur (fig. 33). Une première étape est constituée d’un mur de direction Est-Ouest (mur 28), large de 0,55 m, qui prend appui sur l’angle nord-ouest du sanctuaire antique et prolonge son mur nord sur une longueur de 3,40 m (fig. 37). Cette construction à double parement - dont l’élévation est conservée sur deux assises entre les cotes NGF 97,28 et 96,97 - est bâtie à l’aide de galets de module moyen, posés de chant et inclinés, disposés selon un maillage très serré et liés à la terre sans ajout de mortier. Les matériaux et techniques utilisés pour la mise en œuvre du mur 28 sont parfaitement comparables à celles d’un autre mur de même largeur (mur 52, z = 97,28 NGF), de direction Nord-Sud, situé 3 m à l’ouest du mur occidental du temple 1 et conservé sur une longueur de près de 2 m. Fig. 37 : Détail des extensions occidentales successives construites au contact de l’ancien temple 1 (cl. M. Olive). Tout porte à croire que ces deux murs fonctionnaient ensemble et formaient l’angle nord-ouest d’une première extension occidentale du sanctuaire antique, dont nous ne connaissons malheureusement pas la limite méridionale. À supposer que celle-ci se situait dans le prolongement du mur sud du temple, l’agrandissement ainsi obtenu s’étendrait sur une largeur intérieure de 4,50 m, soit une superficie utile d’environ 14 m². Il est en outre important de noter la grande similitude des techniques de construction mises en œuvre pour ces murs 28 et 52 avec celles utilisées pour l’édification d’un bâtiment construit quelques mètres plus au sud aux dépens du temple 3, bâtiment sur la nature duquel nous reviendrons infra. Ces analogies techniques permettent très vraisemblablement d’associer ces différents aménagements à une même phase chronologique. Dans un second temps, le secteur à l’ouest du temple 1 fait l’objet d’un réaménagement complet (fig. 33, 37). Le mur 27, de direction Est-Ouest, est ainsi construit sur les vestiges du mur 28, sur l’arase duquel a été préalablement répandue une couche de terre malheureusement dépourvue de tout mobilier (U.s. 1068). Cette nouvelle maçonnerie s’inscrit parfaitement dans l’alignement du parement interne du mur septentrional du temple 1, qu’il vient de toute évidence prolonger. En revanche, les parements externes des deux murs ne sont pas parfaitement alignés, l’unique assise de gros moellons du mur 27 mesurant près de 1 m de large alors que les fondations du mur antérieur ne sont épaisses que de 0,76 m. Ce léger décalage des parements est à rapprocher de l’extension orientale, elle aussi légèrement débordante par rapport au mur nord de T.1 : ce nouvel alignement, réunissant la travée terminée par une abside et le mur 27, permet selon toute vraisemblance d’associer ces deux appendices opposés à une même phase d’extension de l’édifice cultuel. Le mur 27 est parfaitement chaîné avec le mur 53, de direction nord-sud, avec lequel il forme un angle droit. Les techniques de construction utilisées pour bâtir ces structures contemporaines sont identiques : elles associent deux parements de blocs équarris bien agencés à un blocage interne constitué de petites pierres et de mortier. L’ensemble est arasé à la cote NGF moyenne de 97,48 m. On ignore tout des limites méridionales de la pièce ainsi esquissée, pour laquelle deux hypothèses sont plausibles. Par pure logique, une première possibilité serait de restituer une limite dans le prolongement du mur sud de l’ancien temple 1, conférant à cette extension occidentale une longueur hors œuvre de 5,40 m pour une largeur de 6,30 m, soit une surface intérieure utile d’environ 21 m² une fois déduites les largeurs de murs. La seconde solution pourrait être que le mur 53 ait rejoint l’angle nord-ouest du temple central, dans le prolongement duquel il se situe globalement - malgré un léger décalage vers le sud-ouest -, dessinant ainsi avec le mur nord du RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 148 20/11/07 10:21 Page 148 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER temple 2 une sorte d’enclos funéraire au sud de l’édifice. La présence notamment de deux caveaux maçonnés juxtaposés (faits 11 et 43), ayant fait l’objet d’inhumations et de réductions successives, parfaitement inscrits dans l’espace bien délimité par le mur sud du temple 1 et le mur nord du temple 2, plaide en ce sens. Si un tel dispositif d’annexe méridionale a existé, il n’est vraisemblablement pas resté très longtemps en usage dans sa forme initiale puisque l’épierrement du mur nord du temple central (M. 13) est confirmé dès les années 560-660 avec l’implantation de la tombe 42. Un dernier ensemble bâti est accolé immédiatement au nord-ouest de T.1 (fig. 5) et paraît avoir fonctionné avec les murs 27 et 53. Deux murs parallèles de direction nord-sud (murs 25 et 26) dessinent en effet l’amorce d’une nouvelle pièce située au nord du temple 1 et de son extension occidentale, dont le mur 27 constitue la limite méridionale mais dont l’extension vers le nord débordait l’emprise de la fouille, limitée ici par la présence de parcelles loties. Côté est, le mur 25 prend appui sur la face externe du mur nord de T.1 (mur 8) ; il se présente sous la forme d’un alignement de pierres assez mal parementées et non liées au mortier, fondé dans le sol géologique argileux creusé à cet effet. À une distance de 3,50 m en direction de l’Ouest, le mur 26 est constitué d’une semelle de fondation surmontée d’une assise associant pierres et galets. En dépit du caractère très lacunaire de ces informations, il apparaît donc que la deuxième phase d’extension greffée sur l’ancien temple était constituée d’au moins deux pièces, l’une dans son exact prolongement occidental, l’autre immédiatement au Nord. Dans la partie nord du sondage, la présence d’un ensemble de galets grossièrement alignés et liés par du mortier a pu être interprétée comme le radier d’un probable niveau de circulation associé au mur 27 (fig. 38). Sous ce niveau de galets, le comblement d’une fosse peu profonde (U.s. 1065/1066), opération qui pourrait se justifier par une volonté de nivellement du secteur, a livré plusieurs fragments de céramiques datables du dernier quart du Ve et du VIe s. ; on recense ainsi quatre bords de céramique sigillée claire D type 87c situés entre 480 et 550, un bord de céramique kaolinitique du type A 18 en usage entre 360 et 500 et, pris dans les parois de cette même fosse, un autre bord de céramique commune à pâte kaolinitique du type A 29a datable des années 500-600 (fig. 39). Compte tenu du manque récurrent d’éléments de datation permettant de situer clairement dans le temps l’évolution du site, cet indice stratigraphique - même ponctuel - revêt une importance particulière. L’aménagement et les premiers temps de fonctionnement de la seconde extension occidentale, dessinée au Sud par les murs 27 et 53 et au Nord par les murs 25, 26 et 27, pourraient donc correspondre au courant voire à la deuxième moitié du VIe s. Cette précision chronologique donne du même coup un terminus ante quem à l’arasement de la première extension matérialisée par les murs 28 et 52. Le caractère incomplet de l’exploration de ces différents vestiges ne nous permet pas d’avoir une vision d’ensemble satisfaisante du plan de l’édifice ainsi constitué, dont apparaît néanmoins clairement la complexité (fig. 33). Dans son dernier état - datable rappelons-le au plus tôt de la deuxième moitié du VIe s. et au plus tard du VIIe ou du VIIIe s. - qui comprend les trois modules alignés que sont le temple primitif, la travée terminée par une abside et la seconde extension occidentale, la superficie intérieure totale de l’édifice atteint désormais plus de 80 m². Si les techniques de construction mises en œuvre pour réaliser l’extension orientale d’une part, la deuxième phase d’extension occidentale d’autre part, peuvent paraître assez différentes au premier abord, elles ont en commun de faire toutes deux appel au mortier comme liant et d’être alignées côté nord. Le plan général ainsi obtenu frappe par son caractère très allongé et composite qui témoigne Fig. 38 : Coupe stratigraphique Est-Ouest de la zone 1, secteur 4 (L. Vidal). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 149 149 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 39 : Planche de céramiques des phases tardives RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL (J. Guerre). 117-194: Maq Garmy 150 20/11/07 10:21 Page 150 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 40 : Planches de céramiques des phases tardives vraisemblablement d’une adaptation progressive de l’édifice aux besoins de la communauté de chrétiens qui en dépend. La recherche d’un éventuel rythme de travée est intéressante. En effet, si l’on restitue une limite orientale de la nef marquée par l’emplacement de l’arc triomphal - le mur est de l’ancien temple ayant disparu sous l’emmarchement du chœur -, une succession de trois travées pourrait être déduite des dimensions visibles en plan d’Est en Ouest : environ 4 m entre l’arc triomphal et le mur 10 séparant à l’origine pronaos et cella, 4,40 m pour la longueur de l’ancienne cella et près de 4,50 m pour celle de l’appendice occidental. Nulle trace de seuil n’a été retrouvée mais, alors que l’accès aux états précédents de l’édifice pouvait s’être maintenu à l’Est depuis l’Antiquité, la création d’un chevet vient condamner définitivement l’escalier primitif. Le net débordement du mur méridional de l’abside au contact de l’angle sud-est de l’ancien pronaos pourrait, mais ce n’est que pure hypothèse en l’état de notre documentation, témoigner de l’emplacement d’une porte. Aucun niveau d’occupation de cet édifice ne nous étant davantage parvenu, la poursuite de l’activité funéraire dans ses abords immédiats constitue le seul indice susceptible de nous aider à connaître la durée de son utilisation comme église, bien que nos informations soient également incomplètes concernant la nécropole. Rappelons à ce propos que les premières inhumations sont attestées dès le Ve ou le début du VIe s. à l’intérieur de l’ancien temple 1 (J. Guerre). transformé en mausolée ou memoria ; les sépultures qui le bordent sur son flanc méridional et au sud de l’abside s’échelonnent entre la seconde moitié du VIe et le Xe s., ce qui permet parallèlement d’imaginer que l’édifice reste utilisé tout au long du haut Moyen Âge. Enfin, la sépulture la plus tardive qu’il nous ait été donné de fouiller est une tombe en coffre de pierres située à proximité de l’angle nord-ouest de l’ancien temple 1 ; le sujet qu’elle contenait a été inhumé entre 896 et 1147, les pics de probabilité maximale étant situés par ordre décroissant en 999, 1015 et 905 (LY-10709, cf. annexe 1). L’aménagement de cette tombe a été réalisé aux dépens du mur nord de la seconde extension occidentale de l’édifice (mur 27), témoignant par là même de la ruine de cette dernière aux alentours de l’an Mil ou au plus tard dans le courant du XIe s. Même si cet élément ne permet pas de déduire à lui seul que l’édifice cultuel correspondant est dès lors totalement désaffecté, force est de constater qu’aucun autre argument ne plaide à l’inverse pour nous permettre de penser qu’il reste au moins partiellement en usage. Un épierrement systématique des murs de l’édifice à abside (murs 3, 6 et 14) a par ailleurs été clairement mis en évidence. Plusieurs tranchées d’épierrement ont ainsi été reconnues, des traces d’outils et l’empreinte des pierres prélevées étant encore nettement visibles sur les fondations en place. Leur comblement était constitué d’une terre meuble contenant de nombreuses inclusions de cailloutis, de fragments d’enduit et de mortier mais malheureusement pas de mobilier datant. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 151 151 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… 3.3 Identification d’une salle baptismale Les sondages réalisés en 1985 à l’emplacement du plus petit des sanctuaires antiques ont permis d’identifier les lambeaux d’un bâtiment que l’on propose désormais d’interpréter comme une salle baptismale. Cette attribution se fonde d’abord sur la découverte d’une cuve circulaire localisée à proximité mais à l’extérieur de l’angle nordouest du temple n° 3 (fig. 41, 42). D’un diamètre conservé de 0,67 m, celle-ci est dotée d’une évacuation centrale (0,11 m de diamètre) qui a été explorée sur 0,30 m de profondeur. Cette cuve portant le numéro d’enregistrement 90, associée à un massif bâti de mortier et de pierre, est recouverte d’un d’enduit d’étanchéité très lisse. Un débordement de l’enduit, partiellement conservé au Sud, et l’amorce d’un départ vertical, forment une petite margelle qui signale l’existence d’au moins une marche. À ce niveau, la cuve devait atteindre 0,91 m de diamètre, ce qui correspond au module de l’ordre de 1 m de diamètre généralement observé dans le monde rural (Guyon 2000, 44). Le degré d’arasement des vestiges mais aussi l’implantation d’une tombe (fait 92) et surtout la construction postérieure d’un bâtiment en grand appareil n’ont pas permis de rattacher la cuve et le massif de maçonnerie qui la porte à une séquence stratigraphique précise. Il est possible cependant d’associer cet aménagement à un édifice qui succède au temple 3. Bien que son plan soit assez lacunaire, l’originalité de la mise en œuvre ainsi que les matériaux utilisés dans sa construction contrastent avec les maçonneries de l’Antiquité. Les lambeaux de murs de ce nouveau bâtiment sont en effet liés à la terre et présentent un aspect homogène caractérisé par des parements soignés de galets maintenant un remplissage de cailloux, de petites dalles de calcaire et galets de plus petit calibre (fig. 43). Cet édifice, dont on connaît seulement l’angle nordouest et une section d’environ 4 m de son mur méridional, n’est superposé que bien imparfaitement au temple 3. Il le déborde largement vers l’est et il n’en respecte plus tout à fait l’orientation (fig. 44). À vrai dire, le débordement est tel que l’angle nord-ouest de l’édifice repose également en partie sur l’arase du mur méridional du grand temple central. L’aménagement de cette construction a donc nécessité un arasement complet du temple 3 et au moins en partie du temple central ou laisse entendre que celui-ci était déjà réalisé lorsque que l’on a entrepris d’édifier ce nouveau bâtiment (fig. 45). Le lien entre cet édifice qui, d’un point de vue stratigraphique est le premier à succéder au temple 3, et la cuve est déduit principalement de la localisation de cette dernière. Comme l’on est assuré au moins de la largeur du nouvel édifice qui atteint 5 m dans l’œuvre, on remarque en premier lieu que la piscine prend place à l’intérieur de celui-ci alors qu’elle est à l’extérieur du temple 3. De ce point de vue, il est clairement établi que les deux aménagements sont postérieurs au temple. Par ailleurs, la cuve est centrée par rapport à la largeur du nouvel édifice. Le trou central de vidange est exactement à 2,50 m de distance des murs nord et sud. Par ce jeu de symétrie qui est au moins pertinent dans la largeur, on peut proposer au final de restituer un édifice rectangulaire qui atteindrait hors œuvre 6,20 m de large et 9,50 m de long, en admettant que la cuve ait eu Fig. 41 : Vue de la piscine baptismale Fig. 42 : Coupe du baptistère RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL (cl. M. Schwaller). (DAO C. Bioul). 117-194: Maq Garmy 152 20/11/07 10:21 Page 152 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 43 : Plan d’ensemble du temple 3, du baptistère et de l’édifice du bas Moyen Âge (doc. M.-G. Colin, L. Schneider, L. Vidal 2006). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 153 153 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 44 : Vue de détail du mur 42 (baptistère) au centre du cliché, mur sud de T3 au premier plan et du mur 35 médiéval en arrière plan (cl. M. Schwaller). Fig. 45 : Vue générale de la cuve, du baptistère et du temple (cl. M. Schwaller.) une position parfaitement centrale. Dans l’œuvre la superficie de la pièce serait d’environ 47 m2. Une telle restitution n’est pas invraisemblable, si on la compare aux rares baptistères ruraux mis au jour en Gaule méditerranéenne (fig. 46). Dans l’Hérault, le baptistère récemment mis en évidence dans une petite agglomération du VIe s., celle du Roc de Pampelune à Argelliers, atteint pour sa part 6,40 m de large pour 8,70 m de long hors œuvre, ce qui correspond à une superficie intérieure d’environ 35 m². On demeure là dans des proportions très proches. Il convient cependant de remarquer dans ce dernier cas que la cuve - qui est centrée par rapport à la largeur de la pièce - est néanmoins sensiblement repoussée dans la moitié ouest de l’édifice (Pellecuer, Schneider 2005, 106). La comparaison avec le Roc de Pampelune soulève aussi la question de l’association ou non du baptistère de Roujan à un lieu de culte au sein d’un même édifice. L’aménagement du Roc de Pampelune appartient en effet à cette famille de baptistères de Gaule méditerranéenne établis dans le prolongement occidental de la nef d’une église (Guyon 2001 ; Codou 2005, 83). Le degré d’arasement du site de Saint-Jean ne permet pas de répondre à cette question, d’autant qu’au-delà de la cuve baptismale en direction de l’Est, l’aménagement d’une terrasse de culture moderne a provoqué un décaissement qui a accentué la spoliation des vestiges. L’hypothèse qu’un lieu de culte chrétien soit associé à ce baptistère n’en demeure pas moins ouverte. Quoi qu’il en soit, l’aménagement du baptistère s’intègre dans un programme de construction plus ambitieux également marqué par la réalisation de travaux destinés à agrandir l’ancien temple 1, maintenu en élévation et réutilisé à des fins funéraires depuis le courant du Ve s. ou les premières années du VIe s. La parfaite similitude des modes de construction (opus spicatum, liant de terre…) et des matériaux mis en œuvre (essentiellement des galets) nous ont en effet conduit à rattacher à une même phase chronologique la salle baptismale et la première extension greffée à l’Ouest de l’ancien temple 1 (murs 28 et 52). Assez rapidement, la fonction baptismale de l’édifice méridional cohabite avec une utilisation sépulcrale des lieux, puisqu’un groupe de tombes se développe dans et autour du bâtiment dès le second tiers du VIe ou au plus tard le premier tiers du VIIe s. La tombe maçonnée 92, soigneusement bâtie en dalles de calcaire solidement liées au mortier vient ainsi dès cette époque se loger entre le mur méridional du baptistère (M. 42) et la piscine ; le sujet immature qu’il contenait est daté de -1433 ± 45 BP, soit un âge calibré allant de 547 à 663 (ERL-6547, cf. annexe 1). L’utilisation du baptistère et de ses abords comme enclos funéraire se confirme par la suite, comme l’indiquent les datations radiocarbone très proches obtenues par l’analyse des ossements de deux autres sépultures d’enfants, les faits 65 et 76, situées entre 670 et 886 (ERL-6545 et 6546, cf. annexe 1). Par la suite, les inhumations se poursuivent ; la datation 14C de deux autres sépultures ne va cependant pas au delà de l’horizon de l’an Mil (LY-10713 et 10714, cf. annexe 1), selon un schéma décidément très proche de ce qui a déjà été constaté pour l’édifice septentrional. En revanche, nous sommes dépourvus d’arguments objectifs concernant la durée de vie de cet édifice. La construction, à la fin du Moyen Âge, d’un nouvel édifice qui recouvre l’ancien baptistère pourrait certes être interprétée comme le signe du maintien jusqu’à cette époque tardive d’un édifice chrétien en ce point précis du site, mais l’important décalage chronologique qui existe entre ces deux états architecturaux évoque davantage une interruption suivie d’une réoccupation qu’une continuité. 3.4 Organisation de la zone funéraire et description des sépultures (annexe 2) L’ensemble funéraire mis en évidence par les fouilles du site Saint-Jean à Roujan (annexe 2) se révèle d’une ampleur relativement modeste au regard en tous cas de la population inhumée. Outre les « tombeaux » signalés sans RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 154 20/11/07 10:21 Page 154 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 46 : Planche comparative des baptistères ruraux de Gaule méditerranéenne plus de précision au milieu du XIXe s. (Crouzat 1859), la cinquantaine de tombes mise au jour témoigne de pratiques d’inhumation assez régulièrement réparties sur six à sept siècles, selon un rythme finalement assez peu soutenu. Si l’on tient compte à la fois des sépultures des niveaux supérieurs détruites par les travaux modernes de toute nature et des tombes que le caractère non extensif de la fouille a laissé enfouies, on peut vraisemblablement tout au plus doubler voire tripler ce nombre. Il faut donc imaginer que d’autres cimetières ont été parallèlement en usage sur le territoire roujanais pour répondre aux besoins d’une communauté d’habitants vivant sur plusieurs hectares. Pour ce qui concerne le site de Saint-Jean, les tombes ont été découvertes sur une superficie d’environ 750 m², les plus fortes densités de sépultures étant concentrées en deux pôles principaux, dans et aux abords de l’église septentrionale d’une part, de l’édifice baptismal d’autre part ; le fait que l’intérieur du temple central n’ait pas été fouillé extensivement ne saurait modifier radicalement cette observation concernant le développement topographique de la nécropole (fig. 47). On compte ainsi cinq tombes implantées dans le temple transformé en édifice funéraire - dont quatre dans l’ancienne cella -, cinq autres contre le flanc sud du bâtiment, (DAO L. Schneider 2006). deux sépultures à l’intérieur de l’extension occidentale et dix inhumations aux abords de l’extension orientale avec abside. Il semble a contrario que l’on ait très peu inhumé dans le chœur lui-même puisque seuls deux groupes d’ossements humains ont été mis en évidence, l’un sans aucune connexion anatomique - attestant peut-être d’une réduction ou d’un simple dépôt -, l’autre sous la forme d’une sépulture excessivement endommagée où subsistaient quelques fragments d’os longs témoignant d’une inhumation en decubitus dorsal. Dans l’état très arasé du site tel qu’il nous est parvenu, on atteint donc dans cette zone de la nécropole un total de vingt-quatre tombes pour trente sujets inhumés. Le baptistère et ses abords immédiats ont également attiré les inhumations : quatre tombes ont pris place à l’intérieur même de l’édifice, cinq autres ont été aménagées contre les flancs nord et sud du bâtiment. Parmi ces neuf sépultures, cinq - dont quatre regroupées au nord de la pièce baptismale et une à l’intérieur, côté nord également (fig. 48) - concernaient des enfants. Réalité de l’évolution topographique de l’aire sépulcrale ou artifice dû à l’arasement plus marqué du terrain dans sa partie orientale, l’implantation des tombes semble par la suite privilégier l’ouest du site cultuel, comme en RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 155 155 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 47 : Plan de l’ensemble cultuel et funéraire du haut Moyen Âge témoigne la dizaine de coffres de dalles et de pierres non maçonnées recensées dans ce secteur (fig. 49). D’un point de vue chronologique, à l’exception de quatre sépultures d’orientation Nord-Sud dont deux sont à coup sûr antérieures à la construction de l’abside, les tombes les plus anciennes sont regroupées à l’intérieur et auprès de l’ancien temple 1 devenu basilique funéraire. Presque tous les éléments de datation absolue dont nous disposons sont issus des mesures de la teneur résiduelle en radiocarbone faites sur un échantillon représentatif d’ossements provenant de tombes sélectionnées selon leur emplacement topographique et stratigraphique. Ainsi le fait 37, postérieur au fait 36, est-il daté dans une fourchette allant de 416 à 538. Dans l’espace situé entre les anciens (doc. M.-G. Colin, L. Schneider, L. Vidal 2006). temples 1 et 2, qui constitue visiblement une sorte d’enclos funéraire privilégié, l’inhumation du fait 49 a été mise en place entre 564 et 659. Les inhumations à proximité du sanctuaire se poursuivent par la suite pendant plusieurs siècles : 678-795 pour le fait 12 situé immédiatement au Sud-Est de l’abside, 782-984 pour le fait 42 aménagé dans le comblement de la tranchée d’épierrement du temple central, 779-983 pour le dernier sujet inhumé du caveau portant le numéro de fait 43, enfin 896-1147 pour la tombe 50 aménagée aux dépens du mur nord de l’extension occidentale de la nef. Si les premières tombes apparaissent donc dans la partie nord du site, la répartition bipolaire des sépultures semble néanmoins s’imposer précocement. Une tombe maçonnée RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 156 20/11/07 10:21 Page 156 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER est ainsi soigneusement aménagée dans le baptistère entre 538 et 638 (fait 92), alors que deux sépultures d’enfant prennent place à l’intérieur et aux abords du mur nord de la salle baptismale entre la fin du VIIe et la fin du IXe s. (faits 65 et 76). Un peu plus loin à l’Ouest du baptistère, deux tombes (faits 1 et 2) attestent que les inhumations se poursuivent aux IXe et Xe s. Fig. 48 : Tombe d’enfant (fait 65) à l’intérieur du baptistère (murs 23 et 24, en bas et à gauche du cliché) ; à droite le mur nord du temple 3 (cl. M. Olive). La typologie des tombes, assez variée, est bien représentative de la longue durée d’utilisation de la nécropole (fig. 50). On distingue ainsi huit groupes : six tombes sous tuiles - dont trois en bâtière, deux en coffre, une représentée par le fond seul ; quatre tombes sous lauzes, dont trois coffres et une en bâtière ; trois coffres de bois calés par des pierres ou tuiles mais aucun cercueil à proprement parler, deux alignements de clous sur le côté gauche et aux pieds du sujet inhumé dans la tombe 42, structure mixte aménagée dans le comblement de la tranchée d’épierrement du mur nord du temple 2 ne pouvant être considérés comme tel ; quatre coffres mixtes associant pierres et tuiles ; un unique sarcophage in situ, une seconde cuve monolithe quadrangulaire (fait 31) ayant été réemployée dans la construction d’un bâtiment médiéval ; six coffres et caveaux maçonnés ; huit coffres de dalles ou de pierres et deux sépultures en fosse recouvertes de dalles ; quinze inhumations en fosse. Dans leur majorité, les tombes n’ont accueilli qu’une inhumation (fig. 49). Des réductions ont cependant été pratiquées dans trois tombes collectives, principalement dans deux caveaux maçonnés parallèles bâtis dans l’espace séparant les anciens temples 1 et 2. L’un des caveaux - le fait 43 - renfermait cinq sujets dont quatre adultes (un homme, une femme, deux adultes de sexe indéterminé) et un enfant de moins de cinq ans. La structure voisine (fait 11) abritait les restes de trois sujets dont deux adultes et un immature (fig. 51). Enfin, une réduction a été bien individualisée dans le fait 9, le dernier inhumé étant d’âge adulte. Du point de vue des rites funéraires, l’inhumation en decubitus dorsal, jambes allongées, est systématique à l’exception d’un individu dont les jambes étaient légèrement fléchies sur le côté gauche (fait 36). L’orientation des sujets respecte approximativement un axe Est-Ouest, la tête en direction du levant. Lorsque les membres supérieurs étaient conservés, le positionnement des mains était varié : souvent repliées sur le bassin (les deux mains dans quatre cas, une seule main dans quatre autres), disposées le long du corps à deux reprises, ramenées sur le thorax ou les épaules pour trois sujets. Fig. 49 : Coffre de dalles (fait 2) et sujet inhumé adulte en decubitus dorsal (cl. M. Olive). En dépit de l’absence d’épingles, la présence d’un linceul est certaine pour le fait 42 au moins, la décomposition des chairs ayant eu lieu dans une atmosphère visiblement comprimée. L’inhumation habillée est exceptionnelle, une RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 157 157 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 50 : Planche présentant les différents types de sépultures RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL (L. Vidal). 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 158 158 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER seule plaque-boucle de ceinture non articulée en bronze ayant été retrouvée portée par le sujet inhumé dans le fait 49 (fig. 52). Dans un premier temps attribué au milieu ou à la seconde moitié du VIIe s. (Colin, Schwaller 1986b, 144-145), cet objet a récemment été classé dans un petit groupe de plaques ajourées à boucles rectangulaires d’inspiration méditerranéenne du milieu ou de la seconde moitié du VIe s. (Stutz 2003, 61-63 et 715). 3.5 L’étape médiévale : déclin et réinvestissement du quartier Les vestiges clairement rattachés au second millénaire de notre ère ne sont guère nombreux et éloquents. La sépulture la plus tardive (fait 50), datée par radiocarbone, est - rappelons-le - antérieure à 1147, avec des pics de probabilité situés en 999, 1015 et 905. Comme elle recoupe la dernière extension occidentale greffée sur l’ancien temple 1, on peut en déduire que le sanctuaire à abside, Fig. 51 : Caveau maçonné (fait 11) en cours de fouille (cl. M. Olive). Fig. 52 : Plaque-boucle de ceinture en bronze portée par le sujet inhumé du fait 49 (cl. P. Plattier, F. Leyge). considérablement remanié depuis la fin de l’Antiquité, a dû être plus ou moins délaissé à partir des X-XIe s., sinon qu’il était déjà en grande partie ruiné à cette date. On doit relever également que l’abandon ou le déclassement de l’édifice s’est produit avant qu’un cimetière véritable ne se soit constitué auprès de son abside ou plus largement à ses abords. C’est en fait dans la partie méridionale de la fouille, sur l’emplacement de l’ancien temple 3 et du baptistère, que les vestiges les plus tardifs ont été mis en évidence (fig. 43). Ici, un troisième bâtiment se superpose nettement aux constructions antiques et paléochrétiennes. Ne respectant plus l’orientation de l’édifice baptismal, il se présente comme un grand vaisseau rectangulaire d’une largeur hors œuvre de 7,90 à 8 m. Bien que l’aménagement d’une terrasse de culture ait provoqué la destruction de la majeure partie de l’ouvrage, des lambeaux de murs (murs 49 et 50), repérés au moyen de tranchées de reconnaissance en 1985, appartiennent selon toute vraisemblance à la terminaison orientale du bâtiment qui devait atteindre 19,40 m de longueur hors tout. Outre son orientation, ledit bâtiment se distingue des constructions antérieures (baptistère et temple) par le matériau utilisé. Il s’agit d’un calcaire coquillé jaune mis en œuvre sous la forme de blocs parallélépipédiques (0,65 x 0,80 m) occupant toute la largeur des murs. Des blocs plus étroits (0,7 x 0,25 m) sont parfois disposés en boutisse ou en carreau dans les parements. L’ensemble est lié au mortier. La façade occidentale comprend deux contreforts d’angle et l’on peut noter à la base de la façade méridionale le remploi d’une cuve de sarcophage (fait 31) disposée perpendiculairement au mur. Ce dispositif a pu servir lui aussi d’ancrage à un autre contrefort. La mise en culture du site a provoqué la disparition presque complète des niveaux de sols. Ne subsistent que des éléments d’un possible radier de sol (U.s. 4157) constitué de galets et de petites plaquettes de schiste. Celui-ci recouvre toutes les fosses des sépultures et contient quelques fragments de céramiques vernissées des XIV-XVe s. qui fournissent le principal repère chronologique utile à la datation de l’édifice. En revanche, les critères objectifs manquent pour en déterminer la fonction exacte. L’orientation du bâtiment et son implantation sur les vestiges du baptistère du haut Moyen Âge font songer de prime abord à une église. La perspective n’est en effet pas improbable même si l’on reste étonné de l’absence de tombes médiévales tardives tant à l’intérieur qu’aux abords du nouvel édifice. Toutefois, on ne peut exclure que les lambeaux de murs nos 49 et 50 - qui forment angle - puissent appartenir à un hypothétique chevet plat sensiblement plus étroit que la nef. En admettant une telle hypothèse, deux grands scénarios d’interprétation doivent dès lors être envisagés. La RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 159 159 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… construction d’un nouveau lieu de culte à la fin du Moyen Âge constituerait un acte de remplacement du vieil édifice à abside, dont on a vu qu’il pouvait être déjà partiellement ruiné au seuil du second millénaire. Inversement, du fait de sa localisation sur l’ancien baptistère, l’édification d’un nouveau sanctuaire peut aussi s’inscrire dans la tradition d’un second lieu de culte dans le quartier Saint-Jean. Quoi qu’il en soit et qu’il s’agisse ou non d’une église, ce bâtiment témoigne d’abord d’un temps de réinvestissement dans un quartier désormais situé non plus au cœur de la vie locale mais à l’écart d’un village restructuré auprès d’un château sur une colline dominant l’ancienne agglomération. La rareté voire l’inexistence des tombes postérieures au Xe s. pourrait indiquer un déclin du quartier et un changement de statut du ou des sanctuaires dès l’approche de l’an Mil. De fait, la nouvelle phase de construction que l’on détecte dans ce quartier à la fin du Moyen Âge peut être liée à une toute autre dynamique (équipement du castrum ?) que celle associée jusqu’à présent à la mémoire cultuelle du lieu. Dans cet ordre d’idée, il n’est sans doute pas anodin de noter qu’aucune église dédiée à Saint-Jean n’est mentionnée dans la documentation écrite locale tout au long des XIXIIIe s. Cela est d’autant plus surprenant que l’émergence, dans le courant du XIe s., du proche prieuré de Cassan, sanctuaire de rayonnement régional, lève par l’intermédiaire de ses archives un opportun coin de voile sur cette zone de la campagne biterroise. À la charnière des XI et XIIe s., c’est une église jusqu’alors inconnue, dédiée à Saint-Laurent et située à environ 400 m au nord-ouest du quartier fouillé qui s’impose comme le sanctuaire paroissial de terroirs maintenant associés à la dynamique du castrum de Roujan. La nouvelle hiérarchie de l’habitat qui se construit au cours des XI-XIIe s., de même que l’irruption de la communauté religieuse de Cassan, ont bouleversé la vieille organisation ecclésiale locale. Privé(s) d’une intégration au sein d’un réseau dynamique (chapitre de Béziers, mense épiscopale, abbayes ou prieurés locaux), le ou les sanctuaire(s) du quartier Saint-Jean n’ont plus guère été entretenus. Après le Xe s., l’attraction funéraire du lieu paraît elle-même très nettement s’essouffler. Cette perspective générale expliquerait du moins qu’aucun sanctuaire dédié à Saint-Jean ne soit mentionné dans les bulles de confirmations qu’obtiennent les évêques de Béziers ou les grands sanctuaires locaux et que l’on n’en trouve pas plus de traces dans les listes d’églises dressées lors des règlements de conflits qui purent opposer ces différents établissements tout au long des XIe-XIIIe s. Aussi le silence des textes n’est-il pas seulement un effet des sources et trouve-t-il une correspondance possible avec les données archéologiques. Il faut en fait attendre le milieu du XVe s. pour disposer d’une première mention ayant trait au quartier Saint-Jean. L’érudition locale a rapporté en effet la mention extraite d’un compoix de 1455, aujourd’hui perdu, d’une église St-Johan et d’une infirmerie liée au prieuré de Cassan (Crouzat 1859, 98). En 1621, dans les registres paroissiaux, il est question de transférer la cloche de SaintLaurent de Roujan à « la chapelle Saint-Jean » (Crouzat 1859, 99). Quinze ans plus tard, l’évêque de Béziers, Clément de Bonsi, en visite à Roujan, recommande d’entourer le cimetière de la paroisse de murailles en utilisant les pierres provenant de « la démolition de la vieille église Saint-Jean de la Mathe » (Segondy 1972, 98, d’après le manuscrit 22 f° 388 des anciennes AM de Béziers). Si le projet fut bien mis à exécution c’est donc seulement à partir du second tiers du XVIIe s. que les vestiges d’un ancien lieu de culte au quartier Saint-Jean disparurent du paysage bâti. De quelle église s’agit-il ? Si l’on se fie à l’analyse des dernières données archéologiques, l’existence d’une tombe datée par radiocarbone des années 896-1147, recoupant l’extrémité occidentale du mur nord de la nef, tend à prouver que l’édifice à abside d’origine paléochrétienne était sinon détruit à cette date du moins considérablement réduit. Reste, dès lors, le bâtiment rectangulaire construit au bas Moyen Âge sur l’ancien édifice baptismal, même s’il peut aussi bien s’agir de cette église Saint-Johan que de cette infirmerie du prieuré de Cassan mentionnées en 1455. Nœud gordien ! D’après le chanoine J. Segondy (1972, 461), qui paraît se fonder sur les travaux de l’abbé Soupairac, archiviste de l’évêché de Montpellier à qui Mgr de Cabrières avait commandé avant 1884 un mémoire pour servir à la vie de saint Guiraud, prieur de Cassan, l’église Saint-Jean de la Matte aurait eu « vingt-deux pas de long sur huit de large ». Ces dimensions sont en définitive assez proches de celles du bâtiment partiellement dégagé en 1985 puisque celui-ci atteignait 8 m de large et au moins 19 m de long. L’argument est à manier avec prudence car il faut sans doute accepter ici les limites de la documentation et d’une fouille en définitive peu étendue qui a porté de surcroît sur un quartier assez arasé. À moins d’admettre qu’une autre église située hors de l’emprise de fouille a pu exister, l’hypothèse la plus plausible demeure que l’église Saint-Jean encore visible au XVIIe s. corresponde finalement à l’édifice bâti au bas Moyen Âge sur l’emplacement de l’ancien baptistère. La dédicace à SaintJean est d’ailleurs un ultime argument susceptible d’étayer ce scénario. On retiendra encore que le déterminant « La Mathe” associé à l’hagiotoponyme a non seulement éclipsé le souvenir du nom d’une ancienne agglomération mais renvoie aussi à un quartier rural peu cultivé, indice possible de la marginalisation de cet espace dans la vie locale à l’époque moderne, sinon dès la seconde partie du Moyen Âge. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 160 20/11/07 10:21 Page 160 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER 3.6 De la memoria au groupe ecclésial : propositions chronologiques À l’issue de cette présentation des différentes composantes d’un ensemble cultuel, baptismal et funéraire bipolaire complexe, où les incertitudes chronologiques sont nombreuses, il convient de résumer en quelques lignes les principales phases de sa genèse et de son évolution (fig. 53). La première mutation qui affecte le secteur cultuel du haut Empire, on l’a vu, est d’ordre funéraire. Quelques tombes à inhumation, sous tuiles ou en coffrages mixtes, viennent en effet s’inscrire à l’est du sanctuaire septentrional, selon une orientation Nord-Sud, dans un espace jusqu’alors laissé libre à la circulation et à l’accès - via un escalier - au temple à podium (fig. 53, phase 2a). Si ces sépultures n’ont pu faire l’objet d’une datation radiocarbone, leur typologie permet de les situer chronologiquement entre le IVe et le VIIe s. D’autres tombes prennent place dès le courant du Ve ou au plus tard au début du VIe s. dans l’ancien temple 1 réutilisé comme mausolée, voire transformé en memoria des premiers temps chrétiens s’il s’agit d’honorer le souvenir d’un personnage saint ou martyr, ainsi que le suggèrent les développements que va connaître par la suite cet édifice. Les seules données archéologiques ne nous permettent en effet pas de savoir si les premières inhumations précèdent ou succèdent à la christianisation du site ; elles n’éclairent pas non plus la relation antériorité/ contemporanéité/ postériorité qui a existé entre la série d’inhumations précédemment évoquée, implantée à l’est du temple 1, et celles qui se logent dans son enceinte. Quoi qu’il en soit, cette étape marque la désaffection du culte antique au profit d’une destination funéraire des lieux. La zone d’inhumations gagne assez rapidement les abords immédiats de l’édifice, notamment sur son flanc méridional. L’espace relativement contraint de l’ancien temple 1 bénéficie d’une première extension occidentale, alors même qu’est construit, une dizaine de mètres au sud du bâtiment funéraire et aux dépens de l’ancien temple 3 totalement dérasé, un baptistère (fig. 53, phase 2b). Cette phase de construction, que des techniques de mise en œuvre identiques dans les deux secteurs permettent de croire synchrone, intervient au plus tard dans le courant du premier tiers du VIe s. La présence d’une piscine baptismale suppose à tout le moins celle d’une église mais, et ce n’est pas là le moindre des paradoxes de ce dossier, la localisation de l’espace réservé à la liturgie reste incertaine pour cette époque. L’édifice funéraire faisait-il déjà également office de lieu de culte ou celui-ci était-il situé dans le prolongement oriental du baptistère, selon le dispositif le plus fréquemment rencontré en Gaule méditerranéenne ? L’arasement du site ne nous permet malheureusement d’étayer ni l’une ni l’autre de ces deux hypothèses. La création d’un chœur liturgique est en revanche attestée au cours de la phase suivante avec la construction, plaquée à l’est de l’édifice funéraire primitif, d’une travée droite et d’une courte abside semi-circulaire (fig. 53, phase 3). La présence de ce chevet orienté interdit du même coup l’accès à l’édifice par l’Est, tel qu’il pouvait s’être maintenu depuis l’Antiquité. À cette extension orientale correspond un second agrandissement du bâtiment sur son flanc ouest, l’église correspondante atteignant ainsi une superficie utile supérieure à 80 m². Les rares éléments de datation disponibles situent cette double réalisation dans la seconde moitié du VIe s. au plus tôt et avant la fin du VIIIe s. au plus tard. Parallèlement, des tombes prennent place avec une densité certaine à l’intérieur et aux abords du baptistère, ce qui ne va pas sans renforcer le constat de bipolarisation de la vie religieuse autour de deux édifices distincts. L’existence éventuelle d’une nef et d’un chevet, prolongeant à l’est le baptistère qui aurait pris place dans la salle occidentale d’un édifice plus complexe, ne peut certes être vérifiée ; il convient toutefois d’indiquer que, dans cette hypothèse, le pôle religieux du quartier SaintJean s’articulerait autour de ce qu’il est convenu d’appeler un groupe ecclésial. Le précieux fil d’Ariane chronologique que constitue l’étude de la nécropole - grâce notamment au recours aux datations 14C des sujets inhumés - témoigne par ailleurs d’une interruption radicale de l’activité funéraire sur le site autour de l’an Mil (fig. 53, phase 4). Qu’advient-il alors de cet ensemble cultuel créé dès la fin de l’Antiquité, objet de remaniements divers au cours du haut Moyen Âge ? Le sanctuaire à abside semble ruiné, au moins en partie, dès le courant du XIe s. ; quelques constructions légères postérieures attestent d’une poursuite de l’activité sur les lieux mais le caractère très lacunaire et ponctuel des vestiges interdit toute interprétation à leur égard. Le déclin du quartier et/ou le changement de statut des édifices cultuels antérieurs paraît en tous cas indéniable. Il faut ensuite attendre la fin du Moyen Âge pour que se manifeste un renouveau dans l’occupation du secteur, avec la construction d’un grand bâtiment rectangulaire venu se superposer au baptistère sans en respecter l’orientation (fig. 53, phase 5). L’explication de ce hiatus - au moins apparent - de plus de trois siècles est à chercher ailleurs, non plus dans l’analyse monographique de données matérielles dont on atteint ici les limites mais dans leur mise en perspective au sein d’un contexte local et régional aussi bien archéologique qu’historique. C’est ce à quoi nous invitons à présent le lecteur dans une deuxième partie qui, à l’instar de l’ensemble cultuel et funéraire chrétien mis en évidence ici, puise ses sources dans l’Antiquité. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 161 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 53 : De l’Antiquité au Moyen Âge : évolution du noyau monumental du quartier Saint-Jean à Roujan RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 161 (DAO L. Schneider et L. Vidal). 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 162 Page 162 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER L’AGGLOMÉRATION DE ROUJAN ET SA PLACE DANS LA CITÉ DE BÉZIERS 4. L’AGGLOMÉRATION DU HAUT EMPIRE 4.1 Du péribole au forum La question s’est rapidement posée de l’existence ou non d’un péribole englobant les temples. On a vu supra que les recherches entreprises à ce sujet avaient permis la mise au jour partielle de trois murs formant angle droit, ce qui nous avait conduit à proposer une clôture de l’espace des sanctuaires, à l’Ouest, au Nord et au Sud, matérialisée au moins par un simple mur. L’étroitesse des tranchées ouvertes à la recherche de ce dispositif de fermeture de l’espace sacré ne permet toutefois pas d’exclure la présence d’un aménagement plus complexe tel qu’une galerie comme à Ampurias par exemple (Aquilué 1984 ; Sanmartí-Grego 1987, 55-57). Le mur pourrait en effet être doublé soit par une colonnade soit par un autre mur, si celui qui a été dégagé est un stylobate. Cependant, les tranchées ouvertes de part et d’autre du mur 21 ont mis en évidence des remblais jusqu’à un 1,50 m de profondeur, cote à laquelle le substrat apparaît. Ces remblais sont constitués par des dépotoirs - l’un d’entre eux étant uniquement constitué de coquilles d’huîtres - recelant un lot homogène de mobilier céramique des Ier et IIe s. de n. e. Leur présence indique que l’on se trouve, à l’arrière des temples, dans un espace particulier ayant fait probablement l’objet d’un aménagement en creux assez important, sans que l’on puisse déterminer ni son étendue ni sa fonction. Cet argument va donc dans le sens de l’existence à cet endroit d’un dispositif plus complexe que le simple mur de clôture. Entre la façade des temples et la zone 3, les tranchées et les travaux n’ont rencontré aucun vestige, ce qui plaide pour la restitution d’un espace ouvert. Ce dernier mesure au maximum 38 m de long, d’Est en Ouest, et il est fermé par un mur (de bâtiment ?). Si, sur les côtés, on restitue des portiques à partir des alignements de dés de calcaire coquillé, une place de 33 m de large se dessine (fig. 54). Le rectangle ainsi obtenu n’est pas géométriquement parfait, dans la mesure où les directions des différentes constructions qui entourent la place sont parfois assez divergentes. Ainsi, compte tenu à la fois des résultats des relevés opérés à l’alidade lors de la fouille, du levé partiel réalisé en 2000 au tachéomètre à distance-mètre électromagnétique et des longueurs de vestiges, cinq groupes d’orientation apparaissent. Les temples, le « péribole » et la partie sud de la construction H2 sont orientés à 18 ° ENL ; l’alignement des deux bases est à 20 ° ENL ; le mur 41 et le bâtiment H1 sont orientés à 13 ° ENL ; le mur 32 et le mur 39 sont orientés autour de 11 ° ENL ; enfin le mur 40 et la partie nord du bâtiment H2 sont autour de 8 ° ENL. Des recherches menées sur les parcellaires protohistoriques et romains dans la plaine de Nîmes montrent que seul un écart d’au moins 5° peut être considéré comme significatif (Séjalon et al. à paraître). De ce fait, on ne retiendra ici que la formation de deux faisceaux, l’un à 18-20 °, l’autre entre 8 et 13 °. En tout état de cause, la place devait avoir la forme d’un trapèze irrégulier avec un redent à l’Est comme paraît l’indiquer le dé de calcaire isolé décalé dans cette direction (s’il ne s’agit pas d’un élément de bâtiment). Aucun accès évident à cette place n’a été observé. Cependant, l’empierrement 3019 - limité par les murs 32 et 40 - a toutes les caractéristiques d’un aménagement destiné à supporter une circulation de véhicule. Il est en outre bien placé pour former l’extrémité d’une voie qui s’interromprait à l’entrée de la place pour ne permettre qu’une circulation piétonnière. Cette ouverture potentielle débouche dans l’axe du grand temple même si elle n’est pas parfaitement alignée. Dans le cadre d’une première notice consacrée à l’agglomération gallo-romaine de Roujan (Vidal et al. 2002), une fois établi que les trois temples étaient précédés d’un espace ouvert limité en partie par de probables portiques (fig. 55), une rapide recherche avait permis de mettre en évidence de fortes similitudes avec les forums de Belo (Pelletier et al. 1987) et de Sufetula (Balty 1991, 113) (fig. 56). Cette observation nous avait amenés à poser l’hypothèse de l’appartenance des sanctuaires de Roujan à un centre civique. Par là même, cela pouvait reposer la question rebattue de l’emplacement des deux oppida latina de la liste de Pline, dont la localisation régionale occupe une partie de l’histoire locale : Piscinae et Lutevani qui et Foroneronienses, mais peut-être aussi du chef-lieu des Rutènes provinciaux (Christol 1998 ; Garmy, Schneider 1998 ; Vidal et al. 2002 ; Mauné 2003). En outre, l’hypothèse d’une agglomération secondaire dotée d’un forum amenait à s’interroger sur l’extension des territoires de Béziers et de Lodève au haut Empire. Le récent article d’Alain Bouet, consacré au problème du « forum » dans les agglomérations secondaires, montre bien la fragilité d’une identification reposant seulement sur une interprétation de vestiges archéologiques très lacunaires (Bouet 2005). Cependant, parmi tous les cas étudiés, celui d’Alésia semble atypique et paraît finalement assez proche de celui de Roujan, même si pour ce dernier rien ne permet d’identifier avec quelque vraisemblance une basilique ou une curie. En effet, A. Bouet note que pour Alésia, le « forum » est l’aboutissement d’aménagements successifs, allant du remplacement à la dotation en bâtiments publics (temple à péribole, puis basilique et curie) ; à noter que l’ensemble est disposé autour d’un espace ouvert se développant de part et d’autre d’une voie. La condamnation de la voie ainsi que la création d’une porte monumentale et de RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 163 163 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Fig. 54 : Plan général du « forum » portiques régularisent un peu, en dernier lieu, le cadre architectural. En l’état du dossier de Roujan, cela peut aussi s’appliquer aux probables portiques et au seul accès (DAO L. Vidal). identifié. On le voit, finalement, poser l’hypothèse de l’appartenance des sanctuaires de Roujan à un forum n’est pas si improbable. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 164 20/11/07 10:21 Page 164 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Fig. 55 : Environnement des temples de Roujan dans leur environnement (DAO L. Vidal). Fig. 56 : Plans comparés des secteurs cultuels des fora d’Ampurias, Belo, Sufetula, Alésia et Roujan (DAO L. Vidal). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 165 165 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… 4.2 L’agglomération et sa périphérie durant le haut Empire Depuis le XIXe s., les découvertes fortuites effectuées au gré des travaux agricoles dans les quartiers de SaintJean, du Valat de Ligno et de Médéyo ont été associées à la présence d’une grande villa. Ce n’est qu’à partir des années 1990, grâce au développement des prospections de surface et à la révision systématique d’une documentation abondante conjuguée au niveau national à une réévaluation du phénomène des agglomérations dites secondaires, que l’image d’un habitat groupé a fini par s’imposer à Roujan (Vidal et al. 2002). Le nouveau bilan dressé à l’échelle régionale du Languedoc-Roussillon (Fiches dir. 2002) de même que les récentes réflexions engagées autour de la notion de « villa » (Leveau 2002) et des relations entre villae et vici (Pellecuer 2005) permettent aujourd’hui une meilleure évaluation de la documentation roujanaise. 4.2.1 L’insertion de l’agglomération dans la trame locale des établissements ruraux Les prospections conduites dans la périphérie de l’agglomération laissent entrevoir une partie des rapports de voisinage entretenus avec les différents établissements ruraux du secteur, plus précisément avec les centres domaniaux. Située à une vingtaine de kilomètres de Béziers, sur les marges septentrionales de la cité dans un espace de transition entre les monts d’Orb et la vallée de l’Hérault, l’agglomération de Roujan se développe d’abord non loin du point de captage de l’aqueduc de Gabian qui assurait une partie de l’alimentation en eau de la capitale. Elle se trouve également à proximité de la zone cuprifère dite de Cabrières (Gourdiole, Landes 1998) dont les gisements de minerai pouvaient également s’étendre dans les environs même de Roujan, à Neffiès et Vailhan notamment. Le secteur de Roujan était déjà bien occupé depuis la fin du IIe âge du Fer. Aux établissements ruraux du Ier s. av. n. è., abandonnés avant la première moitié du Ier s. ap. J.-C. (Canobols : 0,4 ha ; La Vigne du Figuier : 0,06 ha ; Padoulette 2 et Peilhan 2, tous situés sur la commune de Roujan), s’ajoutent ceux qui perdurent durant le haut Empire (à Roujan toujours, La Colombe, Montels I, Notre Dame 2) ou plus tard encore (Saint-Nazaire à Roujan, La Vérune à Neffiès). Cette trame ancienne se densifie durant les Ier et IIe s. de notre ère et l’on commence à pouvoir envisager des notions de hiérarchisation en prenant en compte la superficie des établissements (fig. 57). Au bas de l’échelle se trouvent de petits établissements inférieurs à 2 000 m² dont on ne sait s’ils correspondent tous à des habitats (Montels 2 et 3 : 0,2 ha ; La Grange haute : 0,06 ha ; Champ de l’Aire : 0,1 ha ; Lestacarède : 0,09 ha), mais à l’autre extrémité émergent maintenant des établissements qui dépassent un hectare de superficie. Dans un rayon d’environ 3 km autour de Roujan, au moins six établissements majeurs qui ont tous livré des éléments de confort et d’apparat (statuaire, marbre, enduits peints, mosaïque…), sont à retenir parce qu’ils peuvent désigner les principaux centres domaniaux du secteur. Cela concerne, d’Ouest en Est, les sites de La Prade à Alignan-du-Vent (1 ha), Saint-Nazaire à Roujan (2 ha), La Perrière à Margon (1,2 ha), Peilhan 1 (1,4 ha) et Les Embals (2,5 ha) à Roujan, La Vérune à Neffiès (1,5 ha). Le plus proche (Peilhan I) est à seulement 1 km à vol d’oiseau du cœur de l’agglomération antique, autrement dit à moins d’une demi-heure de marche des temples. Il est d’ailleurs lui même à proximité d’un autre établissement majeur (Les Embals : 2,5 ha), situé à 2 km à l’ouest du quartier SaintJean. À leurs abords gravite tout un chapelet d’établissements qui peuvent correspondre à des fermes autonomes ou dépendantes de ces deux centres principaux. On ne peut entrer ici dans les détails de ces rapports de domination mais l’on doit souligner le poids de cette zone située à l’ouest de l’agglomération dans la production agricole locale. Ce versant méridional du relief de Sainte-Marthe, densément occupé pendant toute l’Antiquité, laisse entrevoir non seulement la complexité des rapports sociaux qui se sont noués entre fermes, centre domanial et agglomération, mais aussi l’occupation permanente de ce secteur jusqu’au cœur du haut Moyen Âge en dépit des modifications qu’a pu connaître la trame des établissements ruraux. Au cours des VII-VIIIe s., l’Église de Béziers paraît elle-même disposer de biens sur ce versant, s’il est permis d’identifier la villa Piliano avec le site antique et haut médiéval de Peilhan 2 (C. Béz., 64). La périphérie sud de l’agglomération se présente différemment. Le premier centre domanial majeur (SaintNazaire, à 1,7 km du quartier Saint-Jean) dépasse 2 ha de superficie mais ne comporte aucun autre établissement dans un rayon d’au moins 1 km autour de lui. Ici le système d’exploitation paraît plus centralisé et la propriété du sol peut être plus homogène. Entre cette possible grande villa et l’agglomération de Roujan, s’intercalent cependant deux localités intermédiaires. Coudouloux (0,15 ha) est un modeste établissement du haut Empire mais le site dit de La Plaine est plus important (0,5 ha), plus proche du quartier Saint-Jean (situé à 800 m) et surtout plus stable car sa durée d’occupation se prolonge au moins jusqu’au seuil du Ve s. Ce dernier établissement implanté non loin du rivage de la Peyne permet d’évoquer le cas plus original de différents noyaux d’occupation très proches les uns des autres, répartis de part et d’autre du cours d’eau mais qui pouvaient relever d’une même localité. À environ 2 km du quartier Saint-Jean et à 1,5 km du centre domanial de Saint-Nazaire, dans un méandre de la Peyne, se trouve d’abord un point d’occupation d’environ 0,6 ha occupé durant toute l’Antiquité. Cet établissement (Notre-Dame 1) RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 166 166 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Trignan Grange de Cassou Le Malpas La Grange haute St-Saturnin La Tuilerie C. de l’Aire C. Nègre Le Cimetière V. du Figuier 2 Lestacarède V. du Figuier 1 Peilhan 2 Pecheraud Padoulette 2 La Colombe Padoulette St-Jean Paudelettes C. de Pons Les Grèzes Fig. 57 : La périphérie de Roujan durant le haut Empire (L. Schneider). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 29/11/07 9:43 Page 167 167 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… émerge à quelques centaines de mètres d’un noyau plus ancien et bien plus modeste (Notre-Dame 2, 0,05 ha) qui a livré des fragments d’amphore italique et de la céramique campanienne. Il est surtout disposé en vis-à-vis d’un second quartier des Ier et IIe s. de n. è., déployé sur 0,7 ha sur l’autre rive de la Peyne (Caux, Mougères). Ces deux noyaux ont livré des éléments de production de terres cuites et doivent être associés à une officine de tuiliers et peut-être d’amphores gauloises 4 (Mauné 1998, 207 et 339). Le secteur nord de l’agglomération contraste avec les zones que l’on vient de décrire. Ici, au contact de la toile de fond montagnarde, aucun centre domanial ne peut être identifié à coup sûr. Des observations ponctuelles effectuées lors de travaux dans le bas du cimetière neuf font certes état de la présence de tuiles, doliums, amphores et meule à 1,80 m de profondeur mais ne permettent pas de préciser la nature exacte d’un point d’occupation antique dont l’assiette est de surcroît masquée par des colluvions et le cimetière actuel (Esperou et al. 1989/1991, 211). Les seuls sites repérés sont modestes. Celui de La Tuilerie ne dépasse pas 0,16 ha et celui de la Grange Haute atteint à peine 0,06 ha si bien que l’on hésite à les identifier comme des habitats. Seule autour de la colline de Montels, en rive gauche de la Peyne, la multiplication de petites implantations (Montels 2 et 3) des Ier et IIe s. de n. è. suggère une occupation permanente de ce secteur dans la mouvance de la mutation d’un établissement du Ier s. av. n. è. (Montels 1). On doit souligner ici le rôle qu’a pu jouer dans la vie de ce terroir l’existence d’une source d’eau minérale froide. Enfin, les périphéries orientale et nord-orientale de l’agglomération paraissent avoir été les moins densément occupées. Du point de vue des modes de peuplement, le contraste est net avec ce qui s’est produit à l’ouest du quartier Saint-Jean. En rive gauche de la Peyne, les petits établissements des Ier-IIe s. sont rares, tandis que le premier centre domanial important se trouve à presque 3 km de l’agglomération. Entre cette grande villa de La Vérune et Roujan aucun établissement de classe intermédiaire n’est actuellement repéré. On ne peut que signaler vers l’ouest (à 2,5 km du quartier Saint-Jean et à 1,5 km de La Vérune) le site de Saint-Saturnin (0,45 ha), qui fut occupé pendant la première moitié du Ier millénaire. Cette approche préliminaire de la répartition des établissements ruraux dans la périphérie de l’agglomération antique de Roujan peut aider à amorcer une analyse des interactions spatiales entre les sites. Malgré les lacunes d’une documentation fondée pour l’essentiel sur des prospections de surface, l’exercice doit être tenté afin de multiplier les études de cas susceptibles d’enrichir notre perception des logiques territoriales qui ont présidé à l’organisation des campagnes des Ier et IIe s. de n. è. S’agissant de la cité de Béziers, les modèles emblématiques fournis par les rythmes de développement et de récession des grandes places indigènes d’Ensérune, Monfau et dans une moindre mesure Cessero/Saint-Thibery ont peut-être trop vite conduit à penser que l’évolution des localités secondaires de la cité durant le haut Empire se posait essentiellement en terme de déclassement. À ce titre, Roujan, du fait de l’ampleur de son centre monumental du Ier s., fournit désormais un premier contre-exemple. Cette originalité invite dès lors à s’interroger sur les relations de voisinage, les interactions et les rapports territoriaux qui ont pu se produire entre agglomération secondaire et centres domaniaux (Pellecuer 2005). Aux confins septentrionaux de la cité, Roujan occupe de fait une place bien individualisée dans le maillage de l’habitat rural. Un modèle radial élémentaire ne suffit pas à rendre compte de la situation. Dans la moitié nord d’un cercle théorique qui atteint au moins 2 km depuis le cœur de l’agglomération, aucun établissement majeur n’est actuellement repéré et aucun établissement isolé n’a connu une stabilité d’occupation qui dépasse trois siècles d’existence. Il faut dépasser un rayon de 2,5 km pour trouver un centre rural qui présente une superficie supérieure à 1 ha, mais aussi des éléments de confort, de la statuaire et une longue occupation (Terrer et al. 1999). L’établissement de La Vérune pourrait dès lors s’inscrire dans une position territoriale indépendante par rapport à l’agglomération. D’un point de vue spatial, les deux centres étaient susceptibles de bénéficier d’un territoire de production autonome de plusieurs centaines d’hectares et d’engendrer à partir d’un réseau annexe la mise en valeur de nouvelles terres. La situation est en revanche beaucoup plus complexe dans la moitié sud de ce cercle théorique centré sur Roujan. Au Sud-Est, un premier maillage de sites de moyenne importance mais à occupation stable semble avoir été déterminé par l’axe de la Peyne. Au Sud et au Sud-Ouest ce sont en revanche de grands ensembles domaniaux qui sont désormais inclus dans ce cercle de 2 km. Le plus proche est à environ 1 km de l’agglomération, un autre est à 1,7 km et le dernier à 2,2 km. Qui plus est, dans le cône ouest-sud-ouest, on l’a vu, la multiplication de l’habitat dispersé apparaît comme une originalité qui rend compte d’une distribution interstitielle des établissements ruraux derrière laquelle se profile, dans le temps long, toute la complexité des stratégies d’appropriation des terres et des recompositions domaniales. La proximité de ces centres domaniaux peut découler ici d’un effet de polarisation induit par la présence de l’agglomération. Dans le même sens, la continuité d’occupation de ces espaces entre Antiquité et Moyen Âge, malgré les modifications qu’a connues ici la trame des établissements ruraux (émergence du site de Peilhan 2 à la fin de l’Antiquité), ne semble pouvoir se comprendre qu’en association avec le devenir de Roujan. Au final, l’agglomération qui disposait d’un quartier monumental susceptible d’organiser la vie locale pouvait également jouir d’un RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 168 29/11/07 9:43 Page 168 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER espace nourricier autonome, ce qui invite à considérer qu’elle n’était pas exclusivement vouée à fournir un réservoir de main d’œuvre pour augmenter la rentabilité des domaines du voisinage. Bien au contraire, l’agglomération de Roujan semble bien avoir constitué la tête d’un réseau local d’établissements ruraux et son centre monumental témoignerait de la capacité de ses habitants à investir dans des constructions collectives. 4.2.2 La question du nom de l’agglomération et de son statut En l’absence de découverte épigraphique, le nom et le statut exact de l’agglomération nous échappent. La longue occupation du site, sa superficie, et surtout son quartier monumental que l’on ne peut dissocier de son devenir paléochrétien constituent néanmoins des éléments fondamentaux d’appréciation et de discrimination qui font s’interroger sur l’éventuelle dignité urbaine de l’établissement. On l’a vu, même si l’hypothèse de l’existence d’un forum à Roujan n’est pas improbable, le risque de surinterprétation est réel et il serait périlleux de déduire, sur la seule base des données archéologiques lacunaires en notre possession, que l’agglomération ait été détentrice à coup sûr du statut municipal. Aux confins des cités de Béziers et de Lodève, le dossier de Roujan permet néanmoins de s’interroger sur le rôle que cette place à portique bordée de sanctuaires a pu jouer dans le renouvellement des valeurs civiques. Si rien ne permet avec évidence d’attribuer à Roujan une fonction politique, les temples eux-mêmes et le rôle possible de tête de réseau qu’a pu tenir l’agglomération au sein du maillage de l’habitat rural font au moins entrevoir des fonctions économiques, administratives et religieuses locales. Une récente hypothèse suggère de régler le problème du statut de l’agglomération du quartier Saint-Jean en l’identifiant avec l’oppidum latinum de Piscinae mentionné dans la liste de Pline (Mauné 1998, 26 ; Mauné 2003, 288). Cette identification ne paraît guère convaincante pour plusieurs raisons. Elle se fonde pour l’essentiel sur le constat de l’absence de découvertes archéologiques significatives à Pézenas même et sur des suggestions toponymiques rapprochant la forme latine de Piscinae avec la forme médiévale Pedina dont est issue la Peyne, ce cours d’eau affluent de l’Hérault sur la rive duquel se trouvent le bourg médiéval de Pézenas, l’agglomération antique de Roujan mais aussi la localité de Pézénes (lesMines). Outre le fait que ce rapprochement toponymique déjà ancien ne fait pas l’unanimité (Hébrard 1937 ; Hamlin 1983, 285), G. Barruol (Barruol 2002, 23, 29 et 31) considère que la liste de Pline mentionnant Piscinae est une liste alphabétique. En conséquence Piscinae pourrait être recherchée n’importe où en Narbonnaise. Quand bien même on accepterait l’hypothèse d’une proximité toponymique entre Piscinae et Pedina/Peyne et quand bien même aussi on donnerait une autre interprétation à l’organisation de la liste de Pline (Christol 2004, 103), il faudrait encore expliquer pourquoi le souvenir de ce nom aurait disparu dans la proximité de l’agglomération de Roujan pour passer à la localité de Pézenas qui est à une distance de plus de 10 km. Enfin, compte tenu de la faiblesse de la documentation, l’hypothèse de l’existence d’un oppidum indigène sous le village médiéval de Roujan paraît elle aussi incertaine et ne fait qu’ajouter à l’opacité du dossier. N’ayant pas pu obtenir accès à des collections de mobiliers des Ier et IIe âge du Fer brièvement signalées qui proviendraient de Roujan (Mauné 1998, 26 et 2003, 288), nous ne pouvons à ce propos que nous baser sur les vestiges du Ier s. av. n. è. - très discrets - mis en évidence dans l’emprise limitée des fouilles du quartier Saint-Jean. Pour toutes ces raisons, il convient sans doute de faire un plus large écho à la proposition de G. Barruol pour tenter de localiser Piscinae en dehors de la vallée de l’Hérault et peut-être même du Languedoc. Du reste concernant le nom de l’agglomération antique découverte à Roujan, il est possible de formuler une hypothèse alternative beaucoup plus simple. Les artefacts archéologiques sont aujourd’hui dispersés sur une assiette d’environ 7 ha, soit sur trois quartiers cadastraux différents. Celui de Saint-Jean est devenu le vocable éponyme et conventionnel de l’agglomération du fait des découvertes réalisées dans les années 1980. Il existe cependant deux autres toponymes à prendre en considération. Le « Valat de Ligno » fait allusion à un petit ruisseau qui naît au contact de l’agglomération tandis que le nom du troisième quartier « Médéyo » fait explicitement référence à un toponyme ancien connu dans une charte de la fin du Xe s. (C. An., n° 240). À cette date, alors que le castrum de Roujan n’est sans doute pas encore élevé, les terroirs situés dans le voisinage de la Peyne sont associés au cadre d’une villa dénommée Plevigios/Plevegius. Ce toponyme peut dériver du latin plebs au sens médiéval de communauté paroissiale. Cela suggère qu’avant la fin du Xe s., le nom antique de l’agglomération était déjà perdu au profit d’une appellation pouvant faire plus explicitement référence au passé chrétien de la localité. Nous reviendrons plus en avant dans le texte sur cette question. Pour l’heure, on voudrait surtout retenir qu’un champ de cette villa est curieusement dénommé vers 988 par le double vocable de Redario sive Mediliano. Le premier terme s’est maintenu jusqu’au XIXe s. sous la forme « Campredier », qui désigne un quartier cadastral (1833, section B2) délimité par deux petits ruisseaux affluant de La Peyne à environ 500 m au nord-est de l’église Saint-Laurent, dans le secteur du cimetière actuel dont on vient de voir qu’il masque en partie un établissement antique de nature indéterminé (quartier périphérique de l’agglomération {?}, centre RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 169 169 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… domanial {?} ou simple annexe {?}…). Le second vocable Mediliano/Medilianum peut être rapproché en revanche du quartier cadastral actuel de Médéyo où se trouve une partie de l’assiette de l’ancienne localité antique et médiévale. On peut dès lors y voir le souvenir du nom primitif de l’agglomération antique découverte à Roujan, d’autant plus qu’il s’agit là d’un nom forgé autour d’un toponyme (medio-lanum) fréquemment attesté (Delamarre 2003, 221-222). Cela introduit du moins une nouvelle perspective qui montrerait que la question de l’émiettement de la vie civique ou que le développement de petits centres politiques n’était pas forcement préjudiciable au développement de la capitale biterroise. Bien au contraire, dans ce secteur de piémont, situé aux confins d’un espace montagnard rendu attractif par ses ressources métallifères, Roujan/Medilianum pouvait dès lors apparaître comme un pôle de développement et d’organisation du territoire colonial biterrois au contact des Lutevani et des Ruteni Provinciales selon la récente proposition de M. Christol (Christol 1998, 213). L’équipement de l’agglomération à la fin de l’Antiquité (baptistère), le lien possible que cela suggère avec l’Église biterroise, le rôle de « ville relais » qu’a pu jouer la localité jusqu’au seuil du haut Moyen Âge dans la vie locale sont d’autres indices qui montrent que l’entité administrative constituée autour de Roujan n’avait pas connu de déclassement. C’est à l’évocation de cette phase chronologique, entre Antiquité et Moyen Âge, qu’il nous faut maintenant conduire le lecteur. 5. L’AGGLOMÉRATION DANS SON CONTEXTE À LA FIN DE L’ANTIQUITÉ ET DANS LE HAUT MOYEN ÂGE Roujan/Medilianum, on vient de le voir, fait partie des rares agglomérations d’origine antique à être identifiées dans le territoire de la cité de Béziers où la recherche ancienne s’est surtout focalisée sur les plus grands oppida de la périphérie de Béziers (Ensérune, Magalas/Monfo) mais aussi autour des questions de localisation et de statut des rares localités antiques mentionnées dans les textes comme ces oppida latina de Cessero/St-Thibery et Piscinae/Pézenas (?), ou plus symptomatiquement encore autour du comptoir massaliote d’Agatha. On le voit, c’est donc surtout à la question des origines de ces agglomérations et aux problèmes de la romanisation que s’est intéressée l’historiographie récente. Le dossier roujanais apparaît dès lors comme relativement original, en ce sens qu’il permet d’une part d’identifier une agglomération gallo-romaine inédite de la cité de Béziers et qu’il offre d’autre part pour cette catégorie d’établissement une documentation finalement assez rare pour la fin de l’Antiquité. 5.1 Entre Biterrois, Agadés et Lodévois : l’agglomération de Roujan dans l’espace régional à la fin de l’Antiquité S’il n’est pas dans notre propos de traiter en détail de l’état des réseaux ruraux de la cité de Béziers à la fin de l’Antiquité, il n’est sans doute pas inutile d’en rappeler les lignes de force pour tenter, par ce jeu d’échelle, de resituer au mieux la position occupée par Roujan au sein de la cité qui l’a vu naître. On connaît mieux aujourd’hui la profondeur des mutations qui ont affecté le tissu de l’habitat rural au cours de la seconde moitié du IIe et du IIIe s. Le phénomène a été mesuré en différents points de la Narbonnaise (Fiches dir. 1996) et plus précisément en biterrois au cœur de la vallée de l’Hérault. Ce sont presque deux tiers des établissements ruraux qui disparaissent à cette date (Mauné 1998,117 et 287). Le mouvement est tel qu’il peut aussi affecter des habitats groupés. Dans la vallée de l’Hérault en Lodévois, l’agglomération de PeyrePlantade se dissout (Bermond, Pomarèdes 2002) et celle des Aulas à Saint-Saturnin connaît des signes de récession (Rascalou, Schneider 2002). Ces abandons modifient considérablement le réseau des « places centrales » de la cité et de ses marges tout en amplifiant et prolongeant le mouvement de récession de plusieurs places indigènes, déjà bien engagé au cours du Ier s. de n. è. comme dans le cas des vieux oppida d’Ensérune ou de Monfau (Fiches 2002b ; Olive 2002). Même des agglomérations anciennes comme Agde paraissent connaître des difficultés durant le haut Empire (Ugolini 2002). En l’état de la documentation, le semis des principaux pôles de peuplement de la cité biterroise et de ses marges paraît donc être, du fait de son amaigrissement, radicalement différent au seuil du VIe s. de ce qu’il fut quatre à cinq siècles plus tôt. Derrière cette vérité d’évidence, on insistera sur la signification que prennent dès lors les trajectoires propres à l’Antiquité tardive, non plus dans la perspective du paradigme, désormais éculé, d’un déclin mais bien dans celle d’une période de restructuration et de dynamisme. Agde tout d’abord, dont la situation ne paraissait guère brillante durant le haut Empire, accueille un siège épiscopal avant le seuil du VIe s., siège rehaussé en 506 du prestige que lui confère la tenue d’un concile où les prélats ont pu, en ces terres encore associées au pouvoir de la royauté toulousaine, redonner de la vigueur au gouvernement épiscopal des communautés catholiques. Du point de vue de l’organisation ecclésiastique, Agde est désormais l’égale de la capitale biterroise et cette indépendance gagnée ou retrouvée se double peut-être d’une organisation politique et militaire autonome si l’on se fie à la présence d’un comte (GT-GM, M.G.H. S.R.M., I, 2, 1885, 540-541). Cela suggère une nouvelle organisation administrative du territoire qui trouve des échos possibles dans l’émergence de nouvelles places rurales. C’est le cas en particulier des habitats perchés et RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 170 20/11/07 10:21 Page 170 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER parfois fortifiés créés sur de nouveaux sites ou qui réinvestissent de vieux oppida abandonnés (Schneider 2001a et 2004). Leur inventaire exhaustif reste à faire en Languedoc occidental mais l’on peut déjà signaler, sur les contreforts du biterrois, le cas du castrum de Cabrières à une dizaine de kilomètres au nord de Roujan, castrum mentionné par Grégoire de Tours en 532 et partiellement fouillé dans les années 1980 (Colin et al., 1996 ; Schneider 2002). Dans le même secteur, mais plus proche encore de Roujan, se trouve un établissement comparable, à Montesquieu, créé pour sa part sur un site neuf. On peut également signaler, cette fois-ci en rive gauche de l’Hérault, le cas de Leco-Castel à Aumes aux confins des pays d’Agde et de Béziers (Mauné 1998, 328 et 2002). Outre leur perchement et leur chronologie de fondation, ces sites ont également en commun d’avoir été des chefs-lieux territoriaux dans le haut Moyen Âge, indices possibles de leur fonction administrative dès la fin de l’Antiquité. Les progrès de la mission chrétienne et des nouveaux cultes des morts contribuent à ce nouveau marquage de l’espace. On associe d’abord au dynamisme retrouvé du port d’Agde des influences orientales autour du personnage de saint Sever, fondateur d’un monastère suburbain. Plus proche de Roujan, le développement d’un culte de martyr dans la vieille agglomération de Cessero est, lui aussi, à l’origine d’une fondation monastique qui accompagne la revitalisation de la localité à tel point que son nom antique finit par être supplanté par celui du personnage honoré : saint Thibéry (Schneider 2001b ; Durand 2004). Il y a là des points de convergence possibles avec la situation roujanaise, nous le verrons, et ce d’autant plus que des liens forts ont uni le secteur de Roujan à celui de Saint-Thibery au cours des IXe-Xe s. De même, dans le cas des établissements de hauteur nouvellement créés, il convient de s’interroger sur l’existence possible dans l’équipement de ces sites d’un sanctuaire chrétien dès la fin de l’Antiquité. Certes les localités évoquées dans la périphérie de Roujan n’ont pas été suffisamment fouillées pour dépasser le stade de l’hypothèse, mais l’exemple régional du Roc de Pampelune - dans les garrigues montpelliéraines - est là désormais pour illustrer ces situations et s’ajoute à d’autres cas de figure de Gaule méditerranéenne comme dans les contextes provençaux des sites de Saint-Blaise, Constantine et peut-être aussi de Sainte-Propice. Localement, des églises (non fouillées et non datées) existent à Aumes et Cabrières et sont associées à des contextes funéraires tardo-antiques et/ou du haut Moyen Âge (Soutou 1985 ; Ginouvez, Schneider 1987 ; Mauné 1998, 148). Reste le fil conducteur des centres ruraux traditionnels que l’on a pris coutume de nommer villae, entendons par là les principaux établissements ruraux de la campagne biterroise, dont la taille est généralement comprise entre 0,5 et 2 ha, qui ont livré des éléments luxueux susceptibles d’attester l’existence d’une pars urbana et surtout dont la durée d’occupation atteint déjà au seuil du VIe s. près du demi-millénaire. Par ce biais, on mesure mieux la spécificité du secteur de Roujan et plus largement du piémont biterrois septentrional car ces gros établissements y paraissent plus fréquents que dans la vallée de l’Hérault (secteur littoral et d’Agde exceptés) et surtout dans la cité voisine de Lodève. Avant de décrire plus en détail cette situation, revenons à l’échelle de l’agglomération roujanaise. 5.2 Du quartier Saint-Jean au quartier Saint-Laurent à Roujan : des églises multiples ? L’évolution du quartier Saint-Jean nous montre désormais comment le secteur des anciens temples a accueilli, après une première phase funéraire, un nouvel équipement « officiel » en l’espèce du baptistère, programme qui s’est accompagné d’un agrandissement contemporain du monument funéraire installé dans le temple 1. Les dimensions du baptistère (dans l’œuvre 35 m² pour l’hypothèse la plus basse mais 47 m² si on restitue une salle où la cuve occuperait une place centrale) le placent au dessus du cas de la salle baptismale d’une église fondée dans la proximité d’un grand centre domanial comme la villa des Prés bas à Loupian (Pellecuer, Schneider 2005, 101-102). Elles le rapprochent en revanche de l’équipement d’une agglomération comme celle du Roc de Pampelune où l’espace bâti, clairement délimité par une enceinte, dépassait une assiette de 2 ha. Voilà une première évaluation possible de la vitalité de l’agglomération de Roujan au cours des Ve-VIIe s. Il nous faut procéder par ce biais pour l’estimer car, depuis les années 1980, le développement des lotissements ne permet plus de procéder à de nouvelles prospections pour tenter de définir avec précision quelle fut l’emprise exacte de l’établissement tardif par rapport à l’assiette globale de l’agglomération du haut Empire, estimée à environ 7 ha il y a une quinzaine d’années. Il est possible cependant que des glissements aient pu s’opérer et que de nouveaux quartiers aient pu émerger. Le cas du quartier de l’église Saint-Laurent en fournit des indices, sinon une véritable illustration. Le sanctuaire, que les textes nous montrent de statut paroissial à la fin du XIe s., est situé non seulement à l’écart de l’assiette principale de l’agglomération antique (à 350 m à l’ouest des temples), mais aussi à distance du village médiéval. Cette bipolarisation de l’espace médiéval est déjà un indice possible de l’antériorité de cette nouvelle église par rapport au castrum, symptôme d’une genèse qu’il faudrait donc placer avant le début du second millénaire. De fait, différents travaux édilitaires effectués depuis les années 1960 autour du sanctuaire (voirie, aménagement d’un parc et drainage au pied de l’édifice), ont occasionné la découverte fortuite de plusieurs RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 171 171 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… tombes en tuiles ou en dalles mais aussi de béton de tuileau et de céramiques de l’Antiquité tardive (sigillées claires et DSP notamment). Il se pourrait bien finalement que l’église Saint-Laurent ait émergé dans un contexte funéraire de l’Antiquité tardive, peut-être même dans le secteur où se trouvai(en)t la nécropole principale ou les nécropoles de l’agglomération des IIIe-VIIIe s. ? Ce quartier nord-ouest de l’agglomération antique a d’ailleurs livré, le long de l’actuelle D125, une zone funéraire à incinération du Ier s. de n. è., tandis que l’aménagement du cimetière neuf a occasionné lui aussi la découverte de différents artefacts antiques. Ces informations, même lacunaires, nous montrent du moins la complexité du dossier. Les champs du possible sont nombreux et si l’on hésitait à restituer une ou deux églises au quartier Saint-Jean, le cas de Saint-Laurent suggère qu’il faut peut-être encore compter une église supplémentaire à Roujan dès la fin de l’Antiquité. Cette multiplication des lieux de culte et des monuments funéraires chrétiens n’est en soi guère surprenante si on la compare à des situations urbaines. C’est un indice possible du statut « d’agglomération » de la localité et cela nous renvoie à la présence du baptistère et à l’interprétation que l’on peut en faire. Un tel équipement évoque selon toute vraisemblance le rôle de l’action épiscopale face à l’exigence d’une certaine décentralisation ordonnée au service des communautés de la cité. Roujan constituerait dès lors l’un des tous premiers marqueurs des progrès du christianisme en terre biterroise mais aussi de l’action des évêques dans ce territoire. Les hasards de la recherche placent ce premier marqueur aux marges de la cité, dans le cadre d’une agglomération antique et non pas dans l’un de ces grands établissements aristocratiques que l’on sait être aujourd’hui nombreux dans un rayon de dix kilomètres autour du cheflieu de cité (Pellecuer 2005). Faut-il s’en étonner pour autant ? Différentes pistes sont susceptibles de faire apparaître les conflits d’intérêt qui ont pu se nouer sur les marges septentrionales de la cité autour de Roujan. Un premier document, le bref d’Ansefred - que l’on doit dater des VIIe-VIIIe s. et non pas après 1010 comme l’a fait l’éditeur du Livre Noir (C. Béz., n° 56, 63-65) - nous apprend d’abord que l’Église épiscopale biterroise était bien présente dans le secteur, à date haute. À proximité du vieux captage qui alimentait la capitale, Gabian tout entier appartenait à son domaine et il en était de même, 5 km plus au Sud, de l’église Saint-Pierre à Abeilhan édifiée sur le sommet d’un coteau dominant la grande villa de l’Étang. Plus curieuse est la possible présence de l’Église lodévoise dès le VIe s. sur ces terres réputées biterroises. Au lendemain de l’intégration de la Septimanie au royaume franc, des diplômes impériaux confirment à l’évêque de Lodève des biens situés immédiatement au nord de Roujan dans le secteur de Fontès et de Nizas (C. Lod., n° 5 ; Schneider, Garcia 1998, 97-98). L’enjeu réside sans doute dans la possession de relais le long de la voie de piémont qui conduisait de Béziers et du littoral à Lodève et au delà au Massif central. L’origine de ces biens peut relever des luttes territoriales et de l’opposition entre francs et wisigoths qui se sont déroulées en 532 autour du castrum de Cabrières (Schneider, Garcia 1998, 93-96). La juxtaposition de ces différentes possessions épiscopales - que l’on croit pouvoir restituer à partir de ces épaves documentaires - est peut-être symptomatique de la concurrence qu’ont pu se livrer les Églises locales. Le canon 9 du concile d’Orange de 441 évoque en effet explicitement le cas d’églises construites par un évêque « dans le territoire d’une autre cité que la sienne » (Munier 1963, 80-81). Au delà des simples progrès de la cura animarum, la présence d’un baptistère à Roujan relève peut-être aussi d’une stratégie de contrôle des places secondaires de la cité, autrement dit d’un processus de marquage de l’espace rural aux marges de deux cités antiques. N’attendons pas cependant de ce dossier plus qu’il ne peut apporter. La faiblesse de la documentation archéologique est réelle face à ces questions d’ordre institutionnel. Elle ne doit pas toutefois nous faire renoncer à bâtir cette géographie locale de l’histoire ecclésiastique, comme nous invite à le faire le récent colloque de Toulouse (Guyon 2005, 255). Il est possible en effet de progresser en tentant de replacer les monuments de Roujan dans leur contexte micro-régional, c’est à dire autant que faire se peut en les insérant dans les réseaux du peuplement local. 5.3 Entre Libron et Boyne : les réseaux locaux du peuplement dans le piémont nord biterrois à la fin de l’Antiquité La révision de la carte archéologique et les prospections de vérification effectuées dans le piémont biterrois au début des années 1990 permettent aujourd’hui de disposer d’un corpus important de sites susceptibles d’aider à resituer plus clairement la localité de Roujan dans les réseaux de peuplement qui l’ont portée (Besombes-Vailhé coord., 1989 ; Esperou et al., 1990 à 1994). Dans une zone d’environ 34 km² entre Libron au Sud et Boyne au Nord, on dispose aujourd’hui d’un corpus d’une cinquantaine d’établissements dont les vestiges sont dispersés en surface sur une superficie de plus de 0,5 ha, c’est à dire d’établissement majeurs dont la durée d’occupation est déjà pluriséculaire au seuil du Ve s. En l’absence de fouilles nombreuses, le critère de la taille de ces établissements demeure l’un des plus objectifs pour tenter d’en établir une hiérarchisation préliminaire, comme ont pu le déterminer les récentes expériences conduites en terres lodévoises (Garmy et al., 2005a et b). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 172 172 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER 5.3.1 Les réseaux locaux : approche préliminaire de la hiérarchisation des établissements ruraux à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Roujan - ressort du même type d’interrogation, bien que l’occupation poursuivie jusqu’au cœur du Moyen Âge soit un facteur à prendre en compte dans l’évaluation archéologique de l’assiette occupée. Du reste la répartition de ces trois centres majeurs, agglomérations putatives, laisse voir une certaine ordonnance logique : équidistance moyenne relative de 9 km entre les trois pôles et surtout implantation dans les bassins moyens des principaux cours d’eau de l’espace examiné (La Peyne pour Roujan, La Thongue pour Bétignan, le Libron pour Saint-Nazaire). Les sites de la classe immédiatement inférieure (1,75 à 3 ha) ne sont guère plus nombreux (5 cas). Leur répartition est sensiblement différente cependant et fait ressortir une certaine spécificité du secteur roujanais. Les sites des Embals et de SaintNazaire sont en effet relativement proches de Roujan (moins de 2 km) et implantés sur la même rive de la La figure n° 58 montre la répartition spatiale de ces établissements ordonnés selon 4 classes : de 0,5 à 1 ha, de 1 à 1,75 ha, de 1,75 à 3 ha et au delà. Sans surprise Roujan avec son assiette globale de 7 ha domine le corpus. Cependant la localité n’est pas seule à dépasser le seuil de 3 ha dans cette zone du piémont biterrois. À 6 km au Sud émerge le cas de Bétignan (Abeilhan). Ici, les vestiges sont dispersés sur une superficie maximale de 7 ha et sont plus nettement concentrés sur une assiette de 3,5 ha qui doit correspondre au noyau central de l’établissement. Il n’est dès lors pas exclu que ce centre rural occupé au moins jusqu’au Ve s. corresponde à une agglomération inédite de la cité biterroise et non pas à une grande villa. Le troisième cas, celui de Saint-Nazaire (Magalas) - situé Castrum de Cabrières (532, Hist. Fr. III, 20-22) A. St-Georges de Boussac P. Maidergues F. Les Pradesses Montesquieu. R.A. F. Carlencas N. Trignan F. Le Plos sud N. Lavérune P. Vareilles ROUJAN F. Combe del Veyre II N. St-Jean de Roca V. du Figuier G. Prat Bidal III Peilhan II Peilhan M. St-Martin d’Agel La Plaine Les Embals P. St-Jean M. St-Jean M. Octavian P. St-Martin M. Les Affaniès P. St-Jean de Bébian St-Nazaire Bosoul A. La Prade M. La Perrière M. Le Pendut III P. St-Pierre P. Jurières b. S.G. St-Celse A. La Mathe P. Mirabel P. Las Grangettos P. La Roustanienque A. St-Jean P. Lauribelle A. Camp Nègre P. St-Martin de Chichery Ab. St-Jean M. ST-Nazaire/Granios P. La Prade P. La Condoumine A. Le Clap Lico-Castel A. L’Etang P. La Perrière PISCINAE ? P. Les Rodettes P. Peyre Segade Ab. Bétignan P. L’Amandier T. La Crouste ouest E. La Croix du Py T. St-Jean de Buade E. Cap de l’Homme S. Ste-Rose T. Les Demoiselles Ouest N. St-Alban V. Les Combes S. St-Adrien BEZIERS (6 km) CESSERO Fig. 58 : Les établissements ruraux entre Boyne et Libron aux Ve-VIe s. (L. Schneider). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 173 173 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… Peyne. Les autres cas répondent à des situations différentes. L’établissement de l’Étang à Abeilhan reste proche de Bétignan (à 3 km en rive gauche de la Thongue) mais son implantation en bordure d’un plan d’eau entre Lène et Thongue répond à une autre logique. La situation est du reste identique pour la Croix du Py, situé grossièrement à mi-distance de Bétignan (6 km) et Saint-Nazaire (5 km), à l’interfluve Libron/Lène. Reste le cas isolé des Pradesses à Fontès dans la moyenne vallée de Boyne qui paraît désigner une situation intermédiaire entre les deux classes d’établissements. Rien n’exclut là encore que l’on ait affaire à une petite agglomération plutôt qu’à une villa. L’établissement des Pradesses est distant de près de 10 km de Roujan et peut répondre à une nouvelle tête de réseau déployé autour de la Boyne. Les sites de la classe 3 (entre 1 et 1,75 ha) sont plus nombreux (13 cas). Marbres, mosaiques, enduits, tubulures - mais parfois aussi statues comme à La Vérune (Neffiès) - sont des marqueurs de confort habituellement associés à l’existence d’une pars urbana, interprétation qui fonde par ricochet la reconnaissance de villae authentiques. Le corpus est ici nettement plus hétérogène. Alors que les sites de classe 1 et 2 comportaient tous des occupations de l’Antiquité tardive, à l’exception du site des Demoiselles à Tourbes pour lequel la présence d’ateliers de potiers gonfle artificiellement l’assiette de l’habitat proprement dit, ceux de la classe 3 intègrent désormais des établissements abandonnés avant le IVe s. et d’autres pour lesquels l’occupation tardive est mal documentée ou incertaine (réduction de l’assiette des vestiges, faiblesse de l’échantillonnage des céramiques, réoccupations ponctuelles dont la nature exacte échappe à l’enquête du fait de l’absence de fouille…). L’inégalité de la documentation et ses incertitudes pose donc plus clairement le problème de l’état réel de ces localités à un instant T lorsque qu’on veut tenter d’aborder pour euxmêmes les réseaux d’habitat de l’Antiquité tardive. Du point de vue de l’organisation spatiale on peut néanmoins relever trois tendances principales : - 1. la distance entre les établissements de rang 3 encore clairement occupés au Ve s. n’est jamais inférieure à 5 km ; - 2. la répartition de ces établissements accentue l’effet de polarisation déjà constaté autour de Roujan ; - 3. elle renforce également la densité de l’occupation du piémont, notamment au nord de Béziers dans les bassins moyens du Libron, de la Lène et de la Peyne. Désormais, l’opposition devient manifeste entre ce secteur et ceux de la vallée de l’Hérault. La voie de piémont reliant Béziers au Lodévois dessine d’ailleurs une ligne de clivage assez nette entre ces différents réseaux locaux du peuplement. La distribution des établissements de rang 4 (entre 0,5 et 1 ha) ne fait d’ailleurs qu’accentuer ces observations. Émerge alors une organisation territoriale inégale : une zone de peuplement dense et complexe qui concentre des établissements à occupation stable appartenant aux quatre rangs dans les bassins moyens du Libron, de la Lène et de la Thongue, zone à la périphérie de laquelle se démarque plus au nord le secteur de Roujan où semble s’organiser un nouveau réseau local. Ces deux secteurs s’opposent dès lors à la partie basse des bassins qui s’ouvrent sur la vallée de l’Hérault, où la trame des établissements devient plus clairsemée, moins stable et suggère des réseaux nettement moins hiérarchisés, notamment entre Boyne et Dourbie au contact du Lodévois. Il sera nécessaire toutefois de confronter ces premières remarques à de nouvelles analyses qui intègrent les progrès méthodologiques et technologiques des systèmes de modélisation en archéologie du peuplement, notamment celui « du système de ville » (Garmy et al. 2005b ; Nuninger et al. 2006). Pour l’heure, elles doivent permettre d’inscrire le dossier de la christianisation en biterrois - ouvert avec le cas de Roujan - dans une perspective qui ne se satisfait plus d’un simple inventaire du mobilier liturgique ou d’une liste des « plus vieux lieux de culte » établie par méthode régressive à partir des textes du Moyen Âge, ou plus simplement encore à partir d’une chronologie fondée sur le seul examen des vocables. Sur la figure 59 nous avons donc replacé l’ensemble des indices archéologiques et historiques qui concernent la christianisation en relation avec le tissu de l’habitat rural du piémont nord-biterrois, afin de tenter de cerner la position de Roujan d’abord au niveau local, puis au niveau micro-régional selon le jeu d’échelle adopté dans cette contribution. 5.3.2 Églises et établissements ruraux dans le piémont nord du biterrois Roujan, on vient de le voir, a pu constituer la tête d’un réseau local d’habitat. Au moins trois établissements de rang 2 et 3, c’est-à-dire de possibles villae, existaient dans son proche périmètre, à 3 km pour le plus lointain (La Vérune) mais à seulement 1,5 km pour le plus proche (Saint-Nazaire). On doit remarquer que le plus éloigné, bien qu’occupé jusqu’aux Ve-VIe s., n’a livré aucun indice de l’existence d’un sanctuaire chrétien ni par l’archéologie, ni par les textes, ni par un hagiotoponyme. On connaît en revanche la qualité de cet établissement où l’on a découvert des éléments de statues, notamment une tête de personnage imitant le portrait impérial d’Hadrien. Une inscription révèle aussi la présence d’une grande famille, les Coelii, également attestée dans un autre domaine de la vallée de la Peyne (Camp-Nègre à Alignan) situé à 5 km au sudouest de Roujan (Terrer et al. 1999 ; Mauné 1998, 297298). Voilà une situation qui, dans ce secteur, commence à nuancer le schéma peut-être trop rigide que l’on assigne au rôle de l’aristocratie dans l’édification d’églises rurales RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 174 174 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Gouvernement relativement coercitif dans la mesure où il paraît contenir les initiatives locales de l’aristocratie sur ses propres domaines, à moins qu’il nous faille encore envisager le problème différemment en soulignant la lenteur de la diffusion des équipements ecclésiaux, sinon la faiblesse de l’encadrement des populations rurales au cours des Ve-VIe s. ? Face à ces questions d’ordre institutionnel, la prudence reste évidemment de rigueur. Last but not least, le troisième établissement de rang 2 situé à proximité de Roujan témoigne de cette complexité du paysage chrétien par rapport à l’espace rural et aux réseaux d’habitat. Ici, le site antique conserve sur sa lisière orientale un sanctuaire en élévation (fig. 60) dont le périmètre est associé à un contexte funéraire et à des céramiques du haut Moyen Âge (VIe-VIIIe s.). L’église elle-même, dédiée à Saint-Nazaire comme la cathédrale de la cité, n’apparaît dans la documentation écrite qu’au milieu du XIIe s. et ne semble jamais avoir été associée aux réseaux des grands établissements ecclésiastiques du à partir de la lecture traditionnellement faite du canon 24 du concile d’Agde de 506. Dans ce texte est en effet évoquée une tentative de hiérarchisation entre les églises officielles des cités et les « oratoires » construits par les élites sur leur domaine, d’où la restitution peut-être trop systématique d’une campagne déjà couverte et homogénéisée par « un blanc manteau d’églises ». Le cas du groupe d’établissements de rang 2 et 3 (Peilhan 1 et 2, Les Embals), établis à moins de 2 km à l’est de Roujan, ressort d’ailleurs du même type d’interrogation. Ici aussi, malgré la taille des établissements et leur forte concentration, aucun indice d’église n’est détectable dans l’assiette même des sites ou dans leur proche périmètre. Cela tend à valider l’hypothèse du caractère officiel de l’équipement du quartier Saint-Jean à Roujan, ou autrement dit à souligner le rôle de l’action épiscopale dans le choix de l’implantation du baptistère au sein d’une agglomération. L’idée d’un gouvernement central des communautés chrétiennes locales mis en œuvre depuis la cité en sort renforcée. Castrum de Cabrières (523, Hist. Fr. III, 20-22) St-Georges (1123) St-Rome ? F. Les Pradesses Ste-Marie (1154) Montesquieu R.A. St-Martin ? MONASTERIUM S. STEPHANI que vocant Trignano (990) St-Jean ? P. Vareilles St-Laurent ? St-Jean in ecclesia pagi nomine Octovianis (fin Xe s. ?) ROUJAN St-Jean ? de Roca St-Jean ? St-Nazaire St-Jean ? M. Les Affaniès St-Jean ? St-Pierre ? St. Martini de Grazano (1088) Lico-Castel St-Martin ? St-Jean ? St-Celse ? St-Nazaire ? St-Nazaire ? L’Etang E. La Croix du Py ecclesiam S. Johannis (990) Villa Nasiniano (V. 848) E. Cap de l’Homme S. Ste-Rose V. La Tour S. St-Adrien BÉZIERS (6 km) CESSERO/St-Thibéry Fig. 59 : Essai de géographie locale de la christianisation dans le piémont biterrois entre Antiquité et Moyen Âge (L. Schneider). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 175 175 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… secteur, monastiques ou épiscopaux. S’agit-il d’une église privée, d’un oratoire dont la genèse remonterait à l’Antiquité tardive mais qui fut dépourvu de ressort fiscal propre au cours du Moyen Âge ? En l’état du dossier la question reste posée. On doit noter cependant que le type d’architecture de l’édifice, composé d’une nef unique (7,45 x 5,45 m hors œuvre) terminée par un chevet rectangulaire plus étroit (3,6 x 4,18 m), voûté en plein cintre et désaxé, renvoie à des plans connus dès la fin de l’Antiquité (Roc de Pampelune) et largement diffusés dans le secteur pendant tout le haut Moyen Âge (Schneider, Paya 1995). Fig. 60 : L’église Saint-Nazaire de Roujan (cl. L. Schneider). Le cas de Saint-Nazaire pose plus précisément la question de la densité des édifices à fonction essentiellement funéraire dans le paysage de l’Antiquité tardive. Sur ce point les données archéologiques locales apportent quelques précisions. À moins de cinq kilomètres de Roujan à SaintÉtienne-de-Trignan (Neffiès), des fouilles anciennes ont mis au jour un ensemble de sarcophages et de tombes diverses qui paraît associé à un bâtiment orienté, établi lui aussi en lisière d’un établissement antique - rang 5, inférieur à 0,5 ha - (Gondard 1966 ; Ginouvez, Schneider 1987 ; Mauné 1998, 407). Une charte de 990 identifie cet ensemble comme un monasterium dépendant de SaintThibéry, lui-même associé à deux églises : Saint-Eusèbe et Sainte-Marie (C. Béz., n° 46, 48). On aurait donc là l’exemple d’un oratoire funéraire situé à la périphérie d’un modeste habitat antique qui finit par échoir à une communauté monastique durant le haut Moyen Âge. Un exemple sensiblement comparable est donné 8 km au nord-est de Roujan par l’établissement de rang 2 dit des Pradesses à Fontès. Là encore, des fouilles partielles réalisées dans les années 1960 ont mis au jour un groupe de sept sarcophages au sein du vaste établissement antique. La qualité de la documentation ne permet pas de les associer clairement à un édifice particulier mais l’on sait néanmoins qu’une église dédiée à saint Martin, possession des moines d’Aniane, existait dans le secteur au XIIe s. Différentes alternatives existent quant à la localisation précise de cette dernière, soit sur le site même des Pradesses comme l’affirme l’érudition locale du XIXe s. et comme le contexte funéraire découvert dans les années 1960 paraît le confirmer, soit à 1,5 km au Sud-Est où se trouve un tènement Saint-Martin et où l’on a mis au jour des tombes du haut Moyen Âge (Mauné 1998, 359). Du reste, les deux hypothèses ne s’excluent pas. La récession et l’effacement de l’établissement des Pradesses après le VIe s., comme l’arrivée des moines de Saint-Benoit d’Aniane au plus tôt au seuil du IXe s., ont pu être des facteurs qui ont conduit au déplacement et au changement de statut d’un oratoire à fonction funéraire. On pourrait presque à loisir multiplier ces dossiers locaux. Entre Saint-Étienne de Trignan et Saint-Martin de Seilhès/Célessou se trouve également le cas de SainteMarie de Carlencas, édifiée là encore en lisière d’un site antique. Le contexte funéraire n’est suggéré que par la présence d’ossements épars, mais comme à Saint-Nazaire, un lot de céramiques antérieures au IXe s. évoque une origine possible dans l’Antiquité tardive. Dans le corpus micro-régional des établissements antiques du piémont biterrois que nous avons pu dresser, établissements de tous rangs qui furent occupés au moins jusqu’aux Ve-VIe s., près de 68 % des quarante cas inventoriés ont ainsi porté à un moment donné de leur histoire une église dans leur proche périmètre ou au sein même de l’assiette occupée. Il faut par conséquent accepter les limites de la documentation et se contenter pour l’heure de présomptions d’indices, en construisant ces inventaires préliminaires qui manquent pour tenter d’aborder l’espace rural dans toute sa complexité. On insistera en revanche sur la prégnance de ces sanctuaires funéraires agrégés à des centres domaniaux dans le paysage des Ve-VIIe s. Hormis un édifice à fonction probablement funéraire, les grands centres domaniaux situés dans le proche voisinage de Roujan ne semblent donc pas avoir comporté de lieux de culte, ce qui renforce le statut de tête de réseau de l’agglomération et témoigne peut-être aussi de la vigueur de l’action épiscopale dans ce secteur. Le modèle que l’on croit pouvoir restituer à Roujan peut dès lors être confronté à ce qui s’est passé dans le reste du piémont nord biterrois, notamment entre Libron et Peyne. Ici l’apparition des premières églises dans leur rapport aux réseaux d’habitat répond à trois grands scénarios : - 1. dans le premier cas de figure, le souvenir d’une église n’est évoqué que par l’intermédiaire d’un hagiotoponyme associé au tènement qui porte les vestiges d’un établissement tardo-antique de rang 1 à 4, indice toponymique parfois RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 176 20/11/07 10:21 Page 176 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER corrélé à un texte médiéval ou à une tradition érudite qui attestent à un moment donné de l’existence d’une église. La pauvreté de la documentation s’ajoute ici à l’impossibilité d’établir une chronologie et n’autorise finalement qu’une cartographie d’attente même si, ça et là, le hasard des découvertes de sarcophages permet parfois d’identifier une fonction funéraire ancienne dans l’assiette même des sites ou à leurs proches abords ; - 2. le deuxième cas de figure renvoie plus clairement à un schéma topographique homogène. Ici l’église n’est pas implantée au cœur ou à proximité immédiate de l’établissement tardo-antique mais à une distance qui peut aller jusqu’à 1 km. C’est une situation que l’on retrouve au moins trois fois au sein des six établissements majeurs du piémont (rang 1 et 2, Roujan excepté). À Bétignan, l’église Saint-André est établie en vis à vis du pôle antique sur un coteau voisin. Dans le même secteur, celle de Saint-Pierre d’Abeilhan, connue par les textes dès les VIIe-VIIIe s., est perchée sur le sommet d’un coteau et domine la villa de l’Étang située en contrebas. Dans le bassin du Libron enfin, l’église Notre-Dame-des-Pins est implantée à près de 1 km de l’établissement de la Croix du Py, autre grande villa possible. Le phénomène évoque le cas du sanctuaire paléochrétien de Saint-Cécile à Loupian dans ses rapports avec la villa des Prés-Bas située à 800 m, deux sites qui ont heureusement bénéficié de fouilles récentes (Pellecuer, Schneider 2005). L’ampleur du sanctuaire ainsi que la présence d’un baptistère et d’annexes liées au culte évoquent une église de statut public mais la distance qui la sépare du centre domanial fait hésiter sur l’homogénéité de la population qu’elle est censée desservir, comme sur les promoteurs qui sont à l’origine de sa construction. Grand laïc soucieux d’ajouter aux dominations sociales et économiques qu’il exerce sur les populations de son domaine le pouvoir nouveau d’un encadrement spirituel ou, au contraire, pasteur d’une Église locale introduisant aux marges du domaine l’équipement nécessaire à ces nouvelles luttes d’influence ? Est-il possible de trancher en l’absence de dossier épigraphique ? Le cas de Saint-Pierre/L’Estang à Abeilhan, sanctuaire tenu par l’Église de Béziers aux VIIe-VIIIe s., pourrait néanmoins servir à défendre le second scénario. On insistera également sur le rôle de pivot joué dans le temps long par ce type d’édifice dans l’organisation de la vie des campagnes, notamment parce qu’ils ont pu coaguler un habitat à leur abords durant le haut Moyen Âge lorsque les centres domaniaux traditionnels se sont effacés. Au cœur du Moyen Âge, les trois cas évoqués du piémont biterrois avaient d’ailleurs des fonctions paroissiales et dans un cas au moins (Notre-Dame-des-Pins à Espondeilhan) la fixité du centre paroissial n’a pas été remise en cause par le mouvement d’incastellamento durant le Moyen Âge central ; -3. le troisième cas de figure, beaucoup plus rare (ou moins documenté), fait apparaître, à date haute, des églises dans des terroirs éloignés des grands établissements tardo-antiques (plus de 1 km). C’est le cas par exemple de l’église Saint-Saturnin à Servian, dont l’emplacement est révélé par des découvertes anciennes de sarcophages, de fragments de béton de tuileau, d’ossements et de céramique de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge. Cette église isolée de la rive droite de la Thongue est à près de 2 km de Bétignan (villa ou agglomération), qui plus est située en rive gauche. Faut-il l’associer au démembrement d’un ancien territoire domanial, à une tête de pont organisant la colonisation de nouveaux espaces agraires ? Là encore, les réponses sont multiples et font entrevoir toute la diversité des dynamiques en jeu. Au total le tableau que nous avons tenté de dresser du piémont nord biterrois au cours des V-VII/VIIIe s. paraît faire ressortir la spécificité de la situation roujanaise. Ici de gros établissements, sans doute des villae, se distribuent en hémicycle dans le proche voisinage de l’agglomération, soit dans un rayon maximum de 2 à 2,5 km. Le critère de la distribution spatiale suggère l’existence de liens de dépendances avec un habitat groupé occupant un rang supérieur dans le territoire de la cité tardive mais n’exclut pas des rapports économiques de complémentarité et de partage dans la mise en valeur de l’espace considéré. Le cas de Roujan montre en définitive, au delà d’une opposition duale trop rigide, la complexité des relations de voisinage entre agglomération et exploitation domaniale dans une cité que l’on avait peut-être trop vite associée au règne de la villa. L’impact de la christianisation permet d’envisager d’autres fonctions (religieuses et administratives) dans ces relations de voisinage. Là encore les relations spatiales peuvent constituer un critère de classement. Elles nous ont fait remarquer la faiblesse, sinon l’inexistence, d’un équipement ecclésial dans les grands établissements domaniaux situés dans un rayon qui atteint largement 3 km autour de Roujan, ce qui ajoute au statut de la place qui comptait pour sa part une ou deux églises en sus de son baptistère. Le changement d’échelle que constitue l’évaluation de la position de la localité entre Libron et Hérault à la fin de l’Antiquité fait apparaître un « effet piémont » où se concentrent de très gros établissements (près de dix établissements dépassent 1,75 ha), des centres domaniaux pour la plupart mais peut-être aussi d’autres agglomérations jusqu’alors insoupçonnées, comme Bétignan à Abeilhan et Saint-Nazaire à Magalas, voire aux Pradesses à Fontès. La cartographie que nous avons proposée suggère une organisation territoriale axée dans les bassins moyens des cours d’eau, chaque réseau se déployant de part et d’autre des rives. Cependant cette carte, par son biais statique, ne doit pas masquer les dynamiques de long terme qui RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 177 177 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… procèdent d’héritages différenciés du fait d’un substrat d’occupation inégal dans chacun de ses bassins. Aussi les proximités observées entre établissements domaniaux et agglomération à Roujan, qui peuvent traduire une hiérarchie de peuplement favorable à cette agglomération, ne se déclinent plus avec la même aisance dans l’ensemble du piémont biterrois. Le déclassement rapide de l’agglomération protohistorique de Monfau à Magalas durant le haut Empire en constitue la meilleure illustration. Les symptômes que l’on croit pouvoir détecter des progrès de la cura animarum y sont aussi beaucoup plus diversifiés. Les premières églises ne sont que rarement implantées au sein même des plus gros établissements (rang 1 et 2) mais situées plus volontiers dans un voisinage qui atteint 0,3 à 1 km, selon le modèle que fournit le cas de Loupian sur le littoral. Cette remarque interroge finalement sur les fonctions primitives, funéraires plutôt que « paroissiales », des églises implantées dans les établissements tardo-antiques encore actifs. C’est à ce schéma que renvoie le dossier de la transformation du temple septentrional de Roujan en possible memoria et c’est l’évocation du souvenir du personnage honoré durant le haut Moyen Âge qu’il nous faut maintenant tenter de débrouiller. 6. VERS LE MOYEN ÂGE : LES SOUVENIRS DU CHRISTIANISME PRIMITIF 6.1 Autour du souvenir de saint Majan : un fil rouge ? Roujan n’apparaît dans les textes qu’à la fin du IXe s. à la faveur de circonstances très particulières. Celles-ci méritent d’être exposées parce qu’elles peuvent être analysées comme un témoignage indirect d’une certaine conscience de l’Antiquité des lieux, à un moment où le paysage bâti se transforme tandis que les populations locales sont confrontées à de nouvelles tensions économiques et sociales. Par son plan radioconcentrique, Roujan se rattache sans difficulté au mouvement qui, un peu partout en biterrois, a vu se constituer entre les XIe et XIIIe s. des villages auprès des nouvelles forteresses, tels dans la région proche Abeilhan, Alignan, Caux ou Servian pour ne citer que les exemples les plus remarquables (Bourin 1987). Ici le village médiéval, abrité derrière une enceinte, s’est développé à quelque 300 m au sud-ouest du groupe cultuel antique et paléochrétien. En rebord de coteau, il profite d’une implantation dominante dans le paysage et sans doute aussi du contrôle d’un axe de communication grossièrement orienté Nord-Sud qui permettait de rejoindre la voie domitienne par Alignan et Saint-Thibery. Roujan entre donc dans l’histoire vers 893, du moins si l’on en croit le récit de la translation des reliques et des miracles de saint Majan (H.G.L. 1872-1879, V, n° 2, col. 5-8 d’après BN, ms. Lat. 12699). La translatio raconte que deux moines du monastère biterrois de Colognac s’étaient rendus en Gascogne auprès du tombeau de Majanus, dont ils s’emparèrent du corps afin de le rapporter auprès de leur monastère. L’accueil de ces reliques fut tel que le nom du saint se propagea dans tout le biterrois et que le monastère changea finalement de nom en son honneur pour s’appeler Vallemagnae. Cependant selon ce récit toujours, la popularité de Majan devint si grande que d’autres établissements revendiquèrent le saint. Ainsi en était-il des moines de Saint-Thibéry mais aussi de la population du château de Roujan qui considérait quant à elle que les reliques provenaient en fait de leur propre localité : « Ad cujus praesidium innumerus fiebat concursus populorum, non solum ex vicinis confinibus urbium, sed etiam ex ultimis partibus Galliarum : in tantum ut sacrum satis et pulchrum basilicae construeretur aedificium, ubi reconditum ejus corpus sacratissimus usque hodie ab omnibus veneratur in unum, licet Royani, a quodam castro Biterrensis dioecesis sic dicti, falso se habere asserant dictum corpus, quorum insania atque falsitas per hoc veraciter reprobari potest, cum ante dicti sancti adventum Cognense monasterium diceretur, nunc autem monasterium Vallismagnae, post villae Majani ab omnibus nominetur » (H.G.L. 18721879, V, n° 2). Patrick-J. Geary a montré que ce texte était un faux correspondant à une composition de l’aube du XI e s., produite par les moines de Villemagne afin d’ancrer le vol des reliques dans des temps anciens, quasi-mythiques, pour faire taire à la fois les revendications du castrum de Roujan et celles des moines de Saint-Thibéry, qui prétendaient de leur côté posséder le corps en vertu d’une donation par le comte d’Aquitaine de l’oratoire de Lombez où reposait Maianus (Geary 1993, 123). Aux arguments déjà évoqués qui plaident en faveur d’un faux, on ajoutera l’invraisemblance de la référence à un castrum pour désigner, dès la fin du IXe s., le village de Roujan. Outre que la première mention certaine du castellum de Royano n’est pas antérieure au milieu du XIe s. (H.G.L. 1840-1993, t. 3, n° 167), la topographie du site renvoie plus volontiers à une forteresse commune aux XIe-XIIe s. qu’à ces vastes éperons rocheux qui abritent encore les fortifications du haut Moyen Âge dans la tradition tardo-antique (Schneider 2003). Patrick J. Geary (1978-1993) a révélé comment, à la fin du Xe s., ce saint était déjà populaire en biterrois et comment les moines de Saint-Thibéry se sont appuyés sur lui dans le conflit qui les opposait au vicomte Guilhem de Béziers, qui s’était semble-t-il emparé d’une grande partie du domaine des religieux. Une guérison miraculeuse de l’un des proches du vicomte, mis publiquement en contact avec la sainte relique, fut peut-être à l’origine de la restitution qu’il opéra en 990 en faveur de Saint-Thibéry, avant de partir en pèlerinage à Rome (H.G.L. 1872-1879, V, n° 149). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 178 20/11/07 10:21 Page 178 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER Dans le courant du Xe s., le culte de Maianus n’était semble-t-il pas encore localisé à Villemagne mais plutôt autour du monastère de Saint-Thibéry et de Roujan comme le laisse entendre indirectement le récit de translation. La première mention qui associe le patronage de saint Majan à la titulature du monastère Saint-Martin de Villemagne n’est pas antérieure à 1005 (Alzieu 1986). En revanche, en 990, le vicomte Guilhem (C. Béz., n° 49) offre à Saint-Pierre de la cité d’Agde un manse dans la villa Majanus, villa que le dictionnaire topographique de l’Hérault (Hamlin 1983, 220) place au voisinage de SaintThibéry à Florensac, domaine de Saint-Apolis ou se trouverait également une église Sancti Yppoliti de Majano mentionnée en 1173 (C.C. d’Agde n° 351). En revanche, peu d’auteurs se sont attachés à commenter les liens tissés entre Majan et Roujan. Pourtant le récit de la translation en dit long sur l’état de crispation et la polémique entre les moines de Valmagne et les habitants du castrum de Roujan car le rédacteur précise qu’une fois la construction de la « belle basilique » achevée pour accueillir le corps du saint à Villemagne, tous venaient le vénérer en ce lieu « à l’exception des Roujanais » (H.G.L. 1872-1879, V, n° 2, col. 7). C’est dire qu’au début du XIe s. le souvenir d’une origine roujanaise des reliques de saint Majan était encore vivace et que la population locale ne désarmait pas dans ses revendications. Certes, on ne peut établir aucun lien formel entre cette tradition et les vestiges paléochrétiens identifiés par l’archéologie au quartier Saint-Jean, mais la présence d’un ou de deux lieux de culte d’architecture ancienne à cet endroit pouvait servir les intérêts roujanais, dans la mesure où ils inscrivaient l’histoire du christianisme local dans des temps immémoriaux dont le paysage bâti portait encore les traces. S’il ne nous est pas permis de préciser dans quel état exact se trouvaient les bâtiments tardo antiques au cours des Xe et XIe s., on retiendra que les lieux accueillaient encore quelques sépultures vers l’an mil. Cependant l’examen d’autres chartes locales permet encore de progresser dans ce dossier complexe. 6.2 Une église dédiée à Saint-Majan à Roujan Il nous faut maintenant assembler différentes pièces de ce puzzle pour avancer dans l’interprétation. 6.2.1 Premier acte : la présence des moines de Saint-Thibéry à proximité de Roujan On vient de le voir, le récit de la translation des reliques de saint Majan suggère un certain rapprochement avec les moines de Saint-Thibéry, monastère constitué dans la vieille agglomération protohistorique et antique de Cessero autour de la tombe d’un martyr local (Schneider 2001b ; Durand 2004). L’établissement, réformé par Benoit d’Aniane à la fin du VIIIe s., bénéficie en fait d’implantations anciennes dans la vallée de la Peyne. On a déjà évoqué le cas du monastère de Saint-Étienne-deTrignan, implanté autour d’un édifice funéraire de l’Antiquité tardive à 4 km environ au nord de Roujan. Celui-ci faisait partie de son domaine avant 990. On peut encore signaler la possession de fiscs et de biens divers vers Fontès, ce qui renforce son implantation (Schneider 2001b, 110-112). Cependant l’on doit surtout insister sur la notice d’un plaid tenu à Narbonne en 870 (HGL, II, c. 355) en présence du marquis Bernard, missus du roi Charles, au cours duquel l’abbé Bonesinde du monastère de Saint-Thibéry (que l’on nomme aussi Cesarion) retrouve la jouissance d’un fisc dénommé Homegianus. Comme celui-ci est placé en territoire biterrois dans le suburbium de Cabrières, on doit pouvoir le localiser approximativement non loin de Cabrières, vers Fontès ou Neffiès, localités situées elles-mêmes dans la vicaria de Cabrières en 990 où l’on sait que Saint-Thibéry était alors implanté. En absence d’original, on doit surtout s’interroger sur la transcription du nom du fisc « homegianus », qui pourrait ressortir d’une mauvaise lecture et/ou d’une mauvaise copie d’un « Maianus ». Restons en là cependant à ce stade du discours. 6.2.2 Deuxième acte : identification d’une église Saint-Majan dans la villa Pleuvigos Une copie partielle du cartulaire perdu du prieuré de Cassan fondé vers 1080, 2 km au nord-ouest de Roujan, permet de placer une nouvelle pièce sur ce puzzle. En 1139, Sibille et son époux Isarn de Corneilhan, associés à leur fils, vendent un manse localisé dans une villa nommée Plivigium qui confronte le manse et le solarium - bâtiment à étage - de l’église Saint-Majan (C. Cassan, ms 519, acte n° 34, f° 55-58). Comme, dans le même acte, des pièces de terres vendues sont localisées dans le terminium de SaintLaurent de Roujan et qu’il est question des rives de la Peyne, on peut en conclure sans grand risque d’erreur que cette église et que cette villa ne devaient guère être éloignées de Roujan. La juxtaposition de deux manses et surtout la mention d’un solarium associé à l’église Saint-Majan désignent aussi un noyau monumental respectable dans le paysage local du XIIe s. Une autre pièce extraite du cartulaire de Cassan fait état, en 1108, de la vente du manse de Plivegio et signale d’ailleurs l’existence d’un autre solarium cette fois-ci accolé à l’église Saint-Laurent de Roujan (C. Cassan, ms 519, acte n° 32, f° 53-54). 6.2.3 Troisième acte : localisation de la villa Plivigium Les pièces du cartulaire de Cassan sont précieuses à plus d’un titre. Elles attestent formellement la présence d’une église dédiée à Saint-Majan à proximité de Roujan mais permettent surtout de remettre en contexte deux chartes du cartulaire d’Aniane que l’on ne savait comprendre RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 179 179 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… du fait de l’absence d’identification des toponymes évoqués. Voilà des pièces qui nous font revenir à la fin du Xe s., au moment où les moines de Villemagne ont pu forger leur récit de translation des reliques de saint Majan. Voilà aussi des pièces qui après Saint-Thibéry et Villemagne font intervenir un troisième établissement monastique dans le secteur de Roujan. Vers 987-988, un homme nommé Aldo Baroncello donne en effet à Saint-Sauveur d’Aniane une église située dans le comté de Béziers dans la vicaria Kadiniase, dans la villa Plevigos mais sans en préciser la dédicace, ce qui est pour le moins curieux (C. An., n° 240, 367). Il associe à cette donation tout ce qu’il possède dans les limites de cette villa ainsi qu’un champ à Redario et Mediliano. Or nous avons vu que Mediliano est un nom porté aujourd’hui encore par un tènement où s’étendait l’agglomération antique de Roujan, le quartier de Médéyo prolongeant au nord le quartier Saint-Jean. Cela nous assure désormais que cette villa s’étendait bien dans la périphérie nordoccidentale de Roujan. Une seconde charte du cartulaire, datée vers 1000 (C. An., n° 252, 377), correspond à une nouvelle donation du même personnage de l’ensemble de son alleu situé une nouvelle fois dans le comté de Béziers, dans la vicaria Chatunianense, dans la villa Plevegius et dans ses terminia. L’alleu en question n’est pas décrit, l’église n’est plus citée mais l’origine de la possession est en revanche précisée. Aldo le « petit baron » tenait ces biens d’un seigneur nommé Trustrando. La donation qu’il en fait est adressée à Dieu, au locus fondé en l’honneur de SaintSauveur, Sainte-Marie (d’Aniane) « (…) et aliorum sanctorum », et aux habitants qui en desservent les reliques. La formule plutôt inhabituelle prend peut-être du sens dans le contexte de crispation qui se nouait autour de l’affaire de la translation des reliques de Saint-Majan. Ces chartes ne suffisent certes pas à restituer un épisode complet de l’histoire mais témoignent en tout cas de la percée d’Aniane dans le secteur de Roujan durant les dernières décennies du Xe s., et d’une concurrence monastique qui dépassait le conflit entre Villemagne et Saint-Thibéry. Depuis le début du IXe s., Aniane disposait déjà de villae entières dans le secteur, à Nizas notamment et l’on a vu que ses moines tenaient aussi des églises autour du grand établissement tardo-antique des Pradesses et sur la lisière de Carlencas à Fontès. La donation de l’église Saint-Majan de la villa Plevigos à ce grand établissement au passé prestigieux mais en réforme dans le dernier tiers du Xe s. (Schneider 1996, 2006), constitue indéniablement un acte fort même si l’on ne sait en évaluer la portée réelle. Peut-on d’ailleurs espérer plus d’un dossier aussi fragmentaire, dont les rares pièces utilisables ne peuvent être assemblées qu’avec difficulté ? 6.3 Délocalisation du sacré. De Saint-Majan et Saint-Jean au prieuré canonial de Cassan, un dénouement possible Résumons-nous. Le récit de la translation de saint Majan, par une allusion furtive à Roujan, nous a conduit à identifier une église dédiée à saint Majan, personnage probablement d’origine locale, mort avant les décennies qui encadrent l’an Mil, c’est à dire au moment où s’ouvrent de fortes concurrences monastiques dans la dispute de ses reliques. Cette église est associée dans les années 980 à une villa nommée Plevegios dont on a la certitude qu’elle s’étendait jusqu’aux abords du quartier Saint-Jean sans exclure qu’elle ait pu l’intégrer. À la fin du premier tiers du XIIe s., au moment où le castrum de Roujan est déjà bien constitué, le souvenir de cette villa ne s’est pas effacé. Elle demeure toujours un cadre de référence qui intègre différents terminia. L’église elle-même est non seulement en élévation mais des manses se coagulent à ses abords et il se trouve encore un solarium à son contact comme il en existait un autre auprès de Saint-Laurent, la paroisse du castrum. C’est dire qu’il s’agit là d’un noyau de peuplement structuré. Le culte local de saint Majan est d’ailleurs à cette époque encore assez vivace car une relique du saint est encastrée dans l’autel de saint Michel et saint Augustin de Cassan lors de la consécration de l’église prieurale le 6 octobre 1115 (H.G.L. 1840-1993, t. 4, n° 31, 364). D’autre part, le souvenir d’une église Saint-Majan est marqué à Roujan par l’existence d’une chapelle placée sous ce vocable dans l’église paroissiale Saint-Laurent (Fabre 1874, 81). En 1636, l’évêque Clément de Bonsi signale dans le procès verbal de sa visite à Roujan l’existence d’un « autel saint Majan au costé Eppitre ». Celui-ci devra être « pourvu de linge et autres ornements » et l’on y « exposera ses reliques » (un « os du bras et de la machoire ») lorsque sera « célébrée messe le jour et la fête du dict sainct » (Alzieu 1986, 135). En outre, il existe aujourd’hui encore à Roujan un calvaire dédié à Saint-Majan (la croix de Saint-Majan). Situé à près de 2 km du quartier SaintJean, à proximité d’une source minérale qui constituait un point d’attraction notable dans ce secteur, il remploie dans son socle deux blocs antiques ornés de triglyphes et de métopes, dont la provenance est incertaine (fig. 61). Fautil y voir les vestiges d’un mausolée de bord de voie implanté à proximité de la source et d’un gué sur la Peyne ou considérer qu’il s’agit de blocs provenant des anciens temples du quartier Saint-Jean ? On ne connaît pas la date d’édification de ce calvaire. D’après A. Crouzat (Crouzat 1859, 101), les processions à la Croix de Saint-Majan avaient cessé peu avant 1859, mais le calvaire ne figure pas sur le cadastre de 1833. Le monument actuel qui remploie les blocs antiques a peut-être été édifié vers 1874 (lorsque l’on réalisa des fouilles sur le hameau présumé de Saint-Majan ?), en remplaçant un aménagement RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 180 20/11/07 10:21 Page 180 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER plus ancien. La localisation de l’église Saint-Majan doitelle pour autant être placée à proximité de ce calvaire, comme pourrait y inciter aussi l’existence d’un tènement Saint-Majan ? C’est la piste que semble suivre l’érudition du XIXe s. qui signale sans trop de précision que des fouilles réalisées en 1874 auraient mis au jour « des tombeaux construits avec des briques à rebord » (Fabre 1894, 79). Ces vestiges peuvent cependant se rapporter aux petits habitats antiques du proche secteur de Montels tandis que nos prospections sont demeurées vaines à proximité du calvaire. On peut néanmoins construire une hypothèse alternative, sachant désormais l’existence d’une agglomération antique à Roujan et le contexte archéologique précis du quartier Saint-Jean, mais aussi cette curieuse absence de mention médiévale d’une église Saint-Jean alors que la documentation écrite n’est finalement pas si pauvre. Faut-il dès lors évoquer une confusion, un oubli ou un transfert entre Jean et Majan au fil du temps en cédant au risque de la surinterprétation ? Il est vrai néanmoins que le contexte archéologique du temple 1, transformé dès le Ve s. en mausolée ou en memoria, peut aller dans ce sens. L’une des hypothèses d’interprétation identifiant un groupe ecclésial dans ce quartier règlerait aussi le problème de l’identification de la deuxième dédicace. Saint-Jean pourrait évidemment désigner le baptistère et Majan le premier sanctuaire funéraire. C’est par un autre biais cependant que l’on peut construire cette hypothèse alternative. Il nous faut à ce propos revenir sur le nom de cette villa Plevegios et de sa variante Plivigium. Si l’exercice toponymique est particulièrement difficile, notamment lorsqu’il s’agit de le croiser avec des contextes archéologiques, on ne peut ici en faire l’économie. Assez rare en Fig. 61 : Le calvaire de Saint-Majan à Roujan, avec un socle constitué d’un remploi antique (cl. L. Schneider). France romane, Plevegios/Plivigium évoque une formation autour de plebs. Dans l’Hérault, le seul cas s’en rapprochant est celui de la villa Pleuis (Saint-Jean de la Blaquières) en Lodévois, villa associée en 988 à une église qui est la première à être clairement désignée comme une paroisse dans ce diocèse (Pellecuer, Schneider 2005, 114). Il n’est donc pas impossible que le nom de la villa Plevegios/Plivigium désigne une communauté au sens de paroisse, selon l’exemple des Pieve italiennes, et que cette appellation se soit substituée durant le haut Moyen Âge au nom de l’ancienne agglomération antique (Medilianum ?). Si l’on ne peut rien affirmer, l’hypothèse demeure séduisante parce qu’elle intègre d’une part une référence explicite au baptistère du quartier Saint-Jean et permettrait, d’autre part, de replacer plus clairement l’église SaintMajan dans le noyau de l’agglomération antique. L’auteur du dictionnaire toponymique de l’Héraut - qui ignorait l’existence de la copie partielle du cartulaire de Cassan n’est pas parvenu à localiser la villa Plevigios des chartes du cartulaire d’Aniane (Hamlin 1983, 296) mais il a proposé un rapprochement de ces formes avec la mention d’un villare Plenigias issu du fameux bref d’Ansefred qui peut remonter aux VIIe-VIIIe s. (C. Béz., n° 56, 64). Outre que la datation fasse remonter plus haut la perte possible ou le glissement du nom de l’agglomération antique, cette mention apporte un témoignage supplémentaire de l’implantation de l’Église biterroise dans le périmètre de Roujan. Cette présence s’ajoute à la possession, déjà signalée dans le même document, de Gabian en intégralité et peut-être aussi à Peilhan/Piliano (C. Béz., n° 56, 64) où l’on a vu que se concentraient de gros établissements tardo-antiques. Le contexte institutionnel que soulève la présence d’un baptistère, le nouveau nom médiéval si particulier - formé autour du terme latin plebs - que prend avant le Xe s. la villa la plus proche de l’ancienne localité antique, l’ancrage local d’un culte populaire voué à saint Majan et surtout les indices d’une présence ancienne de l’Église biterroise dans la périphérie de Roujan, au moins depuis les VIIeVIIIe s., sont autant d’éléments discriminants qui amènent à s’interroger sur la construction d’une mémoire collective des origines du christianisme local. C’est là sans doute le point focal sur lequel nous voudrions insister. Si aucun lien formel ne peut être établi en toute certitude avec les vestiges découverts au quartier Saint-Jean, il nous a paru utile de tenter de reconstituer ce dossier complexe car éclairé par des sources bien différentes, textuelles et archéologiques. Jusqu’à présent, les archéologues se sont surtout intéressés au statut de l’agglomération antique et au rôle de ses temples bâtis selon un canon classique gréco-romain. Les historiens médiévistes, de leur côté, ont surtout envisagé l’histoire de cette localité par le biais de la fondation du prieuré de Cassan en 1080, dans un vallon RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 181 181 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… situé à 2 km au nord-ouest de Roujan (Sotos 1990). Entre ces deux termes, il faut désormais tenir compte des trajectoires spécifiques de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge qui se nouent toujours autour d’un quartier monumental comportant baptistère et église funéraire. En cherchant à lier entre elles des épaves textuelles, en tentant de les confronter à une nouvelle documentation archéologique, le risque de surinterprétation est constant mais ce serait aussi un piètre argument de paresse que de renoncer à aborder ces questions de culte et de piété à l’échelle d’une localité sans se confronter aux difficultés d’analyse des chaînes de transmission. Aussi voudrionsnous clore ce dossier en envisageant une dernière perspective qui nous conduit au terme de la chronologie envisagée, dans ce XIe s. où émergent le castrum de Roujan et le prieuré de Cassan, tandis que se forge la tradition du vol des reliques de Saint-Majan. La fondation du prieuré de Cassan, mal connue, se heurte à la question de l’origine du groupe de chanoines bénéficiaires de la donation de 1080 qui institue un établissement canonial rural autour d’une église dédiée à Sainte-Marie, à partir d’un fonds patrimonial originellement tenu par le lignage des « Roujan » (Robiano) (Sotos 1990, 21). Serge Sotos a proposé d’expliquer la curieuse présence de ces chanoines gyrovagues en zone rurale par la situation de décadence et d’incurie du chapitre cathédral Saint-Nazaire de Béziers et notamment du relâchement moral de l’épiscopat en la personne de l’évêque Bérenger autour des années 1050-1053. Dans le troisième quart du XIe s., au cœur de la réforme grégorienne, un groupe de chanoines aurait quitté le chapitre cathédral de Béziers où la vie canoniale n’existait plus pour mener ailleurs leur idéal de vie apostolique (Sotos 1990, 27-33). L’hypothèse est à bien des égards séduisante bien qu’elle repose sur une notion de temps court, celui des seules décennies qui précèdent la fondation. Compte tenu du contexte local que l’on connaît mieux aujourd’hui, on peut désormais se demander si une communauté de clercs liée à l’Église de Béziers ne s’était pas constituée dans le haut Moyen Âge autour des vieux édifices chrétiens des quartiers Saint-Jean et Saint-Laurent à Roujan, et plus particulièrement autour des reliques que pouvaient détenir ces églises. On connaît l’existence de telles communautés dans les périphéries urbaines, à Nîmes notamment dès le VIIe s. autour du tombeau de saint Baudile ou, plus proche de Roujan, à Saint-Étiennede-Trignan (Neffiès), où se trouvait un établissement qualifié de monasterium en 990 (C. Béz., 48). La fondation de Cassan pourrait dès lors prendre une nouvelle signification pour relever d’une dynamique plus spécifiquement locale, d’une phase de restructuration qui n’exclut pas des effets de résilience. Elle se place en effet à un moment clef dans la vie de ces terroirs. Celui d’un temps qui consacre l’abandon progressif mais irréversible du quartier Saint-Jean, un lieu où s’étaient manifestées plusieurs siècles durant les piétés locales. Celui d’un temps également marqué par la restructuration de l’habitat autour du nouveau pôle que constitue le château de Roujan, dispositif qui marque un changement de nature des pouvoirs et l’émergence de nouvelles légitimités aristocratiques. Enfin et surtout un temps où se produit une nouvelle hiérarchisation du réseau ecclésial local, les fonctions paroissiales passant désormais à l’église SaintLaurent d’ailleurs cédée dès 1080 à la communauté de Cassan (Sotos 1990, 110). Quoiqu’il en soit, il convient de noter que les chanoines de Cassan ont relayé très vite le culte local de saint Majan. En 1115, lors de la consécration de l’église prieurale, une relique du saint fut encastrée dans l’autel de saint Michel et saint Augustin (H.G.L. 1840-1993, t. 4, n° 31, 364). Le coutumier nous apprend par ailleurs que dans la hiérarchie des fêtes religieuses, celle de Saint-Majan avait droit au duplexe (Sotos 1990, 73) tandis que des unions de prières avec les moines de Villemagne ont été réalisées pour la même fête (Barthès 1988, 86). En abordant le problème de l’organisation ecclésiastique à l’échelle d’une localité, qui plus est dans le temps long, le contre effet est de perdre de vue la dimension humaine du temps et de nombreux éléments de complexité du dossier qui demanderaient de faire des pauses dans la chronologie. Cependant lorsqu’il s’agit d’établir des ponts au dessus des temps de vide documentaire, ou de tenter de rendre connexes des sources hétérogènes et toujours fragmentaires qui ont - de fait - chacune leur propre logique, peut-il en être autrement ? L’originalité et la nouveauté des données archéologiques apportées par les fouilles du quartier Saint-Jean nous ont convaincus de la nécessité de reprendre l’ensemble de la documentation disponible pour ouvrir une lecture dynamique de l’histoire de ces terroirs du piémont biterrois jusqu’ici peu étudiés. Le dossier - c’est une évidence - appelle désormais de nouvelles recherches de terrain. L’archéologie de la transition entre Antiquité et haut Moyen Âge n’est guère aisée on le sait. Nous avons fait feu de tout bois pour contextualiser et ouvrir des perspectives autour du dossier introduit par les fouilles du quartier Saint-Jean. Entre données archéologiques et fragments de texte, le souvenir de Saint-Majan - jusqu’au cœur du Moyen Âge - nous a paru fournir un fil rouge pour aider à comprendre une partie des chaînes de transmission et guider l’interprétation d’un passé toujours plus riche et plus complexe qu’on est tenté de l’imaginer. CONCLUSION Une église et un baptistère installés sur d’anciens temples antiques au sein d’une agglomération « secondaire » de l’ancienne narbonnaise. Voilà une situation qui pourrait relever d’un cas d’école tant elle parait en adéquation avec RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 182 20/11/07 10:21 Page 182 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER l’historiographie la plus classique. Derrière cette image se profileraient le rôle de l’action épiscopale et la diffusion de la mission chrétienne aboutissant à la constitution d’un premier réseau de sanctuaires dans les centres les plus peuplés du territoire rural, ces vici dont la mention est presque devenue une figure rhétorique dans les chapitres des manuels qui ont à traiter de la christianisation des campagnes. Pourtant, à y regarder de plus près, les choses ne sont peut-être pas si limpides que cela. Les cas où de telles superpositions de sanctuaires ont été notées, dont la chronologie et l’interprétation soient un minimum étayées, ne sont finalement pas si nombreux. À vrai dire, à l’échelle de l’ancienne Narbonnaise, en l’état actuel des connaissances, Roujan constitue d’ailleurs un cas unique. Faut-il s’en étonner ? Localement, à l’échelle du département de l’Hérault, dans un territoire partagé par les anciennes cités de Nîmes et de Béziers, Roujan fournit le troisième exemple d’un baptistère, et un troisième cas de figure du contexte dans lequel émerge cette composante essentielle de la liturgie communautaire. Le baptistère de Loupian est associé à une vaste église construite en périphérie d’une villa elle-même en phase d’embellissement au début du Ve s. (Pellecuer, Schneider 2005, 101-102). Celui du Roc de Pampelune à Argelliers prend place au plus tôt à la fin du Ve s. au sein d’une église qui domine en bout d’éperon une nouvelle agglomération perchée et fortifiée, un probable castrum (Pellecuer, Schneider 2005, 106-107). Celui de Roujan enfin est implanté au cœur d’un ancien quartier monumental du Ier s. Cette diversité des catégories de centres ruraux, au sein desquels sont construits les baptistères, s’élargit encore d’une diversité des contextes d’implantation. Parmi ces trois cas héraultais, Roujan est en effet le seul baptistère à être édifié dans un environnement funéraire. C’est là sans doute l’un des faits notables de ce dossier. Il nous a dès lors semblé que l’identification de ce contexte était susceptible de modifier sensiblement l’idée d’une trajectoire trop linéaire entre les cultes antiques officiels liés aux temples du Ier s. et un culte chrétien officiel induit par la présence du baptistère. L’effet de résilience qui vient immédiatement à l’esprit est peut-être trompeur. Si l’état d’arasement du site nous prive d’une stratigraphie continue et laisse quasiment orpheline la phase des II-IVe s., le recours à des datations radiocarbone nous assure du développement d’une fonction funéraire au cours du Ve s. dans et autour de l’ancien temple 1, transformé en mausolée ou en memoria puis agrandi avant d’être doté d’une abside. La structure du sanctuaire antique a constamment guidé les aménagements postérieurs ce qui paraît témoigner d’une utilisation continue de l’édifice. Cette continuité d’occupation du bâtiment est liée à une utilisation funéraire primitive dont on ne peut exclure qu’elle soit d’initiative privée. D’un point de vue chronologique, la transformation de ce bâtiment en église ou en oratoire doté d’une abside est postérieure à la construction du baptistère. L’aménagement de ce nouvel équipement, au plus tard dans le courant du premier tiers du VIe s. répond à un tout autre processus. Le choix de son emplacement montre d’abord que l’on a privilégié le sol occupé par le petit temple méridional pour l’établir à une certaine distance de l’édifice funéraire primitif. La construction du baptistère a cependant entraîné l’arasement complet du sanctuaire antique, ce qui relève non seulement d’un programme architectural plus ambitieux mais peut-être aussi d’une réelle volonté de rupture. Si ce nouveau bâtiment a connu lui aussi une utilisation funéraire, celle-ci ne devient généralisée qu’à partir du dernier tiers du VIIe s. À cette date il nous faut dès lors envisager une certaine bipolarisation de la vie religieuse autour de deux édifices distincts, sans doute deux églises. Cette question constamment demeurée en suspens ne peut être tranchée en toute certitude. Si l’état d’arasement des vestiges ne permet pas d’associer de manière probante la pièce baptismale à l’occident d’une hypothétique église, selon un plan que l’on sait être maintenant bien diffusé en Gaule méditerranéenne, on doit néanmoins s’interroger sur la fonction de l’édifice reconstruit au Moyen Âge sur l’emplacement même du baptistère. Ses dimensions suggèrent en effet que l’on puisse l’identifier à cette église Saint-Jean détruite pendant les guerres de religion et dont les pierres auraient servi au début du XVII e s. à l’aménagement de la clôture du cimetière Saint-Laurent. D’un point de vue institutionnel et politique, on ne s’étonnera pas de l’aporie de la documentation archéologique qui laisse grand ouvert le champ des possibles. La faiblesse des équipements ecclésiaux des principaux centres domaniaux établis dans le grand voisinage de Roujan, de même qu’une présence précoce de l’Église biterroise implantée dès les VIIe-VIIIe s. à proximité de Roujan (Gabian et Peilhan) suggèrent l’idée d’un gouvernement central des communautés chrétiennes locales conduit depuis la cité, autrement dit d’une certaine vigueur de l’action épiscopale à qui reviendrait l’initiative de l’équipement roujanais. Faut-il pour autant l’attribuer à un évêque biterrois ? Tête d’un réseau local de peuplement, on doit observer que la localité roujanaise est quasiment à mi-distance entre deux chefs lieux de cité. Béziers au Sud, église ancienne où se tint en 356 l’un des premiers conciles de Narbonnaise première et Lodève au Nord qui comporta un siège épiscopal avant 421. L’émergence de ce dernier siège se produit à un moment où les relations entre les différentes Églises étaient devenues de plus en plus difficiles. Patrocle d’Arles, dans une ambitieuse tentative d’organisation supraprovinciale, n’avait pas craint d’ordonner un évêque dans cette cité au mépris des droits du métropolitain de Narbonne. On a déjà insisté ailleurs sur l’influence qu’a pu jouer l’Église arlésienne autour de la cathédrale Saint-Geniès de Lodève (Garmy et al. 2004, 29). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 183 183 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… La prise du castrum biterrois de Cabrières - situé à une dizaine de kilomètres seulement de Roujan - en 532 par le franc Théodebert, dont l’une des conséquences fut de soustraire un temps le territoire Lodévois et les marges septentrionales du biterrois du royaume wisigoth, constitue un autre événement politique majeur dont la lecture fait s’interroger sur la situation roujanaise. Incertitude des cadres administratifs, lutte d’influence entre les Églises mais aussi divisions politiques et remaniements territoriaux font peut-être mieux ressortir la spécificité de la place roujanaise dont la localisation aux marges de deux cités pouvait permettre de consolider une position politicoreligieuse à l’heure où les cadres administratifs de l’Empire se désagrégeaient (Schneider sous presse). L’émergence de deux nouveaux castra (Cabrières et Montesquieu) dans les massifs montagnards situés immédiatement au nord de Roujan est un autre témoignage de l’accélération des mutations qui s’opèrent. De même, il n’est sans doute pas anodin de noter que la commune de Roujan a été récemment le lieu d’une découverte spectaculaire, un ensemble rare de vingt-cinq monnaies d’or des années 491-519 contenu dans une boite en bronze, soit plusieurs tremissis ostrogothiques, francs, burgondes et wisigothiques ainsi qu’un solidus byzantin du début du règne de Justin (Dhénin, Landes 1994). Eu égard à la faiblesse de la documentation textuelle et à l’éventail des hypothèses possibles, il peut paraître bien dérisoire de vouloir tenter de réinsérer ces nouvelles données archéologiques dans une perspective générale d’histoire politique et institutionnelle. Il nous a semblé néanmoins que la qualité de ce dossier, qui apporte une documentation inédite sur une localité et un territoire presque ignorés de l’historiographie régionale, méritait que l’on commence à ouvrir la discussion. En ce sens, le dossier final rassemblé autour du souvenir de saint Majan apporte un autre éclairage, distinct des faits institutionnels. Derrière les disputes qui font s’affronter différents monastères locaux autour des reliques du saint, émerge en effet avec plus de consistance un autre aspect des ferveurs et des piétés locales. Les revendications roujanaises pouvaient s’appuyer, au seuil du XIe s., non seulement sur une mémoire collective locale, réelle ou reconstruite, mais aussi et surtout sur une tradition autochtone puisant dans la mémoire d’un lieu dont les monuments marquaient encore dans le paysage l’histoire d’un passé inaccessible. Au delà d’une idée simplificatrice qui mettrait peut-être trop vite en correspondance les données archéologiques révélant l’existence d’une tradition funéraire paléochrétienne autour de l’ancien temple 1 et un récit qui suggère l’existence d’un culte roujanais autour d’un saint local, mais qui mélange les temporalités, il nous a paru possible d’avancer une lecture anthropologique. Celle d’un récit et d’une mémoire qui participent bien plus à construire le présent qu’ils ne donnent à voir le passé. Dans l’espace roujanais du XIe s. l’histoire changeait en effet de lieux et d’acteurs. L’enracinement millénaire des piétés manifestées autour des sanctuaires successifs du quartier Saint-Jean cédait le pas à une nouvelle géographie locale du sacré autour de l’émergence d’un prieuré canonial. L’un de ses premiers prieurs, Guiraud, bientôt évêque de Béziers, allait d’ailleurs cristalliser les ferveurs régionales pour être finalement sanctifié à son tour… M.-G. COLIN - Docteur en Histoire et Archéologie, Toulouse, mgcolinfau@aol.com UMR 5608 UTAH L. SCHNEIDER - Chargé de recherche CNRS, Université Aix-Marseille I, UMR 6572 LAMM, Aix-en-Provence, lauschne@club-internet.fr L. VIDAL - Chargé d’opération et de recherche INRAP Méditerranée, UMR 5140 Lattes-Montpellier, laurent.vidal@inrap.fr M. SCHWALLER - Conservateur en chef du patrimoine, SRA LanguedocRoussillon, UMR 5140 Lattes-Montpellier, martine.schwaller@ culture.gouv.fr REMERCIEMENTS Que tous les participant(e)s aux différentes campagnes, qu’il s’agisse des équipes d’encadrement ou des bénévoles, trouvent ici le témoignage de notre vive reconnaissance pour le travail qu’ils ont généreusement fourni. Leurs noms sont ici donnés par ordre alphabétique, en espérant n’oublier personne en dépit des années écoulées : Ph. Affre, F. André, J. Artaux, X. Bailly, A. Balmisa, J. Benoit, N. Bessières, C. Bioul, N. Boudou, O. Boudry, M.-O. Boyer, J.-P. Brulé, J.-Fr. Calmard, Ch. Calmès, Fr. de Cazenove, M.-C. Clerc, M.-G. Colin, St. Colin, S. Cordier, A. Cornejo, G. Couaillac, St. Couaillac, Chr. Courret, Y. Crouzet, M. Crouzilles, Fr. Daudé, M.-P. Debray, R. Debreuil, L. Dejean, S. Delagnes, P. Delon, M. Dodinet, A. Durand, G. Escalon, C. Esson, O. Fages, C. Feybesse, J. Fraisse, D. Garcia, V. Garcia, Fl. Gayraud, N. Gence, P.-Y. Genty, O. Ginouvez, A. Gomez, M. Gomez, R. Guiraud, R. Gourdiole, J. Guerre, M. Hernandez, M. Hopwood, N. Houlès, F. Housset, Th. Jacquet, I. Klein, J. Kotarba, J. Kurka, St. Lancelot, É. Laon, Fl. Larigauderie, Bl. Layet, M. Le Nézet, Chr. Le Noheh, Fr. Lombardi, D. Macia, J.-P. Mailhé, S. Maillé, Y. Manniez, G. Marchand, M. Marco, G. Mareau, Ph. Merichelli, Fl. Meyer, L. Micola, Ch. Mourgues, V. Moutou, A. Moya, A. Olafsdottir, Chr. Olive, M. Olive, Ph. Palau, B. Parret, J.-M. Pène, Fl. Pérez, D. Perier, A. Peyre, A. Pezin, M.-N. Polino, M. Pons, O. Pringiel, V. Raingo-Pelouse, Ph. Raynaud, L. Rémy, S. Réveillon, P. Rouanet, M.-Fr. Rudloff, L. Schneider, A. Schwaller, M. Schwaller, J. Serrano, F. Sitri, K. Sivasoubramanien, S. Soriano, M. Stéphan, L. Tassart, R. Ucheda, C. Vallet, J. Varela, J.-Fr. Vedel, L. Vidal, Cl. Vigouroux, B. Wassler, J.-P. Wiégant, D. Wittmaïer, Ph. Yedra. Nous tenons par ailleurs à remercier M. J.-D. Bergasse, président de la Société Archéologique de Béziers, qui nous a permis de photographier la statue provenant du tènement Saint-Jean à Roujan et désormais conservée au musée de la Société Archéologique de Béziers. Enfin, nous remercions très chaleureusement plusieurs de nos collègues archéologues dont le concours, à des titres divers, a contribué à l’aboutissement de ce travail : J.-P. Besombes-Vailhé et J.-L. Espérou, responsables et animateurs entre 1989 et 1994 du projet « Prospection inventaire Plaine du Biterrois » du S.R.A. LanguedocRoussillon et du C.G. Hérault ; J. Guerre, à qui l’on doit la détermination des céramiques et la réalisation des planches de mobilier ; G. Marchand, qui nous a apportés une aide précieuse en 2000 lors de la réalisation sur le terrain de relevés complémentaires. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 184 20/11/07 10:21 Page 184 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER ANNEXE 1 - DATATIONS 14C D’UN ÉCHANTILLON DE SÉPULTURES * : Une première dizaine d’analyses a été confiée au centre de datation par le radiocarbone de l’Université Claude Bernard Lyon 1 (codes LY-n°), trois autres ont été réalisées par le Laboratoire de physique de l’Université d’Erlangen, Allemagne (codes ERL-n°). RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 185 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… ANNEXE 2 - TABLEAU DE PRÉSENTATION DES SÉPULTURES RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 185 117-194: Maq Garmy 186 20/11/07 10:21 Page 186 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 187 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 187 117-194: Maq Garmy 188 20/11/07 10:21 Page 188 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 189 ROUJAN-MEDILIANUM (?) DE L’ANTIQUITÉ AU MOYEN ÂGE… N.B. : colonne datation 14C, initiales p.m. = probabilités maximales. RAN, 40, 2007, pp. 117-193 COPIE À USAGE PERSONNEL 189 117-194: Maq Garmy 20/11/07 10:21 Page 190 190 Marie-Geneviève COLIN, Laurent SCHNEIDER, Laurent VIDAL avec la participation de Martine SCHWALLER BIBLIOGRAPHIE Sources manuscrites et imprimées C. An. : CASSAN (L.), MEYNIAL (E.) - Cartulaires des abbayes d’Aniane et de Gellone publiés d’après les manuscrits originaux : cartulaire d’Aniane. Montpellier, Société Archéologique de Montpellier, 1898, 450 p. C. Béz. : ROUQUETTE (J.) - Cartulaire de Béziers (Livre Noir). Paris-Montpellier, Picard-Valat, 1918, 568 p. C. Cassan : Cartulaire du prieuré de Cassan, notice sur le cartulaire du prieuré de Cassan et sur la copie de ce cartulaire trouvée par M. Jacques Fabre fils du bailli de Roujan. Manuscrit sur papier réglé, paginé A-H, 124 p., Archives de la ville de Montpellier, médiathèque centrale [MS 519]. C. C. Agde. : FOREVILLE (R.) – Le cartulaire du chapitre cathédral Saint-Étienne d’Agde, Paris, CNRS éditions, 1995, 583 p. C. 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